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SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES
1.
Rappel au règlement
M. Manuel Valls.
discussion des articles (suite)
Article 2 bis
M. Christophe Caresche.
Amendement de suppression n° 3 : M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois ; Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice ; MM. Michel Vaxès, Arnaud Montebourg, Michel Hunault, Noël Mamère, Jean-Marc Ayrault. – Adoption.
L’article 2 bis est supprimé ; l’amendement n° 94 tombe.
Article 2 ter
Amendement n° 4 avec le sous-amendement n° 99 : M. le rapporteur, Mmes Marietta Karamanli, la garde des sceaux, MM. Jérôme Lambert, Michel Hunault. – Rejet du sous-amendement n° 99 ; adoption de l’amendement n° 4.
Adoption de l’article 2 ter modifié.
Après l'article 2 ter
Amendement n° 5 : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. – Adoption.
Amendements nos 70 et 71 : Mme Delphine Batho, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Bruno Le Roux.
M. Arnaud Montebourg.
Rejets des amendements nos 70 et 71.
M. Manuel Valls.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 72 : Mme Delphine Batho, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. Noël Mamère, Bruno Le Roux, Jacques Alain Bénisti, Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois.
Rappel au règlement
M. Manuel Valls.
Rejet de l’amendement n° 72.
Suspension et reprise de la séance
M. le président.
Rappel au règlement
M. Julien Dray.
Reprise de la discussion
Amendement n° 73 : Mme Delphine Batho, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Jean-Yves Le Bouillonnec. – Rejet.
Article 3
Mme Delphine Batho, M. Noël Mamère.
Amendements de suppression nos 26, 40 et 74 : MM. Noël Mamère, Michel Vaxès, Jean-Yves Le Bouillonnec, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Jacques Alain Bénisti, Mme Delphine Batho. – Rejet.
Amendement no 41 : MM. Michel Vaxès, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. – Rejet.
Amendement n° 6. – Adoption.
Amendement n° 77 : Mme Delphine Batho, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. – Rejet.
Amendement n° 75 rectifié : Mme Delphine Batho, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. – Rejet.
Amendement n° 7 rectifié. – Adoption.
Amendement n° 27 : MM. Noël Mamère, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. – Rejet.
Amendement n° 8 rectifié. – Adoption.
Amendement n° 9. – Adoption.
Adoption de l’article 3 modifié.
Article 4
Amendements de suppression nos 28, 42 et 78 : MM. Noël Mamère, Michel Vaxès, Manuel Valls, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. – Rejet.
Adoption de l’article 4.
Article 5
MM. Serge Blisko, Michel Vaxès, Jacques Domergue, Michel Hunault, Noël Mamère.
Amendements de suppression nos 29, 43 et 80 : MM. Noël Mamère, Jean-Yves Le Bouillonnec, le rapporteur, Mmes la garde des sceaux, Marylise Lebranchu. – Rejet.
Amendement n° 81 : MM. Serge Blisko, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Jean-Yves Le Bouillonnec. – Rejet.
Amendement n° 10 : MM. Serge Blisko, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. – Adoption.
Amendement n° 11. – Adoption.
Adoption de l’article 5 modifié.
Article 6
Amendements identiques nos 30, 44 et 82 : MM. Noël Mamère, Manuel Valls, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. – Rejet.
Amendement n° 83 : MM. Serge Blisko, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. – Rejet.
Amendement n° 12. – Adoption.
Adoption de l’article 6 modifié.
Après l'article 6
Amendement n° 65 rectifié : MM. Manuel Valls, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. – Rejet.
Amendement n° 66 : MM. Manuel Valls, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. – Rejet.
Article 7
Amendements de suppression nos 31, 45 et 84 : MM. Noël Mamère, Manuel Valls, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. – Rejet.
Adoption de l’article 7.
Article 8
Amendements de suppression nos 32, 46 et 85 : MM. Noël Mamère, Serge Blisko, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. – Rejet.
Adoption de l’article 8.
Article 9
Amendements de suppression nos 33, 47 et 86 : MM. Noël Mamère, Manuel Valls, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. – Rejet.
Amendement n° 13. – Adoption.
Amendement n° 14. – Adoption.
Amendement n° 15. – Adoption.
Adoption de l’article 9 modifié.
Après l'article 9
Amendement n° 79 : MM. Manuel Valls, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. – Rejet.
Avant l'article 10
Amendement n° 16. – Adoption.
Article 10
Amendement n° 34 : MM. Noël Mamère, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. – Rejet.
Amendement n° 87 : MM. Serge Blisko, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. – Rejet.
Adoption de l’article 10.
Après l'article 10
Amendement n° 68 rectifié : MM. Serge Blisko, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. – Adoption.
Article 11
Amendements de suppression nos 35 et 69. – Rejet.
Adoption de l’article 11.
explications de vote
MM. Noël Mamère, Michel Hunault, Jacques Alain Bénisti, Manuel Valls.
vote sur l’ensemble
Adoption, par scrutin, de l’ensemble du projet de loi.
Mme la garde des sceaux.
2. Nomination d’un député en mission temporaire.
3. Ordre du jour des prochaines séances
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Cet article vise à rendre systématique l’enquête de personnalité mise à la disposition du juge, afin qu’il puisse déroger aux peines planchers, aussi bien en matière criminelle qu’en matière délictuelle. Sinon, comment le juge pourra-t-il exercer son pouvoir de dérogation tel qu’il est prévu dans le texte ? La question mérite d’être posée. Le Sénat a considéré que le juge devait être éclairé sur la personnalité du prévenu pour pouvoir juger en connaissance de cause. Or la commission nous propose, de façon inexplicable, de supprimer l’article, restreignant ipso facto la faculté du juge de déroger aux peines prévues.
Deux arguments sont invoqués à l’appui de l’amendement de suppression, et ils sont, à nos yeux, spécieux.
L’enquête de personnalité, dit-on, bénéficierait systématiquement à l’accusé. Elle se contente pourtant de retracer les éléments du curriculum vitae, d’une trajectoire personnelle, et je ne vois pas en quoi elle viendrait automatiquement conforter ou infirmer l’accusation. L’enquête éclaire le juge dans sa décision.
En commission, vous avez déclaré, madame la ministre, que l’enquête de personnalité serait obligatoire uniquement pour les récidivistes et pas pour ceux comparaissant devant le juge pour la première fois. Là aussi, il y a à redire. En effet, en cas de récidive, les peines encourues sont beaucoup plus lourdes. C’est précisément dans ce cas de figure que l’enquête de personnalité est totalement justifiée. Dès lors, pourquoi la supprimer sous le prétexte fallacieux que seuls les récidivistes y auraient droit ?
Les deux arguments ne sont pas recevables. M. Vidalies l’avait d’ailleurs souligné en commission des lois. Ils sont même choquants dans la mesure où priver le juge de la possibilité d’exercer son droit de dérogation en raison du caractère prétendument partial de l’enquête de personnalité correspond à une conception de la justice qui n’est pas la nôtre.
Je suis saisi d’un amendement n° 3 tendant à supprimer l’article 2 bis.
La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour défendre cet amendement.
En effet, il existe un décalage entre l’objectif visé et le texte tel que la Haute assemblée l’a voté et que je vous lis : « Le procureur de la République ne peut prendre aucune réquisition tendant à retenir l’état de récidive légale s’il n’a préalablement requis [...] afin de vérifier la situation matérielle, familiale et sociale de l’accusé... ». La mesure qu’il vous est proposé d’inscrire dans le code pénal est générale, c’est-à-dire que le procureur, chaque fois qu’il entendra lever l’état de récidive légale, sera obligé de procéder à cette enquête. Tel n’est pas notre but, qui est plus modeste. Nous voulons qu’il y ait enquête dans le cas où la récidive légale mise en jeu pourrait entraîner le prononcé de peines minimales, que vous craignez de voir se transformer en peines automatiques. L’amendement du Sénat, c’est-à-dire le nouvel article, déborde donc trop largement la cible.
Dès lors, les autres arguments n’en prennent que plus de poids, et notre collègue les a balayés trop rapidement.
En effet, cette disposition est en grande partie satisfaite par le droit existant car l’enquête rapide est déjà obligatoire dans de nombreux cas susceptibles de concerner les récidivistes, notamment en cas de réquisition de détention à l’encontre de majeurs de moins de vingt et un ans, ou dans le cadre de la comparution immédiate, ou encore dans celui de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Elle sera aussi inutilement lourde quand il s’agira de faits qui, bien que commis en récidive, sont d’une gravité si faible que, si le juge devait déroger aux peines minimales, ce serait pour des raisons tenant aux circonstances de l’infraction, et non à la personnalité du prévenu.
Enfin, il pourrait découler de l’article 2 bis des conséquences absurdes, voire ubuesques. Ainsi, l’enquête serait exigée pour des récidivistes à qui sont reprochés des délits passibles d’une peine inférieure à trois ans d’emprisonnement, pour lesquels, justement, des peines minimales ne sont pas requises !
Pour toutes ces raisons, j’ai proposé à la commission des lois, qui a bien voulu me suivre, la suppression de l’article 2 bis, qui passe par l’adoption de l’amendement n° 3.
Comme le rappelait M. Zocchetto, le rapporteur au Sénat, si le procureur, en application de l’article 41 du code de procédure pénale, peut requérir les services compétents pour vérifier la situation matérielle, familiale et sociale, et recueillir des informations sur les mesures propres à favoriser l’insertion sociale de l’intéressé, vous savez fort bien, madame la ministre, monsieur le rapporteur, que ces enquêtes ne sont pas systématiques et que, quand bien même elles sont prescrites, elles ne sont pas toujours réalisées. Par ailleurs, le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation a affirmé la nécessité, en matière délictuelle, pour le juge d’instruction d’effectuer systématiquement une enquête de personnalité avant de clore une information.
En l'état du droit, ce n'est effectivement ni obligatoire, ni fréquent. De même, en matière criminelle, l'enquête de personnalité, qui n'est pas systématiquement actualisée avant l'audience, n'est pas satisfaisante au regard de l'importance que revêt la qualité de l'information de la cour d'assises pour appliquer les dispositions relatives aux peines minimales.
Voilà pourquoi il nous paraît indispensable que le ministère public ne puisse prendre aucune réquisition tendant à retenir la circonstance aggravante de récidive – car il s’agit bien de cela – s’il n'a pas préalablement requis la réalisation d'une enquête de personnalité de l'intéressé et ses garanties d'insertion ou de réinsertion.
Les arguments que vous nous avancez, monsieur le rapporteur, ne peuvent donc nous convaincre, et le meilleur traitement des récidivistes qu'entraînerait ce nouvel article est tout aussi spécieux. Pour toutes ces raisons, nous voterons résolument contre cet amendement qui ne fait que confirmer, dans les faits sinon dans la lettre, le caractère automatique des peines planchers.
Nous traitons d’un sujet fondamental sur lequel Mme la ministre doit nous donner, premièrement, des explications plus précises que le simple mot « Favorable », deuxièmement, les arguments lui permettant de démontrer la conformité de son texte à la Constitution.
S’agissant des autres informations que vous m’avez demandées hier, je vous réponds sans avoir aucunement besoin d’injonction. Au 1er juillet 2007, la population pénitentiaire s’élevait à 61 810 personnes placées sous écrou, parmi lesquelles 4 979 sont en aménagement de peine, dont plus de 2 000 sous bracelet électronique. En effet, toutes les personnes placées sous écrou ne sont pas en détention. Le nombre des aménagements de peine a augmenté de près de 28 %, celui des placements sous bracelet électronique de près de 59 %, grâce à une augmentation de 75 % du nombre des conseillers d’insertion et de probation depuis 2002.
