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M. Sacha HouliéDate : mercredi 25 novembre 2020Cible : Sur l'ensemble du texte
La proposition de loi relative à la sécurité globale est le fruit d’un intense travail parlementaire visant à compléter le recrutement de 10.000 agents supplémentaires, à déployer la police de sécurité du quotidien et à réinvestir massivement dans la sécurité publique, ainsi que la majorité s’y emploie depuis le début du quinquennat.
Ce texte d’initiative parlementaire poursuit des objectifs particulièrement louables.
Il vise à renforcer la protection de nos concitoyens en assurant la coopération efficace des différentes forces de sécurité : les polices nationale et municipale, la gendarmerie nationale et les agents de sécurité privée. Il s’agit de donner leur pleine mesure aux renforcements d’effectifs par l’optimisation de leurs interventions, la mutualisation de leurs moyens et le partage de leurs compétences pour garantir à chacun le droit à vivre paisiblement.
Ces dispositions doivent permettre de mieux encadrer le recours à des agents de sécurité privée dont les effectifs sont nécessaires à l’organisation des prochaines grandes compétitions internationales (Coupe du monde de rugby, Jeux Olympiques).
Il doit permettre de doter l’ensemble des policiers et gendarmes de caméras individuelles. Cette disposition recueille ma totale approbation tant l’on sait que l’enregistrement des interventions participe à un apaisement des relations entre citoyens et gardiens de la paix.
Toutefois, je voudrais exprimer certaines réserves.
L’article 21 modifie l’article L.241-1 du code de sécurité intérieure permettant aux agents engagés sur le terrain un accès direct aux enregistrements auxquels ils procèdent. Cette disposition m’interpelle quant à la neutralité d’une preuve qui serait consultable par l’une des parties. Elle me semble par ailleurs contraire aux préconisations de la délibération n°2016-865 de la CNIL sur le projet de décret du Conseil d’État portant application dudit article, qui estime que cette interdiction constitue une protection essentielle.
L’article 22 a le mérite de définir un cadre législatif d’utilisation et de traitement des images captées par caméras autoportées conformément à la décision rendue en référé par le Conseil d’État (CE, 18 mai 2020, n°44042). Le champ d’application prévu pour l’usage de cette technologie à l’article L.242-5 me semble toutefois excéder les mesures strictement nécessaires et proportionnées à la poursuite de l’objectif d’intérêt général tendant à garantir la sécurité publique.
L’article 23 étend les interdictions de crédit de réduction de peine lorsqu’une des infractions visées est commise au préjudice d’un élu, d’un représentant des forces de l’ordre, de l’administration pénitentiaire ou d’un pompier. Cette interdiction, aujourd’hui réservée aux seules infractions terroristes, m’apparaît disproportionnée et sujette à controverse dès lors qu’elle vient créer une catégorie de victimes dont les droits seraient supérieurs aux « victimes de droit commun ».
Je partage l’idée qu’aucun agent ne devrait être inquiété parce qu’il exerce son métier, ni craindre pour son intégrité parce qu’il remplit sa mission d’intérêt général. J’ai proposé un amendement de réécriture globale de l’article 24 afin d’objectiver le délit créé et d’en exclure les journalistes.
Cependant, sa concomitance avec l’article 25 du projet de loi renforçant nos principes républicains qui prévoit de sanctionner le « fait de révéler, diffuser ou transmettre, par quelque moyen que ce soit des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier dans le but de l’exposer, elle ou les membres de sa famille, à un risque immédiat d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique, ou aux biens » m’interroge sur la nécessité de le maintenir.
L’article 25 étend le droit du port d’arme hors service par les policiers ou les gendarmes en levant l’interdiction d’accès au porteur que peut opposer le propriétaire d’un établissement recevant du public. Aussi utile que puisse être cette disposition, elle est susceptible de créer des difficultés supérieures aux avantages qu’elle procure et vient porter atteinte au droit constitutionnel de protection de la propriété privée.
L’article 30A prescrit l’enregistrement de l’identité de l’acheteur d’articles pyrotechniques de divertissement ou le fait de refuser de conclure une vente si l'on suspecte un usage inapproprié. En l’état, ce texte présente des restrictions importantes à la commercialisation d’artifices de divertissement dont je souhaite autoriser l’usage dans les enceintes sportives.
