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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

>Première séance du mercredi 26 novembre 2008

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

1. Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

2. Questions au Gouvernement

Violences faites aux femmes

M. Olivier Jardé

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité

Hébergement des sans-abri

M. Jean Tiberi

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville

Extension des grandes surfaces

Mme Annick Le Loch

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement

Crise économique et industrie automobile

M. Daniel Paul

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement

Extension du contrat de transition professionnelle

M. Gérard Cherpion

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi

Rapport de l’AIEA sur l’Iran

M. Pierre Lellouche

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Crise financière

M. Paul Giacobbi

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement

Mise en œuvre de la révision constitutionnelle

M. Yves Albarello

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement

Prévention de la pédophilie sur Internet

M. Christian Kert

Mme Nadine Morano,

Politique agricole commune

M. Germinal Peiro

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche

Perturbateurs endocriniens

M. Frédéric Reiss

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative

Détention de Florence Cassez au Mexique

M. Frédéric Cuvillier

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme

Présidence de M. Marc Laffineur

3. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009

M. Yves Bur, rapporteur de la commission mixte paritaire

Exception d’irrecevabilité

Mme Catherine Lemorton

M. Philippe Vitel, M. Pierre Méhaignerie,, M. Jean-Luc Préel, Mme Jacqueline Fraysse, M. Michel Issindou

Question préalable

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Discussion générale

M. Jean-Luc Préel

Mme Isabelle Vasseur

Mme Catherine Génisson

Mme Martine Billard

M. Michel Issindou

Texte de la commission mixte paritaire

Amendements nos 1, 2, 3, 4 rectifié, 5, 6, 7

Explications de vote

M. Jean Mallot, M. Philippe Vitel, Mme Martine Billard, M. Jean-Luc Préel

4. Communication audiovisuelle et nouveau service public de la télévision Nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public

Discussion générale commune (suite)

M. Marcel Rogemont

Mme Muriel Marland-Militello

M. Gérard Charasse

M. Yanick Paternotte

M. Didier Mathus

M. Victorin Lurel

M. Patrice Martin-Lalande

M. Patrick Roy

M. Gilles Carrez

M. Joël Giraud

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Souhaits de bienvenue
à une délégation étrangère

M. le président. Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de la Chambre des représentants de la République de Malte, conduite par le président du groupe d’amitié République de Malte-France, M. David Agius. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Violences faites aux femmes

M. le président. La parole est à M. Olivier Jardé, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Olivier Jardé. Madame la secrétaire d'État chargée de la solidarité, hier était organisée la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. C’en était la neuvième édition, et pourtant les femmes sont toujours battues, toujours harcelées, toujours insultées.

M. Jean-Paul Bacquet. Pas toutes !

M. Olivier Jardé. Une nouvelle arme est même apparue, qui est utilisée contre les femmes dans la République démocratique du Congo.

En France aussi, il existe encore beaucoup de femmes maltraitées. L’année dernière, la consultation de médecine légale d’Amiens a ainsi reçu 2 500 femmes battues pour la seule région de Picardie. Et ce nombre effrayant doit être rapproché des 166 femmes qui sont mortes de maltraitance du fait de leur conjoint l’année dernière, c'est-à-dire une femme tous les trois jours. C’est tout à fait inadmissible.

Encore ces chiffres sont-ils largement sous-estimés, car toutes les femmes ne portent pas plainte. Elles le font surtout lorsqu’elles se sentent menacées dans leur vie ou que ces maltraitances surviennent devant leurs enfants.

Madame la secrétaire d’État, vous avez mis en place l’année dernière un plan triennal qui comprenait douze objectifs très précis, et M. le président de l’Assemblée nationale a annoncé hier la création d’une mission pour l’évaluation des politiques de prévention.

Madame la secrétaire d’État, je souhaiterais que vous indiquiez à la représentation nationale où en est votre plan : sans doute les douze objectifs ne seront-ils malheureusement pas tous atteints, mais quels sont ceux qui sont en bonne voie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Comme vous l’avez indiqué, monsieur le député, les violences faites aux femmes sont une forme abjecte de violence que notre société ne doit pas tolérer. C’est le message que M. le Premier ministre, ma collègue Rama Yade et moi-même avons choisi de faire passer hier à l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. L’État doit protéger les plus faibles, et le premier des droits de tout individu, c’est le droit à l’intégrité physique.

Vous l’avez souligné, monsieur le député, le constat chiffré reste accablant, mais le temps de la prise de conscience est venu et, surtout, nous disposons aujourd’hui de réels moyens pour mesurer l’ampleur du phénomène. (Brouhaha sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, pourriez-vous vous installer dans le calme et écouter attentivement la réponse à une question qui concerne les droits des femmes ? (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

Je vous en prie, madame la secrétaire d’État, poursuivez.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Vous l’avez dit, 166 femmes sont décédées sous les coups de leur conjoint en France en 2007. Quant au nombre des femmes qui ont porté plainte, il est de 47 500, soit 30 % de plus qu’en 2004 ; c’est un véritable progrès, qui montre que la mobilisation des professionnels, des associations et de l’État pour que le silence soit brisé commence à porter ses fruits.

Le Gouvernement a lancé un numéro d’appel, le 3919. En six mois, plus de 60 000 femmes ont utilisé ce numéro, ont été orientées et accompagnées suite à ce contact.

Vous évoquez les premiers résultats du plan triennal. De nombreux efforts ont en effet été réalisés, des moyens ont été débloqués, mais je souhaiterais insister sur deux mesures nouvelles pour lesquelles nous nous sommes fortement engagés et sur lesquelles l’effort sera considérable en 2009, ainsi que le Premier ministre l’a annoncé hier.

La première mesure est l’intensification du maillage de notre territoire, afin que l’on puisse trouver dans chaque département des référents locaux, c'est-à-dire des personnes qui pourront accompagner individuellement chaque femme victime. Vouloir se sortir de ces situations représente en effet un véritable parcours du combattant. Devant la complexité et la multiplicité des démarches à entreprendre, les femmes abandonnent souvent leur recherche d’une solution, leur élan vers la liberté et l’autonomie.

M. le président. Merci de bien vouloir conclure, madame la secrétaire d’État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. La seconde mesure est la mise en place et l’extension du projet d’expérimentation des familles d’accueil. Il existe aujourd’hui des structures d’accueil, des hébergements d’urgence, des logements sociaux, mais pas partout. Les territoires ruraux, par exemple, n’en sont pas pourvus. Il faut les développer.

M. le président. Merci, madame la secrétaire d’État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Et si vous le permettez, monsieur le président, je voudrais conclure en remerciant M. le Premier ministre pour ce qu’il a annoncé hier.

M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Il a indiqué que, l’an prochain, la cause d’intérêt général que soutiendrait le Gouvernement serait la lutte contre les violences faites aux femmes.

M. René Couanau. Très bien !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Des moyens seront dégagés pour qu’un collectif d’associations s’organise, monte un projet et dépose sa candidature pour 2010. C’est ainsi que nous avons procédé pour la maladie d’Alzheimer. Ce cadre nous permettra de conduire une véritable politique interministérielle. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Hébergement des sans-abri

M. le président. La parole est à M. Jean Tiberi, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean Tiberi. Madame la ministre du logement et de la ville, la découverte de deux personnes décédées au bois de Vincennes en l'espace de deux jours frappe l'opinion publique et pourrait laisser penser, à tort, que c'est seulement en hiver que les pouvoirs publics se mobilisent.

Vous menez, nous le savons, une politique continue de développement des places d'hébergement et de logement temporaire, qui s'est intensifiée depuis près de deux ans, notamment avec le lancement d'un chantier national prioritaire 2008-2012 pour les personnes sans abri.

Face à ces drames de l'isolement, de la solitude, personne ne reste indifférent et toute la classe politique doit se sentir mobilisée et responsable. Les élus que nous sommes doivent accompagner l'action du Gouvernement, et non la dénigrer. C'est ce que vous avez rappelé hier, lorsque vous vous êtes rendue au bois de Vincennes, en souhaitant que la ville de Paris prenne toute sa part de responsabilité…

M. Roland Muzeau. Et vous, qu’avez-vous fait à Paris, incendiaire ?

M. Jean Tiberi. …et accompagne les mesures concrètes que prendra le Gouvernement, en liaison avec la préfecture de police et les associations.

M. Roland Muzeau. C’est une honte !

M. Jean Tiberi. Madame la ministre, pouvez-vous dresser un bilan de l'action menée en faveur de l'hébergement et de l'accès au logement des plus démunis ?

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville.

M. Patrick Roy. Et du camping !

M. le président. Monsieur Roy, cessez d’ajouter votre grain de sel à chaque fois que je rappelle le titre d’un ministre ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville. Monsieur le député, je vous remercie de m’avoir posé cette question, qui porte sur un sujet difficile.

Depuis avril 2007, le Gouvernement a mis toute une série d’actions en œuvre. À quelques unités près, nous avons atteint les objectifs quantitatifs fixés par le plan de cohésion sociale.

M. Philippe Plisson. Ce n’est pas assez !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Face à une population estimée à 100 000 sans-abri – chiffre communément partagé –, nous disposons de 99 600 places d’accueil, ce qui montre qu’en termes arithmétiques, la réponse est à peu près assurée. Le parc de structures pérennes a augmenté de 28 % par rapport à 2005.

Cela dit, nous devons aller plus loin. Comme vous l’avez indiqué, le plan prioritaire lancé par le Premier ministre a dégagé des financements à hauteur de 50 millions pour cette année, tandis que 30 millions sont prévus pour l’an prochain. Nous avons également développé des logements temporaires, notamment dans le cadre de l’intermédiation locative. Cette année, l’État a signé quatre conventions avec les associations, concernant un total de 700 logements.

Je ne reviendrai pas sur les maisons relais, sorte de pensions de famille, dont l’offre a augmenté de façon sensible, passant de 3 200 places en 2006 à 5 300 aujourd’hui. Notre but est d’en offrir 12 000 en 2012.

L’accès au logement a été facilité ; il le sera plus encore après le vote du projet de loi que vous aurez l’honneur de discuter à la mi-décembre. Si, en 2000, seuls 40 000 logements en HLM étaient financés, nous en sommes à 110 000 en 2008, et nous nous sommes fixé le chiffre de 120 000 pour 2009.

M. le président. Merci, madame la ministre.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Nous avons également donné des instructions aux préfets, afin qu’au moins 15 % des travailleurs pauvres, actuellement en hébergement social, puissent accéder à un logement ordinaire.

M. le président. Merci beaucoup.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Pour ce qui concerne le bois de Vincennes, le Gouvernement veut que tout le monde travaille ensemble. J’ai d’ailleurs organisé la rencontre de représentants de la ville de Paris, des associations et de la préfecture de police.

La représentation nationale doit encore savoir que, cette nuit, sur 66 personnes sollicitées personnellement, aucune n’a accepté de venir dans un centre d’hébergement.

En outre, je m’engage aujourd’hui à lancer une étude sur l’hébergement obligatoire sitôt que la température tombe en dessous de six degrés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Extension des grandes surfaces

M. le président. La parole est à Mme Annick Le Loch, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Annick Le Loch. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’Économie. Brutalement, sans qu’on s’y attende, les grandes surfaces ont ouvert des millions de mètres carrés en quelques semaines. Cette poussée ne doit rien au hasard, et tout au Gouvernement : la loi de modernisation de l’économie votée le 4 août dernier permet en effet l’ouverture de surfaces de 1 000 mètres carrés sans autorisation. Nous avions dit alors que ce cadeau fait à la grande distribution au détriment de l’équilibre commercial et des règles d’urbanisme, constituait une véritable libéralisation sauvage du secteur.

Les faits nous donnent raison. Par une circulaire du 28 août, le Gouvernement, pour aller encore plus vite, encore plus loin dans la satisfaction d’avides intérêts économiques, a ouvert une brèche en écartant toute autorisation ou contrôle des élus locaux. « Mètres carrés gratuits », « cadeau de la rentrée », c’est en ces termes que les professionnels de la grande distribution vous remercient, madame la ministre. Ce scandale ne peut être tu plus longtemps, tant ses conséquences sont graves pour nos territoires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Où est le respect de la loi votée par le Parlement quand, par une simple circulaire, vous autorisez l'extension sauvage des surfaces de vente ?

Où est le respect de l'équilibre commercial que vous appeliez de vos vœux, en annonçant notamment l'augmentation des crédits du FISAC ?

Les maires de France, réunis aujourd'hui en congrès, subissent de plein fouet les effets dévastateurs de cette circulaire. Ils luttent chaque jour pour préserver un équilibre commercial déjà précaire. Par une circulaire prise dans le secret d’une fin d’été, vous venez de porter un coup très dur aux commerces de proximité.

À l’évidence, on satisfait toujours les mêmes intérêts : d’un côté, on donne des mètres carrés en plus à ceux qui ont déjà beaucoup, tandis que, de l’autre, les fournisseurs sont étranglés et des salariés devront peut-être travailler tous les dimanches. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Ma question, madame la ministre, est double, et reflète une profonde inquiétude. Allez-vous valider ces milliers de mètres carrés offerts à la grande distribution ? Et persisterez-vous sur la voie du travail du dimanche, au risque de fragiliser l'équilibre de notre société et les droits des salariés ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR, ainsi que sur quelques bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement. Madame la députée, je démens catégoriquement les chiffres parus dans la presse ces derniers jours et qui laissent penser que c’est seulement par un effet d’aubaine que des millions de mètres carrés de surfaces commerciales supplémentaires ont pu être créés. En réalité, ces mètres carrés étaient prévus dans des projets antérieurs… (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Marc Ayrault. C’est faux !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. au vote de la loi de modernisation de l’économie (« Faux ! » sur les bancs du groupe SRC.) Avec Christine Lagarde, nous avons demandé aux préfets de vérifier, dans chaque département, que les intentions du législateur n’ont pas été détournées, et leur avons demandé de régulariser tous les projets transitoires afin qu’il n’y ait pas d’effet d’aubaine.

Le Gouvernement avait pris un certain nombre d’engagements. Il les a tenus. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Auditionné par la commission des affaires économiques de l’Assemblée le 22 octobre dernier, j’ai dit que la circulaire à laquelle vous avez fait référence serait retirée.

M. Jean-Claude Lenoir. C’est vrai.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Elle l’a été le 24 octobre.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Trop tard !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. J’ai aussi indiqué alors que le Gouvernement travaillerait avec la représentation nationale à la rédaction du décret d’application de la loi de modernisation de l’économie consacré à l’urbanisme commercial. C’est ce que nous avons fait, et ce décret est paru hier au Journal officiel.

Enfin, Jean-Paul Charié travaille actuellement, à la demande du Premier ministre, à l’évaluation de la mise en œuvre de cette loi, et proposera au Gouvernement des évolutions législatives afin d’assurer un bon équilibre entre la grande distribution et le commerce de proximité, une meilleure fluidité, une meilleure liberté, une plus grande concurrence dans la distribution.

Encore une fois, je démens les chiffres parus dans la presse et je répète que le Gouvernement a tenu les engagements qu’il avait pris devant la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Crise économique et industrie automobile

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Daniel Paul. Monsieur le Premier ministre, la crise actuelle est une crise globale du système capitaliste. Elle conduit à la récession – vous l’avez reconnu ici même, hier après-midi. Mais, au-delà des effets de tribune, la logique du capitalisme, qui est aussi votre propre logique, consiste à en faire supporter les conséquences aux salariés et à la population. Accroissement de la précarité, pressions sur le pouvoir d'achat des salariés et des retraités, soutien aux suppressions d'emplois demandées par les entreprises : en fait, vous profitez de la crise pour aller encore plus loin dans votre politique.

En multipliant les suppressions d'emplois, en particulier dans le secteur automobile, les entreprises cherchent à préserver leurs marges pour satisfaire les actionnaires qui, même en temps de crise, réclament toujours autant de dividendes ! Vous soutenez leur politique de « départs volontaires », alors que vous savez que tous les bassins d'emplois sont confrontés à l'augmentation du chômage et à l'explosion de la précarité.

Mais les salariés ne sont pas dupes. Ainsi, à Sandouville, sur les 1 000 « départs volontaires » demandés par la direction, seuls cent deux dossiers sont à ce jour signés, dont trente-six départs à la retraite ! Quant à la promesse d'un contrat de transition professionnelle, avec prise en charge pendant douze mois, elle montre vite ses limites.

Allez-vous améliorer le pouvoir d'achat et peser auprès des constructeurs pour qu'ils baissent leurs prix et leurs marges ?

M. Maxime Gremetz et M. Patrick Roy. Malheureusement, non !

M. Daniel Paul. Allez-vous préserver les emplois plutôt que les dividendes ? (« Non ! » sur plusieurs bancs des groupes GDR et SRC.)

Allez-vous mettre en place un véritable outil de sécurité professionnelle ? (« Non ! » sur les mêmes bancs.)

Alors que les équipementiers subissent de plein fouet les baisses de production et que des milliers de salariés sont menacés de perdre leurs emplois, allez-vous enfin répondre à leur demande d'une totale prise en compte de la logique de filière ? (« Non ! » sur les mêmes bancs.)

Il est aujourd’hui question d'injecter des milliards d'euros dans un plan de relance de l’automobile : allez-vous exiger qu’ils ne soient pas dilapidés en distribution de dividendes, mais bien consacrés à la mise en place d’une véritable politique industrielle pour toute la filière, avec un droit de regard et d'intervention pour les salariés ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Daniel Paul, depuis le mois d’octobre, l’industrie automobile s’est arrêtée de fonctionner et les entreprises ont pris des mesures de chômage technique ou de chômage partiel. Compte tenu du poids économique de ce secteur dans notre économie – 10 % des emplois, 15 % de la valeur ajoutée et des emplois en matière de recherche et développement –, la situation est extrêmement préoccupante. Évidemment, le Gouvernement est mobilisé ; il s’agit pour lui d’une préoccupation majeure.

Mais puisque vous suivez de très près le dossier de Sandouville, vous savez que le Gouvernement s’est bel et bien comporté en actionnaire vis-à-vis de Renault, notamment lorsqu’il a empêché la fermeture du site. Nous pensons que Sandouville a un avenir, et nous avons exigé, en tant qu’actionnaire, qu’il en soit ainsi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Le Président de la République s’est lui-même rendu sur place et a obtenu du président de Renault le maintien du site.

Par ailleurs, Nicolas Sarkozy a rappelé hier, au cours d’un déplacement, que le contrat de transition professionnelle serait étendu à Sandouville et à vingt-cinq autres sites français particulièrement touchés par la crise économique. Cette mesure constitue un élément de réponse face à cette situation délicate.

Pour la filière automobile, le Gouvernement travaille à un plan plus général qui permettra d’investir pour l’avenir. Ainsi, nous croyons à la voiture propre. Nous pensons que, sur ce créneau, nos constructeurs automobiles doivent être les meilleurs du monde, et nous avons déjà annoncé, au Mondial de l’automobile, la décision de consacrer 400 millions d’euros à cette ambition. Des mesures d’incitation à l’investissement, par le biais de la taxe professionnelle, ont déjà été prises. Nous travaillons à d’autres actions d’accompagnement de l’ensemble de la filière, notamment des sous-traitants – comme nous l’avons fait pour l’aéronautique.

Vous le voyez, monsieur Daniel Paul, le Gouvernement est pleinement mobilisé, car nous croyons qu’il y a un avenir pour l’industrie automobile en France. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Extension du contrat de transition professionnelle

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Gérard Cherpion. Monsieur le secrétaire d’État à l’emploi, face à une conjoncture économique très difficile, qui se traduit par une dégradation sur le front de l’emploi, l’ensemble des outils de la politique de l’emploi doivent être mobilisés pour nous permettre d’accompagner de la façon la plus efficace possible ceux des salariés qui sont durement frappés par les restructurations.

Dans ce cadre, les contrats de transition professionnelle, expérimentés depuis 2006 dans sept bassins d’emploi – Valenciennes, Saint-Dié, Vitré, Charleville-Mézières, Montbéliard, Morlaix et Toulon – ont montré leur utilité. Ils permettent en effet aux employés des entreprises de moins de 1 000 salariés victimes d’un licenciement économique de bénéficier pendant un an d’un accompagnement renforcé, d’une alternance de périodes de formation et de périodes de travail au sein d’entreprises ou d’organismes publics, ainsi que d’une allocation égale à 80 % du salaire brut. Les résultats le prouvent : ces contrats de transition professionnelle fonctionnent. Ils ont enregistré de forts taux de retour à l’emploi, puisque, au bout d’un an, près de sept personnes sur dix ont retrouvé un travail. Il s’agit donc d’un outil essentiel du dispositif de sécurisation professionnelle.

Suite aux propos du Président de la République à Sandouville, nous avions déposé, avec Pierre Méhaignerie, un amendement au projet de loi de finances pour 2009 tendant à proroger, dans un premier temps, l’expérimentation du contrat de transition professionnelle dans les sept bassins d’emploi concernés. Cet amendement a été repris par le Gouvernement et adopté la semaine dernière par l’Assemblée nationale, ce dont je me félicite.

Hier, à Valenciennes, le Président de la République a annoncé, une nouvelle étape, qui consiste à étendre le CTP à d’autres bassins d’emploi en difficulté. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous indiquer quels sont les bassins d’emploi concernés et les modalités pratiques de cette extension ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Maxime Gremetz. Très bonne question !

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi.

M. Patrick Roy. Et du chômage !

M. le président. Monsieur Roy, je vous en prie !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi. Monsieur Cherpion, vous étiez hier, avec Valérie Létard et Jean-Louis Borloo, à nos côtés lorsque le Président de la République a expliqué quelle utilisation nous comptions faire du contrat de transition professionnelle.

De quoi s’agit-il ? Dans les territoires et les bassins d’emploi rudement éprouvés par la crise, où les salariés licenciés sont d’abord victimes de restructurations, le problème n’est pas tant de perdre son emploi que de ne pas en retrouver un autre. Tout l’objectif du contrat de transition est donc de donner à ces personnes tous les moyens nécessaires pour les aider à rebondir.

La meilleure définition du dispositif est finalement celle qu’a donnée, hier, ce salarié, licencié il y a un an et demi d’une entreprise du secteur des fruits et légumes et qui souhaite retrouver un emploi dans le bâtiment. « Vous savez – nous a-t-il dit –, ce n’est pas facile de passer d’un métier à un autre. Cela demande du temps et il faut se sentir accompagné. » Tel est précisément l’objet du contrat de transition professionnelle.

Les résultats sont là, comme vous l’avez indiqué, que ce soit à Saint-Dié, que vous connaissez bien, à Valenciennes ou à Vitré. Grâce au contrat de transition professionnelle, nous avons en effet permis, en moins d’un an, à sept salariés sur dix de retrouver un emploi durable en CDI, alors que les autres outils permettent de réorienter au mieux trois salariés sur dix sur la voie d’un emploi durable.

Notre objectif est désormais de faire en sorte que l’application du CTP soit consolidée dans ces sept bassins d’emploi. Ainsi, grâce à l’alerte que vous avez lancée avec Pierre Méhaignerie, l’expérimentation, qui devait prendre fin, sera non seulement prolongée, mais étendue à vingt-cinq bassins d’emploi sur l’ensemble du territoire national.

M. Maxime Gremetz. Lesquels ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Il nous faut aller vite. La semaine dernière, la représentation nationale a voté la prolongation de l’expérimentation dans les sept premiers bassins d’emploi. La semaine prochaine, dans le cadre de la discussion budgétaire, nous proposerons au Sénat d’étendre le dispositif, en fixant des critères qui nous permettront de choisir les vingt-cinq bassins d’emploi qui seront concernés.

M. Maxime Gremetz. Lesquels ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Le Premier ministre nous a demandé de ne pas attendre. Encore une fois, nous devons aller vite.

M. le président. Merci de bien vouloir conclure, monsieur le secrétaire d’État.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Et, s’il le faut, nous irons plus loin, car les contrats de transition professionnelle sont, vous êtes bien placés pour le savoir, des contrats d’espoir pour les salariés frappés par les licenciements. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Maxime Gremetz. Vous ne nous avez pas dit quels seraient les vingt-cinq bassins !

Rapport de l’AIEA sur l’Iran

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Pierre Lellouche. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères et européennes et concerne le programme nucléaire iranien.

Le rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique en date du 19 novembre dernier, rédigé à la demande du Conseil de sécurité des Nations unies, indique que la situation nucléaire en Iran est devenue préoccupante. De la lecture de ce document, je retire deux enseignements.

Le premier est l’ampleur du programme nucléaire iranien. L’Iran a d’ores et déjà mis en place des usines de fabrication d’hexafluorure d’uranium : cinq unités d’enrichissement d’uranium qui lui ont déjà permis, à ce jour, de produire plus de 600 kilogrammes d’uranium faiblement enrichi – mais, comme chacun le sait, cette technologie offre la possibilité de produire un uranium à usage militaire. L’Iran est également en mesure de construire des usines de production d’eau lourde. Elle est ainsi en train de construire un réacteur à eau lourde du même type que celui ayant permis au Pakistan de fabriquer une bombe atomique. Enfin, les Iraniens construisent actuellement des cellules chaudes destinées au retraitement du plutonium – sans même parler des missiles à moyenne et longue portée.

Le deuxième point est que l’Agence internationale de l’énergie atomique estime n’être pas en mesure de contrôler la plupart des installations que j’ai évoquées. Elle indique ainsi dans son rapport que, contrairement aux décisions du Conseil de sécurité, l’Iran n’a pas suspendu ses activités liées à l’enrichissement et n’a pas permis à l’AIEA de visiter le fameux réacteur plutonigène. Elle estime par conséquent que « l’Iran doit fournir à l’Agence des informations de fond pour étayer ses déclarations et il doit donner accès aux documents et aux personnes voulus à cet égard », faute de quoi « l’Agence ne sera pas en mesure de donner des assurances crédibles quant à l’absence de matières et d’activités nucléaires non déclarées en Iran » – par « non déclarées », il faut entendre « de nature militaire ».

M. Jean-Paul Lecoq. Tout cela fait penser à l’Irak !

M. Pierre Lellouche. Bref, monsieur le ministre, nous nous approchons à grands pas d’une alternative détestable : soit l’acquiescement à la nucléarisation de l’Iran, qui aurait des conséquences dramatiques pour le Proche-Orient et pour la paix, soit des scénarios de frappe tout aussi dangereux.

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Ma question est donc la suivante : quelle est la position du Gouvernement français sur cette affaire et quelles initiatives comptez-vous prendre avec la communauté internationale pour essayer d’interrompre cette course vers le désastre ?

M. le président. La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Vous avez raison, monsieur le député, de souligner le caractère préoccupant de la situation en Iran. J’y vois au moins deux motifs d’inquiétude. Premièrement, l’enrichissement d’uranium n’a pas cessé ; bien au contraire, il s’amplifie. De 3 000 centrifugeuses, les Iraniens sont passés à au moins 4 500. Par ailleurs, je confirme ce que vous avez indiqué sur la construction de nouveaux sites.

Deuxième motif d’inquiétude : en dépit des cinq résolutions des Nations unies, nous constatons que les trois questions précises posées par l’AIEA à l’Iran restent, à ce jour, sans réponse ; or elles n’ont rien d’anodin. Premièrement, l’AIEA demande s’il a été procédé à l’essai d’au moins un système explosif hémisphérique à ondes de choc. Deuxièmement, l’Agence s’interroge sur la trace d’études visant à reconfigurer le missile Shahab-3, étant précisé qu’il a été procédé très récemment à l’essai d’un missile d’une portée au moins égale à 2 000 kilomètres. Troisièmement, la présence en Iran d’un document sur le façonnage de l’uranium métal en hémisphère – c’est-à-dire en vue d’être placé à l’intérieur d’un missile – est-elle une réalité ?

Dans la mesure où, à l’heure actuelle, personne n’apporte de réponses à ces questions, nous devons continuer de proposer le dialogue, sans pour autant relâcher notre pression. Nous avons procédé à des tentatives en invitant des représentants iraniens en France, mais cela n’a donné aucun résultat probant : c’est avec les États-Unis que les Iraniens veulent parler. Le nouveau président américain, qui fera connaître la position officielle des États-Unis lorsqu’il aura pris ses fonctions en janvier prochain, a déclaré jusqu’à présent qu’il souhaitait privilégier le dialogue.

Par ailleurs, même si nous n’avons pas les moyens d’informer directement le peuple iranien pour lui expliquer que nous n’avons rien contre un usage civil de l’énergie nucléaire, nous devons maintenir les sanctions qui constituent un moyen de pression visant à dissuader l’Iran de mettre en œuvre un programme nucléaire militaire. Tout sauf la guerre, et une offre permanente de dialogue, telle est la position du Gouvernement français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Crise financière

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Paul Giacobbi. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Le 13 novembre, le Président de la République déclarait : « Je pars demain à Washington pour expliquer que le dollar qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, à Bretton Woods, était la seule monnaie du monde, ne peut plus prétendre à être la seule monnaie du monde ».

Il a souhaité, à ce titre, que le G 20 aborde la question des monnaies en plus de son ordre du jour relatif à la transparence financière, à la régulation des marchés ou à la relance de l’économie.

