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N° 1968

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2009.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2010 (n° 1946)

TOME II

CULTURE

CRÉATION ; TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE

Par M. Marcel ROGEMONT,

Député.

___

Voir le numéro : 1967 (annexe n° 8).

INTRODUCTION 5

I.- LE BUDGET DE LA CULTURE EN 2010 : LA CRÉATION ET LA DÉMOCRATISATION CULTURELLE PARADOXALEMENT LAISSÉES POUR COMPTE 6

A. LA CRÉATION : UNE STAGNATION INQUIÉTANTE 8

B. LA TRANSMISSION DES SAVOIRS ET LA DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE : UN BUDGET LOIN DES AMBITIONS AFFICHÉES 13

C. LE CONSEIL DE LA CRÉATION ARTISTIQUE : UNE CINQUIÈME DIRECTION DU MINISTÈRE ? 16

1. Un « ovni » aux objectifs bien prétentieux 16

2. Des pétitions de principe qui n’ont rien de projets innovants 17

3. Un financement scandaleusement dérogatoire 21

a) Des moyens de fonctionnement transférés du budget du ministère de la culture vers celui du Premier ministre 21

b) Des crédits d’« expérimentation » peu consommés et mal contrôlés 22

II.- SPECTACLE VIVANT ET TERRITOIRES : AGGRAVATION DES DISPARITÉS OU RÉÉQUILIBRAGE ? 23

A. LE BUDGET DU SPECTACLE VIVANT EN RÉGION : UNE STAGNATION QUI FRAGILISE LES INSTITUTIONS ET LES COMPAGNIES 23

1. Le spectacle vivant au sein du programme « Création » : un budget encore majoritairement réservé aux institutions parisiennes et qui tend à se reconcentrer 24

2. L’action culturelle et l’éducation artistique au sein du programme « Transmission des savoirs » : des baisses inquiétantes pour un budget très majoritairement déconcentré 26

B. LA SITUATION DANS LES AUTRES PAYS EUROPÉENS : UNE COMPARAISON PARFOIS DÉLICATE, MAIS INTÉRESSANTE 28

1. Des situations européennes très variées avec trois grands modèles d’organisation 29

a) Les États de structure ou de fonctionnement fédéral 30

b) Les États nordiques, le Royaume-Uni et l’Irlande 30

c) Les États centralisés 30

2. Une situation italienne pleine d’enseignements 31

a) Un État en perte de vitesse 31

b) Des collectivités locales qui s’investissent de manière très variable 32

c) La participation des financements privés au sein des fondations et le mécénat privé 32

C. UN AMÉNAGEMENT CULTUREL DU TERRITOIRE QUI N’EST PAS ACHEVÉ 33

1. Aujourd’hui, des zones périurbaines et rurales encore désertées par la culture 34

2. Des disciplines qui ne sont pas à égalité sur le territoire 35

a) Des inégalités qui sont initialement liées à l’histoire culturelle de notre pays 35

b) Aujourd’hui, la déconcentration et la décentralisation sont plus ou moins abouties selon les disciplines 36

3. La nécessité de refonder et d’approfondir à nouveau l’aménagement culturel du territoire 39

CONCLUSION 43

TRAVAUX DE LA COMMISSION 45

I.- AUDITION DU MINISTRE 45

II.- EXAMEN DES CRÉDITS 87

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 93

ANNEXES 95

INTRODUCTION

2010 sera la première année de « plein fonctionnement » de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale. Cette commission tant attendue, créée le 1er juillet dernier suite au vote de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, permet aujourd’hui aux députés de se pencher de manière plus approfondie sur les sujets fondamentaux pour l’avenir de notre pays que sont l’éducation, la culture, les droits d’auteur, les médias, le sport et la recherche. Il aura donc fallu attendre cinquante et un ans pour que l’Assemblée nationale, comme le Sénat, dispose enfin d’une commission dédiée à ces problématiques.

S’agissant des avis budgétaires, la création de la commission a conduit, sur le modèle de la commission des finances, à « scinder » l’avis budgétaire sur la mission « Culture » précédemment rédigé au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en deux avis distincts, un relatif au programme « Patrimoines », attribué à M. Marc Bernier, député de Mayenne, et le présent avis, relatif aux programmes « Création » et « Transmission des savoirs ».

Les programmes de la mission ne subissent quant à eux pas de changements de périmètre. Le programme « Création » rassemble quatre actions visant au soutien de la création au sens large – spectacle vivant, arts plastiques, livre et lecture et industries culturelles – et le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » a pour objectif de mieux coordonner les politiques transversales dans le domaine des enseignements supérieurs, de l’éducation artistique, de l’action culturelle ou de l’action internationale. Il comporte quant à lui six actions.

Après avoir rapidement analysé le contenu du budget de la culture pour 2010, le rapporteur pour avis s’attachera à étudier un secteur de l’action culturelle, ainsi que l’a décidé le bureau de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Son choix s’est porté cette année sur les modalités de fonctionnement du conseil de la création artistique et sur les relations entre le spectacle vivant et les territoires et il s’est interrogé sur une éventuelle aggravation des disparités entre Paris et les autres régions françaises au cours des dernières années.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre 2009 la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 93 % des réponses étaient parvenues au rapporteur pour avis.

I.- LE BUDGET DE LA CULTURE EN 2010 :
LA CRÉATION ET LA DÉMOCRATISATION CULTURELLE
PARADOXALEMENT LAISSÉES POUR COMPTE

Hors ressource extrabudgétaire, la mission « Culture » sera dotée en 2010 de 2 878,28 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 1,19 % par rapport à 2009) et de 2 917,76 millions d’euros en crédits de paiement (+ 4,81 % par rapport à 2009). On ne peut que se réjouir de cette hausse importante des crédits de paiement de la mission, même si elle est uniquement due aux efforts particuliers fournis cette année en direction du patrimoine monumental, dont les crédits atteindront cette année près de 400 millions d’euros tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement. Si cet effort doit être salué, il convient pourtant d’alerter le Gouvernement sur les difficultés éventuelles qu’auront les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) à engager et consommer tous les crédits, du fait des tensions particulièrement inquiétantes que connaissent les budgets des collectivités locales, qui pourraient entraîner des décisions douloureuses en la matière et priver les chantiers d’entretien et de restauration de ces partenaires indispensables au montage financier des projets.

Évolution du budget de la mission culture 2010
(à périmètre constant – ressources extrabudgétaires 2009 incluses)

 

LFI 2009

PLF 2010

Variation %

(en millions d’euros)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Patrimoines *

Ressource extra budgétaire

893,90

20

968,85

20

1 036,75

1 093,63

+ 15,98
+ 13,44

+ 12,88
+ 10,60

Création *

Ressource extra budgétaire

890,68

15

748,36

15

763,89

765,76

- 14,23
- 15,65

+ 2,32
+ 0,31

Transmission des savoirs *

455,67

462,52

483,76

464,50

+ 6,16

+ 0,43

Dépenses de personnel

604,17

604,17

593,88

593,88

- 1,70

- 1,70

Total hors ressource extra budgétaire

2 844,42

2 783,9

2 878,28

2 917,76

+ 1,19

+ 4,81

Total avec ressource extra budgétaire

2 879,42

2 818,9

2 878,28

2 917,76

- 0,04

+ 3,51


*
Hors dépenses de personnel

Source : ministère de la culture et de la communication

Lors de ses vœux au monde de la culture, le 13 janvier dernier, le Président de la République déclarait : « Pour la culture en 2009, on doit avoir d’autant plus d’initiatives et de projets qu’il y a ce besoin de sens et de repères ». Il ajoutait : « Pour vivre, tout homme doit travailler le jour mais aussi rêver la nuit. Les artistes sont ceux qui rêvent la société, la décryptent, l’interprètent, prédisent l’avenir, préviennent les risques : sans les artistes la société mourrait. Dans un monde « désenchanté », libéré de l’emprise des traditions, je pense que la culture doit nous permettre de répondre à notre soif de sens ». Qui ne partagerait pas cette vision du rôle de l’artiste ?

Pour autant, cette déclaration est pour le moins paradoxale à l’heure où l’évolution budgétaire de deux des trois programmes du ministère de la culture contribuant à cette quête de sens est nettement moins réjouissante que celle du programme « Patrimoines ». En effet, le budget du programme « Création » plonge de plus de 14 % en autorisations d’engagement – du fait semble-t-il principalement de la non-reconduction des 140 millions d’euros de crédits pour la Philharmonie budgétés l’an passé. Plus inquiétant, les crédits de paiement stagnent à + 0,31 % hors crédits de personnel, si l’on prend en compte la ressource extrabudgétaire de 15 millions d’euros qui devait être allouée l’an passé au programme.

Par ailleurs, la mise en réserve préventive, plus communément appelée « gel », inscrite au projet de loi de finances pour 2010, de même niveau que celle de 2009 − soit 0,5 % pour les dépenses de personnel et 5 % pour les autres titres – doit être levée. Le ministre a indiqué que ce serait le cas pour le programme « Patrimoines », alors même que ses crédits sont en forte hausse. Qu’en sera-t-il du programme « Création » et de l’action culturelle ? Les crédits seront-ils dégelés et, si tel est le cas, serviront-ils au financement du Conseil de la création artistique comme en 2009 (1) ou aux créateurs ? Le Président de la République l’indiquait également lors de ses vœux au monde de la culture à Nîmes le 13 janvier dernier, « en 2009 l’État versera l’intégralité des crédits votés en loi de finances pour la création, en levant la mise en réserve, et nous accompagnerons cette réforme les années suivantes autant qu’il sera nécessaire ». M. Eric Garandeau, conseiller « culture » au cabinet du Président de la République, l’a confirmé au rapporteur pour avis : le gel sera bien levé pour le programme « Création ». Le rapporteur pour avis sera très attentif à ce que les crédits « dégelés » soient effectivement affectés au financement des actions du programme. Il conviendrait d’ailleurs que le même effort soit fourni pour le dernier programme de la mission.

En effet, s’agissant du programme « Transmission des savoirs », le tableau est encore plus sombre, puisque les crédits de paiement stagnent (+ 0,43 %) alors que le programme est déjà mis à mal depuis plusieurs années. Les autorisations d’engagement augmentent quant à elles de 6,16 % du simple fait du projet de l’école d’architecture de Strasbourg.

Si, eu égard aux paroles présidentielles, le ministère devrait obtenir sans mal le dégel des crédits du programme « Création », il viendrait qu’il en soit de même pour le programme « Transmission des savoirs ». Si le ministère ne l’obtient pas, cela impactera dangereusement la plupart des structures et institutions financées par le ministère et les actions de médiation culturelle, notamment en région. Mais peut-être est-ce l’objectif du Gouvernement ?

Enfin, le rapporteur pour avis s’inquiète de la programmation pluriannuelle prévue pour la mission « Culture », qui prévoit une stabilisation du plafond des crédits de paiement en 2010 et 2011 et une baisse des autorisations d’engagement (- 0,4 %) entre 2010 et 2011. L’objectif est clair et le désengagement de l’État semble acté puisque le rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 indiquait précisément : « les crédits d’intervention en faveur du spectacle vivant sont stabilisés en 2009, les modalités d’intervention de l’État en coordination avec les collectivités territoriales devant être revues au terme des entretiens de Valois ». Or cette question de la répartition des financements État/collectivités n’est pas réglée, loin s’en faut. Le sera-t-elle au terme des conférences régionales du spectacle vivant qui doivent être organisées d’ici à la fin de l’année 2009 dans toutes les régions ? Le rapporteur pour avis en doute, d’autant plus que la réforme des collectivités territoriales fait peser de lourdes incertitudes sur leur budget.

Selon le ministère de la culture, en 2010, les crédits de paiement affectés dans les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) seront en augmentation, « tout particulièrement dans le domaine de l’entretien et de la restauration des monuments historiques ». Le rapporteur pour avis estime que cette évolution de la répartition en faveur des DRAC (35,3 % des crédits de la mission – hors crédits de personnel – contre un peu moins de 34 % en 2009) est le simple fait de l’augmentation des moyens en faveur du patrimoine, le spectacle vivant et la médiation culturelle n’étant malheureusement pas dans la même position. La réalité de la déconcentration budgétaire est plus complexe, le rapporteur y reviendra dans la partie thématique de son rapport.

A. LA CRÉATION : UNE STAGNATION INQUIÉTANTE

Crédits du programme « Création »

 

LFI 2009

PLF 2010

Variation %

(en millions d’euros)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Spectacle vivant *

Ressource extra budgétaire

778,63

15

640,73

15

654,32

658,37

- 15,96
- 17,55

+ 2,75
+ 0,40

Arts plastiques *

59,08

53,86

60,05

57,06

+ 1,64

+ 5,94

Livre et lecture *

12,75

13,55

12,96

13,76

+ 1,65

+ 1,55

Industries culturelles *

40,21

40,21

36,56

36,56

- 9,08

- 9,08

Total hors dépenses de personnel

890,67

748,35

763,89

765,75

- 14,23

+ 2,32

Dépenses de personnel

58,46

58,46

59,39

59,39

+ 1,59

+ 1,59

Total

949,14

806,82

823,28

825,15

- 13,26

+ 2,27

Total avec ressource extra budgétaire

964,14

821,82

823,28

825,15

- 14,61

+ 0,40

Source : ministère de la culture et de la communication

* hors dépenses de personnel

Le programme « Création » représente 823,28 millions d’euros en autorisations d’engagement, dont 59,39 millions d’euros de dépenses de personnel (- 14,61 % par rapport à 2009) et 825,15 millions d’euros en crédits de paiement (+ 0,4 %). Hors dépenses de personnel, 85,98 % du programme sont consacrés au spectacle vivant, 7,45 % aux arts plastiques, 1,8 % au livre et à la lecture, et 4,77 % au soutien aux industries culturelles.

– Le budget du spectacle vivant est en quasi-stagnation à 658 millions d’euros de crédits de paiement, hors dépenses de personnel (+ 0,4 %), soit seulement 2,64 millions d’euros additionnels. Cette augmentation est le fruit d’évolutions différentes selon le type de crédits : une hausse de 5 millions d’euros des crédits destinés aux opérateurs du ministère, une stagnation des crédits en région et une baisse d’environ 2,5 millions d’euros des crédits d’intervention gérés en administration centrale, et plus particulièrement des crédits d’investissement.Selon les informations communiquées par le ministère, la forte diminution des autorisations d’engagement (- 15,96 %) est lié au lancement du projet de Philharmonie de Paris, qui avait vu en 2009 l’ouverture de 140 millions d’euros d’autorisations d’engagement, qui ne sont, par nature, pas reconduites en 2010. Selon les informations communiquées au rapporteur pour avis par le ministère, la formule validée en réunion interministérielle pour la construction de la Philharmonie est celle d’un « marché global de construction–exploitation partielle adossée à un contrat de financement ad hoc », c’est-à-dire un financement bancaire. Le projet ne viendra donc pas ponctionner les crédits d’investissement du programme. Pour autant, dans un cadre budgétaire aussi contraint, et eu égard au déficit abyssal de notre pays, comme l’an passé, le rapporteur pour avis s’interroge sur la pertinence d’un tel investissement, privilégiant encore une fois un équipement parisien, alors même que la salle Pleyel a été restaurée à grands frais il y a peu de temps puis rachetée et que les budgets des institutions en région sont de plus en plus contraints. Le rapporteur y reviendra dans la partie thématique de son avis.

Priorité aux opérateurs du ministère

Ce sont uniquement les subventions aux établissements publics sous la tutelle du ministère – tous situés dans la région capitale, hormis le théâtre national de Strasbourg – qui expliquent l’augmentation du budget du spectacle vivant. En effet, selon le ministère, les crédits des opérateurs, tant en fonctionnement qu’en investissement, passeront de 285,7 millions d’euros en 2009 à 290,7 millions d’euros en 2010 (+ 2%) à périmètre constant. Il s’agit principalement de financer l’Opéra national de Paris (+ 1,28 millions d’euros, soit + 1% pour la subvention de fonctionnement de cet opérateur), mais également de financer l’évolution des pensions versées par les caisses de retraites de l’Opéra et de la Comédie Française (+ 2,8 millions d’euros), la mise en place du projet du nouveau directeur du Théâtre national de la Colline, Stéphane Braunschweig (+ 160 000 euros), le plan de développement des activités artistiques de la Comédie Française (+ 200 000 euros) et « la montée en puissance de la subvention de l’Opéra Comique induite par le projet de Jérôme Deschamps » (+ 200 850 euros).

Des crédits de fonctionnement insuffisants en région

En 2009, les crédits de fonctionnement en région devaient augmenter globalement de 10 millions d’euros, la moitié de ces crédits supplémentaires étant consacrés à l’accompagnement des réformes qui découleront des « Entretiens de Valois ». Selon les informations communiquées par le ministère, 5 millions d’euros ont effectivement été transférés aux DRAC en crédits d’intervention et 5 millions d’euros, qui visaient à l’accompagnement des réformes, n’ont pas été totalement versés. Sur ces 5 derniers millions d’euros, 2 millions d’euros ont été ventilés entre les DRAC pour permettre le financement d’études visant à expertiser les propositions qui devaient émerger des discussions avec les collectivités locales et les professionnels et « le solde a permis de financer certaines interventions s’inscrivant dans le cadre des orientations issues des Entretiens de Valois ». Plus précisément, A ce jour, seule la conférence régionale du spectacle vivant de Rhône Alpes a abouti à la décision de financer une étude de 60 000 euros qui sera, compte tenu des délais, mise en œuvre en 2010. Les études sur les financements du spectacle vivant en région devraient être mises en place en Poitou-Charentes, Rhônes-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Languedoc-Rousillon et Lorraine, pour un montant évalué à 440 000 euros sur deux ans. Parallèlement, les études nécessaires à la mise en place de la plate-forme nationale d’observation sont évaluées à 500 000 euros. Enfin, les études sur les sujets internationaux sont évaluées à 400 000 euros.

Pour 2010, les crédits déconcentrés de fonctionnement sont stabilisés à 276 millions d’euros. Cette stagnation, que le rapporteur pour avis dénonçait déjà l’an passé, est inquiétante et ce point sera abordé dans la partie thématique de l’avis. Selon le ministère, « ce maintien permettra à l’État de poursuivre la réforme de ses modes d’intervention, tout en assumant ses engagements contractuels d’actualisation auprès de certaines institutions, et particulièrement de plusieurs opéras nationaux en région ».

Crédits déconcentrés de fonctionnement 2009-2010

(en euros)

2009

2010

Variation 2010/2009 en  %

Bénéficiaires

Montant des crédits

Nbre de bénéficiaires

Montant des crédits

Nbre de bénéficiaires

Montant des crédits

Nbre de bénéficiaires

Equipes artistiques

45 405 790

1 205

48 096 106

1 208

+ 5,93

+ 0,25

Centres dramatiques nationaux et régionaux

57 875 000

40

58 200 000

38

+ 0,56

- 5,00

Centres chorégraphiques nationaux

14 372 000

19

13 070 000

19

- 9,06

0,00

Centres de développement chorégraphique

 

 

1 600 000

8

   

Opéras en régions

27 278 000

13

28 260 000

13

+ 3,60

0,00

Orchestres permanents

22 168 000

24

22 250 000

22

+ 0,37

- 8,33

Scènes nationales

50 631 000

70

50 645 000

70

+ 0,03

0,00

Centres de création musicale

2 986 000

10

2 930 000

7

- 1,88

- 30,00

Scènes conventionnées

10 063 000

91

10 730 000

101

+ 6,63

+ 10,99

Salles de musiques actuelles (SMAC)

8 998 000

136

9 100 000

133

+ 1,13

- 2,21

dont autres lieux de musiques actuelles

 

 

2 426 586

ns

   

Autres lieux de création et de diffusion

22 762 000

167

22 497 000

160

- 1,16

- 4,19 %

dont lieux cirque arts de la rue

5 390 000

36

5 488 920

29

+ 1,84

- 19,44

Festivals

8 573 000

280

8 765 000

295

+ 2,24

+ 5,36

Fonds de soutien à la création et à la diffusion

5 000 000

 

 

 

   

Total

276 111 790

2 055

276 143 106

2 074

+ 0,01

- 0,92

Source : ministère du budget – projets annuels de performance

Les centres chorégraphiques nationaux et les centres de création musicale sont les plus touchés en termes budgétaires, alors que leur subvention moyenne est déjà parmi les plus faible… A l’inverse, le rapporteur pour avis se félicite que les aides aux équipes artistiques indépendantes fassent l’objet d’une réévaluation de 2,69 millions d’euros, pour passer à 48,096 millions d’euros (+ 5,92 %), pour une subvention moyenne de 39 814 euros, contre 37 681 euros l’an passé.

Dés lors, la stagnation des crédits pour le spectacle vivant cache deux autres réalités et un aveu. La première réalité : en vertu de la loi de Baumol, le spectacle vivant, contrairement à tous les autres secteurs de l’économie, ne peut dégager de gains de productivité, la stagnation des crédits alloués à la création signifie en réalité une baisse de ces crédits. La deuxième réalité : cette baisse est d’autant plus forte que le gel correspond à 33 millions d’euros en moins pour la création. Là est la principale question posée : comment peut-on laisser les marges artistiques s’éroder lorsque, dans le même temps, un discours fort est proféré sur la création ? Nous sommes loin de l’évocation par le Président de la République d’un éventuel plan de relance pour le spectacle vivant.

L’aveu : comment ne pas voir la suppression des cinq millions d’euros du fonds de soutien à la création et à la diffusion comme une dépossession du ministère de la culture lorsque l’on crée un conseil de la création artistique autonome ?

– Les crédits de paiement alloués aux arts plastiques sont en forte hausse de près de 6 %, les autorisations d’engagement augmentant quant à elles très faiblement à + 1,64 %. La progression des crédits correspond principalement à la mise en oeuvre de deux projets : la consolidation de l’établissement public « Sèvres Cité de la céramique », avec une dotation de deux millions d’euros en 2010, et le nouveau lieu qui sera consacré à l’art contemporain et gèrera l’ensemble des espaces du Palais de Tokyo, avec des crédits de 1,5 millions d’euros.

S’agissant du Palais de Tokyo, le ministère a indiqué au rapporteur pour avis que le coût prévisionnel des travaux nécessaires pour aménager les espaces en friche est estimé à environ 20 millions d’euros mais que, « cependant, ce sont les études de définition, en cours de lancement, qui établiront plus précisément le montant des travaux ». Le projet du Palais de Tokyo devrait ensuite « bénéficier de plusieurs sources de financement (crédits budgétaires, emprunt, mécénat), selon un arbitrage interministériel à venir ». En 2009, ce projet a consommé 0,45 millions d’euros de crédits budgétaires en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. En 2010, 1,5 million d’euros de crédits budgétaires sont à nouveau prévus. Parallèlement, au titre du plan de relance, 1,5 million d’euros d’autorisations d’engagement et 1,2 million d’euros de crédits de paiement ont été débloqués et un reliquat de 0,3 million d’euros de crédits de paiement sera versé en 2010.

Le rapporteur pour avis note encore une fois avec inquiétude qu’il s’agit de deux lieux situés dans la région capitale et que ces deux projets financés à hauteur de 3,5 millions d’euros, ponctionnent la totalité des crédits additionnels de l’action, qui se montent à 3,2 millions d’euros. Les autres projets bénéficieront donc de 300 000 euros de crédits en moins par rapport à 2009… et la hausse annoncée par le ministère cache en fait la poursuite de la stagnation des moyens pour la quasi totalité des institutions et initiatives implantées sur le territoire.

Cette stagnation des crédits alloués aux arts plastiques est inquiétante, d’autant plus qu’elle est à l’oeuvre depuis plusieurs années, pour la commande publique, pour l’achat d’oeuvres d’art par le Fonds national d’art contemporain (FNAC), pour les aides aux salons et aux associations, etc. Parallèlement, on assiste également à une baisse des crédits d’investissement destinée aux constructions de bâtiments pour les FRAC et les centres d’art situés en région, à hauteur de 3 millions d’euros en autorisations d’engagement (- 30 %).

– Le budget du livre et de la lecture est en quasi stagnation, à 13,76 millions d’euros de crédits de paiement (+ 1,55 %). Rappelons que les crédits alloués par l’État aux collectivités pour leurs bibliothèques dans le cadre de la dotation générale de décentralisation (DGD) sont inscrits au programme 122 du budget du ministère de l’intérieur, mais que l’instruction des dossiers est assurée par les services du ministère de la culture et de la communication, principalement par les DRAC. Pour 2010, la DGD devrait être stable et atteindre 80,4 millions d’euros. Les collectivités territoriales, cette année comme la précédente, voient donc leur dotation baisser en euros constants, puisque n’est même pas tenu compte de l’inflation. C’est donc plus d’un million d’euros en moins pour les collectivités.

Le ministère indique l’ouverture d’un crédit de 200 000 euros afin de financer, dans une dizaine de bibliothèques municipales, l’extension des horaires d’ouverture. Pourquoi pas ? Mais le ministère annonce déjà que « l’aide apportée serait dégressive sur une période de trois ans »… à charge donc ensuite pour les collectivités, soit de revenir en arrière et de réinstaurer des horaires moins larges, soit de prendre en charge la mesure sur le budget local alors même qu’elles subissent déjà l’érosion de la DGD.

– Les crédits alloués aux industries culturelles sont en très forte baisse, en partie du fait d’une réévaluation du budget de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI), dont la création est prévue par la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet. En 2009, 6,7 millions d’euros étaient alloués à la structure. 5,3 millions d’euros sont prévus à ce titre en 2010, soit une baisse de 1,4 million d’euros, liée au recadrage des missions de la HADOPI du fait de la censure partielle de la loi par le Conseil constitutionnel. Cette nouvelle autorité n’épuise pas, loin sans faut, le sujet de la rémunération des créateurs à l’heure du numérique et de nombreuses questions pendantes restent non traitées. Qu’en sera-t-il demain de la protection des internautes, mais aussi des créateurs ? Que compte faire le ministère pour développer de manière satisfaisante l’offre légale ? Nul doute que l’action du ministre sur ce sujet est attendue.

Pour autant, cette diminution des moyens de la HADOPI n’explique pas l’ensemble de la baisse du budget de l’action, puisque ce sont 3,65 millions d’euros de crédits de paiement qui disparaissent entre 2009 et 2010 sur cette action. Le projet annuel de performance est muet sur ce sujet. Selon les informations communiquées par le ministère, la baisse s’explique par le transfert au CNL de la gestion des subventions aux organismes collectifs du secteur : le Bureau international de l’édition française (BIEF) et l’Association pour le développement de la librairie de création (ADELC) notamment. La diminution ne touchera cependant pas le dispositif de protection sociale des auteurs au titre du droit de prêt en bibliothèque, qui est reconduit à hauteur de 2009, soit 11,37 millions d’euros.

B. LA TRANSMISSION DES SAVOIRS ET LA DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE : UN BUDGET LOIN DES AMBITIONS AFFICHÉES

Hors dépenses de personnel, ce programme sera doté de 483,77 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 6,16 % par rapport à 2009) et 464,5 millions d’euros en crédits de paiement (seulement + 0,43 %). Cette trop légère hausse des crédits de paiement, principalement liée à la hausse des crédits alloués aux fonctions de soutien, cache mal le très fort désengagement du ministère sur la question de l’action en faveur de l’accès à la culture alors que les crédits avaient été particulièrement maltraités en 2008 et alors que le ministre fait de la « culture sociale » un axe de sa politique. Quel paradoxe !

Crédits du programme
« Transmission des savoirs et démocratisation de la culture »

 

LFI 2009

PLF 2010

Variation %

(en millions d’euros)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Enseignement supérieur et insertion professionnelle*

215,91

215,86

240,84

220,78

+ 11,55

+ 2,28

Éducation artistique et culturelle*

32,3

32,3

32,09

33,63

- 0,65

+ 0,04

Enseignement spécialisé*

29,46

29,46

29,46

29,46

0

0

Actions en faveur de l’accès à la culture*

55,14

58,98

48,59

48,38

- 11,88

- 17,97

Action culturelle internationale*

16,75

16,75

17,41

17,41

+ 3,94

+ 3,94

Fonctions de soutien*

106,12

109,17

115,38

114,84

+ 8,72

+ 5,19

Total hors dépenses de personnel

455,68

462,52

483,77

464,5

+ 6,16

+ 0,43

Dépenses de personnel

390,14

390,14

378,65

378,65

- 2,94

- 2,94

Total

845,81

852,66

862,41

843,15

+ 1,96

- 1,11

Source : ministère de la culture et de la communication

* hors dépenses de personnel

Cette baisse dramatique des crédits de l’action culturelle, couplée à une stagnation des crédits alloués à l’éducation artistique et culturelle, est d’autant plus inquiétante qu’elle est en totale contradiction avec l’objectif de démocratisation culturelle affiché par le Gouvernement, comme le rapporteur pour avis le soulignait déjà l’an passé. Rappelons les propos du chef de l’État dans la lettre de mission qu’il adressait à Mme Albanel en août 2007 : « ces succès [du ministère] ne doivent cependant pas faire oublier les lacunes et les ratés : un déséquilibre persistant entre Paris et les régions, une politique d’addition de guichets et de projets au détriment de la cohérence d’ensemble, une prise en compte insuffisante des publics, et surtout l’échec de l’objectif de démocratisation culturelle. De fait, notre politique culturelle est l’une des moins redistributives de notre pays. Financée par l’argent de tous, elle ne bénéficie qu’à un tout petit nombre ».

Selon les informations communiquées par le ministère, « l’effort budgétaire concernera particulièrement les établissements d’enseignement supérieur, l’éducation artistique et culturelle ainsi que les actions en faveur de l’accès à la culture de tous les publics ». Le rapporteur pour avis dénonce cette présentation fallacieuse et tronquée de l’évolution des crédits : comment parler d’effort budgétaire en direction de l’accès à la culture quand les autorisations d’engagement de cette action baissent de 11,88 % et les crédits de paiement de 17,97 % ?

– L’action en faveur de l’accès à la culture subit donc cette année une réduction drastique de ses moyens budgétaires, déjà mis à mal au cours des dernières années. La baisse est de près de 10 millions d’euros, soit l’équivalent du budget du Conseil de la création artistique. Triste coïncidence, prouvant une fois de plus que le Gouvernement privilégie les « coups médiatiques » à l’action culturelle de long terme.

Le ministère indique que la baisse des crédits s’explique par la disparition de la subvention allouée à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, du fait de la fin des travaux. Certes, mais cela représente seulement 4,6 millions d’euros. S’agissant des 5,4 millions restant, rien n’est dit dans le dossier de presse… L’examen du projet annuel de performances permet de comprendre comment se répartissent les coupes budgétaires :

Dépenses d’intervention de l’action « accès à la culture » 2009-2010

(en millions d’euros)

PLF 2009

PLF 2010

Variation 2009/2010 en  %

Bénéficiaires

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Pratiques amateurs

9,37

9,37

5,73

5,48

- 38,85

- 41,52

Publics spécifiques et diversité culturelle

16,80

16,59

15,42

15,09

- 8,21

-9,04%

Nouvelles pratiques culturelles et nouvelles technologies

6,10

6,10

4,98

4,74

- 18,36

- 22,30

Politiques spécifiques dans le domaine du cinéma

3,15

3,15

1,88

1,88

- 40,32

- 40,32

Politiques territoriales

12,73

12,73

17,52

18,13

+ 37,63

+ 42,42

Total

48,15

47,94

45,53

45,32

- 5,44

- 5,47

Source : ministère du budget – projets annuels de performances 2009 et 2010

Seul le « Plan Banlieues » de Fadela Amara reçoit 2 millions d’euros de crédits, contre 1 million d’euros en 2009, mais cette hausse ne saurait effacer le constat de l’état d’abandon dans lequel est laissée la politique de médiation et donc de démocratisation culturelle dans notre pays.

