XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023
Séance du jeudi 12 janvier 2023
- Présidence de Mme Naïma Moutchou
- 1. Supprimer les zones à faibles émissions mobilité
- Discussion des articles (suite)
- Article 1er (suite)
- Amendements nos 1, 7, 9, 12, 17 et 21
- M. Pierre Meurin, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
- M. Jean-Marc Zulesi, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
- M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
- Article 2
- Après l’article 2
- Amendement no 25
- Article 1er (suite)
- Discussion des articles (suite)
- 2. Droit de visite des parlementaires dans les établissements sociaux et médico-sociaux
- 3. Port d’une tenue uniforme à l’école
- 4. Revivifier la représentation politique
- 5. Ordre du jour de la prochaine séance
2e séance
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à supprimer les zones à faibles émissions mobilité (nos 257 rectifié, 663).
Ce matin, l’Assemblée a commencé la discussion des articles de la proposition de loi, s’arrêtant aux amendements identiques nos 1, 7, 9, 12, 17 et 21 à l’article 1er.
Je suis saisie de six amendements identiques, nos 1, 7, 9, 12, 17 et 21, visant à supprimer l’article et sur lesquels je suis saisie d’une demande de scrutin public de la part du groupe Rassemblement national.
Très bonne chose !
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Christine Arrighi, pour soutenir l’amendement no 1. Je l’ai dit ce matin lors de mon intervention à la tribune, Santé publique France évalue à 48 000 le nombre de décès prématurés dus à la pollution de l’air chaque année, ce qui représente 9 % de la mortalité en France et une perte d’espérance de vie à 30 ans pouvant dépasser deux ans.
Le coût sanitaire annuel total de la pollution de l’air est évalué à 100 milliards d’euros – je dis bien 100 milliards d’euros ! L’instauration de ZFE – zones à faibles émissions – constitue donc une mesure importante pour notre budget et pour la santé de nos concitoyens, dont 30 % sont atteints d’une allergie respiratoire. En outre, ce sont les plus jeunes et les plus précaires qui, dans les quartiers populaires, comme à Toulouse, subissent la double peine des pollutions routières et de la proximité des incinérateurs.
C’est pourquoi nous proposons, avec cet amendement, la suppression de cet article, qui fait fi de la santé des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.) La parole est à M. Jean-Luc Fugit, pour soutenir l’amendement no 7. Le groupe Renaissance souhaite également supprimer cet article. Lors de la discussion générale, je vous ai retracé les raisons qui nous ont conduits à créer les ZFE mobilité (ZFE-m), et je tiens, à l’occasion de la présentation de cet amendement, à apporter quelques compléments et à répondre à l’interpellation que M. le rapporteur a faite en fin de matinée.
Lors de la discussion générale, nous avons été nombreux – ce qui est heureux – à évoquer l’impact négatif de la pollution de l’air sur notre santé. Mais à l’impact sanitaire s’ajoutent également, Mme Arrighi vient de le dire, des incidences socio-économiques – la pollution représente effectivement un coût de près de 100 milliards d’euros par an –, en raison de ses conséquences sur la biodiversité, sur les rendements agricoles – en baisse de 15 à 20 % s’agissant du blé, par exemple –,… Eh oui ! …ou encore sur l’état des bâtiments. La pollution atmosphérique n’est pas qu’une histoire de santé : c’est aussi un enjeu environnemental majeur.
Depuis une vingtaine d’années, les politiques publiques ont progressé dans ce domaine, mais de manière insuffisante, ce qui doit nous amener à aller beaucoup plus loin. Tout le monde l’a rappelé, la France est visée par des contentieux européens et a été condamnée à des astreintes par le Conseil d’État, ce qui démontre qu’il demeure un problème.
De plus, fin 2021, l’OMS – Organisation mondiale de la santé – a publié des objectifs de qualité de l’air encore plus contraignants qu’aujourd’hui. Actuellement, en moyenne annuelle, les concentrations en dioxyde d’azote, dont la source principale est la circulation d’automobiles fonctionnant aux énergies fossiles, ne doivent pas dépasser 40 microgrammes par mètre cube. Selon les nouvelles normes de l’OMS qui seront reprises dans une directive européenne dans le courant de l’année 2023, le seuil de 10 microgrammes par mètre cube devra bientôt être respecté, et ce non pour embêter les gens, mais pour des raisons de santé.
Ainsi devons-nous renforcer nos politiques publiques afin de réduire les risques environnementaux sur la santé humaine,… Merci, monsieur Fugit. …comme l’a encore rappelé hier Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, à l’occasion d’un séminaire organisé par le Haut Conseil de la santé publique. Votre temps est écoulé, cher collègue. En y assistant et en écoutant les 300 scientifiques qui s’y sont exprimés, vous auriez pu, monsieur le rapporteur, choisir de retirer votre proposition de loi. (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur.) La parole est à Mme Anne-Cécile Violland, pour soutenir l’amendement no 9. Les choses étant très simples, je serai très concise : face à l’irresponsabilité de ce texte, il faut absolument le supprimer. L’amendement est défendu. La parole est à M. Bruno Millienne, pour soutenir l’amendement no 12. Sans surprise, le groupe Démocrate propose également la suppression de cet article. Je ne reprendrai pas tout ce que mes collègues ont dit et me concentrerai plutôt que sur ce qui est actuellement entrepris et qui, malheureusement, ne se sait pas au-delà du périmètre local.
Nous ne sommes pas restés les deux pieds dans le même sabot depuis la publication du rapport de la mission flash sur les mesures d’accompagnement de la création de zones à faibles émissions mobilité, que j’ai corédigé avec Gérard Leseul. Le Gouvernement, que je remercie, a pris les choses à bras-le-corps et elles ont beaucoup évolué. Des solutions nous remontent quotidiennement du terrain et nous travaillons ardemment, avec le club automobile Roole et d’autres structures, afin de fournir aux plus précaires des véhicules décarbonés grâce à des leasings d’un montant de 80 euros par mois sur cinq ans. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Eh oui ! Voilà la réalité du terrain, que vous auriez constatée si vous vous y étiez rendu. De nombreuses propositions remontent des territoires, notamment de la part des loueurs, jusqu’au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires – à qui je transmettrai d’ailleurs une note tout à l’heure. Il faut les relayer dans votre circonscription, monsieur le rapporteur ! De plus, le comité ministériel des ZFE-m a été nommé, ce qui est important. Celui-ci a réuni des élus locaux et institué des groupes de travail sur l’harmonisation des règles et sur l’acceptabilité sociale des ZFE-m. Nous n’agissons d’ailleurs pas uniquement sur le trafic routier, mais aussi sur les zones portuaires et industrielles, qui polluent également, car nous ne voulons pas faire peser sur les seuls automobilistes l’ensemble de la lutte contre la pollution de l’air.
De la même manière, si nous avons interdit la location de logements classés F et G, c’est pour lutter à la fois contre la pollution de l’air et contre l’habitat précaire.
Voilà les actions que nous menons et je vous invite à nos côtés sur le terrain pour vous en rendre compte. Si je n’avais pas la conviction profonde que nous pouvons parvenir à instaurer les ZFE-m d’ici à 2032, je ne les défendrais pas comme je le fais. La parole est à Mme Louise Morel, pour soutenir l’amendement no 17. Il vise également à supprimer les dispositions contenues dans l’article 1er de cette proposition de loi qui tend à abroger les ZFE-m, qui présentent des intérêts environnementaux et sanitaires, et des avantages sur le plan juridique.
S’agissant d’abord de l’environnement et de la santé, faut-il rappeler que nous n’avons pas de planète B et que la lutte contre le dérèglement climatique doit rester une priorité ? Les niveaux de pollution dans les zones urbaines sont tels qu’ils présentent des risques avérés pour la santé des riverains. La pollution de l’air est responsable de 47 000 morts dans notre pays chaque année, et le transport est l’activité qui émet le plus de gaz à effet de serre. Cela n’a rien à voir ! Au plan juridique, la France s’est engagée aux niveaux européen et international à réduire ses émissions de gaz à effet de serre dans le cadre de notre accord de Paris du 12 décembre 2015. La France peine néanmoins à tenir ses engagements et se voit régulièrement condamnée à de lourdes sanctions, tant au niveau national qu’européen, par exemple à l’occasion du litige opposant la commune de Grande-Synthe à l’État que le Conseil d’État a condamné pour inaction climatique, en juillet 2021, à verser une astreinte de 10 millions d’euros par semestre. C’est votre bilan ! Nous ne respectons pas l’accord de Paris et, dans ce contexte, les ZFE-m ont été instaurées afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les agglomérations concernées par le dépassement des valeurs seuils imposées par la directive de 2008 relative à la qualité de l’air et les plans de protection de l’atmosphère (PPA).
Les ZFE-m sont un outil concret permettant de mesurer l’action de l’État dans la réalisation de ses objectifs, sachant que du point de vue des finances publiques, elles contribueront à nous éviter de payer des astreintes. La suppression des ZFE-m constitue ainsi une mesure dogmatique qui ne va absolument pas dans le sens de l’histoire. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et LIOT.) La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l’amendement no 21. Vous le savez, le groupe Socialistes et apparentés est tout à fait opposé à cette proposition de loi visant à supprimer les ZFE-m, et à la démagogie du Rassemblement national, qui cherche non pas à défendre nos concitoyens les plus modestes, mais simplement à entretenir une tension entre ruralité et métropoles.
En ce qui nous concerne, nous demandons de mieux cibler et de renforcer les aides directes à l’achat d’un véhicule moins émetteur de gaz à effet de serre pour les classes moyennes et modestes. Il faut ouvrir ces aides aux véhicules classés Crit’Air 2, lesquels sont plus abordables financièrement, et rapidement instaurer le dispositif de prêt à taux zéro (PTZ) garanti par l’État que nous avons réclamé.
Par ailleurs, il convient d’instaurer un guichet unique de demande et d’obtention des aides, d’harmoniser les règles relatives aux professionnels, de développer le rétrofit et d’autoriser temporairement le bioéthanol.
Nous devons bien sûr aussi fortement favoriser le transport collectif partout où cela est possible. Nous nous sommes prononcés en ce sens lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, en émettant l’idée d’un ticket mobilité climat à prix modique – sur le modèle de ce qu’ont fait nos voisins allemands –, ou encore de la gratuité des transports publics, comme en ont décidé certaines collectivités locales ambitieuses et responsables.
Ajoutons qu’il convient aussi de faire preuve de souplesse, avec la création d’un carnet d’usage. Nous le disions ce matin, il faut en effet revenir aux usages des automobilistes.
Enfin, il est indispensable d’étendre les ZFE-m aux industries et aux ports, afin de lutter contre toutes les sources de pollution de l’air et d’éviter que nos concitoyens automobilistes ne perçoivent les ZFE-m que sous un jour stigmatisant et inéquitable.
Mais vous ne proposez rien de tout cela et, au fond, vous ne proposez rien du tout dans ce texte. C’est pourquoi nous voulons supprimer l’article 1er. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.) Limpide ! La parole est à M. Pierre Meurin, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements identiques. Monsieur Leseul, vous dites que nous ne proposons rien, mais en déposant un amendement visant à supprimer l’article 1er, vous ne proposez rien non plus sur la question des ZFE-m. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Or je rappelle que vous avez mené une mission flash avec M. Millienne sur cette thématique, mission à l’issue de laquelle vous avez formulé certaines recommandations. Ainsi, plutôt que de chercher à supprimer purement et simplement notre proposition de loi au nom d’une posture politicienne, il vous était possible et il nous aurait été agréable, dans une recherche de consensus, de discuter de vos propositions. Vous ne nous avez pas auditionnés, charlot ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.) Vous auriez pu essayer de les incorporer dans le texte et nous aurions pu entériner dès à présent certaines de vos préconisations, auxquelles nous adhérons pour partie. C’est de la mauvaise foi ! Et ce que je dis est évidemment aussi valable pour M. Millienne, qui a également défendu un amendement de suppression de l’article. Ainsi, c’est vous qui, en définitive, adoptez une posture politicienne ; et pas nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Ce fut d’ailleurs la même chose lors de l’examen du texte en commission, lors duquel vous n’avez rien proposé. Vous ne nous avez pas auditionnés ! Monsieur Leseul, vous dites qu’il faut garder les ZFE-m, car 40 000 personnes meurent chaque année de la pollution de l’air. Certes, mais vous pointez aussi la totalité des défauts de ce dispositif, défauts que j’ai moi-même énumérés ce matin lors de la présentation de la proposition de loi, puis à l’issue de la discussion générale. Je peine donc intellectuellement à vous comprendre. Oui, c’est sûr ! Loin des postures politiciennes, il aurait été possible de discuter, d’amender, d’enrichir ce texte, au lieu de chercher purement et simplement à le supprimer.
En réalité, les difficultés sociales liées aux ZFE-m ne vous intéressent pas et les Français ne tarderont pas à vous en remercier lorsqu’ils auront été verbalisés – les verbalisations ont commencé – pour avoir utilisé une Clio classée Crit’Air 5. (Exclamations sur quelques bancs des groupes RE et Dem.) Arrêtez d’agiter les peurs ! Je le répète, vous auriez pu, dans le cadre du texte que nous vous soumettons, défendre vos préconisations. De cette manière, nous aurions pu avancer ensemble vers une meilleure acceptabilité sociale des ZFE-m. Vous serez donc les seuls responsables du séparatisme que ces zones engendrent sur nos territoires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Alors qu’un vote aura lieu dans quelques instants sur ces amendements, j’en appelle logiquement aux membres des groupes Les Républicains et La France insoumise-NUPES – groupes qui ont tous deux déposé des amendements visant à réécrire l’article 1er. En effet, si vous voulez qu’ils soient discutés, il faut que vous repoussiez les présents amendements de suppression qui les feraient tomber – ou bien c’est que vos amendements n’étaient destinés qu’à faire de la communication. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
J’insiste, si vous souhaitez réellement que les amendements visant à réécrire l’article soient discutés, j’invite solennellement les députés Les Républicains, et Insoumis, et tous ceux de bonne volonté, à rejeter les présents amendements de suppression. En effet, j’aurais aimé qu’il y ait ici une unanimité pour lutter contre le séparatisme social que les ZFE-m représentent et que nous ayons dès à présent une discussion riche. Je donne donc à titre personnel un avis défavorable sur les amendements identiques nos 1, 7, 9, 12, 17 et 21. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Je souhaitais prendre la parole car M. le rapporteur a malheureusement remis en cause l’excellent travail de notre commission et notamment la mission flash menée par Bruno Millienne et Gérard Leseul dans une démarche transpartisane. Je rappelle que c’est grâce au travail de fond de M. Leseul et à son approche de coconstruction que la commission mixte paritaire (CMP) sur la loi « climat et résilience » a pu aboutir. Il est en effet à l’origine de la très bonne idée du prêt à taux zéro qui – je suis d’accord avec vous, monsieur Leseul – doit évoluer vers une garantie de l’État.
Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas remettre en cause le travail de notre commission ni de sa mission transpartisane. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) Toutes les propositions de cette mission ont été saluées alors que votre proposition de loi ne présente aucune solution puisqu’elle se contente de supprimer les zones à faibles émissions mobilité. Oui, de les détruire ! Vous ne proposez aucune solution face à la pollution de l’air ! Vous ne proposez aucune solution pour accompagner socialement nos concitoyens ! Votre proposition de simplement décalaminer n’est pas à la hauteur des enjeux auxquels nous faisons face.
Chers collègues, supprimons… Les voitures ! …cet article et continuons, ensemble, à accompagner nos concitoyens dans les territoires en faisant de l’aménagement et du développement durables une priorité de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Dans la continuité des échanges de ce matin, je veux rappeler la disponibilité du Gouvernement pour regarder comment le dispositif peut être amélioré. Il est temps ! Cette journée n’est pas simplement celle de l’examen d’une proposition de loi qui, à bien des égards, relève d’une forme de démagogie. Elle est également celle de la nomination d’un référent interministériel, qui a eu lieu ce matin, et de l’installation du comité de coordination avec l’ensemble des métropoles concernées, chargé du suivi des mesures. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Elle est enfin celle où je prends devant vous l’engagement que l’État garantira les prêts à taux zéro, c’est un point qui a été évoqué ce matin et c’est un souhait des parlementaires de tous bords. Le dispositif sera finalisé dans les prochains jours.
Avant d’être une nécessité environnementale, la réussite des zones à faibles émissions est une nécessité de santé publique. Les arguments pour tergiverser ne doivent pas l’emporter face à la réalité des décès dans notre pays.
Avis favorable aux amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) J’ai plusieurs demandes de prises de parole. Comme nous l’avons fait ce matin, je vous propose de donner la parole à un orateur pour les amendements et à un orateur contre les amendements, avant de passer au vote.
La parole est à M. Emmanuel Blairy. Nous entendons beaucoup de choses depuis tout à l’heure et le débat est intéressant. Nous ne sommes évidemment pas opposés à la lutte contre les différentes formes de pollution : nous demandons simplement à ce que les dispositifs de lutte contre la pollution, tel que les zones à faibles émissions, soient en cohérence avec le quotidien des Français.
Monsieur le président de la commission, monsieur le ministre, vous nous reprochez de n’apporter aucune solution mais cette proposition de loi est une solution aux problèmes des Français, notamment ceux de la classe moyenne, afin qu’ils puissent encore se déplacer. Comment vont-ils faire ?
Je souhaite dénoncer une certaine forme de malhonnêteté. Les morts liées à la pollution sont bien sûr très graves mais elles ne sont pas toutes dues à la pollution causée par les automobiles. Ainsi, à Marseille, la moitié de la pollution subie par la ville est due au port. Ce n’est pourtant pas pris en compte !
Monsieur le ministre, il est également malhonnête de ne pas dire aux Français qu’il existe des dérogations. J’ai regardé cette question de près et j’ai pu constater que, à Paris, une dérogation est prévue pour les véhicules de collection. Je rappelle qu’une carte grise peut porter la mention de véhicule de collection si son propriétaire le possède depuis plus de trente ans. Ainsi, une 306 turbo diesel – c’est un exemple symbolique – immatriculée en 1993 peut circuler aujourd’hui dans Paris. Vous voyez la plaque ? Vous êtes à côté ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Nous venons d’entendre un avis défavorable aux amendements de suppression. La parole est à M. Bruno Millienne pour exprimer un avis favorable. Monsieur Meurin, votre explication me laisse abasourdi. Rien ne vous empêchait d’assister aux auditions que nous avons menées avec Gérard Leseul. On ne vous a pourtant pas vu. Eh oui ! J’en ai fait moi-même ! Déposer des amendements pour réécrire la loi sur les ZFE dans le cadre d’une proposition de loi visant à la suppression de cette même loi, cela n’a aucun sens. C’est n’importe quoi !
La différence entre vous et nous, c’est que nous, une fois que nous avons mené une mission flash pour poser un diagnostic, nous ne nous arrêtons pas là. Le processus législatif ne s’arrête pas au vote de la loi, il faut veiller à son application. C’est ce que nous nous employons à faire, avec Gérard Leseul et d’autres députés. Nous sommes sur le terrain tous les jours. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Venez avec moi à Strasbourg pour discuter des solutions avec les élus ! Vous n’avez même pas été foutu de nous auditionner, Gérard Leseul et moi. M. Meurin n’est pas un homme qui aime perdre son temps. Le boulot n’a pas été fait et votre proposition de loi est purement démagogique ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et RE.) La parole est à M. le rapporteur. Monsieur Millienne, je vous ai trouvé beaucoup plus modéré dans vos propos en commission. Vous me reprochez de ne pas avoir été « foutu » de vous auditionner. J’ai bien compris que vous étiez très vexé ! Non, pas du tout ! Si, vous l’avez répété au moins quatorze fois depuis nos discussions en commission ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe RN.)