Pour répondre à M. Montebourg, 1,1 milliard d’euros en autorisations d’engagement a été destiné aux investissements pour la construction et la rénovation des prisons depuis 2002, pour 13 200 places au total. C’est la conséquence de la loi Perben votée par le Parlement – je salue d’ailleurs la présence de son auteur. 2 031 places seront ouvertes en 2008, de même que 49 centres éducatifs fermés – il y en a 29 aujourd’hui. Je confirme à ce propos le financement des cinq centres à dominante pédopsychiatrique. Voilà les réponses aux questions que vous m’avez posées. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Tout Français comprend que, même avec les aménagements de peine, quand la surpopulation des établissements pénitentiaires atteint 15 000 personnes, les conditions de détention sont telles que la réinsertion est particulièrement difficile, que l’on soit en détention provisoire ou en train de purger sa peine. Et c’est particulièrement vrai pour les jeunes.
Or, avec votre projet de loi, vous décidez sciemment d’aggraver cette situation ! La responsabilité que vous prenez aujourd’hui, vous la porterez demain. Nous, c’est le résultat qui nous préoccupe.
Mais où sont les postes d’éducateur et de juge délégué, ces postes qui permettront à l’ensemble de la chaîne de fonctionner, afin que les citoyens constatent que l’État de droit est enfin respecté, et que l’éducation, la prévention des délits et des sanctions adaptées permettent de lutter contre la récidive et contre l’extension de cette violence dont la société souffre tant aujourd’hui ?
Telle est la réalité. J’ai du reste été frappé par la réaction, hier, au cours de la discussion générale, de certains députés de l’UMP, qui ont fait mine de s’étonner de notre discours sur la lutte contre la violence, comme si nous en avions changé ! Croyez-vous vraiment que les députés socialistes viennent de découvrir ce problème ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
(L'amendement est adopté.)
Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement n° 99.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 4.
Toutefois, il nous est apparu en commission que rendre systématique cette nouvelle disposition pourrait présenter des inconvénients, dont nous avons discuté de manière très libre. Du reste, il y a autant d’arguments qui plaident pour le maintien du texte du Sénat que pour son aménagement, en vue de pallier les effets indésirables que pourrait avoir son adoption en l’état.
L’amendement n° 4, prévoit donc que le président de la juridiction, au moment du prononcé de la sentence, « informe » – et non « avertit » – le condamné des risques qu’il encourt en cas de récidive ou de multirécidive, tout en donnant au juge la possibilité dans certains cas de ne pas le faire « s’il l’estime opportun » – l’application de la disposition est donc laissée à sa libre appréciation.
L’information donnée par le juge au condamné doit être en effet suffisamment précise et personnalisée pour avoir du sens. Si elle reste trop générale, le condamné la percevra comme une formule officielle, voire une « rubrique », parmi d’autres : il ne sentira pas qu’elle lui est personnellement destinée et elle perdra alors beaucoup de sa portée. En revanche, si elle est personnalisée, comme le nombre des jugements correctionnels prononcés chaque année s’élève à 400 000, on courra le risque d’une réelle inégalité dans la personnalisation de l’information, entraînant à son tour un risque de nullité. Or il serait dommage que l’article 2 ter, qui est une bonne disposition, fasse prendre des risques de nullité pour de simples raisons de forme.
Prenons par ailleurs l’exemple, ni ubuesque ni caricatural, d’un président de cour d’assises qui vient de condamner pour plusieurs assassinats un accusé à une peine de réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté de trente ans : imagine-t-on que ce magistrat puisse informer le condamné devant les familles des victimes, le public et la presse que s’il commet un nouvel assassinat il sera passible d’une peine minimale de quinze ans ? Cela serait contraire à l’objectif recherché et troublerait pour le moins les familles des victimes.
Telle est la raison pour laquelle la commission a décidé de proposer cet amendement, tout en précisant que sa rédaction est perfectible. Je propose donc que l’Assemblée le vote dans sa rédaction actuelle mais que, à l’occasion de la commission mixte paritaire, députés et sénateurs tentent de trouver ensemble la formulation définitive qui permettra de traduire dans la loi l’intention des sénateurs, que nous partageons, mais tout en en supprimant les effets indésirables.
Lorsque je lis l’exposé sommaire de l’amendement présenté par M. le rapporteur, les bras m’en tombent !
« Tout d’abord, affirme cet exposé, il est nécessaire que cette information soit suffisamment précise et personnalisée si on souhaite qu’elle ait véritablement un impact sur le condamné, et il ne faut pas que le Président se borne à indiquer les règles générales applicables en cas de récidive mais bien qu’il précise clairement le montant maximum de la peine qui serait encourue en cas de commission en récidive de la même infraction, ainsi que le montant de la peine minimale alors prévue par la loi. Tout cela prendra un certain temps, et il semble matériellement impossible que cette information soit donnée à l’issue des 400 000 jugements correctionnels prononcés chaque année. » En clair, l’exposé des motifs suggère que la disposition est bien trop compliquée puisque les juges eux-mêmes, qui sont pourtant des praticiens du droit prononçant chaque jour de nombreux jugements, ne seront pas en mesure de fournir l’explication nécessaire aux condamnés ! Comment, dans ces conditions, nos concitoyens pourraient-ils la comprendre ?
Je poursuis ma lecture : « mais surtout, il est des hypothèses dans lesquelles cette information serait totalement incongrue : tel serait le cas d’une personne qui a commis un crime ou un délit de façon occasionnelle dans des circonstances qui rendent impossible ou très peu probable une éventuelle récidive. La traiter comme un récidiviste en puissance pourrait même laisser penser que la juridiction ne croit pas que la peine qu’elle prononce a un effet dissuasif. » Là, le rapporteur passe aux aveux ! En admettant, en effet, que la peine prononcée par une juridiction peut ne pas avoir de caractère dissuasif aux yeux du condamné, il reconnaît que tout ce que nous affirmons depuis hier sur le faible caractère dissuasif des peines encourues aux yeux de certains condamnés est vrai. Il l’a écrit noir sur blanc dans l’exposé sommaire !
Pour conclure, j’ajouterai simplement que mes propos n’avaient pas d’autre objectif que de vous amener à réfléchir à cette question.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
(L'amendement est adopté.)
(L'article 2 ter, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 5.
(L'amendement est adopté.)
Christophe Caresche l’a noté hier soir : votre texte est fondé sur la fameuse théorie des « noyaux durs ». Certains mineurs sont en effet des délinquants endurcis. Malheureusement, le problème est bien plus massif que cela. Souvent, pour étayer ladite théorie on cite le chiffre selon lequel 5 % des mineurs délinquants commettraient 50 % des actes délictueux ; or ce chiffre est faux. L’enquête de Sébastien Roché démontrait qu’il ne s’agissait pas de 5 % des délinquants mais malheureusement de 5 % d’une classe d’âge, ce qui est bien différent.
Nous sommes aujourd’hui confrontés à une délinquance massive, notamment de la part de mineurs. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion hier, forts de multiples témoignages, de revenir sur la lenteur des décisions de justice concernant les mineurs primo-délinquants, et sur le sentiment d’impunité qui en découle et qui entraîne la réitération puis la récidive.
Vous avez affirmé hier, madame la garde des sceaux, que vous partagiez notre point de vue sur la nécessité de prévoir une sanction précoce pour les primo-délinquants. Aussi les amendements que nous proposons visent-ils à ramener le délai butoir prévu, de six mois à trois mois pour les décisions d’audience du juge des enfants. Il s’agit donc par là de mesurer la valeur de vos intentions et la sincérité de vos engagements en termes de moyens.
Les amendements nos 70 et 71 présentent un réel intérêt. Ils mettent en effet en évidence l’inadaptation de l’ordonnance de 1945 pour certaines dispositions qui peuvent paraître ou obsolètes ou incohérentes entre elles. Il s’agit de la remettre à plat en prévoyant des procédures adaptées pour les 10-13 ans, les 13-16 ans et les 16-18 ans.
Nous souhaitons donc entamer ce chantier et nous attacherons à faire en sorte que l’on puisse juger plus rapidement les mineurs. Je rappelle d’ailleurs que la loi sur la prévention de la délinquance a mis en place une procédure de présentation immédiate devant le tribunal pour enfants, pour des mineurs récidivistes âgés de plus de seize ans.
Dans la mesure où nous pourrons examiner de telles dispositions le moment venu, le Gouvernement est défavorable, en l’état, aux deux amendements.
Il y a donc deux logiques contradictoires et nous maintenons nos amendements.
Rédigeons-nous des rapports pour trouver des solutions à des problèmes sur lesquels nous ne disposons pas d’éléments ou bien sommes-nous en séance pour essayer d’apporter de justes réponses à des problèmes que nous rencontrons tous, au quotidien, sur le terrain, solutions qui pourraient être adoptées à l’unanimité ?
La question essentielle est celle de la prise en charge des primo-délinquants, que le projet – qui est, j’insiste, un texte d’affichage – ne permet que d’entamer. Vous ne seriez de toute façon pas quitte en adoptant les amendements.
Il reste en effet bien d’autres mesures à prendre, bien d’autres moyens à mettre en œuvre. Ces amendements sont les premiers qui pourraient marquer votre volonté d’aller au-delà d’un texte qui se contente de faire suite à la campagne électorale, votre volonté de combattre vraiment la primo-délinquance. On sait bien, en effet, dans nos quartiers, qu’il existe un réel problème de prise en charge à la sortie du commissariat, du palais de justice, de jeunes délinquants parfois pris en flagrant délit, faute d’une prise de conscience de la notion de délais à respecter et faute d’une réelle prise en compte de la notion de ligne jaune à ne pas franchir.
Les amendements nos 70 et 71 sont les premiers d’une série que nous présenterons pendant toute la discussion afin que vous vous attaquiez décidément à la prévention de la récidive, ce que ne fait pas votre texte inefficace, voire dangereux pour nos concitoyens. Aussi, madame la garde des sceaux, je vous demande de ne pas attendre les résultats d’une commission, mais de prendre toutes vos responsabilités, de manière que vous puissiez exprimer votre souhait de voir ces amendements votés à l’unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
On nous fait légiférer sur des sujets dont on attend le résultat d’un rapport qui sera rendu par une commission qu’on n’a pas encore créée,…
Au cours du débat, nous avons fait état de nombreux témoignages de terrain. Nous nous sommes faits les porte-parole – même s’ils ne nous ont pas attendus pour s’exprimer – des professionnels du monde judiciaire et du monde policier qui, invariablement, ont affirmé qu’au lieu de faire des lois, il nous fallait leur donner des moyens !
À propos du fonctionnement de la chaîne pénale, des délais de jugement, M. Beschizza – pourtant un militant aux idées proches des vôtres, madame la garde des sceaux –, est allé jusqu’à déclarer qu’on ne trouvait pas de cas de récidive tant il est vrai qu’il faudrait d’abord qu’on condamne les gens dans un délai suffisamment proche du moment où ils ont commis des infractions pour qu’on constate qu’ils réitèrent et qu’ils récidivent. M. Beschizza conclut que, dépourvue de moyens, il s’agit d’une loi pour rien.