– L’éducation artistique et culturelle voit son maigre budget stagner tant pour ce qui concerne les crédits de paiement (+ 0,04 %), que pour les autorisations d’engagement, qui baissent de 0,65 %. Rappelons que le 13 janvier dernier, dans ses vœux au monde de la culture, le Président de la République indiquait pourtant : « Je fais une liaison complète entre les enseignements artistiques et le succès de la politique culturelle, je veux dire par là que toutes les disciplines artistiques et culturelles ont intérêt au renforcement des enseignements artistiques. Je fais aussi une liaison entre les enseignements artistiques et la réussite scolaire et professionnelle. Car notre pays a beaucoup glorifié Descartes, et il est temps de réhabiliter Spinoza : l’intelligence humaine est avant tout le produit des émotions, et ce serait une très grave erreur de centrer les enseignements sur les seules disciplines cérébrales en marginalisant celles qui font appel à l’intelligence des émotions et à l’intelligence du corps ».

On peut donc s’interroger : pourquoi aujourd’hui, comme l’a encore rappelé le ministre lors de son audition devant la commission le 7 octobre dernier, se focaliser sur l’enseignement de l’histoire de l’art – ou de l’histoire des arts – à l’école alors que les enjeux sont ailleurs ? Peut-être pour cacher la faiblesse de l’action interministérielle en la matière et les difficultés du partenariat avec le ministère de l’éducation nationale sur cette thématique…

– Les crédits aux établissements d’enseignement supérieur sont à l’inverse en forte hausse (+ 11,55 % en autorisations d’engagement et + 2,28 % en crédits de paiement). Il s’agit ici de favoriser et d’accompagner le processus d’harmonisation européenne des établissements dépendant du ministère de la culture afin de les intégrer rapidement au schéma LMD (licence, master, doctorat).

Dans ce contexte, il convient notamment de se féliciter que les subventions de fonctionnement accordées aux écoles d’art plastiques progressent de 5 % pour atteindre 12,5 millions d’euros puisque le réseau s’est engagé dans ce processus, avec des difficultés particulières liées à la nécessité de maintenir une reconnaissance professionnelle, et non pas uniquement universitaire, des parcours et de maintenir les liens entre la profession et l’enseignement.

– Parallèlement, les crédits en faveur de l’enseignement spécialisé stagnent cette année. Les subventions allouées à ces écoles et conservatoires de musique dépendant des collectivités territoriales seront bientôt décentralisées, alors même qu’elles ont fortement baissé au cours des dernières années. On ne peut que le regretter, le transfert étant dès lors un transfert de charges.

– A l’inverse, les crédits budgétaires consacrés à l’action culturelle internationale connaissent cette année une certaine embellie, à + 3,94 %. Le rapporteur pour avis s’en réjouit à l’heure où le ministère des affaires étrangères se désengage de manière dramatique et totalement déraisonnable du réseau. Mais il convient de souligner que la hausse reste mineure en valeur absolue, avec 660 000 euros de crédits additionnels, alors que la chute vertigineuse des crédits du ministère des affaires étrangères, principal financeur de l’action culturelle internationale, est encore d’actualité cette année, comme le rapporteur pour avis a pu le constater lors de son déplacement en Italie.

C. LE CONSEIL DE LA CRÉATION ARTISTIQUE : UNE CINQUIÈME DIRECTION DU MINISTÈRE ?

Lors de ses vœux au monde culturel en janvier dernier à Nîmes, le Président de la République indiquait avoir demandé « qu’on crée un Conseil pour la création artistique, instance que nous présiderons, Christine Albanel et moi, et qui sera animée par une personnalité importante de notre vie culturelle, Marin Karmitz. Je crois que l’État est parfaitement légitime pour financer la création, mais il doit concevoir son action en association étroite avec les artistes, les professionnels et le public ».

Le rapporteur pour avis dénonce vigoureusement la création et l’objet même de cette structure ad hoc, comme s’il fallait compenser l’indigence des crédits alloués à la démocratisation culturelle par des initiatives complètement déconnectées de l’action menée sur le terrain. Le rapporteur pour avis déplore par ailleurs au plus haut point qu’elle ait été financée sur les crédits du ministère de la culture en 2009, et plus particulièrement sur les crédits des programmes « Création » et « Transmission des savoirs », déjà très malmenés.

Comment le Président de la République peut-il insinuer de la sorte que le ministère et ses directions régionales des affaires culturelles ne conçoivent pas leur action « en association étroite avec les artistes, les professionnels et le public » ? C’est faire fi des efforts considérables réalisés depuis plus de 50 ans par le ministère dans cette direction !

1. Un « ovni » aux objectifs bien prétentieux

Le Conseil de la création artistique a été créé par le décret n° 2009-113 du 30 janvier 2009. Il est présidé par le Président de la République, le ministre de la Culture et de la Communication en est le vice-président. Le délégué général est M. Marin Karmitz.

À l’occasion de son discours inaugural, le Président de la République lui a assigné pour mission d’apporter des « réponses pragmatiques » à des questions telles que le soutien à la vitalité de la création artistique en France, le rayonnement international des artistes, l’accès de tous aux œuvres de l’esprit, la promotion de la culture comme éléments structurant du « vivre ensemble » dans notre société.

Selon les informations communiquées au rapporteur pour avis par le ministère de la culture, « le Conseil se situe donc résolument dans l’innovation, et propose en soutenant des projets très concrets, pour certains modestes, pour d’autres plus ambitieux, d’expérimenter de nouvelles façons de soutenir la création artistique et la diffusion des œuvres de l’esprit auprès d’un public le plus large possible. Il se vit comme une " boîte à idées ", et espère montrer par l’exemplarité de ses projets que d’autres formes de soutien à la vie artistique et culturelle sont possibles, et même indispensables. Pour le ministère de la culture et de la communication, il est ainsi un laboratoire d’idée incomparable, qui viendra nourrir le vivier des actions innovantes que les DRAC et les établissements publics placés sous la tutelle du ministère contribuent, pour leur part, à identifier, à faire remonter et à mettre en œuvre ».

Alors qu’il se situe aux confins du pragmatisme et de l’innovation, il eût sans doute été bon que le Conseil commence par faire réaliser – avec pragmatisme – une étude d’impact sur les actions innovantes que le ministère a mises en œuvre, en central et en régions. C’eût été faire preuve d’un peu d’humilité et de bon sens que de réaliser ce type d’évaluation avant de présenter des projets dont le rapporteur pour avis va s’attacher à démontrer qu’ils n’ont rien de « novateur » mais ressemblent furieusement aux projets déjà financés depuis longtemps par le ministère et les collectivités territoriales. L’humilité s’impose également lorsque l’on dispose d’un budget de 10 millions d’euros : le rapporteur pour avis rappelle qu’à lui seul, le Louvre dispose d’un budget annuel de 5 millions d’euros pour la médiation culturelle et qu’il accueille plus de 650 000 élèves tous les ans dans le cadre d’un parcours pédagogique…

Or la présentation des « projets » du Conseil en septembre dernier souligne combien la structure a plutôt pour mission des réaliser des « coups » médiatiques que de travailler sur des actions de long terme au service de la démocratisation culturelle. Par ailleurs, on peut s’interroger sur la pertinence des projets retenus à plusieurs égards. D’une part, n’existe-t-il pas de conflit d’intérêt, voire de problème éthique, lorsque le Conseil propose des projets qui impliquent plus ou moins directement certains membres de ce même Conseil, par exemple s’agissant de l’accès de tous à l’art contemporain, du projet de « colline des arts », de la défense de la musique classique, du projet « opéra et numérique » ou de la clause numérique ? D’autre part, n’a-t-on pas affaire à une vision très parisienne de la culture et de ses enjeux, par exemple quand il s’agit de « faire de Paris la capitale mondiale de l’art » ou d’« associer la périphérie de Paris à cette dynamique » ? A eux seuls, ces objectifs, pour respectables qu’ils soient, montrent qu’il n’y aurait de culture qu’à Paris.

2. Des pétitions de principe qui n’ont rien de projets innovants

Le Conseil a été réuni pour la première fois par le Président de la République le 10 septembre dernier et a présenté une dizaine de « projets », qui ressemblent plus à des pétitions de principe qu’à des projets d’action culturelle structurés… Selon le communiqué mis en ligne sur le site du Gouvernement, il s’agit, en premier lieu, de « promouvoir la transversalité artistique et culturelle »  afin de « repérer (…) le talent créatif des jeunes. L’objectif est de les aider à s’approprier des lieux historiques comme les gares, les usines, les châteaux et les monuments pour qu’ils les utilisent à des fins inventives. A cette occasion, des évènements publics auront lieu dès l’été 2010 dans le domaine des arts vivants et visuels. La volonté du conseil est de montrer l’envie et le dynamisme de la jeunesse tout en favorisant la diversité des parcours de formation. De multiples partenaires s’associeront à ces projets : les collectivités territoriales, les écoles artistiques et les institutions culturelles ».

N’est-ce pas déjà la vocation première des crédits d’action culturelle du ministère ? Ils n’ont simplement plus aujourd’hui les moyens de leurs ambitions du fait des coupes budgétaires claires qu’ils ont subi au cours des dernières années. Ainsi, pour ne prendre que deux exemples, l’association « Au bout du Plongeoir », travaillant au sein du Manoir de Tizé à Rennes, développe depuis plusieurs années un projet innovant, interdisciplinaire, qui se propose, à partir d’un laboratoire de création réunissant des artistes d’horizons divers, de faire émerger des nouvelles formes, de nouveaux processus de création. L’association propose in situ une approche renouvelée du rapport des populations avec l’art. Le dossier est dorénavant « pris en main » par Rennes Métropole. L’aide de l’État était de 20 000 euros. Du fait des contraintes budgétaires, elle n’a pas pu être reprogrammée en 2009. De même, les actions de l’ADEC (Art dramatique expression culture) et des associations départementales pour le développement culturel (ADDM) ont un impact structurant sur les pratiques en amateur. Ces réseaux contribuent à un travail de conseil, d’appui, de mise en réseau auprès des acteurs du théâtre, de la musique et de la danse. En 2009, sur la seule région Bretagne, 70 000 euros manquaient pour boucler leurs projets.

Un autre exemple, l’opération « les Portes du Temps », menée pour les jeunes par le Centre des monuments nationaux, vise très précisément à « démontrer que le patrimoine est une source d’inspiration pour la création d’aujourd’hui et qu’il renvoie à des questions d’actualité dans la vie de chaque jeune (…) dans une approche pluridisciplinaire d’interprétation du patrimoine, des collections et de l’histoire qui s’appuie largement sur les arts vivants ». Où est l’innovation dans la proposition du Conseil ?

En deuxième lieu, le Conseil veut également « faire de Paris la capitale mondiale de l’art » afin de « mettre en lumière les atouts de Paris et créer un réseau entre les établissements culturels autour de la Tour Eiffel (Palais de Tokyo, cité de l’architecture, musée Galliera, musée du Quai Branly...). Pour attirer les visiteurs, le conseil préconise la création d’une offre globale comprenant le transport, le parcours numérique et une offre culturelle ». En quoi s’agit-il d’une idée particulièrement innovante, d’une « nouvelle façon » de soutenir la création ? Elle est déjà développée par de nombreuses institutions culturelles, comme Versailles en région parisienne, les musées de la Ville de Paris ou le Centre des monuments nationaux, à Paris comme en région, qui travaillent déjà en réseau et développent une offre globale.

En troisième lieu, le Conseil veut « associer la périphérie de Paris à cette dynamique ». Il s’agit là encore d’une pétition de principe. N’est-ce pas déjà la vocation des crédits d’action culturelle ? La réflexion n’est-elle pas engagée et de nombreuses actions menées depuis des années sur cette thématique. Par ailleurs, si la périphérie de Paris souffre de handicaps particuliers, les périphéries de Marseille, de Lyon, voire de villes plus modestes, connaissent des problématiques similaires. Les DRAC mènent des actions visant le même objectif d’aménagement culturel du territoire depuis de nombreuses années : c’est même la raison d’être initiale de la décentralisation culturelle. Ainsi, en Bretagne, le projet innovant des « scènes de territoire » vise à mieux structurer les zones périurbaines et rurales de la région en créant un réseau de scènes de qualité basé sur les structures existantes construites par les collectivités. En 2010, le financement du projet par la DRAC, d’un montant de 150 000 euros, a du être pris en charge sur le programme « Création », faute de crédits d’action culturelle.

En quatrième lieu, le Conseil tient à « défendre la musique classique » en incitant « les jeunes à la pratique de la musique avec la création d’orchestres ». Certes, qui peut être contre cette idée ? Mais là encore, il s’agit de propos déclaratifs qui font fi de toutes les actions entreprises avec le soutien du ministère depuis des années : ainsi le remarquable travail de la Cité de la musique à Paris, mais également celui de nombreux orchestres en région, comme par exemple l’orchestre national de Lille dirigé par M. Casadesus. Par ailleurs, créer des orchestres est une chose, leur allouer des budgets de fonctionnement décents sur une durée suffisamment longue pour que l’action de médiation culturelle soit porteuse en est une autre…

En cinquième lieu, le Conseil veut créer une école de cinéma qui « proposera de faire du "cinéma de rue" et du "cinéma populaire". Elle sera installée sur une péniche et ouvrira en janvier 2010 ». Quelles relations aura cette école avec les écoles de formation existantes ? Pourquoi en créer une nouvelle ? Pour combien d’élèves ? Pourquoi au contraire ne pas inciter les jeunes venant de quartiers défavorisés à investir les structures existantes, en les informant de leur existence, quitte à mieux préciser les missions des écoles pour qu’elles réalisent ce type d’interventions ?

En sixième lieu, le Conseil plaide pour « l’accès de tous à l’art contemporain » avec le  « soutien des élus locaux et des relais associatifs et éducatifs ». N’est-ce pas déjà le rôle des fonds régionaux d’art contemporain (FRAC) – dont les crédits sont en diminution en 2010 –, du Centre Pompidou, du futur établissement du Palais de Tokyo, du futur projet prévu sur l’Ile Seguin ou de nombreuses associations et institutions œuvrant en région ? En quoi cette idée est-elle innovante ?

En septième lieu, le Conseil souhaite « lier grandes scènes lyriques et numérique en créant un service public numérique » afin qu’une série d’opéras soit « produite et diffusée en direct et en numérique dans des théâtres, ceci afin d’attirer de nouveaux publics ». Cela n’a, là encore, rien de novateur puisque des institutions culturelles le font déjà, notamment le théâtre national de l’Opéra comique ou l’Opéra de Rennes. Mais le développement de ce type d’opération est plus une question de moyens que d’absence de volonté, les droits d’auteurs et droits voisins à verser étant parfois élevés en cas de double diffusion ou de rediffusion d’un opéra.

En outre, le Conseil veut « donner aux étudiants les clés de la filmographie mondiale » en proposant « la création d’une plateforme de vidéos à la demande dédiée aux étudiants avec comme ambition de toucher plus de 2 millions d’entre eux ». De nombreuses plates-formes de vidéos à la demande (VOD) existent déjà, qui touchent les étudiants, très souvent utilisateurs de ce type de service. La loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet prévoit qu’il s’agit d’une des missions du Centre national du cinéma et de l’image animée… L’article 25 de la loi précitée dispose en effet que « le Centre national [du cinéma et de l’image animée] est chargé d’initier ou d’élaborer (…) la mise en place d’un portail de référencement destiné à favoriser le développement des offres légales d’œuvres cinématographiques françaises ou européennes ». Le CNC a publié cet été un appel à projet afin de susciter et d’accompagner une ou plusieurs initiatives privées de référencement en ligne d’offres légales. Selon les informations communiquées au rapporteur pour avis, les dossiers reçus sont en cours de dépouillement. Le (ou les) projet(s) retenu(s) pourront être aidés sous forme de subvention, dans une limite de 200 000 euros. Ils seront connus au plus tard fin novembre, pour une mise en place effective au premier trimestre 2010.

Enfin, le Conseil tient à « diffuser la pensée française à l’étranger ». Cette diffusion passe selon lui « par la traduction des œuvres, à l’intention des universités et bibliothèques étrangères, et la mise en place d’évènements locaux ». Certes, la déclaration de principe est belle, et c’est même l’une des missions assignées depuis bien longtemps aux services culturels des ambassades et au Centre national du livre. Mais, dans les faits, les services culturels des ambassades, chargées de cette mission, connaissent une baisse drastique de leurs moyens budgétaires et humains (- 82 % pour les aides à la traduction, - 33 % pour les programmes d’aide à la publication (2) et la perte de 206 équivalents temps plein entre 2008 et 2009 sur le programme 185 du ministère des affaires étrangères), certains sont obligés de fermer des médiathèques et, enfin, le centre d’exportation du livre français (CELF) qui était subventionné par le ministère de la culture a été mis en liquidation en début d’année.

Comment ne pas être étonné par cette liste d’actions égrenées sans autre formulation politique, comme si la profusion créait, voire nourrissait, une politique ? Le rapporteur pour avis cherche toujours le sens, tous les sens, de ces projets, qui pourraient n’être qu’un éclat, masquant une réalité, celle du marasme dans lequel « tranquillement » s’aventurent la création et la démocratisation culturelle. Pourquoi n’a-t-on pas mis en avant la création d’un fonds d’initiative culturelle (FIC) qui aurait été le bras armé du ministère de la culture pour soutenir la création et l’innovation en France ? C’était l’espoir que l’on pouvait légitimement nourrir avec la création en 2009 d’un fonds de soutien à la création et à la diffusion, fonds supprimé en 2010, au profit peut-être du conseil…

3. Un financement scandaleusement dérogatoire

a) Des moyens de fonctionnement transférés du budget du ministère de la culture vers celui du Premier ministre

Pour l’année 2009, les moyens de fonctionnement alloués au Conseil s’élèvent à 488 112 euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, dont 291 804 euros de masse salariale. Les crédits de fonctionnement ont été prélevés en totalité sur l’action « fonctions de soutien » du programme « Transmission des savoirs ». Ils ont été transférés sur le programme 129, géré par les Services du Premier ministre (SPM) qui hébergent le Conseil, lui fournissent ses moyens de fonctionnement (bureaux, informatique, frais de mission, etc.) et qui recrutent ses collaborateurs.

Ces crédits sont composés de :

– crédits de fonctionnement courant, destinés à compenser les frais occasionnés par le Conseil (bureaux, etc.) ;

– crédits de masse salariale, qui correspondent à la rémunération de l’équipe permanente du Conseil, qui travaille aux côtés du délégué. Il s’agit du secrétaire général, de trois chargés de mission et de deux secrétaires, recrutés par les Services du Premier ministre. Ont par ailleurs été transférés depuis la mission « Culture » quatre équivalents temps plein correspondant à deux chargés de mission et aux deux secrétaires.

En 2009, les crédits ont été prélevés par décret de transfert et, en 2010, ils le seront par transfert « en base », dès le projet de loi de finances.

Crédits de fonctionnement du Conseil

(en euros)

2009

2010

Masse salariale

291 804

380 967

Fonctionnement courant

196 308

260 550

Total

488 112

641 517

Equivalents temps plein

0

4

Source : ministère de la culture

Selon le ministère, l’augmentation du budget de fonctionnement est due à l’effet année pleine ; en 2009, l’installation dans les locaux des Services du Premier ministre et les recrutements ont eu lieu entre mars et mai.

Cette ponction sur un budget déjà mal en point est scandaleuse, d’autant plus qu’il s’agit de crédits de fonctionnement et que cet organisme, dont la création a été voulue par le Président de la République, aurait très bien pu être financé par les crédits de la Présidence de la République… Le transfert « en base » réalisé cette année est inquiétant en ce qu’il pérennise la mesure, ce qui signifie que ce Conseil a vocation à se maintenir à côté du ministère de la culture pendant une durée indéterminée.

b) Des crédits d’« expérimentation » peu consommés et mal contrôlés

En 2009, le Conseil de la création artistique a été doté d’un budget destiné à prendre en charge des dépenses d’« expérimentation » à hauteur de 10 millions d’euros tant en autorisations de programme qu’en crédits de paiement.

Le ministère a indiqué au rapporteur pour avis que, là encore, ce budget « a été financé, à hauteur de 5 millions d’euros sur le programme " Création " et de 5 millions d’euros sur le programme " Transmission des savoirs ", sur la réserve de précaution constituée sur le budget de la mission " Culture " ». En clair, alors que le dégel avait été annoncé comme devant servir à desserrer l’étreinte budgétaire étouffant tant les structures de spectacle vivant que l’action culturelle, il a uniquement servi au financement du Conseil.

La réalité est loin de celle décrite par M. Karmitz lorsqu’il indiquait que le Conseil ne serait pas financé par les crédits du ministère de la culture…

Par ailleurs, le ministère de la culture est chargé de l’exécution de ces crédits, principalement d’intervention, pour le compte du Conseil ! Or, toujours selon les informations communiquées par le ministère, au 30 septembre, seuls « 24 076 euros ont été engagés et 22 806 euros de crédits de paiement ont été liquidés sur les crédits du programme 224 ». Le total des opérations en cours s’élève à 242 500 euros en autorisations d’engagement. Le ministère attend une dizaine d’autres dossiers d’ici la fin de gestion 2009, pour une dépense totale de 3 millions d’euros pour cette année. Cela revient à dire que 7 millions d’euros auront été bloqués pour rien, alors même que des projets très concrets d’action culturelle n’ont pu voir le jour du fait de la faiblesse des crédits du programme 224.

En 2010, le Conseil disposera également de 10 millions d’euros mais, selon le ministère « ce budget sera financé au-delà du plafond de la mission " Culture ", par abondement au cours de la gestion 2010. Il ne pèsera donc pas sur le budget de droit commun du ministère de la culture et de la communication ». Pour autant, « une partie des crédits non consommés en 2009 viendra s’ajouter par report à l’enveloppe de 2010 ». Il s’agit là de crédits dits d’« expérimentation » et il a été décidé que les crédits réservés pour ces dépenses sur le programme 224 et non consommés en 2009, seraient reportés sur 2010. Le report devrait être compris entre 2 et 3 millions d’euros environ.

Alors que ce conseil avait été créé pour être, au sens propre du terme, un organe de conseil de l’exécutif, il devient initiateur et financeur d’actions culturelles, fonctions qui sont normalement du ressort du ministère de la culture et de ses directions régionales. A multiplier ainsi les « guichets » de financement, on risque tout simplement de brouiller et d’affaiblir l’efficacité de l’action culturelle.

Comment ne pas mettre en relation ces dix millions d’euros en 2010 s’ajoutant aux millions d’euros de 2009 non consommés et le gel des crédits des programmes « Création » et « Transmission des savoirs » pour respectivement 33 et 23 millions d’euros ? Y aurait-il deux poids, deux mesures ?

II.- SPECTACLE VIVANT ET TERRITOIRES :
AGGRAVATION DES DISPARITÉS OU RÉÉQUILIBRAGE ?

En 2009, le budget du spectacle vivant était annoncé en hausse de plus de 20 % en autorisations d’engagement. Mais cette forte augmentation s’expliquait par l’inscription des 140 millions d’autorisations d’engagement nécessaires au lancement de la construction de la Philharmonie de Paris. Il s’agissait donc d’une hausse purement optique, destinée à ce seul établissement. Les crédits de paiement n’étaient par contre pas à la hauteur, puisqu’ils étaient en baisse. Ainsi, hors projet de la Philharmonie, le budget du spectacle vivant est en 2009 purement et simplement en stagnation.

Dans un cadre budgétaire aussi contraint, le rapporteur pour avis s’interroge sur la pertinence d’un tel investissement, privilégiant encore une fois un équipement parisien, alors même que la salle Pleyel a été restaurée à grands frais il y a peu de temps, puis rachetée par l’État, et que les budgets des institutions et des compagnies en région sont de plus en plus contraints, notamment ceux des petites structures.

Or la culture vit et se renouvelle par l’initiative. Il convient donc de veiller à ce que l’initiative soit protégée, surtout en région. C’était tout l’objectif de la décentralisation culturelle initiée dès l’après-guerre. Aujourd’hui, le déséquilibre le plus évident semble être entre Paris et les régions. Mais on ne doit pas oublier les déséquilibres existants également au niveau local, entre territoires, entre départements d’une même région, entre villes d’un même département et entre centres urbains, banlieues et zones rurales.

Où en est l’aménagement et la décentralisation culturels du territoire ? Où en est la réflexion du ministère sur ce sujet ? Quelles pistes proposées pour renouveler l’action du ministère en région ?

A. LE BUDGET DU SPECTACLE VIVANT EN RÉGION : UNE STAGNATION QUI FRAGILISE LES INSTITUTIONS ET LES COMPAGNIES

Le rapporteur pour avis regrette de ne pouvoir bénéficier de toutes les données chiffrées antérieures à la mise en place de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) pour effectuer ses comparaisons. La comparaison n’est donc envisageable la plupart du temps qu’entre 2007 et 2010. Il est, selon le ministère, impossible « de retracer les dépenses depuis 2005 sans approximation de périmètre ».

En se focalisant donc uniquement sur ces quatre années, une première remarque s’impose : les taux de déconcentration des crédits globaux du ministère ont été désespérément stables depuis 2007 et l’on a même assisté à une forme de reconcentration en 2008. En 2009, le conseil de la création artistique a constitué une autre forme de reconcentration des crédits.

Évolution des crédits centraux/déconcentrés de la mission « Culture »
entre 2007 et 2010

   

LFI 2007

LFI 2008

LFI 2009 (y compris CAS immo)

PLF 2010
(avant transferts)

(en euros)

CP

Part

CP

Part

CP

Part

CP

Part

TOTAL mission

2 111 731 082

100 %

2 180 293 953

100 %

2 207 991 264

100 %

2 323 806 994

100 %

Crédits centraux

1 393 314 947

66 %

1 496 063 552

69 %

1 459 987 794

66 %

1 504 515 941

65 %

Crédits déconcentrés

718 416 135

34 %

684 230 401

31 %

748 003 470

34 %

819 291 053

35 %

Source : ministère de la culture

1. Le spectacle vivant au sein du programme « Création » : un budget encore majoritairement réservé aux institutions parisiennes et qui tend à se reconcentrer

S’agissant plus spécifiquement du programme « Création », le même constat s’impose : finançant aujourd’hui principalement les grandes institutions souvent parisiennes, les crédits centraux restent majoritaires puisqu’ils représentent 56 % du programme, contre 44 % des crédits gérés par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC). Une fois encore, la situation ne s’est pas améliorée entre 2007 et 2010.

Évolution des crédits centraux/déconcentrés
du programme « Création» entre 2007 et 2010

Action

LFI 2007

LFI 2008

LFI 2009 (y compris CAS immo)

PLF 2010
(avant transferts)

CP

Part

CP

Part

CP

Part

CP

Part

1

Total

639 737 485

 

640 858 786

 

655 108 290

 

657 708 290

 

Crédits centraux

349 399 305

55 %

348 617 286

54 %

353 097 000

54 %

356 406 500

54 %

Crédits déconcentrés

290 338 180

45 %

292 241 500

46 %

302 011 290

46 %

301 301 790

46 %

2

Total

49 554 995

 

53 663 485

 

53 826 355

 

56 034 744

 

Crédits centraux

26 654 995

54 %

30 763 485

57 %

30 526 355

57 %

32 785 580

59 %

Crédits déconcentrés

22 900 000

46 %

22 900 000

43 %

23 300 000

43 %

23 249 164

41 %

3

Total

15 862 601

 

13 883 500

 

13 399 500

 

13 606 052

 

Crédits centraux

9 465 639

60 %

7 983 500

58 %

7 499 500

56 %

7 706 052

57 %

Crédits déconcentrés

6 396 962

40 %

5 900 000

42 %

5 900 000

44 %

5 900 000

43 %

4

Total

35 556 764

 

32 263 229

 

40 208 193

 

36 568 252

 

Crédits centraux

27 904 448

78 %

28 269 820

88 %

34 708 193

86 %

31 068 252

85 %

Crédits déconcentrés

7 652 316

22 %

3 993 409

12 %

5 500 000

14 %

5 500 000

15 %

TOTAL

740 711 845

 

740 669 000

 

762 542 338

 

763 917 338

 

Crédits centraux

413 424 387

56 %

415 634 091

56 %

425 831 048

56 %

427 966 384

56 %

Crédits déconcentrés

327 287 458

44 %

325 034 909

44 %

336 711 290

44 %

335 950 954

44 %

Source : ministère de la culture

Le constat est parfaitement identique pour les crédits du spectacle vivant (action 1) du programme « Création » : ils restent encore très majoritairement gérés en central, du fait de la prégnance des structures parisiennes de spectacle vivant dans le budget du ministère. La déconcentration n’a, là non plus, pas évolué entre 2007 et 2010. Aucun rééquilibrage en faveur des institutions ou compagnies régionales n’est perceptible.

De même, si l’on fait une distinction plus fine entre crédits effectivement dépensés en région (soit les crédits déconcentrés hors Paris auxquels on ajoute les crédits centraux affectés en région) et les crédits dépensés pour Paris, la situation est encore pire puisque le taux de dépenses en région passe de 54,72 % en 2002 à 53,43 % en 2009 selon le ministère. Le taux de déconcentration baisse quant à lui de 47,27 % en 2002 à 46,02 % en 2009…

Évolution des dépenses en faveur du spectacle vivant
entre Paris et les régions (2002 à 2009)

 

(en millions d’euros)

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

1

Total crédits déconcentrés

288,24

287,08

309,16

315,2

322,51

333,84

325,93

329,63

2

Total crédits centraux

321,56

345,69

341,46

346,11

343,02

362,82

369,76

374,95

3

dont crédits centraux affectés à Paris

259,66

266,08

270,44

279,81

286,68

311,02

316,99

321,91

4

dont crédits centraux affectés aux régions

45,45

55,09

50,37

50,7

46,66

51,8

52,77

53,04

5

dont crédits centraux non ventilés Paris/région

16,45

24,52

20,65

15,6

9,68

0

0

0

6

Sous-total crédits affectés aux régions, hors crédits non ventilés (1+4)

333,69

342,17

359,53

365,9

369,17

385,64

378,7

382,67

7

Total général (1+2)

609,8

632,77

650,62

661,31

665,53

696,66

695,69

716,24

8

Taux de déconcentration (1/7)

47,27%

45,37%

47,52%

47,66%

48,46%

47,92%

46,85%

46,02%

9

Taux de dépenses effectuées en région (6/7)

54,72%

54,07%

55,26%

55,33%

55,47%

55,36%

54,44%

53,43%

Source : ministère de la culture

On ne peut donc pas dire, contrairement à ce qu’affirme le ministère dans son dossier de presse, qu’il y a « poursuite du rééquilibrage entamé en 2009 en faveur des territoires », du moins s’agissant du spectacle vivant. De même, indiquer que l’objectif du ministère est « de cibler l’effort sur les institutions en région » est un peu léger, lorsque l’on précise ensuite que « les crédits de fonctionnement courant gérés en centrale sont maintenus à 53 millions d’euros, hors subvention allouée à l’association de préfiguration de la Philharmonie de Paris », c’est-à-dire qu’en réalité les crédits gérés en central et à destination de Paris ne sont pas maintenus, mais augmentés, puisque la Philharmonie se situe sur le territoire de la capitale.