En conséquence, au terme de l’examen en première lecture, je m’abstiendrai de voter cette proposition de loi.
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M. Bastien LachaudDate : mercredi 25 novembre 2020Cible : Sur l'ensemble du texte
La proposition de loi dite de « sécurité globale » est en réalité une loi de « surveillance générale » et « d’impunité totale » pour les éléments déviants des forces de l’ordre.
Sa philosophie n'est pas nouvelle : pour garantir de la sécurité il faut sacrifier des libertés. Cela fait vingt lois qu'on passe au nom de ce raisonnement fallacieux et chaque fois l'exécutif y revient en bêlant : "ce n'est pas assez".
L’article 22 prévoit de généraliser l’emploi des drones pour la surveillance de la population.
Il fait entrer dans le monde de Georges Orwell et de Big Brother.
Vous participez à une manifestation : Big Brother vous regarde et le sait ; vous traversez la frontière : Big Brother vous regarde et le sait ; vous marchez sur le trottoir à deux pas de la caserne des pompiers : Big Brother vous regarde et le sait ; vous croisez des convoyeurs de fonds : Big Brother vous regarde et le sait ; vous attendez votre petite amie au pied d’un immeuble où le trafic de stupéfiants sévit faute d’une véritable police de proximité : Big Brother vous regarde et le sait.
Avec cette loi, ce cauchemar deviendra réalité. Car toutes les situations énumérées sont prévues par cet article qui parle de « surveillance des littoraux et des zones frontalières », de « protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords" et de « prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques d’agression, de vol ou de trafic d’armes, d’êtres humains ou de stupéfiants". Bref, toutes les situations de la vie permettront qu’on mette un drone au-dessus de nos têtes. La population entière sera à brève échéance traitée comme suspecte.
Mais ce n’est pas le seul défaut de cet article. Il organise la confusion des missions de police et des missions de l’armée. Il énumère les cas d’emplois « d’aéronefs équipés de caméras » par je cite « les services de l’État concourant à la sécurité intérieure et à la défense nationale ». Cela ouvre une possibilité que les missions de la police et de l’armée deviennent interchangeables. C’est inimaginable et c’est dangereux. Les métiers de l’une ne sont pas les métiers de l’autre.
Signalons d’ailleurs que cette appellation d’« aéronefs » est lourde d’ambiguïtés menaçantes. Il ne s’agit pas seulement de drones. En l’état, cet article autorise l’emploi d’hélicoptères militaires équipés de caméras pour surveiller des opposants au gouvernement. Dans quel genre de régime cette possibilité existe-t-elle ?
L’article 24 est emblématique de la dérive, non pas sécuritaire, mais tout bonnement autoritaire du gouvernement.
Il s'agit notamment d'interdire de filmer des policiers. Quel recul inouï ! Même en Chine cela est autorisé depuis 2016 !
Quelle sorte de République requiert que les gardiens de la paix agissent dans l'ombre ? Quelle turpitude le gouvernement a-t-il résolu de faire disparaître des écrans ? Nous ne le savons que trop ! Il s'agit des violences commises contre les gilets jaunes, les grévistes, les étudiants, les journalistes, contre nos concitoyens.
Le gouvernement se drape des beaux principes du républicanisme mais les bafoue allègrement. Il a profité d'une proposition de loi de la majorité pour introduire une multitude d'amendements et s'affranchir de l'obligation de remettre une étude d'impact à leur sujet.
D'ailleurs, le problème est tel qu'au sein même de l'exécutif le pouvoir s'est réduit à une tête d'épingle : Emmanuel Macron a court-circuité le conseil des ministres et profite du secret du Conseil de Défense pour tout décider seul.
Ce Conseil de Défense utilisé pour gérer une crise sanitaire dit bien la confusion intellectuelle et même l'autoritarisme qui s'installent au sommet de l’État : quand on ne sait plus quoi faire, on prend des poses de chef de guerre et on appelle l'armée à la rescousse.
C'est le cas lorsque le président passe les effectifs de Sentinelle à 7000 personnes alors qu’aucun bilan de cette opération n’a été produit depuis 5 ans.
