Troisième séance du jeudi 30 mai 2024
- Présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge
- 1. Prise en charge intégrale des soins liés au traitement du cancer du sein
- Présentation (suite)
- Discussion générale
- M. Yannick Monnet
- Mme Estelle Youssouffa
- Mme Sandrine Rousseau
- M. Jean-François Rousset
- Mme Angélique Ranc
- Mme Rachel Keke
- Mme Nathalie Serre
- M. Nicolas Turquois
- M. François Gernigon
- M. Joël Aviragnet
- Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, présidente de la commission des affaires sociales
- M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
- Discussion des articles
- Article 1er
- M. Damien Maudet
- M. Pierre Cazeneuve
- Amendements nos 9, 19 et 38
- M. Fabien Roussel, rapporteur de la commission des affaires sociales
- Amendements nos 39, 46, 41, 42 et 24, 25, 26, 27, 28, 29
- Après l’article 1er
- Amendement no 5
- Article 1er bis
- Après l’article 1er bis
- Article 2
- Article 1er
- Explication de vote
- Vote sur l’ensemble
- 2. Création d’une commission permanente aux collectivités territoriales et aux outre-mer
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Prise en charge intégrale des soins liés au traitement du cancer du sein
Suite de la discussion d’une proposition de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant la prise en charge intégrale des soins liés au traitement du cancer du sein par l’assurance maladie (nos 2519, 2643).
Présentation (suite)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention
Le cancer touche chaque jour près de 1 200 personnes : un Français sur vingt est concerné, soit deux fois plus qu’il y a trente ans. Le cancer du sein représente 33 % des diagnostics de cancer dans la population féminine. En 2023, près de 61 000 nouveaux cas ont été détectés et 12 000 personnes en sont malheureusement mortes, ce qui en fait, chez les femmes, à la fois le cancer le plus fréquent et celui qui entraîne le plus de décès.
Dans la majorité des cas, le développement d’un cancer du sein prend plusieurs mois, voire plusieurs années. Dépisté tôt, il peut être guéri dans neuf cas sur dix, et les séquelles limitées. Je saisis donc cette occasion pour rappeler à toutes les femmes qu’il est crucial de participer aux programmes de dépistage.
Depuis 2004 et le premier plan « cancer », l’État a consacré d’importants moyens à la lutte contre cette maladie. La stratégie décennale 2021-2030, présentée le 4 février 2021 par le Président de la République, constitue ma feuille de route pour les prochaines années. Elle fixe des objectifs inédits : passer en dix ans de 150 000 cancers évitables par an à moins de 100 000, faire reculer la mortalité liée aux sept cancers les plus meurtriers – parmi lesquels celui du sein –, atténuer les conséquences des cancers et des traitements sur la qualité de vie en minimisant les séquelles. Plus des trois quarts des actions issues de la première feuille de route, 2021-2025, financée à hauteur de 1,7 milliard d’euros, commencent déjà à porter leurs fruits.
Le cancer du sein est au cœur de cette stratégie décennale. Pour favoriser une détection précoce, plusieurs actions sont menées, à commencer par le dépistage organisé ; la mise à niveau du parc de mammographes confère à celui-ci un surcroît d’efficacité et de rapidité, tout en encourageant le développement d’outils innovants, comme l’intelligence artificielle. D’autres campagnes de prévention sont également organisées. C’est d’autant plus important que près de 20 000 cancers du sein pourraient être évités chaque année.
Le groupe GDR propose que l’assurance maladie prenne intégralement en charge les soins liés au traitement du cancer du sein. Le forfait journalier hospitalier, le ticket modérateur, la participation forfaitaire et les franchises cesseraient donc d’être appliqués ; le texte prévoit également la prise en charge intégrale de l’ensemble des soins et dispositifs prescrits aux patients, y compris de certains soins de support.
Bien que nous comprenions et partagions l’intention louable de cette proposition de loi, nous devons également considérer les conséquences de sa potentielle entrée en vigueur. Le principal problème de ce texte réside dans le régime différencié qu’il crée sans raison valable pour une pathologie spécifique, et qui contrevient à l’équité de notre système de santé. L’exonération totale des frais de santé pour les femmes atteintes d’un cancer du sein instaurerait une rupture d’égalité entre elles et les patients qui souffrent d’autres pathologies non moins graves. Pourquoi un cancer du sein donnerait-il droit à d’autres conditions de prise en charge qu’un cancer du poumon ou du côlon ? Notre système de santé se doit d’être équitable – comme ont permis de le rappeler les débats que nous venons d’avoir autour des valeurs de la sécurité sociale, lors de l’examen de la proposition de loi visant à inscrire celle-ci dans la Constitution.
Permettez-moi par ailleurs de rappeler que le système s’efforce d’ores et déjà de limiter le reste à charge pour les patientes, dont la seule préoccupation doit être la guérison. Le cancer du sein est reconnu comme une affection de longue durée (ALD), statut qui permet, pour tous les soins en lien avec cette pathologie, une prise en charge à 100 % du ticket modérateur par l’assurance maladie, selon le barème de remboursement fixé par la sécurité sociale. Les patients bénéficient d’une dispense d’avance de frais, sauf en cas de dépassement d’honoraires, lesquels peuvent cependant être pris en charge par les complémentaires santé. En outre, bien que les personnes touchées par une ALD doivent s’acquitter des participations forfaitaires et des franchises, deux mécanismes protecteurs limitent le reste à charge : l’exonération de ces frais pour les plus précaires, bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (C2S), et leur plafonnement annuel à 50 euros pour les autres.
Le forfait journalier hospitalier, qui s’élève à 20 euros par jour en hôpital ou en clinique, peut être pris en charge par les organismes complémentaires quand les assurés sont couverts par un contrat responsable, ce qui est le cas de 95 % de ces contrats. La prise en charge intégrale des prothèses capillaires pour un panier de soins défini est en cours de concrétisation – nous avions voté cette mesure alors que j’étais député. Enfin, dans le cadre du parcours de soins global des patients traités pour un cancer, un forfait de 180 euros permet de financer des bilans diététiques, fonctionnels, motivationnels, ou des consultations psychologiques.
Nous devons continuer à apporter à tous les patients atteints de maladies graves des solutions globales et équitables, sans privilégier une pathologie au détriment des autres – c’est ma conviction. Il nous faut aussi soutenir les innovations thérapeutiques ; en améliorant les pronostics ainsi que le bien-être des patients, elles nous permettent de regarder l’avenir avec espoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
Discussion générale
Mme la présidente
Dans la discussion générale, la parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Notre groupe, à l’initiative de ce texte fort, pose la question très précise, légitime et importante, de la prise en charge intégrale des soins liés au cancer du sein par l’assurance maladie. Nous sommes régulièrement interpellés, et sans doute l’êtes-vous aussi, par des patientes à qui le reste à charge crée des difficultés. Rappelons que l’on dépiste 60 000 cancers du sein par an et que l’assurance maladie recense 700 000 femmes vivant avec la maladie ou en surveillance post-traitement. Il s’agit du cancer le plus meurtrier chez les femmes, puisqu’il tue chaque année plus de 12 000 d’entre elles.
La prise en charge spécifique des ALD, parmi lesquelles figure le cancer, ne lève pas tous les obstacles financiers du parcours de soins. Plusieurs études ont identifié les principales dépenses à l’origine d’un reste à charge – médicaments peu ou pas remboursés, dépassements d’honoraires, forfaits et franchises, frais de transport, soins de support, cette dernière appellation englobant des produits tels que gels, crèmes ou vernis à ongles, des activités physiques adaptées (APA), des séances d’ostéopathie ou de suivi psychologique. L’Institut national du cancer (Inca) a défini ces soins indispensables et en a établi la liste.
C’est là un angle mort de notre système de protection sociale. Selon la Ligue nationale contre le cancer, plus de la moitié des femmes de moins de 40 ans atteintes d’un cancer du sein craignent pour leur budget et doivent faire des choix. Ainsi, 15 % des patientes qui renoncent à une reconstruction mammaire le font pour des raisons financières. La prise en charge des prothèses capillaires repose en partie sur les complémentaires, d’où un impact financier non négligeable. De telles situations sont d’autant moins acceptables qu’une ALD est souvent synonyme de baisse des revenus. Peu de personnes atteintes d’un cancer parviennent à maintenir leur niveau de vie ; la maladie peut même les faire basculer dans la pauvreté. Toujours selon la Ligue nationale contre le cancer, une personne sur trois perd son emploi dans les deux ans qui suivent le diagnostic. Il nous revient d’intervenir : la maladie est en elle-même suffisamment éprouvante.
Afin d’améliorer et accélérer la prise en charge par la sécurité sociale des soins prescrits en raison d’un cancer du sein, nous demandons que les personnes atteintes soient dispensées du forfait journalier, ainsi que des franchises et participations forfaitaires, et que les organismes d’assurance maladie prennent en charge l’intégralité des soins et dispositifs prescrits, y compris ceux qui relèvent du support. La commission des affaires sociales a en revanche supprimé du texte la prise en charge des dépassements d’honoraires, alors que ceux-ci contraignent considérablement l’accès à des soins adaptés : ils peuvent atteindre jusqu’à 10 000 euros pour une reconstruction symétrique des deux seins. Ce sujet dépasse cependant la question du cancer du sein ; il concerne l’ensemble de notre système de santé dans ce qu’il a parfois d’inaccessible. Nous n’avons pas souhaité le réintroduire dans le texte, car la présidente de la commission s’est engagée à y consacrer une mission d’information, engagement concrétisé hier par décision du bureau de la commission.
Monsieur le ministre, j’ai bien entendu ce que vous avez dit ; il reste beaucoup à faire. Avec cette proposition de loi, nous avons mis un pied dans la porte, qu’il faudra finir d’ouvrir lors du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Ce texte ne réglera pas tout, mais il faut bien commencer quelque part. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES. – Mme Michèle Peyron applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Estelle Youssouffa.
Mme Estelle Youssouffa
J’avais 32 ans lorsqu’on m’a diagnostiqué un cancer du sein. Opération, chimio, radiothérapie – un an de traitement et plusieurs années de convalescence plus tard, je peux dire que j’ai survécu à la maladie et au traitement. Ce fut un calvaire que je ne souhaite pas à mon pire ennemi. Je vous parle donc en tant que survivante, soignée par la formidable médecine de notre pays et l’amour de mes proches, prise en charge par la solidarité nationale dans le cadre de la sécurité sociale.
Je soutiens ce progrès essentiel en vue d’alléger le fardeau financier et psychologique de celles qui se battent contre ce cancer. Celui-ci étant classé comme ALD, les traitements coûteux et prolongés qu’il entraîne sont souvent couverts à 100 % par la sécurité sociale : c’est une chance précieuse. Nous devons néanmoins admettre que de nombreux frais demeurent à la charge des patientes, créant des ruptures d’égalité face à la maladie : les franchises médicales, les participations forfaitaires, les dépassements d’honoraires et certains frais de transport. Tout le monde ne peut les assumer ; des familles se cotisent, des patientes s’endettent.
Le groupe LIOT soutient donc cette proposition de loi. Il serait également crucial de réformer plus largement le dispositif des ALD et de renforcer le suivi post-traitement. Les soins de support – APA, soutien psychologique, diététique, esthétique –, essentiels pour aider les patientes, comme leur nom l’indique, à mieux supporter le traitement, demeurent trop peu reconnus et pris en charge. Le forfait global post-cancer, plafonné à 180 euros, reste largement insuffisant.
Les patientes les plus modestes subissent non seulement la maladie, mais aussi l’angoisse financière. Certaines en viennent à renoncer à des soins ; d’ailleurs, beaucoup imaginent à tort que la pose de prothèses mammaires est un luxe pour les survivantes du cancer. Cette reconstruction constitue une épreuve supplémentaire : elle exige d’une part le courage de subir, après des mois de traitement, une énième intervention chirurgicale, d’autre part un sacrifice financier important, les dépassements d’honoraires du spécialiste pouvant s’élever jusqu’à 10 000 euros. Pour certaines, ce choix n’est pas une coquetterie, mais répond à un besoin vital : c’est le moyen de ne plus porter dans leur chair les stigmates de la maladie, de restaurer l’image qu’elles ont d’elles-mêmes, de leur féminité, de leur corps, l’espoir de renouer avec la sensualité et la sexualité, essentielles à la vie.
Après des mois, voire des années, dans les couloirs des hôpitaux, des mois de douleur physique, de détresse, d’angoisse, de lutte contre la mort, la victoire vous laisse épuisée, différente, transformée ; vos proches sont marqués à jamais, eux aussi. Certains prétendent que le cancer vous apprend beaucoup sur vous-même et sur les autres, qu’il fait gagner en sagesse, reconsidérer la vie et ses priorités. C’est vrai, mais je m’en serais bien passée.