De même, lors de son déplacement en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, le rapporteur pour avis a pu constater que les budgets de fonctionnement des deux centres dramatiques nationaux de la région étaient en baisse entre 2007 et 2009, ceux des quatre scènes nationales stables ou en baisse entre 2008 et 2009, ceux des neuf scènes conventionnées en baisse pour trois d’entre elles, stable pour deux d’entre elles et en hausse seulement pour les deux dernières. Les budgets des autres lieux – Friche de la Belle de Mai, Châteauvallon, Le Cadran à Briançon ou Lieux publics à Marseille – sont tous en baisse entre 2007 et 2009.

En Bretagne également, la situation est très difficile. Ainsi, par exemple, Le Triangle, scène conventionnée située dans un quartier pourtant dit « prioritaire », a vu sa subvention État passer de 120 500 euros en 2007 à 74 000 euros en 2009, soit une baisse de 38,6 % !

Parallèlement, l’ensemble des interlocuteurs rencontrés a fait part de son inquiétude face à l’absence totale de subventions d’investissement au cours des dernières années, ce qui recoupe le constat qui peut être fait au niveau national. Le rapporteur pour avis déplore de ne pas avoir eu communication, comme il l’avait demandé, d’un tableau précis récapitulant l’évolution des crédits d’investissement en région.

D’ailleurs, les seuls investissements prévus hors engagements pris dans le cadre des contrats de projets État-région 2007-2013 (CPER) sont bien minces : il s’agit de « compléter le programme d’aide aux scènes nationales » – Le Fanal à Saint-Nazaire, l’Espace des Arts de Châlon-sur-Saône – et de « participer au financement de projets culturels innovants et structurant l’aménagement culturel du territoire » – le pôle cirque d’Alès, le centre euro-régional de la culture urbaine de Lille. Rappelons que les opérations inscrites aux CPER pour le spectacle vivant représentent 60,46 millions d’euros pour l’ensemble de la période. Il convient de noter qu’ils ne concernent aucune opération sur le territoire parisien.

Les principaux projets financés par les CPER

L’effort de l’État portera en priorité sur la réhabilitation ou la modernisation d’équipements existants et représentatifs de la décentralisation théâtrale (la maison de la culture de Bourges, le théâtre national populaire de Villeurbanne, le centre dramatique national de Saint-Etienne).

Il s’agit également de moderniser certaines scènes nationales (le Bateau-feu à Dunkerque, le Volcan au Havre, la scène nationale de Bonlieu à Annecy, la scène nationale de Dieppe, la scène nationale et le théâtre de Cherbourg ainsi qu’un nouveau bâtiment pour la scène nationale de Sénart).

Dans le secteur musical, le développement de nouvelles scènes de musiques actuelles (SMAC), comme à Evreux et Romans, a vocation selon le ministère « à améliorer la qualité actuelle du maillage territorial », ce qui tend bien à prouver qu’il n’est donc pas encore optimal. De même, la construction d’un équipement destiné à permettre au festival d’Avignon de développer sa capacité de production et de présentation de spectacles, la Fabrique, vise également à améliorer l’offre culturelle en région. Ce dernier projet est d’ailleurs au point mort aujourd’hui et le rapporteur pour avis le regrette vivement, alors même que les crédits sont prêts à être débloqués.

2. L’action culturelle et l’éducation artistique au sein du programme « Transmission des savoirs » : des baisses inquiétantes pour un budget très majoritairement déconcentré

La part respective des crédits centraux et déconcentrés du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » est stable et les crédits déconcentrés continueront en 2010 à représenter 60 % du budget du programme.

Évolution des crédits centraux/déconcentrés
du programme « Transmission des savoirs » entre 2007 et 2010

Action

LFI 2007

LFI 2008

LFI 2009 (y compris CAS immo)

PLF 2010
(avant transferts)

CP

Part

CP

Part

CP

Part

CP

Part

2

Total

29 646 334

 

31 452 016

 

32 265 252

 

33 573 920

 

Crédits centraux

4 152 134

14 %

3 957 816

13 %

5 211 800

16 %

5 213 000

16 %

Crédits déconcentrés

25 494 200

86 %

27 494 200

87 %

27 053 452

84 %

28 360 920

84 %

4*

Total

68 120 192

 

53 402 643

 

54 300 000

 

49 708 361

 

Crédits centraux

29 203 163

43 %

21 886 152

41 %

18 845 961

35 %

14 245 961

29 %

Crédits déconcentrés

38 917 029

57 %

31 516 491

59 %

35 454 039

65 %

35 462 400

71 %

TOTAL programme

481 541 915

 

464 258 555

 

457 715 842

 

466 568 906

 

Crédits centraux

289 178 321

60 %

277 861 150

60 %

279 581 945

61 %

279 129 296

60 %

Crédits déconcentrés

192 363 594

40 %

188 397 405

40 %

178 133 897

39 %

187 439 610

40 %

* En 2008, fusion des actions 4 et 5. Les crédits de l’action 5 sont transférés sur l’action 4.

Source : ministère de la culture

S’agissant plus spécifiquement des crédits « éducation artistique » (action 2), la quasi-totalité des crédits est déconcentrée, mais le montant reste bien minime au regard des sommes – non quantifiables d’ailleurs car elles ne font l’objet d’aucune action budgétaire spécifique – investies par le ministère de l’éducation nationale. Les crédits d’action culturelle (action 4), déconcentrés à hauteur de 57 %, sont quant à eux en chute libre depuis 2007 (- 27 %), sans que le ministère soit capable d’apporter la moindre explication cohérente à ce phénomène. Le rapporteur pour avis estime quant à lui, comme il l’a déjà précédemment souligné, qu’il s’agit purement et simplement d’un désengagement majeur de l’État, désengagement d’autant plus scandaleux que le treizième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui a valeur constitutionnelle, «  garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à (…) la culture ».

Comme le souligne le ministère, la distinction entre les régions et Paris n’est certes pas la distinction prioritaire en matière d’accès à la culture. En effet, il s’agit ici principalement de réduire les écarts existants entre les zones dites « prioritaires » et la totalité du territoire. Les actions menées et les crédits accordés le sont donc en fonction des projets présentés par chaque région dans cette optique de réduction des inégalités. Pour autant, comme le rapporteur pour avis a pu le constater lors de ses déplacement et comme il le soulignait par quelques exemples dans la première partie de son rapport, sur l’ensemble du territoire, dans ces zones prioritaires, le ministère réduit, voire abandonne, son action culturelle. Ainsi, à Rennes, Le Triangle, scène conventionnée pourtant installée dans une zone dite « prioritaire » ne bénéficie d’aucune subvention du rectorat ou de la DRAC alors qu’elle a signé une quarantaine de conventions avec des écoles pour développer l’éducation artistique dans le quartier. La ville verse quant à elle une subvention de 37 euros par heure d’intervention.

Ainsi, si le ministère de la culture et de la communication consacre en 2009, puis en 2010, 2 millions d’euros à un appel à projets dans le cadre du plan Espoir Banlieues, cette mécanique, parallèle à la baisse des crédits d’action culturelle, fait tout de même fi des opérations de long terme développés en région, en concertation avec les associations locales et les directions régionales des affaires culturelles, puisque les projets sont présentés à un comité et les projets retenus ne doivent concerner que les 215 quartiers prioritaires déterminés par le secrétariat d’État chargé de la politique de la ville. Il s’agit donc là encore d’une forme de recentralisation de la décision et de stigmatisation des « quartiers », les projets englobant des zones plus larges n’entrant pas dans le plan Espoir Banlieues.

Le comité de pilotage du Plan Espoir Banlieues

Le comité de pilotage mis en place pour l'appel à projets du plan Espoirs Banlieues est une instance nationale de concertation, de partage de l’information et de validation des projets qui remontent de l’ensemble des DRAC à la suite du lancement de l’appel à projets dans les régions.

Le comité de pilotage est composé de :

- trois DRAC (Midi-Pyrénées, Ile-de-France et Picardie),

- la délégation au développement et aux affaires internationales du ministère de la culture et de la communication, au travers de la mission pour le développement des publics (à l'initiative de l'appel à projets),

- un représentant du secrétaire général du Comité interministériel des villes,

- un représentant de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances,

- un représentant de la Caisse des dépôts,

- un représentant de la fondation de France.

Les DRAC font une pré-instruction des dossiers selon les critères du cahier des charges de l'appel à projets, puis ces dossiers sont présentés au comité qui choisit de façon collégiale.

Le comité s'est réuni trois fois : les 11 mai, 6 juillet et 28 septembre pour choisir les projets, dans la limite du montant imparti de 2 millions d’euros.

En conclusion, le rapporteur pour avis estime qu’on assiste à une reconcentration et une recentralisation des crédits alloués au spectacle vivant, amplifiées par la mise en place du conseil de la création artistique, qui contribue lui aussi à cette recentralisation : les appels à projets doivent être transmis à Paris et sont examinés à Paris avant que les crédits ne soient débloqués, également en administration centrale.

B. LA SITUATION DANS LES AUTRES PAYS EUROPÉENS : UNE COMPARAISON PARFOIS DÉLICATE, MAIS INTÉRESSANTE

Lors de son déplacement en Italie, le rapporteur pour avis a pu constater combien notre modèle français de structuration et de soutien au spectacle vivant était envié à l’étranger. Ainsi, l’organisme italien de prévoyance des salariés du spectacle vivant, l’ENPALS, a indiqué au rapporteur pour avis que le Parlement italien s’interrogeait sur l’intérêt de mettre en place un régime se rapprochant de l’intermittence pour tenter de soutenir des artistes aujourd’hui très fragilisés sur le plan financier et social. Réflexion paradoxale à l’heure où le Gouvernement Berlusconi a effectué les coupes claires dans les budgets alloués au secteur… De même, si le concept de « démocratisation culturelle » est inconnu en Italie, la réflexion sur la nécessité d’un aménagement culturel équilibré du territoire est de plus en plus développée. Enfin, en Italie, comme dans les autres pays européens, les collectivités sont en première ligne, tant en termes de financements que de réflexion sur l’avenir et la structuration du secteur. Elles développent des politiques parfois innovantes, comme le rapporteur pour avis a pu le constater dans le cas de la région du Latium.

1. Des situations européennes très variées avec trois grands modèles d’organisation

Parler d’un rééquilibrage entre la « capitale » et les régions en ce qui concerne le spectacle vivant dans les différents pays européens se heurte dès le départ à une vision nationale de la question. L’histoire de la décentralisation culturelle dans chaque pays de l’Union est tellement liée à son histoire politique et administrative qu’il est difficile d’envisager une étude comparative sur ce point. Selon Robert Lacombe ((3), « le fait qu’un organisme d’État prenne en charge la responsabilité de la conduite d’une politique culturelle reste une invention récente, presque contingente, et dont les sédimentations successives ont produit ce qu’aujourd’hui en France nous appelons une politique culturelle » . Concernant la décentralisation, Jean-Pierre Saez ne dit pas autre chose : « Cet exercice montre la difficulté de modéliser la décentralisation culturelle en Europe, tant chaque pays (...) construit son projet de décentralisation culturelle en prenant d’abord appui sur ses propres spécificités historiques, institutionnelles et territoriales » (4)

Partant de ce constat, on peut néanmoins dégager deux axes de réflexion générale : en premier lieu, que ce soit dans le champ culturel ou dans un autre domaine, tous les états membres de l’Union européenne envisagent aujourd’hui la décentralisation comme une étape obligée de leur développement administratif. En second lieu, dans la plupart des pays européens, contrairement à la France, « le débat tient moins dans la définition de ce qui est constitutif des politiques centrales, déconcentrées ou décentralisées, que dans la détermination du strict domaine de compétence d’un ministère de la culture » (5) Ce qui explique notamment que des pays de taille comparable à la France, comme l’Italie, l’Allemagne ou le Royaume Uni, n’aient instauré un ministère de la culture que durant la dernière décennie. Dans son étude, Robert Lacombe dégage trois grands groupes de pays en ce qui concerne le mode de soutien au spectacle vivant.

a) Les États de structure ou de fonctionnement fédéral

Ils regroupent essentiellement l’Europe germanique, l’Espagne et la Belgique. En Allemagne, la culture, comme l’éducation, est une compétence dévolue par principe aux régions. Il n’y a donc pas de concurrence entre l’État et les Länder. Ainsi, même si Berlin joue un rôle prépondérant sur le plan culturel, toutes les régions accueillent des établissements de spectacle vivant de dimension nationale. Chaque Land finance donc en propre, souvent sans l’aide de l’État fédéral, l’équivalent d’un théâtre national, d’un opéra national, d’un orchestre national, etc., et les équipes artistiques sont salariées de ces structures.

b) Les États nordiques, le Royaume-Uni et l’Irlande

Ils privilégient le modèle du « conseil des arts », sous tutelle plus ou moins forte du gouvernement, modèle que le rapporteur pour avis avait eu l’occasion d’étudier l’an passé en Suède et au Royaume-Uni. Mais, selon Robert Lacombe, « alors qu’en Scandinavie et aux Pays-Bas, les Conseils des arts ont été mis en place pour servir une politique d’État, leur existence au Royaume-Uni ne tire sa justification que de ce que l’État ne saurait assumer lui-même (...) ce qui est et doit rester du domaine de la consommation privée ». En Scandinavie et aux Pays-Bas, les Conseils des arts émanent directement des gouvernements auprès desquels ils ont un rôle d’expertise, dans un objectif de développement social fortement influencé par la politique d’État-providence des années 60. À l’opposé, au Royaume uni, c’est la politique du « arm’s length » qui prévaut : l’État délègue son pouvoir à un organisme collégial et autonome, mais n’a pas, en tant que tel, la maîtrise d’une politique culturelle nationale. En 1994, le Conseil des arts de Grande Bretagne, créé en 1946, a laissé la place à quatre conseils des arts régionaux : Angleterre, Ecosse, Pays de Galles, Irlande du Nord. Les trois derniers sont alors devenus dépendants financièrement des gouvernements régionaux, auxquels le pouvoir central a accordé ces dernières années une autonomie plus poussée, le premier restant financé par le budget de l’État.

c) Les États centralisés

Il s’agit principalement de la France et de l’Italie, aux côtés du Portugal, de la Grèce et des pays d’Europe centrale. C’est le modèle aujourd’hui le plus répandu dans l’Union européenne depuis l’adhésion des pays d’Europe centrale et orientale. C’est aussi le plus hétérogène. Tous les pays d’Europe centrale et orientale se sont lancés ces dernières années dans un processus de décentralisation plus ou moins poussé. Ils possédaient tous un ministère en charge de la culture depuis l’après-guerre, ce qui les distinguait nettement de la plupart des pays occidentaux. Toutefois, après 1989, certains pays comme la Pologne et la République tchèque ont rapidement récusé le modèle centralisateur au profit de l’initiative privée et des collectivités locales, qui n’avaient jusqu’alors aucun pouvoir décisionnaire en matière culturelle. D’autres, comme la Hongrie ou la Roumanie, ont conforté leur administration comme garante de l’identité nationale. D’autres enfin, ont opté pour le modèle du conseil des arts, comme la Bulgarie ou la Slovaquie.

En Europe occidentale, le Portugal est le seul pays à disposer d’une administration culturelle déconcentrée, comparable à la France dans son principe. Reste le cas de l’Italie, qui s’est lancée depuis plusieurs années dans une régionalisation encore en cours. Quatre niveaux de pouvoir s’y partagent les responsabilités culturelles (État, régions, provinces, villes), mais les régions voient clairement leur rôle se renforcer, puisqu’elle disposent toutes d’un pouvoir législatif étendu au spectacle vivant depuis 1998, année de la création du ministère des biens et activités culturels. Depuis la réforme constitutionnelle de 2001, ce domaine est en théorie de leur compétence exclusive. Cependant, eu égard au poids du patrimoine dans ce pays, le spectacle vivant n’a malheureusement jamais constitué une priorité.

Même si les modèles de développement de la politique culturelle sont différents d’un pays à l’autre, on assiste clairement à une montée en puissance des collectivités locales dans pratiquement tous les États membres.

2. Une situation italienne pleine d’enseignements

Le rapporteur pour avis s’est rendu à Rome du 23 au 25 septembre pour étudier les récentes évolutions, notamment budgétaires, de la politique italienne en matière de spectacle vivant, mais également les disparités régionales existant en la matière. En Italie, comme en France, le financement du spectacle vivant provient à la fois de l’État, de l’ensemble des collectivités territoriales (régions, provinces, villes), des entreprises privées – par le biais de fondations – et des ressources propres des institutions (billetterie, privatisation d’espaces).

a) Un État en perte de vitesse

Chaque année, l’État détermine le montant du budget du fonds unique pour le spectacle vivant (FUS). Ce fonds est géré par le ministère des biens et activités culturels. Le patrimoine – entendu au sens large et incluant le patrimoine musical italien – étant très prégnant en Italie, et l’art lyrique coûteux, environ 50 % du budget du FUS est attribué à l’opéra et à la musique classique, disciplines représentées par quatorze institutions, réparties de manière bien plus équilibrée qu’en France sur l’ensemble du territoire (Teatro de la Scala de Milan, Academia Santa Cecilia de Rome, Teatro San Carlo de Naples par exemple). Les 50 % restants sont consacrés au financement du cinéma, du théâtre, de la musique dite « de variété », de la danse et des arts du cirque.

En 2009, le budget du FUS était initialement de 390 millions d’euros, accusant une baisse de 10  % par rapport à l’exercice budgétaire 2008. Les professionnels du secteur s’étant vivement émus et ayant manifesté de manière très virulente leur mécontentent durant l’été 2009, le Gouvernement a accepté d’augmenter ce budget de 60 millions d’euros. Mais ce complément a uniquement servi au financement de l’art lyrique. Le FUS est géré par l’État, mais les subventions sont théoriquement attribués après consultation des régions. La loi prévoit à terme une décentralisation de ces crédits, pour le moment difficile à mettre en œuvre.

b) Des collectivités locales qui s’investissent de manière très variable

Les financements des collectivités locales sont très variables selon les régions. En ce qui concerne la région du Latium où est situé Rome, 36,8 millions d’euros sont consacrés au spectacle vivant. Encore une fois, la moitié de ce budget est allouée aux grandes institutions de la région (comme le Teatro dell’opera, Auditorium, Academia Santa Cecilia), l’autre étant attribuée selon un principe d’appel à projets.

Même si la notion de démocratisation culturelle semble largement inconnue en Italie, on constate des formes d’action qui s’en rapprochent puisque la région oriente sa politique en direction des territoires les moins favorisés en termes d’équipements dans le but clairement affirmé de procéder à un rééquilibrage culturel du territoire.

c) La participation des financements privés au sein des fondations et le mécénat privé

Les financements privés jouent un rôle majeur dans le financement du spectacle vivant en Italie, depuis qu’une loi de 1996 initiée par M. Walter Veltroni a autorisé la transformation des établissements publics nationaux en fondations, composées de représentants des collectivités, de l’État mais également des partenaires privés. Les dispositions fiscales permettent aux donateurs privés, selon les cas, de bénéficier de 2 à 10 % de déduction fiscale sur leur revenu imposable et, si leur contribution atteint un certain seuil, d’être également membre du conseil d’administration de l’institution.

Malheureusement, comme on le constate également souvent en France, ce sont les structures les plus importantes qui parviennent à mobiliser l’essentiel des ressources privées, créant de fait un déséquilibre entre les centres urbains et les zones « périphériques ». Un autre des effets secondaires de ce système a été également d’aggraver les disparités régionales dans le secteur du spectacle vivant, le nord du pays – qui dispose de centres industriels puissants – ayant plus de facilité à mobiliser des fonds privés que le centre et sud de l’Italie.

Une spécificité italienne doit être soulignée : alors que les conditions fiscales sont nettement moins avantageuses qu’en France, le mécénat des particuliers en faveur des institutions culturelles locales, notamment les opéras, est très important dans certaines régions, comme la Sardaigne. Beaucoup de particuliers donnent chaque année de 50 à 100 euros à l’institution dont ils sont géographiquement proches, ce qui, pour les plus petites d’entre elles, constitue un apport non négligeable.

Si l’histoire italienne contribue à ce que les institutions culturelles soient mieux réparties sur le territoire italien que sur le territoire français, on constate que le secteur connaît, de manière encore plus aigue qu’en France, des difficultés majeures liées aux coupes claires dans le budget de l’État alloué à la culture, mais également à l’absence de réflexion prospective de l’État sur les questions d’aménagement culturel du territoire. Par ailleurs, du fait de la prédominance historique de l’opéra et de la musique classique en Italie, les autres secteurs, notamment le théâtre et surtout la danse, sont dans une situation très délicate.

La France, en ce domaine, a engagé une réflexion et des actions structurantes depuis la fin de la seconde guerre mondiale, ce qui fait de notre pays un modèle en Europe. Pour autant, beaucoup reste à faire.

C. UN AMÉNAGEMENT CULTUREL DU TERRITOIRE QUI N’EST PAS ACHEVÉ

Historiquement, les modalités et les objectifs de la décentralisation et de la déconcentration dans le secteur du spectacle vivant en France se sont conjugués autour de trois interactions :

– la vitalité de la création artistique et sa capacité à se développer et à se renouveler ;

– les diverses évolutions liées à la réforme de l’État, qui ont impacté l’organisation même du ministère de la culture et ont infléchi en conséquence, au cours des années, la déclinaison de ses politiques culturelles ;

– la capacité des collectivités locales et territoriales à mettre en place puis à développer leurs propres politiques culturelles.

A l’initiative d’une décentralisation artistique active après l’immédiat après guerre, l’État a d’abord été le seul garant du soutien et du développement de la création dans le domaine du spectacle vivant, pour pallier notamment le « désert culturel français » dans un pays en reconstruction. Son rôle a ensuite largement évolué à partir des années 1970, du fait notamment de la prise de conscience par les collectivités locales de la nécessité de prendre en compte le développement culturel de leurs propres territoires.

Durant les années 1980-1990, la décentralisation administrative du secteur trouvera un écho partagé au sein de la puissance publique qui préfèrera, plutôt que de procéder à des transferts de compétences, élargir puis consolider la déconcentration. Cette coopération se matérialisera par des conventions de développement culturel ou le développement de la contractualisation.

Le début des années 1990 verra le développement d’une politique de déconcentration accrue, tandis qu’à l’aube du XXIe siècle, l’État, en perte de repères et de moyens, tentera, par le biais des Entretiens de Valois, de se décharger d’une partie de ses missions sur les collectivités, tout en essayant de les associer au mouvement de déconstruction des réseaux territoriaux du spectacle vivant.

Au début du XXIe siècle également, la création des établissements publics de coopération culturelle (EPCC) par la loi du 4 janvier 2002, fait évoluer quelque peu les pratiques en cours, et nombre de structures du spectacle vivant voient évoluer leurs statuts, l’objectif affirmé étant de tenter de consolider ainsi le partenariat entre l’État et les collectivités territoriales. L’EPCC permet l’institutionnalisation de la coopération entre ces différentes personnes publiques – sans qu’aucune ne puisse se la voir imposer – et permet de doter d’un statut opérationnel les grandes institutions culturelles d’intérêt à la fois local et national.

Si décentralisation et déconcentration se sont conjugués depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, modifiant le paysage et l’aménagement culturel de notre territoire de manière continue, aujourd’hui, comme le soulignait M. Fabrice Thuriot, chercheur, lors de son audition, « il est reproché au ministère de ne plus être dans une logique de développement culturel malgré les efforts de certaines DRAC en la matière (…), mais de répondre à des impératifs de gestion quantitative qui font perdre de vue la raison d’être du ministère : la démocratisation de la cultureLe rôle d’impulsion de l’État s’est transformé en contrôle a priori et a posteriori, tandis que son rôle d’arbitrage s’est estompé avec la baisse de ses crédits sur le plan territorial, laissant l’initiative aux collectivités qui la prennent de plus en plus hors du partenariat de l’État mais rencontrent encore des difficultés pour construire une action à l’échelle d’un territoire ».

L’État, en manque de vision et de crédits, tente de faire l’impasse sur cette réalité, en expliquant que la décentralisation a atteint son objectif : mailler le territoire de manière uniforme. Or ce n’est pas la réalité. Par ailleurs, on ne peut dénoncer l’absence de démocratisation culturelle comme le fait le président de la République tout en invoquant le succès de l’aménagement culturel du territoire. Il convient donc, sans doute avec de nouveaux outils, de poursuivre ce travail d’aménagement culturel du territoire, qui participe de manière indiscutable à la démocratisation de la culture.

1. Aujourd’hui, des zones périurbaines et rurales encore désertées par la culture

Selon le ministère, « dans le domaine du spectacle vivant, la question du rééquilibrage entre Paris et le reste du territoire renvoie à la question de l’amélioration de la diffusion et de la circulation des œuvres ». Certes, mais c’est faire fi d’une certaine réalité : améliorer la diffusion et la circulation des œuvres, c’est peut-être également faire en sorte que le maillage du territoire par des structures capables d’accueillir ses œuvres soit mieux pensé. Il reste encore aujourd’hui des « zones blanches » principalement dans les zones périphériques des grandes agglomérations et dans les zones rurales(6). Aujourd’hui, en Bretagne, le projet de « scènes de territoire » développé par la DRAC répond tout à fait à ce manque. Ces « scènes de territoire » désignent une catégorie de salles de diffusion de spectacle vivant située dans des zones culturellement encore peu dynamiques et la plupart du temps construites et financées par les communes, avec l’aide de l’État, de l’Europe et des départements. La mise en réseau de ces salles permet aux populations ne résidant pas dans les sept grandes agglomérations de Bretagne de disposer d’un accès à la culture. Ces salles ne produisant pas de spectacles, elles sont par ailleurs un excellent outil au service de la diffusion et de l’accueil d’artistes sur le territoire breton. Elles peuvent également constituer un point d’appui privilégié pour l’éducation artistique dans ces zones.

De même, dans certaines grandes villes, comme le rapporteur pour avis a pu le constater lors de son déplacement à Marseille, les manques sont criants. Marseille, qui doit accueillir l’année européenne de la culture en 2013, ne dispose d’aucun auditorium digne de ce nom, alors que Paris disposera, à la même date, de son nouvel auditorium. N’y a-t-il pas là un véritable problème d’absence de mise en perspective des enjeux d’une politique d’aménagement culturel digne de notre territoire ?

Par ailleurs, faire circuler les œuvres est une chose, faire en sorte que de nouveaux publics s’en emparent en est une autre. En effet, comme le soulignait M.  Jean-Paul Bozonnet, sociologue, lors de son audition, l’étude qu’il a réalisée à Grenoble (7) montre que pour être efficace en termes de démocratisation, c’est-à-dire atteindre ce que l’on appelle les « non-publics », une politique culturelle doit transiter par les institutions de proximité non culturelles : écoles, associations locales, maisons de retraite, maisons de quartier. Cela « permet l’entrée de personnes non familières avec les pratiques culturelles à l’intérieur du « monde » du spectacle vivant ». Cela permet également « la transition des pratiquants amateurs à l’intérieur des équipements culturels d’agglomération ».

Selon M. Bozonnet, ce n’est plus aujourd’hui seulement l’opposition centre/périphérie au sens Paris/régions qui demeure principale, mais plutôt l’opposition entre les publics « assidus » (tant en province qu’à Paris) et les autres. Cela recouvre d’ailleurs aussi une « opposition Paris/banlieue, voire interne à Paris entre arrondissements huppés et les autres ».

Face à ce constat, en l’absence de crédits culturels spécifiquement alloués à la politique de la ville en région, et alors que les crédits d’action culturelle sont en chute libre et que l’éducation artistique bat de l’aile, le problème reste entier…

2. Des disciplines qui ne sont pas à égalité sur le territoire

a) Des inégalités qui sont initialement liées à l’histoire culturelle de notre pays

On ne peut affirmer sans nuance que l’aménagement culturel du territoire touche à son terme lorsque l’on regarde la cartographie nationale du spectacle vivant établie par le ministère de la culture(8). En effet, avant 1959, sous l’impulsion de Jeanne Laurent, seul le théâtre a été réellement décentralisé. Les autres disciplines soutenues en régions n’obtiennent que plus tardivement le label national. Cette inégalité est encore perceptible aujourd’hui. Même ensuite, l’augmentation des crédits attribués à la décentralisation théâtrale et au TNP de Jean Vilar et la création du Théâtre de France confiée à Jean-Louis Barrault matérialisent dès les premiers mois la place de choix occupée par le théâtre dans la politique de décentralisation culturelle de Malraux.