Ainsi Mme Batho soutient-elle un amendement en notre nom et souhaite des réponses plus rapides de la part du juge. Or l’on nous répond : surtout pas ! Il faut attendre ! Ainsi sommes-nous montés à la tribune, Christophe Sirugue, député de Chalon-sur-Saône, Didier Mathus, député de Montceau-les-Mines, et moi-même, pour dénoncer la situation du tribunal de grande instance de Chalon-sur-Saône, celui de notre ressort à tous trois ! Eh bien, aujourd’hui, au parquet, on inscrit en rouge en marge des décisions concernant les mineurs : « En attente d’exécution » !
Nous réclamons donc des moyens. Alors que, hier, Mme la ministre s’est engagée, bien gentiment d’ailleurs, à nous donner tous les éléments budgétaires nécessaires, tout à l’heure elle ne nous a plus rien dit. Elle nous a parlé de 1,1 milliard d’euros pour les prisons, mais on ne sait toujours pas comment seront financés les CEF, on ne sait pas non plus comment vous allez recruter les juges délégués aux victimes alors que vous diminuez le niveau des recrutements à l’École nationale de la magistrature ;…
Je crains que l’écart entre le discours et la réalité ne soit source de graves déconvenues, comme le disait l’instant le président de notre groupe, Jean-Marc Ayrault. Madame la ministre, nous n’avons toujours pas les réponses que nous vous avons demandées ! Quel va être l’effort budgétaire national consacré à l’exécution des peines avant que ne soient rendues, dans je ne sais combien de mois, les conclusions du rapport de la mission d’information ? Ce rapport sera sans doute très utile, mais nous savons déjà, pour notre part, quelle sera notre contribution ; nous vous en avons déjà donné les éléments au cours de la discussion, forts notamment de témoignages, d’avis autorisés montrant de façon concordante qu’à l’évidence la priorité à laquelle ne répond pas votre texte, ce sont les moyens d’exécuter les lois existantes. Or vous en avez déjà fait approuver six, en la matière, en l’espace de cinq ans et les décrets d’application de la dernière n’ont même pas encore paru !
Nous vous remercions donc par avance, madame la ministre, pour vos réponses. Si vous ne nous en donnez pas, nous demanderons désormais les nécessaires suspensions de séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures dix.)
Nous en venons à l’amendement n° 72.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour le défendre.
Notre amendement est en tout à fait en rapport avec le projet de loi puisqu’il s’agit, en prononçant des sanctions éducatives dans un délai plus rapide, de prévenir la récidive.
Tous ces points méritent d’être retenus, et le seront probablement, au titre des conclusions de la mission d’information qui a été créée ce matin. Nous avons là une occasion, qu’il nous faut saisir, de travailler ensemble utilement au profit de tous les mineurs.
À quelques jours d’intervalle, vous êtes capables de faire un cadeau de 13 milliards d’euros à un tout petit pourcentage de la population…
Vous ne pouvez pas affirmer que l’ordre que vous voulez faire régner dans notre pays est un ordre juste !
Je soutiens l’amendement n° 72 qui, selon le rapporteur, est si évident qu’il figurera dans les conclusions de la mission d’information, que nous examinerons en leur temps, c’est-à-dire dans plusieurs mois ! Or, la disposition proposée est si ancrée dans la réalité quotidienne que nous aurions pu aller plus loin et demander, en cas de faits constatés nécessitant une sanction éducative, la mise en place d’un suivi du mineur dès la sortie du commissariat. Là se pose le problème des psychologues, que nous avons abordé en commission. Je me suis renseigné sur les effectifs susceptibles d’assurer cette prise en charge en Seine-Saint-Denis : ils sont trois pour tout le département ! Avec le renfort prévu sur la ville d’Epinay-sur-Seine, ils seront quatre à la rentrée. Autant dire que la prise en charge des mineurs délinquants n’est pas du tout à la hauteur des besoins. Mettons-nous, avec cet amendement, dans l’obligation d’apporter une réponse correspondant à la réalité vécue par les jeunes, à une dimension temporelle signifiante pour eux. Une réponse rapide doit intervenir dans les trois mois, ce terme étant un maximum, pas un délai normal. Je vous demande donc, monsieur le rapporteur, de ne pas nous renvoyer à l’hypothétique rapport de la mission que nous allons mettre en place. La prise en charge des mineurs délinquants, qui permet d’éviter la récidive, est trop importante pour nos concitoyens pour la renvoyer aux calendes parlementaires.
L’opposition joue son rôle d’une manière qui me laisse dubitatif. Elle nous explique que cette loi ne servira à rien et qu’elle est inutile pour nous dire, trente secondes après, qu’elle est dangereuse et qu’elle va saturer les prisons. (« Elle est les deux à la fois ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Ce n’est guère convaincant ! Il faut choisir : ou elle est inutile, ou elle va déstabiliser l’administration pénitentiaire de notre pays. Si une majorité peut être fière de ses votes en matière pénitentiaire, c’est bien la nôtre.
Je rappelle, par ailleurs, que le projet de loi n’a pas pour objet une refonte de l’ordonnance de 1945. Que n’aurions-nous entendu si nous avions introduit quelques amendements en ce sens ! Vous nous auriez reproché sur tous les tons de vouloir, dans la précipitation, retravailler l’ordonnance de 1945. Aujourd’hui, notre propos est de tenir la promesse du Président de la République. Pour le reste, la législature n’en est qu’à son début. Là encore, je ne peux accepter cette accusation de manœuvre dilatoire : ce matin, un mois seulement après notre élection, nous avons créé une mission d’information sur l’exécution des décisions pénales. On ne peut pas dire que nous ayons tardé ! Avant la fin de l’année, les rapporteurs de cette mission – dont l’un sera spécialement chargé des sanctions à l’encontre des mineurs – présenteront leur travail. Nous travaillerons sans tabou, sans fermer les yeux sur ce qui ne va pas. Nous examinerons, peine par peine, les délais dans lesquels elles sont prononcées, le fonctionnement et les dysfonctionnements de la chaîne pénale et les conséquences qui en découlent. Peine par peine, nous proposerons les modifications législatives, réglementaires, fonctionnelles ou les demandes de moyens qui s’imposeront. Mme la garde des sceaux a aimablement indiqué qu’elle attendrait nos résultats pour poursuivre le travail législatif. Nous allons donc prendre le taureau par les cornes, tant pour les mineurs que pour les majeurs. Le travail sera fait et il y aura un suivi. Encore une fois, un mois après les élections, on ne peut pas nous reprocher d’enterrer les sujets.
Enfin, on peut se faire plaisir en proposant des amendements mais pourquoi proposer, sans aucune étude d’impact, de rendre des décisions dans un délai n’excédant pas trois mois ? Pourquoi pas deux ou quatre ? Ce n’est pas sérieux. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Sur le fond, le rapporteur a émis un avis positif, que je partage. Il y a des difficultés, nous le savons, et elles sont inscrites parmi les priorités de la commission des lois pour cette législature. Pour l’heure, restons dans l’ordre du jour de l’Assemblée, qui est de traduire dans les faits la promesse du Président de la République en votant la loi relative à la lutte contre la récidive. J’espère que l’opposition votera de manière plus conforme à ses déclarations.
J’en appelle à la sérénité des débats. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président de la commission des lois, je vous ai connu plus calme. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
D’abord, vous me permettrez de vous dire qu’aucun d’entre nous n’a qualifié de « sérieux » ou de « pas sérieux » les articles qui nous sont présentés. Le fait, monsieur le président de la commission des lois, de qualifier de « pas sérieux » l’amendement présenté de façon très argumentée par Delphine Batho vous fait sortir du rôle qui est le vôtre. Ce n’est pas à vous, non plus, de rappeler au président de séance comment doit se dérouler celle-ci.
Je demande donc au président de la commission des lois de bien vouloir rester dans son rôle. Nous pouvons travailler avec lui, je crois, de façon très sereine. La mission d’information à laquelle nous allons participer peut être un élément extrêmement positif. Si nous voulons éviter de terminer trop tard, examiner les autres amendements avec sérénité et enrichir nos débats, il me semble qu’un autre ton est indispensable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq.)
Monsieur Warsmann, je voudrais vous dire avec amitié et tout le respect qui vous est dû, que c’est la première fois qu’un président de la commission des lois nous dit qu’il est là pour exécuter les engagements du Président de la République.
On peut certes réfléchir à l’évolution des institutions, mais la commission des lois n’est pas le lieu d’exécution des engagements. Elle est d’abord et avant tout, comme le définit la Constitution, le lieu central de la réflexion du législateur. Si le Parlement n’est plus qu’un lieu d’exécution, c’est une évolution intéressante des institutions, mais elle ne semble pas comprise dans les thèmes dont doit débattre la fameuse commission chargée de réfléchir aux engagements pris lors de la campagne présidentielle.
Monsieur le président de la commission des lois, vous nous avez reproché d’avoir retenu de façon arbitraire un délai maximal de trois mois. Ce n’est pas une idée nouvelle, je vous renvoie aux débats précédents. Ce délai de trois mois avait été évoqué par un certain nombre d’amendements lors des discussions précédentes. C’est un moyen terme entre la réalité actuelle de non-exécution d’un certain nombre de décisions de justice en raison de difficultés réelles et une solution idéale. Il répond à la volonté d’avancer malgré tout par rapport à un problème dont personne ne nie l’existence.
On aurait pu sombrer dans l’irresponsabilité, en exauçant le rêve de chacun : l’exécution immédiate. Mais nous savons que ce n’est pas réalisable aujourd’hui, d’un coup de baguette magique. Le délai de trois mois nous semble donc raisonnable. En effet, vous savez – vous l’avez évoqué à plusieurs reprises au cours des débats – qu’à partir du moment où nous nous trouvons face à des adolescents, nous nous situons dans l’instantané. La durée de la réponse judiciaire va donc à l’encontre ce que nous recherchons.
Quand, dans une cité, un jeune qui a fait une bêtise ressort libre, sans la moindre sanction, avec un sentiment d’impunité totale et même comme grandi aux yeux des autres par son acte, cela a des effets dévastateurs non seulement pour lui, mais aussi sur son entourage. C’est pour cela qu’il nous faut avancer. Si une sanction éducative était prise dans un délai de trois mois, ce serait déjà un premier pas.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour le soutenir.
Récemment, dans mon département, deux mineurs ont été interpellés de nuit, pour avoir jeté des parpaings sur des véhicules en circulation. L’un d’entre eux avaient déjà commis un certain nombre d’actes de délinquance. Il a donc été, selon le processus prévu, conduit devant le juge des enfants.
L’autre, comme c’était la première fois qu’il jetait des parpaings sur un véhicule, a été relâché sans recevoir la moindre convocation ultérieure. C’est pourtant un acte grave !
Monsieur Bénisti, il n’est nulle part fait mention dans l’ordonnance de 1945 qu’un mineur – il avait quatorze ans – ayant commis un tel acte ne doive pas être sanctionné. Notre problème ne porte pas simplement sur le texte de l’ordonnance de 1945, dont on peut discuter – il a été tellement modifié,
Le problème posé n’est pas celui du texte, c’est celui de l’obligation de moyens et de résultat qu’il faut se fixer.
Monsieur le président de la commission des lois, les amendements que j’ai présentés ne sont absolument pas hors sujet. Le projet de loi qui nous est présenté ne s’intitule pas « projet de loi de lutte contre les récidivistes » mais « projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs ». Nous considérons, avec mes collègues du groupe socialiste, que la prévention de la récidive fait partie de cette lutte.