J’ai lu attentivement le rapport de votre mission flash. Il ne pointe que des difficultés. Les auditions sont à charge et à décharge. Vous écrivez quatorze fois que le public doit être consulté. Votre loi a été votée il y a trois ans et vous n’avez informé personne. Votre position est celle d’un tartuffe politicien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Je mets aux voix les amendements identiques nos 1, 7, 9, 12, 17 et 21. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 219
Nombre de suffrages exprimés 218
Majorité absolue 110
Pour l’adoption 124
Contre 94 (Les amendements identiques nos 1, 7, 9, 12, 17 et 21 sont adoptés. En conséquence, l’article 1er est supprimé et les amendements nos 13, 23, 16, 20 et 15 tombent.)
La parole est à Mme Christine Arrighi, pour soutenir l’amendement no 1. Je l’ai dit ce matin lors de mon intervention à la tribune, Santé publique France évalue à 48 000 le nombre de décès prématurés dus à la pollution de l’air chaque année, ce qui représente 9 % de la mortalité en France et une perte d’espérance de vie à 30 ans pouvant dépasser deux ans.
Le coût sanitaire annuel total de la pollution de l’air est évalué à 100 milliards d’euros – je dis bien 100 milliards d’euros ! L’instauration de ZFE – zones à faibles émissions – constitue donc une mesure importante pour notre budget et pour la santé de nos concitoyens, dont 30 % sont atteints d’une allergie respiratoire. En outre, ce sont les plus jeunes et les plus précaires qui, dans les quartiers populaires, comme à Toulouse, subissent la double peine des pollutions routières et de la proximité des incinérateurs.
C’est pourquoi nous proposons, avec cet amendement, la suppression de cet article, qui fait fi de la santé des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.) La parole est à M. Jean-Luc Fugit, pour soutenir l’amendement no 7. Le groupe Renaissance souhaite également supprimer cet article. Lors de la discussion générale, je vous ai retracé les raisons qui nous ont conduits à créer les ZFE mobilité (ZFE-m), et je tiens, à l’occasion de la présentation de cet amendement, à apporter quelques compléments et à répondre à l’interpellation que M. le rapporteur a faite en fin de matinée.
Lors de la discussion générale, nous avons été nombreux – ce qui est heureux – à évoquer l’impact négatif de la pollution de l’air sur notre santé. Mais à l’impact sanitaire s’ajoutent également, Mme Arrighi vient de le dire, des incidences socio-économiques – la pollution représente effectivement un coût de près de 100 milliards d’euros par an –, en raison de ses conséquences sur la biodiversité, sur les rendements agricoles – en baisse de 15 à 20 % s’agissant du blé, par exemple –,… Eh oui ! …ou encore sur l’état des bâtiments. La pollution atmosphérique n’est pas qu’une histoire de santé : c’est aussi un enjeu environnemental majeur.
Depuis une vingtaine d’années, les politiques publiques ont progressé dans ce domaine, mais de manière insuffisante, ce qui doit nous amener à aller beaucoup plus loin. Tout le monde l’a rappelé, la France est visée par des contentieux européens et a été condamnée à des astreintes par le Conseil d’État, ce qui démontre qu’il demeure un problème.
De plus, fin 2021, l’OMS – Organisation mondiale de la santé – a publié des objectifs de qualité de l’air encore plus contraignants qu’aujourd’hui. Actuellement, en moyenne annuelle, les concentrations en dioxyde d’azote, dont la source principale est la circulation d’automobiles fonctionnant aux énergies fossiles, ne doivent pas dépasser 40 microgrammes par mètre cube. Selon les nouvelles normes de l’OMS qui seront reprises dans une directive européenne dans le courant de l’année 2023, le seuil de 10 microgrammes par mètre cube devra bientôt être respecté, et ce non pour embêter les gens, mais pour des raisons de santé.
Ainsi devons-nous renforcer nos politiques publiques afin de réduire les risques environnementaux sur la santé humaine,… Merci, monsieur Fugit. …comme l’a encore rappelé hier Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, à l’occasion d’un séminaire organisé par le Haut Conseil de la santé publique. Votre temps est écoulé, cher collègue. En y assistant et en écoutant les 300 scientifiques qui s’y sont exprimés, vous auriez pu, monsieur le rapporteur, choisir de retirer votre proposition de loi. (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur.) La parole est à Mme Anne-Cécile Violland, pour soutenir l’amendement no 9. Les choses étant très simples, je serai très concise : face à l’irresponsabilité de ce texte, il faut absolument le supprimer. L’amendement est défendu. La parole est à M. Bruno Millienne, pour soutenir l’amendement no 12. Sans surprise, le groupe Démocrate propose également la suppression de cet article. Je ne reprendrai pas tout ce que mes collègues ont dit et me concentrerai plutôt que sur ce qui est actuellement entrepris et qui, malheureusement, ne se sait pas au-delà du périmètre local.
Nous ne sommes pas restés les deux pieds dans le même sabot depuis la publication du rapport de la mission flash sur les mesures d’accompagnement de la création de zones à faibles émissions mobilité, que j’ai corédigé avec Gérard Leseul. Le Gouvernement, que je remercie, a pris les choses à bras-le-corps et elles ont beaucoup évolué. Des solutions nous remontent quotidiennement du terrain et nous travaillons ardemment, avec le club automobile Roole et d’autres structures, afin de fournir aux plus précaires des véhicules décarbonés grâce à des leasings d’un montant de 80 euros par mois sur cinq ans. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Eh oui ! Voilà la réalité du terrain, que vous auriez constatée si vous vous y étiez rendu. De nombreuses propositions remontent des territoires, notamment de la part des loueurs, jusqu’au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires – à qui je transmettrai d’ailleurs une note tout à l’heure. Il faut les relayer dans votre circonscription, monsieur le rapporteur ! De plus, le comité ministériel des ZFE-m a été nommé, ce qui est important. Celui-ci a réuni des élus locaux et institué des groupes de travail sur l’harmonisation des règles et sur l’acceptabilité sociale des ZFE-m. Nous n’agissons d’ailleurs pas uniquement sur le trafic routier, mais aussi sur les zones portuaires et industrielles, qui polluent également, car nous ne voulons pas faire peser sur les seuls automobilistes l’ensemble de la lutte contre la pollution de l’air.
De la même manière, si nous avons interdit la location de logements classés F et G, c’est pour lutter à la fois contre la pollution de l’air et contre l’habitat précaire.
Voilà les actions que nous menons et je vous invite à nos côtés sur le terrain pour vous en rendre compte. Si je n’avais pas la conviction profonde que nous pouvons parvenir à instaurer les ZFE-m d’ici à 2032, je ne les défendrais pas comme je le fais. La parole est à Mme Louise Morel, pour soutenir l’amendement no 17. Il vise également à supprimer les dispositions contenues dans l’article 1er de cette proposition de loi qui tend à abroger les ZFE-m, qui présentent des intérêts environnementaux et sanitaires, et des avantages sur le plan juridique.
S’agissant d’abord de l’environnement et de la santé, faut-il rappeler que nous n’avons pas de planète B et que la lutte contre le dérèglement climatique doit rester une priorité ? Les niveaux de pollution dans les zones urbaines sont tels qu’ils présentent des risques avérés pour la santé des riverains. La pollution de l’air est responsable de 47 000 morts dans notre pays chaque année, et le transport est l’activité qui émet le plus de gaz à effet de serre. Cela n’a rien à voir ! Au plan juridique, la France s’est engagée aux niveaux européen et international à réduire ses émissions de gaz à effet de serre dans le cadre de notre accord de Paris du 12 décembre 2015. La France peine néanmoins à tenir ses engagements et se voit régulièrement condamnée à de lourdes sanctions, tant au niveau national qu’européen, par exemple à l’occasion du litige opposant la commune de Grande-Synthe à l’État que le Conseil d’État a condamné pour inaction climatique, en juillet 2021, à verser une astreinte de 10 millions d’euros par semestre. C’est votre bilan ! Nous ne respectons pas l’accord de Paris et, dans ce contexte, les ZFE-m ont été instaurées afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les agglomérations concernées par le dépassement des valeurs seuils imposées par la directive de 2008 relative à la qualité de l’air et les plans de protection de l’atmosphère (PPA).
Les ZFE-m sont un outil concret permettant de mesurer l’action de l’État dans la réalisation de ses objectifs, sachant que du point de vue des finances publiques, elles contribueront à nous éviter de payer des astreintes. La suppression des ZFE-m constitue ainsi une mesure dogmatique qui ne va absolument pas dans le sens de l’histoire. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et LIOT.) La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l’amendement no 21. Vous le savez, le groupe Socialistes et apparentés est tout à fait opposé à cette proposition de loi visant à supprimer les ZFE-m, et à la démagogie du Rassemblement national, qui cherche non pas à défendre nos concitoyens les plus modestes, mais simplement à entretenir une tension entre ruralité et métropoles.
En ce qui nous concerne, nous demandons de mieux cibler et de renforcer les aides directes à l’achat d’un véhicule moins émetteur de gaz à effet de serre pour les classes moyennes et modestes. Il faut ouvrir ces aides aux véhicules classés Crit’Air 2, lesquels sont plus abordables financièrement, et rapidement instaurer le dispositif de prêt à taux zéro (PTZ) garanti par l’État que nous avons réclamé.
Par ailleurs, il convient d’instaurer un guichet unique de demande et d’obtention des aides, d’harmoniser les règles relatives aux professionnels, de développer le rétrofit et d’autoriser temporairement le bioéthanol.
Nous devons bien sûr aussi fortement favoriser le transport collectif partout où cela est possible. Nous nous sommes prononcés en ce sens lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, en émettant l’idée d’un ticket mobilité climat à prix modique – sur le modèle de ce qu’ont fait nos voisins allemands –, ou encore de la gratuité des transports publics, comme en ont décidé certaines collectivités locales ambitieuses et responsables.
Ajoutons qu’il convient aussi de faire preuve de souplesse, avec la création d’un carnet d’usage. Nous le disions ce matin, il faut en effet revenir aux usages des automobilistes.
Enfin, il est indispensable d’étendre les ZFE-m aux industries et aux ports, afin de lutter contre toutes les sources de pollution de l’air et d’éviter que nos concitoyens automobilistes ne perçoivent les ZFE-m que sous un jour stigmatisant et inéquitable.
Mais vous ne proposez rien de tout cela et, au fond, vous ne proposez rien du tout dans ce texte. C’est pourquoi nous voulons supprimer l’article 1er. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.) Limpide ! La parole est à M. Pierre Meurin, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements identiques. Monsieur Leseul, vous dites que nous ne proposons rien, mais en déposant un amendement visant à supprimer l’article 1er, vous ne proposez rien non plus sur la question des ZFE-m. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Or je rappelle que vous avez mené une mission flash avec M. Millienne sur cette thématique, mission à l’issue de laquelle vous avez formulé certaines recommandations. Ainsi, plutôt que de chercher à supprimer purement et simplement notre proposition de loi au nom d’une posture politicienne, il vous était possible et il nous aurait été agréable, dans une recherche de consensus, de discuter de vos propositions. Vous ne nous avez pas auditionnés, charlot ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.) Vous auriez pu essayer de les incorporer dans le texte et nous aurions pu entériner dès à présent certaines de vos préconisations, auxquelles nous adhérons pour partie. C’est de la mauvaise foi ! Et ce que je dis est évidemment aussi valable pour M. Millienne, qui a également défendu un amendement de suppression de l’article. Ainsi, c’est vous qui, en définitive, adoptez une posture politicienne ; et pas nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Ce fut d’ailleurs la même chose lors de l’examen du texte en commission, lors duquel vous n’avez rien proposé. Vous ne nous avez pas auditionnés ! Monsieur Leseul, vous dites qu’il faut garder les ZFE-m, car 40 000 personnes meurent chaque année de la pollution de l’air. Certes, mais vous pointez aussi la totalité des défauts de ce dispositif, défauts que j’ai moi-même énumérés ce matin lors de la présentation de la proposition de loi, puis à l’issue de la discussion générale. Je peine donc intellectuellement à vous comprendre. Oui, c’est sûr ! Loin des postures politiciennes, il aurait été possible de discuter, d’amender, d’enrichir ce texte, au lieu de chercher purement et simplement à le supprimer.
En réalité, les difficultés sociales liées aux ZFE-m ne vous intéressent pas et les Français ne tarderont pas à vous en remercier lorsqu’ils auront été verbalisés – les verbalisations ont commencé – pour avoir utilisé une Clio classée Crit’Air 5. (Exclamations sur quelques bancs des groupes RE et Dem.) Arrêtez d’agiter les peurs ! Je le répète, vous auriez pu, dans le cadre du texte que nous vous soumettons, défendre vos préconisations. De cette manière, nous aurions pu avancer ensemble vers une meilleure acceptabilité sociale des ZFE-m. Vous serez donc les seuls responsables du séparatisme que ces zones engendrent sur nos territoires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Alors qu’un vote aura lieu dans quelques instants sur ces amendements, j’en appelle logiquement aux membres des groupes Les Républicains et La France insoumise-NUPES – groupes qui ont tous deux déposé des amendements visant à réécrire l’article 1er. En effet, si vous voulez qu’ils soient discutés, il faut que vous repoussiez les présents amendements de suppression qui les feraient tomber – ou bien c’est que vos amendements n’étaient destinés qu’à faire de la communication. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
J’insiste, si vous souhaitez réellement que les amendements visant à réécrire l’article soient discutés, j’invite solennellement les députés Les Républicains, et Insoumis, et tous ceux de bonne volonté, à rejeter les présents amendements de suppression. En effet, j’aurais aimé qu’il y ait ici une unanimité pour lutter contre le séparatisme social que les ZFE-m représentent et que nous ayons dès à présent une discussion riche. Je donne donc à titre personnel un avis défavorable sur les amendements identiques nos 1, 7, 9, 12, 17 et 21. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Je souhaitais prendre la parole car M. le rapporteur a malheureusement remis en cause l’excellent travail de notre commission et notamment la mission flash menée par Bruno Millienne et Gérard Leseul dans une démarche transpartisane. Je rappelle que c’est grâce au travail de fond de M. Leseul et à son approche de coconstruction que la commission mixte paritaire (CMP) sur la loi « climat et résilience » a pu aboutir. Il est en effet à l’origine de la très bonne idée du prêt à taux zéro qui – je suis d’accord avec vous, monsieur Leseul – doit évoluer vers une garantie de l’État.
Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas remettre en cause le travail de notre commission ni de sa mission transpartisane. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) Toutes les propositions de cette mission ont été saluées alors que votre proposition de loi ne présente aucune solution puisqu’elle se contente de supprimer les zones à faibles émissions mobilité. Oui, de les détruire ! Vous ne proposez aucune solution face à la pollution de l’air ! Vous ne proposez aucune solution pour accompagner socialement nos concitoyens ! Votre proposition de simplement décalaminer n’est pas à la hauteur des enjeux auxquels nous faisons face.
Chers collègues, supprimons… Les voitures ! …cet article et continuons, ensemble, à accompagner nos concitoyens dans les territoires en faisant de l’aménagement et du développement durables une priorité de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Dans la continuité des échanges de ce matin, je veux rappeler la disponibilité du Gouvernement pour regarder comment le dispositif peut être amélioré. Il est temps ! Cette journée n’est pas simplement celle de l’examen d’une proposition de loi qui, à bien des égards, relève d’une forme de démagogie. Elle est également celle de la nomination d’un référent interministériel, qui a eu lieu ce matin, et de l’installation du comité de coordination avec l’ensemble des métropoles concernées, chargé du suivi des mesures. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Elle est enfin celle où je prends devant vous l’engagement que l’État garantira les prêts à taux zéro, c’est un point qui a été évoqué ce matin et c’est un souhait des parlementaires de tous bords. Le dispositif sera finalisé dans les prochains jours.
Avant d’être une nécessité environnementale, la réussite des zones à faibles émissions est une nécessité de santé publique. Les arguments pour tergiverser ne doivent pas l’emporter face à la réalité des décès dans notre pays.
Avis favorable aux amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) J’ai plusieurs demandes de prises de parole. Comme nous l’avons fait ce matin, je vous propose de donner la parole à un orateur pour les amendements et à un orateur contre les amendements, avant de passer au vote.
La parole est à M. Emmanuel Blairy. Nous entendons beaucoup de choses depuis tout à l’heure et le débat est intéressant. Nous ne sommes évidemment pas opposés à la lutte contre les différentes formes de pollution : nous demandons simplement à ce que les dispositifs de lutte contre la pollution, tel que les zones à faibles émissions, soient en cohérence avec le quotidien des Français.
Monsieur le président de la commission, monsieur le ministre, vous nous reprochez de n’apporter aucune solution mais cette proposition de loi est une solution aux problèmes des Français, notamment ceux de la classe moyenne, afin qu’ils puissent encore se déplacer. Comment vont-ils faire ?
Je souhaite dénoncer une certaine forme de malhonnêteté. Les morts liées à la pollution sont bien sûr très graves mais elles ne sont pas toutes dues à la pollution causée par les automobiles. Ainsi, à Marseille, la moitié de la pollution subie par la ville est due au port. Ce n’est pourtant pas pris en compte !
Monsieur le ministre, il est également malhonnête de ne pas dire aux Français qu’il existe des dérogations. J’ai regardé cette question de près et j’ai pu constater que, à Paris, une dérogation est prévue pour les véhicules de collection. Je rappelle qu’une carte grise peut porter la mention de véhicule de collection si son propriétaire le possède depuis plus de trente ans. Ainsi, une 306 turbo diesel – c’est un exemple symbolique – immatriculée en 1993 peut circuler aujourd’hui dans Paris. Vous voyez la plaque ? Vous êtes à côté ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Nous venons d’entendre un avis défavorable aux amendements de suppression. La parole est à M. Bruno Millienne pour exprimer un avis favorable. Monsieur Meurin, votre explication me laisse abasourdi. Rien ne vous empêchait d’assister aux auditions que nous avons menées avec Gérard Leseul. On ne vous a pourtant pas vu. Eh oui ! J’en ai fait moi-même ! Déposer des amendements pour réécrire la loi sur les ZFE dans le cadre d’une proposition de loi visant à la suppression de cette même loi, cela n’a aucun sens. C’est n’importe quoi !
La différence entre vous et nous, c’est que nous, une fois que nous avons mené une mission flash pour poser un diagnostic, nous ne nous arrêtons pas là. Le processus législatif ne s’arrête pas au vote de la loi, il faut veiller à son application. C’est ce que nous nous employons à faire, avec Gérard Leseul et d’autres députés. Nous sommes sur le terrain tous les jours. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Venez avec moi à Strasbourg pour discuter des solutions avec les élus ! Vous n’avez même pas été foutu de nous auditionner, Gérard Leseul et moi. M. Meurin n’est pas un homme qui aime perdre son temps. Le boulot n’a pas été fait et votre proposition de loi est purement démagogique ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et RE.) La parole est à M. le rapporteur. Monsieur Millienne, je vous ai trouvé beaucoup plus modéré dans vos propos en commission. Vous me reprochez de ne pas avoir été « foutu » de vous auditionner. J’ai bien compris que vous étiez très vexé ! Non, pas du tout ! Si, vous l’avez répété au moins quatorze fois depuis nos discussions en commission ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe RN.)