Dans le domaine musical, l’intervention du ministère est plus tardive. En 1962, André Malraux institue une commission pour étudier la situation de la musique. Il faut attendre 1966 pour voir se structurer le service de la musique, confié au compositeur et inspecteur général de l’enseignement musical Marcel Landowski. Dans le domaine de la danse, si une nouvelle génération d’artistes chorégraphes voit le jour après la seconde guerre mondiale, elle trouve principalement des appuis auprès des directeurs des grands théâtres parisiens, avec notamment la fondation du Ballet des Champs Élysées par Rolland Petit en 1945, puis des Ballets Romantiques de Paris en 1953 par Maurice Béjart... C’est l’éclosion de la danse contemporaine, dans le courant des années 1970 qui va provoquer de profonds changements avec des implantations dans des villes accueillantes : en 1968, le Ballet Théâtre Contemporain (BTC), avec à sa tête Françoise Adret et Jean-Albert Cartier, s’implante au sein de la maison de la culture d’Amiens, en 1972, Félix Blaska s’implante à Grenoble, en 1973, Roland Petit s’installe à Marseille, et, en 1978, Gigi Caciuleanu le fait à Rennes.

b) Aujourd’hui, la déconcentration et la décentralisation sont plus ou moins abouties selon les disciplines

Les subventions allouées aux différentes disciplines soutenues par le ministère n’ont pas toutes été déconcentrées selon les mêmes modalités. Par ailleurs, souvent pour des raisons historiques, mais également parfois plus simplement pour des raisons de coût, les différentes disciplines ne sont pas traitées de la même façon sur le territoire et sur un plan budgétaire, comme le souligne le tableau suivant :

Evolution des crédits déconcentrés en fonctionnement (programme 131) de 2002 à 2010
par discipline et principaux dispositifs en euros courant

(en millions d’euros)

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Théâtre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Centres dramatiques

52,22

55,22

56,27

55,91

58,09

58,46

57,34

57,59

58,08

Lieux de fabrication arts de la rue

0,23

0,27

0,11

0,20

0,26

0,28

0,86

4,19

4,30

Centre national des arts de la rue

1,34

1,40

1,75

1,93

2,43

2,64

2,69

Pôles régionaux de cirque

1,06

1,17

1,37

1,37

1,22

1,48

1,66

Autres lieux de création et de diffusion

4,26

4,34

5,07

6,25

5,89

6,80

7,99

10,95

11,01

Cies dramatiques

20,69

21,14

23,02

22,47

23,16

22,89

22,11

27,32

28,63

Cies arts de la rue

2,15

2,33

2,68

3,01

2,57

2,69

2,15

Cies de cirque

0,66

2,03

2,65

3,43

3,54

3,59

2,19

Festivals de théâtre

1,90

2,03

1,62

1,71

1,61

1,66

1,09

2,17

2,11

Festivals de cirque

0,31

0,36

0,20

0,29

0,21

0,21

0,07

Festivals des arts de la rue

0,59

0,65

0,71

0,79

1,15

0,97

1,01

TOTAL Théâtre (38 % du total déconcentré)

85,41

90,94

95,47

97,37

100,13

101,67

99,16

102,21

104,14

Musique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Opéras en région

19,43

21,08

23,40

24,29

26,94

25,84

26,83

27,51

28,48

Orchestres permanents

20,85

21,24

21,33

21,55

21,46

21,83

22,59

21,96

22,25

Centres de création musicale

2,00

2,13

2,11

2,95

2,97

2,90

3,02

2,85

2,70

Scènes de musiques actuelles et
autres lieux de musiques actuelles

6,98

7,04

7,53

8,20

7,92

8,40

8,99

9,21

9,34

Autres lieux de création et de diffusion

0,48

0,66

0,57

0,63

1,06

1,17

2,35

1,72

1,75

Ensembles musicaux et vocaux

7,92

9,36

10,25

10,73

10,93

11,57

10,77

11,34

11,44

Festivals de musique

5,12

5,52

5,35

5,98

6,07

5,77

5,48

4,67

4,62

TOTAL Musique (29 %)

62,79

67,04

70,55

74,32

77,36

77,48

80,03

79,26

80,57

Danse

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Centres chorégraphiques nationaux

11,95

12,26

13,04

13,64

14,42

14,43

12,71

12,92

13,05

Centres de développement chorégraphique

 

 

 

0,79

0,81

1,07

1,35

1,45

1,60

Autres lieux de création et de diffusion

1,25

1,29

1,46

0,93

0,80

0,99

1,93

1,72

1,76

Cies chorégraphiques

5,32

5,65

6,05

6,59

6,85

7,06

6,98

7,09

7,13

Festivals de danse

1,28

1,39

1,66

1,97

1,98

1,68

1,50

1,88

1,76

TOTAL Danse (9 %)

19,80

20,60

22,22

23,92

24,85

25,23

24,47

25,06

25,29

Pluridisciplinaire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scènes nationales

44,92

47,93

48,88

51,13

50,96

52,94

50,36

50,55

50,63

Scènes conventionnées

5,90

6,50

6,58

8,44

9,27

9,67

9,81

10,39

10,74

Autres lieux de création et de diffusion

7,61

7,28

9,22

8,96

6,94

7,00

5,83

4,58

4,50

Autres festivals

0,99

0,97

0,50

0,50

0,55

0,47

0,28

0,19

0,16

TOTAL Pluridisciplinaire

59,42

62,67

65,18

69,03

67,71

70,07

66,28

65,72

66,03

TOTAL GENERAL

227,42

241,25

253,41

264,64

270,05

274,44

269,94

272,25

276,02

Source : ministère de la culture

Dans le domaine du théâtre

Dès 1993, six régions ont fait l’objet d’une déconcentration intégrale de leurs crédits : Alsace, Languedoc-Roussillon, Limousin, Lorraine, Midi-Pyrénées et Poitou-Charentes. Ont également été déconcentrés à la même époque les budgets alloués aux centres dramatiques régionaux (CDR) de Bretagne, Centre, Haute-Normandie et Pays de la Loire. Depuis 1999, la déconcentration s’est poursuivie avec l’ensemble du réseau des centres dramatiques nationaux (CDN), la déconcentration de ce réseau se terminant en 2002 avec le théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis et le CDN de Montreuil.

De même, depuis 2004, des dossiers de subvention qui demeuraient gérés en administration centrale ont fait l’objet d’une déconcentration progressive. Demeurent donc gérés en administration centrale uniquement certains grands théâtres (théâtre du Rond-Point, théâtre de l’Athénée, théâtre de l’Est parisien, théâtres de la Cartoucherie de Vincennes…) ainsi que les compagnies de créateurs en sortie d’institution.

Dans le domaine de la musique

Le mouvement de déconcentration des structures mises en place par le direction de la musique et de la danse à partir de 1982 s’est effectué pour l’essentiel entre 1993 et 2000. D’abord par la déconcentration des orchestres permanents de région dès 1993, conduisant à ne conserver au niveau de l’administration centrale que l’Orchestre de Paris et l’Ensemble Intercontemporain, devenus depuis « opérateurs de l’État ». Sur la même période, la gestion des théâtres lyriques de région a été progressivement confiée à l’administration déconcentrée, y compris les opéras nationaux de région (à l’époque l’Opéra national de Lyon et l’Opéra national du Rhin) dont la déconcentration a été opérée en fin de processus.

Les centres nationaux de création musicale (CNCM), initiés au sein de l’administration centrale, ont quant à eux été déconcentrés entre 2001 et 2004.

Parallèlement, les festivals ont connu la même évolution, à l’exception assez incompréhensible d’ailleurs des manifestations jugées par le ministère « les plus importantes et caractéristiques d’un secteur ». Lorsqu’elles se déroulent en région, le rapporteur pour avis ne voit pas ce qui empêcherait les DRAC de gérer leurs subventions, comme elles le font déjà avec beaucoup de rigueur pour les autres institutions et compagnies de leur territoire. Ainsi le Printemps de Bourges pour les musiques actuelles, le festival international d’art lyrique d’Aix en Provence pour l’opéra, le festival d’Avignon pour le théâtre et le festival Musica de Strasbourg, emblématique pour la musique contemporaine, sont-ils encore gérés au niveau de l’administration centrale.

Enfin, les aides apportées par l’État aux principaux lieux d’appui des musiques actuelles (SMAC) sont mises en œuvre au niveau déconcentré sur la base d’une circulaire publiée en 1998.

Dans le domaine de la danse

Le dispositif d’aide à la création chorégraphique, qui s’appuie sur une commission consultative indépendante, a été mis en place en 1984 (9). En 1998, des commissions inter-régionales ont remplacé la commission consultative indépendante et ont été « rattachées » aux DRAC. Six inter-régions ont été dessinées réunissant de deux à six régions selon l’importance du nombre de compagnies de danse identifiées sur les territoires concernés. L’arrêté du 25 novembre 2003 relatif à la procédure d’aide à la création chorégraphique a clarifié ce dispositif. La répartition géographique des compagnies aidées a connu depuis 1998 un fort rééquilibrage, l’Ile de France passant de 41 % à 27 % des aides en 2008. Parallèlement, la compétence de gestion relative aux centres chorégraphiques nationaux (CCN) a été transférée aux DRAC en 1998 et 1999.

En 2009, seules trois compagnies chorégraphiques restaient gérées sur crédits centraux, celles dont l’artiste a quitté la direction d’un CCN. L’aide est apportée en central pour une période de deux ans en moyenne : les compagnies sont ensuite transférées dans la région de leur choix pour y être à nouveau soumises à l’avis des commissions consultatives d’aide à la création chorégraphique.

Il faut préciser qu’ont vocation à rester gérés en administration centrale les établissements publics nationaux que sont le Centre national de la danse à Pantin et le Théâtre national de Chaillot, ainsi que les établissements publics proposant des enseignements supérieurs (conservatoire nationaux supérieurs de musique et de danse de Paris et de Lyon, école de danse de l’Opéra national de Paris).

Les institutions pluridisciplinaires relevant du spectacle vivant

L’aide apportée par le ministère de la culture aux lieux de diffusion pluridisciplinaires se porte essentiellement sur le réseau des scènes nationales et le programme des scènes conventionnées. Depuis 1992, le label « Scène nationale » désigne un réseau rassemblant les anciennes maisons de la culture (1962), les centres d’action culturelle (1971) et les centres de développement culturel (1982).

L’ensemble des crédits consacrés à ce réseau a été déconcentré entre 1998 et 1999. Cette déconcentration s’est accompagnée de l’établissement de contrats d’objectifs signés par l’ensemble des partenaires publics. Ces contrats ont fait l’objet de deux circulaires, datées du 30 avril 1997 et du 8 janvier 1998.

3. La nécessité de refonder et d’approfondir à nouveau l’aménagement culturel du territoire

Le rapporteur pour avis continue de penser que « ce qui manque principalement à la politique culturelle de notre pays, c’est un pilote avec des ambitions claires, affichées et défendues. Aujourd’hui, on a plutôt l’impression que le ministère est devenu gestionnaire parcimonieux de deniers publics qu’il réussit péniblement à obtenir chaque année, non plus en justifiant la politique culturelle par son importance pour la construction intellectuelle et politique de nos concitoyens, mais par son apport à notre économie ! » (10).

Comme le soulignaient les directeurs du Festival d’Avignon que le rapporteur pour avis a rencontrés, la décentralisation s’est arrêtée en chemin. De petites compagnies ne trouvent ainsi aujourd’hui encore pas de lieux dans le réseaux pour se produire. A l’inverse, certaines régions ont structuré un réseau de petites salles, salles qui restent vides, faute d’informations et de soutien aux compagnies qui pourraient les investir. En deuxième lieu, la décentralisation artistique s’est arrêtée en chemin car certaines singularités artistiques sont encore mal organisées et mal accueillies et il est de plus en plus difficile aujourd’hui d’émerger en tant qu’artiste singulier. Enfin, en troisième lieu, la décentralisation artistique fonctionne moins bien du fait d’une certaine coupure avec les mouvements d’éducation populaire et la politique de la ville.

Les conférences régionales du spectacle vivant, qui vont se mettre en place, seront-elles là pour gérer la disette ou disposeront-elles des outils adéquats pour constituer un nouvel instrument efficace et cohérent au service de l’aménagement culturel du territoire ? On peut malheureusement craindre que la première option, malthusienne, prévale, puisque le ministère indique que « dans un cadre budgétaire à faible évolution, ces réunions (…) permettront de développer une stratégie de choix plus exigeants pour un meilleur soutien à la création, de redessiner une carte clarifiée des labels, régionale, voire interrégionale, plus cohérente pour opérer des regroupements, des mutualisations, voire parfois des suppressions d’institutions ».

A l’inverse, le rapporteur pour avis estime que l’aménagement culturel de notre territoire n’est pas achevé et qu’il conviendrait de réfléchir à son approfondissement, en réelle concertation avec les collectivités. Mais, pour ce faire, le rapporteur plaide ardemment pour la mise en place d’un observatoire rattaché au ministère de la culture, qui serait chargé d’élaborer des outils statistiques en lien avec les structures subventionnées, de recueillir l’ensemble des données existantes et de les analyser objectivement, afin de permettre aux différents acteurs de disposer de chiffres fiables avant de prendre une décision(11).

Il s’agirait alors non pas de gérer la disette, mais de mettre en oeuvre une vision prospective de ce que l’État et les collectivités veulent pour les territoires dont elles ont en partage la gestion et le développement. Comme le soulignait M. Fabrice Thuriot lors de son audition, « il ne s’agirait donc pas d’harmoniser les points de vue des ministères et des collectivités, mais de fixer des objectifs et des procédures communs dans la mesure du possible. Pour cela, il faudrait avant tout qu’une réflexion soit menée nationalement et régionalement sur le rôle et la place de la culture dans la société et les territoires afin de ne pas la faire tendre malgré elle vers une instrumentalisation sociale et politique, que ce soit sur le plan quantitatif pour l’État (les statistiques de fréquentation comme l’alpha et l’oméga de l’apport de la culture à la société) ou en termes d’image pour les collectivités (récupération par les élus des actions menées à l’initiative des professionnels ou même des amateurs avant de devenir parfois professionnels, certes en partie avec des moyens publics mais surtout avec leurs compétences professionnelles et leurs motivations) ».

Dans ce cadre, la création d’un Centre national du spectacle vivant pourrait également permettre, tout en hébergeant l’observatoire du spectacle vivant, d’être le lieu national de rencontre de tous ces acteurs, le lieu de la réflexion prospective, mais également, pourquoi pas, un lieu de redistribution financière, comme le Centre national du cinéma et de l’image animée l’est pour le secteur cinématographique. Le ministère doit approfondir sa réflexion sur ce sujet, sachant qu’existe déjà un Centre national du théâtre (CNT) et une Association de soutien au théâtre privé (ASTP), le rapporteur pour avis étant persuadé que ce type d’établissement public pourrait être le catalyseur du secteur, en regroupant notamment les financements alloués au théâtre public et au théâtre privé et en permettant de mener une réflexion sur la dynamisation des ressources du secteur.

Le rapporteur pour avis estime que le Gouvernement devrait mettre en place un groupe de travail chargé de réfléchir à l’élargissement de la taxe fiscale aux théâtres publics et à la fiscalité du théâtre. Une réflexion s’était déjà engagée en 2005 sur ce thème sans qu’elle ait débouché sur une proposition ferme et crédible.

Parallèlement, les conférences régionales du spectacle vivant pourraient devenir « cette instance partenariale » et « constituer un nouveau point de départ à des actions conjointes entre l’État et les collectivités via éventuellement des fonds communs (par exemple des Fonds d’action culturelle territoriaux –FACT) qui seraient libres d’accès, sans procédures normalisées, pour les acteurs culturels et territoriaux non labellisés ni conventionnés afin que de nouvelles idées et de nouveaux projets puissent émerger ». Le fonds interministériel d’intervention culturelle (FIC) jouait d’ailleurs ce rôle dans les années 70. Mais il faudrait pour cela que seuls l’État et les collectivités participent à ces conférences, les institutions et compagnies ne pouvant être juges et parties.

M. Fabrice Thuriot estime également, et le rapporteur pour avis partage son point de vue, qu’il faudrait « revenir à une logique plus conforme aux besoins du terrain en séparant les crédits d’action culturelle en deux : ceux destinés aux structures labellisées et compagnies conventionnées, qui seraient soit seulement inclus dans le programme " Création " en prolongement de celle-ci, soit clairement identifiés pour ces bénéficiaires au sein du programme " Transmission des savoirs et démocratisation de la culture " pour ne pas encore le vider de son contenu ; et ceux réservés aux autres opérateurs de terrain, associatifs, publics, quelle que soit leur nature culturelle, éducative, socioculturelle, de prévention, sanitaire, sociale… Il serait alors possible de réserver une part pour les structures labellisées et compagnies conventionnées et une autre pour les autres opérateurs » émergents.

C’est d’ailleurs exactement ce qui se passe en Italie dans la région du Latium, la vice-présidente chargée de la culture parlant de « politique de construction d’opportunités ». De même, l’organisme italien chargé de soutenir l’activité du théâtre et de la danse en Italie – l’ETI – procède par appels à projets dans les régions auprès des théâtres, eux-mêmes chargés de détecter les compagnies émergentes. L’ETI finance ensuite l’accompagnement de ces productions. Le théâtre doit trouver 50 % du financement et il peut ensuite bénéficier de 40 000 euros maximum de subvention de l’ETI par projet. Le même type de travail est réalisé sur la danse. Parallèlement, chaque année, l’organisme effectue un recensement de toutes les compagnies qui souhaitent leur faire connaître leurs projets. L’ETI peut ainsi mieux assurer sa mission de promotion de ces compagnies et proposer leur travail aux théâtres. Ce mode de fonctionnement mériterait d’être généralisé dans notre pays.

Enfin, le rapporteur pour avis pense que le ministère devrait également systématiser l’association d’« une structure culturelle, labellisée ou non, une équipe artistique, conventionnée ou non, et un établissement scolaire », en incluant un structure plus proche du monde socioculturel dans le cas de zones concernées par le plan Espoir Banlieues ou par les contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) Ce type de dispositif reprendrait la même « logique partenariale d’accompagnement global » des projets culturels de quartier (PCQ) de la fin des années 1990).

CONCLUSION

Depuis plus de 40 ans, la même antienne parcourt les couloirs de la culture, la même sentence tombe : celle de l’échec de la démocratisation de la culture, sans cesse mise en avant et plus encore aujourd’hui puisque l’argent semble manquer – on a pourtant trouvé trois milliards d’euros pour les restaurateurs.

Or, où qu’il aille, de l’Alsace à la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, en passant par la Bretagne, le rapporteur pour avis constate que les salles sont pleines, ainsi qu’en témoignent les 19 000 abonnés du Grand Théâtre de Provence ou les 12 500 abonnés du Théâtre de Bretagne. Combien de clubs de football de Ligue 1 souhaiteraient en avoir autant ?

Oui, la culture fréquente les grands nombres, même si nous devons encore en développer la fréquentation et ne jamais cesser d’aller vers ceux qui sont éloignés de la culture. Mais ces efforts nécessaires, et à intensifier, ne gomment pas la réalité selon laquelle les Français n’ont jamais été si nombreux à accéder à la culture.

Comment laisser sans réponse l’annonce d’un échec de la démocratisation culturelle lorsque, dans le même temps, les moyens pour agir, pour développer les pratiques artistiques, pour permettre au plus grand nombre d’accéder à la culture sont comptés au point qu’ils sont souvent réduits ?

Comment ne pas voir dans les propositions d’actions du conseil de la création artistique une négation de ce qui, partout en France, se déploie en matière de démocratisation culturelle, au point de penser que ce conseil est atteint d’une forme avancée d’autisme?

Comment ne pas s’étonner de voir les crédits d’« accès à la culture » baisser de 10 millions d’euros lorsque ce conseil est parallèlement doté de 10 millions d’euros ?

C’est pourquoi le rapporteur pour avis demande une évaluation précise et exhaustive des multiples actions menées avec talent partout en France pour démocratiser la culture. Il demande également que les moyens du conseil de la création artistique leur soient alloués, affirmant le principe qu’un tel objectif ne peut être atteint que dans la durée et non pas dans une action de l’instant, fût-elle talentueuse.

Pourquoi ne pas se saisir des dix actions les plus symboliques dans chaque région afin de nourrir la réflexion et l’action du ministère comme des acteurs de la culture sur le terrain ?

Si nous devons porter plus haut le rayonnement de la culture française, comment ne pas mettre en avant, à titre d’exemple, le festival d’Avignon, qui est l’un des plus grands festival de théâtre d’Europe, voire du monde, et qui est pourtant le moins doté en argent public ?

Comment encore ne pas construire sans plus attendre « la Fabrique », projet si nécessaire à l’action et au rayonnement du Festival d’Avignon, plutôt que la Philharmonie à Paris, lorsque l’on sait que la salle Pleyel, vendue hier, puis louée par l’État, redevient propriété de l’État en cours d’année 2009 sans aucune forme d’information des parlementaires digne de ce nom ?

Si le monde de la culture doit apporter à notre pays sa part de rêve, il faut savoir que la réalisation d’un rêve nécessite autre chose que de bonnes paroles !

Voici les interrogations que le rapporteur pour avis veut relayer.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DU MINISTRE

La commission des affaires culturelles et de l’éducation entend, en commission élargie à l’ensemble des députés, M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits 2010 de la mission « Culture », au cours de la séance du mardi 3 novembre 2009 à 17 heures.

M. Didier Migaud, président de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Nos deux commissions sont heureuses d’accueillir M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, dans le cadre d’une commission élargie consacrée à l’examen des crédits de la mission « Culture » ainsi qu’aux comptes spéciaux qui y sont associés.

Tout d’abord, Michèle Tabarot et moi-même saluons le travail de nos rapporteurs – spéciaux de la Commission des finances, pour avis de la Commission des affaires culturelles. La concision à laquelle nous les invitons ne saurait servir d’aune à leur travail. Celui-ci ne se limite pas à présenter les crédits d’une mission, ils ont aussi la charge de la suivre tout au long de l’année dans le cadre du contrôle et de l’évaluation des politiques publiques.

Nous entendrons d’abord les rapporteurs, puis les représentants des groupes. Nous vous demanderons ensuite de répondre, monsieur le ministre, puis les députés qui le souhaitent vous interrogeront.

J’aimerais, quant à moi, vous poser d’emblée deux questions, monsieur le ministre. La première, sur le dispositif « Malraux ». À la suite du rapport d’information de la Commission des finances de juin 2008 sur les niches fiscales, nous avons profondément remanié le dispositif « Malraux » à l’article 84 de la loi de finances initiale pour 2009. Un an après cette réforme, quel en est le bilan ? Combien d’opérations bénéficient du nouveau dispositif ? Et quels sont les montants engagés ? L’instrument est-il adapté à la réhabilitation des secteurs sauvegardés ?

La seconde question porte sur les suites de la mission d’évaluation et de contrôle de la Commission des finances, menée en liaison avec la Commission des affaires culturelles, relative au musée du Louvre. Cette mission a formulé vingt-deux propositions qui portaient, en cercles concentriques, sur le musée du Louvre, la politique des musées, le rôle de la tutelle ainsi que sur des aspects transversaux de la politique de gestion du patrimoine immobilier, artistique ou immatériel de l’État. Les conclusions du rapport remis par MM. Richard Dell’Agnola, Nicolas Perruchot et Marcel Rogemont ont été très consensuelles puisqu’il a été adopté par la Commission des finances, toutes sensibilités politiques confondues. Nous serons attentifs aux suites que le Gouvernement entendra y donner.

Leurs propositions tendaient de façon générale à renforcer l’autonomie des musées pour libérer leurs initiatives. En contrepartie, des mesures d’accompagnement étaient préconisées, en particulier la mise en place d’outils de comptabilité analytique pour mieux connaître les coûts réels et complets des différentes fonctions assumées par les grands musées. Je pense notamment à leurs politiques d’édition et de gestion des fonds photographiques. Il s’agit de faire la clarté sur leurs coûts, comparés à ceux de la Réunion des musées nationaux. Où en est la mise en place de tels outils ?

Mme la présidente Michèle Tabarot. Je suis heureuse d’accueillir à nouveau M. le ministre pour l’entendre aujourd'hui sur les projets dont il nous a parlé lors de son audition au début d’octobre.

Je salue le travail de nos rapporteurs sur des sujets importants. Pour ce qui est de la Commission des affaires culturelles, Marc Bernier s’est penché sur l’accessibilité du patrimoine aux personnes handicapées, sujet qui nous touche tous et auquel le Parlement est particulièrement attentif ; et Marcel Rogemont sur les relations entre le spectacle vivant et les territoires. Il s’est interrogé sur une éventuelle aggravation des disparités entre Paris et les autres régions françaises au cours des dernières années.

Je voudrais, quant à moi, vous signaler notre inquiétude à propos de l’article 52 du PLF sur la décentralisation du patrimoine, que certains de nos collègues voudraient modifier.

M. Richard Dell'Agnola, rapporteur spécial sur les crédits « Création, transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Monsieur le ministre, il s’agit de votre premier budget et je vous remercie de l’accueil que vous avez réservé aux rapporteurs et de votre qualité d’écoute.

Les crédits alloués à la mission « Culture » pour 2010 sont en augmentation de 3,9 %, progression appréciable dans un contexte de restriction budgétaire. Cette hausse profite au programme « Patrimoines » pour lequel un rattrapage était indispensable. Pour les programmes « Création et transmission des savoirs », les crédits sont maintenus à leur niveau antérieur. Le budget 2010 devrait donc permettre de poursuivre les grands projets en cours : le centre des archives, le Musée des civilisations, le réaménagement du Palais de Tokyo et le centre de conservation du patrimoine. Les crédits de la mission seront de 2,9 milliards d'euros en crédits de paiement, soit 110 millions d'euros de plus qu’en 2009.

En ce qui concerne le soutien au spectacle vivant, le ministère a conduit au cours des deux dernières années une réflexion indispensable sur ses modalités. L’État ne pouvait pas augmenter continûment ses dépenses d'intervention sans disposer d’instruments d’analyse et d’évaluation. À cet égard, les Entretiens de Valois ont fait date. Les modalités d’attribution des aides au spectacle vivant comportent encore des imperfections, la clarté des critères de sélection étant insuffisante, tout comme le suivi opéré tant au niveau central que déconcentré. Le conventionnement doit être amélioré. Vous avez demandé, monsieur le ministre, que les redéploiements soient réguliers et relativement importants, entre 5 et 10 %. Comment le ministère va-t-il mener cette opération délicate ?

S’agissant du dialogue entre les acteurs du spectacle vivant en région, quel bilan faites-vous de la première conférence du spectacle vivant qui s’est tenue en septembre en Rhône-Alpes ? Quelles leçons en avez-vous tirées avant de généraliser l’expérience ?

Ma troisième question a trait à la suppression de la caisse des congés spectacles et à la mise en place d'un autre système, plus simple et moins coûteux. Après les travaux de la Cour des comptes et de plusieurs inspections qui ont tour à tour relevé les insuffisances de gestion de la caisse, je me félicite que la réflexion progresse. Je rappelle que 16 millions d’euros n’ont pas pu être versés aux bénéficiaires, faute d’une gestion appropriée. Trois solutions sont envisagées, mais le versement direct des congés par l'employeur, sans passer par un organisme, me paraît séduisant car il allierait simplicité – le nombre de procédures de déclaration passerait de six à cinq – et économie, l’absence de coût de gestion pouvant alors profiter aux salariés eux-mêmes. On rejoindrait alors le droit commun. Cette solution serait certainement la plus simple pour les artistes en réelle situation d'intermittence, pour les petites entreprises du spectacle et pour les structures associatives légères qui sont très nombreuses. Quand le Gouvernement entend-il prendre une décision ?

La question des congés se prolonge par celle de la simplification des déclarations. Les procédures déclaratives dans ce secteur sont nombreuses – six – et la complexité des taux et des assiettes de cotisations saute aux yeux à la lecture d’une feuille de paie. Il serait à l'honneur de ce Gouvernement de simplifier le système en offrant aux petites entreprises ou aux associations du secteur du spectacle un guichet unique, ou en créant pour elles l’équivalent du titre « emploi service entreprises » – le TESE – institué par la loi de modernisation de l'économie.

J’en viens maintenant à la question des postes de conservateurs d'État dans les bibliothèques municipales classées. Les villes évoquent un manque de visibilité sur l'engagement de l'État en faveur de ces bibliothèques. Les postes spécifiques liés à des collections patrimoniales d'État sont préservés, mais le ministère ne pourvoit plus systématiquement aux postes de directeurs-adjoints ou de responsables de départements. Pourtant, il s'agit toujours de structures sous tutelle du ministère, qui portent une part de la politique d'accès au livre. Quelles sont les évolutions envisagées ? Y aurait-il désengagement de l'État ?

Apparemment, l’incertitude règne quant au calendrier d’intégration des écoles d'art dans le cursus européen LMD. Quels seront les établissements publics de coopération culturelle soutenus par l'État en 2010 ? Certaines personnalités auditionnées ont avancé le chiffre de dix seulement en 2010, alors que 57 écoles au total sont concernées par la démarche. Comment l’État accompagnera-t-il la transition ?

Vous évoquez, monsieur le ministre, dans la note que vous avez adressée aux préfets de région au sujet de l'action des DRAC, un renforcement de l'évaluation en tant qu’outil de pilotage fondamental et exigence démocratique. Quels sont les moyens et les critères de l’évaluation des actions retenues par les DRAC ?

S’agissant du soutien au marché de l'art, j’avais posé l’an dernier une question qui reste pendante sur la réforme du droit de suite, nécessaire pour ne pas pénaliser la France, où ce droit est payé au conjoint survivant, par rapport à la Grande-Bretagne où le marché est plus prospère. Des mesures fiscales, de faible ampleur, seraient également de nature à redonner un peu de couleur à notre marché de l’art. Quels sont les projets en la matière ?

Enfin, ma dernière question concerne l’installation de la HADOPI puisque, grâce à l’autorité qui est la vôtre, vous avez permis, après quelques péripéties, l’adoption de cette bonne loi. Quels moyens donnerez-vous à la nouvelle instance ?

M. Nicolas Perruchot, rapporteur spécial pour les crédits du patrimoine. Le projet de loi de finances dote le programme « Patrimoines » de 1,19 milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 1,25 milliard d’euros en crédits de paiement, soit une croissance respective de 13,6 % et 11,1 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2009. Les crédits du patrimoine monumental et archéologique devraient connaître une croissance substantielle : 27,6 % en autorisations d’engagement et 28,3 % en crédits de paiement, atteignant ainsi respectivement 365 et 420 millions d’euros. Cette revalorisation est conforme à l’objectif fixé par le Président de la République de consacrer 400 millions à l’entretien et la restauration des monuments historiques. En 2010, les crédits dévolus à ces actions devraient s’élever en effet à 387,7 millions en CP, plus 14 millions en cours de gestion.

Les crédits du plan de relance de l’économie réservés aux monuments historiques se sont traduits par une ouverture de 100 millions d’euros en autorisations d’engagement en 2009, dont 80 consommés en 2009 et 20 en 2010.

Je m’en tiens là pour la présentation et j’en viens à mes questions.

La première concerne le futur musée de l’histoire de France. Le rapport de Jean-Pierre Rioux a retenu cinq sites susceptibles d’accueillir le nouveau musée : Chaillot, le Grand Palais, les Invalides, Vincennes et Fontainebleau. Le nouveau président de Fontainebleau, récemment nommé, ayant également été chargé du projet scientifique et culturel d’une future maison de l’histoire de France, cela signifie-t-il que le choix de l’implantation a été arrêté ? N’a-t-on pas de fait verrouillé le processus ? Par ailleurs, d’après les informations dont je dispose, les coûts du nouveau musée s’échelonneraient entre 15 et 60 millions d’euros, soit du simple au quadruple selon le site retenu. Pourquoi un tel écart ? Et où Fontainebleau se situe-t-il dans la fourchette ?

Autre projet, le Musée des civilisations d’Europe et de la Méditerranée, le MuCEM, que vous avez jugé, monsieur le ministre, prioritaire. Ce musée a été lancé il y a cinq ans et les travaux n’ont toujours pas débuté. Pourtant, le temps presse puisque ce monument doit être le porte-drapeau de Marseille, capitale européenne de la culture en 2013. Plusieurs associations de riverains ont intenté des recours contre le projet. Où en sont-ils aujourd'hui ? Risquent-ils de retarder encore les travaux ? Et si oui, quelles seraient les conséquences financières ? Par ailleurs, une mission de préfiguration a été créée en mai dernier, préalablement au choix définitif de la structure de gestion. La mission a-t-elle déjà rendu ses premières conclusions ? Si oui, lesquelles ?

Ma troisième question porte sur l’aménagement d’un espace dédié à la création actuelle dans l’aile occidentale du Palais de Tokyo. Il est envisagé de créer un nouvel organisme autonome pour gérer cet espace. Un rattachement au Centre Pompidou, assorti d’une large autonomie pour le nouvel établissement, n’aurait-il pas permis de mutualiser les fonctions d’administration et de support, et de faire des économies ? Et, eu égard à la proximité des collections, d’envisager des coopérations renforcées dans le respect de l’indépendance artistique de chaque établissement ? Pourquoi avoir rejeté une telle solution ? Pour la future structure, une société par actions simplifiée est envisagée ? Quels avantages cette option présenterait-elle par rapport à celle du rattachement ?

Une question aussi sur le patrimoine écrit et documentaire, et surtout sur le grand chantier d’avenir que représente la numérisation et la mise à disposition de ce patrimoine. Il s’agit d’un enjeu de société. Vous avez déclaré, monsieur le ministre, que la numérisation du patrimoine français ne pourrait se faire que « dans une garantie d’indépendance nationale absolue ». Qu’en est-il des projets de bibliothèque numérique Europeana pour l’Union européenne et Gallica pour la BnF ? Et de l’éventuel partenariat avec Google, dont le projet Google Books suscite beaucoup d’inquiétudes et d’interrogations sur le risque monopolistique et sur le respect des droits d’auteur ? Google a numérisé des œuvres épuisées mais protégées, sans l’autorisation des ayants droit. Qu’en est-il de la rémunération des auteurs, des éditeurs et des ayants droit, les contenus numérisés générant des revenus publicitaires ? Enfin, s’il y a une commercialisation des œuvres par Google via un service d’impression à la demande, n’est-ce pas une menace pour l’équilibre économique global de la filière du livre ?

Je partage les interrogations de mes collègues sur l’article 52 du projet de loi. Comme Mme Tabarot, j’aimerais connaître votre avis sur cet article et sur les suites que vous souhaitez y donner.

Je terminerai par un cri d’alarme, monsieur le ministre, pour sauver un grand monument français, qui abrite aujourd'hui Mirabeau, Voltaire, Victor Hugo, Rousseau, Zola, Jean Jaurès, Jean Moulin, l’abbé Grégoire, Alexandre Dumas, André Malraux, Pierre et Marie Curie. Il s’agit bien sûr du Panthéon. Il y a quatre ans, j’avais alerté votre prédécesseur à propos du quadrilatère Richelieu qui dépendait de la BnF à l’époque. Je suis heureux de constater que, cette année, des crédits importants permettront d’engager des travaux devenus indispensables. Inutile, monsieur le ministre, de souligner combien le Panthéon est essentiel pour les Français. Il faut aujourd'hui 100 millions, étalés sur six ans, pour financer les travaux nécessaires et cesser d’exposer les visiteurs à des risques considérables. Il y a urgence. Le plan de relance peut-il servir à rendre toute sa place à un monument essentiel de notre patrimoine, connu dans le monde entier ? À son fronton, il est écrit « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante ». Je souhaiterais pouvoir donner à mon rapport l’épigraphe : « Aux grands ministres, l’Assemblée reconnaissante » (Sourires).

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation pour la création, la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture. Je me réjouis des propos de M. Richard Dell’Agnola, qui a annoncé un budget en augmentation sensible – plus 3,9 %. Toutefois, pour la création, l’augmentation est seulement de 0,31 % et pour la transmission des savoirs de 0,43 %, ce qui me fait penser à la chanson de Jacques Brel, « Le plat pays qui est le mien ».

Tout d’abord, monsieur le ministre, quels moyens en fonctionnement et en intervention ont été alloués au Conseil de la création artistique par votre ministère en 2009 et quels seront-ils pour 2010 ? Combien de personnels du ministère de la culture travaillent pour ce conseil et combien d’années encore l’existence de celui-ci va-t-elle perdurer ? Mon inquiétude est d’autant plus légitime que, par décret, 638 551 euros du programme « Transmission des savoirs » ont été transférés aux services du Premier ministre en vue d’assurer le fonctionnement du conseil : quelle est la raison d’être d’un tel transfert et les crédits du ministère de la culture sont-ils appelés à financer durablement les frais de fonctionnement du conseil ?

N’est-il pas du reste surprenant que vous ayez financé les actions conduites par ce conseil, dont vous assurez la vice-présidence, alors que son délégué général a affirmé qu’en aucun cas le conseil ne serait financé par les crédits du ministère de la Culture ? Ne faudrait-il pas, au point où nous en sommes, transformer cette structure ad hoc en un Fonds d’intervention culturel directement rattaché au ministère – le FIC, dans les années soixante-dix, a connu des heures de gloire puisqu’il a notamment permis la création du Printemps de Bourges. Il serait ainsi plus en prise avec les actions que vous menez au sein du ministère et éviterait à certains de réinventer le fil à couper le beurre ! Il remplacerait alors avantageusement le Fonds de soutien à la création et à la diffusion, créé en 2009 et malheureusement supprimé en 2010, qui était doté de 5 millions d’euros.

Par ailleurs, comment pouvez-vous mettre en place de nouvelles structures dans un cadre budgétaire aussi contraint ? Le projet de la Philharmonie, même financé à hauteur de 45 % par la ville de Paris, ponctionnera les crédits de fonctionnement. Le rapport de la Cour des comptes rappelle que, lorsque entre 2000 et 2008 les crédits du spectacle vivant augmentaient de 18,8 %, ceux des opérateurs nationaux connaissaient une hausse de 42,8 % qui entraînait la baisse mécanique des crédits des autres opérateurs, notamment régionaux.

Comment, de plus, pouvez-vous affirmer que la démocratisation culturelle, ou « la culture sociale », pour reprendre votre expression, représente à vos yeux une priorité alors que les crédits d’action culturelle baissent de 12 % en autorisations d’engagement et de 17,8 % en crédits de paiement ? De plus, l’adjectif « social » n’est-il pas réducteur, laissant à penser que la « culture » serait pour les riches et la « culture sociale » pour les pauvres ?

En ce qui concerne les rapports entre Paris et la province, thème que la Commission a souhaité privilégier de cette année, comment expliquez-vous que les crédits centraux, qui financent aujourd’hui principalement les grandes institutions parisiennes, restent majoritaires au sein du programme « Création » puisqu’ils représentent 57 % du programme contre 44 % des crédits gérés par les DRAC, et ce alors même que la situation ne s’est pas améliorée entre 2007 et 2010 ? Le constat est identique pour les crédits du spectacle vivant du programme « Création ». Aucun rééquilibrage en faveur des institutions ou des compagnies régionales n’est donc perceptible.

De même, si on fait une distinction plus fine entre crédits effectivement dépensés en région – soit les crédits déconcentrés hors Paris auxquels s’ajoutent les crédits centraux affectés en région – et les crédits dépensés pour Paris, la situation est encore pire puisque le taux de dépenses en région passe de 54,72 % en 2002 à 53,43 % en 2009. Comment expliquer de tels chiffres au moment où on parle d’un « rééquilibrage en faveur des régions » ?

Par ailleurs, si les crédits de fonctionnement déconcentrés à destination des équipes artistiques augmentent de 2,5 millions d’euros, nous n’avons reçu aucune explication sur la répartition de cette augmentation – cette hausse est-elle entièrement destinée aux nouvelles équipes ?

Je tiens également à noter la baisse sensible des crédits affectés aux actions en faveur de l’accès à la culture, alors que les politiques territoriales augmentent dans le même temps.

S’agissant du festival d’Avignon, comment expliquez-vous qu’il soit un des moins dotés d’Europe en argent public – crédits d’État et des collectivités territoriales réunis ? C’est pourtant un des plus grands festivals d’Europe, voire du monde, emblématique du rayonnement international de notre culture. De plus, comment expliquer que le projet de « la Fabrique », nécessaire au bon fonctionnement du festival, reste au point mort alors que les crédits sont inscrits au contrat de plan État-région et que les financements sont théoriquement débloqués ?

Monsieur le ministre, vous avez annoncé que la réserve de 5 % des crédits ne serait pas prise sur le programme « Patrimoines ». Est-ce à dire qu’ils le seront sur les programmes « Création » ou « Transmission des savoirs », alors que le Président de la République a déclaré, il y a moins d’un an, à Nîmes, que les crédits affectés à la création ne seraient pas gelés ?

De plus, je n’ai toujours pas la liste, que je vous ai demandée, des compagnies travaillant en région financées par les crédits centraux du ministère de la culture.

Enfin, hormis les théâtres nationaux, qui sont dirigés par trois femmes et deux hommes, il m’a semblé que les dernières nominations dans les centres dramatiques nationaux et dans les centres chorégraphiques nationaux étaient essentiellement masculines. Devrions-nous en tirer la conclusion que la création serait désormais surtout masculine ?

M. Marc Bernier, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation pour les patrimoines. Comme M. Dell’Agnola, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que votre cabinet, de l’accueil que vous nous avez réservé dès votre prise de fonctions.

À la Commission des affaires culturelles, nous avons pour tradition de nous pencher chaque année sur une thématique précise, afin de ne pas reproduire le travail de nos collègues de la Commission des finances mais de faire œuvre de proposition. J’ai retenu cette année pour thème d’étude : « Patrimoines et handicap : état des lieux et perspectives ».

En ce qui concerne le budget général, les 20 millions de ressources extrabudgétaires qui devaient être versés au centre des monuments nationaux en 2009 l’ont-ils bien été ? Si tel n’est pas le cas, pour quelle raison et le seront-ils assez tôt avant la fin de l’année pour être engagés ?

L’article 18 de la loi du 17 février 2009 pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés a modifié les articles 200 et 238 bis du code général des impôts pour permettre aux monuments historiques privés ayant des recettes commerciales supérieures à 60 000 euros par an de bénéficier du dispositif du mécénat dans certaines conditions, ce dont je me réjouis. Savez-vous toutefois quand le ministère des finances publiera les instructions fiscales permettant de donner toute sa portée à cette disposition ?

En ce qui concerne la gratuité dans les musées, quand pensez-vous pouvoir bénéficier d’un bilan qualitatif permettant de mesurer l’effet de cette disposition sur les publics les plus éloignés de la culture ? Les données quantitatives fournies dans les réponses au questionnaire budgétaire sont intéressantes, mais insuffisantes.

S’agissant de l’accès au patrimoine des personnes en situation de handicap, comment évaluer les efforts fournis à ce jour par le ministère de la culture ? Les personnes que j’ai rencontrées paraissent relativement satisfaites de l’action de celui-ci en la matière, du moins par rapport à celle d’autres ministères que je ne nommerai pas. Toutefois, à mi-parcours de la loi de 2005, des zones d’ombre persistent.

Au cours de mes auditions et lors de mes déplacements, de nombreux intervenants m’ont fait part de leur difficulté à trouver un diagnostiqueur familier des enjeux particuliers posés par les bâtiments patrimoniaux et les musées. Or, les diagnostics doivent être révisés au plus tard fin janvier 2010 : comment le ministère compte-t-il pallier cette carence ? Les directions régionales des affaires culturelles ne pourraient-elles pas disposer de listes indicatives de prestataires plus spécialisés dans le secteur du patrimoine, ou une telle disposition serait-elle considérée comme contraire aux règles de la concurrence ?

Le thème de la formation est souvent revenu au cours des auditions. Quelles sont les formations à l’accessibilité, notamment celle des futurs architectes ? C’est un sujet très important puisque cela engage la qualité des constructions futures et des rénovations. Or, j’ai perçu à cet égard de profondes inquiétudes. Des incertitudes demeurent en effet quant au contenu de ces formations, à leur contingent horaire et au nombre de formateurs qualifiés en accessibilité.

Toutes les initiatives développées en faveur de l’accès au patrimoine et, plus largement, de l’accès à la culture pour les personnes en situation de handicap, doivent être mieux coordonnées, plus visibles et plus accessibles, non seulement à l’ensemble de ces personnes mais également aux institutions ou collectivités qui voudraient bénéficier d’un retour d’expérience. Ne pensez-vous pas que, sur le plan local, les liens entre le monde de la culture et du patrimoine et les maisons départementales des personnes handicapées – MDPH – doivent être concrétisés ?

Une des missions premières de ces organismes est de constituer une plateforme informative sur tous les champs du handicap. L’accès à la culture doit faire intégralement partie des missions de la MDPH. Un partenariat, voire la signature d’une convention entre le ministère de la Culture et de la communication et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie ne permettraient-ils pas de donner un cadre à ces collaborations locales ?

S’agissant du financement des projets d’accès aux pratiques culturelles des personnes en situation de handicap, de nombreux intervenants ont regretté que les financements alloués par les DRAC soient noyés au sein des actions en faveur de l’accès à la culture du programme « Transmissions des savoirs » – dont les crédits sont d’ailleurs en baisse. Ne pourrait-on envisager une revalorisation de ces crédits ?

En ce qui concerne le financement de la mise en accessibilité des bâtiments appartenant à l’État, comment expliquez-vous que le Fonds interministériel d'accessibilité des immeubles administratifs aux handicapés – FIAH – ne soit plus actif depuis 2009 alors que les principaux travaux de mise en accessibilité débuteront en 2010 en vue de réaliser les mises aux normes au plus tard pour 2015 ? Il s’agit là d’un paradoxe inexplicable.

Si des crédits budgétaires spécifiques n’étaient pas débloqués pour ces travaux, ne pourrait-on pas imaginer une incitation fiscale pour stimuler le mécénat ? Par exemple en augmentant les plafonds prévus ou en portant le taux de déductibilité à 75 % pour les particuliers et 70 % pour les entreprises.

Monsieur le ministre, je me réjouis de l’excellent niveau du budget alloué au patrimoine pour 2010. Les efforts fournis sont indéniables et les promesses tenues. Souhaitons que ces moyens additionnels permettent dans la durée d’entretenir et de restaurer l’ensemble de nos monuments les plus symboliques, d’autant qu’il s’agit de surmonter un paradoxe : notre patrimoine monumental a été en grande partie construit pour être inaccessible. Le rendre totalement accessible sera un exploit.

M. le président Didier Migaud. Les porte-parole des groupes vont à présent s’exprimer, deux pour chacun des groupes.

Mme Muriel Marland-Militello. Monsieur le ministre, le budget de la mission « Culture » est en progression de 3,9 % par rapport à celui de 2009, qui était déjà en augmentation de 2,6 %. Une telle augmentation est légitime parce qu’elle s’accompagne d’un effort de rationalisation dans l’organisation et dans la dépense en vue d’optimiser chaque euro dépensé au service de la culture dans notre pays. Il en ainsi du regroupement des écoles supérieures d’art ou du spectacle vivant en des pôles de taille pertinente, en vue de contribuer à leur rayonnement culturel et de favoriser l’insertion professionnelle de leurs diplômés, ou de la construction d’un Centre national de conservation du patrimoine pour conserver, restaurer et expertiser en un seul lieu nos œuvres d’art.

Cette hausse budgétaire est également légitime car la politique en faveur des monuments historiques – plus 10,7 %, soit 400 millions d’euros –, permet, tout en réhabilitant notre patrimoine monumental, de développer notre attractivité touristique et de sauver un nombre important d’emplois en soutenant l’activité économique des entreprises de restauration.

Sauver le passé sans négliger l’avenir, c’est bien la raison d’être du programme « Création », qui est en hausse de 0,4 %. La forte proportion des crédits dévolus au spectacle vivant – 86 % – se justifiera d’autant mieux si on mène à bien les réformes nécessaires issues des entretiens de Valois et si on résout les problèmes liés à l’intermittence du spectacle. Même si on peut regretter les traditionnels 7 % dévolus aux arts plastiques, pourtant patrimoine de demain, on doit se réjouir du maintien du palais de Tokyo comme lieu dévolu aux artistes émergents et de celui de manifestations comme Monumenta, consacrées aux artistes confirmés comme Christian Boltanski, sans oublier le plan de relance pour le marché de l’art.

Les deniers publics doivent bénéficier au plus grand nombre, quels que soient la situation sociale et le lieu de résidence. L’importance du programme « Transmission des savoirs et démocratisation culturelle » légitime, en période de budget contraint, ce fort investissement public en hausse de 1,9 % hors personnel.

Plus on agit près des personnes et des territoires, plus la démocratisation culturelle est efficace. À cet égard, la numérisation du patrimoine culturel et de la création sera une des clefs de voûte de la démocratisation culturelle de demain. C’est une excellente chose car il me paraît essentiel d’approfondir encore cet effort pour permettre à tous d’accéder à la culture, notamment aux personnes éloignées de l’offre culturelle pour des raisons sociales, géographiques ou liées au handicap.

Je suis particulièrement sensible au fait que la priorité affichée en faveur de l’éducation artistique et culturelle s’accompagne d’un effort tout particulier envers les résidences d’artistes dans les établissements scolaires comme en faveur de la production et de la diffusion de ressources documentaires, notamment numériques, qui pourront enrichir le portail Histoire des arts.

En tant que présidente du groupe d’études de la vie associative, je salue également la démarche de conventionnement avec des structures associatives en vue de développer les pratiques des amateurs et de favoriser l’accès de tous à la culture. C’est une des clefs de la diversification des publics qui, de ce fait, mérite une place de choix dans la politique culturelle de l’État.

Enfin, la poursuite du rééquilibrage entamé en 2009 en faveur des territoires sera également très bénéfique. Les crédits des DRAC progresseront en fonctionnement et en investissement de 9,7 % en 2010, soit 73 millions d’euros de crédits supplémentaires. Ainsi plus de 35 % des crédits de la mission « Culture » seront gérés au niveau déconcentré par les DRAC. C’est une juste reconnaissance de la qualité du travail réalisé par ces directions.

Le budget de la mission « Culture » pour 2010 est important : il permettra de réaliser une politique culturelle ambitieuse, voire inespérée dans un contexte budgétaire aussi contraint. C’est un signe que la culture est bien une priorité du Président de la République et de la majorité, qui ont compris combien étaient nécessaires à notre société la culture et la démocratisation culturelle.

Monsieur le ministre, quelles sont les retombées concrètes des entretiens de Valois auxquels nous avons accordé l’année dernière une dotation exceptionnelle de 15 millions d’euros ?

À la page 44 du dossier de presse, il est écrit, s’agissant du projet de la Philharmonie de Paris que « le mécanisme de financement devrait reposer majoritairement sur l’emprunt avec le souci d’en optimiser le coût financier ». Alors que cette préoccupation me paraît essentielle, peut-on en savoir plus sur les modalités de cet emprunt, notamment sur les intérêts que l’État est prêt à payer ? Quid du financement de cette opération par le mécénat ?

Où en est-on exactement de l’enseignement obligatoire de l’histoire des arts ? Quels moyens y sont consacrés, notamment en matière de formation des professeurs à ces enseignements nouveaux ? Quelle est, si elle existe, l’articulation avec l’effort financier du ministère de l’Éducation nationale en la matière ?

Enfin, l’action 4 du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » est consacrée aux actions en faveur de l’accès à la culture. Cette dimension est fondamentale car elle vise notamment à réduire les inégalités sociales et territoriales et s’appuie fortement sur le monde associatif et la pratique amateur. Cette question intéresse du reste de très près les 47 pays du Conseil de l’Europe, qui m’a confié un rapport sur ce sujet majeur pour la culture et le dialogue interculturel. Je m’étonne et m’inquiète, monsieur le ministre, de voir que les crédits pour 2010 sont inférieurs de 6 millions d’euros à ceux de 2009 : pouvez-vous m’apporter des garanties sur la politique d’accès à la culture pour tous ?

M. Christian Kert. Je tiens tout d’abord à relever la qualité de l’exposé de M. Rogemont et surtout de sa sémantique : lorsqu’il s’agit d’une pente baissière, c’est une baisse, lorsqu’il s’agit d’une augmentation, c’est un faux plat. Notre ami n’est pas prêt pour le tour de France !

Il y a cinq ans, une mission d’information parlementaire sur les intermittents du spectacle avait permis d’approfondir la réflexion à ce sujet. De votre côté, monsieur le ministre, vous avez rassemblé des informations sur le sujet : envisagez-vous de réformer ou de retoucher le système des intermittents du spectacle, qui est essentiel pour la pérennité de la création française ?

En ce qui concerne les langues régionales, nous avions envisagé qu’une loi compléterait leur entrée dans la Constitution. C’est un sujet complexe qui touche aux identités nationale et régionales. Si un projet de loi n’émane pas du Gouvernement, des députés déposeront sans aucun doute une proposition de loi : monsieur le ministre, quel est votre sentiment sur la question ?

Vous savez aussi bien que nous que le territoire français est parsemé de maisons d’écrivains, dont certaines sont parfaitement entretenues, voire devenues de véritables musées, et d’autres presque à l’état d’abandon. Vous aviez envisagé de créer une route des maisons d’écrivains à travers la France : ce projet est-il toujours d’actualité ?

Il est de bon ton aujourd'hui d’affirmer que si Paris a su être une très grande place d’art contemporain, le marché s’est déplacé vers Londres ou Berlin. Pensez-vous que nous pourrions conduire une action tant au plan national qu’au sein des métropoles régionales en vue d’aider les galeries françaises à retrouver leur place sur le marché international ?

Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier d’avoir reçu M. Richard Martin, directeur du théâtre Toursky à Marseille, et de l’avoir assuré du soutien de l’État dans l’effort culturel qu’il conduit. Quant au MuCEM, pourra-t-il être achevé en 2013, année où cette capitale régionale deviendra capitale européenne de la culture ?

Demain, et pour la première fois en France, toutes les salles de cinéma seront appelées à éteindre leurs enseignes et leurs façades une heure durant, afin d’informer le public de leurs difficultés financières et d’obtenir des pouvoirs publics des aides ciblées. Je vous rappelle que nous possédons le premier parc de salles d’Europe – 2 100 établissements – pour 188 millions d’entrées en 2008 et une fréquentation presque similaire en 2009. Si la situation paraît globalement satisfaisante, les petites et moyennes exploitations voient leur fréquentation chuter de 5 % à 10 %, alors qu’elles sont vitales pour l’animation culturelle des villes. Comme les salles multiplex s’emploient à répondre aux nouvelles exigences techniques et amortissent difficilement ces investissements, certaines sont en difficulté. Or, la situation risque de s’aggraver avec la nouvelle chronologie des médias qui a été adoptée parallèlement à la loi HADOPI, puisque les salles de cinéma sont les seuls diffuseurs à avoir vu leur fenêtre d’exclusivité se réduire.

Nous sommes, comme vous, attachés au réseau des salles de cinéma, qui est si précieux tant pour l’animation culturelle que pour la diffusion du cinéma français. Il nous semble donc aujourd'hui plus que nécessaire de répondre auxinquiétudes qui s’exprimeront demain publiquement. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur vos intentions en la matière ?

Mme Monique Boulestin. Vous êtes un homme du livre, monsieur le ministre, de 1'écrit. Vous connaissez le sens des mots – Des mots pour le dire, pour reprendre un titre célèbre. Mais à voir votre budget, le livre et la lecture sont devenus les parents pauvres de l'action culturelle du gouvernement.

Ainsi la dotation générale de décentralisation stagne-t-elle malgré les besoins des communes en matière d’ouvertures de nouveaux équipements ou de restructurations. Pourtant, l'accès aux mots, aux livres ou aux supports numériques est primordial dans une société en perte de repères, un monde où la communication, faute de mots, recourt aux coups. Seul geste du ministère : un crédit de 200 000 euros pour expérimenter l’extension des horaires d’ouverture d’une dizaine de bibliothèques – et encore l’aide sera-t-elle dégressive sur trois ans. Une véritable politique de lecture publique l’aurait généralisée à l’ensemble des bibliothèques municipales.

Quel dommage de restreindre ainsi l’action du ministère ! Lire et écrire constituent pourtant l'essence de notre rapport au monde. Comme l’a dit Marguerite Duras, « Ecrire, c'est aussi ne pas parler, c'est se taire. C'est hurler sans bruit ». Comment transmettre cet héritage, ces modèles aux jeunes si les bibliothèques ne sont pas soutenues, et alors que l’on constate en outre un vieillissement du lectorat ? Comment aider les plus jeunes à se construire, à comprendre leur histoire personnelle et collective ?

Par ailleurs, l’augmentation de 10 % des moyens destinés aux services déconcentrés de l'Etat, les DRAC, bénéficie surtout aux crédits du patrimoine, et plus particulièrement du patrimoine géré par l'Etat. Or, pour une véritable démocratisation de la culture, les financements croisés de l'Etat et des collectivités doivent rester prioritaires. Le label « Ville d'art et d'histoire » par exemple, décerné aux communes pour leurs actions de conservation du patrimoine et de transmission des savoirs locaux et qui permet de valoriser le patrimoine architectural des régions, accessible à tous, aurait mérité un soutien bien plus affirmé. Si le budget correspondant n’est pas pérennisé, la démarche ne réussira pas.

Enfin, l’ensemble du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » est en stagnation, malgré vos annonces répétées sur l'accès à la culture pour tous. On observe des baisses de crédits dont certaines sont tout à fait justifiables, comme les 4,6 millions alloués à la Cité de l'histoire et de l'immigration pour des travaux désormais achevés, mais dont d’autres concernent des actions décisives.

Ainsi, quelque 4 millions sont retirés du budget des « pratiques amateur », que vous affirmez pourtant indispensables dans un souci de diversification des publics. Ont également disparu 1,5 million pour l’accès à la culture de publics spécifiques – personnes handicapées ou hospitalisées, jeunes sous main de justice –, alors que la transmission culturelle devrait aider chacun à se construire et à devenir autonome et responsable ; et la même somme pour les nouvelles pratiques des jeunes et les nouvelles technologies, alors que des crédits pérennes sont indispensables pour faire émerger ce que vous appelez « la culture de demain ».

Enfin, les politiques spécifiques en faveur du cinéma subissent elles aussi une réduction de 1,5 million. Dans ce secteur, les seules augmentations budgétaires proviennent de taxes diverses – y compris sur le prix des places. Et pourtant, l'acculturation cinématographique du plus grand nombre suppose là encore un effort constant de votre ministère. Comme l’a dit un grand cinéaste disparu, la transmission des savoirs n'est pas dans un seul rêve, mais dans de nombreux rêves d'accès à la culture pour tous.

Mme Valérie Fourneyron. On nous dit et nous répète que ce budget connaît une augmentation de 3,9 % en crédits de paiement, mais la hausse est très sélective : elle bénéficie largement au patrimoine, non aux crédits de création, de soutien aux artistes ou de démocratisation culturelle. Mais les socialistes ont suffisamment dénoncé ces dernières années l’indigence des crédits du patrimoine – et notamment des monuments historiques – pour ne pas saluer l’effort accompli avec ces 92 millions, ajoutés aux 100 millions du plan de relance en 2009.

On peut se réjouir de ce retournement de situation pour le patrimoine bien sûr, mais aussi pour l’emploi et l’ensemble des artisans concernés. En tant que députée de la circonscription qui compte le plus grand nombre de mètres classés par habitant après Paris, j’apprécie qu’un effort soit fait pour les crédits d’entretien des monuments historiques, et pas seulement de restauration. En revanche, l’augmentation bénéficie largement plus aux monuments historiques d’État qu’aux autres, ceux qui relèvent des collectivités locales ou de propriétaires privés. Il faudra voir jusqu’où ira cette logique de défausse sur les collectivités territoriales.

Les budgets des grands établissements nationaux sont reconduits quasiment à l’identique, mais il ne faut pas oublier qu’ils ont perdu beaucoup de crédits au cours de ces dernières années, dont 6 millions en 2009. Cela les a poussés à une recherche de partenariats tous azimuts, qui peuvent soulever des inquiétudes. Je déplore aussi la diminution de 700 000 euros des crédits pour le patrimoine cinématographique et le manque de soutien aux archives départementales ou communales. Enfin, le budget consacré aux Villes d’art et d’histoire est éternellement bloqué à 2 millions malgré l’augmentation du nombre de villes concernées.

Quelques brèves questions et observations pour terminer. À combien l’endettement en crédits de paiement des DRAC, qui était de 885 millions au 1er janvier 2009, s’élèvera-t-il à la fin de l’année ?

Je regrette que le nouveau prélèvement de 1,8 % sur les sommes engagées dans les jeux de cercle – le poker en ligne par exemple – qui devrait rapporter 10 millions soit destiné au Centre des monuments nationaux, au lieu de bénéficier au budget des villes d’art et d’histoire ou aux monuments historiques n’appartenant par à l’État.

Par ailleurs, il faut davantage de crédits pour permettre aux collectivités de mener les études sur les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager.

Enfin, je voudrais que vous nous assuriez qu’il n’y aura pas de gels de crédits pour 2010 et que vous confirmiez le calendrier du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Avant de commencer, je dois vous annoncer que l’on vient d’apprendre la mort de Claude Lévi-Strauss.

Les interventions que nous venons d’entendre sont révélatrices de l’implication des parlementaires dans le domaine de la culture et je voudrais très humblement féliciter les orateurs pour la précision et l’intérêt de leurs propos. Je remarque par ailleurs que de nombreuses questions, outre leur sujet précis, laissent transparaître une angoisse plus fondamentale, sans doute liée aux récentes études concernant l’évolution des pratiques culturelles des Français depuis dix ans.

Peut-être certaines de mes réponses n’atteindront-elles pas le niveau technique que vous pourriez attendre de moi, même si depuis quatre mois je me suis affranchi de quelques timidités. Ce sera le cas à propos de l’évolution du dispositif Malraux, qui a permis de sauvegarder des quartiers entiers mais qui pourrait souffrir du plafonnement de la déduction fiscale en 2009 ainsi que des difficultés économiques actuelles. En effet, l’essentiel des statistiques en ce domaine est encore aux mains du ministère du budget. Je peux à tout le moins vous assurer que je serai très attentif à cette question. Par ailleurs, j’ai l’intention d’entamer rapidement une réflexion sur les secteurs sauvegardés, par lesquels le ministère de la Culture contribue indéniablement à la qualité de notre existence au quotidien. Je rentre ébloui et enchanté de Vézelay, qui illustre bien comment le système des secteurs sauvegardés et des zones protégées permet de conserver des sites admirables au bénéfice de tous les Français.

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis. Rendons hommage aux architectes des bâtiments de France !

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Je suis le premier à leur rendre hommage.

Le Louvre, comme les autres grands établissements de cette sorte, a accompli de nets progrès en matière de comptabilité analytique. Cela va permettre de déterminer plus précisément qu’auparavant la ventilation de ses coûts de fonctionnement, notamment entre ses activités muséales et ses activités annexes – cinéma, lecture et surtout édition. Parallèlement, une réflexion approfondie est en cours pour développer les mutualisations et mieux articuler l’ensemble de ces activités. Ces deux axes de travail nous font percevoir que la rentabilité de certaines activités pourrait être améliorée. Peut-être serait-il souhaitable par exemple que, comme c’est le cas pour le musée Guimet, le très important fonds photographique du Louvre soit désormais géré par la Réunion des musées nationaux, qui accomplit un travail remarquable et qui assure notamment le rôle de principal éditeur pour plusieurs établissements. J’attendrai pour vous donner une réponse plus précise que ce travail soit achevé.

Mme Tabarot a soulevé la question passionnante de la dévolution des monuments d’État aux collectivités territoriales qui souhaitent en développer l’activité ou la rentabilité. L’exemple typique est celui du château du Haut Koenigsbourg, en Alsace, qui a profité de la première vague de dévolutions il y a quelques années. Le résultat est une réussite. Ce château dont on ne savait pas quoi faire est devenu un lieu extrêmement visité, siège de divers expositions, colloques et manifestations.

Le projet de loi de finances prévoit la poursuite de cette politique. J’y suis tout à fait favorable, dans la perspective d’une dynamisation de la vie culturelle locale et de la mise à disposition du public d’un patrimoine remarquable. Il faudra néanmoins garder à l’esprit la nécessité de conserver une présence directe de l’État sur tout le territoire, dans l’hexagone et outre-mer, ainsi que la cohérence de la politique culturelle générale. Parallèlement, il faut mener une réflexion sur l’ensemble de nos monuments. J’ai demandé à la directrice des monuments nationaux de procéder à une évaluation de la façon dont les 96 monuments qui dépendent directement de son administration et les 200 autres sont gérés et mis à la disposition du public, afin d’optimiser leur rentabilité économique et leur impact culturel. C’est un travail très compliqué parce qu’il n’est pas possible d’établir des règles générales pour l’ensemble des monuments – il faut prendre en considération les particularités de chacun – mais qui nous donnera une vision encore plus fine des dévolutions à autoriser ou non. Il ne devrait pas être terminé avant six mois, mais nous disposerons d’un rapport d’étape dans trois mois. À terme de ces travaux, on peut espérer éviter des situations comme la fermeture de la superbe citadelle de Carcassonne à 17 heures en plein mois d’août par exemple.

Donc, madame la présidente Tabarot, oui à la dévolution, voulue par le Gouvernement, oui à l’activation locale lorsqu’elle peut donner à ces monuments et à ces lieux une vie nouvelle pour le bien de tous. Nous devons cependant conserver une réflexion sur le maillage général du territoire français et travailler à l’amélioration de la rentabilité économique et de l’impact culturel de chacun de ces sites et monuments.

Monsieur Dell’Agnola, la caisse des congés spectacles m’a été d’un grand secours pendant des années. J’attache une grande importance au fonctionnement de ce dispositif. Je n’avais pas idée qu’il puisse mal fonctionner. Des questions m’ont fait prendre conscience qu’il présentait peut-être des difficultés. Je ne peux répondre à votre question aujourd’hui. Trois options font l’objet d’une réflexion en cours. Les conclusions ne sont pas encore remises.

Je souhaite profondément que, pour toutes les actions menées par le ministère de la culture et de la communication en matière de spectacle vivant, des instruments d’évaluation puissent être mis en œuvre ; je pense que je rejoins là l’une des préoccupations du président Migaud. Nous disposons au ministère de tels instruments. Les équipes qui les mettent en œuvre sont extrêmement compétentes. Cependant, ils sont strictement comptables et économiques. Des difficultés d’adéquation peuvent exister entre eux et ceux qui nous sont fournis par nos partenaires privilégiés, établissements, théâtres, institutions du spectacle vivant. Un effort reste à faire pour faire mieux converger les critères d’évaluation des uns et des autres. Nous devons expliquer que notre action d’amélioration de l’évaluation est conduite dans un but, non pas de contrôle de l’activité artistique, mais de connaissance économique et de bonne comptabilité. Nous devons arriver à savoir combien de spectateurs sont venus assister à un spectacle ou visiter une exposition, à déterminer exactement pour chaque opération les parts dévolues respectivement à la création et au fonctionnement. Cette démarche suscite parfois de l’inquiétude et la peur de l’intrusion. Nous devons expliquer que notre objectif est simplement d’affiner nos capacités d’intervention, d’accompagnement et de suivi des initiatives.

Vous le savez, les « Entretiens de Valois » avaient conduit à envisager la création d’un observatoire général du fonctionnement du spectacle vivant. La tâche de l’évaluation comptable lui aurait été attribuée.

Je salue le travail remarquable fait au ministère pour la tenue de ces entretiens sur une longue période. Il a permis aux acteurs du spectacle vivant de s’exprimer, notamment sur les points qui leur paraissaient les plus importants pour la poursuite de leur travail et le maintien de sa qualité.

Pour autant, je ne suis pas très favorable à la mise en place de cet observatoire. Je crains que ne soit une nouvelle fois créée une administration supplémentaire qui pourrait s’institutionnaliser. J’en suis intimement persuadé, le ministère de la culture comporte les personnels et les agents capables de procéder à ces analyses. L’observatoire sera donc en quelque sorte interne. Cependant, la volonté qui avait présidé au projet de sa création reste intacte.

Le remarquable travail des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) nous permettra aussi de peaufiner les outils d’évaluation comptables et économiques que je souhaite voir mis en place. Une directive très précise sera rédigée à leur attention dans les prochaines semaines. Je les ai déjà rencontrées. Elles vont, je pense, resserrer et préciser leurs dispositifs d’évaluation. Les DRAC sont en contact permanent avec les acteurs artistiques, notamment ceux du spectacle vivant.

La conférence régionale du spectacle vivant qui s’est tenue en région Rhône-Alpes a été une réussite. J’étais un peu dubitatif sur l’intérêt de telles rencontres. J’avais peur d’un fonctionnement de type bureaucratique. Je me trompais totalement. Pendant cette conférence, tous les acteurs se sont parlé ; ils sont allés au-delà des conclusions des Entretiens de Valois. Un travail remarquable a été conduit pour préciser la façon de décliner, dans une région précise, les préconisations des Entretiens de Valois.

Une autre conférence régionale, dans le Nord, s’est achevée voici quelques jours. Elle semble s’être très bien passée. J’en attends les résultats avec beaucoup d’impatience.

Organiser ce type de manifestation au moins une fois par an dans chaque région, non pas au sein même des DRAC mais entre les DRAC, les collectivités territoriales et les acteurs du spectacle vivant, d’une manière qui ne soit pas trop contraignante, me paraît aujourd’hui éminemment profitable. En prenant connaissance des résultats de la conférence régionale en Rhône-Alpes, j’ai eu le sentiment qu’une vitalité extraordinaire pouvait s’y exprimer, à travers des échanges un peu plus informels et moins solennels qu’au ministère, un peu plus proches de la réalité aussi, faisant surgir une sorte de vie nouvelle de l’existence culturelle.

Je rencontre demain les principaux responsable du marché de l’art. L’inquiétude qui s’était fait jour dans les galeries envers les grandes maisons de vente, comme Sotheby’s et Christie’s, semble s’être apaisée. Vous avez évoqué le Royaume-Uni ; nous avons adopté des dispositions pour permettre aux collectionneurs modestes de bénéficier d’avantages identiques à ceux des collectionneurs importants ; nous allons favoriser la mise en place de collections à leur intention. Je compte aussi insister auprès des sociétés qui achètent des œuvres d’art pour qu’elles les montrent. Les grandes maisons japonaises, on le sait, exposent dans leur siège social, au bénéfice de leurs visiteurs, les œuvres d’art qu’elles achètent. Je regrette que telle ne soit pas toujours la pratique des sociétés françaises. Ce point fera partie de mes entretiens de demain.

Contrairement à l’idée issue d’une sorte d’autodénigrement français, le marché de l’art en France est actif, même s’il fonctionne selon des règles différentes de celles des marchés de l’art américain et anglais. Malgré la crise économique, la dernière édition de la Foire internationale d’art contemporain, cette année, a été une réussite. Que, pour des raisons qui ne relèvent pas du débat d’aujourd’hui, bien des galeristes soient restés assez discrets sur le montant de leurs transactions ne les empêchait pas d’avoir l’air plutôt satisfait.

M. Richard Dell'Agnola, rapporteur spécial. Ma question posait sur le droit de suite. Alors qu’au Royaume-Uni, lors des ventes aux enchères, son application se limite aux droits des artistes vivants, en France, il s’applique aussi aux artistes décédés. Cette règle défavorise le marché de l’art français. Il y a donc là une réforme à opérer en faveur d’un marché qui représente déjà 3 milliards d'euros et est très vivant, mais qui, en matière de vente aux enchères, est pénalisé par rapport au marché britannique.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Pour la résolution de cette difficulté, nous nous heurtons à une directive européenne. Je questionnerai demain matin mes interlocuteurs sur ce point.

Vous m’avez interrogé sur la mise en œuvre du projet de loi HADOPI. Le groupe de travail composé de MM. Patrick Zelnick, Jacques Toubon et Guillaume Cerruti me remettra ses conclusions à la fin du mois. J’espère et je crois que la mise en place du dispositif, qui interviendra alors, aboutira à un véritable élargissement de l’offre légale. Je précise par ailleurs que, depuis le vote de la loi HADOPI 2 et sa validation par le Conseil constitutionnel – en dépit des prévisions de certains esprits chagrins –, la Grande-Bretagne a entrepris d’élaborer des mesures encore plus sévères.

Vous m’avez interrogé sur les conservateurs…

M. Richard Dell'Agnola, rapporteur spécial. Certaines villes observent que des postes de conservateur de bibliothèque ne sont pas pourvus.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. L’effectif des conservateurs de bibliothèque s’est élevé jusqu’à 170. Il va être ramené à 105 environ. Cette réduction ne traduit pas, bien au contraire, à une interrogation sur leur mission. Simplement, les habitudes avaient conduit à une répartition quelque peu anarchique des postes ; la diversité entre bibliothèques était grande. L’action menée consiste à introduire des processus de régularisation dans les attributions de postes et à étendre celles-ci à des bibliothèques qui en manquaient. La réduction des effectifs s’accompagne donc d’un gain en termes d’efficacité et d’une augmentation du nombre de bibliothèques disposant de conservateurs.

Je rappelle que les projets de décrets d’application de la loi HADOPI sont actuellement devant le Conseil d'État, et que la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet est composée de trois magistrats, membres du Conseil d'État, de la Cour des comptes et de la Cour de cassation, de trois personnalités qualifiées nommées par les ministres chargés de l’industrie, des communications électroniques et de la culture, de deux autres nommées l’une par le président du Sénat, l’autre par le président de l’Assemblée nationale, et enfin d’un membre du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique nommé par le président de celui-ci.

Monsieur Perruchot, je suis intimement persuadé de l’intérêt du futur musée d’histoire de France. Mais faut-il l’appeler « musée d’histoire de France » ou « maison d’histoire de France » ? Cette dernière appellation me paraît présenter l’avantage de bien insister sur le caractère vivant de l’institution. Celle-ci comportera à la fois une collection permanente, des expositions temporaires, des colloques, des réunions à caractère de vulgarisation scientifique, une salle de cinéma, un auditorium, bref, l’ensemble des moyens qui lui permettront de donner à ceux qui la visiteront le sens de la vie de l’histoire française et l’idée que sa connaissance est la clé de la vie en commun à l’avenir.

En revanche, l’idée de départ mérite d’être peaufinée. Qu’est-ce que l’histoire de France ? Nous devons vraiment y réfléchir.

M. le président Didier Migaud. Je ne suis pas sûr que nous puissions répondre dès ce soir à cette question…

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Certes, mais je voudrais juste rappeler quelques questions de méthodologie.

Le musée ou la maison de l’histoire de France veut tenir compte à la fois de la perte de la chronologie par les jeunes générations – c’est donc le retour du célèbre manuel de Malet et Isaac – mais aussi du grand souffle de Michelet, ainsi que de l’École des Annales. C’est parce que l’histoire de France n’est pas seulement l’histoire de la monarchie que je suis assez réticent à installer ce musée dans l’un des anciens palais de celle-ci. J’ai peur que la force des lieux ne puisse chaque fois réduire le concept. L’histoire de France, c’est à la fois Clovis, Pasteur, les chemins de fer, l’évolution de l’école, la peur de la Grande Peste…

La nomination de M. Jean-François Hébert pour travailler à la préfiguration de l’institution est incontestable. C’est pour lui un enjeu majeur. Il est l’homme qu’il faut pour cette tâche : the right man in the right place. Plusieurs grands historiens, Pierre Nora, Marc Ferro, Max Gallo, vont travailler sur le concept.

Le site ne sera défini qu’après la réflexion de Jean-François Hébert sur la faisabilité et celle du groupe de travail sur le concept. Contrairement à ce qui est parfois estimé, le projet progresse de façon très satisfaisante. Simplement, nous conduisons une réflexion approfondie. Nous avons pour ce musée l’ambition qu’il passionne les générations futures et, pour réussir, nous devons nous entourer de toutes les réflexions nécessaires.

Des sites ont cependant déjà été présélectionnés ; nous pensons soit à une construction dans un lieu fort du XXIe siècle, par exemple dans le cadre du Grand Paris, soit, éventuellement, à un remodelage du château de Vincennes, site certes marqué par l’histoire de la monarchie, mais au fond assez neutre. Par ailleurs, l’existence d’un moyen de transport pour s’y rendre directement est incontournable.

J’attache une très grande importance au Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, le MUCEM. Je me suis déjà rendu sur les lieux, et j’y retourne prochainement. De même que le musée des Arts premiers évoque les travaux de Claude Lévy-Strauss – pardonnez-moi cette évocation d’un triste moment d’actualité –, l’idée pour un musée implanté à Marseille est celle d’un musée « braudélien », racontant, à l’exemple de Fernand Braudel, l’histoire de la Méditerranée. Le MUCEM a pour atouts une conception architecturale superbe, œuvre du grand architecte Rudy Ricciotti, une volonté politique consensuelle – Marseille est pourtant une ville complexe ; des difficultés avec les riverains sont désormais en cours de règlement ; une dernière décision du tribunal administratif est encore attendue – et une préfiguration, dont est chargé M. Bruno Suzzarelli, en phase avec le bâtiment. Il s’agit de mettre en place une maison de nouvelle génération, comportant à la fois une exposition permanente et des expositions temporaires. Le premier coup de pioche devrait être donné à la fin de l’année. Rien ne permet de penser que le MUCEM n’ouvrira pas à la date prévue.

Pourquoi ne pas rattacher le Musée de Tokyo au centre Georges Pompidou ? Cette option avait un sens dans le cas où la fonction des deux institutions aurait été identique. Mais tel ne sera pas le cas. Le Palais de Tokyo doit pouvoir donner à des créateurs en plein essor le tremplin qui leur manque. L’une des lacunes du marché de l’art en France est que les artistes qui, ayant atteint la quarantaine, se sont déjà fait reconnaître ou méritent d’être reconnus, ne disposent pas du lieu d’exposition qui leur serait nécessaire.

Le rattachement du Palais de Tokyo au Centre Georges Pompidou n’aurait pas permis la mutualisation : les emplois ne sont pas les mêmes. En revanche, il lui aurait fait courir le risque d’être dévoré par Beaubourg et d’en devenir une annexe. Le but recherché n’aurait donc pas été atteint. Le dossier progresse. La préfiguration a été confiée à Olivier Kaeppelin, l’ancien délégué aux arts plastiques.

Pour ce qui concerne la restauration du Panthéon, où le risque d’écroulement de la coupole évoque, en plus grave, le « syndrome du Grand Palais », le chiffre de 100 millions d’euros a été évoqué. J’ai demandé une évaluation pour vérifier ce chiffre. Pour l’heure, 8 millions d’euros de travaux de consolidation ont déjà été engagés. Le transfert au Panthéon des cendres d’une personnalité importante de la société française serait une bonne occasion de faire sentir l’importance de cet élément de notre patrimoine et de notre histoire républicaine. Plusieurs propositions sont actuellement à l’étude, dont je vous réserverai la primeur le moment venu.

La numérisation est l’un des enjeux essentiels du ministère de la culture et de la communication. Nous avons déjà engagé plusieurs opérations de numérisation du patrimoine de certains établissements, comme l’Institut national de l’audiovisuel ou la Bibliothèque nationale – avec le site Gallica. Comme l’a confirmé la directrice de la bibliothèque nationale allemande, qui est aussi l’animatrice de l’opération Europeana, la participation de la France à cette opération est essentielle. Tous les établissements publics sont appelés à numériser tôt ou tard leur patrimoine.

Trois questions se posent : celles de la technique, du financement et du guide – la dernière, qui est peut-être la plus importante des trois, englobant les deux autres. En effet, face à la liberté et à l’enrichissement fantastiques dont nous disposerons dans les années prochaines avec le plus grand musée du monde, la plus grande encyclopédie et la plus grande possibilité de savoir, le problème consistera à savoir comment visiter ce musée et qui en sera le guide. Ce guide répondra-t-il à nos questions et à nos désirs, ou décidera-t-il de ce qui est intéressant ? S’il est gratuit, n’aura-t-il pour autant rien à nous vendre, ou ne demandera-t-il pas de pourboire à la sortie ? Ne risque-t-il pas non plus d’être remplacé par un autre ? Ces questions sont fondamentales et sous-tendent celle du recours à la société Google.

Sans antiaméricanisme primaire – manger des « Mac Do » ou porter des jeans ne me semble pas devoir empêcher de lire Stendhal – et, en raisonnant comme un Américain « libéral », au sens que l’on donne à ce mot outre-Atlantique, je me demande si Google ne tombera pas un jour sous le coup de la législation antitrust. Pour l’heure, je constate que cette entreprise ne respecte pas le droit d’auteur lorsqu’elle numérise les fonds des grandes bibliothèques américaines et met à la disposition du public les ouvrages européens qui s’y trouvent sans payer de droits. Une cascade de procès ont déjà été engagés aux États-Unis et d’autres l’ont été en France. C’est là, je le répète, un enjeu essentiel.

Une réflexion française s’impose sur le sujet, qui touche à notre patrimoine. J’ai du reste été interpellé à ce propos dès mon arrivée au ministère par la direction du patrimoine, à laquelle son directeur, M. Michel Clément, avait donné beaucoup de rayonnement et de force. Je n’ai jamais pensé que les éléments de notre patrimoine écrit ou visuel puissent nous échapper au profit d’un système dans lequel aucune indexation ne nous permettrait de nous y retrouver et de réfléchir comme nous le faisons. Par ailleurs, face au dynamisme fantastique de Google, qui présente chaque jour une initiative nouvelle, une réponse européenne s’impose et est très attendue, notamment en Allemagne. Un comité de travail présidé par Marc Tessier et réunissant Emmanuel Hoog et trois autres personnalités nous permettra de disposer dès le 15 décembre d’une véritable « shocking list » des nombreuses questions qui se posent. On découvre ainsi que les clauses négociées par Google avec des bibliothèques telles que celles de Lyon, de Bavière ou d’Oxford sont secrètes et, même s’il s’agit d’un secret de Polichinelle car on finit toujours par les connaître, cette pratique de Google fait perdre beaucoup de temps et instaure une mauvaise ambiance.

En un mot, donc, la numérisation est un grand sujet, qui concerne nos enfants, notre cadre de vie et notre pratique culturelle, et qui représente des montants considérables, à propos desquels j’ai approché les responsables du « grand emprunt ». Ce sujet sera, je n’en doute pas, examiné avec beaucoup d’attention dans cette enceinte.

Monsieur Rogemont, le Conseil de la création artistique, animé par Marin Karmitz, rassemble des personnalités de très grande qualité, comme M. Laurent Bayle, patron de la Philharmonie. L’agitation qui entoure ce Conseil, pour légitime qu’elle soit, me semble un peu hors de proportion. En 2009, le Conseil de la création artistique a coûté au ministère de la culture moins de 5 millions d’euros. Les 5 millions d’euros qui n’ont pas été dépensés pour 2009 sont ajoutés au fonds des DRAC et, pour 2010, il n’est pas prévu que le ministère de la culture abonde le fonctionnement du Conseil. Un montant de 638 000 euros, prévu pour le fonctionnement du Conseil, devrait rester à la charge du ministère de la culture en 2010, mais je ne désespère pas de parvenir à le glisser dans le budget du Premier ministre ou à l’intégrer dans l’enveloppe de 10 millions, auxquels cas nous n’aurions pas à le payer.

Quant à la finalité du Conseil, je rappelle que cet organisme a jusqu’à présent proposé des initiatives très intéressantes, qui constituent une « boîte à outils » dans laquelle nous trouvons des idées et qui nous permet de fédérer diverses énergies. Pourquoi le ministre de la culture et de la communication se priverait-il de cet organisme qui ne devrait rien coûter au ministère l’an prochain ?

On verra bien comment évoluera le Conseil de la création artistique et s’il doit être pérenne. Étant donné qu’il réunit des acteurs culturels et que ses idées ont vocation à être mises en œuvre en lien avec les institutions du ministère de la culture, je n’ai aucune raison de m’inquiéter, et je dois bien au contraire me féliciter de son existence, fidèle à ma tendance à voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Je trouve intéressant de pouvoir parler avec Marin Karmitz et les membres de ce Conseil, qui m’apportent des propositions.

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles. Je n’ai pas repris tout à l’heure les dix propositions du Conseil de la création, comme celle, assurément très importante, consistant à créer une école de cinéma dans une péniche…

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Songez à l’Atalante, monsieur Rogemont !

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles. Ces dix actions sont déjà mises en œuvre des dizaines de fois dans les régions. Ainsi, l’Opéra de Rennes a monté un opéra qui a été retransmis en extérieur, à Rennes et dans d’autres sites. Je ne comprends donc pas que l’on s’extasie devant ces dix initiatives, alors que l’on pourrait, en lien avec les DRAC et les collectivités locales, faire fructifier celles qui sont prises localement.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Rogemont, je ne m’extasie pas, mais le Conseil m’apporte des idées et je vais les étudier.

Pour ce qui concerne la création d’une philharmonie, nous sommes en désaccord absolu. Il s’agit là en effet de l’un des grands objectifs de notre action, car il est incompréhensible que Paris soit la ville d’Europe qui ne dispose pas d’une telle formation. Bien qu’elle soit superbe, la salle Pleyel ne permet pas les répétitions et elle ne dispose ni de loges proprement dites, ni des ateliers et autres équipements nécessaires à une philharmonie. La Philharmonie de Berlin est admirable, mais, même si l’Allemagne est, dit-on, un pays où la musique est l’autre langage et que la pratique musicale est moins développée en France, le fait que le Grand Paris représente 10 millions d’habitants, contre 3 millions à Berlin, doit compenser cette différence. La création d’une philharmonie permettra d’attirer à Paris les plus grands chefs d’orchestre et de refondre l’organisation des quatre orchestres existants. Ceux-ci sont certes de bonne qualité, mais pas de qualité internationale, selon certains critères – je les trouve, pour ma part, formidables, mais le milieu de la musique est fécond en critiques et en bagarres. Quel pays serions-nous sans une philharmonie digne de ce nom ?

Tout comme je félicite sincèrement et avec beaucoup de plaisir mes collaborateurs, dont j’ai découvert en arrivant au ministère la qualité et le dévouement, je tiens aussi à féliciter M. Laurent Bayle, l’homme qui porte l’idée de la Philharmonie. Ceux d’entre vous qui le connaissent savent qu’il sait concevoir un projet et le modifier au besoin. Il a notamment trouvé la manière de rentabiliser très astucieusement la salle Pleyel. À ce stade du projet, même s’il faut bien sûr aborder toutes les questions et, le cas échéant, adapter nos décisions, nous devons lui accorder notre confiance et le suivre sans hésiter dans ce projet exaltant qui placera Paris au même niveau que Berlin ou Londres.

Quant à la « culture sociale », permettez-moi tout d’abord de préciser, monsieur Rogemont, que le terme « social » n’a pour moi rien de péjoratif, bien au contraire. Il ne s’agit donc pas d’opposer une culture pour les pauvres et une culture pour les riches, mais d’affirmer qu’il existe une culture fédérative, une culture pour tous, qui est en même temps une culture pour chacun. La culture pour tous, c’est celle qui constitue un socle pour nous tous et la culture pour chacun, celle qui fait qu’une dame qui peint, même si elle n’est pas Picasso, se sent valorisée et respectée pour ce qu’elle fait, ou qu’une petite galerie d’art ou les membres d’une harmonie musicale ont le sentiment de participer eux aussi à la vie culturelle générale. En la matière, je tiens à souligner que les capacités d’action du ministère ne sont pas amoindries.

Je ne puis vous suivre lorsque vous affirmez que les crédits d’action culturelle ont diminué : ils ont été déplacés et, s’ils se trouvent dans des tiroirs différents, le montant total reste le même.

M. Patrick Bloche. Dans quels tiroirs ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Je vous ouvrirai tout à l’heure la commode, monsieur Bloche !

La fin des travaux de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration a été évoquée à juste titre et le montant ne figure donc plus dans l’enveloppe générale. Quant à la réserve parlementaire, j’ai toujours un très grand plaisir à la signer.

Pour les équipes artistiques, 1 million d’euros de plus est programmé par les DRAC, auquel s’ajoute 1,5 million correspondant à la déconcentration des subventions consacrées à une vingtaine d’équipes artistiques. Voulez-vous réduire, monsieur Rogemont, les sommes accordées à Stanislas Nordey, à Stéphanie Loïk, à Joël Jouanneau, à Jean-Paul Wenzel ou à Jacques Nichet ? Je ne le pense pas…

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles. Ce n’était pas le sens de ma question !

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Je vous taquinais, monsieur Rogemont ! Nous sommes bien évidemment d’accord et il est inutile de nous attarder sur ce sujet.

Le festival d’Avignon appelle une réponse plus circonstanciée. Selon vous, cette manifestation internationale importante ne bénéficie pas de subventions équivalentes à celles que reçoivent des festivals tels que celui de Salzbourg. Vous considérez également que le festival est très centralisé et que tout se décide à Paris.

Sur le premier point, je rappelle que les autres festivals auxquels vous vous référez sont de plus longue durée que celui d’Avignon et qu’il convient, pour celui-ci, de prendre en compte l’ensemble des subventions publiques qu’il perçoit, d’un montant de 6,5 millions d’euros, et la participation de l’État, de 3,4 millions, soit un total de plus de 10 millions d’euros, à quoi s’ajoute le rôle de levier que joue la participation de l’État. Il s’agit donc là d’un exemple de la bonne gestion que nous appelons de nos vœux.

Quant à l’idée que les décisions se prendraient à Paris, il se trouve en effet que Jean Vilar venait de Paris et que le flux des productions et des informations culturelles passe par Paris. Il ne me semble pas pour autant que le festival d’Avignon soit greffé de l’extérieur sur la ville d’Avignon. On ne peut comparer la capitale que fut Salzbourg avec Avignon, qui n’a été capitale que très peu de temps, au Moyen-Âge.

En matière d’équipements culturels, la Fabrique est souhaitée par l’organisation du festival d’Avignon afin d’assurer des répétitions durant l’année. Le dossier étant cadré et les financements assurés, la Fabrique devrait se construire – mais il manque encore le permis de construire. Par ailleurs, Mme Roig, maire d’Avignon, qui reçoit chaque année le festival avec beaucoup de dévouement et de compétence et mériterait des félicitations pour son travail d’édile, souhaiterait installer une salle plus vaste pour l’opéra d’Avignon. Or la ville et la région sont pauvres et Mme Roig n’a pas les moyens de cette opération. Il me semblerait souhaitable de mutualiser les deux projets : pourquoi créer une salle de 1 500 places et une salle de répétitions, alors que l’on pourrait certainement organiser un roulement permettant à toutes les parties prenantes de s’entendre. Pour l’heure, mes efforts ne sont pas couronnés de succès, mais cette option correspondrait à une saine gestion des deniers publics. Si ce projet était mis en œuvre avec l’attention que je souhaite, personne n’y perdrait en liberté de création, en temps de travail ou en capacité de rayonnement culturel.

Quant à la liste des nominations, elle est ici.

J’en viens au « dégel ».

Il y a trente ans, on lisait déjà qu’un ministre était bon ou mauvais selon qu’il avait ou non été capable de dégeler. Je m’efforcerai donc de « dégeler » le plus possible.

M. le président Didier Migaud. Vous n’échapperez pas au gel : c’est la règle pour tous !

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Dégeler est mon intérêt et mon but. Cependant, à la différence de la banquise, ce dégel ne se fait que par petits morceaux. Nous y travaillerons cette année autant que possible.

Si l’on considère le panorama général, la représentation masculine est écrasante et anormale. Un « centre de veille sexuée », créé dans le cadre du ministère afin d’étudier ce phénomène, a formulé des conclusions très intéressantes et des préconisations qui seraient susceptibles d’améliorer la situation, laquelle est malheureusement liée à certains aspects de la société française. Nous travaillons sur la question, mais je ne puis vous donner de réponse satisfaisante aujourd’hui.

S’agissant de la gratuité, monsieur Bernier, je constate que nombre de personnes ignorent leurs droits – sans doute en raison d’un sérieux problème de communication. Les professeurs peuvent ainsi accéder gratuitement aux musées, mais ils ne le savent pas.

M. Patrick Bloche. Mais si, ils le savent !

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Les chiffres sont pourtant éloquents, monsieur Bloche, comme j’ai pu m’en rendre compte ce matin même avec M. le ministre Luc Chatel.

M. Patrick Bloche. Les professeurs l’ignorent d’autant moins qu’il a été question de les priver de ce droit !

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. En tout cas, ils le conservent.

Par ailleurs, l’une des premières décisions que j’ai prises a consisté à étendre cette gratuité aux étudiants de nationalité étrangère. Sans doute un travail doit-il être mené afin de l’étendre encore davantage ou d’adapter les tarifs.

Quant au handicap, j’ai pu constater par exemple avant-hier combien l’équipement du merveilleux musée Eugène-Boudin d’Honfleur était adéquat ; il en va d’ailleurs de même du musée national du Moyen-Âge de Cluny, à Paris, ou du musée gallo-romain de Lyon où des non-voyants peuvent accéder au mystère de la sculpture et de la peinture. Je précise que l’accessibilité « majeure » – certains monuments ne pourront en effet jamais être modifiés – dans les musées et les lieux de visites est prévue pour 2015. Sans doute, là encore, un travail doit-il être accompli en ce qui concerne l’évolution des techniques de soutiens aux personnes handicapées – je songe, par exemple, à l’inadaptation des normes des fauteuils aux nouveaux appareillages.

M. Marc Bernier, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles. Peut-être me transmettrez-vous des réponses par écrit, monsieur le ministre, mais je m’interroge sur le blocage des 20 millions de ressources extra-budgétaires à destination du Centre des monuments nationaux, ainsi que sur le mécénat.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Outre que je souhaite rénover la perception que nos compatriotes ont des monuments nationaux, je constate qu’un mécénat intelligent procure de la fierté aux salariés d’une entreprise qui y consacre une partie de son budget : loin d’être un échange intéressé de services, le mécénat joue en effet un rôle fondamental dans la transmission culturelle.

Par ailleurs, faut-il enseigner l’histoire « de l’art » ou « des arts » ? Quelle doit être la place de cette discipline au sein de l’enseignement général ? Comment faire comprendre l’enjeu culturel qu’elle représente ? En l’état, il s’agit de transmettre l’histoire des arts à travers les autres enseignements et, notamment, par un système de quotas horaires pour les professeurs de musique, de dessin, de littérature ou d’histoire. En outre, une épreuve obligatoire sera mise en place l’an prochain au brevet, et j’essaie de faire en sorte qu’il en soit de même au baccalauréat – même si nous ne sommes pas prêts du but, pas plus que nous ne le sommes à avoir un corps professoral dédié à l’enseignement de cette matière. Même si je suis angoissé à l’idée qu’il en aille de l’histoire de l’art comme naguère de l’éducation civique, je note avec satisfaction que le corps enseignant, le Président de la République et le ministre de l’éducation nationale sont aussi déterminé que je le suis à ce que l’histoire des arts occupe la place qui lui revient. J’ajoute qu’un tel souci entre de plus en plus dans les mœurs. Nous serons ainsi attentifs au travail de l’inspecteur général chargé de suivre l’évolution des programmes et des différents référents culturels qui seront mis en place mais, également, à celui des DRAC auprès des chefs d’établissement et des professeurs. Cette discipline, in fine, doit pouvoir rapporter des points au baccalauréat.

L’intermittence relevant quant à elle des annexes 8 et 10 de la convention relative à l’indemnisation du chômage, nous avons un peu de temps, Monsieur Kert, avant d’examiner ce problème.

Les langues régionales sont bien vivantes dans notre pays, comme j’ai pu m’en apercevoir récemment en Lorraine, où le platt a beaucoup de succès.

Notre histoire peut se décliner en autant de chapitres qu’il y a de musées, depuis ceux de la préhistoire ou de l’époque gallo-romaine jusqu’aux plus contemporains. Il est d’autant plus important que la Maison ou le Musée de l’histoire de France intègrent également les maisons d’écrivains ou d’hommes illustres que la moitié d’entre elles sont en très mauvais état – que l’on songe, par exemple, à celle de Clemenceau. Une mutualisation s’impose !

J’ajoute que j’ai reçu M. Richard Martin, le directeur du théâtre Toursky de Marseille, au moment où il commençait sa grève de la faim. J’ai d’ailleurs subi des pressions assez fortes de la part de personnes qui ignoraient que le théâtre avait reçu d’importantes subventions de la ville. Son refus de tout conventionnement rendait difficile l’attribution de sommes conséquentes, mais j’ai eu l’occasion de lui faire des propositions qui sont à mon sens tout à fait acceptables et sur lesquelles j’attends qu’il me donne son sentiment. Par ailleurs, il serait semble-t-il d’ores et déjà d’accord pour accepter des conventionnements sur un certain nombre de programmes. Le dialogue est donc bien engagé et je suis certain que nous parviendrons à nous entendre.

Je suis un ardent défenseur des salles de cinéma : non seulement elles sont garantes de la vitalité cinématographique de notre pays mais, comme les kiosques à journaux, mutatis mutandis, elles contribuent à créer du lien social. Les exploitants, qui sont admirables et courageux, ont procédé à des réformes importantes sans pour autant bénéficier d’aides considérables. Les plus petits d’entre eux ont des difficultés, mais nous nous emploierons à les résoudre avec eux. La grève qu’ils « projettent » de faire demain – si vous me permettez la formule – constitue un signal, même si je ne la crois pas tant motivée par la chronologie des médias que par l’accès aux copies. Quoi qu’il en soit, le dialogue est engagé avec Véronique Cayla, présidente du Centre national du cinéma et de l’image animée et, si elle le souhaite, un médiateur sera nommé.

Enfin, un plan de numérisation des salles de cinéma est prévu où exploitants, pouvoirs publics et collectivités participeront au financement de ce dernier même si, ô surprise, les représentants des grands circuits n’en veulent pas !

Madame Boulestin, le livre de Marie Cardinal est en effet cardinal, si j’ose dire. Les Français, hélas, lisent de moins en moins et nous en sommes également inquiets. Comme vous, je suis désespéré à l’idée que des jeunes gens de dix-sept ou dix-huit ans n’aient jamais ouvert un livre. Et ce n’est pas le livre numérique, hélas, qui modifiera la situation. Je souhaite que la politique concernant l’ouverture des bibliothèques – y compris en soirée – soit poursuivie, de la même manière que je souhaite la diffusion d’excellentes émissions littéraires à la télévision.

La transmission du savoir, quant à elle, repose sur un grand nombre d’institutions. Je m’inscris à nouveau en faux contre l’idée selon laquelle il y aurait une réduction globale des crédits quand ils sont simplement redéployés.

Par ailleurs, si le poker peut contribuer au financement des villes d’art et d’histoire, banco !

En outre, l’endettement des DRAC diminue comme en attestent les chiffres dont je dispose.

Mme Fourneyron a raison : la culture est créatrice d’emplois dans des proportions inouïes. Que l’on songe au musée de Bilbao édifié sur des friches industrielles !

Ma mission au service du bien public consiste à promouvoir auprès des Français les activités culturelles et à faire en sorte que cesse l’intimidation sociale qui retient certains de nos compatriotes de fréquenter les expositions, les théâtres ou les librairies.

En outre, c’est en confortant l’ensemble des acteurs culturels que nous ferons aussi reculer le chômage !

Mme Françoise de Panafieu. Nous avons besoin d’un complexe permettant par exemple d’accueillir deux orchestres à la fois mais, également, de promouvoir un projet musical et pédagogique. En l’état, la salle Pleyel ne le permet pas à la différence, donc, de La Villette.

Quoique parisienne, je considère que le ministère de la culture doit veiller à ce que certains grands projets se réalisent en province.

Avec 380 millions de CP, une dotation exemptée de toute procédure de gel et des orientations très précises – 65 % des crédits étant déconcentrés auprès des DRAC et la moitié d’entre eux étant dédiés à des monuments qui n’appartiennent pas à l’État –, le budget de la culture est conséquent en matière patrimoniale. Les propriétaires privés demandent en l’occurrence une participation financière des DRAC mais, celles-ci se montrant réservées quant à l’effectivité de ces crédits, ils sont pris à la gorge. Par ailleurs, ils s’inquiètent de l’intervention des architectes des bâtiments de France en aval seulement des dossiers, les architectes des monuments historiques intervenant quant à eux en amont. Les premiers ne pourraient-ils donc pas être considérés à l’instar des seconds de manière à pouvoir travailler vraiment pour eux ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Je vous remercie pour vos propos sur la Philharmonie, qui rejoignent mon sentiment.

Je pense moi aussi que la Maison de l’histoire de France doit se concevoir dans le cadre d’une très grande mutualisation.

Les propriétaires privés ont mon entier soutien – c’est une de mes idiosyncrasies. Je trouve admirable d’avoir en France des familles qui entretiennent et font visiter des bâtiments dont elles se révèlent être les meilleures gardiennes. L’État serait incapable d’assurer l’entretien d’un patrimoine aussi considérable. Si les propriétaires ne trouvent pas auprès des DRAC des interlocuteurs suffisamment attentifs, vous faites bien de me le signaler car c’est une chose à laquelle j’attache la plus grande importance.

S’agissant des architectes des bâtiments de France, une commission animée par un conseiller d’État, M. Thierry Tuot, a été chargée de remettre sur le métier la question des zones de protection. On y a beaucoup travaillé et on s’y est beaucoup disputé, ce qui est bon signe. Nous disposerons du rapport de cette commission au mois de décembre. Je pense que beaucoup des problèmes que vous évoquez y seront traités.

M. Patrick Bloche. Après les interventions de Marcel Rogemont, Monique Boulestin et Valérie Fourneyron, l’opposition a déjà dit beaucoup de choses.

Comme à l’accoutumée, la conférence ministérielle de présentation du budget – j’étais à la vôtre comme à celle de vos prédécesseurs depuis sept ans – a été dominée par l’autocongratulation. Mais la réalité des chiffres rattrape toujours le ministre en place. En matière de gel de crédits, l’expérience des dernières années nous conduit à nourrir les plus grands doutes quant à l’exécution réelle du budget que vous nous présentez.

Les budgets de la culture sont comme les crus millésimés : il y a les années « patrimoine » et il y a les années « création ». Assurément, 2010 sera une année « patrimoine », bien qu’il s’agisse largement de rattrapage comme on l’a remarqué sur tous les bancs : le plan d’urgence Villepin, qui remonte à 2006 et qui avait permis de mobiliser 140 millions d’euros en deux ans, était une tentative pour mettre fin à la déplorable et coûteuse politique de stop and go en la matière.

Force est de constater que 2010 ne sera pas une année « création ». Avec 0,4 % d’augmentation des crédits affectés au spectacle vivant – soit une baisse de 0,8 % si l’on prend en compte l’inflation prévue –, je vous souhaite bien du courage, monsieur le ministre !

Permettez-moi de rappeler que votre prédécesseur avait reçu du Président de la République une lettre de mission qui déplorait l’échec de la démocratisation culturelle. Or les crédits correspondants connaissent à nouveau une baisse sensible : 10 millions d’euros. Même si l’on met à part la disparition de la subvention allouée à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, les actions en faveur de la démocratisation culturelle bénéficieront de moins de crédits en 2010 qu’en 2009 : baisse de 1,5 million d’euros pour les aides aux publics spécifiques, de 4 millions pour le soutien aux « pratiques amateur », de 1,5 million pour les nouvelles pratiques issues de la révolution numérique.

J’en viens à mes questions.

Quelle est votre réponse à la crise d’identité que traverse le Centre des monuments nationaux ?

Que pensez-vous de la menace de démantèlement qui pèse sur le Laboratoire de recherche des musées de France ?

Que pensez-vous du funeste déménagement de l’Institut national de recherches archéologiques préventives – l’INRAP –, qui montre à quel point l’archéologie est maltraitée dans notre pays depuis sept ans ?

Enfin, pour des raisons démographiques mais aussi budgétaires – le non-remplacement des départs à la retraite –, le nombre des conservateurs du patrimoine connaît une baisse tendancielle qui posera de graves problèmes dans les années à venir.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Je ne vois pas à quoi vous faites allusion lorsque vous évoquez une « crise d’identité » au Centre des monuments nationaux. Il y a un schéma directeur, une administration qui fonctionne, un programme de valorisation culturelle et de rentabilisation économique. Mes visites régulières ne m’ont jamais donné le sentiment d’une crise d’identité.

M. Patrick Bloche. C’est en tout cas celui des personnels. Je perçois beaucoup d’interrogations quant aux perspectives d’avenir.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. C’est donc une différence d’appréciation plus qu’une question.

Par ailleurs, il n’y a aucun « démantèlement » du laboratoire du Louvre. Vous posez toujours vos questions sur un ton polémique…

M. Patrick Bloche. C’est vous qui les entendez de façon polémique !

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Les mots ont un sens. Personne ne songe à un quelconque démantèlement. Il est seulement prévu, à la demande du Louvre, de transférer les réserves – l’espace manque et elles sont exposées au risque d’une crue de la Seine – et d’en mutualiser la conservation avec les réserves d’autres musées. Il faudra donc déplacer le laboratoire qui travaille sur ces œuvres. Après de multiples enquêtes destinées à rendre ce déplacement le moins traumatisant possible, le choix s’est porté sur Cergy-Pontoise, à proximité immédiate du RER.

Certains membres du personnel ne souhaitent pas se déplacer, mais j’ignore dans quelle proportion. Il s’agit d’un problème fréquemment rencontré.

J’y insiste, il n’a jamais été question de démanteler un laboratoire mondialement connu, mais seulement d’améliorer les conditions dans lesquelles il travaille.

Vous savez fort bien, monsieur Bloche, que les décisions prévoyant la délocalisation de l’INRAP sont déjà prises. Vous savez aussi que je suis plutôt partisan du maintien en région parisienne des 150 personnes qui dirigent l’Institut et qui sont, en quelque sorte, au cœur du réseau de plus de 1 500 agents travaillant sur tout le territoire. Il me faut donc agir sur des décisions actées, ce qui n’est pas simple. Contrairement à ce que vous dites, l’INRAP est au centre de mes préoccupations.

M. Patrick Bloche. Pourquoi me faites-vous continuellement des procès d’intention ? J’ai simplement dit que l’archéologie préventive était maltraitée depuis sept ans.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Elle ne l’est certainement pas depuis quatre mois ! Je suis allé sur les chantiers de l’INRAP et je suis en contact permanent avec ses principaux responsables.

Pour ce qui est des conservateurs du patrimoine, je vous ferai parvenir une réponse écrite.

M. Bruno Bourg-Broc. Estimez-vous que le Haut Conseil des musées de France, après quelques années d’existence, ait rempli sa mission ? Envisagez-vous des évolutions ?

Où en est votre réflexion sur l’enseignement des arts du cirque ? Votre budget prévoit-il les moyens nécessaires à la rénovation du Centre national des arts du cirque ? L’administration de votre ministère ne pourrait-elle, en termes de gestion, établir un lien entre les arts du cirque et les arts de la rue, qui sont assez proches.

En ce qui concerne la Maison de l’histoire de France, vous semblez ouvert, comme votre prédécesseur, à l’idée d’un réseau. J’ai proposé la candidature du site de Valmy, hautement symbolique de l’histoire de France.

Enfin, quand nommerez-vous le président de l’établissement public de l’École du Louvre ? La vacance de ce poste depuis le 24 juillet pourrait laisser penser que le ministère se désintéresse de cette institution si prestigieuse.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Le Haut Conseil des musées de France, dont M. Patrick Bloche est un membre assidu et attentif, fonctionne très bien. Je n’ai pas le sentiment que son identité soit remise en cause.

La Maison de l’histoire de France devrait comprendre des lieux de mémoire. Je recueille attentivement les avis de M. Pierre Nora, dont les travaux consacrés à ce sujet forment à eux seul une véritable maison de l’histoire française.

Concernant les arts du cirque, je préférerais vous fournir une réponse écrite. Il y a certainement des recoupements avec les arts de la rue, mais je ne saurais être plus précis. Je constate simplement le déclin du cirque animalier, qui est désormais mal vu. J’ai reçu des lettres très touchantes de gens qui avaient de petits cirques et j’ai pris la mesure de ce que cet art implique comme enseignement et comme transmission de savoir-faire.

Quoi qu’il en soit, M. Jérôme Bouët, ancien directeur de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, prépare un rapport qui aidera à la réflexion sur les nouvelles orientations de l’enseignement du cirque.

La rénovation du Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne est déjà engagée. La filière comprend plusieurs autres écoles : celle de Rosny-sous-Bois, celle d’Annie Fratellini, celle de Saint-Denis.

Enfin, la nomination du président de l’École du Louvre interviendra très vite. Cet établissement, tout comme l’Institut national d’histoire de l’art, est l’objet de toute mon attention.

Mme Marie-Odile Bouillé. Je souhaite revenir sur la démocratisation culturelle.

La baisse du budget de l’action culturelle nous inquiète quelque peu. Ce ne sont pas les quelques heures consacrées à l’histoire des arts à l’école – même si elles sont nécessaires – qui amèneront le plus grand nombre à aller au spectacle, à visiter les musées ou à lire davantage. De la maternelle à l’université, un enfant doit être aussi régulièrement que possible en contact avec les artistes, avec les œuvres contemporaines et avec le patrimoine. Cela suppose des moyens et une volonté ferme. Pour l’instant, tout repose sur le volontariat des équipes pédagogiques et sur celui des communes, départements et régions qui aident au financement de ces actions – sans oublier, bien entendu, le rôle des DRAC. Il reste de grands vides. Pourtant, je suis persuadée que ces actions sont essentielles pour la démocratisation de la culture.

Quels moyens votre budget permettra-t-il d’y consacrer ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. J’ai déjà mentionné plusieurs de ces moyens. Ce qui me semble important, c’est que votre question nous invite à considérer de façon globale un problème qui a trait à l’éducation nationale, à la télévision, à l’Internet, bref, à toutes les portes d’accès au savoir pour un enfant.

Si les enseignements sont obligatoires au collège, ils reposent encore sur le volontariat des enseignants puisque l’on n’a pas créé, faute de moyens, de véritable filière d’enseignement de l’histoire de l’art. Le progrès est néanmoins considérable.

Je n’ai pas véritablement de réponse à vous apporter. Tout ce que je puis dire, c’est que la manière dont vous posez la question est exacte. C’est en travaillant à plusieurs que l’on parviendra à des solutions.

M. Yves Censi. Ma question porte sur les droits d’auteur des photographes.

L’Assemblée vient de connaître un débat important sur le droit à l’image collective. À l’occasion de la discussion du projet de loi relatif à l’ouverture à la concurrence des jeux en ligne, nous nous étions déjà émus des atteintes à la conception française du droit d’auteur lors de certains événements sportifs. Les photographes se trouvent dans une situation particulièrement difficile à cet égard. Des sociétés internationales comme Getty proposent à la presse un accès gratuit à des bases de données alimentées par des photographes anonymes payés à l’heure, le retour étant assuré par des contrats publicitaires. Les photographes professionnels protégés par l’« exception française » sont exclus de ce système. En deux ou trois ans, la possibilité de vivre de cette activité créatrice a quasiment disparu.

Le problème se posant pour bien d’autres professions et dans bien d’autres domaines que celui du sport, ne pourrait-on envisager une réflexion plus globale et plus interministérielle ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Je suis d’autant plus sensible à la situation qu’un membre de ma famille était un grand photographe sportif. Il avait constitué, soixante ans durant, un véritable patrimoine consacré à la formule 1. Or ses photos passent et repassent à la télévision sans qu’aucun droit ne soit versé à ses enfants. Le pillage est généralisé.

La première chose à faire serait de mettre en place un observatoire des droits capable de poursuivre efficacement ceux qui pillent les droits d’auteur.

Il conviendrait aussi de développer un droit de la « photo orpheline », c'est-à-dire des photos sans droits que les agences de presse, les journaux, les documentaristes utilisent à profusion. Si ces photos n’appartiennent à personne, on peut aussi considérer qu’elles appartiennent à tout le monde et qu’il faut dès lors les payer. Les revenus ainsi dégagés pourraient alimenter un fonds permettant de rétribuer les personnes qui ont droit à des droits. Je pense notamment au photojournalisme, activité artistique, culturelle et d’information de première importance, qui est aujourd'hui naufragée.

Au développement des méthodes de diffusion de la photographie correspond un rétrécissement dans le domaine de la presse. Le travail sur ces enjeux en est à ses débuts.

M. Michel Françaix. Nous sommes dans une période charnière. Le ministère de la culture a cinquante ans d’existence et les recettes d’André Malraux ou de Jack Lang ne peuvent plus s’appliquer aujourd'hui.

Je ne parlerai pas de l’éducation artistique, qui devrait être au cœur de votre projet, mais qui, à vous entendre, dépend plus du ministre de l’éducation nationale que de vous-même.

Je ne dirai pas un mot non plus sur la répartition des rôles entre l’État et les collectivités, puisque la réforme des collectivités territoriales nous sera bientôt proposée.

Vous n’avez guère abordé la dimension européenne et internationale de la culture, mais, là encore, cela ne dépend pas que de vous.

En revanche, l’accueil de nouveaux publics dépend de vous. On est parvenu à améliorer certains résultats, mais toujours avec le même public.

C’est un budget très classique que vous nous présentez là, avec, comme tous les ans, une hiérarchie des priorités. Si je vous crois volontiers lorsque vous affirmez votre amour des artistes, j’aimerais que vous donniez des preuves de cet amour. Peut-être nous direz-vous, la mort dans l’âme, ce que vous pensez de l’art vivant ; toujours est-il que l’art vivant ne retrouve pas ses recettes budgétaires.

On ne peut plus se contenter de perpétuer le rayonnement d'une étoile dont le feu déclinerait, faute par exemple d’une vision culturelle dans notre activité diplomatique. On ne peut non plus se satisfaire d'un développement de la culture uniquement par les nouvelles technologies : « Cela est bien mais que valent ces stupéfiantes inventions sans l’enseignement de la langue écrite et sans les livres ? Fournir en écrans à cristaux liquides la plus grande partie de l'humanité relève de l'utopie. Alors ne sommes-nous pas en train de créer une nouvelle élite, de tracer une nouvelle ligne qui divise le monde ? » Quel est l'intellectuel éthique, l'intellectuel esthétique aujourd'hui ? Il est remplacé par un intellectuel médiatique, ce qui pose d’ailleurs la question de la télévision et de son rôle : peut-être la chaîne éducative diffusée par un service public fort que nous appelions de nos vœux serait-elle une des réponses que vous ne trouvez pas à un certain nombre de questions…

En son temps, la gauche a sauvé le réseau de petits libraires et sauvegardé le cinéma français. Aujourd'hui, quelle que soit votre bonne volonté, on ne peut plus se contenter de témoignages, il faut agir, en phase avec notre temps. Je ne veux pas que vous soyez un témoin à votre corps défendant. Je souhaite donc que, dans l'action, nous voyions l'année prochaine les trois ou quatre priorités qui permettraient de sortir d’un certain malaise et de répondre à ceux qui en viennent à se demander : « À quoi sert un ministère de la culture ? ».

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Je vous remercie de votre déclaration. Je ne suis absolument pas vexé. À ce propos, je regrette d’être parfois trop vif, comme je l'ai été tout à l'heure avec M. Bloche, à qui je présente mes excuses. Cela tient à l'importance que j'attache à ce que j'essaie de faire.

Vous n'avez pas vraiment posé de question, si ce n'est en vous demandant de façon implicite si ce ministre, qui a l'air de prendre les choses très à cœur, parviendra à infléchir dans le sens de ses souhaits le fonctionnement de son ministère et son budget de l'année prochaine.

M. Michel Françaix. En cette ère Sarkozy, aurais-je pu ajouter, mais c’eût été polémique…

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Vous aurez remarqué que je me suis contenté d'une présentation générale car je ne souhaitais pas m'engager sur ce terrain, où nous ne nous retrouverions plus.

Quant à votre question implicite, eh bien oui, vous aurez la réponse l’année prochaine…

Mme Martine Martinel. Je veux d'abord louer la présentation de votre budget : vous ne l’avez pas revêtu d’une tenue de camouflage et vous nous avez même réservé quelques surprises. Faut-il ainsi voir dans la diminution des crédits consacrés à HADOPI un revirement salutaire de votre part ? Et faut-il comprendre de la réponse que vous avez faite à certains collègues à propos de l'article 52 que la réforme des collectivités territoriales vous inquiète, voire que vous y êtes hostile ? Pouvons-nous espérer, là aussi, un revirement salutaire sous l'impulsion de votre ministère ?

Enfin, la baisse significative des crédits en faveur de l'accès à la culture est-elle compatible avec le propos que vous avez tenu lors de votre audition, selon lequel « la culture est trop souvent fermée à nos concitoyens du fait de l'intimidation sociale dont elle est aussi porteuse » ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Sur ce dernier point, je n'ai pas la même analyse : les crédits ne diminuent pas, ils sont déployés autrement.

S'agissant de HADOPI, je vous informe que les textes d'application sont au Conseil d'État et qu’ils seront publiés en décembre. Si 5,3 millions d'euros sont prévus en 2010 contre 6,7 millions en 2009, c'est parce qu'il n’y a pas lieu de renouveler les achats de systèmes informatiques auxquels nous avons procédé cette année. Cela étant, je trouve réconfortant de constater que le groupe SRC s’interroge sur la viabilité de HADOPI…

Je ne suis pas inquiet de la réforme des collectivités territoriales et je pense même que je suis parfaitement en phase avec le Gouvernement, qui, respectueux de la démocratie et du Parlement, sera, j'en suis sûr, très attentif à ce qui lui sera suggéré.

Mme Colette Langlade. Lors d'une audition organisée par Marcel Rogemont, Georges-François Hirsch, directeur général de la création et de la diffusion, a évoqué le renforcement de l'éducation artistique et culturelle, ce catalyseur du dialogue qui est une priorité de votre ministère. Il a également parlé d'un schéma, qui serait fonction du terrain, des groupes, des acteurs, des thèmes, du budget, qui répondrait à des règles précises et qui passerait par des contrats d'objectifs et de performance. Comment élaborer ce schéma pour développer la culture au plus près du terrain ? Pourquoi ne pas nourrir la réflexion et l'action de votre ministère de ce que font déjà, dans nos communes, nos départements et nos régions, les acteurs de la culture ?

Enfin, Michel Françaix l’a rappelé, le ministère de la culture célèbre cette année son cinquantenaire. Ne serait-ce pas l'occasion de redonner un sens et un enthousiasme à ce ministère qui fut jadis dynamique, audacieux et conquérant ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Je crois que l'important travail de motivation que nous effectuons auprès des DRAC, dans la logique des entretiens de Valois, répond en grande partie à votre préoccupation, de même d'ailleurs que la poursuite des consultations régionales, les bons résultats obtenus en Rhône-Alpes m’ayant convaincu de leur intérêt.

Quand je me rends chaque jour au ministère de la culture, je n'ai vraiment pas l'impression qu'il a perdu son sens – je ne reprendrai pas mon éloge appuyé des gens qui m'entourent. J'ai tout au contraire le sentiment que ce que nous faisons a du sens et a valeur d’entraînement. Quand je vois le nombre de ceux qui s'adressent au ministère, dans tous les domaines de la création, je ne pense pas que l'on puisse dire que le ministère de la culture a perdu son sens.

J'observe en outre que l'on mythifie souvent le passé. Vous portez une appréciation flatteuse sur le ministère de la culture à l'époque d'André Malraux. Mais on ne saurait oublier que ceux qui s'opposaient alors au général de Gaulle n'y voyaient qu'un gadget, que ses moyens étaient extrêmement limités, que sa légitimité ne se fondait que sur la volonté de deux hommes, le général de Gaulle et André Malraux. Si ce ministère est aujourd'hui regardé comme magnifique, c'est parce qu'il a donné des résultats magnifiques. C'est donc à tort que l'on s'interrogeait alors sur son sens.

M. Patrick Roy. Lorsqu’on parle de culture, il faut faire preuve d'un grand esprit d'ouverture et faire toute la place à la diversité et aux minorités. Depuis le début de cette intéressante réunion, nous avons ainsi parlé du cirque, du festival d’Avignon, de troupe de théâtres, d’art vivant, de philharmonie – pour laquelle j’ai cru comprendre que l'on allait dépenser beaucoup d'argent...

Force est toutefois de constater que des pans entiers du domaine culturel sont totalement rejetés, sans doute parce que ceux qui sont aux commandes n’y sont pas sensibles. Je souhaite donc insister sur le peu de place que l'on réserve au monde du rock, en particulier au métal rock. Il s'agit pourtant d'un domaine musical qui fait preuve d'une grande créativité, qui est même sans doute l'un des plus novateurs dans le monde et en France, et qui compte des virtuoses remarquables comme le guitariste français Stephan Forté.

Ceux qui sont sensibles à cette musique, qui sont quelques centaines de milliers au premier rang et quelques millions au deuxième rang, ont le sentiment d'être totalement incompris par le monde politique, ce qui peut même avoir un effet sur leur engagement citoyen. Nous devons donc leur montrer que nous sommes capables de les écouter car ils rencontrent de nombreuses difficultés.

Ainsi, malgré les efforts de certaines communes, ils ne disposent d'aucun réseau de salles de répétition. Ils ont très peu accès à la diffusion, si ce n’est par la voie de l’Internet – ce qui fait qu’ils ont très mal accueilli la loi HADOPI. Quant aux salles de concert, elles leur sont quasiment fermées.

Je souhaite donc savoir quelle est concrètement la part réservée au métal rock dans ce budget 2010. Si vous me répondez, comme je le crains, qu'il n'y a rien, peut-on espérer dans un avenir très proche, non pas quelque propos lénifiant, mais quelque chose de concret, comme la création d'un groupe de travail ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Je suis nul sur le métal rock : je n’y connais rien ! Si je vous dis que je vais m'en occuper, vous allez croire à une réponse dilatoire… Mais je vais quand même m'en occuper parce que je sais que c'est important et qu’il y a des problèmes de salles de répétition, de salles de concert, de reconnaissance sociale.

Dans les jours qui viennent, je rappellerai aux DRAC qu'il s'agit d'une expression culturelle qui mérite d'être considérée comme les autres.

Il semble que les scènes de musiques actuelles, les SMAC, accueillent les répétitions des formations de métal, mais je ne puis vous en dire plus.

S’agissant des salles de concert, une réflexion est en cours sur les Zéniths, qui vieillissent et que j'entends préserver car la formule était géniale.

Vous le constatez, je n'ai pas grand-chose à vous dire, mais le message été reçu.

Mme Annick Girardin. La représentation de votre ministère est incompréhensiblement insuffisante à Saint-Pierre-et-Miquelon : nous n'avons aucun service déconcentré de la culture alors que le besoin est grand.

L'importance du potentiel culturel de l'archipel mériterait pourtant un minimum d'attention. L’installation d'un conseiller culturel doté de moyens de fonctionnement correspondant à ses missions ou le rattachement de l'archipel à une DRAC métropolitaine, tels sont les principaux voeux qui ressortent des États généraux pour l'outre-mer à Saint-Pierre-et-Miquelon. À ce propos, j'ai été très étonnée de ne pas avoir été invitée, pas plus d'ailleurs que les autres représentants des collectivités d'outre-mer, à la réunion que vous avez organisée hier au ministère pour tirer les conclusions de ces États généraux. J'espère qu'il ne s'agit que d'un oubli d'autant que l'archipel attend toujours une réponse du Président de la République, comme de votre ministère, à ce propos.

Alors que vous annoncez un budget en augmentation, je m'indigne de l’indifférence que votre ministère a manifestée ces dernières années à l'égard de Saint-Pierre-et-Miquelon : les crédits déconcentrés ayant diminué de 85 % entre 2008 et 2010, ils sont aujourd'hui réduits à peau de chagrin pour la création et totalement inexistants pour le patrimoine !

Nous disposons pourtant de sites culturels et historiques uniques en France, qui présentent un intérêt scientifique de premier plan. Ainsi, les fouilles menées sur un site paléo-eskimo ont révélé une richesse archéologique parmi les plus notables de la région. Mais ce site sans équivalent demeure totalement méconnu de la métropole.

Notre patrimoine maritime très important – celui des terre-neuvas et du « grand métier » – n’est pas non plus pris en compte.

La création est également négligée alors qu'elle est abondante à Saint-Pierre-et-Miquelon et l'on peut même craindre la disparition du seul festival de l'archipel, qui regroupe des chanteurs francophones de la région.

Dans ces conditions, l'idée que Saint-Pierre-et-Miquelon serait le vecteur de la culture de langue française en Amérique du Nord relève surtout du slogan.

Allez-vous, dans les mois qui viennent, inverser cette tendance et donner à l'archipel les moyens qui devraient être les siens en matière de développement culturel ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit.

Après avoir reçu hier les parlementaires de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion, j'ai demandé quand nous ferions de même pour Saint-Pierre-et-Miquelon, qui est une de mes préoccupations principales. On m’a répondu que l'on avait organisé deux réunions afin que chacun puisse s'exprimer. J'espère que vous pourrez participer à la prochaine.

J'ai la carte de Saint-Pierre-et-Miquelon dans ma chambre, parce que je rêve d'y aller. Je vais le faire. Cela fait précisément partie des choses dont je veux m'occuper et pour lesquelles j’espère que nous aurons, l'année prochaine, des résultats.

Lorsque j'ai reçu pour la première fois les représentants des DRAC, j'ai vu à quel point celles de l'outre-mer étaient mal traitées. Surtout, j'ai vu que pour Saint-Pierre-et-Miquelon il n'y avait rien !

Mme Annick Girardin. Merci. J'espère qu'il ne s'agit pas d'une annonce semblable à celles qu'ont faites vos prédécesseurs et que j'aurai le plaisir de vous accueillir à Saint-Pierre-et-Miquelon.

M. Jean-Luc Pérat. Plusieurs collègues ont évoqué la place de l'enseignement culturel. Je suis convaincu que l'on ne peut pas « saucissonner » le projet de la culture pour tous, qu'il faut faire des choix de société pour favoriser l'épanouissement culturel de chacun, quel que soit son âge. Peut-être faut-il pour cela créer des passerelles entre les deux ministères concernés.

Élu d'une circonscription à dominante rurale, éloignée des grands centres culturels, je m'inquiète du devenir de l'action culturelle et artistique en direction des élèves, de la maternelle au lycée. Les collectivités de proximité essaient d’intégrer, en étroite collaboration avec l'inspection de l'éducation nationale, des programmes d'interventions de qualité dans les différents champs culturels et artistiques, en prenant en charge des intervenants référencés et agréés afin de permettre à tous d'accéder à des pratiques – car ce sont celles-ci qui, ensuite, motiveront le mieux pour fréquenter les lieux de culture.

L'accès à la culture et à l’art en général est un enjeu majeur du cursus scolaire, dans le cadre d'une formation équilibrée favorisant l'ouverture d'esprit et la critique.

Hélas, les territoires ruraux ressentent de plus en plus fortement la fracture culturelle. Comment entendez-vous traiter ces distorsions dans l’accès à la pratique culturelle, en soutenant concrètement les collectivités territoriales rurales, qui risquent de perdre demain toute possibilité d'intervention ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. L’isolement des territoires ruraux ne s'analyse pas aujourd'hui de la même façon qu'il y a trente ans car il y a désormais la télévision et l'ordinateur. Le développement fulgurant de la pratique par ordinateur permet un véritable désenclavement. Quand le problème des zones d'ombre aura été résolu, et je pense qu'il le sera bientôt, l'accès à la TNT permettra à chacun de recevoir 18 chaînes de télévision, ce qui offrira quand même un certain contact avec une vie culturelle. Je nuancerai donc votre constat, que je partage pour le reste.

Vous parlez de la pratique. Il faut valoriser ceux qui essaient simplement de noter ce qu'ils pensent et de lui donner un sens poétique, de mener une activité culturelle ou artistique personnelle. Comment leur donner le sentiment que la communauté nationale leur en est redevable ? Je l’ignore, mais il vaudrait vraiment la peine d'y réfléchir.

