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N° 1968

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2009.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2010 (n° 1946)

TOME III

CULTURE

PATRIMOINES

Par M. Marc BERNIER,

Député.

___

Voir le numéro : 1967 (annexe n° 9).

INTRODUCTION 5

I.- LE BUDGET DE LA CULTURE EN 2010 : UN SOUTIEN SANS PRÉCÉDENT AU PATRIMOINE MONUMENTAL 7

A. LE PATRIMOINE MONUMENTAL : UN EFFORT CONSÉQUENT 8

B. LES MUSÉES 12

C. LES CRÉDITS CONSACRÉS AUX ARCHIVES 14

D. LE PATRIMOINE ÉCRIT ET DOCUMENTAIRE 14

II.- PATRIMOINES ET HANDICAP : ÉTAT DES LIEUX ET PERSPECTIVES 17

A. LA LÉGISLATION APPLICABLE 18

1. Les grands principes d’accessibilité prévus par la loi s’appliquent à l’ensemble des bâtiments recevant du public 18

2. Des dérogations sont prévues, notamment pour le secteur du patrimoine 20

3. Un premier bilan de l’application de la réglementation : des zones d’ombre persistent 21

B. LES MODALITÉS DE MISE EN œUVRE DE LA LOI ET LA PRISE EN COMPTE DES HANDICAPS DANS LE SECTEUR DU PATRIMOINE 23

1. Le renforcement de l’engagement des établissements publics du ministère en faveur du handicap 24

a) Dans les musées nationaux 24

b) Dans les monuments historiques 26

2. La formation des professionnels du secteur : un travail de longue haleine 30

a) La formation initiale : une intégration dans les programmes qui a pris du retard 30

b) La formation continue : un investissement important et constant du ministère et des établissements sous sa tutelle mais des pratiques qui peinent à se diffuser 32

3. Le soutien et le conseil aux institutions patrimoniales locales ou privées : l’importance du rôle des directions régionales des affaires culturelles 33

4. La question de la circulation de l’information 34

C. LA PROBLÉMATIQUE DU FINANCEMENT DES TRAVAUX DE MISE EN ACCESSIBILITÉ 35

1. Le tarissement du fonds interministériel pour l’accessibilité aux handicapés des bâtiments appartenant à l’État (FIAH) 35

2. L’absence de crédits budgétaires spécifiques 36

a) S’agissant des monuments et établissements dépendant du ministère de la culture 37

b) S’agissant des institutions ou monuments privés ou locaux 38

3. La question du régime fiscal 39

CONCLUSION 41

TRAVAUX DE LA COMMISSION 43

I.- AUDITION DU MINISTRE 43

II.- EXAMEN DES CRÉDITS 85

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 91

ANNEXES 93

INTRODUCTION

Le 12 décembre 2007, le Conseil de modernisation des politiques publiques annonçait sa volonté de « recentrer l’administration centrale du ministère de la culture et de la communication sur ses fonctions plus prospectives de pilotage et de stratégie ». Cette réforme devait permettre de « passer de dix directions à quatre ou cinq grandes directions centrées sur les principales missions du ministère », mais également de supprimer les « doublons entre la direction de l’administration générale, les directions opérationnelles et les opérateurs ».

Historiquement exercées par dix directions, les activités du ministère vont donc être recentrées à partir de 2010 sur quatre entités :

− la direction générale des patrimoines, qui regroupera les actuelles directions des musées de France (DMF), des archives de France (DAF) et de l’architecture et du patrimoine (DAPA) ;

− la direction générale de la création artistique, qui regroupera les actuelles direction de la danse, de la musique, du théâtre et des spectacles (DMDTS) et délégation aux arts plastiques ;

− la direction générale des médias et des industries culturelles, qui regroupera l’actuelle direction du livre et de la lecture (DLL) et la direction du développement des médias (DDM), jusqu’alors service du premier ministre ;

Subsistera par ailleurs un secrétariat général rénové.

Cette architecture a été validée en avril 2008 lors d’un nouveau Conseil de modernisation des politiques publiques. Le décret et les cinq arrêtés d’application ont été rédigés et font désormais l’objet d’une consultation formelle auprès des représentants du personnel. Cette nouvelle organisation, fruit d’une réflexion de longue haleine sur les missions et les objectifs assignés au ministère de la culture, devrait donc être opérationnelle au 1er janvier 2010, soit 51 ans après sa création.

2010 sera également la première année de « plein exercice » de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de notre Assemblée, créée le 1er juillet dernier suite au vote de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République. Il aura donc fallu attendre cinquante et un ans pour que l’Assemblée nationale, comme le Sénat, dispose enfin d’une commission spécialisée sur ces questions fondamentales pour l’avenir de notre pays. Le rapporteur pour avis s’en réjouit.

S’agissant des avis budgétaires, la création de la commission a conduit, sur le modèle des rapports spéciaux de la commission des finances, à « scinder » l’avis budgétaire sur la mission « Culture » précédemment rédigé au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en deux avis distincts, un relatif aux programmes « Création » et « Transmission des savoirs », attribué à M. Marcel Rogemont, député d’Ille-et-Vilaine, et le présent avis, relatif au programme « Patrimoines ».

Les programmes de la mission « Culture » ne subissent quant à eux pas de changements de périmètre. Le programme « Patrimoines » regroupe huit actions assurées par chacune des directions sectorielles concernées et une action transversale consacrée aux acquisitions. Le programme « Création » rassemble quatre actions couvrant les crédits destinés au soutien de la création et de la diffusion et le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » vise à mieux coordonner les politiques transversales dans le domaine des enseignements supérieurs, de l’éducation artistique ou de l’action internationale. Il comporte quant à lui six actions.

Après avoir rapidement analysé le contenu du budget du programme dont il a la charge pour 2010, le rapporteur pour avis s’attachera à étudier un secteur de l’action culturelle, ainsi que l’a décidé le bureau de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Son choix s’est porté cette année sur la question de l’accessibilité de nos musées et monuments aux personnes handicapées.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre 2009 la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, seulement 73 % des réponses étaient parvenues au rapporteur pour avis. Le rapporteur pour avis le regrette, ces documents contribuant très efficacement à la compréhension des enjeux budgétaires.

I.- LE BUDGET DE LA CULTURE EN 2010 :
UN SOUTIEN SANS PRÉCÉDENT AU PATRIMOINE MONUMENTAL

Hors ressource extrabudgétaire, la mission « Culture » sera dotée en 2010 de 2 878,28 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 1,19 % par rapport à 2009) et de 2 917,76 millions d’euros en crédits de paiement (+ 4,81 % par rapport à 2009).

Évolution du budget de la mission culture 2010
(à périmètre constant – ressources extrabudgétaires 2009 incluses)

 

LFI 2009

PLF 2010

Variation %

(En millions d’euros)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Patrimoines *

Ressource extra budgétaire

893,90

20

968,85

20

1 036,75

1 093,63

+ 15,98
+ 13,44

+ 12,88
+ 10,60

Création *

Ressource extra budgétaire

890,68

15

748,36

15

763,89

765,76

- 14,23
- 15,65

+ 2,32
+ 0,31

Transmission des savoirs *

455,67

462,52

483,76

464,50

+ 6,16

+ 0,43

Dépenses de personnel

604,17

604,17

593,88

593,88

- 1,70

- 1,70

Total hors ressource extra budgétaire

2 844,42

2 783,9

2 878,28

2 917,76

+ 1,19

+ 4,81

Total avec ressource extra budgétaire

2 879,42

2 818,9

2 878,28

2 917,76

- 0,04

+ 3,51


*
Hors dépenses de personnel

Source : ministère de la culture et de la communication

En 2010, selon le ministère de la culture, les crédits de paiement affectés dans les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) seront globalement en augmentation, « tout particulièrement dans le domaine de l’entretien et de la restauration des monuments historiques ». Par conséquent, la répartition des crédits évoluera en faveur des DRAC, dont la part au sein des crédits de la mission progressera (35,3 % des crédits – hors crédits de personnel – contre un peu moins de 34 % en 2009). Le rapporteur pour avis s’en félicite.

S’agissant plus spécifiquement du programme « Patrimoines » dont le rapporteur pour avis a la charge, la dotation globale annoncée est de 1 093,63 millions d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de près de 13 % par rapport à l’année dernière. De même, globalement, s’agissant des autorisations d’engagement, on constate une augmentation conséquente, à 1 036,75 millions d’euros (+ 15,98 % par rapport à 2009). Cette très forte hausse est principalement due à l’effort budgétaire important consenti par le Gouvernement en faveur du patrimoine monumental et, dans une moindre mesure, à l’augmentation des dotations aux archives, dans le cadre de la construction du centre de Pierrefitte.

Répartition prévisionnelle des crédits du programme « Patrimoines »

 

LFI 2009

PLF 2010

Variation %

(En millions d’euros)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Patrimoine monumental et archéologie

Ressource extra budgétaire

262,75

20

303,50

20

340,30

394,65

+ 29,51

+ 20,35

+ 30,03

+ 21,99

Architecture

21,85

22,30

22,01

22,46

+ 0,73

+ 0,72

Musées

336,13

340,56

346,25

345,95

+ 3,01

+ 1,58

Archives et célébrations nationales

22,91

49,26

35,08

70,26

+ 53,12

+ 42,63

Patrimoine écrit et documentaire

207,39

208,77

250,24

216,56

+ 20,66

+ 3,73

Patrimoine cinématographique

20,87

22,47

20,87

21,76

0

- 3,16

Patrimoine linguistique

2,50

2,50

2,50

2,50

0

0

Acquisition et enrichissement des collections publiques

19,49

19,49

19,49

19,49

0

0

Total hors dépenses de personnel

893,89

968,85

1 036,74

1 093,63

+ 15,98

+ 12,88

Dépenses de personnel

155,57

155,57

155,84

155,84

+ 0,17

+ 0,17

Total

1 049,47

1 124,42

1 192,58

1 249,46

+ 13,64

+ 11,12

Total avec ressource extra budgétaire

1 069,47

1 144,42

1 192,58

1 249,46

+ 11,51

+ 9,18

Source : ministère de la culture et de la communication

A. LE PATRIMOINE MONUMENTAL : UN EFFORT CONSÉQUENT

Lors de l’inauguration de la Cité de l’architecture et du patrimoine en septembre 2007, le Président de la République avait déclaré : « la sauvegarde du patrimoine suppose […] des moyens importants et un effort constant. Je souhaite la rétablir comme un objectif important de notre politique culturelle ». Il avait souhaité que 400 millions d’euros soient consacrés annuellement au patrimoine monumental. Puis, plus récemment, à Nîmes, lors de ses vœux aux acteurs de la culture, il a clairement réaffirmé cette priorité : « Christine Albanel m’a indiqué qu’elle avait besoin de 100 millions d’euros de plus par an à consacrer à la rénovation et à l’entretien de notre patrimoine protégé. J’ai donc décidé d’inscrire 100 millions d’euros de plus au budget du ministère de la culture, ce qui fait que, rien qu’en 2009, le ministère de la culture consacrera 400 millions à l’entretien de notre patrimoine ».

Le rapporteur se félicite que la parole présidentielle soit si rapidement suivie d’effets, d’autant que les rapports alarmants se sont multipliés au cours des dernières années : le rapport de notre collègue Christian Kert (1) il y a tout juste trois ans était on ne peut plus explicite sur les dangers du désengagement budgétaire dans le secteur du patrimoine monumental. Il y a deux ans, Patrick Bloche, alors rapporteur budgétaire pour avis, s’inquiétait également de la situation (2).

Rappelons que ne figurent pas dans le tableau ci-dessus les crédits du plan de relance du Gouvernement réservés aux monuments historiques qui se sont élevés à 56,5 millions d’euros, ce qui fait qu’en additionnant crédits budgétaires, ressource extra budgétaire et plan de relance, on atteint déjà en 2009 380 millions d’euros. En 2010, les crédits alloués au patrimoine monumental et à l’archéologie progresseront de près de 30 % par rapport à 2009 (hors les crédits non budgétaires précédemment décrits). L’effort est conséquent et devrait enfin permettre d’entretenir et de restaurer correctement nos monuments historiques. Hors crédits de personnel et extrabudgétaires, ce sont près de 80 millions d’euros additionnels qui ont été dégagés en autorisations d’engagement et plus de 90 millions d’euros en crédits de paiement.

Dans ce contexte, on ne peut que regretter que les 20 millions d’euros des ressources extrabudgétaires issues du compte d’affection spécial (CAS) « immobilier » qui auraient du être versés au Centre des monuments nationaux au titre du budget 2009 ne le soient toujours pas. Selon les informations communiquées par le ministère de la culture au rapporteur pour avis, ce versement dépend uniquement du ministère du budget, qui considère qu’il est conditionné par les ressources du CAS immobilier. Un versement rapide doit désormais intervenir, faute de quoi les opérations ne pourront être lancées avant la fin de l’année.

Répartition des crédits en faveur du patrimoine monumental et archéologique (2007-2010)

 

LFI 2007

LFI 2008

LFI 2009

PLF 2010

(En millions d’euros)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Patrimoine monumental et archéologique*

403,89

412,4

374,56

333,48

306,20

346,94

365,08

419,43

Dont dépenses de personnel

27,28

27,28

21,57

21,57

23,44

23,44

24,77

24,77

Dont titre 3 (principalement entretien sur les monuments appartenant à l’État)

+ crédits extrabudgétaires


58,55

70


63,05

140


131,19


139,49


66,66

20


77,66

20


99,92


103,92

Dont titre 5 (investissement monuments État ou maîtrise d’ouvrage État)

82,17

79,87

50

44,55

87,06

80,97

105,87

114,12

Dont titre 6 (intervention sur monuments n’appartenant pas à l’État – entretien ou investissement)

165,9

102,21

171,8

127,86

109,02

144,87

134,52

176,62

* Dépenses de personnels et ressources extrabudgétaires incluses

Source : ministère de la culture et de la communication

Par ailleurs, selon les informations communiquées par le ministère, dans les services déconcentrés, les crédits de restauration augmenteront de 17,83 millions d’euros en crédits de paiement pour les monuments historiques appartenant à l’État et de 21,27 millions d’euros en crédits de paiement pour les monuments n’appartenant pas à l’État. Cela représente une hausse globale de 24 % bienvenue car les crédits ont connu de fortes tensions en région au cours des années passées et un certain nombre d’opérations sont encore bloquées. Pour autant, il convient de garder à l’esprit que les tensions que vont enregistrer les budgets des collectivités locales dans les prochaines années risquent, si les arbitrages budgétaires locaux sont défavorables, de freiner l’aboutissement des projets et de diminuer en conséquence les taux de consommation des crédits.

Sur cette action « patrimoine monumental et archéologique », sont également soutenus les projets des établissements publics sous la tutelle du ministère : 20 millions d’euros sont ainsi prévus en autorisations d’engagement et 25 millions d’euros en crédits de paiement pour Versailles, dans le cadre de la première phase de son schéma directeur qui encadre les travaux de modernisation et de mise aux normes de l’établissement (mise en sécurité et modernisation des réseaux, amélioration de l’accueil des visiteurs, modernisation des lieux d’activité et restauration du patrimoine). L’exécution de ce schéma, lancé en 2003 pour un montant de 135 millions d’euros (valeur 2001), actualisé à 159 millions d’euros, devait initialement aboutir en 2009, mais le bouclage a été décalé à 2011 pour des raisons budgétaires.

À titre d’exemple, en 2009, les crédits de paiement inscrits à hauteur de 24 millions d’euros ont seulement permis le financement partiel d’opérations déjà lancées – Grand Commun, Opéra Royal, galerie technique et travaux de mise en sécurité, ailes des Ministres. En complément du financement de l’État, l’établissement s’est largement mobilisé sur ses ressources propres, à hauteur de 8,3 millions d’euros, soit près du tiers des montants investis par l’État.

L’importance du soutien fiscal au secteur

Dans ce contexte, il convient de préserver et d’améliorer le régime fiscal propre aux monuments historiques. Ainsi, le rapporteur se réjouit que l’article 18 de la loi n° 2009-179 du 17 février 2009 pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement public et privé ait modifié les articles 200 et 238 bis du code général des impôts pour permettre aux monuments historiques privés ayant des recettes commerciales supérieures à 60 000 euros par an de bénéficier du dispositif du mécénat dans certaines conditions, ce point ayant été soulevé par le rapporteur pour avis l’an passé(3). Pour autant, il convient que le ministère des finances publie enfin les deux instructions fiscales qui permettront de donner sa pleine portée à cette disposition.

Plus largement, le rapporteur estime fondamental que le ministère de la culture dispose enfin de données fiables sur l’impact du mécénat dans le secteur culturel afin de pouvoir démontrer clairement l’intérêt du soutien fiscal au secteur. Il souhaite que l’évaluation de la loi n° 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations dans le domaine culturel, actuellement réalisée par le département des études et de la prospective du ministère et dont les résultats devraient être connus sous deux ans, soit communiquée à la commission. Dans le même ordre d’idées, il est regrettable que l’enquête sur les Pratiques locales de mécénat culturel, menée à bien par le même département et publiée très récemment(4), ne livre pas de données chiffrées exhaustives sur ce sujet, mais explore uniquement seize « opérations illustratives », au demeurant fort intéressantes.

La poursuite du plan de relance en 2010

Rappelons que les crédits budgétaires en faveur de l’entretien et de la restauration des monuments historiques seront également augmentés du fait de la poursuite du plan de relance sur 2010. Ces moyens supplémentaires serviront notamment à financer la poursuite du schéma directeur de Versailles, mais également d’autres chantiers en région.

Le volet « Culture » du plan de relance s’est élevé globalement, sur 2009 et 2010, à 100 millions d’euros, permettant non seulement de lancer ou d’accélérer un grand nombre de chantiers consacrés aux monuments historiques sur l’ensemble du territoire mais également de réduire les délais de réalisation de plusieurs projets d’investissement portés par le ministère de la culture et de la communication, hors patrimoine monumental. La totalité des 100 millions d’euros d’autorisations d’engagement est ouverte en 2009, l’échéancier prévisionnel reposant sur une consommation des crédits de paiement de 80 millions d’euros en 2009 et 20 millions d’euros en 2010. Ont ainsi été identifiées 263 opérations dont 230 concernent des restaurations de monuments historiques. Cette programmation, qui constitue la liste principale du plan de relance, a été validée par le Comité interministériel pour l’aménagement et la compétitivité des territoires (CIACT) du 2 février dernier.

Répartition des crédits du plan de relance

(En millions d’euros)

AE (2009)

CP

Part des CP

dont CP 2009
(80 %)

dont CP 2010
(20 %)

Monuments historiques

68,20

64,91

65 %

51,95

65 %

12,96

65 %

dont Louvre

2,00

2,00

2 %

1,60

2 %

0,40

2 %

Grands projets

5,00

6,00

6 %

4,80

6 %

1,20

6 %

dont Fort Saint-Jean (MUCEM)

1,00

2,00

2 %

1,60

2 %

0,40

2 %

dont Versailles

3,00

3,00

3 %

2,40

3 %

0,60

3 %

Dont BNF (Richelieu)

1,00

1,00

1 %

0,80

1 %

0,20

1 %

Total patrimoine monumental

73,20

70,91

71 %

56,75

71 %

14,16

71 %

Total plan de relance pour la culture

100,00

100,00

100 %

80,00

100 %

20,00

100 %

Source : ministère de la culture et de la communication

Les crédits alloués par le plan de relance au secteur sont répartis en trois catégories :

− les cathédrales : 47 opérations financées sur les 86 cathédrales que possède l’État ;

− les grands monuments appartenant ou non à l’État : 71 opérations ;

− les petites communes : 109 opérations portant principalement sur des édifices religieux.

La liste des opérations retenues concerne essentiellement des opérations prêtes ou quasi-prêtes, qui voient, grâce aux crédits complémentaires, leur réalisation s’accélérer ou s’achever. Le plan de relance a également permis de lancer quelques opérations reportées faute de crédits suffisants, telles la restauration des Halles du Boulingrin à Reims (2,8 millions d’euros), du transept de la cathédrale de Tours (3,1 millions d’euros) ou des façades du hangar Y à Meudon (1,5 millions d’euros). En septembre 2009, 194 des près de 230 opérations portant sur des monuments historiques ont démarré. La consommation constatée au 14 septembre pour les monuments historiques est de 56,01 millions d’euros d’autorisations d’engagement (77 % de taux d’exécution) et 30,61 millions d’euros de crédits de paiement (54 %). Fin 2009, le ministère prévoit une consommation totale ou quasi-totale des crédits 2009 du plan de relance.

B. LES MUSÉES

Les crédits de paiement de l’action sont en hausse de 1,58 %, soit une augmentation de plus de 5 millions d’euros, alors que les autorisations d’engagement augmentent de plus de 3 %, soit 10,12 millions d’euros additionnels, à 346,25 millions d’euros. La hausse des crédits de paiement servira principalement deux objectifs : continuer les travaux d’urgence des Galeries nationales du Grand Palais entamés en 2008 – 3,72 millions d’euros en crédits de paiement sont prévus pour la Réunion des musées nationaux à ce titre – mais également apurer les restes à payer dans les directions régionales des affaires culturelles, au titre d’engagements passés non encore honorés – 1 million d’euros est prévu à ce titre.

Le point sur la gratuité dans les musées

Depuis le 4 avril 2009, les jeunes de moins de 26 ans résidant dans un pays de l’Union européenne ou dans un pays de l’Espace économique européen et les enseignants peuvent entrer gratuitement dans les musées et les monuments nationaux. Là où des comparaisons fiables peuvent être effectuées, l’impact des mesures de gratuité pour les jeunes et les enseignants semble relativement significatif pour les mois d’avril, mai et juin 2009. On estime à environ 15 % en moyenne l’augmentation des jeunes sur l’ensemble des établissements concernés. Le montant compensatoire des pertes de recettes des droits d’entrée est estimé à 30 millions d’euros pour les musées et monuments nationaux. Il sera versé sur justificatifs fournis par tous les établissements concernés devant comptabiliser ces entrées gratuites par des contremarques.

Quelques grandes tendances quantitatives peuvent être notées :

− sur un échantillon de 50 monuments non concernés par l’expérimentation de gratuité totale l’an passé, le CMN relève une progression de 120 % de la fréquentation des moins de 26 ans et de 105 % pour les enseignants.

− aux Arts décoratifs, la fréquentation des 18-25 ans est en hausse de 40 %, celle des enseignants de 12 % ;

− au musée de Cluny, les 18-25 ans, qui représentaient environ 3 % de la fréquentation, en constituent près de 9 % en avril ;

− au Quai Branly enfin, le nombre de visiteurs jeunes et enseignants s’est respectivement accru de 17 et 6,4 % ;

− dans d’autres établissements, l’impact des mesures est pour l’heure peu perceptible.

Le rapporteur pour avis regrette de ne pouvoir bénéficier d’éléments de bilan plus qualitatifs afin de mieux cerner l’intérêt de cette mesure pour les catégories de population les plus éloignées de la culture. Selon les informations communiquées par le ministère, le suivi de cette mesure ne permet pas pour le moment de prendre en compte de façon systématique l’éloignement initial de ce public par rapport à la culture. Les analyses qualitatives relèvent aujourd’hui de chaque établissement, notamment dans le cadre de sa politique des publics, de son action éducative, de sa pratique pédagogique. Ces objectifs sont, bien entendu, inscrits dans les contrats de performance qui lient le ministère à ses opérateurs. L’analyse de la démocratisation de l’accès au patrimoine culturel sera plus systématique dès lors que la nouvelle direction générale des patrimoines sera effective puisqu’elle disposera d’un département des publics chargé de ces études notamment qualitatives sur l’ensemble du champ des patrimoines.

Le chantier du musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MUCEM)

Selon le ministère, la hausse des autorisations d’engagement de l’action « musées » est principalement liée au projet de musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MUCEM). 16,93 millions d’euros sont inscrits à ce titre en autorisations d’engagement sur l’action : 14,93 millions d’euros pour la construction du bâtiment de M. Rudy Ricciotti et 2 millions d’euros pour le chantier des collections.

Crédits prévus au PLF 2010 au titre du MUCEM

(en millions d’euros)

AE

CP

Fort Saint-Jean

Action 1

6,78

7,72

Crédits « patrimoine monumental »

6,78

7,72

Bâtiment Riciotti

Action 3

14,93

2,00

Chantier des collections

Action 3

2,00

2,00

Crédits « musées »

16,93

4,00

TOTAL

23,71

11,72

Source : ministère de la culture et de la communication

Rappelons que le projet du MUCEM comporte deux volets :

− Le volet « monument historique » avec la restauration du Fort Saint-Jean, monument classé (6,78 millions d’euros en autorisations d’engagement en 2010) rattaché à l’action « patrimoine monumental » ;

− Le volet muséal à proprement parler, inscrit sur la présente action, qui inclut le bâtiment de M. Rudy Ricciotti, mais également le chantier des collections.

C. LES CRÉDITS CONSACRÉS AUX ARCHIVES

Les crédits s’élèveront en 2010 à 35,08 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 53,12 %) et 70,26 millions d’euros en crédits de paiement (+ 42,63 %).

Cette très forte hausse, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement, s’explique principalement par la poursuite des travaux du centre des archives nationales de Pierrefitte, qui accueillera les archives centrales de l’État postérieures à 1790 et disposera d’une capacité de réserve pour les trente années à venir avec 320 kilomètres de linéaire de rayonnage. La dotation 2010 pour ce chantier s’élève à 21,97 millions d’euros en autorisations d’engagement et 53,3 millions d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 15,08 millions d’euros en autorisations d’engagement et 19,20 millions d’euros en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2009.

Le marché de travaux a été notifié en mai 2009 et les travaux sont prévus pour durer 31 mois, avec livraison du bâtiment à la fin 2011 et une ouverture début 2013 après le déménagement des archives prévu pour durer quatorze mois. Le centre fonctionnera en réseau avec les sites de Paris et de Fontainebleau, au sein du service à compétence nationale « Archives nationales ».

Par ailleurs, sur cette action, sont également financés les travaux de modernisation du système incendie du site de Fontainebleau, à hauteur de 1,7 millions d’euros en crédits de paiement.

D. LE PATRIMOINE ÉCRIT ET DOCUMENTAIRE

Cette action connaît en 2010 une hausse de plus de 20 % en autorisations d’engagement et de près de 3,73 % en crédits de paiement, hausse principalement liée aux travaux d’aménagement intérieur du Quadrilatère Richelieu, site historique de la Bibliothèque nationale de France qui accueillera la bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA) et celle de l’Ecole nationale des Chartes.

En 2010, les crédits de paiement anciennement budgétés sur l’action « patrimoine monumental » en faveur des aménagements intérieurs du Quadrilatère Richelieu de la Bibliothèque nationale de France ont en effet été transférés sur cette action, à hauteur de 5 millions d’euros en crédits de paiement et 40 millions d’euros en autorisations d’engagement. Rappelons que les crédits affectés au clos et au couvert du bâtiment restent quant à eux budgétés sur l’action « patrimoine monumental », à hauteur de 4 millions d’euros en autorisations d’engagement et 2 millions d’euros en crédits de paiement.

Au global, le budget de mise en sécurité et de réaménagement du Quadrilatère se montera donc en 2010 à 44,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et 7 millions d’euros en crédits de paiement, auxquels il convient d’ajouter 5,78 millions d’euros en autorisations d’engagement et 8 millions d’euros en crédits de paiement prévus sur le budget du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

L’engagement de la BNF en faveur de la numérisation du patrimoine écrit

En septembre 2007, la BNF s’est lancée dans une numérisation de masse de ses fonds patrimoniaux grâce à un financement exceptionnel de l’État via les ressources du Centre national du livre (CNL), 17,7 millions d’euros ont été investis entre 2007 et juillet 2009. En août 2009, la BNF était en mesure d’assurer la diffusion en ligne, via sa propre bibliothèque numérique Gallica, de près de 830 000 documents numériques (122 400 monographies numérisées, 3 700 titres de presse et de revues, 111 700 images (photographies, estampes, dessins…), 5 000 cartes et plans, etc.

L’effort fourni par la BNF devrait aller croissant et s’ouvrir dès 2010 à la numérisation à grande échelle de documents spécialisés, rares et précieux (manuscrits, imprimés, estampes, photographies, cartes et plans, documents sonores, etc). Les collections d’autres bibliothèques françaises, numérisées par les soins de la BNF, devraient également rejoindre Gallica.

La bibliothèque numérique permet également depuis la mi-2008 la mise à disposition, aux côtés des documents libres de droits, des documents contemporains soumis au droit d’auteur. La BNF, le Syndicat national de l’édition (SNE), la direction du livre et de la lecture du ministère de la culture, les e-distributeurs et les éditeurs partenaires ont travaillé ensemble pour définir les conditions d’une mise en ligne d’ouvrages protégés, dans le strict respect des législations nationales, communautaires et internationales relatives à la propriété intellectuelle. Pour la première fois en France, et dans le cadre d’une expérimentation unique au monde, une offre légale de contenus numériques soumis au droit d’auteur a ainsi rejoint les collections patrimoniales en ligne sur le site Gallica. Au terme d’une année d’expérimentation, 12 133 ouvrages sous droits, fournis par plus de 100 éditeurs et accessibles par les sites d’une dizaine d’e-distributeurs, sont disponibles sur Gallica.

Selon le ministère, « si l’expérience n’a pas amené de résultats commerciaux significatifs, elle a néanmoins attesté de la satisfaction du public d’avoir accès à des œuvres contemporaines et de la viabilité du modèle retenu. La consolidation et la pérennisation de cette expérimentation devraient permettre d’apporter notamment des améliorations techniques et fonctionnelles au système actuel, telles qu’une meilleure navigation entre les sites de Gallica et des e-distributeurs, des possibilités étendues d’accès à l’œuvre entière ainsi qu’une évolution dans l’offre documentaire ».

Au niveau européen, le projet ARROW  étudie également les modèles techniques, juridiques et économiques permettant l’inclusion des œuvres sous droits provenant des différents pays de l’Union dans Europeana, la bibliothèque numérique européenne. Le résultat de l’expérience française sera déterminant pour la mise en place d’un cadre européen.

II.- PATRIMOINES ET HANDICAP :
ÉTAT DES LIEUX ET PERSPECTIVES

Comme le rappelle le ministère de la culture, « en prenant en compte les besoins des personnes handicapées, en veillant à favoriser un meilleur accès de l’ensemble des publics à la culture et aux pratiques artistiques, comme aux moyens d’information et de communication, le ministère de la culture et de la communication est fidèle à l’une des ses missions premières. Sa conviction est aussi que les personnes handicapées, par leur rapport au monde et à l’environnement, peuvent apporter un véritable " plus " à la capacité de création dans tous les domaines de l’art et de la culture ».

C’est pour cette raison qu’un plan d’action, élaboré en concertation avec les associations représentatives des personnes handicapées et les autres ministères concernés, est mis en œuvre, notamment à travers la commission nationale « Culture et Handicap », mais également grâce à des conventions nationales interministérielles déclinées en régions, des séminaires de sensibilisation, une collection de guides «  culture et handicap » à destination des professionnels de la culture ou des journées de rencontres nationales et régionales.

À l’issue de la commission nationale « Culture et Handicap » qui s’est tenue le 19 juin 2007, plusieurs orientations ont été prises afin de mettre en application la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées dans le secteur de la culture.

Il s’agissait plus particulièrement, dans le domaine du patrimoine :

− de renforcer l’engagement des établissements publics du ministère en proposant des mesures concrètes visant à améliorer l’accueil des personnes handicapées dans les établissements culturels ;

− de mieux former les professionnels du secteur ;

− de soutenir et conseiller les institutions patrimoniales privées ou locales.

À mi-parcours de la loi de 2005 – dont la plupart des mesures devront être effectives en 2015, notamment sur le plan de l’adaptation du bâti – le rapporteur pour avis a voulu faire un état des lieux ciblé sur le patrimoine, en se focalisant plus particulièrement sur le patrimoine monumental et les musées : Comment évaluer à ce jour les efforts fournis ? Quelles conséquences a déjà eu leur mise en œuvre ? De quels moyens dispose le ministère pour aider les propriétaires de monuments privés à mettre aux normes leurs établissements et à mieux accueillir les handicapés – notamment d’éventuelles mesures fiscales et budgétaires ? De même, le ministère vient-il en soutien des collectivités propriétaires de patrimoine monumental ou de musées pour la mise aux normes et l’accueil de tous les publics handicapés et de quelle façon ?

Plus largement, pour tenter d’éclairer le débat, le rapporteur pour avis a tenté de faire un état des lieux des mesures existant en la matière pour le secteur du patrimoine, d’évaluer les financements et les budgets alloués à la mise en œuvre des dispositions de la loi n° 2005-102 précitée pour les institutions dépendant du programme « Patrimoines » de la mission « Culture », mais également pour les institutions et monuments privés ou appartenant à des collectivités.

Pour ce faire, il a rencontré près d’une vingtaine d’institutions, d’associations ou de personnalités à Paris, puis s’est rendu en région, à Dijon et en Mayenne, afin de venir apprécier sur place les projets mis en œuvre et les réflexions en cours sur cette thématique.

A. LA LÉGISLATION APPLICABLE

La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées définit le handicap dans un sens très large comme « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant » (5). Elle décline ensuite un certain nombre de principes d’accessibilité.

1. Les grands principes d’accessibilité prévus par la loi s’appliquent à l’ensemble des bâtiments recevant du public

Les articles 41 à 43 et 51 de la loi de 2005 réaffirment et renforcent les règles très strictes imposées aux propriétaires et aux constructeurs en matière d’accessibilité du cadre bâti aux personnes handicapées, tant pour les constructions neuves, les travaux dans les bâtiments d’habitation existants et dans les établissements recevant du public (ERP). Ces articles développent un principe d’accessibilité très large, qui va du cadre bâti aux offres de service et s’applique à ce que l’on appelle l’ensemble de « la chaîne de déplacement ». Par ailleurs, tous les handicaps sont concernés et doivent être pris en compte : handicap moteur, certes, qui implique les plus lourdes modifications du bâti, mais également handicap visuel, auditif et mental.

Extraits du code de la construction et de l’habitation

• Article L. 111-7

« Les dispositions architecturales, les aménagements et équipements intérieurs et extérieurs des (…) établissements recevant du public (…) doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles à tous, et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap, notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique, dans les cas et selon les conditions déterminés aux articles L. 111-7-1 à L. 111-7-3. (…) »

• Article L. 111-7-3

« Les établissements existants recevant du public doivent être tels que toute personne handicapée puisse y accéder, y circuler et y recevoir les informations qui y sont diffusées, dans les parties ouvertes au public. L’information destinée au public doit être diffusée par des moyens adaptés aux différents handicaps. (…)

« Les établissements recevant du public existants devront répondre à ces exigences dans un délai, fixé par décret en Conseil d’État, qui pourra varier par type et catégorie d’établissement, sans excéder dix ans à compter de la publication de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

« Ces décrets, pris après avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées, précisent les dérogations exceptionnelles qui peuvent être accordées aux établissements recevant du public après démonstration de l’impossibilité technique de procéder à la mise en accessibilité ou en raison de contraintes liées à la conservation du patrimoine architectural ou lorsqu’il y a disproportion manifeste entre les améliorations apportées et leurs conséquences.

« Ces dérogations sont accordées après avis conforme de la commission départementale consultative de la protection civile, de la sécurité et de l’accessibilité, et elles s’accompagnent obligatoirement de mesures de substitution pour les établissements recevant du public et remplissant une mission de service public. »

• Articles L. 111-8-3 et L. 111-8-3-1

« L’ouverture d’un établissement recevant du public est subordonnée à une autorisation délivrée par l’autorité administrative après contrôle du respect des dispositions de l’article L. 111-7.

« L’autorité administrative peut décider la fermeture d’un établissement recevant du public qui ne répond pas aux prescriptions de l’article L. 111-7-3. »

• Article R. 111-19-1

« Les établissements recevant du public définis à l’article R. 123-2 et les installations ouvertes au public doivent être accessibles aux personnes handicapées, quel que soit leur handicap.

« L’obligation d’accessibilité porte sur les parties extérieures et intérieures des établissements et installations et concerne les circulations, une partie des places de stationnement automobile, les ascenseurs, les locaux et leurs équipements. »

• Article R. 111-19-2

« Est considéré comme accessible aux personnes handicapées tout bâtiment ou aménagement permettant, dans des conditions normales de fonctionnement, à des personnes handicapées, avec la plus grande autonomie possible, de circuler, d’accéder aux locaux et équipements, d’utiliser les équipements, de se repérer, de communiquer et de bénéficier des prestations en vue desquelles cet établissement ou cette installation a été conçu. Les conditions d’accès des personnes handicapées doivent être les mêmes que celles des personnes valides ou, à défaut, présenter une qualité d’usage équivalente. »

La loi assigne donc à l’ensemble des établissements, institutions, lieux et collectivités concernés une obligation de résultat global, sur l’ensemble de la chaîne : transports, voirie, espaces publics et bâtiments dans leur ensemble. Sont également inclus les « équipements intérieurs et extérieurs » ayant un rôle dans l’accessibilité aux services apportés par le bâtiment – par exemple, la scénographie dans les musées.

La loi, ainsi que le décret n° 2009-500 du 30 avril 2009 relatif à l’accessibilité des ERP et des bâtiments à usage d’habitation, prévoient une mise en accessibilité des ERP existants pour le 1er janvier 2015, après réalisation d’un état des lieux et d’un diagnostic chiffré avant le 1er janvier 2010 ou 1er janvier 2011, selon le type d’ERP. Le diagnostic devra être réalisé au plus tard le 1er janvier 2010 pour tous les ERP recevant plus de 700 personnes, ainsi que pour tous les ERP appartenant à l’État ou à ses établissements publics, et au plus tard le 1er janvier 2011 pour les autres ERP.

Le diagnostic doit comporter trois parties : une analyse de situation que l’on peut qualifier d’état des lieux, une description des travaux nécessaires tels que préconisés par le diagnostiqueur et une évaluation des coûts de ces travaux. Le chiffrage, ultime phase, ne peut intervenir que lorsque le choix de la préconisation a été validé par le maître d’ouvrage.

À noter que le code de la construction et de l’habitation impose désormais que la personne qui réalise le diagnostic puisse justifier auprès du maître d’ouvrage d’une formation ou d’une compétence en matière d’accessibilité du cadre bâti.

2. Des dérogations sont prévues, notamment pour le secteur du patrimoine

Conscients des spécificités du secteur du patrimoine, les services du ministère de la culture ont largement participé à l’élaboration de cette réglementation, afin que les dispositions prises soient conciliables avec la conservation des édifices protégés. En effet, parfois, du fait de l’impossibilité matérielle d’accéder aux lieux – châteaux forts, tours de cathédrales, etc. – il a été jugé préférable de mener une réflexion sur les mesures de nature à compenser ces aménagements impossibles, appelées « mesures de substitution » dans la loi.

Le code de la construction et de l’habitation tient donc clairement compte des contraintes inhérentes au classement et à l’inscription des immeubles ainsi que, dans quelques cas, des édifices situés dans des espaces protégés au titre du code du patrimoine. Ainsi, l’article R. 111-18-10 du code de la construction et de l’habitation prévoit notamment que les dispositions applicables peuvent faire l’objet de dérogations en cas de contraintes liées à la préservation du patrimoine architectural, dès lors que les travaux projetés affectent un bâtiment classé ou inscrit au titre des monuments historiques, situé dans un secteur sauvegardé, en zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) ou aux abords d’un monument historique. De même, selon les termes de l’article R. 111-19-6 du même code, en cas de création d’un ERP par changement de destination dans un bâtiment ou une partie de bâtiment classé ou inscrit au titre des monuments historiques, des dérogations peuvent être accordées pour des motifs liés à la conservation du patrimoine architectural.

Pour autant, selon les termes de l’article R. 111-19-9 du même code, dans le cas où l’établissement remplit une mission de service public, ces dérogations ne peuvent être accordées par le représentant de l’État que si une mesure de substitution est prévue. En vertu de l’article R. 111-19-30 du même code, c’est la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité (6) qui est chargée d’émettre un avis sur les demandes d’autorisation ou de dérogation et de procéder à la visite des établissements, au regard des règles d’accessibilité aux personnes handicapées.

3. Un premier bilan de l’application de la réglementation : des zones d’ombre persistent

Lors de ses auditions et de ses déplacements, le rapporteur pour avis a constaté très rapidement qu’un premier point problématique était soulevé par de nombreux intervenants. Si la personne qui réalise le diagnostic doit pouvoir justifier auprès du maître d’ouvrage d’une formation ou d’une compétence en matière d’accessibilité du cadre bâti, elle n’est en général pas familière des enjeux particuliers posés par les bâtiments patrimoniaux et les musées. Ainsi, lors de son audition, la direction des musées de France du ministère de la culture a expliqué au rapporteur pour avis que, si la réalisation des diagnostics d’accessibilité dans les musées nationaux n’a pas posé de problèmes en soi, il a été très difficile de trouver un prestataire disposant à la fois des qualifications requises, de la connaissance du monde du handicap, mais aussi d’une connaissance des contraintes liées aux monuments historiques dans lesquels se trouvent la plupart des musées concernés. Il faut également noter le grand écart entre les prix des prestations proposées.

De même, dans une de ses réponses, le Centre des monuments nationaux indique que « les difficultés rencontrées sont de plusieurs ordres. Il existe à ce jour encore peu d’entreprises ou de bureaux d’études spécialisés à même de répondre à la question du diagnostic d’accessibilité d’un monument dans toute la complexité de sa dimension patrimoniale ; de ce fait les entreprises sont peu disponibles. La grande dissémination des monuments confiés en gestion au CMN accroît la difficulté de recrutement de ces bureaux d’études ».

De tels constats sont également formulés par les associations de handicapés. Ainsi, notamment, l’association des paralysés de France indique que « la certification et l’agrément des prestataires diagnostiqueurs s’avèrent une nécessité en matière d’accessibilité, à l’instar de ce qui existe pour la rénovation thermique, sans quoi de cruelles désillusions pourraient se faire jour sur la qualité des diagnostics effectués ».

Il conviendrait peut-être que le ministère de la culture participe plus activement à la formation de diagnostiqueurs puis à la vérification de leurs compétences. Par ailleurs, sur le terrain, les responsables d’institutions ignorent souvent comment choisir un diagnostiqueur compétent. Il conviendrait donc que les correspondants handicap dans les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) disposent d’une liste de diagnostiqueurs compétents sur les thématiques liées à la culture, ayant l’habitude et les compétences pour travailler sur ce type de bâtiments, ce qui éviterait ensuite des déconvenues, notamment pour les collectivités locales.

Selon les informations communiquées au rapporteur pour avis par le ministre, les propriétaires de monuments maîtres d’ouvrage des travaux ne doivent pas hésiter à venir consulter la DRAC le plus en amont possible de leur projet. C’est elle qui leur indiquera quelles études techniques doivent être faites, et qui indiquera si le projet est ou non compatible avec les caractéristiques architecturales du monument et s’il y a lieu de rechercher plutôt des solutions alternatives, ou si le projet peut être amélioré. En second lieu la maîtrise d’œuvre doit être le fait d’un architecte spécialisé, architecte en chef des monuments historiques ou architecte du patrimoine pour un monument classé, et c’est à lui que revient la conception du projet de réalisation de mise en conformité. Pour les monuments inscrits la maîtrise d’œuvre peut être celle d’un architecte sans qualification particulière, mais le régime d’autorisation de travaux permettra de contrôler la qualité du projet.

Il incombera par ailleurs au ministère de la culture et de la communication de sensibiliser les maîtres d’ouvrage publics à la nécessité de rechercher les références et l’expérience du diagnostiqueur, de prendre l’avis d’un architecte, et de ne pas hésiter à consulter les services de l’Etat compétents en matière d’architecture et de patrimoine – DRAC, service départemental de l’architecture et du patrimoine (SDAP), ou encore conseil en architecture, urbanisme et environnement (CAUE) de leur département.

Plus largement, de nombreux intervenants se sont interrogés sur le caractère opérationnel de la loi puisque la seule sanction prévue, même si elle est lourde, est celle de la fermeture de l’établissement en cas de non respect de ses obligations légales en matière d’accessibilité (article L. 111-8-3-1 du code de la construction et de l’habitation). On peut supposer que cette sanction sera un dernier recours.

À l’inverse, on pourrait imaginer, comme le suggère l’association des paralysés de France (APF), la création d’une Agence nationale à l’accessibilité universelle chargée de :

– veiller à l’application homogène et coordonnée des dispositifs (commissions communales, schémas directeurs d’accessibilité, etc.) et recenser les données et promouvoir les bonnes pratiques ;

– financer les mises en accessibilité pour les collectivités territoriales et les maîtres d’ouvrage privés dont les fonds seraient constitués à partir de la mise en place de sanctions financières pour les acteurs ne mettant pas en place les dispositifs (à l’instar de ce qui existe pour l’emploi avec l’AGEFIPH et le FIPHFP) ;

– mutualiser tous les savoirs, expertises et pratiques de l’accessibilité, et assurer la diffusion auprès de tout acteur en quête de réponse.

B. LES MODALITÉS DE MISE EN œUVRE DE LA LOI ET LA PRISE EN COMPTE DES HANDICAPS DANS LE SECTEUR DU PATRIMOINE

La fonction de pilotage de la mise en œuvre de ces mesures pour les établissements dépendant du ministère de la culture est assurée par la mission « Handicap » rattachée à la délégation au développement et aux affaires internationales (DDAI) du ministère de la culture (7). Parallèlement, depuis le 28 mars 2003, le ministre de la culture et de la communication a confié à la Cité des sciences et de l’industrie et au musée du quai Branly la mission d’animer des groupes de travail chargés de proposer des mesures concrètes visant à améliorer, à court terme, l’accueil des personnes handicapées dans les établissements culturels.

Ce comité a réuni les représentants d’une douzaine d’établissements publics dépendant du ministère. Deux organismes ne relevant pas du ministère ont été associés : le Muséum national d’histoire naturelle et le Palais de la découverte. Ce comité a créé six groupes de travail sur l’ensemble des problématiques en lien avec les questions de handicap, qui ont fait des propositions, ensuite mises en œuvre dans les établissements.

C’est dans ce cadre que le ministère a engagé une politique éditoriale sous la forme d’une collection d’ouvrages techniques pour faciliter l’accès à la culture et aux pratiques artistiques des personnes handicapées, à destination de l’ensemble des acteurs du secteur. En 2009, le premier guide Culture et handicap – guide pratique de l’accessibilité (8)à l’usage des professionnels des structures culturelles a été réédité, un guide concernant le spectacle vivant, Accessibilité et spectacle vivant – guide pratique (9), est paru en juin dernier. Par ailleurs, un guide concernant l’accueil des publics ayant un handicap mental au sein des équipements culturels paraîtra en fin d’année. Enfin, l’élaboration d’un ouvrage concernant la muséographie est programmée pour 2010. Parallèlement, un site internet « inter-établissements » a été créé(10), qui regroupe les offres proposées aux visiteurs handicapés par les établissements participant aux groupes de travail.

1. Le renforcement de l’engagement des établissements publics du ministère en faveur du handicap

Comme l’ont rappelé les personnes auditionnées par le rapporteur pour avis, tant à Paris qu’en région, depuis de nombreuses années, et bien avant la promulgation de la loi de 2005, même si cette dernière a servi de catalyseur, les établissements culturels s’efforcent de proposer des mesures concrètes visant à améliorer l’accueil des personnes handicapées. Ainsi, la loi de 2005 vise plus à asseoir juridiquement une pratique déjà répandue dans les faits qu’à imposer une pratique nouvelle aux établissements culturels.

L’association des paralysés de France rappelait lors de son audition que « l’organisation des Journées européennes du Patrimoine 2009 comme étant accessibles à tous constitue une bonne illustration du volontarisme dont veut faire preuve le ministère de la culture et de la communication en matière de participation sociale des personnes en situation de handicap. Le ministère, et en particulier le centre des monuments nationaux, avec lequel l’APF est partenaire, développe ici une action innovante six ans avant l’échéance [de 2015] grâce à des moyens exceptionnellement dérogatoires ». Le rapporteur pour avis a effectivement pu constater sur le terrain la vitalité des initiatives sur cette thématique et l’investissement conséquent de l’ensemble des acteurs lors de ces Journées du Patrimoine.

a) Dans les musées nationaux

Comme le soulignait la direction des musées de France lors de son audition, « l’accessibilité des musées au public handicapé est depuis longtemps un enjeu important de la politique des publics ». Ainsi, en donnant aux musées la mission de « rendre leurs collections accessibles au public le plus large », la loi n° 2002-5 relative aux musées de France n’a fait que confirmer une tendance établie depuis près de vingt ans dans les grands musées français.

Toutefois, il convient de souligner que la volonté d’accueillir chaque individu, quel que soit son handicap, implique la mise en place de structures complexes, ce qui peut entrer en conflit avec d’autres missions des musées, notamment l’impératif de conservation. Ainsi, selon la DMF, « la mise en œuvre de l’accessibilité dans les musées requiert une certaine prudence. C’est la prise en compte de cet équilibre délicat entre l’accès de tous à la culture et la préservation des collections que les acteurs du secteur muséal s’efforcent d’assurer et de maintenir, à l’échelon national ou dans les territoires ».

S’agissant en premier lieu de la mise en conformité des bâtiments, la mise en œuvre de la loi de 2005 s’est traduite par le lancement en 2007 d’un appel d’offre pour la réalisation des diagnostics d’accessibilité dans les musées nationaux. Ces diagnostics, en cours depuis 2008, devraient être totalement réalisés dans le courant 2010, avec quelques mois de retard sur la date du 1er janvier 2010 prévue dans la loi. Pour autant, le rapporteur pour avis se félicite que la DMF ait engagé ces diagnostics bien en amont et de manière globale, d’autres établissements patrimoniaux étant bien plus en retard en la matière. A partir de 2011, en fonction des préconisations des diagnostics, la DMF compte programmer les travaux nécessaires pour la mise en conformité des bâtiments des musées nationaux avec la loi.

Parallèlement, depuis 2005, selon le ministère, « dans le cadre des grandes opérations de rénovations ou de créations de musées, l’accueil de tous les publics figure parmi les priorités des programmes architecturaux et muséographiques ». C’est notamment le cas du musée de l’Orangerie, du musée des arts décoratifs, de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration et ce sera demain le cas du musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MUCEM) à Marseille.

Pour autant, le musée du Quai Branly, inauguré en juin 2006, n’est lui-même pas aux normes en la matière, comme le suggère sa réponse au questionnaire du rapporteur pour avis ! Si l’on peut se féliciter que le musée se soit fixé comme objectif prioritaire l’obtention du label « Tourisme et Handicap », on peut s’étonner qu’un musée construit depuis seulement trois ans ait consacré depuis son ouverture près d’un million d’euros « à des travaux d’accessibilité (amélioration de la signalétique, sonorisation des ascenseurs, bande guide dans le jardin, amélioration de l’éclairage, boucles électromagnétiques, chasse roue…) ». Pourquoi cette problématique n’avait-elle pas été prise en compte dès l’origine par le maître d’œuvre, à la demande du maître d’ouvrage ? Pourquoi avoir dû, trois ans après l’ouverture, « effectuer de nouveaux travaux pour améliorer l’accueil des personnes à mobilité réduite », notamment par la mise en conformité des sanitaires ou la mise à niveau du seuil d’accès de l’entrée administrative ?

De même, concernant le handicap visuel, « il est apparu nécessaire de concevoir des éclairages et des cartels nouveaux, de poursuivre l’amélioration de la charte graphique extérieure et de travailler [à la] signalisation tactile du boîtier des ascenseurs [ou à] la mise en place d’une bande podotactile », qui auraient pourtant du être intégrés dans le projet architectural initial. Le même problème se pose concernant le handicap mental et psychique puisque « l’éclairage […] constitue souvent un problème pour la personne atteinte d’un handicap psychique » et que, donc, « un effort important sur l’éclairage, mais aussi sur l’intelligibilité de la signalétique » a du être engagé.

Cet exemple concret montre clairement combien la formation des maîtres d’œuvre est encore très largement insuffisante en la matière. Le rapporteur pour avis reviendra ultérieurement sur cette question.

b) Dans les monuments historiques

S’agissant des monuments nationaux ne dépendant pas du Centre des monuments nationaux (CMN)

Ces monuments dépendent directement de la direction de l’architecture et du patrimoine (DAPA) du ministère, à laquelle sont affectés aujourd’hui deux cent cinquante cinq monuments historiques. La DAPA a confié après appel d’offre l’établissement d’un diagnostic pour cinq monuments, les cathédrales d’Albi, du Puy-en-Velay, de Meaux, de Strasbourg et de Rouen. Un règlement de consultation et un cahier des charges ont été rédigés à l’attention du prestataire sélectionné pour qu’il mette ensuite au point un cahier des charges type pour l’ensemble des monuments et réalise par la suite des diagnostics d’accessibilité sur un échantillon représentatif de cathédrales.

À la suite de l’analyse de l’existant, le prestataire aura à définir les interventions nécessaires et à les décomposer de la façon suivante :

– Quels sont les espaces pouvant être mis en accessibilité par des aménagements simples ?

– Quels sont les espaces nécessitant des travaux importants mais réalisables ?

– Quels sont les espaces nécessitant des travaux qui ne peuvent être réalisés car ils détérioreraient gravement et de façon irréversible l’intérêt patrimonial du monument ?

Selon le ministère, dans ce dernier cas, et dans ce dernier cas seulement, des demandes de dérogations, avec mise en place de solutions de substitution, seront adressées aux commissions consultatives départementales de sécurité et d’accessibilité compétentes.

Parallèlement, en cas de projets de restauration de monuments, l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite est toujours prise en compte dès l’élaboration des projets par les services chargés de leur restauration. Ainsi, plusieurs monuments appartenant à l’État ont bénéficié d’aménagements spécifiques. C’est le cas de l’accès à la salle d’exposition temporaire au fort Saint-Jean à Marseille (13), du Grand Palais à Paris (75), de la Cité de l’architecture et du patrimoine au Palais de Chaillot à Paris (75), etc. Les travaux nécessaires à l’accessibilité à tous publics étant susceptibles d’avoir de réelles conséquences sur l’intégrité des monuments historiques, la commission nationale des monuments historiques est amenée à émettre des avis sur les études préalablement à leur mise en œuvre.

S’agissant des monuments nationaux appartenant à l’État mais fonctionnant de manière autonome sous forme d’établissements publics, comme Versailles, Fontainebleau ou Chambord, ils sont directement responsables de la mise en conformité du monument avec la loi. L’avancement de la réflexion sur le sujet est pour le moins très variable d’un établissement à l’autre. Ainsi, à Fontainebleau, il a été indiqué au rapporteur pour avis que « l’ensemble du circuit libre des collections permanentes du château est accessible aux personnes à mobilité réduite. En 2007, la mise à disposition gratuite pour tous les visiteurs d’un audioguide adapté au handicap auditif a permis d’obtenir le label " tourisme et handicap" auditif. Par ailleurs, l’établissement propose des visites-conférences adaptées au handicap visuel et en langue des signes ». Mais s’agissant de la mise en conformité et de l’établissement du diagnostic pour le 1er janvier prochain, l’établissement indique que « pour [les] aider à évaluer la nature et le coût des aménagements restant à prévoir afin de se conformer à la loi n° 2005-102, une équipe de spécialistes en accessibilité sera rapidement sollicitée »... Il est clair que cet établissement n’aura pas réalisé l’étude diagnostique dans les délais impartis par la loi.

À l’inverse, à Chambord, le diagnostic a été réalisé en 2009 pour l’ensemble du château. Un phasage des opérations et un calendrier précis des mesures à mettre en œuvre doivent ensuite être établis. Selon l’établissement, « des crédits sont d’ores et déjà fléchés en 2010 pour commencer à mettre en œuvre quelques préconisations comme par exemple l’équipement de la cour du monument en bancs et reposoirs pour les personnes à haute fatigabilité ou la création d’une maquette tactile ».

L’accueil des personnes handicapées au Château de Chambord

Depuis plusieurs années, l’établissement met en œuvre des mesures à destination des personnes en situation de handicap. Ainsi, le rez-de-chaussée du donjon est totalement accessible à tous les publics, la salle des carrosses, le dépôt lapidaire et le restaurant le sont également grâce à un élévateur situé dans les communs. L’entrée au château est gratuite pour les personnes handicapées ainsi que pour la personne accompagnante. D’autres services sont proposés comme le prêt d’un fauteuil roulant, une caisse librairie adaptée (depuis juillet 2004), une rampe pour accès au donjon et une autre pour le parterre Nord (depuis septembre 2006), un cheminement pavé accessible aux fauteuils roulants dans la cour du château (depuis la réfection de la cour en avril 2007) ainsi que trois « modul’ Evasion » (matériel permettant une découverte individuelle du domaine forestier).

En 2009, lors des Journées Européennes du Patrimoine, un ensemble d’ateliers et activités accessibles à tous les publics a été proposé. Cette démarche a pu être menée grâce à un partenariat avec l’association « Culture pour tous ». Une visite sensorielle d’un logis du XVIe siècle et la découverte tactile du décor sculpté du château ont été notamment proposées.

Des visites en langue des signes internationale sont possibles sur réservation. En 2010 une formation sera proposée aux agents du domaine qui le souhaitent. Plusieurs sont d’ores et déjà inscrits.

En 2009, en partenariat avec EDF, l’établissement a également mis à disposition des voiturettes propres (« golfettes électriques ») pour permettre aux personnes à mobilité réduite d’accéder des parkings vers le château. Une ligne budgétaire a été créée pour l’acquisition de matériels disponibles en prêt aux publics « à haute fatigabilité » ou aux personnes handicapées moteur (cannes-sièges, fauteuils roulants).

Au château, un film en 3D est projeté dans une salle située au rez-de-chaussée et donc accessible aux personnes à mobilité réduite. Des prestations sont proposées toute l’année aux publics spécifiques : ainsi la mise à disposition, sur demande et accompagnée par un agent, d’une maquette tactile démontable ; un dépôt lapidaire permet également aux déficients visuels de toucher les décors sculptés. Par ailleurs, le domaine a entamé en 2009 une procédure pour obtenir le label « Tourisme et Handicap ».

À Versailles également, l’établissement devrait respecter les délais inscrits dans la loi de 2005 puisque l’appel d’offres en vue de la réalisation du diagnostic a été réalisé fin 2008. Parallèlement, l’établissement public a instauré un comité de pilotage chargé tant de l’élaboration du cahier des charges en vue de l’appel d’offres que du suivi de la réalisation du diagnostic avec le prestataire retenu. Cette commission rassemble des représentants de l’ensemble des directions de l’établissement, ainsi que des personnes représentatives des publics en situation de handicap reconnues par la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité. L’étude diagnostique et les préconisations ont été scindées en deux tranches : en premier lieu, le Petit Trianon, le Grand Trianon et le Domaine de Marie-Antoinette, le château, les cours, les terrasses, l’Orangerie et l’Opéra, puis, en second lieu, fin 2009 voire début 2010, les jardins, le petit parc, la salle du Jeu de Paume, le Musée des Carrosses et le Domaine de Marly. Fait intéressant et relativement rare, l’établissement travaille parallèlement en lien avec deux médecins spécialistes de la rééducation fonctionnelle pour tout ce qui concerne les questions de handicap et d’accessibilité des différents lieux d’accueil du château.

S’agissant du développement d’une offre culturelle adaptée, pour ne prendre que quelques exemples, une salle d’interprétation multimédia a été créée au sein du Petit Trianon pour les personnes ne pouvant accéder aux étages, grâce au mécénat de Breguet. De même, en 2009, l’opéra Royal, en travaux, a été rendu accessible aux personnes à mobilité réduite et en fauteuil roulant.

L’action exemplaire du Centre des monuments nationaux (CMN)

Comme le rapporteur pour avis a pu le constater au cours de ses auditions, tant celle du CMN que des associations de handicapés, l’établissement public semble exemplaire. En effet, depuis longtemps, le CMN a fait de l’accueil des personnes handicapées une des priorités de son projet d’établissement, avant même la promulgation de la loi de 2005. Par la signature de premiers protocoles en octobre 2003, le CMN a reconnu l’association des paralysés de France (APF), l’association Valentin Haüy (AVH), la fédération nationale des sourds de France (FNSF), le groupement pour l’insertion des personnes handicapées physiques (GIHP), l’union nationale des associations de personnes handicapées mentales, de leurs parents et amis (UNAPEI) comme partenaires pour le soutenir dans la mise en œuvre d’un plan d’actions à cinq ans structurant la politique d’amélioration et de diversification des propositions d’offre culturelle accessible dans les monuments. La collaboration permanente, instaurée entre leurs représentants et les pilotes des actions transversales « handicap » du CMN, permettent de collecter les besoins et attentes des différentes parties prenantes. Ce plan est mis en œuvre depuis janvier 2004.

Le 22 mars 2007, le renouvellement des protocoles de partenariat avec les associations représentatives de personnes handicapées a fourni l’occasion de faire un point d’étape du plan et de présenter les perspectives et objectifs du CMN en matière d’accessibilité pour les trois années à venir.

En premier lieu, la mise en accessibilité des monuments a été accélérée par le plan. En 2007, un cahier de signalétique commun à l’ensemble des monuments du CMN a été distribué et intègre la prise en compte des critères d’accessibilité tels que définis dans la loi de 2005. Ainsi, la basilique de Saint Denis et la maison de Georges Clemenceau ont été déjà rendues accessibles et des espaces d’interprétation ont été créés, notamment à l’abbaye de Cluny. Ces espaces sont accessibles aux personnes en fauteuil, mais permettent également aux personnes atteintes d’autres formes de handicaps de mieux appréhender le monument, comme le responsable du site de Cluny l’a expliqué au rapporteur pour avis lors de son déplacement à Dijon. Enfin, le Palais du Tau à Reims, en cours de restauration, sera bientôt totalement accessible. De même, l’accessibilité du donjon et du châtelet de Vincennes est désormais réalisée, suite aux travaux de restauration, même si elle reste seulement partielle.

Par ailleurs, à la même date, le CMN a créé un référentiel d’interventions à l’échelle nationale et lancé des chantiers pilotes pour les monuments non encore accessibles. Un audit « accessibilité », tous handicaps confondus, a été réalisé sur six monuments emblématiques (château d’Azay-le-Rideau, abbaye du Mont-Saint-Michel, site archéologique de Glanum, Panthéon et Arc de triomphe, château et remparts de la cité de Carcassonne). Il a permis la mise au point d’une méthodologie applicable, en 2009 et 2010, à l’ensemble des monuments.

