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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 4 mars 2009

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

1. Questions au Gouvernement

Droits des femmes

Mme Marie-Françoise Clergeau

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité

Adoption internationale

M. François Rochebloine

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme

Plafonnement des salaires des dirigeants

M. François de Rugy

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi

Collectif budgétaire

M. Richard Dell’Agnola

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi

Pouvoir d’achat des retraités

M. Henri Jibrayel

M. Brice Hortefeux, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville

Formation professionnelle

M. Daniel Spagnou

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi

Situation en Martinique

M. Alfred Marie-Jeanne

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales

Collectif budgétaire et déficits publics

M. Jean-Michel Fourgous

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Réforme de l’université

Mme Geneviève Fioraso

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche

Investissement locatif

M. Pierre Méhaignerie

Mme Christine Boutin, ministre du logement

Déserts médicaux et liberté d’installation des médecins

Mme Michèle Delaunay

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé

Lutte contre la délinquance à Nouméa

M. Gaël Yanno

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales

Logement social en Guyane

Mme Chantal Berthelot

M. Yves Jégo, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer

Parcs nationaux

M. Jean-Pierre Giran

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État chargée de l’écologie

Situation de la filière automobile

Mme Marie-Lou Marcel

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation

Emploi des jeunes

M. Daniel Garrigue

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi

Présidence de M. Marc Le Fur

2. Réforme de l’hôpital

Discussion des articles (Suite)

Article 16

M. Jean-Luc Préel

M. Claude Leteurtre

M. Pierre Morel-A-L’Huissier

M. Olivier Jardé

M. Gérard Bapt

Présidence de M. Rudy Salles

M. Marc Bernier

M. Christian Paul

M. Jean Mallot

Mme Catherine Lemorton

Mme Catherine Génisson

M. Philippe Boënnec

Mme Dominique Orliac

M. Jean-Pierre Door

M. André Chassaigne

Mme Frédérique Massat

M. Marcel Rogemont

M. Jacques Domergue

M. Roland Muzeau

Mme Michèle Delaunay

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Rappel au règlement

M. Christian Paul

Reprise de la discussion

Amendements nos 407, 560, 1271, 217, 2009 (sous-amendement)

Mme Catherine Génisson

Mme Catherine Génisson

Amendements nos 1254, 1300, 27, 1339 , 851, 25, 1251 rectifié, 564, 566, 1313, 1340 rectifié, 1247, 408

Rappel au règlement

M. Christian Paul

Amendement no 577

Rappel au règlement

M. Jean Mallot

Reprise de la discussion

Amendements nos 1272, 1248, 409, 1342, 1894

Après l’article 16

Amendements nos 28, 596, 1409, 410, 1369

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Droits des femmes

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Mes chers collègues, je dois bien l’avouer : je ne sais pas à qui adresser ma question.

M. Jean-Claude Lenoir. Au Gouvernement !

Mme Marie-Françoise Clergeau. J’avais pensé la poser à la ministre aux droits des femmes, mais il n’y en a pas dans ce gouvernement, ou à la secrétaire d’État aux droits des femmes, mais il n’y en a pas non plus.

M. Lucien Degauchy. Quand on ne sait pas, on ne dit rien !

M. le président. Monsieur Degauchy !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Je vais donc m’adresser à M. le Premier ministre.

Dans quelques jours, nous célébrerons la journée internationale des femmes. Si nous constatons, en France, un taux d’activité des femmes et un taux de fécondité parmi les plus élevés d’Europe, n’oublions pas que, derrière ces chiffres, se cache une réalité souvent très dure pour nos concitoyennes.

La précarité touche en effet en premier lieu les femmes. Elles connaissent davantage les difficultés du travail précaire, de l’emploi à temps partiel subi, de l’inégalité salariale qui reste inacceptable. Je vous rappelle que 80 % des travailleurs pauvres, c’est-à-dire vivant en dessous du seuil de pauvreté, sont des femmes.

Quant aux pensions de retraite des femmes, à cause de carrières professionnelles incomplètes, elles restent très faibles et ne permettent pas de vivre décemment. Sans oublier que les femmes sont les premières touchées par le chômage.

On a bien compris que pour vous la relance ne doit pas être sociale. Surtout pas : le mot vous fâche ! Pourtant, entendez la détresse des Français et des Françaises, et répondez-y !

Monsieur le Premier ministre, quelles mesures concrètes et tangibles envisagez-vous pour protéger nos concitoyennes des effets d’une crise qui les frappe d’autant plus durement que leur situation économique et sociale est fragile ?

Qu’allez-vous faire pour établir enfin l’égalité salariale, au-delà des vaines promesses répétées chaque année ?

Enfin, quand le Président de la République nommera-t-il une ministre aux droits des femmes, qui pourra traiter des problèmes d’égalité dans tous les domaines ?

M. Thierry Mariani. Gadget !

Mme Marie-Françoise Clergeau. C’est bien 365 jours par an que les droits des femmes doivent nous préoccuper ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité. Madame la députée, je veux tout de suite vous rassurer : il y a non seulement une secrétaire d’État chargée des droits des femmes, mais également un ministre, mon collègue Brice Hortefeux, ainsi que tous les membres du Gouvernement, mobilisés pour l’égalité entre les hommes et les femmes. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

À la veille de la journée du 8 mars, journée de la femme, ce gouvernement est plus que jamais mobilisé pour améliorer la situation des femmes dans notre pays et continuer à construire cette égalité entre les hommes et les femmes.

Ce matin, Brice Hortefeux et moi-même avons présenté en conseil des ministres une communication sur la place des femmes dans l’entreprise, et nous nous sommes engagés sur trois objectifs : traiter la question des écarts salariaux ; faciliter l’accès des femmes aux postes à responsabilité, pour faire sauter le « plafond de verre » ; et promouvoir le label égalité pour renforcer la sensibilisation des entreprises.

Nous le ferons en concertation avec les partenaires sociaux, comme l’a souhaité le Président de la République. Pour ce faire, nous avons confié à l’IGAS une mission préparatoire. Ses conclusions seront rendues le 30 juin, parce qu’il est temps que les choses avancent, et des mesures seront prises ensuite en partenariat avec le Parlement et les partenaires sociaux. C’est bien la volonté du Président et de l’ensemble du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Adoption internationale

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Nouveau Centre.

M. François Rochebloine. Madame la secrétaire d’État chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme, ma question concerne l’adoption internationale et les difficultés rencontrées par les familles candidates à cette adoption.

Voilà près d’un an, un rapport de M. Colombani a été remis au Président de la République. Il a mis en lumière le contexte difficile de l’adoption en France. Il convient en effet de rappeler qu’aujourd'hui, près de 30 000 familles titulaires d’un agrément attendent de pouvoir accueillir un enfant. Chaque année, sur l’ensemble de ces agréments, seule une minorité donne lieu à une adoption : 4 000 environ, dont seulement 900 par la voie nationale.

Face à ce constat, je tiens à souligner, madame la secrétaire d’État, que vous avez dès votre nomination eu à cœur de répondre aux préoccupations des associations et des familles qui, lors d’une démarche d’adoption à l’étranger, sont confrontées aux divers obstacles d’une procédure lourde et complexe.

Certes, de plus en plus de nos compatriotes comprennent la nécessité de mettre en place des garanties éthiques. Dans cet esprit, nous avons pris acte de la volonté du Gouvernement d’améliorer les dispositifs d’adoption. En effet, l’adoption est un engagement fort de la part des couples et des familles, que l’on ne peut décevoir.

Pour autant, la première des considérations est l’intérêt de l’enfant, ce qui signifie que l’ensemble de la politique de l’adoption doit être centrée sur l’existence et la reconnaissance d’un droit de l'enfance, dont fait partie le droit à une famille.

Aussi, pourriez-vous, madame la secrétaire d’État, préciser à la représentation nationale quelles sont les mesures que le Gouvernement entend prendre pour mieux encore accompagner les familles candidates à l’adoption internationale, en collaboration avec les associations agréées, tout en maintenant des garanties sérieuses pour la protection de l’enfance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme. Monsieur le député Rochebloine, cela fait plusieurs mois que nous avons engagé la réforme de l’adoption internationale souhaitée par le Président de la République. Le premier comité interministériel sur l’adoption, organisé le 6 février par le Premier ministre, m’a donné l’occasion de faire le point.

L’esprit de cette réforme, c’est d’allier efficacité et éthique, de privilégier le droit de l’enfant sur le droit à l’enfant, d’accompagner les familles grâce à un dispositif opérationnel. Cela passe par la création d’une nouvelle autorité centrale chargée d’impulser cette politique, ainsi que par le renforcement de notre politique de coopération vis-à-vis de l’enfance privée de famille, grâce à la création d’un fonds de 3 millions d’euros mis en place avec Bernard Kouchner et Alain Joyandet. Cela passe également par l’initiative expérimentale des volontaires de l’adoption internationale : huit jeunes ont été envoyés dans huit pays pour déployer des programmes de soutien à l’enfance.

Toutes ces initiatives vont dans le même sens ; il s’agit non pas de trouver des enfants adoptables à tout prix, mais de travailler plus étroitement avec les pays d’origine pour construire une boîte à outils en faveur des enfants privés de famille, outils parmi lesquels figure l’adoption internationale.

La demande des Français candidats à l’adoption doit être à l’avenir non plus un problème pour notre pays, mais une chance pour les enfants. Tout l’enjeu est de faire de ce discours une réalité.

Je sais que de nombreuses familles souffrent. En 2008, nous avons réussi à augmenter l’adoption de 3 %, alors qu’elle avait baissé jusqu’alors. Mais il faut aussi dire la vérité : il n’y a pas de miracle. Il y a beaucoup de pédagogie à faire, et c’est ce que je ferai encore demain en me rendant, dans le cadre du Tour de France des droits de l’homme que j’effectue, chez vous dans la Loire, monsieur le député, pour expliquer les dispositifs existants avec une association qui appuie la protection de l’enfance à Haïti. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Plafonnement des salaires des dirigeants

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. François de Rugy. Monsieur le Premier ministre, le Président de la République a déclaré à la télévision, après le sommet social du 18 février, que la priorité devait désormais aller à la justice sociale. Il y a cependant un sujet qu’il a totalement évacué : celui des écarts de salaire et de revenu. Pourtant, depuis dix ans, en France, le patrimoine des 10 % des foyers les plus aisés a augmenté dix fois plus que celui des 10 % des foyers les moins aisés. Plus concrètement encore, concernant les salaires, la presse s’est récemment fait l’écho des rémunérations des dirigeants, dans le secteur des banques par exemple : plus de 3 millions d’euros pour le patron de la BNP, plus de 1,5 million pour celui du Crédit Agricole, ou encore 850 000 euros pour celui de la Société Générale.

Il est vrai que votre gouvernement ne donne pas l’exemple, monsieur le Premier ministre : on se souvient que, quelques mois après son installation à l’Élysée, Nicolas Sarkozy a demandé, et obtenu, que son salaire soit triplé. (« Démago ! » sur les bancs du groupe UMP.) Tout récemment encore, un ancien ministre, devenu président de l’Autorité des marchés financiers, a également demandé à ce que son salaire soit augmenté. Avant lui, – comble de l’indécence ! – c’était le dirigeant de la structure qui a remplacé l’ANPE qui avait fait de même.

Au moment même où les Français voient se multiplier les chômages partiels et les licenciements, qui entraînent inévitablement des pertes importantes de revenus, que comptez-vous faire sur ce front ?

Aux États-Unis, le Président Obama a déclaré que les salaires des dirigeants des organismes publics, para-publics ou de toute entreprise ayant bénéficié d’une aide publique devraient désormais être plafonnés à 500 000 dollars, soit 380 000 euros. Monsieur le Premier ministre, pour rétablir un minimum d’équité salariale dans notre pays, envisagez-vous de prendre la même mesure ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Monsieur de Rugy, sur la question de la rémunération des dirigeants, la position du Gouvernement, sous l’autorité de François Fillon, est très simple : la rémunération est la contrepartie de la performance. (Rires et vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Quand la performance est bonne, il n’y a pas de honte à ce que la rémunération le soit aussi ;…

M. Frédéric Cuvillier. Et Pérol ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …si la performance n’est pas bonne, il est alors parfaitement injuste qu’il y ait une bonne rémunération. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – « Et Pérol ?» sur les bancs du groupe SRC.) Qu’a fait le Gouvernement ?

Tout d’abord, il a proposé, et vous l’avez voté, le principe selon lequel il ne doit pas y avoir d’indemnités de départ quand les critères de performance n’ont pas été respectés. C’est inscrit dans la loi.

Deuxièmement, chaque fois que le concours de l’État a été sollicité, qu’il s’agisse des banques ou du secteur automobile – et ce sera la même chose dans tous les autres secteurs –, nous demandons en contrepartie des engagements de la part des dirigeants, et qu’ils renoncent à la part variable ou au bonus qu’ils reçoivent.

Nous sommes même allés plus loin puisque nous avons demandé au MEDEF et à l’association des banques de mener un certain nombre de travaux pour établir des principes éthiques. Ces principes ont été transcrits dans un code de bonne conduite, qui a été adopté par le MEDEF. Nous avons enjoint à toutes les sociétés du CAC 40 et à toutes les autres sociétés cotées d’inscrire dans leurs délibérations de conseil d’administration et dans leurs statuts les principes prévus par ce code éthique : pas d’indemnités de départ en cas de mauvaise performance, plafonnement des indemnités de départ, comité des rémunérations.

M. Frédéric Cuvillier. Et la déontologie, où est-elle ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. J’ajoute que nous avons demandé aux banques de procéder de même, et pas seulement pour leurs dirigeants, mais également pour les traders, c’est-à-dire pour les opérateurs de marché. En effet, ceux-ci sont bien souvent rémunérés grassement au moment de la réalisation de l’opération avant, bien sûr, que celle-ci ne soit dénouée. Nous avons donc demandé à leur égard la même chose : des règles éthiques, étendues à l’ensemble du secteur bancaire.

Vous le voyez, qu’il s’agisse de la loi que nous proposons ou des prescriptions que nous formulons, nous suivons un principe : pas de rémunération qui serait excessive dès lors qu’il n’y a pas de performance. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. André Chassaigne. C’est un baratin indécent !

Collectif budgétaire

M. le président. La parole est à M. Richard Dell’Agnola, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Richard Dell’Agnola. Madame la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, vous avez présenté ce matin, en conseil des ministres, le projet de collectif budgétaire intégrant les mesures décidées lors du sommet social du 18 février à l’Élysée. Nous le savons, 2009 sera une année difficile, marquée par la crise, et nous n’éviterons pas, comme malheureusement les autres pays occidentaux, la récession. Toutefois nous devons faire face et prendre les mesures qui s’imposent, sans pour autant creuser durablement notre déficit.

Le plan de relance déjà voté s’articule autour de mesures visant à promouvoir l’emploi durable en procédant à des investissements massifs. Nous savons aussi que, au-delà des mesures pour soutenir l’activité, le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement ont décidé d’aider ceux qui se trouvent le plus en situation de difficulté : c’est l’équilibre de ce plan, et c’est l’esprit des propositions qui ont été faites aux partenaires sociaux lors du sommet de l’Élysée.

Madame la ministre, pouvez-vous nous présenter les mesures concrètes contenues dans ce projet, et nous préciser leur impact budgétaire ?

M. le président. La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Monsieur Richard Dell’Agnola, voici trois exemples très précis du dispositif que nous avons mis en place et qui vous sera proposé, dans les jours qui viennent, dans le projet de loi de finances rectificative. Je l’ai présenté tout à l’heure, avec Éric Woerth, devant la commission des finances de votre assemblée.

La première mesure emblématique concerne les ménages modestes qui payent l’impôt sur le revenu dans la tranche à 5,5 %, soit six millions de ménages. Nous proposons une exonération du deuxième et du troisième tiers provisionnel. Plus de 1,1 milliard d’euros seront ainsi redistribués sous forme de pouvoir d’achat par la diminution ponctuelle et temporaire de l’impôt sur le revenu.

La deuxième mesure emblématique est le pacte automobile. Vous savez que nous souhaitons soutenir l’industrie automobile, et nous mettons en place un mécanisme de prêt participatif de 6,5 milliards d’euros destiné à tous les constructeurs automobiles qui fabriquent sur le territoire français. En plus, nous mettons en œuvre un plan de 125 millions d’euros, qui concerne toute la filière automobile et participe à l’effort consenti afin de favoriser la réalisation du véhicule décarboné.

Le troisième volet, lui aussi très concret, c’est la constitution du fonds d’investissement social. Il sera abondé par l’État à concurrence d’un complément de 800 millions d’euros. Nous lui attribuerons aussi les 500 millions prévus dans le plan de relance initial, dorénavant conduit sous l’autorité de Patrick Devedjian. Il s’agit, à titre paritaire et en véritable co-gestion avec les organisations syndicales et patronales, de mettre en place des actions de formation pour ceux dont nous savons qu’ils seront les premières victimes de la crise.

Vous le voyez, ce sont trois mesures précises pour les ménages, pour l’industrie automobile et pour la formation professionnelle de ceux qui seront touchés par la crise à travers le chômage partiel. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Pouvoir d’achat des retraités

M. le président. La parole est à M. Henri Jibrayel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Henri Jibrayel. Permettez-moi d’associer ma collègue Sylvie Andrieux à cette question qui s'adresse à M. le Premier ministre.

Actuellement, la France compte plus de 13 millions de retraités, et elle en comptera près de 18 millions en 2020. Un million de personnes âgées vivent sous le seuil de pauvreté, et 6 millions d’entre elles perçoivent à peine le SMIC. De nombreuses personnes âgées souffrent, ne peuvent plus se nourrir convenablement, et ne peuvent pas se soigner dignement.

Nous sommes loin de la garantie du pouvoir d'achat des retraités promise lors du rendez-vous de 2008. En revanche, les banques bénéficient de vos largesses (Protestations sur les bancs du groupe UMP), empochant une manne financière de plusieurs milliards d’euros, sans aucune contrepartie, sans aucun engagement de leur part. Vous n'avez pas hésité non plus à faire un cadeau de milliards d'euros à vos amis, en instaurant le bouclier fiscal.

Si, comme le prétend le Président de la République, il faut remettre en cause les fondements du capitalisme, la première mesure à prendre est de supprimer le bouclier fiscal ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La loi Fillon n'a pas tenu ses engagements et, une fois de plus, vous avez tourné le dos à vos promesses électorales. Il n'y aura pas de progression du niveau de vie des retraités mais, bien au contraire, ils subiront une baisse importante de leur pouvoir d'achat.

Avec une revalorisation des retraites de 1,9 % l’année dernière, comment les retraités peuvent-ils s'en sortir alors que les prix des produits de première nécessité ont augmenté de 5 % ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Nous sommes bien loin de l'augmentation de 25 % du minimum vieillesse promise par le candidat Sarkozy. (Mêmes mouvements.)

Pour beaucoup de nos concitoyens la situation est devenue intolérable ; pour les retraités, elle est catastrophique ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Devant la représentation nationale, pouvez-vous nous annoncer des mesures concrètes et rapides en faveur des retraités, qui leur permettent de vivre dignement ? (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

Mme Marie-Françoise Clergeau et Mme Marie-Odile Bouillé. Et de la condition féminine ! (Sourires)

M. Brice Hortefeux, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Aussi, vous avez raison de le rappeler aujourd’hui !

Monsieur le député Henri Jibrayel, vous avez employé un ton un peu passionné, mais je peux vous dire que nous sommes tous préoccupés par la situation de nos compatriotes qui ne perçoivent qu’une petite retraite. La solidarité ne doit pas rester un slogan, mais se traduire dans la réalité. C’est ce que le Gouvernement a commencé à faire en augmentant les retraites de 0,8 % dès le mois de septembre, et en s’apprêtant à prolonger ce mouvement début avril, en fonction du taux d’inflation.

Cela étant, vous avez raison, il faut certainement aller plus loin. Sous l’autorité du Premier ministre, trois mesures principales ont été décidées.

La première vise à respecter l’engagement du Président de la République d’augmenter de 25 % le minimum vieillesse d’ici à 2012 (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) : dans quelques jours, le 1er avril, une augmentation de 44 euros, soit 6,9 %, est prévue. Pourquoi est-ce que je vous précise ce taux, mesdames, messieurs les députés ? Parce que 6,9 %, c’est un taux très largement supérieur à celui de l’inflation. Le minimum vieillesse passera ainsi de 633 à 677 euros. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)

La deuxième mesure porte sur la pension de réversion des 600 000 veuves et veufs de notre pays : elle augmentera de 11 % au 1er janvier 2010 – cela représente tout de même un effort de solidarité de 200 millions d’euros. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

La troisième mesure concerne les exploitants agricoles retraités et leurs veuves. Nous avons décidé de créer un minimum de pension…

M. Christian Bataille. De quel montant ?

M. Brice Hortefeux, ministre du travail. …qui s’applique depuis le 1er février et concerne 230 000 personnes.

Puisque ce n’était pas suffisant, Christine Lagarde a proposé deux mesures dans le cadre du plan de relance, afin que les plus pénalisés soient capables de surmonter la crise…

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !

M. Brice Hortefeux, ministre du travail. D’une part, un allègement d’impôts pour 6 millions de contribuables, ce qui signifie…

M. le président. Merci, monsieur le ministre !

Formation professionnelle

M. le président. La parole est à M. Daniel Spagnou, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Daniel Spagnou. Monsieur le président, mes chers collègues, je voudrais associer les députés Goasguen, Guégot et Anciaux, qui ont énormément travaillé sur le sujet de la formation professionnelle, à ma question – encore un bon exemple de coproduction législative – qui s'adresse à Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.

Depuis le début de l’année, notre pays est touché par la montée du chômage, et l’emploi est redevenu la première préoccupation de nos compatriotes. Pour le salarié, la formation professionnelle constitue l’une des clés du maintien dans l'emploi. Pour les entreprises, elle permet de garantir la compétitivité.

L'effort financier en faveur de la formation professionnelle représente près de 27 milliards d'euros par an, une somme considérable. Hier, vous avez accompagné le Président de la République dans la Drôme, où il a annoncé la présentation en avril d'une réforme de grande ampleur de notre système de formation professionnelle, s'appuyant sur l'accord conclu en janvier par les partenaires sociaux que vous devez d'ailleurs rencontrer cette semaine à ce sujet.

Aussi, monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous nous détailler les orientations de cette réforme et ses avancées concrètes pour les salariés et les demandeurs d'emploi ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi. Monsieur le député Daniel Spagnou, le Président de la République l’a répété hier, lors d’un déplacement dans la Drôme avec Éric Besson, la réforme de la formation professionnelle est absolument décisive en cette période de crise.

Cependant, il faut avoir le courage de dire que notre système de formation professionnelle, qui pèse 27 milliards d’euros et possède certaines vertus, est très injuste. Est-il normal qu’un salarié de PME ait trois fois moins de chance d’accéder à la formation professionnelle que celui d’un grand groupe ? Est-il normal qu’un salarié faiblement qualifié ou un demandeur d’emploi ait deux fois moins de chance de pouvoir bénéficier d’une formation qu’un autre qui a pu acquérir une très bonne qualification initiale ? Est-il normal qu’il existe de telles différences, selon les régions d’habitation, pour parvenir à se faire financer une formation ? Enfin, est-il normal qu’un senior – une personne de plus de cinquante ans – ait deux fois moins de chance qu’un jeune d’accéder à la formation ?

Le Premier ministre a souhaité qu’avec Christine Lagarde et les partenaires sociaux, nous puissions conduire conjointement cette réforme fondamentale. On nous avait dit qu’elle n’aboutirait pas, que les partenaires sociaux ne pourraient pas conclure un accord. Ils l’ont fait le 7 janvier dernier, ce qui nous permet de bénéficier d’un fonds de 900 millions d’euros, afin de corriger ces injustices.

Nombre de parlementaires sont des spécialistes de ce sujet. Avec vous, nous essaierons d’améliorer encore ce dispositif sur des points très précis : les réseaux des OPCA, les tracasseries administratives qui rendent l’accès à la formation compliquée, la formation et la transparence du système.

En cette période de crise, la formation professionnelle est l’un des meilleurs atouts tant pour les salariés que pour ceux qui ont perdu leur emploi et auxquels elle offre une chance de rebondir. Ne la gâchons pas ! Corrigeons les injustices et les inefficacités de ce système par une bonne réforme portée conjointement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Situation en Martinique

M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Alfred Marie-Jeanne. Madame la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, la météo des crises n'avait pas prévu celles qui ont ébranlé successivement la Guyane, la Guadeloupe et la Martinique. Pourtant, maints signes avant-coureurs les annonçaient toutes. Même sans le contexte mondial actuel, ces crises auraient éclaté.

Concernant plus précisément la Martinique, cette révolte est une remise en cause. C'est la résultante complexe, tant de revendications sociales et sociétales que d'une accumulation d'erreurs et d'injustices, le tout souvent assaisonné de comportements hautains et de propos désobligeants. Mélange hétérogène, sans nul doute ; mais mélange détonnant, assurément.

Il nous est proposé, pour sortir de l'impasse, la tenue d'états généraux. Or ils ont déjà eu lieu en Martinique, madame la ministre ! Sans prétendre à l'exhaustivité, j’en évoquerai deux éléments.

Premièrement, le schéma martiniquais de développement économique, document qui a été remis en mains propres au Premier ministre François Fillon et à tous les ministres qui l'accompagnaient lors de sa visite le 5 janvier 2008.

Deuxièmement, le congrès des élus des conseils régional et général du 18 décembre 2008. À une large majorité a été voté le passage à l'article 74 définissant le cadre de l'autonomie. Une fois la crise apaisée, nous sommes prêts, madame la ministre, à la concertation pour le changement global attendu. Ne renvoyez pas aux calendes grecques tous les possibles d'aujourd'hui ; ne figez pas l'histoire, ne brisez pas l'espoir. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC, et sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Le 19 février dernier, monsieur Marie-Jeanne, le Président de la République vous a reçu avec les principaux élus de l’outre-mer. À cette occasion il vous a indiqué que, pour répondre à la crise sociétale que vous avez évoquée, il organiserait des états généraux, avec un calendrier, des objectifs et une méthode, vous invitant à faire part des thèmes que vous souhaiteriez voir débattus. Je connais le schéma martiniquais, puisque vous me l’avez présenté lors de notre entretien à Fort-de-France ; je considère qu’il sera une contribution importante de la Martinique aux états généraux.

S’agissant de l’autonomie, le Président de la République a lui-même proposé d’inscrire la gouvernance institutionnelle à l’ordre du jour des états généraux. Vous aurez donc à cette occasion la possibilité de présenter vos positions ; puis, le cas échéant, les Martiniquais se prononceront, comme ils ont eu à le faire en 2003 au sujet de la collectivité unique, qu’ils avaient refusée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Collectif budgétaire et déficits publics

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Michel Fourgous. Monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, vous venez de présenter le budget rectifié pour 2009, avec un déficit qui s'élèvera à 103,8 milliards d’euros, soit 5,6 % du PIB. Certes, la crise, inégalée, sans précédent et née hors de la France, est l'un des déclencheurs de cette dérive budgétaire inévitable ; certes, tous les pays connaissent une explosion de leurs déficits publics ; certes, le Gouvernement a fait preuve de courage, de réactivité et même, osons le dire, de compétence économique. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.) Néanmoins, la France a toujours excellé dans l'art de glisser de déficits chroniques en déficits chroniques, et ce, mystérieusement, depuis 1981. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cette constante est devenue culturelle dans notre pays.

On sait que la France est l’un des rares pays où l'État redistribue près de 60 % de la richesse produite. Or je rappelle à l’intention de ceux qui ont séché les cours d'économie (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) que, pour redistribuer, il faut d'abord produire de la richesse. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Roland Muzeau. Prétentieux !

M. Jean-Michel Fourgous. La solution est donc de créer de nouvelles richesses en maintenant et en attirant les talents et les capitaux. Demain, monsieur le ministre, il faudra dépenser et investir différemment. N'oublions pas que l'essentiel de notre dette comme du CAC 40, qui fait notre fierté (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC), est majoritairement financé par des capitaux extérieurs.

Pour sortir de la crise, notre meilleur atout est notre compétitivité et le talent de nos ouvriers, de nos ingénieurs et de nos techniciens. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mais notre capacité à attirer la principale matière première…

M. le président. Merci.

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Christine Lagarde et moi-même avons en effet, monsieur Fourgous, présenté en conseil des ministres le projet de loi de finances rectificative qui sera examiné par votre assemblée dans quelques jours.

Le déficit prévu, de près de 104 milliards d’euros, comprend deux aspects.

En premier lieu, il y a le déficit structurel de nos finances publiques, qui est indépendant de la crise. Nous devons le combattre avec beaucoup d’opiniâtreté, et c’est ce que nous faisons avec constance, sous la conduite de François Fillon. Ainsi, cela fait bien longtemps que le rythme d’évolution de nos dépenses publiques n’a pas été aussi faible. Ce déficit structurel est de l’ordre de 40 milliards d’euros, à rapporter aux quelque 100 milliards prévus pour 2009.

À côté de ce déficit structurel se trouve le déficit lié à la crise, dont l’impact est double : une diminution des recettes fiscales, de l’ordre de 30 milliards d’euros, et le coût des diverses mesures de relance, pour une trentaine de milliards également. Une fois la crise passée, ce déficit a vocation à se résorber, puisque les dépenses consenties disparaîtront et que les recettes fiscales reviendront. Il est donc un instrument de lutte contre la crise elle-même, et nous devrons, bien sûr, surveiller son évolution avec beaucoup de vigilance. C’est ce que nous ferons ensemble, car nous en rendrons compte devant la représentation nationale. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)

Réforme de l’université

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Fioraso, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Geneviève Fioraso. Madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, en juillet dernier, votre loi sur l’autonomie des universités avait déjà été proposée et débattue en urgence, et nous n’avons pas voulu la voter. Notre groupe n’est pas pour autant opposé à une réforme, car les enjeux de la recherche, de l’enseignement supérieur, de l’innovation sont déterminants pour sortir de la crise. Nous avons des propositions, mais elles sont élaborées en concertation avec les acteurs.

Aujourd’hui, les faits nous donnent raison. Faute d’avoir été entendu, le malaise des universitaires, des chercheurs et des étudiants s’exprime dans la rue. Même ceux qui vous avaient fait confiance refusent cette fois d’accepter un décret imposé d’en haut. Pis encore, de nombreux chercheurs se sont sentis humiliés et méprisés par le Président de la République le 22 janvier dernier. Ses propos ont choqué, notamment ceux sur l’« auto-évaluation confortable » qui serait propre à la France, alors que la règle est la même dans le monde entier. Ce discours suivait la convocation par le Président du comité chargé d’évaluer l’INSERM : l’Élysée serait-il donc la nouvelle instance d’évaluation compétente ? De qui se moque-t-on ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Sous la pression, vous avez commencé à reculer, point après point ; mais le mal est fait. Dans le climat de défiance qui s’est installé, comment imaginer la mise en œuvre de votre réforme par des acteurs concertés après coup, comme nous n’avons cessé de le dénoncer depuis plusieurs semaines ? Quand allez-vous enfin suspendre l’ensemble des décrets et réorganisations en cours ? C’est pourtant un préalable indispensable à une réforme nécessaire, partagée et concertée.

Pour reprendre la formule que vous avez lancée dans cette même enceinte, c’est la seule preuve d’amour que nous vous demandons aujourd’hui, aux côtés des universitaires, des chercheurs et des étudiants qui sont garants de notre avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la députée, le Président de la République a placé l’université et la recherche au cœur des priorités de ce quinquennat. (Rires et vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) À Grenoble, madame Fioraso, vous le savez mieux que quiconque.

Cette réforme de l’université, nous la plaçons résolument sous le signe du dialogue. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est par le dialogue que la communauté universitaire obtiendra les réponses qu’elle attend, et non pas par le blocage. Des inquiétudes s’expriment et il est de ma responsabilité d’y répondre. Mais les organisations syndicales qui, cette semaine, ont passé dix-sept heures à négocier au ministère, savent que leurs préoccupations ont été entendues.

Hélas, une fois de plus, alors que le dialogue avance sur la situation universitaire, le parti socialiste est en retard. Le décret sur le nouveau statut des enseignants-chercheurs est en train d’être entièrement réécrit, en tenant compte des propositions qu’ont faites les députés UMP, notamment MM. Daniel Fasquelle, Claude Goasguen et Benoist Apparu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Où sont vos propositions, madame Fioraso ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cette réécriture permettra de trouver de nouveaux équilibres plus consensuels, ainsi que davantage de souplesse, d’évaluation et de transparence dans nos universités. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Le statu quo n’est tout simplement pas possible. La communauté universitaire le sait. Il n’y a plus que le parti socialiste pour défendre l’immobilisme. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations et huées sur les bancs du groupe SRC.)

Investissement locatif

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Pierre Méhaignerie. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la ministre du logement.

Face à la crise, le Gouvernement a pris, ces dernières semaines, des mesures fortes pour protéger l’emploi dans le secteur de la construction et pour l’accession à la propriété : je songe au doublement du prêt à taux zéro, au Pass-Foncier et au prêt social de location-accession. Ces deux dernières mesures permettent de rendre beaucoup plus aisée l’accession sociale à la propriété. Quant à l’investissement privé, l’amendement Scellier, parce qu’il est simple, redonne de la vigueur au marché.

Toutefois, il reste une difficulté à surmonter : l’exclusion de la zone C du bénéfice de cette déduction. Les conséquences de cette exclusion sont doubles : l’abandon de projets d’investissement privé, y compris dans les zones à forte progression démographique, au bénéfice des seules zones A et B ; le sentiment d’une certaine discrimination pour ces bassins d’emploi qui représentent 80 % du territoire, 30 % de la population, mais seulement 10 % de la consommation des investissements Robien.

Laquelle des trois propositions suivantes acceptez-vous de retenir, madame la ministre : la révision de la carte des zones A, B et C ; l’extension de l’amendement Scellier sur tout le territoire, quitte à en abaisser légèrement le taux ; la possibilité d’accepter au cas par cas des dossiers d’investissement dans la zone C ? Je suis convaincu que ces mesures fortes, auxquelles s’ajoute la baisse des taux d’intérêt, permettront de relancer la construction. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin, ministre du logement.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Monsieur le président Méhaignerie, vous posez une question qui intéresse nombre de personnes sur ces bancs, et je vous en remercie, car cela va me donner l’occasion de vous rassurer.

Je confirme que l’accession sociale à la propriété et toutes les mesures que vous avez rappelées s’appliquent sur l’ensemble du territoire et ne sont pas remises en cause.

En ce qui concerne les logements sociaux, un effort très important de financement par le plan de relance s’exerce également sur l’ensemble du territoire.

Vous vous demandez, comme chacun, ce qu’il en est de l’investissement locatif privé. Je vous ferai remarquer, mesdames, messieurs les députés, que vous avez été les premiers à m’alerter sur les difficultés rencontrées dans certaines zones où des familles ont été placées dans des situations catastrophiques. L’idée de recentrer et de définir les nouveaux périmètres s’imposait donc.

Je ne répondrai pas à vos trois propositions, monsieur Méhaignerie, car c’est sans doute une quatrième qui sera choisie. Toutefois, la liste qui circule aujourd’hui n’est qu’une base de travail technique et n’engage en aucune manière le Gouvernement sur le périmètre d’application de l’investissement locatif privé. Le Président de la République, le Premier ministre et le ministre du logement ont la volonté d’encourager la construction, non pas de la réduire. Ne soyez pas inquiet. Nous répondrons au cas par cas, en évitant que ne se reproduisent des dangers comme ceux qu’ont connus le Borloo et le Robien. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Déserts médicaux et liberté d’installation
des médecins

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Michèle Delaunay. C’est aujourd’hui, madame la ministre de la santé, qu’il faut garantir l’égalité de tous les Français face aux soins et à la santé, la première des égalités, condition de toutes les autres : égalité entre les pauvres et les riches, égalité entre le cœur des villes et les campagnes, égalité entre les beaux quartiers et les banlieues. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

C’est aujourd’hui que les médecins manquent dans des territoires entiers et que ceux qui s’y trouvent encore partent à la retraite, laissant depuis dix ans ces territoires se vider de leurs services publics, refusant de voir la réalité démographique. Il ne saurait donc être question de remettre une fois encore à trois ans, comme vous nous le proposez, l’évaluation de mesures dont vous connaissez déjà l’inefficacité

Aujourd’hui, c’est à vous d’avoir le courage politique d’instituer une régulation responsable des soins. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) C’est à vous de dépasser les grandes déclarations pour assurer concrètement que tout un chacun pourra bénéficier, à proximité, du secours d’un médecin, de l’accueil d’un service d’urgences, et à vous de définir précisément le délai maximum acceptable pour accéder aux soins.

C’est à vous de comprendre que la surpopulation médicale dans les beaux quartiers est génératrice de mauvaise médecine, d’actes inutiles et coûteux, à vous d’entendre notre proposition d’encadrer cette surpopulation.

M. le président. Veuillez poser votre question, madame Delaunay !

Mme Michèle Delaunay. Non, ce n’est pas pénaliser les jeunes médecins que de leur garantir une qualité de revenus et d’exercice (Murmures sur les bancs du groupe UMP) au lieu de vouloir installer des dispensaires. Aurez-vous, madame, ce courage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Madame la députée, ce que vous appelez « régulation responsable », n’est ni plus ni moins que de la coercition. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.) Ce que vous nous avez proposé, au cours de la discussion du projet de loi sur la réforme de l’hôpital, c’est d’interdire aux jeunes médecins de s’installer dans les zones surdenses, ou de les déconventionner.

M. Arnaud Montebourg. Et alors ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je l’affirme clairement, mesdames et messieurs les députés : ces mesures sont inefficaces et injustes. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Roland Muzeau. Vous ne pouvez pas le savoir, elles n’ont jamais été appliquées !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Pensez-vous sérieusement qu’un médecin que nous aurons empêché de s’installer dans le centre de Bordeaux ira exercer dans les Landes ? C’est impossible, c’est inimaginable. (Rires et vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Henri Emmanuelli. Fait personnel ! (Rires.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Monsieur Emmanuelli, vous avez des zones de déserts médicaux dans les Landes !

Le Gouvernement a choisi une autre voie, celle de la responsabilité, celle de la justice intergénérationnelle avec une série de mesures destinées à assurer la formation des jeunes sur la base d’un schéma régional d’organisation des soins, avec de nouveaux modes d’exercices médicaux.

Enfin, surtout, madame la députée, vous avez adopté hier une mesure très importante avec la création de bourses pour les jeunes médecins, à hauteur de 1 200 euros par mois. Les bénéficiaires prendront l’engagement de s’installer dans une région sous-dense pendant autant d’années qu’ils auront perçu cette bourse. Dois-je vous rappeler, mesdames et messieurs les députés, que cette disposition a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.) C’est ce type de mesures incitatives, de responsabilisation, qui apportera une vraie solution aux déserts médicaux qui affectent toutes nos régions. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

Lutte contre la délinquance à Nouméa

M. le président. La parole est à M. Gaël Yanno, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Gaël Yanno. Madame le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, depuis un an et demi, l’autorité de l’État a été rétablie en Nouvelle-Calédonie : les conflits sociaux n’entraînent plus de blocages prolongés d’entreprises ; les atteintes à la liberté du travail, les entraves à la liberté de circuler font désormais partie d’une période révolue. Je salue donc l’action du Gouvernement qui a su, par l’intermédiaire du haut commissaire Yves Dassonville, faire preuve à la fois de fermeté et d’esprit de dialogue.

Cependant, aujourd’hui, la préoccupation première des Calédoniens, plus particulièrement des habitants du Grand Nouméa, est l’insécurité. En 2008, le nombre de cambriolages à Nouméa a augmenté de 7 % tandis que les vols de voitures et de deux roues progressaient de plus de 50 % sur la même période.

M. François Lamy. C’est le résultat de la politique de la majorité !

M. Michel Ménard. Merci Sarkozy !

M. Gaël Yanno. Cette tendance s’est confirmée durant les deux premiers mois de l’année 2009 ce qui contredit les chiffres constatés en métropole où la délinquance a reculé.

Aujourd’hui, les Nouméens vivent dans la crainte d’être cambriolés ou de se faire voler leur voiture. Les ventes d’armes anti-agression non létales enregistrent une progression sans précédent. Pour faire face à cette situation, les villes du Mont-Dore et de Dumbéa ont renforcé leurs polices municipales, tandis que la ville de Nouméa a décidé de mettre en place un dispositif de vidéo protection.

Dans le même temps, toutes les actions de prévention en faveur des jeunes ont été renforcées dans les communes du Grand Nouméa. Si les maires ont un rôle à jouer pour préserver la tranquillité de leurs administrés, c’est bien à l’État qu’incombent la responsabilité de l’ordre public ainsi que la sécurité des personnes et des biens. La qualité du travail des forces de l’ordre en Nouvelle-Calédonie, gendarmerie, police nationale, et polices municipales réunies, n’est pas en cause et je tiens à leur rendre hommage.

Quelles actions, madame le ministre, le Gouvernement entend-il entreprendre face à cette situation, afin de répondre à la vive inquiétude des Calédoniens et plus particulièrement des habitants du Grand Nouméa ? (Applaudissements sur divers bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur Yanno, il convient avant tout de préciser qu’à Nouméa même, en 2008, la délinquance générale a baissé de 1,2 % et la délinquance de proximité de 8,2 %. Pourtant, alors même que ces chiffres baissent, vous avez raison de le souligner – et j’en ai bien conscience –, on constate une augmentation du nombre de vols de véhicules et du nombre de cambriolages.

M. Bruno Le Roux. Les chiffres sont en baisse et les méfaits sont en hausse !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Nous nous sommes déjà entretenus de cette situation à plusieurs reprises.

J’ai donc demandé un audit qui sera réalisé à partir du début du mois d’avril et qui nous permettra d’avoir une vision très précise de la situation et de ces manifestations.

Je souligne, en outre, que l’augmentation du nombre de policiers relevant de la police nationale a été, depuis 2003, de 23 %, soit des effectifs en hausse de près d’un quart. Il n’en faut pas moins améliorer la situation et j’ai donc demandé au haut commissaire de revoir l’organisation générale.

Parmi les pistes envisagées, je souligne la transformation des deux sections actuelles d’intervention par une compagnie d’intervention qui pourrait être utilisée, le cas échéant, en matière de sécurisation.

Soyez de toute façon assuré, monsieur le député, qu’à la suite de l’audit et dans la ligne de ce que je viens d’affirmer, le Gouvernement demeure très attentif à ce qui se passe en Nouvelle Calédonie. Nos compatriotes de Nouméa ont droit, comme sur l’ensemble du territoire national, à une protection que nous sommes bien décidés à leur assurer. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Logement social en Guyane

M. le président. La parole est à Mme Chantal Berthelot, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Chantal Berthelot. Monsieur le Premier ministre, les annonces se multiplient concernant les millions qui seront apportés pour répondre à la crise sociale dans les DOM. Voilà donc encore renforcé le stéréotype d'un outre-mer assisté qui coûte cher, alors que notre population réclame l'égalité ! Elle veut non plus des effets d'annonces qui ont perdu toute crédibilité, mais une politique qui règle ses difficultés au quotidien, qui lui assure l'accès aux droits fondamentaux, droit au travail, droit à la santé, droit au logement.

C'est précisément sur le droit au logement, et plus particulièrement sur le logement social en Guyane, que je voudrais vous interroger. Alors que 80 % de la population y est éligible, il faudrait construire plus de 3 000 logements par an et aménager 1 500 hectares pour espérer répondre à la demande. Or, vous n'ignorez pas que le plus grand opérateur de la Guyane, la SA HLM, qui gère plus de 4 000 logements sociaux, est au bord de la faillite. Un plan de redressement a été entériné en juillet 2008 par la caisse de garantie du logement locatif social, par l’Union d'économie sociale pour le logement et par le préfet de l’époque.

En décembre 2006, l'État a signé une convention avec l’UESL, prévoyant une enveloppe de 90 millions d'euros pour le logement social dans les départements d’outre-mer, somme jamais débloquée. Cette somme se trouve-t-elle dans les 850 millions d'euros supplémentaires que la loi Boutin contraint l’UESL à verser pour le plan logement dans l’hexagone ? La SA HLM de Guyane ferait-elle ainsi les frais d'une OPA réalisée par l'État sur l'UESL ?

Monsieur le Premier ministre, le logement social est une priorité du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer. Pour qu'elle devienne effective, pour que la loi DALO ait une possibilité d'application dans les DOM, il nous faut consolider les opérateurs existants, déjà peu nombreux et fragiles.

Que comptez-vous faire pour permettre à la SA HLM Guyane de remplir sa mission ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Jégo, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer.

M. Yves Jégo, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Madame la députée, vous nous interrogez sur la politique du logement social outre-mer, et plus spécifiquement sur le devenir de la SA d’HLM de Guyane. Comme vous le savez, cette SA est une société privée, gérée par le 1 % patronal. Elle connaît des difficultés importantes et a nécessité, comme vous l’avez rappelé, le vote par la caisse de garantie du logement social d’un budget de 86 millions d’euros pour la redresser dans les cinq prochaines années. L’application de ce plan se heurte à une différence de vues entre le 1 % patronal local qui gère la caisse et le 1 % patronal national qui a une vue divergente.

Avec Christine Boutin, nous nous sommes saisis de ce dossier. Nous avons organisé deux réunions depuis le début de cette année et nous avons réussi à trouver une solution qui va permettre, d’abord, de redonner de la vigueur au management de la SA d’HLM de Guyane et, ensuite, de débloquer la situation. Il n’y a ni rapt ni crédits disparus, mais simplement une société HLM privée qui n’arrive pas, avec son actionnariat, à trouver les voies et moyens de son développement.

Je vous confirme, madame la députée, que la politique du Gouvernement en faveur du logement social outre-mer est une politique volontariste. Vous aurez à discuter, dans le cadre de la loi de développement économique de l’outre-mer, de nouveaux outils financiers au travers de la ligne budgétaire unique en augmentation importante cette année et au travers de la défiscalisation qui va, pour la première fois dans l’histoire de l’outre-mer, porter sur la création de logement social.

Le Gouvernement et le Premier ministre ont le même objectif que vous : il faut construire 100 000 logements sociaux outre-mer. Nous allons nous en donner les moyens et je ne doute pas que vous nous accompagnerez dans cet effort. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Parcs nationaux

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Giran, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Giran. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie.

Dans son chapitre consacré à la biodiversité, le Grenelle de l’environnement a affirmé la volonté de créer trois nouveaux parcs nationaux dont on peut penser que l'un sera littoral – sans doute le parc des Calanques –, un autre forestier et un autre en zone humide. Ces créations viendront compléter l’action et le rayonnement des neufs parcs nationaux qui existent aujourd'hui.

Ces parcs relèvent désormais de la loi de 2006, votée à l'unanimité à l’Assemblée nationale, qui poursuivait deux objectifs principaux : démocratiser le fonctionnement des parcs en donnant une place plus grande aux acteurs locaux dans leur gouvernance et construire un territoire de projets autour de partenariats entre collectivités, associations et État.

Aujourd'hui, dans chaque parc, de nouveaux décrets sont en cours d'élaboration ou de publication. Ils alimentent souvent sur le terrain un débat vif et intense. Comme toujours l’évolution, provoquant des changements d'habitudes, nourrit des réflexes souvent conservateurs et certains tentent au plan local d'empêcher ce qu'ils n'ont pas osé contester au plan national.

Or, madame la secrétaire d’État, les parcs nationaux ont besoin de cette réforme en France métropolitaine, en Guadeloupe, en Guyane, à la Réunion ; ils en ont besoin pour faire connaître au monde le patrimoine naturel exceptionnel de notre pays, pour défendre notre biodiversité, et pour assurer la promotion d'un tourisme durable et intelligent.

Je crois aussi, madame la secrétaire d’État, que, pour mieux appliquer plusieurs objectifs du Grenelle de l’environnement, par exemple la mise en œuvre d'une trame verte et d'une trame bleue, on a besoin de parcs nationaux forts, rénovés et reconnus.

Ma question est simple : au moment où la loi de 2006 doit être concrètement appliquée sur le terrain, pouvez-vous confirmer le rôle majeur assigné aux parcs nationaux dans la politique de protection de notre environnement et de promotion de nos paysages ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État chargée de l’écologie.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État chargée de l’écologie. Je vous remercie, monsieur le député, d’être l’un des plus fervents défenseurs de ces joyaux que sont nos parcs nationaux.

M. Jean-Pierre Brard. Et les autres ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État. Ils seront effectivement au cœur de notre politique.

D’abord, ces parcs reposent sur deux principes auxquels nous sommes extrêmement attachés. Le premier est de croiser les problématiques. Nous protégeons la biodiversité, mais en même temps, nous développons notre patrimoine et notre tourisme durable.

Le deuxième enjeu de ces parcs est qu’ils ne se font pas contre la population, mais pour elle et avec elle. C’est la raison pour laquelle si nous protégeons le cœur de parc, nous avons une logique de gestion autour des parcs. Qu’allons nous faire ?

Premièrement, avant la fin du mois, nous allons, avec Jean-Louis Borloo, signer les décrets rénovés des sept premiers parcs.

Deuxièmement, nous allons nous attacher à la rédaction des chartes. Nous le ferons dans la logique du Grenelle, c’est-à-dire la négociation à cinq et la contractualisation avec les acteurs locaux, au premier rang desquels les communes.

Troisième chantier : la création de trois nouveaux parcs. Nous aurons donc douze parcs en 2012. Dans le budget 2009, celui consacré au parc a déjà été augmenté de 10 %.

Enfin, le dernier chantier concerne la promotion de ces parcs, aussi bien en France qu’à l’international, comme modèles de gestion d’un territoire. Dans ce domaine, je sais que je peux compter sur vous, monsieur le député,…

M. Marcel Rogemont. Et nous, alors ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État .…notamment parce que vous assurez la présidence de l’établissement public Parcs nationaux de France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Situation de la filière automobile

M. le président. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Marie-Lou Marcel. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

L'ensemble de la filière automobile subit la crise de plein fouet. Des mesures ont été prises en faveur des constructeurs, mais sans aucun engagement vis-à-vis de la sous-traitance sur le territoire national. Or la situation des sous-traitants est extrêmement inquiétante. Aucun n'est épargné, pas même le groupe ARCHE basé dans ma circonscription, à travers sa filiale S.A.M. Technologies qui emploie 600 personnes.

Ce groupe est le premier fondeur sous pression français et le numéro deux européen. Il participe activement à la revitalisation économique d'un bassin déjà durement éprouvé par la fermeture de la sidérurgie et des mines et s’est toujours distingué par un refus constant de délocalisation de sa production. Depuis septembre, son carnet de commandes se vide dangereusement, contraignant à la mise en chômage partiel d'une partie du personnel.

L'ampleur de la crise nécessite des mesures urgentes à la hauteur des enjeux. Le plan de sauvetage de l'industrie automobile en direction des constructeurs, plan deux fois inférieur au coût du renforcement du bouclier fiscal, néglige les sous-traitants et les salariés.

Des mesures de soutien au pouvoir d'achat des salariés pendant cette crise doivent être prises. Ces périodes de chômage doivent être mises à profit pour favoriser la formation individuelle, qualifiante et rémunérée.

Dans cet hémicycle, un plan de 160 millions d'euros a été annoncé pour la formation des salariés victimes du chômage partiel.

Ma question sera triple. Quelle sera concrètement la déclinaison de ce plan sur les sous-traitants de la filière automobile ? Quel sera son délai de mise en œuvre ? Enfin, quelles procédures simplifiées d'accès à la formation, mettrez vous en place ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation porte-parole du Gouvernement. Madame la députée, l’industrie automobile ne se résume pas aux seuls constructeurs automobiles. C’est la raison pour laquelle, contrairement à ce que vous indiquez, le pacte automobile, signé le 9 février dernier, laisse une large part aux actions en faveur de la sous-traitance. Celle-ci est, en effet, quelque peu victime d’une double peine : le ralentissement du marché et le déstockage des donneurs d’ordre, des constructeurs automobiles : ainsi, là où le marché automobile enregistre un fléchissement de 10 %, les sous-traitants automobiles connaissent, eux, une baisse de 30 %, voire de 40 %. C’est ce qui a justifié notre mobilisation pour la sous-traitance automobile.

Quatre mesures très concrètes ont été prises dans le cadre du pacte pour l’automobile.

La première est une disposition de facilitation de trésorerie. Toutes les PME de la sous-traitance ont besoin d’accéder à la trésorerie pour financer leurs projets. OSEO garantira leurs projets jusqu’à 90 %.

La deuxième mesure est une réponse à votre question. Il s’agit de l’engagement des constructeurs dans un fonds d’investissement pour renforcer les fonds propres des sous-traitants automobiles. Nous avons déjà pris une participation dans le groupe Trèves à hauteur de 55 millions d’euros.

Deux autres mesures essentielles ont été prises. Ainsi, grâce à la mise en place du code de bonnes pratiques, les relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants vont s’améliorer. Du fait d’un meilleur partage des risques des investissements et de la valeur, leurs relations seront moins conflictuelles.

Enfin, nous allons aider les PME de la sous-traitance à améliorer leur compétitivité, la gestion de leur production, en mettant à leur disposition des compétences en matière de Lean Manufacturing.

Vous le voyez, madame la députée, la sous-traitance n’a pas été oubliée dans le pacte automobile. Elle est même au cœur de ce plan pour la relance du secteur automobile. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Emploi des jeunes

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue, député non inscrit.

M. Daniel Garrigue. Monsieur le Premier ministre, la progression très forte du chômage s’accompagne d’une progression encore plus forte du chômage des jeunes après une augmentation de 23 % en 2008.

Nous savons que le plan de relance ne produira ses effets que lentement et que, dans les prochains mois, nous risquons de connaître de nouvelles aggravations du chômage et des aggravations plus que proportionnelles du chômage des jeunes.

Face à une telle situation, il convient de mettre en place des dispositifs appropriés. Après les emplois-jeunes, le « contrat jeune en entreprise », créé en 2002, mais supprimé le 1er janvier 2008, a concerné 240 000 jeunes.

Monsieur le Premier ministre, au-delà des mesures tendant à renforcer l’efficacité du pôle emploi, n’est-il pas désormais indispensable de mettre en place un dispositif d’une ampleur vraiment significative pour apporter aux jeunes de l’activité et aussi de la formation ? En effet, le chômage des jeunes devient, de nouveau, la première préoccupation des Français. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UMP et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi. Je vous remercie d’avoir posé cette question, monsieur Garrigue.

Vous avez raison, la situation de l’emploi des jeunes est particulièrement préoccupante. Oui, du fait de la crise, la situation de l’emploi se dégrade, tout le monde le sait, mais les principales victimes en sont les jeunes qui ont connu, au cours de l’année qui s’est écoulée, une augmentation du taux de chômage des moins de vingt-cinq ans de 23 %.

Nous travaillons sur ce sujet très étroitement avec Martin Hirsch, Xavier Darcos et Valérie Pécresse parce que tous les leviers, y compris ceux de l’orientation, doivent être utilisés.

Nous disposons, à ce stade, de trois pistes de travail.

Tout d’abord, et vous y avez fait allusion, comment développer tous les systèmes de formation par alternance permettant d’assurer aux jeunes une bien meilleure insertion professionnelle ? Nous pensons, notamment, à l’apprentissage, mais aussi aux contrats de professionnalisation. Il convient, en effet, de développer les places en entreprises parce que l’insertion et l’accès à l’emploi sont ensuite bien meilleurs.

Ensuite, comment faire en sorte que les jeunes, qui enchaînent souvent tout au long de leur parcours des contrats très courts, puissent être mieux accompagnés et mieux pris en charge par l’assurance chômage ? De ce point de vue, la convention d’assurance chômage négociée avec les partenaires sociaux permet une nette amélioration en ramenant le plafond de six à quatre mois, en complément des mesures annoncées le 18 février, y compris à partir de quatre mois. Ces mesures bénéficieront d’abord aux jeunes, principales victimes de la crise.

Enfin, comment favoriser les outils qui peuvent vraiment accompagner les jeunes face au dédale auquel ils se heurtent ? Je cite, à ce titre, et vous y avez fait référence, les missions locales, les contrats autonomie pour lesquels Fadela Amara se débat avec énormément d’énergie ou, enfin, les écoles de l’égalité et les écoles de la deuxième chance.

Aucun de ces outils ne doit être négligé. Une grande concertation a été menée, conjointement avec Martin Hirsch, auprès de tous les acteurs concernés par ces questions. Cela devrait nous permettre, d’ici au mois de juin, d’annoncer des dispositifs immédiats et d’autres mesures plus fondamentales, que nous piloterons en concertation avec les parlementaires.

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

2

Réforme de l’hôpital

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (n°s 1210 rectifié, 1441, 1435).

Discussion des articles (Suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’article 16.

Article 16

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, inscrit sur l’article.

M. Jean-Luc Préel. L’article 16, madame la ministre de la santé, concerne la permanence des soins.

La difficulté d’avoir accès à des soins le samedi, les jours fériés et la nuit est l’une des angoisses de nos concitoyens, ce qui explique en partie l’afflux aux services d’urgence des établissements, où, même s’ils attendent parfois longtemps, les patients sont assurés d’obtenir une consultation, un avis et un traitement.

Longtemps, la permanence des soins a été assurée par le médecin généraliste, pour qui ce service rendu à ses malades faisait partie d’une obligation morale, déontologique et éthique. Les mentalités ont évolué. Aujourd’hui, les médecins souhaitent avoir un peu de temps libre et une vie familiale, comme tous les Français, et la permanence des soins est basée sur le volontariat. Il convient donc de l’organiser.

Le rapport Grall a permis d’effectuer un point précis et ses propositions font l’objet, semble-t-il, d’un consensus. Elles sont d’ailleurs en grande partie reprises dans cet article 16, qui prévoit d’unifier la permanence des soins et l’aide médicale urgente et d’instaurer une régulation téléphonique commune avec un centre d’appel unique avec la participation des associations spécialisées.

La permanence des soins est reconnue comme une mission de service public, et son organisation sur le terrain, avec la définition de secteurs, devrait être de la compétence des ARS. Il convient bien sûr que ces secteurs soient fonctionnels, ni trop grands, ni trop petits. C’est un problème difficile à résoudre. Les dispositions proposées vont donc dans le bon sens.

Il reste cependant au moins trois problèmes qui ne sont pas totalement résolus.

Premier problème, la formation des permanenciers. Jean-Yves Grall avait insisté sur ce point, mais je n’ai rien trouvé dans le texte. La responsabilité des permanenciers est énorme, et leur compétence doit donc être assurée par une formation adaptée.

Deuxième problème, la couverture assurantielle des médecins. En effet, si l’assurance personnelle semble prévue, il n’en est pas de même de la responsabilité civile professionnelle, notamment pour les collaborateurs occasionnels du service public. Cette incertitude juridique mériterait d’être levée. Un amendement le prévoyait mais il semble avoir été victime de l’article 40.

Demeure enfin un problème récurrent, celui du transport sanitaire, avec des difficultés, des conflits d’intérêt entre les SMUR, le SDIS, les ambulanciers privés. Qui est appelé, dans quelles conditions, notamment sur la voie publique ? Ce point mériterait une clarification. L’année dernière, un conflit a opposé le général en chef des pompiers et le président des SAMU-SMUR. Qui envoie le moyen de transport le plus adapté ? C’est un problème qu’il faut résoudre sans mobiliser inutilement les pompiers volontaires qui ne devraient être appelés qu’à bon escient.

Reste enfin le problème des urgences, avec l’afflux. Il faut veiller à assurer une dotation suffisante en moyens humains et financiers. On vous a montré hier sur un plateau de télévision le fonctionnement d’un service d’urgences, où l’urgentiste demandait infirmières, aides-soignantes, brancardiers. Il y a aussi le problème des lits disponibles, pour que les patients devant être hospitalisés ne stationnent pas inutilement dans des couloirs dans l’attente d’un lit, avec notamment la nécessité d’organiser une vraie filière gériatrique car le problème se pose notamment pour les personnes âgées qui viennent pour une complication aiguë et ont ensuite du mal à trouver une place.

Vous voyez, c’est tout un programme !

M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre.

M. Claude Leteurtre. C’est un bon article, madame la ministre, et nous allons le voter. Vous me permettrez simplement d’être, si ce n’est corporatiste, du moins un peu « départementaliste ». Vous me comprenez puisque, venue en Basse-Normandie signer des accords sur le pôle santé libérale ambulatoire, vous aviez souligné tout le travail réalisé à l’époque par l’URML de Basse-Normandie et par trois médecins, le docteur Tonani, le docteur Leveneur et le docteur Dumay, médecin inspecteur de la DDASS. Avec de l’intelligence, de la bonne volonté et le souci de respecter le code de déontologie et le serment d’Hippocrate, ces trois médecins ont réussi à résoudre dès 2005 le problème de la permanence des soins et à créer un modèle exemplaire en Basse-Normandie, qui a été repris dans de nombreux départements.

Bien sûr, ils ont dû surmonter de nombreuses difficultés. Vous les avez aidés à en résoudre un certain nombre. Cette loi et cet article en particulier apportent de nombreuses réponses.

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Madame la ministre, vous avez pour objectif d’assurer à tous les citoyens l’accès à une offre de soins de qualité. Dans une intervention précédente, je vous demandais de procéder rapidement à une évaluation de l’ensemble des mesures existantes pour faire venir les professionnels de santé dans les zones rurales. Je persiste dans cette demande.

Je souhaite désormais appeler votre attention sur la permanence des soins et sur son inadéquation, particulièrement dans les zones rurales.

En effet, nous sommes enfermés dans un système de permanence des soins bricolé à la va-vite pour répondre aux fameuses grèves des gardes des années 2000. Les décrets de 2003 et de 2005 ont ainsi augmenté la tarification des heures de permanence, interposé une régulation téléphonique préalable, sectorisé les gardes en fonction des besoins de la population évalués de manière fantaisiste, pour enfin réaffirmer le principe selon lequel la permanence des soins est une mission de service public, mais soumise au volontariat.

En Lozère il y a trois secteurs sur 5 164 kilomètres carrés. Comment fonctionner dans de telles conditions ? Après être intervenus devant l’administration centrale, nous sommes passés de trois à cinq secteurs – peut-être en aurons-nous sept finalement. Mais il a fallu se courber face à cette administration puissante.

Dans mon département, je rencontre deux autres types de problèmes : l’articulation entre les cliniques privées et le centre hospitalier, qui, n’étant pas très claire, nuit à l’organisation de la permanence des soins, et l’absence d’un hélicoptère à l’année, qui contrecarre sérieusement la réponse médicale d’urgence.

Le centre 15 est à l’hôpital de Mende. La clinique, située à cinq minutes de l’autoroute A75, ne peut pas assurer le service d’urgence. Il faut donc une demi-heure de trajet en plus.

L’évaluation de ce système est sans appel. Le docteur Jean-Yves Grall vous a remis en 2007 un rapport dans lequel il qualifie la permanence des soins d’aléatoire, de peu fiable, fragile et coûteuse.

Les critiques viennent aussi directement du terrain. Ainsi, Mme Brigitte Robert, infirmière libérale depuis vingt-cinq ans, m’a écrit pour me faire part de ses difficultés : « Le service médical, nuit et week-end, est totalement mal construit : secteur trop vaste, médecins vieillissants qui n’ont plus envie de se déplacer, urgences surchargées, difficulté pour trouver des remplaçants étant donné la situation sinistrée de notre département, charge de travail énorme, longues distances à parcourir. Ma vie familiale est très perturbée par cette surcharge de responsabilité et la situation risque par ici d’exploser. »

Je ne sais pas, madame la ministre, qui, au sein de votre ministère, élabore ce type de document mais il y a un vraiment un problème, tout comme pour les cartes de sous-densité élaborées par les ARH et les URCAM, totalement idiotes, qui ne correspondaient à rien dans mon département.

Je profite de cette discussion pour vous interroger sur les maisons médicales. Qu’entend-on par ce terme ? Je vois en effet éclore les projets les plus divers sous cette dénomination : rattachement ou non à un hôpital local, installation de diverses professions médicales ou simple lieu de permanence des médecins, absence de cohérence territoriale. Il n’y aucune coordination de l’État en la matière, ce qui est d’autant plus grave que ce procédé est présenté comme la solution à la désertification médicale et aux problèmes de permanence des soins.

Dans notre société moderne, tout est prétexte à procès. Je ne voudrais pas que vous soyez un jour confrontée, vous ou votre successeur, à des mises en cause pour carence à agir de l’État.

Dans les territoires en difficulté, un citoyen pourrait fort bien engager la responsabilité administrative de l’État pour défaut d’agir ou, pire, pénalement, pour non assistance à personne en danger ou à territoire en danger.

Je prends date aujourd’hui en souhaitant que, lors des débats qui vont suivre sur la permanence des soins puis sur l’organisation des agences régionales de santé, vous nous fassiez connaître les engagements du Gouvernement en la matière. Je vous sais gré d’avoir apporté un certain nombre de réponses, notamment dans l’amendement sur les bourses. C’est une nouvelle réponse, avec une implication de la sécurité sociale, et cela correspond à des besoins réels en la matière.

Pour finir sur une note d’humour, ma vache va toujours aussi bien. Mes concitoyens, je ne sais pas. J’espère que nous pourrons enfin apporter des réponses très claires sur la permanence des soins et la présence de médecins dans les territoires.

M. Gérard Bapt. Ce n’est pas très clair.

M. le président. La parole est à M. Olivier Jardé.

M. Olivier Jardé. Madame la ministre, je profite de cet article qui vise à réformer les modalités d’organisation du dispositif de permanence des soins en médecine ambulatoire pour aborder la délicate question de l’accès aux soins.

Dans un nombre croissant de nos territoires, qu’il s’agisse d’espaces ruraux ou de zones urbaines sensibles, l’accès à un médecin, à un chirurgien-dentiste ou à une infirmière est de plus en plus difficile, notamment aux horaires de la permanence de soins, c’est-à-dire le soir et le week-end. Dans la Somme, par exemple, je le répète souvent, trois cantons n’ont pas de médecin généraliste.

Dans ces territoires, comme dans certaines villes, il est tout aussi difficile d’obtenir une consultation spécialisée dans un délai raisonnable. Pour avoir rendez-vous chez un ophtalmologiste, il faut attendre six mois.

Aussi, dans bien des cas, les services d’urgences sont-ils engorgés pour des problèmes qui n’en relèvent pas : c’est qu’ils doivent assurer à la fois les gestes urgents et la prise en charge de pathologies chroniques.

À l’inverse, dans les zones sur-dotées en offre de soins, les dépassements d’honoraires pratiqués par les professionnels sont parfois tels que les patients rencontrent de véritables difficultés financières pour accéder aux soins.

Ainsi, force est de constater que les Français ne sont pas tous égaux dans l'accès aux soins. Pis : si aucune mesure n'est prise à court terme, ces difficultés s'aggraveront en raison de la pénurie de professionnels de santé résultant d'une gestion très restrictive du numerus clausus dans les années 1980 et 1990.

Madame la ministre, il est urgent d’agir pour la permanence des soins. Il faut aussi résoudre plusieurs problèmes, comme celui de la formation des permanenciers qu’évoquait Jean-Luc Préel ; celui, récurrent, de l’organisation des urgences et du mélange entre pathologies urgentes et chroniques ; celui du transport sanitaire, qui fait intervenir les SMUR, les SDIS et les ambulances privées, ou encore celui des assurances des médecins.

M. Jean-Luc Préel. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. La question de la permanence des soins est extraordinairement complexe.

Nous constatons qu’elle est liée au problème des déserts médicaux puisque, en cas d’urgence durant la nuit ou le week-end, certains de nos concitoyens n’ont plus accès à une structure de soins ou à un médecin.

Madame la ministre, quel dommage que l’un de vos prédécesseurs ait agi si précipitamment en prenant le décret du 15 septembre 2003 relatif aux modalités d’organisation et à la permanence des soins ! Il a évacué la dimension déontologique de la permanence des soins…

M. Roland Muzeau. Très juste !

M. Gérard Bapt. Elle devrait pourtant s’imposer à tous les médecins, quelles que soient les conditions dans lesquelles ils exercent – évidemment, cela doit valoir pour les médecins libéraux.

Aujourd’hui, le fait d’avoir affranchi la médecine libérale de cette éthique nous pose des problèmes d’autant plus grands que cela a été fait sans aucune compensation.

Évidemment en matière de permanence des soins, il faut trouver un équilibre entre l’incitation et l’obligation, entre la rémunération et la coercition. Aujourd’hui, de nombreux médecins généralistes ne supportent plus que les gendarmes viennent leur apporter dans leur cabinet un ordre de réquisition signé par le préfet. La situation est due au fait que les pouvoirs publics ne sont pas parvenus à mettre en place des dispositifs qui répondent aux besoins. Certains pourraient être tentés, en particulier dans les zones où s’installent des déserts médicaux, d’en appeler à la multiplication des réquisitions, mais le choix de la coercition s’oppose, précisément, à la nécessité de rendre ces territoires plus attractifs.

Le jeune médecin ira-t-il s’installer, sans compensation financière, dans une région où il risque de connaître des difficultés en matière de vie quotidienne et familiale, s’il sait, par avance, qu’il pourra être réquisitionné ou soumis à des gardes très fréquentes – une nuit sur deux ou sur trois, un week-end sur deux ou trois ?

Madame la ministre, les solutions existent. Le rapport d’information de M. Bernier, issu des travaux de la mission d’information de la commission des affaires culturelles, présidée par M. Christian Paul, sur l’offre de soins sur l’ensemble du territoire fait ainsi une série de propositions. Sur le terrain, je citerai le cas de la Mayenne – M. Bernier ne me démentira pas. Dans ce département qui connaissait de grandes difficultés, une prise de conscience et une action locales ont permis que la grande majorité des médecins libéraux participent à un dispositif qui est contraignant, sans être dissuasif, et qui répond aux besoins de ce territoire en termes d’urgences médicales.

Vous confiez la responsabilité de cette question aux agences régionales de santé, nous y sommes favorables. Nous présenterons toutefois des amendements, en espérant que vous les prendrez mieux en compte que ceux que nous avions déposés sur les articles précédents…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Mais j’en tiens toujours compte, monsieur Bapt !

M. Gérard Bapt. Ils visent à mieux répondre aux besoins, et à permettre une coordination des acteurs afin que tous nos compatriotes puissent accéder à un médecin, comme ils le souhaitent si vivement.

(M. Rudy Salles remplace M. Marc Le Fur au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Rudy Salles,
vice-président

M. le président. La parole est à M. Marc Bernier.

M. Marc Bernier. Une bonne organisation de la permanence des soins permet d’attirer les jeunes médecins soit pour qu’ils s’installent dans des zones déjà déficitaires, soit pour qu’ils succèdent aux plus anciens. Si cette permanence est mal organisée, les dégâts peuvent être considérables.

En plus de leur désastreux effet économique, l’instauration des 35 heures et les RTT qui en découlent ont provoqué un indéniable changement des mentalités. Désormais, le temps libre est valorisé, et nos médecins, qui ont déjà des semaines de travail très chargées, voudraient préserver leurs week-ends. Il conviendrait donc de profiter de la mise en place des agences régionales de santé pour unifier et simplifier le pilotage de la permanence des soins. Il n’est ni normal ni envisageable qu’elle ne repose que sur quelques-uns : en l’organisant mieux, on allégera la charge de tous.

Dans le département de la Mayenne, alors qu’il y a un certain temps la situation était catastrophique – nous étions confrontés à une grève complète des gardes et nous avions dû réquisitionner les médecins –, aujourd’hui, sur les deux cents vingt neuf médecins libéraux, deux seulement ne participent pas à la permanence des soins. Quand les partenaires locaux, comme l’union régionale des médecins libéraux, le conseil de l’ordre et les services de l’État, réussissent à s’entendre sur le terrain, il est possible de mettre en place une plateforme de centre 15. Dans ce cas précis, sur des territoires de santé plus grands que le canton – la Mayenne a été divisée en huit secteurs – nous avons pu désencombrer les services d’urgences. En effet, la mission d’information sur la prise en charge des urgences médicales, à laquelle je participais, et dont Georges Colombier était le rapporteur, a montré que 50 % des personnes qui s’adressaient aux urgences n’avait rien à y faire.

Tout est donc lié : l’organisation de la permanence des soins est essentielle pour la qualité de vie des médecins, pour l’attraction des territoires aux yeux des futurs professionnels, et pour faciliter la succession des médecins déjà en place.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. La « permanence des soins » n’est rien d’autre que ce que tous les Français appellent « les gardes » – qu’il s’agisse des gardes de nuit ou des gardes du week-end.

La crise de la permanence des soins depuis une dizaine d’années constitue l’un des symptômes les plus manifestes et évidents – parfois même les plus cruels – de la progression du désert médical français. Elle résulte de la réticence d’une partie des médecins à assurer des gardes de façon régulière et provoque un sentiment d’angoisse, et parfois d’abandon dans de très nombreuses familles.

Madame la ministre, l’année 2003 a constitué un point de rupture. Cette année-là, sous la pression d’un mouvement social mené par les syndicats de médecins, l’un de vos prédécesseurs a mis fin au caractère obligatoire des gardes, sans toutefois mettre véritablement en place de système de substitution.

M. Jean Mallot. Voilà bien le problème !

M. Christian Paul. La décision elle-même peut faire l’objet d’un débat ; nous ne sommes pas partisans de l’immobilisme. On ne peut d’ailleurs pas nier que, pour les médecins, la fréquence des gardes joue sur l’attractivité des territoires ruraux ou des banlieues. Cependant, le gouvernement de l’époque pouvait-il supprimer l’obligation de garde sans mettre en place, dans le même temps, un système de remplacement ? Évidemment je pense à un dispositif complet et sérieux qui ne soit pas aussi aléatoire que ce que nous connaissons depuis six ans.

Actuellement, le système repose sur le volontariat, sur des formes de régulation qui ont bien fonctionné dans certains départements, mais mal dans d’autres, et sur une sectorisation départementale au sujet de laquelle de nombreux collègues, y compris des membres de la majorité, se sont déjà exprimés – en particulier en ce qui concerne la taille trop importante des secteurs et la difficulté des négociations.

Aujourd’hui, avec le rapport Grall et le rapport Bernier nous disposons d’une bonne photographie des dysfonctionnements du système. Quant au rapport Colombier – je participais également à cette mission d’information –, il montre bien que, lorsque la permanence des soins est mal assurée, les urgences hospitalières, y compris, parfois, dans les hôpitaux de proximité, finissent par accueillir des malades qui n’ont rien à y faire.

Comment résoudre ces problèmes ? Vous tentez de le faire, madame la ministre, dans l’article 16 de votre projet de loi. Une nouvelle fois, comme en ce qui concerne de nombreux articles du titre II, nous ne sommes pas opposés à votre proposition. Toutefois, nous devons dénoncer – ou au moins relever – ses manques et, en tout cas, son caractère trop limité.

Ce que prévoit le projet de loi n’est pas critiquable, mais nous avons d’autres propositions pour combler ce que nous qualifions de lacunes. Ainsi, nous aurions aimé trouver dans ce texte des éléments relatifs aux secteurs de garde. Il aurait au moins fallu dire qu’ils doivent être proportionnés géographiquement. Nous défendons cette position depuis le début de l’examen du titre II et nos débats sur les délais d’accès à la médecine de premier recours, aux services d’urgence et aux maternités. Il s’agit pour nous d’une obsession : il faut prendre en compte la géographie pour organiser le système de soins.

M. le président. Monsieur Paul, il faut conclure.

M. Christian Paul. Nous aurions aussi voulu trouver dans votre texte des éléments plus clairs concernant une rémunération pour la permanence des soins et le soutien au maisons médicales de garde, ainsi qu’un dispositif imposant une obligation de résultat.

En conséquence, parce que la permanence des soins est une mission de service public, nous défendrons un amendement qui permettra à l’ARS de rendre opposable un schéma régional de permanence des soins, dans le cas où, après une période de négociation, cette dernière demeure insuffisante dans un département.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Je ne reviendrai pas sur la regrettable décision de M. Jean-François Mattei qui en 2003 a supprimé le caractère obligatoire des gardes.

Les travaux de la commission des affaires économiques, saisie pour avis de ce projet de loi, font parfaitement le lien entre la question de la permanence des soins et celle de la démographie médicale. Je vous cite un extrait de l’avis rédigé par M. Flajolet : « La contraction de l’offre de soins sur le territoire se révèle particulièrement à travers le prisme de la permanence des soins. […] L’impossibilité d’accéder à un médecin de permanence pendant la nuit ou le week-end peut avoir des conséquences dramatiques pour la santé du malade. Bien souvent, elle aboutit à un report de la demande vers le service d’urgences hospitalières le plus proche. »

À mi-chemin entre la décision prise par M. Mattei et le constat qu’elle est bien obligée de faire, la commission des affaires économiques en est venue à adopter un amendement n° 217 qui a pour but, selon son exposé sommaire, d’affirmer que : « Tout praticien, quels que soient son statut et son exercice professionnel, a vocation à participer à la permanence des soins selon des modalités fixées par contrat avec l’agence régionale de santé. » On lit bien dans les mots « vocation à participer » l’embarras du rapporteur pour avis.

Un autre rapport, celui de Marc Bernier et Christian Paul, est souvent évoqué dans nos débats. Or, outre plusieurs propositions, ce rapport comporte une contribution spécifique des députés socialistes, qui a le mérite d’établir un lien entre la permanence et l’accessibilité des soins. En effet, nous suggérons notamment que des normes soient fixées en matière de délai d’accès aux soins de premier recours – trente minutes pour un service d’urgences, quarante-cinq minutes pour une maternité – et de délai d’attente pour l’accès aux spécialistes. Nous demandons également que les dépassements d’honoraires soient plafonnés afin de surmonter les obstacles financiers à l’accès aux soins.

Quant au rapport, très intéressant, de M. Boënnec sur la permanence des soins, une grande partie de ses recommandations ne sont pas reprises dans le projet de loi, et c’est regrettable. Je pense en particulier à une mesure qui permettrait sans aucun doute d’améliorer la situation : l’information de la population sur les bonnes pratiques en matière de permanence des soins, qui contribuerait à rationaliser les comportements. Une partie du problème vient en effet de ce que nos concitoyens ne sont pas informés. Il serait donc utile, madame la ministre, que cette question soit traitée de façon efficace dans le projet de loi.

Je terminerai en abordant un point qui mérite d’être précisé. Dans mon département, les médecins libéraux se sont entendus avec le préfet pour réorganiser la permanence des soins. Ils se sont ainsi réparti les gardes, mais le compte rendu de leurs travaux fait état d’une convention signée entre le conseil de l’ordre des médecins et l’État prévoyant la création de huit maisons médicales de garde dans le département. C’est très bien. Mais qui va les financer ? Ne va-t-on pas, une fois de plus, se retourner vers les collectivités locales, pourtant démunies, afin qu’elles suppléent aux carences de la solidarité nationale ? Ce point me semble devoir être éclairci.

M. Christian Paul. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Madame la ministre, je veux insister une nouvelle fois sur la fracture qui s’est produite en 2003, lorsque les médecins libéraux ont cessé d’être assujettis à l’obligation d’assurer la permanence des soins, c’est-à-dire les services de garde. Une autre orientation a alors été prise, qui s’éloigne des prescriptions du serment d’Hippocrate et qui suscite quelques inquiétudes quant à l’état d’esprit de certains médecins libéraux, qui se sont empressés de s’engouffrer dans cette brèche. Actuellement, les médecins sont suffisamment nombreux, mais ils sont mal répartis sur le territoire. Il va donc falloir remédier à ce problème afin d’assurer la permanence des soins.

Parmi les mesures prévues à l’article 16, figure la création d’un numéro de téléphone unique pour les urgences. Or je ne suis pas certaine que ce soit la bonne solution. En effet, l’expérience de terrain nous enseigne que, lorsqu’ils ont besoin d’une aide un jour férié, le dimanche ou la nuit, nos concitoyens savent d’eux-mêmes s’ils doivent faire appel au service des urgences ou à la médecine ambulatoire.

Par ailleurs, je m’interroge sur le dispositif des maisons médicales de garde, qui sont nées de la volonté de médecins libéraux d’agir dans ce domaine après la fracture de 2003. Je connais ainsi le cas d’une de ces maisons, située à Toulouse, qui cherche encore à conclure une convention avec un établissement public pour pouvoir fonctionner correctement. En outre, elle rencontre des difficultés pour survivre, puisque le FIQCS, qui a succédé au FAQSV et qui est censé assurer le financement pérenne de ces maisons, se retrouve dans l’obligation de réclamer des fonds tous les trois mois. Au final, ce sont donc les collectivités locales, notamment la mairie, qui sont sollicitées, alors que ces maisons exercent une action de santé publique, qui relève, me semble-t-il, des missions régaliennes de l’État.

J’ajoute que d’autres professionnels pourraient participer à la permanence des soins. Ainsi les pathologies courantes, notamment les épidémies de grippe ou de gastro-entérite, qui, à l’évidence, ne relèvent pas des services d’urgence des établissements hospitaliers, pourraient parfaitement être prises en charge par les pharmaciens, par exemple, dont je rappelle que, depuis 2006, ils sont assujettis à l’obligation d’assurer la permanence des soins. Il conviendrait donc de solliciter ces professionnels, qui sont tout à fait capables de soigner, dans le cadre de protocoles définis par la Haute autorité de santé, les personnes atteintes de pathologies courantes. Cela permettrait d’éviter l’engorgement des services d’urgence.

Enfin, madame la ministre, puisque vous n’y avez pas répondu, permettez-moi de revenir sur la question que je vous ai posée, hier, lors des questions au Gouvernement. Quand bien même réussirions-nous à organiser une permanence des soins parfaite dans notre pays, certaines personnes resteraient éloignées du système de soins, à cause des franchises et des forfaits. Nous vous avons apporté hier, dans cet hémicycle, une pétition qui a recueilli la signature de 250 000 personnes – 700 000 depuis le début de la campagne – opposées aux franchises et soucieuses de défendre l’accès aux soins.

Que comptez-vous faire pour ces personnes, handicapées ou touchant une petite pension de retraite, qui pourraient faire soigner leur gastro-entérite à côté de chez elles, mais qui y renoncent à cause des franchises ?

M. Yves Bur. C’est du Zola !

Mme Catherine Lemorton. Pas du tout. C’est la vie de tous les jours, et je suis désolée, cher collègue de la majorité, que vous ignoriez ce type de situation.

M. Jean Mallot. M. Bur ne connaît pas ses concitoyens !

M. Yves Bur. Bien sûr que le cas existe. Mais qu’ils aillent voir leur pharmacien.

Mme Catherine Lemorton. Madame Bachelot, les représentants des 700 000 Français qui ont signé cette pétition vous ont demandé de les recevoir. Allez-vous, oui ou non, accéder à leur demande ?

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. L’article 16, qui traite du sujet ô combien fondamental de la permanence des soins, permet de souligner une des caractéristiques de notre système de soins : l’existence d’une médecine pré-hospitalière très performante, qui supplée d’ailleurs très souvent aux carences de la médecine ambulatoire.

L’organisation de la permanence des soins est tout à fait nécessaire, dans la mesure où elle doit permettre le désengorgement de nos hôpitaux, en particulier de leurs services d’urgences. À cet égard, l’article 16 contient des propositions intéressantes, parmi lesquelles figure la création d’un numéro d’appel unique.

Mais je souhaiterais insister sur la régulation médicale de la permanence des soins. En effet, ainsi que l’ont souligné un certain nombre de nos collègues, ce dispositif fondamental permet d’inciter un certain nombre de médecins à se réinscrire sur les tableaux de gardes, car ils savent qu’ils seront sollicités pour des actes importants. Ce dispositif existe aujourd’hui depuis un certain temps et il me paraît nécessaire de l’évaluer, de fixer des critères et de demander à la Haute autorité de santé de définir des protocoles précis. Car si l’on veut former, informer et responsabiliser nos concitoyens, il est important qu’à une question donnée ils reçoivent toujours la même réponse. Or, actuellement, ce n’est pas le cas : à une même demande, on peut donner un conseil médical, proposer un transport en ambulance vers l’hôpital, ou suggérer une consultation médicale ou une visite médicale à domicile. Il y a donc beaucoup à faire dans ce domaine, pour le plus grand profit de nos concitoyens.

J’ajoute que, pour que les mesures intéressantes contenues dans cet article soient valables, il faut que les effecteurs existent. Or nous savons que les médecins libéraux manquent dans bon nombre de territoires, que la sectorisation pose problème et que des normes d’accès devraient être définies. Se pose, en outre, le problème des zones blanches horaires. Dans certains territoires, il est en effet parfois impossible de trouver une réponse ambulatoire entre minuit et huit heures du matin. Ces zones blanches sont rares, mais elles existent, et nous y consacrons parfois des moyens disproportionnés. Les ARS devront donc apporter à ce problème une réponse adaptée à chaque territoire.

Enfin, les difficultés actuelles liées à la permanence des soins sont notamment dues à la démographie médicale et au manque de réponses opérationnelles contenues dans le texte. J’ajoute, madame la ministre, qu’en transformant l’obligation en volontariat, l’un de vos prédécesseurs a pris une mesure délétère, qui a complètement modifié la relation du médecin et des citoyens.

M. Marcel Rogemont. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Philippe Boënnec.

M. Philippe Boënnec. La permanence des soins suscite l’inquiétude de la population, car elle donne un sentiment de désorganisation et d’un manque de visibilité. Pourtant, paradoxalement en 2006, elle a coûté 600 millions d’euros, ce qui n’est pas rien, et qu’en France, le taux de morbidité et le taux de mortalité sont satisfaisants. On peut donc en conclure que la permanence des soins est efficace, mais inefficiente.

Par ailleurs, il est vrai que l’égalité d’accès au service public de la santé pose problème, la situation étant différente selon que l’on vit en ville, en banlieue ou à la campagne.

Monsieur Mallot, il me semble que Mme la ministre et ses services ont bien étudié les conclusions du rapport qui m’a été confié sur la permanence des soins, puisque le projet de loi reprend quelques-unes de mes recommandations. Et je ne peux faire l’impasse sur l’excellent rapport de nos collègues Marc Bernier et Christian Paul, rédigé à l’issue de la mission d’information sur l’offre de soins, à laquelle j’ai également participé. Nous devons continuer à faire preuve dans l’hémicycle de l’esprit consensuel ayant présidé aux travaux de cette mission comme nous nous accordons sur la façon dont, dans son rapport, le docteur Jean-Yves Grall qualifie le dispositif de permanence des soins d’« aléatoire, instable, fragile ».

Dans le projet de loi qui nous est soumis, la permanence des soins est structurelle depuis le départ, avec la mise en place des agences régionales de santé, qui vont permettre de revoir le problème au niveau régional. Le directeur se verra investi du rôle fondamental consistant à mener le dialogue avec les différentes parties en vue de la mise en œuvre d’un schéma régional – qui devra impérativement prendre en compte la médecine ambulatoire. Nous aurons l’occasion de revenir sur ces questions lors de l’examen de certains amendements.

Dans le rapport qui m’a été confié, je propose que la réforme de la permanence des soins s’organise selon cinq axes majeurs. Le rôle confié aux agences régionales de santé, que je viens d’évoquer, constitue le premier de ces axes. Il convient également de fonder le nouveau dispositif sur un volontariat formalisé par la conclusion de contrats ; de charger les centres de régulation médicale du pilotage opérationnel du dispositif ; comme l’a dit M. Mallot, d’informer la population sur les bonnes pratiques en matière de permanence des soins, le patient étant un acteur de santé qui a des droits, mais aussi un rôle citoyen à jouer ; enfin, de former davantage les jeunes médecins à l’exercice de la médecine de premier recours – il me paraît tout à fait anormal qu’à l’heure actuelle, les étudiants en médecine n’effectuent pas de stages dans les centres de régulation durant leur formation.

Puisque je ne dispose que de peu de temps, je ne citerai que quelques-unes des propositions figurant dans mon rapport. J’estime qu’il faut compléter le réseau des pôles de premier recours par des médecins mobiles ; fondre en une seule enveloppe – conformément à ce que préconise M. Préel – les dotations financières correspondant à l’aide médicale urgente et à la permanence des soins afin de répondre, notamment, à la saturation des services d’urgence, conférer aux directeurs des agences régionales de santé la compétence de mener des expérimentations ; enfin, je crois qu’il faut permettre à certaines catégories de médecins de prendre part à la permanence de l’offre de soins – je pense en particulier aux jeunes retraités, aux salariés ou aux jeunes internes –, afin que les médecins généralistes installés ne soient pas les seuls à assumer cette permanence, et permettre une délégation de certaines tâches au bénéfice des personnels paramédicaux.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Madame la ministre, environ 10 000 médecins libéraux exercent des spécialités à risques importants – notamment la chirurgie, l’obstétrique, l’anesthésie – et se trouvent aujourd’hui confrontés à des difficultés d’assurance de leur responsabilité civile professionnelle, dont les primes sont très élevées. De ce fait, il existe des lacunes dans la couverture de certains risques. En vertu des textes régissant le système d’assurance médicale des obstétriciens, les assureurs ont le droit de plafonner leurs garanties et appliquent tous un plafond de trois à six millions d’euros, inférieur aux indemnités les plus élevées – sept millions d’euros – accordées à ce jour par les tribunaux. Ce plafond de garantie sera encore en vigueur lorsque l’indemnisation définitive sera fixée à la majorité de l’enfant né avec un handicap, dans vingt ans. Après vingt ans d’inflation sans excès, nous devons prévoir le cas où les indemnités auront atteint quatre fois les sept millions d’euros, c’est-à-dire une somme dépassant largement le plafond de trois à six millions d’euros. En effet, l’article L.1142-15 du code de la santé publique prévoit que l’ONIAM prenne en charge l’indemnisation avant de se retourner contre le médecin en cause afin de récupérer les sommes versées à la victime. Nous sommes bien là en présence d’un trou de garantie.

L’un de nos collègues sénateurs a déposé, lors de l’examen du PLFSS 2009, un amendement remédiant à ce problème en supprimant le recours de l’ONIAM contre le médecin. Cet amendement a malheureusement été retiré à la demande du Gouvernement – une demande fondée sur des arguments faux et totalement décalés par rapport au problème exposé. C’est une véritable épée de Damoclès qui se trouve, de ce fait, placée sur la tête des obstétriciens et de leurs familles. Il importe donc de clarifier le cadre législatif et d’éviter les recours contre les praticiens au-delà du plafond de garantie.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Madame la ministre, j’estime que la permanence de soins doit faire partie intégrante du métier de médecin – le généraliste comme le spécialiste.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Très bien !

M. Jean-Pierre Door. Cependant, on assiste depuis quelques années à une transformation des esprits au sein du corps médical, correspondant à la recherche de conditions de travail plus sereines et plus équilibrées. Un excellent rapport sur la permanence des soins émanant de l’ordre national des médecins, déjà cité à plusieurs reprises, vient de paraître. Cet état des lieux montre que le nombre de secteurs est quasiment stable et que le nombre de départements concernés par les réquisitions a diminué entre 2007 et 2008. Il montre également que les maisons médicales de garde, que nous appelons tous de nos vœux, existent déjà et sont même passées de 250 l’an dernier à près de 400 aujourd’hui. Ce n’est qu’en matière de volontariat qu’il semble y avoir un problème, un certain essoufflement étant apparu depuis quelques années ; le pourcentage de volontaires reste tout de même supérieur à 60 % dans 75 % des départements. Les causes de cet effritement sont multiples : la démographie pose problème dans certaines régions, mais il est possible que le statut de service public soit un peu oublié ou pris à la légère par certains professionnels ; il peut également y avoir des incompréhensions entre les médecins et les caisses, notamment en ce qui concerne le financement des astreintes.

Votre texte me semble aller dans le bon sens, madame la ministre, dans la mesure où il constitue un progrès dans plusieurs domaines. Ainsi, le numéro de téléphone unique doit permettre d’orienter les vraies urgences vers la permanence de soins sectorisée. Il me paraît nécessaire de rappeler avec force que la permanence des soins est une mission de service public inscrite dans la loi depuis de nombreuses années, ce que l’on a tendance à oublier un peu trop souvent.

La question de la nature de la permanence de l’offre de soins se pose parfois : doit-elle rester fondée sur le principe du volontariat, ou revêtir le caractère d’une obligation ? Dans la seconde hypothèse, encore faudrait-il définir à qui incombe cette obligation. À côté des médecins purement généralistes, on en trouve d’autres qui, s’ils ont choisi de s’orienter vers l’homéopathie, l’acupuncture, ou toute autre spécialité, n’en sont pas moins omnipraticiens. Déterminer qui, parmi ces médecins, n’est pas trop éloigné de la médecine d’urgence pour participer à la permanence de l’offre de soins, est très délicat.

Je crois également que nous devons favoriser le dispositif des maisons médicales de garde. Madame la ministre, vous avez visité dans ma circonscription une maison médicale de garde qui, réunissant une cinquantaine de médecins au sein d’une communauté d’une quinzaine de communes, fonctionne parfaitement. Ce système mérite d’être développé, en faisant en sorte de renforcer les relations entre la maison médicale et le service des urgences de l’hôpital.

Enfin, comme l’a fait mon collègue Philippe Boënnec, il me paraît nécessaire de rappeler que les urgences doivent être ramenées à ce qu’elles sont par essence et qu’il ne faut pas faire appel à ce service pour tout et n’importe quoi. C’est là, sans doute, une question d’éducation des assurés sociaux, qui doivent prendre conscience du fait que les médecins ne sont pas disponibles pour n’importe quel problème, à n’importe quel moment.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Sans vouloir faire du Zola, je voudrais évoquer des situations qui se présentent au quotidien, comme celles de ces personnes âgées vivant seules dans des hameaux isolés et qui, se trouvant sans personne à qui demander de l’aide lorsque leurs voisins sont partis travailler en ville ou se sont absentés pour le week-end, finissent par composer le 15 lorsqu’elles sont victimes d’un problème de santé. Je veux également faire état de courriers que m’ont adressés des personnes qui, ayant appelé le 15, ont ensuite dû attendre des heures dans l’angoisse avant de recevoir une réponse…

Mme Catherine Génisson. Pas des heures, tout de même ! C’est impossible !

M. André Chassaigne. …ou se sont vu répondre qu’aucun véhicule n’était disponible pour les prendre en charge. C’est là un véritable problème, auquel sont confrontées les personnes âgées, mais aussi, parfois, les familles comportant des enfants.

Une autre situation préoccupante est celle qu’entraîne, en particulier pour les personnes âgées, de départ de leur médecin traitant, ayant pris sa retraite ou ayant trouvé des conditions de travail plus attrayantes dans un autre secteur. Leur grande crainte est de ne pas trouver un autre médecin pour se faire soigner.

L’inquiétude n’est pas seulement le lot des patients. Elle peut également toucher les médecins, par exemple lorsque l’hôpital de proximité, ne disposant plus d’un plateau technique ouvert 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, n’offre plus les mêmes garanties qu’auparavant.

M. Christian Paul. L’hôpital d’Ambert !

M. André Chassaigne. L’hôpital d’Ambert est effectivement l’un des exemples que l’on peut citer.

Cette inquiétude est elle-même susceptible de provoquer le départ d’un médecin, lorsque celui-ci trouve une offre plus intéressante ailleurs – j’ai déjà vu le cas se produire.

Les élus peuvent, eux aussi, être amenés à culpabiliser et à se poser des questions au sujet de la permanence des soins. Tel ou tel conseil municipal pourra, ainsi, longuement débattre pour déterminer s’il est ou non opportun de dépenser 40 000 euros pour permettre l’installation d’un médecin roumain, ou pour décider de l’emplacement de la future maison de santé, qui pourra éventuellement avoir vocation à couvrir plusieurs communes. Le projet de loi et les amendements adoptés en commission contiennent, je le reconnais, quelques réponses. Certaines d’entre elles reprennent d’ailleurs des propositions formulées par des habitants de ma circonscription, intégrées à une proposition de loi que j’ai déposée il y a deux mois. Je pense notamment aux maisons de santé ou aux bourses accordées aux jeunes médecins – un système dont je connais l’efficacité, dans la mesure où j’en ai personnellement bénéficié lorsque, jeune instituteur, je me suis engagé à enseigner au moins dix ans dans le même département en contrepartie de la prise en charge de mes frais de scolarité à l’école normale. La suppression du numerus clausus tel qu’il est actuellement conçu me semble également aller dans le bon sens.

Malheureusement, certaines de nos propositions ont été rejetées au titre de l’article 40. Il en a été ainsi d’un amendement que j’avais déposé, visant à instaurer une forme de rémunération forfaitaire tenant compte des tâches spécifiques incombant, sur le plan administratif, aux médecins assurant des permanences.

On peut aussi se demander jusqu’où peut et doit aller la coercition en matière d’installation des médecins : si l’on peut interdire l’accès à un territoire où les médecins sont déjà assez nombreux, peut-on aller jusqu’à obliger un médecin à s’installer dans un secteur où la présence médicale est insuffisante, ou cela remet-il fondamentalement en cause le caractère libéral de la médecine ?

De la même façon, ne faudrait-il pas que les radiologues, les ophtalmologues, les dermatologues ou d’autres spécialistes encore participent à la permanence des soins ? Nous avons déposé des amendements en ce sens. Certes, une telle disposition peut paraître coercitive. Mais, dans la mesure où cela permettra de répondre à un besoin collectif, c’est une coercition citoyenne.

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Madame la ministre, comme cela a été dit, la permanence des soins soulève de vives inquiétudes. Celle-ci devrait permettre de maintenir la continuité et l’égalité de l’accès aux soins sur l’ensemble du territoire. Or nous sommes nombreux à constater l’existence de fortes disparités, notamment en zone rurale et en zone de montagne où il est nécessaire de prendre en compte les spécificités physiques, climatiques et démographiques. Ce texte reste néanmoins totalement muet s’agissant de ces territoires et de leurs particularités. Votre action a même eu pour effet d’amplifier ces disparités.

En effet, votre circulaire de février 2008 a diminué le nombre de secteurs de garde en médecine générale, pour remplir l’objectif comptable de l’extension de la permanence de soins à enveloppe constante. Or les premières victimes de cette mesure ont été les départements ruraux et en particulier de montagne. Ainsi, dans le département de l’Ariège, le nombre de secteurs de garde est passé de dix-neuf à cinq.

Je me permets de rappeler qu’il s’agit de territoires qui, par leurs caractéristiques géographiques – zones de montagne, routes sinueuses – et climatiques – neige pendant plusieurs mois de l’année –, ne peuvent répondre à une logique comptable kilométrique. La logique qui doit prévaloir est celle de la durée de trajet, forcément variable en fonction des conditions météorologiques.

De plus, ces territoires à faible densité de population ont comme dénominateur commun d’avoir une population âgée et vieillissante pour laquelle les déplacements sont difficiles alors que les besoins en soins sont de plus en plus fréquents.

Les impératifs d’égalité d’accès, de proximité et de qualité de l’offre de soins exigent, en montagne, des dispositifs législatifs et réglementaires particuliers qui tiennent compte des spécificités géographiques, climatiques et démographiques. Or votre texte ne répond pas à ces préoccupations. À l’heure où les populations de ces territoires subissent plus encore les conséquences des problèmes économiques et sociaux acuels, il est nécessaire d’inscrire cette démarche au sein d’une dynamique globale de revalorisation et de revitalisation des zones rurales et de montagne en y garantissant le maintien des services publics – poste, école, gendarmerie – et, bien sûr, la permanence des soins. Bref, l’inverse de la politique menée actuellement par le gouvernement auquel vous appartenez.

En effet, l’attractivité de nos départements ruraux de montagne se mesure aux offres de services et de soins que les citoyens peuvent y trouver. Ne pas répondre à cet enjeu les pénalise doublement et durablement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Qu’ils habitent Bordeaux ou les Landes, bien souvent, la permanence des soins évoquent d’abord pour nos concitoyens l’encombrement des hôpitaux et l’impossibilité pour ces derniers de répondre dans de bonnes conditions à leurs besoins de santé.

Les hôpitaux, obligés d’accueillir ceux qui s’y présentent, sont engorgés mais nombre des personnes qui concourent à cet engorgement n’ont souvent rien à y faire. Cette situation finit par porter atteinte à l’image de l’hôpital qui peut souffrir d’un déficit de confiance dans la performance. Enfin, la mauvaise prise en compte de l’urgence dans les hôpitaux produit également du déficit. La permanence des soins repose finalement uniquement sur l’hôpital et gomme une partie de la cause de l’engorgement.

La question majeure est bel et bien celle-ci : pourquoi les hôpitaux sont-ils engorgés, notamment la nuit et les jours fériés, par des personnes qui n’ont rien à y faire ? Il est vrai que vos prédécesseurs, madame la ministre, ont transformé l’obligation de participer à la gestion des urgences pour les médecins libéraux en simple volontariat. Comme l’a souligné l’un de nos collègues, dès lors qu’ils n’y étaient plus obligés, les médecins, dont nombre d’entre eux ont une conscience professionnelle élevée, ont eu cependant tendance à ne plus faire de garde. Avec le temps, les choses se sont donc dégradées.

Pourquoi a-t-on supprimé cette obligation en 2003 ? Sans doute les conditions de travail des médecins étaient-elles au cœur de la préoccupation. Il faut donc aborder ce point. Notre groupe a fait des propositions en la matière. Il s’agit de rendre cette médecine plus collective et de l’asseoir sur une pratique pluriprofessionnelle. Il importe de disposer de pôles – centres de santé, maisons de santé – sur lesquels la médecine ambulatoire pourra s’appuyer pour participer à la permanence des soins. Voilà la voie à suivre ! Madame la ministre, il faut accompagner avec plus de force toutes ces pratiques de médecines collectives, qui impliquent aussi les infirmières, par exemple. Il faut avoir une vision beaucoup plus globale de la pratique médicale.

Vous apportez un certain nombre d’éléments de réponse dans l’article 16. La permanence téléphonique, notamment, est tout à fait indispensable.

S’agissant des pénalités que vous voulez doubler pour les médecins refusant une réquisition, je souhaiterais savoir combien d’amendes ont été infligées sur une année. Nous verrons dans quelle proportion a été utilisé l’arsenal disponible. À mon sens, le doublement des pénalités n’est pas forcément la meilleure des réponses.

M. le président. La parole est à M. Jacques Domergue.

M. Jacques Domergue. L’article 16 est fondamental car il porte sur l’un des problèmes que nous devons nous efforcer de résoudre. Madame la ministre, vous n’y êtes pour rien, mais, depuis 2003, la permanence des soins n’est plus une obligation. Or le caractère facultatif de la participation a malheureusement entraîné une sorte de dérive. Aujourd’hui, seuls 50 à 60 % des médecins participent à la permanence des soins : la moitié d’entre eux, pratiquement, s’y sont soustraits. Pourquoi en sommes-nous arrivés là ?

Mme Michèle Delaunay. Bonne question !

M. Jacques Domergue. On a créé à la suite du rapport Steg sur les urgences, qui ne date pas d’hier, un véritable réflexe pavlovien chez nos compatriotes, qui, chaque fois qu’ils ont un problème, vont aux urgences.

Mme Catherine Génisson. S’ils vont à l’hôpital, c’est qu’ils n’ont pas d’autres solutions !

M. Christian Paul. Ce n’est quand même pas par plaisir !

M. Jacques Domergue. Au début, cela n’a pas été facile. Mais on a progressivement doté les hôpitaux de moyens importants sur l’ensemble du territoire.

Mme Michèle Delaunay. Le problème vient donc du fait qu’il y a trop de moyens dans les hôpitaux !

M. Jacques Domergue. Et aujourd’hui, dès qu’ils ont un problème, les Français ont le réflexe d’aller aux urgences.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est vrai !

M. Christian Paul. Non !

M. Jacques Domergue. Le phénomène s’est encore accentué dernièrement et il faut comprendre pourquoi. C’est sans doute dû au fait qu’aux urgences, il n’y a rien à payer.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. On paye aux urgences !

M. Jacques Domergue. Pas tout de suite et souvent on ne paye pas du tout. C’est bien le problème ! Aujourd’hui, le système s’organise et la situation s’enkyste. Mais peut-on continuer ainsi ?

Comme l’a dit Jean-Pierre Door, la permanence des soins est une obligation médicale, cela fait partie du métier. Les médecins ici présents ont tous participé à la permanence des soins. C’est une obligation mais c’est aussi une contrainte. Or, le rythme de vie, les exigences de qualité de vie ont changé aujourd’hui, et nos confrères, plus jeunes notamment, ont des aspirations différentes. Cela étant, la contrainte est d’autant plus lourde que peu de professionnels contribuent à assurer la permanence des soins. Dès lors que tout le monde met la main à la pâte, elle devient plus légère.

M. Roland Muzeau. C’est pourquoi il faut le rendre obligatoire.

M. Jacques Domergue. La question est donc de savoir si l’on peut laisser le système voguer au gré du temps à partir d’un caractère aléatoire et optionnel, ou s’il faut en revenir aux obligations du métier de médecin.

M. Roland Muzeau. Eh oui !

M. Jacques Domergue. On l’a dit, certains médecins quittent la médecine générale et vont vers des spécialités médicales pour se soustraire à la permanence des soins. Que se passera-t-il si l’on renforce le caractère obligatoire, même si des dérogations seront, bien sûr, toujours possibles – des instances seront habilitées à en délivrer aux médecins qui ne pourront pas participer à la permanence des soins. Avec les maisons médicales, nous avons, en partie mais pas totalement, répondu au problème. En effet, un potentiel médical est aujourd’hui exclu d’une activité utile pour nos concitoyens.

Le problème que nous rencontrons en médecine générale se retrouve également en médecine de spécialités. En milieu urbain, on pourrait optimiser le système en prévoyant des complémentarités dans la permanence des soins entre professionnels publics et privés. Cela correspondra à ce à quoi aspirent les jeunes : une activité professionnelle mais aussi un rythme de vie en conformité avec leurs attentes.

M. Christian Paul. On verra les amendements.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. L’article 16 traite d’un sujet très important, celui de la continuité des soins. Celle-ci est actuellement très altérée, ce qui conduit à deux difficultés : un déficit de praticiens la nuit et les week-ends, une surcharge des services d’urgence contraints d’accueillir des patients dont l’état ne justifie pas leur traitement dans un service hospitalier.

Dans les deux cas, cette situation met en danger la sécurité des patients. Il est en effet impératif qu’ils puissent être examinés dans les meilleurs délais par un médecin qui pourra les traiter et/ou décider de les orienter vers un service hospitalier.

Il est évident que l’organisation de la permanence des soins relève de la responsabilité de l’État, avec une participation des élus que nous sommes.

Il est tout aussi évident qu’elle ne saurait être mise en œuvre uniquement par des praticiens exerçant dans les établissements publics. Je dirai même de moins en moins, au fil du temps, puisque vous ne cessez de fermer des structures de soins.

Je rappelle également que la suppression, en 2003, par votre majorité, de l’obligation de participer à la permanence des soins a des conséquences désastreuses. Nous l’avons déjà dit dans notre motion de renvoi en commission : pour un médecin, assurer la continuité des soins fait partie de son engagement professionnel, de l’éthique. et des exigences liées à la profession qu’il a choisie en pleine conscience.

La question de sa participation à la permanence des soins ne devrait donc pas se poser, particulièrement dans un pays où l’enseignement est pris en charge par l’État et la rémunération de tous les médecins étroitement liée à l’argent public de la sécurité sociale. Il est encore heureux que 43 % des médecins généralistes y participent sur la base du volontariat.

Pour avancer sur cette question, il faut au moins deux choses : une volonté politique et une faisabilité. Une volonté politique, car la participation de tous les praticiens à cette activité indispensable ne se discute pas. Une faisabilité car les conditions dans lesquelles ces astreintes sont mises en place doivent en revanche être discutées. Que l’on soit généraliste ou spécialiste, il y a lieu d’examiner à quel rythme ces astreintes s’effectuent – personne ne peut travailler jour et nuit sans pause, ni tous les week-ends –, pour quelle rémunération – il va de soi que le travail de nuit, du dimanche et des jours fériés doit bénéficier d’une indemnisation spécifique – et dans quelles conditions car on ne peut assurer seul, sans être entouré par une structure, les diagnostics et les soins, en particulier la gestion des urgences.

Il est indispensable et urgent que le Gouvernement prenne ses responsabilités dans ce domaine. Et nous regrettons que ce texte ne le fasse pas, car dans les prochaines années, la situation va encore s’aggraver.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. La permanence des soins est un beau mot mais, quoique compréhensible, le virage qu’elle a dû prendre en 2003 est regrettable. Il est compréhensible car la médecine a beaucoup changé ; dans bien des cas, elle est devenue très technique, et le médecin qui assure une garde, seulement muni de sa petite trousse, éprouve un peu la solitude du gardien de but au moment du penalty. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Door. Bordeaux, à ce propos, ne marche pas trop mal !

Mme Marisol Touraine. Vous êtes aussi ministre des sports, madame Bachelot, et vous tenez particulièrement à ce titre !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Et j’apprécie !

M. Christian Paul. C’est un cas de cumul intéressant !

M. Gérard Bapt. Le sport, c’est la santé !

Mme Michèle Delaunay. Nombre de médecins m’ont avoué que ce n’était pas pour des raisons de qualité de vie mais parce qu’ils ne se sentaient pas toujours assez armés pour les assurer qu’ils avaient renoncé aux gardes.

J’évoquais hier les médecins qui, dans les régions à forte densité médicale, avaient choisi des surspécialités. Or, après quelques années de pratique, ces auriculopathes et autres « bobopathes » ne se sentent plus capables d’assurer des gardes et, de propre aveu, mieux vaut d’ailleurs qu’ils ne s’en chargent pas. On mesure là l’un des effets délétères de la surpopulation médicale dans certains endroits.

Cet article n’a pas que des inconvénients – loin de là – mais, quels que soient les réseaux et les moyens de coordination que l’on mettra en place, si les médecins ne sont pas assez nombreux, on ne parviendra pas à assurer une permanence des soins de qualité, d’autant qu’il ne s’agit pas seulement d’un problème de sous-population médicale, car la désertification dont souffrent certaines régions s’exprime aussi en termes de moyens techniques inadaptés.

Je ne saurais trop insister sur le fait que les médecins d’aujourd’hui apprennent une médecine technique, que l’un de mes patrons qualifiait de médecine de nouveaux riches, car elle dispose de gros moyens. Ils se retrouvent d’autant plus démunis, lorsqu’ils se retrouvent par exemple au fin fond des Landes, confrontés à certains problèmes. C’est, là encore, l’un des aspects de la question de l’aménagement médical du territoire.

Dans certaines structures urbaines, la permanence des soins souffre également d’un manque de personnel. Je l’ai constaté lorsque je me suis rendue, pendant un week-end au centre d’urgences de gynécologie obstétrique du CHU de Bordeaux. Nous ne sommes pas là dans un désert médical, et la permanence des soins est bien assurée, mais ces pôles de référence sont en sous-effectifs, car beaucoup de gynécologues obstétriciens décrètent qu’ils sont en week-end à partir du vendredi soir ou en tout cas qu’ils ne sont plus disponibles et orientent leurs patientes vers les urgences.

J’aurai donc deux questions, madame la ministre…

M. le président. Vous avez épuisé votre temps de parole, madame Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Je serai brève, monsieur le président. Ma première question concerne les permanencières, à propos desquelles je vous avais remis un dossier la première fois que j’ai eu l’honneur de vous rencontrer, madame la ministre. Ces femmes – car ce sont souvent des femmes – engagent leur responsabilité. Qu’en est-il de la revalorisation de leur statut ?

Ma seconde question concerne les transports, sans lesquels il n’y a pas de permanence des soins. En effet, les ambulanciers refusent souvent de jouer les taxis médicaux car les courses ne sont pas assez rentables ; ils proposent à la place des ambulances couchées, ce qui engendre un surcoût considérable.

M. Christian Paul. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Mesdames et messieurs les députés, votre participation en nombre à ce débat montre l’intérêt qu’il suscite, intérêt qui s’était déjà exprimé à travers de nombreux travaux parlementaires. Je pense notamment au rapport de Jean-Yves Grall, que j’ai trouvé sur mon bureau lorsque je suis arrivée au ministère de la santé, mais aussi aux travaux de Marc Bernier, de Georges Colombier, de Philippe Boënnec ou encore à la mission menée par Christian Paul et Marc Bernier.

Je voudrais commencer par dissiper une confusion, en m’appuyant sur le code de la santé. J’ai entendu dire que la permanence des soins n’était pas obligatoire : or la permanence des soins est obligatoire pour les médecins !

M. Yves Bur. Il faudrait le leur rappeler !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Permettez-moi de citer l’article R. 4127-77 : « Il est du devoir du médecin de participer à la permanence des soins dans le cadre des lois et des règlements qui l’organisent. »

Nous avons, en 2003, organisé une gestion collective de cette obligation jusqu’alors individuelle, mais l’obligation de participer à la permanence des soins reste une règle du code de la santé publique comme du code de déontologie ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Roland Muzeau. Avant 2003, c’était différent !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Cela justifie d’ailleurs que, quand la permanence des soins ne se trouve pas assurée, le préfet possède un droit de réquisition. Ce n’est pas un droit théorique mais une disposition souvent appliquée.

M. Marcel Rogemont. Combien de réquisitions et combien de contraventions ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je rappelle donc, pour éviter les contrevérités, que la permanence des soins est une obligation déontologique inscrite dans la loi.

M. Marcel Rogemont. De moins en moins de médecins s’y plient !

M. Roland Muzeau. Moins d’un sur deux !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Ce point étant précisé, force est de constater qu’il existe des blocages et qu’y remédier n’est pas simple.

On a beaucoup évoqué le manque d’attractivité de la médecine générale et le fait qu’un certains nombre de praticiens se détournaient de son exercice. Interrogés lors des états généraux, les médecins généralistes – c’est désormais une profession féminisée, qui aspire légitimement à un mode de vie différent – ont souvent admis que la contrainte des gardes, de nuit, dans des régions isolées, expliquait pour une part la désaffection dont souffre la médecine générale.

M. Alain Néri. Et les gens qui y vivent ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Il faut le reconnaître sans jeter l’opprobre sur personne.

M. Roland Muzeau. C’est leur métier !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Il faut également évoquer la question des secteurs. Leur multiplication peut entraîner une baisse de la rémunération, qui pèse sur l’attractivité de la profession. Il faut donc trouver le bon équilibre entre des secteurs à la fois assez nombreux pour assurer le maillage du territoire et assez vastes pour offrir aux médecins une rémunération qui dépasse celle de l’astreinte.

Certaines interventions dénotaient également une confusion entre permanence des soins et aide médicale d’urgence. Or il ne faut pas confondre PDS et AMU. Elles ne sont certes pas sans rapport, et il faut développer entre elles des synergies, des complémentarités et des partenariats.

M. Jean Mallot. Il y a quand même une problématique commune.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je voudrais également souligner que le système connaît aussi de vrais succès. Claude Leteurtre a évoqué la Basse-Normandie, où 100 % des médecins participent à la permanence des soins sur la base du volontariat ; Marc Bernier a évoqué la Mayenne et Jean-Pierre Door sa région, où les choses fonctionnent bien. D’autres, en revanche, ont fait état de véritables échecs – André Chassaigne évoquant Saint-Amant-Roche-Savine et Pierre Morel-À-l’Huissier, Fournels.

C’est pour remédier à ces échecs que j’ai proposé de réorganiser la permanence des soins sur le terrain, en réunissant des acteurs qui, jusqu’alors, se déployaient en ordre dispersé, du fait d’une organisation trop complexe faisant intervenir le préfet, l’assurance maladie, le conseil de l’ordre et les missions régionales de santé.

Il faut donc simplifier le système, le territorialiser et capitaliser sur les incontestables succès que connaît l’organisation actuelle de la permanence des soins dans certaines régions, pour faire en sorte que les solutions trouvées dans ces territoires puissent s’adapter à d’autres, en respectant leurs spécificités.

Des questions précises m’ont été posées. Jean-Luc Préel m’a interrogée sur la formation des permanenciers. Il existe pour les permanenciers – les PARM – un référentiel métier défini par les organisations syndicales, SAMU de France et l’association professionnelle. Nous sommes en train de définir une formation d’adaptation à l’emploi avec les urgentistes. Par ailleurs, pour répondre à Michèle Delaunay, les PARM vont bénéficier d’une revalorisation statutaire et passer en catégorie B au printemps 2009.

Jean-Luc Préel m’a posé trois questions précises sur la couverture assurantielle. Quant à Mme Orliac, sa question sur l’assurance des gynécologues obstétriciens n’ayant rien à voir avec la permanence des soins, je lui répondrai par courrier séparé. Le projet de loi propose de couvrir la responsabilité civile professionnelle des médecins régulateurs, qu’il faut distinguer des médecins effecteurs, lesquels exercent dans le cadre normal de leur activité, puisque la permanence des soins doit être assimilée à une consultation ou à une visite ordinaire, pour lesquelles les médecins généralistes sont couverts par leur assurance professionnelle, obligatoire.

M. Préel, et d’autres intervenants, ont posé la question des transports sanitaires.

M. Jean-Pierre Door. Que de bonnes questions ! (Sourires)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Les transports sanitaires appartiennent aux comités départementaux de l’aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires. Ils rencontrent, il est vrai, des difficultés de rémunération.

Il faut donc, d’une part, optimiser la tarification. Une mission du conseil général des établissements de santé sur la modélisation économique est en cours, et son rapport me sera rendu d’ici à quelques semaines.

Il convient d’autre part d’optimiser la garde ambulancière. Je compte pour cela sur la création des ARS, car vous imaginez que la solution à un tel problème doit venir du terrain, de son organisation et de ses capacités.

Catherine Génisson m’a parlé de la saisine de la Haute autorité de santé sur la permanence des soins. La publication d’une recommandation sur la téléprescription, qui a été adoptée par le collège, est imminente. Quant aux bonnes pratiques de régulation téléphonique, j’ai saisi les groupes de travail : ils se réuniront à partir du mois d’avril prochain, c’est-à-dire dans quelques jours.

Je répondrai aux autres questions qui m’ont été posées au fil de la discussion des articles. En tout cas, je retiens de ce débat que, globalement, et quoique avec quelques nuances, presque tous les participants au débat ont reconnu que le texte comportait des avancées significatives. Je serai, comme toujours, très à l’écoute des amendements qui me seront proposés.

M. Jean Mallot. Vous n’avez pas répondu à la question sur les franchises médicales !

M. Christian Paul. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Ce rappel au règlement se fonde sur l’article 58.

D’abord, je souligne que nous sommes très heureux de la clarification que vous venez d’apporter, madame la ministre, sur la question de la permanence des soins : elle revêt bien un caractère obligatoire et, dès lors, je ne doute pas que vous soutiendrez l’amendement n° 1300 de notre collègue Jacques Domergue, qui vise à écrire dans la loi qu’aucun médecin ne peut se soustraire à la permanence des soins. Il aura, je l’espère, entendu un encouragement dans les propos de Mme la ministre.

M. le président. Monsieur Paul, ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Christian Paul. Mon rappel au règlement porte sur un autre thème, monsieur le président.

Durant nos débats, un syndicat de médecins, la CSMF – Confédération des syndicats médicaux français – a publié un communiqué au titre inquiétant : Taxe Bachelot, le couperet est tombé ! On pourrait tout aussi bien écrire « taxe Rolland », d’ailleurs.

Au nom du groupe socialiste, je veux rassurer le docteur Chassang car, vous le savez mieux que quiconque, madame la ministre : cette taxe est une baudruche ! Elle est envisagée dans six ans, et dans des conditions si floues que nous savons tous qu’elle sera inapplicable. Ce dispositif ne répond à aucune réalité, à aucun besoin.

Tous ceux qui, parmi vous, auraient cru un seul instant à ce contrat santé solidarité envisagé trois ans après un SROS qui viendra dans deux ans, plus un an d’évaluation peuvent être tranquilles…

M. le président. Monsieur Paul, ce n’est pas du tout un rappel au règlement !

M. Christian Paul. …et le docteur Chassang peut, je crois, dormir sans aucune crainte. Cette taxe n’a aucune chance d’être appliquée !

M. Jean-Pierre Door. On transmettra ! (Sourires)

M. le président. N’abusez pas des rappels au règlement. Chacun aura tout loisir de s’exprimer dans ce débat.

M. Christian Paul. Les rappels au règlement servent à clarifier les débats, monsieur le président.

M. Jean Mallot. On était absolument dans le cadre de l’article 58 alinéa 1 !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Pardonnez-lui, monsieur le président, car c’était très amusant.

Reprise de la discussion

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 16.

Je suis d’abord saisi de deux amendements, nos 407 et 560, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Marie Rolland, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour défendre l’amendement n° 407.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Cet amendement, adopté par la commission, vise à faire entrer dans le périmètre de la permanence des soins les médecins salariés d’un autre médecin ou d’une société d’exercice.

Il est en effet important d’élargir le nombre de médecins volontaires pour assurer la permanence des soins ; les médecins collaborateurs salariés paraissent tout à fait désignés : ils ont couramment une activité de soins et peuvent donc, en toute sécurité, effectuer des actes dans le cadre de la permanence des soins.

M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre, pour défendre l’amendement n° 560.

M. Claude Leteurtre. Je prolongerai simplement l’argumentaire de M. le rapporteur : sans l’ajout demandé, la participation de ces praticiens à la permanence des soins se verrait dépourvue de base législative.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 560 ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Les deux amendements sont très proches.

M. le président. Vous préférez donc celui de la commission.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Sur le même thème, je préfère l’amendement n° 217, qui sera présenté par M. Flajolet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et qui satisfera ces demandes. Ce n’est donc pas un avis défavorable, mais plutôt une demande de retrait.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. L’amendement n° 407 est retiré.

M. Claude Leteurtre. Il en est de même pour l’amendement n° 560.

(Les amendements nos 407 et 560 sont retirés.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau pour défendre l’amendement n° 1271.

M. Roland Muzeau. La continuité du service public en matière de permanence des soins relève des agences régionales de santé. Il convient qu’elle soit assurée de manière prioritaire par les établissements publics de santé, mais également par les médecins libéraux, particulièrement lorsque l’offre de soins du territoire de santé l’exige.

Cet amendement propose donc de donner un caractère contraignant, dans certaines situations, à la participation à la permanence des soins des professionnels libéraux.

Les cas sont nombreux où une agglomération compte des dizaines de spécialistes officiant dans le secteur privé, pour deux ou trois seulement qui exercent en établissement public. Il est évident que ces deux ou trois praticiens ne peuvent, à eux seuls, prendre en charge toutes les astreintes liées à la permanence des soins.

L’alinéa 2 de l’article 16 établit que les médecins libéraux collaborent à la mission de service public de permanence des soins ; c’est une bonne chose, mais cela risque de demeurer un vœu pieu.

Notre amendement vise à ce que cette disposition entre réellement dans la pratique, et c’est pourquoi nous proposons de compléter l’alinéa 2 par la phrase suivante : « Elle répond à l’exigence de continuité du service public et peut donc revêtir un caractère contraignant. »

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Le texte que nous examinons prévoit, aux articles 16 et 26, des outils financiers et d’organisation qui permettent une mise en œuvre efficace de la permanence des soins, tout en respectant une certaine souplesse, en matière financière comme par l’ouverture de la possibilité d’associer les établissements privés. En ultime recours, vous le savez, le texte prévoit aussi que le préfet peut réquisitionner les médecins.

La commission a donc repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je me suis largement expliquée sur ce sujet dans mon propos liminaire. Avis défavorable.

(L’amendement n° 1271 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 217, qui fait l’objet d’un sous-amendement n°2009 du Gouvernement.

La parole est à M. André Flajolet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire pour défendre l’amendement.

M. André Flajolet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Dans notre volonté d’organiser au mieux la permanence des soins, je crois qu’il ne faut négliger aucune source éventuelle de disponibilité. C’est pourquoi je propose que tout médecin, quel que soit son statut, puisse participer à cette permanence des soins, à partir d’un contrat signé avec l’Agence régionale de santé.

Si mes collègues veulent s’associer à cet amendement, je l’accepterai bien volontiers.

M. le président. La parole est à Mme la ministre pour présenter le sous-amendement n° 2009 et donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 217.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Mon avis est favorable, sous réserve de l’adoption du sous-amendement qui propose de rédiger différemment le début de l’alinéa 2.

Il s’agit de supprimer l’incise, afin de clarifier l’intention du législateur : les médecins d’exercice libéral, conventionnés ou non, et ceux des centres de santé, sont ceux qui assument la mission de permanence des soins régulière organisée par l’ARS. Les autres médecins, qui ne sont pas explicitement cités par l’article 17, peuvent y apporter leur concours, par contrat avec l’ARS définissant ainsi leur mode de participation particulière à la permanence des soins.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission n’a pas examiné le sous-amendement. Compte tenu de ce souci de clarification, et à titre personnel, j’émets un avis favorable.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Je vous avoue que cet amendement me laisse excessivement perplexe.

Tout médecin, là où il exerce, et en particulier les médecins hospitaliers, aura donc l’obligation de pratiquer des gardes. Cependant on ne peut pas demander à un praticien hospitalier d’assurer des gardes en libéral en sus de ses gardes à l’hôpital.

D’ailleurs, l’exposé des motifs me surprend : il existe des raisons – des raisons médicales – pour lesquelles un médecin est suspendu. Pourrait-il alors effectuer quand même des gardes ? J’en serais extrêmement surprise.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Le texte évoque la suspension de l’activité, pas celle du médecin !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. C’est évidemment dans le cas où l’activité est suspendue, pas le médecin lui-même !

Mme Catherine Génisson. Dans ce cas, la rédaction de l’exposé des motifs n’est pas parfaite !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Il ne s’agit évidemment pas d’autoriser à faire des gardes des médecins qui auraient été suspendus par la justice ou par l’ordre des médecins. Ce serait évidemment totalement contraire au droit et à l’éthique.

Quant aux praticiens hospitaliers, ils demandent eux-mêmes à participer au service de garde. Le texte leur en offre donc la possibilité, alors que cela leur est aujourd’hui refusé. Certains médecins hospitaliers travaillent, d’ailleurs, à mi-temps.

Tout cela sera évidemment sous le contrôle de l’ARS et des organisations responsables. Cela permettrait aussi de fluidifier le système de gardes.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. J’entends bien, mais le cas des médecins hospitaliers qui travaillent à mi-temps n’a pas besoin d’être à nouveau inscrit dans la loi.

Quant aux médecins à temps plein, nous avons vu toute une série de dispositions sur le fonctionnement de l’hôpital qui prévoient l’entrée de médecins libéraux à l’hôpital pour assurer la permanence des soins et les tours de garde à l’hôpital. Comment ces mêmes médecins hospitaliers pourraient-ils aller en libéral continuer à exercer des gardes ? Cela me semble pour le moins surprenant.

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Le but de l’amendement n° 407 était tout à fait louable, et nous l’avons voté : la question était circonscrite aux personnes qui participent à la médecine ambulatoire. L’amendement n° 217 ouvre la vocation à participer aux gardes à tous les médecins : cela pose la question des médecins hospitaliers.

Les médecins qui exercent à mi-temps à l’hôpital et à mi-temps en ville participent, bien naturellement, au système des gardes dans le cadre de leur exercice en médecine ambulatoire. En revanche faire participer à la permanence des soins le médecin hospitalier, en plus des contraintes déjà imposées par le système hospitalier, pose un vrai problème.

(Le sous-amendement n° 2009 est adopté.)

(L’amendement n° 217, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer pour soutenir l’amendement n° 1254.

Mme Valérie Boyer. La mission de service public en matière de permanence des soins pour les spécificités qui relèvent des agences régionales de santé devrait, me semble-t-il, être assurée de manière prioritaire par les établissements de santé, mais également par les médecins libéraux lorsque l’offre de soins du territoire de santé l’exige, notamment dans des disciplines comme l’ophtalmologie ou la radiologie.

Je vous propose donc de rendre obligatoire, dans certaines situations, la participation à la permanence des soins pour les professionnels de santé libéraux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. L’article 1er que nous avons voté définit déjà les conditions dans lesquelles la permanence des soins est assurée par les établissements. En outre, comme chacun le sait, les hôpitaux et les cliniques peuvent déjà avoir recours à des praticiens libéraux : les hôpitaux par le recours notamment à des vacations, les cliniques dans le cadre de leur fonctionnement normal. Pour ces raisons, l’amendement a été repoussé par la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Pour les mêmes raisons que le rapporteur, le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement, à défaut son rejet.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Compte tenu des explications qui viennent d’être données, je retire l’amendement. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. Nous voulions le voter !

M. le président. Mme Boyer a le droit de retirer son amendement.

M. Gérard Bapt. Je souhaite le reprendre, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Autant l’amendement précédent a été voté dans la plus grande confusion – nos questions sont restées sans réponses, nous ne savons pas très bien ce qui a été décidé et quelles seront ses conséquences – autant l’amendement de Mme Boyer est bienvenu et clair.

J’ai sur ma commune un gros établissement hospitalier privé, avec un énorme équipement radiologique, financé par les pouvoirs publics, autour duquel travaillent une quinzaine de médecins radiologues : or il n’assure pas la permanence pour les examens d’urgence le week-end. Certes, Toulouse dispose de grands hôpitaux, mais, pour s’y rendre, il faut parfois vingt ou trente minutes, même en empruntant un véhicule d’urgence. Il serait normal qu’une permanence des examens de radiologie notamment soit assurée dans un rayon raisonnable.

L’amendement de Mme Boyer répond tout à fait à ce genre de situation. Je ne comprends pas, madame la ministre, que vous le refusiez.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. L’amendement de Mme Boyer est tout à fait pertinent, je pense même qu’il aurait pu aller plus loin, en incluant par exemple les laboratoires d’analyse. Quand un médecin a besoin de faire réaliser rapidement, dans le cadre de la permanence des soins, une glycémie ou un contrôle des anticoagulants, il est parfois impossible de trouver un hôpital.

(L'amendement n° 1254 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Domergue pour défendre l’amendement n° 1300.

M. Jacques Domergue. Si j’ai bien compris les explications de Mme la ministre, mon amendement est satisfait. Pourtant, ce n’est pas l’information que j’avais.

M. Christian Paul. Nous non plus !

M. Jacques Domergue. J’aimerais que vous me confirmiez, madame la ministre, que, en 2003, aucune modification législative ou réglementaire n’est intervenue pour changer les choses. Vous avez affirmé que la permanence des soins était une obligation pour les médecins.

M. Roland Muzeau. Une obligation morale !

M. Jacques Domergue. Si c’était le cas, je retirerais mon amendement. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gérard Bapt. Vous le retireriez spontanément, sans qu’on vous le demande ? C’est incroyable.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je n’ai fait que rappeler ce que dit le code de la santé publique. Simplement, les modalités de l’exercice de cette obligation sont passées d’une obligation individuelle, qui était pas ou peu opérationnelle…

M. Jean-Marie Le Guen. Qui n’était pas du tout opérationnelle !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. …à une obligation dont l’exercice est collectif, avec une obligation de résultat. Chaque fois que cette obligation collective n’était pas assurée, l’autorité publique pouvait bien entendu faire appel à la réquisition.

M. Gérard Bapt. Et envoyer les gendarmes ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Les conditions de cette réquisition reposent sur l’article du code que je vous ai rappelé. Il ne me semble pas inutile de répéter, pour répondre à votre interrogation, monsieur le député, que l’obligation de participer à la permanence des soins est bien inscrite dans le code de la santé publique.

M. le président. La parole est à M. Jacques Domergue.

M. Jacques Domergue. Madame la ministre, selon les informations dont je dispose, lorsqu’un préfet procède à une réquisition, c’est à partir d’une liste qui a été établie avec des médecins volontaires.

M. Roland Muzeau. La double peine !

M. Jacques Domergue. Cela signifie que le préfet ne va pas chercher dans le pool des médecins qui ne participent pas à la permanence des soins des médecins supplémentaires qui pourraient y participer.

M. Gérard Bapt. Exactement !

M. Jacques Domergue. Est-ce vrai ou est-ce faux ?

M. Marcel Rogemont. Je suis d’accord avec M. Domergue. C’est pour cela que j’ai posé la question du nombre de réquisitions et du nombre d’amendes.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Ce point est important pour notre débat. Parfois, on dit que la réquisition est quelque chose de théorique. Pas du tout.

M. Gérard Bapt. Bien sûr !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. En 2008, trente-quatre départements ont été réquisitionnés.

M. Marcel Rogemont. Oui, mais combien de personnes ont-elles été concernées ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. La réquisition est une possibilité assise juridiquement sur le code de la santé publique et qui reçoit une exécution réelle. Ensuite, que le préfet fasse ses réquisitions sur telle ou telle liste de médecins, c’est son affaire, mais il a tout à fait la possibilité de réquisitionner des médecins non volontaires. Cela s’applique à tous les médecins.

M. Marcel Rogemont. Combien d’amendes ont été distribuées ? Combien de médecins ont refusé ?

M. le président. Monsieur Domergue, retirez-vous votre amendement ?

M. Jacques Domergue. Compte tenu de ce que vient de dire Mme la ministre, c'est-à-dire que le préfet peut réquisitionner, s’il en a besoin, si le service public le nécessite, des médecins qui sont considérés comme non volontaires pour la permanence des soins et que cette obligation est déjà inscrite dans les textes, je retire l’amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Paul. Cela nécessite un débat. Je souhaite reprendre l’amendement, monsieur le président.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Paul.

M. Christian Paul. Monsieur le président, sans mettre en cause bien évidemment la conduite de nos travaux, je pense que, sur des sujets pareils, il serait intéressant, avant que l’auteur de l’amendement soit prié de retirer son amendement, de pouvoir échanger nos points de vue et réagir aux propos de Mme la ministre.

M. Roland Muzeau. Eh oui !

M. Christian Paul. Cela m’aurait permis de dire à M. Domergue ainsi qu’à Mme la ministre que, dans les textes réglementaires, il est écrit, à l’article R.6315-4 du code de la santé publique, que c’est bien « sur la base du volontariat » que s’exerce la permanence des soins.

Donc, depuis 2003 – c’est du moins ce que nous avions tous entendu – la permanence des soins, qui était jusqu’alors une obligation individuelle, est devenue une obligation de service public.

M. Philippe Boënnec. Collective !

M. Christian Paul. Je ne dis pas « collective ».

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Si, collective !

M. Christian Paul. C’est une obligation de service public qui s’exerce sur la base du volontariat de chaque médecin.

M. Gérard Bapt. Voilà !

M. Christian Paul. Vous conviendrez que cela constitue tout de même une rupture essentielle et c’est en cela que l’amendement n° 1300, qui vise à mettre en place une réelle obligation, me paraît moralement et politiquement essentiel. J’en rappelle le texte : « Aucun médecin ne peut se soustraire à la permanence des soins sauf dérogation délivrée par le directeur de l’agence régionale de santé ». On peut imaginer des situations familiales, de santé ou locales, qui pourraient conduire en effet à cette dérogation.

C’est pour cela que nous voulons reprendre l’amendement, parce que, monsieur Domergue, au fond, vous aviez raison : il s’agit non pas d’une obligation, mais d’un devoir collectif que d’organiser la permanence des soins. Cela étant, comment pourrions-nous imaginer organiser collectivement la permanence des soins s’il n’y avait pas au moins quelques médecins volontaires ? Et comme, parfois, il n’y a pas suffisamment de médecins volontaires, les préfets réquisitionnent. Madame la ministre, aidez-nous à clarifier ce point. S’il le faut, nous demanderons une suspension de séance pour aller relire les textes fondateurs de la permanence des soins.

Cette dernière n’est pas une obligation puisqu’elle repose sur le volontariat, n’est-ce pas, monsieur Boënnec ? Je me permets de vous interpeller parce que vous avez consacré six mois de l’année 2008 à rédiger un rapport sur la permanence des soins, excellent sur le diagnostic mais un peu tiède sur les recommandations.

Cela étant c’est à Mme la ministre que je m’adresse avant tout : la permanence des soins est-elle une obligation ou est-elle facultative et relevant du volontariat ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je vais essayer d’être la plus claire possible.

Le code de déontologie indique bien que les médecins doivent assurer la permanence des soins mais on comprend que tous les médecins ne vont pas assurer cette permanence toutes les nuits, tous les dimanches, et que celle-ci doit être organisée.

M. Christian Paul. Personne n’a jamais dit le contraire.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Cette organisation doit être collective ; je crois que, jusque-là, nous sommes d’accord.

M. Christian Paul. Pas de problème !

M. Roland Muzeau. C’est ensuite que ça dérape.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Nous étions arrivés à une situation de blocage parce que, en fait, la notion d’obligation individuelle qui s’exprime par une organisation collective est assez floue.

M. Christian Paul. Et ça risque de l’être encore plus.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. En 2003, il a donc été décidé que l’organisation collective devait se fonder sur le mode du volontariat parce qu’il s’agit du moyen le plus efficace et qui engendre le moins de situations de blocage. À cet égard l’exemple évoqué par Claude Leteurtre en Basse-Normandie est tout à fait éclairant. Cette obligation collective est donc mise en œuvre sur la base du volontariat.

Cependant si, sur la base du volontariat, on n’arrive pas à organiser cette permanence des soins, l’autorité publique est évidemment fondée à l’assurer en utilisant la réquisition. Voilà l’avancée tout à fait significative qui a été enregistrée.

La réquisition, assurée par le préfet, a concerné, en moyenne, dans les trente-quatre départements où elle est intervenue en 2008, une quinzaine de médecins par mois.

Je répète que la permanence des soins est une obligation déontologique, qui s’impose à chaque médecin, et que son organisation repose sur le volontariat. Ce n’est pas du tout antinomique.

M. Philippe Boënnec. Exactement !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l’amendement n° 1300 ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. C’est à l’évidence un débat majeur sur les fondements mêmes de ce que fut la médecine libérale.

Madame la ministre, vous avez fait référence au code de déontologie. Certes ce dernier prévoyait bien la permanence des soins, mais nous sommes placés en l’occurence devant l’un des symptômes majeurs de la manière dont se défait cette médecine libérale sous nos yeux dans le pays parce que cette majorité a choisi d’enlever de l’obligation légale la permanence des soins laquelle était la transcription dans la loi de la déontologie de cette fameuse médecine libérale. Elle l’a fait parce qu’elle ne voulait pas que la convention médicale qu’elle allait signer en 2005 ait à traiter de ces questions car cela était refusé syndicalement par la profession.

Les principes d’organisation de la médecine libérale se défont sous nos yeux, et notre collègue Jacques Domergue ne fait qu’essayer d’imposer le principe tel qu’il devrait l’être de la permanence des soins de la médecine libérale. Le Gouvernement semble refuser cette invitation en incitant notre collègue à retirer son amendement.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je n’ai rien dit !

M. Jean-Marie Le Guen. On voit bien comment vous êtes amenés à renoncer aux principes mêmes d’une médecine libérale que vous portez aux nues par ailleurs. On voit bien comment celle-ci est incapable de résoudre à la fois les problèmes de désertification médicale, de dépassement d’honoraires, de fonctionnement des cabinets, à cause de l’utilisation exclusive du paiement à l’acte, et de permanence des soins.

Toutes les fonctions d’organisation sociale que prétendait pouvoir assurer la médecine libérale, le corps médical n’en veut plus sous leur forme actuelle, et vous-mêmes, vous n’êtes pas capables d’abandonner les oripeaux anciens pour passer à une autre forme de médecine qui, elle, ferait place à la fois à l’efficacité et aux exigences de la santé publique tout en respectant les valeurs d’indépendance du corps médical.

Voilà la tâche à laquelle vous ne vous attelez pas et voilà pourquoi, dossier après dossier – aujourd’hui, la permanence des soins, hier la lutte contre la désertification médicale, demain le mode de rémunération, la formation et l’évaluation des professionnels de santé –, vous n’êtes pas capables de répondre aux défis actuels de la santé publique dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 1300, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. J’insiste sur un point : la suppression de l’obligation d’assurer la permanence des soins, jointe au problème de la surpopulation, a entraîné certains médecins vers des surspécialités ou, disons, des spécialités pas toujours utiles.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Des exercices particuliers de la médecine !

Mme Michèle Delaunay. De ce fait, s’ils ont toujours pour vocation d’assurer la permanence des soins, ils n’ont plus forcément la capacité de le faire. On ne peut l’ignorer. Un médecin de garde doit pouvoir répondre en urgence à une situation qui pose problème. Or quelqu’un qui, pendant quinze ans, s’est consacré exclusivement à de l’homéopathie ou à de l’auriculopathie n’est plus toujours en mesure de le faire.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Je remercie M. Domergue d’avoir déposé l’amendement n° 1300 et j’espère qu’il le votera.

Dans sa réponse, Mme la ministre m’a semblé plus claire que dans son propos initial : l’obligation collective repose sur le volontariat individuel. Le problème est de savoir si nous voulons sortir du statu quo, en tenant compte du fait que la difficulté d’assurer la permanence des soins est un des symptômes de l’existence d’un désert médical et que, si certains départements ont trouvé un mode d’organisation satisfaisant, ce n’est pas le cas partout.

À ce problème, il est deux solutions possibles. Celle de M. Domergue est la plus volontariste, c’est pourquoi elle nous plaît bien. Elle consiste à donner à la permanence des soins un caractère plus contraignant, sachant que l’on peut prévoir des limites – nous ne sommes pas des ayatollahs – sous la forme de délégations délivrées par l’ARS. Ce serait une manière de remettre de l’ordre dans un système actuellement dérégulé. Les députés de certains quartiers ou de certaines zones rurales peuvent témoigner de la difficulté de prévoir des gardes médicales.

L’autre solution, que nous avons défendue tout à l’heure, est peut-être plus douce. Elle consiste à réserver un an à la négociation, après quoi il faudra avoir trouvé un schéma régional de permanence des soins qui soit réellement opposable et qui règle le problème.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Ce schéma existe déjà !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’amendement n° 1300.

M. Christian Paul. C’est le moment de le voter, chers collègues de la majorité : il s’agit de l’amendement Domergue !

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

(L’amendement n° 1300 n’est pas adopté.)

M. Gérard Bapt. Nous sommes passés à côté d’une chance historique !

 M. le président. La parole est à M. Philippe Boënnec pour soutenir l’amendement n° 27.

M. Philippe Boënnec. L’amendement n° 27 propose d’insérer, après l’alinéa 3, l’alinéa suivant : « Sur la base du volontariat, cette mission peut également être assurée, dans les conditions définies par décret, par les médecins spécialistes, les médecins retraités et les internes en médecine. »

Ainsi que cela a été souligné, il n’est pas simple, pour les médecins généralistes, d’assurer toutes les gardes. En effet, cette partie de la profession, parce qu’elle manque d’une certaine aura, est peu attractive. Seuls 6 % des médecins qui sortent de faculté exercent la médecine générale. C’est pourquoi nous proposons d’associer plus fortement à la permanence des soins des médecins spécialisés également aptes à exercer la médecine générale.

Lors de la rédaction de mon rapport, j’ai rencontré un neurochirurgien qui m’a fait part de son intérêt pour la permanence des soins, à laquelle, ne voulant pas réduire son activité à une suite d’actes techniques, il voyait un intérêt humaniste.

Il serait intéressant d’associer également à la permanence des soins les remplaçants – il y en a 10 000 en France –, les praticiens qui exercent la médecine du travail, même s’ils sont inégalement répartis sur le territoire, ou d’autres spécialités. Parmi les gisements qu’il faut explorer figurent également les jeunes retraités.

M. Roland Muzeau. Jusqu’à quel âge allez-vous les faire travailler ? Quatre-vingts ans ?

M. Philippe Boënnec. J’ai en rencontré beaucoup qui ont arrêté leur activité, qu’ils jugeaient trop prenante, mais qui n’ont pas renoncé à leur mission. Ils pourraient intervenir sur la base du volontariat.

On pourrait enfin songer aux internes en médecine, non pour l’aide médicale d’urgence, mais pour la permanence des soins. Pour peu que les textes soient modifiés, ils pourraient exercer dans ce domaine une activité qui s’avérerait formatrice.

Sur ces questions, monsieur Paul, je fais confiance au dialogue social. Certes, les médecins, qui ont des droits, ont aussi des devoirs. Il serait facile d’envoyer l’un dans la Mayenne et l’autre dans la Creuse, mais cette forme de gestion coercitive, voire centralisée, repose sur une philosophie politique que je ne partage pas. Je répète que je lui préfère le dialogue social.

M. Roland Muzeau. Pour les médecins, peut-être, mais pas pour tous les travailleurs !

M. Philippe Boënnec. Le service public est un droit. Toute l’intelligence de ce projet de loi est de préciser le rôle du directeur de l’ARS dans un domaine dans lequel Mme la ministre a rappelé que nous avions une obligation collective.

M. Roland Muzeau. Allons donc ! Vous savez bien que chacun fait ce qu’il veut !

M. Philippe Boënnec. Grâce au dialogue social, nous devons mettre en place un schéma dans le cadre ambulatoire. S’il s’avère que l’obligation collective n’est pas assurée, il faudra intervenir, en prévoyant par exemple des réquisitions.

M. Roland Muzeau. On va réquisitionner des volontaires, c’est fort !

M. Philippe Boënnec. Cela étant, dans un premier temps, faisons confiance au conventionnement et au dialogue social. Je m’étonne d’ailleurs que des socialistes n’en fassent pas plus de cas. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Les médecins sont des gens responsables.

M. Roland Muzeau. Vous nous prenez vraiment pour des imbéciles !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Je rends hommage à la démarche de M. Boënnec, qui a cherché des solutions pour augmenter le nombre de médecins pouvant assurer la permanence des soins…

M. Roland Muzeau. Il a oublié les vétérinaires !

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. …sans renoncer pour autant à la qualité de ces soins. Certaines solutions qu’il a évoquées sont déjà utilisées. Ainsi, dans le cadre d’un remplacement à l’extérieur, en médecine libérale, les internes peuvent déjà assurer des permanences de soins à la place d’un médecin. Néanmoins ils conservent leurs propres obligations de garde dans l’établissement dont ils dépendent.

Je suis d’avis, moi aussi, de chercher des solutions. Je rappelle cependant que la commission a repoussé l’amendement, par désir de conserver toute la souplesse nécessaire à l’agence régionale de santé. Son directeur est en effet responsable de ces questions.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. À mon tour, je remercie Philippe Boënnec pour le travail remarquable qu’il a accompli. Je lui demande cependant de retirer son amendement.

Il a en effet évoqué plusieurs catégories de médecins. Depuis la loi de 2003, les médecins retraités peuvent déjà participer à la permanence des soins, à condition que leurs revenus nets ne dépassent pas un certain plafond. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)

Les médecins spécialistes participent eux aussi aux gardes de permanence des soins hospitalières. Quant aux internes en médecine, ils ne peuvent évidemment pas faire de remplacement ni participer à la permanence des soins, puisqu’ils ne peuvent exercer seuls une activité médicale et n’y sont habilités que par délégation.

Ainsi, une partie de l’amendement est satisfaite. Quant à l’autre, il n’est pas possible de l’autoriser.

M. le président. M. Boënnec, accédez-vous à cette demande ?

M. Philippe Boënnec. Cette réponse me satisfait. En fait, cet amendement visait à poursuivre la réflexion.

M. Jean Mallot. Il avait été déposé pour être retiré !

M. Philippe Boënnec. Comme l’a indiqué le rapporteur, il faut être positif dans ce domaine et retenir tout élément de réflexion permettant d’aboutir à une meilleure permanence des soins, afin de réduire ces « zones blanches », qui sont à mes yeux des zones noires. Chacun de nous doit apporter ses idées pour contribuer au service public.

(L’amendement n° 27 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Henri Nayrou pour défendre l’amendement n° 1339.

M. Henri Nayrou. Nous sommes en ce moment en train de tirer les leçons de errements de la gestion de M. Mattei en 2003, puisque l’article 16 du texte vise à confier la mission de service public de permanence des soins aux agences régionales de santé. Cette mission relevant de la compétence de l’État, l’alinéa 3 prévoit que « le directeur général de l’ARS communique au représentant de l’État dans le département les informations permettant à celui-ci de procéder aux réquisitions éventuellement nécessaires ».

L’amendement n° 1339 a été rédigé dans la continuité de cette disposition par les élus de la montagne. N’ayant pour but que la santé de nos concitoyens, et conscients des spécificité des territoires de montagne, où densité, relief et climat modifient radicalement la mise en place des procédures, l’ANEM a souhaité ajouter au dispositif un principe de précaution. Après les représentants de l’État, il est en effet opportun que les élus des comités de massif soient informés de l’organisation des soins. Ce n’est pas beaucoup demander : il n’y a que six massifs et, grâce à Internet, il est désormais facile de faire passer l’information rapidement.

Il y a quelques semaines, madame la ministre, recevant une délégation de l’ANEM, vous avez insisté sur la nécessité de territorialiser la santé, ce qui revient à associer les élus à la gestion, au même titre que les professionnels, la tutelle et les patients, et d’assurer l’équité face à la rupture ou à la fracture actuelle, ce qui suppose de reconnaître la spécificité de la montagne.

En associant les comités de massif, à la tête desquels on trouve d’ailleurs des représentants de l’État – les commissaires de massifs –, notre amendement répond aux obligations prévues par deux textes : la loi Montagne du 9 janvier 1985, article 7 et 55, et la loi DTR de 2005.

Jusque-là, madame la ministre, vous avez dédaigné les amendements de l’ANEM. Vous pourriez faire amende honorable en acceptant celui-ci. Nous comptons par ailleurs sur nos collègues de tous les groupes pour nous apporter un soutien massif. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. L’amendement tend à imposer à l’agence régionale de santé d’adresser au comité de massif un rapport annuel sur la permanence des soins. Le comité de massif est majoritairement constitué de représentants des collectivités territoriales ; il est coprésidé par un préfet coordonnateur de massif, qui est en général le préfet de région.

Au moment où nous cherchons à simplifier, une telle procédure ne paraît pas opportune, car les membres du comité de massif sont pour la plupart représentés tant au sein de la conférence régionale de santé qu’au conseil de surveillance de l’ARS, qui sont informés chaque année de l’action de l’agence régionale de santé, y compris en matière de permanence des soins. C’est pourquoi la commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Même avis, compte tenu de l’organisation que vient de rappeler M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. Je suis un peu étonné que soit refusé cet amendement, qui vise à préciser les choses. Vous nous dites qu’il est inutile, mais bis repetita placent ! Les choses dites deux fois plaisent et elles nous plairaient particulièrement dans nos zones de montagne !

Si nous voulons, pour un bon aménagement du territoire, que nos populations s’installent ou même, simplement, restent dans les zones de montagne, il convient que la sécurité médicale soit assurée, car vous avez en montagne davantage de chances de mourir d’une crise d’appendicite évoluant en péritonite, parce que les secours n’arrivent pas assez vite. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Boënnec. Non !

M. Jean Mallot. Vous êtes un élu de la côte et vous ignorez ces choses-là !

M. Alain Néri. Le président Rudy Salles est lui aussi originaire d’une zone de montagne. Quand on monte du côté de Saint-Martin-Vésubie, on n’est pas mieux loti que dans les montagnes du Puy-de-Dôme. Je vous prends donc à témoin, monsieur le président, ainsi que nos autres collègues, qui, s’ils n’habitent pas en montagne, ont plaisir à y venir prendre un bol d’oxygène.

M. Philippe Boënnec. Mais puisque vous dites que c’est dangereux !

M. Alain Néri. Nous vous invitons à venir ; cela conforterait notre économie montagnarde, qui en a bien besoin. Saisissez l’occasion d’exprimer votre solidarité avec nos zones de montagne en votant cet amendement.

M. Jean Mallot. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous êtes décidément très sourcilleux, et il est assez désolant de vous entendre parler de la sorte. Notre seul souhait est d’introduire un principe de précaution.

Vous devriez revoir les textes, monsieur le rapporteur, parce que le préfet de massif n’est absolument pas le préfet du territoire. Les Pyrénées comportent trois régions et six départements : cela fait trois préfets de région et six préfets de département. Et je ne parle pas du Massif central, qui couvre six régions.

Comme on ne peut rien vous faire entendre, je parlerai à l’imparfait : il suffisait d’informer les préfets coordonnateurs.

Je trouve votre position d’autant plus absurde que dans le dispositif que l’ANEM souhaitait défendre, un représentant de l’État était prévu. Cela faisait peut-être un de plus, mais ne parlons-nous pas de sécurité ? Vous auriez pu, pour les patients et pour l’organisation des soins sur les territoires de montagne, accepter cet amendement de précaution. Pour faire écho au distingué latiniste Alain Néri : Errare humanum est, perserverare diabolicum.

(L’amendement n° 1339 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Yves Bur pour soutenir l’amendement n° 851.

Yves Bur. La permanence des soins repose sur une meilleure adéquation entre la continuité des soins, que doivent assurer, dans le cadre de la mission de service public, la médecine de premier recours et l’aide médicale d’urgence, organisée par les services d’urgence.

Afin d’éviter l’encombrement des urgences à l’hôpital, qui sont devenues le recours habituel de nombreuses personnes ressentant un besoin de soins, il est nécessaire de donner à la médecine de premier recours les moyens de mieux assumer les responsabilités qui lui incombent. Cela passe par une meilleure organisation de la continuité des soins, mais aussi par la promotion d’un numéro d’appel accessible sur l’ensemble du territoire, dédié à la permanence des soins ambulatoires et interconnecté avec le numéro de téléphone national des urgences.

Les usagers sont capables de faire la part des choses, entre ce qui relève d’une prise en charge ambulatoire, pour laquelle ils peuvent s’adresser à un numéro de téléphone qui pourrait être le 33 33, pour rester simple, et ce qui relève d’une urgence vitale, pour laquelle ils appelleront le 15, ce qui leur permettra d’accéder directement aux services d’urgence. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, car il faut au contraire privilégier le regroupement des appels vers un seul numéro. Ce n’est pas le patient lui-même qui peut distinguer si son état est grave ou non. Un numéro unique permet d’éviter des pertes de temps liées au réacheminement des appels. S’orienter vers un numéro d’appel européen est également une bonne chose.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. La proposition d’Yves Bur est intéressante, car il est vrai que de très nombreux acteurs participent actuellement à la régulation téléphonique, selon des modalités différentes en fonction des régions. Avant d’imposer un modèle unique à l’ensemble de ces acteurs, je souhaite cependant bénéficier d’une évaluation précise de ces organisations, de leur impact sur l’accès aux soins, notamment sur le désengorgement des services d’urgence.

Nous avons donc engagé une concertation avec l’ensemble des acteurs concernés : les représentants libéraux, l’ordre des médecins, SAMU de France…, avant d’arrêter une éventuelle stratégie nationale. Yves Bur lance bien le débat, mais il faut un minimum de concertation avec les structures qui participent à cette organisation.

M. le président. La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur. Je retire l’amendement.

(L'amendement n° 851 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Boënnec pour défendre l’amendement n° 25.

Philippe Boënnec. Mme la ministre a déjà apporté une partie de la réponse à mes préoccupations.

Cet amendement tend à compléter l’alinéa 4 par le mot « unique ». En effet, un service public ne présente aucun intérêt si sa complexité le place hors de portée des citoyens.

On voit bien ce qui se passe sur le terrain : le patient inquiet commence par faire le 15, il compose ensuite le 18, puis, s’il a un SOS Médecins dans sa ville, il fait ce numéro. Bref, il fait autant de numéros qu’il peut, et il finit aux urgences tout seul. Il faut mettre de l’ordre dans ce système. Même si l’on peut comprendre que le patient soit inquiet, il y a en médecine, comme vous le savez, davantage de gens pressés que de vraies urgences.

Le rapport Grall propose de fusionner ces lignes téléphoniques. Je sais que l’on réfléchit à l’interconnexion avec le standard des pompiers ; il faudra également réfléchir à une interconnexion avec le numéro européen. Cela vaut pour l’aide médicale d’urgence et la permanence des soins. Nous pourrions d’ailleurs – pourquoi pas ? – utiliser la formule d’aide médicale permanente à la population.

Il faut donc insister sur la présence conjointe sur les plateformes de médecins généralistes et urgentistes, de façon à réunir les compétences indispensables à la distinction des appels relevant de la permanence des soins de ceux relevant de l’aide médicale d’urgence.

Le SAMU de Toulouse, que j’ai eu l’occasion de visiter, est vraiment l’exemple à suivre en la matière. Les médecins travaillent en commun sur la même plateforme.

M. Gérard Bapt. C’est dû au professeur Lareng, notre ancien collègue !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. L’intention – rendre plus lisible pour les patients le système d’alerte – est certes excellente, mais, compte tenu de ce qu’a dit Mme la ministre à l’instant, appliquer une telle mesure aujourd’hui serait de nature à déstabiliser les organisations en place, telles que SOS Médecins.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Qu’il y ait besoin de coordination, d’interaction, d’interopérabilité entre les différents acteurs de la permanence des soins et de l’aide médicale d’urgence, c’est ce qu’ont montré nos débats.

Je me suis rendue à Bordeaux, où j’ai d’ailleurs retrouvé Mme Delaunay…

Mme Pascale Got. C’était moi !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. C’était vous, pardon, madame Got !

Nous avons vu fonctionner la plateforme commune de l’hôpital. Cette plateforme garde trois numéros : un pour la permanence des soins, un pour l’AMU et un pour la demande de renseignements. S’il n’y avait qu’un seul numéro, le filtre préalable disparaîtrait, avec le risque que l’aide médicale d’urgence soit engorgée. Comment savoir, avec un seul numéro, quel professionnel doit être à la réception de l’appel ?

Lors de notre visite à l’hôpital de Bordeaux, une personne a appelé pour un renseignement au sujet de son chat. Il ne serait guère efficient de mobiliser un urgentiste ou une PARM pour ce genre d’appels. Il faut donc surtout garder les trois numéros. Si le professionnel se rend compte qu’il y a erreur, les réseaux sont interconnectés, mais un seul numéro conduirait à une contre-performance.

M. le président. La parole est à M. Philippe Boënnec.

M. Philippe Boënnec. Madame la ministre, vous avez apporté tout à l’heure une réponse qui me convient, en disant qu’une étude et une expérimentation seraient conduites.

Mes arguments sont également pertinents, car je sais comment cela se passe dans la pratique. Vous aussi, madame la ministre, vous savez que la plupart des gens, dans un état d’affolement lié à l’inquiétude plus qu’à l’urgence, font tous les numéros qu’ils ont sous la main : les pompiers, le SAMU, etc.

M. Marcel Rogemont. Exactement !

M. Philippe Boënnec. L’essentiel, c’est qu’ils aient quelqu’un au bout du fil. Comme le 15 n’est pas toujours rapide, pour des raisons que l’on comprend bien, ils n’attendent pas et essaient tous les autres numéros dans les deux minutes qui suivent. Il faut prendre ce point en considération. Certes, je sais que certaines personnes peuvent faire des erreurs telles que confondre le service d’urgence avec le service vétérinaire, mais il y a tout de même un vrai problème. De plus, je rappelle que, demain, il y aura un numéro unique au niveau de la Communauté européenne. Il faut réfléchir à un numéro unique, et la mise en place d’une mission sur ce sujet me satisfait. Je retire donc mon amendement.

(L'amendement n° 25 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1251 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Mon amendement, que la commission a accepté, vise à préciser que le dispositif proposé par l’article 16 est sans incidence sur les conditions dans lesquelles les associations de permanence des soins sont associées au dispositif de permanence des soins en médecine ambulatoire. Le 15 a vocation à servir de numéro d’appel unique pour la permanence des soins et l’aide médicale urgente, mais il ne faut pas que cette politique remette en question l’implication des associations concernées dans l’organisation du dispositif.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Favorable.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Il s’agit d’un sujet tout à fait important et, madame la ministre, je souscris à votre volonté d’évaluer avant d’adopter des positions définitives. Il faudra d’ailleurs peut-être prévoir un cadre permettant des adaptations différentes selon les territoires, car nous en avons qui ont tout de même des configurations très différentes.

Cela étant, je veux rappeler qu’en la matière, un certain nombre de choses existent déjà : l’interconnexion 15-18 est obligatoire, celle entre le 15 et « SOS Médecins » est en plein développement et bon nombre de SAMU sont déjà interconnectés avec le 112, – c’est le cas de ceux du Nord et du Pas-de-Calais.

S’agissant de la question du numéro unique, je vais vous relater une expérience que je connais bien : celle du centre 15 du Pas-de-Calais. Les permanenciers qui y travaillent orientent, avec certains mots-clefs, les appels concernant l’aide médicale urgente soit vers le médecin hospitalier, soit vers le médecin libéral. Et puis il y a un autre numéro, le 15 bis, où arrivent les appels adressés aux médecins ayant terminé leur activité ; ces appels sont traités par les mêmes permanenciers que pour le centre 15 car la plate-forme est commune à ce niveau, mais ce sont d’autres médecins libéraux qui les régulent quand cela est nécessaire en termes de permanence des soins. Quel que soit le système de plate-forme téléphonique que l’on adoptera – numéro unique et appels dispatchés ensuite ou plusieurs numéros pour une plate-forme commune –, il est important que la régulation soit différenciée selon qu’il s’agit de l’aide médicale urgente ou de la permanence des soins. C’est un principe qui devra prévaloir dans notre organisation de la régulation des appels téléphoniques.

(L'amendement n° 1251 rectifié est adopté.)

 M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 564.

La parole est à M. Claude Leteurtre.

M. Claude Leteurtre. C’est un amendement de précaution qui vise à compléter l’alinéa 4 de l’article 16 par les mots : « , dès lors que ces plates-formes assurent une régulation médicale des appels. » En effet, la régulation médicale est une nécessité afin d’éviter des carences ou des abus dans la prise en charge des appels. Il s’agit aussi d’éviter des associations de circonstances en matière de permanence des soins.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission avait repoussé cet amendement mais, compte tenu du déroulement de nos débats, je laisse à Mme la ministre le soin de prendre position pour éclairer la représentation nationale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Favorable.

(L'amendement n° 564 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour défendre l’amendement n° 566.

M. Jean-Luc Préel. Cet amendement vise à accroître le nombre de médecins participant à la permanence des soins. Les médecins non conventionnés peuvent déjà y participer, mais l’arrêté prévoyant l’indemnisation de leurs astreintes n’a pas été pris. Une première version du projet de loi prévoyait un tel arrêté, mais cet alinéa a disparu dans la version actuelle. C’est pourquoi je propose de le rétablir.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement parce qu’elle considère qu’il est nécessaire d’avoir de la souplesse dans les modes de financement de la permanence des soins. En outre, l’alinéa 148 de l’article 26 prévoit tous les dispositifs qui permettront de donner satisfaction aux auteurs de l’amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Un des principes fondamentaux de cet article est de renvoyer l’organisation de la permanence des soins au niveau territorial, et de déléguer à l’agence régionale de santé la ligne budgétaire de cette permanence. C’est cette agence qui non seulement organisera la permanence des soins, mais aussi déterminera la rémunération spécifique des professionnels pour leur participation. La rémunération sort ainsi du champ conventionnel, et il n’y a évidemment dès lors plus lieu de distinguer les médecins conventionnés des médecins non conventionnés.

Cet amendement, qui paraît de précision, relève d’une philosophie totalement différente de celle de l’article 16, qui est un article de déconcentration et de territorialisation. Avis défavorable.

(L'amendement n° 566 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 1313 et 1340 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Marc Bernier, pour défendre l’amendement n° 1313

M. Marc Bernier. La mission d’information sur l’offre de soins sur l’ensemble du territoire, fréquemment évoquée depuis le début de nos débats, a constaté que la permanence des soins n’était pas assurée partout. C’est pourquoi M. Paul et moi avons, chacun de notre côté, déposé un amendement, aux termes presque semblables. La permanence des soins est une mission de service public, et même une obligation collective, qui relève du devoir des médecins. Certes, conserver le caractère facultatif de la participation individuelle des médecins à cette mission est nécessaire, sinon on risquerait de rendre la médecine générale moins attractive. Mais je reste persuadé qu’une permanence des soins bien organisée constitue un élément d’attractivité pour le territoire. C’est pourquoi cet amendement propose de laisser ouverte la voie contractuelle pendant un an. En cas d’échec, l’ARS tentera une dernière conciliation en proposant aux médecins et aux hôpitaux un schéma d’organisation de la permanence des soins. C’est seulement si cette initiative échouait à son tour, qu’il conviendrait alors de procéder à des réquisitions.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour défendre l’amendement n° 1340 rectifié.

M. Christian Paul. Il n’a échappé à personne que ces deux amendements étaient inspirés par le même constat : il y a des départements où les permanences des soins ne fonctionnent pas bien. Elles ne sont pas correctement organisées et, malgré des années d’échanges avec le préfet et avec les autorités sanitaires, on n’a pas trouvé de solutions qui permettent de répondre vraiment aux besoins de la population.

Dans le cadre de la mission, puis en préparant l’examen de ce projet de loi, nous avons souhaité, Marc Bernier et moi-même, qu’il soit possible de procéder de façon très graduée pour résoudre le problème. Il ne s’agit pas d’imposer brutalement une solution. J’appelle votre attention sur le fait que nous donnons le temps aux structures d’évoluer, mais pas non plus l’éternité. Ainsi, l’amendement prévoit encore un round d’une année, après la publication de la loi, pour trouver une solution par la négociation ; ensuite, l’agence régionale de santé ferait une proposition de schéma d’organisation de la permanence des soins, ce qui donnerait encore le temps à un échange avec les professionnels concernés sur la base de ladite proposition ; et c’est seulement si ce schéma n’était pas accepté que l’on procéderait par les voies que Mme Bachelot a rappelées tout à l’heure. Si les circonstances locales l’exigent et que l’on n’a pu parvenir à une solution, au bout d’un délai que j’estime au total à dix-huit mois, on en viendrait à la seule solution qui reste.

Nous essayons de proposer un calendrier respectueux des professionnels mais, à l’arrivée, il s’agit tout de même de résoudre les difficultés des malades. Je ne voudrais pas, monsieur le rapporteur, que nous allions vers une loi anti-malades.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Mais non !

M. Christian Paul. Je souhaite que nous trouvions des solutions acceptables qui concilient sur les territoires l’intérêt des professionnels et celui des patients, en particulier dans des circonstances parfois difficiles que la permanence des soins permet de traiter. Nous avons là l’occasion de faire œuvre utile ensemble, comme cela a été le cas de trop rares fois. Trouvons un accord entre la majorité et l’opposition pour traiter enfin, et complètement, le problème de la permanence des soins dans l’ensemble des départements français – encore une dizaine d’entre eux, au plus, sont concernés. Parvenir à un accord constituerait un moment important de ce débat.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Ces amendements ont pour objet d’instaurer une procédure de concertation sur la permanence de soins entre l’agence régionale de santé et les syndicats médicaux pendant un an, avant que l’agence fasse des propositions d’organisation et, en cas de refus, demande au préfet de procéder à des réquisitions.

Une telle procédure est extrêmement complexe et ce projet de loi contient déjà des dispositifs et des outils qui permettront à chaque ARS de piloter la permanence des soins avec souplesse. Ne nous compliquons pas la vie ! Vous le savez, ces outils opérationnels sont importants : ils permettront d’organiser efficacement la permanence des soins avec une souplesse dans l’organisation – possibilité d’y associer les établissements – ainsi que dans le financement, et, ultime recours, faculté de saisine du préfet pour réquisitionner les médecins. La commission a donc rejeté ces deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Même avis que la commission, pour les mêmes raisons.

(Les amendements nos 1313 et 1340 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 1247 et 408, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Dominique Tian, pour défendre l’amendement n° 1247.

M. Dominique Tian. La permanence des soins étant désormais une mission de service public, les médecins qui y participent doivent pouvoir bénéficier de la protection juridique de l’État quel que soit leur statut, y compris les médecins régulateurs. Ce point me paraît important.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 408.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Le dispositif prévu à l’article 16 induit une différence de traitement en termes de responsabilité administrative entre les régulateurs, c’est-à-dire les médecins qui assurent la régulation téléphonique des appels, et les effecteurs, c’est-à-dire les médecins qui effectuent les consultations et les visites dans le cadre de la permanence des soins.

On peut certes objecter que l’assurance en responsabilité civile professionnelle des médecins libéraux les couvre pour les consultations et les visites effectuées le soir et le week-end, comme pendant le reste de la semaine, mais le problème reste entier pour les non-libéraux que le présent article vise à mobiliser pour la permanence des soins. Un praticien hospitalier souscrira-t-il une assurance en responsabilité civile professionnelle pour quelques heures de garde effectuées dans le cadre de la permanence des soins, pendant ses congés ? Refuser cet amendement reviendrait à dissuader ces médecins de participer à la permanence des soins. Celle-ci étant définie comme une mission de service publique, il est cohérent de couvrir la responsabilité de ceux qui l’exercent.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Ces deux amendements sont très semblables. Je suis évidemment favorable à cette couverture assurantielle par l’État des médecins participant à la permanence des soins.

Mme Catherine Génisson et M. Marcel Rogemont. À la régulation, plutôt !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. L’article 16 permet néanmoins de placer l’activité de régulation téléphonique sous le régime de la responsabilité administrative, car cette activité est distincte des fonctions habituelles du médecin et, à ce titre, génératrice de fonctions spécifiques. En revanche, pour leurs visites et consultations réalisées dans le cadre de la permanence, les médecins effecteurs sont déjà couverts par le contrat d’assurance responsabilité professionnelle qu’ils sont obligés de souscrire lorsqu’ils exercent cette même activité en dehors de la permanence. Je propose donc le retrait de ces deux amendements.