Je ne sais pas non plus comment l'on peut maintenir un maillage culturel dans des zones rurales isolées. Il y a les projets de bibliothèques et de cinémas itinérants. Cet été, un cinéma mobile a été installé à l'occasion du festival du film documentaire de Lussas. Il existe en France trois camions de ce type, qui permettent d'installer un cinéma en une heure. Chacun coûte 450 000 euros. Peut-on en multiplier le nombre ? Peut-être. Ai-je les crédits pour l'instant ? Non. Puis-je trouver des financeurs ou des crédits pour l'année prochaine ? Peut-être.

Quant aux bibliothèques mobiles, elles étaient auparavant plus nombreuses. Je ne suis pas responsable de la diminution de leur nombre. Je souhaite inverser la tendance.

À toutes ces questions, je n'ai pas encore de réponses, mais je suis très désireux de les trouver.

M. le président Didier Migaud. Si la qualité d'un débat ne tient pas toujours à sa durée, je crois néanmoins que celui-ci a été très dense et je vous remercie, monsieur le ministre, pour la précision et pour la franchise de vos réponses. Nous aurons, bien sûr, d'autres occasions d'échanger avec vous.

II.- EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine pour avis les crédits pour 2010 de la mission « Culture » sur le rapport de M. Marc Bernier (programme « Patrimoines ») et de M. Marcel Rogemont, (programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture »).

(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)

Mme la présidente Michèle Tabarot. Nous statuons d’abord sur les crédits de la mission « Culture » avant d’examiner les amendements déposés sur l’article 52.

Contrairement aux conclusions du rapporteur pour avis des crédits des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » et conformément aux conclusions du rapporteur pour avis du programme « Patrimoines », la commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2010 de la mission « Culture ».

Mme la présidente Michèle Tabarot. Nous examinons maintenant les amendements à l’article 52 rattaché à la mission « Culture ».

Article 52 

Ouverture d’une possibilité de dévolution du patrimoine monumental de l’État aux collectivités territoriales volontaires

La Commission examine l’amendement n° 1 AC de M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis.

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à répondre aux interrogations de notre collègue Nicolas Perruchot. Le ministre est d’accord sur tout et il n’est pas inquiet. Ce n’est pas mon cas, la décentralisation de tous les monuments pouvant intervenir à la demande de la collectivité uniquement sur décision du préfet. Il y a là un vrai problème : s’il y a de bons préfets, il y en a d’autres qui sont moins bons et s’il y a de bons élus, il y en a d’autres moins bons, c’est la nature des choses… Cet article 52 mériterait d’être étudié sur le fond par notre commission avant d’être adopté et le bilan de la première vague de décentralisation devrait être fait avant toute nouvelle décision. Il conviendrait également d’interroger le Centre des monuments nationaux, qui risque d’être déstabilisé si on ne lui laisse que les monuments qui ne sont pas rentables. Je préférerais que la discussion soit reportée. C’est pourquoi je propose la suppression de cet article.

M. Marc Bernier, rapporteur pour avis. L’article 52 est l’occasion de se repencher sur le transfert aux collectivités locales de certains éléments du patrimoine monumental. On peut certes considérer que la proposition du Gouvernement aurait pu être précédée de davantage de concertation, comme cela avait été le cas pour l’article 97 de la loi de 2004. Pour autant, faut-il supprimer purement et simplement l’article ? Une approche plus constructive consisterait à travailler sur les conditions dans lesquelles des transferts ont été effectués en application de la loi de 2004 et comment on peut en tirer les conséquences pour des transferts ultérieurs. C’est pourquoi il ne faut pas supprimer l’article 52.

M. Patrick Bloche. Nous soutenons cet amendement. La loi de 2004 était déjà une bombe à retardement. On sait que l’État veut se débarrasser de ses « ruines ». C’est cela la réalité. Et, demain, nos concitoyens viendront nous voir parce que le monument historique, appartenant à l’État, mais situé sur la commune, le canton ou le département, tombe en ruines. Ils nous diront que, du fait de ces nouvelles dispositions, nous pouvons en demander le transfert de propriété pour le restaurer, comment ferons-nous ? Je vous alerte donc avec le sens de l’intérêt général. La loi de 2004 avait mis en place un certain nombre de garanties que l’on ne retrouve pas ici.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Je pense que les amendements qui suivent permettront de trouver une solution de compromis.

La commission rejette l’amendement n° 1 AC.

La Commission examine l’amendement n° 2 AC de M. Gilles d’Ettore.

M. Gilles d’Ettore. Cet amendement vise à rouvrir le délai prévu à l’alinéa 2 du I de l’article 97 de la loi du 13 août 2004 afin que les collectivités puissent à nouveau faire acte de candidature. Par ailleurs, M. Bloche, des ruines peuvent parfois être restaurées par les collectivités, et non par l’État. À l’inverse, il faut effectivement éviter que l’État ne se débarrasse de monuments rentables, qui permettent la péréquation.

M. Frédéric Reiss. On a parlé du château du Haut Koenigsbourg. Le Conseil général du Bas-Rhin a effectivement pris sa décision en connaissance de cause : c’est un des monuments les plus visités de France. Ce n’est donc pas un cadeau empoisonné pour le Conseil général, bien au contraire.

M. Patrick Roy. Le château du Haut Koenigsbourg est effectivement une bonne affaire pour la collectivité territoriale destinataire du transfert. Mais si l’État se débarrasse de ses ruines et que les collectivités n’ont pas les moyens de les restaurer, quelle réponse fournira-t-on ?

Mme la présidente Michèle Tabarot. L’État ne se « débarrasse » pas des monuments, ce sont les collectivités qui formulent une demande de transfert de propriété.

M. Bernard Debré. Effectivement, l’argumentaire de M. Bloche est étrange. Il n’y a aucune obligation pour la collectivité de récupérer le bien et, par ailleurs, si le bien tombe en ruines, on peut également se retourner vers l’État. Le plus difficile sera, pour l’État, de faire un choix parmi les demandes des collectivités, notamment si elles demandent des monuments rentables. Il n’y a donc aucun risque pour les collectivités.

M. Patrick Bloche. J’explique simplement qu’il s’agit d’un cadeau empoisonné. Bien sûr, la collectivité peut refuser ce cadeau. Certes, mais restera la pression de nos concitoyens qui acceptent difficilement que les monuments auxquels ils tiennent soient mal entretenus. Et c’est bien parce que les crédits du patrimoine n’ont pas été à la hauteur depuis vingt ou vingt-cinq ans que les monuments sont en mauvais état.

M. Marc Bernier, rapporteur pour avis. L’intérêt de cet amendement est de faire revivre la possibilité de transfert qui avait été ouverte par l’article 97 de la loi de 2004 avec une liste limitative de monuments établie par la commission Rémond. Le délai d’option ouvert aux collectivités locales souhaitant se voir transférer un monument serait rouvert pour un an, après avoir été clos le 31 décembre 2008. L’esprit de cet amendement est de se donner du temps avant de basculer dans un dispositif de transfert portant potentiellement sur l’ensemble des monuments. Est-ce la meilleure voie à suivre ? D’un côté, cela permet de redonner la possibilité aux collectivités locales d’envisager des transferts de monuments. D’un autre côté, si les demandes de transfert n’ont pas été faites au 31 décembre 2008, il y a peu de chances que des demandes émergent soudainement. Par ailleurs, le délai d’un an prévu pour la réouverture est peut-être un peu court pour que des projets de transfert soient validés au sein des éventuelles collectivités locales demandeuses. Ne vaut-il pas mieux s’inscrire dans le cadre de l’article 52 tel que proposé par le gouvernement et inscrire des garde-fous – par exemple l’avis conforme du ministre de la culture ? Je demanderai donc à M. d’Ettore de bien vouloir retirer son amendement.

L’amendement n° 2 AC est retiré.

La Commission examine ensuite conjointement les amendements identiques n° 3 AC de M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis, et n° 4 AC de M. Gilles d’Ettore, ainsi que l’amendement n° 5 AC de Mme Muriel Marland-Militello.

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis. L’amendement n° 3AC est bien sûr un amendement de repli. Je partage les propos de Patrick Bloche. Il faut des garde-fous, afin notamment de ne pas déstabiliser le Centre des monuments nationaux, ce à quoi on aboutirait en décentralisant les seuls monuments rentables. Le préfet ne doit pas être le seul à décider de l’opportunité du transfert. Le ministre de la culture, ministre compétent car il est en charge du patrimoine, doit donner un avis conforme avant tout transfert.

M. Gilles d’Ettore. Il y a contradiction entre les propos de M. Bloche et ceux de M. Rogemont. Je suis d’ailleurs plutôt d’accord avec M. Rogemont. Si les collectivités veulent récupérer des ruines et les faire revivre, c’est une très bonne initiative. Par contre, il convient d’être attentif à ne pas bouleverser la péréquation instaurée au sein du Centre des monuments nationaux : en effet, pour six monuments rentables gérés par l’établissement public, quatre-vingt dix sont déficitaires… Le ministre pourra, grâce à l’amendement, protéger cette péréquation.

Mme Muriel Marland-Militello. Je rappellerai à mes collègues que le préfet représente l’ensemble du Gouvernement dans les régions et donc l’ensemble des ministres. Je suis favorable à l’article 52 car il ouvre un peu plus les possibilités de transfert aux collectivités. Je proposerai, conjointement à cet amendement, un amendement précisant que le transfert doit se faire dans le respect des qualités artistiques et historiques du monument. Un avis simple du ministre compétent suffit. On voit mal comment un préfet prendrait une décision contraire à celle d’un ministre ! Par ailleurs, les représentants du Centre des monuments nationaux ne sont pas forcément meilleurs que les autres et les préfets ne sont pas libres, comme le sous-entendent certains de nos collègues, mais soumis à des contraintes précises.

M. Marc Bernier, rapporteur pour avis. Les amendements s’inscrivent dans le cadre proposé par le Gouvernement dans l’article 52, que l’on peut schématiser ainsi : pas de liste préétablie de monuments transférables – à l’inverse de l’article 97 de la loi de 2004 ; initiative de la collectivité locale qui doit être validée par le représentant de l’État. Le texte de l’article 52 se caractérise par l’absence d’intervention de l’échelon administratif central directement concerné, à savoir le ministre de la culture. Cela peut se comprendre dans une pure logique de décentralisation – ou de « dévolution » ainsi que l’indique l’intitulé de l’article 52 – mais il se trouve que les biens en cause ont par définition un intérêt national puisqu’ils sont dans le patrimoine de l’État. Les préfets sont effectivement bien placés pour apprécier le caractère éventuellement relatif de cet intérêt national et ils sont garants des intérêts de l’État, mais il apparaît évident que le ministre doit pouvoir garder un œil sur les transferts qui se profilent.

C’est pourquoi, si l’on accepte de suivre la logique de l’article 52, un avis préalable du ministre doit être prévu. Faut-il que cet avis soit « conforme » ? C’est ce qui garantit au mieux l’intérêt de l’État et cela ne porte atteinte en rien aux principes de la décentralisation. C’est ce que proposent les amendements de M. d’Ettore et de M. Rogemont. L’amendement de Mme Marland-Militello propose un avis simple, qui ne lierait pas le préfet. En apparence, il est moins protecteur des intérêts de l’État, mais on imagine mal qu’un préfet passe outre un avis négatif du ministre… En termes d’affichage pour les défenseurs du patrimoine monumental national, ce dispositif apparaît néanmoins plus faible que la procédure de l’avis conforme. C’est pourquoi je suis favorable aux amendements n° 3 AC et 4 AC et défavorable à l’amendement n° 5 AC.

La commission adopte les amendements identiques n° 3 AC et 4 AC. En conséquence, l’amendement n° 5 AC devient sans objet.

La commission examine ensuite l’amendement n° 6 AC de Mme Muriel Marland-Militello.

Mme Muriel Marland-Militello. Pour donner plus de liberté d'action aux collectivités tout en respectant le patrimoine transféré, il paraît fondamental de prévoir que sa réutilisation éventuelle doive se faire dans des conditions respectueuses de son histoire et de son intérêt artistique et architectural.

M. Marc Bernier, rapporteur pour avis. Cet amendement introduit la notion de réutilisation des monuments transférés tout en apportant des garanties sur les conditions de cette réutilisation : il conviendra de respecter leur histoire et leur intérêt artistique et architectural. J’y suis favorable.

La commission adopte l’amendement n° 6 AC.

La commission examine ensuite l’amendement n° 7 AC de M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis.

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis. Cet amendement va dans le sens d’un meilleur contrôle de l’utilisation du monument après dévolution. Il convient de pouvoir vérifier que la collectivité n’a pas détourné les objectifs inscrits dans la convention de transfert. Le présent amendement précise dont qu’à l’issue d’une période de sept ans, la collectivité ou le groupement de collectivités bénéficiaires du transfert transmet un rapport au ministre de la culture détaillant la mise en œuvre du projet de conservation et de mise en valeur du monument depuis son transfert. À défaut de transmission de ce document, ou si le bilan de la mise en œuvre s’avère insuffisant, le ministère de la culture peut demander la résiliation de la convention de transfert.

M. Marc Bernier, rapporteur pour avis. Il s’agit effectivement d’une disposition utile. J’y suis favorable.

La commission adopte l’amendement n° 7 AC.

La commission donne ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 52 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 52

Rapport au Parlement sur la décentralisation du patrimoine protégé

La commission examine l’amendement n° 8 AC de Mme Muriel Marland-Militello.

Mme Muriel Marland-Militello. Dans l'esprit du renforcement des pouvoirs du Parlement et pour lui permettre d'effectuer convenablement sa mission d'évaluation des politiques publiques, le présent amendement prévoit un rapport annuel sur l'application de l’article 97 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

M. Marc Bernier, rapporteur pour avis. Cet amendement prévoit un rapport au Parlement chaque année sur l’application du dispositif de transfert. Le principe paraît utile pour l’information du Parlement. La périodicité peut être discutée : une fois par an, n’est-ce pas trop fréquent par rapport au nombre et au rythme des opérations de transfert envisageables ? Je vous propose donc de sous-amender votre amendement afin de prévoir une périodicité de deux ans, si vous en êtes d’accord.

La commission adopte l’amendement n° 8 AC, ainsi sous-amendé.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Article 52

Amendement n° 1 AC présenté par M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis

Supprimer cet article.

Article 52

Amendement n° 2 AC présenté par M. Gilles d’Ettore

Les dispositions prévues à l’article 52 sont remplacées par les dispositions suivantes :

« Le délai prévu à l’alinéa 2 du I de l’article 97 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales est réouvert à compter de la publication de la présente loi au journal officiel pour une durée de 12 mois ».

Article 52

Amendements n° 3 AC présenté par M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis, et n° 4 AC présenté par M. Gilles d’Ettore

I. Après l’alinéa 2, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« a) au début du paragraphe, sont insérés les mots suivants :

« Après avis conforme du ministre de la culture et de la communication, ». »

II. En conséquence, modifier la numérotation des alinéas 3 à 7.

Article 52

Amendement n° 5 AC présenté par Mme Muriel Marland-Militello

Au début de l’alinéa 12, insérer les mots suivants :

« Après avis du ministre en charge des monuments historiques et, le cas échéant, du ministre affectataire de l’immeuble ou de l’objet concerné, »

Article 52

Amendement n° 6 AC présenté par Mme Muriel Marland-Militello

Après l’alinéa 12 insérer l’alinéa suivant :

« Dans la première phrase du II, après les mots : « conservation du monument », sont insérés les mots : « , sa réutilisation éventuelle dans des conditions respectueuses de son histoire et de son intérêt artistique et architectural ». »

Article 52

Amendement n° 7 AC présenté par M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis

Après l’alinéa 13, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 4 bis À l’issue d’une période de sept ans, la collectivité ou le groupement de collectivités bénéficiaires du transfert transmet un rapport au ministre de la culture détaillant la mise en œuvre du projet de conservation et de mise en valeur du monument depuis son transfert. A défaut de transmission de ce document, ou si le bilan de la mise en œuvre s’avère insuffisant et non conforme aux clauses prévues dans la convention de transfert, le ministère de la culture peut demander la résiliation de cette convention. »

Article additionnel

Amendement n° 8 AC présenté par Mme Muriel Marland-Militello

Après l’article 52, insérer l’article suivant :

« Le Gouvernement transmet chaque année aux commissions compétentes du Parlement un rapport établissant un bilan et une évaluation de application de l’article 97 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, et notamment un suivi des conventions de transfert signées en application de ces dispositions.

« Ce rapport retrace également, région par région, l’évolution des moyens alloués par l’Etat en faveur de l’entretien et de la restauration des monuments classés ou inscrits au titre des monuments historiques dont il n’est pas propriétaire, ainsi que des engagements en cours et des opérations réalisées et programmées. »

ANNEXES

ANNEXE 1

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Cité de la musique - salle Pleyel – M. Laurent Bayle, directeur général

Ø Centre de recherche sur la décentralisation territoriale de l’université de Reims – M. Fabrice Thuriot, chercheur

Ø Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) – M. Jacques Fansten, président, M. Pascal Rogard, directeur général, et M. Guillaume Prieur, directeur des relations institutionnelles

Ø Institut d’études politiques de Grenoble – M. Jean-Paul Bozonnet, maître de conférence en sociologie

Ø Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (SYNDEAC) – M. François Le Pillouër, président, et Mme Irène Basilis, directrice

Ø Ministère de la culture – M. Georges-François Hirsch, directeur de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles (DMDTS), et Mme Olivia Bozzoni-Fringant, conseillère « spectacle vivant » au cabinet

Ø Présidence de la République – M. Eric Garandeau, conseiller « Culture » au cabinet

 Déplacement du 23 au 25 septembre 2009 à Rome

Ø Accademia Filarmonica Romana – M. Andrea Posi, assistant du président

Ø Accademia Nazionale di Santa Cecilia – Prof. Bruno Cagli, président

Ø Fondation Musica per Roma – Prof. Gianni Borgna, président

Ø Ente Nazionale di Previdenza e di Assistenza per i Lavoratori dello Spettacolo (ENPALS) – M. Massimo Antichi, directeur général

Ø Direction générale des spectacles du ministère des biens et activités culturels – M. Enrico Graziano, directeur du service des activités musicales et du chant lyrique, M. Massimo Baraldi, directeur du service des activités théâtrales, et Mme Nerea Colonnetti, directrice du service des activités du cirque et du spectacle itinérant

Ø Région du Latium – Mme Giulia Rodano, assesseur à la culture de la région, M. Enzo Ciarravano, directeur régional de la culture de la région, et Mme Rita Turchetti

Ø Ente Teatrale Italiano (ETI) – M. Ninni Cutaia, directeur général, Mme Donatella Ferrante, responsable des relations extérieures,et M. Salvatore Arico, directeur du Teatro Valle

Ø Ambassade de France en Italie – M. Jean-Marc de La Sablière, ambassadeur, M. Jean-Marc Séré-Charlet, conseiller de coopération et d’action culturelle, Mme Sandrine Mini, attachée culturelle, et Mme Eléonore Assante di Panzillo, volontaire internationale, historienne d’art

● Déplacement les 5 et 6 octobre 2009 à Marseille et Aix-en-Provence

Ø Marseille-Provence 2013 – Mme Marie Pierre de Surville, directrice générale adjointe

Ø 3 bis F– Mme Sylvie Gerbault, directrice

Ø Le Pavillon noir – Mme Nicole Saïd, directrice administrative

Ø Grand Théâtre de Provence – M. Dominique Bluzet, directeur, et Mme Ariane Grousse, secrétaire générale

Ø La Criée – M. Alexandre Madelin, administrateur

Ø Centre dramatique national de Nice – M. Claude Becker, administrateur

Ø La Passerelle – M. Pierre-André Reiso, directeur

Ø Théâtre des Salins – Mme Annette Breuil, directrice

Ø Théâtre du Merlan – Mme Nathalie Marteau, directrice

Ø Compagnie Parnas – Mme Catherine Marnas, directrice

Ø Ballet National de Marseille – M. Bernard Degrotte, secrétaire général

Ø Compagnie Kéléménis – M. Patrice Poyet, chargé de mission

Ø Musicatreize – M. Roland Hayrabedian, directeur

Ø Centre national de création musicale GMEM – M. Raphaël de Vivo, directeur

Ø Orchestre lyrique de région Avignon Provence (OLRAP) – M. Philippe Grison, délégué général

Ø Festival Marsatac – M. Dro Kilndjian, directeur artistique

Ø Festival d’Avignon – Mme Hortense Archambault et M. Vincent Baudriller, directeurs

Ø Direction régionale des affaires culturelles de Provence-Alpes-Côte d’Azur – M. François Brouat, directeur, M. Marc Ceccaldi, directeur adjoint, Mme Katell Pouëssel, conseillère théâtre, arts de la rue et arts du cirque, et M. Francis Barascou, conseiller musique et danse

 Déplacement le 9 octobre 2009 à Rennes

Ø Direction régionale des affaires culturelles de Bretagne – M. Jean-Yves Le Corre, directeur, M. Jean-Luc Guinement, directeur adjoint, et M. Jean-Loup Lecoq, adjoint au directeur

Ø Le Triangle – M. Charles Edouard Fichet, directeur

Ø Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne (CCNRB) –Mme Sandra Neuveut, secrétaire générale

ANNEXE 2

MEMBRES DU CONSEIL DE LA CRÉATION ARTISTIQUE

Ø M. Henri Atlan, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales et directeur du centre de recherche en biologie humaine à l’hôpital Hadassah de Jérusalem

Ø M. Laurent Bayle, directeur général de la Cité de la musique

Ø M. Jacques Blanc, directeur de la Scène nationale de Brest

Ø M. Hervé Chabalier, créateur et président-directeur général de l’agence Capa

Ø M. Emmanuel Ethis, professeur en sciences de l’information et de la communication, président de l’université d’Avignon

Ø M. Vincent Frerebeau, fondateur du label indépendant « Tôt ou tard »

Ø M. Dominique Hervieu, directrice du Théâtre national de Chaillot

Ø M. Emmanuel Hoog, président-directeur général de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et président de la Maison de la poésie

Ø M. Laurent Le Bon, directeur du projet Centre Pompidou-Metz

Ø M. Olivier Meyer, directeur du théâtre de l’Ouest parisien et du théâtre de Suresnes Jean Vilar, directeur du festival Suresnes cités danse

Ø M. Jean Vinet, directeur du Centre des arts du cirque de Basse-Normandie

ANNEXE 3

LISTE DES OPÉRATIONS FINANCÉES POUR LE COMPTE DU CONSEIL DE LA CRÉATION ARTISTIQUE EN 2009

(source : ministère de la culture et de la communication)

Il convient de rappeler que le conseil de la création artistique participe à hauteur d’environ un tiers au budget global des projets qu’il développe, afin de servir de levier à des actions innovantes. Chaque projet bénéficie donc d’autres sources de financements, provenant d’autres ministères ou du secteur privé.

Chaque expérimentation fera l’objet d’une évaluation très rigoureuse. Sur la base de ces évaluations, il sera envisagé de pérenniser ou non ces actions et, pour les plus emblématiques et les plus positives en terme d’impact, de les déployer sur le territoire national.

En 2009, les projets suivants, développés sous l’égide du Conseil de la création artistique, recevront leurs premiers financements, ce qui représente une dotation globale comprise entre 2,7 millions d’euros et 3,2 millions d’euros.

Projet « Orchestre des jeunes »

Financement du Conseil : 500 000 d’euros

L’Association de prévention du site de la villette, l’Orchestre de Paris et l’Orchestre Divertimento de Stains ont souhaité conjointement mettre en œuvre un projet intitulé « Orchestre des jeunes » qui est placé sous l’égide du Conseil de la création artistique. Basé sur le modèle de transmission éprouvé par la Fondation Sistema au Venezuela, ce projet vise à donner naissance d’ici à juin 2010 à un orchestre de 450 jeunes, âgés de 7 à 12 ans, encadrés par des musiciens professionnels, des pédagogues et des animateurs sociaux.

2010, première année d’expérimentation, fera l’objet d’une évaluation très rigoureuse, grâce aux outils développés par l’association de prévention du site de la villette et ceux du Haut commissariat à la Jeunesse – outils d’évaluation qui sont d’ores et déjà mis à notre disposition pour notre projet commun avec le Haut commissariat, « Imaginez Maintenant ! ». Sur la base de cette évaluation et en fonction de l'impact constaté sur les jeunes et dans leur rapport à leur environnement, d'éventuels ajustements seront à réaliser. Au-delà de cette première année, le secrétariat d’État à la ville, également partenaire financier du projet et le Conseil de la création artistique sont très attachés à voir ce projet se pérenniser jusqu'à fin 2012.

Projet « Imaginez Maintenant ! »

Financement du Conseil : 1,2 million d’euros

Le Haut Commissaire à la Jeunesse et le Conseil de la Création Artistique travaillent en étroite collaboration sur un projet de manifestation nationale intitulé « Imaginez Maintenant ! », dont l’objectif est de repérer et rendre visible la créativité des jeunes. Il s’agit de confier du 1er au 4 juillet 2010 à de jeunes créateurs, des lieux patrimoniaux imprégnés par la mémoire collective (gares, usines, châteaux, parcs, hôpitaux ou monuments) et les inviter à « détourner » ces lieux par la force de leur invention. L’organisation de l’événement repose sur les projets conçus et définis par sept structures et une collectivité réparties sur le territoire national.

Projet « Plaine commune »

Financement du Conseil : 130 000 euros

Le Conseil travaille avec le secrétariat d’État au développement de la région capitale, la mairie de Paris et avec les élus de Plaine Commune pour développer des actions plaçant la dimension artistique au coeur du développement économique, urbain et social de ce territoire.

Projet « Centre Pompidou Mobile »

Financement du Conseil : 500 000 euros

Le Conseil soutient le projet du Centre Pompidou Mobile qui mettra à la portée de tous les territoires les oeuvres majeures du XXe siècle et favorisera une meilleure compréhension de l’art contemporain. Il est en effet indispensable de nourrir des ambitions aussi comparables pour l’art contemporain que pour l’art classique et de soutenir les outils capables d’aller à la rencontre des publics qui n’ont pas la possibilité d’accéder aux oeuvres de notre temps.

Projet de diffusion de la pensée française à l’étranger

Financement du Conseil : 60 000 euros

Le Conseil travaille à la diffusion de la culture française à l’étranger et à la façon de porter un coup d’arrêt au déclin de l’influence de nos penseurs en sciences humaines et sociales. Afin de soutenir une démarche active de reconquête de la pensée française à l’étranger, le Conseil souhaite mettre à profit les nouveaux outils numériques, faire un effort sans précédent de traduction des auteurs et s’appuyer sur l’expertise de spécialistes étrangers seuls à même de définir les domaines dans lesquels la pensée française apparaît vue de l’étranger particulièrement légitime. Pour illustrer cette ambition, le Conseil souhaite soutenir la traduction et la mise en ligne des articles des grandes revues françaises de sciences humaines et sociales et développer des événements de valorisation de nos chercheurs à l’étranger.

Projet « Colline des arts »

Financement du Conseil : 150 000 euros

Le Conseil s’est investi auprès d’un certain nombre d’acteurs locaux pour développer avec eux des projets illustrant une nouvelle approche du désenclavement culturel des territoires. Il s’agit de réinterpréter de façon contemporaine, en tenant compte des nouvelles pratiques culturelles, les maisons de la culture créées par André Malraux. Ceci implique, sur un territoire donné, de créer des synergies entre des lieux culturels déjà implantés, émanant de toutes les formes d’art, et d’en valoriser les atouts grâce à une offre structurée, un travail sur les accès physiques aux différents sites, sur les infrastructures de transport, la conception de « pass » donnant accès aux équipements et le développement d’outils numériques communs.

Dans cet esprit, le Conseil développe un projet qui se concentre sur le territoire de l’Ouest parisien, doté d’un potentiel d’attraction touristique et économique absolument unique : proximité de la Tour Eiffel, présence très dense d’établissements culturels de premier plan (musée du quai Branly, musée d’art contemporain de la Ville de Paris, Cité de l’architecture, musée Guimet, musée Galliera, théâtre de Chaillot, et bientôt les nouveaux espaces du Palais de Tokyo), implantation proche des grands marchands d’art (Christies, Sotheby’s, Artcurial, Drouot Montaigne)…. Par la mise en réseau des équipements culturels qui foisonnent autour de la colline de Chaillot, le Conseil propose de formaliser une offre culturelle originale dont l’objectif affiché est de créer une colline des arts qui devra s’étendre à la périphérie de Paris. Le Conseil souhaite poursuivre cette réflexion sur la constitution de « quartiers d’art » à partir des lieux d’art déjà implantés et notamment dans les zones portuaires, rurales et transfrontalières.

Projet « Abou Lagra et le Pont Culturel Méditerranéen »

Financement du Conseil : 160 000 euros

Le Conseil soutient l’action de formation et de structuration du Ballet National Algérien, actuellement exsangue et ne bénéficiant jusqu’ici d’aucun programme de formation. Abou Lagra, français d’origine algérienne, qui a bénéficié du réseau français d’enseignement de la danse pour forger sa carrière professionnelle de chorégraphe, a conçu les axes de formation à Alger de 25 danseurs par des chorégraphes et professeurs français à partir de janvier 2010.

Son parcours de formation, son expérience professionnelle et l’attachement à ses racines lui a insufflé l’envie de partager cette richesse avec l’Algérie.

Ainsi est né le Pont Culturel Méditerranéen, coopération algéro-française pour le développement d’échanges artistiques en faveur de la danse.

Le Pont Culturel Méditerranéen, pensé sur une période minimum de 3 ans, s’inscrit dans la durée pour donner le temps de la transmission, de l’échange et de la consolidation d’un tel programme de coopération. Le Ballet National Algérien tournera en Europe en 2011-2012 les créations produites à la suite de ce temps de formation.

Les partenaires algériens sont le Ministère de la Culture et l’Agence Algérienne pour le rayonnement culturel (ARRC)

Le Conseil souhaite par ce projet développer et pérenniser des liens entre l’Algérie et la France, et d’un point de vue plus vaste, élargir ces coopérations aux différents pays et partenaires du bassin méditerranéen.

Un certain nombre d’autres projets actuellement en phase d’élaboration pourront, en fonction de leur état d’avancement au moment de la clôture de gestion et du niveau d’engagement de nos partenaires, faire l’objet de financements de la part du Conseil. Cette enveloppe est estimée à 500 000 euros.

© Assemblée nationale

1 () Voir partie I. C. du rapport.

2 () LivresHebdo du 6 mars 2009

(3 ) Le spectacle vivant en Europe, modèles d'organisation et politiques de soutien, Robert Lacombe, La Documentation française, 2004.

4 () La longue marche de la décentralisation des politiques culturelles en Europe, Jean-Pierre Saez, Observatoire des politiques culturelles, 2006.

5 ()

6 () Cf. cartes jointes en annexe.

7 () http://bozonnet.googlepages.com/sociologiedespratiquesculturelles.

8 () http://www.culture.gouv.fr/culture/dmdts/atlas2004.pdf.

9 () Arrêté du 16 février 1984.

10 () Avis n° 1199 sur le projet de loi de finances pour 2009 – Tome IV – Culture – 16 octobre 2008.

11 () Cet observatoire existe d’ailleurs en Italie et permet au ministère et à l’ensemble des partenaires de travailler sur la base de données fiables et récentes, contrairement à ce qui se passe en France.