L’appel d’offres lancé en 2008 pour l’application à l’ensemble des monuments nationaux de cette méthodologie de diagnostic s’est révélé infructueux, du fait de la complexité de la demande – enjeux patrimoniaux importants, monuments disséminés sur l’ensemble du territoire, etc. Un nouvel appel d’offres a été lancé au deuxième semestre 2009. Les diagnostics et études préalables induites devraient être réalisés sur l’intégralité des monuments du réseau national d’ici au 1er janvier 2011, selon les informations fournies au rapporteur pour avis par le CMN. Suivra ensuite la mise en place d’un calendrier d’intervention pluriannuel assorti d’enveloppes budgétaires afin de réaliser les travaux et les aménagements nécessaires à l’amélioration de la qualité d’accès et de visite des sites.

Les trois premières années du plan d’actions ont permis, en deuxième lieu, la mise en œuvre d’une offre culturelle adaptée, avec le développement de plus de 70 produits de visite adaptés, notamment dans les monuments accueillant un référent « handicap » ou un chargé des publics handicapés. Vingt thématiques de visites-conférences adaptées aux personnes à mobilité réduite et déficientes visuelles ont été créées en Ile-de-France. Deux mallettes multi-sensorielles permettant aux personnes déficientes visuelles de préparer la visite d’un monument ont été réalisées, dont le rapporteur pour avis a pu constater l’intérêt.

Parallèlement, des audioguides et visioguides adaptés aux visiteurs déficients visuels et sourds ont été développés dans les monuments et cinq nouveaux conférenciers sourds proposant des activités culturelles en langue des signes française ont été formés et agréés. Ce nombre reste encore insuffisant, comme l’a souligné M. Jean-Paul Perbost, président de l’association « Gestes, musées et monuments », et ne permet pas de faire face à toutes les demandes, notamment dans les monuments situés en région. Il conviendrait qu’un nombre plus important de conférenciers « généralistes » se forment à la langue des signes, afin que le CMN puisse agréer de nouveaux conférenciers en langues des signes pour répondre de manière plus satisfaisante à la demande.

Le rapporteur pour avis estime par ailleurs qu’il conviendrait d’améliorer l’accueil de ces personnes en prévoyant la mise à disposition de personnels formés pour les guider dès l’entrée dans le lieu, voire les accompagner dans l’appropriation du monument. Le rôle des « aidants » est fondamental notamment dans les lieux où la mise en accessibilité totale sera impossible.

En troisième lieu, la politique éditoriale du CMN a été repensée. Un mini-site « Accueil pour tous » accessible à tous les internautes en situation de handicap, qu’ils soient autonomes ou accompagnés, a été créé. Deux collections d’édition adaptée ont été lancées aux Éditions du Patrimoine : les Sensitinéraires, permettant aux personnes déficientes visuelles de découvrir les monuments à partir de livres d’art tactiles et sonores et les Lex’Signes enrichissant le vocabulaire de la langue des signes française de termes propres à l’histoire de l’art et au patrimoine.

Les nouveaux protocoles triennaux, passés le 22 mars 2007 entre le CMN et ses partenaires visent à conforter et enrichir les actions du CMN en faveur de l’accueil des personnes en situation de handicap. Ainsi, le développement de produits de visite adaptés s’est poursuivi, avec notamment la réalisation, au printemps 2008, d’une nouvelle mallette multi-sensorielle permettant aux personnes handicapées, tous handicaps confondus, de découvrir les gisants de la basilique de Saint-Denis et de préparer la visite du monument. Au château de Vincennes, au Panthéon et à l’Arc de triomphe des parcours adaptés accessibles tout public sont en cours de réalisation.

De même, un Sensitinéraires « Panthéon » a été publié en mars 2007 et celui concernant la Cité de Carcassonne a été publié en 2009. Un site Internet dédié (11) a été développé puis enrichi : lancement de nouvelles rubriques accessibles – par exemple, en janvier 2008 : « Produits adaptés » – et développement de nouvelles fiches présentant l’offre adaptée dans les monuments.

2. La formation des professionnels du secteur : un travail de longue haleine

a) La formation initiale : une intégration dans les programmes qui a pris du retard

Le paragraphe V de l’article 41 de la loi de 2005 prévoit que la formation à l’accessibilité du cadre bâti aux personnes handicapées est rendue obligatoire dans la formation initiale des architectes et des professionnels du cadre bâti – métiers du bâtiment, mais également designers, scénographes, etc. Le décret n° 2007-436 du 25 mars 2007 relatif à la formation à l’accessibilité du cadre bâti aux personnes handicapées pris en application de la loi modifie pour ce faire le code de l’éducation.

Concernant les étudiants des écoles dépendant du ministère de la culture, l’arrêté du 26 mai 2008 fixe la liste des diplômes, titres et certifications délivrés par ces établissements concernés par l’obligation de formation à l’accessibilité du cadre bâti aux personnes handicapées. Il s’agit notamment des différents diplômes d’architectes, du diplôme national d’arts et techniques (DNAT), de différents diplômes permettant d’accéder aux métiers du design, de l’architecture d’intérieur et de la scénographie.

Plus largement, l’arrêté interministériel du 22 janvier 2009 fixe quant à lui les références communes à la formation à l’accessibilité du cadre bâti aux personnes handicapées. Rappelons que, par anticipation, l’obligation de formation à l’accessibilité a été prise en compte dans les programmes des études d’architecture dès 2005, dans le cadre de la réforme LMD de ces écoles. Pour autant, le rapporteur pour avis déplore qu’il ait fallu près de quatre ans pour prévoir un cadre commun à l’ensemble des formations. De nombreuses personnes formées depuis 2005, qui doivent aujourd’hui gérer la mise en œuvre de la loi, n’y ont ainsi pas eu accès.

La question de la formation à l’accessibilité est un sujet d’importance majeure puisqu’elle engage la qualité de la formation sur ce sujet, notamment celle des futurs architectes. Or, lors de ses déplacements et de ses auditions, le rapporteur pour avis a perçu de profondes inquiétudes sur l’effectivité et l’efficacité des formations à l’accessibilité dont vont obligatoirement bénéficier ces étudiants. Des incertitudes et des interrogations demeurent en effet quant au contenu de ses formations, à leur contingent horaire, au nombre de formateurs qualifiés en accessibilité. Il semblerait que les professeurs chargés de dispenser ces cours ne soient eux même pas toujours dûment formés en accessibilité. Par ailleurs, sur le faible nombre d’enseignants formés, un certain nombre vont bientôt partir à la retraite.

Il conviendrait donc de pouvoir rapidement réaliser un premier bilan de l’application de ces mesures afin, le cas échéant, de modifier les modalités de mise en œuvre de cette réforme. Selon les informations communiquées au rapporteur pour avis par le ministère, dans le cadre de l’habilitation des programmes des écoles d’architecture, une grille d’évaluation de l’enseignement de l’accessibilité est en cours d’élaboration avec la commission culturelle, scientifique et technique pour les formations en architecture (CCST). Dans ces conditions, le contenu des enseignements, la qualification et le nombre d’enseignants se consacrant à cette formation spécifique seront évalués par cet organisme indépendant. S’ils s’avéraient insuffisants, les moyens seraient revus en conséquence.

Par ailleurs, un certain nombre d’intervenants ont également souligné que la formation des conservateurs de l’Institut national du Patrimoine laissait à désirer s’agissant de l’accueil et de la médiation en faveur des publics handicapés, leur formation se focalisant pour le moment uniquement sur les « exclus » sociaux. Il conviendrait d’intégrer cet aspect de manière systématique à leur formation initiale, mais également de leur formation continue.

b) La formation continue : un investissement important et constant du ministère et des établissements sous sa tutelle mais des pratiques qui peinent à se diffuser

S’agissant de la formation continue, un plan de formation à la mise en conformité du cadre bâti a été mis en œuvre par le ministère depuis 2006 pour accompagner les professionnels de la culture (architectes des bâtiments de France, architectes en chef des monuments historiques, référents immobiliers, conservateurs régionaux des monuments historiques, etc.) dans l’application de la loi de 2005. Six séminaires interrégionaux ont été organisés en 2006-2007 et deux « ateliers de l’accessibilité » en 2008 et 2009. Ces actions sont menées en lien avec les associations représentatives des personnes handicapées et les référents « accessibilité » des directions départementales de l’équipement. En tout, 430 personnes ont été concernées.

En 2010, trois ateliers d’études de cas sont programmés. Cette dynamique sera ponctuée en fin d’année 2010 par l’organisation d’un séminaire européen qui développera les thèmes de l’accessibilité du cadre bâti, de l’offre culturelle et de la pratique artistique pour les personnes en situation de handicap, avec des études comparatives de cas.

L’intérêt de ces formations est double : former les professionnels du cadre bâti du ministère aux besoins des personnes handicapées et à la nouvelle réglementation, mais également, parallèlement, sensibiliser les associations représentatives des personnes handicapées à la problématique de préservation du patrimoine, afin que chacun puisse mieux comprendre l’autre et que les demandes de dérogations récurrentes adressées aux commissions consultatives et les dispositifs de substitution compensatoires proposés soient mieux compris.

Le CMN a pour sa part indiqué au rapporteur pour avis avoir organisé une trentaine de sessions pour les personnels de quarante monuments, permettant la sensibilisation aux questions de handicap de plus de trois cents agents des monuments nationaux, toutes catégories de personnels confondues. Parallèlement et de manière plus spécifique, plus de cent trente agents et intervenants culturels ont été formés à l’accueil et à la réalisation de produits de visite adaptés pour un ou plusieurs types de handicaps.

Pour autant, comme le rappelait l’Association des Paralysés de France lors de son audition, « malgré les efforts du ministère pour sensibiliser les architectes des bâtiments de France au handicap et à l’accessibilité physique, il s’avère fort difficile d’instaurer dans la majorité des cas un dialogue constructif avec ces professionnels ». Selon l’association, leur identité professionnelle les conduit souvent à « préserver » strictement les bâtiments, en invoquant le statut de monuments historiques pour « échapper » à la mise aux normes, alors même que des solutions simples et peu coûteuses pourraient être envisagées.

Le rapporteur pour avis estime que le dialogue entre les « tenants » du patrimoine et ceux de l’accessibilité doit se poursuivre de manière constructive, notamment au sein des commissions consultatives départementales, mais également bien en amont, pour tout projet de restauration ou de mise en accessibilité, afin que des solutions pragmatiques permettent de rendre accessible au plus grand nombre – personnes handicapées, certes, mais également âgées, enceintes ou accompagnées d’enfants en bas âge – notre patrimoine commun. Ce point a d’ailleurs été soulevé par M. François Sauvadet, député et président du Conseil général de Côte d’Or, que le rapporteur pour avis a rencontré à Dijon.

Un dernier problème mérite d’être souligné car il a été soulevé par différents intervenants, notamment au musée des Beaux-Arts de Dijon : les vacataires, souvent employés dans les lieux patrimoniaux, ne peuvent prétendre à ces formations. Or ils sont souvent chargés d’accueil ou de médiation. Il conviendrait sans doute de disjoindre la possibilité de formation du statut, ou non, de fonctionnaire de la personne concernée.

3. Le soutien et le conseil aux institutions patrimoniales locales ou privées : l’importance du rôle des directions régionales des affaires culturelles

Les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) contribuent, en lien avec les directions centrales et, en particulier, avec la délégation au développement et aux affaires internationales (DDAI), au soutien et au conseil en la matière puisque la lutte contre toute forme d’exclusion culturelle, notamment liée à une situation de handicap, fait partie de leurs missions. Ainsi, depuis la promulgation de la loi de 2005, les DRAC ont renforcé leurs actions d’accompagnement sur ce thème.

Les DRAC soutiennent des actions de conseil et de formation des acteurs culturels locaux, entendus au sens large. Ainsi, par exemple, selon les informations communiquées par le ministère, en Basse-Normandie, la DRAC a mis en place une série de séminaires thématiques à destination des acteurs locaux. Le premier, en 2009, a concerné la mise en accessibilité des musées. En Midi-Pyrénées, le service « Musées » de la DRAC s’efforce de professionnaliser et de mutualiser les pratiques relatives à l’accueil des personnes handicapées et déficientes mentales dans l’ensemble des musées de France de la région. Deux institutions sont « pilotes » : les Abattoirs de Toulouse (lauréat du prix Musée pour tous  en 2007) et le Muséum d’histoire naturelle de Toulouse. En Haute-Normandie, la DRAC, en partenariat avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), les musées et les associations de personnes handicapées de la région, a proposé au personnel des musées de France (agents d’accueil, de médiation, responsables des services des publics) deux sessions de formation consacrées à l’accueil des personnes handicapées. Elles ont donné lieu à l’édition de deux vademecum sur les questions d’accès et d’accueil des personnes en situation de handicap. Le CNFPT en a assuré une large diffusion, notamment auprès des partenaires publics et de l’ensemble du secteur culturel. En Ile-de-France, la DRAC cofinance avec le Conseil général de Seine-et-Marne des outils d’accompagnement à la visite des musées. En Poitou-Charentes, avec le réseau régional des villes et pays d’art et d’histoire et les associations représentatives des personnes handicapées, la DRAC encourage l’accessibilité à l’offre culturelle des établissements avec l’élaboration d’un livret de visites en braille pour les espaces d’expositions permanentes de la région et la mise en place de visites tous publics intégrant la traduction en langage des signes.

Enfin, même si ce dernier point peut apparaître comme un détail, s’agissant de l’amélioration de l’accueil des personnes malentendantes dans les établissements culturels locaux des villes et pays d’art et d’histoire (VPAH), plusieurs personnes ont interpellé le rapporteur pour avis lors de son déplacement en Mayenne au sujet de l’arrêté régissant l’agrément délivré aux guides conférenciers des VPAH. L’article 7 de cet arrêté du 26 décembre 2002 relatif à l’examen des guides conférenciers de VPAH prévoit un agrément spécifique pour les conférenciers disposant de compétences en « langues », mais n’apporte aucune précision sur la langue des signes. Il conviendrait sans doute de modifier l’arrêté afin que la qualification particulière de ces conférenciers, par ailleurs encore trop peu nombreux, soit mieux valorisée.

4. La question de la circulation de l’information

Le rapporteur pour avis a pu constater que, si les initiatives ne manquaient pas en la matière, tant au niveau national que local, l’information sur ces initiatives, tout aussi essentielle, et sa circulation, faisaient parfois défaut. Des lieux sont ainsi rendus accessibles et une offre de qualité développée sans que l’information le soit !

Les guides rédigés par le ministère en la matière sont un très bon outil. Mais peu d’intervenants sur ces questions connaissent l’existence de la mission Handicap de ce même ministère ou les travaux des groupes de travail pilotés par la Cité des sciences et le musée du Quai Branly. De même, la direction de l’architecture et du patrimoine du ministère de la culture projette l’établissement d’une base de données permettant le recollement de projets architecturaux répondant au problème de l’accessibilité. Il conviendra qu’elle veille à diffuser cette information de manière très large.

Dans le même temps, des associations comme J’accède (12), qui mettent à disposition sur leur site internet des informations relatives au patrimoine accessible aux personnes en situation de handicap, jouent un rôle important dans la diffusion et la circulation de l’information. De même, le label « Tourisme et Handicap » est un outil reconnu et a permis à de nombreuses collectivités et institutions de prendre conscience de l’importance de la prise en compte de ces publics.

Toutes ces initiatives doivent être mieux coordonnées, plus visibles, plus accessibles à l’ensemble des personnes en situation de handicap, mais également accessibles à d’autres institutions ou collectivités qui voudraient pouvoir bénéficier d’un retour d’expérience. Par ailleurs, au niveau local, les liens entre le monde de la culture et du patrimoine et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) demandent à être concrétisés, car l’une des missions premières de ces organismes est de constituer une plate-forme informative sur tous les champs du handicap : l’accès à la culture doit faire partie intégrante des missions de la MDPH. Il existe en effet déjà une convention encadrant le travail mené en commun. Cette convention a été signée au cours de la commission nationale Culture/handicap du 1er juin 2006. Il a donc été demandé à la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) d’accompagner cette dynamique auprès des directeurs des MDPH, afin qu’ils soient clairement informés des actions menées dans le domaine de la culture, ce qui n’est aujourd’hui clairement pas toujours le cas.

Enfin, au sein de chaque structure patrimoniale locale appartenant à l’État, un correspondant handicap formé et identifiable doit être désigné, lorsque ce n’est pas encore le cas.

C. LA PROBLÉMATIQUE DU FINANCEMENT DES TRAVAUX DE MISE EN ACCESSIBILITÉ

Plus largement, même si le rapporteur pour avis a préféré se focaliser sur la question des travaux de mise en accessibilité, financièrement souvent les plus coûteux, il convient de souligner que de nombreux intervenants ont regretté que les financements alloués par les DRAC aux projets d’accès aux pratiques culturelles des personnes en situation de handicap souffrent d’un défaut de visibilité, puisqu’ils sont insérés au sein de l’action « actions en faveur de l’accès à la culture » du programme « Transmission des savoirs » du ministère, action qui subit par ailleurs une baisse respectivement de 11,88 % de ses autorisations d’engagement et de 17,97 % de ses crédits de paiement…

Le ministère admet que de plus amples précisions pourraient être ajoutées à ces documents afin que ces actions n’apparaissent pas minoritaires.

1. Le tarissement du fonds interministériel pour l’accessibilité aux handicapés des bâtiments appartenant à l’État (FIAH)

Le FIAH, régi par les circulaires du Premier ministre du 27 mai 1994 et du 29 janvier 1996, contribuait jusqu’à cette année au financement d’opérations de mise en accessibilité des bâtiments ouverts au public qui appartiennent à l’État, sur une base proportionnelle qui pouvait atteindre 60 % du montant global engagé. Cette dotation pouvait financer soit les diagnostics, soit les travaux de mise en accessibilité. Les critères d’éligibilité et les montant des financements attribués étaient fixés par circulaire (13). Les demandes de financements étaient traitées par la direction générale aux affaires sociales du ministère des affaires sociales.

En 2007, six monuments historiques du CMN (14)– pour le diagnostic uniquement – , la Bibliothèque nationale de France – tant pour le diagnostic que pour la réalisation des travaux de mise en accès du Parvis – et sept musées nationaux (15) ont bénéficié d’un co-financement du FIAH, pour un montant total de 398 186 euros, le montant global des diagnostics et travaux atteignant 625 311 euros. En 2008, la dotation du FIAH a permis de soutenir des projets de mise en accessibilité d’équipements dépendant du ministère de la culture à hauteur de 401 797 euros, pour un montant total engagé de 891 219 euros(16). Ce soutien est important, puisqu’il couvre un peu moins de la moitié des montants engagés.

Or il semblerait que le fonds ne soit plus actif depuis 2009 et ne le soit pas non plus en 2010, du fait de l’absence de dotations. Le rapporteur pour avis regrette qu’une telle décision ait été prise de manière unilatérale, alors que les besoins vont aller croissant au cours de cinq prochaines années. Il n’a pu obtenir aucune information sur les raisons de la disparition de ce fonds. Le ministre lui a indiqué qu’il allait proposer que, dans le cadre du grand emprunt national, une part de l’enveloppe attribuée au ministère de la culture soit affectée au financement des travaux d’accessibilité dans les établissements d’enseignement supérieur. C’est effectivement fondamental, mais insuffisant.

On pourrait peut-être également envisager en remplacement du FIAH la création d’un fonds de dotation « accessibilité » aux missions élargies à l’ensemble des bâtiments protégés recevant du public, qui pourrait être alimenté par des mécènes, par une partie de la taxe sur les jeux en ligne ou par une taxe prélevée sur les achats et ventes d’éoliennes.

2. L’absence de crédits budgétaires spécifiques

Les crédits nécessaires aux travaux de mise en accessibilité ne font l’objet d’aucune dotation budgétaire spécifique et ne sont donc actuellement pas distingués de ceux nécessaires aux opérations plus générales de restauration dans lesquels ils sont englobés.

a) S’agissant des monuments et établissements dépendant du ministère de la culture

Au titre des travaux de restauration des monuments historiques financés par le plan de relance lancé en début d’année, un certain nombre d’opérations comportent des travaux pour permettre l’accès aux handicapés. Certaines opérations sont également prévues dans le cadre du volet « État exemplaire » du plan de relance, mais elles ont uniquement concernées des écoles dépendant du ministère de la culture (financées sur le programme « Transmission des savoirs »).

Le rapporteur pour avis ne dispose pas de données exhaustives lui permettant de mesurer l’effort entrepris et les efforts restant encore à fournir en la matière. Cela est regrettable car, comme le souligne la Direction des musées de France, une grande partie des préconisations établies dans les diagnostics d’accessibilité des musées nationaux démontre « la nécessité de disposer très rapidement d’une enveloppe budgétaire très importante de plus d’une centaine de millions d’euros pour atteindre l’objectif de rendre les établissements muséaux accessibles pour tous en 2015. En effet, la plupart de ces établissements se situent dans des monuments historiques, ce qui impliquera des moyens importants pour se conformer et ainsi respecter le calendrier règlementaire. Cette politique rejaillira sur un certain nombre de travaux à réaliser dans tous les musées de France ».

Par exemple, les travaux de mise en accessibilité totale du Palais du Tau se sont montés à 1,7 millions d’euros. Les mesures de substitution élaborées au Château de Vincennes pour compenser la non-accessibilité de certaines zones ont coûté 250 000 euros. Selon le CMN, il faut compter un budget moyen de 1,5 million d’euros par monument pour la mise en accessibilité et de 200 000 à 600 000 euros pour les mesures compensatoires.

Le rapporteur pour avis dispose donc uniquement de chiffrages parcellaires des montants déjà engagés par l’État pour le patrimoine monumental et les musées. Ainsi, depuis 2005, la direction des musées de France a consacré au financement des études et travaux visant à rendre plus accessibles les musées dont elle a la tutelle près de 2,6 millions d’euros en études ou en travaux. De même, le CMN alloue depuis 2007 des crédits spécifiques pour les travaux d’accessibilité. De 2007 à 2010, l’investissement du CMN sera de 4,38 millions d’euros, auxquels il convient d’ajouter la part consacrée aux études préliminaires et préalables menées sur les monuments.

La répartition annuelle des crédits est la suivante :

(en millions d’euros)

Année

Montants

2007

0,635

2008

1,390

2009

1,245

2010

1,110

Il semblerait par ailleurs que les établissements publics sous la tutelle du ministère de la culture ne disposent pas de dotations additionnelles pour financer ces travaux. Ainsi, pour Chambord, l’ensemble des mesures est autofinancé par l’établissement mais, si la lettre de la loi de 2005 doit être respectée, les travaux à engager, comme dans d’autres monuments, risquent d’être colossaux. L’établissement le souligne dans sa réponse : « force est de constater que la mise en œuvre de toutes les dispositions prévues par la loi sur un site comme Chambord est une énorme tâche, budgétairement très lourde et techniquement complexe. Ainsi, aucun des étages, pas plus que les terrasses, ne sont visitables par les personnes handicapées moteur, les seules solutions actuellement proposées étant l’aménagement de l’escalier à double révolution ou la création d’un ascenseur en lieu et place d’un escalier de fond en comble dans l’une des tours du donjon. Il est évident que, même si à l’heure actuelle aucun chiffrage n’a été fait, cet aménagement dépassera largement la capacité de financement propre de l’établissement ».

b) S’agissant des institutions ou monuments privés ou locaux

La problématique est, à ce niveau, encore plus complexe. La mise en oeuvre des diagnostics d’accessibilité, puis des travaux de mise en accessibilité, est à la charge de la collectivité, de l’association ou de la personne propriétaire. Par ailleurs, selon le ministère, « les données financières qui remontent en administration centrale ne permettent pas d’avoir un montant global des sommes ».

Pour autant, on peut aussi considérer que les travaux de mise en accessibilité seront également pour partie réalisés dans le cadre de chantiers plus larges de restauration, la problématique de l’accessibilité étant intégrée aux travaux dès la rédaction du cahier des charges par le maître d’ouvrage. Si le coût du diagnostic est clairement à la charge du propriétaire, il est clair que, lorsque le monument est classé ou inscrit, le régime classique des aides de l’État pour le patrimoine protégé s’appliquera à ces travaux.

Participation financière de l’État aux travaux de restauration
sur le patrimoine protégé des propriétaires privés et des collectivités

– pour le patrimoine classé, elle varie de 25 à 50 % du montant des travaux ;

– pour le patrimoine inscrit, elle varie de 0 à 40 % du montant des travaux.

La revalorisation du budget alloué au patrimoine monumental depuis 2009 est, dans ce cadre, un excellent signal à destination des propriétaires privés et des collectivités. Il conviendrait parallèlement que la mise en conformité de l’ensemble des établissements patrimoniaux recevant du public bénéficie d’un budget de programmation cohérent et soutenu jusqu’en 2015 afin de répartir financièrement les travaux sur cette durée. En cas de dérogation justifiée, les crédits devraient alors également comprendre le financement des mesures de substitution (visionnage de films pour les lieux inaccessibles, réalisation de maquettes, etc.).

3. La question du régime fiscal

Le système fiscal des monuments historiques privés ouverts au public prend en compte l’accessibilité des personnes à mobilité réduite puisque l’article 31 du code général des impôts édicte que le propriétaire d’un monument historique peut déduire en totalité de son revenu global les « dépenses d’amélioration afférentes aux locaux professionnels et commerciaux destinées à (…) faciliter l’accueil des handicapés ».

Si des crédits budgétaires spécifiques n’étaient pas débloqués, on pourrait également imaginer une incitation fiscale pour stimuler le mécénat en faveur des travaux d’accessibilité des bâtiments patrimoniaux recevant du public, ou plus largement en faveur de tout projet visant à favoriser l’accès des personnes en situation de handicap à la culture. Le mécénat permet en effet déjà de financer le développement d’une offre culturelle adaptée. Ainsi, un livre thermoformé, tel que ceux publiés par les Editions du Patrimoines du CMN, coûte en moyenne 150 000 euros, pour un prix de vente de 35 euros. Le mécénat a contribué à hauteur de 100 000 euros à la réalisation de chacun de ces ouvrages. Sans mécénat, il aurait été impossible de les réaliser.

De même, s’agissant des propriétaires privés, comme le rapporteur pour avis a pu le constater à Craon par exemple, un investissement dans des audio guides serait hors de portée des propriétaires. Mais le mécénat, par le biais de la Fondation du Patrimoine ou d’une autre association reconnue, permettrait peut-être aux propriétaires privés de développer leur offre culturelle à destination de ces publics.

Or, à l’heure actuelle, selon les termes de l’article 200 du code général des impôts, le particulier bénéficie d’une réduction d’impôt de 66 % du don réalisé dans la limite de 20 % des revenus de l’année. S’agissant des entreprises, l’article 238 bis du code général des impôts dispose que les dépenses engagées dans le cadre du mécénat ouvrent droit à une réduction de l’impôt de 60 % dans la limite de cinq pour mille du chiffre d’affaires hors taxes.

Rappelons que, depuis, la loi pour la relance de l’économie par l’investissement précitée a fait sauter le dernier verrou qui limitait l’accès à cette possibilité aux personnes gérant leur monument selon un statut non lucratif, qui plafonnait à 60 000 euros les recettes annuelles de l’exploitation du monument, montant de recettes au delà duquel les dons faits au propriétaire n’étaient plus éligibles à la déduction fiscale du mécénat. Le seuil de 60 000 euros avait d’ailleurs été supprimé, notamment au motif qu’il fallait faciliter les travaux d’aménagement nécessaires à l’amélioration de l’accueil du public et notamment de l’accueil des personnes en situation de handicap.

On pourrait donc imaginer un renforcement de ces deux types de réductions d’impôts, soit en augmentant les plafonds prévus, soit en passant à 75 % pour les dons des particuliers et 70 % pour les dons des entreprises. Certes, aujourd’hui, seuls les dons faits à des organismes à caractère caritatif procédant à des distributions gratuites de repas à des personnes en difficulté ou leur procurant un logement ou des soins bénéficient de ce taux de 75 %, mais ne peut-on considérer que l’accessibilité des monuments aux handicapés est également une cause sociale importante ?

Par ailleurs, il conviendrait peut-être également que le ministère des finances examine la possibilité d’une exonération partielle de CSG, d’impôt sur la fortune ou d’impôts locaux pour les propriétaires privés les plus en difficulté pour financer cette mise aux normes.

CONCLUSION

Le rapporteur pour avis se réjouit de l’excellent niveau du budget alloué au patrimoine en 2010. Les efforts fournis sont indéniables et les promesses tenues. Souhaitons que ces moyens additionnels permettent, dans la durée, d’entretenir et de restaurer l’ensemble de nos monuments les plus symboliques.

S’agissant de la partie thématique de son avis, le rapporteur tenait à faire un état des lieux à mi-parcours de la loi de 2005. Suite aux différentes auditions et aux déplacements qu’il a effectués, il plaide à nouveau pour une certaine souplesse d’application de la législation dans ces bâtiments si particuliers que constituent nos monuments et nos musées. Il convient de mettre à profit l’inventivité des maîtres d’œuvre pour développer des mesures de substitution intelligentes là où une accessibilité totale sera impossible. En effet, comme l’ont souligné plusieurs personnes rencontrées, notre patrimoine monumental a été en grande partie construit pour être inaccessible : le rendre totalement accessible relèverait de la gageure !

Il convient surtout de mettre en avant l’importance d’un égal accès de tous à la culture, mais surtout d’une égale information de l’ensemble de nos concitoyens sur les possibilités de visites adaptées offertes dans nos monuments et musées, qu’ils soient nationaux ou locaux, publics ou privés. Les personnes rencontrées soulèvent toutes la nécessité d’une plus grande mutualisation des connaissances sur ce sujet, d’une plus importante coopération et concertation pour mettre en œuvre l’ambitieuse législation de 2005. Le dialogue est indispensable pour atteindre cette ambition. Mettre autour de la table institutions patrimoniales, architectes et associations de handicapés est fondamental. Le rapporteur pour avis a pu le constater lors de ses déplacements : les tables rondes organisées à cette occasion ont permis à chacun de mieux comprendre l’autre.

Le rapporteur pour avis s’inquiète de la qualité et de la généralisation des formations à l’accessibilité, qu’elles soient initiales ou continues, des diagnostiqueurs, des maîtres d’œuvre, de l’ensemble de la filière du bâtiment, des muséographes, des scénographes, des personnels d’accueil, des guides, des accompagnants et, plus généralement, de toutes les professions concourant à la mise en accessibilité et à l’accueil dans les lieux patrimoniaux. Le Gouvernement devra être particulièrement attentif à ce point dans les prochains mois et les prochaines années, faute de quoi la loi de 2005 risque bien d’être très inégalement appliquée sur le territoire.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DU MINISTRE

La commission des affaires culturelles et de l’éducation entend, en commission élargie à l’ensemble des députés, M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits 2010 de la mission « Culture », au cours de la séance du mardi 3 novembre 2009 à 17 heures.

M. Didier Migaud, président de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Nos deux commissions sont heureuses d’accueillir M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, dans le cadre d’une commission élargie consacrée à l’examen des crédits de la mission « Culture » ainsi qu’aux comptes spéciaux qui y sont associés.

Tout d’abord, Michèle Tabarot et moi-même saluons le travail de nos rapporteurs – spéciaux de la Commission des finances, pour avis de la Commission des affaires culturelles. La concision à laquelle nous les invitons ne saurait servir d’aune à leur travail. Celui-ci ne se limite pas à présenter les crédits d’une mission, ils ont aussi la charge de la suivre tout au long de l’année dans le cadre du contrôle et de l’évaluation des politiques publiques.