On étend le domaine de la surveillance et de la répression. La loi organise une véritable escalade en étendant les circonstances pour lesquels le port et l’emploi des armes sont autorisés. C’est un engrenage qui nous conduit dans une société "à l’américaine". Au lieu d’empêcher la commission des crimes, au lieu de désarmer les malfaisants de toute sorte, on engage une course avec eux. La sécurité des Françaises et des Françaises nécessite une lutte implacable contre tous les trafics qui minent la cohésion de la société. C’est la liberté d’action des criminels qu’il faut entraver et non celle des citoyens. Pour cela il faut que les missions de la police soient précises, qu’elle dispose de moyens suffisants et que son exemplarité restaure la confiance des citoyens.
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M. Hugues RensonDate : mercredi 25 novembre 2020Cible : Sur l'ensemble du texte
Fruit d’un travail parlementaire exemplaire avec la remise, le 11 septembre 2018, du rapport de leur mission qui fait référence en matière de continuum de la sécurité dans notre pays, la proposition de loi relative à la sécurité globale, votée ce jour à l’Assemblée nationale en 1re lecture, contient des dispositions utiles et nécessaires. Cependant, d’autres sont moins utiles et demeurent contestables.
Comme le précise le rapport législatif n°3527, le concept de sécurité globale correspond à l’idée d’une participation de tous – police nationale, gendarmerie, police municipale, sécurité privée, sécurité dans les transports – à la construction et à la mise en œuvre d’un dispositif où chacun est mobilisé en vue de l’objectif commun : la sécurité des personnes et des biens, ou la « sûreté », droit naturel de l’Homme au même titre que la liberté, la propriété et la résistance à l’oppression, selon l’article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.
Un premier texte, reprenant les conclusions du rapport de la mission parlementaire, avait été déposé à l’Assemblée nationale en janvier 2020. Un second texte, au contenu beaucoup plus dense et augmenté de nombreuses dispositions, a été déposé en octobre 2020. Ce texte d’origine parlementaire, inscrit par le Gouvernement sur une semaine d’ordre du jour relevant de son initiative avec l’engagement de la procédure accélérée, prenait ainsi une toute autre dimension.
Lors de son examen en commission, de très nombreux amendements d’origine gouvernementale ont été introduits, et le débat s’est déplacé sur des thématiques qui, si elles relèvent de la compétence du législateur, auraient gagné à faire l’objet des débats qui auront lieu lors de l’examen, en début d’année prochaine, du projet de loi confortant les principes républicains – d’origine gouvernementale, et donc soumis à l’avis préalable du Conseil d’Etat et doté d’une étude d’impact.
Ainsi, l’article 24 de la proposition de loi, tendant à encadrer la diffusion des images prises à l’occasion d’une intervention de police afin de protéger l’identité des agents par la création d’un délit de presse, a focalisé l’opinion publique tout en provoquant une division de la majorité parlementaire, ce qui est dommageable. Sur un sujet aussi fondamental que la sécurité de nos concitoyens et de nos forces de l’ordre, il faut pouvoir sauvegarder notre cohésion politique.
Pour autant, la proposition de loi relative à la sécurité globale permet la mise en œuvre d’une expérimentation relative au domaine d’intervention des policiers municipaux et crée une police municipale parisienne, sujet qui me tient particulièrement à cœur. Cette police municipale sera composée d’agents de la Ville de Paris et seront formés par elle. C’est le sens d’un amendement que j’ai cosigné et voté.
Cette proposition de loi concerne également l’encadrement de la sécurité privée et complète utilement son régime juridique. Elle améliore la sécurité dans le domaine des transports. Elle adapte le recours par les forces de l’ordre de nouveaux moyens techniques telles que les « caméras piéton ». Elle réglemente même, à l’initiative du Gouvernement, le commerce des mortiers d’artifice.
Comme je l’ai mentionné, toutes ces dispositions sont utiles et nécessaires. C’est pourquoi cette proposition de loi, qui sera bientôt examinée par le Sénat, doit aboutir et être votée puis promulguée. Le Premier ministre a annoncé, lors de la séance des questions au Gouvernement de ce mardi 24 novembre 2020, qu’il saisirait lui-même le Conseil constitutionnel sur la question de la constitutionnalité de l’article 24, comme la Constitution lui en donne le droit. Je ne peux que me féliciter de cette initiative, tout en regrettant que se concentrent sur cet article les préventions de nombreux organismes nationaux et internationaux. Je pense qu’avoir créé un délit de presse ayant pour objet de protéger nos forces de l’ordre n’est pas adéquat. Pour toutes ces raisons, je me suis abstenu sur le vote d’ensemble de cette proposition de loi ce mardi 24 novembre.
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M. Philippe LatombeDate : lundi 23 novembre 2020Cible : Sur l'ensemble du texte
Je voterai contre la proposition de loi Sécurité globale , malgré les ultimes tentatives de la rendre plus acceptable au regard des libertés publiques, parce que ce dispositif législatif présente des risques potentiels d’atteintes à la vie privée, aux principes d'égalité devant la loi et de proportionnalité d'individualisation des peines, à la liberté d'informer. Voilà qui fait beaucoup dans un domaine, celui des libertés fondamentales, où le moindre franchissement des lignes pose problème, me pose problème, surtout dans une démocratie censée porter haut l’étendard historique des libertés.
Le code pénal et la loi de 1881 protègent déjà nos forces de l’ordre et je rappelle que le droit d’informer appartient à chaque citoyen. Par ailleurs, le terme de « manifeste » ne rend pas le délit d’intention plus acceptable au regard du droit. La police et la gendarmerie nationales sont des institutions publiques et républicaines à qui tout citoyen doit le respect, c‘est incontestable. J’ai toujours clairement affiché mon soutien aux forces de l’ordre. Cependant, leurs agents doivent pouvoir faire l'objet d'un contrôle public dans l'exercice de leurs fonctions.
Par ailleurs, et dans le même esprit, si je suis un défenseur des nouvelles technologies, je ne souhaite pas pour autant qu’il en soit fait un usage systématique : le recours à des technologies potentiellement invasives et intrusives ne peut se faire que dans un champ d’application extrêmement borné et circonstancié sur le plan juridique. Plus encore, le vide du texte sur la reconnaissance faciale laisse la voie libre à des ordonnances ultérieures qui permettraient l’usage décomplexé d’une telle technologie.
Mais bien au-delà de toutes ces réserves sur le fond, et la liste n’en est pas ici exhaustive, je regrette les conditions déplorables dans lesquelles s’est déroulé le débat parlementaire. Je laisserai de côté l’argumentation « sommaire » d’un collègue partisan du dispositif, me conseillant en pleine commission des lois, d’aller me faire « déniaiser ». La vulgarité du propos n’a d’égale que l’absence très « globale », effectivement, de considération manifestée à l’égard de la représentation nationale et de son rôle.
Pas d’étude d’impact, pas de saisine de la CNIL, pas d’avis du Conseil d’Etat portant sur l’ensemble du dispositif, une simple proposition de loi qui finit par ressembler à un projet de loi, mélange des genres inadmissible. Pourtant l’idée d’un continuum de sécurité et d’une montée en compétence des polices municipales aurait pu être un beau projet, celui, circonscrit, de la proposition de loi initiale. Et cela aurait dû s’en tenir à cela.
Je rappellerai le dépôt « en force » par le gouvernement de tant d’amendements importants, après la commission des lois, juste avant la séance, comme ceux sur l’article 22, heureusement retirés depuis, qui avaient été déposés sans en avoir prévenu le Conseil d’Etat, pourtant sollicité en amont sur ce seul article ; la tentative avortée d’habilitation à légiférer par ordonnance. On parle aussi d’un futur décret en Conseil d’Etat qui annihilerait le rôle du parlement
Enfin, le futur article 25 du projet de loi séparatisme opportunément dévoilé au tout dernier moment, est infiniment plus large et répressif que l’article 24 de la proposition de loi Sécurité globale et ce, sans que les parlementaires en aient été informés dans des délais suffisants pour leur permettre de déposer des amendements éclairés, une condition pourtant nécessaire pour la clarté et la sincérité des débats parlementaires, un principe constitutionnel, consacré en 2005, et présenté comme une garantie nécessaire pour assurer le respect des règles énoncées à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 (« La loi est l'expression de la volonté générale ») et au premier alinéa de l'article 3 de la Constitution (« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants »).