XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023
Séance du jeudi 12 janvier 2023
- Présidence de M. Sébastien Chenu
- 1. Inciter les entreprises à augmenter les salaires nets de 10 %
- 2. Supprimer les zones à faibles émissions mobilité
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
1e séance
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
Je vous souhaite, tout d’abord, à tous une très bonne année 2023.
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Philippe Tanguy et plusieurs de ses collègues visant à favoriser et inciter les entreprises à augmenter les salaires nets de 10 % (no 578).
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Philippe Tanguy et plusieurs de ses collègues visant à favoriser et inciter les entreprises à augmenter les salaires nets de 10 % (no 578).
La parole est à M. Christophe Bentz, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, le pouvoir d’achat des Français est frappé très durement par une conjoncture inflationniste. En outre, il subit chaque jour les conséquences délétères de politiques menées depuis des décennies par les gouvernements successifs dont le gouvernement actuel reproduit les erreurs, les errements et les aveuglements.
Les prix à la consommation, celui des matières premières ou encore les tarifs de l’énergie explosent. Les prévisions pour les mois à venir sont pessimistes. L’idée de cette proposition de loi est d’agir sur le grand oublié des politiques des gouvernements successifs, les salaires, et d’apporter une réponse efficace pour contrecarrer l’appauvrissement des Français grâce à une mesure de bon sens. Les salaires constituent l’angle mort des politiques économiques du Gouvernement. Les prix, du fait de l’inflation et d’un phénomène de montée générale, augmentent plus vite que les salaires. Nous proposons un dispositif qui répond en partie à cette conjoncture en agissant sur les salaires et donc sur le pouvoir d’achat d’un très grand nombre de salariés. Les solutions proposées par le Gouvernement sont largement insuffisantes quand elles ne sont pas inadaptées. L’été dernier, vous avez proposé à notre assemblée un projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. Certes, il n’était pas inutile, pour preuve, nous, députés du groupe Rassemblement national, l’avons voté. Toutefois, nous le considérions comme très en dessous des enjeux et des attentes légitimes des Français et depuis, l’actualité nous a malheureusement donné raison : l’état moral et financier de nos concitoyens n’a cessé de se dégrader.
Cette limite de l’action du Gouvernement, la Première ministre l’a elle-même soulignée, tout comme le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en exhortant les entreprises « qui le pouvaient à augmenter les salaires ». Une telle déclaration en période de crise est un aveu d’échec de la part d’un gouvernement qui s’enlise dans des mesurettes sur le pouvoir d’achat et qui refuse d’actionner le levier principal pour augmenter significativement le pouvoir d’achat de millions de Français actifs : les salaires. Il est grand temps de mettre en place un dispositif réellement incitatif qui valorise le travail et le rémunère à sa juste valeur.
Notre proposition de loi vise à inciter nos entreprises à augmenter les salaires nets de 10 % en assortissant cette hausse d’une exonération de cotisations patronales pendant trois ans, exonération qui pourrait être pérennisée si la conjoncture économique l’exigeait. C’est une mesure sociale urgente qui soutient les salariés sans pénaliser les entreprises et sans rien coûter à l’État.
La majorité présidentielle a souhaité instituer l’année dernière la prime de partage de la valeur (PPV). Considérant qu’il vaut mieux une solution imparfaite plutôt que pas de solution du tout, nous avions voté en faveur de ce dispositif même si nous étions peu convaincus de son efficacité réelle. Il apparaît d’ores et déjà clairement que l’attribution des primes ne sera pas à la hauteur des attentes en matière de hausse des revenus. La prime moyenne versée depuis 2019 s’élève seulement à 550 euros pour environ 5 millions de bénéficiaires, soit un gain de 45 euros par mois pour un tiers des salariés du secteur privé. C’est dérisoire : cela correspond à une augmentation de 1,8 % du salaire moyen des Français alors que l’inflation est supérieure à 6 %. À cela s’ajoutent les effets de substitution entre salaires et primes qui sont malheureusement bien réels et qui le resteront.
Ce qui compte pour vivre dignement de son travail, c’est d’abord le salaire et non une rémunération bricolée à coups de primes, d’allocations et autres pansements. Rappelons qu’une prime n’est pas considérée comme faisant partie du salaire. Elle n’est donc pas prise en considération dans le calcul d’une pension de retraite, pour une demande de prêt ou la location d’un logement, par exemple.
Le seul point positif de cette prime, c’est qu’elle ne coûte pas un centime d’argent public, comme le démontre l’étude d’impact du projet de loi « pouvoir d’achat », selon laquelle les sommes versées n’étant pas considérées comme des recettes prévues, elles ne constituent pas une diminution de ressources pour la sécurité sociale. Il en ira logiquement de même pour notre dispositif : il n’est, ni ne sera, une charge pour l’État mais constituera seulement un manque à gagner. Du fait de la consommation accrue induite par l’augmentation du pouvoir d’achat, on peut même considérer qu’il représentera un gain pour les finances publiques à travers une hausse des recettes de TVA. En effet ! Notre dispositif, qui vise tous les salaires jusqu’à trois fois le Smic, profitera donc à près de 90 % des salariés. La mesure d’augmentation ponctuelle du Smic proposée par les groupes siégeant à gauche de cet hémicycle ne nous avait pas paru adaptée car elle se limitait aux seuls salariés touchant le Smic, lequel est déjà indexé sur l’inflation, contrairement à tous les autres salaires. Elle ne correspondait pas à l’enjeu global car elle excluait les classes moyennes et pesait lourdement sur les entreprises de taille modeste. N’oublions pas qu’il s’est produit un décrochage du niveau de rémunération de toutes les catégories professionnelles, en particulier des classes moyennes, la renégociation des salaires n’ayant pas permis de suivre le cours de l’inflation.
C’est pourquoi nous proposons la mise en place de ce nouvel outil qui s’inspire de l’existant tout en étant mieux adapté à la situation d’urgence que nous connaissons. Depuis une trentaine d’années, les allégements de cotisations ont certes permis de favoriser la création d’emplois, mais pas nécessairement de valoriser les salaires. Notre dispositif se concentre donc sur les difficultés actuelles des classes populaires et moyennes, à savoir la stagnation des salaires qui se traduit, dans un contexte d’inflation et de flambée des prix, par une perte nette de pouvoir d’achat.
En proposant une exonération de cotisations patronales pour une majoration salariale appliquée à l’ensemble de l’entreprise, nous comptons réduire les effets de seuil liés au régime actuel de cotisations et d’exonérations sociales. Aujourd’hui, lorsqu’une entreprise souhaite augmenter un salarié au Smic à hauteur de 10 % de son salaire net, cette majoration engendre une hausse de 18 % des coûts salariaux pour l’employeur. Concrètement, quand le salaire net d’un employé au Smic augmente de 130 euros par mois, l’employeur est redevable de 150 euros de cotisations patronales supplémentaires, soit un taux de 91 % de cotisations appliqué à la hausse de salaire brut.
Au-delà des effets de seuil liés aux exonérations actuelles, toute majoration salariale est soumise au taux normal de cotisations patronales qui atteint environ 37 % entre 1,6 et 2,5 Smic et 41 % entre 2,5 et 3,5 Smic, ce qui peut dissuader les employeurs d’augmenter les salaires dans un contexte économique durablement incertain, en particulier nos TPE – très petites entreprises – et nos PME – petites et moyennes entreprises.
Avec notre proposition de loi, l’exonération serait subordonnée à la signature d’un accord d’entreprise portant sur une majoration de tous les salaires inférieurs à trois fois le Smic, ce qui recouvre, je le répète, près de 90 % des salariés du secteur privé.
Enfin, cette majoration salariale doit être substantielle et encadrée, dans le contexte d’une inflation historique. Les entreprises devront, dès lors, garantir au moins 10 % de hausse de salaire pour obtenir l’exonération. Si l’ensemble des employeurs du secteur privé s’en saisissaient, cette mesure permettrait d’attribuer 45 milliards d’euros de salaire supplémentaire à plus de 15 millions de salariés. L’augmentation serait calculée à partir des salaires effectivement pratiqués dans l’entreprise à l’ouverture des négociations.
Au-delà de la situation d’urgence dans laquelle nous nous trouvons, il est important de bien intégrer les nouveaux dispositifs aux dispositifs existants. Nous y veillerons.
L’esprit général de notre proposition de loi renvoie à l’incitation des entreprises, à travers des mécanismes éprouvés mais recentrés sur la question essentielle des salaires, seule à même de répondre à la fois à l’urgence de mieux rémunérer le travail et à la crise actuelle du pouvoir d’achat.
Il nous faut entendre le cri des Français qui bossent et qui, malgré tout, peinent à finir le mois. Leur préoccupation pour le pouvoir d’achat est fondée, leurs attentes sont légitimes, leurs demandes doivent être prises en compte. Permettre par tous moyens d’augmenter les salaires de la France qui travaille est un impératif, au-delà de tous les clivages politiques et partisans. Il s’agit de défendre le pouvoir d’achat, de valoriser l’effort et le travail, de soutenir nos entreprises, de permettre à tous de vivre et de faire vivre sa famille plus dignement en cette période de crise sociale et économique aiguë.
Écoutons les Français. Ils ont besoin de nous. Ils attendent un signal fort de notre part. Ils demandent des mesures efficaces, rapides et concrètes. Soyons à la hauteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. le ministre du travail, du plein-emploi et de l’insertion. Nous nous retrouvons ce matin pour parler d’un sujet de la plus haute importance pour les Français, celui des salaires, de la rémunération du travail et donc de leur pouvoir d’achat. Ce débat est l’occasion pour nous de revenir aux dispositifs déjà appliqués pour répondre aux difficultés que peuvent rencontrer un grand nombre de nos concitoyens et à notre bilan en matière de soutien au pouvoir d’achat.
L’objet de la proposition de loi, très largement rejetée par la commission des affaires sociales, est d’exonérer de charges les entreprises augmentant d’au moins 10 % l’ensemble des salaires jusqu’à trois fois le Smic. Le Gouvernement est en désaccord avec ce texte et demande à la représentation nationale de le rejeter.
D’abord, il considère que le postulat selon lequel la revalorisation du Smic et les différentes primes mises en place depuis des mois voire des années ne sont pas suffisantes est largement discutable.
En premier lieu, notre système d’indexation du Smic est particulièrement protecteur, pour trois raisons au moins. L’indexation se fait sur l’indice des prix constaté pour les 20 % des Français les plus modestes, pour lesquels l’énergie constitue une des parts les plus importantes des dépenses, ce qui a pour conséquence une surindexation par rapport au niveau général des prix. Ensuite, le Smic est augmenté chaque année de la moitié du gain de pouvoir d’achat des employés et ouvriers et prend ainsi en compte le mouvement de tous les autres salaires, et pas seulement de ceux fixés au niveau du Smic. Enfin, la revalorisation du Smic intervient non seulement de manière automatique tous les 1er janvier, mais également dès que la hausse des prix depuis la dernière revalorisation atteint 2 %.
Contrairement à ce que sous-entendent les auteurs de la proposition de loi, ce mécanisme protège l’ensemble des salariés dont la rémunération se situe autour du Smic, par un effet d’entraînement dû au jeu des grilles salariales et à la diffusion progressive des revalorisations. Entre septembre 2021 et septembre 2022, période de hausse historique du Smic, le salaire de base a ainsi augmenté de 4,4 % pour les ouvriers, de 4,6 % pour les employés et de 2,7 % pour les cadres. Une augmentation plus forte qu’à l’habitude du Smic a un effet sur les niveaux de rémunération les plus proches du Smic beaucoup plus marqué que sur ceux qui en sont le plus éloignés.
Nous avons mis en place d’autres mesures pour soutenir le pouvoir d’achat. Les primes exceptionnelles de pouvoir d’achat ont été remplacées par une prime de partage de la valeur. Les entreprises qui le peuvent sont ainsi en mesure de protéger le pouvoir d’achat de leurs salariés, dans des conditions définies dans le cadre du dialogue social et de manière souple, sans renchérir inutilement le coût du travail.
En 2022, d’après les chiffres portés à notre connaissance, 250 000 entreprises ont d’ores et déjà versé des primes de partage de la valeur, pour un montant total de près de 2,5 milliards d’euros. Ce dispositif a donc, en partie au moins, répondu aux besoins des entreprises et de leurs salariés. J’ajoute qu’exonérer les primes jusqu’à 3 000 euros, c’est laisser la possibilité d’augmenter les salariés largement au-delà des 10 % prévus par votre proposition de loi.
Le dispositif que vous envisagez ne vise en réalité pas les seules classes moyennes mais va bien au-delà. Tout d’abord, vous voulez étendre l’exonération de charges patronales à trois fois le Smic, soit un peu plus de 4 000 euros net par mois, ce qui ne correspond pas au niveau de vie des classes moyennes. En 2020, l’Insee estimait que le salaire mensuel net moyen du neuvième décile, pour un équivalent temps plein dans le secteur privé, tous secteurs confondus, était de 4 030 euros. Le salaire net médian, qui permet d’identifier le cœur de la classe moyenne, se situait à 2 000 euros. Du côté des employés et des ouvriers, le neuvième décile s’établissait autour de 2 500 euros.
Vous prévoyez aussi qu’entre 1 et 1,6 Smic, les exonérations n’augmenteraient que linéairement, si bien que votre dispositif aurait plus d’effet sur les rémunérations comprises entre 1,6 et 3 Smic que sur celles comprises entre 1 et 1,6 Smic.
Une deuxième raison m’amène à considérer que cette proposition de loi ne répond pas aux objectifs affichés : en réalité, les entreprises qui auraient les moyens d’une telle augmentation sont celles qui ont le plus de marge. Dans le contexte actuel, il faut rappeler que ces entreprises ne sont pas celles qui emploient les salariés les moins bien rémunérés, au contraire. Vous citez notamment le rapport de Mme Christine Erhel sur la reconnaissance et la valorisation des travailleurs de la deuxième ligne, qui doivent être accompagnés : or l’essentiel des professions qui constituent ce que l’on a appelé cette deuxième ligne face au covid-19 relèvent des entreprises qui réalisent le moins de marge et qui sont le moins à même, mathématiquement, d’opérer une augmentation de 10 %, à laquelle vous subordonnez le dispositif d’exonération de cotisations. En définitive, votre proposition s’adresse aux employés les mieux rémunérés dans les entreprises qui gagnent le plus d’argent. Je ne crois pas que ce soit l’objectif affiché de ce texte et cela démontre qu’il tape à côté de sa cible.
Enfin, une troisième raison me conduit à réitérer l’avis défavorable du Gouvernement sur votre proposition de loi : nous considérons que la détermination du niveau des salaires relève du dialogue social. Je préside le comité de suivi de la négociation salariale de branches qui réunit, chaque semestre, l’ensemble des organisations syndicales et patronales pour dresser un bilan des négociations salariales dans les 171 principales branches d’activité. Le dernier comité, qui s’est tenu en novembre 2022, a montré que les branches sont en mesure de mener un dialogue social – cela a été le cas à l’occasion des revalorisations successives du Smic –, permettant de garantir non seulement qu’aucune rémunération conventionnelle ne soit inférieure au niveau du Smic, mais également que cette obligation légale s’accompagne d’une revalorisation générale des niveaux de rémunération conventionnelle branche par branche.
À titre d’exemple, du fait des nombreuses revalorisations intervenues dans un contexte inflationniste, 112 branches sur les 171 affichaient au mois de mai 2022 au moins un niveau de rémunération conventionnelle inférieur au Smic : ce nombre est tombé à 57 en décembre 2022. La revalorisation du Smic au 1er janvier a évidemment conduit certaines branches à connaître de nouveau cette situation mais, d’ores et déjà, au sein de celles-ci, le dialogue social est ouvert pour répondre aux obligations légales.
En définitive, comme la commission des affaires sociales l’a rappelé lors de l’examen de ce texte, il n’y a aucune raison de penser que la présente proposition de loi réponde aux objectifs affichés. C’est pourquoi, à l’instar de la commission, le Gouvernement vous invite à la rejeter. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)
Les prix à la consommation, celui des matières premières ou encore les tarifs de l’énergie explosent. Les prévisions pour les mois à venir sont pessimistes. L’idée de cette proposition de loi est d’agir sur le grand oublié des politiques des gouvernements successifs, les salaires, et d’apporter une réponse efficace pour contrecarrer l’appauvrissement des Français grâce à une mesure de bon sens. Les salaires constituent l’angle mort des politiques économiques du Gouvernement. Les prix, du fait de l’inflation et d’un phénomène de montée générale, augmentent plus vite que les salaires. Nous proposons un dispositif qui répond en partie à cette conjoncture en agissant sur les salaires et donc sur le pouvoir d’achat d’un très grand nombre de salariés. Les solutions proposées par le Gouvernement sont largement insuffisantes quand elles ne sont pas inadaptées. L’été dernier, vous avez proposé à notre assemblée un projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. Certes, il n’était pas inutile, pour preuve, nous, députés du groupe Rassemblement national, l’avons voté. Toutefois, nous le considérions comme très en dessous des enjeux et des attentes légitimes des Français et depuis, l’actualité nous a malheureusement donné raison : l’état moral et financier de nos concitoyens n’a cessé de se dégrader.
Cette limite de l’action du Gouvernement, la Première ministre l’a elle-même soulignée, tout comme le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en exhortant les entreprises « qui le pouvaient à augmenter les salaires ». Une telle déclaration en période de crise est un aveu d’échec de la part d’un gouvernement qui s’enlise dans des mesurettes sur le pouvoir d’achat et qui refuse d’actionner le levier principal pour augmenter significativement le pouvoir d’achat de millions de Français actifs : les salaires. Il est grand temps de mettre en place un dispositif réellement incitatif qui valorise le travail et le rémunère à sa juste valeur.
Notre proposition de loi vise à inciter nos entreprises à augmenter les salaires nets de 10 % en assortissant cette hausse d’une exonération de cotisations patronales pendant trois ans, exonération qui pourrait être pérennisée si la conjoncture économique l’exigeait. C’est une mesure sociale urgente qui soutient les salariés sans pénaliser les entreprises et sans rien coûter à l’État.
La majorité présidentielle a souhaité instituer l’année dernière la prime de partage de la valeur (PPV). Considérant qu’il vaut mieux une solution imparfaite plutôt que pas de solution du tout, nous avions voté en faveur de ce dispositif même si nous étions peu convaincus de son efficacité réelle. Il apparaît d’ores et déjà clairement que l’attribution des primes ne sera pas à la hauteur des attentes en matière de hausse des revenus. La prime moyenne versée depuis 2019 s’élève seulement à 550 euros pour environ 5 millions de bénéficiaires, soit un gain de 45 euros par mois pour un tiers des salariés du secteur privé. C’est dérisoire : cela correspond à une augmentation de 1,8 % du salaire moyen des Français alors que l’inflation est supérieure à 6 %. À cela s’ajoutent les effets de substitution entre salaires et primes qui sont malheureusement bien réels et qui le resteront.
Ce qui compte pour vivre dignement de son travail, c’est d’abord le salaire et non une rémunération bricolée à coups de primes, d’allocations et autres pansements. Rappelons qu’une prime n’est pas considérée comme faisant partie du salaire. Elle n’est donc pas prise en considération dans le calcul d’une pension de retraite, pour une demande de prêt ou la location d’un logement, par exemple.
Le seul point positif de cette prime, c’est qu’elle ne coûte pas un centime d’argent public, comme le démontre l’étude d’impact du projet de loi « pouvoir d’achat », selon laquelle les sommes versées n’étant pas considérées comme des recettes prévues, elles ne constituent pas une diminution de ressources pour la sécurité sociale. Il en ira logiquement de même pour notre dispositif : il n’est, ni ne sera, une charge pour l’État mais constituera seulement un manque à gagner. Du fait de la consommation accrue induite par l’augmentation du pouvoir d’achat, on peut même considérer qu’il représentera un gain pour les finances publiques à travers une hausse des recettes de TVA. En effet ! Notre dispositif, qui vise tous les salaires jusqu’à trois fois le Smic, profitera donc à près de 90 % des salariés. La mesure d’augmentation ponctuelle du Smic proposée par les groupes siégeant à gauche de cet hémicycle ne nous avait pas paru adaptée car elle se limitait aux seuls salariés touchant le Smic, lequel est déjà indexé sur l’inflation, contrairement à tous les autres salaires. Elle ne correspondait pas à l’enjeu global car elle excluait les classes moyennes et pesait lourdement sur les entreprises de taille modeste. N’oublions pas qu’il s’est produit un décrochage du niveau de rémunération de toutes les catégories professionnelles, en particulier des classes moyennes, la renégociation des salaires n’ayant pas permis de suivre le cours de l’inflation.
C’est pourquoi nous proposons la mise en place de ce nouvel outil qui s’inspire de l’existant tout en étant mieux adapté à la situation d’urgence que nous connaissons. Depuis une trentaine d’années, les allégements de cotisations ont certes permis de favoriser la création d’emplois, mais pas nécessairement de valoriser les salaires. Notre dispositif se concentre donc sur les difficultés actuelles des classes populaires et moyennes, à savoir la stagnation des salaires qui se traduit, dans un contexte d’inflation et de flambée des prix, par une perte nette de pouvoir d’achat.
En proposant une exonération de cotisations patronales pour une majoration salariale appliquée à l’ensemble de l’entreprise, nous comptons réduire les effets de seuil liés au régime actuel de cotisations et d’exonérations sociales. Aujourd’hui, lorsqu’une entreprise souhaite augmenter un salarié au Smic à hauteur de 10 % de son salaire net, cette majoration engendre une hausse de 18 % des coûts salariaux pour l’employeur. Concrètement, quand le salaire net d’un employé au Smic augmente de 130 euros par mois, l’employeur est redevable de 150 euros de cotisations patronales supplémentaires, soit un taux de 91 % de cotisations appliqué à la hausse de salaire brut.
Au-delà des effets de seuil liés aux exonérations actuelles, toute majoration salariale est soumise au taux normal de cotisations patronales qui atteint environ 37 % entre 1,6 et 2,5 Smic et 41 % entre 2,5 et 3,5 Smic, ce qui peut dissuader les employeurs d’augmenter les salaires dans un contexte économique durablement incertain, en particulier nos TPE – très petites entreprises – et nos PME – petites et moyennes entreprises.
Avec notre proposition de loi, l’exonération serait subordonnée à la signature d’un accord d’entreprise portant sur une majoration de tous les salaires inférieurs à trois fois le Smic, ce qui recouvre, je le répète, près de 90 % des salariés du secteur privé.
Enfin, cette majoration salariale doit être substantielle et encadrée, dans le contexte d’une inflation historique. Les entreprises devront, dès lors, garantir au moins 10 % de hausse de salaire pour obtenir l’exonération. Si l’ensemble des employeurs du secteur privé s’en saisissaient, cette mesure permettrait d’attribuer 45 milliards d’euros de salaire supplémentaire à plus de 15 millions de salariés. L’augmentation serait calculée à partir des salaires effectivement pratiqués dans l’entreprise à l’ouverture des négociations.
Au-delà de la situation d’urgence dans laquelle nous nous trouvons, il est important de bien intégrer les nouveaux dispositifs aux dispositifs existants. Nous y veillerons.
L’esprit général de notre proposition de loi renvoie à l’incitation des entreprises, à travers des mécanismes éprouvés mais recentrés sur la question essentielle des salaires, seule à même de répondre à la fois à l’urgence de mieux rémunérer le travail et à la crise actuelle du pouvoir d’achat.
Il nous faut entendre le cri des Français qui bossent et qui, malgré tout, peinent à finir le mois. Leur préoccupation pour le pouvoir d’achat est fondée, leurs attentes sont légitimes, leurs demandes doivent être prises en compte. Permettre par tous moyens d’augmenter les salaires de la France qui travaille est un impératif, au-delà de tous les clivages politiques et partisans. Il s’agit de défendre le pouvoir d’achat, de valoriser l’effort et le travail, de soutenir nos entreprises, de permettre à tous de vivre et de faire vivre sa famille plus dignement en cette période de crise sociale et économique aiguë.
Écoutons les Français. Ils ont besoin de nous. Ils attendent un signal fort de notre part. Ils demandent des mesures efficaces, rapides et concrètes. Soyons à la hauteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. le ministre du travail, du plein-emploi et de l’insertion. Nous nous retrouvons ce matin pour parler d’un sujet de la plus haute importance pour les Français, celui des salaires, de la rémunération du travail et donc de leur pouvoir d’achat. Ce débat est l’occasion pour nous de revenir aux dispositifs déjà appliqués pour répondre aux difficultés que peuvent rencontrer un grand nombre de nos concitoyens et à notre bilan en matière de soutien au pouvoir d’achat.
L’objet de la proposition de loi, très largement rejetée par la commission des affaires sociales, est d’exonérer de charges les entreprises augmentant d’au moins 10 % l’ensemble des salaires jusqu’à trois fois le Smic. Le Gouvernement est en désaccord avec ce texte et demande à la représentation nationale de le rejeter.
D’abord, il considère que le postulat selon lequel la revalorisation du Smic et les différentes primes mises en place depuis des mois voire des années ne sont pas suffisantes est largement discutable.
En premier lieu, notre système d’indexation du Smic est particulièrement protecteur, pour trois raisons au moins. L’indexation se fait sur l’indice des prix constaté pour les 20 % des Français les plus modestes, pour lesquels l’énergie constitue une des parts les plus importantes des dépenses, ce qui a pour conséquence une surindexation par rapport au niveau général des prix. Ensuite, le Smic est augmenté chaque année de la moitié du gain de pouvoir d’achat des employés et ouvriers et prend ainsi en compte le mouvement de tous les autres salaires, et pas seulement de ceux fixés au niveau du Smic. Enfin, la revalorisation du Smic intervient non seulement de manière automatique tous les 1er janvier, mais également dès que la hausse des prix depuis la dernière revalorisation atteint 2 %.
Contrairement à ce que sous-entendent les auteurs de la proposition de loi, ce mécanisme protège l’ensemble des salariés dont la rémunération se situe autour du Smic, par un effet d’entraînement dû au jeu des grilles salariales et à la diffusion progressive des revalorisations. Entre septembre 2021 et septembre 2022, période de hausse historique du Smic, le salaire de base a ainsi augmenté de 4,4 % pour les ouvriers, de 4,6 % pour les employés et de 2,7 % pour les cadres. Une augmentation plus forte qu’à l’habitude du Smic a un effet sur les niveaux de rémunération les plus proches du Smic beaucoup plus marqué que sur ceux qui en sont le plus éloignés.
Nous avons mis en place d’autres mesures pour soutenir le pouvoir d’achat. Les primes exceptionnelles de pouvoir d’achat ont été remplacées par une prime de partage de la valeur. Les entreprises qui le peuvent sont ainsi en mesure de protéger le pouvoir d’achat de leurs salariés, dans des conditions définies dans le cadre du dialogue social et de manière souple, sans renchérir inutilement le coût du travail.
En 2022, d’après les chiffres portés à notre connaissance, 250 000 entreprises ont d’ores et déjà versé des primes de partage de la valeur, pour un montant total de près de 2,5 milliards d’euros. Ce dispositif a donc, en partie au moins, répondu aux besoins des entreprises et de leurs salariés. J’ajoute qu’exonérer les primes jusqu’à 3 000 euros, c’est laisser la possibilité d’augmenter les salariés largement au-delà des 10 % prévus par votre proposition de loi.
Le dispositif que vous envisagez ne vise en réalité pas les seules classes moyennes mais va bien au-delà. Tout d’abord, vous voulez étendre l’exonération de charges patronales à trois fois le Smic, soit un peu plus de 4 000 euros net par mois, ce qui ne correspond pas au niveau de vie des classes moyennes. En 2020, l’Insee estimait que le salaire mensuel net moyen du neuvième décile, pour un équivalent temps plein dans le secteur privé, tous secteurs confondus, était de 4 030 euros. Le salaire net médian, qui permet d’identifier le cœur de la classe moyenne, se situait à 2 000 euros. Du côté des employés et des ouvriers, le neuvième décile s’établissait autour de 2 500 euros.
Vous prévoyez aussi qu’entre 1 et 1,6 Smic, les exonérations n’augmenteraient que linéairement, si bien que votre dispositif aurait plus d’effet sur les rémunérations comprises entre 1,6 et 3 Smic que sur celles comprises entre 1 et 1,6 Smic.
Une deuxième raison m’amène à considérer que cette proposition de loi ne répond pas aux objectifs affichés : en réalité, les entreprises qui auraient les moyens d’une telle augmentation sont celles qui ont le plus de marge. Dans le contexte actuel, il faut rappeler que ces entreprises ne sont pas celles qui emploient les salariés les moins bien rémunérés, au contraire. Vous citez notamment le rapport de Mme Christine Erhel sur la reconnaissance et la valorisation des travailleurs de la deuxième ligne, qui doivent être accompagnés : or l’essentiel des professions qui constituent ce que l’on a appelé cette deuxième ligne face au covid-19 relèvent des entreprises qui réalisent le moins de marge et qui sont le moins à même, mathématiquement, d’opérer une augmentation de 10 %, à laquelle vous subordonnez le dispositif d’exonération de cotisations. En définitive, votre proposition s’adresse aux employés les mieux rémunérés dans les entreprises qui gagnent le plus d’argent. Je ne crois pas que ce soit l’objectif affiché de ce texte et cela démontre qu’il tape à côté de sa cible.
Enfin, une troisième raison me conduit à réitérer l’avis défavorable du Gouvernement sur votre proposition de loi : nous considérons que la détermination du niveau des salaires relève du dialogue social. Je préside le comité de suivi de la négociation salariale de branches qui réunit, chaque semestre, l’ensemble des organisations syndicales et patronales pour dresser un bilan des négociations salariales dans les 171 principales branches d’activité. Le dernier comité, qui s’est tenu en novembre 2022, a montré que les branches sont en mesure de mener un dialogue social – cela a été le cas à l’occasion des revalorisations successives du Smic –, permettant de garantir non seulement qu’aucune rémunération conventionnelle ne soit inférieure au niveau du Smic, mais également que cette obligation légale s’accompagne d’une revalorisation générale des niveaux de rémunération conventionnelle branche par branche.
À titre d’exemple, du fait des nombreuses revalorisations intervenues dans un contexte inflationniste, 112 branches sur les 171 affichaient au mois de mai 2022 au moins un niveau de rémunération conventionnelle inférieur au Smic : ce nombre est tombé à 57 en décembre 2022. La revalorisation du Smic au 1er janvier a évidemment conduit certaines branches à connaître de nouveau cette situation mais, d’ores et déjà, au sein de celles-ci, le dialogue social est ouvert pour répondre aux obligations légales.
En définitive, comme la commission des affaires sociales l’a rappelé lors de l’examen de ce texte, il n’y a aucune raison de penser que la présente proposition de loi réponde aux objectifs affichés. C’est pourquoi, à l’instar de la commission, le Gouvernement vous invite à la rejeter. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
La proposition de loi que nous vous présentons aujourd’hui est avant tout, et c’est peut-être ce qui vous gêne, une grande loi de défense de la valeur travail. Cette valeur, si importante et si souvent présente dans les discours des politiques, est malheureusement durablement abîmée dans notre pays.
Les Français et les Françaises ont l’impression, à juste titre, nous l’avons constaté lors de la crise des gilets jaunes, que le salaire, ce qui constitue l’âme centrale du travail, de la dignité, de la valeur de ce que chaque homme et chaque femme apportent à une entreprise et à la société en général, n’est plus valorisé à sa juste place depuis bien trop d’années.
Pour des raisons qu’il serait trop long et vain d’expliquer, les législateurs et les gouvernements ont trouvé diverses manières de contourner la seule et vraie question : comment augmenter les salaires, comment mieux rémunérer le travail ? Avec le Smic ! Vous avez utilisé, sans doute fallait-il le faire, les heures supplémentaires – nous vous avons soutenus. Vous avez utilisé différentes primes, avec les limites que ce genre de mécanisme peut avoir sur le pouvoir d’achat réel des Français – nous vous avons néanmoins soutenus. Tout moyen d’augmenter au quotidien le pouvoir d’achat des salariés est bon à prendre. Toutefois, vos mesures ont évité systématiquement, depuis trop longtemps, ce qu’attendent les Français : à savoir une rémunération raisonnable, juste et digne de leur travail. C’est cette ambition que Marine Le Pen a soutenue pendant l’élection présidentielle et que la présente proposition de loi entend relever. Elle constitue une première marche, une ouverture vers la revalorisation de ce qui fonde la dignité de chaque salarié, de chaque homme et de chaque femme qui contribuent à la richesse nationale : le salaire.
Il est donc stupéfiant et triste que cette proposition de loi, qui se veut et qui est pragmatique, qui se veut et qui est ouverte au dialogue, qui se veut et qui est en lien avec la réalité du monde de l’entreprise, ne se voit opposer que des positions de principe,… Cela relève de l’entreprise ! …des postures politiciennes et un rejet fondé sur des a priori qui est bien loin, très loin, des préoccupations réelles des Français. Une fois encore, il n’y a visiblement que le groupe Rassemblement national qui soit capable de dépasser les postures et les mensonges pour s’atteler à ce qui devrait pourtant tous nous rassembler : les valeurs communes, à savoir le travail, et les préoccupations communes des Français, à savoir être en mesure d’en vivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Ces valeurs devraient et peuvent nous réunir tous, des marxistes aux libéraux, des nationaux aux gaullistes. La valeur travail est consensuelle : elle a fondé la société occidentale et la démocratie. C’est au nom de la dignité et de la reconnaissance du travail que, du citoyen à l’entrepreneur, du libéral au fonctionnaire, tous peuvent se rejoindre sur la défense d’intérêts communs, d’un modèle social commun. Fragiliser la valeur travail pour des raisons politiciennes, fragiliser la dignité du travail pour des raisons économiques, fragiliser la reconnaissance de ce travail pour des raisons oligarchiques est irresponsable. Or vous vous attaquez systématiquement à ce qui a fondé la société française et la civilisation occidentale et vous prenez le risque de creuser une fracture considérable entre les classes, entre les travailleurs et donc dans la société française. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Dans son argumentaire, le ministre Dussopt a d’ailleurs, une fois de plus, appuyé sur les fractures et sur les divisions, en faisant croire qu’une augmentation des salaires des classes moyennes supérieures était contraire à l’intérêt des salariés. C’est ne pas comprendre le sens du modèle social du Conseil national de la Résistance (CNR). Ben voyons ! Oui, collègue de gauche, ce qui a fait la force du modèle social français, c’est la solidarité, l’unité et la fraternité… Vous n’y étiez pas, au CNR ! …entre tous les salariés des entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Qu’il s’agisse de l’employé, du salarié, du cadre, ils étaient solidaires – et ils devraient l’être encore. Laissez le CNR tranquille ! C’est cette solidarité que nous voulons renforcer grâce à la proposition défendue par Marine Le Pen lors de la campagne présidentielle. Oui, nous voulons que, solidairement, tous les salaires d’une même entreprise, qu’il s’agisse de celui d’un salarié, d’un employé, d’un cadre, d’un contremaître ou des professions intermédiaires, augmentent pour une fois en même temps, au même niveau, car ils contribuent tous de la même manière à la dignité et à la prospérité commune. C’est donc une mesure de bon sens et de justice sociale que d’adopter pour une fois dans notre pays, depuis que le général de Gaulle et Pompidou ont quitté le pouvoir, des mesures sociales destinées à 90 % des Français et non pas seulement à une classe ou à une seule catégorie, les autres étant exclues. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Considérer que l’on est privilégié lorsqu’on gagne quatre fois le Smic – vous étiez encore socialiste, monsieur Dussopt, lorsque François Hollande avait établi cette distinction entre les Français en qualifiant de privilégiés ceux qui gagnaient plus de 4 000 euros par mois –, c’est ne rien comprendre à la solidarité de la société française, ne rien comprendre à ce qui devrait être un modèle de développement juste, mais c’est bien comprendre, en revanche, la mondialisation que vous avez toujours favorisée. Faire croire aux Français les plus modestes, aux classes moyennes que ceux qui gagnent 4 000 euros sont des privilégiés, c’est évidemment un mensonge de classe et un propos d’oligarques face à une vraie injustice résultant de la mondialisation. Les oligarques, vous connaissez ! Ceux qui perçoivent 4 000 euros font tourner le pays et participent autant que ceux qui gagnent le Smic. Ils font des efforts et des sacrifices ; ils financent le système de protection sociale. Ils ne font pas partie du 1 %, du 0,1 %, du 0,01 % qui profite de la mondialisation que vous organisez et que vous continuez à protéger, en particulier en opposant les Français entre eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
En défendant la valeur travail, cette proposition de loi ne peut que défendre le modèle social et le dialogue social. Vous auriez pu l’améliorer, mais vous nous opposez un refus a priori . Elle s’inscrit dans une démarche volontaire de l’entreprise, car nous prenons en compte la réalité : nous ne faisons pas de promesses vaines ni en l’air. Nous savons que de nombreux entrepreneurs rencontrent des difficultés. Mais nous savons aussi que nombre d’entre eux, en particulier des petits entrepreneurs, cherchent un moyen d’augmenter les salaires. Ils savent que leurs salariés n’arrivent plus à vivre dignement avec leur salaire et que beaucoup d’entre eux hésitent même à prendre leur voiture le matin pour aller travailler, tant la différence entre le travail et l’assistanat est insuffisante, compte tenu du niveau des prix du carburant. Ils savent que, pour garder les talents, il faut mieux les rémunérer et que leurs employés attendent cette juste rémunération.
Il s’agit donc de répondre à cette attente en élargissant l’éventail des solutions. Pourquoi refusez-vous, par obstruction, de multiplier les moyens donnés aux entrepreneurs d’augmenter les salaires ? Si vous êtes de bonne foi et considérez qu’il convient de le faire, offrez-leur le plus de solutions possibles, ouvrez les portes et les fenêtres, ne les refermez pas par pur sectarisme. Nous voyons bien là, malheureusement, votre mauvaise foi.
Ce n’est que si les entreprises le peuvent et que s’il y a un dialogue social, s’il y a un accord entre les salariés, les syndicats et la direction, que cette exonération de charges s’appliquera aux salaires qui auront été augmentés de 10 %. Cette proposition est parfaitement pragmatique, j’y insiste.
Imaginons même, pour vous prendre au mot, que cette proposition ne fonctionne pas : qu’importe ? Si elle fonctionne, tous les salariés et toutes les entreprises y gagneront ! Si ce n’est pas le cas, comme votre dispositif de primes, elle restera une possibilité malheureusement marginale et nous trouverons une autre solution. C’est la particularité d’une opposition pragmatique, qui cherche à formuler des propositions concrètes, qui pense aux Français et prend le risque de l’échec – car, au contraire des macronistes, nous ne pensons pas détenir la science infuse ; bien malin celui qui peut savoir à l’avance quelle mesure économique fonctionnera ou non. Il faut ouvrir des possibilités et des libertés, faire confiance aux acteurs économiques et à l’intelligence des Français, faire confiance à l’esprit d’initiative… Cela fait envie ! …et ne pas toujours chercher à les restreindre, à les enfermer et à croire que, par principe, les entreprises se comporteront mal avec leurs salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Je vous invite donc, sans illusion mais avec la naïveté qui anime un député à son premier mandat, à ne pas rejeter par a priori cette proposition de loi, à accepter le dialogue et le débat parlementaire, à l’améliorer. Avec Christophe Bentz, nous avons été particulièrement clairs en commission avec nos collègues : nous aurions préféré des amendements visant à améliorer le texte et à apporter des solutions. Comment peut-on travailler avec vous ? En définitive, l’intervention du ministre Dussopt montre, comme son intervention en commission, que vous n’avez rien à proposer en faveur des salaires. Nous en revenons au problème avec lequel j’ai ouvert la discussion générale : ce Parlement refuse d’affronter la réalité : les salaires n’augmentent pas assez en France et sont paralysés.
Je finirai en évoquant l’argument de la gauche développé en commission,… Oui, finissez ! …qui était très clair : cela fait des années, chers collègues de gauche, que vous demandez une contrepartie concrète et réelle aux baisses de charges. Pour la première fois depuis quarante ans, cette proposition de loi en prévoit une : 10 % d’augmentation des salaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Comment peut-on être de gauche et venir devant les électeurs en affirmant qu’une augmentation générale de 10 % des salaires n’est pas une conquête sociale ni un progrès social ? Comment peut-on sérieusement entendre un argument d’une telle mauvaise foi ?
Vous faites preuve d’autant plus de mauvaise foi que des membres de votre coalition, à savoir le Parti socialiste et les Verts, ont instauré le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), c’est-à-dire entre 30 et 40 milliards d’exonérations de charges qui n’ont donné lieu à aucune contrepartie, ni en investissements, ni en emplois, ni en salaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) C’est vrai !
J’en appelle donc à la responsabilité et à l’esprit d’ouverture. Entendez enfin le cri du cœur des Français et augmentez, s’il vous plaît, leurs salaires, reconnaissez la valeur du travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. François Ruffin. Madame Le Pen, j’ai apporté le programme de votre projet présidentiel « M la France ». (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.) Vous le savez, je vous écoute et je vous lis avec attention. Enfin de bonnes lectures ! J’ai apporté également le programme d’Emmanuel Macron. Pourquoi ? Parce qu’entre vous deux, il y a un énorme point commun ; entre vous et Emmanuel Macron, il y a plus qu’un trait d’union : en matière économique et sociale, vous êtes d’accord sur l’essentiel. (Murmures sur les bancs du groupe RN.) Dans les trente-six pages de votre programme, madame Le Pen, cherchez avec moi. Combien de fois apparaît le mot « profit » ? Zéro. Combien de fois le mot « bénéfices » ? Zéro. « Dividendes » ? Zéro. (« Zéro ! » reprennent les députés sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) « Actionnaires » ? Zéro. (Mêmes mouvements.) Et ce silence, l’année dernière : pas un mot, alors que, d’après Les Échos , « la distribution de dividendes a atteint un record en France ». Pas un mot, alors que, d’après l’Insee, « le taux de marge des entreprises n’a jamais été aussi élevé ». Pas un mot, alors que, d’après Le Figaro , « les revenus des dirigeants du CAC40 n’ont jamais été aussi élevés ». C’est un immense silence. On parle des salaires ! Les milliardaires français ont vu leur fortune bondir de 67 %, mais qu’en disiez-vous ? Rien. Tous se goinfrent, à l’instar de TotalEnergies, sur la guerre en Ukraine, sur les automobilistes français, mais qu’en disiez-vous ? Rien. Le PDG de TotalEnergies s’est augmenté de 52 %, mais qu’en disiez-vous ? Rien. (« Rien ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) TotalEnergies, Sanofi, Renault ne paient pas d’impôts sur les sociétés en France, mais qu’en disiez-vous ? Rien. (Mêmes mouvements.) Vous êtes hors sujet ! Pas une ligne dans votre programme sur la fraude fiscale gigantesque, immense, formidable ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Encore mieux, il n’y a rien dans votre programme sur les inégalités. (Vives exclamations sur les bancs du groupe RN.) Relisez-le, et vous verrez ! Moi, je le lis, et je constate que ces mots n’y figurent pas. Il n’y a rien sur les inégalités de revenus. (Mêmes mouvements.) Non, le mot « égalité » n’y figure pas. La pauvreté n’est pas mentionnée, ni la précarité. Qu’énoncez-vous concernant l’intérim, ce passage obligé pour la jeunesse populaire ? Rien. Et les stages à répétition ? Rien. Chez vous, il n’y a pas de riches : le mot n’existe pas. Il n’y a pas de pauvres non plus : il n’y a que des Français et des étrangers. Voilà votre vision et votre division du monde ! Il n’y a que les Français ! On trouve d’ailleurs les mêmes immenses silences chez le président Macron : il n’y a pas non plus d’actionnaires dans son programme, pas de profits, pas de dividendes, pas d’injustices, pas de fraude fiscale, pas d’inégalités, pas de précarité, pas d’intérim… Ces mots n’existent pas. Et les salaires, on en parle ? Vous partagez avec lui un même aveuglement et un même consentement à l’injustice et aux inégalités. Bien des choses vous opposent, à l’évidence,… Oui, la vérité ! …et je ne vous confonds pas. Vous avez voté pour lui ! C’est votre ami ! Mais concernant l’économie et le social, vous êtes d’accord. LFI est l’idiot utile du macronisme ! Avec vous et avec lui, entre le travail et le capital, entre les salariés et les actionnaires, jamais les plateaux de la balance ne seront rééquilibrés. Ni avec vous ni avec lui, les richesses ne seront redistribuées et partagées dans notre pays. Richesse, distribution, partage : ces mots ne figurent ni dans votre programme, ni dans le sien. Avec vous comme avec lui, les gros, en haut, peuvent se gaver, tandis que les petits, en bas, sont rationnés.
J’en viens à votre proposition de loi. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.) Elle est à l’image de votre programme. Combien de fois y trouve-t-on le mot « profit » ? Zéro. « Bénéfices » ? Zéro. « Dividendes » ? Zéro. « Actionnaires » ? Zéro. Bien sûr, je suis favorable à une augmentation des salaires de 10 %, et même de 20 % ou 30 % ! Alors, votez ! Pourquoi ne pas doubler les salaires : qui serait contre ? Toutefois, comment comptez-vous, je cite, « inciter les entreprises à augmenter les salaires nets de 10 % » ? Comment faire, sans mieux répartir les richesses ? Comment faire, sans toucher aux bénéfices, aux dividendes et aux profits ? Comment ? Vous répondez : avec des exonérations de cotisations patronales. Voilà votre idée. Eh oui ! Vous rendez-vous compte que c’est du Macron ? (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Vous avez voté pour lui ! Les macronistes ne font que ça, alléger les charges ! Fillon, Balladur, Juppé : tous n’ont fait que ça depuis quarante ans : alléger les charges sur les primes, et alléger les charges sur les bas salaires. Voilà donc votre idée neuve : alléger les charges ! Et augmenter les salaires, vous savez ce que cela veut dire ? À l’heure où les travailleurs s’apprêtent à combattre la retraite à 64 ans, et alors que vous prônez la retraite à 60 ans, vous voulez priver le système de recettes. Vous allez creuser un déficit qui n’existe pas encore. Il n’y aura pas de recettes en moins et pas de déficit ! Vous n’y connaissez rien en économie ! Il n’y a pas encore de déficit, mais vous voulez le creuser. Madame Le Pen, qu’avez-voté pour les Français et pour les travailleurs concernant la hausse du Smic ? Vous avez voté contre. L’indexation des salaires sur l’inflation ? Vous avez voté contre. Le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ? Vous avez voté contre. C’est faux ! Je le dis aux citoyens de mon coin, d’Amiens ou Hénin-Beaumont : vous, ouvriers et salariés qui êtes attachés à la justice, vous qui souhaitez que les plateaux de la balance soient rééquilibrés, vous qui voulez qu’en matière d’impôts, les petits paient petits, et les gros paient gros, sachez que c’est toujours par la gauche que cela arrive. Vous, vous voulez que les petits gagnent petit ! C’est par la gauche que sont venus les congés payés, les retraites, la sécurité sociale et le Smic. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.) C’est hors sujet ! Ce n’est jamais des bancs de la droite que viennent les progrès pour les ouvriers et les employés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) La parole est à Mme Josiane Corneloup. Les entreprises vivent une période à la fois particulière et inédite : immenses difficultés à recruter, hausse des prix de l’énergie, hausse du coût des matières premières, coût élevé de la main-d’œuvre par rapport aux autres pays européens, fiscalité lourde. Leur pérennité est menacée. Pour avancer et évoluer sereinement, les entreprises ont besoin d’être aidées et soutenues et d’avoir de la visibilité à moyen et long terme.
La présente proposition de loi vise à offrir aux entreprises un nouveau dispositif qui les incite à augmenter les salaires nets de 10 %, en exonérant cette augmentation de cotisations patronales. Le dispositif concernerait les salaires dont le montant atteint jusqu’à trois fois le Smic. Il permettrait, selon vos dires, de soutenir les salariés sans entraîner de coût pour l’État ni pénaliser les entreprises. Un résidu de charges patronales semble néanmoins perdurer, malgré l’exonération, y compris sur les bas salaires : voilà déjà une première imprécision dans votre texte.
Le premier objectif visé par les allégements de cotisations, ces vingt dernières années, est la création d’emplois, et non la hausse des salaires. Il est douteux que l’allégement des cotisations sociales que vous prônez ait une incidence sur le niveau des salaires. De manière générale, votre proposition de loi engendrerait un coût considérable, tant pour les finances publiques que pour les entreprises,… Par pour les finances publiques ! …alors que nous devons avant tout protéger l’emploi, favoriser les embauches et soutenir le pouvoir d’achat des Français.
Concernant les finances publiques, l’Institut Montaigne estime que votre proposition coûtera 7 à 10 milliards d’euros bruts la première année, et que ce coût augmentera à mesure que les entreprises y souscriront. Comment donc ? Quant aux entreprises, elles devront augmenter tous les salaires de 10 %. C’est une possibilité, pas une obligation ! Cela représenterait un effort considérable, surtout en pleine période de crise inflationniste et énergétique. Comment une boulangerie, qui voit sa facture énergétique croître de 400 %, pourrait-elle augmenter, dans le même temps, le coût de sa masse salariale ? Elle ne le fera pas ! Cette mesure est utopique. L’augmentation des salaires est essentielle, mais votre proposition de loi ne va pas dans le bon sens. La préservation du tissu économique et industriel dépend des mesures d’équilibre que nous votons ici : il est donc naturel que nous posions le bon diagnostic sur la situation et que nous y apportions des réponses adaptées. Elle n’a pas lu le texte ! Alors que les petites entreprises font face à de multiples contraintes, il pourrait être très destructeur de leur en imposer de nouvelles. Ce n’est pas imposé ! Laissons les chefs d’entreprise gérer leur société comme ils le souhaitent ; tenons compte de leur volonté, mais aussi de leurs possibilités. Relisez la proposition de loi, madame ! Vous n’avez rien compris ! Tous les métiers sont en tension, et il n’est pas un seul chef d’entreprise qui ne souffre de problèmes de recrutement : il manque 7 000 chauffeurs de bus et 200 000 à 300 000 serveurs ; quand on propose cinq emplois dans le milieu agricole, on n’en pourvoit qu’un seul. Depuis la pandémie, certaines entreprises ont déjà dû faire un effort de rémunération pour rester attractives ou fidéliser leurs salariés. Certes, ces augmentations sont globalement insuffisantes par rapport à l’évolution des prix : les salaires progressent deux fois moins vite que l’inflation, qui dépasse 6 %. Cependant, dans certaines branches et dans certains secteurs d’activité, les hausses de salaires sont tout à fait significatives et dépassent même l’inflation.
En outre, l’exonération de charges que vous proposez ne s’appliquerait qu’à la majoration salariale, et non au salaire dans son entier : cela nécessiterait de créer une double comptabilité des salaires, l’une pour le salaire chargé, l’autre pour la majoration non chargée. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.) Vous n’avez pas compris, madame ! Cette double comptabilité n’irait pas dans le sens de la simplification bureaucratique. Elle est inapplicable, tant elle représentera des coûts et du temps pour les entreprises – je pense notamment aux PME et aux TPE.
En réalité, ce dispositif provoquera surtout un effet d’aubaine, puisque l’exemption de charges patronales bénéficiera aux seules entreprises qui ont déjà prévu une telle hausse des salaires ou qui en ont les capacités.
Rappelons par ailleurs que les entreprises bénéficient déjà d’une exonération importante de cotisations patronales : elle est totale jusqu’à 1,5 Smic et dégressive entre 1,5 et 2,4 Smic.
Les députés du groupe Les Républicains,… Il en reste ? …attachés à l’accompagnement et au soutien des entreprises, considèrent que votre proposition de loi va à l’encontre de l’autonomie de gestion des chefs d’entreprise et de la simplification bureaucratique, sans compter que son coût est élevé tant pour les finances publiques que pour les entreprises et que l’exonération des charges patronales ne garantit pas une incitation à augmenter les salaires. Pourquoi n’avez-vous pas lu le texte ? En conséquence, le groupe Les Républicains s’abstiendra sur cette proposition de loi. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. Philippe Vigier. En écoutant notre collègue Jean-Philippe Tanguy, je me disais… « Silence pour la France ! » …qu’il est toujours bon de faire des promesses, si on peut les tenir. Or la défiance des citoyens à l’égard de la classe politique repose sur des annonces et sur la promesse d’un horizon éclairci… Et l’horizon, ce n’est pas bon ? Je vous ai écouté sans vous interrompre, ayez la gentillesse de faire de même : c’est le débat démocratique.
Il est tellement facile d’annoncer que demain, partout en France, les salaires vont augmenter ! Une de vos phrases m’a surpris, monsieur Tanguy – car je vous écoute toujours avec beaucoup d’attention : vous êtes souvent au rendez-vous de la cohérence, mais en la matière, elle vous fait défaut. Vous annoncez que demain, dans toutes les entreprises, l’ensemble des salariés verront leur salaire augmenter de 10 %. Mais non ! C’est précisément ce que vous avez dit : je l’ai noté en temps réel. Vous avez commencé votre intervention sur la valeur travail. Pour ma part, j’ai fait mes premiers pas de parlementaire en 2007 avec la fameuse loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi Tepa : il s’agissait de reconnaître ceux qui souhaitaient faire des heures supplémentaires et d’apporter une solution appropriée à la baisse du pouvoir d’achat, par la hausse de la rémunération. Tel est le premier texte sur lequel je suis intervenu. La valeur travail m’anime donc depuis le début de mon engagement politique et vous n’en avez pas le monopole. Mes collègues du groupe Démocrate, comme bien d’autres, sur ces bancs, partagent un même attachement à la valeur travail – j’exclus ceux qui expliquent que le droit à la paresse est la nouvelle valeur travail. Cela s’appelle les congés payés ! N’allez pas dire au peuple français qu’il a enfin trouvé un défenseur de la valeur travail dans le Rassemblement national, car nous la défendons tout autant que vous, et nous l’avons prouvé.
Qui pourrait s’opposer à l’idée que, demain, nos concitoyens gagnent plus ? Personne. Toutefois, les politiques ont-ils la capacité de fixer les salaires des entreprises ? Non. Il faut y mettre les moyens ! Notre capacité repose sur une chose que vous connaissez parfaitement bien – je prends à témoin le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, Olivier Dussopt : accordez-nous qu’en cette année d’inflation considérable, nous nous sommes montrés capables de limiter le plus possible cette dérive. Vous dites vouloir « inciter » les entreprises à augmenter les salaires, parce que vous n’y croyez pas vous-mêmes. Si, nous y croyons ! Vous ne pourrez pas dicter aux chefs d’entreprise les augmentations qu’ils doivent consentir. Quand vous expliquez que tous les salariés seront augmentés de façon homogène, cela signifie que les plus méritants, ceux qui en feront plus et qui se démèneront pour que leur entreprise soit plus performante, seront pénalisés. Mais non ! Vous prônez par ailleurs une exonération de charges patronales. Vous connaissez parfaitement le montant des exonérations inscrites dans le budget actuel, monsieur Tanguy : il est considérable. La gauche en fait d’ailleurs souvent la remarque – je me tourne vers Pierre Dharréville : lorsque diverses primes ont été créées, elles ont été assorties de défiscalisations et d’exonérations sociales. Or, à l’heure où nous entamons un débat sur les retraites et où nous cherchons à dégager 16 milliards d’euros d’économies, vous proposez d’ajouter 16 milliards de dépenses ! Ce n’est pas cela ! C’est un choix de société ! Dans le même temps, vous nous racontez qu’on peut prendre sa retraite à 60 ans. Ce n’est pas acceptable Alors que, je le répète, nous cherchons à réaliser 16 milliards d’euros d’économies pour consolider le système de retraite, votre dispositif pèsera du même montant sur les finances publiques. Il ne coûtera rien ! En commission des affaires sociales, votre propre rapporteur a reconnu qu’il ne disposait pas réellement d’étude d’impact et qu’il ne savait pas chiffrer le coût du dispositif. C’est irresponsable. On ne peut pas dire aux Français qu’on augmentera leur salaire d’un claquement de doigts : cela doit passer par le dialogue social et le paritarisme.
Vous qui défendez les boulangers, comme je les défends,… Vous ne les défendez pas ! …et comme je défends l’ensemble des entrepreneurs qui souffrent de la hausse du prix de l’énergie, reconnaissez que vous ne pouvez pas leur imposer un surcoût du jour au lendemain. Nous n’imposons rien à personne ! Vous le savez pertinemment : ils augmenteront les salaires s’ils le peuvent. Cessez de faire des promesses que vous ne pourrez pas tenir, car c’est ainsi qu’on discrédite la classe politique. Le groupe Démocrate ne votera donc pas votre proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs de groupe Dem et quelques bancs du groupe RE.) La parole est à M. Jérôme Guedj. Je fais partie des députés qui prennent au sérieux les propositions du Rassemblement national (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN) , non pour ce qu’elles auraient de sérieux, mais pour ce qu’elles disent de sa conception de l’organisation de la société. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.)
En l’occurrence, en semblant focaliser votre propos sur le travail comme valeur et sur sa juste rémunération, vous dessinez en creux votre vision très révélatrice de notre modèle de protection sociale – je m’attarderai sur ce point. Avant cela, je tiens à souligner le paradoxe qu’il y a à vous présenter aujourd’hui comme les thuriféraires d’une revalorisation des salaires pour l’ensemble des Français dans un contexte social et économique éprouvant marqué par l’inflation, alors que vous avez rejeté l’an dernier la possibilité qui vous était offerte de voter une revalorisation immédiate, opérante, peut-être même consensuelle, du Smic. Ce n’est pas suffisant ! Et tous les autres salaires ? À quoi sert de faire des études si c’est pour tous finir au Smic ? Allez expliquer ça à vos enfants ! Vous avez également rejeté l’organisation d’une conférence nationale sur les salaires qui aurait permis un dialogue social à grande échelle entre les organisations sociales et patronales. Il n’y avait plus personne dans vos rangs pour voter ces mesures visant à revaloriser les salaires dans leur complétude !
En revanche, il y a du monde aujourd’hui, car – c’est là qu’il devient intéressant d’observer votre position – vous considérez qu’augmenter les salaires signifie augmenter le net au prix d’une exonération de cotisations patronales, faisant ainsi un cadeau aux employeurs. Cela est révélateur de votre rapport à la protection sociale : vous n’avez rien compris au concept fondateur, consubstantiel à la notion de sécurité sociale, qu’est celui du salaire différé. (M. Hadrien Clouet s’exclame.) Le salaire, voyez-vous, ce n’est pas seulement le salaire net qu’on voit en bas de la fiche de paie, ce sont aussi les cotisations sur lesquelles repose le modèle de protection sociale. Si on pousse jusqu’au bout votre logique, chaque fois qu’un employeur décidera d’une augmentation de salaire, celle-ci sera exonérée de cotisations patronales. Si vous procédez ainsi à des exonérations systématiques, quelles seront alors les ressources de la sécurité sociale et de la protection sociale ?
Dans son intervention, M. Tanguy, que j’ai connu plus précis et plus rigoureux,… Je ne peux pas en dire autant de vous ! …a comparé au CICE le dispositif que vous proposez. Je complète l’intervention de M. Vigier en ajoutant que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 prévoit déjà 72 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales. Nous contestons une partie de ces mesures, notamment celles qui, censées permettre la création d’emplois, n’ont pas l’efficacité économique attendue. D’ailleurs, même sur les bancs du groupe Renaissance, certains parlementaires sont prêts à revenir sur les exonérations qui n’ont pas de résultats économiques, comme nous le proposons depuis des années – j’ai pu tenir des propos similaires à propos du CICE.
Mais il existe une différence cruciale entre ces mesures d’exonération et la vôtre : aujourd’hui, les milliards qui ne vont pas à la sécurité sociale sont compensés par l’État. On peut y être favorable ou non ; personnellement, je m’en tiens au principe sanctuarisé par la loi Veil du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, qui dispose que l’État compense les exonérations de cotisation qu’il a décidées. Votre proposition, au contraire, ne compense rien du tout ! Vous appauvrissez le système de sécurité sociale ! Mais non ! Vous appauvrissez les ressources dont dépendent la branche famille, la branche maladie ou encore la branche vieillesse. Ce faisant, vous nous livrez votre vision de la protection sociale. Vous en êtes réduits à invoquer le Conseil national de la Résistance, tentant de vous faire passer pour ses héritiers. C’est honteux ! Vous n’y étiez pas, au CNR ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – Protestations prolongées sur les bancs du groupe RN.) Et vous, où étiez-vous ? Où était Mitterrand ? Ce sont les gaullistes, les communistes, les socialistes, les démocrates chrétiens, la droite conservatrice qui ont participé à la définition de notre modèle de protection sociale et de sécurité sociale, en aucun cas l’extrême droite ! Bravo ! De grâce, n’invoquez pas l’héritage républicain de notre pays pour défendre une bête, méchante et banale mesure de droite libérale ! Vous me rappelez plutôt Yvon Gattaz qui lançait en 1982 la « bataille des charges ». Votre texte relève tout bêtement de la « bataille des charges », pas du soutien au pouvoir d’achat des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Protestations sur les bancs du groupe RN.) Magistral ! La parole est à M. François Gernigon. Par ce texte, le Rassemblement national propose, pour corriger le problème du pouvoir d’achat, de faciliter une augmentation des salaires via l’exonération, rendue possible par la signature d’un contrat d’entreprise, de cotisations sociales patronales pour toute hausse d’au moins 10 % des salaires inférieurs à trois fois le Smic. Cette proposition figurait dans le programme de Marine Le Pen lors de sa campagne pour la présidence de la République.
Le groupe Horizons et apparentés partage l’objectif du texte, c’est-à-dire permettre à tous les travailleurs de mieux vivre de leur travail, mais est en désaccord avec les moyens proposés pour y parvenir. Cette proposition pose en effet un problème de fond et un problème de forme : à ce titre, elle ne paraît pas opportune.
D’une part, cette mesure priverait les organismes sociaux d’une rentrée financière, alors qu’il existe déjà d’autres dispositifs visant à améliorer le partage de la création de richesse. D’autre part, les dates et les pourcentages d’augmentation fixés sont discutables, car ils produiraient des effets de seuil.
Le Smic est indexé sur l’inflation et donc fréquemment augmenté. En un an, il a été revalorisé de 8 %. En ce qui concerne les rémunérations plus élevées, le Gouvernement poursuit ses efforts constants pour encourager leur augmentation grâce à la négociation collective : il a pris plusieurs mesures en ce sens et a notamment fait de l’existence de minima de branche inférieurs au Smic un critère permettant la fusion des branches, ce qui constitue une incitation forte à la revalorisation des grilles salariales.
En outre, l’État dispose d’instruments pour soutenir efficacement le pouvoir d’achat des travailleurs, comme la prime d’activité, revalorisée de 4 % le 1er juillet 2022, qui concerne près de 5 millions de foyers. Lors des dernières années marquées par les crises, le Gouvernement s’est doté d’autres leviers encore, nombreux et plus protecteurs du pouvoir d’achat, dont ont pu bénéficier les ménages les plus précaires et les classes moyennes. Je pense en particulier aux mesures de protection face à la hausse des prix de l’énergie et à l’inflation que sont le bouclier tarifaire, prolongé en 2023, qui limite la hausse des prix à 15 % en moyenne à compter du 1er janvier 2023, et le chèque énergie, qui a permis à 12 millions de ménages, soit 40 % des foyers les plus modestes, de recevoir dès décembre 2022 un chèque de 100 ou de 200 euros selon leurs revenus.
Face au défi que pose le pouvoir d’achat en période de crise, nous soutenons qu’une meilleure rémunération doit passer par un meilleur partage de la valeur entre les entreprises et les salariés. Le développement des dispositifs d’intéressement et de participation doit être encouragé, en particulier dans les plus petites entreprises. Le développement du dividende salarié pourrait représenter une autre piste pour aller plus loin et tendre vers un partage plus juste. En privilégiant la conclusion d’accords de branche réfléchis avec les partenaires sociaux, nous favoriserons l’équité entre les salariés ; à l’inverse, permettre à certaines entreprises d’augmenter les rémunérations et à d’autres de s’en abstenir créera des injustices entre les salariés.
Comme cela a souvent été rappelé, nous soutenons la recherche de dialogue et de compromis, pour que toutes les entreprises qui ont la capacité d’augmenter les salaires les augmentent, comme nombre d’entre elles l’ont fait en 2022. Cependant, dans un contexte où certains secteurs d’activité sont en tension de recrutement, instaurer comme vous le proposez un dispositif différencié au sein d’une même branche d’activité accentuerait la concurrence entre les entreprises en mesure d’y recourir et celles qui ne le sont pas. En conséquence, le groupe Horizons et apparentés votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem.) La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin. Nous examinons ici la toute première proposition de loi du Rassemblement national. Sur le papier, elle semble alléchante. Au programme : « Augmenter les salaires nets de 10 % » – qui pourrait s’y opposer ? Mais le diable, comme souvent, se cache dans les détails.
Concrètement, que nous proposez-vous ? De permettre aux entreprises d’augmenter de 10 % les salaires en les exemptant de cotisations. Autrement dit, vous nous proposez de faire porter une partie du poids financier des hausses de salaires non sur les entreprises, mais sur l’État. Votre logique est exactement la même que celle du Président de la République lorsqu’il a créé par exemple la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, dite prime Macron. Mais oui, c’est cela… Ainsi, dans une allocution télévisée du 10 décembre 2018, le Président a déclaré : « Le salaire d’un travailleur au Smic augmentera de 100 euros par mois dès 2019 sans qu’il en coûte 1 euro de plus [à] l’employeur ». Dans cette logique, l’État finance à la place de l’employeur la hausse du revenu du salarié, qui ne lui permet pourtant pas de bénéficier des avantages associés à une hausse de salaire, comme les revenus de substitution ou les revenus différés – la retraite, par exemple. Au fond, votre ambition n’est autre que la généralisation d’un système dans lequel l’État se substitue aux entreprises pour effectuer les dépenses qui leur appartiennent normalement, dans lequel les entreprises ne remplissent plus leur part.
Contrairement à ce que vous essayez de faire croire, ces mesures n’ont rien de logique. Pire, elles nous coûteraient très cher collectivement, sans pour autant être efficaces. Pourquoi ? D’abord parce qu’elles ne sont pas ciblées. C’est le but ! On pourrait éventuellement envisager de tels dispositifs à destination des plus petites entreprises, susceptibles d’avoir besoin d’un coup de pouce de l’État. Mais la subvention que vous proposez serait quasiment identique, qu’elle soit perçue par une multinationale ou par l’artisan du coin. Visiblement, cela ne vous choque pas. Mais non, il n’y a pas de subvention ! Les entreprises du CAC40 ont versé l’an dernier 80 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires : c’est un nouveau record. Si elles peuvent se permettre de telles sommes, ne pensez-vous pas qu’elles peuvent aussi se permettre d’augmenter leurs salariés et de payer les cotisations patronales correspondantes ?
Il y a également lieu de craindre que les entreprises qui bénéficieraient de ces dispositifs d’exonération ne concurrencent celles qui versent volontairement des salaires plus élevés et font déjà des efforts pour former leurs travailleurs.
Enfin, il convient de rappeler que ces cotisations manquantes seront payées quoi qu’il arrive : si elles ne le sont pas par les employeurs, elles le seront par les contribuables. Le système de sécurité sociale est en déficit de cotisations : nous en avons longuement parlé lors de l’étude de son budget en fin d’année dernière. Pour financer ce déficit, l’État a recours à l’emprunt, ce qui creuse l’endettement du pays. Or le remboursement de la dette est financé par les impôts et les taxes. Ainsi, chaque contribuable français contribuera par ses propres deniers à rembourser ces nouveaux cadeaux que vous proposez de faire aux entreprises.
Pourtant, ce n’est pas comme si de tels cadeaux n’existaient pas déjà ! Les chiffres sont tout bonnement hallucinants : les régimes obligatoires de sécurité sociale perdent déjà près de 62 milliards d’euros de recettes. Cette politique d’allégements, débutée dans les années quatre-vingt-dix et unifiée sous le régime du dispositif « Fillon » en 2005, a été considérablement renforcée ces dernières années : citons par exemple l’intégration aux allégements généraux des baisses de cotisation héritières du CICE ou encore les mesures du pacte de responsabilité, qui représentent un montant de plus de 30 milliards d’euros.
La position des écologistes et de la gauche est claire : nous sommes pour l’augmentation des salaires, en particulier du Smic. Mais cela, le Rassemblement national a refusé de le voter, comme le rétablissement de l’ISF. Ce n’est pas vrai ! Dans un contexte non seulement de spirale inflationniste, mais aussi d’accroissement des inégalités, en particulier en matière de partage de la valeur ajoutée des entreprises, la stagnation du Smic nous semble intenable.
J’ajoute enfin, car ce sujet me tient à cœur, que la hausse des salaires, notamment celle du Smic, est une mesure féministe. Les femmes représentent 45 % de l’emploi salarié et 60 % d’entre elles sont bénéficiaires du Smic. Elles sont les salariées les moins bien payées, car elles représentent la majorité des salariés soumis à la précarité de l’emploi et liés par des contrats courts ou à temps partiel subi. Une hausse du Smic permettrait non seulement de réduire les inégalités salariales entre les femmes et les hommes, mais autoriserait également une meilleure reconnaissance des compétences mobilisées dans les métiers qu’elles occupent et qui représentent l’essentiel des secteurs d’activité où prédomine la rémunération au Smic, particulièrement les métiers du soin, de l’aide à la personne et du commerce de détail.
Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste-NUPES votera contre la proposition du Rassemblement national, qui préfère le rafistolage à l’augmentation du Smic. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.) C’est honteux ! Vous avez voté contre l’augmentation du Smic ! La parole est à M. Pierre Dharréville. Il est nécessaire, urgent, impérieux que les salaires augmentent, que le travail soit reconnu et rémunéré. Hélas, c’est un tabou pour la majorité. Mais personne ne nous fera croire que c’est une priorité pour le Rassemblement national (« Oh ! » sur les bancs du groupe RN) : cela ne l’a jamais été. En juillet 2022 encore, les députés du Rassemblement national ont encouragé le contournement du salaire et refusé l’augmentation du Smic que nous proposions. Eh oui ! Le rétablissement de l’ISF, aussi ! En septembre 2021, ils s’opposaient à l’augmentation des salaires : Marine Le Pen expliquait qu’« augmenter les salaires, c’est faire peser une charge sur des entreprises qui sont dans de grandes difficultés économiques » ou encore que la hausse des salaires avait été « trop longtemps empêchée par une immigration qui les a sans cesse tirés vers le bas ». C’est vrai ! Tout ramène le Rassemblement national à ses obsessions sinistres et à ses tragiques lubies. Il n’est particulièrement pas qualifié en matière sociale et il voudrait le faire oublier par cette proposition de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) L’émancipation sociale est en dehors des schémas de pensée de sa famille politique, enfermée dans son projet nationaliste et inégalitaire, marquée par une culture paternaliste de l’entreprise… Paternaliste ? …et corporatiste du travail. C’est une collection de poncifs ! Étant du côté des puissants, l’extrême droite n’a jamais su, dans notre histoire, qu’instrumentaliser la question sociale par opportunisme pour tromper les salariés, les ouvriers, les employés, le monde du travail. Staline, sors de ce corps ! Comme elle est obnubilée par ses logiques de stigmatisation et de division, qu’elle désigne des boucs émissaires au lieu de s’attaquer aux vrais responsables, la proposition que voici a tout d’une tentative d’imposture, d’une entreprise de mystification, d’un numéro d’illusionnisme, en somme d’une arnaque. Au mieux, cette proposition est inopérante. En effet, comme il n’identifie pas les causes de la situation, le Rassemblement national choisit de ne pas s’attaquer au capital, au système capitaliste. Oh là là… C’est au système social que vous vous attaquez, à celui qui est issu du Conseil national de la Résistance – système auquel il est porté un coup chaque fois que le Rassemblement national le cite. Or, précisément, il faut s’attaquer au capital pour faire gagner celles et ceux qui travaillent. La prétendue augmentation promise pour faire bonne mesure est fondée sur l’exonération de cotisations sociales, sur de nouveaux cadeaux au grand patronat. Oh ! Cette proposition participe ainsi à la foire aux exonérations sociales qui, depuis tant d’années, abîme notre protection sociale et notre pacte social. Ce qui serait donné d’une main serait repris de l’autre,… Ça, c’est Macron ! …en amputant la sécurité sociale de ressources qui nous permettent de nous assurer mutuellement face aux risques et de financer, par exemple, les retraites. C’est justement en considérant que les cotisations sociales sont par nature abusives, indues, qu’on en vient à nous expliquer qu’il y a un déséquilibre financier et qu’il faudrait travailler plus longtemps. La prétendue augmentation serait prise sur la solidarité et, potentiellement, sur les pensions de retraite.
Cette proposition dédouane l’employeur de sa responsabilité économique et sociale ; le numéro d’illusion va jusqu’à exonérer les entreprises sans prendre en considération le chiffre d’affaires réalisé, sans distinction. Ça n’a aucun sens ! Bien entendu, un tel mécanisme par lequel l’État se substitue à l’employeur biaise le rapport de forces dans l’entreprise au détriment des salariés qui voudraient faire valoir de légitimes revendications. À ce titre, il est intéressant de noter que l’exposé des motifs considère que les dernières augmentations de salaires conquises par la négociation sont des « hausses de salaires arbitraires et unilatérales ».
Cette proposition d’augmentation imaginaire ne correspond pas aux revendications des organisations syndicales de salariés. Non seulement elle ne permettra pas une revalorisation significative des salaires mais, en plus, elle risque d’entraver les batailles pour les salaires et d’affaiblir les augmentations âprement négociées dans les entreprises. Elle ne résoudra pas les inégalités entre les femmes et les hommes. Je ne sais pas quelle démonstration on espère, mais cette proposition de loi d’inspiration libérale appuyée sur de vieilles recettes ferait « plouf ! »
Pour sa part, le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES continuera donc de faire avancer ses propositions : augmentation du Smic avec un mécanisme de soutien aux petites entreprises,… Et les autres ? …organisation d’une grande conférence sur les salaires, échelle mobile des salaires, révision des grilles de qualification et de rémunération, limitation des écarts de salaire dans l’entreprise.
Nous ne soutiendrons pas une proposition de loi d’affichage trompeuse, mal ficelée, à côté de la plaque. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) La parole est à M. Benjamin Saint-Huile. Bon, ce matin il paraît qu’il faut parler des salaires et de la proposition de loi défendue par le RN. En fait, ce n’est pas vraiment le sujet : personne n’est dupe. (Murmures sur les bancs du groupe RN.)
Il s’agit d’une opération de communication politique,… L’augmentation des salaires, pour vous, c’est de la communication politique ? …de rattrapage et d’enfumage. Vous la menez parce que vous vous êtes rendu compte, quand vous êtes rentrés dans vos circonscriptions, que vous aviez un mal de chien à expliquer pourquoi vous aviez refusé l’augmentation du Smic. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Protestations sur les bancs du groupe RN.) C’était dans notre programme à l’élection présidentielle ! Pétrifiés par cette situation, vous avez choisi de recycler le programme de Mme Le Pen. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
J’imaginais, puisqu’elle était déjà inscrite dans votre programme à l’élection présidentielle, que cette proposition était ficelée et qu’elle avait du sens, mais il faut reconnaître combien elle est fragile – j’y reviendrai.
Si la question est de savoir si nous sommes d’accord sur la valeur travail, sur la nécessité de faire en sorte que les travailleurs soient mieux rémunérés de leurs efforts quotidiens, la réponse est oui, mais je crois qu’il en va de même sur tous les bancs de cette assemblée. Vous allez donc voter la proposition de loi ? Nous pouvons nous accorder sur le fait que les mesures défendues par le Gouvernement, qui reposent généralement sur des primes, comme la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat devenue prime de partage de la valeur, ne sont pas créatrices de droits. Les réponses apportées par de telles mesures étant tout à fait parcellaires, il nous faut donc, en effet, revenir sur la question des salaires.
Comme on va nous demander quelles sont les propositions en la matière du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires en la matière, je veux prendre un instant et vous dire que, pour celui-ci, il faut instaurer une grande conférence sociale sur les salaires. En effet, la proposition que vous faites, et qui est fragile, nie tout à fait le dialogue social. Vous comptez sur le ruissellement – je trouve assez savoureux d’entendre une telle proposition sur vos bancs. Mais qu’est-ce qu’il raconte ? Nous souhaitons des discussions de branche, quitte à les contraindre davantage quand elles n’aboutissent pas à des solutions effectives. Nous voulons travailler particulièrement sur la question des bas salaires, en débattant de ce qu’il convient d’entendre par « bas salaires ». Voilà ce que nous proposons.
Je reviens sur la proposition du Rassemblement national. Sur la forme, il est assez surprenant de constater qu’une proposition, qui était censée être prête depuis quelques mois, est en fait complètement bâclée. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) On dirait qu’elle a été écrite sur un coin de table en fin de soirée. Un peu de respect ! Votre proposition est objectivement très fragile. En outre, vous nous avez parlé ce matin du général de Gaulle, de Pompidou, du CNR : votre capacité à réécrire l’histoire est absolument insupportable ! Eh oui ! C’est catastrophique ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Écologiste-NUPES.) Ceux qui nous écoutent doivent savoir que vous réécrivez l’histoire systématiquement pour faire croire que c’est vous qui êtes les sauveurs. Ceux qui ont participé au CNR doivent se retourner dans leur tombe. En vous entendant, oui ! Et vous entendre dénoncer l’« oligarchie » prête également à sourire.
Sur le fond, vous choisissez de combiner le ruissellement avec le pouvoir de la main invisible du marché. Mais qu’est-ce qu’il raconte ? Vous laisserez aux entreprises la possibilité de choisir, puisque vous hurlez sur vos bancs que ces mesures seront mises en œuvre sur la base du volontariat. Que proposez-vous donc ? Les entreprises qui ont la capacité financière de procéder à des augmentations de salaire et qui étaient prêtes à le faire se réjouiront des exonérations que vous proposez. Vous ne ferez donc rien de plus que leur offrir quelques cadeaux supplémentaires.
Que produira la main invisible du marché ? Mais qu’est-ce qu’il raconte ? Elle créera une concurrence entre les entreprises qui peuvent procéder à ces augmentations et qui seront sans doute attractives et toutes celles qui ne peuvent pas le faire, notamment les TPE et les PME, qui rencontreront de grandes difficultés pour recruter. Ça ne tient pas la route ! Objectivement, vous créez des conditions très difficiles. Je ne reviens pas sur la fragilisation de la sécu, car je crois que cela ne vous intéresse pas. Vous commettez l’imposture de nous dire que vous êtes contre la réforme des retraites proposée par le Gouvernement, alors que la proposition de loi que vous présentez creuserait encore davantage le déficit et donnerait un argument redoutable à ceux qui dirigent notre pays. (M. Gérard Leseul applaudit.) Faites preuve de cohérence ! Nous voterons contre cette mesure inefficace. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.) La parole est à M. Marc Ferracci. Cette proposition de loi est bienvenue (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe RN) , car elle nous permet de débattre de la principale proposition de la candidate Marine Le Pen à l’élection présidentielle en matière de pouvoir d’achat et, ce faisant, elle nous permet d’exposer les nombreuses faiblesses de cette proposition.
Premièrement, comme cela a déjà été dit, cette proposition engendrerait un coût considérable pour les finances publiques (« Oh ! » sur les bancs du groupe RN) , alors que la majorité présidentielle est pleinement mobilisée pour faire en sorte que le travail paie mieux et pour préserver le pouvoir d’achat des salariés. Il serait bon d’appliquer un principe de responsabilité budgétaire. Avec 3 000 milliards de dette ! Deuxièmement, cette exemption serait d’un effet très modeste pour les salariés car, comme cela a été dit, elle engendrerait des effets d’aubaine dans les entreprises ayant déjà prévu d’augmenter les salaires. Eh oui ! Ces effets d’aubaine seront d’autant plus importants que les augmentations ultérieures viendront diluer progressivement cette hausse de 10 % à laquelle vous attachez les exonérations.
Troisièmement, cette proposition serait parfaitement antiredistributive car elle bénéficierait surtout aux salariés les plus qualifiés et à ceux qui sont employés dans les grandes entreprises, car il faut savoir que les salaires sont plus élevés dans les grandes entreprises. Eh oui ! Rappelons qu’au niveau du salaire minimum et à proximité, les employeurs ne paient déjà plus de cotisations patronales, du fait des mesures décidées par la majorité présidentielle. En pratique, les exonérations décidées bénéficieraient donc essentiellement aux salaires supérieurs à 1,6, voire à 2,5 Smic. À cet égard, je veux souligner que l’exposé des motifs de la proposition de loi témoigne d’une certaine déconnexion par rapport à la réalité, puisqu’il inclut dans les classes moyennes les salariés gagnant jusqu’à trois fois le Smic, soit plus de 5 000 euros bruts par mois. Voilà quelle est votre conception des classes moyennes…
La majorité est pleinement convaincue qu’il est nécessaire d’accroître le pouvoir d’achat de tous les salariés. C’est le sens des mesures qui ont été prises à l’été, comme la possibilité de monétiser les RTT. En revanche, privilégier de fait les exonérations sur les salaires les plus élevés est contraire à l’esprit de justice sociale : c’est pourquoi nous y sommes opposés.
J’ajoute que, comme l’a dit M. le ministre, fidèle à la confiance qu’elle accorde au dialogue social dans les branches et dans les entreprises, la majorité a fait le choix d’encourager l’augmentation des salaires à travers la négociation collective.
Plusieurs mesures ont été prises en ce sens cet été. Nous avons facilité la fusion des branches dont les minima conventionnels sont durablement inférieurs au Smic. Nous avons aussi raccourci le délai dans lequel une branche dont un minimum conventionnel est rattrapé par le Smic doit rouvrir une négociation. Quel succès ! Cette attention à la négociation collective porte ses fruits puisqu’actuellement un nombre très limité de branches a encore des minima conventionnels inférieurs au Smic depuis au moins un an. Quels arguments ! J’insiste enfin sur le fait que cette proposition induirait une très forte complexité dans notre système de prélèvements et, surtout, compliquerait de manière insupportable la vie de nos entreprises, en particulier des plus petites d’entre elles.
En pratique, il s’agirait d’appliquer, de manière parfaitement inédite, des exonérations à une augmentation salariale ponctuelle, alors que le système d’exonérations de charges repose sur une assiette constituée de la masse salariale globale. La mise en œuvre de cette disposition impliquerait une refonte profonde de notre système d’exonérations, ce qui la rend largement inapplicable, alors même que votre proposition est prévue pour être provisoire.
Elle supposerait en outre un accroissement considérable des données demandées aux entreprises et leur imposerait une refonte de leur logiciel de paie. Elle aurait pour conséquence de complexifier fortement l’activité déclarative des entreprises, notamment les plus petites d’entre elles, à un moment où vous conviendrez, chers collègues, que nos entreprises ont d’autres soucis à gérer.
En résumé, la mesure proposée serait à la fois budgétairement coûteuse, économiquement inefficace, moralement inéquitable et, en pratique, inapplicable.
Le groupe Front national est visiblement conscient de ces problèmes, puisqu’il a déposé un amendement demandant un rapport sur les limites potentielles de cette loi. On ne saurait mieux exprimer le niveau d’impréparation et d’amateurisme qui entoure cette proposition. (Protestations sur les bancs du groupe RN. – Mme Stella Dupont applaudit.) Il y en a marre ! Je rappelle que cette proposition constituait un élément central du programme de Marine Le Pen durant la campagne présidentielle. Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance votera contre cette proposition et a déposé un amendement de suppression de l’article 1er. Cent cinquante milliards de déficit ! La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan. Les Français qui nous regardent ce matin doivent être vraiment stupéfaits : quel débat surréaliste ! Quel concours de mauvaise foi ! Tous les responsables politiques, dans tous leurs discours, demandent que le travail soit mieux rémunéré et constatent que tout marche à l’envers dans notre pays. L’inflation réelle n’est pas de 6 % car, comme vous le savez, l’inflation du panier alimentaire et de 14 %. Pour la première fois depuis bien longtemps, le pouvoir d’achat de nos concitoyens diminue. Ce n’est pas vrai ! (Protestations sur les bancs du groupe RN.) Ce n’est pas vrai ? Alors que les Français n’arrivent plus à faire leurs courses, qu’ils se privent de tout, que les Restos du cœur sont pleins à craquer et que les inégalités explosent ; alors que les patrons du CAC40 ont augmenté leur rémunération de 52 % et que celui de Stellantis donne des millions d’euros mais refuse la moindre indexation à ses salariés ; alors que la prime Macron ne marche pas – 730 000 salariés du privé sur plus de 20 millions en ont bénéficié en 2022 – et que les fameuses négociations collectives ne marchent pas non plus ; alors que le climat social se tend et que les salariés sont démotivés – telle est la réalité de notre pays –, vous trouvez tous, sur chacun des bancs de cette assemblée, des prétextes fallacieux, démagogiques, politiciens pour refuser une proposition concrète, immédiate, incitative, permettant aux chefs d’entreprise qui le peuvent, sur le principe du volontariat, d’augmenter les salaires des Français. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.) Honte à vous ! Franchement ! Ce n’est pas correct pour les Français qui souffrent. C’est ignoble et cela déconsidère notre assemblée. Certes, la proposition de loi n’est pas parfaite – on peut toujours trouver des défauts aux textes –, mais pourquoi ne pas essayer d’alléger la souffrance de nos concitoyens ? Apparemment, c’est trop compliqué pour vous ! En réalité, vous n’avez pour seul objectif que de nourrir l’oligarchie. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Mme Prisca Thevenot proteste.)
La proposition de loi n’est pas suffisante, mais il faut quand même l’adopter – d’ailleurs, en le faisant, vous surprendriez les Français. Si une telle proposition avait été défendue par La France insoumise ou Renaissance, par les centristes ou par Les Républicains, je l’aurais moi-même votée de bonne foi. C’est cela… Si les Français ne supportent plus l’hémicycle, c’est précisément parce que les positions des groupes sont arrêtées en fonction non pas de l’intérêt général et d’une conviction profonde, mais uniquement de l’appartenance politique de l’auteur du texte. Il a raison ! Combien de temps cela va-t-il durer ? Cinq ans ? Cinq ans à laisser les Français subir et souffrir ! Fondamentalement, c’est le discrédit du Parlement qui s’affiche au grand jour ce matin. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Excellent ! Certes, nous pourrions faire mieux que la proposition de loi : durant la campagne présidentielle, j’ai proposé d’augmenter les salaires nets de 10 % en réduisant les charges salariales d’un tiers, ce qui permettait d’éviter le filtre des dirigeants d’entreprises. Cette mesure représenterait 40 milliards d’euros, et devrait donc être appliquée progressivement, mais elle aurait l’avantage de ne pas peser sur les comptes des entreprises.
Souvenez-vous : en 1967, les charges salariales… Les cotisations salariales. …les cotisations salariales, vous avez raison, représentaient 8 % du salaire brut ; aujourd’hui, c’est plus de 23 % ! Cela signifie que, dès le départ, le salaire net est inférieur d’un quart à celui versé par le chef d’entreprise : c’est donc bien sur ce levier qu’il faut agir en complément des mesures présentées dans la proposition de loi. Pourquoi ne pas faire de vraies économies sur les gaspillages : 20 milliards d’euros pour les millions de fausses cartes vitales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.– Exclamations sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et SOC.) Et les paradis fiscaux ? Et les 10 milliards que les Français versent en pure perte à l’Union européenne – du temps de Jacques Chirac, c’était 1 milliard, avec Emmanuel Macron, ce ne sera pas moins de 15 milliards ? Mais bien sûr… Et les 5 milliards que coûte l’immigration clandestine ! Nous pourrions aussi proposer de renforcer la participation dans l’entreprise, comme le Général de Gaulle en rêvait,… Le temps ! …en baissant l’impôt sur les sociétés de 1 % pour chaque tranche de participation supplémentaire. Monsieur le président, le temps de parole est écoulé ! Enfin, il faudrait, bien sûr, une réforme des retraites qui récompense le travail – l’inverse, donc, de ce que vous allez faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La discussion générale est close.
Les Français et les Françaises ont l’impression, à juste titre, nous l’avons constaté lors de la crise des gilets jaunes, que le salaire, ce qui constitue l’âme centrale du travail, de la dignité, de la valeur de ce que chaque homme et chaque femme apportent à une entreprise et à la société en général, n’est plus valorisé à sa juste place depuis bien trop d’années.
Pour des raisons qu’il serait trop long et vain d’expliquer, les législateurs et les gouvernements ont trouvé diverses manières de contourner la seule et vraie question : comment augmenter les salaires, comment mieux rémunérer le travail ? Avec le Smic ! Vous avez utilisé, sans doute fallait-il le faire, les heures supplémentaires – nous vous avons soutenus. Vous avez utilisé différentes primes, avec les limites que ce genre de mécanisme peut avoir sur le pouvoir d’achat réel des Français – nous vous avons néanmoins soutenus. Tout moyen d’augmenter au quotidien le pouvoir d’achat des salariés est bon à prendre. Toutefois, vos mesures ont évité systématiquement, depuis trop longtemps, ce qu’attendent les Français : à savoir une rémunération raisonnable, juste et digne de leur travail. C’est cette ambition que Marine Le Pen a soutenue pendant l’élection présidentielle et que la présente proposition de loi entend relever. Elle constitue une première marche, une ouverture vers la revalorisation de ce qui fonde la dignité de chaque salarié, de chaque homme et de chaque femme qui contribuent à la richesse nationale : le salaire.
Il est donc stupéfiant et triste que cette proposition de loi, qui se veut et qui est pragmatique, qui se veut et qui est ouverte au dialogue, qui se veut et qui est en lien avec la réalité du monde de l’entreprise, ne se voit opposer que des positions de principe,… Cela relève de l’entreprise ! …des postures politiciennes et un rejet fondé sur des a priori qui est bien loin, très loin, des préoccupations réelles des Français. Une fois encore, il n’y a visiblement que le groupe Rassemblement national qui soit capable de dépasser les postures et les mensonges pour s’atteler à ce qui devrait pourtant tous nous rassembler : les valeurs communes, à savoir le travail, et les préoccupations communes des Français, à savoir être en mesure d’en vivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Ces valeurs devraient et peuvent nous réunir tous, des marxistes aux libéraux, des nationaux aux gaullistes. La valeur travail est consensuelle : elle a fondé la société occidentale et la démocratie. C’est au nom de la dignité et de la reconnaissance du travail que, du citoyen à l’entrepreneur, du libéral au fonctionnaire, tous peuvent se rejoindre sur la défense d’intérêts communs, d’un modèle social commun. Fragiliser la valeur travail pour des raisons politiciennes, fragiliser la dignité du travail pour des raisons économiques, fragiliser la reconnaissance de ce travail pour des raisons oligarchiques est irresponsable. Or vous vous attaquez systématiquement à ce qui a fondé la société française et la civilisation occidentale et vous prenez le risque de creuser une fracture considérable entre les classes, entre les travailleurs et donc dans la société française. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Dans son argumentaire, le ministre Dussopt a d’ailleurs, une fois de plus, appuyé sur les fractures et sur les divisions, en faisant croire qu’une augmentation des salaires des classes moyennes supérieures était contraire à l’intérêt des salariés. C’est ne pas comprendre le sens du modèle social du Conseil national de la Résistance (CNR). Ben voyons ! Oui, collègue de gauche, ce qui a fait la force du modèle social français, c’est la solidarité, l’unité et la fraternité… Vous n’y étiez pas, au CNR ! …entre tous les salariés des entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Qu’il s’agisse de l’employé, du salarié, du cadre, ils étaient solidaires – et ils devraient l’être encore. Laissez le CNR tranquille ! C’est cette solidarité que nous voulons renforcer grâce à la proposition défendue par Marine Le Pen lors de la campagne présidentielle. Oui, nous voulons que, solidairement, tous les salaires d’une même entreprise, qu’il s’agisse de celui d’un salarié, d’un employé, d’un cadre, d’un contremaître ou des professions intermédiaires, augmentent pour une fois en même temps, au même niveau, car ils contribuent tous de la même manière à la dignité et à la prospérité commune. C’est donc une mesure de bon sens et de justice sociale que d’adopter pour une fois dans notre pays, depuis que le général de Gaulle et Pompidou ont quitté le pouvoir, des mesures sociales destinées à 90 % des Français et non pas seulement à une classe ou à une seule catégorie, les autres étant exclues. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Considérer que l’on est privilégié lorsqu’on gagne quatre fois le Smic – vous étiez encore socialiste, monsieur Dussopt, lorsque François Hollande avait établi cette distinction entre les Français en qualifiant de privilégiés ceux qui gagnaient plus de 4 000 euros par mois –, c’est ne rien comprendre à la solidarité de la société française, ne rien comprendre à ce qui devrait être un modèle de développement juste, mais c’est bien comprendre, en revanche, la mondialisation que vous avez toujours favorisée. Faire croire aux Français les plus modestes, aux classes moyennes que ceux qui gagnent 4 000 euros sont des privilégiés, c’est évidemment un mensonge de classe et un propos d’oligarques face à une vraie injustice résultant de la mondialisation. Les oligarques, vous connaissez ! Ceux qui perçoivent 4 000 euros font tourner le pays et participent autant que ceux qui gagnent le Smic. Ils font des efforts et des sacrifices ; ils financent le système de protection sociale. Ils ne font pas partie du 1 %, du 0,1 %, du 0,01 % qui profite de la mondialisation que vous organisez et que vous continuez à protéger, en particulier en opposant les Français entre eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
En défendant la valeur travail, cette proposition de loi ne peut que défendre le modèle social et le dialogue social. Vous auriez pu l’améliorer, mais vous nous opposez un refus a priori . Elle s’inscrit dans une démarche volontaire de l’entreprise, car nous prenons en compte la réalité : nous ne faisons pas de promesses vaines ni en l’air. Nous savons que de nombreux entrepreneurs rencontrent des difficultés. Mais nous savons aussi que nombre d’entre eux, en particulier des petits entrepreneurs, cherchent un moyen d’augmenter les salaires. Ils savent que leurs salariés n’arrivent plus à vivre dignement avec leur salaire et que beaucoup d’entre eux hésitent même à prendre leur voiture le matin pour aller travailler, tant la différence entre le travail et l’assistanat est insuffisante, compte tenu du niveau des prix du carburant. Ils savent que, pour garder les talents, il faut mieux les rémunérer et que leurs employés attendent cette juste rémunération.
Il s’agit donc de répondre à cette attente en élargissant l’éventail des solutions. Pourquoi refusez-vous, par obstruction, de multiplier les moyens donnés aux entrepreneurs d’augmenter les salaires ? Si vous êtes de bonne foi et considérez qu’il convient de le faire, offrez-leur le plus de solutions possibles, ouvrez les portes et les fenêtres, ne les refermez pas par pur sectarisme. Nous voyons bien là, malheureusement, votre mauvaise foi.
Ce n’est que si les entreprises le peuvent et que s’il y a un dialogue social, s’il y a un accord entre les salariés, les syndicats et la direction, que cette exonération de charges s’appliquera aux salaires qui auront été augmentés de 10 %. Cette proposition est parfaitement pragmatique, j’y insiste.
Imaginons même, pour vous prendre au mot, que cette proposition ne fonctionne pas : qu’importe ? Si elle fonctionne, tous les salariés et toutes les entreprises y gagneront ! Si ce n’est pas le cas, comme votre dispositif de primes, elle restera une possibilité malheureusement marginale et nous trouverons une autre solution. C’est la particularité d’une opposition pragmatique, qui cherche à formuler des propositions concrètes, qui pense aux Français et prend le risque de l’échec – car, au contraire des macronistes, nous ne pensons pas détenir la science infuse ; bien malin celui qui peut savoir à l’avance quelle mesure économique fonctionnera ou non. Il faut ouvrir des possibilités et des libertés, faire confiance aux acteurs économiques et à l’intelligence des Français, faire confiance à l’esprit d’initiative… Cela fait envie ! …et ne pas toujours chercher à les restreindre, à les enfermer et à croire que, par principe, les entreprises se comporteront mal avec leurs salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Je vous invite donc, sans illusion mais avec la naïveté qui anime un député à son premier mandat, à ne pas rejeter par a priori cette proposition de loi, à accepter le dialogue et le débat parlementaire, à l’améliorer. Avec Christophe Bentz, nous avons été particulièrement clairs en commission avec nos collègues : nous aurions préféré des amendements visant à améliorer le texte et à apporter des solutions. Comment peut-on travailler avec vous ? En définitive, l’intervention du ministre Dussopt montre, comme son intervention en commission, que vous n’avez rien à proposer en faveur des salaires. Nous en revenons au problème avec lequel j’ai ouvert la discussion générale : ce Parlement refuse d’affronter la réalité : les salaires n’augmentent pas assez en France et sont paralysés.
Je finirai en évoquant l’argument de la gauche développé en commission,… Oui, finissez ! …qui était très clair : cela fait des années, chers collègues de gauche, que vous demandez une contrepartie concrète et réelle aux baisses de charges. Pour la première fois depuis quarante ans, cette proposition de loi en prévoit une : 10 % d’augmentation des salaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Comment peut-on être de gauche et venir devant les électeurs en affirmant qu’une augmentation générale de 10 % des salaires n’est pas une conquête sociale ni un progrès social ? Comment peut-on sérieusement entendre un argument d’une telle mauvaise foi ?
Vous faites preuve d’autant plus de mauvaise foi que des membres de votre coalition, à savoir le Parti socialiste et les Verts, ont instauré le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), c’est-à-dire entre 30 et 40 milliards d’exonérations de charges qui n’ont donné lieu à aucune contrepartie, ni en investissements, ni en emplois, ni en salaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) C’est vrai !
J’en appelle donc à la responsabilité et à l’esprit d’ouverture. Entendez enfin le cri du cœur des Français et augmentez, s’il vous plaît, leurs salaires, reconnaissez la valeur du travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. François Ruffin. Madame Le Pen, j’ai apporté le programme de votre projet présidentiel « M la France ». (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.) Vous le savez, je vous écoute et je vous lis avec attention. Enfin de bonnes lectures ! J’ai apporté également le programme d’Emmanuel Macron. Pourquoi ? Parce qu’entre vous deux, il y a un énorme point commun ; entre vous et Emmanuel Macron, il y a plus qu’un trait d’union : en matière économique et sociale, vous êtes d’accord sur l’essentiel. (Murmures sur les bancs du groupe RN.) Dans les trente-six pages de votre programme, madame Le Pen, cherchez avec moi. Combien de fois apparaît le mot « profit » ? Zéro. Combien de fois le mot « bénéfices » ? Zéro. « Dividendes » ? Zéro. (« Zéro ! » reprennent les députés sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) « Actionnaires » ? Zéro. (Mêmes mouvements.) Et ce silence, l’année dernière : pas un mot, alors que, d’après Les Échos , « la distribution de dividendes a atteint un record en France ». Pas un mot, alors que, d’après l’Insee, « le taux de marge des entreprises n’a jamais été aussi élevé ». Pas un mot, alors que, d’après Le Figaro , « les revenus des dirigeants du CAC40 n’ont jamais été aussi élevés ». C’est un immense silence. On parle des salaires ! Les milliardaires français ont vu leur fortune bondir de 67 %, mais qu’en disiez-vous ? Rien. Tous se goinfrent, à l’instar de TotalEnergies, sur la guerre en Ukraine, sur les automobilistes français, mais qu’en disiez-vous ? Rien. Le PDG de TotalEnergies s’est augmenté de 52 %, mais qu’en disiez-vous ? Rien. (« Rien ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) TotalEnergies, Sanofi, Renault ne paient pas d’impôts sur les sociétés en France, mais qu’en disiez-vous ? Rien. (Mêmes mouvements.) Vous êtes hors sujet ! Pas une ligne dans votre programme sur la fraude fiscale gigantesque, immense, formidable ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Encore mieux, il n’y a rien dans votre programme sur les inégalités. (Vives exclamations sur les bancs du groupe RN.) Relisez-le, et vous verrez ! Moi, je le lis, et je constate que ces mots n’y figurent pas. Il n’y a rien sur les inégalités de revenus. (Mêmes mouvements.) Non, le mot « égalité » n’y figure pas. La pauvreté n’est pas mentionnée, ni la précarité. Qu’énoncez-vous concernant l’intérim, ce passage obligé pour la jeunesse populaire ? Rien. Et les stages à répétition ? Rien. Chez vous, il n’y a pas de riches : le mot n’existe pas. Il n’y a pas de pauvres non plus : il n’y a que des Français et des étrangers. Voilà votre vision et votre division du monde ! Il n’y a que les Français ! On trouve d’ailleurs les mêmes immenses silences chez le président Macron : il n’y a pas non plus d’actionnaires dans son programme, pas de profits, pas de dividendes, pas d’injustices, pas de fraude fiscale, pas d’inégalités, pas de précarité, pas d’intérim… Ces mots n’existent pas. Et les salaires, on en parle ? Vous partagez avec lui un même aveuglement et un même consentement à l’injustice et aux inégalités. Bien des choses vous opposent, à l’évidence,… Oui, la vérité ! …et je ne vous confonds pas. Vous avez voté pour lui ! C’est votre ami ! Mais concernant l’économie et le social, vous êtes d’accord. LFI est l’idiot utile du macronisme ! Avec vous et avec lui, entre le travail et le capital, entre les salariés et les actionnaires, jamais les plateaux de la balance ne seront rééquilibrés. Ni avec vous ni avec lui, les richesses ne seront redistribuées et partagées dans notre pays. Richesse, distribution, partage : ces mots ne figurent ni dans votre programme, ni dans le sien. Avec vous comme avec lui, les gros, en haut, peuvent se gaver, tandis que les petits, en bas, sont rationnés.
J’en viens à votre proposition de loi. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.) Elle est à l’image de votre programme. Combien de fois y trouve-t-on le mot « profit » ? Zéro. « Bénéfices » ? Zéro. « Dividendes » ? Zéro. « Actionnaires » ? Zéro. Bien sûr, je suis favorable à une augmentation des salaires de 10 %, et même de 20 % ou 30 % ! Alors, votez ! Pourquoi ne pas doubler les salaires : qui serait contre ? Toutefois, comment comptez-vous, je cite, « inciter les entreprises à augmenter les salaires nets de 10 % » ? Comment faire, sans mieux répartir les richesses ? Comment faire, sans toucher aux bénéfices, aux dividendes et aux profits ? Comment ? Vous répondez : avec des exonérations de cotisations patronales. Voilà votre idée. Eh oui ! Vous rendez-vous compte que c’est du Macron ? (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Vous avez voté pour lui ! Les macronistes ne font que ça, alléger les charges ! Fillon, Balladur, Juppé : tous n’ont fait que ça depuis quarante ans : alléger les charges sur les primes, et alléger les charges sur les bas salaires. Voilà donc votre idée neuve : alléger les charges ! Et augmenter les salaires, vous savez ce que cela veut dire ? À l’heure où les travailleurs s’apprêtent à combattre la retraite à 64 ans, et alors que vous prônez la retraite à 60 ans, vous voulez priver le système de recettes. Vous allez creuser un déficit qui n’existe pas encore. Il n’y aura pas de recettes en moins et pas de déficit ! Vous n’y connaissez rien en économie ! Il n’y a pas encore de déficit, mais vous voulez le creuser. Madame Le Pen, qu’avez-voté pour les Français et pour les travailleurs concernant la hausse du Smic ? Vous avez voté contre. L’indexation des salaires sur l’inflation ? Vous avez voté contre. Le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ? Vous avez voté contre. C’est faux ! Je le dis aux citoyens de mon coin, d’Amiens ou Hénin-Beaumont : vous, ouvriers et salariés qui êtes attachés à la justice, vous qui souhaitez que les plateaux de la balance soient rééquilibrés, vous qui voulez qu’en matière d’impôts, les petits paient petits, et les gros paient gros, sachez que c’est toujours par la gauche que cela arrive. Vous, vous voulez que les petits gagnent petit ! C’est par la gauche que sont venus les congés payés, les retraites, la sécurité sociale et le Smic. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.) C’est hors sujet ! Ce n’est jamais des bancs de la droite que viennent les progrès pour les ouvriers et les employés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) La parole est à Mme Josiane Corneloup. Les entreprises vivent une période à la fois particulière et inédite : immenses difficultés à recruter, hausse des prix de l’énergie, hausse du coût des matières premières, coût élevé de la main-d’œuvre par rapport aux autres pays européens, fiscalité lourde. Leur pérennité est menacée. Pour avancer et évoluer sereinement, les entreprises ont besoin d’être aidées et soutenues et d’avoir de la visibilité à moyen et long terme.
La présente proposition de loi vise à offrir aux entreprises un nouveau dispositif qui les incite à augmenter les salaires nets de 10 %, en exonérant cette augmentation de cotisations patronales. Le dispositif concernerait les salaires dont le montant atteint jusqu’à trois fois le Smic. Il permettrait, selon vos dires, de soutenir les salariés sans entraîner de coût pour l’État ni pénaliser les entreprises. Un résidu de charges patronales semble néanmoins perdurer, malgré l’exonération, y compris sur les bas salaires : voilà déjà une première imprécision dans votre texte.
Le premier objectif visé par les allégements de cotisations, ces vingt dernières années, est la création d’emplois, et non la hausse des salaires. Il est douteux que l’allégement des cotisations sociales que vous prônez ait une incidence sur le niveau des salaires. De manière générale, votre proposition de loi engendrerait un coût considérable, tant pour les finances publiques que pour les entreprises,… Par pour les finances publiques ! …alors que nous devons avant tout protéger l’emploi, favoriser les embauches et soutenir le pouvoir d’achat des Français.
Concernant les finances publiques, l’Institut Montaigne estime que votre proposition coûtera 7 à 10 milliards d’euros bruts la première année, et que ce coût augmentera à mesure que les entreprises y souscriront. Comment donc ? Quant aux entreprises, elles devront augmenter tous les salaires de 10 %. C’est une possibilité, pas une obligation ! Cela représenterait un effort considérable, surtout en pleine période de crise inflationniste et énergétique. Comment une boulangerie, qui voit sa facture énergétique croître de 400 %, pourrait-elle augmenter, dans le même temps, le coût de sa masse salariale ? Elle ne le fera pas ! Cette mesure est utopique. L’augmentation des salaires est essentielle, mais votre proposition de loi ne va pas dans le bon sens. La préservation du tissu économique et industriel dépend des mesures d’équilibre que nous votons ici : il est donc naturel que nous posions le bon diagnostic sur la situation et que nous y apportions des réponses adaptées. Elle n’a pas lu le texte ! Alors que les petites entreprises font face à de multiples contraintes, il pourrait être très destructeur de leur en imposer de nouvelles. Ce n’est pas imposé ! Laissons les chefs d’entreprise gérer leur société comme ils le souhaitent ; tenons compte de leur volonté, mais aussi de leurs possibilités. Relisez la proposition de loi, madame ! Vous n’avez rien compris ! Tous les métiers sont en tension, et il n’est pas un seul chef d’entreprise qui ne souffre de problèmes de recrutement : il manque 7 000 chauffeurs de bus et 200 000 à 300 000 serveurs ; quand on propose cinq emplois dans le milieu agricole, on n’en pourvoit qu’un seul. Depuis la pandémie, certaines entreprises ont déjà dû faire un effort de rémunération pour rester attractives ou fidéliser leurs salariés. Certes, ces augmentations sont globalement insuffisantes par rapport à l’évolution des prix : les salaires progressent deux fois moins vite que l’inflation, qui dépasse 6 %. Cependant, dans certaines branches et dans certains secteurs d’activité, les hausses de salaires sont tout à fait significatives et dépassent même l’inflation.
En outre, l’exonération de charges que vous proposez ne s’appliquerait qu’à la majoration salariale, et non au salaire dans son entier : cela nécessiterait de créer une double comptabilité des salaires, l’une pour le salaire chargé, l’autre pour la majoration non chargée. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.) Vous n’avez pas compris, madame ! Cette double comptabilité n’irait pas dans le sens de la simplification bureaucratique. Elle est inapplicable, tant elle représentera des coûts et du temps pour les entreprises – je pense notamment aux PME et aux TPE.
En réalité, ce dispositif provoquera surtout un effet d’aubaine, puisque l’exemption de charges patronales bénéficiera aux seules entreprises qui ont déjà prévu une telle hausse des salaires ou qui en ont les capacités.
Rappelons par ailleurs que les entreprises bénéficient déjà d’une exonération importante de cotisations patronales : elle est totale jusqu’à 1,5 Smic et dégressive entre 1,5 et 2,4 Smic.
Les députés du groupe Les Républicains,… Il en reste ? …attachés à l’accompagnement et au soutien des entreprises, considèrent que votre proposition de loi va à l’encontre de l’autonomie de gestion des chefs d’entreprise et de la simplification bureaucratique, sans compter que son coût est élevé tant pour les finances publiques que pour les entreprises et que l’exonération des charges patronales ne garantit pas une incitation à augmenter les salaires. Pourquoi n’avez-vous pas lu le texte ? En conséquence, le groupe Les Républicains s’abstiendra sur cette proposition de loi. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. Philippe Vigier. En écoutant notre collègue Jean-Philippe Tanguy, je me disais… « Silence pour la France ! » …qu’il est toujours bon de faire des promesses, si on peut les tenir. Or la défiance des citoyens à l’égard de la classe politique repose sur des annonces et sur la promesse d’un horizon éclairci… Et l’horizon, ce n’est pas bon ? Je vous ai écouté sans vous interrompre, ayez la gentillesse de faire de même : c’est le débat démocratique.
Il est tellement facile d’annoncer que demain, partout en France, les salaires vont augmenter ! Une de vos phrases m’a surpris, monsieur Tanguy – car je vous écoute toujours avec beaucoup d’attention : vous êtes souvent au rendez-vous de la cohérence, mais en la matière, elle vous fait défaut. Vous annoncez que demain, dans toutes les entreprises, l’ensemble des salariés verront leur salaire augmenter de 10 %. Mais non ! C’est précisément ce que vous avez dit : je l’ai noté en temps réel. Vous avez commencé votre intervention sur la valeur travail. Pour ma part, j’ai fait mes premiers pas de parlementaire en 2007 avec la fameuse loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi Tepa : il s’agissait de reconnaître ceux qui souhaitaient faire des heures supplémentaires et d’apporter une solution appropriée à la baisse du pouvoir d’achat, par la hausse de la rémunération. Tel est le premier texte sur lequel je suis intervenu. La valeur travail m’anime donc depuis le début de mon engagement politique et vous n’en avez pas le monopole. Mes collègues du groupe Démocrate, comme bien d’autres, sur ces bancs, partagent un même attachement à la valeur travail – j’exclus ceux qui expliquent que le droit à la paresse est la nouvelle valeur travail. Cela s’appelle les congés payés ! N’allez pas dire au peuple français qu’il a enfin trouvé un défenseur de la valeur travail dans le Rassemblement national, car nous la défendons tout autant que vous, et nous l’avons prouvé.
Qui pourrait s’opposer à l’idée que, demain, nos concitoyens gagnent plus ? Personne. Toutefois, les politiques ont-ils la capacité de fixer les salaires des entreprises ? Non. Il faut y mettre les moyens ! Notre capacité repose sur une chose que vous connaissez parfaitement bien – je prends à témoin le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, Olivier Dussopt : accordez-nous qu’en cette année d’inflation considérable, nous nous sommes montrés capables de limiter le plus possible cette dérive. Vous dites vouloir « inciter » les entreprises à augmenter les salaires, parce que vous n’y croyez pas vous-mêmes. Si, nous y croyons ! Vous ne pourrez pas dicter aux chefs d’entreprise les augmentations qu’ils doivent consentir. Quand vous expliquez que tous les salariés seront augmentés de façon homogène, cela signifie que les plus méritants, ceux qui en feront plus et qui se démèneront pour que leur entreprise soit plus performante, seront pénalisés. Mais non ! Vous prônez par ailleurs une exonération de charges patronales. Vous connaissez parfaitement le montant des exonérations inscrites dans le budget actuel, monsieur Tanguy : il est considérable. La gauche en fait d’ailleurs souvent la remarque – je me tourne vers Pierre Dharréville : lorsque diverses primes ont été créées, elles ont été assorties de défiscalisations et d’exonérations sociales. Or, à l’heure où nous entamons un débat sur les retraites et où nous cherchons à dégager 16 milliards d’euros d’économies, vous proposez d’ajouter 16 milliards de dépenses ! Ce n’est pas cela ! C’est un choix de société ! Dans le même temps, vous nous racontez qu’on peut prendre sa retraite à 60 ans. Ce n’est pas acceptable Alors que, je le répète, nous cherchons à réaliser 16 milliards d’euros d’économies pour consolider le système de retraite, votre dispositif pèsera du même montant sur les finances publiques. Il ne coûtera rien ! En commission des affaires sociales, votre propre rapporteur a reconnu qu’il ne disposait pas réellement d’étude d’impact et qu’il ne savait pas chiffrer le coût du dispositif. C’est irresponsable. On ne peut pas dire aux Français qu’on augmentera leur salaire d’un claquement de doigts : cela doit passer par le dialogue social et le paritarisme.
Vous qui défendez les boulangers, comme je les défends,… Vous ne les défendez pas ! …et comme je défends l’ensemble des entrepreneurs qui souffrent de la hausse du prix de l’énergie, reconnaissez que vous ne pouvez pas leur imposer un surcoût du jour au lendemain. Nous n’imposons rien à personne ! Vous le savez pertinemment : ils augmenteront les salaires s’ils le peuvent. Cessez de faire des promesses que vous ne pourrez pas tenir, car c’est ainsi qu’on discrédite la classe politique. Le groupe Démocrate ne votera donc pas votre proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs de groupe Dem et quelques bancs du groupe RE.) La parole est à M. Jérôme Guedj. Je fais partie des députés qui prennent au sérieux les propositions du Rassemblement national (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN) , non pour ce qu’elles auraient de sérieux, mais pour ce qu’elles disent de sa conception de l’organisation de la société. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.)
En l’occurrence, en semblant focaliser votre propos sur le travail comme valeur et sur sa juste rémunération, vous dessinez en creux votre vision très révélatrice de notre modèle de protection sociale – je m’attarderai sur ce point. Avant cela, je tiens à souligner le paradoxe qu’il y a à vous présenter aujourd’hui comme les thuriféraires d’une revalorisation des salaires pour l’ensemble des Français dans un contexte social et économique éprouvant marqué par l’inflation, alors que vous avez rejeté l’an dernier la possibilité qui vous était offerte de voter une revalorisation immédiate, opérante, peut-être même consensuelle, du Smic. Ce n’est pas suffisant ! Et tous les autres salaires ? À quoi sert de faire des études si c’est pour tous finir au Smic ? Allez expliquer ça à vos enfants ! Vous avez également rejeté l’organisation d’une conférence nationale sur les salaires qui aurait permis un dialogue social à grande échelle entre les organisations sociales et patronales. Il n’y avait plus personne dans vos rangs pour voter ces mesures visant à revaloriser les salaires dans leur complétude !
En revanche, il y a du monde aujourd’hui, car – c’est là qu’il devient intéressant d’observer votre position – vous considérez qu’augmenter les salaires signifie augmenter le net au prix d’une exonération de cotisations patronales, faisant ainsi un cadeau aux employeurs. Cela est révélateur de votre rapport à la protection sociale : vous n’avez rien compris au concept fondateur, consubstantiel à la notion de sécurité sociale, qu’est celui du salaire différé. (M. Hadrien Clouet s’exclame.) Le salaire, voyez-vous, ce n’est pas seulement le salaire net qu’on voit en bas de la fiche de paie, ce sont aussi les cotisations sur lesquelles repose le modèle de protection sociale. Si on pousse jusqu’au bout votre logique, chaque fois qu’un employeur décidera d’une augmentation de salaire, celle-ci sera exonérée de cotisations patronales. Si vous procédez ainsi à des exonérations systématiques, quelles seront alors les ressources de la sécurité sociale et de la protection sociale ?
Dans son intervention, M. Tanguy, que j’ai connu plus précis et plus rigoureux,… Je ne peux pas en dire autant de vous ! …a comparé au CICE le dispositif que vous proposez. Je complète l’intervention de M. Vigier en ajoutant que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 prévoit déjà 72 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales. Nous contestons une partie de ces mesures, notamment celles qui, censées permettre la création d’emplois, n’ont pas l’efficacité économique attendue. D’ailleurs, même sur les bancs du groupe Renaissance, certains parlementaires sont prêts à revenir sur les exonérations qui n’ont pas de résultats économiques, comme nous le proposons depuis des années – j’ai pu tenir des propos similaires à propos du CICE.
Mais il existe une différence cruciale entre ces mesures d’exonération et la vôtre : aujourd’hui, les milliards qui ne vont pas à la sécurité sociale sont compensés par l’État. On peut y être favorable ou non ; personnellement, je m’en tiens au principe sanctuarisé par la loi Veil du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, qui dispose que l’État compense les exonérations de cotisation qu’il a décidées. Votre proposition, au contraire, ne compense rien du tout ! Vous appauvrissez le système de sécurité sociale ! Mais non ! Vous appauvrissez les ressources dont dépendent la branche famille, la branche maladie ou encore la branche vieillesse. Ce faisant, vous nous livrez votre vision de la protection sociale. Vous en êtes réduits à invoquer le Conseil national de la Résistance, tentant de vous faire passer pour ses héritiers. C’est honteux ! Vous n’y étiez pas, au CNR ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – Protestations prolongées sur les bancs du groupe RN.) Et vous, où étiez-vous ? Où était Mitterrand ? Ce sont les gaullistes, les communistes, les socialistes, les démocrates chrétiens, la droite conservatrice qui ont participé à la définition de notre modèle de protection sociale et de sécurité sociale, en aucun cas l’extrême droite ! Bravo ! De grâce, n’invoquez pas l’héritage républicain de notre pays pour défendre une bête, méchante et banale mesure de droite libérale ! Vous me rappelez plutôt Yvon Gattaz qui lançait en 1982 la « bataille des charges ». Votre texte relève tout bêtement de la « bataille des charges », pas du soutien au pouvoir d’achat des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Protestations sur les bancs du groupe RN.) Magistral ! La parole est à M. François Gernigon. Par ce texte, le Rassemblement national propose, pour corriger le problème du pouvoir d’achat, de faciliter une augmentation des salaires via l’exonération, rendue possible par la signature d’un contrat d’entreprise, de cotisations sociales patronales pour toute hausse d’au moins 10 % des salaires inférieurs à trois fois le Smic. Cette proposition figurait dans le programme de Marine Le Pen lors de sa campagne pour la présidence de la République.
Le groupe Horizons et apparentés partage l’objectif du texte, c’est-à-dire permettre à tous les travailleurs de mieux vivre de leur travail, mais est en désaccord avec les moyens proposés pour y parvenir. Cette proposition pose en effet un problème de fond et un problème de forme : à ce titre, elle ne paraît pas opportune.
D’une part, cette mesure priverait les organismes sociaux d’une rentrée financière, alors qu’il existe déjà d’autres dispositifs visant à améliorer le partage de la création de richesse. D’autre part, les dates et les pourcentages d’augmentation fixés sont discutables, car ils produiraient des effets de seuil.
Le Smic est indexé sur l’inflation et donc fréquemment augmenté. En un an, il a été revalorisé de 8 %. En ce qui concerne les rémunérations plus élevées, le Gouvernement poursuit ses efforts constants pour encourager leur augmentation grâce à la négociation collective : il a pris plusieurs mesures en ce sens et a notamment fait de l’existence de minima de branche inférieurs au Smic un critère permettant la fusion des branches, ce qui constitue une incitation forte à la revalorisation des grilles salariales.
En outre, l’État dispose d’instruments pour soutenir efficacement le pouvoir d’achat des travailleurs, comme la prime d’activité, revalorisée de 4 % le 1er juillet 2022, qui concerne près de 5 millions de foyers. Lors des dernières années marquées par les crises, le Gouvernement s’est doté d’autres leviers encore, nombreux et plus protecteurs du pouvoir d’achat, dont ont pu bénéficier les ménages les plus précaires et les classes moyennes. Je pense en particulier aux mesures de protection face à la hausse des prix de l’énergie et à l’inflation que sont le bouclier tarifaire, prolongé en 2023, qui limite la hausse des prix à 15 % en moyenne à compter du 1er janvier 2023, et le chèque énergie, qui a permis à 12 millions de ménages, soit 40 % des foyers les plus modestes, de recevoir dès décembre 2022 un chèque de 100 ou de 200 euros selon leurs revenus.
Face au défi que pose le pouvoir d’achat en période de crise, nous soutenons qu’une meilleure rémunération doit passer par un meilleur partage de la valeur entre les entreprises et les salariés. Le développement des dispositifs d’intéressement et de participation doit être encouragé, en particulier dans les plus petites entreprises. Le développement du dividende salarié pourrait représenter une autre piste pour aller plus loin et tendre vers un partage plus juste. En privilégiant la conclusion d’accords de branche réfléchis avec les partenaires sociaux, nous favoriserons l’équité entre les salariés ; à l’inverse, permettre à certaines entreprises d’augmenter les rémunérations et à d’autres de s’en abstenir créera des injustices entre les salariés.
Comme cela a souvent été rappelé, nous soutenons la recherche de dialogue et de compromis, pour que toutes les entreprises qui ont la capacité d’augmenter les salaires les augmentent, comme nombre d’entre elles l’ont fait en 2022. Cependant, dans un contexte où certains secteurs d’activité sont en tension de recrutement, instaurer comme vous le proposez un dispositif différencié au sein d’une même branche d’activité accentuerait la concurrence entre les entreprises en mesure d’y recourir et celles qui ne le sont pas. En conséquence, le groupe Horizons et apparentés votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem.) La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin. Nous examinons ici la toute première proposition de loi du Rassemblement national. Sur le papier, elle semble alléchante. Au programme : « Augmenter les salaires nets de 10 % » – qui pourrait s’y opposer ? Mais le diable, comme souvent, se cache dans les détails.
Concrètement, que nous proposez-vous ? De permettre aux entreprises d’augmenter de 10 % les salaires en les exemptant de cotisations. Autrement dit, vous nous proposez de faire porter une partie du poids financier des hausses de salaires non sur les entreprises, mais sur l’État. Votre logique est exactement la même que celle du Président de la République lorsqu’il a créé par exemple la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, dite prime Macron. Mais oui, c’est cela… Ainsi, dans une allocution télévisée du 10 décembre 2018, le Président a déclaré : « Le salaire d’un travailleur au Smic augmentera de 100 euros par mois dès 2019 sans qu’il en coûte 1 euro de plus [à] l’employeur ». Dans cette logique, l’État finance à la place de l’employeur la hausse du revenu du salarié, qui ne lui permet pourtant pas de bénéficier des avantages associés à une hausse de salaire, comme les revenus de substitution ou les revenus différés – la retraite, par exemple. Au fond, votre ambition n’est autre que la généralisation d’un système dans lequel l’État se substitue aux entreprises pour effectuer les dépenses qui leur appartiennent normalement, dans lequel les entreprises ne remplissent plus leur part.
Contrairement à ce que vous essayez de faire croire, ces mesures n’ont rien de logique. Pire, elles nous coûteraient très cher collectivement, sans pour autant être efficaces. Pourquoi ? D’abord parce qu’elles ne sont pas ciblées. C’est le but ! On pourrait éventuellement envisager de tels dispositifs à destination des plus petites entreprises, susceptibles d’avoir besoin d’un coup de pouce de l’État. Mais la subvention que vous proposez serait quasiment identique, qu’elle soit perçue par une multinationale ou par l’artisan du coin. Visiblement, cela ne vous choque pas. Mais non, il n’y a pas de subvention ! Les entreprises du CAC40 ont versé l’an dernier 80 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires : c’est un nouveau record. Si elles peuvent se permettre de telles sommes, ne pensez-vous pas qu’elles peuvent aussi se permettre d’augmenter leurs salariés et de payer les cotisations patronales correspondantes ?
Il y a également lieu de craindre que les entreprises qui bénéficieraient de ces dispositifs d’exonération ne concurrencent celles qui versent volontairement des salaires plus élevés et font déjà des efforts pour former leurs travailleurs.
Enfin, il convient de rappeler que ces cotisations manquantes seront payées quoi qu’il arrive : si elles ne le sont pas par les employeurs, elles le seront par les contribuables. Le système de sécurité sociale est en déficit de cotisations : nous en avons longuement parlé lors de l’étude de son budget en fin d’année dernière. Pour financer ce déficit, l’État a recours à l’emprunt, ce qui creuse l’endettement du pays. Or le remboursement de la dette est financé par les impôts et les taxes. Ainsi, chaque contribuable français contribuera par ses propres deniers à rembourser ces nouveaux cadeaux que vous proposez de faire aux entreprises.
Pourtant, ce n’est pas comme si de tels cadeaux n’existaient pas déjà ! Les chiffres sont tout bonnement hallucinants : les régimes obligatoires de sécurité sociale perdent déjà près de 62 milliards d’euros de recettes. Cette politique d’allégements, débutée dans les années quatre-vingt-dix et unifiée sous le régime du dispositif « Fillon » en 2005, a été considérablement renforcée ces dernières années : citons par exemple l’intégration aux allégements généraux des baisses de cotisation héritières du CICE ou encore les mesures du pacte de responsabilité, qui représentent un montant de plus de 30 milliards d’euros.
La position des écologistes et de la gauche est claire : nous sommes pour l’augmentation des salaires, en particulier du Smic. Mais cela, le Rassemblement national a refusé de le voter, comme le rétablissement de l’ISF. Ce n’est pas vrai ! Dans un contexte non seulement de spirale inflationniste, mais aussi d’accroissement des inégalités, en particulier en matière de partage de la valeur ajoutée des entreprises, la stagnation du Smic nous semble intenable.
J’ajoute enfin, car ce sujet me tient à cœur, que la hausse des salaires, notamment celle du Smic, est une mesure féministe. Les femmes représentent 45 % de l’emploi salarié et 60 % d’entre elles sont bénéficiaires du Smic. Elles sont les salariées les moins bien payées, car elles représentent la majorité des salariés soumis à la précarité de l’emploi et liés par des contrats courts ou à temps partiel subi. Une hausse du Smic permettrait non seulement de réduire les inégalités salariales entre les femmes et les hommes, mais autoriserait également une meilleure reconnaissance des compétences mobilisées dans les métiers qu’elles occupent et qui représentent l’essentiel des secteurs d’activité où prédomine la rémunération au Smic, particulièrement les métiers du soin, de l’aide à la personne et du commerce de détail.
Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste-NUPES votera contre la proposition du Rassemblement national, qui préfère le rafistolage à l’augmentation du Smic. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.) C’est honteux ! Vous avez voté contre l’augmentation du Smic ! La parole est à M. Pierre Dharréville. Il est nécessaire, urgent, impérieux que les salaires augmentent, que le travail soit reconnu et rémunéré. Hélas, c’est un tabou pour la majorité. Mais personne ne nous fera croire que c’est une priorité pour le Rassemblement national (« Oh ! » sur les bancs du groupe RN) : cela ne l’a jamais été. En juillet 2022 encore, les députés du Rassemblement national ont encouragé le contournement du salaire et refusé l’augmentation du Smic que nous proposions. Eh oui ! Le rétablissement de l’ISF, aussi ! En septembre 2021, ils s’opposaient à l’augmentation des salaires : Marine Le Pen expliquait qu’« augmenter les salaires, c’est faire peser une charge sur des entreprises qui sont dans de grandes difficultés économiques » ou encore que la hausse des salaires avait été « trop longtemps empêchée par une immigration qui les a sans cesse tirés vers le bas ». C’est vrai ! Tout ramène le Rassemblement national à ses obsessions sinistres et à ses tragiques lubies. Il n’est particulièrement pas qualifié en matière sociale et il voudrait le faire oublier par cette proposition de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) L’émancipation sociale est en dehors des schémas de pensée de sa famille politique, enfermée dans son projet nationaliste et inégalitaire, marquée par une culture paternaliste de l’entreprise… Paternaliste ? …et corporatiste du travail. C’est une collection de poncifs ! Étant du côté des puissants, l’extrême droite n’a jamais su, dans notre histoire, qu’instrumentaliser la question sociale par opportunisme pour tromper les salariés, les ouvriers, les employés, le monde du travail. Staline, sors de ce corps ! Comme elle est obnubilée par ses logiques de stigmatisation et de division, qu’elle désigne des boucs émissaires au lieu de s’attaquer aux vrais responsables, la proposition que voici a tout d’une tentative d’imposture, d’une entreprise de mystification, d’un numéro d’illusionnisme, en somme d’une arnaque. Au mieux, cette proposition est inopérante. En effet, comme il n’identifie pas les causes de la situation, le Rassemblement national choisit de ne pas s’attaquer au capital, au système capitaliste. Oh là là… C’est au système social que vous vous attaquez, à celui qui est issu du Conseil national de la Résistance – système auquel il est porté un coup chaque fois que le Rassemblement national le cite. Or, précisément, il faut s’attaquer au capital pour faire gagner celles et ceux qui travaillent. La prétendue augmentation promise pour faire bonne mesure est fondée sur l’exonération de cotisations sociales, sur de nouveaux cadeaux au grand patronat. Oh ! Cette proposition participe ainsi à la foire aux exonérations sociales qui, depuis tant d’années, abîme notre protection sociale et notre pacte social. Ce qui serait donné d’une main serait repris de l’autre,… Ça, c’est Macron ! …en amputant la sécurité sociale de ressources qui nous permettent de nous assurer mutuellement face aux risques et de financer, par exemple, les retraites. C’est justement en considérant que les cotisations sociales sont par nature abusives, indues, qu’on en vient à nous expliquer qu’il y a un déséquilibre financier et qu’il faudrait travailler plus longtemps. La prétendue augmentation serait prise sur la solidarité et, potentiellement, sur les pensions de retraite.
Cette proposition dédouane l’employeur de sa responsabilité économique et sociale ; le numéro d’illusion va jusqu’à exonérer les entreprises sans prendre en considération le chiffre d’affaires réalisé, sans distinction. Ça n’a aucun sens ! Bien entendu, un tel mécanisme par lequel l’État se substitue à l’employeur biaise le rapport de forces dans l’entreprise au détriment des salariés qui voudraient faire valoir de légitimes revendications. À ce titre, il est intéressant de noter que l’exposé des motifs considère que les dernières augmentations de salaires conquises par la négociation sont des « hausses de salaires arbitraires et unilatérales ».
Cette proposition d’augmentation imaginaire ne correspond pas aux revendications des organisations syndicales de salariés. Non seulement elle ne permettra pas une revalorisation significative des salaires mais, en plus, elle risque d’entraver les batailles pour les salaires et d’affaiblir les augmentations âprement négociées dans les entreprises. Elle ne résoudra pas les inégalités entre les femmes et les hommes. Je ne sais pas quelle démonstration on espère, mais cette proposition de loi d’inspiration libérale appuyée sur de vieilles recettes ferait « plouf ! »
Pour sa part, le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES continuera donc de faire avancer ses propositions : augmentation du Smic avec un mécanisme de soutien aux petites entreprises,… Et les autres ? …organisation d’une grande conférence sur les salaires, échelle mobile des salaires, révision des grilles de qualification et de rémunération, limitation des écarts de salaire dans l’entreprise.
Nous ne soutiendrons pas une proposition de loi d’affichage trompeuse, mal ficelée, à côté de la plaque. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) La parole est à M. Benjamin Saint-Huile. Bon, ce matin il paraît qu’il faut parler des salaires et de la proposition de loi défendue par le RN. En fait, ce n’est pas vraiment le sujet : personne n’est dupe. (Murmures sur les bancs du groupe RN.)
Il s’agit d’une opération de communication politique,… L’augmentation des salaires, pour vous, c’est de la communication politique ? …de rattrapage et d’enfumage. Vous la menez parce que vous vous êtes rendu compte, quand vous êtes rentrés dans vos circonscriptions, que vous aviez un mal de chien à expliquer pourquoi vous aviez refusé l’augmentation du Smic. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Protestations sur les bancs du groupe RN.) C’était dans notre programme à l’élection présidentielle ! Pétrifiés par cette situation, vous avez choisi de recycler le programme de Mme Le Pen. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
J’imaginais, puisqu’elle était déjà inscrite dans votre programme à l’élection présidentielle, que cette proposition était ficelée et qu’elle avait du sens, mais il faut reconnaître combien elle est fragile – j’y reviendrai.
Si la question est de savoir si nous sommes d’accord sur la valeur travail, sur la nécessité de faire en sorte que les travailleurs soient mieux rémunérés de leurs efforts quotidiens, la réponse est oui, mais je crois qu’il en va de même sur tous les bancs de cette assemblée. Vous allez donc voter la proposition de loi ? Nous pouvons nous accorder sur le fait que les mesures défendues par le Gouvernement, qui reposent généralement sur des primes, comme la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat devenue prime de partage de la valeur, ne sont pas créatrices de droits. Les réponses apportées par de telles mesures étant tout à fait parcellaires, il nous faut donc, en effet, revenir sur la question des salaires.
Comme on va nous demander quelles sont les propositions en la matière du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires en la matière, je veux prendre un instant et vous dire que, pour celui-ci, il faut instaurer une grande conférence sociale sur les salaires. En effet, la proposition que vous faites, et qui est fragile, nie tout à fait le dialogue social. Vous comptez sur le ruissellement – je trouve assez savoureux d’entendre une telle proposition sur vos bancs. Mais qu’est-ce qu’il raconte ? Nous souhaitons des discussions de branche, quitte à les contraindre davantage quand elles n’aboutissent pas à des solutions effectives. Nous voulons travailler particulièrement sur la question des bas salaires, en débattant de ce qu’il convient d’entendre par « bas salaires ». Voilà ce que nous proposons.
Je reviens sur la proposition du Rassemblement national. Sur la forme, il est assez surprenant de constater qu’une proposition, qui était censée être prête depuis quelques mois, est en fait complètement bâclée. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) On dirait qu’elle a été écrite sur un coin de table en fin de soirée. Un peu de respect ! Votre proposition est objectivement très fragile. En outre, vous nous avez parlé ce matin du général de Gaulle, de Pompidou, du CNR : votre capacité à réécrire l’histoire est absolument insupportable ! Eh oui ! C’est catastrophique ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Écologiste-NUPES.) Ceux qui nous écoutent doivent savoir que vous réécrivez l’histoire systématiquement pour faire croire que c’est vous qui êtes les sauveurs. Ceux qui ont participé au CNR doivent se retourner dans leur tombe. En vous entendant, oui ! Et vous entendre dénoncer l’« oligarchie » prête également à sourire.
Sur le fond, vous choisissez de combiner le ruissellement avec le pouvoir de la main invisible du marché. Mais qu’est-ce qu’il raconte ? Vous laisserez aux entreprises la possibilité de choisir, puisque vous hurlez sur vos bancs que ces mesures seront mises en œuvre sur la base du volontariat. Que proposez-vous donc ? Les entreprises qui ont la capacité financière de procéder à des augmentations de salaire et qui étaient prêtes à le faire se réjouiront des exonérations que vous proposez. Vous ne ferez donc rien de plus que leur offrir quelques cadeaux supplémentaires.
Que produira la main invisible du marché ? Mais qu’est-ce qu’il raconte ? Elle créera une concurrence entre les entreprises qui peuvent procéder à ces augmentations et qui seront sans doute attractives et toutes celles qui ne peuvent pas le faire, notamment les TPE et les PME, qui rencontreront de grandes difficultés pour recruter. Ça ne tient pas la route ! Objectivement, vous créez des conditions très difficiles. Je ne reviens pas sur la fragilisation de la sécu, car je crois que cela ne vous intéresse pas. Vous commettez l’imposture de nous dire que vous êtes contre la réforme des retraites proposée par le Gouvernement, alors que la proposition de loi que vous présentez creuserait encore davantage le déficit et donnerait un argument redoutable à ceux qui dirigent notre pays. (M. Gérard Leseul applaudit.) Faites preuve de cohérence ! Nous voterons contre cette mesure inefficace. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.) La parole est à M. Marc Ferracci. Cette proposition de loi est bienvenue (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe RN) , car elle nous permet de débattre de la principale proposition de la candidate Marine Le Pen à l’élection présidentielle en matière de pouvoir d’achat et, ce faisant, elle nous permet d’exposer les nombreuses faiblesses de cette proposition.
Premièrement, comme cela a déjà été dit, cette proposition engendrerait un coût considérable pour les finances publiques (« Oh ! » sur les bancs du groupe RN) , alors que la majorité présidentielle est pleinement mobilisée pour faire en sorte que le travail paie mieux et pour préserver le pouvoir d’achat des salariés. Il serait bon d’appliquer un principe de responsabilité budgétaire. Avec 3 000 milliards de dette ! Deuxièmement, cette exemption serait d’un effet très modeste pour les salariés car, comme cela a été dit, elle engendrerait des effets d’aubaine dans les entreprises ayant déjà prévu d’augmenter les salaires. Eh oui ! Ces effets d’aubaine seront d’autant plus importants que les augmentations ultérieures viendront diluer progressivement cette hausse de 10 % à laquelle vous attachez les exonérations.
Troisièmement, cette proposition serait parfaitement antiredistributive car elle bénéficierait surtout aux salariés les plus qualifiés et à ceux qui sont employés dans les grandes entreprises, car il faut savoir que les salaires sont plus élevés dans les grandes entreprises. Eh oui ! Rappelons qu’au niveau du salaire minimum et à proximité, les employeurs ne paient déjà plus de cotisations patronales, du fait des mesures décidées par la majorité présidentielle. En pratique, les exonérations décidées bénéficieraient donc essentiellement aux salaires supérieurs à 1,6, voire à 2,5 Smic. À cet égard, je veux souligner que l’exposé des motifs de la proposition de loi témoigne d’une certaine déconnexion par rapport à la réalité, puisqu’il inclut dans les classes moyennes les salariés gagnant jusqu’à trois fois le Smic, soit plus de 5 000 euros bruts par mois. Voilà quelle est votre conception des classes moyennes…
La majorité est pleinement convaincue qu’il est nécessaire d’accroître le pouvoir d’achat de tous les salariés. C’est le sens des mesures qui ont été prises à l’été, comme la possibilité de monétiser les RTT. En revanche, privilégier de fait les exonérations sur les salaires les plus élevés est contraire à l’esprit de justice sociale : c’est pourquoi nous y sommes opposés.
J’ajoute que, comme l’a dit M. le ministre, fidèle à la confiance qu’elle accorde au dialogue social dans les branches et dans les entreprises, la majorité a fait le choix d’encourager l’augmentation des salaires à travers la négociation collective.
Plusieurs mesures ont été prises en ce sens cet été. Nous avons facilité la fusion des branches dont les minima conventionnels sont durablement inférieurs au Smic. Nous avons aussi raccourci le délai dans lequel une branche dont un minimum conventionnel est rattrapé par le Smic doit rouvrir une négociation. Quel succès ! Cette attention à la négociation collective porte ses fruits puisqu’actuellement un nombre très limité de branches a encore des minima conventionnels inférieurs au Smic depuis au moins un an. Quels arguments ! J’insiste enfin sur le fait que cette proposition induirait une très forte complexité dans notre système de prélèvements et, surtout, compliquerait de manière insupportable la vie de nos entreprises, en particulier des plus petites d’entre elles.
En pratique, il s’agirait d’appliquer, de manière parfaitement inédite, des exonérations à une augmentation salariale ponctuelle, alors que le système d’exonérations de charges repose sur une assiette constituée de la masse salariale globale. La mise en œuvre de cette disposition impliquerait une refonte profonde de notre système d’exonérations, ce qui la rend largement inapplicable, alors même que votre proposition est prévue pour être provisoire.
Elle supposerait en outre un accroissement considérable des données demandées aux entreprises et leur imposerait une refonte de leur logiciel de paie. Elle aurait pour conséquence de complexifier fortement l’activité déclarative des entreprises, notamment les plus petites d’entre elles, à un moment où vous conviendrez, chers collègues, que nos entreprises ont d’autres soucis à gérer.
En résumé, la mesure proposée serait à la fois budgétairement coûteuse, économiquement inefficace, moralement inéquitable et, en pratique, inapplicable.
Le groupe Front national est visiblement conscient de ces problèmes, puisqu’il a déposé un amendement demandant un rapport sur les limites potentielles de cette loi. On ne saurait mieux exprimer le niveau d’impréparation et d’amateurisme qui entoure cette proposition. (Protestations sur les bancs du groupe RN. – Mme Stella Dupont applaudit.) Il y en a marre ! Je rappelle que cette proposition constituait un élément central du programme de Marine Le Pen durant la campagne présidentielle. Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance votera contre cette proposition et a déposé un amendement de suppression de l’article 1er. Cent cinquante milliards de déficit ! La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan. Les Français qui nous regardent ce matin doivent être vraiment stupéfaits : quel débat surréaliste ! Quel concours de mauvaise foi ! Tous les responsables politiques, dans tous leurs discours, demandent que le travail soit mieux rémunéré et constatent que tout marche à l’envers dans notre pays. L’inflation réelle n’est pas de 6 % car, comme vous le savez, l’inflation du panier alimentaire et de 14 %. Pour la première fois depuis bien longtemps, le pouvoir d’achat de nos concitoyens diminue. Ce n’est pas vrai ! (Protestations sur les bancs du groupe RN.) Ce n’est pas vrai ? Alors que les Français n’arrivent plus à faire leurs courses, qu’ils se privent de tout, que les Restos du cœur sont pleins à craquer et que les inégalités explosent ; alors que les patrons du CAC40 ont augmenté leur rémunération de 52 % et que celui de Stellantis donne des millions d’euros mais refuse la moindre indexation à ses salariés ; alors que la prime Macron ne marche pas – 730 000 salariés du privé sur plus de 20 millions en ont bénéficié en 2022 – et que les fameuses négociations collectives ne marchent pas non plus ; alors que le climat social se tend et que les salariés sont démotivés – telle est la réalité de notre pays –, vous trouvez tous, sur chacun des bancs de cette assemblée, des prétextes fallacieux, démagogiques, politiciens pour refuser une proposition concrète, immédiate, incitative, permettant aux chefs d’entreprise qui le peuvent, sur le principe du volontariat, d’augmenter les salaires des Français. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.) Honte à vous ! Franchement ! Ce n’est pas correct pour les Français qui souffrent. C’est ignoble et cela déconsidère notre assemblée. Certes, la proposition de loi n’est pas parfaite – on peut toujours trouver des défauts aux textes –, mais pourquoi ne pas essayer d’alléger la souffrance de nos concitoyens ? Apparemment, c’est trop compliqué pour vous ! En réalité, vous n’avez pour seul objectif que de nourrir l’oligarchie. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Mme Prisca Thevenot proteste.)
La proposition de loi n’est pas suffisante, mais il faut quand même l’adopter – d’ailleurs, en le faisant, vous surprendriez les Français. Si une telle proposition avait été défendue par La France insoumise ou Renaissance, par les centristes ou par Les Républicains, je l’aurais moi-même votée de bonne foi. C’est cela… Si les Français ne supportent plus l’hémicycle, c’est précisément parce que les positions des groupes sont arrêtées en fonction non pas de l’intérêt général et d’une conviction profonde, mais uniquement de l’appartenance politique de l’auteur du texte. Il a raison ! Combien de temps cela va-t-il durer ? Cinq ans ? Cinq ans à laisser les Français subir et souffrir ! Fondamentalement, c’est le discrédit du Parlement qui s’affiche au grand jour ce matin. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Excellent ! Certes, nous pourrions faire mieux que la proposition de loi : durant la campagne présidentielle, j’ai proposé d’augmenter les salaires nets de 10 % en réduisant les charges salariales d’un tiers, ce qui permettait d’éviter le filtre des dirigeants d’entreprises. Cette mesure représenterait 40 milliards d’euros, et devrait donc être appliquée progressivement, mais elle aurait l’avantage de ne pas peser sur les comptes des entreprises.
Souvenez-vous : en 1967, les charges salariales… Les cotisations salariales. …les cotisations salariales, vous avez raison, représentaient 8 % du salaire brut ; aujourd’hui, c’est plus de 23 % ! Cela signifie que, dès le départ, le salaire net est inférieur d’un quart à celui versé par le chef d’entreprise : c’est donc bien sur ce levier qu’il faut agir en complément des mesures présentées dans la proposition de loi. Pourquoi ne pas faire de vraies économies sur les gaspillages : 20 milliards d’euros pour les millions de fausses cartes vitales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.– Exclamations sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et SOC.) Et les paradis fiscaux ? Et les 10 milliards que les Français versent en pure perte à l’Union européenne – du temps de Jacques Chirac, c’était 1 milliard, avec Emmanuel Macron, ce ne sera pas moins de 15 milliards ? Mais bien sûr… Et les 5 milliards que coûte l’immigration clandestine ! Nous pourrions aussi proposer de renforcer la participation dans l’entreprise, comme le Général de Gaulle en rêvait,… Le temps ! …en baissant l’impôt sur les sociétés de 1 % pour chaque tranche de participation supplémentaire. Monsieur le président, le temps de parole est écoulé ! Enfin, il faudrait, bien sûr, une réforme des retraites qui récompense le travail – l’inverse, donc, de ce que vous allez faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La discussion générale est close.
J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l’Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n’a pas adopté de texte.
La parole est à Mme Marine Le Pen.
Bravo ! C’est comme à « L’école des fans » : ce matin, au concours de mauvaise foi, tout le monde a gagné !
(Protestations sur les bancs des groupes RE, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
La vérité, c’est que cette proposition de loi vous dérange. Si vous étiez de bonne foi et fidèles à tous les discours que vous ne cessez de clamer sur les plateaux et lors des campagnes électorales, vous devriez voter en faveur de son adoption.
La droite devrait le faire… Elle n’est pas là ! …car, à la différence de l’augmentation du Smic, qui pourrait effectivement mettre en difficulté les entreprises qui n’ont pas les moyens d’assumer à la fois l’augmentation des salaires et celle des cotisations afférentes, nous proposons une mesure fondée sur le volontariat.
La gauche, elle, devrait le faire,… Certainement pas ! …car il s’agit bien d’augmenter les salaires de 90 % des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Mme Sophie Taillé-Polian s’exclame) , et non pas uniquement ceux des 12 % des Français qui gagnent le Smic : je suis navrée de devoir vous rappeler qu’aujourd’hui, beaucoup de Français ne s’en sortent plus.
La proposition de loi est fondée sur le volontariat, car nous faisons confiance aux entreprises. Contrairement à ce que vous affirmez, et à la différence de mesures comme le CICE, instauré par les socialistes et soutenu par la gauche, qui siège avec eux (Applaudissements sur les bancs du groupe RN) ,… La honte ! …les mesures que nous proposons ne vont pas bénéficier uniquement aux entreprises, car elles sont subordonnées à une augmentation des salaires – une augmentation attendue. J’ai rencontré des patrons de TPE… Ah ! …qui estimaient que c’était une bonne mesure,… Mais ils ne vous ont pas attendue pour le faire ! …car ils ne parviennent pas à recruter en raison de salaires trop bas, mais n’ont pas les moyens de les augmenter de 10 %, en sachant que leurs charges vont bondir d’autant.
Nous proposons un dispositif limité à trois ans, qui ne coûtera rien. Pourquoi voter contre ? Au pire, c’est un manque à gagner, mais en aucun cas une nouvelle dépense. Rien à voir avec les 150 milliards de déficit de votre budget cette année, mesdames et messieurs les députés du groupe Renaissance ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Alors oubliez vos petites postures politiciennes et pensez aux Français et aux entreprises, qui ont besoin de cette mesure ! (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. Fabrice Le Vigoureux. En prenant connaissance de la proposition de loi du groupe RN, j’ai constaté, comme beaucoup, qu’elle reprenait l’une des principales propositions de la candidate Marine Le Pen à l’élection présidentielle. Déjà dit ! Partant, je me suis dit, comme beaucoup, que depuis le temps, elle avait donc dû faire l’objet d’une étude d’impact très documentée, structurée, chiffrée, sérieuse. « Que nenni ! », comme dirait notre collègue Roger Chudeau : un gage de quelques millions, quelques centaines de millions, quelques milliards ? On ne sait pas : la mesure est simplement gagée sur les prix du tabac. Très brouillonne,… Oh !
La vérité, c’est que cette proposition de loi vous dérange. Si vous étiez de bonne foi et fidèles à tous les discours que vous ne cessez de clamer sur les plateaux et lors des campagnes électorales, vous devriez voter en faveur de son adoption.
La droite devrait le faire… Elle n’est pas là ! …car, à la différence de l’augmentation du Smic, qui pourrait effectivement mettre en difficulté les entreprises qui n’ont pas les moyens d’assumer à la fois l’augmentation des salaires et celle des cotisations afférentes, nous proposons une mesure fondée sur le volontariat.
La gauche, elle, devrait le faire,… Certainement pas ! …car il s’agit bien d’augmenter les salaires de 90 % des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Mme Sophie Taillé-Polian s’exclame) , et non pas uniquement ceux des 12 % des Français qui gagnent le Smic : je suis navrée de devoir vous rappeler qu’aujourd’hui, beaucoup de Français ne s’en sortent plus.
La proposition de loi est fondée sur le volontariat, car nous faisons confiance aux entreprises. Contrairement à ce que vous affirmez, et à la différence de mesures comme le CICE, instauré par les socialistes et soutenu par la gauche, qui siège avec eux (Applaudissements sur les bancs du groupe RN) ,… La honte ! …les mesures que nous proposons ne vont pas bénéficier uniquement aux entreprises, car elles sont subordonnées à une augmentation des salaires – une augmentation attendue. J’ai rencontré des patrons de TPE… Ah ! …qui estimaient que c’était une bonne mesure,… Mais ils ne vous ont pas attendue pour le faire ! …car ils ne parviennent pas à recruter en raison de salaires trop bas, mais n’ont pas les moyens de les augmenter de 10 %, en sachant que leurs charges vont bondir d’autant.
Nous proposons un dispositif limité à trois ans, qui ne coûtera rien. Pourquoi voter contre ? Au pire, c’est un manque à gagner, mais en aucun cas une nouvelle dépense. Rien à voir avec les 150 milliards de déficit de votre budget cette année, mesdames et messieurs les députés du groupe Renaissance ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Alors oubliez vos petites postures politiciennes et pensez aux Français et aux entreprises, qui ont besoin de cette mesure ! (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. Fabrice Le Vigoureux. En prenant connaissance de la proposition de loi du groupe RN, j’ai constaté, comme beaucoup, qu’elle reprenait l’une des principales propositions de la candidate Marine Le Pen à l’élection présidentielle. Déjà dit ! Partant, je me suis dit, comme beaucoup, que depuis le temps, elle avait donc dû faire l’objet d’une étude d’impact très documentée, structurée, chiffrée, sérieuse. « Que nenni ! », comme dirait notre collègue Roger Chudeau : un gage de quelques millions, quelques centaines de millions, quelques milliards ? On ne sait pas : la mesure est simplement gagée sur les prix du tabac. Très brouillonne,… Oh !