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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mardi 10 février 2009

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Rudy Salles

1. Réforme de l'hôpital

Question préalable

M. Christian Paul

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, M. Philippe Vitel, M. Olivier Jardé, M. Jean Mallot, M. Maxime Gremetz

Discussion générale

M. Jacques Domergue

Mme Marisol Touraine

Mme Huguette Bello

Mme Huguette Bello

M. Jean-Luc Préel

M. Daniel Spagnou

M. Jean-Marie Le Guen

M. André Chassaigne

M. Claude Leteurtre

M. Dominique Souchet

M. Georges Colombier

Mme Michèle Delaunay

Mme Bérengère Poletti

M. Marcel Rogemont

M. Marc Bernier

Mme Catherine Lemorton

Mme Nicole Ameline

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Rudy Salles,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Réforme de l'hôpital

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (n°s 1210 rectifié, 1441, 1435).

Question préalable

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Monsieur le président, madame la ministre de la santé et des sports, monsieur le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, mesdames, messieurs les députés, parmi beaucoup de motifs de regret, il y a un point d’accord entre nous : ce projet était un rendez-vous très attendu. Nous affrontons, en effet, une crise globale de l’hôpital et de notre système de santé tout entier. Chacun, ici, peut témoigner de la défiance qui s’installe face à un système qui répond de moins en moins bien aux besoins des malades. Nous devons tous témoigner des insécurités médicales qui angoissent aujourd’hui les Français et dénoncer les inégalités, sociales et géographiques, qui se creusent et sont devenues, dans tous les cas, insupportables.

Ce que nous devons redouter, madame la ministre, ce n’est pas le mécontentement des professionnels. Encore ne faut-il pas le provoquer par des discours maladroits. Ce que nous devons entendre, c’est le mécontentement de tous les Français devant des lois à répétition qui n’apportent pas de solutions durables à la crise d’un système désormais à bout de souffle, un système qui va mal, du grand hôpital étranglé par le rationnement budgétaire jusqu’au canton rural devenu désert médical.

C’était donc une occasion unique, probablement la seule dans cette législature. Une loi sur l’hôpital, la santé, l’offre de soins est un moment majeur pour faire des choix, pour décider des orientations et pour construire de nouveaux outils. En dépit de cela, ou plutôt à cause de cela, il est de notre responsabilité de vous demander solennellement de ne pas ouvrir ici un débat que ce texte, en l’état, ne prépare pas, ne mérite pas et qu’il rend même impossible. En effet, le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires » n’est ni à la hauteur des attentes des Français ni à la mesure des promesses de la communication du Gouvernement. C’est pourquoi nous défendons cette question préalable.

On attendait la fin du laisser-faire. À l’évidence, les corporatismes sont en embuscade. On attendait un courageux effort d’innovation, mais les questions les plus graves sont évitées. Votre énergie, madame la ministre, à défendre ce texte ne lui conférera aucune des vertus qu’il n’a pas.

Comme de nombreux parlementaires de tous horizons, j’ai été surpris par la masse des amendements qui ont afflué depuis des jours devant notre commission des affaires sociales. Aux dernières nouvelles, 2 500 amendements ont été déposés et 2 000 proviennent de la majorité qui reconnaît ainsi, au passage, l’importance et le bien-fondé du droit d’amendement !

M. Régis Juanico. Eh oui !

M. Christian Paul. Sur un texte aussi sensible, dont l’architecture et chaque pièce doivent être soigneusement pesées et écrites, une telle vague de réactions n’est ni habituelle ni indifférente. Ce n’est pas le fruit de ce que vous aimez qualifier d’obstruction parlementaire, qui est d’ailleurs le plus souvent le simple devoir de résistance d’une opposition que vous souhaiteriez muette ! Non, car, je le redis, plus des trois-quarts de ces amendements proviennent de votre majorité. Vous nous avez dit en présentant ce texte qu’il fallait y voir l’intérêt de tous les députés pour les problèmes de santé, leur créativité ou leur envie de conforter et d’enrichir ce projet. C’est sûrement vrai. Mais j'ai surtout décelé dans cette réaction parlementaire – la vôtre, chers collègues de la majorité et la nôtre, celle de l'opposition – une inquiétude profonde devant les faiblesses marquantes de ce texte et la conviction qu'il n'est pas à la hauteur des enjeux. J’ai entendu aussi s’exprimer, pour les dénoncer, les dangers que contient ce projet et les écueils qu'il n'évite pas. Nombre d'entre nous, pas seulement à gauche, ont la certitude que le Parlement risque de vivre une grande occasion manquée.

Nous devons dénoncer dans ce texte une ambition insuffisante, non pas dans les intentions, vous n'en êtes pas économe, mais dans ses dispositifs concrets ; une tendance fâcheuse à sous-estimer la crise du système, voire à la dénaturer, encore que, dans ce domaine, M. Woerth fera toujours mieux que vous !

M. Régis Juanico. Eh oui !

M. Christian Paul. Pourtant, la clameur et la colère montent dans le pays et l’on entend des annonces à répétition sur le désert médical ou les dépassements d'honoraires, auxquelles ne s'accrochent pourtant pas de vraies stratégies prenant à bras-le-corps les problèmes de l'hôpital et des territoires. Oui – et vous l’avez d’ailleurs avoué tout à l’heure – il s’agit d’une loi d'organisation quand il faudrait une loi d'orientation. C’est une loi d'organisation qui s'avère d'abord une loi de gouvernance « caporalisée », quand on voudrait des instruments de pilotage solides, une programmation de moyens pour éviter la faillite et assurer le sauvetage de l'hôpital public, et surtout une mobilisation générale pour refonder le système de santé.

Voilà quelques-unes des appréciations que les parlementaires, les observateurs et de nombreux professionnels – la majorité de ces derniers, sans doute – ont réservées, en leur âme et conscience, au projet que vous présentez à l'Assemblée nationale.

Voilà pourquoi, madame la ministre, je vous prédis sur ce texte, si vous le maintenez en l'état, un échec politique inoubliable. Si le Gouvernement ne se ressaisit pas, s'il ne fait pas preuve de lucidité, il endossera une immense responsabilité devant les Français : celle de ne pas avoir apporté, en temps utile, les solutions nécessaires. Voilà pourquoi, en conscience, le groupe SRC a choisi de défendre cette question préalable.

Et, comme si cela ne suffisait pas en début de discussion, vous nous avez donné une raison nouvelle, qui aurait pu suffire, de récuser ce débat : les dispositions relatives aux CHU ont été laissées en réserve. Si nous avons bien entendu, le texte concerne l'hôpital public, quel que soit son statut, mais les mesures propres aux CHU seront examinées après les conclusions de la commission Marescaux !

M. Michel Vergnier. C’est incroyable !

M. Christian Paul. Elles seront présentées au Sénat, et seulement au Sénat, en enfourchant avez-vous dit, un «véhicule législatif » ! Nous n'avons pas été élus pour regarder passer les trains, madame la ministre ! C'est la conséquence de vos choix de procédures en urgence. C'est surtout, depuis le début de cette législature, la volonté constante, dès que c’est possible, de contourner l'Assemblée nationale !

Si vous confirmez, en effet, que nous n’examinerons pas les dispositions concernant les CHU, cela signifie que l'Assemblée nationale ne débattra pas d’une partie substantielle de ce texte. Toutes les belles paroles sur la concertation, sur le travail parlementaire, sur l'esprit constructif qui doit nous animer n'y suffiront pas. C'est un très grave déni de démocratie, un de plus !

Après le temps de parole et le droit d'amendement – Jean-Marc Ayrault et Marisol Touraine l’ont rappelé cet après-midi – c'est le rôle même de l'Assemblée nationale qui est en cause. C'est une atteinte au système bicamériste de nos institutions. Si j'osais, je dirais que c'est la VIe République à l'envers ! La VIe République voulait supprimer le Sénat, vous réduisez, vous, les pouvoirs de l'Assemblée nationale !

Voilà une raison supplémentaire de ne pas engager ce débat en l’état.

Mais pour convaincre, s'ils ne l'étaient pas déjà, nos collègues de l'opposition de voter cette question préalable…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Vos collègues de la majorité !

M. Christian Paul. Eh oui, j’anticipe un peu, j’ai quelque espoir !

M. Yves Bur. Vous ne serez pas forcément majoritaires aux prochaines élections !

M. Christian Paul. Vous verrez, monsieur Bur, une fois dans l’opposition, vous défendrez le droit d’amendement, le temps de parole et vous souhaiterez que les textes importants soient aussi débattus à l’Assemblée nationale !

Je vais illustrer les différents points que je viens de citer.

Pour faire la loi, madame la ministre, vous devez prendre la vraie mesure des crises.

Le système de santé dans son ensemble vacille. Quelle est la réalité ? Notre système de santé n'est sans doute pas en déclin, mais il est en crise. S'il prétend rester l'un des meilleurs au monde – on peut le penser : il suffit de voir de quel niveau doit partir la réforme qu'engage le Président Barack Obama aujourd’hui – ce système de santé est traversé et fracturé par des inégalités criantes et croissantes. La qualité progresse, mais pas pour tous. À cela, vous répondez par des diagnostics de dysfonctionnement. C'est certainement confortable pour les finances publiques, mais c'est terriblement insuffisant, et vous vous privez, faute de vision claire, de rendre possible la réforme.

C'est évident pour l'hôpital. L'hôpital traverse de redoutables turbulences, une crise globale et pas seulement des dysfonctionnements. L'étranglement budgétaire s'aggrave. C'est par milliers – Gérard Bapt l’a rappelé tout à l’heure – que les emplois vont être supprimés. En frappant massivement l'emploi hospitalier, vous mettez le doigt dans un engrenage qui rend impossibles les efforts de modernisation. Vous ne redéployez pas, vous sacrifiez.

Le déséquilibre entre hôpital public et secteur privé se confirme. Catherine Génisson l'a très bien décrit tout à l’heure.

La démographie hospitalière est un autre symptôme de la dégradation qui atteint les établissements publics. Des disciplines entières sont en péril, manquent à l'appel dans de très nombreux centres hospitaliers : urgentistes, anesthésistes, et de nombreux spécialistes, souvent mal répartis. Voilà la réalité ! Ce sont des difficultés qui mettent en danger le système tout entier. Or je trouve dans ce texte bien peu de réponses, comme si la volonté réformatrice avait peu à peu fléchi. Il fallait des architectes et pas seulement des comptables. Mais la résignation s'est apparemment installée au Gouvernement devant l'ampleur de la tâche.

Quant aux vrais dysfonctionnements, souvent « orphelins » depuis des années, vous ne leur apportez pas de solutions. Citons l'engorgement des urgences. Les propositions de la mission Colombier, de la fin de l’année 2006, auraient dû depuis très longtemps être mises en œuvre, en urgence, si je puis dire. L'hyperconcentration provoque également sa part d'accidents. Elle n'est pas, et de loin, toujours synonyme de sécurité, comme on l'a constaté au cours des derniers mois.

Quant aux hôpitaux de proximité, sujet que nous connaissons bien vous et moi, ainsi que le rapporteur, ils vivent en direct un formidable gâchis. Depuis plusieurs années, mais plus encore depuis le printemps 2007, les restructurations brutales ont pris le pas sur la modernisation négociée. C'est vrai de Carhaix à Lannemezan et de Clamecy à Châtillon-sur-Seine. On ferme un service hospitalier, une maternité ou un bloc, y compris lorsque rien ne peut leur être reproché. Dans le même temps, vous fermez aussi un tribunal, une caserne ou, plus souvent encore, une école.

Le sentiment d'abandon s'installe alors dans les territoires concernés, les équipes se disloquent, les patients s'inquiètent. Les médecins les plus proches voient là un précieux support disparaître et l'attractivité du territoire est en cause pour les citoyens comme pour les professionnels.

M. Michel Vergnier. Très juste !

M. Christian Paul. Plus grave, la carte hospitalière n'est jamais affichée dans votre ministère.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Elle n’existe pas !

M. Christian Paul. Alors, de deux choses l'une : soit cette carte existe et il faut l'afficher et l'assumer ; soit elle n'existe pas, comme vous nous le dites souvent, et cela signifie que le pilotage sanitaire des territoires se fait à vue, au fil de l’eau, à partir de critères purement comptables et arithmétiques, sans évaluation de la qualité réelle ni souci des contraintes géographiques. Je crains que ce ne soit, au fond, la stratégie que vous avez souhaitée. On m'objectera que cette carte trouve son fondement dans les SROSS. Mais les restructurations actuelles, vous le savez parfaitement, madame la ministre, vont bien plus loin que les SROSS et ne les respectent pas.

L'accès aux soins aurait dû être l'une des priorités de ce projet. Cela vaut pour les hôpitaux de proximité, car le désert médical s'aggrave. Pour ne pas l'avoir anticipé, pour avoir refusé de le traiter, notre pays le subit. Vous l'avez vous-même confirmé et je vous renvoie, mes chers collègues, au rapport que Marc Bernier a rédigé pour notre mission d’information parlementaire.

Le désert médical, nous le vivons. Je le vis dans le monde rural comme beaucoup d'entre nous. Le ras-le-bol, le burn out atteignent la majorité des médecins ruraux surchargés. Ils les poussent au départ. La relève des générations s'éloigne irrémédiablement.

Dans les quartiers des banlieues, à la périphérie de nos grandes villes, il fait les mêmes ravages. Nous l’avons vu en Seine-Saint-Denis avec la mission parlementaire, comme à Clichy-sous-Bois, où les urgences psychiatriques pour les adolescents étaient disponibles en 2008, mais à six mois.

Les inégalités sociales sont tout aussi gravissimes, peut-être plus encore que les inégalités géographiques. Ces inégalités sont profondes, souvent amplifiées par vos décisions, et aggravées par la crise.

L’étude du Secours populaire d’octobre 2008 le confirme, la dégradation de la santé se conjugue avec la dégradation du pouvoir d’achat. La pauvreté atteint désormais de nouvelles catégories sociales de salariés et de retraités. Selon cette étude, 39 % des Français ont déjà retardé un soin ou y ont renoncé en raison de son coût, 22 % des Français percevant moins de 1 200 euros par mois se déclarent insatisfaits de leur état de santé. Le renoncement aux soins devient monnaie courante.

Face à l’augmentation du reste à charge, vous proposez la hausse de l’aide à la mutualisation. Il reste qu’un très grand nombre de Français sont peu ou mal couverts. Selon l’étude de l’OFCE parue en septembre 2008 sur la participation financière des patients et l’équilibre de l’assurance maladie, 32 % des personnes sans assurance complémentaire refusent de se soigner.

L’augmentation des tarifs, l’insuffisance de prise en charge de nombreux frais, dentaires et optiques en particulier, l’étude de la DRESS du mois d’octobre 2008 le rappelle, font partie des causes de la fracture sanitaire.

Entre le logement, les dépenses alimentaires, le prix du carburant et la santé, il faut choisir. Pour les plus modestes, en dépit de la prise en charge à 100 %, il faut ajouter les franchises sur les boîtes de médicaments. Si, à cela, s’ajoutent des frais de transports croissants, l’accès aux soins s’en trouve affecté.

Le droit à la santé régresse, à la ville comme à la campagne, en raison de la désertification médicale. L’offre ne correspond pas aux besoins, et surtout pas aux moyens.

La question de l’accès aux soins ne se traite pas uniquement en réorganisant l’offre, car la dimension financière reste le facteur d’exclusion et d’inégalité le plus prégnant, le plus choquant, mais aussi le plus absent de votre loi.

M. Régis Juanico. Eh oui !

M. Christian Paul. Pour orienter le système de santé, stratégie et courage auraient dû être au rendez-vous. Or nous découvrons un texte de commande. Le président de la République a une vision purement managériale de l’hôpital,…

M. Yves Bur. Ne soyez pas caricatural !

M. Christian Paul. …dix-huit mois de discours sur la direction de l’hôpital l’attestent, comme si c’était le seul problème.

M. Yves Bur. Un hôpital bien géré est un hôpital qui marche bien, c’est tout !

M. Christian Paul. Nous ne contestons pas le besoin impératif de simplification, et le regroupement au sein des ARS de structures éclatées, contribuant au millefeuille de l’impuissance de votre ministère, mais, là comme ailleurs, changer, brutalement, ne signifie pas forcément moderniser et réformer positivement.

À ce titre, les réponses élaborées ces dernières années sont très inquiétantes, en particulier la généralisation de la T2A sans en mesurer les effets pervers.

Je regrette que l’amendement de Marc Bernier, adopté en commission des affaires sociales, sur les dotations de continuité, financées dans le cadre des MIGAC, qui aurait permis à un certain nombre d’hôpitaux de conduire des missions qu’ils ne peuvent pas financer aujourd’hui en raison de la généralisation de la T2A, ait été retiré. C’est certes en raison de l’article 40, mais on pourrait le reprendre d’une manière ou d’une autre. Cela aurait permis de régler positivement la situation de quelques dizaines de petits centres hospitaliers où des missions indispensables en raison de l’exception géographique sont rendues impossibles.

Pour tout dire, dans ce texte et dans la politique qui est conduite, le risque techno-managérial est omniprésent. La communauté médicale et soignante est en voie de marginalisation.

Vous défendez un texte de circonstance.

Les Français vous disent qu’ils ne supportent plus le statu quo, les inégalités, le désert médical, les hôpitaux engorgés, les dépassements d’honoraires. Il fallait donc tenter d’échapper à la spirale des réformettes que vos trois prédécesseurs ont enchaînées depuis 2002.

Des choix contestables doivent être dénoncés, car les tabous sont toujours là. Je désigne là les sur-rémunérations, sortes de bonus d’une minorité de médecins, pratiquées, souvent en situation de monopole, sur des patients captifs.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Cela existe depuis cinquante ans. Qu’avez-vous fait ?

M. Christian Paul. Que faites-vous dans ce texte ?

M. Jean Mallot. Rien !

M. Christian Paul. Je veux citer aussi la liberté d’installation. Elle n’est pas dans la Constitution mais le droit à la santé, lui, y figure.

Nous considérons que la gravité de la situation et l’intérêt général recommandent d’apporter à ce principe des dérogations motivées, comme, en d’autres temps, on l’a fait pour les pharmaciens, certes pour d’autres raisons, ou, récemment, par voie conventionnelle, pour les infirmières et infirmiers. Sur cette question, c’est un pas en avant, un pas en arrière. C’est, vous en conviendrez, une danse très étrange. Vous prétendez affronter les corporatismes, mais vous ne les affrontez pas ici, au Parlement, avec un texte crédible.

Ce qui manque est tout aussi surprenant. Si nous proposons de ne pas débattre de ce texte, c’est autant à cause de ce qu’il contient que de qu’il ne contient pas et qui manque cruellement.

Pendant trop longtemps, l’objectif de régulation budgétaire, qui, dans les faits, s’apparente à du rationnement, a occulté l’essentiel.

Les progrès constants de la médecine vont bouleverser la manière dont nous envisageons la santé. Les progrès de l’imagerie, des prothèses, de la biologie, de la médecine génétique permettront de mieux soigner mais, avant tout, de mieux prévoir et de mieux prévenir.

Nous aurions donc attendu une réorientation de notre système de santé vers la prévention. La médecine du futur sera préventive et prédictive. Vous le savez, vous l’exprimez souvent, mais vous n’en tirez pas les conclusions.

En France, le curatif et le « tout-médecin » sont la règle, et ce sera encore le cas si ce texte est adopté. Historiquement, cela permettait de bien traiter les maladies infectieuses, mais ce n’est pas adapté aux maladies chroniques, comme le diabète ou l’hypertension, dont le nombre explose.

Ces affections seront détectables de plus en plus tôt, et donc traitées plus longtemps mais, pour être bien soignées, elles doivent être dépistées et prises en charge par des équipes de professionnels aux compétences diverses, avec des protocoles et des indicateurs très précis. On mesure l’écart avec les pratiques françaises actuelles !

Il faut pour cela construire des politiques locales de prévention et de santé publiques, élargir les compétences des paramédicaux, faire mieux coopérer la médecine de ville et l’hôpital, pour additionner les forces, et poursuivre la révolution culturelle contre l’individualisme excessif de certains professionnels.

Les rémunérations sont un autre sujet prudemment évité.

Vous ne pouvez pas dire, madame la ministre, que vous ne saviez pas. Vous ne pouvez pas vous abriter derrière le projet de loi de financement de la sécurité sociale et ses timides expérimentations, alors que ce sujet est au cœur de la politique de santé.

Un rapport de l’IGAS qui vous a été remis il y a quelques jours décrit les fortes disparités de rémunération, d’honoraires et de revenus des médecins et chirurgiens hospitaliers, publics et privés.

La valorisation excessive de certains actes, la sous-valorisation d’autres pratiques provoquent des conséquences négatives sur l’attractivité de certaines disciplines au détriment d’autres, sur les activités transversales indispensables dans les établissements de santé.

C’est le reflet d’une tarification des actes plus favorable aux spécialités médico-techniques, à commencer par la radiologie ou la radiothérapie, trois à quatre fois mieux rémunérées que de nombreuses spécialités cliniques. C’est aussi le résultat des dépassements d’honoraires.

Mieux réguler les rémunérations, c’est agir pour plus d’égalité entre les Français, mais aussi mieux piloter la politique de santé.

Comment s’étonner dès lors que certaines disciplines soient très demandées et d’autres désertées, causant les difficultés et, parfois, le naufrage des centres hospitaliers ? Comment s’étonner que la prévention et l’accompagnement des maladies chroniques soient au second rang des préoccupations ?

En n’abordant pas frontalement la question des rémunérations, la loi passe à côté d’un enjeu essentiel. C’est pourquoi nous jugeons qu’il est indispensable et urgent de limiter les dépassements d’honoraires, et pas seulement par leur affichage, et de créer un cadre de rémunération mixte – actes, forfait.

Après Catherine Génisson, qui a évoqué l’hôpital de façon très précise, je veux poursuivre en vous disant que ce que nous aurions rêvé de lire dans ce texte, c’est la refondation d’un système de santé de proximité car c’est une urgence et une priorité. C’était l’un des enjeux majeurs de ce projet, et cela reste une attente criante, devant la progression du désert médical.

La démarche des états généraux de l’organisation de la santé a suscité de l’intérêt et de l’espoir, peut-être même l’amorce d’un accord entre les acteurs en présence, mais, quelques mois après, la loi oublie, et la loi déçoit un grand nombre de ceux qui avaient pensé l’inspirer.

Que doit-on inscrire dans une loi de la République ?

La loi doit d’abord réaffirmer le principe d’égalité. L’égalité des territoires, ce n’est pas de pouvoir faire tout partout, comme on le caricature bien souvent. Personne ne le demande, ni la population ni les élus locaux, injustement accusés de faire de la surenchère, auxquels on fait si souvent de très haut la leçon, quand ils dénoncent tout simplement l’abandon de leurs territoires.

Nous le savons, des territoires du quotidien jusqu’au CHU, il y a au moins quatre ou cinq niveaux d’organisation et de prise en charge. Chaque niveau a ses responsabilités. Une fois reconnue cette réalité, nous devons relever et traiter des défis majeurs, et je suis au regret de vous dire que ce projet de loi donne peu d’espoir.

Pour les délais d’accès, il faut respecter une juste distance aux soins. La loi ne se fait pas en ignorant la géographie. Une pensée dominante en France, par conviction sincère peut-être, ou par acceptation de la pénurie de moyens humains et budgétaires, a toujours voulu plus de concentration et d’éloignement, de l’hôpital mais aussi de la médecine de premier recours.

La qualité, la sécurité n’auraient plus de lien avec la proximité. C’est habiller le renoncement. Je suis prêt à entendre que la proximité, à elle seule, ne garantit pas la qualité, mais la proximité est aussi une composante de la sécurité et de l’accès égal aux soins. Il existe une relation entre la distance et l’accès à des soins de qualité.

M. Michel Vergnier. Bien sûr !

M. Christian Paul. Plus la distance aux soins augmente, plus les conditions socio-économiques sont défavorables, moins on se soigne, plus tard on se soigne et plus mal on se soigne.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Tout à fait !

M. Christian Paul. C’est pourquoi, conformément aux recommandations de la mission parlementaire, dont les conclusions ont été adoptées à l’unanimité, et j’en remercie le président de la commission des affaires sociales, nous défendons le principe de normes de délais d’accès à l’hôpital le plus proche et au médecin de premier recours.

Dans la France du XXIe siècle, qui peut défendre qu’un service d’urgence soit à plus de trente minutes ou que le temps d’accès à une maternité excède quarante-cinq minutes ? C’est encore souvent le cas. Nous défendrons ces normes de délai, et j’espère que nous saurons nous rassembler sans esprit partisan pour les inscrire dans cette loi.

Face aux déserts médicaux, la loi doit proposer un contrat global aux professionnels. Avec la mission d’information sur l’offre de soins, nous avons refusé de tomber dans le piège qui doit conduire inévitablement, nous dit-on, à choisir entre les incitations et les contraintes.

Au contraire, nous avons acquis la conviction qu’il faut additionner les mesures favorisant l’attractivité de la médecine générale et ce qui est nécessaire comme régulation, et je vais bien sûr évoquer la démographie des professionnels de santé.

Ce devait être l’une des mesures centrales de ce projet. Un seul article, l’article 15, sur la régionalisation du numerus clausus, qui est d’ailleurs une bonne idée, lui est consacré. Il est utile, mais cela ne fait pas un paquet crédible.

Nous plaidons pour un contrat global. Une très large panoplie de mesures incitatives sont nécessaires pour rendre attractive l’exercice de la médecine générale, qui est une médecine noble : des stages dès la formation, avec une vraie filière de médecine générale, dotée d’enseignants titulaires en nombre suffisant – dites-le à Mme Pécresse – avec des bourses d’études contre l’exercice pendant quelques années en zone déficitaire, et je crois que nous pouvons nous retrouver sur ce point, monsieur le rapporteur ; une mutation des conditions d’exercice, souhaitée par les nouvelles générations d’étudiants et de professionnels ; un regroupement de l’exercice, avec les maisons de santé,…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. C’est ce qu’on fait !

M. Christian Paul. Elles sont insuffisamment soutenues. Vous leur consacrez des sommes dérisoires. Ce que vous reprenez avec la TVA, je vous l’ai déjà expliqué trois fois, c’est deux fois ce qui est mis dans les maisons de santé dans de nombreuses collectivités.

Il faut enfin accorder l’égalité aux centres de santé qui accueillent la médecine salariée et offrir des rémunérations qui prennent en compte la richesse et la diversité de la médecine de premier recours. À ce titre, j’approuve l’article 14, fruit d’une proposition syndicale échappant au corporatisme, qui reconnaît les missions de premier recours mais, là encore, convenez-en, la reconnaissance reste très platonique.

En contrepartie de l’ensemble de ces mesures d’attractivité, nous proposons une régulation des installations, car cela doit être un deal global, non pas une taxation improvisée qui s'apparente à de l'impuissance, mais un plafonnement, un gel des installations dans les zones excédentaires, pour amorcer un redéploiement, un rééquilibrage au profit des territoires déficitaires.

M. le président. Veuillez conclure. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Paul. La permanence des soins est, quant à elle, laissée en l'état, c'est-à-dire mal en point. En 2003, avec la suppression de l'obligation de garde, sans qu’ait été prévu un système de substitution, il y a eu démission de la politique. Où en sommes-nous six ans plus tard ? Beaucoup de désordres, des négociations tardives, des inquiétudes dans la population…

Que faire par la loi ? Redonner un temps à la négociation, mais considérer que, dans un an au plus tard, un schéma d'organisation de la permanence des soins devra être arrêté et mis en œuvre.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Paul !

M. Christian Paul. Monsieur le président, je conclus.

M. Michel Vergnier. C’est dommage, parce que c’était intéressant !

M. Christian Paul. Madame la ministre, vous avez rendu plusieurs fois hommage au travail de notre mission parlementaire. Je regrette que ni votre cabinet ni vous-même n’ayez souhaité recevoir une seule fois ses membres.

Je le dis à propos de l’ensemble de ce texte : exposer les problèmes, ce n'est pas les traiter. C’est pourtant à cette méthode de gouvernement que nous sommes confrontés : trop de petits aménagements, là où des réformes fortes étaient nécessaires, trop de questions centrales évitées. Nous aurions soutenu une vision moderne, courageuse, avec pour objectif de refonder le système de santé pour plus de sécurité et d'égalité. Cette ambition n'est pas écrite dans ce texte. C’est pour donner au Gouvernement une dernière chance que je vous demande, mes chers collègues, de soutenir cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

M. Marcel Rogemont. Ça va être dur de répondre !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le député Christian Paul, je ne demanderai pas à l'Assemblée de soutenir votre question préalable. L’argumentation que vous avez développé contient en effet nombre de contre-vérités. Il y en a trop pour que j’en dresse la liste exhaustive (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), mais je prendrai quelques exemples pour éclairer la représentation nationale.

Tout d’abord, les éléments de votre diagnostic sur l’hôpital sont formidablement biaisés. Refuser de constater que les moyens financiers consacrés à l'hôpital n’ont cessé d’augmenter (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), alors que nous avons le maillage hospitalier le plus resserré du monde…

Mme Bérengère Poletti. Eh oui !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. …et les dépenses hospitalières les plus élevées du monde, refuser de se poser la question de l’organisation,…

M. Maxime Gremetz. Pourquoi ferme-t-on des hôpitaux ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. …c’est faire un mauvais diagnostic, qui vous conduit à formuler de mauvaises propositions.

Dois-je rappeler que 54 % des établissements hospitaliers publics sont en excédent budgétaire ?

M. Maxime Gremetz. Que c’est beau !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. C’est la vérité ! Dois-je rappeler que 7 % des établissements hospitaliers publics concentrent 80 % des déficits, et que, en particulier pour les CHU, cinq établissements hospitaliers concentrent 60 % de ces déficits ? Le déficit n’est pas inéluctable ; ces chiffres nous le prouvent : il y a donc dans l'hôpital public des problèmes d’organisation.

Bien sûr, il faut un pilotage. C’est la raison pour laquelle deux éléments sont particulièrement importants dans ce texte. C’est, tout d’abord, la création d’une agence régionale de santé.

M. Christian Paul. Cela ne suffit pas !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Vous étiez tous d’accord ! Cela permettra un pilotage régionalisé et un pilotage territorialisé. C’est, ensuite, une profonde réforme de la gouvernance de l'hôpital.

Il est faux de dire que l’emploi public diminue à l'hôpital. Certes, il y a des réajustements, mais globalement l’emploi public augmente à l'hôpital public, qui n’est pas touché par le non-remplacement d’un départ en retraite sur deux.

M. Bertrand Pancher. C’est la vérité !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. De même, il n’y a pas de carte hospitalière. Comme vous l’avez signalé, il y a un schéma régional d’organisation sanitaire. Je vais vous dire : la proximité, je la défends.

M. Maxime Gremetz. Non !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je la défends parce qu’elle est un élément de sécurité des soins, mais je le fais dans un système de gradation des soins, car ce n’est une question ni d’argent, ni d’équipements lourds, ni de personnel hospitalier.

Je vous donne un exemple. La plupart des spécialistes disent qu’il faut entre 900 et 1 200 accouchements pour assurer un plateau technique performant.

M. Jean Leonetti. C’est une évidence !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Nous nous posons, quant à nous, la question de la fermeture d’un service d’obstétrique pour le transformer en centre périnatal de proximité à 300 accouchements par an. Et en réalité, nous descendons même bien en dessous de 300 accouchements pour transformer le service en centre périnatal de proximité.

M. Maxime Gremetz. Non !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Ce n’est une question ni de moyens ni de personnel, parce que quand il y a 250 accouchements par an dans un service d’obstétrique, cela veut dire que les cinq obstétriciens nécessaires ne pratiquent que cinquante accouchements par an, un accouchement par semaine ! Cela, ce n’est pas la qualité des soins ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Maxime Gremetz. Nous ne vivons pas dans le même pays !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Ce n’est ni une question de plateau technique ni une question de moyens. Voilà pourquoi nous voulons que le schéma d’organisation hospitalier respecte la gradation des soins. Déjà les SMUR desservent 93,6 % de la population en moins de trente minutes.

M. Christian Paul. Sortez des voyages officiels, allez sur le terrain !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Nous allons les conforter. Nous ouvrons des services d’urgence : notre pays compte aujourd’hui 667 services d’urgence et 435 SMUR. Nous leur donnons en outre des moyens supplémentaires, des moyens de rénovation, des moyens humains, et nous allons continuer. Nous ouvrons des postes dans les services d’urgence, les soins courants, les services de gériatrie, les plateaux techniques de deuxième recours et les centres de référence.

M. Christian Paul. Venez voir les hôpitaux sans les CRS ! Vous ne vous déplacez plus qu’avec des CRS !

Mme Bérengère Poletti. Vous ne connaissez pas les hôpitaux, monsieur Paul ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je me rends en moyenne dans cinq centres hospitaliers de tailles différentes chaque semaine, et je connais suffisamment bien le secteur pour y rencontrer de façon appuyée l’ensemble des personnels.

Les progrès de la médecine vont effectivement être source de profonds changements. C’est pourquoi, à côté des questions de gouvernance et d’organisation, je mène d’autres réformes particulièrement importantes. Je pense par exemple à ce que nous allons faire avec le LMD. Les métiers vont changer, nous sommes à l’aube de transformations considérables.

Vous avez également évoqué les nouveaux modes de rémunération : nous les avons inscrits dans la loi de 2008. Tout cela demande des maquettes concrètes, une démarche opérationnelle ; cela ne se fait pas d’un coup de baguette magique. Avec les professionnels, nous avons consacré l’année 2008 et nous consacrerons l’année 2009 à mettre sur pied ces maquettes qui permettront de concrétiser les nouveaux modes de rémunération. En même temps que la présente loi, de nombreux autres chantiers, concernant ces évolutions, sont en cours.

Monsieur Paul, je ne peux pas vous laisser dire qu’un seul article du texte est consacré à l’accès aux soins et à la démographie médicale. Tout le titre II est consacré à cette question ! Le schéma régional d’organisation sanitaire non opposable, le fait que l’Agence régionale de santé se comportera désormais comme un guichet unique pour les aides, la réforme des études médicales, le fait que nous jouions – vous avez bien voulu reconnaître qu’il s’agit d’une mesure intéressante – à la fois sur le numerus clausus et sur l’examen national classant, la réhabilitation de la filière universitaire de médecine générale, le développement des coopérations médicales entre professionnels, bien d’autres choses encore : tout le titre II est consacré au traitement de ces questions cruciales de démographie médicale.

M. Marcel Rogemont. Qui a décidé de supprimer la permanence des soins ?

M. Jean Mallot. C’est M. Mattéi !

M. Michel Vergnier. « M. Canicule » !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Enfin, mesdames et messieurs les députés, je veux appeler votre attention sur l’extrême dangerosité des préconisations coercitives prônées par M. Christian Paul. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean-Marie Le Guen. C’est la meilleure !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Nous sommes dans un système européen concurrentiel, et je souhaite mener une politique d’incitation qui respecte la liberté d’installation des médecins de premier recours, car si nous menions une politique coercitive, il y aurait peut-être un gel des installations dans les zones sur-denses, mais ce serait à terme un gel des installations tout court !

M. Christian Paul. C’est de la démission ! Un pas en avant, un pas en arrière !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Quand, dans ce système extrêmement concurrentiel, vous demandez à un jeune médecin s’il souhaite s’installer dans une zone sous-dense ou s’il veut devenir médecin salarié, son choix est vite fait ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

La pression sur la demande de professionnels de santé est considérable. Actuellement, il manque 4 millions de médecins dans le monde.

M. Maxime Gremetz. Et en France ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Dans cet environnement extrêmement concurrentiel, je préfère mener une politique volontariste respectueuse des souhaits des jeunes médecins : souhait de s’installer dans un cabinet de groupe, souhait d’avoir d’autres modes de travail et de collaboration...

M. Christian Paul. Quel renoncement !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Monsieur Paul, vous établissez un diagnostic faussé et vous proposez des solutions qui ne seront pas opérationnelles. Voilà pourquoi, mesdames et messieurs les députés, je vous propose de repousser cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et NC.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote sur la question préalable.

La parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe UMP.

M. Michel Vergnier. La ministre a déjà expliqué le vote de la majorité !

M. Philippe Vitel. Poser la question préalable, c’est se demander s’il est utile de poursuivre l’examen du texte. Je crois, mon cher collègue, que, par votre longue plaidoirie, vous nous avez apporté la preuve qu’il est au contraire utile de poursuivre l’examen de ce texte.

Vous posez parfois de bonnes questions…

Mme Bérengère Poletti. Pas souvent !

M. Philippe Vitel. …mais vous ne serez pas encore aujourd’hui au rendez-vous des réformes.

M. Régis Juanico. Des contre-réformes !

M. Philippe Vitel. Vous avez pourtant été une fois au rendez-vous des réformes, une seule fois : malheureusement, c’était pour les 35 heures ! (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean Mallot. Il y avait longtemps !

M. Philippe Vitel. Le monde hospitalier en est plombé depuis plus de dix ans.

M. Jean Mallot. Ça, c’était une réforme ; ce que vous proposez, vous, ce sont des mesures réactionnaires !

M. Marcel Rogemont. Si vous n’aimez pas les 35 heures, vous n’avez qu’à les supprimer ! Arrêtez de nous seriner !

M. Philippe Vitel. Notre objectif est d’améliorer la qualité de l’offre de soins sur notre territoire tout en rendant la gestion de la santé plus efficace. Comment comptons-nous y parvenir ?

M. Maxime Gremetz. Vous piquez à la Sécu, à l’URCAM !

M. Philippe Vitel. Par un meilleur ancrage territorial des politiques de soins et en apportant des réponses concrètes dans la lutte contre les déserts médicaux, en rapprochant organisation des soins et financement, enfin – et nous étions nombreux dans cet hémicycle à le souhaiter depuis longtemps – par la mise en place des agences régionales de santé, qui permettront le décloisonnement que nous attendons tous entre la médecine ambulatoire et la médecine hospitalière, entre l’hospitalisation publique et l’hospitalisation privée.

Vous nous accusez de sommer l'hôpital d’être compétitif ; nous travaillons simplement à son attractivité et à sa bonne gestion. Et je vous rappelle, puisque vous évoquez toujours les moyens, bien que vous vous trompiez là encore de débat, le PLFSS ayant été voté il y a trois mois, que le plan de relance du parti socialiste prévoit un milliard d'euros pour les hôpitaux…

M. Régis Juanico. Non : 1,4 milliard !

M. Philippe Vitel. …alors que nous en mettons 10 dans le plan hôpital 2012. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Yves Bur. Le plan de relance de l’opposition, c’est de la mystification !

M. Philippe Vitel. Vous évoquez, par ailleurs, la marche forcée vers la T2A et ses effets pervers. Mais, que je sache, la T2A a permis avec succès à l’hospitalisation privée de se remettre totalement en question. Son exemple nous conduit à conclure que le délai que nous avons accordé à l’hôpital public est bien trop long.

M. Michel Vergnier. Vous êtes trop bons !

M. Philippe Vitel. Aujourd’hui, la convergence est plus que jamais nécessaire pour la pertinence de notre système de soins.

Quant à la liberté d’installation des médecins, vous la remettez en cause. À ce sujet, monsieur Le Guen, ce matin, dans une interview, vous avez insulté gravement vos confrères en expliquant qu’ils allaient s’installer là où ils trouvaient une population à même de pouvoir payer les dépassements d’honoraires. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Maxime Gremetz. Il n’y en a pas en Picardie !

M. Philippe Vitel. C’est un scandale, une insulte vis-à-vis de votre corporation dont vous auriez pu vous passer.

Monsieur Christian Paul, comme vous l’avez prouvé dans votre question préalable, vous pourriez pour une fois être au rendez-vous de la cohérence entre vos idées et vos actes, et nous pourrions travailler tous ensemble à…

M. Régis Juanico. Contre !

M. Philippe Vitel. …cette réforme ô combien nécessaire. Nous rappelions tout à l’heure, à l’hôtel de Lassay, que nous entrons dans l’année du buffle selon l’horoscope lunaire chinois. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) C’est l’année de la persévérance et de l’engagement. Pour nous, c’est l’année de la persévérance dans la révolution culturelle que nous avons déjà engagée (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC) par le biais de la responsabilisation des acteurs de soins et par la réforme de l’assurance maladie. C’est aussi, et comme l’a brillamment montré Mme la ministre, celle de l’engagement de consolider notre patrimoine commun. Pour toutes ces raisons, nous ne vous suivrons pas sur la voie glissante vers laquelle vous voulez nous amener. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Jardé, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Olivier Jardé. Mes chers collègues, il faut débattre parce que notre système de santé doit être amélioré. Certes, il est encore de très bon niveau, mais nos compatriotes sont inquiets.

Ils sont inquiets en ce qui concerne la permanence des soins. En effet, celle-ci n’est pas toujours assurée,…

M. Jean Mallot. Pour qui ?

M. Olivier Jardé. …et c’est un réel problème dans notre pays car les patients sont dès lors obligés d’aller dans les services d’urgence. Ils remplissent ces services avec leur demande de soins non urgente, ce qui provoque des files d’attente inacceptables.

Ils sont inquiets également en raison du problème de la démographie. Dans la Somme, par exemple, nous avons encore trois cantons sans aucun médecin, et ce n’est pas du tout acceptable.

Ils sont inquiets aussi s’agissant des tarifs. C’est une question importante sur laquelle il faut absolument réfléchir.

Actuellement, notre système de soins est excessivement vertical. En effet, l’État prend en charge à la fois la prévention et l’éducation, l’ARH gère l’hospitalisation, et tout ce qui est ambulatoire relève des CPAM. Or dans l’exercice du métier de médecin, on fait du soin, mais également de la prévention et de l’éducation. Je salue donc votre initiative, madame la ministre, concernant les ARS : celles-ci constitueront enfin un système horizontal, conformément à nos pratiques médicales.

Pour ce qui est de l’hospitalisation, vous renforcez la gouvernance. C’est peut-être une bonne chose, mais nos patients souhaitent surtout une amélioration des soins et de leur prise en charge. À cet égard, je regrette que les commissions médicales d’établissement ne portent pas complètement le projet médical – je rejoins mon collègue  Jean-Luc Préel sur ce point – (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC) et que le conseil de surveillance ne soit pas plus impliqué dans les investissements. En effet, les investissements sont importants pour nos hôpitaux, mais également pour les projets de territoires.

Pour toutes ces raisons, il faut continuer à débattre de ce texte, qui est bon, mais encore améliorable pour devenir pratiquement excellent. Le Nouveau Centre votera donc contre cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour le groupe SRC.

M. Jean Mallot. Madame la ministre, votre projet de loi prend le problème à l’envers. Vous êtes ministre de la santé : votre objectif doit donc être de mettre tout en œuvre pour que nos concitoyens soient en bonne santé. Or dans votre texte, la rubrique « prévention et santé publique » est reléguée au titre III, et réduite à la portion congrue : rien sur une véritable politique de prévention ; rien sur la médecine du travail ; rien sur les conditions de travail ; rien sur la médecine scolaire ; rien pour réduire les inégalités sociales de santé. Pour vous, à part l’éducation thérapeutique, une politique de santé publique se résume à l’interdiction de vendre de l’alcool aux mineurs et dans les stations-service, voire à l’interdiction de « cigarettes-bonbons ». Et c’est tout. Certes, vous vous intéressez à l’hôpital, mais seulement sous l’angle du management.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Oh !

M. Jean Mallot. Un directeur tout puissant au sommet d’une usine à gaz, et le tour est joué : l’entreprise hôpital est en marche, en quête de rentabilité.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Ce sont des caricatures !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. En effet, madame la ministre !

M. Jean Mallot. Alors que ce dont a besoin l’hôpital en France, déficitaire d’environ un milliard d’euros, c’est d’un grand plan de sauvegarde.

Quant à l’instauration des communautés hospitalières de territoire, on nous en fait miroiter l’intérêt, et vous dites qu’elles seront constituées sur la base du volontariat. Mais quand un amendement est déposé pour le préciser explicitement, le rapporteur s’empresse de l’écarter. On nous en fait miroiter l’intérêt, disais-je, mais nous en voyons très bien le risque, voire l’intention cachée, c’est-à-dire un glissement progressif vers une nouvelle carte hospitalière plus concentrée, laissant des territoires à l’abandon et faisant la part belle aux établissements privés.

Votre politique de santé, par une sorte d’isomorphisme, est comparable à celle de M. Wauquiez qui, devant la montée du chômage, ne trouve rien d’autre à proposer que des mesures administratives et répressives, telles la traque des chômeurs qui refuseraient « une offre raisonnable d’emploi » – cette expression prend d’ailleurs une saveur étrange depuis quelques mois –, ou encore la fusion de l’ANPE et de l’ASSEDIC, comme si cela pouvait en soi recréer des emplois que la politique de votre gouvernement a fait disparaître.

J’en viens à la question de l’accès aux soins, sur laquelle Christian Paul a beaucoup insisté, notamment sur un sujet qui inquiète tant nos concitoyens et leurs élus : la désertification médicale. Aucune mesure proposée dans votre texte n’est à la hauteur du problème, ni susceptible d’avoir un effet réel. Bien sûr qu’il faut encourager le travail en équipe dans les territoires ruraux et dans les quartiers défavorisés des agglomérations – comme partout d’ailleurs ! – ; bien sûr qu’il faut développer les maisons de santé pluridisciplinaires ; bien sûr qu’il faut encourager les stages dans les territoires défavorisés : mais les mesures incitatives ne suffisent plus. Quelles suites, madame la ministre, proposez-vous de donner aux propos du Président de la République, le 18 septembre dernier : « Nous avons trop longtemps […] laissé les professions de santé autogérer leur démographie. Il est temps d’agir et de faire des choix. Si certains ont du mal à le faire, nous me ferons à leur place ».

Mme Monique Iborra. Comme d’habitude !

M. Jean Mallot. En outre, quelles suites donnez-vous aux propositions de notre collègue Marc Bernier (« Aucune ! » sur les bancs du groupe SRC), notamment celle visant à « mettre des freins à l’installation de professionnels de santé dans les zones déjà sur-dotées en offre de soins, dans un premier temps par des mesures désincitatives comme, par exemple, une modulation de la prise en charge de leurs cotisations sociales par l’assurance maladie » ? Enfin, pensez-vous que pour traiter réellement la question de la démographie médicale, nous puissions nous en tenir à défendre une liberté totale d’installation, non encadrée ? Pour notre part, nous pensons que non.

D’une façon générale, que ce soit pour la gestion hospitalière, pour l’accès aux soins ou pour la mise en place des ARS, votre projet tient les élus à l’écart, et renforce la centralisation technocratique du système de santé.

J’observe que ce texte est si imparfait, si insatisfaisant, qu’il a suscité 2 500 amendements, dont les deux tiers, voire les trois-quarts, viennent de votre majorité. C’est dire !

Voilà mes chers collègues pourquoi, après le brillant exposé de notre collègue Christian Paul, nous vous demandons de voter cette question préalable. Par là même, vous permettrez à Mme la ministre de reprendre son travail et d’attendre les conclusions de la commission Marescaux sur l’avenir des CHU. Nous l’avons bien compris dans votre intervention : après avoir tenté de nous supprimer le droit d’amendement, vous et votre gouvernement vous apprêtez à contourner l’Assemblée nationale, à supprimer le bicamérisme en filant directement au Sénat !

Mes chers collègues, en votant cette question préalable, non seulement vous permettrez à Mme la ministre de reprendre son travail, mais de revenir devant nous avec un texte qui soit enfin à la hauteur des enjeux de santé publique de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. André Chassaigne. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe GDR.

M. Maxime Gremetz. Madame la ministre, avez-vous lu ça ? (L’orateur montre un article du journal Le Monde.) Il semblerait que non et c’est très dommage. Il y est question de l’agence Paragona, qui est payée pour aller chercher des médecins étrangers afin de faire face à la pénurie de médecins en France ! Mon cher collègue Olivier Jardé, vous ne le saviez pas non plus. Moi-même, je viens de l’apprendre, alors que je suis membre de l’ARH !

Voici ce qu’on peut lire dans ce journal : « Cette société suédoise, qui a recruté plus de 700 médecins au profit des pays scandinaves et de la Grande-Bretagne, s’intéresse depuis 2007 à la pénurie dans l’Hexagone. Après avoir passé une convention avec l’agence régionale d’hospitalisation de Picardie, Paragona installe ces jours-ci onze médecins roumains dans les centres hospitaliers d’Abbeville et d’Amiens » ! Voilà où nous en sommes, madame la ministre : des agences payées 80 000 euros, et chargées d’aller à la recherche, partout dans le monde, de médecins !

M. Marc Le Fur. C’est pourquoi nous avons déposé des amendements sur la démographie médicale, mon cher collègue !

M. Maxime Gremetz. Évidemment, si on ne regarde pas la vérité en face, on peut toujours se raconter des histoires.

Par ailleurs, madame la ministre, j’ai toujours dit qu’il fallait prendre les questions de santé globalement, au niveau régional. Il y a une complémentarité entre tous les aspects de la santé, on ne peut pas mettre d’un côté l’hôpital et, de l’autre, la prévention, ni séparer la question des médecins libéraux de celle de la continuité des soins. Mais avec votre texte, à quoi assiste-t-on ? L’ARS remplace l’ARH et toutes les administrations comparables. Or celles-ci étaient démocratiques, ou elles avaient au moins une représentation syndicale. Alors que l’ARS, c’est le préfet de police de la santé dans la région ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) C’est l’étatisation totale ! (Vives exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.) C’est pire que dans l’ex-Union soviétique ! Moi, je suis contre l’étatisation : je suis pour la démocratie, sanitaire en particulier. Or le directeur général de l’ARS sera désigné en conseil des ministres ! S’il n’est pas préfet de police, je ne sais pas ce qu’il est.

Et puis, pour tous les organismes, c’est la disparition du conseil d’administration, remplacé par un conseil de surveillance, une chambre d’enregistrement et non un centre de démocratie sanitaire ; c’est la disparition du conseil exécutif, remplacé par un directoire, évidemment désigné ; et tout cela au profit des directeurs. Comme disait M. le président Sarkozy : il faut des patrons dans l’hôpital ! Et en effet, vous installez des patrons qui détiennent les pleins pouvoirs dans leur établissement :…

M. Philippe Vitel. Tant mieux !

M. Maxime Gremetz. …ils président le directoire, nomment les directeurs-adjoints et les directeurs de soins, les personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologiques, les membres du directoire et du conseil de surveillance, ils arrêtent le projet médical d’établissement en lieu et en place de la CME – n’est-ce pas, monsieur Debré ?

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Maxime Gremetz. Ces patrons conduisent la politique générale, appliquent le plan global de financement pluriannuel et les propositions de tarifs de prestations, ordonnent les dépenses et recettes de l’établissement, gèrent les biens immobiliers de l'établissement et fixent les rémunérations des médecins libéraux qui, désormais, pourront venir exercer à l’hôpital public.

Les directeurs d’établissement seront les marionnettes des directeurs des ARS…

M. le président. Monsieur Gremetz, votre temps de parole est écoulé.

M. Maxime Gremetz.…qui les nommeront, fixeront leurs primes et pourront les révoquer à tout moment. C’est l’étatisation…

M. le président. Monsieur Gremetz…

M. Maxime Gremetz.… à la place de la démocratie sanitaire ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.) Voilà un système voué à l’échec ! Vous mettez hors jeu les syndicats, les organisations de médecins, etc… Ce n’est pas la dictature, mais on va bien vers l’étatisation. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jacques Domergue.

M. Jacques Domergue. Madame la ministre, monsieur le président, mes chers collègues, après ce magnifique numéro de notre collègue Gremetz, il est extrêmement difficile de s’exprimer, mais je me réjouis : enfin, ce texte arrive devant nous.

M. Maxime Gremetz. Étatique !

M. le président. S’il vous plaît, monsieur Gremetz !

M. Jacques Domergue. Ce texte est très attendu par nous tous, mais aussi par nos compatriotes qui sont confrontés à des difficultés lorsqu’ils font face à des soucis de santé.

Les débats en commission ont été différents de ceux que nous avons connus au cours des dernières semaines, ainsi que Pierre Méhaignerie l’a souligné. C’est suffisamment important pour que je loue le fonctionnement de la commission. À l’occasion de ce texte important, nos collègues socialistes ont mis de côté l’opposition systématique et stérile pratiquée au cours des dernières semaines. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marisol Touraine. Il n’y en a jamais eu !

M. Jacques Domergue. Je vous fais un compliment !

En commission, nous avons eu un débat constructif afin d’essayer de résoudre les problèmes qui se posent aux Français, et certains amendements ont été adoptés par des membres de la majorité et de l’opposition. Cela démontre que, sur ce texte-là, nous pouvons être d’accord. Ce sont des sensibilités qui s’expriment, dépassant les clivages et les courants politiques traditionnels.

Nous sommes face à nos responsabilités parce que nous sommes réellement à la croisée des chemins.

Mme Michèle Delaunay. C’est vrai !

M. Jacques Domergue. Le projet qui nous est présenté devrait vous satisfaire car il constitue un texte cadre : le Parlement va pouvoir s’exprimer, l’amender, le modifier dans un sens attendu par les Français. Madame la ministre, nous pouvons vous remercier d’avoir laissé aux parlementaires une certaine marge de manœuvre…

Mme Michèle Delaunay. Nous allons voir !

M. Jacques Domergue.…parce qu’aucun d’entre nous ne détient seul la réponse aux questions qui sont posées.

M. François Calvet. Très juste !

M. Jacques Domergue. La richesse du débat parlementaire doit nous permettre d’avancer et de trouver des solutions, quelles que soient nos sensibilités politiques.

D’une manière générale, la philosophie du texte introduit la notion de fluidité dans le système de soins. Nous avions affaire à un système totalement cloisonné : médecine ambulatoire d’un côté, médecine hospitalière publique ou privée d’un autre côté, et médecine médico-sociale à part. Cette opposition stérile a vécu, de même que l’opposition dogmatique entre public et privé – même s’il demeure quelques réticences.

Mme Michèle Delaunay. Public et privé, ce n’est pas pareil !

M. Jacques Domergue. Nous avons désormais tous pu constater que, dans un pays comme le nôtre, l’offre de soins n’est pas publique ou privée ; elle doit être globale. Il faut cesser de stigmatiser les acteurs de soins, selon qu’ils travaillent dans un secteur ou l’autre.

Mme Michèle Delaunay et Mme Marisol Touraine. Ce n’est pas le sujet !

M. Jacques Domergue. Ce n’est pas rendre service au système de santé ou à l’offre de soins telle qu’elle doit être présentée à nos compatriotes. D’ailleurs, depuis la mise en place de la T2A, l’obstacle financier qui persistait a été levé : les établissements publics et privés sont désormais financés selon un même mode…

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Mais le périmètre n’est pas le même !

M. Jacques Domergue. …ce qui peut rendre l’interpénétration des deux systèmes beaucoup plus facile pour les acteurs de santé.

Quel est le rôle des ARS qui chapeautent cet ensemble ? À droite comme à gauche, certains critiquent cette tutelle qu’ils estiment trop prégnante et trop étatique. Or le rôle des ARS est d’éviter le morcellement de la santé en petites sections, sans coordination entre elles, occasionnant des transferts de charge mal évalués. À l’avenir, l’ARS aura la responsabilité de la fluidité, de la complémentarité des offres et de la cohérence du système de soins.

Pour autant, tout n'est pas réglé, et je veux poser les questions qui restent en suspens, à défaut d’y répondre directement. À la fin des débats, j’espère que nous y aurons en partie répondu.

En ce qui concerne la réorganisation de l'offre de soins hospitalière, il faut souligner que les ARH ont un peu plus de dix ans. Certains d’entre vous reprochent au Gouvernement de ne pas avoir fait une véritable évaluation de l’action des ARH.

Mme Michèle Delaunay. Eh oui !

M. Jacques Domergue. Cependant, elles ont joué un rôle extrêmement important dans la réorganisation du paysage hospitalier privé qui s’est produite pour deux raisons : un établissement privé qui ne fonctionne pas ne peu pas perdurer ; ces établissements ont profité des incitations à la restructuration pour améliorer leur efficience.

Dans les établissements publics, cela n’a pas toujours été le cas, il faut bien l’avouer. Qui en porte la responsabilité ? Je dirai qu’il s’agit d’une responsabilité collective ; chacun d’entre nous doit en prendre sa part. Il aura fallu attendre une évolution des mentalités et plusieurs rapports – celui que j’ai rédigé avec Henri Guidicelli sur la chirurgie, le rapport Valencien qui dénonçait les hôpitaux non viables en l’état, et celui de Gérard Larcher qui a introduit la notion de « communautés hospitalières de territoire » – pour que chacun d’entre nous comprenne que l’offre publique de soins devait aussi être réorganisée.

Pourquoi ? Le pays a hérité d’un système hospitalier public – il existe plus de 2000 hôpitaux en France – qui correspondait à l’histoire de nos territoires et à notre sensibilité, et qui est caractérisé par une extrême proximité. Or certaines régions ont évolué et leur population a changé. Maintenir des établissements en état de sous-activité chronique, ce n’est pas rendre service à la population.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Très bien !

M. Jacques Domergue. Pour autant, la réorganisation ne suppose pas la fermeture de ces établissements : nous en avons besoin ; nous avons besoin de lits. Vous nous reprochez de ne rien faire pour le secteur médico-social ou pour les personnes âgées.

M. Yves Bur. Détrompez-vous !

M. Jacques Domergue. Je peux vous dire que les établissements qui vont être reconvertis, retrouvant ainsi une vitalité perdue lorsqu’ils étaient inscrits dans des activités MCO traditionnelles, vont rendre un service très utile à la population, partout sur le territoire.

M. Marcel Rogemont. Qui va payer ?

M. Jacques Domergue. L’offre de soins doit être modifiée parce qu’elle est globale. Cela signifie concrètement que nous devons tous admettre ceci : sur un territoire donné, s’il existe un établissement privé – n’ayons pas peur des mots ! – qui rend le service de santé publique à la population, il serait contraire à l’intérêt général de maintenir un plateau technique ou une structure publique qui ne fonctionne pas.

Il faut donc s’orienter vers des réorganisations et des complémentarités, afin d’optimiser le système de soins et d’hospitalisation dont nous disposons, et de répondre au besoin de santé publique de notre population.

Dans le projet de loi, un chapitre très important porte sur la réorganisation de la gouvernance des hôpitaux. Plutôt que de cultiver l’opposition frontale entre pouvoir médical et pouvoir administratif, nous devons travailler à une collaboration efficace entre médecins et directeurs, car tous ces acteurs de santé sont mus par les mêmes objectifs : la qualité et la permanence des soins, le service rendu à la population…

M. le président. Monsieur Domergue, il faut conclure.

M. Jacques Domergue. Déjà ?

M. le président. Eh oui !

M. Jacques Domergue. Ils recherchent aussi une meilleure activité des hôpitaux organisés autour des plateaux techniques, valorisée par la T2A.

M. le président. Monsieur Domergue, votre temps de parole est écoulé. J’en profite pour signaler à tous les orateurs que je serai très strict sur ce point, pendant la discussion générale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Régis Juanico. Comme d’habitude !

M. Jacques Domergue. Monsieur le président, j’aimerais que vous m’accordiez une minute pour conclure sur la médecine ambulatoire, un sujet extrêmement important.

Mes chers collègues, le problème n’est pas de savoir s’il faut donner un euro de plus aux médecins, au travers de l’activité conventionnelle. Aujourd’hui, le problème est de pouvoir répondre à la désertification médicale, aux conditions d’installation des professionnels, et à la notion de permanence des soins qui, malheureusement, a été trop oubliée par nos confrères.

M. le président. Monsieur Domergue…

M. Jacques Domergue. C’est la raison pour laquelle, madame la ministre, mes chers collègues, je pense que ces débats vont faire émerger des solutions qu’aucun des deux camps ne détient actuellement. Je regrette de ne pas avoir pu développer davantage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Mallot. Voyez comme c’est agréable quand la guillotine tombe !

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Madame la ministre, jusqu’à votre réponse à notre collègue Christian Paul, j’avais le sentiment que vous aviez décidé de montrer que nous étions tous d’accord sur les propositions que vous nous faites dans ce texte, et que les éléments de consensus l’emportaient sur les contradictions.

Ce même genre de discours a été repris à l’instant : en commission, nous nous serions accordés à plusieurs reprises – ce qui est exact – pour voter des mesures centrales de votre texte – ce qui n’est pas vrai. Si ma mémoire est bonne, nous avons voté ensemble des amendements qui vont précisément à l’encontre de la logique d’ensemble qui nous est proposée, notamment en ce qui concerne la gouvernance de l’hôpital et la nécessité d’adopter des mesures beaucoup plus fortes afin de favoriser l’installation de médecins dans des zones actuellement sous-dotées.

Nous sommes en face de deux visions différentes de ce que doit être notre système de santé. Elles partent d’un constat semblable – les défis auxquels ce système est confronté dans notre pays –, mais elles débouchent sur des propositions tout à fait différentes.

Madame la ministre, vous avez dit qu’il en allait de la « survie du modèle solidaire ». C’est une belle formule à laquelle je souscris. Malheureusement, je crains que votre texte ne creuse la tombe de la solidarité, cette idée, cette valeur qui a été au cœur de notre système de santé depuis la Deuxième Guerre mondiale.

Je ne reviendrai pas sur les défis auxquels ce système est confronté : nous pouvons en effet facilement nous accorder sur l’évolution des demandes de la population, le malaise qui existe à l’hôpital et la préoccupation des Français de ne pas pouvoir accéder à des soins près de chez eux. Je veux simplement dire que nous devons aussi être préoccupés du creusement nouveau des inégalités, territoriales assurément, mais aussi sociales, face à la maladie et à la mort : on en a parlé et je ne m’y attarde donc pas davantage ; reste que nous ne pouvons ignorer qu’un ouvrier a sept ans d’espérance de vie de moins qu’un cadre supérieur. Une réforme du système de santé qui ne prend pas appui sur la volonté de mettre fin à ces inégalités ou de les réduire n’est à cet égard pas envisageable.

C’est au fond l’idée que je souhaite défendre, car les principes sur lesquels nous souhaitons voir fondée une réforme du système de santé ne sont manifestement pas ceux qui inspirent votre texte. À nos yeux, ces principes sont au nombre de trois. En premier lieu, il faut une réforme globale de notre système de santé. On ne peut traiter d’un côté l’hôpital et de l’autre la médecine de ville en ignorant leurs connexions.

Nous approuvons la création des agences régionales de santé.

M. Jacques Domergue. Ah !

Mme Marisol Touraine. Cela fait longtemps que nous le disons ; nous avons même fait campagne sur ce thème. Cependant, la mise en œuvre proposée est très éloignée de ce que nous proposions, ce qui prouve qu’une même idée peut avoir des déclinaisons très différentes. Dans le présent texte, hélas, l’ARS s’apparente davantage à une usine à gaz technocratique qu’à un chef d’orchestre capable de faire jouer ensemble les différents instruments du système de santé.

Deuxième principe : la réforme engagée doit se faire du point de vue des patients, et non depuis le sommet.

Mme Michèle Delaunay et M. Michel Vergnier. Très bien !

Mme Marisol Touraine. Ce sont les patients qui ont des attentes. À cet égard, on ne peut que s’étonner du silence de votre texte sur tout ce qui touche à la démographie sanitaire. De façon plus générale, parler du point de vue des patients suppose d’introduire des contrepoids à la logique administrative : contrepoids des élus ou des associations d'usagers dans toute leur diversité. Or, toute la logique du projet de loi est de renforcer le poids de l’administration, que ce soit au niveau de l'hôpital ou des agences régionales de santé.

Troisième principe, enfin : la réforme doit être le moyen d'une réduction des inégalités, sociales et territoriales, en matière de santé. Au fond, c’est aussi par la capacité de votre réforme à réduire les inégalités que l’on appréciera son succès. Or, sur quoi repose l'efficacité de la lutte contre les inégalités en matière de santé ? Sur la mise en place d'une politique de santé publique volontariste – car la prévention est nécessaire pour rétablir un peu d’équité au sein de la population – quasiment absente de votre texte ;…

M. Jacques Domergue. Mais vous savez pourquoi !

Mme Marisol Touraine. …sur la garantie d'un accès rapide et facile à une médecine de premier recours, ce qui suppose à la fois l'accessibilité matérielle aux soignants – il faut des médecins disponibles dans un délai décent – et l'accessibilité financière. Un nombre croissant de Français renoncent en effet à se soigner pour des raisons financières, et les dépassements d'honoraires deviennent la norme, ce qui rend illusoire l'égalité face aux soins de ville.

M. Christian Paul. Très juste !

Mme Marisol Touraine. Or votre texte ne comporte aucune mesure structurelle pour lutter contre ce phénomène, sans parler des files d’attente pour accéder aux médecins spécialistes. Bien au contraire, vous annoncez le durcissement des conditions de remboursement dans le cadre du parcours de soins coordonné, ce qui entraînera inévitablement de nouveaux déremboursements pour la consultation de spécialistes.

Autre inégalité flagrante, que j’évoquerai dans un instant : les déserts médicaux, qui touchent non seulement les zones rurales mais aussi certaines zones urbaines difficiles.

Votre texte ne me paraît donc pas en mesure de répondre au grand défi de la réduction des inégalités sanitaires, qu’elles soient territoriales ou sociales. La clé, au fond, est la réorganisation de la médecine de ville, en lien, bien sûr, avec l’hôpital public ; mais je me concentrerai sur le premier aspect, car votre réponse à Christian Paul laisse à penser que vous avez définitivement renoncé à agir pour que les professionnels de santé s’installent dans les secteurs désertés.

La seule mesure de votre texte est la régionalisation du numerus clausus ; mesure qui aura peut-être un effet à la marge,…

M. Christian Paul. Et dans dix ans !

Mme Marisol Touraine. …mais qui ne répondra en rien à la question de la répartition intra-régionale. Ainsi, dans ma région, les étudiants du CHU de Tours, qui est de bonne qualité, préféreront toujours, avec votre système, s'installer en centre-ville plutôt que dans les zones rurales du Sud Lochois ! Le problème n’est donc pas seulement de former de futurs médecins à Tours, à Lille ou ailleurs, mais de faire en sorte que, une fois formés, ils aillent s’installer dans des secteurs mal desservis. En outre, même si cela ne vous concerne pas exclusivement, madame la ministre, comment demander à des professions, dont vous ne cessez de réaffirmer le caractère libéral, de s’installer dans des secteurs que l’État lui-même abandonne, compte tenu de sa politique pour l’école, l’hôpital ou La Poste, et plus généralement pour les services publics ? Cela ne favorise évidemment pas le maintien sur place des populations !

M. Jean Gaubert. Et voilà !

M. Christian Paul. Tout est dit !

M. Michel Vergnier. Sans parler de l’installation des entreprises !

Mme Marisol Touraine. La réponse ne peut venir que d’un nouveau contrat avec les médecins. De nos propositions sur leur installation, vous n’avez retenu que l’aspect le plus contraignant. Or la question des déserts médicaux doit être envisagée de façon globale. On pourrait ainsi, dès à présent, obliger les étudiants ayant passé l’internat à effectuer des stages dans des zones sous-denses.

M. Michel Vergnier. Absolument !

Mme Marisol Touraine. Il convient ensuite de mettre en œuvre une politique volontariste pour soutenir l’installation des médecins dans ces zones, via les maisons de santé pluridisciplinaires, la télémédecine, des incitations financières ou le développement de la rémunération forfaitaire. Vous dites que les maisons de santé, qui fonctionnent bien, peuvent s’ouvrir partout où on le souhaite. Mais on sait bien que les obstacles sont nombreux, et qu’ils sont souvent financiers. Lors de la discussion du PLFSS, nous avons proposé la création d'un fonds d'intervention structurel fortement doté pour accompagner l’installation des médecins à travers des plateaux techniques novateurs, et ce afin de répondre aux attentes des jeunes, qui ne veulent plus exercer leur métier comme les générations précédentes : vous l’avez refusé.

Le troisième étage de la fusée concerne en effet l’aspect le plus contraignant. Mais l’on ne peut continuer d’accepter que des médecins s’installent dans des zones surdotées ; c’est pourquoi nous y proposons un gel des installations sous le contrôle des futures ARS. Vous nous objectez la fin de la liberté d’installation ; mais c’est précisément ce qui arrivera si des mesures ne sont pas prises aujourd’hui ! Certains collègues de la majorité ont évoqué d’autres perspectives ; le rapporteur lui-même suggérait de laisser leur chance aux mesures incitatives jusqu’en 2012, avant d’envisager, le cas échéant, d’autres pistes. En somme, on n’accepterait les restrictions qu’après 2012. Mais si rien n’est fait aujourd’hui, les déserts médicaux le resteront ! À refuser des mesures volontaristes aujourd’hui, on s’expose à une remise en question beaucoup plus radicale demain.

M. Christian Paul. Bien sûr !

Mme Marisol Touraine. Ma pensée profonde est que, si nous n’intervenons pas maintenant, la médecine de ville libérale telle que nous la connaissons disparaîtra. Vous prétendez craindre le développement de la médecine salariée, mais nous y allons tout droit si vous ne prenez pas les mesures qu’il s’imposent ! Par ailleurs, l’argument selon lequel il n’y aurait aucune raison d’imposer aux futurs médecins ce qui ne l’a pas été à leurs aînés est peu convaincant.

M. le président. Veuillez conclure.

Mme Marisol Touraine. Quand les conditions d’exercice évoluent, il ne paraît pas anormal d’imposer des conditions d’installation qui évoluent aussi.

Un dernier mot pour dire que l’installation des professionnels de santé est décisive, y compris pour l’hôpital public.

M. le président. Merci de conclure.

Mme Marisol Touraine. Si celui-ci est de plus en plus asphyxié, c’est en effet que les conditions d’accès à la médecine de ville sont trop strictes.

Pour conclure, je formule l’espoir que soit préservée, à l’issue de nos débats, la grandeur du service hospitalier, qui est d’allier l’excellence et la solidarité. Cela suppose que l’on reconnaisse la primauté du projet médical sur toute autre considération, projet qui doit être conçu par les soignants. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un débat sur l'organisation du système de soins revêt forcément, parce qu’il touche au domaine de la santé, une gravité particulière. Les décisions qu’il engage sont un bon témoignage de ce qu'une société désire pour elle-même à une époque donnée.

Après la Deuxième Guerre mondiale, le Préambule de la Constitution a reconnu à chacun le droit à la protection de sa santé ; le système de protection sociale qui fut créé assurait ainsi à chacun un égal accès aux soins. En dépit des difficultés de l'après-guerre, ce sont les principes de solidarité et d'égalité qui ont inspiré les promoteurs du système de santé français, reconnu, encore aujourd'hui, comme l'un des meilleurs au monde.

Que ce système soit appelé à s'adapter, nul ne le conteste. Personne n'est opposé à la recherche d'une offre de soins aussi cohérente et efficace que possible. Mais, si nous voulons que l'égal accès aux soins soit réel, cette adaptation doit s'inscrire dans la logique des principes fondateurs. Elle doit donc se faire autour d'un service public de la santé consolidé.

Clé de voûte de ce système, l'hôpital public est confronté à de nouveaux défis, liés notamment à l'allongement de la durée de la vie, à la complexité croissante des techniques médicales, à l'évolution des structures familiales. Ces nouveaux défis sont-ils plus lourds que ceux de l'après-guerre ? On peut en débattre.

En tout cas, tous ces changements provoquent une augmentation structurelle des dépenses de santé.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Pas forcément.

Mme Huguette Bello. On n'a pas tort de souligner les difficultés de gestion et d'organisation de l'hôpital moderne. Il serait en revanche dangereux de sous-estimer l'impact financier qu'engendrent obligatoirement les progrès techniques.

Le profit n'est pas la finalité de l'hôpital. Sa gestion, pour rigoureuse qu'elle doive être, ne peut-être subordonnée à des objectifs comptables. L'hôpital n'a qu'un objectif : soigner les malades, tous les malades. Ce principe fondamental, beaucoup de professionnels de santé craignent que la tarification à l'activité ne le mette à mal si la codification des actes continue à ignorer l'activité réelle des hôpitaux. Un lit vide dans un hôpital, ce n'est pas une faute de management, c'est un espoir pour le malade ou l'accidenté qui va venir l'occuper.

Vous avez raison, madame la ministre, l'hôpital n'est pas une entreprise ; mais il le devient quand, cessant d'être un havre pour ceux qui souffrent, il n'est plus qu'un terrain d'application pour ces principes arbitraires et délirants dont tout aujourd'hui, en France comme ailleurs, signale la faillite.

Ces services des urgences qui acceptent tout le monde, où chacun peut se présenter spontanément – illustrant ainsi, outre la liberté, l'égalité, et la fraternité – ces urgences où, pour tant de nos compatriotes, s'apaisent les angoisses de la maladie ou de l'accident, où renaît l'espoir, où revient le sourire, la seule raison qui justifie qu'on en modifie l'organisation, c'est de les rendre encore meilleures que ce qu'elles sont.

Moins qu'ailleurs, le personnel peut y être transformé en variable d'ajustement. Les licenciements auxquels nous assistons dans de nombreux établissements sont de mauvais augure.

Pourquoi le personnel est-il à ce point attaché à son travail ? Pourquoi surmonte-t-il non seulement la fatigue et la tension qu'engendre son activité, mais aussi les conditions généralement lamentables et parfois effroyables dans lesquelles il l'exerce ? Parce qu'il a une conscience élevée de sa mission. Ce personnel supporte beaucoup de choses, madame la ministre, même s'il est bien mal récompensé par des salaires souvent dérisoires. Il est capable, en cas de crise, de se mobiliser avec un dévouement inouï.

M. Maxime Gremetz. C’est vrai.

Mme Huguette Bello. Les Réunionnais ont eu tout loisir de s'en apercevoir durant la crise du chikungunya. Et s’il est une chose que ce personnel ne supporterait pas, c'est de voir son activité pervertie par la logique absurde de l'argent.

M. Maxime Gremetz. Très bien.

Mme Huguette Bello. Ce projet de loi vise aussi à renforcer l'ancrage territorial des politiques de santé pour qu'elles répondent au mieux aux besoins et aux spécificités de chaque territoire. Aussi, permettez-moi de dire un mot de l'offre de soins dans ma circonscription à la Réunion, même si je regrette que la présentation du plan santé relatif à l'outre-mer n'intervienne qu'à la fin février, c'est-à-dire après l'examen de ce texte.

« Penser l'organisation des soins à partir des besoins et non pas de l'offre ou des structures existantes », voilà ce que préconise le rapport Larcher. Pour l'ouest de la Réunion, ces besoins sont ceux d’une population de près de 190 000 habitants qui devrait approcher, d'ici à une vingtaine d'années, les 250 000 habitants. Le taux de chômage y est le plus important d'Europe. Le nombre de bénéficiaires de la CMU complémentaire y est important.

Cet ouest réunionnais dispose d’un établissement public de santé à vocation généraliste, le centre hospitalier Gabriel-Martin, d'une capacité théorique de 256 lits. L'architecture hétérogène des locaux et l'insuffisance de la maintenance rendent les conditions d'hospitalisation particulièrement difficiles. Les chambres individuelles sont systématiquement occupées par deux personnes, les installations techniques sont vétustes, les urgences, où se présentent près de 40 000 personnes, occupent une surface quatre fois trop petite, les malades sont hospitalisés dans les couloirs. La Haute autorité de santé a souligné qu’ils ne disposaient d'aucune intimité. Imaginez la scène : quand un malade hospitalisé en médecine est conduit au service d'imagerie, il doit traverser, par tous les temps, souvent sur un brancard, la cour où affluent les visiteurs et les véhicules…

De plus, le centre hospitalier Gabriel-Martin joue un rôle essentiel dans le maillage territorial. En effet, lors d'événements climatiques exceptionnels, comme les cyclones, les routes coupées et les difficultés de circulation limitent, voire empêchent, la prise en charge des patients par les deux autres établissements situés au nord et au sud de l'île. Il faut alors compter, dans le meilleur des cas, entre trois et quatre heures de route pour y accéder. C'est précisément ce qui se passe au moment où je vous parle. Dans ces cas-là, le centre Gabriel-Martin n'est plus seulement un établissement de proximité, il devient un hôpital de repli.

Pour la sécurité des patients, pour la qualité des soins, pour les conditions de travail, cette situation doit cesser au plus vite. Mais rien ne change. Pourtant un terrain a été acquis pour y implanter un nouvel établissement. Pourtant le projet a bénéficié du soutien de Dominique de Villepin, alors Premier ministre. Pourtant, un groupement de coopération sanitaire a été mis en place avec un partenaire privé pour la réalisation, en 2010, du pôle sanitaire de l'ouest, qui prévoyait une organisation commune de la permanence des soins et un partage des plateaux techniques.

Mais rien ne change. Pourquoi ? Parce que nous touchons là, de la façon la plus concrète, aux divergences d'objectif et aux conflits d'intérêt entre les acteurs ; parce qu'en réalité nous atteignons là les limites du partenariat public-privé, en l'occurrence d'un partenariat où l'investissement est supporté à 95 % par le centre hospitalier. En dépit des accords, le partenaire privé a continué à investir sur son propre site et évoque aujourd'hui de graves difficultés financières qui l'empêcheraient de faire face à ses engagements pour construire le pôle sanitaire.

Face à ce nouveau blocage, l'ARH de la Réunion vient de décider que le pôle sanitaire de l’ouest se fera sans le partenaire privé. En tant que présidente du conseil d'administration de l'hôpital Gabriel-Martin, je salue cette décision. Elle permet de relancer enfin un projet qui a souffert de beaucoup trop d'atermoiements.

M. Maxime Gremetz. Très bien !

Mme Huguette Bello. Dans cette nouvelle phase où le partenariat se fera avec un autre établissement public, il est indispensable, madame la ministre, que le plan de financement que présentera le centre hospitalier soit retenu par le plan Hôpital 2012, d'autant que l'hôpital Gabriel-Martin a déployé des efforts considérables pour rétablir, en une seule année, son équilibre financier.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. C’est donc possible.

Mme Huguette Bello. Par ailleurs, serait-il possible, comme cela a été fait pour d'autres établissements de l'île, de ne pas appliquer le coefficient de convergence au centre hospitalier Gabriel-Martin de façon à augmenter d'autant, c'est-à-dire d'environ 10 millions d'euros sur cinq ans, sa capacité d'autofinancement ? Nous comptons sur vous pour que le pôle sanitaire de l’ouest voie enfin le jour, pour que cette partie de la Réunion soit dotée d'un établissement digne de ce nom. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, notre souhait, certainement partagé, est d'assurer à nos concitoyens un système de santé excellent, l'égal accès de tous à des soins de qualité et de veiller à l'accessibilité sur l'ensemble du territoire à des tarifs remboursables pris en charge par la solidarité nationale.

Ce projet de loi est très attendu. En effet, malgré des réformes multiples, dont certaines récentes, et des plans successifs, les objectifs sont loin d'être remplis, que ce soit en termes de qualité des soins ou d'accessibilité. De plus, la prévention demeure toujours le parent pauvre de notre système de santé.

Mme Michèle Delaunay. C’est vrai.

M. Jean-Luc Préel. Celui-ci connaît toujours une crise extrêmement grave, à la fois organisationnelle, morale et financière. Si le problème financier est prégnant, il n'est pas, en principe, l’objet de ce texte, encore qu'il semble sous-jacent et qu'il semble même primer sur la prise en compte des besoins de santé et de soins, qui est pourtant notre souci premier.

Mme Michèle Delaunay. C’est vrai.

M. Jean-Luc Préel. L'équilibre financier est souhaitable, mais il dépend beaucoup des recettes et je voudrais rappeler que les dépenses de santé contribuent, elles aussi, à la croissance du PIB.

Ce projet de loi, s'il ne résoudra pas tous les problèmes, devrait permettre une amélioration. Cependant, tel qu'il est présenté, ce texte est très jacobin, centralisateur et donc déresponsabilisant sans contrepouvoir.

Ce projet de loi, déjà intéressant, devrait pouvoir être amélioré par le débat parlementaire. Madame la ministre, n'avez-vous pas dit que vous comptiez sur nos propositions et nos amendements ? Cela tombe bien. Au nom du Nouveau Centre, j'ai déposé quelque 200 amendements. À l'issue des débats, ce texte, ainsi amélioré, sera excellent !

Je voudrais tout d'abord évoquer la création des agences régionales de santé. L’ayant demandé depuis longtemps, je ne peux que m'en réjouir. Il convient en effet de revenir sur l'un des défauts majeurs de notre système de santé : la séparation absurde entre la prévention et le soin,…

M. Maxime Gremetz. C’est d’accord.

M. Jean-Luc Préel.… la ville et l'hôpital, le sanitaire et le médicosocial.

Prévoir, au niveau régional, un responsable unique de la santé ne peut donc que recevoir notre assentiment. La région est en effet le niveau pertinent pour les complémentarités, la prise en compte des besoins et l'implication des professionnels.

Nous sommes d'accord sur les missions des ARS, leur périmètre qui doit couvrir la prévention, l'éducation à la santé, les soins de ville et en établissements et le médico-social.

Cependant, si inclure la dépendance des personnes âgées est logique, étendre les missions aux handicapés qui disposent de nombreuses structures variées, gérées par des associations, risque d'être délicat. L'ARS deviendra une structure très importante qui risque d'être accaparée par ses problèmes internes. Pourvu qu'elle ne meure pas d'indigestion !

Malgré tout, je souhaite que ses missions soient étendues à la formation des professionnels de santé pour veiller ainsi à l'adéquation des formations aux besoins des prochaines années. Vous avez compris, madame la ministre, que je suis, au nom du Nouveau Centre, favorable au principe des ARS. Cependant, plusieurs problèmes me semblent préoccupants et il faudrait apporter des améliorations sur ces points lors de nos débats.

Tout d'abord, la gouvernance nationale n'est pas satisfaisante. Il aurait été logique de prévoir une agence nationale avec, en parallèle, un conseil national de la santé. La coordination nationale proposée, comprenant les ministres, les trois directions du ministère de la santé, le directeur de l'UNCAM, risque d'aboutir à un triple commandement inopérant. Il conviendrait – des amendements le proposent – que les ARS ne reçoivent de directives que du seul secrétaire général, ce qui permettrait une réelle coordination.

La deuxième critique concerne la non-fongibilité des enveloppes. Nous votons, aujourd'hui, l'ONDAM et des sous-objectifs pour les établissements, les soins de ville, le médicament, etc.

Le but majeur de la création des ARS est d'avoir un responsable unique de la santé au niveau régional. Il convient donc qu'il dispose d'une enveloppe unique régionale calculée sur des critères objectifs pour lui permettre d'effectuer les arbitrages. Le maintien des sous-objectifs nationaux est contradictoire et conforte la séparation entre la prévention, le soin, la ville et l'hôpital, le sanitaire et le médico-social que la réforme veut, en principe, supprimer.

J'ai déposé des amendements en ce sens qui, je l'espère, recevront un avis favorable.

Un troisième défaut est de confier au préfet la présidence du conseil de surveillance. Le préfet et le directeur de l'ARS seront nommés en conseil des ministres. Cela conduira inévitablement à des situations conflictuelles. J'ai déposé des amendements pour que le président soit élu par les membres du conseil de surveillance ou, mieux encore, que ce soit le président de la conférence régionale de santé qui assume, également, cette présidence.

Le quatrième défaut est, à mes yeux, un défaut majeur : la démocratie sanitaire ne progresse guère. Les conférences régionales de santé – certaines fonctionnent notamment celle des Pays de Loire, bien entendu – sont, à juste titre, critiquées. Il serait logique, voire indispensable, qu'elles soient renforcées, pour en faire un lieu de débat permanent impliquant tous ceux qui s'intéressent à la santé : professionnels, établissements, associations de malades et d'anciens malades.

M. Maxime Gremetz. Cela au moins, c’est démocratique.

M. Jean-Luc Préel. Ce texte ne leur reconnaît qu'un rôle consultatif très accessoire. Or, elles devraient avoir un rôle essentiel veillant à la prise en compte des besoins, en s'appuyant sur des observatoires régionaux de santé, renforcés par le regroupement de l'ensemble des observatoires, et veillant à l'adéquation de l'offre aux besoins. Il est donc nécessaire que la conférence régionale de santé se prononce et vote les divers schémas régionaux ; qu'elle vote, également, sur l'utilisation du financement et, si possible, de l'ORDAM – l’objectif régional des dépenses d’assurance maladie.

En impliquant les professionnels dans la gestion, nous parviendrons à une réelle maîtrise médicalisée des dépenses de. santé. Ces professionnels ne seraient plus dans la revendication permanente, mais deviendraient des gestionnaires responsables.

Madame la ministre, après ces quelques corrections et en prévoyant que les ARS disposent, en outre, du contrôle médical et des données informatiques, c'est avec enthousiasme que je voterai, au nom du Nouveau Centre, la création des ARS modifiées.

Le deuxième volet important de ce projet de loi concerne l’hôpital.

Les établissements de santé jouent un rôle majeur dans notre système de soins, mais ils sont aujourd’hui confrontés à de grandes difficultés organisationnelles, humaines et financières sur lesquelles je n’ai pas le temps de revenir. Je citerai toutefois l’afflux de malades aux urgences, le manque de lits en aval, l’absence de réelles filières gériatriques, les problèmes de démographie médicale, l’évaluation de la qualité.

Vous nous proposez une réforme importante. Pourtant, une réforme récente n'est pas encore totalement digérée, encore moins évaluée.

Ce projet comporte des modifications majeures. Nous avons la chance, en France – car c’est exceptionnel – de disposer d'un double réseau d'établissements, financé par la collectivité nationale et, notamment, par la CSG. Ce double réseau doit permettre l'émulation conduisant à une amélioration de la qualité et non à une concurrence désastreuse.

Les établissements privés sont peu concernés par le texte. Vous prévoyez cependant qu'ils puissent répondre à des missions de service public en passant des contrats pour l'accueil des urgences et la formation. Il conviendra de veiller à ce que ces contrats soient respectés et que les sanctions prévues s'appliquent également en cas de non-respect partiel de ceux-ci.