Depuis plusieurs décennies, en effet, les déficits américains et le privilège accordé au dollar d’être la monnaie internationale, ont généré un océan de liquidités qui noie régulièrement les terres émergées de l’économie réelle sous de véritables tsunamis de spéculations incontrôlées. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.) Je sais, mes chers collègues, que ce n’est pas très intéressant, mais c’est néanmoins la question la plus importante parmi toutes celles qui se poseront à nous dans les dix prochaines années ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Dans ce contexte, la perversion des outils financiers est non seulement la conséquence de l’irresponsabilité des acteurs des marchés, mais encore le moyen par lequel les États-Unis ont pu aspirer à leur profit, en compensation de déficits abyssaux, l’essentiel de l’épargne du reste du monde.

Malgré les déclarations, françaises et européennes, le G 20 n’a pas abordé cette question cruciale, ni dans son communiqué final ni dans les commentaires d’aucun participant.

Quand il se réunira à nouveau, en avril, les États-Unis auront adopté un plan de relance qui portera leur déficit budgétaire annuel à mille milliards de dollars, tandis que leur déficit extérieur se creusera, le tout financé selon le principe énoncé autrefois par John Connally : « Le dollar est notre monnaie, mais c’est votre problème ».

Au point où nous en serons alors – et où nous en sommes déjà –, bien des observateurs avertis s’interrogent sur la survie du système global face à cette fuite en avant.

Au-delà des déclarations grandiloquentes et des comptes rendus d’autosatisfaction, la France pense-t-elle obtenir que ce problème soit enfin abordé au prochain G 20, avant qu’il ne soit trop tard ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement. Bretton Woods, monsieur le député, c’était une autre époque. La mondialisation reposait alors sur deux piliers principaux : le commerce et les changes. Depuis soixante ans, un nouvel élément est apparu avec l’explosion des marchés financiers. Or nous avons vu avec la crise que nous traversons actuellement, les limites de ce système.

M. Henri Emmanuelli. Et on n’a pas tout vu encore !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État. Il était donc urgentissime que les principaux acteurs politiques mondiaux, les représentants des grands pays développés, se retrouvent pour réguler cet aspect de la mondialisation. On ne peut nier les avancées obtenues en la matière puisque le sommet du G 20 a permis une régulation importante des marchés mondiaux. Je pense au travail qui sera effectué au niveau des agences de notation, de la transparence des rémunérations, de celle des hedge funds et des systèmes financiers internationaux.

M. Maxime Gremetz. Y a-t-il des marges arrière ?

M. Luc Chatel, secrétaire d’État. Cela étant, le G 20 ne va pas s’arrêter là, monsieur Giacobbi. Bretton Woods a duré au moins deux ans. De la même manière, Washington est le début d’un cycle de conférences internationales où l’ensemble de ces sujets doit être abordé.

Vous le savez, le Président de la République a réaffirmé à plusieurs reprises qu’il souhaitait que soit évoquée la question des organisations internationales : quel rôle pour le Fonds monétaire international, pour la Banque mondiale dans l’économie de demain ? Mais il veut aussi que soit soulevée la question monétaire puisque les choses ont évolué en la matière. Si, en Europe, nous avons trouvé une stabilité, la monnaie demeure un instrument de compétitivité mondiale, qui est utilisée par un certain nombre de pays.

Monsieur le député, vous le voyez, un cycle de conférences est engagé. Nous avons déjà obtenu des résultats et nous comptons développer les autres points auxquels j’ai fait référence.

M. Maxime Gremetz. Pourrions-nous avoir parfois droit à des réponses consistantes ?

Mise en œuvre de la révision constitutionnelle

M. le président. La parole est à M. Yves Albarello, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Yves Albarello. Monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, le 21 juillet dernier, le Parlement, réuni en Congrès à Versailles, adoptait la loi de modernisation des institutions de la Ve République : notre Constitution, qui vient de fêter ses cinquante ans, entrait de plain-pied dans le XXIe siècle en donnant plus de droits au Parlement et à nos concitoyens. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Maxime Gremetz. Oh, la belle formule !

M. Yves Albarello. Ces nouveaux droits, c’est à M. Nicolas Sarkozy que nous les devons. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR, applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. Jean Glavany. Levez-vous !

M. Yves Albarello. C’est lui, en effet, qui a eu le courage de proposer cette grande réforme démocratique. Nous les devons au Gouvernement de M. François Fillon, qui a porté ce texte… (Mêmes mouvements.)

M. Jean Glavany. Allons, debout !

M. Yves Albarello. …ainsi qu’à tous les parlementaires qui se sont engagés pour que cette révision aboutisse ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Alors que notre assemblée vient d’examiner les deux premiers projets de loi pris en application de cette révision, créant notamment une commission électorale indépendante, je souhaite, monsieur le secrétaire d’État, vous interroger sur la suite de la mise en œuvre de cette réforme, et notamment sur son calendrier. Tous ici, nous sommes désireux d’obtenir quelques précisions, en particulier sur le volet parlementaire de cette réforme, qui doit entrer en vigueur le 1er mars prochain.

Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous en dire un peu plus sur la mise en œuvre prochaine des droits nouveaux dont bénéficiera le Parlement et sur la loi organique qui nous sera soumise ? (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. Bruno Le Roux. Rassurez-le, monsieur le secrétaire d’État, il est inquiet !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député, vous avez raison de rappeler l’importance de la réforme adoptée le 21 juillet dernier – je regrette au passage que tout le monde ne l’ait pas votée. Cette réforme essentielle, voulue par le président de la République et le premier ministre, renforcera considérablement les pouvoirs du Parlement.

Une première loi organique a été adoptée par l’Assemblée ; le second texte, consacré aux droits du Parlement et aux nouveaux modes de travail du Gouvernement et du Parlement, sera présenté au conseil des ministres, à la demande de M. le premier ministre, le 10 décembre. Il sera déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale au début du mois de janvier, puis fera la navette suivant la procédure classique.

M. Maxime Gremetz. Et le rapport de la Cour des comptes, qu’en faites-vous ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je souhaite que nous puissions respecter ce calendrier, afin que la révision du Règlement ait lieu concomitamment, au mois de février, et que le nouvel équilibre entre le Parlement et le Gouvernement se mette en place dès le mois de mars.

M. Bruno Le Roux. Et si l’on se préoccupait maintenant du pouvoir d’achat ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je souligne que nous avons d’ores et déjà préfiguré la mise en œuvre de la révision, puisqu’un débat a été organisé sur le stationnement de nos forces en Afghanistan, et qu’il a été suivi d’un vote. Nous allons continuer dans ce sens.

Droit d’amendement, droit de résolution, discussion en séance du texte issu de la commission, partage de l’ordre du jour : voilà beaucoup de pouvoirs supplémentaires donnés au Parlement – à l’ensemble du Parlement bien sûr, même si je regrette, encore une fois, que certains ne les aient pas votés.

M. Maxime Gremetz. Et le rapport de la Cour des comptes ? Vous ne répondez pas !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je voudrais aussi remercier l’ensemble du Parlement pour les efforts et le travail fournis depuis dix-huit mois : soixante-quinze textes de loi ont été votés, beaucoup de réformes ont été menées à bien ; tous les représentants de la nation peuvent être fiers du travail accompli ! (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. le président. Vous avez raison, monsieur le secrétaire d’État : soixante-quinze textes, cela fait beaucoup… À l’avenir, nous en examinerons un peu moins, et ils seront encore meilleurs. (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs.)

Prévention de la pédophilie sur Internet

M. le président. La parole est à M. Christian Kert, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Christian Kert. Madame la secrétaire d’État chargée de la famille, une récente affaire de pédophile prenant contact avec un mineur sur Internet a de nouveau mis en lumière les dangers que l’usage de la Toile revêt pour nos enfants.

L'adolescente retrouvée la semaine dernière à Nevers est la dernière d'une série de victimes de ces contacts pris par des pédophiles sur Internet. Déjà en avril, juin et juillet derniers, des cas semblables s’étaient produits sur notre territoire.

La Fondation pour l'enfance, qui a mis en place le service d'alerte SOS-Enfants disparus, observe du reste qu’une partie de plus en plus importante des fugues – 9 % de l’ensemble – est due à Internet. Évoquant le cas particulier de Nevers, la Fondation juge que l'intervention d'un pédophile dans un cas de fugue est tout à fait « classique ».

En lien avec les associations qui insistent sur la nécessité du dialogue entre les parents et les enfants, l'État doit prendre en compte la gravité de la menace qui pèse sur les familles quand Internet, au lieu de rester un outil fabuleux pour l'éducation des enfants, devient un piège où sévissent des prédateurs.

Nous avons été un certain nombre à profiter de l’examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision pour qu’une disposition proposée par voie d’amendement permette au CSA de veiller à ce que la publicité placée par l’éditeur d’un site ne puisse pas nuire à l’épanouissement tant physique que moral ou mental des mineurs.

Madame la secrétaire d'État, que comptez-vous faire pour tenter d’endiguer le nombre de ces affaires, répondre aux légitimes interrogations des parents et appeler l'attention des familles sur les dangers que représente Internet pour les enfants ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille.

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille. Monsieur le député, vous avez d’autant plus raison de souligner les faits qui se sont produits ces dernières semaines qu’ils ne constituent pas un phénomène seulement français, mais bien international. C’est la raison pour laquelle, au cours de la réunion que j’ai organisée le 18 septembre dernier à Paris avec tous mes homologues européens, nous avons décidé de prendre des mesures communes visant à sensibiliser les parents aux vrais dangers qui guettent nos enfants sur Internet.

La première de ces mesures a été la diffusion auprès des écoles primaires d’une plaquette d’information qui donne huit conseils aux parents. Cosignée par Xavier Darcos et moi-même, elle a été distribuée dès la rentrée scolaire.

Nous avons également décidé de diffuser un clip dans le courant du mois de décembre, c'est-à-dire avant les vacances de Noël, période durant laquelle les parents achètent le plus grand nombre d’ordinateurs. Ce clip visera à les sensibiliser à l’activation du contrôle parental pour parer aux véritables dangers d’Internet. Du reste, parce que, je le répète, le phénomène est international, ce spot, traduit dans chacune des langues, sera diffusé dans les vingt-sept pays de l’Union européenne.

Les chiffres sont criants : une enquête récente, portant sur 1 600 collégiens, révèle que neuf enfants sur dix déclarent avoir été en contact avec des images violentes, dégradantes ou pornographiques. Nous ne pouvons pas accepter cette situation. Le gouvernement de François Fillon ayant décidé de développer l’activité numérique parce qu’Internet est devenu indispensable dans la vie de tous les jours, Xavier Bertrand et moi-même avons décidé de nous attaquer à la sécurité et à la prévention, en privilégiant l’information et la sensibilisation des parents.

Auparavant, les parents éduquaient leurs enfants aux dangers extérieurs à la maison : ils leur apprenaient à traverser la rue, à ne pas suivre un inconnu. Mais aujourd’hui, lorsqu’un ordinateur placé dans la chambre d’un enfant est relié à Internet sans surveillance ni contrôle parental activé, le danger est à l’intérieur même de la maison.

Je tiens enfin à remercier non seulement le CSA, qui est partenaire du spot, mais également les chaînes de télévision qui ont accepté, parce que cela relève de l’intérêt national, de le diffuser gratuitement. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

Politique agricole commune

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Germinal Peiro. Monsieur le ministre de l’agriculture et de la pêche, jeudi dernier, sous votre présidence, les vingt-sept États membres de l’Union européenne ont décidé de s’accorder sur le bilan de santé de la politique agricole commune.

Cet accord, unanimement dénoncé par l’ensemble des organisations syndicales et professionnelles, n’apporte aucune solution aux graves difficultés que traverse l’économie agricole, que ce soit dans les secteurs de l’élevage, du lait ou des grandes cultures. Bien au contraire, en réduisant ou en supprimant tous les outils de régulation comme les quotas laitiers, la politique des stocks ou de soutien au marché, cet accord consacre la vision ultralibérale de la politique européenne : vous avez perdu la bataille politique faute de l’avoir menée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Vous sacrifiez les principes fondateurs de la PAC, à savoir l’autosuffisance alimentaire, la préférence communautaire et l’occupation des territoires.

Monsieur le ministre, vous n’avez tiré aucune leçon de la crise actuelle du capitalisme. Vous ne pouvez ignorer que le recours aux seules lois du marché et au dogme du libre-échange absolu est directement responsable des dysfonctionnements des marchés mondiaux qui conduisent aux émeutes de la faim. Vous ne pouvez ignorer que, pour assurer la protection de la planète, il est urgent de prôner la relocalisation des productions dans le domaine agricole comme dans le domaine industriel. Vous ne pouvez ignorer que, pour assurer la protection des consommateurs et la qualité sanitaire des aliments, les échanges doivent être contrôlés, ce que l’Europe est déjà dans l’incapacité de faire aujourd’hui.

M. Guy Geoffroy. La question !

M. Germinal Peiro. Monsieur le ministre, contrairement à vos discours et à ceux du Président de la République, au lieu de réguler, d’organiser et de protéger,…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. La question !

M. Germinal Peiro. …l’histoire retiendra que c’est sous la présidence française que vous avez fait le choix d’abandonner l’agriculture aux fluctuations des marchés mondiaux et à la dérive des spéculateurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Christian Paul. Bravo à la majorité !

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Peiro !

M. Germinal Peiro. Monsieur le ministre, ma question est simple (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe UMP) : êtes-vous prêt à renoncer à la politique ultralibérale que vous soutenez, politique qui met en péril l’avenir de l’agriculture, la protection des consommateurs et la vie des territoires ruraux ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. Maxime Gremetz. Hélas !

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur Peiro, franchement, au moment où l’agriculture française subit une crise des plus difficiles, comment pouvez-vous faire une lecture aussi partiale, aussi polémique, aussi peu objective de la situation ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Germinal Peiro. Pas vous, pas ça !

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Calmez-vous, monsieur Peiro ! Les agriculteurs n’ont pas besoin en ce moment de telles polémiques, mais plutôt d’objectivité, de solidarité ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Martin. Vous faites plutôt preuve de laxisme !

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Sérieusement, d’où partions-nous dans cette négociation qui s’est terminée jeudi matin ? Nous partions de propositions de la Commission extrêmement libérales – c’est le seul point de votre intervention avec lequel je m’accorde. Je vous rappelle que la dérégulation des outils de stabilisation des marchés, la suppression de l’augmentation automatique des quotas laitiers et la transformation progressive de la politique agricole commune en une politique de développement rural ont été décidées en 2003 pour 2014, bien avant que Nicolas Sarkozy n’ait été élu Président de la République. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Poursuivez, monsieur le ministre, car le temps passe !

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Que voulions-nous dans cette négociation ? Préserver les outils à même de permettre à la politique agricole commune d’être, en 2010, plus préventive, plus équitable et plus durable. Franchement, si vous lisez avec lucidité l’ensemble des résultats de cette négociation, vous constaterez que nous y sommes parvenus,…

M. Michel Françaix. Ah oui, bravo !

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. …non pas tout seuls, monsieur Peiro, car nous décidons avec vingt-six autres pays sous le regard vigilant du Parlement européen.

Contrairement à ce que vous avez dit, nous disposons bien, au terme de la négociation, des outils permettant de préserver la régulation. Ils ont même été intégralement maintenus !

M. le président. Merci, monsieur le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Grâce à eux, nous pourrons réorienter certaines aides.

J’avais dit, monsieur Peiro, que je n’accepterais pas que l’agriculture et l’alimentation soient livrées à la seule loi du marché. Et elles ne l’ont pas été : nous avons préservé les outils d’une vraie politique communautaire – à nous de les utiliser au mieux…

M. le les président. Merci de conclure, monsieur le ministre !

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. …afin que la politique agricole commune soit bien, à partir de 2010, plus préventive, plus équitable et plus durable. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

Perturbateurs endocriniens

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Frédéric Reiss. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

M. Patrick Roy. Et des franchises médicales !

M. le président. Monsieur Roy, je vous en prie !

M. Frédéric Reiss. Hier soir, madame la ministre, le groupe écologique de l’Outre-Forêts, une association de ma circonscription, me rendait attentif à la diffusion du film Les mâles en péril. (Sourires.) Ces derniers jours, la presse nationale et la presse quotidienne régionale se sont fait l’écho de problèmes inquiétants révélés par des études conduites dans les pays occidentaux : en cinquante ans, la production de spermatozoïdes chez l’homme a diminué de 40 % (Même mouvement) et les cancers des testicules ont augmenté significativement.

C’est un domaine très sensible, dans lequel il faut raison garder mais qu’on ne peut pas traiter à la légère.

Madame la ministre, il y a un an, vous vous êtes saisie, à la demande du Premier ministre, du sujet du chlordécone, substance classée dans la catégorie des perturbateurs endocriniens. Je rappelle qu’il s’agit d’un pesticide, ou d’un biocide, qui était utilisé dans les plantations de bananes. La publication d’un rapport consacré à cette question avait soulevé une forte émotion, et pas seulement aux Antilles.

Vous aviez alors annoncé votre intention de bâtir un plan destiné à mieux cerner l’ampleur de l’impact sur la santé humaine de ce produit. L’actualité nous rappelle quelles peuvent être les conséquences sanitaires de ces perturbateurs endocriniens, notamment en termes de fertilité. Ce sujet est, pour nos concitoyens, une source de préoccupation.

Madame la ministre, pourriez vous nous préciser ce que vous avez fait et ce que vous comptez faire pour poursuivre l’action dans ce domaine ?

Comment s’assurer, en particulier, que nous passions dorénavant d’une stratégie de soins à une véritable stratégie de prévention sur ces sujets, de même que nous sommes passés de la réparation des dégâts environnementaux à leur prévention ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le député, la question des perturbateurs endocriniens est en effet une grave question de santé publique, puisqu’ils ont un effet sur la fertilité et la reproduction. C’est un sujet extrêmement grave, que le ministère de la santé suit depuis très longtemps, en finançant des études. Les professeurs Spira, Jégou, Jouannet ont reçu du ministère des financements très importants. L’an dernier, par exemple, les études du professeur Spira ont été financées à hauteur de 1 million d’euros.

Ces études ont d’ailleurs conduit à la suppression de l’autorisation d’un certain nombre de substances, comme les phtalates ou les éthers de glycol.

De même, par un arrêté pris au mois de juin dernier, j’ai diminué le taux maximum de résidus de pesticides dans l’alimentation.

Vous avez appelé mon attention sur le chlordécone, produit phytosanitaire qui a été utilisé aux Antilles. Il est maintenant interdit. Mais nous poursuivons deux études. L’étude Ti-Moun, qui porte sur des cohortes de mèrs et d’enfants, est destinée à évaluer les effets de l’exposition au chlordécone sur le développement de l’enfant. L’étude Karuprostate porte sur les causes du cancer de la prostate, dont le taux est plus élevé aux Antilles qu’en métropole. Nous mobilisons pour ces deux études 33 millions d’euros, dont le financement est majoritairement assuré par le ministère de la santé.

Il faut, bien sûr, aller plus loin encore, et d’abord par la réduction des risques à la source. C’est le but du règlement sur les produits chimiques, que mettent en œuvre actuellement, avec beaucoup de détermination, Jean-Louis Borloo et Nathalie Kosciusko-Morizet.

Mais d’autres questions relèvent du ministère de la santé. Hier, Nathalie Kosciusko-Morizet et moi-même avons d’ailleurs avons d’ailleurs annoncé des mesures à l’occasion de l’ouverture d’un colloque scientifique dont les conclusions seront extrêmement importantes.

Une étude collective sera conduite par l’INSERM. Nous avons demandé à l’AFSSA de réévaluer les produits cosmétiques proposés dans les « valisettes maternité » et de s’engager dans une information globale du public et des professionnels de santé, notamment par le biais du carnet de santé du nourrisson.

Une action globale doit être menée. Les principes de prévention et de précaution doivent s’appliquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme Marylise Lebranchu. Très bien !

Détention de Florence Cassez au Mexique

M. le président. La parole est à M. Frédéric Cuvillier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Frédéric Cuvillier. Monsieur le ministre des affaires étrangères et européennes, au moment où je m'adresse à vous, et depuis près de trois ans, une de nos compatriotes se trouve privée de liberté : Florence Cassez, jeune femme originaire du Pas-de-Calais, est incarcérée au Mexique où elle a été arrêtée en décembre 2005.

En avril dernier, nous avons appris sa condamnation par la justice mexicaine à une peine de quatre-vingt-seize années de prison ferme. Faits de délinquance en bande organisée, enlèvement et séquestration, port et détention d'arme : voilà quelques-unes des charges retenues contre Florence qui, seule, depuis sa cellule, clame son innocence et se bat pour retrouver la liberté.

En réalité, Florence a tout simplement eu le tort d'être au mauvais moment au mauvais endroit. Il suffit de s’attarder quelques instants sur son dossier pour être supéfait du caractère hautement fantaisiste de ces accusations.

Aucun élément ne justifie, en effet, tant sur la forme que sur le fond, que Florence Cassez soit encore emprisonnée. Aucune charge sérieuse ne peut être retenue à son encontre tant le caractère mal fondé des poursuites est avéré. Selon son avocat, les conditions mêmes de son interpellation ainsi que le non-respect des règles procédurales et des droits fondamentaux conduisent à s’interroger légitimement sur la nature et la réalité des griefs qui lui sont reprochés. Ainsi, certains faits datent de 2002, alors que Florence Cassez n’était pas sur le territoire mexicain…

Sans chercher à remettre en cause la souveraineté de nos amis mexicains, cent députés de toutes origines et de tous les groupes ont souhaité créer un collectif de soutien à notre compatriote. Quelques minutes avant cette séance, nous étions en compagnie des parents de Florence, auxquels vous me permettrez d'adresser, au nom de nos collègues, toute notre sympathie, notre compréhension, notre soutien et nos encouragements. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Monsieur le ministre, quelles initiatives l'État français entend-il prendre rapidement pour montrer à Florence qu’elle n’est pas seule et pour l’aider à recouvrer sa liberté ? (Mêmes mouvements.)

M. le président. La parole est à Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme. Monsieur le député, Florence Cassez a effectivement été arrêtée en décembre 2005 à Mexico pour participation supposée à la séquestration de trois personnes. Condamnée en première instance le 25 avril 2008 à quatre-vingt-seize ans de prison pour infraction à la loi contre le crime organisé, séquestration de personnes, port d’arme à feu de catégorie militaire et possession de cartouches de même catégorie, Mme Cassez ne cesse de clamer son innocence et son avocat a souligné l’existence d’un certain nombre de zones d’ombre qui plaident en sa faveur : mise en scène a posteriori de l’arrestation, non-respect de certaines procédures, revirement de certains témoins.

Une demande de mise en liberté a été immédiatement rejetée, car elle est exclue par le droit mexicain lorsqu’une condamnation est intervenue. En revanche, l’examen de la procédure d’appel est en cours, qui devrait prendre plusieurs mois.

Cette affaire est suivie de très près au plus haut niveau de l’État. Notre ambassade est pleinement mobilisée. Dès qu’elle a eu connaissance de l’arrestation de notre compatriote, elle est intervenue sans délai, comme il se doit, pour lui apporter la protection consulaire nécessaire. Les services du consulat sont en contact permanent avec Florence Cassez. Ils s’assurent notamment très régulièrement que ses conditions de détention sont correctes et que le droit de visite est respecté, tant pour sa famille – sa mère a séjourné récemment au Mexique et a pu passer avec elle plus de temps que ce qui est normalement accordé – que pour les journalistes ou son avocat. Un soutien a également été apporté aux membres de sa famille de passage à Mexico.

Monsieur le député, j’appelle votre attention sur le fait qu’il s’agit d’une procédure judiciaire : nous devons tenir compte des limites qu’impose le respect des principes de la souveraineté et de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Mais nous nous efforçons à tous les niveaux, et à chaque fois que l’occasion se présente, de souligner auprès de nos interlocuteurs mexicains l’importance que nous accordons à ce que les droits de la défense de Florence Cassez soient assurés. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Jean-Paul Bacquet. Très bien !

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Marc Laffineur.)

Présidence de M. Marc Laffineur,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2009

Discussion du texte de la commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 (n° 1269).

La parole est à M. Yves Bur, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Yves Bur, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, qui s’est réunie hier matin.

Le texte initial présenté par le Gouvernement comportait quatre-vingts articles. Moyennant le vote de vingt-cinq articles additionnels, l’Assemblée nationale a transmis au Sénat un texte de 105 articles.

Le Sénat en a adopté quarante-neuf conformes, en a modifié cinquante-trois, en a supprimé trois et en a lui-même ajouté dix-neuf. Le texte comporte donc actuellement 121 articles, ce qui est beaucoup. Il est vrai qu’un certain nombre de cavaliers sociaux se dissimulent parmi eux, malgré la sévérité croissante de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Je me dois de rappeler que, pour ce motif, il a déclaré non conformes à la Constitution dix-sept des 118 articles de la loi de financement pour 2008.

La commission mixte paritaire devait donc examiner les soixante-seize articles restant en discussion. La plupart des modifications, ajouts et suppressions opérés par le Sénat ont pu être acceptés, car ils améliorent des dispositifs que l’Assemblée nationale avait elle-même déjà contribué à préciser : quarante-huit articles ont ainsi été adoptés dans le texte du Sénat et la suppression de deux articles a été maintenue.

Sur les autres points, la CMP a trouvé un accord. Elle est revenue au texte de l’Assemblée nationale pour quatre articles, a modifié la rédaction de dix-neuf articles et a par ailleurs supprimé deux articles. Avant de tirer quelques enseignements plus généraux sur nos discussions et sur l’état de nos finances sociales, je me dois d’abord de vous présenter les principaux points des conclusions de la CMP.

Pour ce qui est des recettes, nous sommes revenus au texte de l’Assemblée nationale pour l’article 11, dans la mesure où il nous a semblé que la question des relations financières entre la CNAF, la CNAV et le FSV, pour la prise en charge des majorations de pensions, mérite encore réflexion. D’ici à 2011, date à laquelle le transfert de la CNAV à la CNAF aura été mené à bien, il faudra donc réfléchir à une clarification et à une simplification de ces circuits. Pour ma part, je demeure favorable à ce qu’une fraction de la CSG soit déplacée à due concurrence, soit environ 3,5 milliards d’euros.

En revanche, à l’article 12, la CMP a supprimé la compensation « à l’euro l’euro » des frais de prise en charge des bénéficiaires de la CMU par la CNAM, qui avait été introduite sur ma proposition à l’Assemblée nationale. Je veux bien admettre qu’il est difficile d’alourdir de 200 millions d’euros les dépenses de l’État dans la conjoncture actuelle, mais je souhaite vivement qu’une réflexion sur cette question aboutisse d’ici au prochain PLFSS afin que cesse l’inégalité actuellement constatée au détriment de la CNAM, qui prend en charge les publics les plus fragiles.

À l’article 14, la CMP n’a pas estimé nécessaire que les discussions engagées par le Gouvernement et les entreprises pharmaceutiques en vue d’une refonte globale de la fiscalité des laboratoires aient abouti pour pérenniser le caractère exceptionnel du taux de 1 % de la contribution sur leur chiffre d’affaires et fixer le « taux K » pour les trois prochaines années. Cela étant, il ne faut pas se dissimuler la fragilité de cette garantie : ce qu’une loi a fait, une autre loi pourra aisément le défaire.

Je salue le fait que nous soyons revenus au texte de l’Assemblée nationale pour l’article 15, qui prévoit une majoration de la contribution sur les alcools de plus de 25 degrés, qui devrait rapporter 80 millions d’euros. Je rappelle que, grâce aux votes précédemment intervenus sur cet article, ils seront affectés à la protection sociale des exploitants agricoles.

À l’article 21, la CMP a maintenu le texte du Sénat et n’a pas souhaité que la cotisation spécifique sur les revenus perçus au titre de l’activité professionnelle à l’étranger des personnes affiliées à un régime français d’assurance maladie soit déplafonnée.

Pour ce qui est de la branche maladie, l’article 33 bis A, relatif à la transparence des relations entre professionnels de santé et industriels, a été supprimé, à la fois parce qu’il constitue un cavalier social et parce que son dispositif est largement satisfait par le droit en vigueur.

La CMP n’en a pas jugé pareillement s’agissant de l’article 33 bis B, qui avait également été introduit par le Sénat afin d’ouvrir à l’Ordre la reconnaissance des qualifications des médecins.

En revanche, la commission a rétabli l’article 37 ter dans la rédaction de l’Assemblée nationale, afin de promouvoir la prescription en dénomination commune internationale et d’augmenter ainsi la part des génériques dans notre consommation de médicaments, induisant d’utiles économies.

À l’article 39 bis, la CMP a obtenu un compromis sur la date du passage à la facturation directe par les établissements de santé, sans passer par l’interface des ARH, des frais d’hospitalisation à la caisse primaire d’assurance maladie dans la circonscription de laquelle est implanté l’établissement. En effet, un récent rapport de l’IGAS et de l’IGF semble confirmer que la date du 31 décembre 2010 proposée par le Sénat, pour volontariste qu’elle soit, apparaît trop irréaliste. L’Assemblée nationale ayant pour sa part suggéré le 31 décembre 2011, l’accord s’est finalement fait sur la date du 1er juillet 2011, tout en maintenant la possibilité, pour les établissements volontaires, de participer avant cette date à une expérimentation de facturation directe avec l’assurance maladie.

Dans le domaine médico-social, la commission a supprimé l’article 44 bis, introduit par le Sénat, qui proposait que des expérimentations soient menées afin de favoriser l’essor des différents modes d’hébergement temporaire, au motif que le dispositif, vague et peu clair, risquait d’être inopérant et que le Gouvernement s’est engagé à poursuivre les expérimentations existantes.

En revanche, la CMP a maintenu l’article 50 bis, introduit par le Sénat, qui prévoit que les devis remis par les membres de professions médicales à leurs patients en vue de la pose d’une prothèse doivent indiquer le prix de revente de ce dispositif médical, qui sera ainsi distingué du tarif de leur prestation.

En matière de retraites, le Sénat a adopté, à l’initiative de M. Dominique Leclerc, un article 52 bis A, qui est de grande importance, même s’il ne s’agit que de remettre un rapport au Parlement. Il permet de lancer une étude pour cerner les conditions techniques de mise en place en France d’une assurance vieillesse de base fonctionnant, comme en Suède, sur la base de comptes notionnels de retraite. Cette initiative est extrêmement pertinente, car notre système de retraite de base part à la dérive et nous refusons que les déficits s’accumulent sans que des réformes structurelles soient engagées pour parvenir à les résorber définitivement, ne serait-ce que d’ici à quinze ou vingt ans. J’ai moi-même proposé à l’Assemblée de porter progressivement l’âge de la retraite à soixante-cinq ans, mais j’ai eu l’impression de prêcher dans le désert.

Sur cet article, la CMP a adopté un amendement de rédaction globale que j’ai déposé avec Denis Jacquat, afin d’approfondir et d’affiner la mesure proposée par notre collègue Dominique Leclerc, en prévoyant notamment que ce rapport sera remis par le Conseil d’orientation des retraites, et non par la Commission de garantie des retraites. Dans la perspective du rendez-vous de 2010, le Parlement disposera donc des moyens de statuer sur l’opportunité de l’introduction d’une réforme d’ensemble des régimes de base.

En ce qui concerne les articles 61 bis et 61 ter relatifs aux limites d’âge des personnels navigants de l’aviation civile, la CMP a adopté des amendements de pure précision. Nous avons été nombreux à recevoir des sollicitations écrites, tout aussi nombreuses, de pilotes nés en 1949. Mais nous avons décidé de ne pas donner suite à leurs demandes tendant à appliquer dès le 1er janvier 2009 la réforme prévue par l’article 61 bis. La date d’entrée en vigueur de 2010 a fait l’objet d’une discussion expresse entre les syndicats, les employeurs et le Gouvernement. L’accord s’est fait sur la date de 2010, contrairement à l’article sur les hôtesses et les stewards pour lequel les syndicats ont demandé une application immédiate dès 2009. La CMP a donc respecté les conclusions de la négociation professionnelle et n’a pas demandé l’avancement de la date d’entrée en vigueur du dispositif relatif aux pilotes. Je relève cependant que 117 pilotes nés en 1949 trouveraient opportun de bénéficier d’une mesure qui a pourtant fait l’objet de quatre jours de grève !

À l’article 63, concernant les surpensions outre-mer, la commission a adopté, sur ma proposition, un amendement visant à lever toute ambiguïté dans la rédaction actuelle. Il fait explicitement référence à l’écrêtement progressif de la part de l’indemnité temporaire de retraite – ITR – qui est supérieure au plafond, un décret devant préciser le mode de calcul de cet écrêtement linéaire pour les bénéficiaires actuels.

Pour ce qui est, enfin, de la branche famille, l’article 72 bis introduit par le Sénat, qui porte sur une réforme du crédit d’impôt famille pour inciter les entreprises à financer des crèches d’entreprise ou inter-entreprises, la CMP a décidé de maintenir le dispositif, au bénéfice d’un amendement de précision présenté par le rapporteur du Sénat.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter le texte de la commission mixte paritaire.

Au terme de cette longue discussion parlementaire, je voudrais souligner une fois encore le contexte économique très particulier dans lequel nous arrêtons le financement de notre sécurité sociale. Au défi des réformes structurelles, que notre pays a beaucoup de difficultés à accepter, s’ajoutent à présent les conséquences négatives de la crise qui étrangle l’ensemble des économies mondiales. Les déficits vont se creuser et nous vous savons gré, monsieur le ministre du budget et des comptes publics, d’avoir tenu votre engagement de réviser les objectifs financiers en fonction des dernières prévisions de croissance disponibles.

M. le président. Monsieur le rapporteur, je vous prie de conclure.

M. Yves Bur, rapporteur. Certains, sur la gauche de notre hémicycle, ne s’en contenteront pas et réclameront des annonces encore plus pessimistes, comme si la dégradation de l’économie actuelle et son cortège d’incertitudes ne suffisait pas au trouble de nos concitoyens. Je leur demande de ne pas en rajouter par esprit partisan, car il n’appartient pas à un gouvernement, quel qu’il soit, de jouer les oiseaux de mauvais augure, ce qui pourrait désespérer encore davantage les Français – mais je suis certain que telle n’est pas l’intention de l’opposition.

Mes chers collègues, il nous appartient d’assumer nos responsabilités afin que, à la baisse des recettes, ne s’ajoute pas une dérive des dépenses qui creuserait un peu plus le déficit de nos finances sociales. Ces déficits alourdiront encore une dette sociale déjà colossale de près de 100 milliards d’euros après le prochain transfert à la CADES des 27 milliards d’euros accumulés jusqu’à la fin 2008.

M. le président. Monsieur Bur, je vous prie de conclure.

M. Yves Bur, rapporteur. Au-delà de la solidarité nationale vis-à-vis de la retraite et de la maladie, nous avons également un devoir de solidarité intergénérationnelle. Je n’ai pas le sentiment que nous soyons réellement conscients de cet enjeu. Pour le moment, nous faisons plutôt preuve d’un égoïsme intergénérationnel. Je souhaite que nous réfléchissions à nos responsabilités morales vis-à-vis de nos enfants et des générations futures. L’accumulation des déficits et des dettes ne me semble pas la meilleure manière de préparer l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Exception d’irrecevabilité

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’heure où notre Assemblée doit se prononcer sur les conclusions de la commission mixte paritaire relative au PLFSS 2009, il me semble que le seul terme qui puisse convenir à la situation de notre pays est « gravité ».

En effet, les difficultés économiques et financières mondiales n’ont, bien évidemment, pas épargné la France. Les conséquences sociales de cette crise vont être extrêmement préoccupantes pour de très nombreux Français.

Du simple point de vue du chômage, notre pays va devoir affronter des maux qui imposeront une réponse radicale et adaptée. Ne disposant pas des indicateurs du mois d’octobre, même si M. le secrétaire d’État à l’emploi a déjà indiqué par anticipation que les chiffres seront équivalents à la hausse du mois d’août, je me contenterai de rappeler les prévisions de l’OCDE, publiées hier, évoquant un taux de chômage de 8,2 % en 2009 et de 8,7 % en 2010.

C’est bien la gravité qui prédomine, car il ne nous semble pas que le chemin suivi par le Gouvernement permettra de répondre de façon appropriée à cette crise.

Afin d’éviter toute polémique, et avant de revenir sur le PLFSS, j’égrènerai la liste de quelques textes présentés et votés par la majorité, et qui en disent long sur l’orientation générale de l’action gouvernementale.

Sur l’économie, le pouvoir d’achat et l’emploi, nous pouvons retenir la loi TEPA, Travail, emploi et pouvoir d’achat. Certes, une fois de plus, vous allez crier au scandale, mes chers collègues de la majorité, mais il vous faudra un jour revenir à la raison : cette loi, qui a instauré le bouclier fiscal pour les catégories les plus favorisées de notre société, n’a envoyé qu’un message de mépris envers les classes moyennes et défavorisées qui, elles, subissent, en premier lieu et de plein fouet, les conséquences de la crise financière.

La loi LME, loi de modernisation de l’économie, a confondu modernisation et dérégulation, indiquant à la population française, si elle devait encore en douter, que votre confiance dans un marché qui s’autorégulerait est totale.

C’est avec un mélange désagréable de jubilation et de tristesse que nous voyons aujourd’hui les mêmes avancer des propositions au niveau européen et mondial pour mieux réguler le marché financier qui a perdu toute notion de raison, au détriment de l’économie réelle.

La loi sur les revenus du travail a, quant à elle, mis en avant la possibilité faite aux salariés de bénéficier d’intéressement et de participation pour augmenter leur pouvoir d’achat. Quid du salaire ? Cette possibilité est aujourd’hui remise en cause avec la crise qui assèche durablement les carnets de commande de l’économie française. Et je ne ferai qu’évoquer l’augmentation des exonérations de cotisations sociales, pourtant dénoncée par de nombreuses institutions indépendantes.

Que dire enfin du texte relatif aux droits et devoirs des demandeurs d’emploi, stigmatisant une nouvelle fois les chômeurs en instaurant le fameux et dangereux concept « d’offre raisonnable d’emploi » ?

Loin de se limiter au seul secteur économique, votre nouvelle société s’est aussi développée sur le plan judiciaire et des libertés publiques.

Mes chers collègues, après cette liste non exhaustive, qui pourrait constituer le sommaire du « Livre noir de la droite au pouvoir », j’en viens au PLFSS 2009. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Un peu de modestie !

Mme Catherine Lemorton. Nous sommes aussi capables d’écrire des livres !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Quelle arrogance !

Mme Catherine Lemorton. Votre action n’épargne pas la protection sociale ni l’assurance collective de nos concitoyens contre les accidents de la vie. Le PLFSS 2009 s’inscrit dans la continuité des précédents. Loin de tenter de prendre en compte l’évolution de la conjoncture économique, il reste « droit dans ses bottes » en perpétuant les erreurs de M. Philippe Douste-Blazy.

Pour ce qui est du retour à l’équilibre, nous savons aujourd’hui que les annonces sans cesse réitérées par le Gouvernement sont toutes erronées. Bonneteau budgétaire, refus d’accepter que l’assiette des recettes de la sécurité sociale sera indubitablement révisée à la baisse du fait de la crise, opacité des propositions, vous utilisez de vieilles recettes qui n’étaient déjà pas efficaces en période d’apparente stabilité. Les rustines budgétaires ne vous feront même plus gagner du temps : le mal est déjà trop grave.

Avec un déficit prévisionnel, pour le régime général, de 10,5 milliards d’euros, nous sommes loin du projet initial qui annonçait un déficit de 8,6 milliards pour 2009. De plus, le transfert de 27 milliards de dette de la sécurité sociale à la CADES allégera, certes, les charges financières du régime général de 1,1 milliard d’euros, mais fera peser sur les générations futures le poids financier des erreurs de cette majorité.

Que dire de la taxation des complémentaires santé, quand celles-ci affirment ne pouvoir structurellement assumer une telle hausse sans en répercuter le coût sur les adhérents ?

M. Jean Mallot. Très juste !

M. Yves Bur, rapporteur. Elles ont des réserves : 17 milliards de fonds propres !

Mme Catherine Lemorton. Est-ce là le fameux pragmatisme censé guider vos actes ?

Toujours pour ce qui concerne les recettes, le forfait social de 2 % prélevés sur certaines niches sociales est bien loin d’être suffisant, tout comme est insuffisant et scandaleux l’assujettissement des parachutes dorés supérieurs à 1 million d’euros : 1 million d’euros, pour un smicard français, c’est l’équivalent de soixante-dix années de travail en salaire net.

M. Yves Bur, rapporteur. Démagogie !

Mme Catherine Lemorton. Ce symbole que souhaitait promouvoir la majorité a surtout montré quel niveau d’injustice atteignent les politiques menées en matière de participation à la solidarité nationale.

Et que penser de cet amendement de dernière minute, adopté en pleine nuit, et qui offre la possibilité de prendre sa retraite à soixante-dix ans ?

M. Denis Jacquat. C’est faux ! Si nous l’avons discuté dans la nuit, c’est parce que vous aviez retardé les débats ! C’est scandaleux ! Menteuse !

M. Philippe Vitel. Mensonge !

M. Jean Mallot. Elle a raison !

Mme Catherine Lemorton. Que dire quand on sait que, selon l’INSEE, le chômage des jeunes atteignait 19,4 % en 2007, et que seuls 38 % des seniors de plus de cinquante-cinq ans ont un travail ?

Pour ce qui est des dépenses, l’ONDAM à 3,3 % relève de la gageure. Quand on sait que ce taux est égal à celui qui devrait être constaté pour 2008, on imagine déjà le tour de force intellectuel qu’il vous faudra accomplir pour expliquer la différence, à moins que vous n’acceptiez de limiter l’accès aux soins pour les plus fragiles.

Le PLFSS 2009, comme le PLF, est à l’image de votre politique : en lévitation.

Mme Isabelle Vasseur. C’est chez vous, la lévitation !

Mme Catherine Lemorton. Rappelons les chiffres : 14 % des Français renoncent à se soigner pour des raisons économiques, 39 % avouent reculer des soins pour les mêmes raisons et 8 % ne bénéficient d’aucune complémentaire santé. La situation sanitaire de notre pays impose une priorité dans les choix : ne pas œuvrer en profondeur pour la réduction des déficits, minimiser la réalité des dépenses, faire peser les coûts supplémentaires sur les patients et prendre des mesures qui ne vont pas dans le sens de l’amélioration de la qualité des soins.

Vous avez bel et bien accompli un tour de force en inversant la vision de la société sur votre action. À la gauche, le conservatisme, l’immobilisme et l’absence de vision. À la droite, la réforme, le progrès et la rupture. Qu’en est-il quand la réalité de vos actes se fait jour ?

Nous sommes face à un moment historique particulièrement grave, où la priorité des responsables politiques devrait être de comprendre quels sont les besoins impérieux de la population, en fonction de leurs moyens.

Ce texte, comme la plupart de ceux que vous avez votés, ne va pas dans ce sens. Il s’insère dans une démarche idéologique où l’application stricte du néolibéralisme est préconisée.

Mme Isabelle Vasseur. Les grands mots sont lâchés !

M. Jean Mallot. Elle a raison !

Mme Catherine Lemorton. Mes chers collègues, ce modèle de société n’est pas efficace, notamment en raison des effets pervers extrêmement graves qu’il entraîne.

Lorsque nous avons évoqué la hausse de la taxe avec les organismes complémentaires, ils nous ont posé une question : « Pourquoi ne pas assumer une hausse d’impôt plutôt que de réaliser cette taxe qui sera répercutée sur les cotisants ? »

M. Yves Bur, rapporteur. Mais non !

Mme Catherine Lemorton. « L’effet politique sera plus dévastateur quand le stratagème sera découvert. »

Cette question m’a beaucoup intéressée, d’autant que je l’ai rapprochée de l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme qui, jusqu’à preuve du contraire, participe encore de notre socle constitutionnel.

M. Jean Mallot. Elle a raison de le rappeler. Écoutez, chers collègues !

Mme Catherine Lemorton. « Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. »

Cette hausse masquée de la fiscalité constitue, entre autres, une atteinte à l’un de nos droits les plus fondamentaux, l’accès aux soins. Outre qu’elle trahit votre vision de l’action politique, elle est un motif d’irrecevabilité de ce projet de loi. Je m’empresse de la dénoncer au nom du groupe SRC, afin que justice soit rendue aux Français qui, comme par magie, devront, d’ici à quelques mois, s’acquitter de charges supplémentaires que le Gouvernement aurait dû assumer dans le cadre d’une politique de « justice sociale » – mais cela fait bien longtemps que cette expression a disparu de son vocabulaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote sur l’exception d’irrecevabilité.

La parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe UMP.

M. Philippe Vitel. Je suis stupéfait que tant de mensonges, de démagogie, de provocation et de caricature aient pu être distillés en si peu de temps ! Plus c’est gros et plus ça passe !(Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Denis Jacquat. En effet !

M. Philippe Vitel. Madame Lemorton, ce sont les propos que vous avez déblatérés à cette tribune qui sont irrecevables ! C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas votre motion de procédure. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Catherine Lemorton. Les Français apprécieront !

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Je tiens à dire à M. le ministre que les travaux de la commission mixte paritaire n’ont rien à voir avec ce que nous venons d’entendre !

Je vous invite, madame Lemorton, à relire l’histoire des vingt dernières années, et à vous pencher sur la période 1982-1985, où, pour la première fois, les salaires réels ont baissé de plusieurs points. Cela vous conduirait à faire preuve d’un peu plus de modestie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe NC.

M. Jean-Luc Préel. Défendre une exception d’irrecevabilité consiste à démontrer qu’une loi est anticonstitutionnelle. Je n’ai rien entendu de tel dans les propos de Mme Lemorton.

Nous avons pu, en première lecture, nous exprimer longuement, tant dans la discussion générale que sur les articles. Aussi ne me paraît-il pas indispensable de déposer une motion de procédure au stade de la commission mixte paritaire.

M. Jean Mallot. Indispensable au contraire !

M. Jean-Luc Préel. On a le droit de ne pas être d’accord avec certains chiffres et de faire remarquer que la crise actuelle posera des problèmes de financement.

M. Jean Mallot. En effet, c’est ce que nous faisons !

M. Jean-Luc Préel. Certes, mais on peut le faire de manière calme et raisonnable, en expliquant qu’il faudra trouver des financements. Inutile de tenir des propos excessifs, et par là même inaudibles. Je pense, du reste, que, lorsque vous les relirez, madame Lemorton, vous en aurez honte ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Il va de soi que nous ne voterons pas cette motion de procédure. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Mallot. Vous avez tort !

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe GDR.

Mme Jacqueline Fraysse. Ce texte ne répond pas aux enjeux du financement de notre protection sociale. Il ne présente aucune mesure sérieuse, aucune modalité nouvelle et pérenne pour apporter de nouvelles recettes. Pourtant, l’argent ne manque pas dans notre pays – et c’est tant mieux ! Utilisons-le pour la santé de nos concitoyens. Ce texte intitulé « Financement de la protection sociale » ne propose aucune mesure pour refinancer la protection sociale. Les injustices sont de plus en plus flagrantes, qu’il s’agisse de l’accès aux soins ou de la répartition des moyens de nos concitoyens. La direction de la maison de Nanterre, qui accueille les sans domicile fixe, m’a appris qu’elle voyait de plus en plus de salariés pauvres qui ne peuvent pas payer de loyer parce qu’ils perçoivent un salaire trop bas. Voilà où nous en sommes dans ce pays ! De plus en plus nombreux sont nos concitoyens qui ne peuvent se soigner correctement, voire qui ne se soignent pas du tout. L’argent est injustement réparti : pendant que certains manquent de tout, d’autres spéculent et jouent le fric à la roulette dans les Bourses, et nous ont menés à la crise !

Mme Isabelle Vasseur. Hors sujet !

Mme Jacqueline Fraysse. Ce texte ne répond pas aux besoins. Il a introduit des mesures scélérates (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), comme la taxation des complémentaires santé, qui aura d’inévitables répercussions sur les cotisations, l’atteinte au droit à la retraite ou l’absence de mesures en faveur de l’accueil des jeunes enfants, alors que le manque de places en crèche collective est criant. Et je ne parle pas du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante. Ce texte ne méritant pas d’être adopté, nous voterons l’exception d’irrecevabilité.

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou, pour le groupe SRC.

M. Michel Issindou. Les propos de Mme Lemorton ne justifiaient pas une telle révolte sur les bancs de la majorité. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Denis Jacquat. Elle a menti !

M. Michel Issindou. Non, elle a dit ce qu’elle avait à dire !

M. Philippe Vitel. C’est scandaleux !

M. Michel Issindou. L’opposition a-t-elle encore le droit de s’exprimer dans cet hémicycle ?

M. Philippe Vitel. Oui, mais sans mensonge ! Nous n’acceptons pas le mensonge !

M. Michel Issindou. J’espère que nous avons encore le droit de ne pas être d’accord avec vous !

Mme Lemorton a dit que la politique que vous menez depuis dix-huit mois est économiquement inefficace.

M. Jean Mallot. C’est clair !

M. Michel Issindou. Vous invoquez la crise mondiale, mais cette inefficacité l’a précédée, même si elle est aujourd’hui aggravée par la crise. Le projet de société que vous appliquez depuis dix-huit mois n’a pas eu sur la croissance les effets que vous escomptiez, c’est le moins que l’on puisse dire.

Mme Lemorton a également dit, ne faisant que vous citer, que vous deviez ramener les comptes de la sécurité sociale à l’équilibre dès 2007, aux termes de la réforme des retraites de 2003 et de la loi de 2004 portant réforme de l’assurance maladie. Vous nous expliquez désormais que, le moment n’étant pas opportun, il faut patienter et supporter les déficits jusqu’en 2012 ! On nous dira sans doute alors que ce n’est pas encore le moment et qu’il faut attendre 2016. Nous avons bien le droit de nous en étonner et de nous en inquiéter !

Mme Lemorton a enfin rappelé, à juste titre, quelque chose que vous ne semblez pas entendre : les Français souffrent. S’agissant de l’accès aux soins, tout le monde s’accorde à le dire ; pour en avoir confirmation, il suffit de constater que certains diffèrent leurs soins et que d’autres ne peuvent plus se faire soigner correctement. Quant aux retraites, les Français s’inquiètent tous de l’incertitude que fait peser sur l’avenir notre incapacité à pérenniser le système.

Mme Lemorton n’a donc rien dit que vous ne puissiez entendre ; elle n’a énoncé que des vérités, je suis désolé de vous le dire.

Pour ces raisons, nous voterons l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L’exception d’irrecevabilité, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Question préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical et citoyen une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jean Mallot. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Mallot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question préalable que je m’apprête à défendre devant vous vise par définition à montrer qu’il n’y a pas lieu de délibérer.

Du PLFSS pour 2009, que nous examinons aujourd’hui en dernière lecture, je dirai tout simplement qu’il n’est ni fait ni à faire. Nous l’avions dit en première lecture, les hypothèses sur lesquelles vous l’avez fondé – une croissance de 1 % en 2009, puis de 2,5 % par an de 2010 à 2012, et une augmentation de la masse salariale de 3,5 % en 2009 et de 4,6 % ensuite – sont erronées.

Nos observations étaient tout à fait justifiées, puisque, monsieur le ministre des comptes, vous avez vous-même reconnu début novembre devant le Sénat qu’il valait mieux évaluer à 2,75 % l’évolution des salaires en 2009 et à 10,5 milliards d’euros le déficit de la sécurité sociale la même année, au lieu des 8,6 milliards initialement prévus. Près de 2 milliards d’aggravation en deux mois, ce n’est pas mal ! En outre, le chômage repartant à la hausse, il faut s’attendre à de nouvelles difficultés – diminution des ressources et augmentation des charges pour tous les régimes sociaux. La situation n’est guère florissante, et vous feriez bien d’en tenir compte !

On est loin de la période 1998-2004 – merci le gouvernement Jospin, merci Martine Aubry ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Il fallait oser !

M. Jean Mallot. Vous leur rendez vous-même hommage dans l’exposé des motifs de l’article 10 du projet de loi, en rappelant à propos de la branche vieillesse que « les excédents constatés entre 1998 et 2004 ont été quant à eux affectés au Fonds de réserve des retraites ». À l’époque, il y avait un excédent !

M. Jean-Louis Idiart. C’était le bon temps !

M. Jean Mallot. Mais, bien que vous prévoyiez des déficits importants et que vous en reconnaissiez l’aggravation, vous n’en tirez aucune conclusion. Ainsi, le déficit de la branche vieillesse pour 2009 – plus de 5 milliards d’euros – aurait dû vous faire conclure à l’échec de la loi de 2003 sur les retraites. De même, le déficit annoncé de la branche maladie – 3,4 milliards d’euros – signe l’échec de la loi de 2004 sur l’assurance maladie.

M. Denis Jacquat. Ce n’est pas un échec !

M. Jean Mallot. En outre, vous persistez à vouloir baisser l’impôt de nos concitoyens les plus favorisés, ce qui creuse évidemment la dette. Les générations futures paieront !

En 2007, les franchises médicales constituaient la mesure phare de votre PLFSS pour 2008. Les conséquences en sont terribles : nous le savons, 39 % des Français environ ont renoncé à se soigner ou ont repoussé le moment de le faire. Le rapport d’évaluation de ces franchises que Mme Bachelot brandissait il y a peu dans cet hémicycle peine manifestement à en parcourir les travées, puisque nous n’avons pas encore pu le lire. Peut-être les moyens modernes de communication nous permettront-ils d’en prendre connaissance avant la fin de l’année.

S’agissant de la fragilité de vos travaux, je rappelle tout d’abord que la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes de la branche recouvrement et a déclaré ne pas être en mesure de s’exprimer sur les comptes combinés de la branche famille. Vous procédez également de manière désordonnée : vous nous annoncez pour janvier la discussion du projet de loi finalement intitulé « Hôpital, patients, santé, territoires » ou HPST – ce n’est pas le nom d’une nouvelle maladie, mais cela y ressemble.

M. Denis Jacquat. Cela pourrait le devenir ! (Sourires.)

M. Jean Mallot. En effet, si vous continuez de vous y prendre aussi bien !

Nous l’avons toujours dit, il eût été opportun de discuter de l’organisation de notre système de santé avant d’en déduire son financement. Vous n’avez manifestement pas tenu compte de cette observation.

Puisque les déficits existent et s’aggravent, il faut trouver des ressources. Qu’à cela ne tienne : les régimes complémentaires constituant pour vous une aubaine, vous augmentez la taxe sur le chiffre d’affaires « santé » des organismes complémentaires, ce qui portera son produit à 1 milliard d’euros. Il s’agit en fait de réorienter cet argent vers la CNAM, le passage par le Fonds CMU n’étant qu’un habillage. Dès lors, une question simple se pose, à laquelle vous n’avez pas encore répondu : soit il s’agit d’une arme à un coup, ce qui laissera le problème entier une fois ce milliard d’euros empoché cette année ; soit vous pérennisez ce prélèvement, dont la charge rejaillira alors fatalement, à terme, sur les assurés des régimes complémentaires concernés.

Cette forme de rapprochement entre régime obligatoire et régimes complémentaires, notamment – mais pas seulement – par le financement, m’amène à évoquer l’article 31, qui prévoit d’associer systématiquement l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire, l’UNOCAM, à la négociation des conventions médicales. La signature de l’UNOCAM est même obligatoire dans les secteurs optique et dentaire.

Nous avons discuté ce matin en commission, à propos des travaux de la MECSS sur les affections de longue durée, de cette question qui occupe de plus en plus nos esprits et nos débats : la répartition des rôles entre les régimes obligatoires et complémentaires. Nous débattions en particulier ce matin de l’éventuelle instauration du « bouclier sanitaire », donc du périmètre du fameux « reste à charge », que ce bouclier permettrait de plafonner. On peut du reste se demander pourquoi vous n’avez pas traité la question des ALD dans le cadre du PLFSS. Les propositions de M. Door, rapporteur de la MECSS sur ce sujet, auraient pu nourrir la discussion du PLFSS si elles nous étaient parvenues avant que celle-ci ne commence.

C’est regrettable, car la prise en charge des ALD est loin d’être sans effets sur le financement de l’assurance maladie : 10 millions de personnes en bénéficient, dont le nombre augmente de 4 % par an, et les dépenses engagées à ce titre atteignent 80 milliards d’euros, soit environ 65 % des remboursements effectués par l’assurance maladie. Cette prise en charge pèse donc lourd, ce qui justifie que l’on y réfléchisse.

Quant à l’instauration du bouclier sanitaire, nous allons en débattre, puisque le rapport Door – du nom de son rapporteur (Sourires) – sera bientôt publié. Je rappelle simplement que la variation du plafonnement du reste à charge en fonction du revenu de l’assuré constitue l’un des points de désaccord entre nous : le pacte de 1945 pourrait-il être remis en cause ?

Ce PLFSS n’est donc ni fait ni à faire… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Éric Woerth, ministre du budget. Encore ?

M. Jean Mallot. Dans un exposé, il faut ménager des transitions, monsieur le ministre. Vous le faites souvent ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Préel. Pour mieux conclure ?

M. Jean Mallot. Pas tout à fait : j’ai à peine utilisé la moitié de mon temps de parole, mon cher collègue !

Mon point de vue sur ce texte est manifestement partagé sur les bancs de l’UMP : les parlementaires de droite n’ont rien trouvé de mieux que de multiplier les amendements. MM. Tian, Préel ou Bur s’en sont ainsi donné à cœur joie. J’ai même compté un jour que, sur quatre-vingt-quatre amendements, seize venaient de l’opposition. C’est dire combien la droite jugeait le texte digne d’être enrichi.

M. Denis Jacquat. C’est plutôt que l’opposition n’a plus d’idées !

M. Yves Bur, rapporteur. Cela révèle votre absence d’idées, de projets, de propositions !

M. Jean Mallot. Parmi ces amendements, un amendement de suppression, qui a vécu en commission mais n’a pas survécu au débat en séance publique, tendait tout simplement à supprimer la prime transports annoncée par le Premier ministre et prévue par l’article 18.

M. Yves Bur, rapporteur. C’est de l’histoire ancienne !

M. Jean-Pierre Door. On a voyagé depuis !

M. Jean Mallot. Il ne faut jamais oublier l’histoire, mon cher collègue, si l’on ne veut pas la répéter bêtement.

Alors que le problème du pouvoir d’achat se pose de manière particulièrement vive à nos concitoyens, MM. Méhaignerie et Bur, avec quelques autres, nous ont ainsi expliqué qu’il ne fallait surtout pas instaurer cette prime et qu’il était préférable de travailler sur le salaire réel. Cela valait son pesant d’or : dans le texte sur les revenus du travail, dont nous discutions au même moment, vous faisiez tout pour substituer au salaire réel des rémunérations annexes ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous le savez parfaitement, monsieur Cherpion : vous avez fait de votre mieux pour nous convaincre du contraire, mais en vain !

Je songe également au désormais célèbre amendement Bur, qui n’était ni la première ni, sans doute, la dernière tentative de suppression du remboursement des cures thermales.

M. Yves Bur, rapporteur. De réduction de leur remboursement !

M. Jean Mallot. En effet, de 65 à 35 %.

Je l’ai dit : quand il n’y a pas grand-chose dans un texte, la droite essaie de le nourrir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La droite a donc elle-même torpillé cet amendement ; un débat interne préalable n’aurait-il pas mieux valu ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Door. Et chez vous ?

M. Benoist Apparu. Comment osez-vous parler de débat interne ?

M. Yves Bur, rapporteur. Vous péchez par omission !

M. Jean Mallot. Que n’avez-vous en outre écouté nos arguments…

M. Benoist Apparu. De qui viennent vos arguments, de Royal ou d’Aubry ?

M. Jean Mallot. …puisque nous étions favorables au maintien du taux actuel, en attendant bien entendu l’évaluation en cours ? Cela vous aurait évité de vous précipiter bêtement sur un amendement tout à fait inopportun.

M. Yves Bur, rapporteur. Vous l’avez soutenu en commission !

M. Jean Mallot. Pas du tout : j’ai voté contre ! Vérifiez le procès-verbal ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Bur, rapporteur. Il n’y en a pas !

M. le président. Seul M. Mallot a la parole. Monsieur Mallot, poursuivez, mais sans faire de provocation.

M. Jean Mallot. Je ne provoque personne !

J’ai regretté que l’UMP, si prodigue en amendements, n’en dépose aucun – contrairement à nous – tendant à accroître l’effort de prévention. On entend beaucoup de beaux discours sur la nécessité de traiter les problèmes en amont…

M. Denis Jacquat. Ce sera pour janvier !

M. Jean Mallot. Toujours plus tard ! Il faudrait faire de la prévention plus tôt ! Malgré vos discours, vous ne prenez guère de mesures en ce sens, si bien que la prévention continue de se chiffrer en millions d’euros alors que les soins curatifs représentent des milliards. Nous vous l’avons fait observer à plusieurs reprises. Inutile de reprendre un débat que vous connaissez mieux que nous : la prévention serait salutaire pour nos régimes et, naturellement, pour la santé de nos concitoyens.

J’en viens à un long chapitre de ce PLFSS : celui des retraites. Je serai bref, puisque l’un de mes collègues en parlera tout à l’heure. Sur ce point, vous n’avez rien trouvé de mieux que d’encourager le cumul emploi retraite…

M. Denis Jacquat. C’est très bien !

M. Jean Mallot. …sans doute pour adresser un message d’espoir aux jeunes qui peinent à entrer sur le marché du travail. Vous avez feint de consentir un effort – largement insuffisant – en faveur des retraites agricoles, dont le niveau minimal est porté à 633 euros, même si l’ensemble des pensions perçues est plafonné à 750 euros...

M. Denis Jacquat. Il s’agit d’une première étape ! Cela a été précisé !

M. Jean Mallot. …alors que nous vous demandons de porter ce minimum à 85 % du SMIC. Vous parlez toujours d’une première étape, mais la suite ne vient jamais !

Pour notre part, nous aurions souhaité que la retraite complémentaire obligatoire, instaurée par le gouvernement de Lionel Jospin, à l’initiative de Germinal Peiro, soit étendue aux conjoints collaborateurs et aux aides familiaux.

Pour les pensions de réversion, vous avez fait semblant de faire un geste reprenant d’une main ce que vous avez donné de l’autre. Vous avez en effet porté le taux de réversion de 54 % à 60 %, mais en instaurant des conditions telles – limite d’âge fixée à soixante-cinq ans, plafonnement des droits propres et dérivés à 800 euros – que l’effort est grandement limité.

Pour ce qui est de l’emploi des seniors – sujet majeur, vous nous l’accorderez – vous mettez en place un dispositif auquel les entreprises n’auront aucun mal à se soustraire. Le texte prévoit qu’elles devront négocier un accord collectif pour encourager l’emploi des seniors, mais il leur suffira d’annoncer un plan d’action pour échapper à la sanction d’un prélèvement de 1 % sur la masse salariale. Autrement dit, ce sera un coup d’épée dans l’eau.

Encourager l’emploi des seniors est pourtant indispensable si l’on veut éviter les conséquences de votre funeste décision de porter la durée de cotisation à quarante et une annuités, à l’heure où seuls 38,5 % de nos concitoyens occupent un emploi à l’âge de la retraite.

M. Denis Jacquat. Pourquoi funeste ?

M. Jean Mallot. La conséquence directe de l’allongement de la durée de cotisation sera la baisse du montant des pensions versées : c’est de la simple arithmétique, cher collègue !

Je ne m’étendrai pas sur la question de la pénibilité, car j’aimerais m’attarder sur les implications du fameux « amendement Jacquat » sur la retraite à soixante-dix ans. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Nous avons vu réapparaître la théorie du libre choix. Selon vous, un salarié de soixante-neuf ans serait libre de choisir de continuer à travailler ou pas. Pensez-vous vraiment que les personnes qui savent qu’elles n’auront pas les moyens de vivre si elles partent à la retraite disposent d’une quelconque liberté de choix ? Nous avons eu le même débat à propos de la participation, monsieur Cherpion : certains ont voulu faire croire qu’un salarié ayant à peine de quoi vivre avait le choix en matière de déblocage de la participation. Il en va de même pour les heures supplémentaires ou pour le travail du dimanche, dont il sera bientôt question.

Bien que j’aie été interrompu fort souvent, ce qui est bien regrettable, monsieur le président, je conclurai en soulignant que non seulement ce projet de loi n’est ni fait ni à faire mais que les quelques mesures qu’il contient sont des mesures de régression sociale : voilà pourquoi il est indispensable de voter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, contrairement à M. Mallot, j’estime que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est fait et bien fait.

Nous réglons les problèmes passés, question sur laquelle vous êtes abondamment intervenus ces derniers temps. Ainsi nous apportons une solution à la question du FFIPSA. Nous reprenons pour une large partie la dette pesante de l’État à l’égard de l’assurance maladie. Nous diversifions le financement des régimes sociaux, en particulier à travers le forfait social de 2 % – vous pouvez toujours le caricaturer, encore fallait-il l’instaurer. Nous légiférons de manière claire et nette sur les parachutes dorés, comme nous l’avions fait sur les stock-options. Nous instaurons une taxe sur les organismes complémentaires, ce qui n’est que justice. Penser le contraire est bien mal connaître le fonctionnement de la sécurité sociale, et je m’étonne de voir des députés de gauche s’ériger en défenseurs de l’assurance privée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je dois vous dire, en toute franchise, que je ne comprends pas votre volonté systématique d’affaiblir l’assurance maladie, mais vous l’expliquerez à vos électeurs. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme Jacqueline Fraysse. Assez de mensonges !

Mme Martine Billard. Quelle mauvaise foi !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Nous avons également pris des mesures de soutien à l’égard des salariés, qu’il s’agisse de l’emploi ou de la prime transport, et mis en place des exonérations pour les jeunes agriculteurs. Nous cantonnons le déficit du régime général à 10,5 milliards d’euros, alors qu’il aurait atteint 17 milliards à périmètre constant si nous n’avions rien fait. Nous permettons aux seniors de travailler dans les entreprises et d’y rester plus longtemps. Nous donnons le libre choix en matière de retraite.

M. Jean Mallot. Quel libre choix ?

Mme Martine Billard. Permettez-leur déjà de travailler jusqu’à soixante-cinq ans !

Mme Jacqueline Fraysse. Ceux de Sandouville, c’est tout de suite qu’ils veulent travailler !

M. Éric Woerth, ministre du budget. C’en est fini des retraites couperets qui laissaient les employeurs décider de mettre fin à la carrière des salariés alors même que ceux-ci souhaitaient continuer à travailler. Je connais beaucoup de personnes qui veulent prolonger leur période d’activité et je suis très étonné que les députés de l’opposition aient un tel état d’esprit. Votre volonté liberticide me sidère ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean Mallot. Vous préférez le libre choix d’être dans la misère !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Pourtant, c’est à chaque fois la même chose.

Nous appuyons le développement de la garde d’enfants chez les assistantes maternelles ou dans les crèches. Nous proposons de fixer l’ONDAM à 3,3 %, à travers des mesures maîtrisées et bien documentées dans l’annexe 9 du PLFSS. Bref, c’est un projet de loi dont les députés peuvent être fiers… (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Michèle Delaunay. Pas nous !

Mme Catherine Lemorton. En seront-ils encore fiers dans un an ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Oui, fiers car ils l’ont amendé, souvent brillamment.

À l’issue de la commission mixte paritaire, vous êtes parvenus à des équilibres sur lesquels j’aimerais insister.

En matière d’assurance maladie, vous avez fixé la date de la généralisation de la facturation directe des hôpitaux au 1er juillet 2011. C’est un objectif ambitieux, compte tenu des délais qui s’imposent pour préparer cette réforme complexe et de la nécessité de la mettre en œuvre dans l’ensemble des établissements de santé. Je précise que, dès l’année prochaine, la facturation directe sera expérimentée dans certains établissements.

Vous avez revu sensiblement le crédit d’impôt pour les familles afin de le resserrer, en faisant un véritable outil au service du développement de la garde d’enfant, qui est une nécessité absolue, conformément à la vocation initiale de ce dispositif. Vous améliorez sa portée et son efficacité en portant ce crédit de 25 % à 50 % pour les crèches d’entreprises et en prévoyant une sortie progressive des dépenses liées aux congé parental et au congé de paternité. Le Gouvernement présentera un amendement pour lever le gage sur ces dispositions.

Vous avez également choisi, mesdames, messieurs les députés, d’augmenter la cotisation sur les alcools forts, disposition votée contre l’avis du Gouvernement à l’Assemblée, supprimée au Sénat et réintroduite en commission mixte paritaire. Je prends acte de votre accord et vous proposerai d’en tirer les conséquences pour ce qui est des prévisions de recettes et de déficits par le biais de quelques amendements de coordination purement techniques.

Le déficit du régime général et de la sécurité sociale s’établirait donc à 10,5 milliards d’euros en 2009 alors que, à périmètre constant, il aurait atteint 17 milliards d’euros, je le répète. À cet égard, je rappellerai que si, pendant la période 2001-2003, les comptes de l’assurance maladie ont presque connu l’équilibre, c’est uniquement grâce aux recettes, soutenues par un taux de croissance exceptionnel, et en aucun cas par des réformes structurelles. On peut le déplorer, car il est plus facile de mener de telles réformes lorsqu’on en a les moyens. Notre tâche, compte tenu de la conjoncture actuelle, est beaucoup plus difficile.

Je vous proposerai un autre amendement pour revoir à la hausse les crédits budgétaires affectés à la compensation des exonérations. Compte tenu des débats sur la mission « Travail et emploi » dans le cadre du projet de loi de finances, il convient de les majorer de 100 millions d’euros pour les porter à 3,5 milliards. Mon objectif est, vous le savez, de poursuivre la clarification des relations financières entre l'État et la sécurité sociale. Une budgétisation sincère est l’un des éléments forts de notre politique. Les crédits ouverts et les apurements de dettes dans le projet de loi de finances rectificative pour 2008 sont un autre signe tangible de cette volonté forte. L’État fait ainsi un effort de 1,7 milliard d'euros pour clarifier ses relations financières avec la sécurité sociale et il poursuivra dans cette voie.

Je suis également très attentif à la situation financière et à la gestion de trésorerie de la sécurité sociale en cette période de crise. Je souhaite commencer dès le mois prochain la reprise de la dette sociale par la CADES – question à laquelle vous êtes tous sensibles –, à hauteur de 10 milliards d’euros. La CADES dispose des sommes nécessaires, ce qui nous permettra d’aller plus vite que prévu. Cette reprise anticipée aura deux conséquences : elle donnera à l'ACOSS la possibilité d'améliorer plus rapidement sa situation de trésorerie et permettra aussi de moins peser sur le marché des liquidités à court terme, dont on sait combien il est perturbé actuellement.

Mesdames et messieurs les députés, vous le voyez, ce projet de loi conforte et diversifie le financement de la sécurité sociale, renforce les instruments de gestion pour que la dépense soit efficace, utile et juste.

M. Jean Mallot. Juste ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Oui, la justice sociale a une véritable signification dans l’esprit de la majorité !

Avec Roselyne Bachelot et Xavier Bertrand, nous maintenons l'effort de maîtrise des dépenses : l'ONDAM devra être tenu à 3,3 %, un défi que nous saurons relever.

Enfin, permettez-moi de remercier les députés qui ont participé à ce débat riche, sérieux et animé, M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales, ainsi que les rapporteurs, Mme Marie-Anne Montchamp, M. Jean-Pierre Door, M. Yves Bur, M. Denis Jacquat et M. Hervé Féron.

Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, mais aussi celles que j’ai omis de rappeler, je vous invite, mesdames, messieurs les députés, à voter sans réserve ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc arrivés au terme de nos débats puisqu'un accord a été obtenu en CMP. Le Gouvernement a toutefois déposé sept amendements à la dernière minute, que je viens de découvrir. Cela signifierait-il qu’il n’est pas satisfait du travail des parlementaires ?

Toujours est-il que nous allons, dans quelques instants, nous prononcer sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui prévoit pour 2009 la somme considérable de 442 milliards d'euros destinée à financer les retraites du régime général, la politique familiale et les dépenses de santé remboursées par le régime général. Il est donc heureux que la question préalable n’ait pas été adoptée : dans quelle situation nous trouverions-nous si tel avait été le cas ?

S'il ne résout pas tous les problèmes, notamment dans le domaine de la santé, ce projet de loi, peu modifié par le Sénat, comporte de nombreuses avancées : recherche de l'efficience pour l’assurance maladie, prise en compte du déficit du régime général et du FFIPSA, améliorations pour les petites retraites, notamment agricoles, les pensions de réversion les plus modestes, employabilité des seniors, création de lits et de places pour les personnes dépendantes ainsi que pour la garde des enfants.

Toutefois, en raison de la crise financière mondiale, le contexte économique est particulièrement incertain et les bases retenues pour les recettes nous plongent dans une certaine perplexité. Elles ont certes été revues lors du débat au Sénat, mais je regrette qu’une telle révision ne soit pas intervenue plus tôt, car, le 28 octobre, nous savions déjà que les prévisions de croissance ne pourraient être respectées. Pour 2009, elles sont donc passées de 1 % à 0,5 % et la masse salariale de 3,5 % à 2,75 %. Et ces projections sont sans doute encore optimistes, si l'on en croit les prévisionnistes, même si nous espérons tous une reprise rapide.

Vous avez pris la décision, que nous avons saluée, de financer les dettes accumulées. La CADES reprend les déficits des régimes généraux et du FSV pour 26 milliards, conformément aux vœux depuis longtemps formulés par le Nouveau Centre. Nous avons toutefois deux regrets. Premièrement, au lieu d'augmenter en toute logique la CRDS de 0,2 % et de diminuer la CSG dans les mêmes proportions, vous avez choisi de mettre en place un système de tuyauterie en transférant 0,2 % de CSG du FSV à la CADES, mettant le Fonds de solidarité vieillesse en déficit. Deuxièmement, vous ne prévoyez pas la reprise du déficit 2009, qui sera au minimum de 11 milliards. Vous avez revu les recettes à la baisse et choisi de laisser augmenter le déficit, recréant des frais financiers que vous vouliez diminuer de 1,1 milliard, en transférant le déficit à la CADES.

Cela étant, j'approuve, au nom du Nouveau Centre, la reprise par l'État du déficit de 7,5 milliards du FFIPSA et la disparition de ce même fonds.

La branche maladie du régime agricole va être adossée à la CNAM. Au cours du débat, je vous ai interrogé sur le devenir de la retraite, mais je n’ai pas obtenu de réponse claire, ce que je regrette.

Ce texte prévoit cependant de nouvelles recettes. Ainsi, la taxe sur le chiffre d’affaires des complémentaires santé, dont le taux passe de 2,5 % à 5,9 %, devrait rapporter 1 milliard d’euros. Nous avons compris qu’elle serait pérennisée : elle risque donc d’entraîner une augmentation des cotisations. Le forfait social de 2 % sur l’intéressement et la participation devrait rapporter 400 millions d’euros. L’augmentation de 0,3 % des cotisations retraite devrait être compensée par une diminution de la cotisation chômage. Il s’agit en principe d’une décision des partenaires sociaux, mais le contexte actuel, marqué par une remontée du chômage, n’est peut-être pas très favorable.

Notre préoccupation majeure est bien celle de l’équilibre financier général qui devait être atteint en 2007, grâce aux réformes des retraites et de la maladie de 2003 et 2004. Hélas, il n’en a rien été.

Bien plus, nous votons dans l’indifférence quasi-générale un article relatif aux prévisions de dépenses et de recettes pour les quatre prochaines années. Cet article, qui n’a pratiquement pas été discuté, prévoit pourtant, en se fondant sur des données économiques très optimistes, un déficit cumulé de 21 milliards en 2012. Est-ce acceptable ? Comment sera-t-il financé ? Devrons-nous le transmettre à nos enfants ?

M. Jean Mallot. Et à nos petits-enfants ?

M. Jean-Luc Préel. Nous n’avons eu aucune réponse. Il convient pourtant, comme le dit Yves Bur avec constance, de prendre des mesures.

En ce qui concerne la retraite, le Nouveau Centre propose un régime général universel par points, géré par les partenaires sociaux, ce qui permettrait l’équilibre.

Il est indispensable de voter des lois de financement sans déficit, c’est-à-dire d’adapter les recettes aux dépenses. Il n’est pas acceptable de laisser croître les déficits année après année.

L’article essentiel de ce projet loi concerne l’assurance maladie, avec la fixation de l’ONDAM à 157 milliards. Je regrette toujours que nous ne discutions que des dépenses remboursables par le régime général et non de la prise en compte de la santé du pays. De même, je déplore que l’ONDAM ne soit toujours pas établi sur des bases médicales et qu’il soit régulièrement dépassé.

Cette année, son augmentation globale de 3,3 %, dont 3,1 % pour les établissements, est sans doute plus réaliste, même si la plupart des hôpitaux connaissent des déficits de l’ordre de 800 millions et que 75 % de leurs dépenses correspondent à des dépenses de personnel sous statut de la fonction publique. Cela leur laisse peu de marge de manœuvre, d’autant que, chaque année, des mesures nouvelles leur sont imposées sans le financement correspondant.

Malheureusement, le texte prévoit toujours de voter des sous-objectifs. J’attends beaucoup de la prochaine création des ARS qui devrait aboutir à un responsable unique de la santé au niveau régional, pour la prévention, le réseau de soins ville-hôpital, le volet sanitaire du médico-social et, je l’espère, la formation des professionnels de santé.

Pour que cette réforme ait un sens, il convient de clarifier la gouvernance nationale et les relations avec la CNAM, mais il est également essentiel que nous votions, non pas des sous-objectifs nationaux pour la ville, les établissements, le médicament et le médico-social, mais une enveloppe régionale calculée sur des critères objectifs et mise à la disposition de chaque ARS. Dans le cas contraire, cette réforme accoucherait au mieux d’une souris.

En ce qui concerne les anciens et les personnes dépendantes, je me réjouis de l’augmentation des places en services de soins à domicile et en EHPAD ainsi que de la poursuite des aides à l’investissement.

L’article visant à intégrer les médicaments dans le forfait soins a été réécrit. Il prévoit une expérimentation avec des établissements volontaires. Mais je ne suis pas certain qu’il y en ait beaucoup.

M. Gérard Bapt. Il n’y en a pas !

M. Jean-Luc Préel. La iatrogénie et la polyprescription pour tous nos concitoyens, et surtout les anciens, est un réel problème. Mais il ne peut être résolu que par les référentiels des bonnes pratiques médicales, le bon usage des médicaments et le dossier pharmaceutique. La dispensation des médicaments serait d’ailleurs grandement améliorée par la généralisation des blisters.

La branche retraite voit ses déficits se creuser pour des problèmes démographiques. Nous sommes tous attachés à la retraite par répartition. Les réformes récentes ne permettent pas d’assurer l’équilibre. Un régime universel géré directement par les partenaires sociaux et par points permettrait de le résoudre.

Nous approuvons les mesures concernant les petites retraites, notamment agricoles, l’employabilité des seniors et notamment la suppression des restrictions du cumul emploi-retraite, la possibilité de poursuivre son activité au-delà de soixante-cinq ans, la reconduction du dispositif de retraite anticipée, la revalorisation de la surcote. Il s’agit globalement de donner plus de liberté à chacun d’entre nous.

M. Jean Mallot. Ah, la liberté !

M. Jean-Luc Préel. J’approuve également les mesures concernant les pensions de réversion des plus modestes. Toutefois, vous prévoyez de rétablir la condition d’âge et de maintenir l’assurance veuvage. Cette pension de réversion devient de plus en plus une aide sociale ne correspondant pas à un droit acquis par les cotisations du conjoint décédé. Le pourcentage de 54 ou 60 % n’a donc pas grande signification tant que le plafond de ressources n’est pas modifié.

Enfin, je salue toute une série de mesures bienvenues concernant la garde des enfants, comme le développement des crèches et l’autorisation pour les assistantes maternelles de se regrouper et de garder quatre enfants.

Ce projet de loi, présenté dans une conjoncture économique difficile sur des bases incertaines, comporte de nombreux progrès, notamment la reprise de la dette, même si rien n’est prévu pour le déficit 2009 et pour voter demain des lois de financement en équilibre.

Bien sûr, ce texte ne résout pas tous les problèmes qui se posent à notre pays. Bientôt, nous examinerons le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires », qui comporte notamment la création des ARS permettant une meilleure organisation de notre système de santé. Il conviendra d’abandonner les sous-objectifs nationaux, de prévoir des objectifs régionaux et de créer de véritables conseils régionaux de santé pour responsabiliser tous les acteurs de la santé en les associant aux décisions en amont et à la gestion, permettant ainsi une réelle maîtrise médicalisée.

Je souhaite également que nous mettions en place un régime universel de retraite par points géré par les partenaires sociaux.

Compte tenu de ces remarques, le groupe Nouveau Centre votera le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, à moins que les sept amendements du Gouvernement ne remettent en cause l’équilibre obtenu par la CMP, ce que je ne pense pas puisqu’il ne s’agit, semble-t-il, que d’amendements techniques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Issindou. Méfions-nous des amendements techniques !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Vasseur.

Mme Isabelle Vasseur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons donc aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. C’est ainsi que se termine un long travail autour d’un texte qui vise, d’une part, à assurer l’équilibre des comptes pour 2012 et, d’autre part, à garantir la solidarité nationale en matière sociale, tout en confirmant la performance de notre système de santé.

Je le répète, ce texte est réaliste et juste : le Gouvernement joue cartes sur table, sans chercher à tromper, par un théâtre de douces illusions, la représentation nationale.

Les chiffres de la dette, du déficit et des différentes branches sociales ont été ajustés par rapport à vos premières déclarations, monsieur le ministre, car le Gouvernement sait prendre en compte les difficultés et les premières retombées de la crise économique.

L’opposition devrait se réjouir de cette transparence, plutôt que de se prendre pour Cassandre entre deux invectives, comme l’a fait hier, en commission mixte paritaire, une collègue de l’opposition qui prétendait que les montants de la dette seraient, dans les faits, probablement le double de ce qui est annoncé.

M. Jean Mallot. C’est probable, en effet !

Mme Isabelle Vasseur. Une fois de plus, elle n’a apporté aucune preuve à l’appui de ses allégations Je le dis tout simplement à nos collègues socialistes, et sans aucune provocation, il ne faut pas voir des mauvais comptages partout. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Ce projet est également juste dans la mesure où les assurés ne se voient pas demander de contribution supplémentaire, alors même que notre système social est amélioré. Il permet d’introduire un peu plus de liberté, notamment celle de travailler plus longtemps si on le souhaite. Nous avons besoin de libérer les énergies.

Le travail parlementaire a permis de clarifier le texte, de l’affiner et de trouver les compromis nécessaires pour l’intérêt général. C’est probablement la raison pour laquelle la majorité a proposé de nombreux amendements. On en attendait autant de l’opposition, mais il semble qu’ils soient beaucoup plus longs à venir !

M. Jean Mallot. Nous avons présenté de bons amendements que vous n’avez pas votés, et vous des mauvais !

Mme Isabelle Vasseur. Quelques exemples parmi tant d’autres : une véritable mesure de santé publique avec la lutte contre la iatrogénie dans les EPHAD ; la revalorisation des retraites agricoles ; l’extension de la prime transport ; la remise d’un rapport, avant chaque nouvelle étude du PLFSS, sur la situation financière des organismes complémentaires d’assurance maladie.

Ce projet de budget permet également de régler quelques injustices flagrantes : la lutte contre les fraudes est accentuée et mieux organisée – c’est une grande satisfaction pour l’ensemble des hommes de bonne volonté ; la fin de certaines dispositions touchant essentiellement nos régimes juridiques en outre-mer.

Depuis le début de l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, j’entends beaucoup l’opposition évoquer les prétendues injustices de notre politique.

M. Jean Mallot. C’est évident !

Mme Isabelle Vasseur. Selon Aristote, « la plus grande des injustices est de traiter de façon égale des choses inégales ». Et, d’après les propos tenus sur les bancs de la gauche, c’est bien ce qu’elle nous propose.

Nous souhaitons, en ce qui nous concerne, continuer à donner à tous les Français un système de santé publique de qualité, sans oublier de souligner l’exceptionnel engagement des professionnels de santé. Nous souhaitons aider davantage ceux qui, parce qu’ils travaillent, ne peuvent garder leurs enfants. Nous souhaitons soutenir encore plus les personnes âgées isolées, car elles ont sans doute plus de mal que les autres à vivre dans notre société.

Il y a, dans la vision du Président de la République, du Gouvernement et de la majorité, une ligne directrice : favoriser le développement de chaque homme et de chaque femme de ce pays, de l’aider à vivre debout. À cet égard, monsieur le ministre, je rejoins vos propos sur la justice sociale. L’assistanat n’est pas notre politique.

Le débat sur la réforme de l’hôpital viendra avec le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires » que Mme Roselyne Bachelot présentera au Parlement dans quelques semaines. Ce texte sera un temps fort et, je l’espère, le moment, pour chaque parlementaire, de mettre en avant ses propositions. Nous attendons les vôtres, chers collègues de l’opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale s’est réunie hier, et, comme M. Préel, je m’insurge contre l’apparition, aujourd’hui, d’un nombre important d’amendements gouvernementaux que nous n’avons pas pu examiner.

M. Éric Woerth, ministre du budget. Ce ne sont pas des amendements surprenants !

Mme Catherine Génisson. Lors de l’examen de ce texte en première lecture, nous avons sans cesse dénoncé l’insincérité du budget qui nous était présenté. La démonstration reste totalement valide pour le texte issu de la commission mixte paritaire.

Comment vous croire, monsieur le ministre, quand, après avoir travaillé sur l’hypothèse irréaliste d’un déficit de la sécurité sociale à 8,6 milliards, vous annoncez aujourd’hui, de façon tout aussi surréaliste, un déficit de 10,5 milliards, dans le contexte économique et social que nous connaissons ?

Comment vous croire, monsieur le ministre, alors que nous avons travaillé sur une hypothèse de croissance de 1 %, considérée aujourd’hui comme totalement incertaine par Mme la ministre de l’économie ?

Comment vous croire, monsieur le ministre, quand vous prévoyez des recettes de cotisations sociales fondées sur l’hypothèse d’une augmentation de la masse salariale de 3,5 %, alors que les annonces de licenciements massifs se multiplient et que vous vous apprêtez à annoncer, pour le mois d’octobre, une hausse du chômage supérieure à celle du mois d’août ?

Dans le même temps, vous avez systématiquement refusé les nombreuses propositions faites par le groupe socialiste,...

M. Jean Mallot. Eh oui !

Mme Catherine Génisson. ...notamment celle qui viserait à apurer, une fois pour toutes, la dette de la sécurité sociale et qui, par là même, supprimerait la charge de la dette.

M. Michel Issindou et M. Jean Mallot. Très bien !

Mme Catherine Génisson. Cette proposition aurait l’immense mérite de lancer enfin un vrai débat de fond sur notre système de protection sociale et de faire preuve de davantage de solidarité à l’égard des générations futures, comme l’a souligné notre rapporteur Yves Bur.

Vous avez également refusé tout débat sur les exonérations de cotisations sociales, alors qu’elles ne répondent à aucune contrepartie. Du reste, je rappelle que, depuis la loi Fillon de 2003, ces compensations ne remboursent plus les exonérations prévues par la loi sur les 35 heures.

Pour expliquer la situation financière dramatique de notre protection sociale, vous invoquez la crise économique, mais tous les déficits accumulés sont la conséquence de l’incurie de la politique menée depuis plus de six ans.

Mme Isabelle Vasseur. Comme vous y allez !

M. Jean Mallot. Elle a raison !

Mme Catherine Génisson. C’est la réalité : une politique dure avec les faibles, accompagnatrice des puissants.

En 2003, lors de la réforme de l’assurance maladie, vous assuriez que nous parviendrions à l’équilibre en 2007. Aujourd’hui, l’équilibre est renvoyé à 2012. Quelle crédibilité pensez-vous avoir vis-à-vis de nos concitoyens…

M. Jean Mallot. Aucune !

Mme Catherine Génisson. …quand votre bilan catastrophique illustre l’incurie de votre politique ?

Mme Isabelle Vasseur. Vous aimez bien ce mot !

Mme Catherine Génisson. Dans ce PLFSS 2009, vous suivez le fil conducteur de votre politique : l'injustice sociale. Ainsi, vous avez trouvé 360 milliards d'euros pour garantir notre système bancaire, et vous refusez de dégager les milliards nécessaires à la sauvegarde de notre système de protection sociale.

C’est l’injustice sociale qui vous guide encore lorsque vous décidez le transfert de 27 milliards de dettes sur les générations futures pour tenter de masquer, une fois de plus, les dégâts de votre politique à court terme.

C’est toujours l’injustice sociale que vous poursuivez quand vous décidez de taxer les mutuelles à hauteur de 1 milliard d'euros, ce qui se répercutera inévitablement sur les patients, avec des augmentations de cotisations ou des diminutions de prestations, comme les mutuelles nous l’ont écrit.

Mme Michèle Delaunay. Eh oui !

M. Yves Bur, rapporteur. Interrogez-les sur leurs réserves ! J’ai l’impression que vous êtes autiste, madame.

Mme Catherine Génisson. Je ne reviens pas sur le débat évoqué par mon collègue Jean Mallot sur la frontière entre le régime général obligatoire et les régimes complémentaires. Ce débat-là, vous l’avez saboté, alors qu’il est fondamental.

M. Jean Mallot. Très juste !

Mme Catherine Génisson. Notre groupe continue d’affirmer la prééminence du régime général obligatoire tout en étant conscient que nous devons avoir une négociation avec les complémentaires.

M. Jean Mallot. Très bien !

Mme Catherine Génisson. Vous avez passé beaucoup de temps à nous expliquer que nos concitoyens ne seraient pas touchés par les mesures d’économies que vous proposez. De tels propos sont insincères, puisque ce sont toujours les patients qui paient, en particulier les plus fragiles d’entre eux, et que, dans le même temps, vous restez sourd aux propositions que nous faisons sur la taxation des stock-options, des parachutes dorés. Vous épargnez les puissants, vous fragilisez encore plus les précaires : il y a, toujours, deux poids, deux mesures.

M. Michel Issindou. Eh oui !

Mme Catherine Génisson. Les députés socialistes vous le disent : ce sont les patients qui paient, une fois de plus, l'échec de votre politique, à l'image de ce qui s’est produit l’année dernière avec l'instauration des franchises médicales, véritable impôt sur les malades. Malgré la vigueur des dénégations de Mme Bachelot, cette mesure a provoqué des retards, voire des retraits de soins.

Je veux une fois de plus évoquer l'étude du Secours populaire qui nous apprend que 40 % des Français ont déjà renoncé à un soin ou retardé un soin en raison de son coût : cela concerne notamment les achats de médicaments, de lunettes ou de prothèses dentaires ou les consultations chez les spécialistes et les généralistes.

Les effets néfastes de votre politique de santé se font sentir dans tous les secteurs, touchent tous les acteurs.

C’est encore l’injustice sociale qui touche les hôpitaux publics, lesquels connaissent des déficits considérables, dépassant 660 millions d'euros. Le taux de progression de l'objectif national des dépenses de santé pour l'assurance maladie a été fixé à 3,1 % pour l'hôpital : n’y a-t-il pas là une nouvelle illustration de la virtualité des annonces du Gouvernement, puisque cela ne représente que 1 % de plus que ce qu’exige la reconduction des moyens existants en raison de la progression de la masse salariale ? Comptez-vous diminuer le nombre de salariés de l’hôpital public ?

À propos de l’hôpital public, je veux réaffirmer ici notre opposition à la convergence des tarifications à l’activité entre l’hôpital public et l’hôpital privé tant que ne seront pas totalement intégrées les spécificités des devoirs de l’hôpital public et pris en compte tous les coûts de l’hôpital privé.

M. Gérard Bapt. Très bien !

Mme Catherine Génisson. Enfin, l’injustice sociale sépare également les territoires en matière de médicalisation, que ce soit en milieu rural ou dans les banlieues. Vous n’avez pas anticipé les bouleversements sociologiques de fonctionnement de la médecine générale et vous vous montrez d’une terrible timidité alors même que de récents rapports – ceux de M. Colombier, de M. Christian Paul ou de M. Bernier – faisaient des propositions intéressantes pour pallier ces manques.

Tout au long des débats parlementaires, jusqu'à la commission mixte paritaire d'hier, les parlementaires socialistes ont fait des propositions pour tenter d'atténuer les effets néfastes de votre politique : elles ont toutes été écartées. Une fois de plus, monsieur le ministre, vous ne respectez pas la représentation nationale, puisque de nombreux amendements adoptés en commission par votre propre majorité, au Sénat ou à l'Assemblée, ont été rejetés.

M. Denis Jacquat. Certains de nos amendements ont également été repoussés, madame !

M. Jean Mallot. Le Gouvernement méprise la représentation nationale !

Mme Catherine Génisson. Votre projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 est le budget de l’injustice sociale. Vous menez une politique clientéliste, fondée sur l'injustice sociale.

Mme Isabelle Vasseur. Bien sûr…

Mme Catherine Génisson. Vous n’engagez pas les réformes nécessaires, vous conduisez une politique à courte vue. Votre immobilisme aboutira à la mise à bas de notre système de protection sociale. Vous laissez filer les déficits pour mieux tenter d'imposer vos potions amères ultralibérales. Et vous ne tirez aucune leçon de la crise systémique que nous traversons aujourd’hui.

Soyez assurés, monsieur le ministre, de la très forte mobilisation de notre groupe politique lors des futurs débats sur le projet de loi Hôpital, patients, santé et territoires. Nos concitoyens peuvent compter sur notre mobilisation sans faille pour maintenir notre système de protection sociale. Je vous le dis avec détermination : le groupe socialiste, radical et citoyen, votera contre le PLFSS pour 2009. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Permettez-moi, avant de commencer, de regretter que, une fois de plus, le texte de la CMP n’ait été mis en ligne qu’à quatorze heures trente.

Mme Isabelle Vasseur. Ce n’est pas vrai !

Mme Martine Billard. Cela n’améliore pas les conditions de travail de cette assemblée.

Monsieur le ministre, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale s'inscrit dans la lignée de votre politique de pénurie. Sans proposition de financement pérenne assis sur la production de richesses, qui pourtant ne font pas défaut dans notre pays, notre protection sociale manque de moyens. Sans politique de santé publique environnementale réduisant l'exposition à des substances chimiques ou aux radiations, à l'origine notamment de l'épidémie de cancers de ces vingt dernières années ainsi que d’atteintes neurologiques nouvelles et de la baisse de la fertilité masculine, l'augmentation des dépenses de santé est inéluctable.

Lors de l'examen de ce texte en première lecture, j'insistais, parmi ses défauts majeurs, sur le refus de prendre en compte la crise économique mondiale et ses conséquences sociales dans les prévisions budgétaires. Mais, sitôt le projet de loi adopté par notre assemblée, le Gouvernement rectifiait à la baisse ses chiffres de recettes et revoyait à la hausse le solde des déficits des comptes sociaux. Aujourd'hui encore, la Commission des comptes de la sécurité sociale a indiqué que la masse salariale, principale source des recettes, a poursuivi son ralentissement en 2008.

Ainsi, pour l'année 2008 en cours, l'article 3 table sur 400 millions de recettes de moins, toutes branches confondues, pour l'ensemble des régimes. Pour les comptes 2009, la révision des recettes est encore plus drastique, puisque leur diminution devrait être de 2,7 milliards d'euros. Le déficit des comptes sociaux va donc se creuser encore plus fortement, avec une prévision de déficit de l'ensemble des régimes de base qui passe de 1,9 milliard d'euros à 11,5 milliards. Pour le seul régime général, il sera non de 8,6 milliards mais de 10,7 milliards. Où sont passées vos promesses de 2004 de retour à l'équilibre des caisses pour 2007 ?

Vous transférez 26,6 milliards d'euros de dettes accumulées par le régime général à la CADES en le finançant par le transfert d'une part de CSG du Fonds de solidarité vieillesse à la CADES. Le FSV se retrouve ainsi en déficit à un moment où ses charges risquent d'augmenter, compte tenu de la situation économique.

M. Gérard Bapt. Comme le sapeur Camember, qui bouche un trou en en creusant un autre !

Mme Martine Billard. Seules les exonérations de cotisations patronales progressent, et dans des proportions remarquables, puisqu'elles devraient atteindre 42 milliards d'euros l'an prochain, soit une augmentation de plus de 30 %. Une bonne partie, non compensée par l'État, viendra aggraver la situation financière des caisses.

Les stock-options, parachutes dorés et retraites chapeaux ont encore de beaux jours devant eux puisque vous continuez à refuser de les soumettre aux mêmes cotisations sociales que les revenus du travail. Ainsi, il faudra percevoir un parachute doré supérieur à 1 million d'euros, soit quatre-vingt-dix ans de SMIC, pour payer une cotisation sociale dès le premier euro.

M. Roland Muzeau. Les pauvres malheureux !

Mme Martine Billard. Ce n’est vraiment pas la valeur travail que vous défendez, c’est la valeur capital.

M. Jean Mallot. Tout à fait !

Mme Martine Billard. De même, la majorité dorlote les riches avocats d'affaires associés à des cabinets étrangers qui ne s'acquitteront de la CSG et de la CRDS que dans la limite de 166 000 euros de rémunération annuelle. Il est particulièrement choquant que des avocats d'affaires pouvant gagner entre 1 à 2 millions d'euros par an – mais ce serait pareil avec d’autres catégories – ne contribuent pas à l'effort national pour redresser les comptes sociaux, alors qu'ils peuvent profiter du système de protection sociale comme tout le monde. Ce plafonnement fait perdre la bagatelle de 150 millions d'euros par an aux comptes de la sécurité sociale.

Certes, vous créez un forfait social de 2 % à la charge de l'employeur, mais l'assiette est limitée. Vous prévoyez une hausse des cotisations retraites, compensée, dites-vous, par une baisse à venir des cotisations chômage, mais la méthode est pour le moins surprenante, étant donné que le niveau des cotisations chômage relève des négociations UNEDIC, non du Gouvernement. Or ces négociations n'ont pas encore abouti alors que le chômage repart dramatiquement à la hausse, comme l'ont reconnu M. Wauquiez et Mme Lagarde aujourd'hui.

M. Gérard Bapt. Bien obligés !

Mme Martine Billard. Le Gouvernement annonce déjà – il est coutumier du fait – ce qu'il a décidé à la place des partenaires sociaux !

Vous proposez que le Fonds de financement de la CMU complémentaire soit dorénavant abondé par l'augmentation du prélèvement sur le chiffre d'affaires des assurances complémentaires, pour 1 milliard chaque année. Contrairement à ce que vous affirmez, cela conduira à terme au renchérissement du montant des cotisations, cela a été souligné par les mutuelles et les assurances. Une fois de plus, les personnes les moins favorisées seront les premières touchées. Comment ignorer, comme le relève la Cour des comptes, que ces primes d'assurance « représentent 10 % du revenu des ménages les plus pauvres et moins de 3 % pour les ménages les plus riches » ? Le taux d'effort des premiers est trois fois plus élevé que celui des seconds.

Pour élargir le financement, le groupe GDR avait proposé, par des amendements, l'harmonisation du taux de prélèvement de la contribution sur le chiffre d'affaires des industries pharmaceutiques avec celui du prélèvement sur les complémentaires, ces industries étant les premières à bénéficier de l'augmentation de la consommation des médicaments. Vous avez refusé, de même que vous avez refusé de rétablir le taux de cette contribution au niveau de 1,76 %, tel qu'il était avant 2006, vous contentant de le relever de 1 %.

Faute de nouvelles recettes, plusieurs domaines d'intervention financés par l'assurance maladie sont sinistrés. Les crédits pour les bonnes pratiques – réseaux de santé, maisons de santé, égalité territoriale d'accès aux soins – sont en baisse, et l'hôpital public est de plus en plus étranglé par la convergence tarifaire.

Dans le même temps, vous limitez la contribution des employeurs au Fonds de cessation anticipé d’activité des travailleurs de l'amiante. Où sont passés vos beaux discours sur la nécessaire responsabilisation ?

M. Roland Muzeau. Exactement !

Mme Martine Billard. L'an dernier encore, vous avez refusé d'exempter les travailleurs amiantés du paiement des franchises médicales, au nom de cette fallacieuse responsabilisation. En revanche, les employeurs qui ont sciemment exposé leurs salariés au risque sanitaire, eux, ne contribueront plus spécifiquement au financement du dispositif des retraites anticipées.

Vous continuez à ne vous attaquer ni à la fraude fiscale, dont le montant se situe entre 20 et 25 milliards d'euros par an, ni aux employeurs qui ne déclarent pas les accidents du travail et les maladies professionnelles. En revanche, vous traquez de façon inique les plus modestes et les plus précaires, bénéficiaires de la CMU complémentaire, de l'aide médicale d'État ou du RSA à peine créé : s’ils ne répondent pas, dans ce que vous appelez des « délais raisonnables », au premier courrier, ils seront sanctionnés. Une fois de plus, ce seront les plus pauvres qui vont payer le plus.

M. Roland Muzeau. Eh oui !

Mme Martine Billard. Les dispositifs concernant la branche vieillesse vont bien au-delà d'une simple loi de financement de la sécurité sociale : c'est une véritable loi « retraites » qui ne veut pas dire son nom !

Le Gouvernement et sa majorité ont une fois de plus choisi de légiférer sans respecter la procédure de négociations avec les partenaires sociaux.

M. Christian Eckert. Eh oui !

Mme Martine Billard. L'atterrissage quant aux promesses du Président Sarkozy sur l'augmentation des petites retraites est rude : l'augmentation du minimum vieillesse ne concerne que les personnes seules, pas les couples.

M. Denis Jacquat. Cela va venir !

Mme Martine Billard. Parce que votre tuyauterie budgétaire diminue les contributions au Fonds de solidarité vieillesse, les belles déclarations accouchent forcément de mesures décevantes.

Quant aux pensions de retraites minimum, dites « minimum contributif », elles ne seront plus majorées pour les retraités dont la durée d'assurance ne comptera pas assez de trimestres cotisés – vingt-cinq ou trente ans, il faudra attendre le décret pour le savoir. Vous augmentez les pensions de réversion après soixante-cinq ans à partir de 2010, mais vous rétablissez la condition d'âge qui avait été abrogée lors de la réforme de 2003. Vous introduisez la possibilité de validation d'un trimestre par période de quatre-vingt-dix jours d'affiliation pour les professions non salariées artisanales, industrielles et commerciales, mais nos collègues sénateurs ont exclu que cette validation de trimestres permette d'accéder au dispositif « carrières longues » ou à la surcote.

Vous cherchez par tous les moyens à miner notre système solidaire de retraites par répartition.

M. Christian Eckert. Eh oui !

Mme Martine Billard. La CMP a maintenu, et même étendu, l'amendement de nos collègues sénateurs qui commande auprès du Conseil d’orientation des retraites, pour février 2010, une étude sur le remplacement du système de calcul par annuités par celui des « comptes notionnels de retraite », c'est-à-dire l'instauration de la retraite par points, pour l'ensemble des régimes de base obligatoires de retraites. Notre rapporteur n'a pas caché en CMP qu'il s'agissait, ni plus ni moins, de « préparer une réforme d'ampleur du système de retraite ».

L’article 52 bis A prévoit donc que vous pourrez faire passer en force l’instauration de la retraite par points, au détour du vote du budget de la sécurité sociale pour 2011.

J’en viens aux fameux soixante-dix ans.

M. Jean Mallot. Ah !

Mme Martine Billard. Pour le cumul emploi-retraite, le PLFSS d’origine avait supprimé toute limitation. Mais, à la suite des protestations patronales, l’amendement Jacquat présenté nuitamment (« L’amendement scélérat ! » sur les bancs des groupes GDR et SRC) limite cette possibilité à soixante-dix ans si l’employeur s’oppose à la poursuite de l’activité salariale au-delà de cet âge, et ce au moment même où un rapport démontre que l’espérance de vie en bonne santé est de soixante-huit ans pour les hommes et de soixante-neuf ans pour les femmes. Je m’obstine pourtant à vous répéter depuis des années que l’allongement de l’espérance de vie ne coïncide pas nécessairement avec celle des capacités de travail. Malgré ce rapport, vous refusez d’en tenir compte.

Alors que le chômage repart à la hausse, que les jeunes galèrent d’emplois précaires en emplois précaires, que les seniors n’arrivent pas à travailler jusqu’à l’âge de la retraite, vous allez expliquer aux demandeurs d’emploi que des personnes de plus de soixante-cinq ans peuvent cumuler salaire intégral et pension de retraite intégrale. Si le problème est celui de l’emploi des seniors, particulièrement bas en France, commencez par prendre des mesures pour maintenir dans l’emploi des personnes entre cinquante-cinq et soixante-quatre ans !

Par ailleurs, vous reculez l’âge de la retraite d’autres catégories.

M. le président. Il va falloir conclure, madame Billard.

M. Roland Muzeau. C’est pourtant intéressant, monsieur le président !

Mme Martine Billard. Le Gouvernement, qui veut faire social, explique que cette mesure permettra aux salariés n’ayant pas cotisé quarante et un ans de continuer à travailler. Mais aux femmes, particulièrement concernées par l’insuffisance du nombre de trimestres cotisés – une femme sur deux, pour un homme sur vingt, doit attendre soixante-cinq ans pour prendre sa retraite –, le Gouvernement répond qu’il faut travailler plus longtemps.

M. le président. Il faut vraiment conclure à présent.

Mme Martine Billard. Oui, il s’agit bien de repousser insidieusement de soixante-cinq à soixante-dix ans l’âge de la retraite à taux plein.

M. Denis Jacquat. C’est faux !

Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, qui est liberticide ? Le Gouvernement et sa majorité, qui n’osent pas affronter l’opinion publique en ouvrant un débat clair et franc sur les retraites, ou l’opposition, qui combat cette façon d’agir et défend ainsi les droits des salariés et des futurs retraités ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Monsieur le ministre, ce PLFSS pour 2009, dans la lignée des précédents, n’apporte aucune solution véritable aux problèmes de la protection sociale, alors même que vos réformes de 2003 et de 2004 devaient nous ramener à l’équilibre.

En matière de retraites comme ailleurs, vous appliquez la recette du « travailler plus pour gagner plus ». La clef de voûte de votre stratégie est le discret passage à quarante et une annuités de cotisations en 2012, orientation majeure décidée en 2003, mais que vous n’avez pas jugé bon de soumettre à un réexamen démocratique.

M. Denis Jacquat. Nous l’avons votée en 2003 !

M. Michel Issindou. Privée du plat de résistance, la représentation nationale doit donc se contenter de choisir les accompagnements. Vous nous demandez de favoriser le cumul emploi-retraite,…

M. Denis Jacquat. Oui.

M. Michel Issindou. …de durcir les conditions d’accès à la retraite anticipée,...

M. Denis Jacquat. Oui.

M. Michel Issindou. …de supprimer la dispense de recherche d’emploi pour les seniors,…

M. Denis Jacquat. Oui.

M. Michel Issindou. …et d’encourager les entreprises à les embaucher ou à les conserver dans leurs effectifs.

M. Denis Jacquat. Oui.

M. Michel Issindou. Toutes ces mesures sont un menu fretin qui pourrait être avalé, puis avalisé de façon presque inaperçue. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Mais, en repoussant à soixante-dix ans l’âge limite de départ en retraite, vous avez introduit un piment rouge dans ces garnitures insipides. Tant que l’âge légal du départ en retraite reste fixé à soixante ans, nous convenons volontiers de l’innocuité de cette mesure. Mais son apparente simplicité et sa lisibilité médiatique fournissent à l’opposition comme aux syndicats un symbole fort pour caractériser votre politique de démantèlement du droit social…

M. Denis Jacquat. Mais non !

M. Michel Issindou. …confirmée par les nombreux textes soumis au Parlement depuis quelques mois.

Vous nous accuserez peut-être d’agiter inconsidérément ce chiffon rouge, et choisirez en retour de présenter votre réforme dans un joli paquet aux intitulés flatteurs. Vous proposerez aux retraités de nouveaux droits, comme vous l’avez fait, il y a quelques mois, aux demandeurs d’emploi. Mais, devant cette politique de faux-semblants, nous nous estimons fondés à manier les symboles, tant nous sommes gagnés par l’impression que les problèmes de fond ne sont pas traités.

Il nous faut aborder la question des retraites avec courage et lucidité. Il n’est pas anormal de vouloir allonger la durée de l’activité professionnelle dès lors que l’espérance de vie s’accroît. En ce sens, l’augmentation de la durée de cotisation peut apparaître comme une mesure de bon sens.

M. Dino Cinieri. Heureusement que nous l’avons prise !

M. Michel Issindou. Encore faut-il qu’elle s’accompagne de garanties véritables pour les pensionnés actuels et ceux qui le seront demain.

La première garantie serait d’offrir un niveau de vie décent à tous ceux qui sont actuellement retirés de l’activité professionnelle. Or, à l’automne 2008, près de 250 000 retraités vivent au-dessous du seuil de pauvreté, et près de 6 millions d’entre eux doivent composer avec une pension inférieure au SMIC.

M. Jean Mallot. C’est scandaleux !

M. Michel Issindou. Ce ne sont pas le coup de pouce de 25 % au minimum vieillesse ni la majoration des pensions de réversion actés dans ce PLFSS qui leur permettront de sortir la tête de l’eau.

Les garanties que nous souhaitons doivent valoir pour l’ensemble des catégories socioprofessionnelles. Je ne vous apprends pas que la nature de l’emploi et des conditions de travail d’un ouvrier et d’un cadre n’ont rien de commun, et que cette inégalité pèse également sur leur espérance de vie.

La seule justice nous commande de compenser cette disparité par une différenciation de leurs droits à retraite. C’est tout l’enjeu de la négociation sur la pénibilité du travail, qui reste au point mort depuis plusieurs années, faute de volontarisme politique de votre part. Sans doute écoutez-vous trop attentivement vos amis du MEDEF. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Denis Jacquat. Que faites-vous des discussions avec les partenaires sociaux ?

M. Michel Issindou. Il faut enfin veiller à préserver l’équité entre générations. Les jeunes actifs d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’hier. En butte à la précarité de l’emploi et contraints de consacrer davantage de temps à l’acquisition de diplômes et de qualifications, ils ont un parcours professionnel de moins en moins linéaire et de plus en plus chaotique.

M. Dino Cinieri. Que d’amalgames !

M. Michel Issindou. Faute d’une adaptation du système à cette réalité, seule une minorité d’entre eux bénéficiera demain d’une pension à taux plein, les autres allant alimenter le bataillon des retraités pauvres.

Le courage n’est pas de gérer le quotidien, mais de préparer l’avenir par des réformes de fond. Cela imposerait d’abandonner votre politique d’affichage médiatique pour vous engager dans un effort de dialogue et de réflexion aboutissant à des décisions cohérentes, de repenser l’architecture de l’assurance retraite en intégrant dans la période de cotisation les périodes d’apprentissage, d’études ou de recherche d’emploi, et de provisionner pour le futur en abondant le Fonds de réserve des retraites, grâce à des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine. Autant d’axes de travail qui vous sont aujourd’hui proposés par l’opposition.

Alors que le système actuel, dans ses structures comme dans son mode de financement, est de moins en moins adapté aux nouvelles réalités sociales, votre manque de volontarisme laisse pour le moins perplexe. Cette apparente inertie cache en vérité d’autres desseins. Dans le domaine des retraites comme dans celui de la santé, l’inaction sert vos objectifs politiques.

M. Denis Jacquat. Mais non !

M. Dino Cinieri. Qu’a fait la gauche ?

M. le président. Il faut conclure, monsieur Issindou.

M. Michel Issindou. L’affichage permanent d’un déficit laisse croire que notre système de protection serait économiquement insoutenable. Par là, vous justifiez votre politique de remise en cause des acquis sociaux, seule façon, selon vous, de ramener les comptes à l’équilibre. Alors que plusieurs dizaines de milliards d’euros peuvent être trouvées de façon quasi-miraculeuse pour solvabiliser les banques et sans doute, demain, les industries, comment expliquerez-vous aux Français que rogner sur leurs pensions est la seule façon d’éponger les pertes du régime des retraites ?

M. Yves Bur, rapporteur. Quelle démagogie ! Vous valez mieux que cela !

M. Michel Issindou. Comparé aux sommes gigantesques mobilisées pour limiter les effets de la crise financière, le trou de la sécurité sociale, que vous présentiez hier comme abyssal, apparaît aujourd’hui comme une paille. La position du Gouvernement est d’autant plus grave que notre système de protection sociale est le garant de notre contrat social. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La discussion générale est close.

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président. Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire. Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais appeler l’Assemblée à statuer d’abord sur les amendements dont je suis saisi.

Nous commençons par l’amendement n° 1.

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget. J’aimerais présenter en même temps l’ensemble des amendements du Gouvernement.

M. le président. Sur le texte de la commission mixte paritaire, je suis en effet saisi de six autres amendements, nos 2, 3, 4 rectifié, 5 à 7.

Vous avez la parole, monsieur le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget. L’amendement n°1, qui doit se lire en liaison avec les amendements nos 3, 4 rectifié, 5 et 6, concerne la taxe sur les alcools forts, qui, après avoir été votée par l’Assemblée nationale, puis supprimée par le Sénat, a été rétablie par la commission mixte paritaire. Sur le plan financier, je salue cette décision, qui permet de majorer de 80 millions les recettes de la CNAM, ce qui n’est pas courant.

L’amendement n° 1 tend à modifier les perspectives pluriannuelles, et les amendements nos 3 et 4 rectifié, à reporter ces résultats sur les objectifs de recettes pour 2009 et sur leur répartition par catégorie. L’amendement n° 5 présente un tableau d’équilibre pour 2009 de l’ensemble des organismes de sécurité sociale, et l’amendement n° 6, du régime général.

L’amendement n° 2, déposé sur l’article 23, est un amendement de coordination avec le projet de loi de finances, puisqu’il existe des dispositions en miroir entre ces deux textes. Il tire les conséquences de l’augmentation de 93 millions d’euros des crédits de compensation de la mission « Travail et emploi », votée en seconde délibération à l’Assemblée nationale à la suite de la suppression de l’article 81 du PLF pour 2009, qui prévoyait de réduire de 15 à 10 points l’abattement pour les particuliers employeurs déclarant sur une assiette réelle.

Déposé sur l’article 72 bis, l’amendement n° 7, qui modifie une disposition introduite par le Sénat, tend à réformer le crédit d’impôt famille.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l’avis de la commission mixte paritaire sur ces amendements.

M. Yves Bur, rapporteur. La commission n’a pas examiné ces amendements, qui découlent des décisions prises hier par la commission mixte paritaire. À titre personnel, je ne peux que me réjouir de la nouvelle rédaction des tables d’équilibre et émettre un avis favorable. Ces amendements reprennent en effet une de mes propositions visant à revaloriser les taxes assises sur les alcools supérieurs à 25 degrés.

L’amendement n° 2 est de conséquence et de coordination. J’y suis également favorable à titre personnel, tout comme à l’amendement n° 7. Je remercie M. le ministre d’avoir levé le gage. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Je me contenterai d’intervenir sur les amendements nos 1 et 2.

L’amendement n° 1 traduit une décision que nous aurions aimé vous voir annoncer d’emblée, monsieur le ministre. Elle faisait l’objet de notre première question préalable, portant sur la diminution, du fait de la crise, du volume des recettes de la sécurité sociale. Vous prenez enfin acte de la situation et vous gonflez les déficits, tout en vous réjouissant de la maigre recette supplémentaire que vous venez de citez.

Hélas, vous vous êtes privé de beaucoup de recettes du même type. Pour les niches sociales, par exemple, nous aurions pu aller beaucoup plus loin, en augmentant les cotisations sur les stock-options ou les parachutes dorés.

Vous vous êtes privé d’autres recettes, en rejetant l’amendement de M. Bur visant à augmenter les taxes sur le tabac. Les enquêtes de santé publique prouvent que la consommation augmente de nouveau, notamment chez les jeunes. Or le facteur dissuasif le plus efficace est le prix. Pour notre part, nous avions proposé d’actualiser les taxes en prenant pour base le taux de l’inflation, ce qui représentait une recette de 400 millions d’euros. Cette mesure aurait en outre favorisé la lutte contre le tabagisme. Mais vous avez refusé notre amendement, tout comme celui de M. Bur, qui vous aurait rapporté 200 millions d’euros.

J’en viens à l’amendement n° 2. Vous devez faire face à une augmentation de dépenses, à cause du refus de votre majorité de réduire de 15 à 10 points l’abattement pour les particuliers employeurs déclarant sur une assiette réelle. Les contribuables qui emploient du personnel de maison auraient pu supporter cette réduction, mais votre majorité en a décidé autrement.

Dans le même temps, M. Lefebvre a fait adopter, nuitamment, un amendement augmentant le plafond de déduction de l’impôt sur le revenu pour les dépenses liées à l’emploi à domicile. Voilà qui prouve, au-delà de l’incohérence, combien votre politique sociale et fiscale est injuste. Les amendements d’équilibre que vous proposez aujourd’hui le confirment d’ailleurs.

Enfin, la discussion s’est prolongée en CMP sur le fonds CMU. Vous lui avez transféré un milliard d’euros de contribution des organismes complémentaires, tout en supprimant la subvention de l’État sous prétexte que l’augmentation du forfait de remboursement des frais engagés au titre de la CMU, soit 112 millions, et celle, décidée par la ministre et qui est bien fondée, de l’aide à l’acquisition d’une assurance complémentaire pour les personnes âgées, soit 92 millions, ne permettent pas d’assurer l’équilibre financier du fonds. L’an prochain, celui-ci serait désormais en déficit de 40 millions. Allez-vous, par amendement à la loi de finances rectificative, faire en sorte qu’il retrouve l’équilibre en 2009 ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Je ferai une intervention globale, puisque les amendements ont été présentés de façon groupée.

Tout d’abord, les conditions dans lesquelles ce débat se déroule sont regrettables, pour ne pas dire affligeantes. La CMP a eu lieu hier, le rapport était disponible aujourd’hui et, quelques heures après sa parution, on vote un budget de plusieurs centaines de milliards. Qui peut sérieusement prétendre être en état de procéder à une analyse globale du budget de la sécurité sociale ? Il nous aurait quand même fallu quelques jours, et c’est sur tous les bancs qu’on aurait dû réclamer ce délai.

S’agissant de la modification du tableau général, lorsque nous avions débattu de l’équilibre – ou plutôt du déséquilibre, du déficit abyssal – de la sécurité sociale, le Gouvernement avait absolument tenu à afficher un déficit minimum. Lorsque l’opposition le harcelait sur la réalité des prévisions économiques – et nous ne faisions, à l’époque, que nous fonder sur les prévisions d’évolution de l’économie nationale –, il s’arc-boutait sur ses hypothèses, avant de se résoudre, une semaine seulement plus tard, au Sénat, à réévaluer le déficit d’un milliard ! On mesure là son absence de sérieux.

Par ailleurs, l’amendement n° 2 à l’article 23 substitue au nombre « 3,4 » le nombre « 3,5 ». Mais comme cet article est passé sous silence dans le rapport de la CMP, il est bien difficile de comprendre de quoi il retourne.

Enfin, je reviens, après Martine Billard, sur la façon dont vous traitez l’emploi dans ce PLFSS : dérive sur l’autorisation de cumul entre une retraite et un emploi à temps complet, report de l’âge de la retraite à 70 ans, perspective d’un système de retraite par points pour le régime général… Évidemment, vous ne pouvez plus proposer le recours aux fonds de pension, après les dégâts qu’ils ont occasionnés. Le régime par répartition ayant démontré son efficacité pour défendre les retraités et les salariés, vous vous rabattez sur la retraite par points. On a pourtant vu les résultats de ce système pour les retraites complémentaires : la valeur du point a diminué. S’il doit en être bientôt de même pour le régime général, cela augure mal de l’évolution du pouvoir d’achat.

M. le président. Si l’article 23 ne figure pas dans le texte de la CMP, monsieur Muzeau, c’est qu’il a été voté conforme.

M. Roland Muzeau. Alors pourquoi est-il amendé ?

M. le président. Le Gouvernement en a le droit. C’est d’ailleurs un amendement de coordination.

M. Yves Bur, rapporteur. Par cet amendement, la compensation de 3,4 milliards est portée à 3,5 milliards, suite à la modification de l’abattement pour les particuliers employeurs qui déclarent sur une assiette réelle. L’ensemble de ces amendements ne font que tirer les conséquences des décisions prises en CMP, décisions que les tableaux d’équilibre récapitulent.

Cela dit, il faudra ensuite que le Gouvernement trouve de quoi alimenter cette augmentation de la compensation qui est, très précisément, de 93 millions. Ces crédits seront ajoutés en loi de finances, au Sénat puis à l’Assemblée.

(Les amendements nos 1 à 3, 4 rectifié, 5 à 7 sont successivement adoptés.)

Explications de vote

M. le président. Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Comme le dit souvent Michèle Delaunay, le Gouvernement persiste dans l’erreur. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

L’an dernier, le projet TEPA diminuait l’impôt des riches (Protestations sur les bancs du groupe UMP) et subventionnait les heures supplémentaires, donc les revenus de ceux qui ont déjà un emploi (Même mouvement), et l’on s’étonne, un an plus tard, que le chômage soit de nouveau à la hausse !

Quelques mois après, dans le PLFSS pour 2008, le Gouvernement instituait les franchises médicales. Nous en avons vu le résultat : les Français repoussent le moment de se soigner, certains y renoncent même.

Pendant tout ce temps, en revanche, on n’a rien fait pour le salaire direct, en dépit des nombreuses lois censées soutenir le pouvoir d’achat. Car des lois, vous en faites, mais leurs effets sont nuls. Dans son rapport pour avis sur le projet de loi relatif aux revenus du travail, M. Louis Giscard d’Estaing, qu’on ne peut soupçonner d’animosité à l’encontre du Gouvernement, souligne d’ailleurs que le pouvoir d’achat a diminué de 0,4 % en un an. Toutes vos mesures n’étaient donc que de l’affichage.

La politique que vous pratiquez depuis dix-huit mois n’a fait qu’aggraver la crise. Et la crise est bien là : crise financière, face à laquelle vous trouvez 360 milliards d’euros pour soutenir les banques ; crise économique, contre laquelle on attend un plan de relance, puisqu’on discute avec les autres pays européens, pour dans quelques semaines peut-être ; crise sociale, à laquelle vous avez d’abord répondu en traquant les chômeurs et en les obligeant à accepter une offre « raisonnable » d’emploi – mais encore faudrait-il qu’il y en ait – avant de fusionner l’ANPE et les ASSEDIC, comme si une mesure administrative allait résoudre le problème du chômage, et enfin d’accroître encore la précarité avec l’annonce il y a quelques semaines, par le Président de la République, de la généralisation du CDD.

Dans ce contexte, je me contenterai de faire trois observations sur ce PLFSS. En premier lieu, il ne contient aucune mesure courageuse pour résorber les déficits. Pour cela, il aurait fallu trouver des ressources au-delà du milliard que vous ponctionnez, par une sorte d’effet d’aubaine, sur les régimes complémentaires. Il aurait fallu adopter – mais vous n’aimez pas cela – des mesures de redistribution : par exemple une CSG progressive en fonction des revenus, ou la suppression du bouclier fiscal (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Assumez votre politique ; les Français, eux, commencent à comprendre, et l’ont dit, dimanche, dans leurs votes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Las, vous ne faites que transférer des déficits d’un régime à l’autre, un peu dans tous les sens, déficits qu’il faudra bien payer un jour, et dont vous reportez la charge sur les générations futures.

Ensuite, vous rapprochez par glissements, par petites touches, régimes complémentaires et régimes obligatoires, entre lesquels on finit par ne plus voir la différence, et que vous vous apprêtez à fusionner dans un seul ensemble. On se demande où vous voulez aller – mais peut-être ne le savez-vous pas vous-mêmes ?

Enfin, ce PLFSS comporte des lacunes, que mes collègues ont décrites dans la discussion générale. Je n’évoquerai que deux points, qui ont trait aux retraites. En premier lieu, à quoi a servi l’étude de Jean-Frédéric Poisson sur la pénibilité au travail ? La loi de 2003 avait prévu qu’on s’occuperait de ce problème, mais les négociations sociales ont échoué, par la faute du MEDEF qui a refusé, malgré un accord sur les critères, les conditions d’accès au dispositif proposées par les représentants des salariés. Il serait temps que le Gouvernement prenne enfin ses responsabilités, mais il n’en fait rien, de même qu’il ne fait rien pour consolider le fonds de réserve des retraites, malgré son importance pour l’avenir des régimes par répartition.

En première lecture, nous avions proposé quelques amendements, moins nombreux que ceux de la majorité, c’est vrai, mais plus sérieux, afin de rendre ce projet acceptable. Tous ont été rejetés. Nous espérions naïvement faire de ce projet une loi utile pour le pays. Vous ne l’avez pas voulu. Pour ces raisons et pour bien d’autres, nous voterons contre le PLFSS. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Au terme d’un mois de travail, nous allons voter ce soir le PLFSS, le treizième depuis la loi constitutionnelle du 22 février 1996 qui l’a institué.

Dans la crise difficile que nous traversons, ce texte répond à notre souci permanent de pérenniser un système universel et solidaire d’aide, dans le respect de l’esprit qui animait les fondateurs de la sécurité sociale il y a plus de soixante ans.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 propose d’assainir les comptes. L’ONDAM global est fixé, de manière très réaliste, à 3,3 %, conformément au taux d’évolution constaté en 2008. Il s’élève à 3,1 % pour les dépenses de soins de ville et celles de l’hôpital, et atteint 6,3 % pour les établissements et services médico-sociaux.

Ce PLFSS contient des mesures très importantes pour nos concitoyens, comme l’aide à la garde d’enfant, majorée de 10 %, ou les nouvelles règles concernant les assistantes maternelles – elles pourront garder quatre enfants au lieu de trois et se regrouper. De nombreuses dispositions concernent les plus défavorisés des Français (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) : les engagements en faveur des retraites et des seniors sont tenus ; le minimum vieillesse pour les personnes seules, les petites retraites agricoles et les pensions de réversion des veuves seront revalorisés.

Par ailleurs de nouvelles mesures seront prises en faveur de l’emploi des seniors.

Les personnes lourdement handicapées bénéficieront de la création de 50 000 places avant 2012. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Chers collègues de l’opposition, mes propos vous ennuient. Je constate que vous préférez parler du négatif plutôt que du positif. Vous vous en êtes d’ailleurs donné à cœur joie dans vos diatribes cet après-midi !

Pourtant, les mesures contre la maladie d’Alzheimer sont positives, tout comme le dispositif de prise en charge de la dépendance, avec la création, en 2009, de 7 500 nouvelles places en maison de retraite et de 10 000 emplois de soignants pour les personnes âgées les plus dépendantes et les plus défavorisées.

Mme Catherine Quéré. On verra sur le terrain !

M. Philippe Vitel. Cette politique s’inscrit dans le cadre de l’engagement, pris par le Président de la République, de revenir à l’équilibre financier. Sans la réforme des retraites en 2003, sans celle de la sécurité sociale en 2004, sans celle des régimes spéciaux, en 2007,… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Eckert. Soyons sérieux !

M. Philippe Vitel. …c’est-à-dire si nous nous étions contentés de suivre le chemin tracé par l’opposition lorsqu’elle était au pouvoir, nous devrions aujourd’hui gérer un déficit de plus de 20 milliards d’euros ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Nous sommes fiers de l’effort que nous entreprenons pour continuer à donner à nos compatriotes les moyens de se soigner et de vivre au mieux leur nouvelle longévité. En conséquence, le groupe UMP unanime votera le PLFSS pour 2009. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Le problème, chers collègues, c’est que les Français croient de moins en moins aux promesses du Gouvernement.

En 2003, on nous avait promis le retour à l’équilibre pour 2007. Je me souviens des envolées du ministre de l’époque, M. Douste-Blazy, mais aussi de celles de M. Xavier Bertrand, actuel ministre du travail, qui était alors secrétaire d’État aux comptes de la sécurité sociale.

Pour ce budget de la sécurité sociale, le Gouvernement a choisi de laisser filer les déficits et refusé de rechercher de nouvelles recettes. Il aurait d’ailleurs eu du mal à en trouver, après avoir pressuré au maximum les malades et les assurés sociaux !

Le Gouvernement et la majorité poursuivent leur politique d’exonérations fiscales, comme le montre l’adoption de l’amendement de M. Lefebvre au projet de loi de finances, et renforcent les niches fiscales et sociales. À chaque fois qu’une timide tentative venue des bancs de l’UMP vise à limiter cette tendance et à donner l’apparence de l’équité sociale, elle échoue.

Bien entendu, tous les amendements de l’opposition, et notamment des députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, tendant à accroître les recettes, ont été refusés. Et pourtant, les dépenses augmentent. Une partie de cette augmentation s’explique d’ailleurs par le refus du Gouvernement de mettre en œuvre une politique de santé publique. La dernière loi de santé publique date de plusieurs années alors que, mois après mois, des rapports sont publiés sur les effets pour la santé des radiations, des produits chimiques ou de nombreux autres produits. Il est urgent de donner une suite à ces travaux, de mener des auditions et d’en tirer des conséquences en termes de santé publique en France.

Ce budget de la sécurité sociale prévoit l’augmentation du minimum vieillesse pour les personnes seules : voilà bien la première fois, qu’en France, il vaudra mieux vivre seul qu’en couple ! Les couples âgés devront donc attendre des temps meilleurs…

Insidieusement, l’âge de la retraite a été repoussé de soixante-cinq à soixante-dix ans pour le régime général. La limite d’âge a également été modifiée pour les pilotes de lignes, les stewards, les hôtesses de l’air, les policiers, les pompiers…

Au détour de ce budget de la sécurité sociale, et sans qu’aucun débat n’ait été engagé sur cette question, il nous est également annoncé que le PLFSS pour 2011 transformera de fond en comble notre système de retraite par répartition pour en faire un système à points.

M. Denis Jacquat. Mais non, pas du tout !

Mme Martine Billard. Pour améliorer la situation des retraités, on nous a demandé d’attendre le rapport du Conseil d’orientation des retraites. Quant à la prise en compte de la pénibilité du travail, il n’est manifestement pas question de forcer la main au MEDEF. Les négociations sur ce sujet ont pourtant commencé en 2003. Alors que l’allongement de la durée de cotisation, il y a cinq ans, était censé avoir pour contrepartie des avancées sur la question de la pénibilité, aucun résultat n’a encore été obtenu !

Ce projet de loi de financement est un vrai désastre. Non seulement, il ne répond pas aux impératifs financiers, mais encore il organise une réforme des retraites profondément inique et injuste. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. Roland Muzeau. Et rien n’est prévu pour la santé au travail !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. J’ai déjà annoncé, dans la discussion générale, que le groupe Nouveau Centre voterait ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Exclamations ironiques sur les bancs du groupe SRC.)

Il comprend des mesures attendues et essentielles, comme la reprise des dettes de la CADES et de celles du FFIPSA – qui doit disparaître. En matière de santé, de retraite et de famille, comme sur d’autres sujets, ce texte est également porteur de progrès.

Nous venons d’adopter l’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, qui prévoit, à partir de prévisions de recettes optimistes, un déficit cumulé supplémentaire de 34 milliards d’euros en 2012. Monsieur le ministre, comment ce déficit sera-t-il financé ?

M. Roland Muzeau. La question qui tue !

M. Jean-Luc Préel. Ce point me semble d’autant plus essentiel que, sur ces 34 milliards, 24 seront dus à la seule branche retraite. Si nous voulons, demain, assurer une retraite aux actifs d’aujourd’hui, si nous ne voulons pas reporter sur nos enfants le poids des déficits, ceux-ci doivent être financés chaque année, et il est indispensable de voter tous les ans un budget de la sécurité sociale en équilibre. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l’Assemblée.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

4

Communication audiovisuelle
et nouveau service public de la télévision
Nomination des présidents
des sociétés de l’audiovisuel public

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi et d’un projet de loi organique

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision (nos 1209, 1267) et du projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France (nos 1208 rectifié, 1267).

Discussion générale commune (suite)

M. le président. Cet après-midi, nous avons commencé la discussion générale commune.

La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Madame la ministre de la culture, votre projet de loi ne comporte pas que de mauvaises mesures ; il en est même que je signerais volontiers. Mais il est entaché de trois défauts majeurs : l’improvisation de la décision, la précipitation de sa mise en œuvre et la politisation de son inspiration.

Tout d’abord, l’improvisation. Je rappelle qu’en avril 2007, le candidat Sarkozy déclarait, dans un discours consacré notamment à l’audiovisuel public, premièrement, que la télévision publique était sous-financée, deuxièmement, qu’il ne toucherait pas à la redevance et, troisièmement, qu’il en tirerait les conséquences en matière de publicité.

C’est dans cet esprit, madame la ministre, que vous vous êtes mise au travail. Ainsi, lors de la commission élargie chargée d’examiner le budget de la mission « Médias », le 24 octobre 2007, vous avez répondu à une question que je vous posais sur le financement de la télévision publique : « […] je rappelle que je crois au système actuel de financement de l’audiovisuel public et à l’équilibre entre la publicité et la redevance. »

Aussi puis-je comprendre votre étonnement lorsque, travaillant avec le président de France Télévisions sur l’accroissement de la publicité sur la télévision publique, vous avez entendu le Président de la République – celui qui, soi-disant, dit ce qu’il fait et fait ce qu’il dit – annoncer sa décision, irrévocable et solitaire – quoiqu’elle lui fut peut-être inspirée… Le rapporteur lui-même en a été surpris ; n’est-ce pas, monsieur le rapporteur ? Au reste, madame la ministre, nous auriez-vous fait voter en commission, le 24 octobre 2007, une augmentation de la redevance pour l’année 2008 si vous aviez été au courant de la décision du Président de la République ? Quant au président de la commission spéciale, Jean-François Copé, il a également exprimé son étonnement.

À l’improvisation, vous ajoutez la précipitation. Alors que la refondation de la BBC a demandé près de trois ans de travail et de concertation, il nous faut voter votre réforme en toute hâte. M. Copé, venu dire à l’Élysée son étonnement face à une telle décision, est ressorti de son entrevue avec l’« hyper-président » en ayant obtenu la présidence d’une commission ad hoc.

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision et le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France. Ce n’est pas à mon désavantage, mais vous refaites l’histoire !

M. Marcel Rogemont. Histoire de détourner l’attention pour faire oublier la principale décision, qui met à mal le financement de la télévision publique, on a parlé de tout dans cette commission – programme, entreprise unique, économies –, comme si l’on avait attendu ses travaux pour entreprendre une réflexion sur ces sujets. On a évoqué la vilaine publicité, qui défigure la télévision publique mais qui embellit la télé privée, comme si l’absence de publicité pouvait être synonyme de qualité.

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. Voilà les socialistes défenseurs de la publicité !

M. Marcel Rogemont. L’expérience nous prouve qu’il n’y a pas de lien, en France comme ailleurs, entre qualité et publicité. La véritable question est celle du sous-financement de la télévision publique, comme le candidat Sarkozy l’avait lui-même reconnu lors de la campagne présidentielle.

M. Michel Françaix. Évidemment !

M. Marcel Rogemont. La commission a servi à jeter un rideau de fumée, et non à inspirer les décisions du Président de la République, puisque ces dernières ont été annoncées avant même la remise du rapport, histoire de faire comprendre qui commande !

Pour assurer le financement de la télévision publique, on instaurera donc deux taxes ; celles-ci ne sont pas encore créées qu’elles sont déjà transformées, écornées. En tout cas, pour un Président qui nous rebat les oreilles avec la suppression des impôts, ce n’est pas mal : Nicolas Sarkozy restera comme le champion de la création de taxes, à défaut d’autre chose !

Au cas où le produit de ces taxes ne suffirait pas, on ajoute la garantie de l’État. Mais que vaut-elle ? Ni plus ni moins que les propos du Président de la République, qui dit tout et son contraire, de sorte que chacun peut entendre la réponse qu’il attend.

À l’improvisation et à la précipitation, on ajoute la politisation : « Je nomme, je révoque ! Normal, je suis l’actionnaire principal de cette société. » Seulement, la télévision publique n’est pas la SNCF : le politique doit garder une certaine distance vis-à-vis de la télévision. Au lieu d’un progrès en ce sens, vous nous proposez une régression.

M. Jean-Louis Idiart. Très juste !

M. Marcel Rogemont. Le président Bourges, avec qui je débattais hier soir, rappelait qu’il avait su, en tant que président du CSA, résister aux pressions du politique.

L’avis des commissions du Parlement ne peut être négatif que si la majorité parlementaire de droite en décide ainsi. En outre, les sanctions sont toujours possibles, grâce au principe de l’annualité budgétaire : pour fixer le montant du budget, le Président de la République peut compter sur la complicité d’un gouvernement féal et, pire encore, sur celle des députés.

Ainsi, la boucle est bouclée : nomination, révocation et financement – le nerf de la guerre – sont réunis dans les mains d’un seul. Est-ce cela, la démocratie ?

Madame la ministre, vous êtes sourde aux appels à la raison, aux conseils de M. Balladur lui-même, qui vous exhorte au report d’une décision qui engagerait des crédits pouvant être plus utilement mis au service de la croissance. Si, sur le fond, vous suivez M. Sarkozy, demandez-lui au moins de repousser l’exécution de sa décision !

Par ailleurs, quand on sait qu’un responsable de la police en Corse a été viré pour n’avoir pas assez protégé la villa d’un ami du Président,…

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. Quel est le rapport avec le texte ?

M. Marcel Rogemont. …on ne peut que s’étonner du mutisme gouvernemental face aux déclarations du président d’une autorité indépendante qui, se prenant sans doute pour M. Copé, a défendu le projet de loi dans la presse. M. Boyon aurait-il oublié qu’il n’était plus directeur de cabinet du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, mais président du CSA ?Quoi qu’il en soit, ses déclarations constituent une faute, madame la ministre, et je ne doute pas que vous saurez en tirer les conséquences.

Au total, le projet du Gouvernement se traduira par 450 millions d’euros de recettes supplémentaires pour TF1 et consorts, par une augmentation de 50 % du temps de publicité par heure, par l’autorisation de la deuxième coupure publicitaire et par le remplacement de la référence à l’heure glissante par la référence à l’heure d’horloge. Bref, de l’argent pour les copains et la diète pour la télévision publique, avec son cortège de licenciements à la clé !

La taxe sur les fournisseurs d’accès à Internet, qui était nécessaire et qui devait financer la création, ne sera finalement utile qu’au financeur de la création qu’est France Télévisions. C’est dommage pour les créateurs. J’ajoute qu’aucune étude d’impact n’a été menée afin de mesurer les conséquences de la décision du Président de la République. C’est la politique du fait accompli, la politique sans partage : le Président de la République décide seul, à la place du Gouvernement !

Non, madame la ministre, mes chers collègues, la République ne se gère pas comme une société du CAC 40. Il n’y a pas plus de PDG de la société France que de la télévision publique. La démocratie ne peut se confondre avec le pouvoir d’un seul. Aussi, n’ajoutez pas la « monarchisation » à l’improvisation, à la précipitation et à la politisation !

Mes chers collègues, vous qui êtes éclairés et soucieux de la chose publique, je vous appelle à mettre un peu de distance entre le politique et la télévision publique et je vous invite à la réflexion dans le cadre d’un débat loyal. Agissez et décidez en votre âme et conscience, bref : soyez des citoyens, plutôt que des sujets ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Deflesselles. N’en faites pas trop !

M. le président. La parole est à Mme Muriel Marland-Militello.

Mme Muriel Marland-Militello. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le président de la commission spéciale,…

M. Michel Françaix. Très spéciale !

Mme Muriel Marland-Militello. …monsieur le rapporteur, chers collègues, la suppression de la publicité sur les chaînes publiques et les nouvelles exigences qualitatives qu’il est désormais légitime de leur imposer vont profondément transformer la nature du service rendu aux publics de ces chaînes.

Je suis d’autant plus heureuse de défendre cette réforme que la suppression de la publicité sur les chaînes publiques était une des propositions phares du rapport d’information sur la politique des pouvoirs publics dans le domaine de l’éducation et de la formation artistiques, que j’ai remis en 2005 et qui a d’ailleurs été approuvé à l’unanimité. Avec mes collègues de la commission des affaires culturelles, nous étions convaincus de la nécessité d’une telle réforme, pour offrir à tous nos concitoyens une programmation de qualité et réaliser ainsi une vraie politique de démocratisation culturelle.

Trois ans après, notre vœu est sur le point d’être exaucé, grâce à l’initiative du Président de la République et grâce à vous, madame la ministre, qui avez le courage de soutenir un projet innovant qui bouscule les habitudes, pour défendre une conception exigeante de l’audiovisuel public en rendant celui-ci indépendant de la recherche quotidienne de l’audimat.

Il convient également de saluer la qualité du travail de notre rapporteur, Christian Kert, qui a su mener les auditions et le travail en commission avec un esprit d’écoute et une connaissance approfondie des enjeux audiovisuels. Je suis aussi très sensible au fait que le président de notre groupe, Jean-François Copé, se soit si fortement investi à propos de cette question majeure pour l’avenir de la démocratisation artistique et culturelle.

En revanche, je suis étonnée des contrevérités que nous avons entendues et réentendues ces derniers jours. Je suis même choquée des attaques qui visent le Président de la République. Par ces calomnies, on voudrait faire croire aux Français que seules des accointances avec des intérêts privés auraient motivé l’initiative présidentielle. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Roy. Nous en sommes convaincus !

Mme Muriel Marland-Militello. De tels procès d’intention n’apportent rien au débat et n’ont pour résultat que d’attiser de fausses rumeurs et de fausses peurs, dénuées de tout fondement, ainsi que je vais vous le prouver.

M. Patrick Roy. Le spectacle se joue sous nos yeux !

Mme Muriel Marland-Militello. Tout d’abord, ceux qui font mine de craindre un retour à l’ORTF méconnaissent totalement,…

M. Patrick Roy. Les soirées au Fouquet’s, ça ne s’oublie pas !

Mme Muriel Marland-Militello. Vous, monsieur, vous méconnaissez le respect de l’orateur.

M. Bernard Deflesselles. Elle a raison, monsieur le président !

Mme Muriel Marland-Militello. Ceux qui font mine de craindre un retour à l’ORTF, disais-je, méconnaissent totalement, soit par ignorance, soit par perfidie, que la procédure prévue pour la nomination du président de France Télévisions est une procédure conjointe et encadrée, donc irréprochable, qui offre toutes les garanties quant à la nomination et à la révocation de ce président, puisque des amendements de la commission spéciale prévoient que l’avis conforme du CSA et l’approbation des commissions compétentes du Parlement seront requis.

Quant à la crainte d’un manque de moyens, je tiens à rappeler les nombreuses précautions qui ont été prises pour pérenniser des financements suffisants, afin de porter l’ambition de la nouvelle télévision publique. L’instauration d’une nouvelle taxe sur un secteur dynamique comme les communications électroniques est une compensation sérieuse. Le pourcentage prélevé sur les recettes publicitaires des chaînes privées est également une compensation dynamique. À ceux qui craignent une diminution de ces montants, je réponds que, si France Télévisions conservait son modèle économique actuel, elle verrait aussi ses recettes publicitaires baisser, et bien plus gravement, dans un contexte économique morose.

L’indexation de la redevance sur l’indice des prix à la consommation assure, lui aussi, un dynamisme de la recette. L’amendement visant à arrondir à l’euro supérieur, que j’ai proposé et qui a été adopté par la commission, renforce encore le caractère dynamique de cette ressource.

Enfin, nous avons l’engagement officiel de l’État, par la voix de Mme la ministre, qui prévoit une garantie à hauteur de 450 millions annuels pour les trois prochaines années. Et une fois que la nouvelle télévision publique aura fait ses preuves – ce qui sera le cas dans trois ans –, quel gouvernement pourrait bien prendre la responsabilité d’en diminuer les crédits ? Certainement pas un gouvernement de droite, puisque la droite aura été l’artisan de la modernisation du service public de la télévision.

M. Jean-Louis Idiart. Oh la la ! Quel argument !

Mme Muriel Marland-Militello. Néanmoins, la solution qui consiste à financer le différentiel par de l’argent public doit toujours être soumise à la réflexion, pour ne pas alourdir systématiquement la dette publique.

M. Marcel Rogemont. Ah ! Enfin, quelqu’un de sérieux !

Mme Muriel Marland-Militello. Cette préoccupation a été prise en compte, notamment par l’amendement du rapporteur et du président de la commission spéciale proposant une clause de rendez-vous un an après l’application de ces dispositions. Cette démarche pragmatique et intelligente permettra d’affiner la réforme après ses premiers pas.

M. Michel Herbillon. Tout à fait !

Mme Muriel Marland-Militello. Je comprends bien qu’en période transitoire, et face à la crise, il soit nécessaire de moduler les taxes prévues pour le financement, donc de recourir éventuellement au budget de l’État. Tant que le tabou de l’augmentation de la redevance ne sera pas levé, nous y serons malheureusement contraints. Personnellement, je suis favorable à l’augmentation de cette recette affectée qui matérialise pour les téléspectateurs leur engagement en faveur de cette télévision publique qui est le bien de tous et la propriété de personne.

M. Marcel Rogemont. Pas même du Président de la République !

Mme Muriel Marland-Militello. Pour ce qui est du financement, enfin, pourquoi ne pas aborder la nécessité de développer la capacité d’autofinancement de notre service public audiovisuel ? Incitons-le à la compétitivité internationale, aidons-le à développer des émissions et des concepts innovants qui pourront être revendus dans le monde entier, procurant ainsi d’utiles recettes !

Plutôt que de nous focaliser sur des rumeurs sans fondement, regardons ensemble l’ambition nouvelle de France Télévisions telle qu’elle est inscrite dans le projet de loi. La qualité accessible à tous est au cœur de cette réforme et, en la matière, ne plus dépendre des diktats de l’audimat change tout. Quand j’entends des élus de gauche vanter les charmes de la publicité, je me dis que les repères de nos collègues socialistes sont décidément bien brouillés en ce moment !

M. Patrice Martin-Lalande. Eh oui !

M. Michel Herbillon. Ils nous donnent le tournis !

Mme Muriel Marland-Militello. La qualité est assurée en ce qui concerne le choix et la pérennité des programmes. Désormais, le choix des programmes se fera en fonction de leurs contenus culturels, artistiques et sociaux dans le respect d’un cahier des charges très précis et selon des impératifs prioritaires clairement définis tels que la défense du pluralisme et l’indépendance des décideurs, afin d’offrir une programmation attractive et de qualité.

Pour pérenniser ces programmes, une évaluation qualitative intégrant image, qualité, adéquation à une mission de service publique, sera désormais prise en compte au même titre que les mesures quantitatives de l’audience, qui sera globale, et du coût du programme. Cette réforme permettra à tous les foyers de voir chaque soir à la télévision, dès vingt heures trente, des films, des pièces de théâtre, des concerts, des émissions littéraires ou des débats de qualité.

Si l’on ajoute notre volonté d’inscrire la langue française comme véhicule privilégié de notre culture et de la diversité française, si l’on ajoute l’inscription de la dimension territoriale de la diffusion pour une télévision proche des citoyens et si l’on ajoute, enfin, les dispositions prises en faveur des personnes handicapées, par exemple le développement de l’audiodescription pour les personnes aveugles, tous les ingrédients sont rassemblés pour reconnaître, madame la ministre, que votre projet de loi, bien amendé par la commission spéciale, marque une vraie révolution historique de l’audiovisuel public français du xxie siècle, dont il fait le fer de lance de la démocratisation culturelle pour la France et pour le plus grand bonheur des Français.

Non, la culture n’est pas le pré carré de la gauche bien-pensante ! Bien au contraire, grâce à l’investissement de personnalités politiques de premier plan, la culture s’inscrit au centre des préoccupations de l’UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Charasse.

M. Gérard Charasse. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après les réunions de la commission spéciale sur l’audiovisuel auxquelles j’ai participé avec un véritable désir de saisir, pour aujourd’hui et pour demain, les enjeux d’une réforme de ce secteur sensible, je suis réservé quant au tempo choisi par le Gouvernement. J’ai la sensation d’un travail inachevé, d’une réflexion contrainte par une volonté politique qui ne dit pas son nom. Il n’y a pas urgence à légiférer sur cette question et je n’ai d’ailleurs pas le sentiment que nous soyons prêts à le faire.

La télévision est, depuis longtemps, un monde qui va vite, un monde qui ne tarde jamais à trouver les équilibres qu’il recherche. Dans ce domaine, l’action publique doit donc être mesurée. Or, après plusieurs heures de débat, je n’ai pas l’impression de voir un chemin se dégager. Deux questions essentielles ne sont pas tranchées : celle du service public que nous voulons, celle de la télévision que nous voulons.

J’ai défendu, notamment avec le regretté Michel Crépeau, la suppression de la publicité à la télévision publique. L’objectif était de délier le service public d’engagements commerciaux dont il sait qu’ils sapent son indépendance. Cela supposait que le pouvoir exécutif ne se comportât pas comme un publicitaire, qu’il donnât, certes, une direction, mais qu’il se tînt loin de l’opérationnel, bref, cela impliquait d’assurer son indépendance à l’égard des financiers et du pouvoir politique. Il n’en est rien aujourd’hui, puisque vous nous proposez au contraire de revenir à l’ORTF, avec des liens directs entre le pouvoir et les chaînes, leur patron, leur budget et leur organisation interne. Bref, nous ne sommes pas encore en route vers la modernité !

Deux solutions se présentent à nous : ou bien la majorité – du moins, une partie de la majorité – avoue son dessein de supprimer le service public de la télévision et l’assume, avoue son idée d’une « télé-produit » et l’assume ; ou bien nous confirmons la suppression de la publicité, mais l’accompagnons d’une réforme moderne qui installe le service public de la télévision là où il doit être, c’est-à-dire dans l’indépendance, la transmission de la culture, la production et tous ses supports, bref, nous faisons en sorte que ce service-là ne soit pas un miroir pauvre – un de plus – pour notre société, mais une fenêtre grande ouverte sur l’autre, sur ailleurs et sur demain.

La deuxième question non tranchée est celle de la télévision que nous voulons. Si personne ne songe à placer toute la production télévisuelle en coupe réglée, il est cependant permis d’imaginer de ne pas exonérer le secteur privé de toute responsabilité culturelle, sociale et territoriale.

La responsabilité culturelle à l’égard de la production est une conception pour laquelle la France s’est battue bec et ongles lors de l’élaboration de la directive communautaire « Télévision sans frontières », réussissant pour partie à convaincre ses voisins européens. Et nous y renoncerions du jour au lendemain, ce qui laisserait entendre que nous avons oublié, voire que nous voudrions faire oublier la dimension culturelle de cet outil ?

En matière de responsabilité sociale, l’État doit faire preuve de vigilance à l’égard de la concentration des entreprises de communication. Cela relève, ainsi que le disait un commissaire européen, de la sécurité démocratique. Face au risque de concentration, comme on l’a vu au moment de la libération des ondes par François Mitterrand, la multiplicité des sources est l’une des solutions. Or, ce texte ne traite pas des initiatives dans les régions, dont je dirai un mot pour conclure. Quelle cohérence y a-t-il dans un texte qui supprime la publicité sur le service public et veut le financer par une taxe sur le service privé – taxe qui ne suffira pas, comme nous l’avons démontré – et qui, au niveau régional, maintient la publicité dans le public sans supprimer la taxe pour le privé ?

Je n’ai pu exprimer en cinq minutes l’ensemble de mes doutes et de mes inquiétudes sur le texte, mais son report me paraîtrait la plus sage des solutions. Pour que les parlementaires radicaux de gauche le votent, il faudrait vraiment que les quinze séances à venir jusqu’au 4 décembre prochain soient exceptionnellement fructueuses.

M. Joël Giraud. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Yanick Paternotte.

M. Yanick Paternotte. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les sociétés humaines se sont organisées, historiquement, autour de trois pouvoirs : le pouvoir de la force, qui a généré les armées, les guerres, les génocides ; le pouvoir du savoir, qui a généré l’éveil des sciences et l’éducation ; le pouvoir du chamanisme qui, à partir du mystère de la vie, a généré la médecine et les religions.

M. Bernard Deflesselles. Ah ! Le niveau du débat s’élève !

M. Yanick Paternotte. L’information et la communication sont transversales à ces trois pouvoirs. Il en va ainsi du renseignement au sein des armées modernes ; de l’écriture, source de savoir qui fut longtemps réservée aux scribes dans l’Égypte des pharaons ; des remèdes secrets qui, autrefois, se transmettaient entre guérisseurs au sein d’une caste.

Dans le monde moderne, l’information objective est essentielle à la démocratie et à son maintien. L’information et l’éducation doivent contribuer à développer le sens critique. C’est pourquoi j’ai la conviction personnelle que le maintien d’une télévision publique est essentiel à une démocratie libérale. Le service public doit participer à l’éducation et à l’information de nos concitoyens sur des thèmes qui fondent notre nation, ses valeurs et ses symboles, ainsi que les enjeux sociétaux qui déterminent notre avenir.

Lors du conseil des ministres du 22 octobre dernier, vous avez déclaré, madame la ministre, que le nouveau service public audiovisuel devait rassembler, informer, instruire, promouvoir les valeurs qui fondent la communauté nationale.

M. Marcel Rogemont. Pour cela, il faut de l’argent !

M. Yanick Paternotte. C’est le sens de l’amendement que j’ai déposé avec dix de mes collègues, visant à ce que les créneaux publicitaires libérés sur les chaînes publiques soient dédiés à la diffusion de spots ayant pour thèmes l’éducation sanitaire et sociale,… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Françaix. C’est vraiment n’importe quoi !

M. Yanick Paternotte. …le développement durable, l’instruction civique et citoyenne, l’Union européenne – cette énumération n’ayant pas un caractère exhaustif.

Sur le fond, qui peut douter de la pertinence de cette idée ? Nous venons de voter le PLFSS, avec 4,2 milliards d’euros de déficit pour la branche maladie. Comme nous le savons tous – moi le premier, qui suis pharmacien –, la prévention et l’éducation sanitaire et sociale constituent l’une des voies de nature à permettre une réduction des dépenses de santé et une limitation du budget de l’État. Dans un contexte où personne ne sait comment financer des mesures en ce sens, le média public apparaît comme l’un des remèdes susceptibles de prévenir et de guérir.

Par ailleurs, alors que nous avons voté la loi sur le Grenelle de l’environnement,… (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Michel Françaix. Il fallait oser !

M. Yanick Paternotte. …quel meilleur média que la télévision publique pour expliquer ce qu’est un bilan carbone, quelles sont les nouvelles voies de l’économie de proximité qui fondent la révolution, la rupture économique, sociale et environnementale que doit apporter la loi sur le Grenelle de l’environnement ?

M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas possible, vous n’allez pas laisser faire ça, madame la ministre ?

M. Yanick Paternotte. Alors que nous arrivons au terme de la présidence française de l’Union européenne, et que les élections européennes vont avoir lieu en juin prochain, il y a urgence démocratique à expliquer l’Europe,…

M. Marcel Rogemont. Bien sûr !

M. Yanick Paternotte. …à faire aimer l’Europe, à faire en sorte que nos concitoyens soient en mesure de discerner les enjeux de l’Union européenne.

M. Michel Françaix. Eh oui, de neuf heures à neuf heures trente, on peut célébrer la grand-messe !

M. Yanick Paternotte. Enfin, au moment où, dans les banlieues, on brûle le drapeau tricolore, au moment où, dans les stades, la Marseillaise se fait siffler, il est temps de redonner du sens à la communauté de destin d’une nation, à notre pays. Il est temps d’expliquer quelle est l’histoire qui a fondé notre nation, quels sont ses symboles et quels projets communs nous rassemblent : cela s’appelle la fraternité.

M. Marcel Rogemont. C’est ça, on va chanter la Marseillaise tous les soirs à vingt heures trente !

M. Yanick Paternotte. Sans destin partagé, sans histoire commune, il n’y a pas d’évolution, pas d’avenir.

Il y a peu de temps, des journalistes m’ont interrogé de manière orientée. Puisqu’ils me posaient des questions, je me suis permis de leur en poser une à mon tour : je leur ai demandé s’ils pouvaient m’expliquer l’origine des trois couleurs du drapeau national : le bleu, le blanc et le rouge. Aucun des journalistes présents n’a été capable de répondre immédiatement à cette question !

M. Marcel Rogemont. Et voilà ! Encore une idée de programme pour France Télévisions !

M. Yanick Paternotte. Il me semble donc qu’il y a beaucoup à faire en matière de citoyenneté.

Sur la forme, certains ont donné à penser que les députés pouvaient être sous influence. On a parlé de collusion, d’amendements rédigés par des chaînes privées. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Françaix. Oh non ! Qui a bien pu suggérer une pareille horreur ?

M. Yanick Paternotte. C’est faire injure à la représentation nationale que de penser que nous avons eu besoin d’un porte-plume ! D’ailleurs, je n’ose imaginer que certaines prises de position puissent être dictées, ici, par des groupes de pression. J’ai reçu en effet des propositions d’amendement de France Télévisions, que j’ai lues avec beaucoup d’intérêt. Mais je ne les ai pas forcément reprises. En revanche, j’ai déposé un amendement de bon sens avec l’appui de mes collègues…

M. Marcel Rogemont. Pour TF1 ?

M. Yanick Paternotte. Ceux qui nous ont fustigés, Bernard Debré et moi-même, lors du débat sur les OGM, en nous accusant d’être à la solde de Monsanto, utilisent aujourd’hui les mêmes méthodes et les mêmes arguments à l’occasion de ce projet de loi. Tout cela est bien dérisoire !

M. Michel Françaix. Oh oui ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yanick Paternotte. Le créneau horaire a également été critiqué. Mais si l’on souhaite toucher la jeunesse et la former, faut-il diffuser des informations à dix heures trente, quinze heures ou vingt-trois heures trente? Bien sûr que non !

M. Michel Françaix. Vingt-trois heure trente, pour la jeunesse, il vaut mieux éviter !

M. Yanick Paternotte. J’ai entendu dire aussi que, si ces spots d’information étaient en concurrence avec d’autres émissions, les téléspectateurs passeraient forcément sur les chaînes privées. C’est faire injure au talent de nos créateurs, de notre jeunesse. C’est donner à penser que l’information et la science doivent être tristes et ne peuvent intéresser. Moi qui regarde souvent avec mes enfants Ce n’est pas sorcier, je peux vous dire que cette émission explique de façon originale, innovante et attractive la science, la technologie et le monde. Je regardais, en son temps, Les Shadocks, qui portaient une once de philosophie. Et je revois aujourd’hui avec nostalgie Pierre Desproges dans La minute nécessaire de M. Cyclopède. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Julien Dray. Et Thierry la Fronde ?

M. Yanick Paternotte. Ces émissions étaient diffusées à la bonne heure pendant que d’autres chaînes passaient de la publicité. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

M. Didier Mathus. Et que dire de Nicolas et Pimprenelle !

M. Julien Dray. La mire aussi, c’était bien !

M. le président. Mes chers collègues, seul l’orateur a la parole.

M. Yanick Paternotte. Je comprends que mon propos puisse vous gêner, mes chers collègues ! Mais en démocratie, il faut savoir accepter le débat contradictoire.

Non, l’information et l’éducation ne sont pas forcément tristes. J’en veux pour preuve quelques clips américains tendant à éviter les agressions sur le Net. Ils sont très pertinents, drôles tout en étant efficaces : ils portent un vrai message d’éducation en direction de la jeunesse et des parents.

Voilà ce que je voulais vous dire sur cet amendement. D’une façon plus générale, je trouve ce projet de loi excellent. Il respecte l’égalité entre le public et le privé. Il garantit le financement du secteur public – ce qui n’était pas le cas jusqu’à aujourd’hui. Je le voterai avec beaucoup d’intérêt et de gourmandise, pour peu qu’on prête attention à quelques amendements qui méritent d’être votés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Monsieur le président, il s’agit d’un rappel au règlement. Je tiens en effet à faire part à Mme la ministre de notre étonnement en voyant arriver un amendement sous le numéro 523, dont nous venons de prendre connaissance, qui prévoit la suppression de la publicité sur les antennes de RFO. Or il avait toujours été dit qu’on ne toucherait pas à la publicité sur RFO, qui représente une somme de l’ordre de 18 millions d’euros.

M. le président. Monsieur Mathus, c’est n’est pas un rappel au règlement.

M. Didier Mathus. Si, monsieur le président, puisque cela concerne le déroulement de nos travaux.

M. le président. Non.

M. Didier Mathus. Il entre dans le cadre de l’article 58.

M. le président. Je vous laisse la parole une minute, monsieur Mathus, mais je maintiens que votre propos ne relève pas d’un rappel au règlement.

M. Didier Mathus. La commission spéciale a examiné un texte déjà profondément remanié et que le Gouvernement vient encore modifier. D’une certaine façon, les règles du jeu ont été changées en cours de partie. Ainsi, la taxe de 3 % sur le chiffre d’affaires publicitaire ne serait plus que de 1,5 %, À présent, et alors que tous les travaux en commission spéciale avaient conclu, pour des motifs précis et argumentés, au maintien de la publicité sur les antennes de RFO, voilà que le Gouvernement dépose un amendement qui remet tout en cause.

M. le président. Monsieur Mathus, vous parlez de problèmes de fond, qui seront abordés dans la suite du débat. Reprenons la discussion générale.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Pardonnez-moi, monsieur le président, mais l’intervention de M. Mathus était bien un rappel au règlement, puisqu’elle portait sur le déroulement de nos travaux. Le Gouvernement a déposé à seize heures un amendement qui supprime la publicité sur RFO. Or au cours des auditions auxquelles nous avons procédé, le président de France Télévisions, Patrick de Carolis nous avait précisément assuré que le Gouvernement s’engageait à ne pas toucher à la publicité de RFO. Comment voulez-vous travailler dans de telles conditions ? Je dois notamment revoir mon intervention. Ce sont là de drôles de manières que l’on fait à la représentation nationale !

Madame la ministre, comme nous aurions aimé discuter ici d’un projet de loi sur le développement de l’audiovisuel public ! Si tel avait été le cas, vous auriez pu compter sur le concours enthousiaste des députés siégeant à gauche de cet hémicycle : vous vous connaissez leur attachement au service public, et pas seulement audiovisuel – car nous parlons bien de service public de l’audiovisuel et non pas de secteur public de l’audiovisuel.

Hélas, le projet qui nous est soumis dans la précipitation – une fois de plus, et sans nécessité apparente – a sans doute des raisons d’être, mais aucune n’a de rapport avec son titre. Derrière un exposé des motifs serti de bonnes intentions, combien cachez-vous de motifs inavouables ? Nous en voyons au moins deux.

Le premier est lié aux difficultés des trois grands groupes de télévisions privées : Canal +, M6 et, surtout, TF1. Cette dernière paye en effet aujourd’hui les conséquences de mauvais choix stratégiques vis-à-vis de la TNT et souffre d’une usure de son modèle de croissance, à un moment où le marché publicitaire apparaît morose. Accordant vos pensées et vos arrière-pensées, vous avez choisi – c’est incontestable – d’affaiblir l’audiovisuel public à l’occasion de cette réforme au profit du secteur privé. Et même quand il s’est agi de taxer les revenus publicitaires de ces chaînes privées pour financer votre réforme, vous avez reculé, peut-être étonnés par votre propre audace.

Le second est lié à la volonté manifeste d’effectuer une reprise en main politique de l’audiovisuel public en proposant la nomination du président de France Télévisions par le seul chef de l’État. Je ne m’y étendrai pas davantage, tant cela a été développé avant moi. En tout état de cause, et quels que soient les avis préalables qui vous paraissent des garanties suffisantes, vous mettrez France Télévisions en servage.

En tant que député ultramarin, je ne peux que vous dire mon émotion face à un texte qui restera une formidable occasion manquée pour l’audiovisuel public et, singulièrement, pour RFO. Voyez-vous bien de quoi je veux parler, madame la ministre ? De RFO, ce grand absent des réflexions qui ont présidé à l’élaboration de votre texte.

En effet, ni la commission Copé ni notre commission spéciale n’ont daigné procéder à une seule audition concernant RFO. Je ne peux donc que déplorer, une nouvelle fois, que l’outre-mer soit traité avec cette légèreté, alors que le groupe socialiste a su, en moins de trois semaines, procéder à près d’une dizaine d’auditions sur ce seul sujet.

M. Bernard Deflesselles. Eh bien !

M. Victorin Lurel. La conséquence de cette légèreté, c’est que, face aux attentes des personnels de RFO qui auraient été volontiers preneurs d’une réflexion de fond sur la place de l’outre-mer au sein de France Télévisions, face aux exigences des téléspectateurs ultramarins qui veulent une télévision de qualité, vous ne proposez rien, ou si peu ! Sorti des généralités, votre texte n’offre aucune ambition, aucune vision ; il dépouille RFO de son cahier des charges spécifiques et ne prévoit aucunement l’obligation d’adopter un projet d’entreprise à même de définir ce que doivent être la radio et la télévision dans les outre-mers au XXIe siècle. Aussi, fidèle à des méthodes anxiogènes expérimentées par ailleurs, laissez-vous des personnels sur la défensive, inquiets des risques sérieux de dilution de leurs missions au sein d’un grand groupe unique, inquiets de la précarité de leurs statuts actuels à la veille des bouleversements prévus par votre loi.

Votre valse-hésitation sur la question de la suppression ou non de la publicité sur RFO illustre singulièrement votre embarras à aller jusqu’au bout d’une logique qui prétend renforcer le service public tout en lui enlevant les moyens de fonctionner. Dangereuse pour l’audiovisuel public français dans son ensemble, cette approche est tout simplement plus lourde encore de périls dans les outre-mers où les systèmes économiques sont fragiles. Contrairement à ce qui est écrit dans un argumentaire que vous avez envoyé aux députés de la majorité, cela ne profitera pas forcément aux quatre groupes privés, notamment chez moi en Guadeloupe, mais bien plutôt au groupe Hersant, qui est déjà le plus grand groupe privé de télévisions régionales et locales.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Lurel.

M. Victorin Lurel. Car, sortis de ce point qui a cristallisé les oppositions, il faut aller au fond du débat sur l’avenir de RFO. Son intégration dans France Télévisions en 2004 avait été perçue comme une chance de valoriser les outre-mers et la diversité, la France métissée dans la République. Mais, faute d’une réflexion sur le sens de cette intégration, RFO y a gagné, non des moyens supplémentaires, mais plutôt des contraintes et, aujourd’hui, cette branche du service public de l’audiovisuel est notoirement sous-capitalisée. La fusion/absorption dans une société unique prévue dans ce projet de loi menace très clairement d’amplifier cette situation dramatique, notamment en centralisant à Paris les services de diffusion des programmes aujourd’hui assurés par du personnel dans les stations régionales. Ce n’est pas acceptable du point de vue de la sauvegarde de l’emploi.

M. le président. Concluez, monsieur Lurel.

M. Marcel Rogemont. Allons, monsieur le président, il n’a pas si souvent la parole !

M. Victorin Lurel. Je conclus, monsieur le président. Mais vous me déstabilisez tellement…

M. le président. Mais je vois qu’il vous reste encore sept ou huit pages !

M. Michel Françaix. C’est une conclusion dense !

M. Victorin Lurel. Aussi, pour que cette perspective de fusion soit accueillie différemment, nous vous proposerons plusieurs amendements. Il faut préserver l’identité de RFO, il faut lui donner les moyens nécessaires pour son expansion et son expression, ce qui ne figure pas dans votre texte. Nous présenterons donc plusieurs amendements pour améliorer ce qui est encore améliorable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Patrick Braouezec. Tout cela est parfaitement juste !

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, ayant prévu de m’exprimer sur plusieurs articles, je ne reviendrai pas, à ce stade de la discussion, sur un certain nombre de points déjà traités d’une manière qui me convient parfaitement par mes excellents collègues Jean-François Copé, Christian Kert et Michel Herbillon et plusieurs autres.

Ainsi, 2009 sera « l’année de la réforme » dans le domaine des médias, comme l’a voulu le chef de l’État : France Télévisions, audiovisuel extérieur et presse. Aujourd’hui, la convergence numérique conduit au média global et au rapprochement du contenu et des tuyaux : c’est pourquoi il est très important de réussir la mutation de France Télévisions et celle de l’audiovisuel extérieur en médias globaux.

Du fait de cette convergence, sitôt que l’on réforme un élément du paysage numérique, tous les autres éléments sont susceptibles d’être touchés. Il nous faut donc trouver des équilibres subtils à définir. Ainsi, comment concilier le fait que France Télévisions soit financée par l’ensemble des opérateurs télécoms et la possibilité pour elle de passer des accords d’exclusivité avec certains de ces opérateurs ?

Mais, sans contenus contrôlés en propre, l’efficacité des réseaux bénéficie uniquement aux géants de l’Internet, Google ou Microsoft. Et, comme le dit avec humour Didier Lombard, président de France Télécom, il n’est « pas question de construire des autoroutes pour que seules des voitures californiennes aillent rouler dessus »…

En tant que rapporteur spécial des médias, je défends l’idée que nous devons veiller à préserver l’existence des télévisions généralistes. Du fait des télévisions thématiques et de l’Internet, il y a un vrai risque d’autisme médiatique. chacun pouvant se limiter aux seuls sujets qui l’intéressent personnellement – certes librement choisis – et s’y enfermer. Les télévisions généralistes, publiques comme privées, ont donc un rôle important à jouer. Il leur revient d’exposer chacun d’entre nous à d’autres contenus que ceux qu’on choisit spontanément. Elles doivent préserver l’ouverture culturelle et intellectuelle nécessaire aux citoyens lucides d’un monde pluraliste.

Il faut donc que nous trouvions ensemble le moyen d’assurer le financement des télévisions généralistes – publiques et privées.

Le vrai « cadeau » – terme dont certains usent de façon polémique – apporté par la réforme, c’est au service public qu’il va bénéficier. En effet, France Télévisions va remplacer une recette publicitaire, aléatoire et partout en régression, par une recette certaine – 450 millions, puis 650 millions d’euros – apportée et garantie par l’État, puisque gagée par l’ensemble des recettes du budget général. France Télévisions remplace aussi une recette publicitaire qui pèse sur les choix de programmation par une recette de l’État qui libère la programmation.

Jamais le financement de France Télévisions n’aura été aussi solidement assuré, puisqu’il sera en très large majorité couvert par deux ressources publiques garanties. La première, c’est la redevance, dont la collecte réformée a été saluée par la Cour des comptes : cette réforme a permis d’économiser 100 millions d’euros par an, tout en confirmant cette ressource, affectée à l’audiovisuel public.

M. Michel Herbillon. Bel exemple de la réforme de l’État !

M. Patrice Martin-Lalande. La redevance verra enfin sa valeur maintenue d’année en année, puisqu’elle sera indexée sur l’inflation. Je m’en réjouis d’autant plus que j’avais proposé cette indexation l’année dernière, dans mes rapports et par un amendement.

M. Michel Françaix. Nous avions été les seuls à vous suivre !

M. Patrice Martin-Lalande. On peut être suivi à distance ! (Sourires)

La seconde ressource est la compensation intégrale de la perte de publicité, elle aussi garantie par l’ensemble des recettes du budget général de l’État.

À ce sujet, on a entendu, ces derniers temps, beaucoup d’approximations et de craintes dénuées de tout fondement. En effet, la compensation est totalement découplée des deux nouvelles taxes. Quel que soit leur produit, ces deux taxes alimenteront le budget général de l’État au même titre que toutes les autres recettes non affectées ; et c’est l’ensemble des recettes de ce budget qui garantira le financement des dépenses de l’État, parmi lesquelles figurera dorénavant la compensation intégrale de la perte de publicité de France Télévisions.

M. Michel Françaix. C’est comme pour la vignette !

M. Patrice Martin-Lalande. La compensation n’est donc pas liée aux produits des deux nouvelles taxes.

J’ai d’ailleurs interrogé M. Éric Woerth, ministre du budget, lors de son audition par la commission spéciale, sur ce qu’envisageait le Gouvernement pour les deux situations où ces nouvelles taxes ne couvriraient pas exactement le montant de la compensation à apporter à France Télévisions.

Pour commencer, si le produit des taxes se révélait inférieur à la compensation prévue, comment l’État couvrira-t-il ce déséquilibre ?

M. Patrick Braouezec. On pourrait commencer par ne pas les diminuer !

M. Patrice Martin-Lalande. Plusieurs hypothèses se présentent. On peut d’abord penser, tout simplement, aux autres recettes du budget général ; on penser ensuite à une augmentation du taux des nouvelles taxes ; on peut enfin penser à la création d’une nouvelle recette du budget général.

Dans cette dernière hypothèse, le Gouvernement pourrait envisager plusieurs scénarios : une recette fiscale pourrait être perçue sur l’utilisation par les opérateurs télécoms des fréquences radioélectriques libérées par l’audiovisuel grâce au réaménagement du spectre, grâce à ce que l’on appelle le dividende numérique ; cette nouvelle ressource pourrait rapporter environ 1,5 milliard d’euros. S’il fallait compléter le produit des deux taxes, il serait à mon sens tout à fait logique que l’État réaffecte à l’audiovisuel public une partie des nouvelles recettes que la numérisation de l’audiovisuel permet de faire rentrer dans les caisses de l’État.

Pourquoi ne serait-il pas possible, enfin, d’envisager une taxe sur le chiffre d’affaires de l’électronique grand public, qui a pour double avantage d’être, pour l’essentiel, un produit d’import, et de voir son prix de vente diminuer en permanence – pour notre plus grand bien à tous, nous qui en sommes les consommateurs ?

M. Michel Françaix. Hypothèse aléatoire !

M. Patrice Martin-Lalande. On pourrait enfin envisager une nouvelle taxe sur le chiffre d’affaires de la publicité des portails sur Internet, qui sont aujourd’hui à l’abri de toute contribution, alors qu’ils seront parmi les gagnants des redistributions publicitaires ? Mais chacun sait combien il serait difficile d’imposer ces portails sans pénaliser nos opérateurs nationaux – les autres pouvant facilement s’expatrier.

M. Didier Mathus. Il va falloir trouver une taxe par semaine…

M. Patrice Martin-Lalande. L’audiovisuel extérieur de la France constitue la deuxième dimension de la réforme des médias. Il avait jusqu’ici fait l’objet, de la part de la Cour des Comptes comme du rapporteur spécial que je suis, de nombreuses critiques liées à l’empilement des structures, à la multiplicité des tutelles, aux coûts de fonctionnement, à l’adéquation insuffisante des modes de communication aux usages de chaque région du monde, ou encore, à l’absence de synergie entre des intervenants dont les missions sont pourtant complémentaires.

Les premiers résultats du chantier de réformes lancé par le président de la République sont déjà visibles : une nouvelle stratégie a été définie grâce à la mise en oeuvre d’un véritable pilotage politique et un nouvel outil, la holding RFI-France 24-TV5, a été mis en place pour l’audiovisuel extérieur de la France, placé sous la responsabilité de M. Alain de Pouzilhac.

Je ne vous cacherai pas mon étonnement devant les critiques formulées sur le nouveau mode de nomination des présidents des sociétés nationales de programme. Certes, plusieurs solutions étaient envisageables pour améliorer la situation actuelle. Personnellement, je me réjouis…

M. Michel Françaix. Il est pince-sans-rire !

M. Patrice Martin-Lalande. Oui, je me réjouis de la mise en place d’une procédure de co-décision associant l’exécutif, l’autorité indépendante et le Parlement. Ce triple niveau de choix – puisque ces trois entités doivent converger – apporte des garanties à la hauteur de la spécificité de l’audiovisuel par rapport à la plus classique procédure de nomination dans les grandes entreprises publiques.

M. Michel Herbillon. Très bien !

M. Patrice Martin-Lalande. Face à ce renforcement des ressources de France Télévisions, il est normal d’attendre un renforcement de la maîtrise des dépenses, qui, reconnaissons-le, a été engagée, et qui doit se poursuivre. M. Patrick de Carolis et, avant lui M. Marc Tessier, ont su négocier le virage éditorial tout en améliorant l’efficacité de la dépense.

Le financement presque total de France Télévisions par la ressource publique implique que l’entreprise satisfasse aux conditions d’un équilibre financier. Si celui-ci ne devait pas être atteint, la charge due au déficit serait en effet supportée par les contribuables, ce qui n’est pas acceptable.

Il faut donc rendre obligatoire, dans le cadre des contrats d’objectifs et de moyens, la définition d’engagements en termes de gestion de l’entreprise France Télévisions et plus largement de l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel public. Ce même contrat d’objectifs et de moyens doit couvrir le mandat du président de France Télévisions : cette coïncidence responsabilisera les uns et les autres.

M. le président. Veuillez conclure.

M. Patrice Martin-Lalande. Pour les téléspectateurs, pour les acteurs de la création, pour les personnels du service public…

M. Patrick Braouezec. Que vous voulez licencier !

M. Patrice Martin-Lalande. …cette refondation de France Télévisions et de l’audiovisuel extérieur de l’État est la manière la plus ambitieuse et la plus cohérente d’assurer l’avenir du service public audiovisuel de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission spéciale – mais je vois qu’il n’est pas là ; il était déjà absent hier, mais il va revenir, bien sûr !

M. Christian Kert, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public et le projet de loi sur le service public de la télévision. Il est suppléé par M. Martin-Lalande.

M. Patrick Roy. Ah ! Mais ce n’est pas tout à fait la même chose ! Peut-on remplacer un président d’une telle qualité ?

« I have a dream »

M. Jean Dionis du Séjour. Yes !

M. Patrick Roy. Yes ! C’est certainement ce qu’a dû se dire notre Président un beau matin, au réveil : « Je dois rendre à mes copains ce qu’ils m’ont offert, leur faire un cadeau à la mesure de l’aide qu’ils m’ont apportée. » Évidemment, je ne dors pas avec lui, mais cela a dû être quelque chose comme cela. Le Président décide donc de faire cette grande réforme de l’audiovisuel – sans même vous en parler, si j’ai bien compris.

Cette réforme est-elle urgente ? Manifestement, non. Est-elle bâclée ? Manifestement, oui. On me parle de concertation et de commission spéciale – dont j’attends toujours le président, qui doit arriver…

M. Patrice Martin-Lalande. Je le représente, si vous le permettez.

M. Patrick Roy. Mais je constate que dans d’autres pays, la mise en place de réformes de ce genre met bien plus de temps ! Avec un peu de concertation, vous auriez évité les protestations unanimes que nous avons entendu et que nous entendons encore : elles ont réuni 4 000 salariés et la proportion de grévistes a atteint 90 %. C’est bien la preuve que cette réforme, présentée comme ambitieuse, culturelle et destinée à aider le service public, vise en réalité à le faire disparaître, ou tout au moins à le cantonner aux taux d’écoute les plus faibles possible. L’amendement proposé par notre collègue il y a quelques dizaines de minutes montre que telle est bien votre volonté.

Le Gouvernement écoute-t-il les spécialistes ? Assurément non. Dialogue-t-il avec eux ? Assurément non. Il n’est que d’interroger ceux dont la télévision est le métier – producteurs, scénaristes, journalistes, etc. – pour comprendre que leur plus grande crainte est la disparition de chaînes du service public ; nous avons encore appris hier qu’il y avait un risque de regroupement de LCP et de Public Sénat. Et l’on sait ce que valent les promesses ; et celles de Nicolas Sarkozy ont été bâclées, modifiées – et finalement, une fois arrivé au pouvoir, il ne les a pas tenues.

Le grand philosophe Bernie Bonvoisin, que vous connaissez, madame la ministre, aurait pu le dire : avec cette loi antisociale, la télévision publique va perdre son sang-froid. Et ce d’autant plus que, non content de faire ce cadeau à faire aux copains, notre Président a décidé qu’il nommerait dorénavant – et révoquerait – les responsables de la télévision publique. Je vous le dis sur un ton grave : c’est un retour en arrière. Ceux qui causent, ceux qui encouragent, ceux qui votent les régressions sociales trouvent toujours les mots pour les présenter ; mais il s’agit là d’une régression sociale majeure, et même d’une régression démocratique. Je suis très inquiet du devenir des programmes qui seront réalisés sous la houlette d’un président lui-même à la botte du Président de la République : ils risquent de masquer la réalité de la vie des Français. C’est d’ailleurs parfois déjà un peu le cas aujourd’hui : les souffrances de nos concitoyens sont parfois bien mal répercutées par la télévision !

Cette réforme ne fera qu’accentuer la culture TF1 : on sait que les chaînes privées cherchent d’abord à gérer les cerveaux et à vendre des parts de cerveau. Je pourrais citer mon fils, qui, en voyage aux États-Unis, m’a fait remarquer qu’un film qui dure deux heures prend là-bas quatre heures – à cause des coupures publicitaires toutes les dix minutes !

M. le président. Veuillez conclure.

M. Patrick Roy. En conclusion, je ne veux pas d’un retour à la TSF – entendez : la télévision Sarkozy-Fillon. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez. Ayant participé aux travaux de la commission pour une nouvelle télévision publique, dite commission Copé, je ne peux qu’exprimer d’emblée une large approbation des objectifs du projet de loi concernant l’évolution de France Télévisions, à l’heure des nouvelles technologies – je pense à la TNT et au numérique – mais aussi à l’heure des exigences de la société d’aujourd’hui, dans sa diversité, dans son besoin d’information et de débat, dans sa demande de qualité culturelle, éducative, dans sa demande enfin de divertissement.

Je suis parfaitement conscient que toutes ces exigences, nécessaires à une bonne télévision publique, appellent un financement sûr, pérenne, voire dynamique.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. Gilles Carrez. Je concentrerai donc cette courte intervention sur la dimension économique et financière de la réforme.

Lorsque la décision de supprimer la publicité a été prise début janvier, nous espérions tous une croissance supérieure à 2 %.

M. Jean Dionis du Séjour. Eh oui !

M. Patrick Roy. C’est raté !

M. Gilles Carrez. Aujourd'hui, le contexte a radicalement changé et les auditions de la commission spéciale, sous la vice-présidence de Patrice Martin-Lalande, m’ont conduit à me poser une question devenue fondamentale : ne courons-nous pas un risque en matière de consommation en supprimant dès à présent la publicité ?

Lorsque les annonceurs, en juin dernier – Patrice Martin-Lalande se le rappelle –, ont tous souligné que la réforme entraînerait, en termes de transfert sur les autres médias, une déperdition de près de la moitié de la publicité, je me suis immédiatement demandé ce qu’il en serait de la consommation. Car c’est un fait que la publicité tire la consommation : il suffit de voir, chère Cécile Gallez, le comportement des clients, dans les pharmacies, le lendemain du passage à la télévision d’un spot sur tel produit d’hygiène ! Je pourrais également évoquer bien d’autres secteurs, à commencer par l’automobile. C’est une vérité d’évidence, mais on oublie souvent les vérités d’évidence.

Je le répète : si une partie de la publicité s’évanouit, quelle en sera la conséquence sur la consommation ? Dès le mois de juin j’ai demandé une étude d’impact ; je renouvelle aujourd'hui cette demande car nous n’en avons toujours pas ! A-t-on le droit de courir un tel risque…

M. Michel Françaix. Non !

M. Gilles Carrez. …alors que nous sommes le seul pays en Europe – et nous nous en honorons – à avoir connu une légère croissance au troisième trimestre – 0,14 % –, tirée par la consommation ?

Qui plus est, ces recettes publicitaires qui feront défaut, il faudra les remplacer…

M. Jean Dionis du Séjour. Eh oui !

M. Gilles Carrez. …d’autant que 450 millions d’euros, c’est loin d’être négligeable !

M. Patrick Braouezec. C’est plus de 450 millions !

M. Gilles Carrez. Du reste, madame la ministre, Patrice Martin-Lalande et Michel Herbillon en sont témoins, j’ai été le premier, en tant que rapporteur général du budget, à alerter sur un possible manque à gagner de 150 millions d’euros dès 2008, et à prévenir qu’il ne faudrait pas mégoter !

M. Patrice Martin-Lalande. C’est vrai.

M. Gilles Carrez. Nous n’avons pas non plus hésité dans l’estimation de 450 millions. Mais dès cette époque, je me suis interrogé sur la pertinence des taxes : celle sur les transferts de publicité sur les chaînes privées est une idée assurément séduisante. On parlait même d’effet d’aubaine ! Mais face à un marché publicitaire qui s’effondre, peut-on encore parler d’effet d’aubaine ? La taxe sur les opérateurs de téléphonie mobile ou sur les fournisseurs d’accès à Internet devait être « infinitésimale » – je reprends le mot employé. J’ai regardé les choses de plus près dès le mois de juin : pour un opérateur de téléphonie mobile – je suis prêt à en débattre avec vous –, la taxe pourra représenter jusqu’à 7 % du résultat. C’est loin d’être infinitésimal et cela peut avoir des conséquences sur l’emploi et l’investissement dans un secteur particulièrement dynamique,…

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai.

M. Gilles Carrez. …sans oublier les conséquences sur le consommateur car, à un tel niveau, des répercussions sont possibles sur le pouvoir d'achat.

De plus, alors que nous nous efforçons, en matière de technique fiscale, de supprimer par tous les moyens les impôts qui pèsent sur le compte d’exploitation des entreprises – on supprime actuellement l’imposition forfaitaire annuelle et la taxe professionnelle –,….

M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Carrez ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Bloche. Laissez-le parler, monsieur le président !

M. Jean Dionis du Séjour. Oui, il est excellent !

M. Gilles Carrez. …on créerait des taxes sur le chiffre d’affaires qui, à l’heure de la mondialisation et de la concurrence, ne devraient plus être à l’ordre du jour !

Le réalisme m’oblige à affirmer que ces taxes risquent d’être amenuisées : or, si les taxes ne sont pas au rendez-vous, par quoi les remplacera-t-on ? Nous tournerons-nous vers le budget de l’État ? Je suis le premier à en connaître les limites.

Mme Muriel Marland-Militello. Et l’augmentation de la redevance ?

M. Gilles Carrez. Nous pourrions en effet nous tourner vers la redevance. Dois-je rappeler que j’ai été le premier à souligner qu’il était plus que contestable que la redevance, après être passée de 116,50 euros en 2003 à 116 euros en 2004, n’ait plus évolué depuis ?

M. le président. Il vous faut vraiment conclure ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Dionis du Séjour. Il faut le laisser terminer, monsieur le président.

M. Patrick Bloche. C’est le rapporteur général du budget, ce n’est pas n’importe qui !

M. Gilles Carrez. De tous les impôts que j’ai à suivre, c’est le seul qui soit bloqué ! Allez expliquer pourquoi !

Patrice Martin-Lalande et moi-même nous sommes battus pour indexer la redevance. Mais, madame la ministre, même un petit coup de pouce à la redevance ne suffira pas. Il est vrai que le service public a besoin de se réformer, et l’on peut certainement économiser plusieurs centaines de millions d’euros. Mais il n’en reste pas moins que, pour améliorer sa qualité, qui est déjà bonne, je l’affirme du haut de cette tribune, la télévision publique, compte tenu de l’augmentation régulière des coûts, notamment pour la production des fictions, a besoin de ressources suffisantes et en évolution régulière, comme le prévoit du reste le contrat d’objectifs et de moyens. Où trouverons-nous ces moyens si nous asséchons tous les financements non publics ?

Certes, je ne nourris guère d’illusion sur cette partie de la réforme. Toutefois, madame la ministre, je vous demande de bien vouloir considérer, compte tenu des incertitudes qui sont les nôtres aujourd'hui, qu’il serait dangereux de s’engager dès maintenant dans une suppression totale des recettes publicitaires pour la fin de 2011. Croyez-moi, c’est le bon sens qui parle : les financements publics seront à l’avenir de plus en plus rares et difficiles à arracher. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et NC.)

M. Jean Dionis du Séjour. Il a raison !

M. le président. J’ai été très indulgent avec M. Carrez.

M. Patrick Bloche. Il le méritait !

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Jean Ueberschlag. Après M. Carrez, cela va être dur, monsieur Giraud.

M. Joël Giraud. Je ne demanderai aucune indulgence, monsieur le président : elles se paient trop cher.

Madame la ministre, permettez-moi d'exprimer l'inquiétude des territoires dont votre réforme de l'audiovisuel public met en péril la spécificité. En effet, si le projet de loi est adopté, les chaînes du service public et du réseau France Outre-mer n'auront plus de fondement législatif. Alors que l’actuel article 44 de la loi du 30 septembre 1986 décline toutes les sociétés de programmes de France Télévisions – France 2, France 3, France 5, RFO devenu France Ô –, leur identité et leur spécificité seront renvoyées au cahier des charges unique. L'identité des chaînes, qui deviennent des marques, comme les nouveaux objectifs de France Télévisions – nouveaux programmes, publicité, critères d'évaluation et engagements sur les missions de service public, relations avec les autres médias – seront déclinés par le biais d’un cahier des charges et chiffrés dans le contrat d'objectifs et de moyens en cours de préparation. S’agit-il de réaliser des économies plus importantes pour entrer dans l'enveloppe allouée ?

Toutes ces dispositions n'étant pas dans le projet de loi, on est dans la plus grande incertitude sur ce que négocie France Télévisions avec sa tutelle. Les priorités du cahier des charges seraient la culture et la création, mais encore faut-il que France Télévisions ait les moyens d'une politique ambitieuse !

Il convient de noter que, dans son avis sur le projet de loi, le CSA a souhaité que le cahier des charges unique pour l'ensemble des chaînes garantisse trois éléments.

Le premier est le respect de l'identité des chaînes : on connaît par exemple les tentations de la majorité de transformer France 3 en une chaîne de rediffusion d'émissions phares avec un volet régional ou en un réseau de chaînes régionales – treize au lieu de sept – avec un décrochage national. Quant à l'absence d'uniformisation des lignes éditoriales, il est à craindre que la pénurie de moyens financiers limite la diversification des programmes, la créativité, l'innovation ou la prise de risque.

Le deuxième est la diversité des producteurs en vue de maintenir une production variée et indépendante.

Le troisième est le pluralisme de l'information : le CSA n'est pas le seul à craindre que la synergie entre les rédactions n’aboutisse à une rédaction unique fournissant la même expression à plusieurs chaînes.

Le CSA craindrait-il que la fusion-absorption des sociétés de France Télévisions transforme 1'entreprise unique en une petite société de télévision publique vertueuse, satellite des groupes industriels diversifiés dans les médias ?

Quant aux spécificités que j’ai évoquées, les députés des territoires ruraux, comme ceux de la montagne ou du littoral, connaissent bien les risques que représente le fait de ne pas inscrire dans les textes le droit à la différence des territoires, fondement de la loi Montagne de 1985 ou de la loi de développement des territoires ruraux de 2005.

La France n'est pas un pays uniforme et l’on connaît déjà les conséquences des restrictions budgétaires sur les territoires : suppression du magazine « Montagne » de France 2 ou sauvetage d'extrême justesse, grâce à un lobbying intensif, des « Chroniques d'en Haut » de France 3, placées cependant sous le règne du sursis avant exécution jusqu'en juin 2009. Alors que les territoires ont déjà été les premières victimes des restrictions budgétaires, du fait que leurs spécificités n’intéressaient pas une pseudo-élite intellectuelle parisienne, ils seront demain les premières victimes de la disette budgétaire que vous organisez, avec la complicité de votre majorité, pour France Télévisions, entre, d’une part, la diminution des ressources allouées dans le cadre du prélèvement sur les recettes publicitaires et, d’autre part, un prélèvement sur le montant des abonnements et des fournitures de services payés aux opérateurs de télécoms et aux fournisseurs d’accès de services, dont la stabilité juridique n’est pas assurée. La commissaire européenne à l’information n’a-t-elle pas qualifié cette taxe de « contre-logique » ?

À moins que, comme le pratique sans vergogne le Gouvernement, vous ne contraigniez France Télévisions à chercher les 350 millions d’euros manquants dans les caisses des collectivités territoriales…

M. Victorin Lurel. Ben voyons !

M. Joël Giraud. Cette piste, évoquée par M. Patrick de Carolis, président de France Télévisions, au cours de ses auditions au Sénat, est une hérésie. Pour commencer, elle signifierait que les bureaux locaux d’information passeraient demain sous la tutelle de leurs payeurs, autrement dit des collectivités locales : sur le plan déontologique, ce serait inacceptable. Il faut au contraire inscrire dans la loi le maintien des rédactions nationales, régionales et locales des chaînes sans les placer sous la tutelle politique de leurs éventuels payeurs. De plus, compte tenu des contraintes budgétaires qui pèsent sur les collectivités et que vous aggravez chaque jour, nous craignons, comme en témoignent les écrans d’un grand nombre de nos voisins, de voir une programmation de qualité médiocre dans laquelle le discours du président du Land de Carinthie – paix à son âme ! – et les bulletins municipaux remplacent l’information.

Quant à la qualité de l’information locale et des programmes régionaux, elle sombrerait dans la médiocrité absolue. C’est le risque de l’uniformisation des unités territoriales poussée à son paroxysme que votre texte fait courir.

Les territoires les plus enclavés et aux confins du royaume ont déjà l'habitude d’un tel mépris : l'exemple de la diffusion de la télévision numérique terrestre le leur rappellerait, s’il en était besoin, puisque l’objectif de couvrir 95 % du territoire national avec, au minimum, 91 % de couverture au plan départemental, est loin d'être atteint. Les 95 % sont déjà dépassés dans les zones urbaines alors que, dans certains départements ruraux de montagne, la couverture atteint péniblement les 25 %, la situation de certaines zones frontalières étant en la matière de plus en plus difficile. Vous avez, sur ce point également, failli à vos engagements d'équité entre les territoires : celles et ceux qui ne seront pas couverts par la TNT n'auront d’autre choix que de se passer de télévision ou d’y consacrer un coût astronomique, car les collectivités locales, qui ont déjà du mal à intervenir sur le plan juridique dans ce domaine – d’où le dépôt d’un amendement de l'Association nationale des élus de la montagne –, ont encore plus de mal à intervenir sur le plan financier, car il s'agit une fois encore des territoires les plus pauvres et les plus enclavés, de ceux qui n'ont pas d'infrastructures de transport performantes et qui pourraient avoir, grâce à la TNT, un outil numérique de désenclavement si, dans ce pays, on condescendait à se rappeler la signification des mots « aménagement du territoire ».

Sans doute, madame la ministre, était-il urgent pour vous que nous examinions un texte qui nous ramène vingt-cinq ans en arrière en matière de tutelle politique sur les médias et quarante ans en matière de respect des territoires ruraux comme de tous les territoires à forte identité – je pense à l'outre-mer. Retrouverons-nous bientôt l’époque où des communes pauvres devaient payer le relais permettant de voir la première chaîne de télévision sur laquelle la voix du Président de la République était la seule voix de la France ?

M. le président. Il vous faut conclure.

M. Joël Giraud. Les radicaux de gauche ne demandent pas d’indulgence au clergé mais simplement à l’Assemblée.

Nous n'accepterons pas cette chronique d'une triple mort annoncée : mort du pluralisme, mort de l'indépendance de la profession de journaliste de l'audiovisuel public, mort de la prise en compte des spécificités de nos territoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Nous avons terminé la discussion générale.

La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, j’ai entendu au cours de cette discussion assurément beaucoup de réflexions intéressantes mais également beaucoup de caricatures, voire d’anathèmes, notamment à l’adresse du Président de la République –Mme Marland-Militello s’en est, à juste raison, déclarée choquée.

M. Patrice Martin-Lalande. C’est vrai.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. À l’heure où le Président de la République déploie son action en tout lieu contre la crise internationale et porte avec honneur et éclat la présidence européenne, il semblerait, à croire ses accusateurs, que son seul souci serait d’enrichir tel ou tel groupe privé, d’exercer un pouvoir dictatorial sur les chaînes ou de s’occuper du club du Fouquet’s : je ne peux qu’être choquée, moi aussi, par ces propos qui me semblent tout à fait excessifs.

M. Patrice Martin-Lalande et M. Michel Herbillon. C’est vrai.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. J’ai en effet entendu parler de « mafia », d’« années de plomb », de « hold-up législatif », d’« asphyxie », d’« euthanasie », de « tocsin », de « cabinet noir » ou de « télé-Moscou ».

M. Michel Herbillon. L’opposition emploie des termes inadmissibles !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. C’est dire combien la situation est terrible et digne d’OSS 117, de romans noirs d’espionnage ou encore de Règlement de comptes à OK Corral ! Nous sommes très loin, me semble-t-il, de la réalité.

Je propose une réforme courageuse,…

M. Patrick Bloche. C’est faux !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. …qui a souvent été discutée et caressée – M. Charasse l’a évoquée – et, qui plus est, réalisée à moitié dans les années quatre-vingt-dix, lorsqu’une part de la publicité a été supprimée. Cette réforme a également été prônée par de multiples personnalités – Bourdieu ou Derrida, mais ils ne sont pas les seuls, ont souvent écrit qu’ils souhaitaient la suppression de la publicité. C’est une réforme significative en ce qu’elle a du sens : ce n’est pas la même chose pour le téléspectateur de voir son programme commencer à vingt heures trente, ce qui lui permettra de regarder une deuxième, voire une troisième partie de programme. et non à vingt et une heures.

M. Michel Herbillon. Absolument !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. De même, pour les programmateurs, il ne revient pas au même de prévoir un tunnel de publicités avant le journal du soir et un autre après, ce qui conduit à programmer, après le journal, une série télévisée américaine plutôt qu’une émission littéraire, un débat ou toute autre émission à inventer. On n’agit donc pas dans le même esprit.

En effet, la pression de la « pub » existe. Je ne dis pas que la « pub » représente par nature le mal ; elle fait partie de la vie, elle est utile et traduit souvent un grand talent, en particulier en France.

M. Patrice Martin-Lalande. C’est vrai, nous avons de la chance !

M. Michel Herbillon. Tout à fait !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Nous avons tous à l’esprit de grandes publicités, que nous avons aimées. Mais en même temps, j’insiste, la « pub » exerce une pression.

M. Patrick Bloche. Mais quelle pression ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. On ne peut pas soutenir qu’elle n’exerce aucune pression alors qu’elle représente 30 % d’un financement ! Il est tout de même étrange d’entendre les thuriféraires de la « pub » la présenter comme source absolue de liberté, comme si la pression économique des annonceurs n’existait pas !

M. Patrick Bloche. Prouvez-le !

M. Michel Françaix. La publicité est une garantie d’équilibre !

M. Patrice Martin-Lalande. Les opposants au projet ne sont pas à un paradoxe près !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Autre paradoxe : à écouter les mêmes, le plus sûr serait la ressource publicitaire quand le plus aléatoire serait la garantie publique, la garantie de l’État…

M. Jean Dionis du Séjour. Les deux sont aléatoires !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Dans le contexte actuel de crise économique, la publicité se porte mal. Nous avons d’un côté cette ressource aléatoire – et si l’on n’avait pas attribué une dotation spéciale à France Télévision cette année, son déficit aurait sûrement été considérable – et, de l’autre, un engagement formel de l’État sur 450 millions d’euros : Patrice Martin-Lalande l’a rappelé et la somme figure en toutes lettres dans le projet de loi de finances. Cet engagement très fort de l’État n’est pas directement lié au recouvrement des taxes, même si celles qui sont mises en place, j’ai bien entendu ce que Jean Dionis du Séjour et Gilles Carrez ont déclaré, sont tout de même raisonnables.

On ne peut pas anticiper sur ce que seront les transferts, c’est impossible en temps de prospérité et donc a fortiori en temps de crise. Toutefois, les industries ne se priveront pas de ce levier extraordinaire que représente la publicité : elle est nécessaire. Les taxes instituées dans un secteur aussi dynamique, devenu indispensable aux gens – personne ne peut vivre sans son téléphone portable –, qui est en pleine expansion et représente des dizaines de milliards d’euros, restent raisonnables, telle la taxe modulée sur les télévisions. De même, la possibilité de taxer les surplus et non les déficits…

M. Michel Herbillon. Bien sûr !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. …paraît vraiment raisonnable.

M. Michel Herbillon. Certes, on ne va tout de même pas taxer la régression !

M. Jean Dionis du Séjour. Taxons déjà les écrans !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Ce projet qui prévoit la suppression partielle de la publicité, financée comme nous l’avons expliqué, forme un tout indivisible.

Nous souhaitons, grâce à ce texte, que la télévision publique se porte bien, de même que les télévisions privées, non pour leur faire des cadeaux, mais tout simplement parce que toutes concourent au financement du cinéma, à celui de notre système audiovisuel. Cette taxation, cette façon vertueuse de faire contribuer les uns à la création des autres est unique au monde.

Nous allons ouvrir de nouvelles fenêtres mais sans exploiter jusqu’au bout les possibilités que nous donne la directive, à savoir 12 minutes de publicité, puisque nous n’allons en utiliser que 9. Les programmateurs privés ne sont du reste pas idiots et ne vont pas imposer au téléspectateur des tunnels insupportables qui le ferait fuir précisément vers les télévisions publiques qui seront d’ailleurs toujours plus attractives !

M. Michel Herbillon. Bien sûr !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. C’est ainsi que la station Europe 1 a été amenée à revoir à la baisse la diffusion de la publicité sur son antenne. Il s’agit de trouver un équilibre.

M. Michel Herbillon. Absolument !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Pour ce qui est de la deuxième coupure, force est de constater que les chaînes diffusent de moins en moins de films : en quelques années, nous sommes passés de cent films par an sur TF1 à quelque soixante… Il est plus rentable de diffuser de petites fictions, ce qui permet une deuxième coupure. Nous en avons discuté avec les professionnels : nous souhaitons inciter à la diffusion de davantage de films.

En ce qui concerne la société unique, personne ne peut nier que sa création représente une grande occasion de réforme, de créer des synergies. Au moment où tout se réforme dans le pays, il ne paraît pas extraordinaire que l’audiovisuel public soit amené à créer des synergies. Patrick de Carolis en a exprimé le souhait il y a plus d’un an, désirant exercer un management plus direct, plus dynamique.

M. Jean Dionis du Séjour. Il s’agit de la meilleure partie du rapport de M. Kert !

M. Christian Kert, rapporteur. Je vous remercie, mon cher collègue.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Le mouvement est lancé. Il existe déjà une direction des sports, une unité jeunesse. Avoir de grandes unités et en même temps des chaînes clairement identifiées me paraît la voie à suivre.

Il y aura toujours, bien sûr, différents guichets pour le cinéma, mais aussi pour l’audiovisuel avec des personnels identifiés. Les besoins de programmes ne vont pas disparaître pour autant. Nous suivons le modèle de Radio France : personne ne prétend que l’existence de France Inter, de France Infos ou du Mouv’ vont tout à coup conduire Radio France à vendre. Ces radios forment un tout : Radio France. Il est même plus difficile de modifier le périmètre avec une société unique que dans l’organisation actuelle, avec des chaînes beaucoup plus indépendantes.

La nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public, qui a fait l’objet de très fortes accusations, n’est pas une question neuve. À la fin des années quatre-vingt-dix, à l’époque où fut créée la présidence unique de France Télévisions, le journal Libération avait demandé à Mme Tasca pourquoi elle n’était pas allée au bout de la logique qui aurait voulu qu’elle nomme elle-même le dirigeant de la nouvelle holding dont l’État est l’actionnaire unique. Elle avait alors estimé qu’il aurait peut-être fallu le prévoir avant d’écarter cette hypothèse tout en soutenant que le secteur privé devenait si puissant que le système en vigueur apparaissait fallacieux.

Il est vrai que le paysage est très divers, qu’il s’agisse de l’existence de nombreuses chaînes, du choix offert à des téléspectateurs dont les pratiques évoluent considérablement : ils zappent, passent sur l’Internet, regardent la télévision publique puis la télévision privée. Dans ce système, l’actionnaire va prendre toutes ses responsabilités, va choisir librement son dirigeant – mais avec le verrou du Conseil supérieur de l’audiovisuel qui se prononcera, et après un débat à l’Assemblée et au Sénat, débat promis à une large publicité,…

M. Michel Herbillon. Il sera public et transparent !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. …tant ce secteur suscite de passions.

Les conditions de compétences seront réunies et ce dispositif laissera la possibilité de faire appel à des personnalités extérieures au journalisme. De grands dirigeants de l’audiovisuel, en France et de par le monde, proviennent d’autres secteurs et réussissent fort bien. C’est le choix de la responsabilité, le choix de la liberté et celui de la modernité.

Les mots que nous avons pu entendre : étatisme, affairisme,…

M. Victorin Lurel. Nous avons aussi parlé de favoritisme !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. …sont terribles, tout à fait excessifs.

M. Patrice Martin-Lalande. Durs pour certains !

M. Victorin Lurel. Et RFO ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Tel n’est pas l’objet de cette réforme. Je demande seulement un peu de bonne foi et moins de postures paradoxales, moins de procès d’intention – et de procès tout court. Je crois défendre une réforme ambitieuse et utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au nouveau service public de la télévision.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)