Mme Catherine Génisson. Effectivement, l’alinéa 6 est très clair à ce sujet !

M. Marcel Rogemont. Pour une fois, madame la ministre, nous sommes d’accord avec vous !

M. le président. Monsieur Tian, retirez-vous votre amendement ?

M. Dominique Tian. Non, je le maintiens.

M. le président. Monsieur le rapporteur, maintenez-vous l’amendement n° 408 ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Compte tenu des explications de Mme la ministre, je le retire.

(L'amendement n° 408 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Madame la ministre, je suis d’accord avec vous : l’alinéa 6 de l’article 16 est parfaitement clair. Il est normal que tout médecin régulateur, agissant dans une structure, puisse bénéficier des droits que vous sollicitez. En revanche, le médecin effecteur – qu’il exerce habituellement sous le statut libéral ou pas – est soumis au droit commun actuel.

Peut-être cet amendement a-t-il une autre motivation : faire en sorte que tous les médecins qui participent à la permanence des soins puissent bénéficier du statut des médecins régulateurs ! Une telle proposition serait complètement insensée.

M. Marcel Rogemont. Soyez raisonnable, demandez l’impossible !

(L'amendement n° 1247 n'est pas adopté.)

M. Christian Paul. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. J’interviens avec un peu de gravité car, avec mes collègues du groupe SRC, nous avons été très surpris du vote intervenu sur l’amendement n° 1313 de M. Bernier et sur l’amendement n° 1340 rectifié que nous avions proposé. Ces amendements ne sont pas arrivés dans ce débat tout à fait par hasard. Ils ont été le fruit d’un long travail collectif, de bonne qualité, où chacun a essayé d’apporter le meilleur de lui-même et de son expérience locale, parlementaire et professionnelle. C’est assez rare dans un tel débat.

Monsieur le rapporteur, je regrette que vous n’ayez pas saisi la chance qui était offerte à l’Assemblée de faire œuvre utile et collective. C’est votre façon d’aborder le débat depuis le début : vous ne saisissez pas – ou très rarement – les possibilités de construire ensemble cette loi. C’est votre choix.

M. Jean Mallot. Ce sont les instructions !

M. Christian Paul. Je ne dis même pas cela. Votre méthode législative consiste à cliver l’assemblée entre majorité et opposition, chaque fois que nous pourrions faire œuvre utile ensemble, sans sectarisme, avec pragmatisme. C’est le jugement que nous portons, mes collègues socialistes et moi-même, sur votre méthode, depuis le début de ces travaux.

M. André Flajolet, rapporteur pour avis. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Christian Paul. Ce sujet essentiel concerne des millions de Français, en tout cas les centaines de milliers d’entre eux qui vivent dans les départements où les gardes médicales ne fonctionnent pas bien. Peut-être considérez-vous que, dans l’Yonne, tout se passe bien. Quoi qu’il en soit, je peux vous assurer que ce n’est pas le cas dans des départements voisins du vôtre ! Et il y a d’autres départements en France où cela se passe mal !

M. le président. Monsieur Paul, une fois encore, nous sommes hors rappel au règlement !

M. Christian Paul. Monsieur le président, je voulais aussi vous demander une suspension de séance afin que notre groupe puisse se réunir et apprécier le déroulement de ces débats.

M. le président. Je vais suspendre la séance pour cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d'un amendement n° 577 de la commission.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Je remercie M. le rapporteur de me laisser présenter cet amendement fort simple, accepté par la commission et auquel Olivier Jardé souhaite être associé. Il s’agit de substituer, à la deuxième phrase de l’alinéa 6, les mots : « exerce cette activité de régulateur » par les mots : « assure la régulation des appels ».

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Compte tenu de ce qui a été dit, il me semble nécessaire de retirer l’amendement ; c’est en tout cas ce que je suggère à M. Préel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Favorable.

(L'amendement n° 577 est adopté.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour un rappel au règlement.

M. Jean Mallot. Nous atteignons des sommets ! L’amendement n° 577, déposé par M. Préel, M. Tian et Mme Poletti, a été adopté par la commission des affaires culturelles ; c’est donc au nom de celle-ci qu’il était présenté par notre rapporteur, M. Rolland.

M. Jean-Luc Préel. L’amendement a été voté : restons-en là !

M. Jean Mallot. Le rapporteur s’est permis de demander le retrait d’un amendement de la commission, auquel le Gouvernement était favorable et que notre assemblée a adopté. Il fait vraiment du zèle pour verrouiller nos débats !

M. le président. M. le rapporteur, sans revenir sur l’avis favorable de la commission, a seulement dit, monsieur Mallot, que l’amendement pouvait être retiré, ce qui est son droit : chacun doit pouvoir s’exprimer comme il l’entend.

M. Jean Mallot. Absolument !

M. le président. L’amendement est adopté ; ne créez pas d’incident là où il n’y en a pas !

M. Jean Mallot. Le rapporteur doit rester dans son rôle !

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1272.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Cet amendement vise à autoriser la participation des médecins de centres de santé à la mission de service public de permanence des soins.

L’alinéa 6 de l’article 16 associe les médecins libéraux à la régulation des appels au sein d’un SAMU hébergé par un établissement public de santé, activité que lesdits médecins peuvent aussi exercer depuis leur cabinet ou leur domicile. Les médecins de centres de santé souhaitent pouvoir exercer cette même activité, y compris à partir d’un lieu extérieur à l’établissement de santé. Ils souhaitent également bénéficier, comme les professionnels libéraux, de toutes les rémunérations versées au titre de la participation à la régulation des appels et à la permanence des soins. La pénurie de professionnels de santé, dont on a tant parlé, justifie pleinement une telle mesure.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Cet amendement, qui vise à préciser la participation des médecins des centres de santé à la permanence des soins, est satisfait par l’alinéa 2 de l’article 16. La commission l’a donc repoussé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Les médecins des centres de santé peuvent participer à la régulation, y compris à l’extérieur des centres de santé. Cet amendement est donc satisfait.

M. le président. Êtes-vous vous-même satisfait, monsieur Muzeau ?

M. Roland Muzeau. Oui, monsieur le président ; je retire l’amendement.

(L’amendement n° 1272 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1248.

La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Ne serait-il pas intéressant que la responsabilité civile du médecin soit couverte par l’ARS ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je vous invite, monsieur Tian, à retirer votre amendement. Vous souhaitez que l’État, via l’ARS, assure une couverture assurantielle de la totalité de l’activité des médecins participant à la permanence des soins. Or, le présent article propose de couvrir l’activité de régulation téléphonique par le régime de responsabilité administrative, car cette activité, distincte de celle habituellement exercée par le médecin, génère des risques spécifiques.

Les visites et les consultations, en revanche, sont des activités habituellement exercées par le médecin, lequel est dès lors couvert par le contrat d’assurance en responsabilité professionnelle qu’il a obligatoirement souscrit. D’autres dispositifs répondent déjà à votre souci, monsieur Tian.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Les explications de Mme la ministre me suffisent. Je retire mon amendement.

(L’amendement n° 1248 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 409 et 1342.

Souhaitez-vous défendre l’amendement n° 409 de la commission, madame Poletti ?

Mme Bérengère Poletti. Oui, monsieur le président, et je serai très rapide. Cet amendement, que nous sommes nombreux à soutenir, vise à supprimer le doublement de l’amende pour refus de déférer à une réquisition de participation à la permanence des soins, afin de la maintenir à 3 750 euros.

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont, pour défendre l’amendement n° 1342.

M. Marcel Rogemont. J’ai déjà plusieurs fois demandé à Mme la ministre quel était le nombre d’amendes infligées aux médecins n’ayant pas déféré à une réquisition. On peut toujours multiplier cette amende par trois, cinq ou dix, si on ne l’applique pas, on enfile des perles ! Or, vous ne nous avez donné aucune information à ce sujet, madame la ministre ; nous ignorons donc si le dispositif est réellement dissuasif.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je n’ai pas le chiffre exact sous les yeux, monsieur Rogemont, mais je pourrai naturellement me le procurer. Il est néanmoins très faible, car les médecins satisfont aux réquisitions.

M. Marcel Rogemont. J’en doute un peu…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Si, monsieur Rogemont. Cette amende, je le rappelle, est prévue en cas de refus.

Le gouvernement est favorable à ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Les représentants des médecins généralistes avaient été choqués par la mesure proposée, qui leur semblait un raptus autoritaire et de surcroît inutile, puisque vous avez vous-même indiqué, madame la ministre, que très peu de médecins étaient concernés.

Des médecins comme les anesthésistes-réanimateurs ou les urgentistes font grève et sont réquisitionnés ; ils assurent alors le service avec un bandeau « en grève », ce qui est tout à leur honneur. Refuser une réquisition est un acte grave, souvent militant ou tout simplement justifié par l’état de santé du médecin lui-même.

Ce que vous proposez est d’autant plus incompréhensible que vous avez refusé de nombreux amendements de votre propre majorité, qui proposaient des mesures de bon sens pour améliorer la permanence des soins dans les territoires.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. J’ai accepté les deux amendements identiques !

M. Gérard Bapt. Pourquoi donc avoir proposé une amende disproportionnée par rapport aux revenus moyens d’un médecin généraliste ?

(Les amendements identiques nos 409 et 1342 sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 809, 848, 1258 et 26 tombent.

Je suis saisi d'un amendement n° 1894.

La parole est à M. Jacques Domergue.

M. Jacques Domergue. Afin d’améliorer la coordination des soins, cet amendement propose que les médecins préviennent leurs patients, ainsi que le conseil départemental de l’ordre, de leurs absences. On sait qu’une coordination est nécessaire pour les patients ; l’amendement vise donc à améliorer leur information.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Cet amendement, qui vise à organiser la continuité des soins pendant les vacances des médecins libéraux, a été accepté par la commission. Une telle mesure paraît utile. Il importe néanmoins que ces informations, précieuses pour les pouvoirs publics, permettent de calibrer les fermetures de lits dans les centres 15.

(L'amendement n° 1894, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 16, amendé, est adopté.)

Après l’article 16

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 16.

La parole est à M. Philippe Boënnec, pour défendre l’amendement n° 28.

M. Philippe Boënnec. Je crois aux mesures incitatives, et je propose, dans cet esprit, que soit « exonérée de l’impôt sur le revenu à hauteur de dix jours de permanence par an la rémunération perçue au titre de la permanence des soins » par les médecins généralistes. Cette exonération serait portée à une somme équivalant à soixante-dix jours de permanence par an pour les médecins qui exercent dans des zones très sous-dotées. Enfin, serait également exonérée, à hauteur de dix jours de permanence par an, la rémunération perçue par les médecins qui assurent la régulation médicale.

Il convient de donner au directeur de l’ARS des outils pour mettre en œuvre le schéma régional dans de bonnes conditions. Je crois à cet égard au dialogue social et à l’incitation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. L’article 151 ter du code général des impôts prévoit déjà une exonération d’impôt sur le revenu pour les rémunérations perçues au titre de la permanence de soins en zone sous-dense, à hauteur de soixante jours de permanence par an. Ne multiplions pas les niches fiscales. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Même avis que la commission.

(L'amendement n° 28 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 596.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Cet amendement poursuit deux objectifs : assurer la transparence des coûts des prothèses dentaires ; préciser la qualité du professionnel et des matériaux utilisés.

Tout le monde reconnaît aujourd’hui qu’il y a là un réel problème et qu’il faut trouver une solution. Chacun convient également que les actes du chirurgien-dentiste en matière de prévention ou de soin sont mal rétribués et que la complexité des soins prothétiques nécessite un travail important, une compétence qui doit être rémunérée à sa juste valeur.

Certes, le devis est désormais obligatoire, mais cela ne résout nullement le problème du coût et de la qualité de la prothèse. Dans de nombreuses professions, il est habituel de présenter, en même temps que la facture finale, celle des matériaux utilisés. Cet amendement ne propose rien d’autre : le dentiste devrait fournir, en même temps que sa facture, celle du prothésiste.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Cette préoccupation de notre collègue Préel a déjà été discutée dans le cadre du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il avait alors été expliqué que des problèmes juridiques s’opposaient à l’adoption de son amendement. La commission l’a donc rejeté.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Le chirurgien-dentiste ou le stomatologiste est entièrement responsable du produit qu’il délivre. C’est lui qui est, en fait, l’auteur de l’acte prothétique, qu’il peut déléguer au professionnel de son choix. On imagine d’ailleurs les conséquences d’une telle mesure pour le code de commerce : toute délivrance d’un produit entraînerait, en plus de sa facturation, celle de tous les produits intermédiaires, ce qui serait parfaitement impossible. Je suis donc défavorable à cet amendement, dont – M. le rapporteur le rappelait – nous avons d’ailleurs longuement discuté lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

(L’amendement n° 596 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1409.

La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Cet amendement d’appel concerne l’assurance professionnelle des médecins. Grâce à des réformes louables, ceux-ci sont désormais couverts jusqu’à 3 millions d’euros, mais la majorité des contrats d’assurance se sont alignés sur ce plafond minimum. Nombreux sont donc les professionnels qui craignent que, au-delà de ce montant, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux – l’ONIAM – n’intervienne et ne se retourne ensuite contre le médecin en cause. Ils s’estiment donc insuffisamment couverts par le système actuel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, bien qu’il soulève un vrai problème. Il vise en effet à priver l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux de la possibilité de se retourner contre les praticiens quand les plafonds de garantie ou le délai de validité de leurs assurances en responsabilité civile sont atteints. Comme le rappelait M. Tian, les assurances en responsabilité civile ne garantissent que jusqu’à 3 millions d’euros. Depuis 2006, il existe un mécanisme de prise en charge des cotisations d’assurance en responsabilité professionnelle pour les praticiens exerçant des spécialités à risque, comme l’obstétrique : l’Observatoire des risques médicaux en a dressé un premier bilan positif. Il serait donc intéressant de connaître l’avis de Mme la ministre sur la question.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Notons, au passage, que cet amendement n’a rien à voir avec la permanence des soins. M. Tian soulève cependant un vrai problème. En lui faisant connaître mon avis, je répondrai également à Mme Orliac, qui m’a posé la question dans son propos liminaire. Il me faudra entrer dans le détail, et je vous prie de m’excuser si je suis un peu longue.

L’interrogation de Mme Orliac et l’amendement de M. Tian abordent la très importante question de la responsabilité civile des professionnels de santé, notamment des médecins, dans le cadre de la judiciarisation croissante de notre société. L’ONIAM peut se substituer aux acteurs de santé responsables et à leurs assureurs au-delà d’un plafond qui est fixé, par voie réglementaire, à 3 millions d’euros. Ce mécanisme a un double objectif : améliorer les conditions de couverture des professionnels de santé pour les protéger de contrats abusifs et garantir aux victimes qu’elles seront effectivement indemnisées – le second considérant aurait peut-être mérité d’être placé en première place.

En contrepartie, le dispositif prévoit que l’ONIAM récupère, quand c’est possible, les sommes qu’il a engagées au nom de la solidarité nationale auprès du professionnel de santé ou de l’établissement de santé responsable des accidents médicaux – et c’est bien normal.

Je partage évidemment votre souci de faire en sorte que les professionnels de santé soient bien couverts au titre de leur responsabilité civile médicale, mais je ne peux pas donner un avis favorable à votre amendement, car prévoir que l’ONIAM intervienne systématiquement en cas de faute pour prendre en charge, sans possibilité de recours, les indemnisations en cas d’accident médical fautif irait à l’encontre du principe juridique de l’individualisation des peines que prononce le juge civil ou le juge pénal, ce qui serait contraire au respect de l’autorité de la chose jugée.

Ensuite, votre proposition s’étend aux établissements de santé qui, à la différence des professionnels de santé libéraux, peuvent fixer contractuellement, de gré à gré, leur plafond de garantie. Prévoir l’absence de recours subrogatoire de l’ONIAM au-delà des plafonds de garantie des établissements de santé fixés librement, reviendrait à considérer que, à l’avenir, les assureurs et les établissements de santé pourraient fixer des plafonds très bas et que l’ONIAM serait tenu d’intervenir au-delà de ces faibles montants.

Troisième élément, votre proposition conduirait à faire intervenir systématiquement la solidarité nationale, alors que les professionnels libéraux ne rencontrent pas actuellement de difficulté pour se couvrir. La stabilisation des conditions d’assurance en responsabilité civile médicale est d’ailleurs largement due à l’action des pouvoirs publics qui ne sont pas restés inactifs pour répondre aux difficultés des professionnels de santé, notamment pour les professionnels les plus à risque – obstétriciens ou chirurgiens –, afin de leur permettre de faire face à l’évolution des primes d’assurance et aux menaces de retrait de certains assureurs. Nous avons mis en place, en 2006, le dispositif d’aide à la souscription d’une assurance professionnelle pour le médecin qui s’engage dans une démarche d’accréditation. Dès lors qu’il s’engage dans ce processus de réduction des risques, l’assurance maladie lui verse une aide qui varie en fonction de la spécialité exercée et du secteur d’activité. Je rappelle que ce dispositif a coûté à la collectivité 130 millions d’euros les trois dernières années.

Les données qui m’ont été fournies par l’Observatoire des risques médicaux indiquent d’ailleurs que ce dispositif de création récente est très efficace. Il est dédié aux médecins de spécialités dites à risque, et l’aide bénéficie aux chirurgiens pour environ 60 %, 23 % allant aux anesthésistes, 17 % aux gynécologues et/ou obstétriciens. Le montant de l’aide versée par l’assurance maladie représente entre 55 % et 66 % de la prime versée par les professionnels de santé. Ce n’est donc pas une aide cosmétique.

Enfin, les dernières constatations que m’a transmises le Bureau central de tarification, dont le rôle est de trouver un assureur aux médecins qui ont des difficultés à en trouver un, sont bien orientées : on est passé de 1 300 interventions dudit Bureau en 2003 à 128 en 2008, soit une division par dix du nombre d’interventions, en seulement cinq ans.

L’évolution positive de la situation en matière de responsabilité civile médicale ne justifie donc pas une intervention massive de la solidarité nationale. Je compte poursuivre les efforts qui ont été entrepris, notamment ceux qui concernent l’accréditation des professionnels, sous l’égide de la Haute autorité de santé, et je souhaite que soit laissé au dispositif mis en place le temps de produire tous ses effets avant de modifier une fois de plus le dispositif législatif – ce qui, en soi, ne serait pas grave –, mais, surtout, avant de faire appel à la solidarité nationale, qui nous engage tous.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Madame la présidente…

M. le président. Madame la ministre !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Présidente de quoi ?

M. Jean-Pierre Door. Je vous le souhaite, madame, c’est le vœu que l’on peut formuler en cette fin d’après-midi. (Rires.)

M. Gérard Bapt. C’est un scoop, une déclaration de candidature ! Cela figurera au Journal officiel !

M. Jean-Pierre Door. Madame la ministre, je vous remercie d’avoir répondu à l’amendement de Dominique Tian. Il est vrai qu’il n’est pas tout à fait à sa place dans ce projet de loi, mais il soulève un réel problème. La loi About de 2002 sur l’assurance de responsabilité civile professionnelle avait apporté les solutions que vous avez énumérées et, depuis plusieurs années, nous avons régulièrement remis l’ouvrage sur le métier pour tenter de parfaire le dispositif. Malheureusement, il subsiste un problème dans les primes d’assurance des spécialités à risque que vous avez rappelées. On sait que certaines primes sont très élevées, puisqu’elles atteignent 30 000 à 50 000 euros.

Par ailleurs, la judiciarisation continue de se développer et risque même d’exploser. Je crois, madame la ministre, qu’il faudra revoir le dossier de la responsabilité civile professionnelle des professions à risque. Vous l’avez dit, on pourrait envisager d’autres solutions que le recours à la solidarité nationale : mutualisation, écrêtement des risques. Il faudra les évaluer avec les assureurs. Je vous remercie d’y penser : la loi About n’a pas pu résoudre tous les problèmes d’assurance des professionnels de santé.

M. le président. La parole est à M. Olivier Jardé.

M. Olivier Jardé. Madame la ministre, je confirme que l’on doit toujours rembourser l’intégralité du dommage et que, si elles ne sont pas fréquentes, les indemnisations dépassant 3 millions d’euros existent bel et bien dans certaines spécialités comme l’obstétrique. Or, la majorité des contrats d’assurance prévoit un plafond de 3 millions environ. Au-delà, un recours sur le praticien est entamé : les sommes en jeu sont parfois considérables.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Mon amendement était un appel adressé à Mme la ministre. Elle l’a entendu. Je retire donc cet amendement.

(L’amendement n° 1409 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 410.

La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Cet amendement reprend un amendement discuté à l’occasion du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale : il vise à expérimenter le dossier médical personnel sous forme d’un outil informatique personnel, tel qu’une clef USB ou autre moyen de portage. Cela se fait, sur un plan privé, dans d’autres pays. Pierre Morange et moi-même avons étudié cette solution dans le cadre de la mission sur le DMP qui nous avait été confiée. Nous vous avions proposé, madame la ministre, de tenter l’expérience avec des patients en affection de longue durée ou dans certaines régions. Vous aviez accepté l’idée et l’amendement au PLFSS avait été voté, mais il avait ensuite été retoqué par le Conseil constitutionnel. Pierre Morange et moi-même vous remercierions d’accepter de relancer l’expérimentation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission a adopté cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je voudrais remercier Jean-Pierre Door pour son activité inlassable au service du DMP et son exceptionnelle capacité d’imagination et de proposition. Cet amendement est parfaitement légitime.

Le Gouvernement émet un avis favorable à cette expérimentation. Il conviendra néanmoins de prendre certaines précautions dans la mesure où il existe un risque de perte d’informations sur les clefs USB, sans compter celui de perdre la clef elle-même – objet de petite dimension et par nature mobile. Bien sûr, si cette démarche se révélait négative, elle serait interrompue. En attendant, les raisons exposées par M. Door justifient que l’on mène cette expérimentation.

M. Marc Bernier. Très bien !

(L'amendement n° 410 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1369.

La parole est à M. Paul Jeanneteau.

M. Paul Jeanneteau. Face au problème de densité médicale, permettre aux médecins en fin de carrière de cotiser au prorata des heures travaillées pourrait les encourager à exercer un peu plus longtemps. En effet, actuellement, s’ils veulent continuer à travailler à temps partiel plutôt que d’arrêter complètement leur activité, ils doivent cotiser à taux plein, ce qui se révèle très pénalisant. Cet amendement vise donc à permettre aux médecins exerçant à temps partiel après l’âge de soixante ans de cotiser auprès des organismes sociaux au prorata des heures travaillées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement dans la mesure où il semble plus cohérent de fixer un âge seuil plus élevé pour le départ à la retraite des médecins. Après avoir étudié de façon approfondie la question – on a rappelé, hier, que l’âge moyen d’installation était de trente-neuf ans –, on peut penser que l’âge de départ à la retraite des médecins sera de plus en plus élevé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Mon explication sera un peu technique. Les cotisations des médecins sont d’ores et déjà fonction non pas des heures travaillées, mais des revenus. Il n’est guère que la cotisation à l’ASV qui soit forfaitaire. L’amendement n’apporte donc rien de neuf en la matière.

En revanche, il est vrai que le mode de calcul peut être pénalisant en cas d’activité décroissante. En effet, les cotisations, la CSG ainsi que la CRDS sont calculées, pour les médecins libéraux, sur les revenus professionnels perçus lors de l’avant-dernière année d’activité. Il peut donc exister un décalage entre les revenus servant de base au calcul des cotisations et ceux de l’année en cours.

Il existe néanmoins des dispositions qui permettent aux professionnels de verser leurs cotisations sur la base du revenu estimé de l’année en cours. Les cotisations sont ainsi calculées au plus près de l’activité. Ces dispositions, monsieur Jeanneteau, répondent à vos préoccupations.

J’ajoute, en ce qui concerne l’ASV, que si la création d’une cotisation proportionnelle aux revenus peut être envisagée – cela a été d’ailleurs fait pour d’autres professions de santé que les médecins –, cela demanderait un minimum de concertation avec les professionnels. C’est la raison pour laquelle il serait bon que vous retiriez votre amendement.

M. le président. Retirez-vous votre amendement, monsieur Jeanneteau ?

M. Paul Jeanneteau. Oui, monsieur le président.

(L'amendement n° 1369 est retiré.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi portant réforme de l’hôpital.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)