Les médecins et chirurgiens ne sont plus que rarement propriétaires de leur outil de travail. Dès lors, il conviendrait de renforcer le rôle des conférences médicales d'établissement pour qu'elles se prononcent sur les projets d'établissement, veillant ainsi à la qualité des soins, à la réponse aux besoins autant, sinon plus, qu'à la rentabilité financière de telle ou telle activité.

Pour les hôpitaux, il s'agit d'une réforme fondamentale. Tous les hôpitaux de France sont-ils concernés ? L'AP-HP, madame la ministre, est-elle concernée ? Va-t-elle enfin rentrer dans le droit commun ? Cela fait des années que nous le demandons. La réforme Juppé l’avait déjà envisagé. J'ai donc déposé un amendement en ce sens.

Qu'en est-il des CHU ? Le Président de la République a lancé la mission Marescaux. Celle-ci est-elle limitée à la recherche et à la formation ? Les CHU ont également un rôle d'hôpital de secteur et doivent donc être concernés par cette réforme.

Qu'en est-il des hôpitaux psychiatriques ? S'intégreront-ils dans les communautés hospitalières de territoire ? Aujourd'hui, ils fonctionnent sur la base de secteurs géographiques et disposent de structures externalisées comme les ateliers thérapeutiques.

Le rapport Couty sera-t-il pris en compte ?

Quel est le sort réservé aux PSPH, longtemps présentés comme des modèles, notamment par le remarquable rapport Couanau, qui avait d’ailleurs proposé que tous les établissements fonctionnent sur le modèle des PSPH ?

Les trois mesures principales concernent le renforcement du directeur, des pôles et les communautés hospitalières de territoire. Il semblerait que le but soit d'obtenir une rationalisation, un équilibre financier, sans trop prendre en compte les besoins de la population, et le projet médical.

Promouvoir un vrai patron à l'hôpital, pourquoi pas ? Mais le directeur sera-t-il vraiment le chef puisqu'il sera nommé par l'ARS ? Celle-ci lui fera signer les contrats d'objectifs et de moyens, les contrats de retour à l'équilibre et, en cas de non-respect, la même ARS le révoquera.

M. Maxime Gremetz. Il sera pieds et poings liés !

M. Jean-Luc Préel. Dans les faits, le vrai chef sera le directeur de l'ARS. avec des objectifs financiers. N'allons-nous pas nous retrouver avec des AP régionales ?

Le conseil de surveillance remplace le conseil d'administration. Il se prononcera, en principe, sur les décisions stratégiques, mais il n'est pas prévu qu'il délibère sur les investissements ni sur l'adhésion à une communauté hospitalière de territoire. Or ces deux décisions ne sont-elles pas stratégiques ? J'ai proposé des amendements pour corriger cette erreur, certainement involontaire. De même, le président du conseil doit pouvoir participer au recrutement du directeur et à sa nomination. Il est prévu que le directeur arrête le projet médical établi à partir du contrat d'objectifs et de moyens.

Au contraire, le projet médical doit être, selon moi, établi et voté par la CME pour répondre aux besoins de santé. (Approbation sur les bancs du groupe SRC et GDR.)

Ce projet médical fait partie du projet d'établissement. Le contrat d'objectifs et de moyens doit permettre la réalisation du projet d'établissement basé sur le projet médical.

M. Maxime Gremetz. Absolument !

M. Jean-Luc Préel. Si vous voulez vous réconcilier avec les professionnels de santé, madame la ministre, je vous invite à accepter l'amendement prévoyant le vote du projet médical par la CME.

Je suis favorable au principe des pôles avec délégation de gestion, à condition de laisser une grande souplesse à la taille des pôles pour qu'ils permettent une réelle complémentarité au service des patients et que ne soient pas créés de grands pôles artificiels. Ils ne fonctionneront qu'avec l'accord, l'appui et la participation des personnels concernés.

La notion de contrats pour les praticiens est nécessaire. Il ne doit pas s'agir de rémunérer à prix fort des mercenaires à la compétence parfois douteuse, mais de recruter des praticiens…

M. Maxime Gremetz. Encore faut-il en trouver !

M. Jean-Luc Préel.…avec des objectifs et une rémunération prenant en compte la pénibilité, la responsabilité et l'engagement, ce que ne permet pas, hélas, le statut unique. Le texte est bien timide en en limitant le nombre chaque année et en rendant les recrutements difficiles.

La mission Larcher avait prévu de revenir sur l'obligation des marchés publics. Le texte n'en faisant pas mention, j’ai déposé un amendement en ce sens. (« Très bien ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Enfin, les communautés hospitalières de territoire correspondent à une excellente idée. Chaque établissement ne peut pas proposer toutes les spécialités en assurant la qualité. Elles permettront une mutualisation des investissements et des compétences. Cependant pourquoi un établissement ne peut-il adhérer qu'à une seule communauté ? J'aurais préféré un fonctionnement en réseau : réseau avec les hôpitaux de proximité, réseau avec les hôpitaux de référence et les CHU.

Ce volet hôpital est donc intéressant, mais il convient de l'améliorer en rappelant que la mission de l'hôpital est d'abord de répondre aux besoins en assurant des soins de qualité, que le projet médical est préparé et voté par la communauté médicale et que les contrats d'objectifs et de moyens doivent permettre la réalisation du projet d'établissement.

Après ces petites modifications, madame la ministre, beaucoup de réticences tomberont et je voterai volontiers ce volet de la réforme.

Le volet santé publique du texte est très limité.

M. Jean-Marie Le Guen. On ne peut guère le nier !

M. Jean-Luc Préel. Il concerne l'éducation thérapeutique nécessaire à la condition d'être encadrée. Le patient doit en effet devenir acteur de sa santé en étant correctement informé sur la maladie, les stratégies thérapeutiques possibles, les avantages et les inconvénients de la stratégie choisie. Beaucoup reste à faire, sinon en encadrant Internet, ce qui est quasiment impossible, du moins en labellisant certains sites.

Le texte concerne essentiellement l'alcool, qui constitue un réel fléau, notamment en raison de changements d'habitudes chez les jeunes.

M. Maxime Gremetz. Pas seulement chez les jeunes !

M. Jean-Luc Préel. Je n’y insisterai pas, car le texte s’intéresse à cette question.

Plusieurs amendements ont été votés en commission, concernant l'obésité, pathologie de plus en plus fréquente, qu’il nous faut prendre en compte.

L'autre volet important concerne la médecine de ville.

Trois problèmes majeurs doivent être traités. Il s'agit de la démographie des professionnels de santé et de leur répartition sur l'ensemble du territoire, de l'accessibilité à des soins à tarifs remboursables avec les dépassements d'honoraires et, enfin, de l'organisation de la permanence des soins et des urgences.

Ce sont des problèmes majeurs et sensibles. Les solutions ne sont pas simples. Elles prendront du temps pour aboutir aux résultats souhaités. Le texte n'avance que peu de propositions concrètes. Certes, les discussions conventionnelles sont en cours, mais elles semblent quelque peu bloquées. Si elles n'aboutissent pas, le Gouvernement proposera-t-il des mesures à l'Assemblée…

M. Jean-Marie Le Guen. En 2012 !

M. Jean-Luc Préel. …ou laissera-t-il encore du temps et attendra-t-il le Sénat ? Dès lors, nous ne pourrions nous prononcer, ce qui serait regrettable.

Concernant la démographie des professionnels et leur répartition sur le territoire, les mesures incitatives sont récentes et non évaluées. Les mesures coercitives peuvent être tentantes, et certains ne résistent pas à cette tentation, mais elles pourraient être contreproductives, notamment pour les jeunes qui se détourneraient de la médecine générale.

Certains proposent d'obliger les nouveaux diplômés à s'installer pendant trois ou cinq ans dans une zone sous-dense. À cet égard j’appelle votre attention sur le fait que l'âge moyen de l'installation est aujourd'hui de trente-neuf ans, soit plus de dix ans après la thèse. Cette obligation de quelques années sera donc difficilement applicable et ne réglera pas le problème de la pénurie que nous connaissons aujourd’hui. Cela étant, nous ne connaissons pas encore de pénurie globale. Cependant, plus que le nombre – on parle de 56 000 « vrais » médecins généralistes, mais, vous le savez, madame la ministre, il y en a 105 000 –…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je connais les chiffres !

M. Jean-Luc Préel. Vous savez donc que quand on veut montrer qu’il y a beaucoup de médecins, on dit qu’il y en a 105 000 et que, pour montrer le contraire, on dit qu’il n’y en a que 56 000 !

Avec ces deux chiffres illustrant une même réalité, on aboutit à deux conclusions totalement différentes !

M. Maxime Gremetz. C’est quoi, ce chiffre ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Ce sont les médecins qui exercent vraiment.

M. Jean-Luc Préel. Ceux qui exercent vraiment la médecine générale.

Il serait plus judicieux de prendre en compte le temps médical réel, puisque les médecins, aujourd'hui, consacrent moins de temps aux soins que leurs aînés. Je ne parlerai pas des 35 heures dans la médecine de ville (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Maxime Gremetz. Il faut bien rassurer la majorité !

M. Jean-Luc Préel. C'est pourquoi il convient de rendre du temps médical. Comme dans de nombreux pays, nous devrions nous engager avec volontarisme vers le transfert de tâches et la formation d'infirmières cliniciennes chargées du suivi des maladies chroniques.

Il convient de régionaliser les formations pour adapter le numerus clausus aux besoins des prochaines années, de développer la filière universitaire de médecine générale et de rendre effectif le stage obligatoire en médecine générale : je proposerai trois mois en zone rurale et trois mois en ville.

Ainsi, le médecin, maître de stage motivé, pourra transmettre sa passion au jeune. Comment un étudiant suivant des cours à Paris peut-il savoir ce qui se passe en zone rurale s’il n’y effectue pas un stage ? Bien entendu, les bourses pour aider au financement des études, assorties d'un engagement à s'installer dans une zone sous-dense sont intéressantes.

Enfin, l'aide à la création de maisons de santé pluridisciplinaires est nécessaire. Ces maisons médicales permettent de regrouper les professionnels de santé et de mutualiser les moyens. Les jeunes ne veulent pas rester isolés. Ces maisons doivent être en nombre, de l'ordre d'une par canton, mais il est indispensable qu’elles soient basées sur un projet médical et s'appuient sur des professionnels motivés. Vouloir les imposer, sans concertation, conduirait à l'échec. Nous en avons tous des exemples.

Plutôt que des taxes pour ceux qui s'installeraient en zones denses ou refuseraient d'aider leurs confrères en zones sous-denses, une rémunération diversifiée en plus, mais aussi en moins, selon la zone, serait à envisager. Le texte prévoit un schéma, un SROS ambulatoire non opposable. Celui-ci est intéressant s'il est bâti à partir des territoires, en prenant en compte les besoins, mais si, à l'origine, il n'est pas opposable, nous sommes convaincus qu'il le deviendra rapidement.

Les dépassements d'honoraires sont aujourd'hui importants, rendant l'accès à des soins à tarif opposable, dans certaines zones et pour certaines spécialités, très problématique.

Le secteur optionnel, tel qu'envisagé, peut être une bonne solution, mais le réserver aux spécialités à plateau technique est curieux. Alors que les spécialités cliniques connaissent aujourd'hui des difficultés majeures et sont déjà très pénalisées, la généralisation de ce secteur optionnel semble nécessaire.

La permanence des soins doit être organisée sur l'ensemble du territoire. La mise en œuvre du rapport Grall est donc attendue. Nous y reviendrons au cours de nos débats.

Notre système de santé connaît toujours, après de multiples réformes, une crise grave, organisationnelle, morale et financière.

Ce texte est donc très attendu. Il apporte des réponses, avec, notamment, la création des ARS, une nouvelle gouvernance de l'hôpital, la définition de la médecine dite « de premier recours ». Toutefois, ce texte est très jacobin…

M. Maxime Gremetz. Non, monarchique !

M. Jean-Luc Préel.…centralisateur, sans contre-pouvoir et, donc, déresponsabilisant.

Madame la ministre, vous nous avez dit que vous étiez à l'écoute des propositions et des amendements pouvant l'améliorer. Cette amélioration est nécessaire car, en l'état, nous ne pouvons le voter.

Le Nouveau Centre a déposé 200 amendements constructifs pour l'améliorer, en prenant pour base la nécessité de l'efficience, la prise en compte des besoins de santé et la responsabilisation de chaque professionnel. Les patients attendent des réponses pour avoir accès à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire à des tarifs opposables.

À l'issue des débats, ce texte intéressant, une fois amélioré, sera sans doute devenu remarquable (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) et nous pourrons, dès lors, le voter, mais il doit évoluer. Merci de votre écoute et de vos réponses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur divers bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Maxime Gremetz. Très bien, monsieur Préel, mais le texte est inacceptable en l’état !

M. le président. La parole est à M. Daniel Spagnou, pour cinq minutes.

M. Daniel Spagnou. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, dans une période où nos concitoyens sont en proie au doute et à l'incertitude, la mise en place de réformes structurelles nous apparaît plus que jamais nécessaire, face à un conservatisme à la fois idéologique et politicien.

Oui mes chers collègues, notre assemblée se doit d'être la voix de nos administrés par la confrontation des idées, non des idéaux partisans.

M. Marcel Rogemont. Il y a du boulot !

M. Daniel Spagnou. Néanmoins il ne faut pas pour autant se décourager car, devant l'engagement du Gouvernement qui, face à une crise sans précédent, a décidé de maintenir le cap de ses réformes, nous nous devons, en tant qu'élus de la majorité, de saluer la force de conviction et le pragmatisme de l'exécutif. Aujourd'hui, cela se symbolise par le projet de loi ambitieux que vous portez madame la ministre.

Je tiens également à saluer le travail de fond réalisé par le président Gérard Larcher qui, par l'ensemble de ces concertations, a largement inspiré ce projet de loi.

Ce texte s'articule autour de mots-clés fondamentaux, parmi lesquels la permanence des soins, une véritable convergence tarifaire et les agences régionales de santé, qui seront la pierre angulaire de la réforme, puisqu’ils réuniront les moyens de l’État et ceux de l’assurance maladie. Les ARS seront chargées de décliner les objectifs du projet de loi dans un cadre territorial, ce qui est une excellente chose.

Le projet de loi n’oublie pas non plus la prévention, avec notamment l'interdiction de la vente d'alcool aux mineurs et celle des cigarettes aromatisées dites « bonbons » : deux mesures très attendues par les familles.

M. Jean-Marie Le Guen. Révolutionnaire ! (Sourires.)

M. Daniel Spagnou. Ayant été président du conseil d'administration d’un hôpital durant vingt-six ans, je comprends aujourd'hui la nécessaire réorganisation autour du directoire. Nous nous devons toutefois de rester vigilants, en particulier dans nos petits départements, afin de ne pas accroître le fossé existant entre l'organe dirigeant de nos hôpitaux de proximité et les réels besoins des populations rurales.

Par ailleurs – j'insisterai sur ce point –, comme les communautés hospitalières de territoires ont pour objectif d'optimiser les ressources en permettant aux établissements de coordonner leurs interventions et leurs moyens pour organiser des filières de soins, le système conduit à la fusion de plusieurs établissements dans une même entité juridique. Or il s'agit de pérenniser un système que je connais particulièrement bien, ayant été précurseur en la matière, vous le savez, madame la ministre, puisque, il y a déjà trois ans, j’ai fusionné l'hôpital de ma commune de Sisteron avec le centre hospitalier de Gap, l’un et l’autre étant situés dans deux départements différents.

Je comprends donc l'objectif de développer un tel dispositif au plan national, véritable bouclier de service public face au secteur privé.

Les raisons poussant à la mutualisation des moyens pour un petit hôpital rural sont multiples et nécessaires, comme le recrutement toujours plus difficile des médecins ou les investissements de plus en plus onéreux qu'une petite structure ne peut plus assurer dès lors qu’il s’agit d'acquérir un scanner ou un IRM.

Enfin, le développement des nouvelles technologies est une raison supplémentaire qui pousse à la fusion, car dans un hôpital, même rural, la présence de spécialistes est nécessaire dans des domaines aussi divers que l'informatique, l'ingénierie biomédicale ou la gestion qualité. Or seuls les gros établissements peuvent se permettre de s'offrir de tels services.

Peut-on s'abstenir de le faire ? La réponse est non ! Ne rien faire ou ne rien choisir revient à faire le plus mauvais choix.

M. le président. Monsieur Spagnou, il faut conclure.

M. Daniel Spagnou. L'engagement est le mot qui caractérise le mieux l'action du Président de la République dans le cadre de cette réforme. Dans son discours de Neufchâteau, en avril 2008, tout en réaffirmant que la réforme des hôpitaux ne signifie pas leur fermeture, il a indiqué que les aides à la contractualisation et les subventions du programme Hôpital 2012 bénéficieraient davantage aux hôpitaux publics formant une communauté hospitalière de territoire. C'est à vous, madame la ministre, que cette mission a été confiée.

M. le président. Votre temps de parole est épuisé.

M. Daniel Spagnou. Toutefois, de tels enjeux et la nécessaire réorganisation de l'hôpital ne doivent pas faire oublier l'un des termes du titre de la réforme : le territoire. En la matière Mme Létard a souligné tout l’intérêt qu’il y a à réorienter l’activité de nos hôpitaux de proximité ruraux vers le champ médico-social où les besoins sont immenses.

Concernant la fusion, comment expliquer à nos administrés, au premier abord hostiles mais finalement convaincus, après une campagne d'information minutieuse, des bienfaits de ce type de fusion, qu’aux premières difficultés rencontrées, c'est l'hôpital le plus petit qui fait, sans concertation, les frais d'un plan de restructuration et de la fermeture de services ? C’est, vous le savez, madame la ministre, ce qui vient de se produire à Sisteron, ce que je regrette infiniment. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour dix minutes maximum.

M. Jean-Marie Le Guen. Madame la ministre, mes chers collègues, il y a un peu plus de quatre ans, cette majorité, d’un ton péremptoire, adoptait un projet de loi visant à réformer l’assurance maladie et notre système de santé particulièrement injuste et inefficace. Aujourd'hui, faudrait-il vous féliciter de ce que votre projet de loi semble aborder de vrais problèmes tout en laissant – tel est du moins notre sentiment – à vos successeurs le soin de les résoudre ?

Je rappellerai quelques-uns des sujets qui, lorsqu’ils sont énoncés, font consensus sur de nombreux bancs de notre assemblée.

Nous savons tous qu’un des défauts majeurs de notre système de santé est d’avoir négligé, voire oublié la santé publique, notamment les politiques de prévention. Nous avons donc toutes les raisons de penser qu’un projet de loi relatif à la santé doit comporter un chapitre sur la santé publique. Or nous ne sentons pas – c’est le moins qu’on puisse dire – la volonté politique du Gouvernement en la matière. Il est vrai qu’à plusieurs reprises, en dépit de vos avis, vous avez été arbitrée de façon tout à fait négative, comme on dit en langage gouvernemental. C’est ainsi que le Red Bull a été autorisé ou que vous n’avez pas pu mettre en œuvre certaines dispositions dans la lutte contre l’obésité. Aussi ne sommes-nous pas très étonnés de constater aujourd'hui que le chapitre « Santé publique » consiste, pour l’essentiel, à ouvrir une page blanche.

Un autre sujet concerne le système de soins – je pense du reste qu’il est abusif de parler d’un « système ». Nous sommes nombreux à considérer sur tous les bancs de cette assemblée qu’il existe une situation d’urgence sanitaire, non pas, il est vrai, sur tout le territoire ; c’est pourquoi la désertification médicale, qui gagne mois après mois, ne concerne encore aujourd'hui qu’une partie de nos compatriotes. J’entends néanmoins de très nombreux collègues, sur tous les bancs de l’Assemblée, s’inquiéter profondément de la situation.

De même, nous nous inquiétons, comme l’ensemble de nos concitoyens, de la généralisation des dépassements d’honoraires qui, s’ajoutant aux différentes franchises que vous avez imposées depuis la loi Bertrand–Douste-Blazy, représentent autant de barrières financières à l’accès aux soins.

Faut-il également rappeler que, dans plus de dix de nos départements, la permanence des soins n’est pas assurée ? Doit-on à Noël, ou un autre jour, aller constater l’engorgement des systèmes d’urgence à l’hôpital, qui demeurent le seul référent des parcours de soins du fait que ces derniers manquent de clarté aux yeux de nos concitoyens ?

Madame la ministre, nous pensons que le modèle libéral traditionnel de la médecine est aujourd'hui en crise, qu’il est même caduc : c’est là une divergence majeure entre nous, laquelle porte non pas tant sur le diagnostic que vous sembliez établir il y a quelques mois que sur la réalité de la politique que vous menez.

En effet, dans vos déclarations, vous avez reculé par rapport à certains des engagements qui étaient encore les vôtres il y a seulement quelques semaines, lorsque vous donniez à penser que le Gouvernement, comme il le promettait déjà depuis plusieurs mois, allait enfin agir.

En laissant à la médecine libérale le temps de faire chaque jour un peu plus la preuve de son inefficacité, vous abandonnez nos concitoyens à des déserts médicaux, véritable urgence dont vous devriez vous saisir sans attendre. C’est alors que, les débats approchant sans que les conventions médicales progressent, vous invoquez la concertation, la négociation, la spontanéité de la résolution des problèmes, quand ce n’est pas le temps nécessaire à la mise en place des solutions.

Votre texte s’appuie sur les agences régionales de santé : elles sont la solution magique de votre système, comme, il y a quatre ans, le dossier médical personnel, qui devait tout organiser, permettre de fournir des informations au patient et économiser, nous disait-on, 4,5 milliards d’euros ! Aujourd'hui, où en sommes-nous ?

De la même façon les ARS ne sont qu’un nouvel acronyme à trois lettres venant, comme par magie, résoudre tous les problèmes. Madame la ministre, où les ARS trouveront-elles le courage politique qui fait aujourd'hui défaut à cette majorité pour agir ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Si vous n’avez pas le courage de remettre en cause certains des principes de fonctionnement de la médecine libérale, à commencer par le monopole du paiement à l’acte et par les formes d’organisation et de regroupement des professionnels de médecine, comment voulez-vous que les ARS trouvent celui de le faire ? Si vous ne créez pas les cadres juridiques le permettant, comment voulez-vous que demain les ARS disposent des instruments dont elles auront besoin ?

Mme Marylise Lebranchu. Très bien !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous faites la démonstration que la majorité ne peut pas toucher à certaines règles pour des raisons purement idéologiques, voire électorales.

Depuis plusieurs mois, le discours du Président de la République sur l’hôpital ne laisse pas d’étonner. Comme on veut cacher les problèmes de la médecine de ville ou de la médecine libérale, qui sont les problèmes majeurs rencontrés aujourd'hui par nos concitoyens, on met en avant une crise de l’hôpital ou, plutôt, le discours cible l’hôpital public en avançant le chiffre selon lequel il aurait vu ses moyens augmenter de 50 % en dix ans. La belle affaire quand le reste du secteur médical a progressé de plus de 70 % ! Et on oublie de préciser que ce taux représentent à peine plus de 3 % par an, c'est-à-dire une des évolutions les plus maîtrisées des dépenses de santé. On oublie également de préciser que la dépense de l’hôpital public a baissé en pourcentage du produit intérieur brut alors que d’autres dépenses de santé ou d’autres dépenses de consommation de nos concitoyens ont progressé.

Mme Marylise Lebranchu. C’est vrai.

M. Jean-Marie Le Guen. On feint par ailleurs d’ignorer que la santé est l’une des priorités publiques dans laquelle nos compatriotes veulent que l’État investisse : ils sont donc favorables à ce que notre pays dépense plus d’argent pour l’hôpital public et pour la santé.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes très inquiets non seulement de la teneur du projet de loi mais également du discours ambiant qui cible l’hôpital public alors que, à l’évidence, celui-ci, loin de concentrer les défauts de notre système, subit au contraire toutes les contradictions qui naissent de la double insuffisance de la politique de santé publique et de l’offre de soins libérale.

Madame la ministre, de nombreux collègues de la majorité et nous-mêmes sommes étonnés des propos que vous avez tenus, notamment en commission, sur l’hôpital. À l’évidence, les dispositions du projet de loi ne devraient pas concerner les centres hospitaliers universitaires. La preuve en est, du reste, que le Gouvernement lui-même, de façon précipitée et alors même que le projet de loi était déjà mis sur les rails, a créé ex nihilo la commission Marescaux qui, pendant que l’Assemblée travaille sur l’hôpital,…

M. Christian Paul. Quel camouflet ! Scandaleux !

M. Jean-Marie Le Guen. …décide de réfléchir à l’avenir des hôpitaux universitaires, en s’interrogeant notamment sur une réforme des ordonnances Debré, qui ont créé les CHU, apport fondamental pour la République.

M. Christian Paul. Le Palais-Royal s’en souviendra !

M. Jean-Marie Le Guen. Je vous remercie, mon cher collègue, de le souligner.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Or vous affirmez vous-même, madame la ministre, que cette réforme fondamentale ne passera pas devant l’Assemblée nationale. Vous envisagez de l’introduire au Sénat sans que les députés aient le moindre mot à dire sur une réforme d’une telle importance !

M. Marcel Rogemont. C’est inadmissible !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous préciserez votre pensée, madame la ministre, et j’espère me tromper, car les députés devront avoir leur mot à dire en cas de projet de loi CHU. Il serait scandaleux, antidémocratique et, pour tout dire, anticonstitutionnel, qu’ils ne le puissent pas.

M. le président. Concluez, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous reviendrons notamment sur les dispositions du titre Ier car nous sommes profondément choqués de constater combien votre texte marginalise la pensée médicale sans que vous puissiez invoquer aucune raison organisationnelle, notamment des dysfonctionnements hospitaliers dus à l’importance excessive qu’auraient pris les CME. La réalité, c’est que vous voulez disposer de directeurs d’hôpitaux qui n’auront d’autre objectif que de marcher dans les clous des contraintes budgétaires que vous imposez à l’hôpital public.

M. le président. Merci !

M. Jean-Marie Le Guen. Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes, comme nos concitoyens, profondément inquiets du projet de loi que vous nous soumettez. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour cinq minutes.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l’ensemble de ce projet, mais je me contenterai, durant les cinq ou six minutes qui me sont attribuées,…

M. le président. Cinq minutes !

M. André Chassaigne. …de pointer une carence notable pour l’élu de zone rurale que je suis : la prise en compte à leur juste mesure des problèmes de démographie médicale ou, plutôt, de désertification médicale, à savoir l’insuffisante couverture du territoire en termes d’offre de soins et de praticiens de proximité.

Les politiques de l’État ont vidé les territoires de leurs activités économiques et de leurs services publics : écoles, postes, tribunaux, transports collectifs… tous les secteurs sont touchés. La politique menée a fortement atténué l’attractivité de nos campagnes et porte, de ce fait, une lourde responsabilité dans la situation actuelle. C’est pour répondre à ce terrible constat du déclin de nos territoires que nous avons lancé, avec mon ami Jean Lassalle, l’appel « Campagnes de France : grande cause nationale ».

C’est bien l’effet cumulatif de la désertification qui explique tout particulièrement les difficultés pour maintenir dans ces zones la présence de praticiens généralistes. Les solutions existent face à cette véritable pénurie qui oblige des patients paniqués à attendre des heures, voire des jours, et à parcourir parfois des dizaines de kilomètres, pour être soignés.

Cependant, pour cela, il faut du courage politique, en acceptant en premier lieu de considérer que les médecins sont détenteurs de véritables missions de service public puisque payés par la sécurité sociale. Pourtant, aujourd’hui, seulement 45 % des médecins installés participent à la permanence des soins. N’est-ce donc pas à l’État d’assurer cette mission d’accès aux soins ?

La santé ne doit pas être une marchandise soumise à de multiples aléas conduisant à l’abandon de toute régulation. Il est aujourd’hui admis que la première solution consiste à régler le problème de la pénurie des formations. En effet, depuis trente ans environ, suivant en cela une baisse sciemment programmée pour faire des économies de santé, le nombre de médecins formés a régressé considérablement.

Pour y faire face, il faut certes, comme vous le proposez, un programme pluriannuel de formation pour l’ensemble des spécialistes – j’y souscris – mais il faut prioritairement mettre l’accent sur la formation des spécialistes que sont les médecins généralistes.

Cependant, pour que des jeunes choisissent cette filière, encore faut-il que la profession soit à nouveau attractive. Plusieurs propositions ont été formulées par des habitants de ma circonscription réunis en ateliers citoyens. Ils ont notamment proposé que les honoraires des généralistes soient alignés sur ceux des autres spécialistes. Ils percevraient une rémunération forfaitaire permettant, en plus du paiement à l’acte, de rétribuer le temps consacré à l’élaboration des dossiers et au suivi des patients.

Une fois ces médecins formés, des dispositions fortes doivent être prises pour qu’ils s’implantent dans les campagnes. Des mesures incitatives pourraient être définies pour sensibiliser les étudiants à la pratique des soins en milieu rural ou à la périphérie des villes. Comme cela a été réalisé par le passé pour certains enseignants, il est désormais incontournable de proposer un financement et une rémunération au cours des études, en contrepartie d’un engagement à exercer durant une période définie dans une zone à la couverture médicale insuffisante.

Pilier du système de santé en milieu rural, le médecin généraliste y est reconnu et apprécié, notamment pour son rôle social. Il est donc essentiel d’améliorer ses conditions d’exercice. Cela ne suffira toutefois pas si, dans le même temps, des structures médicales adaptées ne sont pas maintenues et développées à l’appui des médecins libéraux. À eux seuls, ces médecins ne peuvent bien évidemment pas assurer la sécurité de leurs patients et le traitement des pathologies les plus lourdes.

C’est pourquoi les ateliers citoyens de ma circonscription ont proposé d’inscrire dans la loi que l’agence régionale de santé, créée par ce texte, puisse définir des bassins d’urgence médicale, au sein desquels un maillage structurant en équipements de santé solidaires serait établi de façon qu’un centre hospitalier digne de ce nom, et donc pourvu d’une maternité, soit accessible en moins de quarante-cinq minutes, quelles que soient les conditions météorologiques.

Madame la ministre, l’éloignement est un mal bien plus grave que le nombre limité d’accouchements dans une petite maternité. À moins que vous ne soyez imprégnée de ces paroles de Michel Simon dans Drôle de drame : « À force de dire des choses affreuses, elles finissent par arriver. »

L’implantation des maisons de santé serait définie après consultation des collectivités territoriales concernées et des représentants de l’assurance maladie.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Chassaigne.

M. André Chassaigne. Les investissements et le fonctionnement de ces maisons de santé feraient l’objet d’une convention avec l’agence régionale de santé et d’un cahier des charges précisant les engagements des différents partenaires, en veillant à ce que les collectivités territoriales ne se substituent pas aux missions régaliennes de l’État et au financement de l’assurance maladie.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Ah ! Vous reconnaissez donc le rôle de l’État !

M. André Chassaigne. Dans chacun de ces bassins d’urgence médicale, au moins un centre hospitalier serait équipé d’un scanner et d’un plateau technique ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, en liaison avec le centre hospitalier régional universitaire dans le cadre d’une convention.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ces différentes mesures pourraient contribuer à résoudre la question de la démographie médicale en zone rurale, mais aussi en zone urbaine où l’on assiste, dans certains quartiers, à une désertification parfois tout aussi dramatique, des villes entières souffrant d’une quasi-absence de praticiens. Aussi ne puis-je douter que les amendements qui déclineront ces propositions recueilleront votre approbation.

M. le président. Merci, monsieur Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je pense à ces paroles du ministre communiste Ambroise Croizat, prononcées lors de la création de la sécurité sociale, qui se félicitait « d’en finir enfin avec la souffrance, l’humiliation et les angoisses du lendemain ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre, pour cinq minutes.

M. Claude Leteurtre. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je dispose de quelques minutes pour vous faire partager diverses réflexions inspirées par le présent projet sur l’hôpital et l’organisation de notre système de soins. Nous allons, et c’est l’objet d’une grande partie du texte soumis à notre examen, parler de la gouvernance hospitalière. Dans le même temps, nous le savons, madame la ministre, puisque vous l’avez annoncé, qu’un texte particulier viendra régler la question des CHU.

Or les hôpitaux publics représentent 38 % des dépenses dans le champ de l’ONDAM et près de 40 % de ce montant représentent les dépenses de nos trente et un CHU.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. C’est exact !

M. Claude Leteurtre. Il faut encore préciser, pour bien prendre la mesure de la réalité, que les dépenses de personnels représentent 70 % du budget des hôpitaux. Votre texte cherche donc à apporter des remèdes à une part, seulement, de nos dépenses de santé.

Dans votre volonté de réorganiser l’hôpital, vous avez choisi de faire du directeur le pilote absolu…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Mais non !

M. Claude Leteurtre. …ayant rang hiérarchique sur le personnel non médical et sur les médecins. C’est une option, mais n’oublions pas les règles déontologiques.

Toutefois, les directeurs d’établissements de santé publique ne seront pas les responsables que l’on veut bien nous présenter. Entièrement sous la direction des ARS, ils n’auront, dans les faits, que peu d’indépendance dans la gestion de leur hôpital.

Il en va d’ailleurs de même, en l’état actuel de votre projet, des ARS eux-mêmes dont vous avez souhaité que le conseil de surveillance soit présidé par le préfet. Tout ce décidera donc au niveau du ministère et les ARS ne seront que des instruments de déconcentration,…

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Eh oui !

M. Claude Leteurtre. …aucune esquisse de véritable régionalisation de la santé n’étant ébauchée.

Nous voilà donc à contre-courant du mouvement général de décentralisation. Toute cette concentration des pouvoirs d’organisation et de financement dans les mains des ARS et du ministère brise toute velléité de démocratie régionale dans le secteur de la santé. C’est dommage mais on peut sûrement corriger cette perspective parce que les hôpitaux sont aussi des éléments importants de l’aménagement du territoire. Il en va de même de l’accès aux soins.

Aussi, devant un tel recours à l’État, un problème se pose-t-il : comment organiser la démocratie sanitaire, soit au niveau des conseils de surveillance, soit à celui des conseils régionaux de santé ? Sincèrement, on a du mal à trouver des réponses satisfaisantes dans votre projet. Il faut donc améliorer le texte sur ce point.

Cela étant, vous ne faites là que suivre un mouvement entamé depuis une vingtaine d’années et qui n’a de cesse de nationaliser de plus en plus tout notre système de soins. Il est vrai que les déficits accumulés posent de vraies questions sur lesquelles nous devons nous interroger. Les réponses d’aujourd’hui – maîtrise médicalisée ou maîtrise comptable des dépenses – ne sont pas satisfaisantes parce que partielles.

En réalité, elles nous éloignent de la médecine qui doit avant tout consister à venir en aide aux malades. Or le malade n’est pas un consommateur ni même un usager, mais un patient qui souffre, qui est parfois confronté à l’idée de sa propre mort. En face de cet individu unique se trouvent les impératifs de l’équilibre de nos régimes sociaux. Quelle est notre réponse collective à la confrontation de ces deux nécessités, l’être humain, dans son identité singulière, et les ressources financières ? C’est tout l’objet d’une réforme profonde de notre système de santé, réforme qui doit maintenir les valeurs fondamentales, ainsi que vous l’avez dit, madame la ministre.

Dès lors, comment faire ? Le moment viendra où nous devrons nous interroger collectivement sur l’avenir de notre système de santé. Nous ne pourrons de toute façon pas y échapper. Les progrès des sciences médicales, le vieillissement de notre population, nous mènent dans une impasse financière à moyen et long terme. Nous ne pouvons pas continuer à faire payer par les générations futures nos dépenses de santé d’aujourd’hui.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Leteurtre.

M. Claude Leteurtre. Cela explique votre démarche et justifie votre texte. Celui-ci répond-il néanmoins aux interrogations actuelles de nos concitoyens de plus en plus perplexes ? Ils s’inquiètent à juste titre de la permanence des soins, de la couverture médicale de leur territoire et des dépassements d’honoraires. Dans les trois cas, c’est de l’accès aux soins qu’il s’agit car la démographie médicale nous a rattrapés et il existe de véritables déserts médicaux.

Des initiatives individuelles, comme celle prise par l’URML de Basse-Normandie, ont permis localement d’apporter des réponses.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Très juste !

M. Claude Leteurtre. Des incitations ont été mises en place. Il faut à présent aller plus loin et donner une vraie réponse aux populations qui s’inquiètent de savoir qui les soignera demain et à quel prix.

M. le président. Il vous faut conclure, mon cher collègue.

M. Claude Leteurtre. Dans ce domaine, la loi affirme un égal accès aux soins pour tous, mais elle doit s’en donner complètement les moyens. Nous ferons donc des propositions dans ce sens et nous espérons qu’elles retiendront votre attention.

M. le président. La parole est à M. Dominique Souchet, pour cinq minutes.

M. Dominique Souchet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite intervenir sur deux aspects majeurs de la réforme, qui vont influer très directement sur la possibilité pour nos concitoyens d’accéder à des soins à proximité de leur domicile : le bouleversement de la gouvernance hospitalière dans le cadre de la nouvelle verticale du pouvoir et la lutte contre la désertification médicale.

La suppression des conseils d’administration des hôpitaux est-elle une rupture pertinente ? Le conseil d’administration, avec parfois ses lourdeurs, était le garant d’une certaine démocratie sanitaire parce qu’il était le lieu de rencontre entre trois cultures : culture de bonne gestion des services administratifs, culture de qualité des soins de la communauté médicale et culture de l’intérêt général porté par les élus.

Le « super-patron » de l’hôpital nouveau ne pourra pas se substituer à cette indispensable approche croisée. La présence des élus au sein des conseils d’administration permettait de faire entendre les besoins de la population, d’exprimer un message qui sortait de la stricte sphère hospitalo-administrative, de prévenir les phénomènes de bulle.

Combien de projets de restructuration, mal conçus ou déraisonnables, ont pu ainsi être réorientés grâce à l’intervention, au sein des conseils d’administration, d’élus locaux assumant leurs responsabilités ? C’est peut-être, d’ailleurs, la principale raison de leur disparition.

M. André Chassaigne. Très bien !

M. Dominique Souchet. Je prendrai un seul exemple dans les pays de la Loire. En Vendée – Jean-Luc Préel sait ce dont je parle – un ARH au zèle éradicateur bien connus, avait décidé la fermeture de deux hôpitaux de proximité. Or c’est à l’initiative de trois conseils d’administration qu’a pu être mise en place une formule autrement innovante, celle d’un hôpital départemental multisites, aujourd’hui très bien classé par L’Express, où les praticiens assurent une prise en charge graduée, en intervenant à la fois sur deux sites de proximité et un site de référence.

De telles solutions imaginatives, bien accordées aux besoins du terrain, seront-elles encore envisageables dans le cadre d’une hypercentralisation administrative régionalisée du pouvoir de décision ? Qui les défendra ? Comment pourront être maintenues, dans ce nouveau schéma, les capacités d’innovation des petites structures pour répondre aux besoins spécifiques de chaque territoire et de chaque population ? Quelle place sera réservée aux hôpitaux départementaux et locaux qui assurent le maillage sanitaire de nos départements ? Comment évitera-t-on une métropolisation systématique des financements ? Croit-on que la marginalisation des élus dans la nouvelle gouvernance hospitalière, qui va les éloigner de la gestion sanitaire de leur territoire, prépare bien les financements croisés de demain entre l’État et les collectivités locales ?

Les populations, elles, attendent plus que jamais, de la part de leurs élus locaux, qu’ils s’impliquent dans la vie des hôpitaux à la hauteur de l’attachement qu’elles leur portent. Elles n’ont pas encore découvert que ces élus ne pourront plus le faire de la même façon à cause du remplacement du conseil d’administration par un conseil de surveillance. Le premier était présidé par un élu, disposait d’une influence réelle sur la décision grâce à ses pouvoirs budgétaires et à sa possibilité de choisir le directeur. Le second sera doté de vagues pouvoirs de contrôle a posteriori sans prise réelle sur les décisions et ne sera même pas présidé de droit par un élu.

Peut-on, du moins, améliorer le rôle de ce conseil de surveillance pour qu’il ne soit pas seulement une chambre d’enregistrement des décisions prises par l’ARS ? Cela sera peut-être possible si, comme nous le proposons dans nos amendements, il est obligatoirement présidé par un élu et non par un membre désigné par l’ARS et si l’avis conforme du conseil est requis pour toute décision qui engage l’avenir de la couverture hospitalière de nos territoires : création de communautés hospitalières, restructurations, investissements et stratégie des établissements.

Sur le second point, d’ailleurs étroitement lié au maillage hospitalier, à savoir la lutte contre la désertification médicale, le projet de loi affiche de bonnes intentions, mais ne met pas en place de véritable stratégie, ni de véritables moyens.

Pourquoi ne lance-t-il pas un véritable plan national d’incitation à l’installation du personnel médical dans les zones déficitaires et dans les établissements rencontrant des difficultés de recrutement ? Pourquoi faut-il attendre les travaux de la commission pour qu’apparaisse la notion d’incitation financière, assortie d’engagements contractuels ?

Il faudra d’ailleurs sécuriser juridiquement ces dispositifs, et les croiser avec ceux des collectivités qui ont montré le chemin.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Souchet.

M. Dominique Souchet. Il faudra que l’indispensable revalorisation de la filière médecine générale, aujourd’hui sinistrée, comporte obligatoirement des stages sur les futurs lieux d’exercice. Nous avons besoin aujourd’hui, dans ce domaine essentiel, d’une politique extrêmement volontariste si nous voulons échapper demain au sous-développement sanitaire de nos territoires.

M. André Chassaigne. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Georges Colombier, pour cinq minutes.

M. Georges Colombier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi dont nous abordons aujourd’hui l’examen est, nous en sommes tous conscients, d’une importance majeure pour l’avenir de notre système de soins.

Certes, celui-ci reste envié par beaucoup de pays étrangers, mais, nous savons que faute de l’adapter, il sera de moins en moins en mesure d’assurer efficacement son rôle auprès des Français. Or la santé constitue l’une des préoccupations essentielles de nos concitoyens, lesquels sont attachés à leur système de santé mais redoutent aujourd’hui la dégradation de ce patrimoine commun.

Comme vous l’avez indiqué, madame la ministre, lors de la présentation du projet de loi, ce texte est « d’abord marqué par le souci de préserver les fondements solidaires de notre édifice de soins ».

Je tiens à souligner la grande qualité du travail préparatoire effectué tant par vous, madame la ministre, que par les parlementaires qui ont contribué à enrichir ce projet de loi, lequel a un seul objectif : offrir à tous les Français, sur tout le territoire, un égal accès aux soins de qualité.

Je veux insister tout particulièrement sur trois points.

Premièrement, je souhaite souligner les conséquences du projet de loi pour les établissements privés à but non lucratif. Ces établissements assurent 15 % des capacités d’accueil du secteur sanitaire et 56 % de celles du social et du médico-social. À côté du secteur public et du secteur commercial, le tiers secteur contribue à l’offre de soins nationale de manière efficace.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. C’est vrai.

M. Georges Colombier. Il est donc impératif que ce secteur reste présent dans le paysage sanitaire français.

Dans sa version initiale, le projet de loi entraînait la disparition programmée de ces établissements.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Ah non ! C’est le contraire !

M. Georges Colombier. Or leur mode de gestion désintéressée garantit une prise en charge au meilleur coût. Cette spécificité de fonctionnement du secteur privé à but non lucratif implique une reconnaissance de son activité, en identifiant les établissements susceptibles d’entrer, s’ils le souhaitent, dans la composition d’un « service de santé privé d’intérêt collectif ». Je me réjouis que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de notre assemblée ait adopté à l’unanimité un amendement visant à reconnaître la place de ce secteur en créant un statut spécifique. Je vous remercie de bien vouloir indiquer votre position sur ce point.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Ce n’est pas la commission qui a proposé de créer un statut spécifique, c’est moi !

M. Georges Colombier. Le deuxième point sur lequel je veux insister est le développement des maisons médicales.

En 2007, j’ai été président et rapporteur d’une mission d’information sur la prise en charge des urgences médicales. Elle a formulé cinquante propositions, votées à l’unanimité, pour désengorger les services des urgences. En effet, chaque année, quinze millions de nos concitoyens sont pris en charge dans les services d’urgences publics et privés. Il s’agit d’un rouage essentiel de notre système de soins dont on constate malheureusement souvent les limites.

Parmi ses propositions, la mission insistait en particulier, sur l’intérêt de favoriser les maisons médicales de garde.

Les services d’urgences doivent être réservés aux urgences vitales. Malheureusement, trop souvent, les cas les plus urgents côtoient ce qui relève davantage de la « bobologie ». Le taux moyen d’augmentation du nombre de passages étant de 4 % par an, nous savons que les risques de déstabilisation de ce rouage essentiel de l’hôpital que constituent les urgences sont réels. Ils sont liés à la fois : aux évolutions récentes d’une démographie médicale contraignante ; à la croissance régulière de la demande de soins non programmés ; au vieillissement de la population.

Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser vos intentions sur l’opportunité de développer ces maisons pour que nos concitoyens aient la garantie d’une meilleure prise en charge lors de leur passage aux urgences ?

Enfin, le troisième et dernier point sur lequel je veux insister, est la lutte nécessaire contre les déserts médicaux.

L’objectif du texte, je le répète, est d’offrir à tous les Français, sur tout le territoire, un égal accès aux soins. Dans cette perspective, le développement de maisons de santé pluridisciplinaires peut non seulement contribuer à la remédicalisation du milieu rural, mais aussi impliquer à nouveau les médecins dans la permanence des soins. Je m’en réjouis, car la lutte contre les « déserts médicaux » doit être une priorité.

Toutefois, la création de ces maisons, certes indispensable, est-elle suffisante, par exemple, pour résoudre la problématique de la permanence des soins en ce qui concerne les personnes âgées, qu’elles soient à domicile ou hébergées dans un établissement non médicalisé ? La réponse n’est pas évidente.

Aussi, certains médecins demandent-ils à ce que des contractualisations avec des médecins généralistes libéraux soient formalisées.

Il n’est en effet pas acceptable qu’un certain nombre de nos concitoyens, dépendants ou lourdement handicapés, n’aient, comme seule possibilité d’accès à la permanence des soins, que d’être conduits dans un service d’urgences où ils attendront de longues heures avant d’être pris en charge.

Dans mon rapport sur les urgences médicales, je préconisais également que, dans certains secteurs, lorsque l’organisation de la permanence des soins ne permet pas que soient effectuées des visites à domicile ou en établissements non médicalisés, cette tâche soit confiée à des médecins hospitaliers équipés de moyens logistiques légers…

M. Christian Paul. Excellente proposition ! Et excellent rapport !

M. le président. Il faut conclure, monsieur Colombier.

M. Georges Colombier. …mis à leur disposition par les structures hospitalières. L’idée de cette proposition était d’éviter que, faute de réponse adaptée, notamment pour les personnes âgées dépendantes, les patients soient orientés vers un service d’urgences pour y être soignés.

Madame la ministre, pouvez vous-nous préciser vos intentions dans ces deux domaines ? Je vous remercie pour les réponses que vous voudrez bien nous apporter.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour dix minutes.

Mme Michèle Delaunay. Madame la ministre, permettez-moi de m’adresser en premier lieu à vous pour vous rendre hommage. Avec ce projet de loi, vous marquerez 1’histoire pourtant encombrée de 1’écriture législative, comme Georges Perec a marqué l’histoire des lettres avec La Disparition.

Voici en effet un projet dont le titre porte « réforme de l’hôpital » et où ce beau mot d’hôpital, qui marque, avec l’école, la quintessence du service public dans l’esprit de tous les Français,. n’apparaît à aucun moment.

Cette « disparition » n’est pas anecdotique. Les mots sont l’arme de la politique, mais aussi son armature idéologique souterraine. « Hôpital » disparaît donc, au profit d’un de ces chefs-d’œuvre du rien-disant langagier actuel : l’établissement de santé, qui n’a d’autre qualité que de pouvoir être indifféremment privé ou public.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. L’hôpital aussi peut être public ou privé.

Mme Michèle Delaunay. Cette disparition n’est pas non plus innocente : elle marque le glissement, la « fongibilité asymétrique », dirait Mme Létard, du public vers le privé, alors que le mouvement fondé sur une prise de conscience de la nécessité d’une régulation devrait aller en sens inverse, puisque la médecine libérale est financée en totalité par l’argent public.

Où est en effet, dans ce projet de loi, l’ambition pour l’hôpital public ?

Vous énumérez dans ce texte les missions de service public, mais non pas pour affirmer, comme nous l’attendons, que l’État se fait un devoir de garantir qu’elles soient parfaitement assurées et que tous, dans tous les territoires, y aient un égal accès. Qu’entendons-nous, au contraire ? Qu’en cas de carence ou d’absence du service public, l’exercice en sera transféré au privé. Sous-entendu : si les moyens de l’hôpital public ne lui permettent pas de remplir ces missions, et c’est en ce moment le cas, nous les confierons de facto au système privé.

C’est un exercice souterrain mais régulier : en dix ans, Jean-Marie Le Guen le rappelait, les dépenses de soins de ville ont augmenté de 70 %, l’ONDAM hospitalier de 50 %.

Pour masquer ce transfert, vous rendez confuses les limites entre privé et public – ouverture de secteur privé ; embauche sur contrat, c’est-à-dire paiement masqué à l’acte ; médecins mercenaires –, déséquilibrant ainsi les revenus entre médecins d’une même équipe, déséquilibrant cette équipe, et ce au lieu de réévaluer et de mieux réguler la grille salariale des praticiens.

Plus grave encore : la fonction même, la part de responsabilité du médecin , dans cet hôpital public qu’il a choisi de servir, est dévalorisée, jusqu’à ce qu’il ne soit plus en charge, au sein de la CME, de l’élaboration du projet médical. Vous nous dites, légitimement, vouloir retenir les médecins à l’hôpital, mais la reconnaissance de leur rôle de concepteur du projet médical, et de celui de leurs instances, est au moins aussi importante pour cela que ces bouffées d’exercice privé que vous faites entrer dans nos services.

Ce médecin mercenaire,…

Mme Valérie Boyer. « Mercenaire » !

Mme Michèle Delaunay. C’est le mot que nous utilisons, madame Boyer.

…ce médecin contractuel, privatisé, déresponsabilisé,…

Mme Bérengère Poletti. C’est ridicule !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Quel mépris !

Mme Michèle Delaunay. …pensez-vous qu’il aura une plus grande envie de rester à l’hôpital et que nous maintiendrons ainsi la qualité, le rôle de pivot de l’hôpital public auprès d’une population qui se paupérise et a de plus en plus recours à lui ?

C’est aussi une médecine sans évaluation, sans indicateurs et sans projet. Avec ce texte, on ne sait vraiment d’où l’on part, ni moins encore où l’on va.

En plus de quarante ans d’exercice hospitalier, madame, je n’ai connu que des réformes…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. C’est normal.

Mme Michèle Delaunay. …et des réorganisations : réforme de la gouvernance, création des pôles, mise en place des ARH, de la démarche qualité, de la certification, de l’accréditation, etc.

Où est l’évaluation de ces réformes qui nous ont occupé tant d’heures ? Nous remplaçons les ARH sans savoir ce qu’elles ont apporté, nous empilons les structures exécutives sans nous soucier de démocratie sanitaire, ni des besoins réels des territoires. Où est, en effet, l’évaluation des besoins de la population ?

Tout au long de ce texte, nous constatons que le contrat d’objectifs et de moyens précède le projet médical au lieu de le servir. Vous ne nous proposez pas une médecine de besoins, mais une médecine de moyens.

Où sont les indicateurs définissant les objectifs qu’il nous sera donné de remplir pour que notre pays ait un des plus hauts niveaux de santé qui soient ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. En tout cas, il a un niveau de dépenses !

Mme Michèle Delaunay. Vous confirmez ce que je viens de dire, madame la ministre.

Taux de mortalité évitable – domaine dans lequel nous plongeons –, taux de suicide des jeunes, indicateurs de précocité diagnostique des cancers, voilà le CAC 40 de la santé que je voudrais voir défini, partagé, levant l’intérêt et l’ambition de tous les Français et donnant à une grande réforme du système de santé des objectifs qui soient autres que financiers.

Mme Marylise Lebranchu. Très bien !

Mme Michèle Delaunay. Où est en effet, madame la ministre, la santé ?

Là aussi, l’évolution de l’intitulé de ce projet de loi est une sorte d’aveu : des quatre mots qui constituaient l’intitulé initial, un seul s’est maintenu, et nous avons vu pour quel sort. Les patients et la santé ont été basculés en dehors du titre. Et tous les deux, qui sont notre finalité même, sont bien peu représentés.

Alors que nous assistons – je vous demande d’y réfléchir – à un basculement de la médecine pastorienne vers une médecine sociale ou sociétale, accessible à la prévention, et j’ose le dire, accessible à la politique, ni l’une ni l’autre ne prennent ici la place qu’il serait de notre responsabilité de leur donner.

La prévention est réduite à quelques mesures ciblant l’alcoolisme des jeunes. Où sont les mesures de prévention des troubles de l’alimentation, du diabète, des troubles comportementaux – au premier rang desquels toutes les formes d’addiction –, des cancers évitables et de tant d’autres pathologies qui surchargent nos médecins de ville comme nos hôpitaux ?

Une grande loi de santé nous était annoncée, fondée sur un véritable débat posant les vraies questions : quels besoins, présents et à venir ? Quel système de santé ? Qu'est-ce qui doit relever de la solidarité ? Quelles mesures solides pour garantir une vraie base à la médecine générale et pour assurer son enseignement à l'égal des autres spécialités ? Nous en sommes très loin : les agences régionales de santé calent sur l'organisation de la médecine générale, dont on a l’impression qu’elle s'arrête à leur porte et qu'on ne peut pas, ou qu'on ne veut pas, aller plus loin

En fait de grande loi, on nous présente une pièce d'un kit, dont les autres viendront, nous dit-on, plus tard : réforme des CHU en gestation plus ou moins accélérée, loi de santé publique, on ne sait à quel horizon, cinquième risque adossé à on ne sait quelles solidarités.

M. le président. Veuillez conclure, madame Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Nous voilà devant un grand lego pyramidal et technocratique qui renforce la verticalisation du pouvoir, ce qui est quelque peu paradoxal quand, dans le même temps, on nous parle d'autonomie des universités.

Surtout, ce projet n'apporte aucune vision d'ensemble, aucune ambition capable de mobiliser les soignants, mais aussi l'ensemble des Français, de pallier cette fracture sanitaire que nous voyons s'installer et de donner un sens autre que financier à la politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour cinq minutes.

Mme Bérengère Poletti. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis de nombreuses années, notre système de soins, malgré son excellence, fait l'objet de nombreux débats. Comparé à ceux de nos partenaires européens, il bénéficie d'un des plus hauts niveaux de contribution de l'État. Cependant, il doit être réorganisé et modernisé.

Les réponses que vous apportez, notamment pour la réorganisation des hôpitaux, s'insèrent dans une longue liste de décisions politiques prises sur plusieurs décennies, notamment la création des agences régionales de l'hospitalisation et la tarification à l'activité. Aujourd’hui, l'objectif de la réforme est d'aboutir à une organisation territoriale qui rassemble les hôpitaux publics et privés, la médecine libérale, l'hospitalisation à domicile, les établissements médico-sociaux, au sein de laquelle l'hôpital coopérera davantage avec tous les acteurs de santé. Pour cela, il faut donner aux hôpitaux les moyens d'une gouvernance plus souple et plus efficace.

Parmi les autres sujets en attente de mesures fortes, j'évoquerai celui de la démographie médicale.

La crise d'engagement dans la médecine libérale de premier recours est souvent associée à la crise de la ruralité. Or ce n’est pas la seule explication. Elle est aussi le reflet d'une crise professionnelle globale, dont les premiers signes se font sentir sur les territoires les plus isolés ou les plus difficiles.

Pourquoi y a-t-il une si faible proportion de médecins généralistes qui pratiquent réellement la médecine générale ? Pourquoi attendent-ils trente-neuf ans en moyenne pour s'installer ?

L'examen de ce projet de loi doit être l'occasion de revaloriser cette profession en la rendant plus attractive, en évitant des mesures coercitives qui auraient pour conséquence d'aggraver encore la situation. On en parle depuis trop longtemps : à présent il faut agir !

Améliorer la découverte de la profession de médecin, notamment au cours de la formation, à travers des stages, améliorer les conditions de travail des médecins en les regroupant dans des pôles de santé qui rassembleront les disciplines nécessaires à une meilleure couverture sanitaire des territoires, sont des objectifs indispensables. Toutefois, il ne faut pas ignorer l'échéance des dix prochaines années et le risque de voir apparaître de vrais déserts médicaux dans notre pays. Aussi, ai-je proposé que les étudiants qui s'engagent vers la profession médicale soient avertis, dès la préparation du concours d'entrée, d'une possible limitation dans l'avenir de leur liberté d'installation.

La télémédecine est un autre moyen de remédier à la désertification médicale. Il est incontestable que les nouveaux moyens de télécommunication entre des professionnels distants apportent une réelle plus-value en termes de formation et participent ainsi à la rupture de l'isolement des professionnels de santé. J’ai d’ailleurs pu constater, madame la ministre, la récente production d’un rapport qui va dans ce sens.

Enfin, les pistes de travail sur les transferts de compétences sont intéressantes. Je me permets de souligner tout particulièrement celles qui peuvent se faire du médecin vers les sages-femmes dans le suivi des grossesses, mais également, comme je l'ai proposé par voie d'amendement, dans le domaine de la contraception.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Très bien !

Mme Bérengère Poletti. La délégation de notre assemblée aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes m'a demandé de produire un rapport sur les réponses apportées par notre pays en matière d'accès à la contraception et à l'IVG. Les conclusions que j'ai pu en tirer sont alarmantes pour le futur, notamment du fait de la problématique démographique qui touche les gynécologues. Les sages-femmes doivent pouvoir apporter une partie des réponses, et l'accès libre et direct aux gynécologues doit être maintenu.

Par ailleurs, il me semble important que, très rapidement, les études de médecine intègrent un plus grand nombre d'heures de formation pratique et théorique à la contraception et à l'interruption de grossesse.

Enfin, il m'apparaît indispensable que l'éducation nationale s'implique plus fortement dans l'éducation à la santé de nos jeunes, notamment au collège.

Et, puisque ce projet de loi aborde à la fois la réorganisation des hôpitaux publics et la médecine de ville, profitons de l'occasion qui nous est donnée d’intégrer enfin l'hospitalisation à domicile comme une offre de soins à part entière et non plus comme une simple alternative.

Mme Valérie Boyer. Bonne idée !

M. Marc Bernier et M. Guy Lefrand. Très bien !

Mme Bérengère Poletti. Le progrès des techniques et des thérapeutiques, ainsi que le vieillissement de la population, sont autant de facteurs favorables à son développement.

Je terminerai, madame la ministre, en saluant l'organisation globale du système sanitaire autour des agences régionales de santé, qui doivent accorder la plus grande attention aux aspects médico-sociaux. Certes, notre système de soins est globalement efficace, mais il reste perfectible. C'est pourquoi les ARS doivent valoriser les complémentarités de la médecine de ville, de l'hôpital et du monde médico-social, dans l'unique but d'être au service du patient. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont, pour dix minutes maximum.

M. Marcel Rogemont. Madame la ministre, alors que vous êtes un des rares ministres à essayer d'exister encore dans un fantomatique gouvernement, permettez-moi de vous encourager – sur la partie de votre texte qui intéresse mon propos, les agences régionales de santé – à aller de l'avant.

Vous envisagez de créer des agences régionales de santé, réforme qui a notre assentiment, a priori. N'est-ce pas, en effet, le groupe socialiste qui avait, notamment en 2004, développé aussi cette idée, qui ne fut pas retenue ?

Cette réforme se bâtit sur les agences régionales de l'hospitalisation que nous avons critiquées en leur temps, pariant plutôt sur les DRASS et donc le renforcement direct des responsabilités de l'État. Aujourd'hui, le réalisme nous conduit sur un autre chemin, celui des ARS, sans pour autant renoncer à l'objectif de renforcer les responsabilités de l’État.

C'est là où vous devez plus encore forcer le trait et marquer de votre empreinte une nouvelle organisation. Je dis « marquer de votre empreinte », car le texte que vous présentez aujourd’hui souffre de trois manques au moins. En effet le compte n'y est pas en raison de l’absence d'une organisation nationale des ARS, d'une réelle démocratie sanitaire et de clarté dans les responsabilités, notamment s’agissant de la gestion du risque et de la responsabilité financière

C’est pourquoi nous avons travaillé à de nombreuses propositions. Sont-elles révolutionnaires ? Non pas ! Il s'agit seulement de donner corps à vos propos, de tirer partie du rapport Ritter, et même du rapport de notre commission sur les ARS auquel j'ai apporté ma contribution et qui, de façon surprenante, a proposé deux pistes de solution lorsque notre travail n'en indiquait qu'une.

Vous avez, madame la ministre, et c'est le corps de votre propos, dénoncé une gestion en tuyau d'orgues, marquée par la multiplicité des décisions qui s'acheminent tant bien que mal vers l'opérationnel sur le terrain, dans une sorte de maquis organisé.

Luttant contre une organisation en tuyau d'orgues, nous attendions de vous un orchestre philharmonique avec un chef d'orchestre. (Sourires.) Rien de tel dans vos propositions, mais un vague machin national qui, au mieux, rapprochera les points de vue, mais ne permettra pas de rendre les décisions complémentaires et de nature à favoriser l'action, à l’éclairer et à en permettre la compréhension. C'est une faute.

Les ARS ne peuvent fonctionner correctement que si la pluie incessante de décisions venant de tant d'horizons est organisée avant d'arriver dans les régions. Votre coordination nationale des ARS, sorte de club des décideurs, permettra-t-elle de répondre à cette demande ? Nous ne le pensons pas.

J'ai souvenir de la mise en place de la mission Ritter. Le tour de table prit de longues minutes, assez longues, madame la ministre, pour que vous quittiez la séance, laissant à votre directeur de cabinet…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Un homme remarquable ! (Sourires.)

M. Marcel Rogemont. …le soin de conduire la suite de la réunion, assez longues pour que, lui aussi devant partir à son tour, ce soit M. Ritter lui-même qui finisse par présider l’installation de sa propre mission. C’est dire la multiplicité des décideurs nationaux en matière de gestion de la santé ! La messe est dite : trop de décideurs pour avoir une décision, c'est ce que je retiens de cette réunion.

Ne pas poser cette question avec plus d’acuité que vous ne le faites augure mal de l'avenir des ARS.

Il nous faut une agence nationale de santé, c'est clair. Non pas, contrairement à ce que vous avez dit, pour protéger le politique, mais pour faire simplement de la politique, ce pourquoi nous sommes payés. Il nous faut un seul décideur face à la vingtaine d'ARS, un seul contrat d'objectifs et de moyens, discuté par un seul interlocuteur, signé par un seul décideur national. Là est une faiblesse insigne de votre projet, à laquelle je vous conjure de remédier. Nous vous y aiderons.

La seconde faiblesse tient à une idée que, je pense, vous partagez.

En matière de santé, on ne bâtit pas une technostructure comme celle qui est sur le point d'être édifiée sans associer pleinement les représentants des collectivités territoriales, en l’occurrence, s’agissant des ARS, des conseils régionaux.

Mme Michèle Delaunay et Mme Catherine Génisson. Très bien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. C’est ce que je fais.

M. Marcel Rogemont. Il en est assez d'un qui, chaque jour, piétine nos institutions pour qu’à votre tour, vous ne mettiez vos pas dans les siens. Donnez à nos institutions républicaines force et vigueur, donnez-leur leur épaisseur, celle-là même qu'elles ont dans les faits : la place des élus territoriaux doit être revue. Là encore, je pourrais tirer de mon expérience personnelle force remarques.

Je pense qu’une formalisation plus forte des conférences régionales de santé est nécessaire, comme la participation nette et claire des élus locaux, ceux des régions, des départements et des principales agglomérations, notamment celles qui accueillent des CHRU. Aujourd'hui, ces élus locaux décident pour la santé, pour la recherche, pour la formation, pour construire. Bref, ils dépensent de plus en plus pour la santé, accordant autant que possible de plus en plus de place aux questions s’y rapportant dans leurs politiques. Leur laisser une place parmi tant d’autres représentants des forces vives intéressées à la santé n’est pas suffisant : il faut un collège particulier des élus territoriaux pour en souligner l’importance.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Très bien !

M. Marcel Rogemont. La présidence de la conférence régionale de santé doit revenir à un élu. De même, il importe que ces conférences aient des moyens propres d’investigation, une capacité d’autosaisine pour délivrer des avis sur les travaux des agences régionales de santé, notamment sur les différents schémas.

Il en est de même pour les conseils de surveillance des agences régionales de santé. En effet, mettre le préfet à la présidence de l’ARS, c’est laisser l’État s’autocontrôler ! Où est le droit de regard de la démocratie locale sur le fonctionnement de ces agences ? Le président du conseil régional ou son représentant ne serait-il pas plus indiqué, puisqu’il ne s’agit que de compter des ramettes de papier ou de donner des avis sur les travaux de l’ARS ?


Nous souhaitons que des avis soient donnés par les conseils régionaux sur les schémas régionaux, mais aussi sur le fonctionnement annuel des agences régionales de santé. Franchissez le pas pour affirmer une vraie démocratie sanitaire et n’ayez pas peur des élus locaux, auxquels il convient de donner une place privilégiée.

Le troisième point de mon propos touche à la gestion du risque. Là, vous ne courez aucun risque. Vous reprenez exactement ce qui existe, et cela peut se comprendre lorsqu'on a la présence organisée d'une chaîne hiérarchique de qualité pour la gestion du risque de l'assurance maladie.

Cependant, la question de la maîtrise d'ouvrage de la gestion du risque ne peut échapper à l'ARS, …

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. C’est très bien !

M. Marcel Rogemont. …même si, pour la maîtrise d'œuvre la CNAM est nécessaire. Toutefois il convient de marquer la responsabilité des uns et des autres. La clarification est nécessaire.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Très juste !

M. Marcel Rogemont. Convenons que la gestion du risque, qui constitue le cœur du système, doit conduire, pas à pas, à des responsabilités financières – et je partage le sentiment de Jean-Luc Préel à ce sujet – sur la mise en place, à terme, des ORDAM, c’est-à-dire à une déconcentration régionale de l’ONDAM, avec la nécessaire attention qu’il faudra porter à un rééquilibrage de la consommation de soins sur l’ensemble des territoires.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Pas tout de suite !

M. le président. Il va falloir penser à conclure.

M. Marcel Rogemont. Madame la ministre, ces questions restent posées, mais des réponses suffisantes ne sont pas apportées. La création des agences de santé ne peut être le cache-misère d’une inorganisation de l’autorité de l’État en matière de santé. La cohérence locale suppose une cohérence nationale au service d’un seul projet. Nous vous demandons – et nous serons à vos côtés – de nous écouter.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Vous ne dites pas que des bêtises. Vous voyez que je vous écoute.

M. le président. Il faut terminer, monsieur Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Madame la ministre, nous vous demandons d’être à notre écoute, pour que la mise en place des agences régionales de santé soit un vrai progrès. Si vous souhaitez que notre accord de principe devienne un accord de fond, il faudra nous écouter et entendre les propositions que nous allons vous faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Marc Bernier, pour cinq minutes.

M. Marc Bernier. Madame la ministre, je tiens à exprimer ma joie de participer à ce débat sur un projet de loi que j'attendais, comme beaucoup d’entre nous, avec une certaine impatience.

Impatience, car les besoins de réforme sont importants. Impatience, madame la ministre, car je sais que vous avez à cœur d'apporter les mesures attendues par le monde de la santé, et que cela fait des mois que vous travaillez, vous et vos collaborateurs, en concertation avec ceux qui sont concernés par ce texte, dans le but d'y apporter les modifications souhaitables.

Il faut, en effet, répondre à l'angoisse réelle de nos concitoyens qui habitent dans des territoires ruraux et qui ont peur de ne pouvoir bénéficier de la présence d'un médecin, notamment la nuit et le week-end. Inquiétude également de voir que les délais s'allongent de plus en plus, non seulement pour obtenir un rendez-vous chez un médecin généraliste, mais aussi, pour les spécialistes – ophtalmologistes et psychiatres – pour lesquels les délais d’attente sont parfois de six mois.

Pourtant, nous avons la chance d'avoir un système de santé performant, un système social exemplaire, que beaucoup de pays nous envient ; on ne le dit pas assez. Néanmoins ce système a besoin de s'adapter, de se moderniser, de se décloisonner. Avec ce texte, madame la ministre, le monde de la santé va faire un grand pas en avant.

Ma principale préoccupation, c’est l'égal accès de tous aux soins de premier recours. Tel était d'ailleurs le titre que j'ai donné au rapport au terme de la mission parlementaire que j'ai eu l'honneur de conduire avec Christian Paul.

M. Jean Mallot. Très bon rapport ! Madame la ministre devrait reprendre ses conclusions.

M. Marc Bernier. Ce rapport a été cité plusieurs fois, ce soir, et nous aurons sans doute l’occasion d’en discuter au cours des prochaines semaines.

Plusieurs menaces pèsent sur cette égalité. Alors que le nombre de médecins a doublé en trente ans, nous assistons au développement de zones de désertification médicale – c’est un paradoxe – , à une désaffection des étudiants en médecine pour la médecine générale, à une inégalité financière due au développement des dépassements d'honoraires.

L’âge moyen des généralistes est de cinquante ans. Un tiers a plus de cinquante cinq ans. Sur certains territoires, 40 à 50 % sont âgés de plus de cinquante-cinq ans. Selon les projections, nous aurons 30 000 médecins en moins d'ici à 2025, alors que la demande de soins s'accroît du fait du vieillissement de la population. En outre, les jeunes médecins s'installent de plus en plus tard ; l’âge moyen d’installation est de trente-neuf ans.

Comment remédier à cet état de fait ?

Pour ce qui est de la démographie médicale, nous devons faire face, et ce encore pendant plusieurs années, aux conséquences de la mauvaise gestion des numerus clausus dans les années 80-90.

Il faut impérativement revaloriser la médecine générale. Vous y contribuez, madame la ministre, en inscrivant dans le code de la santé publique une définition de la « médecine générale de premier recours ». Il convient en particulier de rendre cette filière plus attractive. J’aurai l’occasion de m’exprimer sur tous ces points au cours de la discussion.

Il est également indispensable de valoriser les stages au sein des hôpitaux locaux, auprès des médecins libéraux ou encore au sein d’organisations innovantes comme les maisons de santé pluridisciplinaires, les réseaux de santé, les structures d’hospitalisation à domicile. Ce sont des structures qui concilient la pratique du généraliste et le travail en équipe, ce qui est plus attirant pour les jeunes générations.

Rappelons d’ailleurs que 40 % des médecins formés échappent à la pratique de la médecine générale, préférant des exercices particuliers : allergologues, homéopathes, acupuncteurs, etc. Je propose que ce choix ne soit possible qu’après cinq années d’exercice de la médecine générale de premier recours. Les besoins sont là et la formation qui leur a été offerte devrait les y conduire.

Il faut développer les structures collectives, favoriser l’exercice de la médecine plutôt que l’installation, accepter la création de mandat de santé publique, dont la rémunération forfaitaire serait mieux adaptée que le paiement à l’acte pour le suivi des maladies chroniques et des actions de santé publique.

M. le président. Je vous prie de conclure, mon cher collègue.

M. Marc Bernier. Je terminerai en abordant le thème de la liberté d’installation. Nous y sommes tous attachés, mais nous devons mettre un frein à l’installation dans des zones déjà surdotées en offres de soins.

Les ARS vont avoir un rôle essentiel à jouer. Envisager que l’assurance maladie cesse de prendre en charge les cotisations sociales des professionnels de santé libéraux dans ces zones surdotées me semble une bonne mesure.

M. Jean Mallot. Très bien !

M. Marc Bernier. Il faut faciliter les stages de formation, prévoir des bourses pour ceux qui s’engageront à exercer sur des territoires déficitaires.

M. Marcel Rogemont. Voilà une proposition intéressante !

M. le président. C’est terminé, monsieur Bernier.

M. Marc Bernier. La permanence des soins est une mission de service public qui fait partie intégrante du rôle,  de la grandeur du métier de médecin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour dix minutes.

Mme Catherine Lemorton. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, petit par le nombre d'articles qu'il renferme, le titre III du présent projet de loi n'est pas pour autant un titre au rabais.

En s'attaquant à la prévention et à la santé publique dans une période où la population est extrêmement attentive à la volonté politique sur ces sujets, le Gouvernement se devait donc de formuler des propositions ambitieuses et cohérentes.

C'est d'ailleurs bien ce que j'ai personnellement compris en lisant et relisant les multiples interventions et interviews accordées par Mme la ministre sur le sujet depuis des mois, et qui permettaient d'espérer un texte à la hauteur des attentes, mais surtout des besoins d'un nombre important de nos concitoyens. Hélas, trois fois hélas ! la montagne semble accoucher d'une souris, puisque, sur tous les sujets abordés, ce texte ne nous permet pas d'être enthousiastes et rassurés quant à l'avenir.

M. Jean Mallot. Eh oui !

Mme Catherine Lemorton. La démonstration de cette réalité se base sur ce que ce texte n'aborde pas, sur ce qu'il propose et aussi sur ce qu'il risque de proposer.

Évoquons d'abord, mes chers collègues, ce qui n'est pas abordé dans ce texte.

Prenons l'exemple de l'obésité. Le 27 février 2008, la présentation du plan « Santé des Jeunes » par Mme la ministre avait débouché, sur le sujet, à des prises de position très fortes, dont nous reparlerons lors des discussions sur les articles, ainsi que sur un calendrier très précis : actions en direction des publicitaires afin de modifier les comportements alimentaires des jeunes, amélioration de la formation des professionnels, amélioration de la qualité des repas, etc.

Nombreux étaient les engagements faisant l'objet de propositions calendaires précises. Nombreuses sont aujourd'hui les déceptions.

La représentation nationale n'a pourtant pas été en reste avec la publication du rapport de notre collègue Valérie Boyer, rapport pointant notamment le fait qu'un enfant sur cinq en France est en surcharge pondérale et établissant la relation de causalité entre inégalités sociales et obésité.

Mme Michèle Delaunay. Très juste !

Mme Catherine Lemorton. Madame la ministre, j'évoque l'obésité, mais je pourrais tout aussi bien évoquer l'anorexie, le cannabis et bien d'autres situations présentant un risque d'addiction, sujets traités dans votre plan, sujets évoqués dans la presse, sujets ayant fait l'objet d'engagements de réalisation, mais sujets oubliés par ce projet de loi.

M. Jean Mallot. Totalement oubliés !

Mme Catherine Lemorton. Mon premier sentiment sur ce texte est donc la déception, déception face à un projet qui aurait pu être réellement bénéfique pour la population, notamment pour les jeunes, mais qui, par manque d'ambition, n'est pas satisfaisant.

M. Jean Mallot. Occasion ratée !

Mme Catherine Lemorton. Dans une période de crise, quand la population est interrogative, quand elle s'inquiète sur les conséquences sociales qu'elle risque de devoir supporter, l'assurance d'une prise en compte solide des problématiques de prévention et de santé publique est un gage de sérénité envoyé par les responsables politiques.

Mme Michèle Delaunay. Très bien !

Mme Catherine Lemorton. La faiblesse des propositions faites dans le titre III montre que l’on ne semble pas aller en ce sens.

Évoquons maintenant ce qui se trouve dans ce texte, afin de tenter d'en dresser l'analyse la plus complète possible, car, soyons honnêtes, ce texte comporte quelques propositions intéressantes.

M. Marcel Rogemont. Il faut chercher pour trouver !

Mme Catherine Lemorton. L'intégration de la notion  d' «éducation thérapeutique du patient » dans le code de la santé publique me semble aller dans le sens de l'histoire. Le nombre de patients bénéficiant du régime des ALD allant croissant, il est important de mettre un cadre législatif à l'ETP, qui comprend l'observance du traitement, l'accompagnement du malade, voire de son entourage, et la prévention concernant son capital santé.

Les futures ARS doivent impérativement représenter un véritable lieu de démocratie sociale et sanitaire. À propos de démocratie, je crains que, avec ce texte, la démocratie parlementaire ne soit encore une fois bafouée, puisque Mme la ministre a laissé entendre, il y a quelques heures, que des modifications sur les CHU pourraient être présentées au Sénat, sans possibilité d’en débattre en retour à l’Assemblée nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous serons vigilants.

Le fait que les futures ARS soient associées dans l'application du cahier des charges et l'évaluation des programmes de mise en œuvre me semble, là aussi, aller dans le bon sens en rapprochant le patient et les autorités de contrôle régionales.

Concernant la lutte contre l'alcoolisme chez les jeunes, ce texte pose aussi quelques bases intéressantes, s'inscrivant notamment dans une certaine fidélité au plan « Santé des Jeunes » de Mme la ministre.

Ainsi, l'interdiction de vente d'alcool aux mineurs, l'interdiction d'offre gratuite de boissons alcoolisées à but promotionnel, l'interdiction de vente d'alcool dans les points de vente de carburant – avec les précisions apportées par le texte – sont des propositions respectant la déontologie que l'on attend d'un ministre de la santé.

Je signale enfin l'article sur les « cigarettes bonbons », produits induisant chez les jeunes une addiction à la nicotine de manière insidieuse et sournoise.

Mais, car il y a un « mais », les avancées réelles sont contrebalancées par des questions et des réalités qui font naître des interrogations.

Rappelez-vous, mes chers collègues, les débats houleux de janvier 2007 portant sur une disposition d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament. Celle-ci comportait, en effet, un article autorisant le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance sur les programmes d'accompagnement.

L'ensemble de la société civile s'y était opposé : associations de patients, syndicats de médecins, de pharmaciens, d'infirmiers, ordres professionnels, organisations de consommateurs, responsables d'institutions de santé publique, organismes mutualistes et d'assurances maladie, députés et sénateurs de la majorité comme de l'opposition, à l’époque.

Or une chose nous gêne dans l'article 22 du présent projet de loi : aucune garantie, aucun garde-fou ne sont apportés pour éviter que l'industrie pharmaceutique ne s'empare de l'accompagnement des patients, …

M. Jean Mallot. Absolument !

Mme Catherine Lemorton. …et plus particulièrement de l'observance des traitements, qui ne doit pas permettre un lien direct entre le patient, son entourage et la firme pharmaceutique.

Mme Catherine Génisson. C’est important !

Mme Catherine Lemorton. Je vous renvoie au rapport de l'IGA intitulé Encadrement des programmes d'accompagnement des patients associés à un traitement médicamenteux financés par les entreprises pharmaceutiques, publié en décembre 2007, qui dénonçait déjà : « la place excessive de l'industrie pharmaceutique dans le système de santé ».

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Il y aura un amendement à ce sujet !

Mme Catherine Lemorton. Il est important que la classe politique s'assure d'un réel encadrement de cette industrie afin qu'elle se borne au rôle qui doit être le sien, ni plus, ni moins. Ce serait un grand service rendu aux patients, mais aussi aux industriels que les actions d'accompagnement ne se résument pas à des actions de marketing.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. En effet !

Mme Catherine Lemorton. Madame la ministre, mes chers collègues, je ne porte pas ce message devant vous par animosité envers telle industrie ou telle firme. Je me contente d’appliquer le principe de précaution à cet article 22 et, afin d’expliciter mon propos, je l’illustrerai par deux exemples.

Premier exemple : au cours des débats en commission, le rapporteur, M. Jean-Marie Rolland, n’a-t-il pas, à propos d’un amendement de notre collègue Christian Paul visant à garantir l’indépendance des organismes de formation des médecins vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique, affirmé que refuser l’intervention de l’industrie pharmaceutique posait problème car aucun autre financement n’est disponible ?

Mme Catherine Génisson. C’est vrai, il l’a dit !

Mme Catherine Lemorton. Cet aveu d’impuissance en dit long sur votre vision des rapports avec l’industrie pharmaceutique !

Second exemple : je ne doute jamais de la bonne foi de Mme la ministre dans son combat pour la stricte séparation du patient et de l’industrie pharmaceutique quand cela est nécessaire. En revanche, nous pouvons légitimement nous inquiéter de la parution, à la belle et discrète date du 24 décembre 2008, d’un décret autorisant les industries pharmaceutiques à parrainer des émissions de télévision pour promouvoir leur nom ou leur image, d’autant que l’argument de la crise économique, donc du besoin de soutien financier, ne tient guère face aux résultats annoncés par les principales entreprises de ce secteur.

Vous admettrez, mes chers collègues, que les réserves, doutes et interrogations que j’exprime au nom de mon groupe devant vous sont loin d’être infondés.

S’agissant des dispositions concernant la lutte contre l’alcoolisme, nos réserves ne visent pas les oublis du texte, mais ce que nous pourrions éventuellement voir surgir au cours du débat.

Nous sommes globalement satisfaits par les propositions du projet de loi sur ce sujet, mais nous veillerons à ce que les viticulteurs, les stations essence et les supérettes, notamment en milieu rural, ne pâtissent pas de ces mesures. Cela étant, vos déclarations, madame la ministre, nous inquiètent beaucoup car de nombreux journaux ont fait écho de votre intention de permettre aux alcooliers de faire de la publicité sur Internet.

M. le président. Veuillez conclure.

Mme Catherine Lemorton. Comment pouvez-vous accentuer votre action dans la lutte contre l’alcoolisme chez les jeunes et, dans le même temps, permettre la promotion de produits alcoolisés ? Ne vous a-t-on pas informé qu’Internet est le média le plus utilisé par les jeunes ? Cela ne reviendrait-il pas à faire entrer le loup dans la bergerie ?

En outre, de quels alcooliers s’agit-il ? Ne soyons pas dupes ; l’inquiétude des viticulteurs français, légitime en période de crise financière et économique, est intrumentalisée par les grands alcooliers,….

Mme Michèle Delaunay. Absolument !

Mme Catherine Lemorton. …prêts à lancer spams et autres pop-up sur toute la Toile !

M. le président. Il faut conclure, madame Lemorton !

Mme Catherine Lemorton. Nous serons donc vigilants à l’encadrement d’une telle proposition.

Ma conclusion tient en un mot : déception. Déception de voir un texte bien loin de l’ambition affichée. Déception de voir quelques bonnes propositions minimisées par un manque apparent de fermeté vis-à-vis de grands groupes économiques.

Aussi, mes chers collègues, attendons-nous de nos débats des éclaircissements et des convictions fortement affichées afin, au moins pour ce qui concerne le titre III, que notre déception soit moins grande que prévue. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Ameline, pour cinq minutes.

Mme Nicole Ameline. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à souligner la démarche d’innovation politique qui sous-tend ce texte volontariste, moderne et porteur d’une véritable culture de changement.

La santé est non seulement un facteur déterminant pour la qualité de vie, mais également un curseur de l’égalité et probablement l’un des acquis les plus essentiels de nos sociétés en même temps que la première expression de la solidarité.

Je le répète, madame la ministre, votre projet représente un réel progrès. J’ai pu, dans ma circonscription, à l’occasion d’une restructuration importante, mesurer à quel point les principes qui le guident – qu’il s’agisse de l’élargissement des missions des établissements privés, de la restructuration en réseaux autour des plateaux techniques ou de la clarification des chaînes de décision – servent une offre de soins moderne, adaptée et responsabilisante pour l’ensemble des professionnels.

L’hôpital a plus que jamais besoin de cette réforme. S’agissant de l’intérêt de la démarche territoriale, nous sommes tous convaincus que les communautés hospitalières de territoires apporteront une plus grande lisibilité, une rationalisation accrue de la dépense publique et, sans aucun doute, un renforcement de la qualité de l’offre de soins.

Convenons que cette coordination est parfaitement inexistante et que nous assistons plutôt à des appauvrissements mutuels, voire à des concurrences stériles.

S’agissant de la gouvernance, nous ne pouvons qu’approuver l’organisation des nouvelles agences régionales de santé. L’identification du secteur médicosocial doit prévaloir à un moment où des potentialités d’emplois se font jour dans ce domaine. Il importe donc que nous favorisions l’émergence des nouvelles filières d’emploi dans ce secteur en l’accompagnant de formations adéquates. En outre, l’ouverture de ces agences aux élus régionaux, mérite d’être posée.

Les permanences de garde constituent une réponse intelligente pour les territoires. La Basse-Normandie a été, sur l’initiative de l’union régionale des médecins libéraux, la première à expérimenter cette démarche positive. Dans cette même perspective, les pôles de santé libéraux et ambulatoires participent de cette même volonté : apporter, grâce au regroupement pluridisciplinaire, une réponse appropriée.

Nous pourrions élargir cette réponse à la prévention, au suivi et à la surveillance de populations. À cet égard, je souhaite appeler votre attention, madame la ministre, sur la revalorisation de la profession de généraliste, laquelle s’est beaucoup féminisée, et qui est confrontée à des contraintes nouvelles de travail contribuant à accentuer les déficits démographiques que l’on observe dans un certain nombre de territoires. Le système de médecine de ville-hôpital peut être, par le biais de regroupements, particulièrement bénéfique.

À mon tour, je reviendrai sur l’absence de référence à la télémédecine à l’heure de l’ère numérique.

La prestation de soins à distance présente beaucoup d’avantages, notamment dans le cadre du maintien à domicile et représente, à un coup faible, une fiabilité presque renforcée dans l’accomplissement d’un certain nombre de pratiques. Je ne doute pas que cet aspect innovant vous préoccupe, madame la ministre, tant l’innovation est la marque de votre projet.

Il est tout à fait anormal que, trente-quatre ans après la loi sur l’IVG, nous ayons encore un taux très important d’interruptions de grossesse, largement lié à l’insuffisant recours à la contraception.

M. Marcel Rogemont. Il faudrait plus d’éducation !

Mme Nicole Ameline. La contraception est le premier acte d’autonomie des femmes. Il est très important que la sensibilisation dans ce domaine se poursuive.

M. le président. Veuillez conclure.

Mme Nicole Ameline. La culture de la prévention pourrait être un principe actif de l’ensemble des politiques publiques. Seriez-vous favorable à une expérimentation – à l’échelon régional – afin que la santé soit encore plus présente dans l’ensemble des politiques publiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mercredi 11 février à neuf heures trente :

Déclaration du Gouvernement suivie d'un débat sur la consultation des électeurs de Mayotte sur le changement de statut de cette collectivité.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 11 février 2009, à zéro heure cinquante-cinq.)