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SOMMAIRE
Présidence de M. Jean-Marie Le Guen
1. Immigration, intégration et asile. – Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (nos 57, 160)
discussion des articles (suite)
Après l'article 5
Amendements identiques nos 36, 75, 160, : Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois ; Mme Françoise Hostalier, M. le Bruno Le Roux, Mme George Pau-Langevin, MM. Julien Dray, Richard Mallié, Noël Mamère, Jean Leonetti, Serge Blisko, Manuel Valls, Jacques Myard, Patrick Braouezec, Jean-Pierre Dufau, Mmes Sandrine Mazetier, Nadine Morano, M. Pierre-Alain Muet, Mme Chantal Brunel, MM. Daniel Garrigue, Étienne Pinte, Mme Delphine Batho, MM. Dominique Raimbourg, Serge Letchimy, Jean Mallot, Mme Marylise Lebranchu, M. Nicolas Perruchot.
M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement.
M. Manuel Valls.
Suspension et reprise de la séance
Sous-amendement no 266 : MM. le ministre, le rapporteur, Mme George Pau-Langevin, M. Patrick Braouezec. – Adoption par scrutin.
Sous-amendement n° 267 : MM. le ministre, le rapporteur, Noël Mamère, Jean-Pierre Soisson. – Adoption par scrutin.
Sous-amendement n° 268 : MM. le ministre, le rapporteur, Mme Delphine Batho. – Adoption par scrutin.
Sous-amendement n° 274 : MM. le ministre, le rapporteur, Manuel Valls. – Adoption par scrutin.
Adoption, par scrutin, des amendements identiques n° 36, 75 et 160, modifiés.
Suspension et reprise de la séance
Présidence de M. Marc Le Fur
Amendement n° 194. – Rejet
Amendement n° 127 : MM. Étienne Pinte, le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendement n° 195. – Rejet.
Amendements nos 128 rectifié et 242 : MM. Étienne Pinte, le rapporteur, le ministre, Jean-Paul Lecoq. – Adoption de l’amendement n° 128 rectifié ; l’amendement n° 242 tombe.
Amendements nos 263, 72 et 141 : MM. Yves Jégo, le ministre, le rapporteur. – Retraits des amendements nos 72 et 141 ; adoption de l’amendement n° 263.
Amendement n° 196. – Rejet.
Amendement n° 197 : Mme George Pau-Langevin, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Avant l'article 6
Amendement n° 37 : MM. le rapporteur, le ministre, Serge Blisko. – Adoption.
Article 6
Mme Françoise Hostalier.
Amendement de suppression n° 150 : MM. Jean-Paul Lecoq, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 38 rectifié : MM. le rapporteur, le ministre.
Sous-amendements nos 142 et 219 et sous-amendements identiques nos 78 et 111 : MM. Noël Mamère, Serge Blisko, Étienne Pinte, Mme Françoise Hostalier, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des sous-amendements.
Sous-amendement no 114 : MM. Philippe Cochet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Sous-amendement no 223 : MM. Serge Blisko, le rapporteur, Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. – Rejet.
Sous-amendement no 112 : Mme Françoise Hostalier, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Sous-amendement no 215 : MM. Serge Blisko, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Sous-amendement n° 143 rectifié : MM. Jean-Paul Lecoq, le rapporteur, le secrétaire d’État, Mme George Pau-Langevin, M. Noël Mamère. – Rejet.
Sous-amendement no 216. – Rejet.
Sous-amendement no 217. – Rejet.
Sous-amendement no 218 : MM. Serge Blisko, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Adoption de l’amendement 38 rectifié, modifié par le sous-amendement n° 114.
L’article 6 est ainsi rédigé.
Après l'article 6
Amendement n° 39 : MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Adoption.
Article 7
Amendement de suppression n° 151 : M. Jean-Paul Lecoq, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Amendement n° 40 : MM. le rapporteur, le secrétaire d’État, Mme George Pau-Langevin, M. Serge Blisko. – Adoption.
Amendement n° 41. – Adoption.
Amendement n° 68 avec le sous-amendement n° 113 : MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, le secrétaire d’État, Noël Mamère. – Adoption du sous-amendement et de l’amendement modifié.
Adoption de l’article 7 modifié.
Article 8
Amendement de suppression n° 152 : MM. Jean-Paul Lecoq, le rapporteur, le secrétaire d’État . – Rejet.
Amendement n° 42. – Adoption.
Adoption de l’article 8 modifié.
Article 9
Mmes Françoise Hostalier, Chantal Berthelot, MM. Noël Mamère, Serge Blisko, Étienne Pinte.
Amendements de suppression nos 153 et 222. – Rejet.
Amendement n° 43 rectifié : M. le rapporteur. –Adoption.
Amendement n° 221 rectifié : MM. Serge Blisko, le rapporteur, le ministre, Étienne Pinte. – Rejet.
Amendement n° 44. – Adoption.
Amendement n° 257. – Rejet.
Adoption de l’article 9 modifié.
Après l'article 9
Amendements identiques nos 45 rectifié et 56 rectifié : MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, le ministre, Serge Blisko, Étienne Pinte. – Adoption.
M. Serge Blisko.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 69 : MM. le rapporteur, le secrétaire d’État, Noël Mamère, Serge Blisko, Éric Ciotti, Étienne Pinte. – Adoption.
Amendements nos 136 et 258 : MM. Nicolas Perruchot. – Retrait de l’amendement n° 136.
MM. Serge Blisko, le rapporteur, le ministre. – Rejet de l’amendement n° 258.
Article 10
Amendement de suppression n° 154 : MM. Patrick Braouezec, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Adoption de l’article 10.
Après l'article 10
Amendement n° 81 : MM. Philippe Goujon, le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendement n° 80. – Adoption.
Amendement n° 220. – Rejet.
Amendement n° 79 : MM. Philippe Goujon, Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois ; le ministre. – Retrait.
Article 11. – Adoption.
Après l'article 11
Amendement n° 104 : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le ministre, Mme George Pau-Langevin. – Rejet.
Article 12
Amendement n° 4 : MM. Bernard Reynès, le rapporteur, le ministre, Serge Blisko. – Rejet.
Amendement n° 46 rectifié. – Adoption.
Amendement n° 47. – Adoption.
Adoption de l’article 12 modifié.
Après l'article 12
Amendement n° 48 rectifié : MM. le rapporteur, le ministre, Serge Blisko. – Adoption.
Amendement n° 184 : MM. Frédéric Lefebvre, le rapporteur, le ministre, Mme George Pau-Langevin. – Adoption.
Amendement n° 49 : MM. le rapporteur, le ministre, Noël Mamère, Mme George Pau-Langevin. – Adoption.
Amendement n° 208 : MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendement n° 137 : MM. Nicolas Perruchot, le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendement n° 50 rectifié : MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Article 13
Amendement n° 271 : MM. Philippe Goujon, le rapporteur, le ministre, Mme George Pau-Langevin. – Retrait.
Amendement n° 51. – Adoption.
Adoption de l’article 13 modifié.
Article 14
Mme Jeanny Marc.
Adoption de l’article 14.
Après l'article 14
Amendement n° 122 avec le sous-amendement n° 273 : Mme Jeanny Marc, MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption du sous-amendement et de l’amendement modifié.
Amendement n° 123 avec le sous-amendement n° 275 : Mme Jeanny Marc, MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption du sous-amendement et de l’amendement modifié.
Amendement n° 120 : Mme Jeanny Marc, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 121 : Mme Jeanny Marc, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 117 : Mme Jeanny Marc.
Amendements nos 118, 119, 115, 126, 125, 124 et 116. – Rejet des amendements nos 117, 118, 119, 115, 126, 125, 124 et 116.
Amendement n° 181 avec le sous-amendement n° 262 : MM. Frédéric Lefebvre, le rapporteur, le ministre, Nicolas Perruchot, Philippe Goujon, Mme George Pau-Langevin, MM. Noël Mamère, Éric Ciotti. – Adoption du sous-amendement et de l’amendement modifié.
Amendement n° 182 : MM. Frédéric Lefebvre, le rapporteur, le ministre. – Retrait.
Amendement n° 224 : Mme George Pau-Langevin, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 225 : Mme George Pau-Langevin, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 226. – Rejet.
Amendement n° 276 : MM. le ministre, le rapporteur. – Adoption.
Article 15
Amendement n° 52. – Adoption.
L’article 15 est ainsi rédigé.
Article 16. – Adoption.
Après l'article 16
Amendement n° 214 : Mme Annick Girardin, MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption de l’amendement rectifié.
Article 17. – Adoption.
Article 18
Amendement n° 53. – Adoption.
Adoption de l’article 18 modifié.
Après l'article 18
Amendement n° 54 : MM. le rapporteur, Éric Ciotti, le ministre, Noël Mamère. – Adoption.
MM. Serge Blisko, le président.
Suspension et reprise de la séance
Rappel au règlement
M. Serge Blisko.
Reprise de la discussion
Amendement n° 55 : Mme Michèle Tabarot, MM. le ministre, Noël Mamère, Serge Blisko, Patrick Braouezec. – Adoption.
Amendement n° 209 : MM. le rapporteur, le ministre, Mme George Pau-Langevin. – Adoption.
Titre
Amendement n° 253. – Rejet.
Amendement n° 254. – Rejet.
seconde délibération
Article 2
Amendement n° 1 : MM. le ministre, le rapporteur. – Adoption.
Adoption de l’article 2 modifié.
explications de vote
MM. Éric Ciotti, Nicolas Perruchot, Mme George Pau-Langevin, M. Patrick Braouezec.
vote sur l’ensemble
Adoption de l’ensemble du projet de loi.
2. Ordre du jour des prochaines séances
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Suite de la discussion,
après déclaration d’urgence, d’un projet de loi
La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
À ceux qui veulent nier l’existence de ce problème, je rappellerai que la solution des tests a été mise en œuvre dans douze grands pays européens et qu’elle donne visiblement satisfaction.
Cet amendement ne mérite ni excès d’honneur, ni excès d’indignité. Mais, que voulez-vous, chacun sait que d’un côté de cet hémicycle siègent les arbitres de l’élégance et de la morale et que tout ce qui les choque est forcément scandaleux.
C’est un débat que ces messieurs ne veulent pas qu’on aborde : le sujet est tabou.
Il s’agit de créer un outil de plus. Il ajoute, il n’enlève rien. En réalité, il ne modifie pas la procédure actuelle du regroupement familial. Le demandeur qui ne voudrait pas se livrer à un test ADN peut suivre la voie classique. Mais pour aboutir à quoi ? À des situations comme celle de cette dame, dont le cas a été cité hier par Le Monde en page 3 : en l’absence d’état civil dans son pays d’origine, elle attend ses enfants depuis huit ans.
Ce que je propose, c’est un droit supplémentaire, une possibilité supplémentaire, une liberté supplémentaire.
Cette liberté vous gêne. Vous voulez l’interdire car vous avez décidé qu’elle était amorale, sacrilège. Pourtant, elle permettrait à ceux qui le souhaitent d’aller plus vite.
En outre, cette liberté supplémentaire permettra de limiter considérablement les possibilités de fraude au regroupement familial.
Par ailleurs, cela limitera l’afflux vers nos postes consulaires de demandes frauduleuses, qui se détournent de nos partenaires européens. Car quand la personne en possession de faux papiers sait qu’au consulat belge, au consulat anglais, au consulat suédois ou au consulat norvégien, on est susceptible de lui demander un test ADN, devinez où elle se dirige ? Vers le consulat français, bien sûr ! Et les personnes honnêtes voient l’examen de leur dossier retardé en conséquence.
Vous pouvez toujours continuer à faire de grands discours philosophiques. Dans les autres pays, la gauche s’est ralliée aux principales mesures que nous proposons, tel l’apprentissage obligatoire de la langue nationale. Vos amis hollandais ou allemands ont compris le bien-fondé de la mesure que nous proposons. Vous êtes visiblement la seule gauche européenne qui continue d’avoir des positions frileuses, sectaires, …
Vous avez trouvé un sujet de caricature. Exploitez-le tant que vous voulez !
Je peux comprendre que cette proposition soulève des questions éthiques et que certains l’estiment contraire à nos valeurs républicaines et humanistes. Moi-même, je me suis posé beaucoup de questions. Mais il est vrai aussi que les demandeurs d’un regroupement familial rencontrent beaucoup de problèmes.
Permettez-moi ici d’apporter un témoignage qui éclairera sans doute un peu les débats. Le 9 mars 2006, la Commission nationale consultative des droits de l’homme a adopté un rapport sur la polygamie en France dont je suis l’auteur. Il s’agissait d’élaborer des propositions pour lutter contre cette pratique dans notre pays et pour protéger les femmes qui en sont les victimes sur notre territoire et les aider à vivre dans le respect de notre droit.
Pour faire ce rapport, j’ai auditionné notamment le directeur de la circulation des étrangers et le chef de la section des familles de réfugiés, qui m’ont fait part des difficultés que rencontraient certains de nos consulats à valider des documents d’état civil et à délivrer des visas.
Ils m’ont indiqué que des décisions arbitraires sont prises parfois à cause de ces difficultés, que certains consulats opposent des refus systématiques tandis que d’autres acceptent sans véritable justification objective. Bref, tout le monde était mal à l’aise avec cette question. Mais que faire ?
Faut-il faire reposer la décision sur l’ultime conviction du consul ou de l’employé du consulat en charge de ces dossiers ou permettre, comme c’est le cas dans douze autres pays européens, d’avoir accès à un moyen moderne qui donnera la preuve de l’identité des personnes par leur filiation ?
Je me suis également penchée sur le cas de ces jeunes filles qui entrent en France comme fille de l’homme dont elles deviennent finalement la deuxième, voire la troisième épouse.
Dans les pays où les états civils sont fortement défaillants ou quand, de bonne foi, les personnes ne peuvent pas faire preuve de leur filiation par des actes, pourquoi effectivement leur refuser ce moyen biologique ?
Ce passage de mon rapport en date du 9 mars 2006, que vous pouvez trouver sur le site Internet de la CNCDH, n’a fait l’objet d’aucune observation de la part des membres de la commission.
C’est pourquoi je suis favorable à la possibilité de recourir à ces tests d’ADN, mais à plusieurs conditions. D’abord, il est important que ce soient bien les personnes elles-mêmes qui les proposent.
J’ai cru entendre, monsieur le ministre, que vous envisagiez d’expérimenter le dispositif, notamment pour les ressortissants des pays où nos partenaires européens eux-mêmes le pratiquent déjà. J’appelle votre attention sur le coût de ces tests qui peut s’élever entre 200 à 500 euros, le sous-amendement n° 267 visant à prendre en charge les frais exposés pour cet examen en cas d’acceptation du visa.
Pour conclure, je souhaite que le dispositif mis en place à titre expérimental soit évalué, afin de voir quels aménagements il faudrait lui apporter, avant éventuellement de le poursuivre, voire de le généraliser ou de le supprimer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Cette discussion a déjà eu lieu ici, non dans le cadre d’un texte sur l’immigration, mais sur les lois de bioéthique. Elle avait été amorcée en 1992 – je n’étais pas député à l’époque –…
Je fais partie de la commission des lois depuis 1997 et j’ai toujours suivi les discussions sur la bioéthique tant il me semble important de réfléchir à notre système de valeurs, à l’avenir de nos sociétés, à la façon dont nous entendons évoluer ensemble et mettre à notre service, au service de nos concitoyens, les progrès qui peuvent être accomplis.
Quand on parle d’ADN, il ne s’agit ni de bon sens, ni de pragmatisme, mais d’une question de valeurs, d’une discussion morale, éthique. Ce débat, qui avait donné lieu à de nombreuses suspensions de séance, avait permis de s’accorder sur ce qu’il convenait de ne pas faire.
Subir un test ADN est, mes chers collègues, un geste peu courant qui mérite d’être contrôlé. Pour ma part, je n’en ai jamais fait,…
Le texte que vous nous proposez, monsieur le rapporteur, met en avant une conception de la famille qui en est totale contradiction avec celle en vigueur dans notre pays. Du reste, cette conception est validée par le sous-amendement n° 268 du Gouvernement qui vise à discriminer très clairement les migrants africains puisqu’il fixe la liste des pays pour lesquels s’appliqueront ces tests génétiques. Et l’on se doute bien qu’il ne s’agira pas des États-Unis ou de la Suède. La mesure proposée concernera uniquement les pays africains dont l’état civil présente des carences.
Je partage le cri du généticien Axel Kahn : « On demande aux familles étrangères à peau noire ou basanée d’être une vraie famille par le sang. Or la vraie famille ne l’est pas toujours par le sang, il y a de nombreuses exceptions. »
Oui, monsieur le ministre, la définition de la famille en France n’a jamais été réduite à sa composante biologique. Notre droit est basé sur la reconnaissance. On peut reconnaître des enfants qui ne sont pas les siens comme en adopter. Cela ne correspond d’ailleurs ni à notre conception, ni à celle des familles visées dans cet amendement qui ont souvent elles-mêmes une vision élargie de la famille. Nous savons d’ores et déjà que l’amendement est discriminatoire pour les migrants africains et qu’il s’adresse à des personnes qui ont souvent une conception de la famille quelque peu différente de la nôtre.
Pour qui légifère-t-on ? Pour les 23 000 étrangers qui ont bénéficié d’un titre de séjour au titre du regroupement familial en 2005 ? Pas du tout, puisque nous légiférons pour les enfants. Mais combien d’enfants y avait-il ? 9 000. Et combien de fraudes ? Je suis prêt à en discuter, le rapporteur voulant faire croire à une invasion.
En résumé, la disposition proposée s’adresse uniquement aux migrants africains, à ceux qui peuvent avoir une conception de la famille différente de la nôtre, et elle ne concerne que très peu de cas. Nous devons nous interroger sur la façon dont nous utilisons ces tests génétiques.
Enfin, ce débat met en jeu l’honneur des parlementaires que nous sommes. Il peut exister différents cas : une femme peut avoir été inséminée par un sperme de donneur, les enfants peuvent avoir été adoptés, le père légal peut être différent du père biologique. Jamais nous n’avons pensé que le lien de filiation pouvait se réduire à sa dimension biologique, tant la question du cœur, du désir, des valeurs est importante dans notre conception de la famille. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Quand on veut légiférer pour quelques dizaines de cas, l’on doit se poser des questions relatives à l’honneur et non pas simplement au pragmatisme, au bon sens ou à la pratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. - Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le ministre, nos principes sont républicains et universels. Nous n’acceptons pas pour les autres ce que nous n’acceptons pas pour nous-mêmes. Nous considérons que la filiation n’est pas simplement biologique. Voilà pourquoi l’amendement de M. Mariani est indigne de notre pays, de notre droit, de notre peuple. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
On peut toujours discuter de la possibilité de demander tel ou tel document supplémentaire. Mais comment peut-on imaginer qu’on va instaurer à l’intention des familles étrangères une vérification qui nous paraîtrait totalement indigne si l’on osait la proposer à une famille française ?
Votre obsession du tri, de la fraude et du fichage vous fait oublier que vous avez affaire avant tout à des êtres humains et qu’on ne peut pas leur infliger un tel traitement.
Vous nous répondez que de telles dispositions existent dans certains pays étrangers et que ces tests sont faciles à mettre en œuvre, que tout cela est moderne. Mais ce n’est pas parce qu’une technique est moderne qu’elle est acceptable. Encore faut-il en connaître la finalité. Tant que vous ne nous aurez pas expliqué en quoi les valeurs de la République que vous défendez vous permettent de procéder de la sorte à l’égard d’être humains, nous ne pourrons pas vous suivre dans ces délires de la modernité.
Vous nous dites que de telles pratiques ont cours dans d’autres pays européens. Durant le mois qui a précédé nos débats, il aurait pu être utile que M. Mariani, qui par ailleurs est un excellent spécialiste de la question et a rendu un rapport extrêmement précis et détaillé, auditionne des représentants de ces pays afin qu’ils nous expliquent en détail comment cela se passe. N’oublions pas au demeurant que dans un certain nombre de cas, nous avons refusé de suivre l’Europe quand ses propositions ne nous semblaient pas adaptées.
Curieusement, les indications que nous donne M. Mariani sont beaucoup moins précises que ce qu’il prétend. En Allemagne, il n’existe pas de fondement juridique à une telle mesure, mais le texte de loi est en cours d’élaboration ; en Autriche, le test est autorisé dans certains cas exceptionnels, comme en Belgique qui procède à l’évaluation de l’expérimentation ; au Danemark, il s’agit d’une simple pratique ; au Royaume-Uni il n’existe aucun texte sur le sujet ; et ainsi de suite.
Surtout, il aurait fallu lever les inquiétudes que nous avons exprimées concernant les femmes à qui l’on reprochera d’avoir attenté à l’honneur de leur mari. Vous savez bien le sort qui leur est réservé dans certains pays. Vous ne nous avez rien dit, monsieur le rapporteur, sur ce qui se passera si le test est négatif, ce qui constitue le point essentiel à mes yeux. Laissera-t-on la femme se débrouiller seule, même si elle encourt la lapidation ? Acceptera-t-on l’épouse mais refusera-t-on l’enfant à qui l’on reprochera d’être adultérin et qui devra rester seul dans le pays d’origine ? Si oui, à qui sera-t-il confié ? Autant de questions graves sur lesquelles vous devez nous éclairer avant que nous puissions nous prononcer sur cet amendement qui a été introduit de manière subreptice dans le texte.
Il y a déjà eu alors des propositions qui visaient à mettre en place des contrôles génétiques pour les arrêter. Le débat n’est donc pas nouveau.
À l’époque, le Gouvernement a été débordé par sa majorité. Elle a voté des mesures qui ont donné lieu par la suite à une formidable résistance de l’ensemble de la communauté française, au point qu’il a fallu revenir dessus quelques mois après. Mal en a pris les auteurs de cette surenchère, dont M. Philibert. Le sort leur a été funeste aux élections suivantes.
L’immigration, nous en discutons depuis des années. Il n’y a pas de solution miracle, nous le savons tous. Cela étant, ce sont des principes qui sont en jeu. En réalité, nous n’assistons pas à un débat sur la maîtrise des flux migratoires, ni même sur les meilleurs moyens pour les maîtriser. Il s’agit en fait d’un débat interne à la majorité pour régler d’autres conflits desquels la presse nous tient informés. Il y a manifestement une volonté de provocation et cela n’est pas acceptable : vous ne pouvez pas une nouvelle fois régler vos conflits sur le dos des populations d’origine étrangère. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Là est la véritable racine du problème.
Premièrement, le Président de la République, avant d’être élu, a été ministre de l’intérieur. Pourquoi la question, qui n’est pas nouvelle, n’a-t-elle pas été abordée dans les différents projets de loi au cours des cinq dernières années ? Il savait parfaitement que le message adressé aux populations étrangères serait désastreux et le procédé totalement inefficace.
Deuxièmement, pourquoi, au cours des échanges interministériels qui ont présidé à la rédaction du texte, la proposition de tests ADN n’a-t-elle pas été retenue ? Elle a été écartée, vous le savez très bien, monsieur le ministre, pour les mêmes raisons. Le reproche que je vous fais, c’est de ne pas livrer votre conviction et de ne pas expliquer votre position. Vous devriez avoir le courage de fixer les limites à la discussion et de dire qu’une évaluation doit être menée. La France ne peut prendre une décision aussi grave, compte tenu de sa signification à l’égard de l’Europe. Vous le savez, dans ce domaine, la symbolique est encore plus forte que l’efficacité.
Nous nous opposons à cet amendement et nous allons livrer bataille ici même, et dans le pays. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous pourrez faire toutes les rodomontades que vous voudrez, vous serez confrontés aux cas de conscience qui ne manqueront pas de se poser dans les mois à venir. Les dérapages et les erreurs vous obligeront à corriger le tir. Alors, arrêtez la spirale infernale en retirant cet amendement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Nous avons transmis nos passeports à l’ambassade quinze jours ou trois semaines avant le départ, pour obtenir un visa. Le vendredi précédant notre départ, qui devait avoir lieu un jeudi, le fonctionnaire en question a téléphoné pour s’assurer que les visas étaient prêts et aller les chercher. On lui a répondu de venir le lundi, ce qu’il a fait. Mais le lundi, les passeports avaient disparu. Comme il restait trois jours, le problème a été réglé et nous sommes partis avec un document que je n’avais jamais vu, un sauf-conduit calligraphié par l’ambassadeur en personne à la plume Sergent-Major.
Une fois arrivés sur place, chacun muni de sa carte d’identité et de son sauf-conduit, nous avons attendu, en compagnie de l’ambassadeur de France, une demi-heure pour accomplir les formalités de police.
Nous n’avons pas de problèmes de bioéthique. Le rapporteur l’a dit, le test est proposé sur la base du volontariat.
Cela étant, pendant que nous débattons, on ne parle pas des conflits au PS. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Nous avons un problème de conscience et de droit. J’ai sur mon pupitre le code civil que nous élaborons ensemble, lequel indique bien que la filiation n’est pas biologique, mais qu’elle s’établit par le biais de la reconnaissance. Le juge qui dit le droit, en l’espèce la Cour de cassation, a plusieurs fois confirmé cette conception de la famille, au terme d’une évolution qui s’est faite au fil des années.
Pourquoi avons-nous un problème de droit ? Parce que notre rapporteur, dans un grand élan que je qualifierai de démagogique et populiste…
À travers cet amendement, il y a donc la volonté manifeste d’imposer une discrimination, une ségrégation entre des familles françaises qui seraient soumises à la loi, et notamment au Code civil, et des familles étrangères…
Vous avez, monsieur le rapporteur, justifié cette disposition par la lutte contre la fraude ; je crois qu’il faut la rapprocher de certains amendements que vos amis de la majorité avaient déposés avant que le ministre d’État, ministre de l’intérieur, ne soit élu président de la République : je pense en particulier à l’idée que la colonisation aurait été un bienfait pour les colonisés. Votre argument, c’est de dire que dans beaucoup de pays africains l’on triche, qu’on ne peut pas y vérifier l’état civil. Il suffit d’ailleurs de regarder les enquêtes, et le temps aujourd’hui nécessaire pour obtenir d’un consulat une autorisation de séjour quand on vient d’Haïti, des Comores, de Guinée, de République démocratique du Congo et de toutes ces anciennes colonies d’Afrique aujourd’hui indépendantes au sujet desquelles vous essayez de nous faire croire – ce que nous a raconté M. Maillé en est une illustration presque obscène – que ce sont des pays de tricheurs, y compris à l’ambassade et dans l’entourage de l’ambassadeur ! Et les familles qui demandent le regroupement familial seraient composées elles aussi de tricheurs et de tricheuses ! Je rappelle que ce n’est pas à elles, mais à l’administration, de prouver la véracité de l’état civil. Par un tour de passe-passe, vous nous expliquez que l’on va recourir aux tests volontaires d’ADN afin d’éviter la fraude aux documents !
Ce double soupçon, nous ne pouvons l’accepter, au nom de notre conscience, du droit, de l’idée que nous nous faisons de la République ; une République dans laquelle ce n’est pas le droit du sang qui prime, mais le droit du sol, où la citoyenneté de résidence doit l’emporter sur toute autre conception, où nous avons des valeurs communes et où ceux qui viennent dans notre pays partagent, à quelques très rares exceptions près, ces valeurs ; s’ils viennent chez nous, c’est précisément parce qu’ils y croient, qu’ils veulent les partager avec nous et échapper à la tyrannie, à l’autoritarisme et au sous-développement. Nous devons leur permettre de le faire !
Tout d’abord, pourquoi cette mesure ? Est-ce une insulte que de dire que dans certains pays l’état civil est inexistant, que l’administration y est moins développée que la nôtre ? Pour y remédier, ne faut-il pas, afin de permettre le regroupement d’une famille, chercher à prouver la filiation d’une autre façon ?
Si l’idée est donc juste, pragmatique et même généreuse,…
C’est la première question : est-ce un acte volontaire, libre et éclairé ? Choisit-on cette solution faute d’en avoir une autre ? Lorsque nous aurons à réviser les lois de bioéthique, puisqu’elles sont révisables et qu’à chaque instant, nous devons nous demander si la science est en conformité non avec la morale, mais avec l’idéal qui nous anime, cette question se posera à nouveau ; aussi sommes-nous un certain nombre à souhaiter qu’on ne prenne pas de décision définitive, afin de pouvoir, le moment venu, examiner cette disposition d’un œil ouvert, averti et précis.
Après tout, on y recourt dans douze pays démocratiques. La question se pose donc de savoir si elle constitue vraiment une infraction à la démocratie et une atteinte aux droits de l’homme, ou si, simplement – et je partage sur ce point, mais uniquement sur ce point, l’avis de Julien Dray –, la France n’est pas un pays comme les autres. Les Pays-Bas sont un pays démocratique ; ils pratiquent l’euthanasie, et la France n’a pas décidé de le faire. La Suisse est un pays démocratique ; elle reconnaît le suicide assisté, et la France n’a pas décidé de le faire. On voit bien que sur ces problèmes, non pas moraux, mais éthiques –…
La deuxième question est de savoir si ce moyen donné au migrant de faire reconnaître son droit n’est pas à la marge de la législation française. Qui est le père ? Est-ce le père biologique, ou celui qui a fait d’un enfant un homme ? Pour nous, républicains, pour nous, membres de la nation française, le père est celui qui a fait d’un enfant un citoyen français.
L’enjeu est donc de savoir comment faire en sorte qu’une mesure qui a été adoptée par douze démocraties puisse être utile au migrant, et non constituer un obstacle pour lui. Après ce débat, après avoir écouté attentivement ce que vous avez dit hier, monsieur le ministre, et après avoir encore écouté ce qu’a dit aujourd’hui le Premier ministre, j’estime qu’un doute subsiste. Et que cette disposition doit être expérimentée et non validée définitivement. Son évaluation ne devra pas être faite de façon interne au ministère, mais confiée à un organisme indépendant : un comité national d’éthique vérifiera que la mesure est bien dans l’intérêt du migrant. Et lorsque nous examinerons les lois de bioéthique, il nous faudra utiliser cette évaluation pour voir si nous devons envisager – mais ce n’est pas mon avis – que les tests génétiques puissent servir à autre chose qu’à la médecine, à la science, à la justice, autrement dit qu’à la défense de la personne humaine, qui est l’élément essentiel de notre philosophie.
Je le dis en toute amitié à Thierry Mariani, qui connaît parfaitement tous ces sujets et a une vision européenne et même mondiale de l’immigration : c’est la raison pour laquelle cet amendement était initialement inacceptable à mes yeux. Il ne peut être envisagé que dans la mesure où une évaluation sera conduite de manière indépendante, où il sera revu à la lumière des lois de bioéthique que nous serons appelés à voter, où sa charge financière n’incombera pas au migrant mais au pays d’accueil, et où nous considérons tous que les migrations sont affaire de solidarité internationale, et qu’il y va de la mission de la France et des valeurs de la République. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau centre ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Quand vous faites passer les conditions de ressources d’une fois à 1,20 ou 1,33 fois le SMIC, nous sommes contre. Nous disons que c’est un obstacle supplémentaire, que ce n’est pas juste, pas bien, que c’est trop, que c’est difficile. Nous restons cependant dans le rôle imposé à l’opposition et nous acceptons que, si dure soit-elle, la règle de la majorité s’impose.
De même, lorsque vous demandez des justificatifs supplémentaires, nous y sommes opposés car nous trouvons que c’est injuste, mais nous continuons le débat et nous essayons d’adoucir la mesure au moyen d’un amendement. En revanche, avec cette disposition, le débat change totalement de nature puisque vous mettez gravement en cause à la fois la tradition française et le travail formidable que la droite et la gauche ont accompli, le plus souvent dans le consensus, en matière de bioéthique – je ne saurais citer tous les noms car je n’étais pas encore député lorsque, entre 1993 et 1997, les premières lois sur le sujet ont été votées. En effet, quels que soient le Gouvernement, la majorité et les convictions d’ordre spirituel de chacun, nous sommes parvenus à définir ensemble une éthique française, comme le disait avec beaucoup de justesse le docteur Leonetti.
Il est vrai – M. Mariani a raison – qu’il existe des pays démocratiques où la gauche et la droite se sont mises d’accord pour légaliser l’euthanasie active, comme aux Pays-Bas, ce qu’en France nous avons toujours refusé. Il est vrai aussi que la Grande-Bretagne a fait des choix totalement différents des nôtres, en matière de cellules souches notamment, puisque ce pays vient d’autoriser la création d’embryons hybrides humain-animal, ce qui nous paraît monstrueux. Il s’agit pourtant, je le répète, d’un pays démocratique, dont le Parlement est plus fort que le nôtre, mais où, à droite comme à gauche, le débat sur ces questions s’est peu développé, en raison, peut-être, d’un utilitarisme que d’aucuns qualifient d’« anglo-saxon » et qui met la science au service de causes qui lui sont étrangères. C’est ce dont nous ne voulons précisément pas pour la France, qui refuse de voir la science poursuivre d’autres objectifs que des objectifs strictement scientifiques ou médicaux très nobles, sauf de manière très encadrée dans le domaine judiciaire en cas de recherches policières.
J’ai relevé plusieurs questions qui n’ont toujours pas reçu de réponse.
Lorsque le test révélera que l’enfant, dont le père, qui réside en France, demandera l’entrée sur le territoire dans le cadre du rapprochement familial, n’est pas le sien, à qui l’annoncera-t-on ? Au père ou à la mère ? Cachera-t-on la nouvelle ou sera-t-on conduit à dire que tel enfant peut entrer parce que son ADN satisfait aux conditions tandis que tel autre doit rester à la porte parce que son ADN ne répond pas aux attentes ? Cela n’a pas de sens !
Je tiens par ailleurs à vous rappeler que les enfants illégitimes ne sont pas nécessairement le fruit de la seule gaudriole – ce mot n’a d’autre objectif que de détendre l’atmosphère – mais qu’ils peuvent l’être également d’un viol : or, dans certains pays, le viol est considéré comme une très grande faute pour la femme elle-même qui, dans certains cas, peut être tuée ! Ces tests constitueront donc pour elles un véritable danger car ils risqueront de révéler un viol antérieur. Je suis étonné que des députés qui, sur tous les bancs, mais en particulier sur ceux de la majorité, à juste titre d’ailleurs, aiment à rappeler que les femmes sont les êtres les plus vulnérables, ne songent pas à prendre en considération de tels cas ! Or je ne voudrais pas qu’une seule femme, à cause de ce test, soit demain lapidée dans un des pays que M. Mariani a précédemment cités. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je suis, avec Mmes Michèle Tabarot et Patricia Adam, membre du comité de suivi de l’Agence française de l’adoption, présidé par Yves Nicolin. Or je puis vous assurer que cette disposition suscite des questions très complexes ! Je m’étonne du reste que celle notamment des enfants adoptés n’ait pas été mieux étudiée. Je ne pense pas seulement à l’adoption plénière, au sujet de laquelle M. Mariani a répondu qu’il suffirait de produire l’acte juridique d’adoption.
Enfin, ne croyez pas, mes chers collègues, que cette mesure nous mettrait à l’abri de la fraude, d’autant que les tests ADN n’offrent pas tous la même fiabilité. Il suffit de regarder sur Internet le site français « dnasolutions » qui, proposant des « tests ADN professionnels », fait, par exemple, la promotion d’un « test ADN de paternité », de la « plus haute précision » qui, « pour seulement 199 euros », c’est-à-dire « aux prix les plus bas garantis », propose de tester la filiation sur 19 régions chromosomiques, voire 23 régions pour 269 euros – il s’agit alors du « super Test » ! Le coût est donc plus élevé que celui que vous avez annoncé, monsieur Mariani ! Ainsi, de telles pratiques, qui sont interdites dans notre pays, sont possibles en ligne au travers d’un site qui a son adresse informatique en France, mais dont, il est vrai, l’adresse postale se situe en Espagne ! Tels sont les premiers résultats d’une génétique dévoyée ! Demain les services consulaires ne seront pas en mesure de vérifier la validité des tests ADN qui leur seront présentés et dont un grand nombre sera falsifié – on pourra alors parler de tests de substitution ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Nous pouvons avoir, notamment sur les statistiques d’origine, sur les quotas ou sur l’immigration économique, des débats complexes qui dépassent, du reste, et c’est tout à l’honneur de notre assemblée, les clivages politiques. Sur tous ces sujets en effet, et bien que la question de l’immigration ait empoisonné, depuis tant d’années, à droite comme à gauche, la vie politique, les convergences peuvent être aussi fortes que les divergences.
Mais je ne suis pas certain qu’on puisse débattre de tous ces sujets dans le cadre du présent texte, où il s’agit, mes chers collègues, d’examiner une question de nature totalement différente, puisqu’il y va de la vision de ce que nous sommes ! Jean Leonetti a eu raison de rappeler les grandes lignes du débat sur la bioéthique : les principes alors dégagés sont aujourd’hui inscrits dans notre code civil. Or on ne saurait régler une question aussi vaste au travers d’un amendement visant à résoudre le problème de la fraude, un problème, du reste, que personne ne nie : je suis prêt à adopter les conclusions du rapporteur du Sénat, qui a fait en la matière un travail remarquable. Mais croire qu’on éliminera la fraude en recourant à des tests génétiques n’a aucun sens ! Comme des élus de droite et de gauche l’avaient suggéré au sein de la commission des lois, l’État et les collectivités locales feraient mieux, au contraire, de consacrer leurs efforts à aider les pays à forte émigration à reconstituer leur état civil. La France mènerait de ce point de vue une action bien plus positive qui rejaillirait sur l’image qu’ils se font d’elle – ce qui est également très important !
Mais, je tiens à le répéter, il s’agit avant tout d’une question de valeurs ! Le code civil prévoit que « l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ne peut être entrepris qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique. » Il ajoute que « le consentement exprès de la personne doit être recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l’examen, après qu’elle a été dûment informée de sa nature et de sa finalité. Le consentement mentionne la finalité de l’examen. Il est révocable sans forme et à tout moment. » De plus, « l’identification d’une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que dans le cadre de mesures d’enquête ou d’instruction diligentée lors d’une procédure judiciaire ou à des fins médicales ou de recherche scientifique ou d’identification d’un militaire décédé à l’occasion d’une opération conduite par les forces armées ou les formations rattachées ». L’adoption de l’amendement de M. Mariani signifierait donc que nous assimilons l’immigré à un malade ou à un délinquant,…
Je n’entre même pas dans le débat sur la filiation – ce qui devait être dit sur le sujet a été rappelé par les uns et par les autres – : c’est en effet parce qu’il touche aux principes que cet amendement est inacceptable et que nous ne saurions accepter la mesure qu’il préconise, fût-ce à titre expérimental, comme nous le proposera le Gouvernement au travers d’un sous-amendement. Pourquoi ne pas saisir le Comité national d’éthique, comme nous l’avons proposé ? Demandons-lui son avis sur la question ! Nous ne pouvons pas légiférer dans la hâte, en adoptant un amendement qui contredit les principes mêmes du code civil, qui sont eux-mêmes les fruits des réflexions qui ont accompagné le vote des lois de bioéthique, principes qui sont conformes aux valeurs même de la France. Oui, Julien Dray a eu raison de souligner que notre pays a un autre message à porter. Nous avons beaucoup parlé de la France ces dernières heures, de la langue française et de sa force, et du fait que son apprentissage était indispensable. Si tous, ici, nous sommes fiers d’être français et de représenter le peuple à l’Assemblée nationale, c’est que nous sommes, monsieur Mariani, tous aussi français les uns que les autres et que, comme l’a dit Noël Mamère, nous sommes chacun, ici, une part de la nation. Soyons dès lors persuadés que l’adoption d’un tel amendement serait contraire aux valeurs de la France et à son image dans le monde.
Telle est la raison pour laquelle il faut le retirer et ne pas accepter de se livrer à des expérimentations alors même que l’essentiel est en jeu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
L’ampleur du débat les étonne en effet et dans les rencontres contradictoires qu’ils organisent, ils répondent à ceux qui sont opposés à l’amendement de Thierry Mariani qu’ils ne comprennent pas pourquoi un simple moyen de preuve devient une véritable calamité.
Il ne s’agit pas là d’une mesure obligatoire, mais d’ouvrir une possibilité. Or on soutient qu’elle est contraire à la tradition française, à l’idée que nous devons donner de nous-mêmes dans le monde. Mais, messieurs, …
Je comprends parfaitement, mon cher collègue Leonetti, les précautions que vous souhaitez que l’on prenne, mais je souhaite non moins sérieusement rappeler qu’il ne s’agit ici que d’un moyen de preuve, rien de plus. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je commence donc de la même manière, en étant sincère, ce qui n’est pas une nouveauté chez moi et, ce qui l’est davantage, je vais tâcher de me montrer apaisé jusqu’au bout.
D’abord, en ce qui concerne la méthode – notre collègue Myard vient de le rappeler –, il n’y a que quarante-huit heures que cet amendement a été introduit dans un débat portant sur une loi importante que le Gouvernement avait tout de même eu le temps de préparer.
Sauf que, et je rejoins sur ce point Mme Hostalier, nous ne nous situons plus, à propos de cet amendement, dans le cadre d’un débat droite-gauche, mais d’un débat qui engage notre conscience, qui met en jeu notre responsabilité de ne pas donner le moindre coup de canif dans ce qui jusqu’à présent a fait consensus au sein de cet hémicycle. En effet, malgré les évolutions scientifiques et techniques, nous avons toujours, sur les questions éthiques, pris des décisions à l’unanimité.
Or je souhaite que nous mesurions bien les conséquences du coup de canif que nous sommes sur le point de porter. Je partage les propos de notre collègue Leonetti : jusqu’à présent nous avons mené des débats profonds, préparés bien en amont, préparés avec des gens qui nous ont éclairés sur les conséquences de nos décisions.
Alors pourquoi ne pas prendre ce temps-là ? Pourquoi, en effet, ne pas réunir le Comité national d’éthique ? Et si jamais, en effet, il s’avère…
Je ne veux pas tenir de propos provocateurs, mais écoutons les réactions de certaines personnalités. Quand Axel Kahn nous dit que ce projet de loi est une bombe, il crée un précédent redoutable. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Ensuite, on parle de rupture. Eh bien ! c’est réussi ! Cette disposition provoque en effet une rupture au sein de l’hémicycle comme elle en provoquera une au sein de la société.
Troisième point de mon intervention, je m’adresse directement à vous, monsieur Myard. Bruno Le Roux a déclaré que 9 000 enfants arrivaient chaque année sur le territoire français par le biais du regroupement familial. On peut considérer que, parmi eux, à peine le tiers, voire un quart proviennent des pays sujets à suspicion et que parmi ce tiers ou ce quart, on ne compte qu’une minorité de cas litigieux aux termes des documents qui nous sont présentés. Aussi, grosso modo, 200 à 300 enfants à la filiation incertaine sont susceptibles d’arriver sur notre territoire. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Jacques Myard a suggéré à Bruno Le Roux qu’il devrait passer le test ADN, qu’on ne savait jamais, qu’il pourrait avoir des surprises. Cela ne me fait pas rire, monsieur Myard ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)
Vous rendez-vous compte des drames humains – et il y en aura sans doute davantage que chez les deux cents enfants qui arrivent sur notre territoire dans des conditions litigieuses – que l’on va provoquer dans de nombreuses familles ?
Il ne faut faire de procès à personne, mais il convient d’essayer de comprendre et de mesurer l’importance de ce genre de décision. Je ne partage pas l’avis du rapporteur lorsqu’il parle de liberté. Je n’ai pas l’impression que la liberté qu’on prétend garantir laisse véritablement la possibilité de choisir. Je n’ai pas l’impression non plus qu’en stigmatisant ces personnes en les présentant comme des fraudeurs potentiels, on aborde ces questions sous le meilleur angle.
Pour reprendre les cas limites déjà évoqués, imaginez que la première personne à être surprise par le test ADN soit l’enfant lui-même, celui qui l’a demandé. On sait très bien qu’en la matière, on l’a répété à plusieurs reprises, on ne peut être assuré à 100 % de la filiation réelle.
S’il existe un vrai problème, celui des pays où les états civils ne permettent pas d’avoir une certitude, la réponse du test ADN n’est certainement pas la plus appropriée. Elle paraît même la moins adaptée. D’ailleurs, le Gouvernement ne s’y était pas trompé qui avait écarté cette possibilité dans son projet initial. Or la voilà qui revient subrepticement par cet amendement. Si l’on en croit la presse, M. le ministre lui-même, il y a quelques jours, ne le soutenait pas de façon fervente. On pouvait même supposer que le Gouvernement allait s’en remettre à la sagesse de l’Assemblée, mais les choses ont évolué différemment.
Le Gouvernement souhaite assortir cette proposition de certaines conditions, comme si une telle question pouvait faire l’objet de conditions, qu’il s’agisse du remboursement des tests ou de la période d’essai de deux ans. Cela signifie que pendant deux ans on aurait vraiment mauvaise conscience.
En effet, ce ne sont pas les modalités d’application de ce test qui sont en cause, mais le principe lui-même. Or, l’état des connaissances scientifiques, des réflexions sur la bioéthique – souvent évoqué dans cet hémicycle –, ne nous permet pas, à mon sens, de prendre une telle décision dans la précipitation. Mme Hostalier a évoqué avec raison, dans son propos liminaire, l’importance de la conscience. Chacun a rappelé qu’au-delà de la filiation génétique, le code civil comportait – Noël Mamère l’a rappelé et d’autres l’ont confirmé – une notion spécifique à la France : le droit de la reconnaissance.
Prenons un autre cas limite, dans un pays où la guerre a sévi. Que penser des enfants orphelins dont on sait qu’en Europe et a fortiori en Afrique ou dans d’autres cultures, les oncles et les tantes se sentent totalement responsables ? Ils n’auront pas la filiation génétique !
Il serait dommageable pour l’image de la France, pour les parlementaires, que cette rupture dont on parle à propos de tant de domaines, s’applique aussi à celui de la bioéthique.
J’emprunterai ma conclusion (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) à Rabelais : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. »
Alors que dans nombre de pays, le rapport à la science laisse les scientifiques faire des recherches et innover dans des domaines totalement expérimentaux, nous considérons, dans le nôtre, que la science ne se suffit pas à elle-même et que l’éthique doit délimiter les domaines que la connaissance humaine peut défricher, ou ne pas aborder. Dans leur grande sagesse, les lois bioéthiques, qui ont fait l’unanimité des associations, des écoles de pensée ou encore, sur le plan politique, de cet hémicycle, ont ainsi déterminé très strictement les domaines dans lesquels on peut faire appel aux tests ADN.
Le génie français, c’est aussi une certaine vision de la famille – qui étonne très largement au-delà de nos frontières –, pas forcément composée d’enfants légitimes et du papa et de la maman officiels. Des enfants illégitimes naissent en effet hors mariage. Ils représentent même, chers collègues, la moitié des enfants qui naissent dans notre pays.
Ce qui fait le génie français, c’est cette manière très particulière de considérer la science aussi bien que la famille. Ce génie, monsieur le ministre de l’identité nationale, ne l’abîmez pas ! Penchez-vous donc sur notre histoire, sur nos traditions et sur notre présent ! N’insultez pas la France, mais rejetez l’amendement Mariani ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
En revanche, à constater le monolithisme qui règne sur les bancs de l’opposition, il me revient la citation de votre Madone, chers collègues,...
Vous ne faites en effet que dans l’excès depuis que vous traitez de la problématique de l’immigration. N’en a-t-il pas été ainsi avec la régularisation massive que vous avez instaurée,...
...nous avons décidé de prendre à bras-le-corps et même à bras-le-cœur...
Voilà ce dont il s’agit : un outil supplémentaire que nous leur donnons pour constituer leur dossier et pour venir ainsi plus rapidement chez nous.
Il s’agit, bel et bien, de permettre à des familles séparées de se rejoindre,...
Notre objectif est bel et bien de rendre leur unité à ces familles dans le cadre d’un vrai regroupement familial. L’amendement de Thierry Mariani est à cet égard très humaniste, en tout cas beaucoup plus que vos mesures, parce qu’il permettra de regrouper des familles qui attendent cela depuis très longtemps. Voilà pourquoi, après nombre de réflexions et de débats menés ensemble, nous sommes nombreux à être favorables à cet amendement.
Certains ont envie de tenter l’expérimentation de ce qui existe dans douze pays européens ? Eh bien, tentons-la et dressons-en ensuite un bilan. Or même cela, vous ne voulez pas l’essayer, préférant encore une fois des excès insupportables pourtant pour le peuple français. Allez-vous donc finir par comprendre que c’est cette façon d’aborder le sujet de l’immigration qui vous fait battre depuis tant d’années aux élections ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Cet amendement est inacceptable, en particulier pour des raisons qui ont été déjà rappelées.
La première, est que cet amendement est contraire à notre conception de l’éthique. L’Assemblée, ainsi que cela a été souligné, a consacré des années à élaborer une conception consensuelle de l’éthique. En 1994 puis en 2004, elle a ainsi rappelé que les tests ADN devaient être réservés à la recherche scientifique et médicale et à certaines procédures judiciaires. Ce rappel, voilà qu’aujourd’hui on le néglige complètement.
Par ailleurs, vous remettez en cause le concept même de la filiation. Dans notre pays, ainsi que l’ont souligné de nombreux collègues, la filiation tient à la reconnaissance et non à la génétique. Quand un père vient déclarer son enfant, il ne se munit pas d’un test ADN. Ce qui fait le père, c’est l’enfant qu’il a reconnu, qu’il accueille, qu’il élève. Avec votre mesure, vous allez établir une différence considérable entre ceux nés en France et ceux qui y viennent, puisque ce qui continuera à s’appliquer aux premiers ne pourra s’appliquer aux seconds. Au nom de quels principes écarterait-on les enfants adoptifs ou ceux issus de familles recomposées, du droit au regroupement familial ?
Serge Blisko l’a longuement souligné ainsi que bien d’autres : avez-vous bien mesuré pour votre part, monsieur le rapporteur, les ravages que pourrait causer dans les familles la généralisation des tests de filiation ?
On peut d’ailleurs se demander pourquoi cet amendement intervient aujourd’hui. Il ne fait que s’inscrire en fait dans cette longue litanie de textes sur l’immigration qui, depuis 2002, ont visé à réduire les droits des immigrés, notamment au regroupement familial. Cela est d’autant plus choquant que pour un immigré, qui connaît souvent la solitude et l’angoisse de l’exil, la famille est souvent le seul réconfort.
Monsieur le ministre, plutôt que de chercher par des sous-amendements à atténuer cet amendement qui n’est pas digne de notre pays, le Gouvernement s’honorerait à le refuser. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Passer par des filières d’immigration et obtenir des papiers coûte extraordinairement cher. Seuls les plus riches s’en sortent. Le test ADN peut donc vraiment être un recours pour les plus pauvres, d’autant que, à côté de cas de polygamie que je connais, Françoise Hostalier a cité des cas d’achat au pays de telle ou telle jeune fille que l’on fait passer pour sa propre fille avant de l’envoyer dans les circuits de la prostitution.
On peut bien invoquer toutes les lois sur la bioéthique, mais reconnaissons que l’évolution des connaissances et des perspectives ouvertes par les sciences du vivant justifierait peut-être que l’on revisite ces lois beaucoup plus fréquemment qu’on ne le fait : il faut le reconnaître, nous sommes souvent en France quelque peu déphasés en ce domaine.
Je crains surtout en cette affaire, rejoignant un peu en ce sens notre collègue Chantal Brunel, qu’en se drapant dans les principes, on aboutisse, comme c’est souvent le cas, à jouer contre ceux-là mêmes que l’on prétend défendre. Quelle est en effet la situation aujourd’hui ? Ainsi que le rapport Gouteyron et, avant lui, le rapport Delnatte l’ont montré, les états civils sont, dans un certain nombre de pays, pratiquement inexistants et, bien souvent, les seuls actes qui y sont issus sont des actes de complaisance sur lesquels on ne peut s’appuyer. C’est ce qui explique, s’agissant de demandes de regroupement familial concernant ces pays, que nos services consulaires, à juste titre, ne donnent pas suite et laissent parfois s’écouler des délais considérables. Bien souvent, ces demandes n’aboutissent pas parce que trop de doutes et d’incertitudes subsistent concernant les dossiers présentés.
Nous connaissons tous dans nos permanences ces cas douloureux où les personnes, que nous sentons pourtant de bonne foi, ne voient pas leur dossier aboutir, faute précisément d’éléments de preuve suffisamment déterminants.
Je pense que cet amendement, précisément parce qu’il donne un moyen de preuve, ouvre la possibilité de débloquer de telles situations. Bien sûr, il faut veiller à ce que ce test ne devienne pas le seul élément qui puisse être invoqué ; il en est d’autres qui peuvent intervenir en matière de filiation.
La plupart des pays européens ont adopté cet outil, notamment les Pays-Bas, que je sache pays démocratique, qui a montré pendant la dernière guerre autant, sinon plus, de sens des libertés et du respect des personnes que la France. Certains débats sont donc déplacés. Donner une nouvelle possibilité de fournir des preuves indispensables permettra de débloquer des situations extrêmement difficiles et douloureuses. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Les lois de 1994 et de 2004, qui ont fait l’objet d’innombrables rapports, réflexions, dialogues, séminaires nous ont permis de trouver une position unanime sur un sujet extrêmement complexe, parfois lourd à supporter. Nous avons dû partager des réflexions et des idées qui n’étaient pas nécessairement de nature à faciliter notre tâche de législateurs. Ce n’est donc pas parce que douze pays permettent des tests génétiques que nous devons les suivre, comme les moutons de Panurge. M. Leonetti l’a dit très justement, même des pays voisins peuvent avoir des cultures différentes, des éthiques différentes sur le sens de la vie et de la mort. Des exemples ont été cités. Je ne vois pas pourquoi nous n’arriverions pas, en tout cas pour le moment, à trouver notre propre voie.
Certains des pays qui ont été cités pratiquent ces recherches sans aucun dispositif législatif, et donc sans protection pour les citoyens. D’autres les appliquent à toutes les personnes, qu’elles soient ressortissantes du pays ou candidates à l’immigration. Tel n’est pas le cas de la proposition qui nous est faite. La pratique est donc très variable et malheureusement trop peu protectrice des personnes. C’est pourquoi nous ne pouvons pas accepter une telle disposition, qui remet en question l’esprit et la lettre même de notre droit.
Une telle remise en cause de nos principes ne saurait intervenir par le biais d’un amendement à un projet de loi relatif à l’immigration. Elle nécessite, au contraire, le cadre d’une véritable réflexion sur les règles régissant la filiation. Comme vous l’avez proposé, monsieur le ministre, il faut prendre le temps de la réflexion et approfondir la question, bien trop grave pour légiférer à la va-vite. Vous avez proposé la création d’un comité de réflexion. M. Leonetti, pour sa part, nous a annoncé l’ouverture prochaine d’une réflexion sur les lois de bioéthique que nous avons votées il y a quelques années. Pourquoi ne pas nous adresser directement au Comité national d’éthique qui, de toute façon, sera interrogé pour préparer d’éventuelles révisions ? Il pourrait réfléchir, nous faire des propositions de réforme suivies d’une période d’expérimentation et d’une évaluation. C’est à lui que nous devrions confier le soin de trancher nos débats. (Applaudissements sur divers bancs.)
Je voudrais vous lire l’article 16-13 du code civil : « Nul ne peut faire l'objet de discriminations en raison de ses caractéristiques génétiques. » Trier des enfants candidats au regroupement familial en vertu de caractéristiques génétiques établissant ou non une filiation biologique avec le demandeur, c’est une discrimination fondée sur des caractéristiques génétiques ! J’ajoute, puisqu’il a été beaucoup question de la définition française de la filiation, que le code Napoléon faisait la distinction entre enfants légitimes et enfants naturels. Cette distinction, le législateur l’a progressivement abolie. Permettez-moi de rappeler dans cet hémicycle que le travail accompli de loi en loi a abouti à l’égalité totale en droit français des enfants au regard de leur filiation. Qu’elle soit biologique ou non, dans le cadre du mariage ou non, fondée sur la génétique ou non, elle a été inscrite dans le droit français par une ordonnance de 2005, signée d’un certain Pascal Clément ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
D’abord, nous n’avons aucune idée de l’ampleur de la fraude qui est visée. S’il ne s’agit véritablement que de 9 000 enfants et que la filiation d’une grande partie d’entre eux peut être établie par les documents d’état civil, est-il bien utile d’élaborer une législation extrêmement complexe, qui touche à des principes fondamentaux, pour régler très peu de cas ?
Nous ne connaissons pas non plus les pratiques européennes. Que font réellement les douze pays qui pratiquent ces tests ? Nous n’avons pas eu le temps de nous renseigner.
Une autre inconnue est le coût de cette mesure. Qui va payer le test ADN ou avancer les frais ? Un ressortissant d’un pays très pauvre pourra-t-il avancer les 200, 300 ou 400 euros nécessaires ?
S’agissant des laboratoires, quels sont ceux qui feront les tests et où se trouvent-ils ? Comment ces tests seront-ils pratiqués ? Quelles sont les personnes qui feront les prélèvements ? Quelle autorité agréera les préleveurs et les laboratoires ? Monsieur le ministre, avec une grande honnêteté intellectuelle, vous avez reconnu que vous étiez dans l’impossibilité de délivrer des visas dans un délai de deux mois et que cela demandait plutôt quatre mois. Si, en plus, les consuls sont chargés d’aller agréer des laboratoires et des préleveurs…
Les prélèvements doivent être effectués scientifiquement et de manière à écarter tout risque de fraude. Car, n’en doutons pas, la fraude que l’on veut démasquer dans les documents d’état civil se déplacera immanquablement sur les prélèvements. Il n’est en effet pas impossible, avec des complicités diverses, de substituer à une autre une personne dont on pense qu’elle aura la bonne trace génétique.
Reste aussi la question de ce que j’appelle, sans doute maladroitement, les dégâts collatéraux. On estime que 3 % à 8 % des enfants français n’ont pas la paternité inscrite à leur état civil. Ce test risque de mettre au jour des situations extrêmement douloureuses. À quoi sert le volontariat pour des femmes qui savent que le père inscrit sur l’état civil de leur enfant n’est pas le père biologique parce que, à un moment de leur vie, elles ont aimé deux hommes à la fois ?
Enfin, quelle image de la France donnerons-nous lorsque nous établirons une liste des pays dont nous pensons que ce sont des fraudeurs ? Comment pourrons-nous entretenir des relations diplomatiques et commerciales calmes et sereines avec eux ?
Du point de vue de la simple logique, donc, et sans même mettre en avant des questions de principe, il apparaît que cette mesure constitue un outil inadapté. La sagesse serait de retirer l’amendement, de réfléchir à d’autres façons de lutter contre la fraude, que nous voulons tous combattre, quitte à trancher ultérieurement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
En 2005, un vent mauvais a soufflé sur l’Assemblée nationale qui a adopté un article reconnaissant les aspects positifs de la colonisation. Je n’étais pas député et, à Fort-de-France, j’ai appelé ce texte la loi de la honte. J’ai mobilisé toute la Martinique pour, avec les Algériens, faire reculer cette appréciation de la colonisation française, niant l’esclavage et ses destructions. Et le Président Chirac a retiré cet article.
J’ai le sentiment que nous ne prenons pas aujourd’hui la mesure – comme en 2004 – de ce qui sera peut-être voté.
J’espère que nous nous prononcerons en conscience, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons. Il ne s’agit pas d’une question politique, de doctrine, de philosophie, mais d’éthique. Je reviendrai donc à l’éthique après la brillante intervention de Dominique Raimbourg.
Je voudrais citer un extrait d’une pièce d’Aimé Césaire, ce grand homme qui a siégé ici pendant de nombreuses années. Je vous demande de méditer ces phrases, monsieur Mariani. « Du fond de la fosse, un pas, un autre pas, Encore un autre pas et tenir gagné chaque pas ! » Il s’adressait aux Nègres, aux Noirs, aux victimes de discriminations. Il les invitait à remonter.
Évitez, mes chers collègues – je vous le dis amicalement – de faire en sorte que la France descende au fond de la fosse, au moment où nous sommes en train de remonter de cet abîme. L’Assemblée s’honorerait en évitant de s’affronter. Monsieur Mariani, je vous observe depuis longtemps, car je sens que vous êtes, vous aussi, mal à l’aise…
Vous ne pouvez pas, après la démonstration de notre collègue, écrire un texte et ensuite dire le contraire. Vous prétendez qu’il s’agit de volontariat.
Vous connaissez la puissance des représentations diplomatiques dans les pays sous-développés et soumis par vous-mêmes.
L’amendement n° 36 dispose que « par dérogation aux dispositions de l’article 16-11 du code civil, les agents diplomatiques ou consulaires peuvent, en cas de doute sérieux… »
Qui possède la première des libertés, celle de penser et d’agir ? Ce n’est pas celui ou celle qui est victime qui décidera, mais le fonctionnaire, dans un consulat, qui, en conscience estimera qu’il y a doute. À partir de ce moment-là, vous introduisez le volontariat. Mais vous savez que l’argent en est la limite.
Vous prétendez qu’il n’y aura qu’un seul test ADN. M. Blisko a confirmé que deux tests étaient nécessaires. L’un doit être fait dans le pays d’origine dans des conditions fort bien décrites par Dominique Raimbourg, avec tous les trafics possibles. Mais il faut également un test ADN en France pour le père ou la mère qui voudra faire entrer son enfant. Il faut bien comparer les tests ADN.
Que vous le vouliez ou non, votre objectif est quantitatif. De même qu’on veut diminuer le nombre des enseignants, on vous a demandé de réduire le nombre de nouveaux arrivants. Or, on ne peut pas régler le problème de l’immigration avec ce genre de procédé qui est à la base de votre démarche.
Les émeutes d’il y a deux ans sont certainement à l’origine des dispositions prévues pour réduire l’afflux des Africains, qui représentent 70 % de ceux qui arrivent en Europe et plus particulièrement en France. On ne peut pas régler des situations humaines de cette façon et prendre le risque de stigmatiser un continent entier.
Je vous invite donc à retirer cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Ces dispositifs complexes destinés à décourager le regroupement familial auront, compte tenu de leur lourdeur, pour conséquence de développer l’immigration clandestine.
Avec l’amendement Mariani, repris, habillé par le Gouvernement, on franchit une nouvelle étape. Désormais, la vraie nature de votre démarche apparaît. Cela vous démangeait : rappelons-nous les propos de M. Sarkozy pendant la campagne électorale sur le caractère génétique de certaines déviances, de certains comportements délinquants. Il s’agissait à l’époque – M. Hortefeux était d’ailleurs en première ligne – de flatter les électeurs du Front national.
L’amendement de M. Mariani tend à assimiler l’immigré à un délinquant potentiel. Tout cela est habillé de modernité. On a recours à des méthodes scientifiques, sophistiquées, pour mettre en œuvre ces intentions. On utilise l’ADN comme substitut à l’état civil.
Dois-je rappeler que M. Huriet, sénateur honoraire issu des rangs de la majorité, déclarait hier dans Libération être catégoriquement opposé à cette mesure ?
M. Mariani a curieusement avancé à l’appui de son amendement un article du Monde rédigé et publié après le dépôt de son amendement. Trouver des justifications a posteriori est toujours intéressant.
Un doute plane non seulement sur les intentions réelles de M. Mariani, mais aussi sur la faisabilité technique du dispositif, sur ses effets pervers. Nous souhaitons, compte tenu de tout ce qui a été dit ce soir que cet amendement soit réexaminé en commission.
Cela permettrait à la majorité de se mettre d’accord sur une position commune entre les apprentis sorciers qui seront dépassés par la machinerie qu’ils mettent en œuvre, les pousse- au- crime qui les font avancer, ceux qui ont le courage et l’honnêteté de s’y opposer et enfin ceux – probablement les plus nombreux – qui s’apprêtent à avoir mauvaise conscience après leur vote.
Je ne peux m’empêcher de faire le lien avec un autre amendement, après l’article 18, qui montre la cohérence de la démarche de M. Mariani. Il propose d’autoriser les traitements de données nécessaires pour des études sur la diversité des origines des personnes. Il souhaite lever l’interdiction posée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés de recueillir des données sur les origines raciales et ethniques des personnes.
Vous vous affranchissez par glissements progressifs des valeurs de la République, que vous prétendez faire apprendre aux immigrés. Vous franchissez les limites par glissements progressifs. Nous ne l’acceptons pas.
Nous éprouvons tous un certain malaise car cet amendement suscite de nombreuses interrogations.
Cette question, posée depuis longtemps, n’avait jamais franchi le seuil de l’hémicycle. Lorsque j’étais au ministère de la justice, on m’avait fait remarquer que l’on pourrait substituer les empreintes génétiques aux empreintes digitales. Dans des discussions du genre Café du commerce, on pouvait imaginer que ce serait plus simple qu’une carte d’identité. Il n’en est rien !
L’empreinte digitale n’appartient qu’à une seule personne. Vous ne pouvez la comparer à aucune autre. Vous ne disposez avec les empreintes digitales d’aucun repère dans l’histoire de la personne. Le test ADN est d’une autre nature. Avec ce dernier, vous pouvez reconnaître une personne, connaître ses origines, opérer des rapprochements.
Cette carte de l’humain est réservée aujourd’hui à des situations particulières. Le test ADN permet face à l’horreur – en cas d’enlèvement d’enfant par exemple –, de rechercher le coupable. En cas de contestation de paternité, si l’autorité judiciaire le demande, il permet de prouver la paternité.
Nous risquons d’ouvrir une boîte de Pandore si l’autorité administrative utilise les empreintes ADN. Qui les rangera ? Où? Comment ?
Si, avec ce test, on démontre qu’il y a deux pères dans une famille, comment allez-vous gérer les conséquences ?
Mme Morano a évoqué la détresse d’une femme qui souffre de ne pas pouvoir faire venir en France ses enfants. Il y a un moyen simple d’y remédier : faisons lui confiance car elle est intégrée dans notre société !
Eu égard aux situations de fraude qui peuvent exister dans certains pays, vous n’apportez pas de réponse appropriée. Je vous demande de bien réfléchir à ce que vous êtes en train de faire parce que vous ne répondez pas aux questions de fond : l’empreinte génétique, à la différence de l’empreinte digitale, n’appartient pas à la seule personne dans la mesure où elle témoigne aussi de toute son histoire personnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je souhaite redire à mon collègue Leonetti que j’ai beaucoup apprécié la manière dont il a posé le débat, et je le remercie d’avoir su prendre la hauteur nécessaire. C’est si vrai qu’il nous a captivés en trouvant les mots justes s’agissant des questions que nous nous posons légitimement depuis maintenant près de quarante-huit heures. Je suis persuadé que ses propos ont touché tous ceux qui s’intéressent à cette question essentielle.
Nous sommes amenés à constater, très régulièrement dans nos mairies ou nos permanences, les défaillances de l’état-civil – voire leur absence – dans certaines régions du monde, notamment en Afrique.
Nous sommes tous d’accord – Manuel Valls l’a rappelé – sur la nécessité de combattre et d’éviter la fraude organisée, car celle-ci frappe particulièrement les plus faibles et les plus démunis dans ces parties du monde défavorisées.
Il faut plus de transparence sur le regroupement familial, nous en sommes tous d’accord aussi, afin d’y répondre au mieux, sur un plan législatif, mais aussi sur le terrain.
Les quatre sous-amendements déposés par le Gouvernement ont fait évoluer un certain nombre de mes collègues du Nouveau Centre. Jusqu’alors dubitatifs, ils apportent désormais leur soutien à cet amendement. Voilà pour le fond.
Sur la forme, il y a beaucoup à dire. La politique ne doit rien s’interdire à cet égard. Nous légiférons trop et trop vite, entend-on dire parfois. De même, il faudrait redonner au Parlement la place qui lui revient afin d’aboutir à un meilleur équilibre des pouvoirs.
Nous avons été nombreux à être surpris par le dépôt de cet amendement. Je n’ai pas le souvenir qu’il s’agissait d’un engagement présidentiel précis.
Je déplore, car c’était une maladresse, que cet amendement occulte le reste du débat, car ce projet comporte de nombreux éléments positifs, dont certains ont reçu le soutien de collègues de l’opposition. Or nous constatons que, depuis deux jours, nous ne parlons que de l’amendement sur les tests ADN au détriment de la discussion sur l’ensemble du texte auquel nous apporterons tout notre soutien.
On ne peut pas aller jusqu’à dire que cela met en difficulté le Gouvernement, mais il est indéniable que cet amendement a semé le trouble. Certains ministres, Bernard Kouchner ou Martin Hirsch, ont exprimé une différence, sur le fond et la forme, et ont pris leurs distances.
Une fois que nous aurons examiné l’ensemble de ce projet de loi, quel message délivrerons-nous à nos concitoyens dans nos circonscriptions sur l’amendement du rapporteur ? Je souhaite qu’il n’y ait aucune hypocrisie de notre part. Allons-nous expliquer à nos concitoyens que nous avons voté cet amendement pour donner un droit nouveau ? Ou allons-nous dire que nous avons adopté un texte qui vise à limiter le regroupement familial, ainsi que Jean-Pierre Soisson l’affirmait cet après-midi ?
La majorité est troublée par cette ambiguïté. Si l’ambition de l’amendement est de limiter le regroupement familial, il faut le dire, très simplement. Il y aura dans ces conditions un débat et nous voterons, les uns et les autres, en conscience. Mais la clarté est indispensable.
Le rapporteur a cité hier le cas d’une Mauritanienne dont parlait le journal Le Monde ; on ne légifère pas pour un cas unique. Cela, nous le savons. Mais son propos m’a troublé et je n’ai pas compris dans quelle direction nous allions. Si l’objectif de ce texte est de limiter le regroupement familial, et si cet amendement vient renforcer ces dispositions, les choses sont claires.
Mais si, comme je l’ai entendu de la part d’un certain nombre d’entre nous, nous souhaitions aller dans un autre sens, le débat mérite une réflexion approfondie et d’y consacrer le temps nécessaire. Mais n’introduisons pas la confusion, car nous créons beaucoup d’attente dans l’opinion. Nombreux sont ceux qui considèrent que la portée de ce texte consiste à permettre la mise en œuvre des tests ADN et uniquement cela. Et l’attente sera forte, en particulier, dans notre électorat.
Nous avons l’obligation, en conscience, soit de consacrer plus de temps à la réflexion, soit d’accepter de dire que nous allons limiter le regroupement familial avec cet amendement. Nous devons être honnêtes sur cette question.
Le groupe du Nouveau Centre est relativement restreint, et nous sommes conscients qu’il ne suffirait pas à faire une majorité, mais il n’empêche que nos opinons divergent.
Le rapporteur a eu raison de dire qu’il ne devait pas y avoir de sujet tabou ou de débat interdit. Et je regrette que certains aient employé à son égard des qualificatifs déplacés. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
De nombreux députés ont déposé des amendements identiques – Mme Brunel et MM. Diard, Mallié, Goasguen et Joyandet.
De quoi s’agit-il ? En aucune façon de pratiquer on ne sait quel fichage génétique, mais de recourir à une technologie moderne permettant à une personne volontaire d’apporter un élément de preuve de sa filiation lorsque les documents d’État ne le permettent pas.
J’ai entendu du côté de l’opposition, mais pas uniquement – M. Pinte notamment – dire que ce n’est pas parce que douze pays voisins, aux régimes politiques identiques – des démocraties – recouraient à ces tests qu’il fallait automatiquement faire pareil. L’argument n’est-il pas réversible ? Devons-nous nous interdire d’observer ce qui se passe ailleurs ? Sommes-nous toujours, nous Français, les meilleurs, les plus forts, les plus humains, les plus respectueux des droits ? Et les autres seraient-ils toujours à notre remorque, à la traîne, attendant qu’on leur donne des leçons ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Vous avez été plusieurs à évoquer la nécessité, sur d’autres sujets, d’aller vers l’harmonisation européenne. Si nous adoptions cette mesure, cela reviendrait à aller dans le sens de l’harmonisation européenne. C’est une observation de bon sens, difficilement contestable. (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Faudrait-il d’emblée rejeter un système pratiqué par les travaillistes britanniques, les socialistes espagnols, la gauche italienne ou la grande coalition allemande ? Pourquoi, a priori, l’écarter d’un revers de main ?
Chaque année, des milliers de personnes ne peuvent entrer en France parce qu’elles ne parviennent pas, malheureusement, à prouver leur lien de filiation, faute de disposer d’un document d’état civil fiable.
Adrien Gouteyron auquel vous avez tous rendu hommage – j’espère qu’il suit avec attention nos débats – indique dans son rapport intitulé « Trouver une issue au casse-tête des visas » que selon les pays, il y a 30 % à 80 % d’actes administratifs frauduleux. Là aussi, ouvrons les yeux et ne nions pas la réalité. Ces défaillances d’État pénalisent les demandeurs de bonne foi.
Dans certains cas, la situation de ces personnes est réellement dramatique. Je pense aux réfugiés politiques, dont la famille est bien souvent dans l’incapacité de prouver le lien de parenté avec le réfugié – vous avez cité de nombreux cas.
Vous avez aussi, à plusieurs reprises, cité le Haut- commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Permettez-moi de vous livrer un court extrait d’une note récente datant de mai 2007. Le Haut-commissariat affirme que la possibilité d’être réuni à sa famille est de première importance pour l’intégration. À l’évidence, oui !
Premièrement, il n’est absolument pas envisagé d’obliger une personne à effectuer un test ADN pour obtenir son visa. En réalité, l’amendement n° 36 ne prévoit aucune obligation et ne fait que définir une faculté.
Deuxième point déjà soulevé pendant le débat : la création de ce test n’empêche pas les enfants régulièrement adoptés de rejoindre leur famille en France. Je rappelle que ce test est réalisé à l’initiative du demandeur de visa, c'est-à-dire du père ou de la mère de l’enfant. Donc, l’amendement n’a strictement aucune conséquence pour les enfants adoptés. Tout comme aujourd’hui, les enfants adoptés pourront entrer en France au titre du regroupement familial, si l’acte d’état civil est probant, naturellement.
Troisième élément : il n’est pas du tout question d’opérer un fichage génétique. Je mets au défi quiconque de trouver cette notion dans l’amendement n° 36.
Certes, des questions intéressantes ont été posées tout à l’heure lorsque certains d’entre vous sont sortis de l’éthique pour évoquer des aspects pratiques. C’est vrai, on pourrait prolonger encore le débat, notamment en ce qui concerne les lieux ou les modalités de la réalisation de ces tests ADN et de leur examen.
Cependant, monsieur le rapporteur, cet amendement doit, à l’évidence, être accompagné de garanties. Je pense qu’il est acceptable et utile, à condition que l’on s’entoure de garanties sur le volontariat des intéressés et sur une mise en œuvre qui soit progressive et transparente. C’est l’objet des sous-amendements n° 266, 267, 268 et 274.
Le test ADN – ce doit être expressément précisé, monsieur le rapporteur – ne peut avoir qu’un objet : apporter un élément de preuve d’une filiation déclarée. Le consentement des personnes doit être expressément et préalablement recueilli.
Le sous-amendement n° 267 aborde la question du coût, soulevée sur tous les bancs de cette assemblée. Qui doit le prendre en charge ? Selon nos estimations, un test coûte entre 80 et 150 euros. Je le dis très clairement, il est logique de rembourser les frais lorsque le visa est accordé. Pourquoi ? Nous n’avons pas la moindre intention de créer un barrage financier au regroupement familial.
Avec le sous-amendement n° 268, je souhaite limiter l’application de la procédure à quelques pays, dans un premier temps. Là encore, des voix se sont élevées sur tous les bancs pour demander : « est-ce qu’on ne peut pas expérimenter ? » C’est ce que je propose, car il me semble plus utile, efficace et intéressant de procéder par étapes, avant la généralisation. Comme vous le savez, c’est la méthode qui a été employée en matière de biométrie. Au départ, seulement quelques consulats étaient équipés du système biométrique ; à la fin de l’année dernière, ils étaient 29 ; à la fin de cette année, ils seront 69 ; et l’année prochaine ils le seront tous.
Enfin, comme l’ensemble de vos collègues, monsieur Jean Leonetti, je vous ai écouté avec beaucoup d’intérêt – et il ne s’agit pas d’une formule. Au-delà de l’intérêt, vous avez su trouver les mots justes pour faire partager une émotion. Le sous-amendement n° 274 vise à répondre à la nécessité d’évaluation que vous avez évoquée.
Il existait plusieurs possibilités. On aurait pu imaginer une clause de rendez-vous avec un rapport préparé par le Gouvernement. Je pense qu’il faut aller plus loin et, notamment, reconnaître à la représentation nationale tout son rôle et tout son poids.
Pour cette raison, je propose que le Parlement soit éclairé par un rapport remis par une commission composée ainsi : deux députés, deux sénateurs, le vice-président du Conseil d’État, le premier président de la Cour de cassation, le président du Comité consultatif national d’éthique, deux personnalités qualifiées, désignées par le Premier ministre.
Je propose que cette commission travaille, examine, compare et tire le bilan au bout d’un certain temps d’exercice – environ deux ans auxquels il convient d’ajouter des délais, ce qui nous amène à 2010. À ce moment-là, cette commission présentera son rapport devant le Parlement, et on verra si le dispositif est utile, efficace, et réellement juste comme le rapporteur le souhaite.
La volonté du gouvernement est de vous proposer une démarche qui présente des caractéristiques très simples, très lisibles et très compréhensibles. C’est une proposition de démarche progressive, transparente, protectrice, contrôlée, et évaluée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Manuel Valls.
Suspension et reprise de la séance
(La séance, suspendue le jeudi 20 septembre à zéro heure dix, est reprise à zéro heure vingt.)
Nous en venons au sous-amendement n° 266. Le Gouvernement considère-t-il qu’il l’a déjà défendu ?
Certes, il est concevable que face à des périls extraordinaires ou des menaces imminentes pour notre société, nous mettions nos hésitations et nos valeurs sous le boisseau. Mais en l’espèce, comme l’a montré notre débat, il s’agit d’écarter des enfants – qui ne seraient pas les enfants biologiques – du regroupement familial. Est-il acceptable, pour empêcher ces quelques enfants de venir dans notre pays, de faire fi de principes fondamentaux de notre société, sinon de notre civilisation ? Il y a une disproportion manifeste entre les problèmes que l’on entend régler – éviter certains regroupements familiaux jugés abusifs – et la mécanique que l’on met en marche, dont vous êtes bien incapable de prévoir l’évolution et les moyens de l’arrêter lorsqu’elle s’emballera.
Les sous-amendements ne sont pas à la mesure de la gravité du problème : nous ne pouvons pas accepter des modifications à la marge d’une disposition si fondamentalement contraire à nos principes. Il est, je le répète, un vice essentiel que vous n’écarterez pas : nul ne se soumettra jamais aux tests génétiques par libre volonté. Dès lors que l’on ne pourra prétendre au regroupement si l’on refuse le test, il est clair qu’il n’y a plus ni liberté ni consentement : nous sommes dans la contrainte. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
J’ajoute qu’il manque à mes yeux un sous-amendement, s’agissant d’une question soulevée tout à l’heure : que fera-t-on des tests ? Rien, dans l’état présent du texte, ne nous garantit qu’ils ne seront pas réutilisés à d’autres fins, et aucun dispositif n’en assure la protection.
Je voudrais, pour terminer, avancer deux derniers arguments pour essayer de convaincre certains collègues.
Tout d’abord, on nous dit que les tests ne sont pratiqués qu’à la demande des intéressés, et dans le cas où la fiabilité des documents d’état civil est sujette à caution. Entre parenthèses, on peut se demander si ce ne sera pas de plus en plus souvent le cas : l’administration pourra considérer que, les demandeurs ayant un recours avec le test ADN, il n’est plus nécessaire de leur accorder le bénéfice du doute. Cependant, mettez-vous un instant à la place de ces personnes dont l’un des enfants se sera vu refuser le regroupement familial. Imaginez le choix devant lequel ils se trouveront, imaginez-vous personnellement face à ce choix ! Pour ma part, je dois vous dire que j’hésiterais à faire le test. On peut briser des vies. Pas seulement une vie, mais des vies, à commencer par celle des enfants et celle des femmes.
Second argument, celui de la fiabilité de l’état civil dans certains pays. Ne pourrait-on pas aider ces derniers – ce qui coûterait beaucoup moins cher à l’État et aux intéressés – à organiser, non seulement pour les candidats à l’émigration mais pour l’ensemble de leurs concitoyens, un état civil fiable ? L’établissement de l’identité, pour reprendre ce que disait Mme Lebranchu, se ferait ainsi sans recours à la « traçabilité » et à la filiation.
Même si les sous-amendements améliorent l’amendement de M. Mariani, leur accorder mon suffrage signifierait que j’approuve celui-ci sur le fond : je ne les voterai donc pas.
(Il est procédé au scrutin.)
Le sous-amendement n° 266 est adopté.
J’appelle maintenant le sous-amendement n° 267 : souhaitez-vous, monsieur le ministre, le soutenir de nouveau ?
Vous avez voulu montrer, monsieur le ministre, un certain esprit d’ouverture en nous faisant croire que l’on pouvait aménager l’amendement de M. Mariani, alors que celui-ci touche à l’essentiel. Mais il ne saurait y avoir de bricolage avec les valeurs, le droit et les affaires de conscience. Les tests génétiques s’adressent à des familles et des individus qui sont parmi les plus vulnérables de ce monde, qui sont déjà les « damnés de la terre », et vous voulez encore ajouter à leur humiliation. Nous ne pouvons pas entrer dans une telle spirale du rejet. C’est pourquoi nous voterons contre le sous-amendement n° 267, et contre tous les autres.
Des douze pays européens qui se sont engagés dans la voie de ces tests, trois au plus ont opté pour le remboursement par l’État. Je pense pour ma part que l’option que nous choisissons ce soir n’est pas satisfaisante.
Je me permets par ailleurs de vous faire observer que sur un plan strictement comptable, l’État ne pouvant rembourser sans pièces justificatives, les tests ADN ne seront donc pas anonymes. Ayant été magistrat de la Cour des comptes, je ne vois pas comment vous pourriez procéder autrement.
Enfin, vous vous lancez dans une opération un peu folle : vous ne disposez pas des crédits nécessaires pour la mise en œuvre de ce remboursement et les conditions de son application ne sont pas définies.
Sur un plan plus politique, j’accepte le principe du test ADN. Je vais donc dans votre sens, monsieur le ministre, mais je pense que prévoir le remboursement des examens par l’État est une erreur politique.
(Il est procédé au scrutin.)
Nombre de votants 139
Nombre de suffrages exprimés 133
Majorité absolue 67
Pour l’adoption 79
Contre 54
Le sous-amendement n° 267 est adopté.
Je suis saisi d’un sous-amendement n° 268.
Concernant le fichier national des empreintes automatisées, la loi prévoit qu’on ne peut retenir que les parties de l’ADN qui concernent la détermination de l’identité de la personne, et rien d’autre. Un ensemble de conditions existent donc, auxquelles on peut ajouter l’article 4 de la loi de bioéthique, qui prévoit que le formulaire de consentement des personnes doit explicitement mentionner la finalité du test ADN. On voit bien que cela dépasse le registre du décret.
Ce même sous-amendement prévoit l’établissement d’une liste des pays, ce qui me donne l’occasion de revenir sur les propos de M. Soisson sur l’aspect financier du dispositif. Selon le rapport d’audit du ministère de la justice relatif à l’application de la LOLF, la situation actuelle est la suivante : faute de moyens humains et de ressources suffisantes, les officiers de police judiciaire se trouvent, lors de certaines enquêtes, dans l’incapacité de faire procéder aux actes de police technique et scientifique, notamment aux prélèvements d’ADN, chez les délinquants sexuels.
Le même rapport dit aussi qu’en raison de ce manque de moyens, la justice n’a pas encore achevé l’enregistrement dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques de tous les délinquants sexuels incarcérés.
Aussi, plutôt que de dépenser des sommes considérables pour pratiquer des tests ADN sur des enfants engagés dans une procédure de regroupement familial, mieux vaudrait consacrer une part utile de la dépense publique à achever le travail de lutte contre la délinquance.
(Il est procédé au scrutin.)
Nombre de votants 139
Nombre de suffrages exprimés 133
Majorité absolue 67
Pour l’adoption 88
Contre 45
Le sous-amendement n° 268 est adopté.
Je suis saisi d’un sous-amendement n° 274. Je suppose que M. le ministre considère qu’il l’a déjà défendu.
Vous avez essayé de trouver un accord impossible entre la pression exercée par un certain nombre de parlementaires, majoritaires au sein de l’UMP, et les principes que nous avons défendus.
Pour ces raisons, nous voterons contre l’amendement du rapporteur, au terme d’un débat sur un thème essentiel qui aurait pu donner lieu à une discussion ouverte sur les problèmes d’immigration. Mais vous avez voulu, une fois encore, afficher une idéologie qui n’apporte aucune solution aux problèmes de l’immigration. Votre démarche est une fuite en avant, et vous le paierez cher…
(Il est procédé au scrutin.)
Nombre de votants 140
Nombre de suffrages exprimés 134
Majorité absolue 68
Pour l’adoption 88
Contre 46
Le sous-amendement n° 274 est adopté.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur les amendements nos 36, 75 et 160, modifiés par les sous-amendements nos 266, 267, 268 et 274.
(Il est procédé au scrutin.)
Nombre de votants 142
Nombre de suffrages exprimés 136
Majorité absolue 69
Pour l’adoption 91
Contre 45
Les amendements nos 36, 75 et 160, ainsi modifiés, sont adoptés. (Applaudissements de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Suspension et reprise de la séance
(La séance, suspendue à zéro heure trente-cinq, est reprise à zéro heure quarante, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)
Je suis saisi d’un amendement n° 194.
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le soutenir.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président.
La parole est à M. Étienne Pinte, pour le soutenir.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le défendre.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Étienne Pinte, pour soutenir l’amendement n° 128 rectifié.
Actuellement, aucune disposition n’est prévue pour protéger les victimes de violences conjugales lorsque les violences et la séparation interviennent avant la délivrance du premier titre de séjour. Mon amendement propose de délivrer ce titre au conjoint de Français qui aura été victime de violences conjugales avant d’obtenir son premier titre de séjour.
Il convient de tenir compte de la situation des femmes étrangères, mariées à un Français ou venues dans le cadre du regroupement familial, qui sont victimes de violences conjugales avant la délivrance de leur premier titre de séjour. Du fait de ces violences, la communauté de vie avec leur conjoint est rompue ; elles doivent quitter le domicile conjugal pour fuir les violences – et nous disposons tous de nombreux témoignages – ou parce que leur conjoint les met à la porte. Elles se voient alors refuser l’obtention de leur premier titre de séjour.
Cet amendement reprend le même problème que l’amendement précédent, mais son caractère est automatique, ce qui ne me semble pas souhaitable.
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi de trois amendements, nos 263, 72 et 141, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Yves Jego, pour soutenir l’amendement n° 72.
Notre objectif est de faciliter la vie des étrangers qui séjournent depuis longtemps en France et qui ont accompli un parcours d’intégration exemplaire.
Les deux autres amendements reprennent la même idée, mais nous préférons la rédaction de l’amendement gouvernemental qui répond en outre aux préoccupations de notre collègue Jego.
Je mets aux voix l'amendement n° 263.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le défendre.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le soutenir.
Dès lors qu’une demande en divorce est engagée, et même si elle n’aboutit pas, les conséquences sont extrêmement graves pour le conjoint étranger. Tout couple peut être confronté à une crise conjugale, mais l’administration a tendance à tirer des conséquences hâtives et disproportionnées lorsque l’un des époux est étranger. Nous proposons donc d’attendre que le jugement de divorce soit rendu avant de pouvoir interrompre le séjour de l’étranger concerné. La procédure est engagée lors d’une crise conjugale, mais le couple peut aussi se reformer.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
(L'amendement est adopté.)
Cet article, amendé par le rapporteur, y répond sur le fond. Mais, sur la forme, la définition des délais « objectifs » continue de poser problème. Aussi, pour ne pas risquer d’être condamné une fois de plus par la Cour européenne des droits de l’homme, je propose – et je rejoins en cela plusieurs de mes collègues qui ont déposé des amendements analogues – que le délai de vingt-quatre heures prévu pour le dépôt du recours soit porté à deux jours.
Par ailleurs, je m’interroge sur l’audience par communication audiovisuelle. Dans un premier temps, l’idée paraît intéressante : gain de temps, moins de déplacements, moins de stress, mais, dans la pratique, et surtout dans le cadre spécifique des demandes d’asile qui concernent des personnes fragiles ayant vécu des événements douloureux et maîtrisant parfois mal notre langue, le contact direct, plus humain, est indispensable.
Comme beaucoup d’entre vous, sans doute, j’ai participé à des visioconférences, pratique qui semble complexe alors que chacun est accoutumé au processus et qu’il n’y a pas d’enjeu majeur. Qu’en sera-t-il pour l’étranger, qui joue à quitte ou double ? Cela étant, pourquoi pas ? Car, dans certains cas, le fait que la commission puisse ressembler à un tribunal peut constituer un lourd handicap pour certains demandeurs.
Monsieur le ministre, je souhaite qu’une évaluation de cette nouvelle pratique, la plus précise possible, puisse être réalisée, afin de vérifier l’aspect matériel, d’établir si cette technique présente plus d’avantages ou d’inconvénients pour le demandeur et, surtout, de garantir l’égalité des droits.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir cet amendement.
Le Gouvernement se limite en effet aux seules demandes d’asile à la frontière. Or il existe d’autres décisions concernant l’asile, qui ne font pas l’objet d’un recours suspensif : le dispositif Dublin 2, par exemple. Pourtant, la directive « Procédures », que la France doit transposer avant le 1er décembre 2007, prévoit en son article 39 que les États membres font en sorte que les demandeurs d’asile disposent d’un droit à un recours effectif devant une juridiction contre une décision concernant leur demande d’asile. Cet article, combiné à la décision de la Cour européenne des droits de l’homme du 26 avril 2007, fait que devraient être instaurés des recours suspensifs pour ces procédures.
Je précise que l’article 6 apporte de nouvelles garanties aux étrangers concernés et doit donc être maintenu.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 38 rectifié.
Les sous-amendements nos 78 et 111 sont identiques.
La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir le sous-amendement n° 142.
Cet état d’esprit règne dans la majorité depuis un certain temps déjà. Il affectait la loi proposée par M. de Villepin sur le droit d’asile, qui a représenté un véritable recul. De son côté, M. Sarkozy, lorsqu’il était ministre de l’intérieur, avait également multiplié les obstacles à l’obtention du droit d’asile, ainsi qu’aux possibilités de recours.
Ajoutons que les conditions dans lesquelles peut agir le juge administratif sont draconiennes. Les exemples ne manquent pas, mais je ne citerai qu’un cas, celui qui a conduit la Cour européenne des droits de l’homme à rendre son avis du 26 avril. Bien que la personne concernée eût vu sa requête rejetée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, elle avait finalement, une fois admise sur le territoire français après injonction des juges européens, obtenu de l’OFPRA la qualité de réfugié.
Ce serait faire preuve d’humanité que de laisser à ceux qui veulent exercer un recours le temps nécessaire. Je rappelle d’ailleurs que les étrangers expulsés après avoir séjourné dans notre pays disposent, eux, d’un délai de quarante-huit heures. Ce serait déjà une bonne chose si l’on alignait le traitement des demandeurs d’asile sur celui des immigrés clandestins. Reste qu’un délai de quatre-vingt-seize heures nous semble le plus adéquat.
Par ailleurs, le législateur est soumis à une certaine pression, puisque l’on nous dit qu’en étant trop restrictifs, on risquerait de voir notre pays condamné une nouvelle fois. Il n’est pas très agréable de légiférer dans de telles conditions.
J’en viens au délai posé par le projet de loi, et qui est beaucoup trop court. Sur ce point, je ne peux que partager l’avis de mes collègues. Nous connaissons en effet les conditions difficiles dans lesquelles ont lieu les audiences, d’autant qu’il faut souvent passer par un traducteur. En outre, le référé-liberté, aux dires des magistrats comme des avocats, est d’une grande complexité. Enfin, les magistrats administratifs ne souhaitent pas – et ils ont raison – examiner des séries de requêtes dont ne changeraient que le nom du demandeur et son pays d’origine. Il convient de garantir une certaine individualisation des recours.
Il ne suffit pas de proclamer un droit. Pour le rendre effectif, et éviter de nouvelles condamnations, il faut porter à deux jours ouvrables le délai pendant lequel un recours est possible. Cela permettrait de résoudre l’empoisonnant problème du dimanche, lorsque l’on ne trouve pas de traducteur, ou bien quand le juge de permanence est convoqué dans des conditions qui ne favorisent pas la sérénité – pourtant indispensable en cette matière.
Le recours doit être suspensif. Certes, le texte le prévoit, mais cela restera théorique si la loi fixe un délai intenable.
J’ouvre une parenthèse, car nos collègues de l’opposition se sont souvent interrogés sur l’opportunité d’une loi supplémentaire. Il faut saluer la rapidité du Gouvernement : quatre mois après la condamnation de la France par la CEDH, il présente une loi permettant à notre pays de se mettre en conformité avec le droit européen. C’est une raison de plus pour juger indispensable le texte proposé.
L’avis du Gouvernement est le même que celui de la commission. Je reconnais que des problèmes juridiques et pratiques se posent en matière d’asile. J’en profite pour donner un coup de chapeau à la Croix-Rouge : nous avons renouvelé la convention qui nous liait à cet organisme, qui fait œuvre de présence, d’attention et d’écoute. Quant à l’ANAFE, citée par M. Blisko et dont certains d’entre vous sont proches, il est vrai que ses bénévoles ne sont pas là les dimanches. Je me suis rendu dans une zone d’attente au lendemain de la nomination du Gouvernement ; j’y ai trouvé la Croix-Rouge, mais pas l’ANAFE. Vous avez eu raison, monsieur Blisko, de soulever ce problème.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
(Ces sous-amendements ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Philippe Cochet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le soutenir.
(Le sous-amendement est adopté.)
La parole est à M. Serge Blisko, pour le défendre.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Françoise Hostalier, pour le soutenir.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.
Il convient donc de se référer, pour le déroulement de l’audience, à l’article L. 522-1 du code de justice administrative qui prévoit la présence du commissaire du gouvernement.
En outre, cette non-présence est même demandée par le SJA.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le soutenir.
Il n’est pas suffisant que le demandeur d’asile soit informé, même si c’est indispensable, dans une langue qu’il comprend pour exercer son droit à l’opposition à la visioconférence. Il est clair qu’il existe un vrai renversement, car le point de départ est la présomption de l’accord du demandeur. Le principe selon lequel l’audience se tient dans les locaux du tribunal administratif compétent et devant et en présence du juge est bafoué par la présomption de l’accord du demandeur d’asile.
Plus qu’à protéger le demandeur d’asile, cet article vise plutôt à restreindre sa possibilité d’exercer un recours effectif et d’autres droits.
Le recours à la visioconférence ou à la délocalisation des audiences dans la zone d’attente permet d’éviter les déplacements pénibles et coûteux. Cela ne porte pas atteinte aux droits de l’étranger, car il peut s’y opposer en tout état de cause. L’audience demeure ouverte au public. De même, l’étranger conserve ses droits d’accès à un interprète et à un avocat.
Récemment, un procès assez médiatisé s’est tenu à Évry. Un témoin a été invité à comparaître par visioconférence. Vous avez pu mesurer les conditions techniques tout à fait déplorables dans lesquelles l’audience s’est déroulée. Les juges n’arrivaient pas à comprendre ce que disait le témoin et le faisaient répéter. Cette expérience a mis en évidence les risques que pouvait comporter une médiation, certes moderne, mais qui n’est absolument pas de nature à respecter correctement les droits de la défense.
De surcroît, comme nous l’avons précisé, les étrangers maîtrisent mal le français et sont souvent traumatisés par une situation extrêmement difficile. Par conséquent, le système de la visioconférence et des audiences à distance est un très mauvais service à rendre à la justice, qui doit rester de qualité dans notre pays.
Cet argument technique devient finalement très politique et contribue à entraver le caractère équitable de la justice pour ces personnes en très grande difficulté et très vulnérables.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
Ce sous-amendement de repli a été défendu.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
Ce sous-amendement de repli a été défendu.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 217.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.
Nous avons expliqué les raisons pour lesquelles nous n’étions pas convaincus, voire hostiles à cette forme dégradée de rendre la justice et en particulier la justice administrative. L’audience doit se tenir en présence de l’intéressé, à « portes ouvertes », être publique, sauf bien évidemment quand le huis-clos est demandé. Ces règles sont intangibles. Des aspects subjectifs ont été décrits par certains collègues : le stress, la complexité du processus pour quelqu’un qui parle très mal, voire pas du tout, notre langue : ainsi, où se trouvera l’interprète ? Des dizaines de questions se posent, dont certaines sont d’ordre technique. Je ne suis pas un spécialiste, puisque je ne suis ni magistrat, ni avocat, ni organisateur de visioconférences. M. Mamère connaît cela mieux que moi, mais je sais tout de même qu’il existe des plans de coupe. Lorsque le juge dialogue avec la personne, même par le biais d’un interprète, on essaie de comprendre ce qui est dit. Ce climat psychologique essentiel surtout dans ce type d’audience risque, du fait des plans de coupe, de devenir totalement inexistant : l’avocat peut ne pas comprendre la façon dont le juge appréhende l’argumentation ; il en va de même du demandeur d’asile qui est parfois aidé d’un interprète. L’asile est un enjeu trop important, lorsque l’on sait les menaces qui peuvent exister, pour être traité ainsi.
Se posent aussi des problèmes d’intimité. Les demandeurs d’asiles doivent parfois expliquer leurs tortures, ce qui n’est pas toujours évident. Or la méthode de la visioconférence est très froide. Ces audiences rendues quelque peu mécaniques du fait du recours aux écrans et aux caméras, et auxquelles assistent quatre, cinq, voire six personnes, avec le greffe et les employés du tribunal, donnent un caractère solennel à la procédure et ne permettent pas de rendre cette justice de proximité, souhaitable pour les demandes d’asile.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
Je mets donc aux voix l’amendement n° 38 rectifié, modifié par le sous-amendement n° 114.
(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
Actuellement, l’administration peut prononcer le maintien de l’étranger en zone d’attente, par décision écrite et motivée, pour une durée maximale de quarante-huit heures, et ce maintien peut être renouvelé dans les mêmes conditions.
Il est donc proposé, sans allonger aucunement la durée globale du maintien en zone d’attente, d’autoriser d’emblée l’administration à décider du maintien de l’étranger en zone d’attente pour une durée maximale de quatre jours. Cela simplifie tout de même la procédure.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir cet amendement.
Pour les demandeurs d’asile ou les migrants, de très nombreuses procédures de référé-liberté sont rejetées par simple ordonnance sans que les intéressés n’aient été audiencés. Nous considérons que cette disposition est incompatible avec les exigences de la Commission européenne des droits de l’homme, qui a fermement souligné le droit d’exercer un recours effectif. L’effectivité de ce recours devrait, en effet, prévaloir pendant toute la durée de la procédure, et non pas seulement en première instance.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
M. Serge Blisko.
Je suis donc plus que navré, et, comme l’ensemble de mes collègues de l’opposition, opposé à cette façon de travailler. Vous ne cessez d’improviser pour essayer à tout prix de coincer les demandeurs d’asile en les maintenant en zone d’attente des jours et des jours alors que l’on pourrait aller beaucoup plus vite. Ce n’est pas sérieux.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
(L’amendement est adopté.)
Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement n° 113.
La parole est à M. Thierry Mariani, pour défendre l’amendement n° 68.
L’un de nos collègues vient de proposer de faire passer de trois à quatre jours la période pendant laquelle le maintien en zone d’attente de l’étranger est prorogé d’office. Jusqu’à présent, on pouvait garder un étranger privé de liberté pendant vingt-trois jours au total, et vous voulez encore en ajouter un petit peu.
À coups d’amendements et de sous-amendements, les garanties dont pouvaient bénéficier les demandeurs d’asile disparaissent les unes après les autres. C’est la visioconférence, que l’on présente comme une disposition technique mais qui a des conséquences politiques, c’est la remise en cause du référé-liberté, c’est l’impossibilité d’être présenté au juge administratif, c’est l’invention d’un certain nombre de procédures juridiques pour éviter le recours simple, qui aurait pu s’exercer dans les mêmes conditions que pour les arrêtés de reconduite à la frontière : recours au fond, sans forme, avec un délai de quarante-huit heures pour saisir le juge, possibilité d’être assisté à l’audience par un avocat désigné et par un interprète.
Vous préférez faire des demandeurs d’asile une catégorie particulière. Pour vous, effectivement, ce sont des indésirables !
(Le sous-amendement est adopté.)
(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)
(L’article 7, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour défendre cet amendement.
Rappelons que le droit d’asile, dont notre pays s’enorgueillit depuis des siècles, découle directement du droit à la vie, du droit à la liberté et à la sécurité personnelle, du droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion, et du droit à ne pas être torturé.
Dans ce chapitre, de nombreux éléments confirment que ce projet de loi est incompatible avec la convention relative au statut des réfugiés et ses dispositions. Cette incompatibilité entraîne la violation des obligations internationales dont est redevable l’État français.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
(L’amendement est adopté.)
(L’article 8, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à Mme Françoise Hostalier.
Nous prenons acte, monsieur le ministre, de votre volonté de rendre cette instance indépendante, mais, si j’ai bien compris, cela devra se concrétiser dans la loi de finances, où cette institution doit apparaître de manière claire sur les crédits du Conseil d’État.
En ce qui concerne l’OFPRA, la nomination d’un député européen me paraît être une excellente chose. Il est urgent d’aller beaucoup plus loin et d’accélérer l’harmonisation de la délivrance des visas dans l’ensemble des pays de la Communauté européenne.
S’il y a un sujet sur l’immigration, l’intégration et le codéveloppement qui intéresse la Guyane, c’est bien celui-ci. Je ne rappelle pas les chiffres. Plusieurs textes ont été examinés au cours de ces dernières années, et on les a donnés.
La Guyane est historiquement une terre d’accueil. Elle n’a pas seulement accueilli des immigrés, elle a accueilli la France tout d’abord, elle a accueilli le bagne, la base spatiale, et elle vient d’accueillir le plus grand parc national, le parc amazonien.
L’immigration en tant que telle n’est donc pas dramatique pour les Guyanais. Ce qui est dramatique, c’est l’amalgame qui a été fait entre immigration et insécurité. Nous souffrons en effet d’une grosse insécurité. Des moyens ont été donnés, pas suffisamment. Quand M. Hortefeux est venu, il a réitéré la promesse du ministre de l’intérieur M. Sarkozy. Nous espérons en avoir d’autres pour Noël 2007, après avoir attendu à Noël 2003 et Noël 2006. Je vous dirai en janvier ce qu’il en est.
Ce territoire n’est pas facile, je le concède, mais c’est le mien, c’est le nôtre. Cela a un coût de le sécuriser. La base spatiale est-elle la seule à avoir droit aux moyens nécessaires pour assurer la sécurité ou les Guyanais aussi y ont-ils droit ?
J’avais proposé un amendement, qui est tombé, pour défendre les services de l’État. Jusqu’à aujourd’hui, aucun contrat d’accueil et d’intégration n’a été signé en Guyane, monsieur le ministre. J’en suis plus que désolée. En 2003, nous avons demandé à faire partie de l’expérimentation, ce qui nous a été refusé. Étonnant, vu la situation. La loi de 2006 n’est toujours pas applicable en Guyane puisque l’ANAEM n’a pas les moyens de conclure des contrats d’accueil et d’intégration. Vous voyez que l’on accumule les particularités.
Quant au regroupement familial, on ne peut pas penser faire de l’intégration s’il n’est pas facilité, car c’est le premier élément de l’intégration, qu’il s’agisse d’un Français qui fait entrer son conjoint ou d’un migrant qui a décidé de venir s’installer sur le sol français. Pour moi, le regroupement familial doit être non seulement facilité mais pris comme un geste d’accueil du pays accueillant.
La situation géopolitique de la Guyane vous donne tout loisir, monsieur le ministre, pour expérimenter le codéveloppement. Je n’ai pas besoin de rappeler que la Guyane est entourée du Surinam, du Brésil, et, un peu plus loin, de la Guyana. Le codéveloppement est donc pour moi la seule façon de permettre aux hommes de rester sur leur territoire. Comme on dit chez moi, mieux vaut un petit chez soi qu’un grand chez les autres. Je vous demande donc d’être très attentif à cette partie de l’intitulé de votre ministère.
À la suite d’un certain nombre de coups de boutoir déjà donnés par les différents projets de loi soumis à cette assemblée, l’asile est aujourd’hui largement moribond en France, tout autant d’ailleurs que dans l’Union européenne, et, avec la décision que vous prenez ce soir, il ne risque pas de retrouver ses couleurs.
Que le gouvernement Fillon, ou, plutôt, le gouvernement Sarkozy (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)… Eh bien oui puisque M. Fillon a été qualifié par le Président de la République lui-même de collaborateur ! Comme l’a répété à plusieurs reprises l’un de nos collègues, le Président de la République viole bien souvent la Constitution puisque c’est, paraît-il, lui qui gouverne. Il ne me semblait pas que c’était l’esprit de la Constitution, en tout cas des articles 20 et 21.
Que le Gouvernement, dirigé par un fantôme, éprouve le besoin de modifier la tutelle de l’OFPRA a au moins le mérite de tordre le cou une bonne fois pour toutes à ce qui est désormais une légende, l’indépendance de cet office. S’il suffit de changer son « patron » pour qu’il agisse en cohérence avec la politique de l’immigration choisie, nous avons la preuve de ce que vous recherchiez.
À vrai dire, l’affaire était entendue depuis longtemps puisque, en 1993, M. Pasqua, prenant prétexte de la transposition de la convention européenne de Dublin, un seul État étant responsable de l’examen d’une demande d’asile, avait astreint les requérants de l’asile à l’obligation d’obtenir une autorisation de séjour avant de pouvoir s’adresser à l’OFPRA. M. Pasqua avait évidemment confié la délivrance de ces autorisations de séjour aux préfectures, le ver était donc déjà dans le fruit.
L’OPA ne changera à vrai dire sans doute pas grand-chose tant le ministère de l’intérieur avait déjà autorité sur l’asile. La réforme que vous nous proposez ne fait qu’officialiser un état de fait. L’OFPRA n’est absolument plus indépendant, nous le savions déjà depuis longtemps, vu les aller et retour qui avaient lieu entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de l’intérieur.
La première est une raison de principe. Le droit d’asile nécessite une administration très particulière. C’est la bête noire de tous les gouvernements, comme nous le disions tout à l’heure, parce qu’ils y voient une espèce d’hydre, dont les « têtes » peuvent passer du simple au double à tout moment, au gré des crises internationales. Cela oblige les gouvernements – le gouvernement de M. Rocard en a fait l’expérience dans les années quatre-vingt-dix – à renforcer dans l’urgence les effectifs de l’Office en recrutant des contractuels pour faire face à des afflux de demandes soudains. Il y a une raison forte à cela : on ne peut pas laisser des demandeurs d’asile attendre deux ou trois ans que leur demande soit examinée.
Une administration qui peut ainsi à tout moment voir ses effectifs doubler, même si c’est pour de bons motifs, ne peut que déplaire souverainement aux gestionnaires, surtout aujourd’hui où on nous annonce le non-remplacement de la moitié des fonctionnaires. Que se passera-t-il demain si nous connaissons un nouvel afflux de demandeurs d’asile à cause d’une crise internationale d’une gravité supérieure à celles que nous connaissons aujourd’hui ? De toute façon, bien d’autres crises se préparent, notamment des crises climatiques. Même si elles ne relèvent certes pas de l’asile classique au sens de la convention de Genève, un certain nombre d’États ont déjà prévu de faire face à un afflux de réfugiés dans un tel cas.
La deuxième raison est aussi une raison de fond, même si elle est une défense de l’OFPRA. Cela va peut-être vous étonner, mais nous sommes un certain nombre à ne pas reprocher à l’OFPRA de ne pas bien travailler, malgré sa sévérité. Nous ne remettons pas radicalement en cause l’action de l’OFPRA, pour le moment du moins, monsieur Cochet. Elle a en effet bénéficié jusqu’ici de moyens suffisants.
À ce propos, je voudrais profiter de l’occasion trop rare qui nous est donnée de parler de l’OFPRA – c’est la première fois depuis 2003 – pour donner un coup de chapeau à ceux qu’on appelle les « officiers de protection », fonctionnaires ou contractuels, dont la tâche n’est pas facile : ils sont en effet exposés quotidiennement à des situations dramatiques, à des récits éprouvants. Cela peut s’avérer, moralement et humainement, difficile à supporter.
Ces agents parviennent pourtant à assurer leur mission dans un cadre qui a été fixé en 1952, c’est-à-dire dans un contexte géopolitique très différent. Le nombre de demandes d’asile était faible, les pays d’origine des demandeurs d’asile en nombre très réduit : il s’agissait presque uniquement des pays de l’Est du fait de la crise de l’immédiat après-guerre. À ceux-là venaient s’ajouter ponctuellement des demandeurs fuyant leur pays à la suite d’un coup d’État et de l’instauration d’une dictature, comme au Chili. On peut penser aussi aux boat people, que j’ai évoqués hier.
Pour traiter ces cas, qu’ils soient 30 000 ou qu’ils soient 60 000, et quels que soient les moyens matériels et humains mis à la disposition de l’Office, il faut pouvoir s’appuyer sur une connaissance fine et constamment remise à jour des pays d’origine des demandeurs et des situations qu’ils vivent.
Pour compliquer encore un problème déjà très compliqué, en tout cas plus que naguère – vous le connaissez bien, monsieur Cochet –, on peut aujourd’hui faire l’objet de persécutions dans un pays démocratique. L’introduction dans notre droit de notions juridiques telles que celles de protection subsidiaire, d’autorité non étatique ou de pays sûr, qui ont été discutées en 2003, montre bien la complexité de l’affaire.
C’est pourquoi je pense, monsieur Hortefeux, encore une fois sans vouloir vous vexer, qu’il n’est pas bon de confier une mission aussi complexe à un ministère qui vient d’être créé, qui ne dispose pas – pas encore du moins – de cette connaissance fine, et qui doit aujourd’hui prendre sous sa tutelle plusieurs centaines d’agents, fonctionnaires ou contractuels. Les liens que ceux-ci entretiennent avec le réseau des ambassades et des consulats vont être coupés, ainsi qu’avec les centres d’analyse et de prévision, les instituts de recherche, nombreux et efficaces au sein du ministère des affaires étrangères…
Vous allez bien évidemment me répondre que ces liens pourront être préservés, et que ces agents pourront continuer à consulter le ministère des affaires étrangères. Point n’est besoin cependant d’être un spécialiste de la science administrative pour savoir ce qui se passera quand les affaires étrangères n’auront plus la tutelle, à moins que nous connaissions d’ici là une révolution copernicienne que nous appelons tous de nos vœux : sans vouloir, encore une fois, faire injure aux fonctionnaires, la demande qui émane d’une autre administration est toujours traitée avec moins de zèle et moins de moyens, jusqu’à ce qu’on trouve particulièrement inopportunes ces demandes incessantes. On jugera bon alors, dans dix ou vingt ans, de faire repasser l’asile sous la tutelle des affaires étrangères, puisqu’il s’agit d’une compétence régalienne, et non d’une affaire de simple police.
Il me semble donc normal qu’on diminue les effectifs des officiers de protection à partir du moment où le stock a été en grande partie dégonflé. Un afflux soudain de réfugiés à la suite d’événements politiques justifierait évidemment qu’on dote l’Office des moyens nécessaires pour que ces demandes d’asile soient traitées dans les meilleurs délais, et je pense que le Gouvernement est conscient de cette nécessité.
M. Blisko vient de souligner l’extrême difficulté de ce travail. On peut même dans certains cas contester la pertinence de la notion de « pays sûr ». Récemment par exemple, tant l’OFPRA que la commission de recours se sont appuyés sur cette notion pour refuser le bénéfice du droit d’asile à un réfugié tamoul. Or celui-ci a été assassiné quelques mois après être rentré dans son pays. On voit à quel point il est difficile de jauger la pertinence de la décision prise.
Nous en avons eu malheureusement un autre exemple tout récemment avec le cas du petit Ivan – le ministre a d’ailleurs accordé à ses parents un droit de séjour de façon qu’ils puissent rester à ses côtés. Je me suis demandé pour quelles raisons ni l’OFPRA, ni la commission de recours n’avaient accordé le statut de réfugiés à cette famille, alors que la maman est tchétchène.
Ces exemples prouvent combien ce sujet est difficile et doit être traité avec délicatesse. C’est pourquoi il faut rendre hommage à tout le travail accompli, aussi bien par les officiers de protection que par les membres de la commission de recours, leur président, qui est un magistrat, et ses assesseurs, qui sont quasiment des bénévoles. Ils font un travail remarquable pour essayer de conserver à notre pays son image de pays des droits de l’homme et du citoyen.
Je suis saisi de deux amendements nos 153 et 222, tendant à supprimer l’article 9.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour défendre l’amendement n° 153.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 153 et 222.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 221 rectifié.
La parole est à M. Serge Blisko, pour le défendre.
Le droit d’asile n’est ni de droite ni de gauche, même s’il peut y avoir des différences : il est régi par la convention de Genève, que la France respecte et entend continuer à respecter, du moins je l’espère. Ce doublement permettrait, par le jeu de la proportionnelle, qui est très simple sur les petits nombres, d’assurer une représentation de l’opposition, s’agissant des députés comme des sénateurs.
Cela devrait autoriser un débat plus dépassionné, tout en donnant utilement à l’opposition la capacité d’apprécier le travail de l’OFPRA.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le défendre.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'article 9, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l’amendement n° 56 rectifié.
En effet, sa dénomination actuelle ne reflète absolument pas son caractère de juridiction indépendante, qui devrait en outre disposer prochainement, comme l’a confirmé le ministre, d’une véritable autonomie budgétaire, en remplacement de son actuel rattachement à l’OFPRA.
Par ailleurs, la dénomination actuelle fait référence aux « réfugiés », ce qui est également ambigu, puisque les demandeurs d’asile n’ont pas encore acquis un tel statut lorsqu’ils saisissent la CRR.
Je précise enfin que le président de la CRR est tout à fait favorable à ce changement de dénomination.
De la même façon, il nous semble justifié que le nom de la Cour nationale du droit d’asile ne comporte plus le terme de « réfugiés », mais celui de « demandeurs d’asile », compte tenu de la situation des personnes soumises à cette juridiction – qui, je le rappelle, est la première juridiction française.
La question n’est toutefois pas seulement celle du nom. En effet, pour que le droit de recourir à la future CNDA devienne effectif, il faut que celle-ci soit mieux traitée que l’actuel CRR en termes de moyens matériels et humains. En commission, M. Goasguen, qui est au-dessus de tout soupçon et qui, d’ordinaire, ne suit pas la ligne de l’opposition, nous a décrit les conditions ubuesques et misérables dans lesquelles l’actuelle Commission de recours des réfugiés rend ses décisions. La description de notre collègue, à qui il est arrivé, en tant qu’avocat, de plaider devant cette commission, était poignante.
Je vous rappelle que vous avez supprimé, il y a moins d’un an, 125 postes à la CRR. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que, tandis que les délais d’instruction des demandes devant l’OFPRA ont été réduits à une mesure convenable – ils se situent aujourd’hui entre trois et quatre mois pour les cas ordinaires, ce qui a permis, comme l’indiquait tout à l’heure M. Pinte, et si je puis l’exprimer ainsi, de résorber dans une proportion de 85 % le stock en attente –, la CRR connaisse aujourd’hui un goulet d’étranglement.
En outre, comme se le rappelle M. Mariani, le président de l’actuelle CRR a indiqué lors de son audition qu’il est aujourd’hui confronté au problème du manque de magistrats suffisamment en forme pour présider des audiences lourdes et longues.
Il nous faut donc prendre conscience du fait que nous sommes loin du compte et que la plus grande juridiction française est aujourd’hui avariée pour ce qui est de ses moyens matériels et humains. Je plaide donc ici pour qu’au-delà du changement de nom, qui est sympathique, nous puissions assurer plus convenablement l’effectivité de ce droit au recours.
D’autre part, ce qui importe n’est pas tant de savoir si l’actuel président de la CRR est d’accord ou non avec ce changement de nom, mais si l’ensemble de la juridiction administrative y souscrit – ce qui est précisément le cas.
(Ces amendements sont adoptés.)
Suspension et reprise de la séance
(La séance, suspendue à deux heures cinq, est reprise à deux heures dix.)
Je suis saisi d'un amendement n° 69.
La parole est à M. Thierry Mariani, pour le soutenir.
En effet, le délai actuel contribue à l’allongement de la durée globale des procédures d’instruction des demandes d’asile, qui s’élève en moyenne, je le rappelle, à quatorze mois. Or une durée excessive ne favorise pas l’accueil des demandeurs d’asile dans des conditions d’hébergement satisfaisantes.
Par ailleurs, dans la plupart des pays européens, le délai dans lequel peut être déposée la demande d’examen en appel des demandes d’asile est de quinze jours, comme en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en Hongrie, en Irlande, en Italie et en Pologne, voire de dix jours, comme au Royaume-Uni.
En effet, l’amendement n° 69, en dépit d’une apparence tout à fait technique, est très politique. Les députés de l’opposition s’y opposent vigoureusement car, s’il était voté – et j’espère qu’il ne le sera pas –, il réduirait encore davantage les droits déjà très insuffisants reconnus aux demandeurs d’asile dans notre pays, déjà réduits par ailleurs dans le texte que nous examinons. De telles garanties sont cruciales pour le respect du droit d’asile et ne doivent faire l’objet d’aucun marchandage politique.
Lors de la dernière modification législative sur ce sujet, en 2006, le Parlement avait voté en sens inverse et rejeté une telle proposition. Nos deux chambres s’étaient alors appuyées sur les travaux de la commission d’enquête sénatoriale sur l’immigration clandestine qui, en octobre 2005, jugeait souhaitable de « renoncer à faire peser sur les demandeurs d’asile la charge de la réduction des délais de procédure, sauf à prendre le risque de paraître leur marchander les moyens de faire valoir leurs droits dans un système juridique complexe ».
Nous considérons donc que ce délai d’un mois doit être maintenu pour ne pas remettre en cause le principe de la réalité et de l’effectivité du recours – qui, je vous le rappelle, monsieur le rapporteur et chers collègues, est garanti par la Convention européenne des droits de l’homme, à laquelle la France est partie.
M. Hortefeux nous affirmait hier entendre « être le ministre de l’asile et faire respecter pleinement la tradition d’accueil des réfugiés », et ajoutait que « le second objectif du projet de loi est de conforter la procédure d’examen des demandes d’asile ».
Monsieur le ministre, puisque votre collègue chargé des relations avec le Parlement a demandé la sagesse de l’Assemblée, j’espère que celle-ci maintiendra le délai d’un mois.
L’incidence du délai d’acheminement est d’autant plus importante qu’il est ici question de pièces importantes, qui doivent arriver à temps, à la minute près : un recours qui parvient au greffe à 17 heures 01 au lieu de 17 heures n’est pas examiné.
Le délai réel est donc destiné à la rédaction des recours auprès de la Commission des recours des réfugiés. Or il ne s’agit pas, pour ce faire, de se contenter de déclarer qu’on a été persécuté dans son pays, qu’on l’a fui, qu’on est arrivé en France, que l’OFPRA a refusé sa demande et qu’on demande à la Commission de réformer la décision de l’OFPRA.
En effet, la Commission des recours reprend toute l’histoire depuis le début, et donc n’accepte jamais un dossier qui serait identique à celui présenté à l’OFPRA. Il faut donc faire un nouveau dossier en l’enrichissant à partir des motifs de rejet de l’OFPRA, en voyant ce qui n’a pas été bien exposé, ce qui a été oublié. Il arrive souvent que des pièces considérées comme manquantes par l’Office, qui avait rejeté la demande en invoquant le manque de preuve, soient découvertes parce que le requérant a eu plus de temps, qu’il a pu trouver dans son pays des correspondants qui ont envoyé une preuve, qu’il a pu recontacter un médecin ou un hôpital qui témoigne de la véracité des mauvais traitements subis. Et tout cela prend du temps. Ajoutons que toutes ces pièces doivent être traduites. C’est tout à fait normal, mais cela demande un certain délai, en particulier lorsqu’il s’agit de langues difficiles ou rares.
Je crois donc que ce raccourcissement des délais, qu’on présente comme une mesure de bon sens, est une véritable chausse-trappe, un véritable guet-apens pour les recours que forment les demandeurs d’asile dont la demande a été rejetée par l’OFPRA. C’est extrêmement grave. Nous vous demandons d’en rester au délai d’un mois. Nous proposons même que ce délai commence au moment où la lettre informant de la décision de l’OFPRA est reçue, le cachet de la poste faisant foi, ce qui serait beaucoup plus loyal.
Mais pour que ce droit d’asile, pour que cette vocation universelle de la France demeure, il faut que ces demandes d’asile ne soient pas dévoyées. Or vous savez que, malheureusement, la demande d’asile a, au cours des années écoulées, souvent été l’objet de détournements et a fréquemment servi de vecteur à une immigration ne correspondant pas au statut de réfugié.
En plus, vous le savez, nous serons confrontés à partir du 1er janvier 2008, du fait de l’aide juridictionnelle qui va entrer en vigueur pour les demandeurs d’asile, à une augmentation des recours.
Je me permets de vous rappeler, mes chers collègues, que le demandeur d’asile, après que l’OFPRA a rejeté sa demande, doit prendre connaissance de la décision de rejet, et beaucoup d’entre eux habitent en province. De plus, il leur faudra, à partir du 1er janvier, trouver un avocat. Il est vrai que l’aide juridictionnelle leur donnera un coup de main, mais ils devront reformuler leur besoin de protection et rédiger un recours, et, pour les non francophones, trouver de surcroît des interprètes. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, c’est 1789, c’est la France ! Ce n’est pas la Hollande, ni la Belgique, ni les pays voisins.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour défendre l’amendement n° 136.
La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir l’amendement n° 258.
Nous insistons sur la nécessité d’un recours suspensif parce qu’on ne peut pas juger de la demande d’asile si la personne n’est pas sur le territoire français – même si elle se trouve en zone d’attente. En privant les personnes dont la demande d’asile est examinée en procédure prioritaire de recours suspensif, la législation actuelle permet leur renvoi vers des pays dans lesquels elles courent les plus grands risques, cependant que la Commission des recours, celle-là même qui a réformé plus des deux tiers des refus d’asile opposés dans ce cadre, est juridiquement dans l’impossibilité d’instruire leur recours. Il y a un vrai problème. Cet exemple montre que tout recours devrait être suspensif.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir cet amendement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'article 10 est adopté.)
La parole est à M. Philippe Goujon, pour le défendre.
Cependant, il existe une réelle difficulté pour vérifier la date d’entrée en France des ressortissants d’un État membre de l’Union européenne, et par suite pour leur opposer un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière. L’absence de compostage des documents de voyage, liée à la suppression des frontières intérieures, affecte l’application de cette mesure. L’obligation de l’enregistrement en mairie pourrait permettre de considérer que l’étranger est présent sur le territoire depuis moins de trois mois, mais cette formalité d’enregistrement n’a été instituée qu’à des fins statistiques. Je précise que la France n’a pas choisi de mettre en œuvre la faculté ouverte par la directive européenne d’un enregistrement en préfecture, pour des motifs de simplification administrative évidents.
(L'amendement est adopté.)
(L'amendement est adopté.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Philippe Goujon, pour le défendre.
Je le mets aux voix.
(L’article 11 est adopté.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir cet amendement.
Ce gouvernement devrait se mettre d’accord sur la politique qu’il veut mener. Pourquoi, d’un côté, supprimer des informations relatives aux actions de lutte contre les discriminations et, de l’autre, prétendre avoir besoin de moyens supplémentaires pour identifier celles-ci ?
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Bernard Reynès, pour soutenir cet amendement.
La deuxième partie de cet amendement renvoie à l’arrêté du 5 juin 1984 qui énumère les activités de production agricole où peut être autorisée la conclusion de contrats d’introduction de travailleurs étrangers d’une durée maximale totale de huit mois et les modalités d’application. Nous souhaiterions revenir aux dispositions antérieures à la loi du 24 juillet 2006 qui rendaient possible l’embauche de salariés agricoles d’origine étrangère sur plus de six mois – jusqu’à huit mois. Le délai ayant été ramené à six mois maximum, un handicap pèse sur le recours à la main-d’œuvre étrangère, sollicitée uniquement dans les cas où nous ne pouvons faire appel à une main-d’œuvre d’origine française.
Rappelons que le monde agricole se trouve dans une situation délicate. Depuis 2000, 30 % des exploitations agricoles ont dû mettre fin à leurs activités, laissant entre 40 % et 50 % de friches. Le monde agricole attend donc beaucoup de cette disposition, qui concerne en premier lieu les Bouches-du-Rhône, où se concentrent 1 157 des 1 400 contrats de ce type signés en France.
Il existe une certaine frilosité à l’égard de cette proposition. Mais elle n’a pas lieu d’être. Il n’y a en effet pas de différence dans la qualification de l’emploi dans les contrats de six mois et les contrats de huit mois. D’autre part, le passage de six à huit mois ne crée pas de droits supplémentaires. Quant à la crainte de voir requalifier un contrat de huit mois conclu tous les ans en contrat de travail permanent par le tribunal des prud’hommes, aucun élément chiffré ne permet de la justifier. Enfin, ce dispositif répond à une nécessité locale et ne bouleverse en rien l’équilibre social général. Il s’inscrit pleinement dans la logique de votre projet de loi.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
(L’amendement est adopté.)
(L’article 12, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. Thierry Mariani, pour le soutenir.
Cet amendement vise à permettre au préfet de demander également au président du tribunal, juge du siège, de déclarer son appel suspensif. Il ne s’agit donc pas de donner à l’appel du préfet un caractère suspensif de plein droit, mais seulement de lui permettre de saisir le juge du siège afin que celui-ci décide, s’il l’estime nécessaire et que les conditions sont réunies, du caractère suspensif du recours.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour le défendre.
Nous proposons donc que soit ouverte la possibilité de régulariser des travailleurs étrangers présents sur notre territoire et susceptibles d’être employés dans les secteurs concernés, avant d’en faire venir d’autres de pays étrangers.
Concrètement, lorsqu’un travailleur étranger le méritera, il pourra bénéficier d’une carte de séjour de salarié pour travailler dans un secteur marqué par une pénurie de main-d’œuvre.
En fait, vous souhaitez surtout donner la possibilité au préfet de faire un peu ce qu’il veut.
Reconnaissez que tout cela ne fait pas une politique très claire, très compréhensible pour le législateur que nous sommes.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cette réforme ne saurait s’interpréter comme se bornant à faire coexister sur un même support le refus de séjour et sa conséquence exécutoire. Elle va au-delà d’une simple mesure de simplification administrative, contrairement à l’interprétation de certains tribunaux administratifs. Dès lors, la motivation doit porter sur le seul refus de séjour : l’obligation de quitter le territoire n’en constitue qu’une modalité d’exécution qui en tant que telle n’appelle pas de justification particulière.
En outre, dans les cas de rétention administrative, l’article L. 512-1 du CESEDA prévoit de disjoindre le contentieux du refus de séjour et celui de l'obligation de quitter le territoire français, le juge délégué ne devant se prononcer dans les soixante-douze heures que sur l'OQTF et l'arrêté fixant le pays de destination. Si la décision de quitter le territoire n'est pas motivée, le juge ne peut pas se prononcer sur sa légalité et ne peut donc pas exercer son contrôle. Le défaut de motivation des décisions d’obligation de quitter le territoire paraît donc, sur le principe comme dans la pratique, incohérent et inapplicable.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le soutenir.
Cette disposition permettra en outre de résoudre de nombreux problèmes de précarité liés au statut de primo-arrivant.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Partons d’un cas concret : un viticulteur de Saint-Romain-en-Viennois a écopé d’une amende de 7 500 euros parce qu’il avait embauché, et bien sûr déclaré, un Équatorien en le prenant en toute bonne foi pour un Espagnol. On n’est pas obligé de savoir que la « Republica del Ecuador », c’est en fait l’Équateur ! J’ai donc fait adopter en 2006 un amendement prévoyant qu’il appartiendra désormais à l’administration de procéder au contrôle, car les agriculteurs n’ont pas à être spécialistes en titres de séjour.
L’idée était d’envoyer la copie du titre de séjour à la direction départementale du travail et d’embaucher le travailleur immédiatement, sous réserve de sa réponse. Mais une circulaire d’interprétation demande dorénavant à l’agriculteur d’attendre ladite réponse. Concrètement, il n’est plus possible d’embaucher immédiatement une personne pour assurer un travail saisonner ; il faut attendre la réponse de la direction départementale du travail, qui tarde parfois à arriver.
Cet amendement vise donc à préciser la procédure de vérification de l’existence d’une autorisation de travail par l’employeur, introduite par la loi du 24 juillet 2006 et le décret du 11 mai 2007. En effet, l’employeur doit demander à la préfecture si le titre de séjour qui lui est présenté est valable. En l’absence de réponse dans un délai de deux jours, son obligation est alors considérée comme remplie. Cependant, dans le cadre du travail saisonner, pour les vendanges ou le maraîchage par exemple, ce délai de deux jours avant de procéder à l’embauche effective de l’étranger peut être particulièrement handicapant.
Il est donc proposé une exception au dispositif mis en place en 2006 pour le travail saisonnier. Dans cette hypothèse, l’embauche pourra être effective dès la transmission de la copie du titre valant autorisation de travail à la préfecture. Si celle-ci fait savoir que ledit titre est faux, l’employeur devra immédiatement mettre fin au contrat de travail, mais ne pourra pas être poursuivi pour embauche d’un salarié sans titre de travail pendant la période intermédiaire entre la transmission à la préfecture et la réponse de cette dernière.
Monsieur le ministre, c’est à l’administration de s’adapter au rythme de l’économie, et non l’inverse. Dans le secteur agricole, on a parfois besoin d’embaucher tout de suite ; le contrôle du titre de séjour peut attendre quarante-huit heures.
La procédure de déclaration préalable à l’embauche prévoit que la préfecture répond dans les quarante-huit heures. L’adoption de votre amendement créerait une dérogation qui serait inéluctablement suivie de demandes pour tous les autres corps de métiers. Dès lors que l’on affiche une politique claire de lutte contre le travail illégal, l’on ne peut pas mettre le doigt dans un engrenage qui nous conduirait à additionner des dérogations successives et de fait annihilerait l’efficacité de cette politique.
C’est avec beaucoup de regret, et en espérant que vous surmonterez votre déception que j’émets un avis défavorable à cet amendement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir cet amendement.
Dans cet esprit, il convient d’aller plus loin et de mettre ce dispositif en cohérence avec les dispositions du code de l’organisation judiciaire et celles du code de justice administrative en vertu desquelles une audience peut être présidée par un magistrat depuis un autre point du territoire de la République, ce dernier se trouvant relié en direct à la salle d’audience par un moyen de communication audiovisuelle.
Applicables à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon pour les premières et outre-mer pour les secondes, ces dispositions n’impliquent pas le consentement de l’intéressé, tout en garantissant le respect des droits de la défense.
Si, en l’état actuel des textes et malgré l’inversion de la condition qui est proposée par cet article, le recours à la technique de la visio-audition est juridiquement et techniquement possible, son exercice dépend toutefois toujours de la bonne volonté des personnes retenues. Or il est à craindre que les intéressés ne souhaitent pas nécessairement faciliter la tâche des autorités administratives.
S’il était adopté, ce dispositif permettrait un gain pourtant conséquent en heure-fonctionnaire. On peut considérer que cela diviserait la charge des personnels de police ou de gendarmerie de moitié et réduirait d’autant les risques d’incidents ou d’évasion liés à ces déplacements extérieurs.
Mon amendement vise donc à supprimer, à l’article L. 552-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la condition du consentement, afin de permettre le développement de ce dispositif.
Vous rajoutez des mesures afin de rallonger indéfiniment la venue des familles sur notre territoire, mais, dès lors qu’il s’agit de mettre les gens le plus vite possible au travail, ou de les ramener plus vite à la frontière, vous accélérez les choses, en demandant toutes sortes de procédures dérogatoires, bafouant ainsi les droits de la défense. Certes, nous avions bien compris que telle était l’orientation du texte, mais il y a tout de même des limites à ne pas dépasser !
Monsieur Goujon, retirez-vous l’amendement ?
Contrairement à ce que prétend Mme Pau-Langevin, il ne s’agit pas du tout d’une détérioration des droits des étrangers, mais au contraire d’une amélioration.
Je voudrais bien savoir en quoi la participation à une visioconférence, plutôt qu’un transfert dans des conditions souvent pénibles, serait attentatoire aux droits des étrangers. C’est tout l’inverse ! Je crois qu’il y a beaucoup de confusion,...
Je suis saisi d’un amendement n° 51.
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
(L’amendement est adopté.)
Je mets aux voix l’article 13, modifié par l’amendement n° 51.
(L’article 13, ainsi modifié, est adopté.)
S’agissant des tests ADN pour les candidats au regroupement familial, les frontières du tolérable sont atteintes. À vrai dire, pour lutter contre la fraude documentaire, la bonne méthode aurait consisté à mettre en place dans de nombreux pays, et tout particulièrement en Haïti, au Surinam, ou encore aux Comores, un état civil digne de ce nom. La réponse opportune au phénomène réside en une coopération renforcée dans ce secteur.
Monsieur le ministre, mes origines ne me permettent pas d’accepter votre démarche. La Guadeloupe s’est construite de mouvements migratoires forcés ou volontaires. Ce sont eux qui ont donné à notre société insulaire son actuel visage : celui de la diversité, de la pluralité et du métissage, le visage du « tout monde », cher à Édouard Glissant !
Pour autant, nos positions de principe ne nous éloignent ni du pragmatisme, ni du réalisme, car c’est notre réalité locale qui définit en permanence notre ligne de conduite. Le fait est que le département de la Guadeloupe est soumis à une pression migratoire renforcée par la perméabilité de nos frontières et l’apparente attractivité de notre niveau de vie. Pour reprendre votre grille de lecture, et pour qu’il n’y ait aucun quiproquo, les reconduites à la frontière pour les trois collectivités d’outre-mer correspondent à 50 % du total national. C’est dire si je ne suis en rien partisan d’une théologie du tout-migratoire, aussi déraisonnable que l’immigration zéro aux effluves frontistes.
Mais force est de constater que la boîte à outils répressive que vous avez fabriquée outre-mer ne se révèle pas d’une grande efficacité. Monsieur le ministre, en vous cantonnant à un objectif chiffré de reconduites à la frontière, vous ne vous attaquez en rien aux causes, et encore moins aux conséquences de l’immigration au sein de nos collectivités d’outre-mer. C’est le désespoir qui est très souvent le moteur du candidat à la migration dans nos régions.
En renforçant la politique d’aide au développement, monsieur le ministre, en la « ciblant » mieux, vous pouvez apporter de vraies réponses. Ces réponses, vous les trouverez en permettant à nos collectivités de mobiliser le produit des comptes épargne codéveloppement dans le cadre d’opérations bilatérales de coopération décentralisée, notamment en matière d’état civil. Cela passe par le renforcement des moyens des collectivités pour tenir compte de nos contraintes particulières et des charges financières que représentent les infrastructures scolaires ou encore sanitaires.
Monsieur le ministre, il faut donner du cœur et de l’humanité à la politique de maîtrise de l’immigration.
Je le mets aux voix.
(L’article 14 est adopté.)
La parole est à Mme Jeanny Marc, pour défendre l’amendement n° 122.
(Le sous-amendement est adopté.)
(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à Mme Jeanny Marc, pour soutenir l’amendement.
(Le sous-amendement est adopté.)
(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à Mme Jeanny Marc, pour le défendre.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Jeanny Marc, pour le défendre.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Jeanny Marc, pour le soutenir.
(Ces amendements, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement n° 181.
Cet amendement fait suite à l’important dispositif adopté dans le texte de 2006, à savoir le compte épargne pour le codéveloppement, qui ne concernait que les étrangers payant l’impôt sur le revenu. Il s’agit donc d’en étendre le bénéfice à ceux qui ne le paient pas.
En bloquant l’épargne pendant trois ans, on prendrait modèle sur le plan épargne logement. La prime d’État ne serait versée qui si le titulaire contracte un prêt auprès d’une banque locale. Les banques rémunéreront l’épargne à un taux librement consenti. On attend du Gouvernement qu’il incite les établissements bancaires à verser la rémunération la plus intéressante possible, pour rendre le produit le plus attractif possible.
En raison de l’article 40 de la Constitution, j’ai demandé au Gouvernement de déposer un sous-amendement prévoyant le dispositif financier d’accompagnement. Je me réjouis qu’il l’ait fait.
J’espère que cet amendement connaîtra le même sort que celui que j’ai défendu tout à l’heure, qui a été adopté à l’unanimité. Ce serait un signal très fort à l’intention des étrangers installés sur notre sol et qui entendent investir dans leur pays d’origine. L’objectif, en favorisant l’aide au retour éventuel du titulaire ou en contribuant à préparer l’avenir de sa famille ou de son village, est de provoquer des investissements importants dans les pays d’origine des étrangers qui vivent sur notre sol.
Le sous-amendement du Gouvernement propose la création d’une prime d’État, à l’instar de ce qui existe pour le plan d’épargne logement, qui viendra compléter les intérêts versés par la banque qui distribuera le livret.
En tant que sénateur, j’ai participé aux débats sur la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et j’ai, à cette occasion, soutenu l’amendement du regretté Jacques Pelletier, créant le compte d’épargne pour le codéveloppement. Il s’agissait d’autoriser la défiscalisation des revenus consacrés à des investissements productifs dans les pays d’origine des migrants. Cette mesure a naturellement fait l’objet d’un vote consensuel.
L’amendement de notre collègue Lefebvre va beaucoup plus loin en permettant aux migrants d’emprunter pour investir dans leur pays, même s’ils ne paient pas l’impôt sur le revenu. Ce dispositif aura sûrement des effets très bénéfiques.
J’apprécie la proposition faite par notre collègue Lefebvre, mais je regrette qu’il faille attendre l’article 14 du projet de loi pour parler de codéveloppement. Sans revenir sur ce débat, nous avions, pour notre part, fait des propositions alternatives au cours de la discussion concernant les tests d’ADN. Nous avions ainsi proposé que, plutôt que d’apporter une réponse brutale et dangereuse qui porte atteinte aux principes du droit et à notre conscience, on aide, dans le cadre du codéveloppement, les administrations défaillantes à tenir les registres d’état civil auxquels on ne peut ou ne veut pas faire confiance. Vous avez préféré une formule qui pèse sur les migrants et les demandeurs de regroupement familial. Il y a deux poids, deux mesures.
Nous ne pouvons pas nous opposer à l’amendement proposé par notre collègue Lefebvre,…
Tout d’abord, s’agissant de l’aide à la mise à jour des documents dans les pays dont l’état civil n’est pas fiable, je tiens à préciser que la France a déjà commencé à mettre en place des dispositifs d’aide financière.
Je voudrais ensuite saluer la qualité de cet amendement. Je crois qu’il est aussi, voire plus important que celui qui a été voté sur les tests d’ADN, et je regrette qu’on en parle moins. C’est un témoignage concret de la capacité d’innovation et de proposition d’un texte qui, comme on l’a dit et répété, repose sur une volonté d’équilibre, d’humanité et de justice. Cet amendement est largement soutenu par le Gouvernement, dont je salue le sous-amendement, ainsi que, plus généralement, l’action du ministère de l’immigration, de l’identité nationale et du codéveloppement – et ce dernier terme prend ici toute sa valeur. Je félicite aussi Frédéric Lefebvre, qui, par cette initiative, ponctue les travaux importants qu’il a conduits avec le sénateur Pelletier et avec le précédent ministre de l’intérieur. Je crois que cet amendement fera date et que le livret sur le codéveloppement sera un outil très important pour aider les pays qui en ont besoin.
(Le sous-amendement est adopté.)
(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour le soutenir.
Je suis saisi d’un amendement n° 224.
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le soutenir.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le soutenir.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le défendre.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. le ministre, pour le défendre.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
(L’amendement est adopté.)
Je le mets aux voix.
(L’article 16 est adopté.)
La parole est à Mme Annick Girardin, pour soutenir cet amendement.
Cet amendement a vocation à constituer le premier pas vers la correction d’un phénomène administratif qui a eu de lourdes conséquences, cette année, sur l’industrie touristique naissante de l’archipel.
C’est donc avec surprise et mécontentement que les professionnels du tourisme et les élus locaux ont appris en mai dernier la décision du ministère des affaires étrangères de revenir sur la dérogation traditionnellement accordée aux touristes canadiens entrant à Saint-Pierre-et-Miquelon. En effet, afin de favoriser l’intégration régionale dans une zone où peu de gens disposent d’un passeport, seule une pièce d’identité avec photographie était jusqu’alors exigée pour l’entrée des ressortissants canadiens.
Or, suite à la décision du ministère des affaires étrangères, un passeport en règle est désormais obligatoire. Les conséquences ne se sont pas fait attendre : nous avons connu des résultats de fréquentation nettement en baisse, ce dont nos entreprises du secteur touristique ont souffert.
Cette mesure est d'autant plus surprenante qu'une dérogation équivalente était – et est encore – réciproquement accordée par le Canada pour les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon. En effet, comme l'indique clairement un document publié sur le site Internet du ministère canadien de la citoyenneté et de l'immigration, un citoyen français arrivant au Canada depuis Saint-Pierre-et-Miquelon n'a pas besoin de passeport, y compris pour s'établir en tant que résident temporaire.
Nous ne demandons pas à aller aussi loin dans la démarche, mais il demeure évident que la situation actuelle est en complète contradiction avec tous les impératifs économiques et politiques d'intégration régionale qui conditionnent le développement de notre archipel. Elle ne saurait donc perdurer sous peine de réduire à néant tout le travail, notamment d’investissements tant publics que privés, réalisé jusqu'à présent pour développer l'industrie naissante du tourisme à Saint-Pierre-et-Miquelon. C'est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur le ministre, d’être favorable à cet amendement dont l’adoption, mes chers collègues, permettra d'étudier de façon concrète les moyens de résoudre cette situation.
(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)
Je le mets aux voix.
(L'article 17 est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
(L'amendement est adopté.)
(L'article 18, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
L’Agence nationale d’accueil des étrangers et des migrations, vous le savez, verse, ce qui est tout à fait légitime, des aides au retour qui sont d’un montant élevé. Or il a été constaté des fraudes importantes puisque, très souvent, les bénéficiaires de ces aides reviennent sur le sol national. C’est la raison pour laquelle, en vue d’éviter de telles fraudes, l’amendement n° 54 prévoit de mettre en place un système d’informations biométriques permettant de photographier les bénéficiaires et de relever leurs empreintes digitales, ainsi que d’enregistrer et de mémoriser ces données.
Quant à l’amendement n° 55, présenté par M. Mariani, ce sera, au petit matin, le bouquet final, puisqu’il traite des statistiques ethniques. C’est la raison pour laquelle nous demanderons, juste après le vote sur le présent amendement, une suspension de séance, car il est des situations qui exigent de la réflexion !
(L'amendement est adopté.)
Suspension et reprise de la séance
(La séance, suspendue à trois heures trente-cinq, est reprise à trois heures quarante-cinq.)
Le débat sur le fichage génétique…
Néanmoins, si ce débat est important, nous l’entamons à quatre heures moins le quart du matin, j’insiste, à l’issue d’une discussion sur un projet où il n’a pas sa place. Nous sommes en effet censés parler du droit d’asile, du regroupement familial. Que viennent donc faire ici les statistiques ethniques, les discriminations dont sont victimes à la fois Français et étrangers ? Il s’agit là d’un véritable cavalier législatif. Il concerne, certes, des problèmes de fond, que nous aborderons après avoir eu le plaisir d’écouter Mme Tabarot, mais il montre à quel point cette méthode de travail est détestable. Que se passerait-il, en effet, si chacun introduisait, par le biais d’un amendement ou d’un article additionnel, des dispositions n’ayant rien à voir avec le texte en discussion ?
En l’occurrence, l’amendement laisse supposer que les victimes de discriminations, et qui auraient donc vocation à être comptabilisées, sont toutes étrangères ! Nous nous situons donc en deçà du véritable problème posé par les discriminations, question que nous allons expédier dans quelques minutes – ne nous faisons pas d’illusions ; nous ne souhaitons d’ailleurs pas alourdir la discussion. Reste que l’on peut craindre que la décision qui va être prise à l’instant résultera d’un très mauvais travail parlementaire qui n’aura pas été éclairé par un vrai débat.
La parole est à Mme Michèle Tabarot, pour le soutenir.
L’amendement vise à faciliter les recherches en matière de mesure de la diversité des origines, de la discrimination et de l’intégration. Dans sa rédaction actuelle, l’article 8 de la loi Informatique et liberté de 1978 interdit le traitement des données sensibles. Cette mesure de protection connaît d’ores et déjà un certain nombre de dérogations légales. Des données sensibles peuvent par exemple être recueillies en matière médicale. Ces fichiers de recherche sont soumis à l’autorisation de la CNIL après avis d’un comité scientifique.
En s’inspirant de ce modèle, qui fonctionne depuis 2004, nous proposons, avec notre collègue Sébastien Huygue, de créer une procédure similaire pour les enquêtes sur la diversité afin de garantir le sérieux des études entreprises et la sécurité des données dans un cadre strict, clairement défini par la CNIL.
Pour lutter contre les discriminations, il faut pouvoir les mesurer – c’est l’ambition du présent amendement.
La parole est à M. Noël Mamère.
Je constate que dans les argumentaires diffusés par nos collègues apparaissent des mots qui me semblent ne pas y avoir leur place. Je pense en particulier à cette phrase – effrayante – qui parle « des données faisant directement ou indirectement apparaître les origines raciales ou ethniques ». Il me semblait que les races n’existaient pas ! Cette notion est totalement idéologique. Nombre de philosophes, de scientifiques ont écrit sur la question. Que l’on parle d’ethnies, soit, mais de races, c’est, j’insiste, faire preuve d’idéologie et je ne vais pas rappeler ici de quelle manière on s’en est servi à certaines périodes de notre histoire. Je ne vous accuse toutefois pas du tout de vouloir y revenir.
Je trouve néanmoins particulièrement détestable votre procédé consistant à examiner cet amendement à la fin d’un long parcours, au terme d’un projet de loi consacré à l’immigration. Or, présenter un amendement permettant d’établir des statistiques ethniques, prétendument pour lutter contre les discriminations, alors que le projet en question porte principalement sur l’immigration et alors qu’il est présenté par un ministre de l’immigration et de l’identité nationale,…
Comme pour ce qui touche aux tests ADN, vous agissez dans la précipitation.
Que vous présentiez un amendement dans le cadre, par exemple, de la constitution de la HALDE, pourquoi pas ? Sauf qu’il s’agit ici d’un texte consacré à l’immigration et au droit d’asile. En défendant l’amendement en question, vous montrez très bien le caractère idéologique de votre démarche.
Les premières conclusions des recherches d’un organisme qui monte en puissance tel que la HALDE, que vous n’aimez pas beaucoup, semble-t-il,…
Vous l’avez dit, vous l’avez même écrit – et dans l’exposé des motifs, c’est ce qui est grave –, vous ne cherchez pas les meilleurs moyens de lutter contre les discriminations, vous dites simplement vouloir obtenir des données faisant directement ou indirectement apparaître les origines raciales ou ethniques des personnes pouvant être accueillies.
C’est très grave, j’insiste, parce que cela revient à réduire la discrimination – même si cet aspect reste très important –, à ce qu’il est convenu d’appeler les origines raciales ou ethniques. Je vous rappelle que le mot « race » est ancien et qu’un mouvement associatif, d’ailleurs relayé à l’Assemblée, souhaite le retirer de la Constitution et d’un certain nombre de textes fondamentaux, parce qu’il ne correspond plus aujourd’hui à autre chose qu’une réminiscence des théories racistes qui ont fait tant de mal il y a plus de cinquante ans, en Europe et dans le monde. Nous ne souhaitons donc plus voir ce mot, « race », qui, d’ailleurs, de l’avis de tous les anthropologues, ne correspond à rien. On connaît des races de chiens, mais les races humaines ne veulent rien dire.
On parle aujourd’hui d’origines ethniques, mais pourquoi pas demain d’origines ethnico-religieuses ? Tout cela est extrêmement « complexe et délicat », j’en conviens avec vous. Or derrière ce brûlot, je soupçonne aussi une opération bassement politicienne : vous êtes très influencés par le Conseil représentatif des associations noires, le CRAN, mouvance proche de l’UMP. En lançant ce brûlot sans précaution sur la place publique, en permettant le recueil d’origines raciales ou ethniques, vous êtes en train d’allumer un feu qui ne pourra plus s’éteindre. Demain, on demandera des statistiques pour tout et l’on aura tôt fait de considérer comme discriminés ceux qui proviennent de telle ou telle origine, de telle ou telle religion, et l’on entrera dans le détail parce que la CNIL n’a pas vu ce que la présente discussion nous a permis de montrer.
Il va donc falloir compter sur la volonté des individus de se déclarer. Eh bien, vous allez les plonger dans un embarras effrayant, dans des situations très complexes.
On ne se définit pas nécessairement, surtout dans notre pays et avec notre histoire, comme étant de telle ou telle origine ethnique ou raciale. Je n’en dirai pas plus à cette heure tardive, car vous aurez tous compris la portée de cette mesure : elle tend à réduire ce qui fait notre spécificité, y compris en Europe. Or la France ne se définit ni par l’appartenance ethnique, ni par l’origine raciale, ni par la couleur de la peau, ni par la religion. C’est une communauté de destin. Pour reprendre une expression quelque peu fleurie, ce n’est pas en procédant à des comptages ethniques, raciaux ou religieux que l’on peut « faire France » aujourd’hui.
À l’inverse de ce qu’il faudrait faire, et alors que vous avez la louable intention, ce dont je vous sais gré, de lutter contre les discriminations, qui sont réelles, vous allez lancer dans notre pays une politique discriminatoire.
Je suis d’abord extrêmement choqué de lire dans l’exposé des motifs de votre amendement, monsieur le rapporteur, que, si « la notion de race n’a pas de valeur scientifique » – ce que l’on sait bien –, vous prévoyez ensuite que des données pourront faire apparaître les origines « raciales ». Il conviendrait, pour le moins, que ce terme disparaisse de votre exposé des motifs.
Par ailleurs, la CNIL, au terme, comme vous l’avez souligné, d’un travail approfondi en procédant notamment à soixante auditions pendant six mois, a formulé dix recommandations. N’aurait-il pas été préférable d’en aborder l’ensemble, car j’imagine qu’elles forment un tout, plutôt que de n’en étudier qu’une seule, celle que, par pur opportunisme – pour parler de façon mesurée à cette heure tardive – vous avez choisi d’extraire ?
Mieux vaudrait retirer cet amendement et examiner, comme il se doit, les dix recommandations de la CNIL dans leur ensemble, ce qui serait plus cohérent.
Je souhaite que M. Mamère et M. Braouezec, dont les interventions, sur le fond, se rejoignaient, en soient bien certains : si l’amendement avait eu pour objet d’instituer un recensement ethnique ou racial,...
Ce n’est pas de cet objet qu’il s’agit, mais de conduire des études, qui seront, ainsi que vous l’avez vous-mêmes indiqué, certainement utiles, et qui ne seront lancées qu’après avoir été dûment autorisées par cette autorité qu’est la CNIL. Il ne s’agira, encore une fois, que de mesurer les inégalités de situation liées à l’origine afin de mieux les comprendre et de les corriger.
Tel est l’objet de l’amendement, sachant que son application sera, je le répète, totalement garantie par la CNIL.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Thierry Mariani, pour le défendre.
La disposition proposée a donc pour objet de mettre en cohérence les dispositions de la loi. Le droit pour toute personne présente en France de bénéficier d’un hébergement de très courte durée, par exemple pendant l’application du plan d’urgence hivernale, n’est pas mis en cause.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour défendre cet amendement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Patrick Braouezec.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La seconde délibération est de droit.
Je rappelle que le rejet de l’amendement vaut confirmation de la décision prise en première délibération.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir cet amendement.
Il n’est pas question que la mesure concerne également les retraités, comme cela avait été adopté par erreur lors du vote de l’amendement.
(L'amendement est adopté.)
(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)
Faisant preuve d’avancées importantes, le projet contient des propositions courageuses, audacieuses et novatrices, notamment en matière de codéveloppement. Il favorise également le parcours d’intégration en permettant l’apprentissage des valeurs de la République et du français, tout en dotant les étrangers, en particulier ceux qui sollicitent le regroupement familial, d’outils qui leur permettront de mieux aborder ce parcours.
Nous avons donc fait œuvre utile, et je regrette, sans vouloir polémiquer, le discours quelque peu caricatural de l’opposition.
Certains, tel M. Dray, ont appelé, de manière beaucoup plus excessive que notre discussion à cette heure tardive, à transférer le combat dans la rue. Pourtant, une confrontation devant les électeurs montrerait très nettement un soutien massif des Français à la politique suivie en la matière.
Le texte nous dote également d’outils permettant de lutter contre l’immigration clandestine. Notre politique d’immigration qui, je le répète, est humaniste et équilibrée, repose sur deux piliers : d’un côté, le parcours d’intégration et, de l’autre, la fermeté dans la lutte contre l’immigration clandestine, qui est insupportable et inacceptable. Outre qu’elle porte atteinte aux principes de la République, elle met en danger les étrangers en situation régulière sur le sol national. Nous serons toujours intransigeants en ce domaine, car ce n’est pas servir les étrangers que de favoriser l’immigration clandestine.
La majorité, en respectant l’une des promesses fondamentales du Président de la République, démontre, une nouvelle fois, qu’elle sait être fidèle à ses engagements, et cela dans le respect et la défense des valeurs de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Les débats ont été riches et denses. Le sujet est, il est vrai, toujours compliqué à traiter dans cet hémicycle, d’autant qu’au dehors, il a parfois des connotations particulières. C’est d’ailleurs pourquoi il a fallu prendre le temps d’expliquer les choix faits. Quelquefois contradictoires, ils sont, à n’en pas douter, essentiels afin que celles et ceux qui se trouvent déjà sur le territoire français ou qui aspirent à venir y trouvent les moyens les plus justes d’une parfaite intégration.
Monsieur le ministre, au terme de l’examen de ce projet de loi, j’ai un souhait à exprimer. Ces dernières années, nous avons beaucoup légiféré sur le thème de l’immigration, trop peu à mon goût sur celui de l’intégration. Peut-être avons-nous commencé à trouver un équilibre et c’est tant mieux. Or ces textes ont attendu très longtemps leurs décrets d’application. Ce soir, il faudrait que soit pris l’engagement – et nous serons attentifs à ce qu’il soit tenu – que ce ne sera pas le cas pour celui-là. Trop souvent, l’application des textes relatifs à l’immigration a pris beaucoup de retard. Les parlementaires qui ont participé au débat jusqu’à cette heure avancée apprécieraient comme une marque de respect d’être informés de la suite qui sera donnée à nos travaux.
Sur ce sujet de l’immigration, il reste encore beaucoup à faire et nous ne manquerons pas, je pense, d’y revenir. Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, la France reste une terre d’accueil, qui a su démontrer au cours de son histoire républicaine qu’elle mettait ses valeurs au service de celles et ceux qui, venant sur son sol, veulent les adopter. Avançons et modernisons nos procédures pour que la plus parfaite intégration soit la marque de fabrique de la République française !
Avec ce texte, mener une vie affective et familiale normale va devenir beaucoup plus difficile pour nombre de Français. Des enfants seront séparés de leurs parents.
Ce texte me semble gravement entaché d’inconstitutionnalité. Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, qui n’est malheureusement pas suffisamment nombreux pour vous empêcher d’accomplir une mauvaise action, saisira le Conseil constitutionnel pour lui demander s’il est effectivement normal de défigurer ainsi le visage de la France, ce pays tant respecté et aimé dans le monde !
…qui a fait d’un certain nombre de personnes alors en règle les sans-papiers dont on parle aujourd’hui.
Mais j’ai aussi un motif – un seul – de satisfaction qui tient à la qualité de notre débat. Contrairement à ce que vient de soutenir notre collègue de l’UMP, il n’y a eu, ni d’un côté ni de l’autre, de caricature. La question de l’ADN a donné lieu à un vrai débat, et je regrette que, à ce sujet, vous n’ayez pas entendu la voix de la raison qui s’est exprimée sur certains de vos bancs.
Avec ce texte, vous allez imposer à notre société un modèle fondé sur l'exclusion et le renfermement. Toujours plus d'interdictions, d'injonctions, de dureté à l'égard de ceux que vous ne voulez plus subir au prétexte – jamais prouvé – qu'il y a trop de migrants, a priori fraudeurs et coûteux pour l’État. Pour les choisir, vous rétrécissez le champ du regroupement familial, en imposant un apprentissage du français et des valeurs de la République, en exigeant des ressources modulables selon la taille de la famille, en faisant obligation aux parents d'avoir des enfants exemplaires – sinon, gare aux prestations familiales ! – et en recourant aux tests ADN. Vous construisez une restriction généralisée des droits des demandeurs d'asile avec les audiences par visioconférence, la remise en cause d'un procès équitable et du référé liberté, et une réduction du délai de recours auprès de la Commission de recours des réfugiés. Vous niez le droit à l'amour entre les hommes et les femmes en vous attaquant aux migrations de droit.
Nous avons essayé de vous faire entendre raison : rien n'y a fait, pas même les députés de votre majorité qui se sont élevés contre certaines propositions qu’ils jugeaient liberticides et discriminatoires. Rien n'a été cédé. Ce gouvernement ne manifeste aucune volonté d'assurer la mixité et la cohésion sociales, pas plus d'ailleurs que de lutter contre les discriminations.
Ne sachant pas comment gérer les problèmes sociaux, vous fustigez, vous dénoncez, vous pointez du doigt les mêmes personnes depuis des années : les migrants, leur famille, leurs enfants, leurs conjoints, les jeunes. Qu'irez-vous inventer lorsque le Gouvernement, faute d’avoir résolu les problèmes sociaux, voudra encore réduire les possibilités de migration ? Je crains le pire !
Aucune loi, aucune politique, aucun gouvernement ne pourra jamais maîtriser le droit légitime de tout être humain à chercher un horizon meilleur et à vivre en famille. Migrer est un droit fondamental, mais le Gouvernement l’a nié en usant d’arguments simplistes teintés d'une identité nationale primaire, qui ignorent l'apport dynamique des migrants à cette même identité.
Ce projet contient des dispositions contraires aux pactes garantissant le respect des droits humains, et c’est pourquoi je m’associerai au recours devant le Conseil constitutionnel. Il bafoue, démantèle et détruit les droits fondamentaux. Il rompt avec toute une tradition d’accueil et de consensus sur une certaine éthique au sein du Parlement et met la France en situation de violation constante du cadre international de protection de ces droits. À l'ère de la mobilité, que vous défendez, mieux vaudrait s’attacher à faire reculer la misère, les guerres et le sous-développement, œuvrer à l'émergence d'une citoyenneté ouvrant des droits sociaux pour tous et construire des relations de vraie coopération et de solidarité entre les peuples.
Notre groupe ne peut voter ce projet, qui n'est fondé que sur une approche répressive, liberticide, discriminatoire, et sur une logique de criminalisation de la migration et des migrants, qui représentent une part importante de notre société. Nous ne voterons pas un texte qui déstructure le droit, les liens sociaux, les relations humaines et qui organise la discrimination en instituant deux catégories de Français.
Vote sur l'ensemble
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Discussion du projet de loi, n° 114, adopté par le Sénat, instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté :
Rapport, n° 162, de M. Philippe Goujon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
Suite de l’ordre du jour de la première séance.
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 20 septembre 2007, à quatre heures trente.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l’Assemblée nationale,
jean-pierre carton