L’amendement n° 73 tend à compléter la dernière phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 15-1 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, en précisant que le suivi de l’exécution de la sanction éducative par la protection judiciaire de la jeunesse se fait pas le biais de la mise en place d’un tuteur, d’un éducateur référent. Nous savons qu’un certain nombre de mineurs sont « baladés » – pardonnez-moi cette expression – d’un éducateur à un autre pour la mise en place des mesures éducatives. Ils ne bénéficient donc pas de cette prise en charge personnalisée suivie et continue qui permet un véritable travail éducatif.
Il s’agissait d’une proposition de la commission d’enquête sénatoriale de 2002, qui n’a malheureusement pas été reprise parce que cela implique la mise en place d’un certain nombre de moyens dédiés à l’exécution de ces sanctions éducatives.
La commission, pour les mêmes raisons évoquées lors de l’examen des amendements précédents, a jugé cette idée très intéressante. Cependant, dans l’attente des conclusions de la mission d’information, je vous suggère de ne pas retenir cet amendement.
Nous avions souhaité remettre à plat l’ordonnance de 1945, mais nous n’y sommes pas parvenus. Aujourd’hui, l’occasion s’offre à nous – même si cela demande du temps et si tel n’est pas l’objet principal du texte que nous examinons aujourd’hui.
Trois principes régissent cette ordonnance : primauté de l’éducatif ; juridictions spécialisées ; atténuation de responsabilité. Il s’agit de revoir cette ordonnance à l’aune de ces trois principes afin d’aboutir à une réelle protection des mineurs, qu’ils soient victimes ou auteurs d’actes d’infractions. Unissons nos efforts pour tout remettre à plat. Certes, vos propositions sont intéressantes, mais il s’agit de les mettre en cohérence avec le texte.
Engager une réflexion sur le traitement de la délinquance des mineurs, dans le cadre des compétences du juge pour enfants, des mesures éducatives ou du tribunal pour enfants, suppose de prendre en considération la minorité, donc, la responsabilité des parents, dans le respect de l’esprit de l’ordonnance de 1945. Dès lors qu’une mesure technique ou juridique porte atteinte aux principes de cette ordonnance, nous nous y opposons.
À M. Warsmann avec qui nous avons beaucoup débattu pendant la précédente législature, j’indique qu’il n’y a aucune contradiction dans la position du groupe socialiste : nous refusons la comparution immédiate de mineurs devant le juge pour enfants, et, nous souhaitons, par le biais de nos amendements, que la saisine du juge lui permette de rendre un jugement dans un délai de trois mois.
Cela dit, l’improvisation d’une rencontre immédiate avec le juge est contraire à l’importance que l’ordonnance de 1945 attache à la convocation par le juge et à la réunion de toutes les informations sur la situation du mineur et de sa famille ainsi que sur les circonstances des faits.
Nous ne proposons pas de laisser de côté ce problème dans l’attente d’ultimes réflexions. Même si nous critiquons les instruments de lutte contre la récidive que vous avez choisis, nous partageons l’objectif poursuivi. Dans ces conditions, nous considérons que vous pourriez au moins tenter d’améliorer les conditions d’exercice des juges pour enfants.
Je vous rappelle qu’un juge pour enfants n’ouvrira un dossier que si celui-ci pose problème. Aucun juge – vous pouvez leur poser la question – ne vous dira qu’il consulte l’ensemble des dossiers : tout simplement parce que ce n’est matériellement pas possible. Ce qui signifie que l’ouverture d’un dossier n’a rien à voir avec la volonté du juge de faire avancer les choses.
C’est la raison pour laquelle, je vous pose la question de fond, madame la garde des sceaux, à savoir l’instrument d’application des dispositions de la loi. La commission d’enquête parlementaire sur l’affaire Outreau – dont les conclusions qui ont été adoptées à l’unanimité des membres de cette assemblée, ont été lâchement négligées par la majorité, à l’opposé de ses propres convictions – nous a montré la réalité des moyens mis en œuvre tant pour traiter les procédures d’instruction que pour les personnes en détention préventive.
Madame la garde des sceaux, vous ne parviendrez pas à obtenir un dispositif efficace si vous ne vous posez pas d’emblée le problème des moyens mis en œuvre. Si vous ne le faites pas, vous accréditerez l’idée que vous ne visez que l’affichage au détriment des solutions.
Je rappelle que les décrets d’application des deux derniers textes de loi qui ont été votés, n’ont pas tous été publiés. Comment appliquer une loi si l’on ne peut appliquer la précédente ? Je souhaite bien du plaisir à ceux qui devront s’y atteler ! La jurisprudence aura de quoi faire !
(L'amendement n'est pas adopté.)
De l’autre, la version présentée dans l’hémicycle, tout en précaution et prudence, qui prétend que les spécificités à valeur constitutionnelle de la justice des mineurs sont préservées dans ce texte.
C’est soit l’un, soit l’autre, mes chers collègues, mais certainement pas les deux à la fois !
Nous avons déjà montré en quoi ce texte était inadapté à la lutte contre la récidive des mineurs et contre l’augmentation des violences visant les mineurs : il s’attache à la récidive légale alors que le problème est celui de la réitération ; il concerne les mineurs de seize à dix-huit ans alors que nous constatons que les délinquants mineurs sont de plus en plus jeunes ; il n’aura aucun effet dissuasif – je ne reviens pas sur l’ensemble des objections que nous avons formulées.
Premièrement, cet article applique les peines planchers aux mineurs. Si nos objections concernant la personnalisation des peines sont valables pour les majeurs, elles le sont a fortiori pour les mineurs.
Deuxièmement, il allonge la liste des dérogations à l’application de l’atténuation de peine pour minorité. Permettez-moi de faire une remarque sur l’expression d’« excuse de minorité », tout à fait inappropriée à nos yeux car s’il existe une responsabilité pénale des mineurs, qui peut être atténuée – les textes le prévoient – il ne s’agit en rien d’excuser l’acte commis. En fait, la gradation des peines en fonction de l’âge est l’équivalent de ce que les parents pratiquent de façon empirique au sein de la famille. Une même bêtise commise par un enfant de onze ans ou par un adolescent de dix-sept ne sera pas sanctionnée de la même façon par les parents. C’est tout simplement ce principe qui est inscrit dans notre droit.
Troisièmement, il déroge au principe de la motivation : la non-atténuation de la peine sera la règle, et c’est l’atténuation de la peine qui devra être motivée. Dès lors que l’article 2 de l’ordonnance de 1945 prévoit que « le tribunal pour enfants ne peut prononcer une peine d’emprisonnement, avec ou sans sursis, qu’après avoir spécialement motivé le choix de cette peine » – disposition qui ne figure pas dans le tableau récapitulatif des règles de motivation des décisions de justice s’appliquant aux mineurs, page 82 du rapport de la commission des lois – la motivation exigée à l’article 2 de l’ordonnance de 1945 deviendra purement formelle. Elle consistera à dire : application est faite du nouvel article 20-2.
De modification en modification, vous alignez, madame la garde des sceaux, le droit pénal des mineurs sur celui des majeurs. Toute la subtilité de cette démarche consiste à procéder par étapes successives, ce qui permet sans doute, à chaque étape, d’assurer qu’un certain nombre de principes à valeur constitutionnelle sont respectés.
Mais puisque vous voulez viser les mineurs récidivistes, madame la garde des sceaux, vous auriez pu proposer une autre rédaction du texte. Vos auriez très bien pu prévoir un durcissement des peines pour les mineurs récidivistes. Mais tel n’a pas été votre choix. Vous avez décidé que les juridictions appliqueront aux mineurs les mêmes peines qu’aux majeurs, et qu’elles pourront déroger aux obligations de motivation. Voilà la preuve que votre projet est entièrement idéologique, et qu’il se borne à reprendre le leitmotiv de l’actuelle majorité depuis des années et des années.
Le président de la commission ne nous a-t-il pas, tout à l’heure, reproché d’avoir changé d’avis ? Mais, lui, n’a-t-il pas fait de même ?
Or avec l’article 3, l’atténuation de la peine est reléguée au rang de l’exception, lors de la deuxième récidive d’infraction violente, ce qui est non seulement anticonstitutionnel, mais contraire à l’esprit de l’ordonnance de 1945 dont vous prévoyez, une fois de plus, la refonte.
Parmi les lois sécuritaires votées depuis 2002, aucune n’a été évaluée, comme M. Le Bouillonnec l’a souligné : nous n’avons donc pas de leçons à recevoir de la part du président de la commission sur la question de l’évaluation. De surcroît, pour certaines d’entre elles, les décrets ne sont toujours pas sortis. Et voilà qu’au nom des engagements pris par le Président de la République, pour des raisons purement idéologiques, vous nous présentez en urgence une nouvelle loi qui a pour objectif de fixer des peines plancher, source de désordre et non de paix sociale.
Depuis 2002, les moyens que vous avez accordés à la protection judiciaire de la jeunesse ont été centrés sur le milieu carcéral, et non sur le milieu ouvert.
Cet article central de votre texte est au cœur de votre projet qui consiste à jeter encore plus de mineurs en prison, c’est-à-dire à criminaliser une partie de la jeunesse de ce pays.
Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 26, 40 et 74, tendant à supprimer l’article 3.
Monsieur Mamère, pouvons-nous considérer que vous avez déjà défendu l’amendement n° 26 ?
Depuis cinq ans que vous réformez la justice, vous videz par petites touches l’ordonnance de 1945 de son contenu. Il ne s’agit pas d’un problème législatif au sens littéral du terme, mais de l’esprit même des lois. C’est le souffle humaniste de ce texte que vous voulez réduire à néant, car il vous gêne. Cela révèle l’incompatibilité profonde entre les positions que vous défendez et celles que nous défendons.
Rechercher dans l’aggravation des peines, dans leur allongement et dans la sévérité des décisions judiciaires une solution au dramatique problème que pose la délinquance des mineurs et des majeurs vous mènera droit dans le mur, nous ne cesserons de vous le répéter. Partout où les peines ont été aggravées, les résultats ont été contre-productifs : les violences se sont multipliées et se sont mieux organisées. Vous n’obtiendrez pas ce que vous souhaitez par cette voie-là : la géographie de la délinquance correspond aux îlots de pauvreté, à l’échelon national comme à l’échelon mondial, et si les indispensables mesures de sanction ou d’incarcération ne s’accompagnent pas de politiques sociales et éducatives, elles seront vouées à l’échec.
Avec les dispositions prévues à l’article 3, le juge pourra écarter l’excuse de minorité sans motiver spécialement la condamnation en cas de délit de violence volontaire, de délit d’agression sexuelle ou de délit commis avec la circonstance aggravante de violences. Elles obligent également la juridiction à écarter l’excuse de minorité lorsque le mineur se trouve une nouvelle fois en état de récidive. Autrement dit, les peines prévues pour les majeurs s’appliqueront. Lorsque la cour d’assises des mineurs ou le tribunal pour enfants décideront de faire application de l’atténuation de la peine, leurs décisions devront être spécialement motivées.