Il m’est impossible de ne pas évoquer la mauvaise santé de Mayotte. On y trouve trente-deux médecins de ville pour environ un demi-million d’habitants ; notre seul hôpital est une maternité géante, la plus grande d’Europe ; les urgences n’ont plus de chef de service et seuls quatre des quarante postes à temps plein sont occupés par des médecins titulaires ; l’épidémie de choléra progresse et tue, tandis que le ministère de la santé refuse la vaccination volontaire massive que nous appelons de nos vœux. Les querelles de chefferies au sein du centre hospitalier, les violences quotidiennes sur les routes, les agressions font fuir les médecins. Le manque de personnel soignant induit des maltraitances médicales, des décès. Les soignants sont désespérés, démoralisés, épuisés physiquement et psychologiquement – beaucoup, à bout, partent.
Notre maigre système de santé publique s’effondre sous nos yeux. La désertification médicale tue Mayotte : l’espérance de vie y est inférieure de huit ans à celle de l’Hexagone. S’il ne fait pas bon y être malade, avoir un cancer y est un parcours du combattant. Ni mammographie, ni radiothérapie, ni oncologue : les Mahorais prennent l’avion pour être soignés à La Réunion ou dans l’Hexagone. Au lieu de construire la santé localement, l’agence régionale de santé (ARS) a systématisé les évacuations sanitaires : les patients se retrouvent à 1 500 ou 10 000 kilomètres de leur foyer, subissant l’isolement et le choc culturel, alors qu’ils auraient plus que jamais besoin du soutien des leurs.
Monsieur le ministre, je dénonce votre inertie coupable face à la détresse, à la mauvaise santé, à la mort prématurée de certains Mahorais. Nous, vos compatriotes de Mayotte, méritons mieux. Nous avons droit à la santé et à la dignité. Nous attendons des mesures immédiates, radicales, à la hauteur de la crise sanitaire et de la crise de notre système de santé. Il y a urgence. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, GDR-NUPES et Écolo-NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe RE.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
Le cancer du sein est une ALD : la sécurité sociale prend en charge le protocole de traitement. Toutefois, cette mesure est loin de couvrir la totalité des coûts que la maladie engendre réellement. Les Écologistes défendent une meilleure prise en charge de toutes les ALD. Cette proposition de loi permettra d’avancer au sujet du cancer du sein : c’est un premier pas.
Le cancer du sein frappe largement : 60 000 nouveaux cas sont détectés chaque année, et ce nombre ne cesse d’augmenter. Au total, une femme sur huit développe un tel cancer au cours de sa vie. Or le reste à charge des dépenses liées à cette maladie est bien trop important – 1 300 à 2 500 euros en moyenne, d’après la Ligue nationale contre le cancer. Un cancer du sein, ce ne sont pas uniquement des séances de chimiothérapie, des traitements médicamenteux et une hospitalisation, mais parfois aussi l’ablation du sein, la perte des cheveux, des sourcils, l’impossibilité de s’occuper des enfants et des tâches ménagères encore accomplies très majoritairement, trop majoritairement, par les femmes. Les mamans seules doivent s’organiser, gérer la perte de revenus, alors que le salaire des femmes est déjà, en moyenne, inférieur de 20 % à celui des hommes.
Si l’on prend le cas de la mastectomie – l’ablation totale du sein –, le reste à charge moyen est de 1 391 euros. Les femmes doivent pouvoir choisir, sans injonction, si et quand elles souhaitent se reconstruire. Dès lors, il convient que la société finance ces soins, afin qu’elles n’aient rien à payer. De tels exemples sont nombreux : prothèses capillaires, soutiens-gorge postopératoires, suivi psychologique, APA. On dit aux patientes qu’elles n’ont qu’à disposer d’une bonne mutuelle : combien de contrats prennent en charge l’ensemble de ces frais ? Qu’en est-il des 3 millions de personnes qui n’ont pas d’assurance complémentaire ?
Aux 700 000 femmes atteintes d’un cancer du sein, je dis : ne lâchez pas, nous vous soutenons. Les Écologistes voteront pour ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-François Rousset.
M. Jean-François Rousset
Je remercie le rapporteur de soumettre à notre assemblée le sujet du cancer du sein, qui touche chaque année 60 000 femmes. Est-il bien soigné en France ? Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le taux de survie atteint 87 %. Nous sommes parmi les meilleurs dans ce domaine, et des progrès sont régulièrement constatés, grâce à l’association aux traitements classiques – radiothérapie, hormonothérapie, chirurgie mutilante – de nouveaux traitements comme l’immunothérapie, fruit d’un investissement important dans la recherche. Ces traitements, dont certains protocoles coûtent jusqu’à 10 000 euros, sont intégralement pris en charge par l’assurance maladie, car relevant d’une ALD. Par ailleurs, les patientes bénéficient d’un plafonnement des franchises à hauteur de 50 %.
Le cancer du sein est-il bien dépisté ? Dans le cadre du dépistage organisé, toute femme âgée de 50 à 74 ans peut bénéficier d’une mammographie ; cet examen de référence permet un diagnostic précoce. Est-il suffisamment pratiqué ? Non, car moins de 50 % des femmes éligibles y recourent, bien qu’il soit intégralement pris en charge.
La guérison du cancer laisse des séquelles : à cause de la radiothérapie, des séquelles cutanées, à cause de la chimiothérapie, des dégâts bucco-dentaires ou la chute des cheveux. La prise en charge est intégrale, puisque les prothèses capillaires sont remboursées en totalité depuis 2023. La chirurgie étant malheureusement mutilante et l’ablation bilatérale des seins souvent nécessaire, une chirurgie reconstructrice – pose de prothèses ou actes plus complexes – permet de restaurer une image corporelle qui convient mieux à certaines patientes. Ces interventions sont également prises en charge à 100 % si le chirurgien applique le tarif de la sécurité sociale, mais force est de constater que ce n’est pas souvent le cas ; les dépassements d’honoraires, pratiqués sans tact ni mesure, relèvent des assurances complémentaires, dont toutes les femmes opérées ne disposent pas. Cette situation pose un grave problème.
La version initiale du texte, examinée en commission, proposait que la sécurité sociale prenne en charge ces dépassements. Au sein du groupe Renaissance, nous pensons que la chirurgie reconstructrice, quelle que soit la technique utilisée, devrait être accessible à toutes les femmes. Elles n’ont pas choisi de subir ces mutilations, elles n’ont pas à payer de leur poche les actes chirurgicaux. Les pionniers de la chirurgie réparatrice qui opéraient les gueules cassées de la grande guerre faisaient-ils payer les soldats ? Cependant la prise en charge prévue aurait été inflationniste, suscitant des actes plus nombreux, plus chers. Grâce à un amendement que nous avons déposé en commission, cette disposition a été retirée : nous nous en félicitons. Cela étant, nous souhaitons réfléchir à une meilleure maîtrise des dépassements. Nous avons proposé et adopté en commission que cela se fasse dans le cadre conventionnel.
Enfin, grâce à un autre de nos amendements, nous avons permis de revoir la liste des soins de support. Aujourd’hui fixée par une circulaire datant de 2005, elle pourrait être réactualisée demain par voie réglementaire pour organiser une meilleure prise en charge.
Telle qu’elle a été réécrite par la commission, cette proposition de loi constituera une avancée importante pour les femmes atteintes d’un cancer du sein. Dans ce contexte, et sous réserve du maintien de la rédaction, le groupe Renaissance votera en sa faveur. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et GDR-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Angélique Ranc.
Mme Angélique Ranc
Nous examinons une proposition de loi importante, puisqu’elle traite du cancer du sein, le plus fréquent et le plus meurtrier chez la femme. J’apporte mon soutien à toutes les femmes, mais aussi aux hommes, qui se battent au quotidien contre cette maladie.
Chacun connaît ici mon engagement à défendre les droits des patients. Au-delà de la prise en charge, que je propose, par voie d’amendement, d’améliorer, le sujet de la prévention, écarté des débats, devrait retenir toute notre attention. Chaque année, près de 20 000 cancers du sein, soit le tiers des cas diagnostiqués, pourraient être évités ; 40 % des cancers du sein n’ont pas été détectés à un stade précoce. La mammographie de dépistage, réalisée tous les deux ans entre 50 et 74 ans, est une excellente mesure, mais ne suffit pas : une femme atteinte sur cinq a moins de 50 ans, une sur dix moins de 40 ans. C’est la raison pour laquelle je vous propose une nouvelle fois, chers collègues, que l’on étende le dépistage à toutes les femmes âgées de 40 à 49 ans. C’est un enjeu majeur de santé publique.
Je regrette que les autres groupes parlementaires, opposés par principe à toute suggestion émanant d’un député du Rassemblement national, n’aient pas souhaité améliorer ce texte par des éléments concrets et proches du terrain. J’espère qu’il pourra en être autrement et que nos propositions seront étudiées avec la sagesse qui doit animer nos débats. Parler d’un sujet, c’est bien, mais agir sans jeu politique pour améliorer le quotidien des Français, c’est mieux. La lutte contre le cancer du sein devrait être notre priorité à tous.
Nous avions ainsi proposé de spécifier les dispositifs de prise en charge intégrale, afin que soient notamment inclus les prothèses capillaires, les brassières et les soutiens-gorge spécifiques, les crèmes cicatrisantes, les soins de support indispensables tels que le suivi psychologique ou l’APA, ainsi que les soins dentaires : les fonctionnaires chargés d’étudier la recevabilité des amendements en vue de leur examen en séance publique en ont décidé autrement. Cependant, nous aurons l’occasion de revenir sur la prise en charge du tatouage médical, qui fait écho à la proposition de résolution de ma collègue Laure Lavalette. Ce texte invite le Gouvernement à négocier avec l’assurance maladie non seulement la reconnaissance du tatouage artistique et thérapeutique « 3D », mais sa prise en charge intégrale.
Le cancer affecte le corps, mais aussi l’esprit. Les souffrances psychiques qu’il inflige nuisent irrémédiablement à l’équilibre personnel du patient, ainsi qu’à sa santé si elles diminuent sa motivation à combattre la maladie. Par ailleurs, les traitements très lourds ou à long terme, comme la chimiothérapie, la radiothérapie, souvent indispensables, ont des répercussions physiques, psychiques et sociales variables, mais inévitables et très importantes. Pour atténuer ces dernières, les soins de support agissent comme de vrais médicaments. Selon l’Inca, leur bénéfice est indiscutable : ils contribuent à améliorer la qualité de vie du patient, à réduire les effets de la maladie, à favoriser l’adhésion aux traitements et en optimiser les résultats, à diminuer le risque de rechute, voire à accroître le taux de survie.
J’espère donc que nous adopterons le texte et que nous pourrons y inclure ces spécificités. J’espère également que le Gouvernement fera en sorte d’étendre cette prise en charge aux autres cancers, afin d’éviter toute inégalité de traitement. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Rachel Keke.
M. Antoine Léaument et M. Damien Maudet
Joyeux anniversaire, madame Keke !
Mme Rachel Keke
Merci ! Il faut dire que c’est en effet mon anniversaire, monsieur le ministre. (Sourires.)
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Joyeux anniversaire !
Mme Rachel Keke
Merci ! Qu’elle soit jeune ou moins jeune, qu’elle ait ou non des enfants, qu’elle vive en ville ou à la campagne, une femme sur huit est touchée par le cancer du sein. C’est la maladie la plus meurtrière pour les femmes. « C’était un véritable tsunami dans ma vie », « la vie ne sera plus jamais comme avant » : voilà en quels termes ont témoigné Amélie, Valérie, Sandrine et beaucoup d’autres. Le parcours de soins des ALD est un parcours du combattant : à la fatigue, à l’inquiétude, à la douleur permanentes s’ajoute le stress lié aux dépenses. La maladie rend financièrement plus vulnérable. Chirurgie réparatrice, perruques, soins psychologiques sont mal remboursés ; vernis, crèmes, turbans ne le sont pas du tout. Au total, le reste à charge s’établit en moyenne entre 1 300 et 2 500 euros, ce qui est énorme pour les femmes précarisées par des CDD ou des temps partiels imposés.
On ne peut accepter que des femmes malades se privent de soins nécessaires pour des motifs financiers – cela représente par exemple 15 % des renoncements à la reconstruction mammaire. À La France insoumise, nous pensons qu’il est urgent d’adopter cette proposition de loi et d’aller plus loin pour prendre sérieusement en considération l’ensemble des ALD. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, GDR-NUPES et Écolo-NUPES.)