Nous entendrons d’abord les rapporteurs, puis les représentants des groupes. Nous vous demanderons ensuite de répondre, monsieur le ministre, puis les députés qui le souhaitent vous interrogeront.

J’aimerais, quant à moi, vous poser d’emblée deux questions, monsieur le ministre. La première, sur le dispositif « Malraux ». À la suite du rapport d’information de la Commission des finances de juin 2008 sur les niches fiscales, nous avons profondément remanié le dispositif « Malraux » à l’article 84 de la loi de finances initiale pour 2009. Un an après cette réforme, quel en est le bilan ? Combien d’opérations bénéficient du nouveau dispositif ? Et quels sont les montants engagés ? L’instrument est-il adapté à la réhabilitation des secteurs sauvegardés ?

La seconde question porte sur les suites de la mission d’évaluation et de contrôle de la Commission des finances, menée en liaison avec la Commission des affaires culturelles, relative au musée du Louvre. Cette mission a formulé vingt-deux propositions qui portaient, en cercles concentriques, sur le musée du Louvre, la politique des musées, le rôle de la tutelle ainsi que sur des aspects transversaux de la politique de gestion du patrimoine immobilier, artistique ou immatériel de l’État. Les conclusions du rapport remis par MM. Richard Dell’Agnola, Nicolas Perruchot et Marcel Rogemont ont été très consensuelles puisqu’il a été adopté par la Commission des finances, toutes sensibilités politiques confondues. Nous serons attentifs aux suites que le Gouvernement entendra y donner.

Leurs propositions tendaient de façon générale à renforcer l’autonomie des musées pour libérer leurs initiatives. En contrepartie, des mesures d’accompagnement étaient préconisées, en particulier la mise en place d’outils de comptabilité analytique pour mieux connaître les coûts réels et complets des différentes fonctions assumées par les grands musées. Je pense notamment à leurs politiques d’édition et de gestion des fonds photographiques. Il s’agit de faire la clarté sur leurs coûts, comparés à ceux de la Réunion des musées nationaux. Où en est la mise en place de tels outils ?

Mme la présidente Michèle Tabarot. Je suis heureuse d’accueillir à nouveau M. le ministre pour l’entendre aujourd’hui sur les projets dont il nous a parlé lors de son audition au début d’octobre.

Je salue le travail de nos rapporteurs sur des sujets importants. Pour ce qui est de la Commission des affaires culturelles, Marc Bernier s’est penché sur l’accessibilité du patrimoine aux personnes handicapées, sujet qui nous touche tous et auquel le Parlement est particulièrement attentif ; et Marcel Rogemont sur les relations entre le spectacle vivant et les territoires. Il s’est interrogé sur une éventuelle aggravation des disparités entre Paris et les autres régions françaises au cours des dernières années.

Je voudrais, quant à moi, vous signaler notre inquiétude à propos de l’article 52 du PLF sur la décentralisation du patrimoine, que certains de nos collègues voudraient modifier.

M. Richard Dell’Agnola, rapporteur spécial sur les crédits « Création, transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Monsieur le ministre, il s’agit de votre premier budget et je vous remercie de l’accueil que vous avez réservé aux rapporteurs et de votre qualité d’écoute.

Les crédits alloués à la mission « Culture » pour 2010 sont en augmentation de 3,9 %, progression appréciable dans un contexte de restriction budgétaire. Cette hausse profite au programme « Patrimoines » pour lequel un rattrapage était indispensable. Pour les programmes « Création et transmission des savoirs », les crédits sont maintenus à leur niveau antérieur. Le budget 2010 devrait donc permettre de poursuivre les grands projets en cours : le centre des archives, le Musée des civilisations, le réaménagement du Palais de Tokyo et le centre de conservation du patrimoine. Les crédits de la mission seront de 2,9 milliards d’euros en crédits de paiement, soit 110 millions d’euros de plus qu’en 2009.

En ce qui concerne le soutien au spectacle vivant, le ministère a conduit au cours des deux dernières années une réflexion indispensable sur ses modalités. L’État ne pouvait pas augmenter continûment ses dépenses d’intervention sans disposer d’instruments d’analyse et d’évaluation. À cet égard, les Entretiens de Valois ont fait date. Les modalités d’attribution des aides au spectacle vivant comportent encore des imperfections, la clarté des critères de sélection étant insuffisante, tout comme le suivi opéré tant au niveau central que déconcentré. Le conventionnement doit être amélioré. Vous avez demandé, monsieur le ministre, que les redéploiements soient réguliers et relativement importants, entre 5 et 10 %. Comment le ministère va-t-il mener cette opération délicate ?

S’agissant du dialogue entre les acteurs du spectacle vivant en région, quel bilan faites-vous de la première conférence du spectacle vivant qui s’est tenue en septembre en Rhône-Alpes ? Quelles leçons en avez-vous tirées avant de généraliser l’expérience ?

Ma troisième question a trait à la suppression de la caisse des congés spectacles et à la mise en place d’un autre système, plus simple et moins coûteux. Après les travaux de la Cour des comptes et de plusieurs inspections qui ont tour à tour relevé les insuffisances de gestion de la caisse, je me félicite que la réflexion progresse. Je rappelle que 16 millions d’euros n’ont pas pu être versés aux bénéficiaires, faute d’une gestion appropriée. Trois solutions sont envisagées, mais le versement direct des congés par l’employeur, sans passer par un organisme, me paraît séduisant car il allierait simplicité – le nombre de procédures de déclaration passerait de six à cinq – et économie, l’absence de coût de gestion pouvant alors profiter aux salariés eux-mêmes. On rejoindrait alors le droit commun. Cette solution serait certainement la plus simple pour les artistes en réelle situation d’intermittence, pour les petites entreprises du spectacle et pour les structures associatives légères qui sont très nombreuses. Quand le Gouvernement entend-il prendre une décision ?

La question des congés se prolonge par celle de la simplification des déclarations. Les procédures déclaratives dans ce secteur sont nombreuses – six – et la complexité des taux et des assiettes de cotisations saute aux yeux à la lecture d’une feuille de paie. Il serait à l’honneur de ce Gouvernement de simplifier le système en offrant aux petites entreprises ou aux associations du secteur du spectacle un guichet unique, ou en créant pour elles l’équivalent du titre « emploi service entreprises » – le TESE – institué par la loi de modernisation de l’économie.

J’en viens maintenant à la question des postes de conservateurs d’État dans les bibliothèques municipales classées. Les villes évoquent un manque de visibilité sur l’engagement de l’État en faveur de ces bibliothèques. Les postes spécifiques liés à des collections patrimoniales d’État sont préservés, mais le ministère ne pourvoit plus systématiquement aux postes de directeurs-adjoints ou de responsables de départements. Pourtant, il s’agit toujours de structures sous tutelle du ministère, qui portent une part de la politique d’accès au livre. Quelles sont les évolutions envisagées ? Y aurait-il désengagement de l’État ?

Apparemment, l’incertitude règne quant au calendrier d’intégration des écoles d’art dans le cursus européen LMD. Quels seront les établissements publics de coopération culturelle soutenus par l’État en 2010 ? Certaines personnalités auditionnées ont avancé le chiffre de dix seulement en 2010, alors que 57 écoles au total sont concernées par la démarche. Comment l’État accompagnera-t-il la transition ?

Vous évoquez, monsieur le ministre, dans la note que vous avez adressée aux préfets de région au sujet de l’action des DRAC, un renforcement de l’évaluation en tant qu’outil de pilotage fondamental et exigence démocratique. Quels sont les moyens et les critères de l’évaluation des actions retenues par les DRAC ?

S’agissant du soutien au marché de l’art, j’avais posé l’an dernier une question qui reste pendante sur la réforme du droit de suite, nécessaire pour ne pas pénaliser la France, où ce droit est payé au conjoint survivant, par rapport à la Grande-Bretagne où le marché est plus prospère. Des mesures fiscales, de faible ampleur, seraient également de nature à redonner un peu de couleur à notre marché de l’art. Quels sont les projets en la matière ?

Enfin, ma dernière question concerne l’installation de la HADOPI puisque, grâce à l’autorité qui est la vôtre, vous avez permis, après quelques péripéties, l’adoption de cette bonne loi. Quels moyens donnerez-vous à la nouvelle instance ?

M. Nicolas Perruchot, rapporteur spécial pour les crédits du patrimoine. Le projet de loi de finances dote le programme « Patrimoines » de 1,19 milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 1,25 milliard d’euros en crédits de paiement, soit une croissance respective de 13,6 % et 11,1 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2009. Les crédits du patrimoine monumental et archéologique devraient connaître une croissance substantielle : 27,6 % en autorisations d’engagement et 28,3 % en crédits de paiement, atteignant ainsi respectivement 365 et 420 millions d’euros. Cette revalorisation est conforme à l’objectif fixé par le Président de la République de consacrer 400 millions à l’entretien et la restauration des monuments historiques. En 2010, les crédits dévolus à ces actions devraient s’élever en effet à 387,7 millions en CP, plus 14 millions en cours de gestion.

Les crédits du plan de relance de l’économie réservés aux monuments historiques se sont traduits par une ouverture de 100 millions d’euros en autorisations d’engagement en 2009, dont 80 consommés en 2009 et 20 en 2010.

Je m’en tiens là pour la présentation et j’en viens à mes questions.

La première concerne le futur musée de l’histoire de France. Le rapport de Jean-Pierre Rioux a retenu cinq sites susceptibles d’accueillir le nouveau musée : Chaillot, le Grand Palais, les Invalides, Vincennes et Fontainebleau. Le nouveau président de Fontainebleau, récemment nommé, ayant également été chargé du projet scientifique et culturel d’une future maison de l’histoire de France, cela signifie-t-il que le choix de l’implantation a été arrêté ? N’a-t-on pas de fait verrouillé le processus ? Par ailleurs, d’après les informations dont je dispose, les coûts du nouveau musée s’échelonneraient entre 15 et 60 millions d’euros, soit du simple au quadruple selon le site retenu. Pourquoi un tel écart ? Et où Fontainebleau se situe-t-il dans la fourchette ?

Autre projet, le Musée des civilisations d’Europe et de la Méditerranée, le MuCEM, que vous avez jugé, monsieur le ministre, prioritaire. Ce musée a été lancé il y a cinq ans et les travaux n’ont toujours pas débuté. Pourtant, le temps presse puisque ce monument doit être le porte-drapeau de Marseille, capitale européenne de la culture en 2013. Plusieurs associations de riverains ont intenté des recours contre le projet. Où en sont-ils aujourd’hui ? Risquent-ils de retarder encore les travaux ? Et si oui, quelles seraient les conséquences financières ? Par ailleurs, une mission de préfiguration a été créée en mai dernier, préalablement au choix définitif de la structure de gestion. La mission a-t-elle déjà rendu ses premières conclusions ? Si oui, lesquelles ?

Ma troisième question porte sur l’aménagement d’un espace dédié à la création actuelle dans l’aile occidentale du Palais de Tokyo. Il est envisagé de créer un nouvel organisme autonome pour gérer cet espace. Un rattachement au Centre Pompidou, assorti d’une large autonomie pour le nouvel établissement, n’aurait-il pas permis de mutualiser les fonctions d’administration et de support, et de faire des économies ? Et, eu égard à la proximité des collections, d’envisager des coopérations renforcées dans le respect de l’indépendance artistique de chaque établissement ? Pourquoi avoir rejeté une telle solution ? Pour la future structure, une société par actions simplifiée est envisagée ? Quels avantages cette option présenterait-elle par rapport à celle du rattachement ?

Une question aussi sur le patrimoine écrit et documentaire, et surtout sur le grand chantier d’avenir que représente la numérisation et la mise à disposition de ce patrimoine. Il s’agit d’un enjeu de société. Vous avez déclaré, monsieur le ministre, que la numérisation du patrimoine français ne pourrait se faire que « dans une garantie d’indépendance nationale absolue ». Qu’en est-il des projets de bibliothèque numérique Europeana pour l’Union européenne et Gallica pour la BnF ? Et de l’éventuel partenariat avec Google, dont le projet Google Books suscite beaucoup d’inquiétudes et d’interrogations sur le risque monopolistique et sur le respect des droits d’auteur ? Google a numérisé des œuvres épuisées mais protégées, sans l’autorisation des ayants droit. Qu’en est-il de la rémunération des auteurs, des éditeurs et des ayants droit, les contenus numérisés générant des revenus publicitaires ? Enfin, s’il y a une commercialisation des œuvres par Google via un service d’impression à la demande, n’est-ce pas une menace pour l’équilibre économique global de la filière du livre ?

Je partage les interrogations de mes collègues sur l’article 52 du projet de loi. Comme Mme Tabarot, j’aimerais connaître votre avis sur cet article et sur les suites que vous souhaitez y donner.

Je terminerai par un cri d’alarme, monsieur le ministre, pour sauver un grand monument français, qui abrite aujourd’hui Mirabeau, Voltaire, Victor Hugo, Rousseau, Zola, Jean Jaurès, Jean Moulin, l’abbé Grégoire, Alexandre Dumas, André Malraux, Pierre et Marie Curie. Il s’agit bien sûr du Panthéon. Il y a quatre ans, j’avais alerté votre prédécesseur à propos du quadrilatère Richelieu qui dépendait de la BnF à l’époque. Je suis heureux de constater que, cette année, des crédits importants permettront d’engager des travaux devenus indispensables. Inutile, monsieur le ministre, de souligner combien le Panthéon est essentiel pour les Français. Il faut aujourd’hui 100 millions, étalés sur six ans, pour financer les travaux nécessaires et cesser d’exposer les visiteurs à des risques considérables. Il y a urgence. Le plan de relance peut-il servir à rendre toute sa place à un monument essentiel de notre patrimoine, connu dans le monde entier ? À son fronton, il est écrit « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante ». Je souhaiterais pouvoir donner à mon rapport l’épigraphe : « Aux grands ministres, l’Assemblée reconnaissante » (Sourires).

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation pour la création, la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture. Je me réjouis des propos de M. Richard Dell’Agnola, qui a annoncé un budget en augmentation sensible – plus 3,9 %. Toutefois, pour la création, l’augmentation est seulement de 0,31 % et pour la transmission des savoirs de 0,43 %, ce qui me fait penser à la chanson de Jacques Brel, « Le plat pays qui est le mien ».

Tout d’abord, monsieur le ministre, quels moyens en fonctionnement et en intervention ont été alloués au Conseil de la création artistique par votre ministère en 2009 et quels seront-ils pour 2010 ? Combien de personnels du ministère de la culture travaillent pour ce conseil et combien d’années encore l’existence de celui-ci va-t-elle perdurer ? Mon inquiétude est d’autant plus légitime que, par décret, 638 551 euros du programme « Transmission des savoirs » ont été transférés aux services du Premier ministre en vue d’assurer le fonctionnement du conseil : quelle est la raison d’être d’un tel transfert et les crédits du ministère de la culture sont-ils appelés à financer durablement les frais de fonctionnement du conseil ?

N’est-il pas du reste surprenant que vous ayez financé les actions conduites par ce conseil, dont vous assurez la vice-présidence, alors que son délégué général a affirmé qu’en aucun cas le conseil ne serait financé par les crédits du ministère de la Culture ? Ne faudrait-il pas, au point où nous en sommes, transformer cette structure ad hoc en un Fonds d’intervention culturel directement rattaché au ministère – le FIC, dans les années soixante-dix, a connu des heures de gloire puisqu’il a notamment permis la création du Printemps de Bourges. Il serait ainsi plus en prise avec les actions que vous menez au sein du ministère et éviterait à certains de réinventer le fil à couper le beurre ! Il remplacerait alors avantageusement le Fonds de soutien à la création et à la diffusion, créé en 2009 et malheureusement supprimé en 2010, qui était doté de 5 millions d’euros.

Par ailleurs, comment pouvez-vous mettre en place de nouvelles structures dans un cadre budgétaire aussi contraint ? Le projet de la Philharmonie, même financé à hauteur de 45 % par la ville de Paris, ponctionnera les crédits de fonctionnement. Le rapport de la Cour des comptes rappelle que, lorsque entre 2000 et 2008 les crédits du spectacle vivant augmentaient de 18,8 %, ceux des opérateurs nationaux connaissaient une hausse de 42,8 % qui entraînait la baisse mécanique des crédits des autres opérateurs, notamment régionaux.

Comment, de plus, pouvez-vous affirmer que la démocratisation culturelle, ou « la culture sociale », pour reprendre votre expression, représente à vos yeux une priorité alors que les crédits d’action culturelle baissent de 12 % en autorisations d’engagement et de 17,8 % en crédits de paiement ? De plus, l’adjectif « social » n’est-il pas réducteur, laissant à penser que la « culture » serait pour les riches et la « culture sociale » pour les pauvres ?

En ce qui concerne les rapports entre Paris et la province, thème que la Commission a souhaité privilégier de cette année, comment expliquez-vous que les crédits centraux, qui financent aujourd’hui principalement les grandes institutions parisiennes, restent majoritaires au sein du programme « Création » puisqu’ils représentent 57 % du programme contre 44 % des crédits gérés par les DRAC, et ce alors même que la situation ne s’est pas améliorée entre 2007 et 2010 ? Le constat est identique pour les crédits du spectacle vivant du programme « Création ». Aucun rééquilibrage en faveur des institutions ou des compagnies régionales n’est donc perceptible.

De même, si on fait une distinction plus fine entre crédits effectivement dépensés en région – soit les crédits déconcentrés hors Paris auxquels s’ajoutent les crédits centraux affectés en région – et les crédits dépensés pour Paris, la situation est encore pire puisque le taux de dépenses en région passe de 54,72 % en 2002 à 53,43 % en 2009. Comment expliquer de tels chiffres au moment où on parle d’un « rééquilibrage en faveur des régions » ?

Par ailleurs, si les crédits de fonctionnement déconcentrés à destination des équipes artistiques augmentent de 2,5 millions d’euros, nous n’avons reçu aucune explication sur la répartition de cette augmentation – cette hausse est-elle entièrement destinée aux nouvelles équipes ?

Je tiens également à noter la baisse sensible des crédits affectés aux actions en faveur de l’accès à la culture, alors que les politiques territoriales augmentent dans le même temps.

S’agissant du festival d’Avignon, comment expliquez-vous qu’il soit un des moins dotés d’Europe en argent public – crédits d’État et des collectivités territoriales réunis ? C’est pourtant un des plus grands festivals d’Europe, voire du monde, emblématique du rayonnement international de notre culture. De plus, comment expliquer que le projet de « la Fabrique », nécessaire au bon fonctionnement du festival, reste au point mort alors que les crédits sont inscrits au contrat de plan État-région et que les financements sont théoriquement débloqués ?

Monsieur le ministre, vous avez annoncé que la réserve de 5 % des crédits ne serait pas prise sur le programme « Patrimoines ». Est-ce à dire qu’ils le seront sur les programmes « Création » ou « Transmission des savoirs », alors que le Président de la République a déclaré, il y a moins d’un an, à Nîmes, que les crédits affectés à la création ne seraient pas gelés ?

De plus, je n’ai toujours pas la liste, que je vous ai demandée, des compagnies travaillant en région financées par les crédits centraux du ministère de la culture.

Enfin, hormis les théâtres nationaux, qui sont dirigés par trois femmes et deux hommes, il m’a semblé que les dernières nominations dans les centres dramatiques nationaux et dans les centres chorégraphiques nationaux étaient essentiellement masculines. Devrions-nous en tirer la conclusion que la création serait désormais surtout masculine ?

M. Marc Bernier, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation pour les patrimoines. Comme M. Dell’Agnola, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que votre cabinet, de l’accueil que vous nous avez réservé dès votre prise de fonctions.

À la Commission des affaires culturelles, nous avons pour tradition de nous pencher chaque année sur une thématique précise, afin de ne pas reproduire le travail de nos collègues de la Commission des finances mais de faire œuvre de proposition. J’ai retenu cette année pour thème d’étude : « Patrimoines et handicap : état des lieux et perspectives ».

En ce qui concerne le budget général, les 20 millions de ressources extrabudgétaires qui devaient être versés au centre des monuments nationaux en 2009 l’ont-ils bien été ? Si tel n’est pas le cas, pour quelle raison et le seront-ils assez tôt avant la fin de l’année pour être engagés ?

L’article 18 de la loi du 17 février 2009 pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés a modifié les articles 200 et 238 bis du code général des impôts pour permettre aux monuments historiques privés ayant des recettes commerciales supérieures à 60 000 euros par an de bénéficier du dispositif du mécénat dans certaines conditions, ce dont je me réjouis. Savez-vous toutefois quand le ministère des finances publiera les instructions fiscales permettant de donner toute sa portée à cette disposition ?

En ce qui concerne la gratuité dans les musées, quand pensez-vous pouvoir bénéficier d’un bilan qualitatif permettant de mesurer l’effet de cette disposition sur les publics les plus éloignés de la culture ? Les données quantitatives fournies dans les réponses au questionnaire budgétaire sont intéressantes, mais insuffisantes.

S’agissant de l’accès au patrimoine des personnes en situation de handicap, comment évaluer les efforts fournis à ce jour par le ministère de la culture ? Les personnes que j’ai rencontrées paraissent relativement satisfaites de l’action de celui-ci en la matière, du moins par rapport à celle d’autres ministères que je ne nommerai pas. Toutefois, à mi-parcours de la loi de 2005, des zones d’ombre persistent.

Au cours de mes auditions et lors de mes déplacements, de nombreux intervenants m’ont fait part de leur difficulté à trouver un diagnostiqueur familier des enjeux particuliers posés par les bâtiments patrimoniaux et les musées. Or, les diagnostics doivent être révisés au plus tard fin janvier 2010 : comment le ministère compte-t-il pallier cette carence ? Les directions régionales des affaires culturelles ne pourraient-elles pas disposer de listes indicatives de prestataires plus spécialisés dans le secteur du patrimoine, ou une telle disposition serait-elle considérée comme contraire aux règles de la concurrence ?

Le thème de la formation est souvent revenu au cours des auditions. Quelles sont les formations à l’accessibilité, notamment celle des futurs architectes ? C’est un sujet très important puisque cela engage la qualité des constructions futures et des rénovations. Or, j’ai perçu à cet égard de profondes inquiétudes. Des incertitudes demeurent en effet quant au contenu de ces formations, à leur contingent horaire et au nombre de formateurs qualifiés en accessibilité.

Toutes les initiatives développées en faveur de l’accès au patrimoine et, plus largement, de l’accès à la culture pour les personnes en situation de handicap, doivent être mieux coordonnées, plus visibles et plus accessibles, non seulement à l’ensemble de ces personnes mais également aux institutions ou collectivités qui voudraient bénéficier d’un retour d’expérience. Ne pensez-vous pas que, sur le plan local, les liens entre le monde de la culture et du patrimoine et les maisons départementales des personnes handicapées – MDPH – doivent être concrétisés ?

Une des missions premières de ces organismes est de constituer une plateforme informative sur tous les champs du handicap. L’accès à la culture doit faire intégralement partie des missions de la MDPH. Un partenariat, voire la signature d’une convention entre le ministère de la Culture et de la communication et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie ne permettraient-ils pas de donner un cadre à ces collaborations locales ?

S’agissant du financement des projets d’accès aux pratiques culturelles des personnes en situation de handicap, de nombreux intervenants ont regretté que les financements alloués par les DRAC soient noyés au sein des actions en faveur de l’accès à la culture du programme « Transmissions des savoirs » – dont les crédits sont d’ailleurs en baisse. Ne pourrait-on envisager une revalorisation de ces crédits ?

En ce qui concerne le financement de la mise en accessibilité des bâtiments appartenant à l’État, comment expliquez-vous que le Fonds interministériel d’accessibilité des immeubles administratifs aux handicapés – FIAH – ne soit plus actif depuis 2009 alors que les principaux travaux de mise en accessibilité débuteront en 2010 en vue de réaliser les mises aux normes au plus tard pour 2015 ? Il s’agit là d’un paradoxe inexplicable.

Si des crédits budgétaires spécifiques n’étaient pas débloqués pour ces travaux, ne pourrait-on pas imaginer une incitation fiscale pour stimuler le mécénat ? Par exemple en augmentant les plafonds prévus ou en portant le taux de déductibilité à 75 % pour les particuliers et 70 % pour les entreprises.

Monsieur le ministre, je me réjouis de l’excellent niveau du budget alloué au patrimoine pour 2010. Les efforts fournis sont indéniables et les promesses tenues. Souhaitons que ces moyens additionnels permettent dans la durée d’entretenir et de restaurer l’ensemble de nos monuments les plus symboliques, d’autant qu’il s’agit de surmonter un paradoxe : notre patrimoine monumental a été en grande partie construit pour être inaccessible. Le rendre totalement accessible sera un exploit.

M. le président Didier Migaud. Les porte-parole des groupes vont à présent s’exprimer, deux pour chacun des groupes.

Mme Muriel Marland-Militello. Monsieur le ministre, le budget de la mission « Culture » est en progression de 3,9 % par rapport à celui de 2009, qui était déjà en augmentation de 2,6 %. Une telle augmentation est légitime parce qu’elle s’accompagne d’un effort de rationalisation dans l’organisation et dans la dépense en vue d’optimiser chaque euro dépensé au service de la culture dans notre pays. Il en ainsi du regroupement des écoles supérieures d’art ou du spectacle vivant en des pôles de taille pertinente, en vue de contribuer à leur rayonnement culturel et de favoriser l’insertion professionnelle de leurs diplômés, ou de la construction d’un Centre national de conservation du patrimoine pour conserver, restaurer et expertiser en un seul lieu nos œuvres d’art.

Cette hausse budgétaire est également légitime car la politique en faveur des monuments historiques – plus 10,7 %, soit 400 millions d’euros –, permet, tout en réhabilitant notre patrimoine monumental, de développer notre attractivité touristique et de sauver un nombre important d’emplois en soutenant l’activité économique des entreprises de restauration.

Sauver le passé sans négliger l’avenir, c’est bien la raison d’être du programme « Création », qui est en hausse de 0,4 %. La forte proportion des crédits dévolus au spectacle vivant – 86 % – se justifiera d’autant mieux si on mène à bien les réformes nécessaires issues des entretiens de Valois et si on résout les problèmes liés à l’intermittence du spectacle. Même si on peut regretter les traditionnels 7 % dévolus aux arts plastiques, pourtant patrimoine de demain, on doit se réjouir du maintien du palais de Tokyo comme lieu dévolu aux artistes émergents et de celui de manifestations comme Monumenta, consacrées aux artistes confirmés comme Christian Boltanski, sans oublier le plan de relance pour le marché de l’art.

Les deniers publics doivent bénéficier au plus grand nombre, quels que soient la situation sociale et le lieu de résidence. L’importance du programme « Transmission des savoirs et démocratisation culturelle » légitime, en période de budget contraint, ce fort investissement public en hausse de 1,9 % hors personnel.

Plus on agit près des personnes et des territoires, plus la démocratisation culturelle est efficace. À cet égard, la numérisation du patrimoine culturel et de la création sera une des clefs de voûte de la démocratisation culturelle de demain. C’est une excellente chose car il me paraît essentiel d’approfondir encore cet effort pour permettre à tous d’accéder à la culture, notamment aux personnes éloignées de l’offre culturelle pour des raisons sociales, géographiques ou liées au handicap.

Je suis particulièrement sensible au fait que la priorité affichée en faveur de l’éducation artistique et culturelle s’accompagne d’un effort tout particulier envers les résidences d’artistes dans les établissements scolaires comme en faveur de la production et de la diffusion de ressources documentaires, notamment numériques, qui pourront enrichir le portail Histoire des arts.

En tant que présidente du groupe d’études de la vie associative, je salue également la démarche de conventionnement avec des structures associatives en vue de développer les pratiques des amateurs et de favoriser l’accès de tous à la culture. C’est une des clefs de la diversification des publics qui, de ce fait, mérite une place de choix dans la politique culturelle de l’État.

Enfin, la poursuite du rééquilibrage entamé en 2009 en faveur des territoires sera également très bénéfique. Les crédits des DRAC progresseront en fonctionnement et en investissement de 9,7 % en 2010, soit 73 millions d’euros de crédits supplémentaires. Ainsi plus de 35 % des crédits de la mission « Culture » seront gérés au niveau déconcentré par les DRAC. C’est une juste reconnaissance de la qualité du travail réalisé par ces directions.

Le budget de la mission « Culture » pour 2010 est important : il permettra de réaliser une politique culturelle ambitieuse, voire inespérée dans un contexte budgétaire aussi contraint. C’est un signe que la culture est bien une priorité du Président de la République et de la majorité, qui ont compris combien étaient nécessaires à notre société la culture et la démocratisation culturelle.

Monsieur le ministre, quelles sont les retombées concrètes des entretiens de Valois auxquels nous avons accordé l’année dernière une dotation exceptionnelle de 15 millions d’euros ?

À la page 44 du dossier de presse, il est écrit, s’agissant du projet de la Philharmonie de Paris que « le mécanisme de financement devrait reposer majoritairement sur l’emprunt avec le souci d’en optimiser le coût financier ». Alors que cette préoccupation me paraît essentielle, peut-on en savoir plus sur les modalités de cet emprunt, notamment sur les intérêts que l’État est prêt à payer ? Quid du financement de cette opération par le mécénat ?

Où en est-on exactement de l’enseignement obligatoire de l’histoire des arts ? Quels moyens y sont consacrés, notamment en matière de formation des professeurs à ces enseignements nouveaux ? Quelle est, si elle existe, l’articulation avec l’effort financier du ministère de l’Éducation nationale en la matière ?

Enfin, l’action 4 du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » est consacrée aux actions en faveur de l’accès à la culture. Cette dimension est fondamentale car elle vise notamment à réduire les inégalités sociales et territoriales et s’appuie fortement sur le monde associatif et la pratique amateur. Cette question intéresse du reste de très près les 47 pays du Conseil de l’Europe, qui m’a confié un rapport sur ce sujet majeur pour la culture et le dialogue interculturel. Je m’étonne et m’inquiète, monsieur le ministre, de voir que les crédits pour 2010 sont inférieurs de 6 millions d’euros à ceux de 2009 : pouvez-vous m’apporter des garanties sur la politique d’accès à la culture pour tous ?

M. Christian Kert. Je tiens tout d’abord à relever la qualité de l’exposé de M. Rogemont et surtout de sa sémantique : lorsqu’il s’agit d’une pente baissière, c’est une baisse, lorsqu’il s’agit d’une augmentation, c’est un faux plat. Notre ami n’est pas prêt pour le tour de France !

Il y a cinq ans, une mission d’information parlementaire sur les intermittents du spectacle avait permis d’approfondir la réflexion à ce sujet. De votre côté, monsieur le ministre, vous avez rassemblé des informations sur le sujet : envisagez-vous de réformer ou de retoucher le système des intermittents du spectacle, qui est essentiel pour la pérennité de la création française ?

En ce qui concerne les langues régionales, nous avions envisagé qu’une loi compléterait leur entrée dans la Constitution. C’est un sujet complexe qui touche aux identités nationale et régionales. Si un projet de loi n’émane pas du Gouvernement, des députés déposeront sans aucun doute une proposition de loi : monsieur le ministre, quel est votre sentiment sur la question ?

Vous savez aussi bien que nous que le territoire français est parsemé de maisons d’écrivains, dont certaines sont parfaitement entretenues, voire devenues de véritables musées, et d’autres presque à l’état d’abandon. Vous aviez envisagé de créer une route des maisons d’écrivains à travers la France : ce projet est-il toujours d’actualité ?

Il est de bon ton aujourd’hui d’affirmer que si Paris a su être une très grande place d’art contemporain, le marché s’est déplacé vers Londres ou Berlin. Pensez-vous que nous pourrions conduire une action tant au plan national qu’au sein des métropoles régionales en vue d’aider les galeries françaises à retrouver leur place sur le marché international ?

Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier d’avoir reçu M. Richard Martin, directeur du théâtre Toursky à Marseille, et de l’avoir assuré du soutien de l’État dans l’effort culturel qu’il conduit. Quant au MuCEM, pourra-t-il être achevé en 2013, année où cette capitale régionale deviendra capitale européenne de la culture ?

Demain, et pour la première fois en France, toutes les salles de cinéma seront appelées à éteindre leurs enseignes et leurs façades une heure durant, afin d’informer le public de leurs difficultés financières et d’obtenir des pouvoirs publics des aides ciblées. Je vous rappelle que nous possédons le premier parc de salles d’Europe – 2 100 établissements – pour 188 millions d’entrées en 2008 et une fréquentation presque similaire en 2009. Si la situation paraît globalement satisfaisante, les petites et moyennes exploitations voient leur fréquentation chuter de 5 % à 10 %, alors qu’elles sont vitales pour l’animation culturelle des villes. Comme les salles multiplex s’emploient à répondre aux nouvelles exigences techniques et amortissent difficilement ces investissements, certaines sont en difficulté. Or, la situation risque de s’aggraver avec la nouvelle chronologie des médias qui a été adoptée parallèlement à la loi HADOPI, puisque les salles de cinéma sont les seuls diffuseurs à avoir vu leur fenêtre d’exclusivité se réduire.

Nous sommes, comme vous, attachés au réseau des salles de cinéma, qui est si précieux tant pour l’animation culturelle que pour la diffusion du cinéma français. Il nous semble donc aujourd’hui plus que nécessaire de répondre auxinquiétudes qui s’exprimeront demain publiquement. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur vos intentions en la matière ?

Mme Monique Boulestin. Vous êtes un homme du livre, monsieur le ministre, de 1’écrit. Vous connaissez le sens des mots – Des mots pour le dire, pour reprendre un titre célèbre. Mais à voir votre budget, le livre et la lecture sont devenus les parents pauvres de l’action culturelle du gouvernement.

Ainsi la dotation générale de décentralisation stagne-t-elle malgré les besoins des communes en matière d’ouvertures de nouveaux équipements ou de restructurations. Pourtant, l’accès aux mots, aux livres ou aux supports numériques est primordial dans une société en perte de repères, un monde où la communication, faute de mots, recourt aux coups. Seul geste du ministère : un crédit de 200 000 euros pour expérimenter l’extension des horaires d’ouverture d’une dizaine de bibliothèques – et encore l’aide sera-t-elle dégressive sur trois ans. Une véritable politique de lecture publique l’aurait généralisée à l’ensemble des bibliothèques municipales.

Quel dommage de restreindre ainsi l’action du ministère ! Lire et écrire constituent pourtant l’essence de notre rapport au monde. Comme l’a dit Marguerite Duras, « Ecrire, c’est aussi ne pas parler, c’est se taire. C’est hurler sans bruit ». Comment transmettre cet héritage, ces modèles aux jeunes si les bibliothèques ne sont pas soutenues, et alors que l’on constate en outre un vieillissement du lectorat ? Comment aider les plus jeunes à se construire, à comprendre leur histoire personnelle et collective ?

Par ailleurs, l’augmentation de 10 % des moyens destinés aux services déconcentrés de l’Etat, les DRAC, bénéficie surtout aux crédits du patrimoine, et plus particulièrement du patrimoine géré par l’Etat. Or, pour une véritable démocratisation de la culture, les financements croisés de l’Etat et des collectivités doivent rester prioritaires. Le label « Ville d’art et d’histoire » par exemple, décerné aux communes pour leurs actions de conservation du patrimoine et de transmission des savoirs locaux et qui permet de valoriser le patrimoine architectural des régions, accessible à tous, aurait mérité un soutien bien plus affirmé. Si le budget correspondant n’est pas pérennisé, la démarche ne réussira pas.

Enfin, l’ensemble du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » est en stagnation, malgré vos annonces répétées sur l’accès à la culture pour tous. On observe des baisses de crédits dont certaines sont tout à fait justifiables, comme les 4,6 millions alloués à la Cité de l’histoire et de l’immigration pour des travaux désormais achevés, mais dont d’autres concernent des actions décisives.

Ainsi, quelque 4 millions sont retirés du budget des « pratiques amateur », que vous affirmez pourtant indispensables dans un souci de diversification des
publics. Ont également disparu 1,5 million pour l’accès à la culture de publics spécifiques – personnes handicapées ou hospitalisées, jeunes sous main de justice –, alors que la transmission culturelle devrait aider chacun à se construire et à devenir autonome et responsable ; et la même somme pour les nouvelles pratiques des jeunes et les nouvelles technologies, alors que des crédits pérennes sont indispensables pour faire émerger ce que vous appelez « la culture de demain ».

Enfin, les politiques spécifiques en faveur du cinéma subissent elles aussi une réduction de 1,5 million. Dans ce secteur, les seules augmentations budgétaires proviennent de taxes diverses – y compris sur le prix des places. Et pourtant, l’acculturation cinématographique du plus grand nombre suppose là encore un effort constant de votre ministère. Comme l’a dit un grand cinéaste disparu, la transmission des savoirs n’est pas dans un seul rêve, mais dans de nombreux rêves d’accès à la culture pour tous.

Mme Valérie Fourneyron. On nous dit et nous répète que ce budget connaît une augmentation de 3,9 % en crédits de paiement, mais la hausse est très sélective : elle bénéficie largement au patrimoine, non aux crédits de création, de soutien aux artistes ou de démocratisation culturelle. Mais les socialistes ont suffisamment dénoncé ces dernières années l’indigence des crédits du patrimoine – et notamment des monuments historiques – pour ne pas saluer l’effort accompli avec ces 92 millions, ajoutés aux 100 millions du plan de relance en 2009.

On peut se réjouir de ce retournement de situation pour le patrimoine bien sûr, mais aussi pour l’emploi et l’ensemble des artisans concernés. En tant que députée de la circonscription qui compte le plus grand nombre de mètres classés par habitant après Paris, j’apprécie qu’un effort soit fait pour les crédits d’entretien des monuments historiques, et pas seulement de restauration. En revanche, l’augmentation bénéficie largement plus aux monuments historiques d’État qu’aux autres, ceux qui relèvent des collectivités locales ou de propriétaires privés. Il faudra voir jusqu’où ira cette logique de défausse sur les collectivités territoriales.

Les budgets des grands établissements nationaux sont reconduits quasiment à l’identique, mais il ne faut pas oublier qu’ils ont perdu beaucoup de crédits au cours de ces dernières années, dont 6 millions en 2009. Cela les a poussés à une recherche de partenariats tous azimuts, qui peuvent soulever des inquiétudes. Je déplore aussi la diminution de 700 000 euros des crédits pour le patrimoine cinématographique et le manque de soutien aux archives départementales ou communales. Enfin, le budget consacré aux Villes d’art et d’histoire est éternellement bloqué à 2 millions malgré l’augmentation du nombre de villes concernées.

Quelques brèves questions et observations pour terminer. À combien l’endettement en crédits de paiement des DRAC, qui était de 885 millions au 1er janvier 2009, s’élèvera-t-il à la fin de l’année ?

Je regrette que le nouveau prélèvement de 1,8 % sur les sommes engagées dans les jeux de cercle – le poker en ligne par exemple – qui devrait rapporter 10 millions soit destiné au Centre des monuments nationaux, au lieu de bénéficier au budget des villes d’art et d’histoire ou aux monuments historiques n’appartenant par à l’État.

Par ailleurs, il faut davantage de crédits pour permettre aux collectivités de mener les études sur les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager.

Enfin, je voudrais que vous nous assuriez qu’il n’y aura pas de gels de crédits pour 2010 et que vous confirmiez le calendrier du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Avant de commencer, je dois vous annoncer que l’on vient d’apprendre la mort de Claude Lévi-Strauss.

Les interventions que nous venons d’entendre sont révélatrices de l’implication des parlementaires dans le domaine de la culture et je voudrais très humblement féliciter les orateurs pour la précision et l’intérêt de leurs propos. Je remarque par ailleurs que de nombreuses questions, outre leur sujet précis, laissent transparaître une angoisse plus fondamentale, sans doute liée aux récentes études concernant l’évolution des pratiques culturelles des Français depuis dix ans.

Peut-être certaines de mes réponses n’atteindront-elles pas le niveau technique que vous pourriez attendre de moi, même si depuis quatre mois je me suis affranchi de quelques timidités. Ce sera le cas à propos de l’évolution du dispositif Malraux, qui a permis de sauvegarder des quartiers entiers mais qui pourrait souffrir du plafonnement de la déduction fiscale en 2009 ainsi que des difficultés économiques actuelles. En effet, l’essentiel des statistiques en ce domaine est encore aux mains du ministère du budget. Je peux à tout le moins vous assurer que je serai très attentif à cette question. Par ailleurs, j’ai l’intention d’entamer rapidement une réflexion sur les secteurs sauvegardés, par lesquels le ministère de la Culture contribue indéniablement à la qualité de notre existence au quotidien. Je rentre ébloui et enchanté de Vézelay, qui illustre bien comment le système des secteurs sauvegardés et des zones protégées permet de conserver des sites admirables au bénéfice de tous les Français.

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis. Rendons hommage aux architectes des bâtiments de France !

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Je suis le premier à leur rendre hommage.

Le Louvre, comme les autres grands établissements de cette sorte, a accompli de nets progrès en matière de comptabilité analytique. Cela va permettre de déterminer plus précisément qu’auparavant la ventilation de ses coûts de fonctionnement, notamment entre ses activités muséales et ses activités annexes – cinéma, lecture et surtout édition. Parallèlement, une réflexion approfondie est en cours pour développer les mutualisations et mieux articuler l’ensemble de ces activités. Ces deux axes de travail nous font percevoir que la rentabilité de certaines activités pourrait être améliorée. Peut-être serait-il souhaitable par exemple que, comme c’est le cas pour le musée Guimet, le très important fonds photographique du Louvre soit désormais géré par la Réunion des musées nationaux, qui accomplit un travail remarquable et qui assure notamment le rôle de principal éditeur pour plusieurs établissements. J’attendrai pour vous donner une réponse plus précise que ce travail soit achevé.

Mme Tabarot a soulevé la question passionnante de la dévolution des monuments d’État aux collectivités territoriales qui souhaitent en développer l’activité ou la rentabilité. L’exemple typique est celui du château du Haut Koenigsbourg, en Alsace, qui a profité de la première vague de dévolutions il y a quelques années. Le résultat est une réussite. Ce château dont on ne savait pas quoi faire est devenu un lieu extrêmement visité, siège de divers expositions, colloques et manifestations.

Le projet de loi de finances prévoit la poursuite de cette politique. J’y suis tout à fait favorable, dans la perspective d’une dynamisation de la vie culturelle locale et de la mise à disposition du public d’un patrimoine remarquable. Il faudra néanmoins garder à l’esprit la nécessité de conserver une présence directe de l’État sur tout le territoire, dans l’hexagone et outre-mer, ainsi que la cohérence de la politique culturelle générale. Parallèlement, il faut mener une réflexion sur l’ensemble de nos monuments. J’ai demandé à la directrice des monuments nationaux de procéder à une évaluation de la façon dont les 96 monuments qui dépendent directement de son administration et les 200 autres sont gérés et mis à la disposition du public, afin d’optimiser leur rentabilité économique et leur impact culturel. C’est un travail très compliqué parce qu’il n’est pas possible d’établir des règles générales pour l’ensemble des monuments – il faut prendre en considération les particularités de chacun – mais qui nous donnera une vision encore plus fine des dévolutions à autoriser ou non. Il ne devrait pas être terminé avant six mois, mais nous disposerons d’un rapport d’étape dans trois mois. À terme de ces travaux, on peut espérer éviter des situations comme la fermeture de la superbe citadelle de Carcassonne à 17 heures en plein mois d’août par exemple.

Donc, madame la présidente Tabarot, oui à la dévolution, voulue par le Gouvernement, oui à l’activation locale lorsqu’elle peut donner à ces monuments et à ces lieux une vie nouvelle pour le bien de tous. Nous devons cependant conserver une réflexion sur le maillage général du territoire français et travailler à l’amélioration de la rentabilité économique et de l’impact culturel de chacun de ces sites et monuments.

Monsieur Dell’Agnola, la caisse des congés spectacles m’a été d’un grand secours pendant des années. J’attache une grande importance au fonctionnement de ce dispositif. Je n’avais pas idée qu’il puisse mal fonctionner. Des questions m’ont fait prendre conscience qu’il présentait peut-être des difficultés. Je ne peux répondre à votre question aujourd’hui. Trois options font l’objet d’une réflexion en cours. Les conclusions ne sont pas encore remises.

Je souhaite profondément que, pour toutes les actions menées par le ministère de la culture et de la communication en matière de spectacle vivant, des instruments d’évaluation puissent être mis en œuvre ; je pense que je rejoins là l’une des préoccupations du président Migaud. Nous disposons au ministère de tels instruments. Les équipes qui les mettent en œuvre sont extrêmement compétentes. Cependant, ils sont strictement comptables et économiques. Des difficultés d’adéquation peuvent exister entre eux et ceux qui nous sont fournis par nos partenaires privilégiés, établissements, théâtres, institutions du spectacle vivant. Un effort reste à faire pour faire mieux converger les critères d’évaluation des uns et des autres. Nous devons expliquer que notre action d’amélioration de l’évaluation est conduite dans un but, non pas de contrôle de l’activité artistique, mais de connaissance économique et de bonne comptabilité. Nous devons arriver à savoir combien de spectateurs sont venus assister à un spectacle ou visiter une exposition, à déterminer exactement pour chaque opération les parts dévolues respectivement à la création et au fonctionnement. Cette démarche suscite parfois de l’inquiétude et la peur de l’intrusion. Nous devons expliquer que notre objectif est simplement d’affiner nos capacités d’intervention, d’accompagnement et de suivi des initiatives.

Vous le savez, les « Entretiens de Valois » avaient conduit à envisager la création d’un observatoire général du fonctionnement du spectacle vivant. La tâche de l’évaluation comptable lui aurait été attribuée.

Je salue le travail remarquable fait au ministère pour la tenue de ces entretiens sur une longue période. Il a permis aux acteurs du spectacle vivant de s’exprimer, notamment sur les points qui leur paraissaient les plus importants pour la poursuite de leur travail et le maintien de sa qualité.

Pour autant, je ne suis pas très favorable à la mise en place de cet observatoire. Je crains que ne soit une nouvelle fois créée une administration supplémentaire qui pourrait s’institutionnaliser. J’en suis intimement persuadé, le ministère de la culture comporte les personnels et les agents capables de procéder à ces analyses. L’observatoire sera donc en quelque sorte interne. Cependant, la volonté qui avait présidé au projet de sa création reste intacte.

Le remarquable travail des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) nous permettra aussi de peaufiner les outils d’évaluation comptables et économiques que je souhaite voir mis en place. Une directive très précise sera rédigée à leur attention dans les prochaines semaines. Je les ai déjà rencontrées. Elles vont, je pense, resserrer et préciser leurs dispositifs d’évaluation. Les DRAC sont en contact permanent avec les acteurs artistiques, notamment ceux du spectacle vivant.

La conférence régionale du spectacle vivant qui s’est tenue en région Rhône-Alpes a été une réussite. J’étais un peu dubitatif sur l’intérêt de telles rencontres. J’avais peur d’un fonctionnement de type bureaucratique. Je me trompais totalement. Pendant cette conférence, tous les acteurs se sont parlé ; ils sont allés au-delà des conclusions des Entretiens de Valois. Un travail remarquable a été conduit pour préciser la façon de décliner, dans une région précise, les préconisations des Entretiens de Valois.

Une autre conférence régionale, dans le Nord, s’est achevée voici quelques jours. Elle semble s’être très bien passée. J’en attends les résultats avec beaucoup d’impatience.

Organiser ce type de manifestation au moins une fois par an dans chaque région, non pas au sein même des DRAC mais entre les DRAC, les collectivités territoriales et les acteurs du spectacle vivant, d’une manière qui ne soit pas trop contraignante, me paraît aujourd’hui éminemment profitable. En prenant connaissance des résultats de la conférence régionale en Rhône-Alpes, j’ai eu le sentiment qu’une vitalité extraordinaire pouvait s’y exprimer, à travers des échanges un peu plus informels et moins solennels qu’au ministère, un peu plus proches de la réalité aussi, faisant surgir une sorte de vie nouvelle de l’existence culturelle.

Je rencontre demain les principaux responsable du marché de l’art. L’inquiétude qui s’était fait jour dans les galeries envers les grandes maisons de vente, comme Sotheby’s et Christie’s, semble s’être apaisée. Vous avez évoqué le Royaume-Uni ; nous avons adopté des dispositions pour permettre aux collectionneurs modestes de bénéficier d’avantages identiques à ceux des collectionneurs importants ; nous allons favoriser la mise en place de collections à leur intention. Je compte aussi insister auprès des sociétés qui achètent des œuvres d’art pour qu’elles les montrent. Les grandes maisons japonaises, on le sait, exposent dans leur siège social, au bénéfice de leurs visiteurs, les œuvres d’art qu’elles achètent. Je regrette que telle ne soit pas toujours la pratique des sociétés françaises. Ce point fera partie de mes entretiens de demain.

Contrairement à l’idée issue d’une sorte d’autodénigrement français, le marché de l’art en France est actif, même s’il fonctionne selon des règles différentes de celles des marchés de l’art américain et anglais. Malgré la crise économique, la dernière édition de la Foire internationale d’art contemporain, cette année, a été une réussite. Que, pour des raisons qui ne relèvent pas du débat d’aujourd’hui, bien des galeristes soient restés assez discrets sur le montant de leurs transactions ne les empêchait pas d’avoir l’air plutôt satisfait.

M. Richard Dell’Agnola, rapporteur spécial. Ma question posait sur le droit de suite. Alors qu’au Royaume-Uni, lors des ventes aux enchères, son application se limite aux droits des artistes vivants, en France, il s’applique aussi aux artistes décédés. Cette règle défavorise le marché de l’art français. Il y a donc là une réforme à opérer en faveur d’un marché qui représente déjà 3 milliards d’euros et est très vivant, mais qui, en matière de vente aux enchères, est pénalisé par rapport au marché britannique.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Pour la résolution de cette difficulté, nous nous heurtons à une directive européenne. Je questionnerai demain matin mes interlocuteurs sur ce point.

Vous m’avez interrogé sur la mise en œuvre du projet de loi HADOPI. Le groupe de travail composé de MM. Patrick Zelnick, Jacques Toubon et Guillaume Cerruti me remettra ses conclusions à la fin du mois. J’espère et je crois que la mise en place du dispositif, qui interviendra alors, aboutira à un véritable élargissement de l’offre légale. Je précise par ailleurs que, depuis le vote de la loi HADOPI 2 et sa validation par le Conseil constitutionnel – en dépit des prévisions de certains esprits chagrins –, la Grande-Bretagne a entrepris d’élaborer des mesures encore plus sévères.

Vous m’avez interrogé sur les conservateurs…

M. Richard Dell’Agnola, rapporteur spécial. Certaines villes observent que des postes de conservateur de bibliothèque ne sont pas pourvus.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. L’effectif des conservateurs de bibliothèque s’est élevé jusqu’à 170. Il va être ramené à 105 environ. Cette réduction ne traduit pas, bien au contraire, à une interrogation sur leur mission. Simplement, les habitudes avaient conduit à une répartition quelque peu anarchique des postes ; la diversité entre bibliothèques était grande. L’action menée consiste à introduire des processus de régularisation dans les attributions de postes et à étendre celles-ci à des bibliothèques qui en manquaient. La réduction des effectifs s’accompagne donc d’un gain en termes d’efficacité et d’une augmentation du nombre de bibliothèques disposant de conservateurs.

Je rappelle que les projets de décrets d’application de la loi HADOPI sont actuellement devant le Conseil d’État, et que la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet est composée de trois magistrats, membres du Conseil d’État, de la Cour des comptes et de la Cour de cassation, de trois personnalités qualifiées nommées par les ministres chargés de l’industrie, des communications électroniques et de la culture, de deux autres nommées l’une par le président du Sénat, l’autre par le président de l’Assemblée nationale, et enfin d’un membre du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique nommé par le président de celui-ci.

Monsieur Perruchot, je suis intimement persuadé de l’intérêt du futur musée d’histoire de France. Mais faut-il l’appeler « musée d’histoire de France » ou « maison d’histoire de France » ? Cette dernière appellation me paraît présenter l’avantage de bien insister sur le caractère vivant de l’institution. Celle-ci comportera à la fois une collection permanente, des expositions temporaires, des colloques, des réunions à caractère de vulgarisation scientifique, une salle de cinéma, un auditorium, bref, l’ensemble des moyens qui lui permettront de donner à ceux qui la visiteront le sens de la vie de l’histoire française et l’idée que sa connaissance est la clé de la vie en commun à l’avenir.

En revanche, l’idée de départ mérite d’être peaufinée. Qu’est-ce que l’histoire de France ? Nous devons vraiment y réfléchir.

M. le président Didier Migaud. Je ne suis pas sûr que nous puissions répondre dès ce soir à cette question…

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Certes, mais je voudrais juste rappeler quelques questions de méthodologie.

Le musée ou la maison de l’histoire de France veut tenir compte à la fois de la perte de la chronologie par les jeunes générations – c’est donc le retour du célèbre manuel de Malet et Isaac – mais aussi du grand souffle de Michelet, ainsi que de l’École des Annales. C’est parce que l’histoire de France n’est pas seulement l’histoire de la monarchie que je suis assez réticent à installer ce musée dans l’un des anciens palais de celle-ci. J’ai peur que la force des lieux ne puisse chaque fois réduire le concept. L’histoire de France, c’est à la fois Clovis, Pasteur, les chemins de fer, l’évolution de l’école, la peur de la Grande Peste…

La nomination de M. Jean-François Hébert pour travailler à la préfiguration de l’institution est incontestable. C’est pour lui un enjeu majeur. Il est l’homme qu’il faut pour cette tâche : the right man in the right place. Plusieurs grands historiens, Pierre Nora, Marc Ferro, Max Gallo, vont travailler sur le concept.

Le site ne sera défini qu’après la réflexion de Jean-François Hébert sur la faisabilité et celle du groupe de travail sur le concept. Contrairement à ce qui est parfois estimé, le projet progresse de façon très satisfaisante. Simplement, nous conduisons une réflexion approfondie. Nous avons pour ce musée l’ambition qu’il passionne les générations futures et, pour réussir, nous devons nous entourer de toutes les réflexions nécessaires.

Des sites ont cependant déjà été présélectionnés ; nous pensons soit à une construction dans un lieu fort du XXIe siècle, par exemple dans le cadre du Grand Paris, soit, éventuellement, à un remodelage du château de Vincennes, site certes marqué par l’histoire de la monarchie, mais au fond assez neutre. Par ailleurs, l’existence d’un moyen de transport pour s’y rendre directement est incontournable.

J’attache une très grande importance au Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, le MUCEM. Je me suis déjà rendu sur les lieux, et j’y retourne prochainement. De même que le musée des Arts premiers évoque les travaux de Claude Lévy-Strauss – pardonnez-moi cette évocation d’un triste moment d’actualité –, l’idée pour un musée implanté à Marseille est celle d’un musée « braudélien », racontant, à l’exemple de Fernand Braudel, l’histoire de la Méditerranée. Le MUCEM a pour atouts une conception architecturale superbe, œuvre du grand architecte Rudy Ricciotti, une volonté politique consensuelle – Marseille est pourtant une ville complexe ; des difficultés avec les riverains sont désormais en cours de règlement ; une dernière décision du tribunal administratif est encore attendue – et une préfiguration, dont est chargé M. Bruno Suzzarelli, en phase avec le bâtiment. Il s’agit de mettre en place une maison de nouvelle génération, comportant à la fois une exposition permanente et des expositions temporaires. Le premier coup de pioche devrait être donné à la fin de l’année. Rien ne permet de penser que le MUCEM n’ouvrira pas à la date prévue.

Pourquoi ne pas rattacher le Musée de Tokyo au centre Georges Pompidou ? Cette option avait un sens dans le cas où la fonction des deux institutions aurait été identique. Mais tel ne sera pas le cas. Le Palais de Tokyo doit pouvoir donner à des créateurs en plein essor le tremplin qui leur manque. L’une des lacunes du marché de l’art en France est que les artistes qui, ayant atteint la quarantaine, se sont déjà fait reconnaître ou méritent d’être reconnus, ne disposent pas du lieu d’exposition qui leur serait nécessaire.

Le rattachement du Palais de Tokyo au Centre Georges Pompidou n’aurait pas permis la mutualisation : les emplois ne sont pas les mêmes. En revanche, il lui aurait fait courir le risque d’être dévoré par Beaubourg et d’en devenir une annexe. Le but recherché n’aurait donc pas été atteint. Le dossier progresse. La préfiguration a été confiée à Olivier Kaeppelin, l’ancien délégué aux arts plastiques.

Pour ce qui concerne la restauration du Panthéon, où le risque d’écroulement de la coupole évoque, en plus grave, le « syndrome du Grand Palais », le chiffre de 100 millions d’euros a été évoqué. J’ai demandé une évaluation pour vérifier ce chiffre. Pour l’heure, 8 millions d’euros de travaux de consolidation ont déjà été engagés. Le transfert au Panthéon des cendres d’une personnalité importante de la société française serait une bonne occasion de faire sentir l’importance de cet élément de notre patrimoine et de notre histoire républicaine. Plusieurs propositions sont actuellement à l’étude, dont je vous réserverai la primeur le moment venu.

La numérisation est l’un des enjeux essentiels du ministère de la culture et de la communication. Nous avons déjà engagé plusieurs opérations de numérisation du patrimoine de certains établissements, comme l’Institut national de l’audiovisuel ou la Bibliothèque nationale – avec le site Gallica. Comme l’a confirmé la directrice de la bibliothèque nationale allemande, qui est aussi l’animatrice de l’opération Europeana, la participation de la France à cette opération est essentielle. Tous les établissements publics sont appelés à numériser tôt ou tard leur patrimoine.

Trois questions se posent : celles de la technique, du financement et du guide – la dernière, qui est peut-être la plus importante des trois, englobant les deux autres. En effet, face à la liberté et à l’enrichissement fantastiques dont nous disposerons dans les années prochaines avec le plus grand musée du monde, la plus grande encyclopédie et la plus grande possibilité de savoir, le problème consistera à savoir comment visiter ce musée et qui en sera le guide. Ce guide répondra-t-il à nos questions et à nos désirs, ou décidera-t-il de ce qui est intéressant ? S’il est gratuit, n’aura-t-il pour autant rien à nous vendre, ou ne demandera-t-il pas de pourboire à la sortie ? Ne risque-t-il pas non plus d’être remplacé par un autre ? Ces questions sont fondamentales et sous-tendent celle du recours à la société Google.

Sans antiaméricanisme primaire – manger des « Mac Do » ou porter des jeans ne me semble pas devoir empêcher de lire Stendhal – et, en raisonnant comme un Américain « libéral », au sens que l’on donne à ce mot outre-Atlantique, je me demande si Google ne tombera pas un jour sous le coup de la législation antitrust. Pour l’heure, je constate que cette entreprise ne respecte pas le droit d’auteur lorsqu’elle numérise les fonds des grandes bibliothèques américaines et met à la disposition du public les ouvrages européens qui s’y trouvent sans payer de droits. Une cascade de procès ont déjà été engagés aux États-Unis et d’autres l’ont été en France. C’est là, je le répète, un enjeu essentiel.

Une réflexion française s’impose sur le sujet, qui touche à notre patrimoine. J’ai du reste été interpellé à ce propos dès mon arrivée au ministère par la direction du patrimoine, à laquelle son directeur, M. Michel Clément, avait donné beaucoup de rayonnement et de force. Je n’ai jamais pensé que les éléments de notre patrimoine écrit ou visuel puissent nous échapper au profit d’un système dans lequel aucune indexation ne nous permettrait de nous y retrouver et de réfléchir comme nous le faisons. Par ailleurs, face au dynamisme fantastique de Google, qui présente chaque jour une initiative nouvelle, une réponse européenne s’impose et est très attendue, notamment en Allemagne. Un comité de travail présidé par Marc Tessier et réunissant Emmanuel Hoog et trois autres personnalités nous permettra de disposer dès le 15 décembre d’une véritable « shocking list » des nombreuses questions qui se posent. On découvre ainsi que les clauses négociées par Google avec des bibliothèques telles que celles de Lyon, de Bavière ou d’Oxford sont secrètes et, même s’il s’agit d’un secret de Polichinelle car on finit toujours par les connaître, cette pratique de Google fait perdre beaucoup de temps et instaure une mauvaise ambiance.

En un mot, donc, la numérisation est un grand sujet, qui concerne nos enfants, notre cadre de vie et notre pratique culturelle, et qui représente des montants considérables, à propos desquels j’ai approché les responsables du « grand emprunt ». Ce sujet sera, je n’en doute pas, examiné avec beaucoup d’attention dans cette enceinte.

Monsieur Rogemont, le Conseil de la création artistique, animé par Marin Karmitz, rassemble des personnalités de très grande qualité, comme M. Laurent Bayle, patron de la Philharmonie. L’agitation qui entoure ce Conseil, pour légitime qu’elle soit, me semble un peu hors de proportion. En 2009, le Conseil de la création artistique a coûté au ministère de la culture moins de 5 millions d’euros. Les 5 millions d’euros qui n’ont pas été dépensés pour 2009 sont ajoutés au fonds des DRAC et, pour 2010, il n’est pas prévu que le ministère de la culture abonde le fonctionnement du Conseil. Un montant de 638 000 euros, prévu pour le fonctionnement du Conseil, devrait rester à la charge du ministère de la culture en 2010, mais je ne désespère pas de parvenir à le glisser dans le budget du Premier ministre ou à l’intégrer dans l’enveloppe de 10 millions, auxquels cas nous n’aurions pas à le payer.

Quant à la finalité du Conseil, je rappelle que cet organisme a jusqu’à présent proposé des initiatives très intéressantes, qui constituent une « boîte à outils » dans laquelle nous trouvons des idées et qui nous permet de fédérer diverses énergies. Pourquoi le ministre de la culture et de la communication se priverait-il de cet organisme qui ne devrait rien coûter au ministère l’an prochain ?

On verra bien comment évoluera le Conseil de la création artistique et s’il doit être pérenne. Étant donné qu’il réunit des acteurs culturels et que ses idées ont vocation à être mises en œuvre en lien avec les institutions du ministère de la culture, je n’ai aucune raison de m’inquiéter, et je dois bien au contraire me féliciter de son existence, fidèle à ma tendance à voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Je trouve intéressant de pouvoir parler avec Marin Karmitz et les membres de ce Conseil, qui m’apportent des propositions.

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles. Je n’ai pas repris tout à l’heure les dix propositions du Conseil de la création, comme celle, assurément très importante, consistant à créer une école de cinéma dans une péniche…

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Songez à l’Atalante, monsieur Rogemont !

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles. Ces dix actions sont déjà mises en œuvre des dizaines de fois dans les régions. Ainsi, l’Opéra de Rennes a monté un opéra qui a été retransmis en extérieur, à Rennes et dans d’autres sites. Je ne comprends donc pas que l’on s’extasie devant ces dix initiatives, alors que l’on pourrait, en lien avec les DRAC et les collectivités locales, faire fructifier celles qui sont prises localement.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Rogemont, je ne m’extasie pas, mais le Conseil m’apporte des idées et je vais les étudier.

Pour ce qui concerne la création d’une philharmonie, nous sommes en désaccord absolu. Il s’agit là en effet de l’un des grands objectifs de notre action, car il est incompréhensible que Paris soit la ville d’Europe qui ne dispose pas d’une telle formation. Bien qu’elle soit superbe, la salle Pleyel ne permet pas les répétitions et elle ne dispose ni de loges proprement dites, ni des ateliers et autres équipements nécessaires à une philharmonie. La Philharmonie de Berlin est admirable, mais, même si l’Allemagne est, dit-on, un pays où la musique est l’autre langage et que la pratique musicale est moins développée en France, le fait que le Grand Paris représente 10 millions d’habitants, contre 3 millions à Berlin, doit compenser cette différence. La création d’une philharmonie permettra d’attirer à Paris les plus grands chefs d’orchestre et de refondre l’organisation des quatre orchestres existants. Ceux-ci sont certes de bonne qualité, mais pas de qualité internationale, selon certains critères – je les trouve, pour ma part, formidables, mais le milieu de la musique est fécond en critiques et en bagarres. Quel pays serions-nous sans une philharmonie digne de ce nom ?

Tout comme je félicite sincèrement et avec beaucoup de plaisir mes collaborateurs, dont j’ai découvert en arrivant au ministère la qualité et le dévouement, je tiens aussi à féliciter M. Laurent Bayle, l’homme qui porte l’idée de la Philharmonie. Ceux d’entre vous qui le connaissent savent qu’il sait concevoir un projet et le modifier au besoin. Il a notamment trouvé la manière de rentabiliser très astucieusement la salle Pleyel. À ce stade du projet, même s’il faut bien sûr aborder toutes les questions et, le cas échéant, adapter nos décisions, nous devons lui accorder notre confiance et le suivre sans hésiter dans ce projet exaltant qui placera Paris au même niveau que Berlin ou Londres.

Quant à la « culture sociale », permettez-moi tout d’abord de préciser, monsieur Rogemont, que le terme « social » n’a pour moi rien de péjoratif, bien au contraire. Il ne s’agit donc pas d’opposer une culture pour les pauvres et une culture pour les riches, mais d’affirmer qu’il existe une culture fédérative, une culture pour tous, qui est en même temps une culture pour chacun. La culture pour tous, c’est celle qui constitue un socle pour nous tous et la culture pour chacun, celle qui fait qu’une dame qui peint, même si elle n’est pas Picasso, se sent valorisée et respectée pour ce qu’elle fait, ou qu’une petite galerie d’art ou les membres d’une harmonie musicale ont le sentiment de participer eux aussi à la vie culturelle générale. En la matière, je tiens à souligner que les capacités d’action du ministère ne sont pas amoindries.

Je ne puis vous suivre lorsque vous affirmez que les crédits d’action culturelle ont diminué : ils ont été déplacés et, s’ils se trouvent dans des tiroirs différents, le montant total reste le même.

M. Patrick Bloche. Dans quels tiroirs ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Je vous ouvrirai tout à l’heure la commode, monsieur Bloche !

La fin des travaux de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration a été évoquée à juste titre et le montant ne figure donc plus dans l’enveloppe générale. Quant à la réserve parlementaire, j’ai toujours un très grand plaisir à la signer.

Pour les équipes artistiques, 1 million d’euros de plus est programmé par les DRAC, auquel s’ajoute 1,5 million correspondant à la déconcentration des subventions consacrées à une vingtaine d’équipes artistiques. Voulez-vous réduire, monsieur Rogemont, les sommes accordées à Stanislas Nordey, à Stéphanie Loïk, à Joël Jouanneau, à Jean-Paul Wenzel ou à Jacques Nichet ? Je ne le pense pas…

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles. Ce n’était pas le sens de ma question !

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Je vous taquinais, monsieur Rogemont ! Nous sommes bien évidemment d’accord et il est inutile de nous attarder sur ce sujet.

Le festival d’Avignon appelle une réponse plus circonstanciée. Selon vous, cette manifestation internationale importante ne bénéficie pas de subventions équivalentes à celles que reçoivent des festivals tels que celui de Salzbourg. Vous considérez également que le festival est très centralisé et que tout se décide à Paris.

Sur le premier point, je rappelle que les autres festivals auxquels vous vous référez sont de plus longue durée que celui d’Avignon et qu’il convient, pour celui-ci, de prendre en compte l’ensemble des subventions publiques qu’il perçoit, d’un montant de 6,5 millions d’euros, et la participation de l’État, de 3,4 millions, soit un total de plus de 10 millions d’euros, à quoi s’ajoute le rôle de levier que joue la participation de l’État. Il s’agit donc là d’un exemple de la bonne gestion que nous appelons de nos vœux.

Quant à l’idée que les décisions se prendraient à Paris, il se trouve en effet que Jean Vilar venait de Paris et que le flux des productions et des informations culturelles passe par Paris. Il ne me semble pas pour autant que le festival d’Avignon soit greffé de l’extérieur sur la ville d’Avignon. On ne peut comparer la capitale que fut Salzbourg avec Avignon, qui n’a été capitale que très peu de temps, au Moyen-Âge.

En matière d’équipements culturels, la Fabrique est souhaitée par l’organisation du festival d’Avignon afin d’assurer des répétitions durant l’année. Le dossier étant cadré et les financements assurés, la Fabrique devrait se construire – mais il manque encore le permis de construire. Par ailleurs, Mme Roig, maire d’Avignon, qui reçoit chaque année le festival avec beaucoup de dévouement et de compétence et mériterait des félicitations pour son travail d’édile, souhaiterait installer une salle plus vaste pour l’opéra d’Avignon. Or la ville et la région sont pauvres et Mme Roig n’a pas les moyens de cette opération. Il me semblerait souhaitable de mutualiser les deux projets : pourquoi créer une salle de 1 500 places et une salle de répétitions, alors que l’on pourrait certainement organiser un roulement permettant à toutes les parties prenantes de s’entendre. Pour l’heure, mes efforts ne sont pas couronnés de succès, mais cette option correspondrait à une saine gestion des deniers publics. Si ce projet était mis en œuvre avec l’attention que je souhaite, personne n’y perdrait en liberté de création, en temps de travail ou en capacité de rayonnement culturel.

Quant à la liste des nominations, elle est ici.

J’en viens au « dégel ».

Il y a trente ans, on lisait déjà qu’un ministre était bon ou mauvais selon qu’il avait ou non été capable de dégeler. Je m’efforcerai donc de « dégeler » le plus possible.

M. le président Didier Migaud. Vous n’échapperez pas au gel : c’est la règle pour tous !

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Dégeler est mon intérêt et mon but. Cependant, à la différence de la banquise, ce dégel ne se fait que par petits morceaux. Nous y travaillerons cette année autant que possible.

Si l’on considère le panorama général, la représentation masculine est écrasante et anormale. Un « centre de veille sexuée », créé dans le cadre du ministère afin d’étudier ce phénomène, a formulé des conclusions très intéressantes et des préconisations qui seraient susceptibles d’améliorer la situation, laquelle est malheureusement liée à certains aspects de la société française. Nous travaillons sur la question, mais je ne puis vous donner de réponse satisfaisante aujourd’hui.

S’agissant de la gratuité, monsieur Bernier, je constate que nombre de personnes ignorent leurs droits – sans doute en raison d’un sérieux problème de communication. Les professeurs peuvent ainsi accéder gratuitement aux musées, mais ils ne le savent pas.

M. Patrick Bloche. Mais si, ils le savent !

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Les chiffres sont pourtant éloquents, monsieur Bloche, comme j’ai pu m’en rendre compte ce matin même avec M. le ministre Luc Chatel.

M. Patrick Bloche. Les professeurs l’ignorent d’autant moins qu’il a été question de les priver de ce droit !

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. En tout cas, ils le conservent.

Par ailleurs, l’une des premières décisions que j’ai prises a consisté à étendre cette gratuité aux étudiants de nationalité étrangère. Sans doute un travail doit-il être mené afin de l’étendre encore davantage ou d’adapter les tarifs.

Quant au handicap, j’ai pu constater par exemple avant-hier combien l’équipement du merveilleux musée Eugène-Boudin d’Honfleur était adéquat ; il en va d’ailleurs de même du musée national du Moyen-Âge de Cluny, à Paris, ou du musée gallo-romain de Lyon où des non-voyants peuvent accéder au mystère de la sculpture et de la peinture. Je précise que l’accessibilité « majeure » – certains monuments ne pourront en effet jamais être modifiés – dans les musées et les lieux de visites est prévue pour 2015. Sans doute, là encore, un travail doit-il être accompli en ce qui concerne l’évolution des techniques de soutiens aux personnes handicapées – je songe, par exemple, à l’inadaptation des normes des fauteuils aux nouveaux appareillages.

M. Marc Bernier, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles. Peut-être me transmettrez-vous des réponses par écrit, monsieur le ministre, mais je m’interroge sur le blocage des 20 millions de ressources extra-budgétaires à destination du Centre des monuments nationaux, ainsi que sur le mécénat.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Outre que je souhaite rénover la perception que nos compatriotes ont des monuments nationaux, je constate qu’un mécénat intelligent procure de la fierté aux salariés d’une entreprise qui y consacre une partie de son budget : loin d’être un échange intéressé de services, le mécénat joue en effet un rôle fondamental dans la transmission culturelle.

Par ailleurs, faut-il enseigner l’histoire « de l’art » ou « des arts » ? Quelle doit être la place de cette discipline au sein de l’enseignement général ? Comment faire comprendre l’enjeu culturel qu’elle représente ? En l’état, il s’agit de transmettre l’histoire des arts à travers les autres enseignements et, notamment, par un système de quotas horaires pour les professeurs de musique, de dessin, de littérature ou d’histoire. En outre, une épreuve obligatoire sera mise en place l’an prochain au brevet, et j’essaie de faire en sorte qu’il en soit de même au baccalauréat – même si nous ne sommes pas prêts du but, pas plus que nous ne le sommes à avoir un corps professoral dédié à l’enseignement de cette matière. Même si je suis angoissé à l’idée qu’il en aille de l’histoire de l’art comme naguère de l’éducation civique, je note avec satisfaction que le corps enseignant, le Président de la République et le ministre de l’éducation nationale sont aussi déterminé que je le suis à ce que l’histoire des arts occupe la place qui lui revient. J’ajoute qu’un tel souci entre de plus en plus dans les mœurs. Nous serons ainsi attentifs au travail de l’inspecteur général chargé de suivre l’évolution des programmes et des différents référents culturels qui seront mis en place mais, également, à celui des DRAC auprès des chefs d’établissement et des professeurs. Cette discipline, in fine, doit pouvoir rapporter des points au baccalauréat.

L’intermittence relevant quant à elle des annexes 8 et 10 de la convention relative à l’indemnisation du chômage, nous avons un peu de temps, Monsieur Kert, avant d’examiner ce problème.

Les langues régionales sont bien vivantes dans notre pays, comme j’ai pu m’en apercevoir récemment en Lorraine, où le platt a beaucoup de succès.

Notre histoire peut se décliner en autant de chapitres qu’il y a de musées, depuis ceux de la préhistoire ou de l’époque gallo-romaine jusqu’aux plus contemporains. Il est d’autant plus important que la Maison ou le Musée de l’histoire de France intègrent également les maisons d’écrivains ou d’hommes illustres que la moitié d’entre elles sont en très mauvais état – que l’on songe, par exemple, à celle de Clemenceau. Une mutualisation s’impose !

J’ajoute que j’ai reçu M. Richard Martin, le directeur du théâtre Toursky de Marseille, au moment où il commençait sa grève de la faim. J’ai d’ailleurs subi des pressions assez fortes de la part de personnes qui ignoraient que le théâtre avait reçu d’importantes subventions de la ville. Son refus de tout conventionnement rendait difficile l’attribution de sommes conséquentes, mais j’ai eu l’occasion de lui faire des propositions qui sont à mon sens tout à fait acceptables et sur lesquelles j’attends qu’il me donne son sentiment. Par ailleurs, il serait semble-t-il d’ores et déjà d’accord pour accepter des conventionnements sur un certain nombre de programmes. Le dialogue est donc bien engagé et je suis certain que nous parviendrons à nous entendre.

Je suis un ardent défenseur des salles de cinéma : non seulement elles sont garantes de la vitalité cinématographique de notre pays mais, comme les kiosques à journaux, mutatis mutandis, elles contribuent à créer du lien social. Les exploitants, qui sont admirables et courageux, ont procédé à des réformes importantes sans pour autant bénéficier d’aides considérables. Les plus petits d’entre eux ont des difficultés, mais nous nous emploierons à les résoudre avec eux. La grève qu’ils « projettent » de faire demain – si vous me permettez la formule – constitue un signal, même si je ne la crois pas tant motivée par la chronologie des médias que par l’accès aux copies. Quoi qu’il en soit, le dialogue est engagé avec Véronique Cayla, présidente du Centre national du cinéma et de l’image animée et, si elle le souhaite, un médiateur sera nommé.

Enfin, un plan de numérisation des salles de cinéma est prévu où exploitants, pouvoirs publics et collectivités participeront au financement de ce dernier même si, ô surprise, les représentants des grands circuits n’en veulent pas !

Madame Boulestin, le livre de Marie Cardinal est en effet cardinal, si j’ose dire. Les Français, hélas, lisent de moins en moins et nous en sommes également inquiets. Comme vous, je suis désespéré à l’idée que des jeunes gens de dix-sept ou dix-huit ans n’aient jamais ouvert un livre. Et ce n’est pas le livre numérique, hélas, qui modifiera la situation. Je souhaite que la politique concernant l’ouverture des bibliothèques – y compris en soirée – soit poursuivie, de la même manière que je souhaite la diffusion d’excellentes émissions littéraires à la télévision.

La transmission du savoir, quant à elle, repose sur un grand nombre d’institutions. Je m’inscris à nouveau en faux contre l’idée selon laquelle il y aurait une réduction globale des crédits quand ils sont simplement redéployés.

Par ailleurs, si le poker peut contribuer au financement des villes d’art et d’histoire, banco !

En outre, l’endettement des DRAC diminue comme en attestent les chiffres dont je dispose.

Mme Fourneyron a raison : la culture est créatrice d’emplois dans des proportions inouïes. Que l’on songe au musée de Bilbao édifié sur des friches industrielles !

Ma mission au service du bien public consiste à promouvoir auprès des Français les activités culturelles et à faire en sorte que cesse l’intimidation sociale qui retient certains de nos compatriotes de fréquenter les expositions, les théâtres ou les librairies.

En outre, c’est en confortant l’ensemble des acteurs culturels que nous ferons aussi reculer le chômage !

Mme Françoise de Panafieu. Nous avons besoin d’un complexe permettant par exemple d’accueillir deux orchestres à la fois mais, également, de promouvoir un projet musical et pédagogique. En l’état, la salle Pleyel ne le permet pas à la différence, donc, de La Villette.

Quoique parisienne, je considère que le ministère de la culture doit veiller à ce que certains grands projets se réalisent en province.

Avec 380 millions de CP, une dotation exemptée de toute procédure de gel et des orientations très précises – 65 % des crédits étant déconcentrés auprès des DRAC et la moitié d’entre eux étant dédiés à des monuments qui n’appartiennent pas à l’État –, le budget de la culture est conséquent en matière patrimoniale. Les propriétaires privés demandent en l’occurrence une participation financière des DRAC mais, celles-ci se montrant réservées quant à l’effectivité de ces crédits, ils sont pris à la gorge. Par ailleurs, ils s’inquiètent de l’intervention des architectes des bâtiments de France en aval seulement des dossiers, les architectes des monuments historiques intervenant quant à eux en amont. Les premiers ne pourraient-ils donc pas être considérés à l’instar des seconds de manière à pouvoir travailler vraiment pour eux ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Je vous remercie pour vos propos sur la Philharmonie, qui rejoignent mon sentiment.

Je pense moi aussi que la Maison de l’histoire de France doit se concevoir dans le cadre d’une très grande mutualisation.

Les propriétaires privés ont mon entier soutien – c’est une de mes idiosyncrasies. Je trouve admirable d’avoir en France des familles qui entretiennent et font visiter des bâtiments dont elles se révèlent être les meilleures gardiennes. L’État serait incapable d’assurer l’entretien d’un patrimoine aussi considérable. Si les propriétaires ne trouvent pas auprès des DRAC des interlocuteurs suffisamment attentifs, vous faites bien de me le signaler car c’est une chose à laquelle j’attache la plus grande importance.

S’agissant des architectes des bâtiments de France, une commission animée par un conseiller d’État, M. Thierry Tuot, a été chargée de remettre sur le métier la question des zones de protection. On y a beaucoup travaillé et on s’y est beaucoup disputé, ce qui est bon signe. Nous disposerons du rapport de cette commission au mois de décembre. Je pense que beaucoup des problèmes que vous évoquez y seront traités.

M. Patrick Bloche. Après les interventions de Marcel Rogemont, Monique Boulestin et Valérie Fourneyron, l’opposition a déjà dit beaucoup de choses.

Comme à l’accoutumée, la conférence ministérielle de présentation du budget – j’étais à la vôtre comme à celle de vos prédécesseurs depuis sept ans – a été dominée par l’autocongratulation. Mais la réalité des chiffres rattrape toujours le ministre en place. En matière de gel de crédits, l’expérience des dernières années nous conduit à nourrir les plus grands doutes quant à l’exécution réelle du budget que vous nous présentez.

Les budgets de la culture sont comme les crus millésimés : il y a les années « patrimoine » et il y a les années « création ». Assurément, 2010 sera une année « patrimoine », bien qu’il s’agisse largement de rattrapage comme on l’a remarqué sur tous les bancs : le plan d’urgence Villepin, qui remonte à 2006 et qui avait permis de mobiliser 140 millions d’euros en deux ans, était une tentative pour mettre fin à la déplorable et coûteuse politique de stop and go en la matière.

Force est de constater que 2010 ne sera pas une année « création ». Avec 0,4 % d’augmentation des crédits affectés au spectacle vivant – soit une baisse de 0,8 % si l’on prend en compte l’inflation prévue –, je vous souhaite bien du courage, monsieur le ministre !

Permettez-moi de rappeler que votre prédécesseur avait reçu du Président de la République une lettre de mission qui déplorait l’échec de la démocratisation culturelle. Or les crédits correspondants connaissent à nouveau une baisse sensible : 10 millions d’euros. Même si l’on met à part la disparition de la subvention allouée à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, les actions en faveur de la démocratisation culturelle bénéficieront de moins de crédits en 2010 qu’en 2009 : baisse de 1,5 million d’euros pour les aides aux publics spécifiques, de 4 millions pour le soutien aux « pratiques amateur », de 1,5 million pour les nouvelles pratiques issues de la révolution numérique.

J’en viens à mes questions.

Quelle est votre réponse à la crise d’identité que traverse le Centre des monuments nationaux ?

Que pensez-vous de la menace de démantèlement qui pèse sur le Laboratoire de recherche des musées de France ?

Que pensez-vous du funeste déménagement de l’Institut national de recherches archéologiques préventives – l’INRAP –, qui montre à quel point l’archéologie est maltraitée dans notre pays depuis sept ans ?

Enfin, pour des raisons démographiques mais aussi budgétaires – le non-remplacement des départs à la retraite –, le nombre des conservateurs du patrimoine connaît une baisse tendancielle qui posera de graves problèmes dans les années à venir.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Je ne vois pas à quoi vous faites allusion lorsque vous évoquez une « crise d’identité » au Centre des monuments nationaux. Il y a un schéma directeur, une administration qui fonctionne, un programme de valorisation culturelle et de rentabilisation économique. Mes visites régulières ne m’ont jamais donné le sentiment d’une crise d’identité.

M. Patrick Bloche. C’est en tout cas celui des personnels. Je perçois beaucoup d’interrogations quant aux perspectives d’avenir.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. C’est donc une différence d’appréciation plus qu’une question.

Par ailleurs, il n’y a aucun « démantèlement » du laboratoire du Louvre. Vous posez toujours vos questions sur un ton polémique…

M. Patrick Bloche. C’est vous qui les entendez de façon polémique !

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Les mots ont un sens. Personne ne songe à un quelconque démantèlement. Il est seulement prévu, à la demande du Louvre, de transférer les réserves – l’espace manque et elles sont exposées au risque d’une crue de la Seine – et d’en mutualiser la conservation avec les réserves d’autres musées. Il faudra donc déplacer le laboratoire qui travaille sur ces œuvres. Après de multiples enquêtes destinées à rendre ce déplacement le moins traumatisant possible, le choix s’est porté sur Cergy-Pontoise, à proximité immédiate du RER.

Certains membres du personnel ne souhaitent pas se déplacer, mais j’ignore dans quelle proportion. Il s’agit d’un problème fréquemment rencontré.

J’y insiste, il n’a jamais été question de démanteler un laboratoire mondialement connu, mais seulement d’améliorer les conditions dans lesquelles il travaille.

Vous savez fort bien, monsieur Bloche, que les décisions prévoyant la délocalisation de l’INRAP sont déjà prises. Vous savez aussi que je suis plutôt partisan du maintien en région parisienne des 150 personnes qui dirigent l’Institut et qui sont, en quelque sorte, au cœur du réseau de plus de 1 500 agents travaillant sur tout le territoire. Il me faut donc agir sur des décisions actées, ce qui n’est pas simple. Contrairement à ce que vous dites, l’INRAP est au centre de mes préoccupations.

M. Patrick Bloche. Pourquoi me faites-vous continuellement des procès d’intention ? J’ai simplement dit que l’archéologie préventive était maltraitée depuis sept ans.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Elle ne l’est certainement pas depuis quatre mois ! Je suis allé sur les chantiers de l’INRAP et je suis en contact permanent avec ses principaux responsables.

Pour ce qui est des conservateurs du patrimoine, je vous ferai parvenir une réponse écrite.

M. Bruno Bourg-Broc. Estimez-vous que le Haut Conseil des musées de France, après quelques années d’existence, ait rempli sa mission ? Envisagez-vous des évolutions ?

Où en est votre réflexion sur l’enseignement des arts du cirque ? Votre budget prévoit-il les moyens nécessaires à la rénovation du Centre national des arts du cirque ? L’administration de votre ministère ne pourrait-elle, en termes de gestion, établir un lien entre les arts du cirque et les arts de la rue, qui sont assez proches.

En ce qui concerne la Maison de l’histoire de France, vous semblez ouvert, comme votre prédécesseur, à l’idée d’un réseau. J’ai proposé la candidature du site de Valmy, hautement symbolique de l’histoire de France.

Enfin, quand nommerez-vous le président de l’établissement public de l’École du Louvre ? La vacance de ce poste depuis le 24 juillet pourrait laisser penser que le ministère se désintéresse de cette institution si prestigieuse.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Le Haut Conseil des musées de France, dont M. Patrick Bloche est un membre assidu et attentif, fonctionne très bien. Je n’ai pas le sentiment que son identité soit remise en cause.

La Maison de l’histoire de France devrait comprendre des lieux de mémoire. Je recueille attentivement les avis de M. Pierre Nora, dont les travaux consacrés à ce sujet forment à eux seul une véritable maison de l’histoire française.

Concernant les arts du cirque, je préférerais vous fournir une réponse écrite. Il y a certainement des recoupements avec les arts de la rue, mais je ne saurais être plus précis. Je constate simplement le déclin du cirque animalier, qui est désormais mal vu. J’ai reçu des lettres très touchantes de gens qui avaient de petits cirques et j’ai pris la mesure de ce que cet art implique comme enseignement et comme transmission de savoir-faire.

Quoi qu’il en soit, M. Jérôme Bouët, ancien directeur de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, prépare un rapport qui aidera à la réflexion sur les nouvelles orientations de l’enseignement du cirque.

La rénovation du Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne est déjà engagée. La filière comprend plusieurs autres écoles : celle de Rosny-sous-Bois, celle d’Annie Fratellini, celle de Saint-Denis.

Enfin, la nomination du président de l’École du Louvre interviendra très vite. Cet établissement, tout comme l’Institut national d’histoire de l’art, est l’objet de toute mon attention.

Mme Marie-Odile Bouillé. Je souhaite revenir sur la démocratisation culturelle.

La baisse du budget de l’action culturelle nous inquiète quelque peu. Ce ne sont pas les quelques heures consacrées à l’histoire des arts à l’école – même si elles sont nécessaires – qui amèneront le plus grand nombre à aller au spectacle, à visiter les musées ou à lire davantage. De la maternelle à l’université, un enfant doit être aussi régulièrement que possible en contact avec les artistes, avec les œuvres contemporaines et avec le patrimoine. Cela suppose des moyens et une volonté ferme. Pour l’instant, tout repose sur le volontariat des équipes pédagogiques et sur celui des communes, départements et régions qui aident au financement de ces actions – sans oublier, bien entendu, le rôle des DRAC. Il reste de grands vides. Pourtant, je suis persuadée que ces actions sont essentielles pour la démocratisation de la culture.

Quels moyens votre budget permettra-t-il d’y consacrer ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. J’ai déjà mentionné plusieurs de ces moyens. Ce qui me semble important, c’est que votre question nous invite à considérer de façon globale un problème qui a trait à l’éducation nationale, à la télévision, à l’Internet, bref, à toutes les portes d’accès au savoir pour un enfant.

Si les enseignements sont obligatoires au collège, ils reposent encore sur le volontariat des enseignants puisque l’on n’a pas créé, faute de moyens, de véritable filière d’enseignement de l’histoire de l’art. Le progrès est néanmoins considérable.

Je n’ai pas véritablement de réponse à vous apporter. Tout ce que je puis dire, c’est que la manière dont vous posez la question est exacte. C’est en travaillant à plusieurs que l’on parviendra à des solutions.

M. Yves Censi. Ma question porte sur les droits d’auteur des photographes.

L’Assemblée vient de connaître un débat important sur le droit à l’image collective. À l’occasion de la discussion du projet de loi relatif à l’ouverture à la concurrence des jeux en ligne, nous nous étions déjà émus des atteintes à la conception française du droit d’auteur lors de certains événements sportifs. Les photographes se trouvent dans une situation particulièrement difficile à cet égard. Des sociétés internationales comme Getty proposent à la presse un accès gratuit à des bases de données alimentées par des photographes anonymes payés à l’heure, le retour étant assuré par des contrats publicitaires. Les photographes professionnels protégés par l’« exception française » sont exclus de ce système. En deux ou trois ans, la possibilité de vivre de cette activité créatrice a quasiment disparu.

Le problème se posant pour bien d’autres professions et dans bien d’autres domaines que celui du sport, ne pourrait-on envisager une réflexion plus globale et plus interministérielle ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Je suis d’autant plus sensible à la situation qu’un membre de ma famille était un grand photographe sportif. Il avait constitué, soixante ans durant, un véritable patrimoine consacré à la formule 1. Or ses photos passent et repassent à la télévision sans qu’aucun droit ne soit versé à ses enfants. Le pillage est généralisé.

La première chose à faire serait de mettre en place un observatoire des droits capable de poursuivre efficacement ceux qui pillent les droits d’auteur.

Il conviendrait aussi de développer un droit de la « photo orpheline », c’est-à-dire des photos sans droits que les agences de presse, les journaux, les documentaristes utilisent à profusion. Si ces photos n’appartiennent à personne, on peut aussi considérer qu’elles appartiennent à tout le monde et qu’il faut dès lors les payer. Les revenus ainsi dégagés pourraient alimenter un fonds permettant de rétribuer les personnes qui ont droit à des droits. Je pense notamment au photojournalisme, activité artistique, culturelle et d’information de première importance, qui est aujourd’hui naufragée.

Au développement des méthodes de diffusion de la photographie correspond un rétrécissement dans le domaine de la presse. Le travail sur ces enjeux en est à ses débuts.

M. Michel Françaix. Nous sommes dans une période charnière. Le ministère de la culture a cinquante ans d’existence et les recettes d’André Malraux ou de Jack Lang ne peuvent plus s’appliquer aujourd’hui.

Je ne parlerai pas de l’éducation artistique, qui devrait être au cœur de votre projet, mais qui, à vous entendre, dépend plus du ministre de l’éducation nationale que de vous-même.

Je ne dirai pas un mot non plus sur la répartition des rôles entre l’État et les collectivités, puisque la réforme des collectivités territoriales nous sera bientôt proposée.

Vous n’avez guère abordé la dimension européenne et internationale de la culture, mais, là encore, cela ne dépend pas que de vous.

En revanche, l’accueil de nouveaux publics dépend de vous. On est parvenu à améliorer certains résultats, mais toujours avec le même public.

C’est un budget très classique que vous nous présentez là, avec, comme tous les ans, une hiérarchie des priorités. Si je vous crois volontiers lorsque vous affirmez votre amour des artistes, j’aimerais que vous donniez des preuves de cet amour. Peut-être nous direz-vous, la mort dans l’âme, ce que vous pensez de l’art vivant ; toujours est-il que l’art vivant ne retrouve pas ses recettes budgétaires.

On ne peut plus se contenter de perpétuer le rayonnement d’une étoile dont le feu déclinerait, faute par exemple d’une vision culturelle dans notre activité diplomatique. On ne peut non plus se satisfaire d’un développement de la culture uniquement par les nouvelles technologies : « Cela est bien mais que valent ces stupéfiantes inventions sans l’enseignement de la langue écrite et sans les livres ? Fournir en écrans à cristaux liquides la plus grande partie de l’humanité relève de l’utopie. Alors ne sommes-nous pas en train de créer une nouvelle élite, de tracer une nouvelle ligne qui divise le monde ? » Quel est l’intellectuel éthique, l’intellectuel esthétique aujourd’hui ? Il est remplacé par un intellectuel médiatique, ce qui pose d’ailleurs la question de la télévision et de son rôle : peut-être la chaîne éducative diffusée par un service public fort que nous appelions de nos vœux serait-elle une des réponses que vous ne trouvez pas à un certain nombre de questions…

En son temps, la gauche a sauvé le réseau de petits libraires et sauvegardé le cinéma français. Aujourd’hui, quelle que soit votre bonne volonté, on ne peut plus se contenter de témoignages, il faut agir, en phase avec notre temps. Je ne veux pas que vous soyez un témoin à votre corps défendant. Je souhaite donc que, dans l’action, nous voyions l’année prochaine les trois ou quatre priorités qui permettraient de sortir d’un certain malaise et de répondre à ceux qui en viennent à se demander : « À quoi sert un ministère de la culture ? ».

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Je vous remercie de votre déclaration. Je ne suis absolument pas vexé. À ce propos, je regrette d’être parfois trop vif, comme je l’ai été tout à l’heure avec M. Bloche, à qui je présente mes excuses. Cela tient à l’importance que j’attache à ce que j’essaie de faire.

Vous n’avez pas vraiment posé de question, si ce n’est en vous demandant de façon implicite si ce ministre, qui a l’air de prendre les choses très à cœur, parviendra à infléchir dans le sens de ses souhaits le fonctionnement de son ministère et son budget de l’année prochaine.

M. Michel Françaix. En cette ère Sarkozy, aurais-je pu ajouter, mais c’eût été polémique…

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Vous aurez remarqué que je me suis contenté d’une présentation générale car je ne souhaitais pas m’engager sur ce terrain, où nous ne nous retrouverions plus.

Quant à votre question implicite, eh bien oui, vous aurez la réponse l’année prochaine…

Mme Martine Martinel. Je veux d’abord louer la présentation de votre budget : vous ne l’avez pas revêtu d’une tenue de camouflage et vous nous avez même réservé quelques surprises. Faut-il ainsi voir dans la diminution des crédits consacrés à HADOPI un revirement salutaire de votre part ? Et faut-il comprendre de la réponse que vous avez faite à certains collègues à propos de l’article 52 que la réforme des collectivités territoriales vous inquiète, voire que vous y êtes hostile ? Pouvons-nous espérer, là aussi, un revirement salutaire sous l’impulsion de votre ministère ?

Enfin, la baisse significative des crédits en faveur de l’accès à la culture est-elle compatible avec le propos que vous avez tenu lors de votre audition, selon lequel « la culture est trop souvent fermée à nos concitoyens du fait de l’intimidation sociale dont elle est aussi porteuse » ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Sur ce dernier point, je n’ai pas la même analyse : les crédits ne diminuent pas, ils sont déployés autrement.

S’agissant de HADOPI, je vous informe que les textes d’application sont au Conseil d’État et qu’ils seront publiés en décembre. Si 5,3 millions d’euros sont prévus en 2010 contre 6,7 millions en 2009, c’est parce qu’il n’y a pas lieu de renouveler les achats de systèmes informatiques auxquels nous avons procédé cette année. Cela étant, je trouve réconfortant de constater que le groupe SRC s’interroge sur la viabilité de HADOPI…

Je ne suis pas inquiet de la réforme des collectivités territoriales et je pense même que je suis parfaitement en phase avec le Gouvernement, qui, respectueux de la démocratie et du Parlement, sera, j’en suis sûr, très attentif à ce qui lui sera suggéré.

Mme Colette Langlade. Lors d’une audition organisée par Marcel Rogemont, Georges-François Hirsch, directeur général de la création et de la diffusion, a évoqué le renforcement de l’éducation artistique et culturelle, ce catalyseur du dialogue qui est une priorité de votre ministère. Il a également parlé d’un schéma, qui serait fonction du terrain, des groupes, des acteurs, des thèmes, du budget, qui répondrait à des règles précises et qui passerait par des contrats d’objectifs et de performance. Comment élaborer ce schéma pour développer la culture au plus près du terrain ? Pourquoi ne pas nourrir la réflexion et l’action de votre ministère de ce que font déjà, dans nos communes, nos départements et nos régions, les acteurs de la culture ?

Enfin, Michel Françaix l’a rappelé, le ministère de la culture célèbre cette année son cinquantenaire. Ne serait-ce pas l’occasion de redonner un sens et un enthousiasme à ce ministère qui fut jadis dynamique, audacieux et conquérant ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Je crois que l’important travail de motivation que nous effectuons auprès des DRAC, dans la logique des entretiens de Valois, répond en grande partie à votre préoccupation, de même d’ailleurs que la poursuite des consultations régionales, les bons résultats obtenus en Rhône-Alpes m’ayant convaincu de leur intérêt.

Quand je me rends chaque jour au ministère de la culture, je n’ai vraiment pas l’impression qu’il a perdu son sens – je ne reprendrai pas mon éloge appuyé des gens qui m’entourent. J’ai tout au contraire le sentiment que ce que nous faisons a du sens et a valeur d’entraînement. Quand je vois le nombre de ceux qui s’adressent au ministère, dans tous les domaines de la création, je ne pense pas que l’on puisse dire que le ministère de la culture a perdu son sens.

J’observe en outre que l’on mythifie souvent le passé. Vous portez une appréciation flatteuse sur le ministère de la culture à l’époque d’André Malraux. Mais on ne saurait oublier que ceux qui s’opposaient alors au général de Gaulle n’y voyaient qu’un gadget, que ses moyens étaient extrêmement limités, que sa légitimité ne se fondait que sur la volonté de deux hommes, le général de Gaulle et André Malraux. Si ce ministère est aujourd’hui regardé comme magnifique, c’est parce qu’il a donné des résultats magnifiques. C’est donc à tort que l’on s’interrogeait alors sur son sens.

M. Patrick Roy. Lorsqu’on parle de culture, il faut faire preuve d’un grand esprit d’ouverture et faire toute la place à la diversité et aux minorités. Depuis le début de cette intéressante réunion, nous avons ainsi parlé du cirque, du festival d’Avignon, de troupe de théâtres, d’art vivant, de philharmonie – pour laquelle j’ai cru comprendre que l’on allait dépenser beaucoup d’argent...

Force est toutefois de constater que des pans entiers du domaine culturel sont totalement rejetés, sans doute parce que ceux qui sont aux commandes n’y sont pas sensibles. Je souhaite donc insister sur le peu de place que l’on réserve au monde du rock, en particulier au métal rock. Il s’agit pourtant d’un domaine musical qui fait preuve d’une grande créativité, qui est même sans doute l’un des plus novateurs dans le monde et en France, et qui compte des virtuoses remarquables comme le guitariste français Stephan Forté.

Ceux qui sont sensibles à cette musique, qui sont quelques centaines de milliers au premier rang et quelques millions au deuxième rang, ont le sentiment d’être totalement incompris par le monde politique, ce qui peut même avoir un effet sur leur engagement citoyen. Nous devons donc leur montrer que nous sommes capables de les écouter car ils rencontrent de nombreuses difficultés.

Ainsi, malgré les efforts de certaines communes, ils ne disposent d’aucun réseau de salles de répétition. Ils ont très peu accès à la diffusion, si ce n’est par la voie de l’Internet – ce qui fait qu’ils ont très mal accueilli la loi HADOPI. Quant aux salles de concert, elles leur sont quasiment fermées.

Je souhaite donc savoir quelle est concrètement la part réservée au métal rock dans ce budget 2010. Si vous me répondez, comme je le crains, qu’il n’y a rien, peut-on espérer dans un avenir très proche, non pas quelque propos lénifiant, mais quelque chose de concret, comme la création d’un groupe de travail ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Je suis nul sur le métal rock : je n’y connais rien ! Si je vous dis que je vais m’en occuper, vous allez croire à une réponse dilatoire… Mais je vais quand même m’en occuper parce que je sais que c’est important et qu’il y a des problèmes de salles de répétition, de salles de concert, de reconnaissance sociale.

Dans les jours qui viennent, je rappellerai aux DRAC qu’il s’agit d’une expression culturelle qui mérite d’être considérée comme les autres.

Il semble que les scènes de musiques actuelles, les SMAC, accueillent les répétitions des formations de métal, mais je ne puis vous en dire plus.

S’agissant des salles de concert, une réflexion est en cours sur les Zéniths, qui vieillissent et que j’entends préserver car la formule était géniale.

Vous le constatez, je n’ai pas grand-chose à vous dire, mais le message été reçu.

Mme Annick Girardin. La représentation de votre ministère est incompréhensiblement insuffisante à Saint-Pierre-et-Miquelon : nous n’avons aucun service déconcentré de la culture alors que le besoin est grand.

L’importance du potentiel culturel de l’archipel mériterait pourtant un minimum d’attention. L’installation d’un conseiller culturel doté de moyens de fonctionnement correspondant à ses missions ou le rattachement de l’archipel à une DRAC métropolitaine, tels sont les principaux voeux qui ressortent des États généraux pour l’outre-mer à Saint-Pierre-et-Miquelon. À ce propos, j’ai été très étonnée de ne pas avoir été invitée, pas plus d’ailleurs que les autres représentants des collectivités d’outre-mer, à la réunion que vous avez organisée hier au ministère pour tirer les conclusions de ces États généraux. J’espère qu’il ne s’agit que d’un oubli d’autant que l’archipel attend toujours une réponse du Président de la République, comme de votre ministère, à ce propos.

Alors que vous annoncez un budget en augmentation, je m’indigne de l’indifférence que votre ministère a manifestée ces dernières années à l’égard de Saint-Pierre-et-Miquelon : les crédits déconcentrés ayant diminué de 85 % entre 2008 et 2010, ils sont aujourd’hui réduits à peau de chagrin pour la création et totalement inexistants pour le patrimoine !

Nous disposons pourtant de sites culturels et historiques uniques en France, qui présentent un intérêt scientifique de premier plan. Ainsi, les fouilles menées sur un site paléo-eskimo ont révélé une richesse archéologique parmi les plus notables de la région. Mais ce site sans équivalent demeure totalement méconnu de la métropole.

Notre patrimoine maritime très important – celui des terre-neuvas et du « grand métier » – n’est pas non plus pris en compte.

La création est également négligée alors qu’elle est abondante à Saint-Pierre-et-Miquelon et l’on peut même craindre la disparition du seul festival de l’archipel, qui regroupe des chanteurs francophones de la région.

Dans ces conditions, l’idée que Saint-Pierre-et-Miquelon serait le vecteur de la culture de langue française en Amérique du Nord relève surtout du slogan.

Allez-vous, dans les mois qui viennent, inverser cette tendance et donner à l’archipel les moyens qui devraient être les siens en matière de développement culturel ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Je suis d’accord avec tout ce que vous avez dit.

Après avoir reçu hier les parlementaires de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion, j’ai demandé quand nous ferions de même pour Saint-Pierre-et-Miquelon, qui est une de mes préoccupations principales. On m’a répondu que l’on avait organisé deux réunions afin que chacun puisse s’exprimer. J’espère que vous pourrez participer à la prochaine.

J’ai la carte de Saint-Pierre-et-Miquelon dans ma chambre, parce que je rêve d’y aller. Je vais le faire. Cela fait précisément partie des choses dont je veux m’occuper et pour lesquelles j’espère que nous aurons, l’année prochaine, des résultats.

Lorsque j’ai reçu pour la première fois les représentants des DRAC, j’ai vu à quel point celles de l’outre-mer étaient mal traitées. Surtout, j’ai vu que pour Saint-Pierre-et-Miquelon il n’y avait rien !

Mme Annick Girardin. Merci. J’espère qu’il ne s’agit pas d’une annonce semblable à celles qu’ont faites vos prédécesseurs et que j’aurai le plaisir de vous accueillir à Saint-Pierre-et-Miquelon.

M. Jean-Luc Pérat. Plusieurs collègues ont évoqué la place de l’enseignement culturel. Je suis convaincu que l’on ne peut pas « saucissonner » le projet de la culture pour tous, qu’il faut faire des choix de société pour favoriser l’épanouissement culturel de chacun, quel que soit son âge. Peut-être faut-il pour cela créer des passerelles entre les deux ministères concernés.

Élu d’une circonscription à dominante rurale, éloignée des grands centres culturels, je m’inquiète du devenir de l’action culturelle et artistique en direction des élèves, de la maternelle au lycée. Les collectivités de proximité essaient d’intégrer, en étroite collaboration avec l’inspection de l’éducation nationale, des programmes d’interventions de qualité dans les différents champs culturels et artistiques, en prenant en charge des intervenants référencés et agréés afin de permettre à tous d’accéder à des pratiques – car ce sont celles-ci qui, ensuite, motiveront le mieux pour fréquenter les lieux de culture.

L’accès à la culture et à l’art en général est un enjeu majeur du cursus scolaire, dans le cadre d’une formation équilibrée favorisant l’ouverture d’esprit et la critique.

Hélas, les territoires ruraux ressentent de plus en plus fortement la fracture culturelle. Comment entendez-vous traiter ces distorsions dans l’accès à la pratique culturelle, en soutenant concrètement les collectivités territoriales rurales, qui risquent de perdre demain toute possibilité d’intervention ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. L’isolement des territoires ruraux ne s’analyse pas aujourd’hui de la même façon qu’il y a trente ans car il y a désormais la télévision et l’ordinateur. Le développement fulgurant de la pratique par ordinateur permet un véritable désenclavement. Quand le problème des zones d’ombre aura été résolu, et je pense qu’il le sera bientôt, l’accès à la TNT permettra à chacun de recevoir 18 chaînes de télévision, ce qui offrira quand même un certain contact avec une vie culturelle. Je nuancerai donc votre constat, que je partage pour le reste.

Vous parlez de la pratique. Il faut valoriser ceux qui essaient simplement de noter ce qu’ils pensent et de lui donner un sens poétique, de mener une activité culturelle ou artistique personnelle. Comment leur donner le sentiment que la communauté nationale leur en est redevable ? Je l’ignore, mais il vaudrait vraiment la peine d’y réfléchir.

Je ne sais pas non plus comment l’on peut maintenir un maillage culturel dans des zones rurales isolées. Il y a les projets de bibliothèques et de cinémas itinérants. Cet été, un cinéma mobile a été installé à l’occasion du festival du film documentaire de Lussas. Il existe en France trois camions de ce type, qui permettent d’installer un cinéma en une heure. Chacun coûte 450 000 euros. Peut-on en multiplier le nombre ? Peut-être. Ai-je les crédits pour l’instant ? Non. Puis-je trouver des financeurs ou des crédits pour l’année prochaine ? Peut-être.

Quant aux bibliothèques mobiles, elles étaient auparavant plus nombreuses. Je ne suis pas responsable de la diminution de leur nombre. Je souhaite inverser la tendance.

À toutes ces questions, je n’ai pas encore de réponses, mais je suis très désireux de les trouver.

M. le président Didier Migaud. Si la qualité d’un débat ne tient pas toujours à sa durée, je crois néanmoins que celui-ci a été très dense et je vous remercie, monsieur le ministre, pour la précision et pour la franchise de vos réponses. Nous aurons, bien sûr, d’autres occasions d’échanger avec vous.

II.- EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine pour avis les crédits pour 2010 de la mission « Culture » sur le rapport de M. Marc Bernier (programme « Patrimoines ») et de M. Marcel Rogemont, (programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture »).

(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)

Mme la présidente Michèle Tabarot. Nous statuons d’abord sur les crédits de la mission « Culture » avant d’examiner les amendements déposés sur l’article 52.

Contrairement aux conclusions du rapporteur pour avis des crédits des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » et conformément aux conclusions du rapporteur pour avis du programme « Patrimoines », la commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2010 de la mission « Culture ».

Mme la présidente Michèle Tabarot. Nous examinons maintenant les amendements à l’article 52 rattaché à la mission « Culture ».

Article 52 

Ouverture d’une possibilité de dévolution du patrimoine monumental de l’État aux collectivités territoriales volontaires

La Commission examine l’amendement n° 1 AC de M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis.

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à répondre aux interrogations de notre collègue Nicolas Perruchot. Le ministre est d’accord sur tout et il n’est pas inquiet. Ce n’est pas mon cas, la décentralisation de tous les monuments pouvant intervenir à la demande de la collectivité uniquement sur décision du préfet. Il y a là un vrai problème : s’il y a de bons préfets, il y en a d’autres qui sont moins bons et s’il y a de bons élus, il y en a d’autres moins bons, c’est la nature des choses… Cet article 52 mériterait d’être étudié sur le fond par notre commission avant d’être adopté et le bilan de la première vague de décentralisation devrait être fait avant toute nouvelle décision. Il conviendrait également d’interroger le Centre des monuments nationaux, qui risque d’être déstabilisé si on ne lui laisse que les monuments qui ne sont pas rentables. Je préférerais que la discussion soit reportée. C’est pourquoi je propose la suppression de cet article.

M. Marc Bernier, rapporteur pour avis. L’article 52 est l’occasion de se repencher sur le transfert aux collectivités locales de certains éléments du patrimoine monumental. On peut certes considérer que la proposition du Gouvernement aurait pu être précédée de davantage de concertation, comme cela avait été le cas pour l’article 97 de la loi de 2004. Pour autant, faut-il supprimer purement et simplement l’article ? Une approche plus constructive consisterait à travailler sur les conditions dans lesquelles des transferts ont été effectués en application de la loi de 2004 et comment on peut en tirer les conséquences pour des transferts ultérieurs. C’est pourquoi il ne faut pas supprimer l’article 52.

M. Patrick Bloche. Nous soutenons cet amendement. La loi de 2004 était déjà une bombe à retardement. On sait que l’État veut se débarrasser de ses « ruines ». C’est cela la réalité. Et, demain, nos concitoyens viendront nous voir parce que le monument historique, appartenant à l’État, mais situé sur la commune, le canton ou le département, tombe en ruines. Ils nous diront que, du fait de ces nouvelles dispositions, nous pouvons en demander le transfert de propriété pour le restaurer, comment ferons-nous ? Je vous alerte donc avec le sens de l’intérêt général. La loi de 2004 avait mis en place un certain nombre de garanties que l’on ne retrouve pas ici.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Je pense que les amendements qui suivent permettront de trouver une solution de compromis.

La commission rejette l’amendement n° 1 AC.

La Commission examine l’amendement n° 2 AC de M. Gilles d’Ettore.

M. Gilles d’Ettore. Cet amendement vise à rouvrir le délai prévu à l’alinéa 2 du I de l’article 97 de la loi du 13 août 2004 afin que les collectivités puissent à nouveau faire acte de candidature. Par ailleurs, M. Bloche, des ruines peuvent parfois être restaurées par les collectivités, et non par l’État. À l’inverse, il faut effectivement éviter que l’État ne se débarrasse de monuments rentables, qui permettent la péréquation.

M. Frédéric Reiss. On a parlé du château du Haut Koenigsbourg. Le Conseil général du Bas-Rhin a effectivement pris sa décision en connaissance de cause : c’est un des monuments les plus visités de France. Ce n’est donc pas un cadeau empoisonné pour le Conseil général, bien au contraire.

M. Patrick Roy. Le château du Haut Koenigsbourg est effectivement une bonne affaire pour la collectivité territoriale destinataire du transfert. Mais si l’État se débarrasse de ses ruines et que les collectivités n’ont pas les moyens de les restaurer, quelle réponse fournira-t-on ?

Mme la présidente Michèle Tabarot. L’État ne se « débarrasse » pas des monuments, ce sont les collectivités qui formulent une demande de transfert de propriété.

M. Bernard Debré. Effectivement, l’argumentaire de M. Bloche est étrange. Il n’y a aucune obligation pour la collectivité de récupérer le bien et, par ailleurs, si le bien tombe en ruines, on peut également se retourner vers l’État. Le plus difficile sera, pour l’État, de faire un choix parmi les demandes des collectivités, notamment si elles demandent des monuments rentables. Il n’y a donc aucun risque pour les collectivités.

M. Patrick Bloche. J’explique simplement qu’il s’agit d’un cadeau empoisonné. Bien sûr, la collectivité peut refuser ce cadeau. Certes, mais restera la pression de nos concitoyens qui acceptent difficilement que les monuments auxquels ils tiennent soient mal entretenus. Et c’est bien parce que les crédits du patrimoine n’ont pas été à la hauteur depuis vingt ou vingt-cinq ans que les monuments sont en mauvais état.

M. Marc Bernier, rapporteur pour avis. L’intérêt de cet amendement est de faire revivre la possibilité de transfert qui avait été ouverte par l’article 97 de la loi de 2004 avec une liste limitative de monuments établie par la commission Rémond. Le délai d’option ouvert aux collectivités locales souhaitant se voir transférer un monument serait rouvert pour un an, après avoir été clos le 31 décembre 2008. L’esprit de cet amendement est de se donner du temps avant de basculer dans un dispositif de transfert portant potentiellement sur l’ensemble des monuments. Est-ce la meilleure voie à suivre ? D’un côté, cela permet de redonner la possibilité aux collectivités locales d’envisager des transferts de monuments. D’un autre côté, si les demandes de transfert n’ont pas été faites au 31 décembre 2008, il y a peu de chances que des demandes émergent soudainement. Par ailleurs, le délai d’un an prévu pour la réouverture est peut-être un peu court pour que des projets de transfert soient validés au sein des éventuelles collectivités locales demandeuses. Ne vaut-il pas mieux s’inscrire dans le cadre de l’article 52 tel que proposé par le gouvernement et inscrire des garde-fous – par exemple l’avis conforme du ministre de la culture ? Je demanderai donc à M. d’Ettore de bien vouloir retirer son amendement.

L’amendement n° 2 AC est retiré.

La Commission examine ensuite conjointement les amendements identiques n° 3 AC de M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis, et n° 4 AC de M. Gilles d’Ettore, ainsi que l’amendement n° 5 AC de Mme Muriel Marland-Militello.

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis. L’amendement n° 3AC est bien sûr un amendement de repli. Je partage les propos de Patrick Bloche. Il faut des garde-fous, afin notamment de ne pas déstabiliser le Centre des monuments nationaux, ce à quoi on aboutirait en décentralisant les seuls monuments rentables. Le préfet ne doit pas être le seul à décider de l’opportunité du transfert. Le ministre de la culture, ministre compétent car il est en charge du patrimoine, doit donner un avis conforme avant tout transfert.

M. Gilles d’Ettore. Il y a contradiction entre les propos de M. Bloche et ceux de M. Rogemont. Je suis d’ailleurs plutôt d’accord avec M. Rogemont. Si les collectivités veulent récupérer des ruines et les faire revivre, c’est une très bonne initiative. Par contre, il convient d’être attentif à ne pas bouleverser la péréquation instaurée au sein du Centre des monuments nationaux : en effet, pour six monuments rentables gérés par l’établissement public, quatre-vingt dix sont déficitaires… Le ministre pourra, grâce à l’amendement, protéger cette péréquation.

Mme Muriel Marland-Militello. Je rappellerai à mes collègues que le préfet représente l’ensemble du Gouvernement dans les régions et donc l’ensemble des ministres. Je suis favorable à l’article 52 car il ouvre un peu plus les possibilités de transfert aux collectivités. Je proposerai, conjointement à cet amendement, un amendement précisant que le transfert doit se faire dans le respect des qualités artistiques et historiques du monument. Un avis simple du ministre compétent suffit. On voit mal comment un préfet prendrait une décision contraire à celle d’un ministre ! Par ailleurs, les représentants du Centre des monuments nationaux ne sont pas forcément meilleurs que les autres et les préfets ne sont pas libres, comme le sous-entendent certains de nos collègues, mais soumis à des contraintes précises.

M. Marc Bernier, rapporteur pour avis. Les amendements s’inscrivent dans le cadre proposé par le Gouvernement dans l’article 52, que l’on peut schématiser ainsi : pas de liste préétablie de monuments transférables – à l’inverse de l’article 97 de la loi de 2004 ; initiative de la collectivité locale qui doit être validée par le représentant de l’État. Le texte de l’article 52 se caractérise par l’absence d’intervention de l’échelon administratif central directement concerné, à savoir le ministre de la culture. Cela peut se comprendre dans une pure logique de décentralisation – ou de « dévolution » ainsi que l’indique l’intitulé de l’article 52 – mais il se trouve que les biens en cause ont par définition un intérêt national puisqu’ils sont dans le patrimoine de l’État. Les préfets sont effectivement bien placés pour apprécier le caractère éventuellement relatif de cet intérêt national et ils sont garants des intérêts de l’État, mais il apparaît évident que le ministre doit pouvoir garder un œil sur les transferts qui se profilent.

C’est pourquoi, si l’on accepte de suivre la logique de l’article 52, un avis préalable du ministre doit être prévu. Faut-il que cet avis soit « conforme » ? C’est ce qui garantit au mieux l’intérêt de l’État et cela ne porte atteinte en rien aux principes de la décentralisation. C’est ce que proposent les amendements de M. d’Ettore et de M. Rogemont. L’amendement de Mme Marland-Militello propose un avis simple, qui ne lierait pas le préfet. En apparence, il est moins protecteur des intérêts de l’État, mais on imagine mal qu’un préfet passe outre un avis négatif du ministre… En termes d’affichage pour les défenseurs du patrimoine monumental national, ce dispositif apparaît néanmoins plus faible que la procédure de l’avis conforme. C’est pourquoi je suis favorable aux amendements n° 3 AC et 4 AC et défavorable à l’amendement n° 5 AC.

La commission adopte les amendements identiques n° 3 AC et 4 AC. En conséquence, l’amendement n° 5 AC devient sans objet.

La commission examine ensuite l’amendement n° 6 AC de Mme Muriel Marland-Militello.

Mme Muriel Marland-Militello. Pour donner plus de liberté d’action aux collectivités tout en respectant le patrimoine transféré, il paraît fondamental de prévoir que sa réutilisation éventuelle doive se faire dans des conditions respectueuses de son histoire et de son intérêt artistique et architectural.

M. Marc Bernier, rapporteur pour avis. Cet amendement introduit la notion de réutilisation des monuments transférés tout en apportant des garanties sur les conditions de cette réutilisation : il conviendra de respecter leur histoire et leur intérêt artistique et architectural. J’y suis favorable.

La commission adopte l’amendement n° 6 AC.

La commission examine ensuite l’amendement n° 7 AC de M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis.

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis. Cet amendement va dans le sens d’un meilleur contrôle de l’utilisation du monument après dévolution. Il convient de pouvoir vérifier que la collectivité n’a pas détourné les objectifs inscrits dans la convention de transfert. Le présent amendement précise dont qu’à l’issue d’une période de sept ans, la collectivité ou le groupement de collectivités bénéficiaires du transfert transmet un rapport au ministre de la culture détaillant la mise en œuvre du projet de conservation et de mise en valeur du monument depuis son transfert. À défaut de transmission de ce document, ou si le bilan de la mise en œuvre s’avère insuffisant, le ministère de la culture peut demander la résiliation de la convention de transfert.

M. Marc Bernier, rapporteur pour avis. Il s’agit effectivement d’une disposition utile. J’y suis favorable.

La commission adopte l’amendement n° 7 AC.

La commission donne ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 52 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 52

Rapport au Parlement sur la décentralisation du patrimoine protégé

La commission examine l’amendement n° 8 AC de Mme Muriel Marland-Militello.

Mme Muriel Marland-Militello. Dans l’esprit du renforcement des pouvoirs du Parlement et pour lui permettre d’effectuer convenablement sa mission d’évaluation des politiques publiques, le présent amendement prévoit un rapport annuel sur l’application de l’article 97 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

M. Marc Bernier, rapporteur pour avis. Cet amendement prévoit un rapport au Parlement chaque année sur l’application du dispositif de transfert. Le principe paraît utile pour l’information du Parlement. La périodicité peut être discutée : une fois par an, n’est-ce pas trop fréquent par rapport au nombre et au rythme des opérations de transfert envisageables ? Je vous propose donc de sous-amender votre amendement afin de prévoir une périodicité de deux ans, si vous en êtes d’accord.

La commission adopte l’amendement n° 8 AC, ainsi sous-amendé.

*

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Article 52

Amendement n° 1 AC présenté par M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis

Supprimer cet article.

Article 52

Amendement n° 2 AC présenté par M. Gilles d’Ettore

Les dispositions prévues à l’article 52 sont remplacées par les dispositions suivantes :

« Le délai prévu à l’alinéa 2 du I de l’article 97 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales est réouvert à compter de la publication de la présente loi au journal officiel pour une durée de 12 mois ».

Article 52

Amendements n° 3 AC présenté par M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis, et n° 4 AC présenté par M. Gilles d’Ettore

I. Après l’alinéa 2, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« a) au début du paragraphe, sont insérés les mots suivants :

« Après avis conforme du ministre de la culture et de la communication, ». »

II. En conséquence, modifier la numérotation des alinéas 3 à 7.

Article 52

Amendement n° 5 AC présenté par Mme Muriel Marland-Militello

Au début de l’alinéa 12, insérer les mots suivants :

« Après avis du ministre en charge des monuments historiques et, le cas échéant, du ministre affectataire de l’immeuble ou de l’objet concerné, »

Article 52

Amendement n° 6 AC présenté par Mme Muriel Marland-Militello

Après l’alinéa 12 insérer l’alinéa suivant :

« Dans la première phrase du II, après les mots : « conservation du monument », sont insérés les mots : « , sa réutilisation éventuelle dans des conditions respectueuses de son histoire et de son intérêt artistique et architectural ». »

Article 52

Amendement n° 7 AC présenté par M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis

Après l’alinéa 13, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 4 bis À l’issue d’une période de sept ans, la collectivité ou le groupement de collectivités bénéficiaires du transfert transmet un rapport au ministre de la culture détaillant la mise en œuvre du projet de conservation et de mise en valeur du monument depuis son transfert. A défaut de transmission de ce document, ou si le bilan de la mise en œuvre s’avère insuffisant et non conforme aux clauses prévues dans la convention de transfert, le ministère de la culture peut demander la résiliation de cette convention. »

Article additionnel

Amendement n° 8 AC présenté par Mme Muriel Marland-Militello

Après l’article 52, insérer l’article suivant :

« Le Gouvernement transmet chaque année aux commissions compétentes du Parlement un rapport établissant un bilan et une évaluation de application de l’article 97 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, et notamment un suivi des conventions de transfert signées en application de ces dispositions.

« Ce rapport retrace également, région par région, l’évolution des moyens alloués par l’Etat en faveur de l’entretien et de la restauration des monuments classés ou inscrits au titre des monuments historiques dont il n’est pas propriétaire, ainsi que des engagements en cours et des opérations réalisées et programmées. »

ANNEXES

ANNEXE 1

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Association des paralysés de France – M. Jean-Marie Barbier, président, et M. Nicolas Mérille, conseiller national aménagement du territoire, ville et citoyenneté

Ø Association Valentin Haüy – M. Philippe Paugam, vice-président

Ø Groupement des intellectuels aveugles ou amblyopes – Mme Marie de Saint Blanquat, présidente, et Mme Constance de Magneval, déléguée générale

Ø Comité national pour la promotion sociale des aveugles et des amblyopes – M. Philippe Chazal, président

Ø Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales (UNAPEI) – APEI Papillons Blancs de Paris – M. François de Cidrac, président, et Mme Corinne Bebin, directrice

Ø Association Bleu comme une orange « culture et handicap » – M. Patrick Mazaud, président

Ø Association Jaccede.com – M. Damien Birambeau, président fondateur, M. Eddie Baret et Mme Véronique Bernard

Ø Association tourisme et handicaps (ATH) – Mme Annette Masson, présidente, et Mme Dominique Rabet, secrétaire générale

Ø Club « Gestes, musées et monuments » – M. Jean-Paul Perbost, président, et Melle Veronica Rengifo, interprète en langue des signes

Ø Centre des monuments nationaux – Mme Isabelle Lemesle, présidente, M. Jean-Paul Ciret, directeur du développement culturel et du public, M. Jean-Christophe Simon, directeur de la maîtrise d’ouvrage, Mme Dominique Seridji, directrice des Éditions du Patrimoine, et Mme Alima Marie, directrice des relations extérieures

Ø Ministère de la culture direction de l’architecture et du patrimoine M. Michel Clément, directeur

Ø Ministère de la culture direction des musées de France – Mme Françoise Wasserman, chef du département des publics, et M. Paul Astruc, adjoint au département de la muséographie

Ø La Demeure historique – M. Jean de Lambertye, président

Ø Compagnie des architectes en chef des monuments historiques – M. Paul Barnoud, président

Ø Association nationale des architectes des bâtiments de France (ANABF) – M. Frédéric Auclair, président

Ø Ministère de la Culture (Mission Handicap) – Mme Ariane Salmet, chef de la mission du développement des publics, et Mme Sandrine Sophys-Veret, chargée de mission

Ø Préfecture de police de Paris – M. Gérard Lacroix, sous-directeur de la sécurité du public à la direction du transport et de la protection du public, et M. Jean-Marie Bourgouin, architecte en chef, chef du service des architectes de sécurité

• Déplacement le 17 septembre 2009 en Mayenne

Ø Préfecture de Mayenne – M. Éric Pilloton, préfet

Ø Conseil Général de Mayenne – M. Gilbert Dutertre, vice-président, président de la commission « solidarité », M. Jean-Pierre Dupuis, président de la commission « culture », et M. Pascal Trégan, animateur de l’architecture et du patrimoine

Ø Association des maires de France (AMF) – Mme Rose-Marie Guillope, directrice départementale

Ø Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) – M. Michel Malle, directeur

Ø Association des Vieilles Maisons Françaises (VMF) – M. Hervé Gerolami, délégué départemental

Ø Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement de la Mayenne (CAUE) – M. Jérôme Jacoutot, directeur

Ø Direction régionale des affaires culturelles des Pays-de-la-Loire – M. Georges Poull, directeur, M. Philippe Benezech, architecte des bâtiments de France, chef du service départemental de l’architecture et du patrimoine (SDAP), M. Luc Caudroy, conservateur régional des monuments historiques, et M. Christophe Fenneteau, conseiller pour le développement des publics et du territoire

Ø Direction départementale de l’équipement de Mayenne – M. Bernard Meyzie, directeur adjoint

Ø Association des paralysés de France (APF) – M. Jean-Paul Desnoë et M. Martial Louvel, chargés de l’accessibilité

Ø Château de Craon – M. Loïk de Guebriant, propriétaire

Ø Commune de Château-Gontier Bazouges – M. Philippe Henry, maire et M. Vincent Saulnier, adjoint au maire pour les questions de patrimoine

• Déplacement le 1er octobre 2009 en Bourgogne

Ø Commune de Dijon – Mme Marie-Josèphe Durnet-Archeray, conseillère municipale, déléguée aux musées, au patrimoine, à la lecture publique et au secteur sauvegardé, et M. Christophe Berthier, conseiller municipal, délégué à la santé et au handicap

Ø Musée des beaux arts de Dijon – Mme Sophie Jugie, conservateur

Ø Centre communal d’action sociale de Dijon – Mme Marie-Hélène Remigius, référent au pôle handicap

Ø Architectes des bâtiments de France (ABF) – M. Jean-Michel Marouzé et M. Olivier Curt

Ø La Demeure Historique – Mme de Courcel, déléguée régionale

Ø Vieilles maisons françaises (VMF) – M. Geoffroy de Bazelaire de Rupiere, délégué régional

Ø Bibracte – Mme Pascale Plaza, responsable de la promotion et du développement touristique

Ø Association des conservateurs de Bourgogne – Mme Françoise Reginster, conservateur du musée de la faïence Frédéric Blandin de Nevers

Ø Musée du pays châtillonnais – M. Jean-Louis Coudrot, conservateur

Ø Association « les doigts qui rêvent » – M. Philippe Claudet, co-fondateur

Ø Association « Le comité Valentin Haüy » – Mme Marie-Claude Brenot, déléguée régionale

Ø Association des paralysés de France – Mme Florence Lecomte-le-grand, directrice de la délégation départementale de Côte-d’Or, et M. Laurent Dinet, conseiller départemental

Ø Association « Itinéraires singuliers » – M. Alain Vasseur, vice-président

Ø Rempart Bourgogne – Mme Corinne Molina, directrice

Ø Direction régionale du tourisme de Bourgogne – M. Henri Iniesta, directeur adjoint

Ø Direction régionale de l’action culturelle (DRAC) de Bourgogne – M. Louis Poulhes, directeur, M. Michel Roussel, directeur-adjoint, Mme Isabelle Boucher-Doigneau, responsable du secteur communication, mécénat et jardins remarquables, M. Régis Wenzel, responsable des marchés, M. Gérard Jacquet, ingénieur du patrimoine, Mme Christine Diffembach, responsable du secteur éducation artistique et culturelle, et M. Gaël Tournemolle, responsable du secteur architecture

Ø Conseil général de Côte d’Or – M. François Sauvadet, président

Ø MuséoParc d’Alésia – M. Philippe Mathieu, directeur général, et M. Jean-Paul Derinck, ingénieur en chef, délégué pour l’aménagement du site, chef de la mission Alésia du Conseil général

ANNEXE 2

DÉFINITION DES DIFFÉRENTS TYPES DE HANDICAP

(source : ouvrage Culture et Handicap édité par le ministère de la culture)

Handicap visuel

L’amblyopie est un terme général désignant, après toutes corrections, un degré de vision (acuité visuelle ou champ visuel) très médiocre, inférieur à 4/10, au moins dans certaines conditions. Il convient de préciser que les mesures d’acuité sont faites dans des conditions standard ayant peu de rapport avec l’environnement réel et l’aptitude fonctionnelle du sujet. Elles ne suffisent pas à définir les déficiences et les conditions handicapantes, qui ne se réduisent pas au seul rapport taille/distance. La nature et le degré des déficiences sont multiples et les handicaps sont très variables selon l’individu et les conditions environnantes. Parmi les nombreuses déficiences visuelles, citons par exemple : vision floue, bonne vision dans des fourchettes de distances réduites, champ rétréci ou entrecoupé, difficulté de balayage du regard, vision réduite en forte luminosité ou en pénombre, sensibilité aux variations brusques de lumière, absence de relief, absence de couleurs... L’amblyopie est un handicap qui peut passer inaperçu : regard totalement « voyant », allure non hésitante, vision de très petits objets, sans ou avec port de lunettes. Les personnes déficientes visuelles ont souvent des difficultés de latéralisation et de repérage dans l’espace, de perception de l’espace et du mouvement à divers degrés. Leur appréhension de l’information est séquentielle, du fait de leur vision non globale, et souvent partielle au premier abord. Évidemment, elles éprouvent aussi des difficultés de lecture (panneaux d’orientation, d’information, cartels, etc.). Pour ces personnes, l’orientation et l’accès au contenu sont facilités par l’utilisation de maquettes et objets à toucher, d’informations sonores, de textes bien éclairés et bien contrastés et de braille. Dans le cas de malvoyance, le reste de perception visuelle doit être privilégié. L’envie de toucher n’est pas systématique.

Il existe des situations très diverses, qu’il s’agisse de personnes aveugles de naissance, de personnes aveugles tardives ou avec un reste de perception visuelle. Pour les aveugles de naissance, nombre de prérequis visuels ne font pas sens ; le braille et le toucher sont indispensables. Quant aux personnes aveugles tardives ou avec un reste de perception visuelle, elles s’appuient sur des références visuelles acquises (couleurs, composition, etc.) et apprécient le discours. Les attentes en terme d’accès aux oeuvres sont donc diverses : toucher (oeuvres originales ou maquettes), conférences dans un monument ou sur un parcours d’œuvres peintes ou non accessibles au toucher, audiodescription (spectacles, films...).

Handicap auditif

Parmi les personnes sourdes « de naissance », quelques personnalités exceptionnelles atteintes de surdité profonde dominent le français écrit, et sont peu ou prou dans la situation des « devenus sourds ». Pour tous les autres, certains demi-sourds et la plupart des sourds sévères ou profonds, le français est à des degrés divers, une langue étrangère. La langue des signes, qui permet aux personnes atteintes de surdité sévère ou profonde de communiquer aisément, a été jusqu’à récemment bannie en tant que langue d’enseignement. Les difficultés d’apprentissage du français rencontrées par les personnes sourdes ont compromis l’acquisition de connaissances et de la culture environnante, et les ont souvent marginalisées. Encore aujourd’hui, des notions évidentes pour tout entendant ne font pas sens pour certaines personnes sourdes. La plupart des personnes sourdes de naissance lisent difficilement. Souvent, leur compréhension de l’écrit n’est que superficielle. Le français écrit ne renvoie pas à une expérience de communication aisée en français oral et les évidences culturelles sousjacentes (l’implicite) ne leur sont pas connues. Ainsi, ces personnes sont confrontées à des problèmes d’audition et également de compréhension. Pour elles, l’accès au contenu sera favorisé par l’utilisation de la langue des signes et par l’intervention de personnes connaissant très bien la culture sourde (si possible elles-mêmes sourdes). Les personnes devenues sourdes à l’âge adulte possèdent intimement le français et la culture environnante et utilisent l’écrit comme tout entendant. Les personnes sourdes plus ou moins profondes n’entendent rien ou presque, ou perçoivent un message extrêmement déformé. Une prothèse ne pourra rien leur apporter et, pour appréhender la langue orale, elles n’ont d’autre recours, généralement incertain, que la lecture labiale. Les personnes malentendantes entendent, mais mal, et peuvent souvent récupérer énormément grâce à leur prothèse. Les personnes sourdes ne possédant pas la langue des signes peuvent avoir recours à la lecture labiale. Pour elles, toute communication est rarement détendue et sans effort. Les personnes sourdes non locutrices de la LSF peuvent utiliser le langage parlé complété (LPC). Il existe des personnes sourdes plurihandicapées et notamment sourdes-aveugles.

Handicap mental et psychique

Handicap mental

Le handicap mental se traduit par une déficience intellectuelle stable, durable et irréversible. Les personnes ayant un handicap mental présentent, sous des formes variées, une ou plusieurs déficiences dans le fonctionnement de l’intelligence, s’accompagnant le plus souvent de troubles secondaires du langage, de la motricité, des perceptions sensorielles, de la communication, du discernement. Le handicap mental est plutôt défini par ses manques (affectifs, intellectuels, physiques), quelles qu’en soient les origines. Le handicap mental a une incidence sur la capacité d’abstraction, de concentration, de coordination, de mémorisation, de repérage dans l’espace et le temps. Il implique également une difficulté d’adaptation aux exigences culturelles de la société (parmi lesquelles la communication, la santé et la sécurité, les aptitudes scolaires fonctionnelles, les loisirs et le travail). Les personnes en situation de handicap mental « léger » ont suffisamment d’autonomie pour participer aux activités culturelles et artistiques destinées à tout public. Elles peuvent bénéficier des adaptations créées pour d’autres personnes en situation de handicap, comme les supports et outils multisensoriels, les documents et ouvrages en gros caractères, une signalétique associant texte et image. Les personnes en situation de handicap mental plus prononcé, parfois polyhandicapées (déficiences motrices et intellectuelles sévères), ont besoin d’une offre culturelle ou artistique spécifique. De manière générale, les situations anxiogènes doivent être évitées, et une attention particulière doit être portée à la signalétique, à l’utilisation des pictogrammes pour pallier les problèmes de lecture. Les difficultés peuvent également être compensées par un accompagnement humain permanent et évolutif, adapté à l’état et à la situation de la personne. Ainsi, pour accueillir ces personnes dans les établissements culturels, une sensibilisation du personnel et une collaboration avec les professionnels du handicap sont indispensables.

Handicap psychique

Le handicap psychique, reconnu depuis la loi de février 2005, était auparavant nommé « maladie mentale », d’où une certaine confusion entre handicap mental et handicap psychique. Le handicap psychique a pour origine une maladie, des troubles psychiatriques ou une perturbation de l’équilibre psychologique. Les personnes ayant un handicap psychique sont atteintes de troubles d’origine psychique (névrose, psychose, manies) ou physiologiques (traumatismes crâniens, prise de drogues...) amputant, limitant ou déformant de façon plus ou moins passagère et à des degrés divers, le contrôle de leur activité mentale, affective ou physique. Les capacités mentales, cognitives et intellectuelles de ces personnes restent intactes, mais peuvent se trouver perturbées par les symptômes (les manifestations) de ces maladies. La maladie mentale peut apparaître, se renforcer ou s’atténuer aux différents âges de la vie. Elle est plutôt définie par son « plus » : un syndrome positif, une maladie, permet de reconstruire un monde nouveau à sa mesure, correspondant à ses fantasmes, à ses désirs et à ses peurs. Il est parfois difficile de communiquer avec la personne malade mentale en période de crise.

Les personnes en situation de handicap

Le sentiment de n’être pas accepté par l’environnement constitue un deuxième handicap, affectif et social celui-là, dont les conséquences peuvent être parfois très pénalisantes. Il induit notamment, au plus intime de la personne, une image négative de soi susceptible d’aggraver l’inadaptation. Il ne s’agit donc pas de personnes « moins ou peu intelligentes », mais de personnes dont la structure intérieure est déficiente, ce qui peut entraîner un raisonnement logique différent, qui paraîtra déroutant, et une angoisse existentielle, une peur de l’autre. Ces personnes sont susceptibles d’échouer dans des situations à priori « simples ». Certaines peuvent dépenser une énergie considérable pour masquer leur désordre intérieur, d’autres présenter des comportements déviants, d’autres, enfin, être sous l’emprise d’un traitement fort qui ralentit leur vitesse de perception et de compréhension. Il s’agit avant tout de personnes d’une sensibilité extrême, sujettes à des émotions intenses, attentives à la qualité de l’attention qu’on leur porte. Outre leurs potentialités importantes d’expression artistique et de créativité, elles ont, comme tout individu, des capacités de vie professionnelle, de vie sociale et relationnelle. Ces spécificités conduisent à conseiller fortement que ces personnes soient accompagnées par des proches à même de détecter les signes extérieurs de leur état intérieur et de percevoir les moments d’éveil et d’ouverture pour en tirer le meilleur profit. La prise en compte de ces visiteurs passe donc surtout par des mesures visant à limiter l’agressivité de l’environnement et par la sensibilisation du personnel susceptible d’intervenir auprès d’eux.

Handicap moteur et moteur cérébral

Handicap moteur

Une mobilité réduite est la conséquence de handicaps physiques entraînant une incapacité ou une difficulté à marcher, ou le besoin de recourir à des aides à la marche. Cela concerne en particulier les personnes en fauteuil, en chariot ou appareillées. Le déplacement en fauteuil roulant, qui oblige à être assis, implique une approche visuelle et gestuelle différente de celle de l’adulte valide debout, mais proche de celle de l’enfant valide debout. Ces handicaps interviennent à tout âge, de la petite enfance au quatrième âge.

Les infirmes moteurs cérébraux (IMC)

Ces personnes peuvent être rapprochées de celles atteintes de handicap moteur, l’origine cérébrale du handicap ne créant pas un tableau particulier des manifestations au niveau moteur. (En revanche, les handicaps sensoriels, de comportement et les déficiences mentales d’origine cérébrale nécessitent des recommandations particulières). L’infirmité motrice cérébrale est la conséquence permanente, définitive d’une lésion quelconque mais non évolutive et non héréditaire, qui a frappé l’encéphale au début de la vie, de telle sorte que la symptomatologie motrice domine, et que l’intelligence peut être concernée. C’est une infirmité définitive ; elle peut être atténuée, mais non guérie. Le caractère de la lésion cérébrale causale est non évolutif, mais ses conséquences périphériques changent au cours du développement de l’enfant. L’intelligence n’est pas atteinte dans de nombreux cas, bien que le polyhandicap puisse souvent s’opposer à son développement. Les troubles moteurs sont, par définition, toujours présents chez l’IMC ; d’autres troubles sont contingents. Les troubles associés peuvent être sensitifs, sensoriels, intellectuels, de langage, de geste, de posture. Les IMC peuvent présenter une comitialité. Le bavage est fréquent et représente un lourd handicap social. Les visiteurs IMC peuvent être aussi bien des adultes que des enfants. Du polymorphisme de l’atteinte clinique des IMC résulte que ces personnes bénéficient d’une manière générale des adaptations prévues pour d’autres types de handicaps (handicap moteur, handicap de communication). Il faut néanmoins tenir compte de leurs spécificités (en particulier la lenteur) et leur proposer des aides techniques particulières.

Handicap invisible

Le handicap invisible se définit par la diminution de l’usage d’une ou de plusieurs fonctions ou par une grande fatigabilité. Les fonctions le plus souvent impliquées sont la locomotion, la vue, l’audition, la parole ainsi que le comportement général. Sont concernées les personnes âgées, les femmes enceintes, les convalescents... Citons également les personnes gênées dans la communication par une barrière culturelle (les étrangers), une maladie mentale ou une maladie handicapante (cardiopathie, diabète, néphropathie, lombalgie...). Le handicap peut être récent et parfois passager. La compensation du déficit est alors le plus souvent incomplète du fait de la brièveté du temps d’apprentissage accordé. Dans le cas des personnes âgées, le handicap est souvent mal compensé. Le groupe des personnes atteintes d’un handicap invisible est certainement le plus important par le nombre. Les aménagements prévus pour les autres personnes handicapées leur sont utiles. La difficulté est de déceler les besoins de chacun, d’autant plus que certaines d’entre elles sont inconscientes de la nature et du degré de leur handicap, tandis que d’autres ne veulent pas reconnaître ou dévoiler l’existence de leur déficit.

ANNEXE 3

CENTRE DES MONUMENTS NATIONAUX :


L’ÉDITION ADAPTÉE : UNE DÉCOUVERTE SINGULIÈRE DU PATRIMOINE

(Source : centre des monuments nationaux)

Parce que l’édition pour tous publics de guides et ouvrages de découverte du patrimoine se situe au cœur de ses missions, le Centre des monuments nationaux / Éditions du patrimoine publie deux collections d’édition adaptée aux lecteurs déficients visuels et auditifs innovantes dans leur conception, et issues d’une démarche exemplaire de collaboration avec les associations représentatives des publics concernés :

– les « Sensitinéraires » pour offrir le plaisir du livre d’art aux personnes atteintes de déficiences visuelles,

– les « Lex’signes » pour enrichir la langue des signes française d’un vocabulaire entièrement dédié à l’histoire de l’art.

La collection « Sensitinéraires », offrir le plaisir du livre d’art aux personnes atteintes de déficiences visuelles

Les ouvrages de la collection « Sensitinéraires » proposent une découverte sensible des monuments, en compagnie des meilleurs spécialistes des lieux et de leur histoire.

Ouvrages audio-tactiles d’un format égal à l’empan des deux mains, les trois premiers titres de la collection, La Sainte-Chapelle, Le Panthéon et La Cité de Carcassonne, proposent une visite approfondie de trois édifices emblématiques de notre patrimoine. Françoise Perrot, directrice de recherche au CNRS et grande spécialiste du vitrail, pour La Sainte Chapelle, Pierre Wachenheim, historien de l’art, pour Le Panthéon, et Jean-Pierre Suau, maître de conférence en histoire de l’art à l’université de Montpellier pour La Cité de Carcassonne en sont les auteurs aux côtés de Hoëlle Corvest elle-même non voyante, responsable de l’accueil des publics déficients visuels à la cité des sciences et de l’industrie et spécialiste de l’image en relief, qui a rédigé les textes guidant la lecture des images en relief. Brigitte Maurice-Chabard, conservateur en chef du musée Rolin à Autun, est l’auteur, toujours aux côtés de Hoëlle Corvest, du volume consacré à l’abbaye de Cluny, à paraître à l’automne 2010.

Véritables livres d’art, ils visent à restituer l’espace, les formes architecturales et les décors dans leurs justes proportions et leur dimension esthétique : une riche iconographie réalisée en gaufrage permet une discrimination tactile allant jusqu’à 7 niveaux de reliefs.



Une soixantaine d’images tactiles réalisées en gaufrage renvoient à l’histoire du monument, à son environnement géographique, et abordent, au travers de pians, coupes, élévations ou relevés graphiques son architecture et ses décors. Le même déroulé iconographique est repris dans deux livrets insérés en début d’ouvrage, l’un en dessins contrastés à l’usage des personnes malvoyantes, l’autre, en quadrichromie, à l’usage des personnes qui, malvoyantes, perçoivent quand même les couleurs ou appelé à permettre une lecture partagée entre voyants et non-voyants et comprenant jusqu’à 7 niveaux de reliefs. L’ensemble de ces supports sont expertisés et testés tout au long de leur conception et réalisation par les associations partenaires, représentatives des publics concernés
– l’association Valentin Haûy et le Groupement des intellectuels aveugles ou amblyopes.

Cette collection a été conçue pour offrir la plus grande autonomie et le meilleur confort de lecture. Son premier titre, La Sainte-Chapelle, fut la première publication à introduire en France le système DAISY.

Un livre d’images à l’usage de ceux qui ne voient pas est une forme de défi, d’où le soin apporté à la conception et la réalisation des planches gaufrées et dessins contrastés mais également à la mise en forme des textes qui en accompagnent la lecture, enregistrés sur CD audio au format DAISY. Véritable révolution informatique du livre parlé, ce système offre un grand confort d’utilisation, en permettant notamment la recherche de chapitres ou de pages, la pose de signets, l’usage d’un index, ou la variation de la vitesse d’écoute.

La Collection « Sensitinéraires », quel bilan ?

Le soutien de nos partenaires mécènes est déterminant pour la poursuite de la collection.

La qualité de réalisation des trois premiers titres de la collection est grandement redevable du soutien apporté par nos partenaires mécènes (la Caisse d’Épargne Ile-de-France Paris et la Caisse d’Épargne Languedoc-Roussillon, dans le cadre de leurs programmes « lutte contre l’exclusion » et « autonomie des personnes handicapées », les fondations Orange et France Télévision notamment), ayant autorisé l’utilisation des techniques et supports graphiques les mieux adaptés : la technique du gaufrage, précise, artisanale – les planches sont « embouties » les unes après les autres après réalisation de contreparties en stuc – est onéreuse et nécessite l’utilisation de papiers spécifiques, eux-mêmes coûteux. Ainsi, chaque titre de la collection nécessite un investissement en coûts complets compris entre 140 et 160 000 euros HT pour un tirage à 1 500 exemplaires, les apports en mécénat ayant chaque fois représenté de l’ordre de 100 000 euros HT.

La reconnaissance du public et des professionnels est au rendez-vous.

Récompensé en 2006 par deux prix décernés par des professionnels de la chaîne graphique (trophée « caritatif & print » - Intergraphic 2006) et des éditeurs (Grand prix du jury de la Nuit du livre 2006), le premier titre de la collection avait d’ores et déjà reçu un accueil des plus chaleureux auprès des publics auxquels il est destiné. Tirés, chacun, à 1 500 exemplaires, les titres de la collection connaissent de surcroît une diffusion satisfaisante dans le réseau traditionnel des librairies et sont bien implantés en bibliothèques. Également présents dans le réseau que constituent les librairies-boutiques du Centre des monuments nationaux, ces ouvrages font par ailleurs l’objet d’une information auprès des nombreuses associations concernées [plus de 3000 sont sensibilisées par le biais de l’association Valentin Haiiy (AVH) et du Groupement pour l’insertion des personnes handicapées physiques ou sensorielles (GIHP), associations partenaires du CMN] et sont proposés dans l’ensemble des bibliothèques spécialisées. Ainsi, près de 1 300 ouvrages étaient vendus au 1er semestre 2009, tous titres confondus. La mobilisation des publics concernés s’effectue également par le biais des événements organisés à l’occasion de la parution de chacun des titres de la collection. Ainsi, le lancement du « Sensitinéraires » Panthéon le 26 avril 2007 fut l’occasion de proposer une visite spécifique du monument « dans le noir » – yeux bandés pour les voyants – et une démonstration de lecture tactile de l’ouvrage, cet événement ayant été retransmis en duplex sur la chaîne parisienne Paris Cap, dans une émission animée par Patrick Carmouze. Le 19 mai dernier, à l’occasion de la parution du titre consacré à la cité de Carcassonne, le public était convié dans ce monument à participer, tout au long de la journée, à des ateliers de lecture tactile et des visites adaptées, suivis d’un récital de Claude Marti, poète, compositeur et interprète ayant prêté sa voix et quelques-unes de ces œuvres à ce volume de la collection. Enfin, eu égard à la qualité de leur réalisation, les Sensitinéraires sont également utilisés comme support au déroulement d’ateliers d’initiation à la lecture de l’iconographie en relief organisés notamment par les bibliothèques / médiathèques publiques.

La collection « Lex’signes », enrichir la langue des signes française d’un vocabulaire entièrement dédié à l’histoire de l’art

Les ouvrages de la collection « Lex’signes » sont le fruit d’un un travail collectif conduit par des professionnels eux-mêmes sourds et des historiens de l’art renommés.

Les « Lex’signes », réalisés en partenariat avec l’association IVT (International Visual Théâtre), s’adressent autant aux personnes sourdes, pour leur apporter un vocabulaire
spécifique à l’histoire de l’art, qu’à tous ceux qui souhaitent découvrir la langue des signes
française. Conférenciers sourds du Centre des monuments nationaux, linguistes, photographes
et comédiens d’IVT ont conjugué leurs talents respectifs avec le savoir de spécialistes de la
préhistoire, du Moyen Âge et de l’Antiquité pour réaliser les trois premiers titres de la
collection, consacrés à ces périodes ( Antiquité est à paraître fin 2009).

Ils répertorient un vocabulaire précis rendu accessible aux lecteurs sourds.

Dans les ouvrages de la collection, conçus pour être très visuels, chaque signe est accompagné de sa définition écrite ainsi que d’une riche iconographie destinée à rendre ce vocabulaire aisément accessible aux yeux des lecteurs sourds dont 80 % souffrent d’illettrisme. L’accessibilité des définitions écrites en français a été soumise à l’expertise de la FNSF.

L’accès aux différents champs lexicaux est facilité par le classement thématique adopté.

Le classement thématique adopté permet au lecteur de se familiariser avec les champs lexicaux correspondants, une couleur spécifique étant associée à chaque thème pour faciliter la recherche.

Une chronologie permet de donner les repères indispensables à la compréhension d’une période

Conçu en 2005, paru en mars 2006, le premier volume de la collection, Préhistoire, définit plus de cent vingt termes attachés à cette période. Essentiellement axé sur le paléolithique, dont il retrace les différents moments, ce corpus met en scène l’évolution de l’homme, ses modes de vie, ses techniques, son art. Paru en 2008, Moyen Âge propose cent cinquante définitions regroupées en quatre chapitres, qui expliquent en mots et en images les grands thèmes de l’univers médiéval : la société féodale, le château fort, l’architecture et la vie religieuse, la ville. À paraître fin 2009, Antiquité convie à la découverte des mondes grec et romain.

Très illustrés, objets d’un minutieux travail d’expertise et de plusieurs phases de validation, les ouvrages de la collection sont d’un coût de revient relativement élevé
– compris entre 30 et 40 000 euros HT pour un tirage à 2000 exemplaires. La pérennité des Lex’signes se trouve ainsi, là encore, redevable à nos partenaires mécènes – Fondation Orange et Fondation France Télévision – dont les apports totaux se situent autour de 20 000 euros pour chacun des titres publiés.

Bien accueillie par le public sourd, cette collection est également diffusée dans le réseau traditionnel des librairies. La parution du Moyen Age fut l’occasion de réunir un public très motivé au château de Vincennes autour d’une création théâtrale née du vocabulaire LSF rassemblé dans l’ouvrage et présentée par la compagnie IVT dans le donjon.

ANNEXE 4

FINANCEMENTS ALLOUÉS PAR LE FIAH AU MINISTÈRE DE LA CULTURE EN 2008

 

Régions

Établissements

Objet

Estimation
opération

Participation FIAH

Programme

/

Aquitaine

École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Bordeaux

Création d’un ascenseur dans le bâtiment administratif et d’une rampe d’accès

150 000,00

66 200,00

Programme 224,
action 4

9

Bretagne

École nationale d’architecture de Bretagne

Diagnostic accessibilité

10 000,00

6 000,00

Programme 224,
action 4

14

Centre

Service départemental d’architecture et du patrimoine à Orléans

Mise en place d’une rampe d’accès

40 000,00

15 000,00

Programme 224,
action 4

12

Ile-de-France

Château de Versailles (musée national et domaine)

Réalisation du diagnostic global d’accessibilité de l’Etablissement du musée et du domaine de Versailles concernant l’ensemble des espaces ouverts à la visite, les projets en cours, pour les quatre familles de handicap

98 670,00

54 668,00

Programme 224,
action 4

/

Ile-de-France

École nationale Supérieure d’architecture de Paris la Villette

Diagnostic accessibilité

6 000,00

3 600,00

Programme 224,
action 4

3

Languedoc-Roussillon

Siège de la DRAC (4 hôtels particuliers)

Diagnostic accessibilité

9 500,00

5 700,00

Programme 224,
action 4

5

Limousin

École nationale supérieure d’art de Limoges

Mise en place d’un ascenseur et de rampes d’accès

67 602,00

31 561,20

Programme 224,
action 4

6

Limousin

DRAC du Limousin

Diagnostic accessibilité

1 507,00

904,20

Programme 224,
action 7

7

Limousin

DRAC du Limousin

Aménagement de l’accès à deux pièces pour permettre l’accueil et la circulation des personnes handicapées

17 940,00

1 764,00

Programme 224,
action 7

6

Midi-Pyrénées

Service départemental de l’architecture et du patrimoine (SDAP) de Cahors

Mise en accessibilité du rez-de-chaussée : accueil, hall d’attente, bureau de réception du public. Mise en place d’un élévateur

40 000,00

15 000,00

Programme 224,
action 7

/

Ministère de la culture
Direction des Musées de France (DMF)

Domaine national de Port-Royal-des-Champs : Musée des Granges

Mise en accessibilité générale avec entre autres la création d’une rampe, l’installation d’une plate-forme élévatrice desservant le niveau 1 du musée et du centre de ressources, réfection des allées de desserte du musée et l’aménagement de places de stationnement adaptées

200 000,00

86 200,00

Programme 175,
action 3

/

Ministère de la culture
Centres des monuments historiques (CMN)

Divers monuments historiques (voir "libellé des travaux")

Diagnostics des sites suivants : Abbaye de Cluny, Château de Bussy Rabutin, Château de Châteaudun, Conciergerie, Sainte-Chapelle, Hôtel de Béthun-Sully, Château de Champs sur marne, Domaine de Jossigny, Château de Maisons, Château d’Angers, Château de Pierrefonds, Palais du Tau Reims, Tours et remparts d’Aigues Mortes, site archéologique d’Ensérune, Forteresse de Salses, Abbaye de Beaulieu en Rouergue, Château de Gramont, Château d’Oiron, Place forte de Mont-Dauphin, Trophée d’Auguste à la Turbie

250 000,00

115 200,00

Programme 224,
action 4

 

891 219,00

401 797,00

 
© Assemblée nationale

1 () Rapport d’information n° 3530 sur la conservation et l’entretien du patrimoine monumental, 19 décembre 2006.

2 () Avis présenté au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi de finances pour 2008, Tome III, Culture, 11 octobre 2007.

3 () Avis n° 1199 présenté au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi de finances pour 2009, Tome IV, Culture, 16 octobre 2008.

4 () Culture Etudes n° 2009-4, octobre 2009.

5 () Voir en annexe la définition précise de chaque type de handicap.

6 () A Paris, dans les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne, il s’agit de la commission départementale de sécurité.

7 () http://www.culture.gouv.fr/handicap/intro.html.

8 () http://www.culture.gouv.fr/handicap/guide-intro.html#2007.

9 () http://www.culture.gouv.fr/handicap/guide-intro.html#2008.

10 () www.arianeinfo.org.

11 () http://handicap.monuments-nationaux.fr/.

12 () www.jaccede.com.

13 () Pour 2008, il s’agit de la circulaire n° DGAS/SD3A/2008/182 du 18 juin 2008.

14 () Arc de Triomphe, Panthéon, Mont St Michel, Site archéologique de Glanum, Château d’Azay le Rideau et Château de Carcassonne.

15 () Aquarium de la Porte Dorée (CNHI), Musée franco-américain de Blérancourt, Musée Chagall à Nice, Musée Léger à Biot, Musée Henner à Paris, Musée Adrien Dubouché à Limoges, Musée de la Malmaison et de Bois-Préau.

16 () La liste des projets financés figure en annexe.