En renversant le principe de l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs, cet article, je le répète, remet fondamentalement en cause l’esprit de l’ordonnance de 1945. Il est également contradictoire avec la convention internationale des droits de l’enfant, pourtant ratifiée par la France. La Défenseure des enfants vous a alertés sur ce point en rappelant qu’aux termes de la convention, un mineur doit toujours pouvoir bénéficier d’une justice adaptée à son âge. Mme Versini vous demande donc très légitimement de maintenir les dispositions actuelles qui permettent déjà au juge de décider d’écarter l’excuse de minorité en fonction de la gravité de l’infraction.
L’Allemagne, l’Autriche, le Portugal, les Pays-Bas, l’Espagne, la Croatie maintiennent, même au-delà de la majorité, un régime plus protecteur que celui que notre pays prévoit pour les mineurs dès seize ans. Vous conviendrez, et j’en ai un peu honte pour la France, que ces dispositions ne la grandissent pas.
La difficulté, c’est que, petit à petit, vous avez égratigné ce dispositif jusqu’à inverser la procédure. Pour les multirécidivistes, le juge devra ainsi justifier pourquoi il choisit de ne pas aggraver la sanction. C’est tout un symbole : on passe d’une atténuation systématique à une obligation de justifier la non-aggravation, ce qui n’est pas sans poser problème.
La convention des droits de l’enfant rappelle que tout État se doit de prévoir des dispositions à dimension éducative pour accompagner l’enfant qui serait rendu coupable d’une infraction à la loi, quel que soit le seuil de majorité retenu. L’important est en effet de préserver les promesses d’avenir dont la société est encore porteuse pour le mineur. Avec votre dispositif, vous supprimez cette exigence, en allant à l’encontre de nos engagements internationaux.
Mes chers collègues, j’ai toujours pensé qu’on ne pouvait combattre des injustices au bout du monde, si on n’était pas capables de se rendre compte qu’il y en avait dans son propre pays. La révolte que suscite en nous cette nouvelle procédure est de la même nature que l’indignation qui nous gagne quand nous voyons des enfants de douze ou quatorze ans travailler dans des conditions inacceptables à l’autre bout du monde.
Cet amendement de suppression procède de notre volonté, non pas de ne pas sanctionner, mais de rappeler la nécessité de donner un sens à la sanction et à la justice. Si vous ne le faites pas, le combat que vous engagez sera perdu d’avance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Mais vos propos, par leur extrême généralité, sont tellement éloignées du texte qu’ils en constituent une caricature.
Tel qu’il est rédigé, l’article 3 traduit fidèlement la volonté du Gouvernement d’apprécier toutes ces questions en respectant un principe fondamental inscrit dans la philosophie de l’ordonnance de 1945, à savoir la gradation de la réponse de la justice par rapport au comportement délictueux ou criminel du mineur.
Vous vous êtes bien gardés de rappeler le 1° du I de l’article 3 : « 1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : "la diminution de moitié de la peine encourue s’applique également aux peines minimales prévues par les articles 132-18, 132-18-1 et 132-19-1 du code pénal". » C’est bien l’atténuation de la peine qu’on appelle maladroitement l’excuse de minorité.
Le 2° du I de l’article 3 traite des mineurs âgés de plus de seize ans. À vous entendre, on pourrait croire que le Gouvernement et sa majorité veulent durcir les sanctions au point de franchir la ligne qui sépare les moins et les plus de seize ans.
S’agissant de ce troisième cas, il n’est pas nécessaire de motiver spécialement le refus d’appliquer l’atténuation de la peine.
Nous sommes dans la suite logique de la réponse responsable de la justice par rapport à un comportement qui, certes, concerne un mineur, mais qui est particulièrement grave. Le simple rappel du titre du projet de loi suffit à le démontrer.
Pour toutes ces raisons, la commission a rejeté ces amendements de suppression de l’article 3.
La majorité n’est pas constituée d’un ensemble d’élus béni-oui-oui, le petit doigt sur la couture du pantalon. Nous avons été élus dans le cadre d’un projet qui s’inscrit totalement dans l’application du programme présidentiel de Nicolas Sarkozy, qui comporte, plus que des promesses, des engagements clairs. C’est le peuple qui a décidé de les retenir pour qu’ils soient appliqués ensuite.
Le Président de la République s’était engagé à dire ce qu’il ferait et à faire ce qu’il aurait dit. Nous ne sommes pas là en train d’appliquer servilement une cause dont le peuple ne connaît rien, nous appliquons de manière lucide et responsable une politique que les Français ont voulu faire leur au travers de l’élection présidentielle puis des élections législatives. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Je rappelle les trois principes de l’ordonnance de 1945 que respecte le texte qui vous est soumis aujourd’hui : primauté de l’éducatif, des juridictions spécialisées pour les mineurs et l’atténuation de la responsabilité pénale. Actuellement, le tribunal pour enfants peut déjà écarter le principe de l’atténuation de responsabilité pénale sans motiver sa décision dès lors que le mineur de plus de seize ans est récidiviste au sens légal. Ce que prévoit le texte, c’est que le principe de l’atténuation de responsabilité ne s’appliquera plus pour les mineurs de plus de seize ans qui en sont à la troisième récidive pour des délits ou des crimes comportant des éléments de violence ou de nature sexuelle. Mais nous laissons au magistrat la possibilité de rétablir ce principe d’atténuation de la responsabilité à condition de le motiver.
Tout cela est parfaitement cohérent avec l’ordonnance de 1945.
Je veux prendre un exemple. Comment peut-on excuser le meurtre sauvage de la jeune Ghofrane, morte lapidée, avec une quarantaine d’impacts de pierres sur le crâne, un doigt et une oreille sectionnés, dix-sept dents cassées, plusieurs côtes fracturées. Ses deux meurtriers, âgés de seize et dix-sept ans, avaient été condamnés avant les faits, dix fois pour le premier, quatre fois pour le second, lequel avait été jugé dans un cas en assises. Le principe de l’atténuation de la responsabilité avait été respecté pour les condamnations antérieures. Cela n’a pas servi à grand-chose. Devaient-ils encourir une peine maximale de quinze ans si le principe d’atténuation avait été retenu ? La cour d’assises en a décidé autrement en les condamnant à vingt-trois ans de réclusion criminelle. C’est le verdict d’un jury populaire. Cessons de faire de l’angélisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Certes, il faut conserver les bases de l’ordonnance de 1945. Mais il faut aussi prendre en compte l’évolution de la délinquance. Comme l’a dit Mme Batho, un fait de grande délinquance aggravé avec violence est, une fois sur deux, commis par un jeune mineur.
Revenons un instant sur ce qui est arrivé à Ghofrane. Le mineur qui a commis un tel geste n’en était pas à son premier acte de violence.
Quant aux mineurs qui ont brûlé Mama Galedaou à Marseille, exemple qu’aime citer le Président de la République…
Comment se fait-il qu’aucune sanction suffisamment précoce et solide ne soit prévue pour que de tels actes ne se produisent pas ?
S’agissant de la loi pénale et de la loi de procédure pénale, leur importance vient du fait que personne ne peut y échapper. Nous avons donc la responsabilité d’élaborer une loi juste, équitable, qui ne se transforme pas en rouleau compresseur – comme ce fut le cas pour les textes précédents, la commission d’enquête sur Outreau l’a bien montré.
Mme la ministre nous a accusés de faire preuve d’angélisme. Elle sait pourtant que je n’ai rien d’un ange ! Je ne fais qu’assumer la responsabilité attachée à mon mandat. Par ailleurs, nous ne servons pas les délinquants contre les victimes – un tel argument ne saurait d’ailleurs être invoqué dans nos débats. Ce que je souhaite vous faire admettre, en revanche, c’est que la dérogation légale au principe de l’excuse de minorité en cas de multirécidive constitue une rupture avec l’ordonnance de 1945.
Ce n’est pas en se focalisant sur la récidive ou en brandissant la menace de peines multiples que nous empêcherons qu’il y ait des victimes. Pour qu’il n’y en ait plus – ou pour qu’il y en ait moins, ne soyons pas angéliques –, nous devons nous efforcer de limiter tout ce qui concourt à la commission de l’infraction. C’est seulement ainsi que nous atteindrons notre objectif.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Michel Vaxès, pour le soutenir.
Nous souhaitons compléter l’alinéa 3 de l’article 3 par la phrase suivante : « Toutefois, le tribunal pour enfants peut, dans tous les cas, prononcer une mesure éducative. » L’emprisonnement des mineurs doit en effet demeurer une exception. Les dispositions relatives aux peines minimales n’ont vocation à s’appliquer aux mineurs que si le tribunal prononce une peine d’emprisonnement, et même en cas de récidive, les juges doivent pouvoir faire le choix d’une mesure éducative.
Lorsque cet amendement a été présenté au Sénat, vous l’avez jugé superflu au motif que l’article 2 de l’ordonnance de février 1945 n’est pas modifié par ce projet de loi. Mais la clarté n’est jamais superflue.
Tout à l’heure, madame la garde des sceaux, vous affirmiez vouloir simplement mettre en œuvre les engagements du Président de la République. Mais souvenez-vous qu’au lendemain du deuxième tour, 61 % des Français se déclaraient opposés à la mise en place d’une franchise sur les soins, qui faisait pourtant partie de son programme. Lorsque nos concitoyens verront comment se concrétisent ces engagements, ils auront d’autres surprises douloureuses !
(L’amendement n’est pas adopté.)
Le Gouvernement y est favorable.
Je mets aux voix l’amendement n° 6.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à Mme Delphine Batho, pour le soutenir.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Delphine Batho, pour le soutenir.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur.
(L’amendement est adopté.)
C’est un amendement de coordination. Le Gouvernement y est favorable.
Je mets aux voix l’amendement n° 9.
(L’amendement est adopté.)
(L’article 3, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 28.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
(L’article 4 est adopté.)
La parole est à M. Serge Blisko, premier orateur inscrit.
L’injonction thérapeutique suppose en effet une extrême précision dans ce que l’on cherche à obtenir ; à cet égard, comme nombre de professionnels qualifiés l’ont indiqué, l’extension du champ des incriminations visées n’est pas satisfaisante. Le crime et le délit ne sont pas réductibles à la maladie. À force de tout psychiatriser, on va déresponsabiliser : la médecine va tenir lieu de sanction. Le paradoxe, c’est que dans le même temps, on va continuer à punir des gens authentiquement malades, parfois gravement atteints, mais dont l’irresponsabilité n’est, dans le meilleur des cas, que partiellement reconnue. Dès lors, on trouve de plus en plus de ces personnes dans le monde carcéral, où elles sont mal soignées.
Il faudrait que les SMPR, les services médico-psychologiques régionaux – chargés du suivi psychologique en milieu pénitentiaire –, voire les UHSA, les unités hospitalières spécialement aménagées, dont on nous a annoncé la création, soient beaucoup mieux dotés en personnels compétents pour accomplir correctement ce travail difficile, qui suscite tant d’angoisses et d’interrogations.
De la même manière, les SMPR – services médico-psychologiques régionaux – qui ont, pour certains, rendu de grands services, doivent être multipliés. L’état de délabrement que nous connaissons ne concerne pas seulement les locaux, mais également la médecine pénitentiaire, qui n’existe plus en tant que telle, puisqu’il s’agit d’une extension du secteur psychiatrique dans les établissements de détention. Ce service doit être beaucoup plus armé en termes de personnel, de matériel et de missions qu’il ne l’est aujourd’hui. Au-delà des soins, il faut qu’il y ait des structures intermédiaires pour continuer à aider, soutenir et soigner les détenus à leur sortie de prison. Procéder de façon détestable – pardonnez-moi d’employer un terme blessant –, comme vous le faites…
Tel est l’arrière-fond de ce texte qui me paraît confus, grave et peu étayé.