M. Pierre Dharréville
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à Mme Nathalie Serre.
Mme Nathalie Serre
Le cancer du sein est le plus fréquent chez la femme : 33 % des diagnostics, près de 60 000 nouveaux cas et 12 000 décès chaque année. C’est aussi la première cause de décès féminin par cancer. Dans 1 % des cas, la maladie frappe des hommes – ne les oublions pas ; le reste du temps, c’est une vie de mère, de sœur, de fille, d’amie que cette annonce bouleverse. Il est vital que l’État soutienne et accompagne ces femmes, qui affrontent non seulement des défis médicaux, mais aussi de lourdes pressions financières, sociales et émotionnelles. Une société juste et solidaire ne doit pas fermer les yeux sur la souffrance de ses membres les plus vulnérables.
Cette initiative du groupe GDR-NUPES a le mérite de soulever le problème du reste à charge pour les patientes atteintes d’un cancer du sein. Cependant, nous avions souligné en commission nos réserves quant au dispositif proposé. Avec l’annulation en février dernier de 10 milliards de crédits et la perspective d’une baisse de 20 milliards supplémentaires, le Gouvernement a décidé de mener une politique de rabot qui s’attaque principalement aux dépenses sociales et risque de toucher les plus fragiles : je pense notamment au doublement de la franchise médicale, au déremboursement des médicaments en fonction des revenus, aux coupes pratiquées dans la prise en charge des ALD, à la sous-indexation des retraites. Si ces décisions portent un grave coup à la solidarité nationale, elles traduisent aussi les contraintes budgétaires qui découlent de la dette de la sécurité sociale et dont il n’est tenu aucun compte dans cette proposition de loi, alors même que la majorité – je l’apprends à l’occasion de cette discussion générale –, par démagogie, la soutient.
De surcroît, le texte contrevient au principe même – la prise en charge de tous les soins médicaux à visée curative – qui a présidé, en 1945, à la création de l’assurance maladie. Rappelons que celle-ci couvre en moyenne 76,8 % des dépenses de santé ; s’y ajoutent les organismes complémentaires. La France est le pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) où le reste à charge des ménages est le plus faible : 8,9 %, contre 14 % en moyenne dans l’Union européenne.
Le cancer du sein nécessite un suivi et des soins coûteux, prolongés. À ce titre, il est considéré comme une ALD, ce qui donne droit au remboursement intégral des soins, notamment de la reconstruction mammaire quand elle est nécessaire. En outre, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a prévu d’élargir le dispositif 100 % santé aux prothèses capillaires pour les patients traités par chimiothérapie. Les organismes complémentaires contribuent à réduire le reste à charge en remboursant tout ou partie de certains soins de support et des dépassements d’honoraires, même si la question des plafonds demeure prégnante.
Cependant, adopter cette proposition de loi reviendrait à faire aux complémentaires santé un cadeau fiscal sans avoir la garantie, en contrepartie, d’une baisse de leurs tarifs ou d’une extension de leur prise en charge. Séduisant à court terme, le remboursement du forfait journalier, des franchises, des participations forfaitaires ou encore des dépassements d’honoraires ne manquera pas d’inciter les professionnels à appliquer des tarifs de plus en plus élevés, aux dépens, in fine, du contribuable.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, présidente de la commission des affaires sociales
C’est dans le texte !
Mme Nathalie Serre
Plutôt que de créer un régime d’exception injustifié par rapport à d’autres pathologies, nous préférerions, monsieur le ministre, travailler sur les dépassements. Je me réjouis de la décision de la commission de lancer une mission d’information à ce sujet. La lutte contre ces maladies reste bien sûr une priorité ; nous sommes déterminés à améliorer l’accès aux soins, ainsi qu’à investir dans la recherche et les traitements. Nous devons également fournir un effort particulier en matière de prévention, indispensable à l’augmentation des chances de survie des patients, une prise en charge précoce permettant d’éviter les traitements lourds. Si 95 % des femmes se déclarent favorables au dépistage du cancer du sein, moins d’une sur deux y a eu recours en 2021 et 2022, taux inférieur de 7 points à la moyenne européenne et nettement en deçà de l’objectif européen – au moins 70 %.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, malgré la réécriture en commission, le groupe Les Républicains s’abstiendra lors du vote de cette proposition de loi, qui, si louable soit-elle, prévoit de fausses solutions et ne garantit pas la prise en charge des soins ni de la prévention.
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Turquois.
M. Nicolas Turquois
Permettez-moi de saluer l’intention du groupe GDR-NUPES et de son rapporteur de renforcer la prise en charge du cancer du sein, qui touche essentiellement les femmes – près d’une sur huit – et emporte de nombreuses conséquences sur les équilibres personnels et familiaux. Ce cancer affecte profondément la féminité des patientes. Pour celles qui y ont été confrontées, l’épreuve se prolonge bien au-delà du combat contre la maladie, souvent avec des conséquences financières liées au reste à charge des dépassements d’honoraires, des transports sanitaires ou des produits dermatologiques destinés à apaiser les cicatrices.
Si le problème est justement posé, vous y répondez en proposant un traitement dérogatoire. Or nombre d’autres affections ont des conséquences lourdes et durables : nous ne pouvons faire de différence entre elles. Le cancer du sein est répertorié comme ALD, c’est-à-dire inscrit dans un dispositif qui couvre sans distinction les pathologies graves, évoluant pendant plus de six mois et nécessitant un traitement coûteux ; nous devons nous en tenir à cette approche. Cela ne signifie pas qu’il ne faut rien faire, bien au contraire. Le Gouvernement a pris des mesures importantes, telles que le parcours de soins global : l’ARS peut ainsi financer à hauteur de 180 euros l’accompagnement des patients ayant reçu un traitement pour un cancer et bénéficiant de la reconnaissance d’ALD. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 prévoit une expérimentation importante pour les personnes prises en charge par l’assurance maladie ; les ARS concernées pourront créer un parcours incluant l’APA. Vous n’êtes pas sans savoir, chers collègues du groupe GDR-NUPES, que cette même loi élargit le dispositif 100 % santé aux prothèses capillaires pour les femmes traitées par chimiothérapie. Il est de notre responsabilité de leur proposer, en coopération avec les organismes complémentaires, des perruques médicales à un prix abordable.
Il ne s’agit pas de faire preuve de triomphalisme ; nous avons conscience que des points restent à améliorer. J’en citerai deux. Premièrement, le dépistage, au sujet duquel le dernier baromètre publié par l’European Cancer Pulse est alarmant : en France, bien qu’il soit intégralement pris en charge, seules 47 % des femmes éligibles y recourent – soit 7 points de moins que la moyenne européenne. Pourquoi sont-elles si peu nombreuses, alors que cet examen peut sauver des vies ? Il ne s’agit sans doute pas d’un problème d’information, puisque des courriers et relances sont envoyés à domicile. Je n’ai malheureusement pas la réponse, mais il nous faut travailler collectivement sur ce sujet.
Deuxièmement, l’information sur le droit des malades est particulièrement insuffisante et à tout le moins mal ciblée. Son amplification pourrait éviter les situations que vous décrivez très justement dans votre exposé des motifs : bons de transport demandés trop tard, problèmes administratifs avec la sécurité sociale.
Vous l’avez compris, le groupe Démocrate ne souscrit pas à la distinction que vous opérez. Nous sommes attachés à la limitation des restes à charge pour toutes les victimes de pathologies graves – pas uniquement celles du cancer du sein. Cependant, eu égard à l’importance du sujet, et par souci de continuer à renforcer le système de santé en vue d’une prise en charge de qualité, nous soutiendrons le texte, en espérant que la navette parlementaire permettra d’en améliorer le contenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe GDR-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. François Gernigon.
M. François Gernigon
Je tiens tout d’abord à remercier le groupe GDR d’avoir inscrit à l’ordre du jour de sa journée d’initiative parlementaire cette proposition de loi portant sur un sujet qui touche des milliers de Français. Le groupe Horizons et apparentés comprend ce qui a motivé ce texte et partage la volonté de soutenir les personnes atteintes de cancers du sein. La lutte contre cette maladie est une priorité ; nous sommes résolus à améliorer l’accès aux soins et à investir dans la prévention, les traitements, la recherche. Il est crucial de trouver des solutions équitables et durables pour tous les patients atteints de maladies graves, tout en préservant l’équilibre de notre système de sécurité sociale.
Le cancer du sein touche principalement les femmes et 60 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année. Cette maladie n’affecte pas seulement la santé physique, mais aussi l’image de soi, la féminité, la sexualité, la vie familiale. Les témoignages poignants des patientes – vous en avez cité certains, monsieur le rapporteur – révèlent l’ampleur des difficultés psychologiques et sociales qu’elles rencontrent. Bien que le traitement soit remboursé au titre de la prise en charge des ALD, des frais restent à la charge des patientes : dépassements d’honoraires, dispositifs médicaux non remboursés, soins dits de support, alors qu’ils sont indispensables. En moyenne, les femmes atteintes d’un cancer du sein doivent débourser 780 euros par an, soit le double du reste à charge d’autres patients. Ces coûts supplémentaires créent d’importantes inégalités et compliquent l’accès aux soins des plus vulnérables.
Soucieux de garantir que toute législation soit juste, équitable et soutenable pour l’ensemble des Français, le groupe Horizons émet toutefois des réserves. Au-delà de son aspect financier, cette proposition de loi pourrait porter atteinte au principe d’égalité devant la loi. L’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. » Par conséquent, la règle de droit doit être générale, abstraite et égalitaire en ce sens qu’elle dépasse les particularismes. En privilégiant les personnes atteintes de cancers du sein, nous risquons des inégalités de traitement. Tous les citoyens doivent bénéficier des mêmes droits et protections : il est crucial que notre législation ne crée pas de disparités entre les malades, principe que ne sauraient ignorer ceux qui la votent.
La sécurité sociale repose sur le principe de la solidarité nationale. C’est la mutualisation des risques qui permet de garantir des soins à tous les assurés. La création de régimes spécifiques à certaines pathologies pourrait faire voler ce principe en éclats et induire des ruptures d’équité entre bénéficiaires. Nous devons donc veiller à conserver un système universel et solidaire, sans favoriser une catégorie de patients au détriment des autres. Cependant, nous sommes également conscients qu’une prise en charge intégrale des dépenses liées au traitement du cancer du sein permettrait de réduire considérablement le stress financier et d’améliorer la qualité de vie des patients. Cette prise en charge inclurait les soins de support, tels que l’APA, le soutien psychologique et les dispositifs médicaux essentiels.
Lors de l’examen du texte en commission, l’alinéa 9 de l’article 1er, qui prévoyait la prise en charge des dépassements d’honoraires et dont l’adoption aurait provoqué une inflation potentiellement incontrôlable des tarifs médicaux, a été supprimé. Cette suppression convainc le groupe Horizons et apparentés de soutenir la proposition de loi, mais ses membres réaffirment qu’ils préféreront toujours les réformes globales et structurelles, qui traitent les problèmes en profondeur, aux mesures individuelles et parcellaires, qui ne sont en réalité que des solutions temporaires.
Mme la présidente
La parole est à M. Joël Aviragnet.
M. Joël Aviragnet
Je remercie nos collègues du groupe GDR pour la qualité des textes inscrits à l’ordre du jour de leur journée d’initiative parlementaire. Comme en commission la semaine dernière, les députés du groupe Socialistes et apparentés soutiennent la proposition de loi, qui vise à répondre à un enjeu de santé publique majeur : chaque année, 60 000 femmes apprennent qu’elles souffrent d’un cancer du sein et 12 000 en meurent. Il y a donc urgence à agir : même si ce texte ne résoudra pas tous les problèmes liés au cancer du sein, notamment en matière de politiques de prévention, je vous invite, ainsi que vous l’avez fait en commission, à l’adopter unanimement – malgré la suppression de la disposition relative aux dépassements d’honoraires par des droites et une extrême droite avançant main dans la main, comme souvent lorsqu’il s’agit de saper les droits sociaux de nos concitoyens.
M. Daniel Labaronne
Ben voyons !
M. Joël Aviragnet
Depuis sept ans, ces droits sont remis en cause afin de compenser une politique fiscale injuste ; nous nous battons donc la plupart du temps pour protéger des acquis de plus en plus attaqués, trop rarement pour en créer. La proposition de loi vise à instaurer une nouvelle protection pour les femmes, et j’en suis ravi. Nous, députés Socialistes, souhaitons la prise en charge complète des frais induits par le cancer du sein, et plus largement une meilleure prise en charge des ALD : nous renforcerons ainsi l’égalité en matière d’accès aux soins. Malgré le remboursement d’un panier de soins, les femmes atteintes d’un cancer du sein supportent d’importants restes à charge et auraient, je le répète, un besoin urgent que la continuité de la prise en charge soit améliorée. Nous soutenons donc le texte ; nous demandons également une extension de cette prise en charge à toutes les ALD exonérantes, mesure que nous espérons voir défendue prochainement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe GDR-NUPES.)
Mme la présidente
La discussion générale est close.
Mme la présidente
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, présidente de la commission des affaires sociales
Je salue l’intention du rapporteur, celle d’améliorer la prise en charge du cancer du sein. Divers orateurs l’ont souligné : certains frais induits par la maladie provoquent un vrai stress et peuvent ralentir la guérison. La commission des affaires sociales a eu à cœur de travailler sur la proposition de loi et je profite de cette intervention pour faire part de mon soutien aux personnes qui se battent chaque jour contre cette maladie. Face au cancer, rappelons d’ailleurs que la première solution, même si ce n’est pas l’objet du texte, réside dans le dépistage, qui permet de maximiser les chances de guérison et de réduire les dépenses.
Malgré la prise en charge de nombreux frais, certains continuent de s’imposer aux patientes. À l’occasion de son examen en commission, la proposition de loi a été retravaillée pour répondre concrètement à cette situation. Elle vise à améliorer la prise en charge de la reconstruction mammaire, mais laisse en suspens de nombreux sujets ; ainsi, elle introduit une spécificité dans la prise en charge du cancer du sein, ce qui nous amène à nous interroger au sujet de celle d’autres cancers et maladies de longue durée. La navette parlementaire devra permettre une réflexion sur les équilibres de la sécurité sociale et la prise en charge de ces frais. Par ailleurs, la commission ayant mis pour condition à l’adoption du texte qu’une mission serait consacrée aux dépassements d’honoraires, qui peuvent entraîner des renoncements aux soins, le bureau de la commission a unanimement décidé hier d’une mission relative à ces dépassements et à l’amélioration de leur prise en charge, au-delà du sujet du cancer du sein. (M. Pierre Dharréville applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Après avoir écouté avec attention les interventions des uns et des autres, je le répète : ce texte, qui traite d’une pathologie très répandue, permettra des avancées. Son article 1er bis tend à encadrer les dépassements d’honoraires pratiqués par les médecins réalisant des actes de chirurgie reconstructrice, mais aussi à suivre plus étroitement ces dépassements, mieux encadrés par les règles de conventionnement que fixe l’assurance maladie. En revanche, les orateurs du MODEM et des Républicains ont souligné le risque de rupture d’égalité : nous ne pouvons faire semblant d’ignorer cet angle mort, alors qu’à l’initiative du groupe GDR, nous avons longuement débattu des valeurs fondatrices du système de sécurité sociale, parmi lesquelles l’égalité et l’équité de la prise en charge. Je ne nie pas la nécessité d’agir en faveur des malades du cancer du sein, mais la proposition de loi créerait une inégalité flagrante – vous auriez d’ailleurs pu présenter un texte comparable concernant les patients atteints d’un cancer de la prostate, par exemple. Ainsi, il est important d’admettre lucidement que la proposition de loi contredit les principes que vous avez défendus cet après-midi.
Votre texte a le mérite d’orienter nos débats vers l’un des fléaux qui frappent notre pays, mais ce que vous proposez reviendrait à donner un coup de canif aux grands principes en vertu desquels la sécurité sociale est organisée. Votre réponse au problème de la prise en charge des cancers du sein demeure partielle et, si les mesures de l’article 1er bis sont positives, celles de l’article 1er posent des problèmes flagrants de rupture d’égalité. Comme Nicolas Turquois, j’espère qu’une solution sera trouvée dans le cadre de la navette parlementaire.
Discussion des articles
Mme la présidente
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Article 1er
Mme la présidente
La parole est à M. Damien Maudet.
M. Damien Maudet
« Heureusement que j’avais Patrick, Célia et Julie, sinon je ne sais pas comment j’aurais fait toute seule. On est en colère, on a mal. Ce cancer, il attaque le moral, le physique, l’intime, mais il peut aussi détruire financièrement. » Elles s’appellent Corinne, Sandrine, Myriam, Marie-Lucie ; elles viennent de Limoges, de Felletin, de Toulouse, de Paris. En France, une femme sur huit déclarera un cancer du sein et 99 % s’en sortiront s’il est traité à temps. Ce taux ne doit pas nous faire oublier les 12 000 femmes qui, chaque année, n’en réchappent pas, ni le combat quotidien des patientes. Estelle déclare : « J’avais 37 ans, je venais juste d’avoir la petite. J’ai fait un petit contrôle et on m’a appris que j’étais en stade 3, presque foudroyant. Alors on fait au plus vite : ablation du sein, ensuite les chimios, les ongles, les cheveux. » Corinne nous dit : « Ils m’ont enlevé une partie du sein, un muscle. J’ai mis un an avant de pouvoir relever le bras. Et l’hormonothérapie, ça fait si mal ! Pour randonner, j’ai dû prendre des anti-inflammatoires. »
En plus de la maladie, de la fatigue, des séquelles, cancer peut signifier précarité. Cette proposition de loi rappelle à juste titre les lacunes en matière de prise en charge. Les vernis à ongles, les crèmes ne sont pas remboursés ; la prise en charge des perruques est insuffisante. Le soutien psychologique est souvent synonyme de frais, tout comme l’APA, même si celle-ci diminue le risque de récidive. Une femme qui souhaite un suivi psychologique, physique et diététique déboursera entre 1 300 euros et 2 500 euros, sans compter les dépassements d’honoraires auxquels sont confrontées 80 % des patientes, notamment lorsqu’elles subissent une chirurgie réparatrice. On ne peut que regretter que les députés de la Macronie et du Rassemblement national aient supprimé les dispositions tendant à améliorer le remboursement de ces dépassements, laissant seules les femmes malades face à leur précarité.
Nous voterons pour l’article 1er, mais demandons des mesures plus ambitieuses. Il faut protéger les patientes au travail : un quart des femmes en situation d’emploi lors de l’apparition d’un cancer ne le sont plus cinq ans plus tard, et les indépendants peuvent se retrouver au RSA. Chers collègues, nous ne pouvons empêcher la maladie : faisons en sorte que ne s’y ajoute pas la précarité. C’est bien pour cela que nous sommes ici. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Cazeneuve.
M. Pierre Cazeneuve
Nous examinons une proposition de loi relative à un sujet très difficile, qui résonne pour moi de manière toute particulière. Sa version initiale, prévoyant la prise en charge intégrale des dépassements d’honoraires, dont le montant est fixé par les médecins, présentait plusieurs défauts. D’une part, nous aurions fait un cadeau aux mutuelles aux dépens du contribuable. D’autre part, cette mesure aurait été contre-productive : le déficit de la sécurité sociale aurait augmenté de centaines de millions d’euros. C’est pourquoi, en commission, nous avons choisi de la supprimer et de lancer une réflexion collective afin d’encadrer strictement et intelligemment les dépassements d’honoraires, notamment lors d’une reconstruction mammaire, ce qui est vraiment le cœur du sujet.
Dans sa rédaction actuelle, l’article 1er prévoit une exonération du forfait hospitalier et des franchises médicales sur les médicaments. Nous ne souhaitons ni créer une rupture d’égalité, ni établir une hiérarchie entre le cancer du sein, celui de la prostate et la maladie de Charcot, ni instaurer un régime d’exception. Étant donné que le cancer du sein touche une femme sur dix et occasionne des frais très importants,…
Mme la présidente
Je vous remercie de conclure.
M. Pierre Cazeneuve
Je dispose de cinq minutes, madame la présidente.
Mme la présidente
Le temps de parole est de cinq minutes lors de la discussion générale et des explications de vote ; en l’occurrence, cher collègue, vous n’aviez que deux minutes.
Je suis saisie de deux amendements, nos 9 et 19, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Damien Maudet, pour soutenir l’amendement no 9.
M. Damien Maudet
« J’ai dû aller dans une clinique. Ça a coûté 14 000 euros et j’ai dû sortir 5 000 euros de ma poche » : 80 % des femmes atteintes d’un cancer du sein doivent régler des dépassements d’honoraires. La proposition de loi devait permettre d’éviter qu’elles ne soient étouffées par des frais dont elles ne sont pas responsables et qui peuvent entraîner une grande souffrance financière.
Pourtant, en commission, les députés macronistes ont supprimé la prise en charge des dépassements d’honoraires, au motif qu’elle aurait eu un effet inflationniste. Plutôt que de les laisser peser sur les femmes, il suffisait pourtant de les supprimer ou de les encadrer. Pis, l’amendement a été adopté notamment grâce au groupe Rassemblement national, qui a indiqué qu’il était non seulement défavorable à cette prise en charge, mais très favorable aux dépassements d’honoraires. D’un côté, des macronistes hypocrites qui regrettent l’existence de dépassements mais laissent les femmes se débrouiller (Mme Michèle Peyron s’exclame) ; de l’autre, des députés du RN qui, à tout le moins, ont le mérite d’être honnêtes en approuvant les dépassements et assumant de laisser les femmes dans cette galère.
Si nous rétablissons cette disposition, le texte a peu de chance d’être adopté. Or nous ne voulons pas sacrifier toutes les avancées importantes qu’il prévoit ; nous retirons donc l’amendement et vous encourageons à encadrer strictement les dépassements d’honoraires. Nous ne pouvons laisser toutes ces femmes en difficulté sous prétexte qu’on a estimé possible de se faire de l’argent – beaucoup trop d’argent – sur la santé de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)
(L’amendement no 9 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour soutenir l’amendement no 19.
M. Joël Aviragnet
Cet amendement, qui vise à étendre à toutes les ALD la suppression du reste à charge, aurait pu éviter l’inégalité de traitement mentionnée par M. le ministre. Dans la mesure où la commission des affaires sociales lancera une mission d’information relative à la question du reste à charge, et afin de ne pas emboliser les débats, je le retire.
(L’amendement no 19 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Fabien Roussel, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour soutenir l’amendement no 38.
M. Fabien Roussel, rapporteur de la commission des affaires sociales
Il est rédactionnel.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Favorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Cazeneuve.
M. Pierre Cazeneuve
Je souhaite achever mon propos, afin de préciser la position du groupe Renaissance.
Mme Stéphanie Rist
Exactement !
M. Pierre Cazeneuve
Premièrement, je ne suis pas là pour recevoir des leçons d’empathie de la part de La France insoumise ; je vous prie d’adopter un autre ton, car le sujet ne mérite pas de tels discours. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Deuxièmement, je le répète, nous ne voulons pas créer d’inégalités de traitement en ce qui concerne les franchises et le forfait hospitalier, ni établir une hiérarchie entre les maladies. L’article 1er bis, adopté à l’unanimité en commission, est un article de progrès ; nous avons collectivement besoin de mieux encadrer les dépassements d’honoraires lors d’une reconstruction mammaire, c’est pourquoi nous voterons en sa faveur. Quant à l’article 1er, nous nous abstiendrons lors de sa mise aux voix, ne voulant pas entraver l’adoption de ce texte que nous soutenons.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Fabien Roussel, rapporteur
J’en profite pour répondre à MM. Maudet et Aviragnet. La version initiale de l’article 1er prévoyait la prise en charge, par la sécurité sociale, des dépassements d’honoraires ; je vous remercie d’avoir déposé des amendements visant à la rétablir.
Nous savons tous que ces dépassements concernent toutes les personnes atteintes de maladies graves, ce qui fait beaucoup de monde. Elles ont besoin de consulter rapidement un spécialiste ou un chirurgien : lorsqu’aucun médecin n’est disponible dans le secteur public – on pourrait parler pendant des heures des causes de cette situation –, elles sont obligées de recourir au secteur privé, qui pratique des dépassements d’honoraires, et dépensent des sommes très importantes.
J’ai accepté – si j’ose dire – la suppression de cette mesure. D’une part, j’espère que ce texte sera adopté avec toutes les prises en charge que prévoit sa rédaction actuelle. D’autre part, la présidente de la commission a annoncé une mission d’information sur les dépassements d’honoraires. J’attends de voir les propositions que nous pourrions mettre sur la table et qui pourraient être inscrites dans le prochain PLFSS. En tout cas, il faut impérativement répondre à cette question. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)
La proposition de loi issue des travaux de la commission est un texte de compromis : d’un côté, une majorité en a supprimé la prise en charge des dépassements d’honoraires, de l’autre, il continue de prévoir celle de tous les soins prescrits, du renouvellement des prothèses mammaires au bout de dix ans, du forfait hospitalier, mesures essentielles pour les femmes atteintes d’un cancer du sein. J’ai bien conscience que la prise en charge du forfait hospitalier et des franchises médicales créerait une rupture d’égalité. Pourquoi devons-nous la prévoir pour le cancer du sein, et non pour toutes les autres maladies ? Parce que les 700 000 femmes – et 60 000 de plus chaque année – atteintes de ce cancer multiplient les consultations, les allers-retours à la pharmacie ; dans quelques mois, elles atteindront les plafonds, fixés par la majorité, du forfait hospitalier et des franchises médicales – 50 euros pour les consultations de spécialistes.
Si nous voulons garantir la prise en charge, nous ne pouvons rogner sur tel ou tel acte. Admettons que le dépassement des honoraires constitue un vrai problème : nous souhaitons y travailler afin de trouver des solutions, que ce soit le plafonnement ou l’interdiction. Mais de grâce, adoptons un texte qui prévoie la prise en charge de tous les soins prescrits – renouvellement de prothèses mammaires, soutiens-gorge adaptés, APA, franchises médicales, forfait hospitalier, soins de support, soins dits de confort, dont l’absence de prise en charge provoque la colère des patientes car, précisément, ils n’ont de confort que le nom. Lorsqu’une femme, à cause de la chimiothérapie, souffre d’une sécheresse vaginale telle qu’elle l’empêche de marcher, refuser de lui rembourser les crèmes qui l’apaiseraient est d’une rare violence. À tout le moins, inscrivons dans la loi la prise en charge de ces soins par la société. Nous aurions alors fait un grand pas dans la lutte contre le cancer le plus violent et le plus répandu. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et SOC.)
Mme Michèle Peyron
Bravo !
(L’amendement no 38 est adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 39 de M. le rapporteur est rédactionnel.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Favorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-François Rousset.
M. Jean-François Rousset
Si la proposition de loi permet, dans le cadre de la mission d’information annoncée, d’examiner les causes et la justification des dépassements d’honoraires, elle constituera une belle avancée. Ces dépassements concernent tous les actes, notamment de nature chirurgicale, et pas uniquement ceux destinés à soigner le cancer du sein. Il serait très intéressant d’approfondir la connaissance que nous en avons, afin de proposer des solutions qui permettront de mieux les encadrer.
(L’amendement no 39 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 46 de la commission des affaires sociales.
M. Fabien Roussel, rapporteur
Il a été déposé à la suite de l’adoption en commission de l’amendement de M. Rousset visant à renvoyer à un décret la définition des soins de support. Certes, prenons un décret, mais veillons à ce qu’il ne soit pas trop restrictif. C’est pourquoi cet amendement vise à associer à son élaboration les associations de lutte contre le cancer, celles qui prennent soin des patientes, ainsi que les réseaux de médecins et de professionnels de santé – je pense à Cécile Kahn, qui anime le Réseau des kinés du sein. Il s’agit de veiller à ce que les engagements pris dans ce texte soient tenus, notamment la prise en charge par la sécurité sociale des soins de support.
(L’amendement no 46, repoussé par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 41 de M. le rapporteur est rédactionnel.
(L’amendement no 41, accepté par le Gouvernement, est adopté ; en conséquence, l’amendement no 23 tombe.)
Mme la présidente
L’amendement no 42 de M. le rapporteur est rédactionnel.
(L’amendement no 42, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie des amendements nos 24, 25, 26, 27, 28 et 29, pouvant faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Jean-François Rousset, pour les soutenir.
M. Jean-François Rousset
Je ne présenterai que le no 29, les autres étant retirés. Il a pour objet le suivi médical. Lorsque la patiente change de région, les informations qui la concernent doivent être transmises de la manière la plus simple possible à l’oncologue ou au chirurgien qui la prendra en charge.
(Les amendements nos 24, 25, 26, 27 et 28 sont retirés.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Fabien Roussel, rapporteur
Favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Le transfert du dossier médical du patient est déjà obligatoire depuis 2022 : le titulaire de l’autorisation de traitement du cancer doit garantir son partage sécurisé aux professionnels de santé qui contribuent au parcours de soins. L’amendement est donc satisfait. Je vous propose de le retirer. À défaut, mon avis sera défavorable.
(L’amendement no 29 est retiré.)
(L’article 1er, amendé, est adopté.)
Après l’article 1er
Mme la présidente
La parole est à Mme Angélique Ranc, pour soutenir l’amendement no 5, portant article additionnel après l’article 1er.
Mme Angélique Ranc
Nausées, vomissements, céphalées, fatigue extrême, crampes musculaires, crises d’épilepsie, douleurs articulaires, démangeaisons, diarrhées, anémie, irritabilité, pertes de mémoire, difficultés à se concentrer et changements de la personnalité sont autant d’exemples des effets secondaires qui surviennent couramment après une séance de chimiothérapie ou de radiothérapie.
Or un projet de décret, qui fait actuellement l’objet d’une concertation, prévoit d’imposer aux patients le partage des ambulances ou des taxis sanitaires. Celui-ci est susceptible d’entraîner des détours pouvant aller jusqu’à 30 kilomètres, au risque de dégrader les soins apportés à ces patients. Le présent amendement vise donc à ce que le médecin prescripteur puisse juger le transport partagé incompatible avec l’état de santé du patient sortant d’une séance de chimiothérapie ou de radiothérapie. (M. Thierry Frappé applaudit.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Fabien Roussel, rapporteur
L’amendement est satisfait par l’article L. 322-5 du code de la sécurité sociale, qui dispose que « la prescription précise le mode de transport le plus adapté à l’état du patient et si cet état est incompatible avec un transport partagé […] ». Le médecin a déjà la possibilité de juger que l’état de santé du patient en chimiothérapie ou en radiothérapie est incompatible avec un transport partagé. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
La rédaction du code en cours satisfait votre amendement, madame la députée. Même avis, sachant que le médecin prescripteur est seul juge de l’état de son patient.
Mme la présidente
La parole est à Mme Angélique Ranc.
Mme Angélique Ranc
Je ne suis pas sûre de comprendre : il me semble que si la rédaction est en cours, l’amendement ne peut être satisfait.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Je voulais dire que ce que vous demandez est déjà prévu dans la loi. L’amendement est donc satisfait.
(L’amendement no 5 est retiré.)
Article 1er bis
(L’article 1er bis est adopté.)
Après l’article 1er bis
Mme la présidente
Nous en venons aux amendements portant article additionnel après l’article 1er bis.
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour soutenir l’amendement no 18.
M. Joël Aviragnet
Je le retire pour gagner du temps et ainsi permettre l’adoption de ce texte important.
(L’amendement no 18 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Angélique Ranc, pour soutenir l’amendement no 8.
Mme Angélique Ranc
Le dépistage du cancer du sein est organisé pour les femmes âgées de 50 à 74 ans. Or 20 % des cancers du sein se développent avant 50 ans ; 10 % avant 40 ans. Par cet amendement, nous proposons un rapport sur l’extension du dépistage chez les femmes âgées de 40 à 49 ans. Je rappelle que 40 % des cancers ne sont pas détectés suffisamment tôt, ce qui diminue drastiquement les chances de survie. Il y a donc urgence à agir pour étendre le dépistage. Je me réjouis que d’autres groupes soutiennent cette initiative et j’espère que l’amendement sera adopté. (Mme Béatrice Roullaud applaudit.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Fabien Roussel, rapporteur
Je comprends l’intention. Personnellement, je suis favorable à cette extension du dépistage chez les femmes âgées de 40 à 49 ans, mais j’entends aussi les médecins et les scientifiques qui s’interrogent sur l’opportunité d’un dépistage aussi précoce. Il reviendrait plutôt aux experts de l’Inca de se prononcer. Cette question sera probablement abordée lors de l’examen du PLFSS pour 2025, qui comporte un volet dédié aux politiques de prévention. Puisque ce n’est pas l’objet du présent texte, je vous demande de retirer l’amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
(L’amendement no 8, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 10 de Mme Rachel Keke est défendu.
(L’amendement no 10, accepté par la commission, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Angélique Ranc, pour soutenir l’amendement no 6.
Mme Angélique Ranc
Les frais de transport des patients atteints par une ALD telle que le cancer ne sont pas systématiquement pris en charge. Avant d’effectuer chaque trajet jusqu’au lieu du traitement, les patients doivent même parfois obtenir, outre la prescription des séances de chimiothérapie ou de radiothérapie, l’accord de la caisse d’assurance maladie et du médecin qui suit le traitement, ce qui constitue un casse-tête, une charge mentale et un stress supplémentaire tout à fait néfaste. Nous proposons donc d’étudier la situation plus en détail dans un rapport qui recommanderait des solutions pérennes, telles que la création ou l’automatisation d’un bon unique de transport durant la période de traitement.
Mme la présidente
Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 6 ?
M. Fabien Roussel, rapporteur
Christophe Naegelen et son groupe LIOT sont à l’initiative d’une commission d’enquête relative aux difficultés d’accès aux soins à l’hôpital public, présidée par Paul Midy. La question que vous soulevez mériterait d’être abordée de manière globale dans ce cadre. Je vous invite donc à vous rapprocher de cette commission et émets un avis défavorable sur l’amendement.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Prescrire un transport sanitaire dans le cas d’une ALD est une compétence médicale ; le véhicule approprié est déterminé en fonction de l’état de santé du patient. Le formulaire Cerfa de prescription médicale de transport peut déjà indiquer le nombre de déplacements prévus – transports en série ou transports itératifs – au cours d’une période donnée. Votre amendement me paraît donc sans objet. Il ne saurait y avoir de « bon de transport » public ou personnel. Avis défavorable.
(L’amendement no 6 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Angélique Ranc, pour soutenir l’amendement no 7.
Mme Angélique Ranc
Dernière étape de la reconstruction mammaire, le tatouage de l’aréole permet aux femmes atteintes d’un cancer de retrouver leur corps. Ce tatouage médical, appelé dermopigmentation réparatrice, est pris en charge à hauteur de 125 euros par séance par l’assurance maladie, lorsque les femmes ne souhaitent pas, ou ne peuvent pas, bénéficier de chirurgie. Le présent amendement tend à la remise d’un rapport sur le sujet.
En outre, certains tatoueurs professionnels ont développé un tatouage artistique « 3D », souvent plus soigné et plus réaliste, grâce à des palettes de couleurs plus fournies, et qui vieillit bien mieux. Ce tatouage est très prisé par les femmes qui ont souffert d’un cancer du sein. Il serait donc opportun que le Gouvernement fasse le nécessaire pour que l’assurance maladie les prenne en charge, comme l’a proposé ma collègue Laure Lavalette.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Fabien Roussel, rapporteur
J’ai été extrêmement touché par les femmes que nous avons entendues témoigner de leur ablation du sein. Je vous laisse imaginer la violence du choc quand elles ont appris que la reconstruction mammaire était certes prise en charge, mais que l’aréole qu’elles souhaitaient retrouver était considérée comme relevant de la chirurgie esthétique plutôt que de la chirurgie réparatrice. Cette question s’inscrit dans le débat sur la prise en charge des forfaits hospitaliers. Il faut trouver une solution afin que ce tatouage soit considéré comme une chirurgie réparatrice ; celle-ci devrait être pratiquée sans dépassement d’honoraires, dans le secteur public. J’en parlais avec Jean-François Rousset : j’aimerais que la mission d’information relative aux dépassements d’honoraires annoncée par la présidente de la commission des affaires sociales travaille sur le sujet et fasse des recommandations. En attendant, je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Breton.
M. Xavier Breton
Je regrette que les avis à cet amendement soient défavorables. Il s’agit d’une demande de rapport sur un sujet important, que le rapporteur a évoqué dès son propos liminaire, et auquel le ministre s’est montré sensible. Je ne juge pas un amendement au nom de ses signataires ; je constate qu’il va dans le bon sens et je voterai en sa faveur.
Mme la présidente
La parole est à M. Thierry Frappé.
M. Thierry Frappé
Je ne comprends pas les avis défavorables du rapporteur et du ministre. L’effet psychologique d’une reconstruction mammaire non suivie d’une réparation est indéniable, or les soins psychologiques consécutifs à l’opération d’un cancer du sein sont pris en charge. Même si l’objet de l’amendement ne relève pas de la chirurgie réparatrice au sens strict, il devrait donner lieu au moins à une prise en charge forfaitaire.
(L’amendement no 7 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Damien Maudet, pour soutenir l’amendement no 12.
M. Damien Maudet
« La plage. J’aime ça, la plage, mais les maillots de bain sont trop chers, donc je dois rafistoler et aller chez Decathlon essayer de trouver quelque chose qui s’adapte », me dit Corinne. Les soutiens-gorge adaptés ne sont pas remboursés et coûtent trop cher. C’est comme si l’on fournissait une prothèse de jambe sans la fixation. Cet amendement vise donc à défendre la possibilité d’inclure dans les soins de support pris en charge les maillots de bain et les soutiens-gorge adaptés.
Monsieur le rapporteur, vous souhaitez que les soutiens-gorge adaptés figurent sur la liste des dispositifs pris en charge qui doit être établie par décret. Mais comment en avoir la garantie ? Le Gouvernement peut-il nous assurer que les soutiens-gorge et maillots de bain adaptés seront remboursés ? Ils sont actuellement trop chers, alors qu’ils sont non un luxe, mais le moyen pour de nombreuses femmes d’avoir une vie normale et de pouvoir aller à la plage sans avoir à rafistoler des soutiens-gorge moins chers mais inadaptés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Fabien Roussel, rapporteur
Je suis favorable à l’amendement à titre personnel, mais l’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Ce type de maillot ou de sous-vêtement adapté pourrait effectivement relever des dispositifs médicaux. Cependant, aucun fabricant n’a sollicité l’inscription de ce type de produit parmi les dispositifs médicaux reconnus.
M. Davy Rimane
Et alors ?
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Je veux bien rédiger des rapports, mais il serait peut-être plus intelligent de contacter les fabricants pour savoir pourquoi ils n’entament pas une démarche réglementaire – il s’agit d’une démarche encadrée, ouverte à tout fabricant de dispositifs médicaux apportant un confort nouveau aux patients.
M. Davy Rimane
Pourquoi vous ne le faites pas, vous ?
M. Frédéric Petit
C’est aux fabricants de le faire !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Votre demande de rapport est donc infondée, puisqu’il y a non un refus de rembourser ce type de vêtement, mais le constat qu’aucun fabricant n’est venu demander sa reconnaissance comme dispositif médical. Avis défavorable.
(L’amendement no 12 est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Rachel Keke, pour soutenir l’amendement no 13.
Mme Rachel Keke
En France, une femme sur huit développe un cancer du sein – on compte plus de 60 000 nouveaux cas chaque année. Ces femmes sont nos mères, nos filles, nos amies, nos voisines. Elles sont en souffrance physiquement, psychologiquement et financièrement. Le reste à charge qu’elles doivent assumer va de 1 300 à 2 500 euros – c’est énorme. De plus, la sécurité sociale leur applique trois jours de carence, auxquels pourraient s’ajouter prochainement, pour celles qui travaillent dans le secteur privé, quatre jours de carence supplémentaires, soit sept jours au total. Ces femmes se trouvent déjà en situation de précarité dans le monde du travail, à cause des temps partiels imposés, des CDD ou de l’absence d’une complémentaire santé. Supprimer ce délai de carence ne serait que justice. Il est temps d’agir, de voter la prise en charge intégrale des parcours de soins, de supprimer le délai de carence et de garantir aux patientes les ressources financières dont elles ont besoin pour mener à bien leur combat contre le cancer et se soigner correctement et dignement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Fabien Roussel, rapporteur
À titre personnel, je suis favorable à l’amendement.
M. Pierre Cazeneuve
Mais non !
M. Fabien Roussel, rapporteur
Pour toutes les affections de longue durée notamment, les jours de carence sont une punition terrible – vous avez entièrement raison de le souligner. C’est d’autant plus inquiétant que nous avons récemment entendu le premier président de la Cour des comptes, M. Moscovici, proposer de ne plus indemniser les arrêts maladie inférieurs à huit jours. Je pense à toutes les personnes atteintes de maladies graves, comme le cancer du sein : lancer de telles propositions est dévastateur. Rien que pour cette raison, je soutiendrai cette demande de rapport, même si la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Le délai de carence est déjà supprimé dès le deuxième arrêt de travail dû à une affection de longue durée. Le cancer du sein étant reconnu comme une ALD, la patiente ne se verra appliquer un délai de carence que lors de son premier arrêt, et non lors des arrêts suivants, quand bien même ils seraient réguliers. Par ailleurs, si nous sommes mobilisés ce soir en faveur des personnes touchées par le cancer du sein, n’oublions pas que tous les autres malades touchés par d’autres affections de longue durée doivent bénéficier d’une égalité de traitement. Avis défavorable à votre demande de rapport.
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
Je suis opposé aux amendements réclamant un rapport au Gouvernement : le Parlement exerce une fonction de contrôle et mieux vaut réaliser les rapports nous-mêmes plutôt que les demander au Gouvernement. Pour en revenir à l’amendement no 12, je suis surpris que La France insoumise souhaite faire un cadeau aux entreprises.
M. Antoine Léaument
Oh !
M. Frédéric Petit
Pour qu’un maillot de bain adapté soit remboursé, le fabricant doit entreprendre une démarche afin qu’il soit reconnu par l’administration comme un dispositif médical. Vous préférez, quant à vous, que des fonctionnaires fassent ce travail à la place des entreprises, afin qu’elles prennent un marché !
M. Antoine Léaument
Socialiste !
M. Frédéric Petit
Soyons précis, sans quoi nous en venons à proposer n’importe quoi. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme Danielle Simonnet
Et concrètement, comment font les femmes ?
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Cazeneuve.
M. Pierre Cazeneuve
Si l’on est respectueux des femmes touchées par ce type de cancer, on s’informe avant de déposer des amendements. Quand on est atteint d’une ALD, le délai de carence n’est appliqué qu’une seule fois ; ensuite, il est supprimé. (Mme Élise Leboucher s’exclame.) Par respect pour nos institutions et pour les personnes concernées, vous ne pouvez pas inscrire dans la loi une demande de rapport dont le contenu peut être trouvé en quinze secondes sur un moteur de recherche !
M. Frédéric Maillot
Pour une fois que le ministre fera quelque chose !
M. Pierre Cazeneuve
C’est un manque de respect à l’égard du Parlement, de ceux qui y travaillent, de la loi et des femmes atteintes d’un cancer du sein. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 13.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 88
Nombre de suffrages exprimés 75
Majorité absolue 38
Pour l’adoption 36
Contre 39
(L’amendement no 13 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Damien Maudet, pour soutenir les amendements nos 14 et 15, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Damien Maudet
L’amendement no 14 vise à réfléchir à une potentielle prise en charge de la garde des enfants pour les mères seules atteintes d’un cancer du sein. En effet, nous savons qu’il peut être très difficile, voire impossible, de s’occuper de ses enfants durant le traitement.
L’amendement no 15 vise à évaluer la couverture maladie, en cas de cancer du sein, des autoentrepreneurs. Nombre d’entre eux indiquent que les assurances n’y suffisent pas ou ne fonctionnent pas. Nous demandons donc au Gouvernement un rapport sur le sujet, afin d’étudier comment améliorer la protection des travailleurs indépendants touchés par un cancer du sein. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Fabien Roussel, rapporteur
J’y suis favorable à titre personnel, mais la commission y est défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Défavorable.
M. Pierre Cazeneuve
Très bien !
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 14.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 91
Nombre de suffrages exprimés 90
Majorité absolue 46
Pour l’adoption 53
Contre 37
(L’amendement no 14 est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
(L’amendement no 15 est adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 37 de M. Damien Maudet est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Fabien Roussel, rapporteur
J’y suis favorable à titre personnel, mais la commission y est défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Je le redis à tous ceux qui demandent des rapports : vous trouverez les réponses aux questions que vous vous posez en faisant des recherches sur Google.
Au sujet de la perte d’emploi consécutive au diagnostic d’un cancer du sein, objet de cet amendement, vous pouvez – à moins que vous ne teniez absolument à vous faire plaisir par une inflation de rapports – consulter les rapports de l’Inca. Ceux-ci sont très complets et embrassent les dimensions du retour à l’emploi, de l’accompagnement au maintien de l’emploi, etc. Bref, il suffit de se renseigner. Avis défavorable.
M. Pierre Cazeneuve
Il faudrait commencer par lire les rapports et par lire la loi !
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
En demandant des rapports au Gouvernement, vous montrez non seulement que vous n’envisagez pas de consacrer quinze secondes à la lecture de ceux qui existent déjà, mais qu’en plus, vous démissionnez de vos responsabilités de députés.
Mme Caroline Fiat
Ah, non ! Ça va !
M. Frédéric Petit
Vous pourriez faire votre travail – demander la création d’une mission d’information, par exemple. Mais non, vous préférez vous décharger sur le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Vous ne faites même plus attention à ce que vous proposez. Vous cherchez à embêter le Gouvernement,…
Mme Rachel Keke
C’est faux !
M. Frédéric Petit
…en exerçant un pouvoir de contrôle sur son action : mais c’est à ce même Gouvernement que vous réclamez les rapports que vous comptez utiliser à cette fin ! C’est totalement absurde.
M. Pierre Cazeneuve
Très juste !
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.
M. Jean-Philippe Nilor
Les demandes de rapport ne sont pas destinées à emmerder le Gouvernement. Elles visent à ce que l’on puisse disposer d’informations objectives pour l’élaboration des politiques publiques.
Il faudrait, de plus, que ces rapports déclinent leurs informations selon les territoires. Dans les Antilles, notamment en Martinique et en Guadeloupe, où des tonnes et des tonnes de chlordécone ont été déversées, les femmes sont particulièrement sujettes au cancer du sein. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Nous avons besoin d’informations détaillées et objectives à ce sujet, et s’il est une demande de rapport parfaitement légitime, c’est bien celle-là ! (Mêmes mouvements.)
M. Pierre Cazeneuve
Elle est satisfaite !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Je vais prendre un peu de temps pour éclairer votre lanterne et faire état de ce que l’on trouve dans les rapports de l’Inca, puisqu’il est trop compliqué pour vous de faire une recherche sur internet.
M. Pierre Cazeneuve
Mais oui, tout ceci existe déjà !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Sur le volet de l’emploi, ces rapports précisent comment sont développés les dispositifs facilitant le maintien et le retour à l’emploi des personnes touchées par le cancer. Ils montrent également comment progressent les connaissances à ce sujet, comment les démarches peuvent être simplifiées et les aides mobilisables plus facilement identifiées. Ils envisagent, enfin, la manière dont ces personnes peuvent se projeter dans le maintien de leur activité et de leur sociabilité pendant et après la maladie, dès l’annonce de celle-ci.
En bref, ce que vous réclamez existe déjà. Soyez raisonnables.
Mme Caroline Fiat
On a compris, monsieur le ministre !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Raisonnable, la discussion de ce texte l’avait été jusqu’à présent. J’ai exprimé la position du Gouvernement sur l’article 1er en soulignant les difficultés qu’il posait quant à la question de l’égalité de traitement et aux grands principes qui sont au fondement de la sécurité sociale. Mais j’ai également annoncé que, dans la mesure où l’article 1er bis proposait de véritables avancées, le Gouvernement allait donner sur ce texte un avis de sagesse.
Hélas, depuis quelques minutes, nous sommes partis dans le grand n’importe quoi. Il est regrettable que vous donniez une tonalité un peu niaise (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES) à des débats qui avaient su, jusqu’à présent, garder de la hauteur. On voit bien de quels bancs tout cela vient. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Frédéric Petit
Faites les rapports vous-mêmes : si vous les faites faire par le Gouvernement, ils ne seront pas objectifs !
M. Ugo Bernalicis
L’exécutif est là pour exécuter ! Nous ne sommes tout de même pas encore tout à fait dans une monarchie !
M. Frédéric Petit
Mais justement : c’est vous qui demandez un rapport au monarque…
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 37.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 86
Nombre de suffrages exprimés 71
Majorité absolue 36
Pour l’adoption 34
Contre 37
(L’amendement no 37 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 36 et 30, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 36 de M. Damien Maudet est défendu.
La parole est à M. Jean-François Rousset, pour soutenir l’amendement no 30.
M. Jean-François Rousset
Il tend à ce que le Gouvernement remette un rapport sur les dépassements d’honoraires, mais dans la mesure où une mission d’information a été décidée, je le retire. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)
(L’amendement no 30 est retiré.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 36 ?
M. Fabien Roussel, rapporteur
Je remercie nos collègues de retirer ces amendements. Comme je l’ai annoncé au début de l’examen de ce texte, la création d’une mission d’information sur les dépassements d’honoraires a été décidée par le bureau de la commission des affaires sociales. Nous pourrons y travailler ensemble et formuler des propositions : cela va dans le bon sens.
Nous allons bientôt passer au vote de l’article 2, et c’est donc la dernière fois que je prends la parole sur cette proposition de loi. La majorité que nous allons trouver sur l’ensemble de ces articles enverra un signal fort aux nombreuses femmes concernées par cette terrible maladie. Le cancer du sein est le plus meurtrier en France, c’est celui qui abîme le plus, dans leur chair, les femmes qui en sont atteintes.
Je remercie l’ensemble des collègues qui permettront, ce soir, l’adoption de ce texte, auquel je souhaite une longue vie. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR-NUPES, RE et LIOT.)
(L’amendement no 36 est retiré.)
Article 2
(L’article 2 est adopté.)
Explication de vote
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-François Rousset.
M. Jean-François Rousset (RE)
Cette soirée aura été très instructive. Sur un sujet aussi difficile que celui du cancer du sein, qui frappe chaque année en France 60 000 femmes, nous avons assisté à des moments d’humour, de dérision, et à une demande de rapport inappropriée.
Nous avons pu constater que le dépistage, alors qu’il est intégralement pris en charge par la sécurité sociale, ne fonctionne pas.
M. Sylvain Maillard
C’est vrai !
M. Jean-François Rousset
Il faut donc faire un effort de formation et d’information. Les communautés de communes mettent en place des mammotomes mobiles, des bus de dépistage et d’information : tout est fait pour que cela marche. Pour guérir ces cancers, il faut les dépister le plus tôt possible.
Nous avons également pu comprendre que, dans la plupart des cas, la chirurgie était mutilante, ce qui conduit à poser le problème de la reconstruction mammaire. Les chirurgiens qui y procèdent pratiquent des dépassements d’honoraires démesurés. Il nous faut y réfléchir sérieusement si nous voulons éviter que ce type de chirurgie soit à l’avenir réservé aux plus fortunées.
On peut également craindre que les compétences chirurgicales ne finissent par disparaître, ce qui entraînerait une véritable inégalité face aux soins cancérologiques.
Mme Caroline Fiat
Très bien !
M. Jean-François Rousset
Pour toutes ces raisons, nous avons éprouvé beaucoup d’intérêt pour cette discussion, et je remercie M. Fabien Roussel de nour en avoir donné l’occasion.
Nous n’avons pas pris part au vote sur l’article 1er, comme vous l’avez remarqué, car nous ne souhaitons pas voir se créer une inégalité dans la prise en charge des forfaits journaliers. Même si les cancers du sein sont une maladie particulière, il existe d’autres cancers, d’autres maladies de longue durée.
Nous sommes satisfaits d’avoir ouvert le débat sur les dépassements d’honoraires et d’avoir proposé une mission d’information à ce sujet, tout comme d’avoir proposé une réécriture par décret de la circulaire de 2005 sur les soins de support.
À ces réserves près, nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et GDR-NUPES.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 93
Nombre de suffrages exprimés 93
Majorité absolue 47
Pour l’adoption 93
Contre 0
(La proposition de loi est adoptée.)
(Applaudissements sur tous les bancs. – Les députés du groupe GDR-NUPES se lèvent pour applaudir.)
2. Création d’une commission permanente aux collectivités territoriales et aux outre-mer
Discussion d’une proposition de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi constitutionnelle de M. Davy Rimane et plusieurs de ses collègues tendant à la création d’une commission permanente aux collectivités territoriales et aux outre-mer (nos 2471, 2653).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à M. Davy Rimane, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Davy Rimane, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
J’ai un aveu à vous faire. La proposition de loi constitutionnelle que je vous soumets aujourd’hui ne visait initialement qu’à la création d’une commission permanente aux outre-mer.
Car si la Ve République, dans les discours des présidents qui se sont succédé à sa tête, ne manque pas de formuler ses engagements envers l’outre-mer, reconnaissez qu’ils finissent en réalité par se réduire, dans cet hémicycle, à cette petite phrase répétée à l’envi : « les outre-mer sont une chance pour la France. »
« Les » outre-mer – mais de quoi s’agit-il exactement ?
Il est bien trop aisé, mais aussi bien trop fréquent, pour ne pas dire systématique, de les réduire à leur caractéristique commune pour en faire une masse indifférenciée.
Ces outre-mer ont certes en commun – et ce n’est pas la moindre de leurs caractéristiques – de se distinguer, par leur éloignement géographique, du territoire hexagonal, mais ils se différencient également les uns des autres par leurs singularités. Ces singularités appellent des réponses adaptées, et donc une prise en considération des réalités locales.
Le principe de l’appartenance à la République n’est en effet viable que s’il s’accompagne d’un véritable pacte républicain valorisant les différences fécondes et les singularités irréfragables, ouvert à la diversité de ses composantes.
M. Davy Rimane, rapporteur
S’il est vrai pour chacun des territoires ultramarins, ce constat l’est aussi pour l’ensemble des territoires tout court. La création d’une commission permanente aux collectivités territoriales et aux outre-mer est donc pertinente.
En France, la conception unitaire de l’État suppose, depuis 1789, que le droit qui en émane s’applique uniformément sur l’ensemble du territoire. Toutefois, au fil des différentes étapes de la décentralisation, les outre-mer ont été et restent l’illustration que la conception de l’indivisibilité de la République et de l’égalité devant la loi n’implique plus nécessairement l’uniformité de la règle sur l’ensemble du territoire.
À ceux que le terme de différenciation pourrait faire grimacer, je réponds par une citation du juriste et professeur émérite Jacques Caillosse : « Tout processus de décentralisation vaut acceptation d’une dynamique de différenciation ». Cessez donc de vous braquer sur des questions abstraites de syntaxe et concentrez-vous plutôt sur le fait que la différenciation se veut un moyen de mieux répondre aux réalités locales et suppose une traduction concrète pour nos concitoyens.
À ceux qui s’accrochent avec nostalgie à leurs instincts jacobinistes, je rappelle que dans un sondage effectué en 2020, à la demande de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat, une large majorité des personnes interrogées – 68 % pour être exact – se déclaraient favorables à l’adaptation des lois nationales aux spécificités locales.
La présente proposition de loi constitutionnelle appelle donc à un profond changement d’état d’esprit, afin d’améliorer l’adaptation de la règle à la diversité des territoires et des situations locales tout autant que l’efficacité de l’action.
J’appelle les actuels et anciens élus locaux qui se trouvent parmi nous – dont je fais partie – à constituer un contrepoids parlementaire au sein de cette assemblée. En effet, que faisons-nous concrètement face aux freins législatifs qui vont à contre-courant des volontés locales ? Que faisons-nous face à la tendance qui consiste à dévitaliser les collectivités en les privant progressivement de leurs moyens financiers, et donc de leur libre administration ?
Permettez-moi de rappeler une réalité : s’agissant des collectivités, la quasi-totalité du droit relève du domaine législatif. Par conséquent, il est parfaitement logique et légitime qu’une commission permanente leur soit dédiée au sein de notre assemblée.
J’appelle ceux qui se font parfois les grands défenseurs des causes ultramarines, qui brandissent leur appartenance à la délégation aux outre-mer comme caution de leur sincérité, sans jamais avoir mis un pied à ses réunions, à promouvoir une véritable acculturation parlementaire aux enjeux de nos territoires.
J’appelle à créer de véritables ponts entre les océans qui séparent vos circonscriptions hexagonales de nos circonscriptions ultramarines, et plus encore à l’heure où progressent certaines velléités autonomistes, qui sont loin de se limiter aux outre-mer.
J’appelle ceux qui s’opposent à tout retour du cumul des mandats à concevoir qu’entre le tout et le rien, un entre-deux est possible, afin de préserver un lien direct entre parlementaires et réalités locales. Alors que les procès en déconnexion se multiplient, il faut permettre au Parlement d’être constamment attentif aux conséquences de l’application concrète des textes adoptés à l’échelle nationale.
Enfin, je me tourne vers ceux qui brandissent le fait majoritaire, qui s’impose au sein des commissions permanentes, pour expliquer que la création d’une commission permanente aux collectivités territoriales et aux outre-mer conduirait à affaiblir la représentation des Ultramarins et à supprimer la délégation aux outre-mer, dont ils sont membres de droit. Depuis qu’elles ont été instituées, les délégations ont végété un temps, avant de disparaître les unes après les autres pour être remplacées par de nouvelles. Avec ou sans commission permanente, rien ne garantit à la délégation aux outre-mer une vie éternelle. Et compte tenu de l’enthousiasme relativement limité qu’elle suscite parmi ses membres, il est fort probable que son espérance de vie soit limitée.
Le « mieux que rien » n’est pas une réponse acceptable. Une délégation sans pouvoir législatif, ce n’est pas mieux que rien ; une délégation sans moyens humains à la hauteur des enjeux à traiter, ce n’est pas mieux que rien ; une délégation ignorée des ministères, ce n’est pas mieux que rien !
Enfin, si j’ai pu moi-même m’extraire de mon prisme ultramarin pour ne pas proposer un texte tourné exclusivement vers les outre-mer, je vous demanderai de ne pas me considérer – nous considérer – à travers le seul statut d’Ultramarins. Les sujets qui touchent les communes, les départements et les régions de l’Hexagone comme des outre-mer sont partagés.
Je terminerai en citant Laurent Fabius qui considérait, alors qu’il était président de l’Assemblée nationale, que « s’il fallait retenir un critère pour estimer le poids réel du Parlement vis-à-vis de l’exécutif, quel que soit le caractère du régime, ce serait justement la place donnée aux commissions ». (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des outre-mer.
Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée chargée des outre-mer
Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour cette proposition de loi constitutionnelle qui permet d’ouvrir une discussion importante, voire essentielle : celle de la place de nos collectivités, en particulier les territoires d’outre-mer, dans la construction des politiques publiques.
J’ai siégé sur ces bancs en tant que députée pendant plusieurs années et j’y siégeais encore il y a quelques semaines. Je sais donc la qualité des travaux qui y sont conduits, et surtout l’intérêt que porte la représentation nationale à ces sujets. J’ai désormais l’honneur d’occuper les fonctions de ministre chargée des outre-mer et je continue, dans ce cadre, à travailler étroitement avec le Parlement. J’étais hier soir encore dans l’enceinte de ce Palais, auditionnée par les membres de la commission des finances, dans le cadre du Printemps de l’évaluation, au sujet de la lutte contre les sargasses et le chlordécone.
Cela fait donc deux raisons, au moins, pour lesquelles je suis particulièrement sensible aux enjeux de votre proposition de loi constitutionnelle, surtout s’agissant de la prise en compte de la spécificité des territoires ultramarins dans l’élaboration des normes qui ont vocation à s’appliquer sur l’ensemble du territoire national.
Comme vous, monsieur le rapporteur, et nombre des parlementaires ici présents, j’ai la conviction que le réflexe outre-mer est une impérieuse nécessité non seulement pour la construction de la loi, mais aussi pour son application effective et son évaluation. En tant que responsables politiques, nous devons veiller à toujours tenir compte de la grande diversité des outre-mer, de leurs populations et de leurs difficultés, qui diffèrent d’un océan à un autre. Nous savons tous que cela ne va pas de soi.
Je sais aussi que le Parlement, que ce soit dans cette assemblée ou au Sénat, est sensible à ces sujets. La délégation aux outre-mer que vous présidez, monsieur le rapporteur, en est une preuve. Est-elle suffisante ? Existe-t-il d’autres axes d’amélioration pour intégrer davantage, très tôt dans la construction de la loi, les préoccupations de nos concitoyens ultramarins ? Je sais que vos débats en commission ont très largement abordé ces questions.
Cependant, votre proposition de loi constitutionnelle va plus loin et suggère que le bon cadre pour atteindre ces objectifs, que nous partageons, passe nécessairement par la suppression des deux délégations – celle aux collectivités territoriales et à la décentralisation et celle aux outre-mer – et par la création, grâce à une révision de la Constitution, d’une commission permanente au sein de l’Assemblée nationale.
Il est permis de penser, en premier lieu, que la création d’une telle commission permanente aurait un effet contre-productif. Nous souhaitons tous intégrer les spécificités des outre-mer dans la conduite de nos politiques, et non les isoler ni les traiter à part.
Le Gouvernement peut actuellement compter sur des commissions permanentes qui couvrent très largement les champs d’intervention du législateur. Cette approche transversale ne semble pas être un obstacle à la prise en compte des spécificités liées aux collectivités territoriales et aux territoires d’outre-mer. Au contraire, j’ai pu observer, en tant que députée puis en tant que ministre, que les élus de ces territoires apportent un éclairage précieux aux travaux en commission, en plus de permettre à leurs collègues élus de l’Hexagone de mieux appréhender ces sujets. C’est ce qui fait la richesse des débats.
Je sais également que la question de la composition d’une telle commission permanente a été soulevée lors des travaux de la commission, notamment par Hervé Saulignac et Philippe Gosselin, à travers différents aspects.
D’abord, cette commission ne permettrait pas à tous les députés ultramarins, qui sont aujourd’hui membres de droit de la délégation aux outre-mer, de siéger en son sein, puisqu’elle serait nécessairement composée à la proportionnelle des groupes – ce qui lui ferait sans doute perdre un peu de son intérêt.
M. Davy Rimane, rapporteur
Non !
Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée
Elle ne pourrait pas accueillir les vingt-sept députés ultramarins. Compte tenu de la répartition proportionnelle des sièges, monsieur le rapporteur, seuls deux ou trois des dix députés ultramarins que compte le groupe GDR-NUPES, auquel vous appartenez, pourraient en faire partie.
M. Davy Rimane, rapporteur
Ce n’est pas grave. Ce n’est pas le débat !
M. Jean-Paul Mattei
Mme la ministre a raison !
M. Davy Rimane, rapporteur
Mais cela ne change rien !
Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée
Dans le même temps, cette commission regrouperait inévitablement de nombreux élus ultramarins qui, par construction, ne pourraient plus participer aux travaux des autres commissions permanentes et y apporter leur regard et leur compréhension de ces territoires.
La question de la composition semble également se poser, de manière générale, pour tous les députés qui y siégeraient et qui se verraient, de fait, privés de la transversalité territoriale et des travaux conduits dans les commissions thématiques.
Par-delà cette question, vos discussions ont soulevé le problème de l’articulation de ses travaux avec ceux des autres commissions. Il serait délicat d’instituer une telle commission, puisqu’elle serait par nature concernée par l’ensemble des propositions et des projets de lois. Peut-être considérez-vous qu’elle pourrait être systématiquement saisie pour avis, sur chaque texte ? C’est un risque qui a été soulevé lors de vos travaux en commission par Marie-Agnès Poussier-Winsback.
Mesdames et messieurs les députés, il ne revient pas au Gouvernement de prendre position sur le fonctionnement et l’organisation de l’Assemblée nationale. En revanche, ce que nous pouvons observer et ce que je peux affirmer pour avoir longtemps siégé sur ces bancs, c’est que nous parvenons ensemble, parlementaires et membres du Gouvernement, à travailler afin d’améliorer le quotidien de nos concitoyens dans les collectivités et dans les territoires ultramarins en particulier.
À cet égard, je veux saluer les travaux conduits par les deux délégations dont il est proposé d’opérer la fusion. La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, d’une part, et la délégation aux outre-mer, d’autre part, sont des structures qui répondent au besoin de prendre en considération les territoires dans l’élaboration et le suivi de la loi. Elles sont chargées d’informer, d’évaluer et de mener des réflexions en coordination avec les commissions. Leur champ d’intervention couvre donc toute la compétence du législateur. En d’autres termes, ces délégations ont non seulement pour objet d’anticiper l’impact des normes sur les collectivités et de s’assurer du respect du principe de libre administration, mais aussi de sensibiliser la représentation nationale aux enjeux de ces territoires, qu’ils se situent dans l’Hexagone ou dans les outre-mer.
Je pense donc que les buts poursuivis par votre proposition de loi constitutionnelle, monsieur le rapporteur, sont déjà satisfaits par les objectifs que se fixent les délégations.
M. Jocelyn Dessigny
Ou pas !
Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée
J’aimerais surtout rappeler que le Parlement, en particulier l’Assemblée nationale, œuvre considérablement pour améliorer le quotidien de nos concitoyens ultramarins, sans avoir recours à une commission permanente dédiée. J’en ai fait l’expérience et je continue de la faire.
La situation pourrait-elle être améliorée ? De nouveau, il ne revient pas au Gouvernement de se prononcer ni de formuler un avis sur cette question centrale qui relève du fonctionnement des organes de l’Assemblée nationale. Elle a été évoquée en commission, que ce soit par Catherine Couturier, qui s’est montrée favorable à la création d’un groupe de travail pour réfléchir à l’organisation et au rôle des délégations, ou par David Valence et Philippe Gosselin, qui ont suggéré la création d’une commission non permanente, sur le modèle de la commission des affaires européennes. Ce sont des pistes de travail qui nous paraissent cohérentes.
Je sais que la représentation nationale est particulièrement concernée, tout comme je le suis, par l’avenir de nos collectivités et par celui des territoires d’outre-mer en particulier. Je sais qu’elle saura avancer en bonne intelligence afin d’améliorer, comme elle l’entend et si elle l’entend, la fabrication et l’évaluation de la loi. Le Gouvernement, pour sa part, ne juge pas qu’il faille modifier la Constitution dans un tel cadre. C’est pourquoi il est défavorable à l’adoption de cette proposition de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)
Discussion générale
Mme la présidente
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa Faucillon
Je parle ce soir au nom du groupe GDR, composé pour moitié de députés ultramarins. Ils sont souvent définis comme tels, alors qu’ils sont aussi, et avant tout, des députés de gauche, progressistes, indépendantistes, qui défendent la justice sociale et environnementale.
Nos travaux communs m’ont appris – nous ont appris – combien les réalités ultramarines sont riches de diversité. Or, dans les textes, ces réalités aux multiples visages sont souvent réduites à un ou deux articles chapeautés du titre générique « Dispositions relatives à l’outre-mer ».
Le texte que nous examinons vise justement à mettre en lumière ce manque de considération, voire, dans certains cas, ce clair mépris, à l’égard de nos compatriotes ultramarins. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Ce mépris, qui est bien au cœur de la question coloniale, revêt une résonance particulière pour les habitants des territoires inscrits sur la liste des territoires non autonomes de l’ONU, comme pour ceux des départements qui ont vécu la domination coloniale et les atrocités qu’elle a entraînées.
Le travail accompli au quotidien par l’ensemble des députés ultramarins du groupe GDR-NUPES – et plus largement de l’Assemblée nationale – et par mon collègue Davy Rimane, président de la délégation aux outre-mer, montre la nécessité de prendre en compte la diversité des réalités locales et de les appréhender dans leur singularité. Adopter ce texte donnerait de véritables moyens pour y travailler au sein du Parlement : des moyens humains, matériels et financiers, tels que la mise à disposition d’une équipe de fonctionnaires, d’une salle de réunion et de crédits pour payer les frais de mission ou d’études. Cela offrirait également davantage de moyens légistiques – dont les délégations parlementaires ne disposent pas –, tels que la faculté de déposer des amendements et de demander la création d’une commission spéciale ou d’une commission d’enquête.
Par ailleurs, la création d’une commission permanente aux collectivités territoriales et aux outre-mer permettrait à la représentation nationale de légiférer de manière éclairée sur les réalités locales ultramarines. Au cours des maigres débats qui ont animé l’Assemblée nationale suite aux événements survenus en Nouvelle-Calédonie, nous avons mesuré combien le temps de débat, d’appréhension et d’appropriation des réalités et des spécificités des territoires et des départements ultramarins – en l’occurrence de la Nouvelle-Calédonie – manquait à de nombreux députés pour mieux comprendre la situation. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, et Écolo-NUPES.)
Trop souvent, les « Dispositions relatives à l’outre-mer », qui figurent d’habitude parmi les derniers articles des textes, renvoient à des ordonnances sur lesquelles les représentants de la nation – qui plus est les députés ultramarins – n’ont aucune marge de manœuvre. Quasi systématiquement, les adaptations rendues nécessaires par la spécificité des territoires ultramarins sont omises dans les textes, qu’ils soient d’initiative parlementaire ou gouvernementale, ou bien renvoyées à des ordonnances. Et même quand cela est prévu, le temps de débat qui y est réservé est très limité et un mépris ou un manque de considération s’expriment à l’encontre des députés ultramarins – on leur explique qu’ils connaissent moins bien leurs propres réalités territoriales que le Gouvernement.
M. Jean-Philippe Nilor
Très bien, madame !
Mme Elsa Faucillon
Cette manière de légiférer a été largement documentée et dénoncée, notamment par des parlementaires. Je pense au rapport sénatorial de 2020 intitulé « Différenciation territoriale outre-mer : quel cadre pour le sur-mesure ? ». Il s’agit ni plus ni moins d’une rupture d’égalité entre les citoyens ultramarins et ceux de l’Hexagone.
Au cours de nos débats en commission des lois, j’ai entendu des collègues qui, tout en soulignant l’intérêt porté aux réalités ultramarines, rejetaient ce texte au motif que les demandes formulées par Davy Rimane ne permettraient pas de renforcer l’attention à ces questions. Nous nous sommes posé la question suivante : si vous considérez que les réalités, les spécificités et les habitants des territoires ultramarins n’occupent pas suffisamment de place dans les débats parlementaires et que nous devons y porter davantage d’intérêt et y accorder davantage de considération, quelles évolutions du fonctionnement de l’Assemblée nationale proposez-vous pour y parvenir ?
Nous espérons que le débat d’aujourd’hui, malheureusement trop court – nous appelons à ce qu’il soit prolongé –, nous permettra d’y répondre ensemble. En défendant cette proposition de loi constitutionnelle, Davy Rimane s’intéresse moins au nombre de places dont disposeraient les députés ultramarins dans une ou plusieurs commissions qu’aux places des députés hexagonaux qui s’approprient ces problématiques, étudient les besoins et les réalités des outre-mer, et y réfléchissent. En défendant cette proposition de loi, nous demandons que l’ensemble des députés de la nation qui siègent sur ces bancs se préoccupent sincèrement de la situation des outre-mer – et pas seulement par bonté d’âme pour souligner au détour d’une phrase ou d’un discours l’importance des outre-mer. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES.) Nous voulons que les réalités néocoloniales ne soient pas niées, mais prises en compte dans toutes les dispositions législatives.
Enfin, les discours sur l’indivisibilité et l’unité de la République, dont je reconnais l’importance – en tant que députés de la nation, nous y souscrivons tous –, ne peuvent servir de couvercle posé sur les spécificités des outre-mer. C’est bien cela qui nous anime ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac
Ce texte aurait très bien pu être déposé par les membres du groupe LIOT, tant l’idée est bonne. (Sourires) Je partage pleinement vos constats : les travaux parlementaires ne laissent actuellement que peu de place au réflexe outre-mer et à la différenciation territoriale. Nous sommes capables de faire du prêt-à-porter, mais pas du sur-mesure – et bien souvent, nous ne faisons pas de la haute couture, mais plutôt du tout-venant. La cote est parfois mal taillée – c’est le moins qu’on puisse dire. Permettez-moi ici de souligner un paradoxe. Nombre des textes que la commission des lois a examinés depuis le début de l’année sont relatifs aux collectivités territoriales et aux outre-mer : la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux, celle revalorisant le métier de secrétaire de mairie, celle encadrant le cumul des mandats, le projet de loi relatif à la Polynésie française et, dernièrement, le projet de loi relatif à la Nouvelle-Calédonie.
Les membres de la commission des lois n’ont pas chômé. Je l’ai pourtant constaté à plusieurs reprises : même lorsque nous consacrons des heures de débat aux collectivités et à la pluralité des territoires, l’élaboration même de la loi nous conduit presque toujours à rédiger des normes uniformes. Rares sont les textes qui prévoient des marges de manœuvre au niveau local – c’est pourtant une disposition constitutionnelle. Les projets de loi se terminent souvent par un titre « Dispositions diverses », qui prévoit une transposition uniforme des mesures dans les outre-mer. Le problème est qu’avec cette méthode, le caractère inadapté de certains textes ne se révèle souvent qu’a posteriori.
Preuve que nous sommes tous conscients de ces difficultés, l’Assemblée s’est dotée en 2012 d’une délégation aux outre-mer puis, en 2017 seulement, d’une délégation dédiée aux collectivités. Outre ces premiers pas en direction des élus locaux, je salue les initiatives du président de la commission des lois, en particulier à l’égard de Mayotte et de la Corse.
Nous devons maintenant aller plus loin. Si les délégations parlementaires présentent un intérêt certain, leurs moyens sont limités et elles ont rarement le temps de se saisir pour avis de tous les textes. La création d’une commission unique aux collectivités territoriales et aux outre-mer permettrait de consacrer plus de moyens à la poursuite d’une réelle différenciation territoriale. Cette nouvelle commission, douée d’une vision d’ensemble, contribuerait à renforcer la culture de la décentralisation et de la différenciation dans les travaux parlementaires. Les prochains textes qui, je l’espère, seront examinés dans notre assemblée – notamment la réforme constitutionnelle relative à l’avenir institutionnel de la Corse et les projets de loi relatifs à Mayotte – témoignent