J’ai lu attentivement le rapport de votre mission flash. Il ne pointe que des difficultés. Les auditions sont à charge et à décharge. Vous écrivez quatorze fois que le public doit être consulté. Votre loi a été votée il y a trois ans et vous n’avez informé personne. Votre position est celle d’un tartuffe politicien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Je mets aux voix les amendements identiques nos 1, 7, 9, 12, 17 et 21. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 219
Nombre de suffrages exprimés 218
Majorité absolue 110
Pour l’adoption 124
Contre 94 (Les amendements identiques nos 1, 7, 9, 12, 17 et 21 sont adoptés. En conséquence, l’article 1er est supprimé et les amendements nos 13, 23, 16, 20 et 15 tombent.)
Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 2, 8, 10, 11, 14, 18, 19, 22 et 24.
La parole est à Mme Christine Arrighi, pour soutenir l’amendement no 2. Il vise à supprimer l’article 2 de la proposition de loi. L’accompagnement des ménages dans leur transition vers des véhicules moins émetteurs de polluants doit être maintenu. Les dispositifs existants sont imparfaits, et nous sommes en faveur de leur amélioration, pour tenir compte de la disparité des situations et pour réduire davantage le reste à charge, notamment pour les plus précaires.
Nous invitons le Gouvernement, une fois encore, à prendre la mesure de l’urgence écologique en adoptant un grand plan des mobilités à l’issue des travaux du Conseil d’orientation des infrastructures. Dans le contexte de la crise de l’énergie, il s’agit d’un impératif social mais également d’un impératif sanitaire, nous l’avons suffisamment dit, et donc d’un impératif écologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.) La parole est à M. Jean-Luc Fugit, pour soutenir l’amendement no 8. Le groupe Renaissance propose de supprimer cet article car il va à la fois à l’encontre du bon sens et de l’intérêt de nos concitoyens les plus modestes. En effet, son adoption entraînerait la suppression du prêt à taux zéro, mis en place depuis le 1er janvier pour aider les foyers les plus modestes à acheter un véhicule moins polluant. Il faut au contraire renforcer ce type de mesure.
Nous avons déjà eu ce débat en commission et je suis ravi de voir, monsieur le rapporteur, que vous avez entendu nos arguments puisque vous proposez vous-même de supprimer cet article. Pour une fois, nous sommes d’accord.
Je voudrais répondre à vos propos un peu moqueurs tenus ce matin à la fin de la discussion générale à la suite de mon intervention. Vous évoquiez un professeur de chimie à la fac. Ce n’était pas très élégant de votre part et je me demande si vous ne sous-entendiez pas que les scientifiques ne pouvaient pas s’engager en politique. Je me pose la question. C’est relativement grave. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Vous avez aussi dit, lors de la discussion générale, que les ZFE étaient une insulte à l’intelligence. Vos propos sont une insulte à la santé respiratoire de nos concitoyens et aux scientifiques ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) La parole est à Mme Anne-Cécile Violland, pour soutenir l’amendement no 10. Les ZFE concourent à répondre à la double problématique de la pollution de l’air et de l’aggravation du dérèglement climatique soulevée par la circulation automobile en milieu urbain. Le Gouvernement et sa majorité ne méconnaissent pas l’importance de la voiture individuelle pour nombre de nos concitoyens ne disposant pas d’alternative. Ils sont donc mobilisés pour développer des mesures d’accompagnement, en particulier en direction des ménages modestes et des travailleurs. C’est le sens de la bonification du bonus écologique, du renforcement de la prime à la conversion ou encore de l’expérimentation pour deux ans du prêt à taux zéro pour l’achat d’un véhicule moins polluant à destination de nos concitoyens vivant ou ayant à se déplacer régulièrement dans les métropoles en dépassement des seuils prévus par la loi.
L’article 2, qui vise à supprimer ce prêt à taux zéro, est donc injuste et contre-productif au vu de nos objectifs en matière de transition écologique et de cohésion sociale. Nous proposons donc sa suppression. La parole est à M. Bruno Millienne, pour soutenir l’amendement no 11. Je tire mon chapeau à ceux qui se disent défenseurs des pauvres et qui proposent un tel article au moment où le ministre s’est engagé à ce que l’État fournisse une réponse sur sa garantie du prêt à taux zéro. J’espère bien que nous l’obtiendrons.
Toutes les actions que nous menons depuis la publication de la loi et du rapport visent à trouver des solutions pour les plus précaires : prêt à taux zéro, leasing avec des mensualités de 80 à 100 euros pour faciliter le remplacement de véhicules polluants et autres solutions de substitution. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour trouver des solutions alternatives aux gens qui en ont réellement besoin afin de ne laisser personne sur le bord de la route.
Votre proposition de loi est populiste et démagogique et son article 2 est dirigé contre les classes populaires. Chapeau à ceux qui se disent défenseurs des pauvres ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.) La parole est à M. Sylvain Carrière, pour soutenir l’amendement no 14. Il vise à la suppression de l’article 2 prévoyant la fin de l’expérimentation du prêt à taux zéro pour l’acquisition d’un véhicule. Nous jugeons ce dispositif insuffisant et inefficace mais nous considérons qu’il ne doit pas être supprimé. La bifurcation écologique doit se faire de manière juste et des mesures d’accompagnement doivent être mises en place, en priorité pour les ménages les plus précaires. La suppression du dispositif du prêt à taux zéro enverrait un signal très négatif alors que le reste à charge lors d’un changement de véhicule demeure très important.
Le rapport de la mission flash de MM. Leseul et Millienne sur les mesures d’accompagnement à la mise en œuvre des zones à faibles émissions indique que le niveau des aides actuelles, compte tenu des prix du marché, ne permet pas aux ménages les plus précaires de recourir aux aides pour acheter un véhicule classé Crit’Air 0 ou 1. L’investissement minimal pour les véhicules hybrides est de 20 000 euros. Il y a 11 millions de pauvres en France et seuls les cinq premiers déciles vivant au sein des ZFE sont concernés par le prêt à taux zéro, c’est-à-dire les personnes disposant de moins de 14 000 euros par an. Pour l’entrée de gamme, le reste à charge est au minimum de 5 000 euros. Cela représente une dépense énorme pour les ménages modestes à l’heure d’une crise économique sans précédent. Des dispositifs d’accompagnement supplémentaires destinés en priorité aux plus précaires doivent donc être mis en place. Ils pourraient par exemple prévoir un reste à charge zéro pour l’acquisition d’un véhicule moins polluant.
Ces mesures doivent venir en complément de mesures structurelles pour développer les alternatives au tout voiture, que sont les transports en commun, le ferroviaire, les mobilités douces, le covoiturage ou l’autopartage. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI.) L’amendement no 18 de Mme Louise Morel est défendu.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 19. L’article 2 de cette proposition de loi, s’il était adopté, supprimerait le prêt à taux zéro, privant les foyers les plus modestes d’une mesure de soutien.
C’est vrai, on peut regretter que le prêt à taux zéro ait été si mal calibré. Il concerne en effet les véhicules électriques ou hybrides rechargeables, en laissant un immense reste à charge – de 20 000 à 40 000 euros, compte tenu du coût exorbitant des véhicules dits propres –, pour des foyers dont le revenu fiscal de référence est inférieur ou égal à 14 000 euros. Pour être efficace, ce prêt devrait pouvoir financer le rétrofit des véhicules ou être étendu à d’autres tranches fiscales. Enfin, on peut légitimement craindre que ce soit majoritairement sur le marché chinois que seront achetés les véhicules concernés. Il me semble que c’est dommage. (M. le rapporteur applaudit.) La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l’amendement no 22. Je remercie nos collègues du groupe Rassemblement national d’avoir proposé cet article de suppression du PTZ, car celui-ci témoigne clairement de leur duplicité. (« Oh ! » sur les bancs du groupe RN.) L’article ne prévoit aucun moyen supplémentaire, aucun accompagnement supplémentaire. Vous n’avez pas demandé la garantie de l’État, ni l’augmentation des aides directes, ni l’extension du dispositif, alors que certains avaient par exemple proposé intelligemment d’étendre le PTZ aux véhicules de catégorie Crit’Air 2. Le masque tombe : vous ne défendez pas nos concitoyens modestes, mais faites commerce des inquiétudes. Nous voterons donc vigoureusement contre… Contre les PTZ et contre les amendements de suppression ? …votre proposition, contre l’article 2. C’est embrouillé ! Non, madame Le Pen, ça ne l’est pas. Nous voterons évidemment pour notre amendement de suppression. La parole est à M. le rapporteur pour défendre l’amendement no 24 et donner l’avis de la commission sur ces amendements de suppression. Cela a été souligné deux ou trois fois, j’ai écouté attentivement les discussions en commission. Après mûre réflexion et dès lors que vous n’avez pas souhaité supprimer les zones à faibles émissions mobilité séparatistes, il me semble évident qu’il faut conserver le minimum minimorum que constitue ce prêt à taux zéro en cours d’expérimentation pour deux ans, même si celui-ci, qui ne concerne que les familles dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 14 000 euros, est mal ciblé et n’est pas garanti par l’État. J’ai donc décidé de demander la suppression de l’article 2 de la proposition de loi. C’est bien la première fois que vous écoutez ! Vous n’écoutez rien ! J’en profite pour revenir sur les propos de M. Millienne – nous serions de faux défenseurs des pauvres, car nous nous opposerions ici à une mesure sociale. Oui ! C’était votre première intention ! Non ! Nous défendons les pauvres, car nous ne voulons pas qu’ils aient à régler les 68 euros d’amende qui leur sont actuellement infligés dans les villes appliquant déjà les sanctions prévues par le dispositif. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Montrez-nous les contraventions ! Accordez-nous la cohérence, de ce point de vue. Encore une fois, même si les discussions sont intéressantes, vous vous faites une spécialité des postures politiciennes, ce que je regrette.
Il arrive à tous les groupes politiques de modifier un texte entre l’examen en commission et celui en séance publique. Là, tout de même, vous demandez la suppression de la moitié du texte ! Le rapporteur supprime 50 % du texte ! Ne nous accusez pas de changer d’avis ; nous enrichissons notre texte en fonction des discussions, car je crois aux échanges avec vous et j’écoute nos collègues, ce qui me permet de proposer des compromis.
Vous, chers Insoumis, avez voté l’amendement de suppression de l’article 1er, et n’avez donc pas souhaité défendre votre propre amendement de réécriture de cet article. Et cela alors que vous vous prétendez opposés aux ZFE-m ! J’ai du mal à comprendre ; tout cela n’a aucun sens. (M. Sylvain Carrière proteste.) Les Français nous regardent ; ils comprendront rapidement qui sont les défenseurs des classes populaires. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Avis favorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis favorable. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan. (« Aïe, aïe, aïe ! » sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.) Nous vivons une situation surréaliste. Tout en reconnaissant qu’il ne sert à rien, vous défendez le PTZ créé dans la loi instituant les ZFE-m, que vous refusez d’abroger malgré leur absurdité – vous avez donc supprimé l’article 1er de ce texte.
Résultat : dans un délai de deux ou trois ans, je le répète, la moitié des automobilistes seront interdits de circulation, d’accès aux équipements publics et à leur lieu de travail. J’ajoute, qu’à l’heure du déjeuner, j’ai reçu le SMS d’un concitoyen habitant ma ville et qui travaille sur les pistes de l’aéroport d’Orly, le matin à cinq heures, pour que les avions décollent. Il n’est donc pas concerné par les ZFE-m. On veut voir le SMS ! Même avec un PTZ, il n’aura pas les moyens de remplacer sa vieille voiture. Eh oui ! C’est faux ! Dès que la mesure entrera en vigueur – c’est-à-dire demain – il ne pourra donc plus travailler et perdra son boulot. Mais bien sûr ! Nous aussi, nous pouvons raconter n’importe quoi ! Tout cela parce que certains parlementaires vivent dans un rêve, sans regarder la réalité. Aujourd’hui, nous avions l’occasion inespérée de lui rendre son travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Sur l’amendement no 25, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Kévin Mauvieux. Ce débat me gêne, car nous traitons d’abstractions, en oubliant de les rattacher au concret – comme l’a montré M. Dupont-Aignan.
Vous défendez bec et ongles le prêt à taux zéro pour les foyers modestes, alors que ceux-ci se le verront refuser – s’ils le demandent. En effet, puisque vous n’avez pas augmenté leur salaire de 10 %, ils n’auront pas les reins pour le rembourser. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.) Pourquoi défendre alors ce crédit bec et ongles, alors qu’il ne pourra quasiment pas être utilisé ?
M. Leseul nous reproche de ne pas prévoir d’aides, mais il est interdit de créer des charges publiques dans les propositions de loi ! Nous faisons ce que nous pouvons, avec les moyens disponibles. Charge ensuite au Gouvernement de réfléchir aux décrets d’application ou à des projets plus poussés.
Oui, nous faisons ce que nous pouvons pour nos concitoyens. Prenons un exemple tout bête : pour être soignés, un couple de retraités de ma circonscription, dans l’ouest de l’Eure, qui ne touchent qu’une petite retraite, sera obligé d’aller à Rouen, faute de médecins sur place. Demain, puisqu’ils n’ont qu’une vieille Clio, on leur interdira d’être soignés, à moins de contracter un prêt à taux zéro qui ne leur sera pas octroyé, car ils ne gagnent pas assez. C’est le chat qui se mord la queue. C’est faux ! Vous ne pensez pas du tout aux Français, mais préférez une pseudo-écologie ridicule. Visiblement, la pollution causée par les voitures est acceptable à la campagne, mais condamnable en ville, où seront créées les ZFE-m. Bref, le chat se mord la queue et ce dispositif est nuisible aux Français, notamment ceux des territoires ruraux, qui ne peuvent plus travailler ni se soigner. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.) Malgré les demandes, je n’accorderai pas de nouvelle prise de parole. Deux ont déjà eu lieu. En outre, de ce que je comprends, tout le monde est d’accord. (Les amendements identiques nos 2, 8, 10, 11, 14, 18, 19, 22 et 24 sont adoptés ; en conséquence, l’article 2 est supprimé.)
La parole est à Mme Christine Arrighi, pour soutenir l’amendement no 2. Il vise à supprimer l’article 2 de la proposition de loi. L’accompagnement des ménages dans leur transition vers des véhicules moins émetteurs de polluants doit être maintenu. Les dispositifs existants sont imparfaits, et nous sommes en faveur de leur amélioration, pour tenir compte de la disparité des situations et pour réduire davantage le reste à charge, notamment pour les plus précaires.
Nous invitons le Gouvernement, une fois encore, à prendre la mesure de l’urgence écologique en adoptant un grand plan des mobilités à l’issue des travaux du Conseil d’orientation des infrastructures. Dans le contexte de la crise de l’énergie, il s’agit d’un impératif social mais également d’un impératif sanitaire, nous l’avons suffisamment dit, et donc d’un impératif écologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.) La parole est à M. Jean-Luc Fugit, pour soutenir l’amendement no 8. Le groupe Renaissance propose de supprimer cet article car il va à la fois à l’encontre du bon sens et de l’intérêt de nos concitoyens les plus modestes. En effet, son adoption entraînerait la suppression du prêt à taux zéro, mis en place depuis le 1er janvier pour aider les foyers les plus modestes à acheter un véhicule moins polluant. Il faut au contraire renforcer ce type de mesure.
Nous avons déjà eu ce débat en commission et je suis ravi de voir, monsieur le rapporteur, que vous avez entendu nos arguments puisque vous proposez vous-même de supprimer cet article. Pour une fois, nous sommes d’accord.
Je voudrais répondre à vos propos un peu moqueurs tenus ce matin à la fin de la discussion générale à la suite de mon intervention. Vous évoquiez un professeur de chimie à la fac. Ce n’était pas très élégant de votre part et je me demande si vous ne sous-entendiez pas que les scientifiques ne pouvaient pas s’engager en politique. Je me pose la question. C’est relativement grave. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Vous avez aussi dit, lors de la discussion générale, que les ZFE étaient une insulte à l’intelligence. Vos propos sont une insulte à la santé respiratoire de nos concitoyens et aux scientifiques ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) La parole est à Mme Anne-Cécile Violland, pour soutenir l’amendement no 10. Les ZFE concourent à répondre à la double problématique de la pollution de l’air et de l’aggravation du dérèglement climatique soulevée par la circulation automobile en milieu urbain. Le Gouvernement et sa majorité ne méconnaissent pas l’importance de la voiture individuelle pour nombre de nos concitoyens ne disposant pas d’alternative. Ils sont donc mobilisés pour développer des mesures d’accompagnement, en particulier en direction des ménages modestes et des travailleurs. C’est le sens de la bonification du bonus écologique, du renforcement de la prime à la conversion ou encore de l’expérimentation pour deux ans du prêt à taux zéro pour l’achat d’un véhicule moins polluant à destination de nos concitoyens vivant ou ayant à se déplacer régulièrement dans les métropoles en dépassement des seuils prévus par la loi.
L’article 2, qui vise à supprimer ce prêt à taux zéro, est donc injuste et contre-productif au vu de nos objectifs en matière de transition écologique et de cohésion sociale. Nous proposons donc sa suppression. La parole est à M. Bruno Millienne, pour soutenir l’amendement no 11. Je tire mon chapeau à ceux qui se disent défenseurs des pauvres et qui proposent un tel article au moment où le ministre s’est engagé à ce que l’État fournisse une réponse sur sa garantie du prêt à taux zéro. J’espère bien que nous l’obtiendrons.
Toutes les actions que nous menons depuis la publication de la loi et du rapport visent à trouver des solutions pour les plus précaires : prêt à taux zéro, leasing avec des mensualités de 80 à 100 euros pour faciliter le remplacement de véhicules polluants et autres solutions de substitution. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour trouver des solutions alternatives aux gens qui en ont réellement besoin afin de ne laisser personne sur le bord de la route.
Votre proposition de loi est populiste et démagogique et son article 2 est dirigé contre les classes populaires. Chapeau à ceux qui se disent défenseurs des pauvres ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.) La parole est à M. Sylvain Carrière, pour soutenir l’amendement no 14. Il vise à la suppression de l’article 2 prévoyant la fin de l’expérimentation du prêt à taux zéro pour l’acquisition d’un véhicule. Nous jugeons ce dispositif insuffisant et inefficace mais nous considérons qu’il ne doit pas être supprimé. La bifurcation écologique doit se faire de manière juste et des mesures d’accompagnement doivent être mises en place, en priorité pour les ménages les plus précaires. La suppression du dispositif du prêt à taux zéro enverrait un signal très négatif alors que le reste à charge lors d’un changement de véhicule demeure très important.
Le rapport de la mission flash de MM. Leseul et Millienne sur les mesures d’accompagnement à la mise en œuvre des zones à faibles émissions indique que le niveau des aides actuelles, compte tenu des prix du marché, ne permet pas aux ménages les plus précaires de recourir aux aides pour acheter un véhicule classé Crit’Air 0 ou 1. L’investissement minimal pour les véhicules hybrides est de 20 000 euros. Il y a 11 millions de pauvres en France et seuls les cinq premiers déciles vivant au sein des ZFE sont concernés par le prêt à taux zéro, c’est-à-dire les personnes disposant de moins de 14 000 euros par an. Pour l’entrée de gamme, le reste à charge est au minimum de 5 000 euros. Cela représente une dépense énorme pour les ménages modestes à l’heure d’une crise économique sans précédent. Des dispositifs d’accompagnement supplémentaires destinés en priorité aux plus précaires doivent donc être mis en place. Ils pourraient par exemple prévoir un reste à charge zéro pour l’acquisition d’un véhicule moins polluant.
Ces mesures doivent venir en complément de mesures structurelles pour développer les alternatives au tout voiture, que sont les transports en commun, le ferroviaire, les mobilités douces, le covoiturage ou l’autopartage. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI.) L’amendement no 18 de Mme Louise Morel est défendu.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 19. L’article 2 de cette proposition de loi, s’il était adopté, supprimerait le prêt à taux zéro, privant les foyers les plus modestes d’une mesure de soutien.
C’est vrai, on peut regretter que le prêt à taux zéro ait été si mal calibré. Il concerne en effet les véhicules électriques ou hybrides rechargeables, en laissant un immense reste à charge – de 20 000 à 40 000 euros, compte tenu du coût exorbitant des véhicules dits propres –, pour des foyers dont le revenu fiscal de référence est inférieur ou égal à 14 000 euros. Pour être efficace, ce prêt devrait pouvoir financer le rétrofit des véhicules ou être étendu à d’autres tranches fiscales. Enfin, on peut légitimement craindre que ce soit majoritairement sur le marché chinois que seront achetés les véhicules concernés. Il me semble que c’est dommage. (M. le rapporteur applaudit.) La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l’amendement no 22. Je remercie nos collègues du groupe Rassemblement national d’avoir proposé cet article de suppression du PTZ, car celui-ci témoigne clairement de leur duplicité. (« Oh ! » sur les bancs du groupe RN.) L’article ne prévoit aucun moyen supplémentaire, aucun accompagnement supplémentaire. Vous n’avez pas demandé la garantie de l’État, ni l’augmentation des aides directes, ni l’extension du dispositif, alors que certains avaient par exemple proposé intelligemment d’étendre le PTZ aux véhicules de catégorie Crit’Air 2. Le masque tombe : vous ne défendez pas nos concitoyens modestes, mais faites commerce des inquiétudes. Nous voterons donc vigoureusement contre… Contre les PTZ et contre les amendements de suppression ? …votre proposition, contre l’article 2. C’est embrouillé ! Non, madame Le Pen, ça ne l’est pas. Nous voterons évidemment pour notre amendement de suppression. La parole est à M. le rapporteur pour défendre l’amendement no 24 et donner l’avis de la commission sur ces amendements de suppression. Cela a été souligné deux ou trois fois, j’ai écouté attentivement les discussions en commission. Après mûre réflexion et dès lors que vous n’avez pas souhaité supprimer les zones à faibles émissions mobilité séparatistes, il me semble évident qu’il faut conserver le minimum minimorum que constitue ce prêt à taux zéro en cours d’expérimentation pour deux ans, même si celui-ci, qui ne concerne que les familles dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 14 000 euros, est mal ciblé et n’est pas garanti par l’État. J’ai donc décidé de demander la suppression de l’article 2 de la proposition de loi. C’est bien la première fois que vous écoutez ! Vous n’écoutez rien ! J’en profite pour revenir sur les propos de M. Millienne – nous serions de faux défenseurs des pauvres, car nous nous opposerions ici à une mesure sociale. Oui ! C’était votre première intention ! Non ! Nous défendons les pauvres, car nous ne voulons pas qu’ils aient à régler les 68 euros d’amende qui leur sont actuellement infligés dans les villes appliquant déjà les sanctions prévues par le dispositif. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Montrez-nous les contraventions ! Accordez-nous la cohérence, de ce point de vue. Encore une fois, même si les discussions sont intéressantes, vous vous faites une spécialité des postures politiciennes, ce que je regrette.
Il arrive à tous les groupes politiques de modifier un texte entre l’examen en commission et celui en séance publique. Là, tout de même, vous demandez la suppression de la moitié du texte ! Le rapporteur supprime 50 % du texte ! Ne nous accusez pas de changer d’avis ; nous enrichissons notre texte en fonction des discussions, car je crois aux échanges avec vous et j’écoute nos collègues, ce qui me permet de proposer des compromis.
Vous, chers Insoumis, avez voté l’amendement de suppression de l’article 1er, et n’avez donc pas souhaité défendre votre propre amendement de réécriture de cet article. Et cela alors que vous vous prétendez opposés aux ZFE-m ! J’ai du mal à comprendre ; tout cela n’a aucun sens. (M. Sylvain Carrière proteste.) Les Français nous regardent ; ils comprendront rapidement qui sont les défenseurs des classes populaires. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Avis favorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis favorable. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan. (« Aïe, aïe, aïe ! » sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.) Nous vivons une situation surréaliste. Tout en reconnaissant qu’il ne sert à rien, vous défendez le PTZ créé dans la loi instituant les ZFE-m, que vous refusez d’abroger malgré leur absurdité – vous avez donc supprimé l’article 1er de ce texte.
Résultat : dans un délai de deux ou trois ans, je le répète, la moitié des automobilistes seront interdits de circulation, d’accès aux équipements publics et à leur lieu de travail. J’ajoute, qu’à l’heure du déjeuner, j’ai reçu le SMS d’un concitoyen habitant ma ville et qui travaille sur les pistes de l’aéroport d’Orly, le matin à cinq heures, pour que les avions décollent. Il n’est donc pas concerné par les ZFE-m. On veut voir le SMS ! Même avec un PTZ, il n’aura pas les moyens de remplacer sa vieille voiture. Eh oui ! C’est faux ! Dès que la mesure entrera en vigueur – c’est-à-dire demain – il ne pourra donc plus travailler et perdra son boulot. Mais bien sûr ! Nous aussi, nous pouvons raconter n’importe quoi ! Tout cela parce que certains parlementaires vivent dans un rêve, sans regarder la réalité. Aujourd’hui, nous avions l’occasion inespérée de lui rendre son travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Sur l’amendement no 25, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Kévin Mauvieux. Ce débat me gêne, car nous traitons d’abstractions, en oubliant de les rattacher au concret – comme l’a montré M. Dupont-Aignan.
Vous défendez bec et ongles le prêt à taux zéro pour les foyers modestes, alors que ceux-ci se le verront refuser – s’ils le demandent. En effet, puisque vous n’avez pas augmenté leur salaire de 10 %, ils n’auront pas les reins pour le rembourser. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.) Pourquoi défendre alors ce crédit bec et ongles, alors qu’il ne pourra quasiment pas être utilisé ?
M. Leseul nous reproche de ne pas prévoir d’aides, mais il est interdit de créer des charges publiques dans les propositions de loi ! Nous faisons ce que nous pouvons, avec les moyens disponibles. Charge ensuite au Gouvernement de réfléchir aux décrets d’application ou à des projets plus poussés.
Oui, nous faisons ce que nous pouvons pour nos concitoyens. Prenons un exemple tout bête : pour être soignés, un couple de retraités de ma circonscription, dans l’ouest de l’Eure, qui ne touchent qu’une petite retraite, sera obligé d’aller à Rouen, faute de médecins sur place. Demain, puisqu’ils n’ont qu’une vieille Clio, on leur interdira d’être soignés, à moins de contracter un prêt à taux zéro qui ne leur sera pas octroyé, car ils ne gagnent pas assez. C’est le chat qui se mord la queue. C’est faux ! Vous ne pensez pas du tout aux Français, mais préférez une pseudo-écologie ridicule. Visiblement, la pollution causée par les voitures est acceptable à la campagne, mais condamnable en ville, où seront créées les ZFE-m. Bref, le chat se mord la queue et ce dispositif est nuisible aux Français, notamment ceux des territoires ruraux, qui ne peuvent plus travailler ni se soigner. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.) Malgré les demandes, je n’accorderai pas de nouvelle prise de parole. Deux ont déjà eu lieu. En outre, de ce que je comprends, tout le monde est d’accord. (Les amendements identiques nos 2, 8, 10, 11, 14, 18, 19, 22 et 24 sont adoptés ; en conséquence, l’article 2 est supprimé.)
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 25.
Il est tombé !
Non, pas du tout, parce qu’il est placé après l’article 2.
À l’issue de l’examen de ce texte, je formule une demande minimale : le Gouvernement remettrait dans les six mois suivant la promulgation du texte un rapport sur l’objet de nos discussions – monsieur le ministre, c’est l’occasion de faire travailler un peu vos services. Il s’agirait d’examiner des moyens d’amélioration de la qualité de l’air différents des ZFE-m. Tout le monde convient qu’il faut transformer le système Crit’Air – qui permet de verbaliser nos concitoyens – et qu’il est absurde. Comment expliquer aux Français qu’ils prennent une prune à cause de lui ? Cela pose un problème de confiance à l’égard du Gouvernement et de la représentation nationale. Ce rapport est un minimum minimorum , qui ne mange pas de pain. Je ne vais pas me mettre à genoux pour vous supplier ! Quel est l’avis du Gouvernement ? Dans six mois, le comité de coordination installé sous la présidence du maire de Toulouse et de la vice-présidente de l’eurométropole de Strasbourg rendra ses préconisations d’amélioration du dispositif de ZFE, afin d’harmoniser ces zones et de les rendre plus accessibles. La suite du débat sera enclenchée à partir de là et non à partir d’un rapport issu d’une proposition de loi visant, d’après son titre, « à supprimer les zones à faibles émissions mobilité ». (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Très bien, monsieur le ministre ! La parole est à M. Hervé de Lépinau. Je pense immanquablement au nuage de Tchernobyl, en écoutant cette majorité hétéroclite, de circonstance, réunie autour du seul objectif de voter contre les propositions de loi du groupe Rassemblement national.
Souvenez-vous, on nous rassurait, en nous expliquant que les frontières arrêteraient le nuage de Tchernobyl. Quelle ironie ! C’est un adepte du nucléaire qui parle ! Je suis désolé de vous rappeler que le nuage allemand, très chargé en dioxyde de carbone produit par les centrales à charbon franchit allègrement celles de notre pays. La volonté d’instaurer le tout électrique amènera la Chine à démultiplier ses capacités de fabrication des intrants des moteurs électriques. Bien évidemment, ces nuages de pollution, comme ceux venus d’Inde, arriveront en Europe. Vous tuez donc à petit feu les classes moyennes, l’économie réelle de ce pays,… Mais bien sûr ! …pour donner l’illusion au monde que la France, dont la production de gaz à effet de serre est epsilonesque, serait plus vertueuse que les autres. Mais quel est l’intérêt d’être vertueux quand on est mort ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. Jean-Luc Fugit. Monsieur le rapporteur, depuis 1983, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques – l’Opecst –, créé par le Parlement, réunit dix-huit sénateurs et dix-huit députés, dont certains appartiennent actuellement au groupe Rassemblement national.
Les membres de l’Opecst, grâce à leur culture scientifique, peuvent éclairer le champ politique sur les débats scientifiques – vous voyez, monsieur le rapporteur, nous nous efforçons de faire venir la science jusqu’à vous. Venez-en au fait ! Dans la loi d’orientation des mobilités de 2019, nous avons adopté un amendement que je défendais, prévoyant un point très précis tous les cinq ans sur les énergies disponibles pour les automobiles. C’est long, cinq ans ! En 2024, nous bénéficierons non seulement de ce rapport de l’Opecst, qui associera des députés et des sénateurs de toutes sensibilités politiques, mais aussi d’un débat au Sénat et à l’Assemblée nationale sur ce sujet. Votre demande de rapport est donc inutile. Ce travail de suivi par le Parlement complétera celui du Gouvernement et la concertation proposée par M. le ministre. Il faut en outre faire confiance aux élus locaux. Si vous voulez en savoir plus sur la manière dont ils déploient les ZFE-m, allez à Strasbourg, venez à Lyon ! Vous verrez, c’est intéressant ! Non merci ! Monsieur le rapporteur, alors que nous arrivons au terme du débat et puisque je vous ai manifestement convaincu de l’importance de la science, je vous propose de lire une bande dessinée que j’ai rédigée il y a une dizaine d’années, intitulée Un air suspect ; elle explique ce qu’est vraiment la pollution de l’air. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) C’est de la pub ! Dans l’hémicycle ! Je mets aux voix l’amendement no 25. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 204
Nombre de suffrages exprimés 203
Majorité absolue 102
Pour l’adoption 94
Contre 109 (L’amendement no 25 n’est pas adopté.) L’ensemble des articles et l’amendement portant article additionnel ayant été rejetés, la proposition de loi est rejetée.
À l’issue de l’examen de ce texte, je formule une demande minimale : le Gouvernement remettrait dans les six mois suivant la promulgation du texte un rapport sur l’objet de nos discussions – monsieur le ministre, c’est l’occasion de faire travailler un peu vos services. Il s’agirait d’examiner des moyens d’amélioration de la qualité de l’air différents des ZFE-m. Tout le monde convient qu’il faut transformer le système Crit’Air – qui permet de verbaliser nos concitoyens – et qu’il est absurde. Comment expliquer aux Français qu’ils prennent une prune à cause de lui ? Cela pose un problème de confiance à l’égard du Gouvernement et de la représentation nationale. Ce rapport est un minimum minimorum , qui ne mange pas de pain. Je ne vais pas me mettre à genoux pour vous supplier ! Quel est l’avis du Gouvernement ? Dans six mois, le comité de coordination installé sous la présidence du maire de Toulouse et de la vice-présidente de l’eurométropole de Strasbourg rendra ses préconisations d’amélioration du dispositif de ZFE, afin d’harmoniser ces zones et de les rendre plus accessibles. La suite du débat sera enclenchée à partir de là et non à partir d’un rapport issu d’une proposition de loi visant, d’après son titre, « à supprimer les zones à faibles émissions mobilité ». (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Très bien, monsieur le ministre ! La parole est à M. Hervé de Lépinau. Je pense immanquablement au nuage de Tchernobyl, en écoutant cette majorité hétéroclite, de circonstance, réunie autour du seul objectif de voter contre les propositions de loi du groupe Rassemblement national.
Souvenez-vous, on nous rassurait, en nous expliquant que les frontières arrêteraient le nuage de Tchernobyl. Quelle ironie ! C’est un adepte du nucléaire qui parle ! Je suis désolé de vous rappeler que le nuage allemand, très chargé en dioxyde de carbone produit par les centrales à charbon franchit allègrement celles de notre pays. La volonté d’instaurer le tout électrique amènera la Chine à démultiplier ses capacités de fabrication des intrants des moteurs électriques. Bien évidemment, ces nuages de pollution, comme ceux venus d’Inde, arriveront en Europe. Vous tuez donc à petit feu les classes moyennes, l’économie réelle de ce pays,… Mais bien sûr ! …pour donner l’illusion au monde que la France, dont la production de gaz à effet de serre est epsilonesque, serait plus vertueuse que les autres. Mais quel est l’intérêt d’être vertueux quand on est mort ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. Jean-Luc Fugit. Monsieur le rapporteur, depuis 1983, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques – l’Opecst –, créé par le Parlement, réunit dix-huit sénateurs et dix-huit députés, dont certains appartiennent actuellement au groupe Rassemblement national.
Les membres de l’Opecst, grâce à leur culture scientifique, peuvent éclairer le champ politique sur les débats scientifiques – vous voyez, monsieur le rapporteur, nous nous efforçons de faire venir la science jusqu’à vous. Venez-en au fait ! Dans la loi d’orientation des mobilités de 2019, nous avons adopté un amendement que je défendais, prévoyant un point très précis tous les cinq ans sur les énergies disponibles pour les automobiles. C’est long, cinq ans ! En 2024, nous bénéficierons non seulement de ce rapport de l’Opecst, qui associera des députés et des sénateurs de toutes sensibilités politiques, mais aussi d’un débat au Sénat et à l’Assemblée nationale sur ce sujet. Votre demande de rapport est donc inutile. Ce travail de suivi par le Parlement complétera celui du Gouvernement et la concertation proposée par M. le ministre. Il faut en outre faire confiance aux élus locaux. Si vous voulez en savoir plus sur la manière dont ils déploient les ZFE-m, allez à Strasbourg, venez à Lyon ! Vous verrez, c’est intéressant ! Non merci ! Monsieur le rapporteur, alors que nous arrivons au terme du débat et puisque je vous ai manifestement convaincu de l’importance de la science, je vous propose de lire une bande dessinée que j’ai rédigée il y a une dizaine d’années, intitulée Un air suspect ; elle explique ce qu’est vraiment la pollution de l’air. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) C’est de la pub ! Dans l’hémicycle ! Je mets aux voix l’amendement no 25. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 204
Nombre de suffrages exprimés 203
Majorité absolue 102
Pour l’adoption 94
Contre 109 (L’amendement no 25 n’est pas adopté.) L’ensemble des articles et l’amendement portant article additionnel ayant été rejetés, la proposition de loi est rejetée.
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à étendre le droit de visite des parlementaires et parlementaires européens élus en France aux établissements sociaux et médico-sociaux (nos 553, 613).
La parole est à Mme Laure Lavalette, rapporteure de la commission des affaires sociales.
Il y a un an, notre assemblée recevait le témoignage du journaliste Victor Castanet, revenant sur l’enquête qu’il avait menée pendant des mois au sein du groupe Orpea, gestionnaire de centaines d’Ehpad dans notre pays. Médusés, les parlementaires d’alors ont ensuite reçu les dirigeants du groupe, qui tentèrent de minimiser ce qui était, à juste titre, qualifié de scandale. Les collègues de tous les groupes se sont immédiatement emparés du sujet, soutenant largement certaines propositions dont celle que je défends maintenant devant vous.
Je propose donc à la représentation nationale d’avancer en soutenant une proposition de loi qui pourrait être mise en œuvre simplement et rapidement. Celle-ci ne coûte pas un centime – cela devrait vous plaire – et aurait des effets immédiats. Du reste, les parlementaires ne se substitueraient à personne. Cette avancée, c’est le droit de visite des parlementaires dans tous les établissements sociaux et médico-sociaux, sans préavis.
En notre qualité de représentants de la nation, nous sommes souvent les premiers sollicités lorsqu’il s’agit de signaler des situations dangereuses, tant dans les Ehpad que dans les foyers de l’aide sociale à l’enfance – ASE ; depuis six mois, beaucoup d’entre nous en ont fait l’expérience.
Nous jouons un rôle très particulier d’intermédiaire entre les familles désemparées, qui ne savent plus vers qui se tourner, et les autorités locales compétentes, conseils départementaux et agences régionales de santé – ARS. La proposition de loi ne vise pas pour autant à exonérer ces dernières de leurs responsabilités en matière de contrôle. Au vu des révélations de ces dernières années, les contrôles renforcés doivent même se multiplier dans les établissements concernés. Nous ajoutons simplement un étage à la fusée, une garantie supplémentaire que le respect de la dignité est bien assuré dans ces établissements qui accueillent des personnes vulnérables.
Il ne s’agit pas non plus de jeter le discrédit sur les personnels, qui travaillent durement, et dont l’immense majorité fait preuve de professionnalisme et d’humanisme. Lors des travaux que j’ai menés pour préparer ce débat, j’ai ainsi entendu que mettre en lumière la mauvaise gestion des établissements sociaux et médico-sociaux pourrait dissuader les jeunes de s’engager dans cette voie professionnelle et nuire à l’attractivité de ces métiers de première ligne, essentiels au fonctionnement de notre société. Je crois, pour ma part, que c’est l’inverse et que c’est précisément en dénonçant les abus et les manquements, parfois très graves, qui y ont lieu que nous redorerons l’image du secteur médico-social. Pour avoir eu la chance de rencontrer nombre d’acteurs au cours des dernières semaines pour peaufiner cette proposition, je peux dire qu’ils nous attendent avec beaucoup d’impatience.
Ce sont d’ailleurs très souvent les professionnels eux-mêmes qui sonnent l’alarme au sujet de leurs horaires intenables, de leurs salaires trop bas et du nombre de postes vacants. N’oublions pas qu’ils étaient les premiers à témoigner de ce quotidien invivable lorsque le scandale Orpea a éclaté.
Il existe un consensus pour dire que l’évaluation et le contrôle des établissements sociaux et médico-sociaux sont défaillants, eu égard à la bienveillance et à la bientraitance dont devraient bénéficier les personnes fragiles qu’ils accueillent.
S’agissant des Ehpad, le législateur a commis une erreur lors de l’adoption de la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, en ne permettant plus aux ARS et aux conseils départementaux, en tant qu’autorités de contrôle et de tarification, de reprendre les dotations non consommées. Les éventuels excédents sont désormais laissés à la main des établissements qui, je le rappelle, ont un but lucratif. Le résultat est simple et connu : des dérives prévisibles, motivées par l’appât du gain.
S’agissant du secteur de l’aide sociale à l’enfance, l’Observatoire national de la protection de l’enfance ne cesse d’alerter sur les risques psychosociaux auxquels les professionnels de l’enfance peuvent être exposés en raison du manque de personnel. À la faiblesse des moyens s’ajoutent d’énormes disparités de prise en charge selon les départements. Lors de son audition, la directrice de la qualité de l’accompagnement social et médico-social de la Haute Autorité de santé – HAS – a alerté la commission des affaires sociales sur la difficulté de définir une politique de l’enfance homogène lorsque celle-ci est décentralisée. En effet, la notion d’« information préoccupante », qui doit conduire au signalement auprès du département de la mise en danger d’un mineur, n’est pas entendue de la même manière par tous les conseils départementaux. Dès lors, un mineur pris en charge dans un département ne le serait peut-être pas dans un autre, quelques kilomètres plus loin. Cette disparité empêche par ailleurs de disposer de données nationales structurées susceptibles de rendre compte de la situation de l’aide sociale à l’enfance.
Qu’il s’agisse des Ehpad ou des foyers d’accueil des enfants en danger, les résidents et les professionnels ne sont pas assez écoutés. Comment ne pas se sentir désarmé lorsque l’on reçoit le témoignage d’associations, comme celui de l’Association parents et enfants en détresse, dont les représentants me disaient avoir trouvé porte close après avoir signalé de nombreuses fois les dérives parfois très graves subies par leurs enfants ? Je les remercie de leur présence en tribune et de leur courage, qui m’oblige et nous oblige tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Nous savons que les résidents d’Ehpad n’ont pas plus leur mot à dire sur l’organisation et le fonctionnement de ce qui est pourtant leur lieu de vie. Oh là là ! Quand un scandale surgit, qu’entend-on ? « Tout le monde savait. » « Orpea ? Tous les professionnels du milieu savaient. » Alors pourquoi ne parlent-ils pas ? Parce qu’ils savent qu’ils ne seront pas suffisamment entendus, parce que la parole ne se libère pas quand on est seul. Mes chers collègues, ne les laissons plus seuls !
Le regard extérieur, bienveillant, discret – j’insiste – et avisé des parlementaires peut permettre de briser le silence. Autoriser les parlementaires à constater, de leurs propres yeux, les dysfonctionnements des établissements sociaux et médico-sociaux ne pourra qu’apaiser nos concitoyens, inquiets pour leur entourage vulnérable, et leur redonner confiance.
Le dispositif que nous proposons est simple. Il s’inspire à la fois du dispositif prévu à l’article 719 du code de procédure pénale, régissant le régime légal de visite des lieux de privation de liberté, et de l’article L. 3222-4-1 du code de la santé publique relatif aux établissements psychiatriques.
À la suite de nos travaux en commission, je tiens à vous rassurer en niant tout amalgame entre les établissements visés par la proposition de loi et les lieux d’enfermement. Les Ehpad ne sont pas des lieux privatifs de liberté ! Il ne s’agit évidemment pas de comparer l’incomparable, même si l’opacité qui règne parfois dans ces établissements rend ces lieux aussi fermés au public que nombre de lieux privatifs de liberté. Il est évident que les personnes qui y vivent sont parfois dans une situation de dépendance telle qu’elle peut les exposer à la négligence, voire, dans les cas les plus graves, à la maltraitance.
Les débats sur l’opportunité pour les députés, les sénateurs et les parlementaires européens de se rendre dans de tels lieux ne sont pas nouveaux. Un rapport sur l’aide sociale à l’enfance, présenté par Alain Ramadier et Perrine Goulet, préconisait, au mois de juillet 2019, « un droit de visite législatif dans les structures de la protection de l’enfance » eu égard « aux difficultés d’accès à ces lieux ». Cette proposition avait été reprise par nos excellents collègues lors de la discussion en 2021 du projet de loi relatif à la protection des enfants. Le Gouvernement avait alors accepté le principe d’une visite des parlementaires, sous réserve d’en informer le conseil départemental en respectant un délai de prévenance. Or cette disposition n’a pas survécu à la navette parlementaire.
S’agissant des Ehpad, une proposition de loi transpartisane déposée au mois de février 2022 par Mme Christine Pires Beaune, que je tiens à saluer, présentait un dispositif proche de celui que nous proposons aujourd’hui, s’inspirant lui-même du dispositif existant pour les lieux de privation de liberté.
Cette question n’est pas de nature politicienne, nous parlons ici de bien commun, de progrès et parfois de survie. À ce titre, je tiens à saluer le soutien que le groupe Démocrate a apporté en commission à notre proposition, en cohérence avec les idées qu’il défend. Les collusions entre le groupe Dem et le groupe RN, ce n’est pas nouveau ! (Sourires sur quelques bancs du groupe RN.) Je déplore, au contraire, les positions obtuses de certains, qui rejettent aujourd’hui ce qu’ils préconisaient eux-mêmes hier – nous aurons l’occasion d’en reparler. Nous voilà aujourd’hui en séance, nous avons une seconde chance d’avancer ensemble. Il y va, aussi, de l’image de notre assemblée.
Pour finir, je voudrais entrer un peu plus dans le détail du dispositif. D’abord, nous prévoyons que les visites puissent s’effectuer à tout moment et sans préavis.
Il nous semble évident que seul un contrôle inopiné permet de voir comment les choses fonctionnent vraiment dans un établissement. Nous voulons que les parlementaires découvrent la véritable situation, et non pas celle que l’on voudrait leur montrer. Ce dispositif efficace s’applique aux établissements psychiatriques. Il est tout à fait logique de le décliner dans les établissements de santé. Les établissements psychiatriques sont des lieux de privation de liberté, pas les Ehpad ! Je comprends le souhait d’instaurer un délai de courtoisie mais le risque est trop grand que la réalité soit dissimulée. Sans doute ne repeint-on pas une salle de repas en quelques jours mais, en revanche, on a le temps de faire revenir des éducateurs en repos ou de cacher quelques enfants pour améliorer fictivement le taux d’encadrement.
Nous souhaitions également, dans l’idéal, que les élus puissent être accompagnés d’un ou plusieurs journalistes titulaires de la carte de presse, comme cela est également possible pour les lieux de privation de liberté depuis 2015. Ce ne sont pas des lieux de privation de liberté ! Ce serait à nos yeux un progrès démocratique que la presse puisse rendre compte, en toute transparence, des dysfonctionnements de ces établissements. Toutefois, je vous l’ai dit, il ne s’agit pas, avec cette proposition de loi, de faire de la politique politicienne. Je suis prête à supprimer cette faculté si cela devait permettre de sauver le cœur du dispositif de la proposition de loi qu’est le droit de visite des parlementaires.
Ainsi, nous vous présentons une proposition de loi consensuelle, de progrès, qui répond à la préoccupation de nombre de nos concitoyens. Croyez bien qu’ils l’attendent. J’espère donc qu’elle recueillera votre aval aussi largement qu’elle le mérite. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Bravo ! La parole est à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées. Vous vous rappelez : ce n’est pas quatre, mais trois Smic par enfant ! Monsieur Pradié, s’il vous plaît ! Ça commence bien !
Gardons à l’esprit deux faits marquants de l’année écoulée. Le premier est la publication par le journaliste Victor Castanet de l’enquête intitulée Les Fossoyeurs , laquelle a provoqué une gigantesque onde de choc dans le secteur du grand âge et plus largement dans la société française. Elle a été suivie d’une réponse forte des pouvoirs publics, à l’initiative de la ministre Brigitte Bourguignon et de l’Assemblée nationale, en particulier de sa commission des affaires sociales.
Le second est la publication de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, présentée par le secrétaire d’État Adrien Taquet, et qui a fait l’objet d’un consensus large entre les groupes à l’Assemblée nationale, puis entre cette chambre et le Sénat. Cette loi comporte de très nombreuses avancées en faveur des enfants protégés par l’aide sociale à l’enfance, notamment en leur offrant une meilleure protection contre les violences. En outre, désormais, une définition unanimement acceptée de la notion de maltraitance est inscrite dans la loi.
Vous proposez ici de discuter de vos propres prérogatives. Le Gouvernement ne va donc pas prendre formellement position. Je souhaite cependant apporter un avis circonstancié, nourri des réalités du terrain et des actions menées.
La première question que je me pose à la lecture de l’article unique est : « quelle image les députés du Rassemblement national ont-ils du travail mené par les professionnels des établissements visés ? » (Protestations sur les bancs du groupe RN.)
En effet, la conséquence directe de votre proposition est de frapper ce travail de suspicion, remettant ainsi en question, d’une certaine façon, l’engagement, la détermination sans faille… On n’est pas au pays des Bisounours ! …dont fait preuve l’immense majorité d’entre eux afin de garantir aux publics fragiles et vulnérables dont ils prennent soin un accompagnement de qualité, bienveillant, bien-traitant. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Eh oui ! Je ne doute pas de votre bonne intention, mais il s’agit d’une fausse bonne idée qui contribuerait, in fine , à stigmatiser les professionnels (Protestations sur les bancs du groupe RN) … Vous n’avez trouvé que ça ! …et à jeter l’opprobre sur des secteurs qui ne sont certes pas épargnés par les dérives, mais qui font l’objet de contrôles réels et utiles.
On sent dans votre discours une vraie défiance vis-à-vis des structures concernées. Vous avez mal écouté ! Cette défiance, vous la suscitez vous-mêmes en vous payant à peu de frais une solution de facilité, un faux-semblant dont vous taisez, volontairement ou non, les effets délétères.
Je m’interroge aussi sur le regard que vous portez sur l’action des autorités de contrôle, et plus largement celle des pouvoirs publics. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Le Gouvernement a-t-il, une seule fois, nié ou minimisé l’existence de maltraitances et de dérives dans les établissements dont nous parlons aujourd’hui ? Non. Vous mettez en cause tout le travail des personnels ! Le Gouvernement a-t-il, une seule fois, renoncé à ses responsabilités pour faire cesser ces situations et pour garantir la pleine sécurité et le bien-être des personnes accueillies ? Non. Le Gouvernement a-t-il agi ? Non ! Le Gouvernement a-t-il, une seule fois, suspendu son dialogue avec ces professionnels formés, dévoués, dont je connais trop bien l’importance ? Non. Bien au contraire.
Dans les Ehpad comme dans les structures de l’ASE, des contrôles sont réalisés pour vérifier que les établissements remplissent leurs missions dans les meilleures conditions souhaitables. Quel succès ! Tout d’abord, à la suite de à l’affaire Orpea, je rappelle que le Gouvernement a annoncé et commencé à déployer, avec les départements, un plan visant à contrôler, d’ici à deux ans, 7 500 Ehpad. À ce titre, au printemps 2022, 400 inspections-contrôles physiques ont été réalisées dans le cadre de l’opération « coup de poing » ciblée sur les Ehpad gérés par Orpea ou ceux jugés à risque. Depuis le mois de février 2022, 1 400 contrôles ont été effectués, allant de l’examen de pièces comptables et réglementaires à des missions sur place. La mise à jour par les inspecteurs de situations passibles d’un traitement pénal a conduit à saisir sept fois le procureur de la République
Par ailleurs, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a renforcé les mesures administratives que les équipes d’inspection peuvent prendre, en cas de défaillance constatée. Je remercie les parlementaires qui ont défendu des amendements en ce sens. La loi prévoit également des mesures fortes, visant à mieux encadrer et surveiller les pratiques des groupes gestionnaires d’Ehpad. En outre, les moyens destinés aux contrôles ont également été augmentés. En plus des 500 personnes compétentes qui exerçaient déjà des missions de contrôle dans les ARS, 120 postes ont été créés pour étoffer les équipes d’inspection.
Dans le secteur de la protection de l’enfance également, de nombreux outils de contrôle existent. Depuis 2020, les préfets doivent s’assurer annuellement que les présidents de conseils départementaux, premiers compétents pour contrôler les établissements auxquels ils délivrent des autorisations, leur transmettent leurs plans de contrôle. Or nous observons que 80 % de ces plans prévoient des visites inopinées sur site.
Dès sa prise de fonction, Charlotte Caubel, secrétaire d’État chargée de l’enfance, s’est engagée à renforcer les contrôles dans les établissements. Des opérations de contrôle ont été conduites avec les moyens de l’État dans plusieurs territoires et une circulaire a été adressée aux préfets pour réaffirmer l’engagement de l’État.
Le renforcement des opérations de contrôle vient compléter les dispositifs existants. Ainsi, l’Igas – Inspection générale des affaires sociales – mène annuellement une inspection approfondie d’un ou deux départements, tandis que les chambres régionales des comptes sont régulièrement amenées à contrôler la mise en œuvre de la politique de protection de l’enfance. Alors, pourquoi on en est là ? Le Défenseur des droits est régulièrement sollicité et transmet des alertes aux services de l’État, pour qu’ils apportent des solutions. Dans ce cadre-là aussi, les moyens ont été renforcés. La loi du 7 février 2022 instaure des contrôles de probité obligatoires et élargit le champ des contrôles visant les professionnels, les bénévoles intervenant dans les structures et les membres de la famille d’accueil résidant au domicile. La loi de finances pour 2023 prévoit par ailleurs de renforcer les moyens humains. Les effectifs des services sociaux déconcentrés ont été augmentés de 31 ETPT – équivalents temps plein travaillé ; les équipes territoriales de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) augmenteront d’une vingtaine d’ETPT. Ces effectifs sont appelés à augmenter de nouveau, dans des proportions similaires, au cours des prochaines années.
Je le dis sans ambiguïté : c’est sur ces équipes, sur l’ensemble des professionnels dédiés aux contrôles, que nous comptons pour lutter toujours mieux contre les maltraitances. C’est d’autant plus vrai que le droit de visite dont nous débattons ne permettrait absolument pas de repérer ces dernières. Ben si ! Il faut bien méconnaître la réalité du terrain pour penser le contraire. N’importe quoi ! Jamais je ne contesterai aux parlementaires la moindre parcelle de leur rôle. Voter la loi ; contrôler l’action du Gouvernement ; représenter vos circonscriptions : chacun ici mesure l’importance cruciale, pour une démocratie saine, de votre action plurielle. Mais pensez-vous qu’un droit de visite inconditionnel dans les établissements sociaux et médico-sociaux résoudrait les difficultés que nous connaissons tous ? Oui ! Cela vous surprendra peut-être, mais je pense même que cette mesure pourrait se révéler contre-productive. La visite inopinée d’un parlementaire permettrait-elle, par exemple, d’aider une dame âgée à qui un professionnel peu scrupuleux – malheureusement il y en a – a volé une partie de son argent ? Qu’iriez-vous vérifier ? À qui iriez-vous parler ? (Murmures sur les bancs du groupe RN.) Quelle enquête mèneriez-vous ? La visite inopinée d’un parlementaire permettrait-elle d’apprécier une situation de négligence,… Certes, cela ne résoudra pas tous les problèmes ! …qui s’installe dans la durée et ne peut être constatée à un instant T, si ce n’est par des professionnels qualifiés, habilités à échanger avec les personnes concernées ? (Protestations sur les bancs du groupe RN.)
Iriez-vous vérifier si la douche donnée ce matin-là à telle résidente était chaude ou froide ? De quoi avez-vous peur ? Iriez-vous vérifier si, pour le petit-déjeuner, le lait n’a pas été mélangé avec de l’eau ? Est-ce qu’on vérifie ça, dans les prisons ? La visite inopinée d’un parlementaire permettrait-elle de dévoiler des cas de violences sexuelles, comme il en existe entre professionnels et résidents, ou entre résidents ? Vous ne voyez pas l’intérêt de cette proposition de loi ? Pensez-vous qu’une telle agression aurait lieu justement quand vous êtes là, ou que grâce à la première question posée à une personne assise pour déjeuner, vous pourriez recueillir un témoignage ? (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
En réalité, je crains que cette prérogative ne vous conduise à passer à côté des vraies alertes. Vous passez à côté depuis des années ! Pire, je crains qu’elle puisse apparaître comme une caution en faveur de certains établissements visités, y compris ceux connaissant de vrais dysfonctionnements, qu’une visite de parlementaire, même inopinée, ne saurait révéler.
Mesdames et messieurs les députés, je ne vois pas ce qu’apporterait la mesure dont nous débattons. (Mme Béatrice Roullaud proteste.) Je vois en revanche quels effets notre action produit. Ils sont le résultat d’une structuration de notre réponse, et de la formation des agents qui la mettent en œuvre. (M. Jocelyn Dessigny et Mme Caroline Parmentier s’exclament.) Oui, contrôler des structures qui accueillent des publics vulnérables est un métier à part entière. Pour être efficaces, ces contrôles nécessitent certains prérequis, dont les parlementaires et journalistes ne disposent pas. Contrairement au ministre ! (Sourires sur les bancs du groupe RN.) Ils doivent notamment s’appuyer sur des compétences permettant d’analyser des documents ou des situations à partir d’expériences comparables, d’après un référentiel de normes opposables.
C’est pourquoi, dans le domaine du grand âge, le Gouvernement a construit une offre de formation sur mesure à l’intention des ARS, en renforçant les ressources internes de l’École des hautes études en santé publique (EHESP). L’objectif est de former 600 agents d’ici à la fin du premier semestre 2023. De la même façon, dans le secteur de la protection de l’enfance, des formations communes, relatives aux enjeux spécifiques du contrôle des établissements, ont été élaborées pour les personnels. Elles permettront de former plus de 300 agents de l’État et des départements.
Outre l’inefficacité de la mesure proposée, je dois souligner ses potentiels effets négatifs. Nous parlons de publics vulnérables, pour certains protégés. À l’inverse des lieux de privation de liberté, il n’est, dans les structures évoquées, pas question d’exercer le moindre contrôle sur les personnes. Dans les Ehpad, je suis tout autant attaché au respect des libertés et droits des résidents qu’à la qualité de l’accompagnement. Le droit à la vie privée en fait partie ; il ne les empêche d’ailleurs pas, s’ils le souhaitent, d’accueillir élus et journalistes, y compris dans leurs chambres.
Les établissements de protection de l’enfance accueillent des enfants placés sur décision administrative ou judiciaire pour être protégés ; je sais que la secrétaire d’État Charlotte Caubel est tout aussi attentive à garantir l’intimité et le respect de la vie privée des enfants.
Les parlementaires peuvent déjà visiter ces établissements, sous réserve d’une simple précaution administrative : prévenir la direction et le conseil départemental. Une telle condition ne me semble pas exorbitante. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Elle nous garde de toute tentation de récupération politique.
Par ailleurs, l’instauration d’un droit de visite inconditionnel des parlementaires ne répond en rien, je dis bien en rien, aux attentes des collectifs de familles, avec lesquels j’échange très régulièrement. (Protestations sur les bancs du groupe RN.) Je connais leurs demandes : ils veulent que les pouvoirs publics fassent respecter les règles existantes dans l’écosystème ; que les autorités de contrôle soient au rendez-vous ; surtout, que l’on écoute et entende mieux les personnes.
En conclusion, mesdames et messieurs les députés (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN) ,… Enfin une bonne nouvelle ! …je souhaite partager avec vous une conviction profonde : dans la lutte contre la maltraitance, nous devons dépasser l’urgence permanente et nous inscrire dans une logique d’appréhension structurelle des enjeux. Il nous faut notamment améliorer les circuits d’alerte et les dispositifs de réponse. Pour y parvenir, le ministre de la justice, le ministre de l’intérieur, la ministre déléguée chargée des personnes handicapées, la secrétaire d’État chargée de l’enfance et moi avons récemment saisi l’Igas, l’Inspection générale de l’administration (IGA) et l’Inspection générale de la justice (IGJ).
Nous devons évidemment continuer à libérer la parole, et surtout faire en sorte qu’elle parvienne aux bonnes oreilles. C’est l’objet de la plateforme de recueil des plaintes et réclamations, ouverte au grand public et aux familles, qui sera installée dans les prochaines semaines. Un numéro vert, c’est ça ? C’est également l’objet de la mise en débat de toutes les données relatives aux maltraitances : j’ai confié à la Conférence nationale de santé le soin de définir les modalités de l’organisation de rendez-vous annuels de transparence. En complément, une proposition de loi a été récemment déposée par les députés de la majorité présidentielle – j’en salue les auteurs, et je les remercie. Elle vise notamment à instaurer une nouvelle gouvernance territoriale pour réagir aux alertes de maltraitance envers les majeurs vulnérables. Ce dispositif complétera les outils existants et garantira la cohérence des mesures prises contre la maltraitance. Je ne peux qu’applaudir cette initiative.
Pour ma part, j’aurai l’occasion d’annoncer très prochainement le lancement d’une stratégie de lutte contre les maltraitances, en lien avec de nombreux ministères, dont ceux de l’intérieur et de la justice. Cette action résolue, concertée, ramènera la sécurité, la qualité et le bien-être dans toutes les structures du grand âge et de la protection de l’enfance ; elle restaurera la confiance dans des secteurs auxquels nous devons épargner le soupçon permanent que certains s’emploient à répandre. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.)
Je propose donc à la représentation nationale d’avancer en soutenant une proposition de loi qui pourrait être mise en œuvre simplement et rapidement. Celle-ci ne coûte pas un centime – cela devrait vous plaire – et aurait des effets immédiats. Du reste, les parlementaires ne se substitueraient à personne. Cette avancée, c’est le droit de visite des parlementaires dans tous les établissements sociaux et médico-sociaux, sans préavis.
En notre qualité de représentants de la nation, nous sommes souvent les premiers sollicités lorsqu’il s’agit de signaler des situations dangereuses, tant dans les Ehpad que dans les foyers de l’aide sociale à l’enfance – ASE ; depuis six mois, beaucoup d’entre nous en ont fait l’expérience.
Nous jouons un rôle très particulier d’intermédiaire entre les familles désemparées, qui ne savent plus vers qui se tourner, et les autorités locales compétentes, conseils départementaux et agences régionales de santé – ARS. La proposition de loi ne vise pas pour autant à exonérer ces dernières de leurs responsabilités en matière de contrôle. Au vu des révélations de ces dernières années, les contrôles renforcés doivent même se multiplier dans les établissements concernés. Nous ajoutons simplement un étage à la fusée, une garantie supplémentaire que le respect de la dignité est bien assuré dans ces établissements qui accueillent des personnes vulnérables.
Il ne s’agit pas non plus de jeter le discrédit sur les personnels, qui travaillent durement, et dont l’immense majorité fait preuve de professionnalisme et d’humanisme. Lors des travaux que j’ai menés pour préparer ce débat, j’ai ainsi entendu que mettre en lumière la mauvaise gestion des établissements sociaux et médico-sociaux pourrait dissuader les jeunes de s’engager dans cette voie professionnelle et nuire à l’attractivité de ces métiers de première ligne, essentiels au fonctionnement de notre société. Je crois, pour ma part, que c’est l’inverse et que c’est précisément en dénonçant les abus et les manquements, parfois très graves, qui y ont lieu que nous redorerons l’image du secteur médico-social. Pour avoir eu la chance de rencontrer nombre d’acteurs au cours des dernières semaines pour peaufiner cette proposition, je peux dire qu’ils nous attendent avec beaucoup d’impatience.
Ce sont d’ailleurs très souvent les professionnels eux-mêmes qui sonnent l’alarme au sujet de leurs horaires intenables, de leurs salaires trop bas et du nombre de postes vacants. N’oublions pas qu’ils étaient les premiers à témoigner de ce quotidien invivable lorsque le scandale Orpea a éclaté.
Il existe un consensus pour dire que l’évaluation et le contrôle des établissements sociaux et médico-sociaux sont défaillants, eu égard à la bienveillance et à la bientraitance dont devraient bénéficier les personnes fragiles qu’ils accueillent.
S’agissant des Ehpad, le législateur a commis une erreur lors de l’adoption de la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, en ne permettant plus aux ARS et aux conseils départementaux, en tant qu’autorités de contrôle et de tarification, de reprendre les dotations non consommées. Les éventuels excédents sont désormais laissés à la main des établissements qui, je le rappelle, ont un but lucratif. Le résultat est simple et connu : des dérives prévisibles, motivées par l’appât du gain.
S’agissant du secteur de l’aide sociale à l’enfance, l’Observatoire national de la protection de l’enfance ne cesse d’alerter sur les risques psychosociaux auxquels les professionnels de l’enfance peuvent être exposés en raison du manque de personnel. À la faiblesse des moyens s’ajoutent d’énormes disparités de prise en charge selon les départements. Lors de son audition, la directrice de la qualité de l’accompagnement social et médico-social de la Haute Autorité de santé – HAS – a alerté la commission des affaires sociales sur la difficulté de définir une politique de l’enfance homogène lorsque celle-ci est décentralisée. En effet, la notion d’« information préoccupante », qui doit conduire au signalement auprès du département de la mise en danger d’un mineur, n’est pas entendue de la même manière par tous les conseils départementaux. Dès lors, un mineur pris en charge dans un département ne le serait peut-être pas dans un autre, quelques kilomètres plus loin. Cette disparité empêche par ailleurs de disposer de données nationales structurées susceptibles de rendre compte de la situation de l’aide sociale à l’enfance.
Qu’il s’agisse des Ehpad ou des foyers d’accueil des enfants en danger, les résidents et les professionnels ne sont pas assez écoutés. Comment ne pas se sentir désarmé lorsque l’on reçoit le témoignage d’associations, comme celui de l’Association parents et enfants en détresse, dont les représentants me disaient avoir trouvé porte close après avoir signalé de nombreuses fois les dérives parfois très graves subies par leurs enfants ? Je les remercie de leur présence en tribune et de leur courage, qui m’oblige et nous oblige tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Nous savons que les résidents d’Ehpad n’ont pas plus leur mot à dire sur l’organisation et le fonctionnement de ce qui est pourtant leur lieu de vie. Oh là là ! Quand un scandale surgit, qu’entend-on ? « Tout le monde savait. » « Orpea ? Tous les professionnels du milieu savaient. » Alors pourquoi ne parlent-ils pas ? Parce qu’ils savent qu’ils ne seront pas suffisamment entendus, parce que la parole ne se libère pas quand on est seul. Mes chers collègues, ne les laissons plus seuls !
Le regard extérieur, bienveillant, discret – j’insiste – et avisé des parlementaires peut permettre de briser le silence. Autoriser les parlementaires à constater, de leurs propres yeux, les dysfonctionnements des établissements sociaux et médico-sociaux ne pourra qu’apaiser nos concitoyens, inquiets pour leur entourage vulnérable, et leur redonner confiance.
Le dispositif que nous proposons est simple. Il s’inspire à la fois du dispositif prévu à l’article 719 du code de procédure pénale, régissant le régime légal de visite des lieux de privation de liberté, et de l’article L. 3222-4-1 du code de la santé publique relatif aux établissements psychiatriques.
À la suite de nos travaux en commission, je tiens à vous rassurer en niant tout amalgame entre les établissements visés par la proposition de loi et les lieux d’enfermement. Les Ehpad ne sont pas des lieux privatifs de liberté ! Il ne s’agit évidemment pas de comparer l’incomparable, même si l’opacité qui règne parfois dans ces établissements rend ces lieux aussi fermés au public que nombre de lieux privatifs de liberté. Il est évident que les personnes qui y vivent sont parfois dans une situation de dépendance telle qu’elle peut les exposer à la négligence, voire, dans les cas les plus graves, à la maltraitance.
Les débats sur l’opportunité pour les députés, les sénateurs et les parlementaires européens de se rendre dans de tels lieux ne sont pas nouveaux. Un rapport sur l’aide sociale à l’enfance, présenté par Alain Ramadier et Perrine Goulet, préconisait, au mois de juillet 2019, « un droit de visite législatif dans les structures de la protection de l’enfance » eu égard « aux difficultés d’accès à ces lieux ». Cette proposition avait été reprise par nos excellents collègues lors de la discussion en 2021 du projet de loi relatif à la protection des enfants. Le Gouvernement avait alors accepté le principe d’une visite des parlementaires, sous réserve d’en informer le conseil départemental en respectant un délai de prévenance. Or cette disposition n’a pas survécu à la navette parlementaire.
S’agissant des Ehpad, une proposition de loi transpartisane déposée au mois de février 2022 par Mme Christine Pires Beaune, que je tiens à saluer, présentait un dispositif proche de celui que nous proposons aujourd’hui, s’inspirant lui-même du dispositif existant pour les lieux de privation de liberté.
Cette question n’est pas de nature politicienne, nous parlons ici de bien commun, de progrès et parfois de survie. À ce titre, je tiens à saluer le soutien que le groupe Démocrate a apporté en commission à notre proposition, en cohérence avec les idées qu’il défend. Les collusions entre le groupe Dem et le groupe RN, ce n’est pas nouveau ! (Sourires sur quelques bancs du groupe RN.) Je déplore, au contraire, les positions obtuses de certains, qui rejettent aujourd’hui ce qu’ils préconisaient eux-mêmes hier – nous aurons l’occasion d’en reparler. Nous voilà aujourd’hui en séance, nous avons une seconde chance d’avancer ensemble. Il y va, aussi, de l’image de notre assemblée.
Pour finir, je voudrais entrer un peu plus dans le détail du dispositif. D’abord, nous prévoyons que les visites puissent s’effectuer à tout moment et sans préavis.
Il nous semble évident que seul un contrôle inopiné permet de voir comment les choses fonctionnent vraiment dans un établissement. Nous voulons que les parlementaires découvrent la véritable situation, et non pas celle que l’on voudrait leur montrer. Ce dispositif efficace s’applique aux établissements psychiatriques. Il est tout à fait logique de le décliner dans les établissements de santé. Les établissements psychiatriques sont des lieux de privation de liberté, pas les Ehpad ! Je comprends le souhait d’instaurer un délai de courtoisie mais le risque est trop grand que la réalité soit dissimulée. Sans doute ne repeint-on pas une salle de repas en quelques jours mais, en revanche, on a le temps de faire revenir des éducateurs en repos ou de cacher quelques enfants pour améliorer fictivement le taux d’encadrement.
Nous souhaitions également, dans l’idéal, que les élus puissent être accompagnés d’un ou plusieurs journalistes titulaires de la carte de presse, comme cela est également possible pour les lieux de privation de liberté depuis 2015. Ce ne sont pas des lieux de privation de liberté ! Ce serait à nos yeux un progrès démocratique que la presse puisse rendre compte, en toute transparence, des dysfonctionnements de ces établissements. Toutefois, je vous l’ai dit, il ne s’agit pas, avec cette proposition de loi, de faire de la politique politicienne. Je suis prête à supprimer cette faculté si cela devait permettre de sauver le cœur du dispositif de la proposition de loi qu’est le droit de visite des parlementaires.
Ainsi, nous vous présentons une proposition de loi consensuelle, de progrès, qui répond à la préoccupation de nombre de nos concitoyens. Croyez bien qu’ils l’attendent. J’espère donc qu’elle recueillera votre aval aussi largement qu’elle le mérite. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Bravo ! La parole est à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées. Vous vous rappelez : ce n’est pas quatre, mais trois Smic par enfant ! Monsieur Pradié, s’il vous plaît ! Ça commence bien !
Gardons à l’esprit deux faits marquants de l’année écoulée. Le premier est la publication par le journaliste Victor Castanet de l’enquête intitulée Les Fossoyeurs , laquelle a provoqué une gigantesque onde de choc dans le secteur du grand âge et plus largement dans la société française. Elle a été suivie d’une réponse forte des pouvoirs publics, à l’initiative de la ministre Brigitte Bourguignon et de l’Assemblée nationale, en particulier de sa commission des affaires sociales.
Le second est la publication de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, présentée par le secrétaire d’État Adrien Taquet, et qui a fait l’objet d’un consensus large entre les groupes à l’Assemblée nationale, puis entre cette chambre et le Sénat. Cette loi comporte de très nombreuses avancées en faveur des enfants protégés par l’aide sociale à l’enfance, notamment en leur offrant une meilleure protection contre les violences. En outre, désormais, une définition unanimement acceptée de la notion de maltraitance est inscrite dans la loi.
Vous proposez ici de discuter de vos propres prérogatives. Le Gouvernement ne va donc pas prendre formellement position. Je souhaite cependant apporter un avis circonstancié, nourri des réalités du terrain et des actions menées.
La première question que je me pose à la lecture de l’article unique est : « quelle image les députés du Rassemblement national ont-ils du travail mené par les professionnels des établissements visés ? » (Protestations sur les bancs du groupe RN.)
En effet, la conséquence directe de votre proposition est de frapper ce travail de suspicion, remettant ainsi en question, d’une certaine façon, l’engagement, la détermination sans faille… On n’est pas au pays des Bisounours ! …dont fait preuve l’immense majorité d’entre eux afin de garantir aux publics fragiles et vulnérables dont ils prennent soin un accompagnement de qualité, bienveillant, bien-traitant. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Eh oui ! Je ne doute pas de votre bonne intention, mais il s’agit d’une fausse bonne idée qui contribuerait, in fine , à stigmatiser les professionnels (Protestations sur les bancs du groupe RN) … Vous n’avez trouvé que ça ! …et à jeter l’opprobre sur des secteurs qui ne sont certes pas épargnés par les dérives, mais qui font l’objet de contrôles réels et utiles.
On sent dans votre discours une vraie défiance vis-à-vis des structures concernées. Vous avez mal écouté ! Cette défiance, vous la suscitez vous-mêmes en vous payant à peu de frais une solution de facilité, un faux-semblant dont vous taisez, volontairement ou non, les effets délétères.
Je m’interroge aussi sur le regard que vous portez sur l’action des autorités de contrôle, et plus largement celle des pouvoirs publics. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Le Gouvernement a-t-il, une seule fois, nié ou minimisé l’existence de maltraitances et de dérives dans les établissements dont nous parlons aujourd’hui ? Non. Vous mettez en cause tout le travail des personnels ! Le Gouvernement a-t-il, une seule fois, renoncé à ses responsabilités pour faire cesser ces situations et pour garantir la pleine sécurité et le bien-être des personnes accueillies ? Non. Le Gouvernement a-t-il agi ? Non ! Le Gouvernement a-t-il, une seule fois, suspendu son dialogue avec ces professionnels formés, dévoués, dont je connais trop bien l’importance ? Non. Bien au contraire.
Dans les Ehpad comme dans les structures de l’ASE, des contrôles sont réalisés pour vérifier que les établissements remplissent leurs missions dans les meilleures conditions souhaitables. Quel succès ! Tout d’abord, à la suite de à l’affaire Orpea, je rappelle que le Gouvernement a annoncé et commencé à déployer, avec les départements, un plan visant à contrôler, d’ici à deux ans, 7 500 Ehpad. À ce titre, au printemps 2022, 400 inspections-contrôles physiques ont été réalisées dans le cadre de l’opération « coup de poing » ciblée sur les Ehpad gérés par Orpea ou ceux jugés à risque. Depuis le mois de février 2022, 1 400 contrôles ont été effectués, allant de l’examen de pièces comptables et réglementaires à des missions sur place. La mise à jour par les inspecteurs de situations passibles d’un traitement pénal a conduit à saisir sept fois le procureur de la République
Par ailleurs, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a renforcé les mesures administratives que les équipes d’inspection peuvent prendre, en cas de défaillance constatée. Je remercie les parlementaires qui ont défendu des amendements en ce sens. La loi prévoit également des mesures fortes, visant à mieux encadrer et surveiller les pratiques des groupes gestionnaires d’Ehpad. En outre, les moyens destinés aux contrôles ont également été augmentés. En plus des 500 personnes compétentes qui exerçaient déjà des missions de contrôle dans les ARS, 120 postes ont été créés pour étoffer les équipes d’inspection.
Dans le secteur de la protection de l’enfance également, de nombreux outils de contrôle existent. Depuis 2020, les préfets doivent s’assurer annuellement que les présidents de conseils départementaux, premiers compétents pour contrôler les établissements auxquels ils délivrent des autorisations, leur transmettent leurs plans de contrôle. Or nous observons que 80 % de ces plans prévoient des visites inopinées sur site.
Dès sa prise de fonction, Charlotte Caubel, secrétaire d’État chargée de l’enfance, s’est engagée à renforcer les contrôles dans les établissements. Des opérations de contrôle ont été conduites avec les moyens de l’État dans plusieurs territoires et une circulaire a été adressée aux préfets pour réaffirmer l’engagement de l’État.
Le renforcement des opérations de contrôle vient compléter les dispositifs existants. Ainsi, l’Igas – Inspection générale des affaires sociales – mène annuellement une inspection approfondie d’un ou deux départements, tandis que les chambres régionales des comptes sont régulièrement amenées à contrôler la mise en œuvre de la politique de protection de l’enfance. Alors, pourquoi on en est là ? Le Défenseur des droits est régulièrement sollicité et transmet des alertes aux services de l’État, pour qu’ils apportent des solutions. Dans ce cadre-là aussi, les moyens ont été renforcés. La loi du 7 février 2022 instaure des contrôles de probité obligatoires et élargit le champ des contrôles visant les professionnels, les bénévoles intervenant dans les structures et les membres de la famille d’accueil résidant au domicile. La loi de finances pour 2023 prévoit par ailleurs de renforcer les moyens humains. Les effectifs des services sociaux déconcentrés ont été augmentés de 31 ETPT – équivalents temps plein travaillé ; les équipes territoriales de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) augmenteront d’une vingtaine d’ETPT. Ces effectifs sont appelés à augmenter de nouveau, dans des proportions similaires, au cours des prochaines années.
Je le dis sans ambiguïté : c’est sur ces équipes, sur l’ensemble des professionnels dédiés aux contrôles, que nous comptons pour lutter toujours mieux contre les maltraitances. C’est d’autant plus vrai que le droit de visite dont nous débattons ne permettrait absolument pas de repérer ces dernières. Ben si ! Il faut bien méconnaître la réalité du terrain pour penser le contraire. N’importe quoi ! Jamais je ne contesterai aux parlementaires la moindre parcelle de leur rôle. Voter la loi ; contrôler l’action du Gouvernement ; représenter vos circonscriptions : chacun ici mesure l’importance cruciale, pour une démocratie saine, de votre action plurielle. Mais pensez-vous qu’un droit de visite inconditionnel dans les établissements sociaux et médico-sociaux résoudrait les difficultés que nous connaissons tous ? Oui ! Cela vous surprendra peut-être, mais je pense même que cette mesure pourrait se révéler contre-productive. La visite inopinée d’un parlementaire permettrait-elle, par exemple, d’aider une dame âgée à qui un professionnel peu scrupuleux – malheureusement il y en a – a volé une partie de son argent ? Qu’iriez-vous vérifier ? À qui iriez-vous parler ? (Murmures sur les bancs du groupe RN.) Quelle enquête mèneriez-vous ? La visite inopinée d’un parlementaire permettrait-elle d’apprécier une situation de négligence,… Certes, cela ne résoudra pas tous les problèmes ! …qui s’installe dans la durée et ne peut être constatée à un instant T, si ce n’est par des professionnels qualifiés, habilités à échanger avec les personnes concernées ? (Protestations sur les bancs du groupe RN.)
Iriez-vous vérifier si la douche donnée ce matin-là à telle résidente était chaude ou froide ? De quoi avez-vous peur ? Iriez-vous vérifier si, pour le petit-déjeuner, le lait n’a pas été mélangé avec de l’eau ? Est-ce qu’on vérifie ça, dans les prisons ? La visite inopinée d’un parlementaire permettrait-elle de dévoiler des cas de violences sexuelles, comme il en existe entre professionnels et résidents, ou entre résidents ? Vous ne voyez pas l’intérêt de cette proposition de loi ? Pensez-vous qu’une telle agression aurait lieu justement quand vous êtes là, ou que grâce à la première question posée à une personne assise pour déjeuner, vous pourriez recueillir un témoignage ? (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
En réalité, je crains que cette prérogative ne vous conduise à passer à côté des vraies alertes. Vous passez à côté depuis des années ! Pire, je crains qu’elle puisse apparaître comme une caution en faveur de certains établissements visités, y compris ceux connaissant de vrais dysfonctionnements, qu’une visite de parlementaire, même inopinée, ne saurait révéler.
Mesdames et messieurs les députés, je ne vois pas ce qu’apporterait la mesure dont nous débattons. (Mme Béatrice Roullaud proteste.) Je vois en revanche quels effets notre action produit. Ils sont le résultat d’une structuration de notre réponse, et de la formation des agents qui la mettent en œuvre. (M. Jocelyn Dessigny et Mme Caroline Parmentier s’exclament.) Oui, contrôler des structures qui accueillent des publics vulnérables est un métier à part entière. Pour être efficaces, ces contrôles nécessitent certains prérequis, dont les parlementaires et journalistes ne disposent pas. Contrairement au ministre ! (Sourires sur les bancs du groupe RN.) Ils doivent notamment s’appuyer sur des compétences permettant d’analyser des documents ou des situations à partir d’expériences comparables, d’après un référentiel de normes opposables.
C’est pourquoi, dans le domaine du grand âge, le Gouvernement a construit une offre de formation sur mesure à l’intention des ARS, en renforçant les ressources internes de l’École des hautes études en santé publique (EHESP). L’objectif est de former 600 agents d’ici à la fin du premier semestre 2023. De la même façon, dans le secteur de la protection de l’enfance, des formations communes, relatives aux enjeux spécifiques du contrôle des établissements, ont été élaborées pour les personnels. Elles permettront de former plus de 300 agents de l’État et des départements.
Outre l’inefficacité de la mesure proposée, je dois souligner ses potentiels effets négatifs. Nous parlons de publics vulnérables, pour certains protégés. À l’inverse des lieux de privation de liberté, il n’est, dans les structures évoquées, pas question d’exercer le moindre contrôle sur les personnes. Dans les Ehpad, je suis tout autant attaché au respect des libertés et droits des résidents qu’à la qualité de l’accompagnement. Le droit à la vie privée en fait partie ; il ne les empêche d’ailleurs pas, s’ils le souhaitent, d’accueillir élus et journalistes, y compris dans leurs chambres.
Les établissements de protection de l’enfance accueillent des enfants placés sur décision administrative ou judiciaire pour être protégés ; je sais que la secrétaire d’État Charlotte Caubel est tout aussi attentive à garantir l’intimité et le respect de la vie privée des enfants.
Les parlementaires peuvent déjà visiter ces établissements, sous réserve d’une simple précaution administrative : prévenir la direction et le conseil départemental. Une telle condition ne me semble pas exorbitante. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Elle nous garde de toute tentation de récupération politique.
Par ailleurs, l’instauration d’un droit de visite inconditionnel des parlementaires ne répond en rien, je dis bien en rien, aux attentes des collectifs de familles, avec lesquels j’échange très régulièrement. (Protestations sur les bancs du groupe RN.) Je connais leurs demandes : ils veulent que les pouvoirs publics fassent respecter les règles existantes dans l’écosystème ; que les autorités de contrôle soient au rendez-vous ; surtout, que l’on écoute et entende mieux les personnes.
En conclusion, mesdames et messieurs les députés (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN) ,… Enfin une bonne nouvelle ! …je souhaite partager avec vous une conviction profonde : dans la lutte contre la maltraitance, nous devons dépasser l’urgence permanente et nous inscrire dans une logique d’appréhension structurelle des enjeux. Il nous faut notamment améliorer les circuits d’alerte et les dispositifs de réponse. Pour y parvenir, le ministre de la justice, le ministre de l’intérieur, la ministre déléguée chargée des personnes handicapées, la secrétaire d’État chargée de l’enfance et moi avons récemment saisi l’Igas, l’Inspection générale de l’administration (IGA) et l’Inspection générale de la justice (IGJ).
Nous devons évidemment continuer à libérer la parole, et surtout faire en sorte qu’elle parvienne aux bonnes oreilles. C’est l’objet de la plateforme de recueil des plaintes et réclamations, ouverte au grand public et aux familles, qui sera installée dans les prochaines semaines. Un numéro vert, c’est ça ? C’est également l’objet de la mise en débat de toutes les données relatives aux maltraitances : j’ai confié à la Conférence nationale de santé le soin de définir les modalités de l’organisation de rendez-vous annuels de transparence. En complément, une proposition de loi a été récemment déposée par les députés de la majorité présidentielle – j’en salue les auteurs, et je les remercie. Elle vise notamment à instaurer une nouvelle gouvernance territoriale pour réagir aux alertes de maltraitance envers les majeurs vulnérables. Ce dispositif complétera les outils existants et garantira la cohérence des mesures prises contre la maltraitance. Je ne peux qu’applaudir cette initiative.
Pour ma part, j’aurai l’occasion d’annoncer très prochainement le lancement d’une stratégie de lutte contre les maltraitances, en lien avec de nombreux ministères, dont ceux de l’intérieur et de la justice. Cette action résolue, concertée, ramènera la sécurité, la qualité et le bien-être dans toutes les structures du grand âge et de la protection de l’enfance ; elle restaurera la confiance dans des secteurs auxquels nous devons épargner le soupçon permanent que certains s’emploient à répandre. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. Lionel Tivoli.
Jamais nous n’aurions pensé qu’un texte qui devrait faire l’unanimité pourrait ne pas être adopté. Jamais nous n’aurions pensé que vous feriez passer après tout le reste – et surtout après vos postures politiciennes – la question des maltraitances commises sur les enfants et les personnes âgées. Toujours, le Rassemblement national défendra haut et fort la protection de l’enfance. Toujours, le Rassemblement national souhaitera endiguer les maltraitances dont sont victimes nos aînés.
Déjà, je vois poindre sur vos bancs l’argument de l’atteinte portée à la dignité des personnes vivant en établissement social et médico-social, afin de réprouver la présente proposition de loi. Pourtant, permettre aux députés et aux sénateurs de donner l’alarme sur la situation dans ces établissements, c’est faire le choix d’une vie meilleure pour nos compatriotes fragiles et vulnérables. Avec ce texte, inscrit à l’ordre du jour de notre niche parlementaire, cette journée consacrée aux propositions d’un groupe politique, nous formons le vœu d’un État responsable dévoué au service des Français.
Chacun a sans doute vu – j’invite ceux qui ne l’auraient pas fait à le regarder – le documentaire Familles d’accueil, hôtels sociaux : le nouveau scandale des enfants placés , de Jean-Charles Doria. Ce documentaire, diffusé dans « Zone interdite » sur M6, nous a alertés sur les résultats extrêmement préoccupants d’une enquête menée au sein d’établissements habilités au titre de l’ASE.
Il suffit de citer quelques exemples pour dévoiler l’ampleur du problème : l’examen insuffisant du dossier d’une fausse famille d’accueil, sans vérification de l’identité ou du casier judiciaire ; la détresse des enfants hébergés dans des hôtels sociaux ; la présence de points de deal dans les foyers de l’enfance ; la facilité avec laquelle des jeunes filles placées deviennent les proies de proxénètes.
Ces exemples ne peuvent pas nous laisser indifférents. Les mentalités doivent évoluer. Un devoir moral nous incombe à l’égard de nos enfants, de nos aînés et des professionnels travaillant en Ehpad et dans les foyers de l’ASE ; bien entendu, il faut le rappeler sans déconsidérer les efforts des conseils départementaux en la matière.
Aussi, dans le cadre de l’exercice des missions de contrôle qui leur incombent, les parlementaires doivent-ils naturellement être déclarés compétents pour visiter les établissements sociaux et médico-sociaux.
Les missions des Ehpad sont intimement liées au droit à la dignité humaine, censé caractériser la société développée dans laquelle nous vivons. Nos aînés, en raison de leur fragilité physique et mentale, ont droit au maintien et à l’amélioration de leur autonomie. Ils ne devraient pas souffrir de la solitude ni de l’isolement, après avoir consacré leur vie à leurs proches et après avoir fait don de leur personne. Ils ne devraient pas non plus subir d’actes malveillants, qui les laissent sans nourriture, sans hygiène, abandonnés à leur sort, à cause de leur vulnérabilité physique et psychologique.
Après le scandale Orpea, les signalements de maltraitance en Ehpad ont fortement augmenté. La loi du silence est rompue. Durant le premier trimestre 2022, le numéro d’appel national qui recense les brutalités commises envers les personnes âgées a connu une hausse de 40 % des signalements. Les Français nous attendent au tournant. L’adoption de cette proposition de loi est donc nécessaire et répond à des attentes décuplées depuis les récentes révélations.
Quant aux foyers de l’ASE, leurs missions sont intimement liées au bien-être de l’enfant. Il ne saurait en être autrement. Les enfants et adolescents confiés à l’aide sociale doivent bénéficier d’une aide matérielle significative, prioritaire et dispensée sans exception. Cette aide doit notamment se traduire par l’instauration de projets éducatifs et psychologiques qui visent à protéger leur intégrité, ainsi qu’à prévenir d’éventuels actes malveillants. Ces enfants et adolescents, comme tous les autres enfants et adolescents, ont droit à une stabilité affective et sociale, qui leur permettra d’espérer et d’envisager avec sérénité leur intégration dans la société.
Lors de l’examen du texte en commission des affaires sociales, nous avons entendu une objection – M. le ministre vient de la reprendre – qui n’a pas lieu d’être. Les personnels des Ehpad et des foyers de l’ASE effectuent avec courage un travail formidable. Jamais leur implication au service des Français ne saurait être mise en doute. L’altruisme et l’empathie dont ils font preuve, alors que leur travail est épuisant et très souvent mal rémunéré, imposent le plus grand respect. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Les dérives que nous évoquions précédemment sont notamment le fait du sous-effectif, et se produisent au détriment de toutes les personnes qui exercent quotidiennement leur travail avec passion.
Le Rassemblement national vous invite à ne pas voter pour les amendements de suppression déposés par certains groupes politiques et dont l’adoption empêcherait tout débat. Nous pourrons alors partager nos idées et nos convictions respectives, afin que chacun puisse faire un choix politique mesuré et responsable dans l’intérêt du pays. À cet égard, l’amendement rédigé par le groupe Démocrate est le bienvenu : il ouvre le débat et permet d’engager une réflexion approfondie sur le sujet. Les groupes politiques qui composent l’Assemblée nationale peuvent avoir des divergences ; mais lorsqu’il s’agit de protéger les Français, il est de notre devoir d’accélérer le travail législatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mes chers collègues, ayons le courage de nous mettre d’accord pour étendre aux établissements sociaux et médico-sociaux le droit de visite des parlementaires nationaux et européens élus en France. Faisons-le ensemble ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Bravo ! La parole est à M. Jean-François Coulomme. Voici une proposition de loi qui étend aux centres sociaux et médico-sociaux le droit de visite parlementaire, droit dont le Rassemblement national lui-même n’a pas jugé utile de faire usage lors de la visite de la prison de Fresnes organisée fin 2022 par la commission des lois. On ne vous a pas attendu ! Mais ne doutons pas qu’il en fera bientôt copieusement usage dans les centres de rétention administrative pour migrants, afin d’identifier les meilleures façons d’organiser le retour en Afrique des réfugiés. Hors sujet ! La loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes autorise députés et sénateurs à visiter les lieux de rétention. Bien que nantis de ce droit de visite, seuls 21 % des quelque 1 000 parlementaires français – soit un sur cinq – ont visité un établissement pénitentiaire ou psychiatrique. Nous, nous l’avons fait ! Le 25 janvier 2022, les députés du groupe Socialistes et apparentés ont demandé que les parlementaires puissent disposer d’un droit de visite à l’improviste dans les Ehpad. Cette demande faisait suite à la mise en lumière de la maltraitance institutionnelle dans les Ehpad privés, d’abord en 2018 dans le documentaire audiovisuel Maisons de retraite : derrière la façade , puis en janvier 2022 dans le livre Les Fossoyeurs dénonçant la spéculation sur l’or gris – entendez par là nos anciens.
De nombreux rapports alertent depuis des années l’opinion sur la mauvaise gestion des Ehpad privés et les mauvais traitements qui y sont pratiqués. En effet, les effectifs des agents de l’ARS responsables du contrôle de ces établissements ont chuté de 26 % en six ans ; seuls 17 établissements sur 700 ont été contrôlés en 2019 en Île-de-France. Quant à l’inspection du travail, chargée des salariés, elle est réduite à la portion congrue ; des postes y sont supprimés chaque année. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 a acté que les Ehpad ne seront dotés que de 3 000 aides-soignants et infirmiers supplémentaires, un chiffre éloigné des 20 000 recrutements demandés en urgence par les directeurs d’Ehpad et par la NUPES. Enfin, il n’y a toujours pas de loi « grand âge » pour adapter la société au vieillissement de la population.
Quant à l’ASE, sa situation est particulièrement critique, puisqu’on y constate de graves dysfonctionnements structurels : agressions sexuelles, violences et travailleurs sociaux en sous-effectif. L’encadrement et les professionnels des structures sociales et médico-sociales témoignent partout de situations récurrentes et pérennes de sous-effectif et de sous-qualification.
Le champ de cette proposition de loi inclut les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie, les foyers de jeunes travailleurs, les établissements de dépistage, les centres d’accueil pour demandeurs d’asile et les services de protection des majeurs dans le cadre de la sauvegarde de justice, de la curatelle ou de la tutelle. Un droit de visite des parlementaires étendu à ces lieux ne changerait rien. Les députés ne pourraient que constater ce que l’on sait déjà de la situation dans les Ehpad, à l’ASE ou dans le secteur du handicap ; tout a déjà été dit à ce sujet, notamment dans le rapport d’information de Caroline Fiat et Monique Iborra sur les Ehpad.
Le secteur social et médico-social est désormais peu attractif, voire répulsif ; le turnover y est massif. Le nombre de candidats au concours d’aide-soignant a baissé de 25 % en cinq ans, les rémunérations dans le secteur sont durablement indignes et les formations restent cloisonnées. Ces conditions dissuadent d’exercer ces métiers si mal rémunérés. À ce jour, 64 000 postes de travailleurs sociaux généraux sont vacants et les larrons qui fantasment sur un report de l’âge de départ à la retraite n’y changeront rien : à 65 ans, les soignants dans les Ehpad finiront par être plus âgés que les résidents dont ils s’occupent ! Exactement ! Il faut prendre des mesures concrètes et structurelles pour améliorer la situation. Des mesures démographiques ! Les solutions existent ; elles se situent à l’exact opposé de celles proposées par tous ceux qui, bien qu’ayant le pouvoir, n’ont rien pu prévoir. Nous présentons les principales et les plus urgentes : l’interdiction des Ehpad privés à but lucratif (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES) ; la suppression des mécanismes de défiscalisation de l’investissement locatif en Ehpad ; l’instauration d’un ratio décent entre patients et soignants (Mêmes mouvements) ; le recrutement massif de personnel et la revalorisation salariale ; l’injection de la prime Ségur dans les salaires de tous les personnels du secteur ; la création de 10 000 places d’accueil en Ehpad par an pendant cinq ans. (Mêmes mouvements.)
De la même manière, pour les centres sociaux et médico-sociaux, en lieu et place d’un droit de visite réglementé qui ne changerait ni la condition des professionnels ni celle des résidents, nous proposons de revaloriser les salaires des professionnels, d’embaucher massivement le personnel nécessaire à leur bon fonctionnement et de centraliser ces structures au niveau de l’État. (Mêmes mouvements.)
La proposition de loi du groupe Rassemblement national étendant le droit de visite des parlementaires est une totale hypocrisie quand on sait qu’il a proposé ce matin même des mesures d’exemption de cotisations sociales qui accentueraient le dépouillement des moyens des secteurs de la santé et du grand âge. Assez de tartufferie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Protestations sur les bancs du groupe RN.) La parole est à Mme Josiane Corneloup. Cette proposition de loi du groupe Rassemblement national entend étendre aux établissements sociaux et médico-sociaux le droit de visite des parlementaires et des parlementaires européens élus en France. Elle s’inscrit dans un contexte de scandales sanitaires dans les Ehpad – comme ceux d’Orpea – et dans les centres de l’ASE. Ces scandales sont inadmissibles et nous devons réagir. Nous sommes tous soucieux du respect de la dignité des personnes vulnérables accueillies dans ces établissements, de la bienveillance et de la bientraitance qu’elles sont légitimement en droit d’attendre. Nous sommes également tous conscients que les personnels de ces établissements travaillent durement, avec professionnalisme et humanisme dans l’immense majorité des cas. Nous connaissons aussi les conditions de travail très difficiles des professionnels, liées au manque d’attractivité des métiers et aux nombreux postes vacants. Toutefois, ces métiers sont essentiels au bon fonctionnement des établissements.
Ce contexte délétère peut très vite induire des formes de maltraitance. La commission des affaires sociales est parfaitement saisie de cette problématique : quatre missions flash sur les Ehpad ont été lancées en février 2022. Un important travail a été mené durant la précédente législature et des préconisations ont été faites dans de nombreux rapports, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Nous attendons désormais les projets de loi traitant globalement l’ensemble des problèmes de l’autonomie et du grand âge.
La proposition de loi fait référence à la loi du 15 juin 2000, qui permet aux députés de visiter des centres pénitentiaires, et à la loi du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse, qui élargit le droit de visite des parlementaires aux centres éducatifs fermés et les autorise à être accompagnés de journalistes. Il s’agit là de lieux de privation de liberté, ce que ne sont pas les établissements sociaux et médico-sociaux. Exactement ! Elle a raison ! Le présent texte ne peut donc s’inscrire dans la continuité de ces deux lois. Nous devons veiller à ne pas stigmatiser les établissements sociaux et médico-sociaux ; ce sont avant tout des lieux de vie et nous devons respecter la liberté et les droits des résidents, notamment leur vie privée. Les établissements sociaux et médico-sociaux ne sont pas non plus comparables aux établissements pénitentiaires en ce qu’ils sont gérés par les départements. Les élus auxquels revient donc le droit, ou le devoir, de visiter ces établissements sont moins les députés et les parlementaires européens que les élus départementaux et les services de contrôle des ARS et des départements. L’action sociale relève bien des compétences de ces derniers.
Un consensus existe autour de la défaillance de l’évaluation et du contrôle des établissements sociaux et médico-sociaux. Le scandale Orpea a montré à quel point ces agissements s’inscrivaient dans un système ; pour les démasquer, des compétences tout à fait spécifiques sont donc nécessaires. Nous pouvons douter du bien-fondé de ce texte, qui se présente comme la solution face aux dérives constatées. Non, c’est une possibilité. Il est trompeur de penser que le droit de visite des parlementaires permettrait de démasquer ces agissements. Les contrôles doivent être effectués par des personnes habilitées et formées. Le recrutement de personnels disposant des compétences spécifiques pour effectuer les contrôles est d’ailleurs un problème pour les ARS et les départements.
En tant que parlementaires, nous nous rendons régulièrement dans les Ehpad et les centres médico-sociaux de nos circonscriptions. Comme la plupart des élus, nous y sommes toujours bien accueillis. Ces rencontres offrent justement la possibilité d’échanger avec les directeurs et les personnels au sujet de leurs problèmes et de leurs besoins. La présente proposition de loi prévoit la possibilité d’effectuer ces visites avec des journalistes ; cela me paraît peu opportun. Nous avons le sentiment qu’il s’agit d’une proposition de loi un peu sensationnaliste… Vous avez écouté la présentation du texte ? …qui ressemble davantage à un coup de communication qu’à un véritable travail de fond pour résoudre les problèmes.
Pour le groupe Les Républicains, d’autres moyens existent pour mieux contrôler le fonctionnement et les agissements des établissements. Nous sommes soucieux que ces contrôles soient effectués régulièrement et rigoureusement, et que des sanctions soient prononcées s’il y a lieu. Toutefois, il ne nous semble pas que le droit de visite des parlementaires contribuerait efficacement à éviter de mauvais traitements. En revanche, des mesures visant à renforcer l’attractivité de ces métiers, pour pallier la vacance de 200 000 postes dans ces établissements, représenteraient une avancée certaine pour assurer une prise en charge satisfaisante des personnes accueillies. Nous voterons donc contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à Mme Anne Bergantz. Compte tenu des récents scandales dans certains établissements sociaux et médico-sociaux, il semble pour le moins qu’un niveau de contrôle supplémentaire soit nécessaire. Nous l’avons tous dit l’an dernier lors de la sortie du livre d’enquête sur le sujet, Les Fossoyeurs . Dans les semaines suivant la révélation de ce scandale, le groupe Démocrate avait fait de nombreuses propositions en ce sens.
La proposition de loi que nous examinons fait écho à cette affaire. Elle reprend des amendements déjà déposés et défendus, tendant à permettre aux parlementaires de visiter des établissements sociaux et médico-sociaux, qui avaient été rejetés. De manière très opportuniste, le groupe Rassemblement national présente aujourd’hui un texte calqué sur ces initiatives.
Toutefois, nous nous en tiendrons au fond du dispositif proposé. À première vue, pourquoi, en tant que parlementaire, s’opposer à une extension de nos prérogatives ? Oui, pourquoi ? Pour beaucoup, il pourrait sembler légitime de soutenir ce droit de visite. Oui, pour tout le monde ! Au-delà de l’activité législative, les contrôles – au pluriel – constituent une autre mission essentielle des députés. En cela, la proposition reprise par le groupe Rassemblement national pourrait sembler vertueuse et de bon sens. Mais ? Mais dans les faits, elle s’éloigne de la posture d’exigence et de responsabilité que nous défendons. Notre objectif doit être de protéger les publics fragiles et non de les exposer à des visites surprises de parlementaires accompagnés de journalistes. C’est sûr que c’est mieux quand on prévient !
Déjà, je vois poindre sur vos bancs l’argument de l’atteinte portée à la dignité des personnes vivant en établissement social et médico-social, afin de réprouver la présente proposition de loi. Pourtant, permettre aux députés et aux sénateurs de donner l’alarme sur la situation dans ces établissements, c’est faire le choix d’une vie meilleure pour nos compatriotes fragiles et vulnérables. Avec ce texte, inscrit à l’ordre du jour de notre niche parlementaire, cette journée consacrée aux propositions d’un groupe politique, nous formons le vœu d’un État responsable dévoué au service des Français.
Chacun a sans doute vu – j’invite ceux qui ne l’auraient pas fait à le regarder – le documentaire Familles d’accueil, hôtels sociaux : le nouveau scandale des enfants placés , de Jean-Charles Doria. Ce documentaire, diffusé dans « Zone interdite » sur M6, nous a alertés sur les résultats extrêmement préoccupants d’une enquête menée au sein d’établissements habilités au titre de l’ASE.
Il suffit de citer quelques exemples pour dévoiler l’ampleur du problème : l’examen insuffisant du dossier d’une fausse famille d’accueil, sans vérification de l’identité ou du casier judiciaire ; la détresse des enfants hébergés dans des hôtels sociaux ; la présence de points de deal dans les foyers de l’enfance ; la facilité avec laquelle des jeunes filles placées deviennent les proies de proxénètes.
Ces exemples ne peuvent pas nous laisser indifférents. Les mentalités doivent évoluer. Un devoir moral nous incombe à l’égard de nos enfants, de nos aînés et des professionnels travaillant en Ehpad et dans les foyers de l’ASE ; bien entendu, il faut le rappeler sans déconsidérer les efforts des conseils départementaux en la matière.
Aussi, dans le cadre de l’exercice des missions de contrôle qui leur incombent, les parlementaires doivent-ils naturellement être déclarés compétents pour visiter les établissements sociaux et médico-sociaux.
Les missions des Ehpad sont intimement liées au droit à la dignité humaine, censé caractériser la société développée dans laquelle nous vivons. Nos aînés, en raison de leur fragilité physique et mentale, ont droit au maintien et à l’amélioration de leur autonomie. Ils ne devraient pas souffrir de la solitude ni de l’isolement, après avoir consacré leur vie à leurs proches et après avoir fait don de leur personne. Ils ne devraient pas non plus subir d’actes malveillants, qui les laissent sans nourriture, sans hygiène, abandonnés à leur sort, à cause de leur vulnérabilité physique et psychologique.
Après le scandale Orpea, les signalements de maltraitance en Ehpad ont fortement augmenté. La loi du silence est rompue. Durant le premier trimestre 2022, le numéro d’appel national qui recense les brutalités commises envers les personnes âgées a connu une hausse de 40 % des signalements. Les Français nous attendent au tournant. L’adoption de cette proposition de loi est donc nécessaire et répond à des attentes décuplées depuis les récentes révélations.
Quant aux foyers de l’ASE, leurs missions sont intimement liées au bien-être de l’enfant. Il ne saurait en être autrement. Les enfants et adolescents confiés à l’aide sociale doivent bénéficier d’une aide matérielle significative, prioritaire et dispensée sans exception. Cette aide doit notamment se traduire par l’instauration de projets éducatifs et psychologiques qui visent à protéger leur intégrité, ainsi qu’à prévenir d’éventuels actes malveillants. Ces enfants et adolescents, comme tous les autres enfants et adolescents, ont droit à une stabilité affective et sociale, qui leur permettra d’espérer et d’envisager avec sérénité leur intégration dans la société.
Lors de l’examen du texte en commission des affaires sociales, nous avons entendu une objection – M. le ministre vient de la reprendre – qui n’a pas lieu d’être. Les personnels des Ehpad et des foyers de l’ASE effectuent avec courage un travail formidable. Jamais leur implication au service des Français ne saurait être mise en doute. L’altruisme et l’empathie dont ils font preuve, alors que leur travail est épuisant et très souvent mal rémunéré, imposent le plus grand respect. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Les dérives que nous évoquions précédemment sont notamment le fait du sous-effectif, et se produisent au détriment de toutes les personnes qui exercent quotidiennement leur travail avec passion.
Le Rassemblement national vous invite à ne pas voter pour les amendements de suppression déposés par certains groupes politiques et dont l’adoption empêcherait tout débat. Nous pourrons alors partager nos idées et nos convictions respectives, afin que chacun puisse faire un choix politique mesuré et responsable dans l’intérêt du pays. À cet égard, l’amendement rédigé par le groupe Démocrate est le bienvenu : il ouvre le débat et permet d’engager une réflexion approfondie sur le sujet. Les groupes politiques qui composent l’Assemblée nationale peuvent avoir des divergences ; mais lorsqu’il s’agit de protéger les Français, il est de notre devoir d’accélérer le travail législatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mes chers collègues, ayons le courage de nous mettre d’accord pour étendre aux établissements sociaux et médico-sociaux le droit de visite des parlementaires nationaux et européens élus en France. Faisons-le ensemble ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Bravo ! La parole est à M. Jean-François Coulomme. Voici une proposition de loi qui étend aux centres sociaux et médico-sociaux le droit de visite parlementaire, droit dont le Rassemblement national lui-même n’a pas jugé utile de faire usage lors de la visite de la prison de Fresnes organisée fin 2022 par la commission des lois. On ne vous a pas attendu ! Mais ne doutons pas qu’il en fera bientôt copieusement usage dans les centres de rétention administrative pour migrants, afin d’identifier les meilleures façons d’organiser le retour en Afrique des réfugiés. Hors sujet ! La loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes autorise députés et sénateurs à visiter les lieux de rétention. Bien que nantis de ce droit de visite, seuls 21 % des quelque 1 000 parlementaires français – soit un sur cinq – ont visité un établissement pénitentiaire ou psychiatrique. Nous, nous l’avons fait ! Le 25 janvier 2022, les députés du groupe Socialistes et apparentés ont demandé que les parlementaires puissent disposer d’un droit de visite à l’improviste dans les Ehpad. Cette demande faisait suite à la mise en lumière de la maltraitance institutionnelle dans les Ehpad privés, d’abord en 2018 dans le documentaire audiovisuel Maisons de retraite : derrière la façade , puis en janvier 2022 dans le livre Les Fossoyeurs dénonçant la spéculation sur l’or gris – entendez par là nos anciens.
De nombreux rapports alertent depuis des années l’opinion sur la mauvaise gestion des Ehpad privés et les mauvais traitements qui y sont pratiqués. En effet, les effectifs des agents de l’ARS responsables du contrôle de ces établissements ont chuté de 26 % en six ans ; seuls 17 établissements sur 700 ont été contrôlés en 2019 en Île-de-France. Quant à l’inspection du travail, chargée des salariés, elle est réduite à la portion congrue ; des postes y sont supprimés chaque année. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 a acté que les Ehpad ne seront dotés que de 3 000 aides-soignants et infirmiers supplémentaires, un chiffre éloigné des 20 000 recrutements demandés en urgence par les directeurs d’Ehpad et par la NUPES. Enfin, il n’y a toujours pas de loi « grand âge » pour adapter la société au vieillissement de la population.
Quant à l’ASE, sa situation est particulièrement critique, puisqu’on y constate de graves dysfonctionnements structurels : agressions sexuelles, violences et travailleurs sociaux en sous-effectif. L’encadrement et les professionnels des structures sociales et médico-sociales témoignent partout de situations récurrentes et pérennes de sous-effectif et de sous-qualification.
Le champ de cette proposition de loi inclut les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie, les foyers de jeunes travailleurs, les établissements de dépistage, les centres d’accueil pour demandeurs d’asile et les services de protection des majeurs dans le cadre de la sauvegarde de justice, de la curatelle ou de la tutelle. Un droit de visite des parlementaires étendu à ces lieux ne changerait rien. Les députés ne pourraient que constater ce que l’on sait déjà de la situation dans les Ehpad, à l’ASE ou dans le secteur du handicap ; tout a déjà été dit à ce sujet, notamment dans le rapport d’information de Caroline Fiat et Monique Iborra sur les Ehpad.
Le secteur social et médico-social est désormais peu attractif, voire répulsif ; le turnover y est massif. Le nombre de candidats au concours d’aide-soignant a baissé de 25 % en cinq ans, les rémunérations dans le secteur sont durablement indignes et les formations restent cloisonnées. Ces conditions dissuadent d’exercer ces métiers si mal rémunérés. À ce jour, 64 000 postes de travailleurs sociaux généraux sont vacants et les larrons qui fantasment sur un report de l’âge de départ à la retraite n’y changeront rien : à 65 ans, les soignants dans les Ehpad finiront par être plus âgés que les résidents dont ils s’occupent ! Exactement ! Il faut prendre des mesures concrètes et structurelles pour améliorer la situation. Des mesures démographiques ! Les solutions existent ; elles se situent à l’exact opposé de celles proposées par tous ceux qui, bien qu’ayant le pouvoir, n’ont rien pu prévoir. Nous présentons les principales et les plus urgentes : l’interdiction des Ehpad privés à but lucratif (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES) ; la suppression des mécanismes de défiscalisation de l’investissement locatif en Ehpad ; l’instauration d’un ratio décent entre patients et soignants (Mêmes mouvements) ; le recrutement massif de personnel et la revalorisation salariale ; l’injection de la prime Ségur dans les salaires de tous les personnels du secteur ; la création de 10 000 places d’accueil en Ehpad par an pendant cinq ans. (Mêmes mouvements.)
De la même manière, pour les centres sociaux et médico-sociaux, en lieu et place d’un droit de visite réglementé qui ne changerait ni la condition des professionnels ni celle des résidents, nous proposons de revaloriser les salaires des professionnels, d’embaucher massivement le personnel nécessaire à leur bon fonctionnement et de centraliser ces structures au niveau de l’État. (Mêmes mouvements.)
La proposition de loi du groupe Rassemblement national étendant le droit de visite des parlementaires est une totale hypocrisie quand on sait qu’il a proposé ce matin même des mesures d’exemption de cotisations sociales qui accentueraient le dépouillement des moyens des secteurs de la santé et du grand âge. Assez de tartufferie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Protestations sur les bancs du groupe RN.) La parole est à Mme Josiane Corneloup. Cette proposition de loi du groupe Rassemblement national entend étendre aux établissements sociaux et médico-sociaux le droit de visite des parlementaires et des parlementaires européens élus en France. Elle s’inscrit dans un contexte de scandales sanitaires dans les Ehpad – comme ceux d’Orpea – et dans les centres de l’ASE. Ces scandales sont inadmissibles et nous devons réagir. Nous sommes tous soucieux du respect de la dignité des personnes vulnérables accueillies dans ces établissements, de la bienveillance et de la bientraitance qu’elles sont légitimement en droit d’attendre. Nous sommes également tous conscients que les personnels de ces établissements travaillent durement, avec professionnalisme et humanisme dans l’immense majorité des cas. Nous connaissons aussi les conditions de travail très difficiles des professionnels, liées au manque d’attractivité des métiers et aux nombreux postes vacants. Toutefois, ces métiers sont essentiels au bon fonctionnement des établissements.
Ce contexte délétère peut très vite induire des formes de maltraitance. La commission des affaires sociales est parfaitement saisie de cette problématique : quatre missions flash sur les Ehpad ont été lancées en février 2022. Un important travail a été mené durant la précédente législature et des préconisations ont été faites dans de nombreux rapports, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Nous attendons désormais les projets de loi traitant globalement l’ensemble des problèmes de l’autonomie et du grand âge.
La proposition de loi fait référence à la loi du 15 juin 2000, qui permet aux députés de visiter des centres pénitentiaires, et à la loi du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse, qui élargit le droit de visite des parlementaires aux centres éducatifs fermés et les autorise à être accompagnés de journalistes. Il s’agit là de lieux de privation de liberté, ce que ne sont pas les établissements sociaux et médico-sociaux. Exactement ! Elle a raison ! Le présent texte ne peut donc s’inscrire dans la continuité de ces deux lois. Nous devons veiller à ne pas stigmatiser les établissements sociaux et médico-sociaux ; ce sont avant tout des lieux de vie et nous devons respecter la liberté et les droits des résidents, notamment leur vie privée. Les établissements sociaux et médico-sociaux ne sont pas non plus comparables aux établissements pénitentiaires en ce qu’ils sont gérés par les départements. Les élus auxquels revient donc le droit, ou le devoir, de visiter ces établissements sont moins les députés et les parlementaires européens que les élus départementaux et les services de contrôle des ARS et des départements. L’action sociale relève bien des compétences de ces derniers.
Un consensus existe autour de la défaillance de l’évaluation et du contrôle des établissements sociaux et médico-sociaux. Le scandale Orpea a montré à quel point ces agissements s’inscrivaient dans un système ; pour les démasquer, des compétences tout à fait spécifiques sont donc nécessaires. Nous pouvons douter du bien-fondé de ce texte, qui se présente comme la solution face aux dérives constatées. Non, c’est une possibilité. Il est trompeur de penser que le droit de visite des parlementaires permettrait de démasquer ces agissements. Les contrôles doivent être effectués par des personnes habilitées et formées. Le recrutement de personnels disposant des compétences spécifiques pour effectuer les contrôles est d’ailleurs un problème pour les ARS et les départements.
En tant que parlementaires, nous nous rendons régulièrement dans les Ehpad et les centres médico-sociaux de nos circonscriptions. Comme la plupart des élus, nous y sommes toujours bien accueillis. Ces rencontres offrent justement la possibilité d’échanger avec les directeurs et les personnels au sujet de leurs problèmes et de leurs besoins. La présente proposition de loi prévoit la possibilité d’effectuer ces visites avec des journalistes ; cela me paraît peu opportun. Nous avons le sentiment qu’il s’agit d’une proposition de loi un peu sensationnaliste… Vous avez écouté la présentation du texte ? …qui ressemble davantage à un coup de communication qu’à un véritable travail de fond pour résoudre les problèmes.
Pour le groupe Les Républicains, d’autres moyens existent pour mieux contrôler le fonctionnement et les agissements des établissements. Nous sommes soucieux que ces contrôles soient effectués régulièrement et rigoureusement, et que des sanctions soient prononcées s’il y a lieu. Toutefois, il ne nous semble pas que le droit de visite des parlementaires contribuerait efficacement à éviter de mauvais traitements. En revanche, des mesures visant à renforcer l’attractivité de ces métiers, pour pallier la vacance de 200 000 postes dans ces établissements, représenteraient une avancée certaine pour assurer une prise en charge satisfaisante des personnes accueillies. Nous voterons donc contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à Mme Anne Bergantz. Compte tenu des récents scandales dans certains établissements sociaux et médico-sociaux, il semble pour le moins qu’un niveau de contrôle supplémentaire soit nécessaire. Nous l’avons tous dit l’an dernier lors de la sortie du livre d’enquête sur le sujet, Les Fossoyeurs . Dans les semaines suivant la révélation de ce scandale, le groupe Démocrate avait fait de nombreuses propositions en ce sens.
La proposition de loi que nous examinons fait écho à cette affaire. Elle reprend des amendements déjà déposés et défendus, tendant à permettre aux parlementaires de visiter des établissements sociaux et médico-sociaux, qui avaient été rejetés. De manière très opportuniste, le groupe Rassemblement national présente aujourd’hui un texte calqué sur ces initiatives.
Toutefois, nous nous en tiendrons au fond du dispositif proposé. À première vue, pourquoi, en tant que parlementaire, s’opposer à une extension de nos prérogatives ? Oui, pourquoi ? Pour beaucoup, il pourrait sembler légitime de soutenir ce droit de visite. Oui, pour tout le monde ! Au-delà de l’activité législative, les contrôles – au pluriel – constituent une autre mission essentielle des députés. En cela, la proposition reprise par le groupe Rassemblement national pourrait sembler vertueuse et de bon sens. Mais ? Mais dans les faits, elle s’éloigne de la posture d’exigence et de responsabilité que nous défendons. Notre objectif doit être de protéger les publics fragiles et non de les exposer à des visites surprises de parlementaires accompagnés de journalistes. C’est sûr que c’est mieux quand on prévient !