La parole est à M. Michel Vaxès.
Nous abordons donc, avec cet article 5, le volet de votre texte relatif aux injonctions de soins. La psychiatrisation de la délinquance que vous organisez ici opère un transfert dangereux de la responsabilité de la justice vers la médecine. En fait, je crains qu’elle ne serve de justification à l’absence de prise en charge socio-éducative des délinquants. Or tout le monde, ou presque, sait que le cadre socio-éducatif demeure, dans l’immense majorité des cas, le plus adéquat pour prévenir la délinquance.
Madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, en confiant un pouvoir juridictionnel à des experts – tels que les psychiatres – dont ce n'est pas la mission, vous vous défaussez de toute responsabilité. Nous ne sommes plus dans la logique de la séparation des pouvoirs. L'insuffisance des médecins coordonnateurs assurant l'interface entre le juge de l'application des peines et le médecin traitant est telle que ce phénomène sera encore amplifié. Vous assurez vouloir en recruter en nombre, et c'est pourquoi vous n'envisagez l'application de ces mesures qu’en mars 2008. Vous n'ignorez cependant pas qu'aujourd'hui plusieurs centaines de postes de praticiens hospitaliers en psychiatrie sont vacants. Comment allez-vous faire ? Imposerez-vous aux psychiatres du secteur privé de s'investir dans le cadre pénitentiaire ? Si telle était votre intention, mais j'en doute, je vous souhaite bien du plaisir. J’attends en tout cas une réponse de votre part sur ce point.
J'ajoute, et tout le monde ici pourrait en convenir, que les psychiatres considèrent, à juste titre, que l'instauration d'une relation de confiance avec le patient est indispensable à l'évolution positive de toute psychothérapie. Il serait d'ailleurs utile, près de dix ans après l'entrée en vigueur de la loi de 1998 instaurant le suivi socio-judiciaire avec injonction de soins, de dresser un bilan de l’efficacité de cette mesure. Rien, à ma connaissance, n'a été fait en ce sens. Mais qu'importe pour vous ! Vous systématisez ces injonctions de soins sans même vous préoccuper de leur pertinence. Au fond, ce qui vous intéresse, ce n'est pas de soigner, mais de vous débarrasser des problèmes que posent les délinquants, quelle que soit l’importance du délit. Les articles 8 et 9 de votre texte prévoient même d'interdire les réductions de peine et la libération conditionnelle aux personnes refusant les soins. Ils sont la preuve de votre aveuglement et de votre véritable motivation !
Nous demandons, en conséquence, la suppression de tous ces articles relatifs aux injonctions de soins.
Il ne s’agit pas aujourd’hui de psychiatriser les délinquants, mais, au contraire, dans un souci de pragmatisme et d’efficacité, d’identifier ceux qui relèvent d’une prise en charge psychiatrique. Vous ne trouverez pas de réponse dans des arguments fallacieux tels que le manque d’effectifs dans le secteur psychiatrique.
La société demande aujourd’hui à ce que l’on prenne réellement en considération les problèmes auxquels elle est confrontée. Certains délinquants relèvent d’une prise en charge purement éducative,…
Avec ce projet de loi, nous voulons lutter efficacement contre la récidive en assortissant les sanctions d’une obligation de soins. Pourquoi ? Nous savons très bien, mes chers collègues, que les taux de récidive sont très élevés. En quoi l’obligation de soins est-elle condamnable ?
Une chose sera plus difficile pour Mme la garde des sceaux et son homologue, ministre de la santé, c’est de disposer de moyens, en termes de personnels qualifiés, pour la mise en application des mesures que nous allons aujourd’hui adopter. Mais Mme la garde des sceaux a prix des engagements hier à cette tribune. Il ne faut donc pas, dans ce domaine, la combattre, mais, au contraire, la soutenir dans la bataille qu’elle devra livrer !
Je tiens à m’inscrire en faux contre ce que vient de déclarer notre collègue Hunault. On ne peut en effet pas nier qu’il y a une sorte de psychiatrisation de la délinquance – l’expression convient très bien. Nous savons pertinemment qu’un certain nombre de criminels et de délinquants sexuels ne sont pas atteints de troubles psychiatriques, mais, et ce qui est différent, de troubles de la personnalité devant lesquels la psychiatrie moderne est impuissante. Pour avoir visité les prisons, dans le cadre de la commission d’enquête sur les prisons, nous savons qu’un certain nombre de malades y sont envoyés alors qu’ils n’ont rien à y faire, puisque ces lieux de détention ne disposent d’aucuns moyens dans ce domaine.
Dans son intervention sur l’article, mon collègue Blisko a évoqué les SMPR. J’ai rendu visite avec l’Observatoire international des prisons au SMPR d’Amiens, qui a été supprimé. Dans de nombreux lieux de détention, les détenus ne peuvent pas rencontrer de spécialistes pour les aider à vivre mieux et, sans doute, à se réinsérer.
Les articles 8, 9 et 10 relatifs aux soins contraints, même s’ils prennent en considération la santé mentale, sont encore un autre moyen de supprimer le principe constitutionnel de l’individualisation des peines.
Si l’on veut réellement se pencher sur la question des malades en prison qui, bien que ne souffrant pas de troubles de la personnalité, ont besoin d’un traitement psychiatrique, il faut aborder plus attentivement celle du renforcement des moyens médicaux, psychologiques et psychiatriques au sein des prisons. Il nous faudrait donc plus de temps que celui qui nous est imparti dans le cadre de l’examen de ce projet de loi pour lequel l’urgence a été déclarée. Comme j’ai eu l’occasion de le répéter, on préfère donner 13 milliards d’euros à 1 % de la population (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) plutôt que de se donner les moyens de la pacification et de la réinsertion.
Telle est la réalité de la politique de ce gouvernement et de ceux qui l’ont précédé, puisque, depuis cinq ans, c’est la même majorité qui est en place ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
L’amendement n° 29 a déjà été défendu par M. Mamère.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l’amendement n° 80.
Un principe est à nouveau modifié. L’injonction thérapeutique, qui était une possibilité ouverte à la juridiction, devient une sorte d’obligation, sauf décision contraire motivée. Cette mesure paraît assez superfétatoire, puisqu’on ne peut en effet aller contre la volonté de la personne concernée, sachant que si celle-ci ne respecte pas l’injonction, elle subit la sanction.
Nous ne comprenons donc pas le sens de cet amendement. Personne ne conteste la pertinence de l’injonction thérapeutique, personne ne conteste le fait qu’une juridiction doit être éclairée par des experts et que le refus de la personne concernée entraîne l’application de la sanction d’emprisonnement. J’aimerais donc que l’on nous explique pourquoi on prévoit une obligation alors que, si la personne concernée refuse le traitement, on ne peut pas le lui imposer.
En outre, si une personne n’a pas toutes les capacités pour assumer ce type de décision, le processus de conseil et d’assistance est suffisant pour l’éclairer, de sorte que, sincèrement, je ne suis pas certain que ce dispositif n’ait pas été introduit pour donner une dimension un peu plus honorable à ce texte.
Je voudrais bien, monsieur le rapporteur, que vous nous éclairiez car l’introduction d’une obligation n’est pas compréhensible.
Ce qui caractérise l’ensemble de ces articles, qui concernent toutes les dispositions relatives au suivi socio-judiciaire, au sursis avec mise à l’épreuve, à la surveillance judiciaire, aux réductions de peine et à la libération conditionnelle, c’est qu’il n’y a pas de voie sans issue. Il y a des orientations, des chemins de plus en plus balisés, mais, à l’arrivée, c’est toujours la juridiction qui garde la maîtrise de la décision pénale. Quand on n’a pas cela à l’esprit, on a une vision partielle, donc obligatoirement partiale, réductrice et parfois erronée du texte.
Concernant plus spécifiquement l’article 5, vous ne pouvez pas dire, monsieur Blisko, qu’il tend à transférer la responsabilité de la justice vers la médecine, ce n’est pas vrai. Le juge ne se prononcera éventuellement sur une injonction de soins que sur la base d’une expertise médicale, et il aura toujours la faculté de ne pas suivre l’avis des experts, ce qui prouve bien qu’il n’y a pas de transfert. On met l’ensemble de l’expertise des milieux médicaux au service du juge et du délinquant.
L’injonction de soins dans le cadre du suivi socio-judiciaire est systématisée mais ce n’est pas pour ça qu’elle est imposée. Nous ne sommes pas, je le répète, dans une voie sans issue. Le juge peut toujours, s’il l’estime opportun, prendre une décision contraire.
Enfin, et cet argument vaut bien sûr pour l’ensemble des articles 5 à 9, la date d’entrée en vigueur étant fixée dans l’article 10, tout cela n’a de sens et n’est possible que si l’on accorde des moyens supplémentaires à la médecine psychiatrique en milieu judiciaire. C’est la raison pour laquelle ces dispositions n’entreront en vigueur que 1er mars 2008, ce qui donne un délai au Gouvernement. Mme la garde des sceaux nous l’a dit en commission et l’a répété à plusieurs reprises dans cet hémicycle, son ministère, en coordination avec le ministère chargé de la santé, prépare un recrutement massif de médecins coordonnateurs supplémentaires. Il y en a aujourd’hui 202, il y aura les 500 nécessaires d’ici au 1er mars prochain.
Tout ce qui est écrit dans les exposés sommaires de ces amendements est donc réducteur et erroné. La systématisation de l’injonction de soins, avec la faculté pour le juge de ne pas la mettre en œuvre, est une chance pour le condamné et elle permet de lutter contre la récidive. Il y a donc une chance qu’il y ait moins de récidives et moins de victimes.
C’est la raison pour laquelle la commission est défavorable aux amendements de suppression de l’article 5, mais également, je le dis par avance, des articles 6, 7, 8 et 9.
Dès lors que les experts considéreront qu’un traitement s’impose, les soins seront obligatoires, sauf si le tribunal ne l’estime pas nécessaire parce que d’autres soins sont menés en parallèle ou qu’il y a une autre prise en charge. Pour une personne déjà condamnée, le juge d’application des peines pourra soumettre à l’expertise le condamné et imposer une injonction de soins dans les mêmes conditions. À aucun moment le médecin n’est juge et le juge n’est médecin.
Dans le cadre des procédures criminelles, je vous le rappelle, la juridiction ne peut juger quelqu’un que s’il est responsable, et la responsabilité est déterminée par des experts. La cour d’assises est donc liée par les avis des experts, qui sont des psychiatres. C’est la même procédure pour les délinquants sexuels ou les délinquants qui ont des troubles graves de la personnalité ou des troubles psychiatriques. L’objectif est de prévenir la récidive chez ce type de délinquants.
Cela dit, que se passera-t-il si, en 2008, en dépit des engagements du Gouvernement, on n’a pas trouvé suffisamment de médecins et de psychiatres ? On sait que, dans de nombreux établissements psychiatriques de France entre un tiers et 50 % des postes sont vacants, ce qui crée d’énormes problèmes dans l’exécution des soins.
Sans rentrer dans les détails, j’aimerais qu’on m’explique ce qu’est un traitement, ce que signifie exactement « la possibilité d’un traitement » et ce qu’on fait quand l’injonction de soins est prononcée et qu’on n’a pas les moyens de l’appliquer. Dans un cas, que vous connaissez sans doute, où la récidive a été évitée grâce à l’intervention d’un témoin, la personne concernée a expliqué que cela faisait sept mois qu’elle attendait un rendez-vous.
Je pense que c’est en amont, pendant l’exécution de la sanction, qu’il faudra trouver des solutions, y compris en motivant un certain nombre de médecins et en les formant à l’intérieur du système pénitentiaire.
Là, on a un vrai souci, parce que je ne sais pas ce que, en droit, veut dire traitement, et je ne sais pas qui fera le suivi.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Serge Blisko, pour le défendre.
En même temps, et c’est là, je pense, que l’on triche, on supprime la double expertise. Ce n’est pas innocent. On pourrait penser que c’est réaliste puisqu’il n’y a pas assez de psychiatres, tout le monde le dit. Un expert de moins, c’est autant de temps de gagné et de difficultés évitées, mais cette raison n’est pas recevable.
Pourquoi avait-on prévu deux experts dans la loi de 1998 qui avait créé le suivi socio-judiciaire ? Parce que ce sont des questions extrêmement difficiles que l’on va poser aux experts psychiatres. Cette personne est-elle dangereuse si elle n’est pas soignée ? Si on la soigne, pourra-t-elle sortir sans être dangereuse ? Si elle bénéficie de soins dans la continuité et dans la durée, pourra-t-elle bénéficier d’une libération conditionnelle ? Et, si elle sort au bout de treize ans au lieu de dix-huit, sera-t-elle moins dangereuse que si elle sort sans soins au bout de dix-huit ans ?
Ce sont des questions extrêmement compliquées, et très peu d’experts psychiatres sont capables de savoir si, après avoir bénéficié de soins pendant dix ans, une personne ayant commis des agressions sexuelles sera beaucoup moins dangereuse qu’elle ne l’est aujourd’hui. Ou alors on passe à des traitements interdits en France, qui sont radicaux et dramatiques, et que notre humanisme en matière pénitentiaire ou médicale nous interdit même d’envisager.
Étant donné que nous ne pouvons pas répondre à ces questions, le dispositif que vous nous proposez ici n’est qu’un leurre, comme le savent tous ceux qui ont eu à connaître de ces cas, soit directement, soit à travers la relation des experts qu’ils ont auditionnés.
Une expertise unique poserait un problème s’il s’agissait, comme dans l’article 712-21 du code de procédure pénale, de déterminer si une personne condamnée peut être remise en liberté de manière anticipée. Toutefois, dans les cas visés par l’alinéa 4, qu’on nous propose de compléter en rétablissant la double expertise, le dispositif ne concerne pas une éventuelle libération mais seulement les modalités de mise en œuvre du suivi socio-judiciaire. La simplification proposée par le projet de loi ne remet donc pas fondamentalement en cause les droits attachés à l’expertise. La disposition proposée par l’amendement n° 81 viendrait inutilement alourdir les procédures d’expertise. C’est pourquoi la commission propose son rejet.
Sur la question de l’expertise judiciaire, je voudrais simplement renvoyer l’ensemble de mes collègues au rapport de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau. Toutes les personnes qui ont été auditionnées, et la commission à leur suite, ont reconnu qu’il n’était plus possible d’envisager des expertises sans qu’il y ait des dualités d’intervention d’experts et une contradiction, avec la faculté éventuelle de saisir un autre expert s’agissant des conclusions.
Certains de mes collègues ont souligné, comme vient de le faire M. Blisko – et cette question relève de sa compétence professionnelle – la fragilité des expertises psychiatriques, et tous les experts, médecins, psychologues ou psychiatres, entendus par la commission Outreau, ont insisté sur la terrible responsabilité qui pesait sur leurs épaules, puisque de leur appréciation découlait une décision de justice.
Nous attirons donc l’attention sur les risques énormes que nous prendrions en votant cette mesure, qui trouve bien entendu son origine dans des problèmes d’intendance : il est clair que si les experts psychiatres étaient en nombre suffisant, on ne proposerait pas de supprimer la double expertise. Mais chaque fois qu’on a modifié la procédure pénale pour des raisons de moyens, on s’est planté ! Quand la procédure pénale court après le budget de l’État, c’est l’État de non-droit qui avance.
Les membres de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau ont été unanimes – c’est pourquoi je me permets de le rappeler – à condamner la pratique qui a été celle de tous les gouvernements depuis des décennies, au-delà des clivages partisans, consistant à faire de la procédure pénale un instrument pour réduire le poids budgétaire de la justice. Ce n’est pas acceptable dans des domaines aussi essentiels que ceux-là.
Dans ces domaines-là, et s’agissant de crimes aussi graves que ceux mentionnés par l’amendement, je pense, mes chers collègues, que nous aurions tort de laisser à la sagacité d’un seul expert la responsabilité d’éclairer le juge chargé d’appliquer la loi. Je crois que ce serait une erreur fondamentale de revenir ainsi aux errements dont nous avions tous considérés que le législateur devait désormais s’abstenir.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Dans ce projet de loi, le Gouvernement a voulu préciser les dispositions applicables dans le cadre de l’application des peines au condamné à un suivi socio-judiciaire.
Dans le cas, toujours possible, où le condamné refuse les soins proposés, la peine est mise en exécution par provision. Le projet de loi propose de préciser explicitement que, dans ce cas, le condamné doit être auditionné et que le procureur de la République donne son avis.
L’amendement clarifie la rédaction initiale en proposant de supprimer l’adverbe « alors » qui laisse penser que ces garanties ne s’appliquent que si le condamné refuse les soins, ce qui n’est pas le cas. Une fois l’adverbe « alors » supprimé, les garanties mentionnées s’appliquent tout au long de la procédure devant le juge de l’application des peines.
(L'amendement est adopté.)
L’avis du Gouvernement est favorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 11.
(L'amendement est adopté.)
(L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. Noël Mamère pour soutenir l’amendement n° 30.
L’amendement n° 82 est-il défendu ?
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Avis favorable du Gouvernement.
Je mets aux voix l'amendement n° 12.
(L'amendement est adopté.)
(L'article 6, ainsi modifié, est adopté.)
Cet amendement est-il défendu ?
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'amendement n° 66.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Qu’en est-il de l’amendement n° 84 ?
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
(L'article 7 est adopté.)
La parole est à M. Noël Mamère pour défendre l’amendement n° 32.
La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir l’amendement n° 85.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
(L'article 8 est adopté.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 33.
L’amendement n° 86 est-il défendu ?
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je mets aux voix l'amendement n° 13.
(L'amendement est adopté.)
Avis favorable du Gouvernement.
Je mets aux voix l'amendement n° 14.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'amendement n° 15.
(L'amendement est adopté.)
(L'article 9, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.
Neuf ans après la création de ce dispositif de suivi socio-judiciaire par la loi de 1998, un tel bilan s’impose. En effet, d’après les statistiques de la chancellerie, 1 066 justiciables se seraient vu imposer un suivi socio-judiciaire, soit 10 % des quelque 10 000 condamnés éligibles.
Je veux à ce propos citer M. Laurent Bédouet, membre du bureau de l’union syndicale des magistrats, s’exprimant dans un très bon journal du matin, puisqu’il s’agit du Figaro du 16 juin – mais vous ne l’avez peut-être pas tous lu in extenso – : « le recours encore insuffisant à ce dispositif s’explique en grande partie par le manque de médecins coordonnateurs censés organiser cette obligation de soin. » Cette observation, que nous avons tous faite depuis hier, pose un certain nombre de questions.
Nous sommes tous favorables à une meilleure application de la loi du 17 juin 1998, qui souffre déjà de l’insuffisance des moyens. Il faut nous indiquer un état précis des besoins, et non se contenter de lancer ici le chiffre de 300 médecins coordonnateurs supplémentaires, qui ne peut que nous laisser sceptiques. Ce scepticisme est partagé par nombre de magistrats. Après l’USM, que vous jugez certainement avec suspicion puisqu’il s’agit d’un syndicat, je citerai Xavier Lameyre, chargé de formation et de recherche à l’école nationale de la magistrature après avoir été juge d’application des peines dans l’Essonne – on ne peut guère le soupçonner de partialité ! – : « les juges ont aujourd’hui tous les outils législatifs dont ils ont besoin. La difficulté n’est pas là : ce qui compte, c’est de pouvoir mettre correctement en œuvre l’existant, notamment en matière de soins. »
Nous sommes là face à une demande tout à fait légitime. Sans répéter ce que votre rapport dit très bien, monsieur Geoffroy, nous ne devons pas garder de ce mois de juillet 2007 l’impression que nous avons légiféré en vain, faute de moyens suffisants pour que la loi s’applique à partir de mars 2008.
Je souhaite donc que le Gouvernement soumette à la représentation nationale un premier bilan de la loi du 17 juin 1998.
On peut s’étonner, en outre, que vous demandiez, monsieur Blisko, la remise d’un rapport pour le moment même où la loi est mise en œuvre. Les services du ministère de la justice sont certes connus pour leur célérité, mais il est peut-être excessif de penser qu’ils sont en mesure de produire instantanément un rapport sur la mise en œuvre d’une loi le jour même où elle est promulguée.
Cet amendement sous-entend de surcroît, et cela ne me semble pas juste, que les effets de l’injonction de soins ne sont pas connus et suggère, sans le dire, que les dispositions du projet de loi ne devraient entrer en vigueur qu’au vu du rapport demandé. Or l’injonction de soins n’est pas une nouveauté. Elle a largement fait ses preuves et tous, y compris les experts qu’invoque M. Blisko, s’accordent à souligner ses effets très positifs lorsqu’il s’agit – car c’est là l’esprit et la volonté du texte – de limiter le risque de récidive.
La commission a donc rejeté cet amendement.
Vous avez raison, au demeurant, de le demander, car on constate que les mesures de suivi socio-judiciaire sont très efficaces contre la récidive. Toutefois, ce suivi n’est prononcé que dans 10 % des cas où il serait nécessaire. C’est afin de pouvoir disposer des moyens nécessaires à ce suivi que nous avons souhaité différer jusqu’à mars 2008 l’entrée en vigueur des dispositions relatives à l’injonction de soins.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir cet amendement.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.
Face au manque de moyens et au caractère quelque peu utopique du volontarisme avec lequel le Gouvernement envisage de créer 300 postes en six mois, l’amendement n° 87 vise à repousser au 1er mars 2010 l’application des dispositions du I de l’article 5 et celles de l’article 6. Il nous semblerait alors possible de disposer des moyens de recourir d’une façon sérieuse à l’injonction de soins.
(L’amendement n’est pas adopté.)
(L’article 10 est adopté.)
La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir cet amendement.
Il importe donc d’évaluer les dispositifs prévus par les articles 5 à 9 afin de mesurer leur pertinence et leurs effets bénéfiques ou néfastes, et d’apporter, le cas échéant, les corrections qui s’imposent.
L’amendement n° 68 rectifié est un amendement de repli : à défaut de disposer d’un bilan pour le 1er mars 2010, efforçons-nous d’avoir pour le 31 mars 2011 une évaluation des mesures que vous mettez en place.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 35.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
(L’article 11 est adopté.)
Conformément aux décisions de la conférence des présidents, nous allons procéder aux explications et au vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi.
Vous opérez également l’inversion également et la remise en cause d’une politique judiciaire en direction des mineurs : le juge est désormais obligé de motiver la remise en liberté d’un mineur. Les mineurs ne sont pas des adultes en réduction, mais des êtres en développement. À la différence de l’Allemagne, la France applique aux mineurs les dispositions applicables aux majeurs. Nous estimons que vous procédez ainsi à une inversion dangereuse et contribuez à criminaliser une partie de la société française et une partie importante de notre jeunesse.
Vous avez choisi, madame la ministre, face à la faillite du système judiciaire et des dispositifs sociaux et éducatifs, le volet répressif. Vous serez comptable devant les Français…
Vous prenez donc devant le pays et la représentation nationale une grave responsabilité. C’est la raison pour laquelle le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera résolument contre ce projet de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Celui-ci vise tout d’abord à renforcer la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. C’était un engagement du Président de la République pendant la campagne électorale. Il est aujourd’hui tenu devant les Français.
En instaurant des peines minimales pour les récidivistes, ce projet crée un régime juridique spécifique à la récidive. En excluant l’excuse de minorité pour les mineurs multirécidivistes, il contribue à mettre fin au sentiment d’impunité. Votre projet de loi, nous venons d’en discuter, soumet à un suivi judiciaire et psychiatrique les condamnés atteints de troubles mentaux et les auteurs de crimes sexuels.
Ce texte ne sera efficace que s’il est accompagné, et comme l’a affirmé notre groupe tout au long de cette discussion, des moyens financiers indispensables pour rendre notre justice plus efficace. Contrairement à ce qu’a prétendu l’opposition – et à l’instant même M. Mamère –, il ne restreint pas la capacité de juger des magistrats, qui garderont leur pouvoir d’évaluer la peine. En aucun cas le juge ne sera contraint d’appliquer mécaniquement la loi. Sa liberté d’appréciation sera maintenue. Le juge conserve la possibilité d’aménager les conditions d’application de la peine privative de liberté.
Ce projet de loi n’instaure en rien un mécanisme de condamnation systématique. D’ailleurs, comme vient de le souligner M. Mamère, ces deux principes de personnalisation et d’individualisation de la peine et d’appréciation par le magistrat sont garantis par le Conseil constitutionnel.
Votre projet de loi, madame la garde des sceaux, qui se place résolument du côté des victimes, n’est pas sans susciter, vous le savez, des interrogations quant à ses conséquences sur le nombre des détenus en France, à un moment où la situation dans les prisons françaises est à l’origine de bien des inquiétudes. C’est pourquoi nous saluons la confirmation que vous avez donnée hier, dans le cadre de la discussion générale, de l’engagement du Gouvernement de déposer dès le mois de septembre deux projets de loi, dont l’un vise à instaurer un contrôle indépendant des prisons et l’autre à élaborer une loi pénitentiaire destinée à redéfinir les missions de la prison. Nous vous soutiendrons.
L’opposition a relayé l’hypothèse d’une augmentation sensible du nombre de détenus. C’est une affirmation infondée. Il revient au législateur de promouvoir, à l’occasion de l’examen de la prochaine loi pénitentiaire, les peines alternatives à l’emprisonnement – contrôle judiciaire, bracelet électronique ou semi-liberté – et à rendre plus exceptionnelle la détention provisoire. Une façon de lutter efficacement contre la récidive sera de faciliter le travail et la formation dans la prison et d’éviter les sorties sèches, cause de récidive.
Vous le savez aussi, la réalité de l’exécution des peines prononcées est aussi essentielle dans un pays où sont prononcées chaque année 100 000 peines d’emprisonnement, dont un tiers ne sont jamais exécutées.
Madame la garde des sceaux, je vous assure à nouveau du soutien du groupe Nouveau Centre à ce projet de loi, qui concilie fermeté et humanité. Vous pouvez compter sur nous. Nous serons au rendez-vous que vous nous avez donné dès le mois de septembre pour deux autres projets qui viendront atténuer les craintes que suscite la situation dans les prisons. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Ce texte est une des réponses nombreuses que le Gouvernement apporte, une fois de plus – on a parlé de septième ou huitième loi –, pour essayer de pallier le problème de la délinquance dans notre pays.
Le groupe de l’UMP votera bien évidemment ce projet de loi car il répond à la fois à une demande forte de la majorité des Français, souvent victimes de ces actes délictueux, et au premier des engagements du Président de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Manuel Valls, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
L’échange que nous espérions n’a malheureusement pas eu lieu. Nos amendements ont tous été rejetés – à l’exception d’un seul, celui de Serge Blisko –, malgré un débat très passionnant sur l’injonction de soins et sur le suivi socio-judiciaire.
Nos interrogations sont restées sans réponse. Elles étaient pourtant relayées, au cœur même de la majorité, par plusieurs de nos collègues UMP. Nous avons d’ailleurs apprécié qu’ils votent certains de nos amendements – je pense notamment à M. Fenech. Dans une intervention remarquée, Étienne Pinte a fait part de sa « perplexité » et expliqué sa crainte que le « dispositif ne puisse malheureusement qu'accroître la récidive des mineurs ». M. Jacques Myard, pourtant favorable au texte, s'est lui-même ému – c’est dire ! – que l’on envoie en prison des mineurs « au risque de les rendre pires…
Les conditions d’une discussion constructive étaient donc bien réunies. Faute de nous avoir écoutés, le Gouvernement et la majorité porteront seuls la responsabilité de son immanquable échec.
Cet échec est en effet déjà inscrit dans le projet de loi lui-même. Rédigé sans concertation, dans une hâte fébrile dénoncée depuis plusieurs semaines par tous les professionnels et par tous les experts à longueur de page, dans toute la presse quelle que soit son opinion (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine),…
Il rate sa cible car, comme de très nombreux orateurs l'ont expliqué au cours de nos débats, la justice souffre avant tout de l'insuffisance criante de ses moyens humains et matériels ! Mesdames, messieurs de la majorité, vous êtes au pouvoir non pas depuis un mois, comme certains d’entre vous aiment à le dire, mais depuis un mois et cinq ans ! Vous êtes donc comptable aussi de ce bilan ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Pourtant – et aucune majorité n'y échappera –, la première priorité est d'accorder enfin à la justice les ressources nécessaires à son bon fonctionnement. C'est ainsi, et ainsi seulement, que la justice deviendra plus efficace et préviendra la récidive.
Le projet de loi rate également sa cible car, comme le rapporteur l’a lui-même souligné, il ne comprend aucune mesure pour diminuer la réitération des mineurs. Or c'est ce phénomène qui constitue l'essentiel de leur délinquance et qui provoque l'exaspération de nos concitoyens.
Dans ces conditions, l'opinion de Bruno Beschizza, secrétaire général du syndicat de police Synergie – je pense qu’elle vous touche tout particulièrement, chers collègues –, selon lequel « ce texte est une escroquerie », nous paraît pleinement justifiée.
En premier lieu, plusieurs principes constitutionnels sont mis à mal par les trois premiers articles du texte. Un juriste captivé par la forme expliquera sans doute que leur lettre respecte nos droits fondamentaux, mais tous ceux qui s'attachent à l'esprit des lois reconnaîtront, comme Christophe Caresche l’a démontré, que, sur le fond, ils portent atteinte aux principes de l'individualisation des peines et de la spécificité de la justice des mineurs.
Nous sommes revenus à plusieurs reprises sur la question de la surpopulation carcérale. Alors que le nombre de détenus s'élève, au 1er juillet, à 61 810 personnes, soit son plus haut niveau depuis le pic historique de juillet 2004, les analyses de Pierre Victor Tournier prouvent que ce texte pourrait le faire passer à 70 000 dès l'année prochaine. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Enfin, comme Arnaud Montebourg l’a rappelé, la facture totale des mesures annoncées s'élève à 1,5 milliard d'euros : 500 millions pour les 13 200 places de prison, 500 millions également pour les 21 CEF, et 500 millions encore pour les 700 places en unités hospitalières. Lorsque l'on sait que le budget annuel de la justice ne dépasse pas 6 milliards d'euros, comment croire à ces promesses ?
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous appelons à voter contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
(Il est procédé au scrutin.)
Le projet de loi est adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à Mme la garde des sceaux. (Les députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire se lèvent et applaudissent longuement Mme la garde des sceaux.)
Votre assemblée a su depuis de très nombreuses années s'intéresser à l'efficacité de notre dispositif pénal à l'égard des récidivistes, des délinquants mineurs, des criminels sexuels. Je tiens à rappeler à cet instant avec une certaine émotion le rôle éminent joué par le regretté Gérard Léonard – que j’ai connu – au sein de la commission d'information sur la récidive pour moderniser notre droit, ainsi que le travail effectué par mon prédécesseur Pascal Clément à l'occasion de l'examen de la proposition de loi relative au traitement de la récidive.
Cette préoccupation a continué à se manifester lors de nos débats. Nous avons eu un vrai débat républicain. Car nous devons répondre à une grande préoccupation des Français : celle de pouvoir vivre dans un pays dans lequel la sécurité de chacun est garantie sans pour autant que nos principes juridiques soient malmenés.
Je sais que cette préoccupation est partagée sur l'ensemble des bancs de cette assemblée. C'est pourquoi nous avons accepté l'amendement de l'opposition déposé par M. Blisko prévoyant une évaluation de la loi trois ans après son entrée en vigueur.
Notre philosophie pénale est claire : plus d'amnistie qui affaiblit la force de la loi, plus de grâces collectives qui amoindrissent le travail des juges, notamment celui des juges d'application des peines, mais la volonté de convaincre chacun que des peines adaptées et dissuasives seront prononcées à l'égard de tous les délinquants et que ces peines seront véritablement exécutées.
C'est dans cet esprit que la commission des lois a travaillé pour préparer nos échanges. Je souhaite en remercier ses membres et dire à M. Warsmann, son président, et à M. Geoffroy, son rapporteur, combien j'ai pu apprécier leur position et leurs propos toujours très pertinents. Ils ont ainsi permis d'enrichir le texte du Gouvernement, qui a donné un avis favorable aux seize amendements présentés par la commission des lois. L'équilibre du texte, auquel je tenais, a été préservé.
Plusieurs amendements de votre commission ont grandement amélioré le projet et ont utilement précisé et complété le texte issu des travaux du Sénat. Je pense notamment à l'amendement transférant dans l'ordonnance de 1945 la précision souhaitée par le Sénat – à l'initiative du groupe socialiste – selon laquelle les mesures et les sanctions éducatives ne sont pas prises en compte pour la récidive. Je pense également à l'amendement rendant facultative l'information des condamnés sur les conséquences d'une éventuelle récidive.
Je suis également très heureuse de constater qu'il n'y a eu aucune divergence de fond sur les dispositions principales du projet entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Je suis donc persuadée que la commission mixte paritaire parviendra sans difficulté à un texte commun sur l'ensemble du projet de loi.
Le texte qui a été adopté concilie de façon équilibrée la nécessaire fermeté qui doit s'appliquer aux récidivistes, y compris mineurs, et les principes constitutionnels, comme l'individualisation des peines et l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs. Il respecte ainsi les engagements du Président de la République de renforcer la sécurité des Français, et permettra, je n'en doute pas, de rétablir la confiance entre les Français et leur justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Discussion du projet de loi, n° 71, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, relatif aux libertés et responsabilités des universités :
Rapport, n° 80, de M. Benoist Apparu, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
Suite de l’ordre du jour de la première séance.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton