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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 18 mars 2009

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Laffineur

1. Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

2. Questions au Gouvernement

Aides à la viticulture

M. Kléber Mesquida

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche

Régulation des marchés financiers

M. Michel Hunault

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi

Grève des enseignants-chercheurs

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur

Crédit à la consommation

Mme Fabienne Labrette-Ménager

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi

Bouclier fiscal

M. Didier Migaud

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Fermeture de l’usine Continental

M. François-Michel Gonnot

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Mouvement social

M. Pierre Gosnat

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Plan de relance

M. Jean Proriol

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance

Répression de l’aide au séjour irrégulier

Mme Catherine Coutelle

M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire

Prévention des expulsions

M. Pierre Cardo

Mme Christine Boutin, ministre du logement

Disparition d’Ibni Oumar Mahamat Saleh

M. Gaëtan Gorce

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Conseil des ministres franco-allemand

Mme Nicole Ameline

M. Bruno Le Maire, secrétaire d’État chargé des affaires européennes

Libertés publiques

M. Jean-Jacques Urvoas

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

Violence en milieu scolaire

M. André Schneider

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

Pouvoir d’achat des classes moyennes

Mme Pascale Got

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi

3. Réforme de l’hôpital

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Explications de vote

M. Jean-Pierre Door, Mme Marisol Touraine, Mme Jacqueline Fraysse, M. Jean-Luc Préel

Présidence de M. Marc Le Fur

4. Loi de finances rectificative pour 2009

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan

Exception d’irrecevabilité

M. Jérôme Cahuzac

M. Éric Woerth, ministre du budget, M. Jérôme Chartier, M. Gérard Bapt, M. Charles de Courson, M. Jean-Claude Sandrier

Rappel au règlement

Question préalable

M. Jean-Claude Sandrier

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, M. Jean Launay, M. Marc Laffineur

Discussion générale

M. Charles de Courson

Rappel au règlement

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Laffineur

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Souhaits de bienvenue
à une délégation étrangère

M. le président. Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de la commission des relations extérieures et de la défense de la Chambre des députés de la République fédérative du Brésil, conduite par M. Marcondes Gadelha. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Aides à la viticulture

M. le président. La parole est à M. Kléber Mesquida, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Kléber Mesquida. Ma question porte sur l’emploi et l’économie rurale et s’adresse au ministre de l’agriculture. Lorsqu’une entreprise française licencie, le retentissement social et médiatique est immédiat. Mais lorsque la viticulture subit des milliers de pertes d’emplois, l’impact n’est pas le même car elles sont espacées tout au long de l’année et disséminées sur tout le territoire.

Depuis 2003, la crise de la viticulture française s’accentue, dans un silence pudique. En Languedoc, elle se traduit notamment par des arrachages massifs : 14 000 hectares pour la seule année 2008, 3 500 emplois détruits.

D’un côté, le Gouvernement annonce des plans d’aide, mais, de l’autre, il pénalise la profession par des mesures inadaptées, telles que l’augmentation des droits d’accise au mois de janvier, le maintien du taux de TVA à 19,6 % contre 5,5 % pour tous les autres produits agricoles, la suppression des certificats d’importation et la fin des contrôles. En résultent non seulement un manque à gagner fiscal mais aussi une concurrence déloyale pour nos vins français, qui sont, quant à eux, strictement contrôlés à l’exportation. Enfin, monsieur le ministre, vous avez récemment donné votre accord pour la fabrication de vins rosés artificiels.

Pourtant, vous le savez, la viticulture française représente 7 milliards d’euros d’excédent dans la balance commerciale. Quelles mesures comptez-vous prendre pour renforcer les exportations ?

Par ailleurs, vous avez installé le Conseil supérieur de l’œnotourisme. Quels moyens réels sont prévus pour aider la filière en ce domaine ?

Monsieur le ministre, la désespérance profonde du monde vigneron peut, hélas ! conduire à des violences dommageables pour tous. Je ne sais si vous mesurez l’ampleur de la crise mais, je vous le dis, vous pouvez encore sauver des emplois. Assez de palinodies, agissez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le député, sachez que je mesure la gravité de la situation et les difficultés auxquelles sont confrontées beaucoup des 120 000 exploitations viticoles que compte notre pays. Nous les accompagnons, et pas seulement par des encouragements verbaux. L’OCM viticole, outil européen de solidarité, représente une enveloppe de 172 millions d’euros, laquelle sera portée à 280 millions en 2012. Ce ne sont pas des mots, mais beaucoup d’argent pour la restructuration, pour l’investissement, pour la promotion.

À cela s’ajoutent le plan de modernisation, mis en place avec la profession, le conseil de l’œnotourisme, que nous venons de créer avec M. Novelli (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP) afin d’associer plusieurs atouts qui font notre force : des produits de qualité, le tourisme, le patrimoine et la culture.

Pour répondre à la situation d’urgence créée par ces difficultés conjoncturelles, j’ai mis en place au mois de novembre, avec le Premier ministre, un plan destiné à l’agriculture dans son ensemble, doté de 250 millions d’euros. Je viens d’y ajouter une enveloppe de 375 000 euros pour l’allégement de charges financières, destinée aux quatre départements viticoles du Languedoc-Roussillon.

Nous sommes aussi présents aux côtés de viticulteurs en difficulté à travers des mesures structurelles.

Nous savons, monsieur le député, l’importance que revêt en ce moment ce secteur productif, ancré dans l’économie réelle, pour l’ensemble de l’économie française. S’il tient le coup, ce n’est ni par hasard ni par l’opération du Saint-Esprit, mais grâce au travail de milliers d’hommes et de femmes, grâce aux politiques publiques, grâce à une gouvernance, grâce à la politique européenne et grâce à un budget.

Nous sommes aux côtés des viticulteurs : les difficultés de chacun d’entre eux peuvent faire l’objet d’un traitement individualisé auprès du préfet du département. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Régulation des marchés financiers

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Michel Hunault. Madame la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, à la veille du sommet européen et à quelques jours du sommet de Londres, ma question a trait aux initiatives que le Gouvernement français entend prendre, sous l’impulsion du Président de la République et du Premier ministre, en matière de régulation des marchés financiers dans une exigence de transparence et de bonne gouvernance. Ce disant, je vise plus particulièrement les paradis fiscaux, centres opaques par lesquels transite le produit de la drogue, du blanchiment de l’argent, de la corruption. Le forum de stabilité financière et l’OCDE ont établi dernièrement une liste des pays dits non coopératifs.

Madame la ministre, nous savons que la bonne santé de l’économie dépend de la régulation et de la bonne santé du système financier. Au regard des conséquences de la crise financière sur la crise économique, quelles initiatives le Gouvernement et l’Europe entendent-ils prendre à la veille du sommet de Londres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et du chômage !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Monsieur le député, vous connaissez bien ces matières et je vous remercie de m’avoir posé cette question.

De nombreux capitaux transitent à travers ce que l’on appelle communément des paradis fiscaux ou des centres non coopératifs. Cela peut poser de graves problèmes, y compris sur le plan individuel – il n’est qu’à voir les affaires Madoff ou Stanford, où ces montages ont été abondamment utilisés. Et lorsque de petits États engagent des risques disproportionnés, systémiques qui représentent parfois dix fois leur produit intérieur brut, cela pose un réel problème de structure : c’est toute la stabilité du système financier qui est mise en péril.

Depuis que le Président de la République française et la chancelière Merkel se sont associés pour lutter contre ces matières, des réels progrès ont été enregistrés. À l’occasion du « petit G20 » qui vient de réunir les ministres des finances, nous avons, avec mon collègue allemand, poussé le feu. Nous avons notamment obtenu le principe de l’établissement d’une liste des centres non coopératifs et celui de la boîte à outils permettant de sanctionner ces centres, mais aussi les établissements qui travaillent et persistent à travailler avec eux.

Il faudra, bien sûr, aller plus loin dans trois directions : d’abord en direction des centres qui pratiquent le blanchiment de l’argent, ce qui est inacceptable ; en direction ensuite des paradis fiscaux, non en raison de leur fiscalité mais parce qu’ils nous empêchent de faire appliquer la nôtre ; en direction enfin des centres non coopératifs dans le domaine prudentiel, qui ne fournissent pas d’informations sur les flux financiers entrants et sortants.

Le Gouvernement est clairement mobilisé : avec Éric Woerth, nous avons engagé une action déterminée. La semaine dernière, j’ai signé un accord concernant Jersey et Éric Woerth en conclura prochainement un avec l’île de Man.

Par ailleurs, vous l’avez noté, depuis plusieurs jours certains centres non coopératifs rendent les armes, en particulier dans le domaine de la transparence bancaire. C’est à l’action déterminée du Gouvernement que nous le devons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Grève des enseignants-chercheurs

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le Premier ministre et concerne la politique de recherche et d’enseignement supérieur.

Enseignants, chercheurs, étudiants et personnels administratifs des universités sont en grève depuis plus d’un mois et demi. En dépit des tentatives de division et pseudo-négociations orchestrées par la ministre Valérie Pécresse, ils étaient 60 000 dans la rue mercredi dernier.

Si le décret sur le statut des enseignants-chercheurs est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, le malaise de la communauté universitaire est global et profond ; c’est la conséquence de vos choix politiques.

Votre loi LRU parle d’autonomie, alors qu’elle instaure en réalité la mise en concurrence des universités entre elles.

Vous asphyxiez les organismes publics de recherche.

Si l’on ajoute à votre conception managériale la réforme de la formation des maîtres et la suppression de plus de 900 emplois de l’enseignement supérieur au budget 2009, c’est bien à un véritable démantèlement du service public d’enseignement et de recherche que nous assistons.

Une grande réforme globale de la recherche, de la formation des enseignants et des étudiants, des universités, des grandes écoles, des classes préparatoires, des IUT et autres filières courtes est nécessaire. Mais vous ne la construirez pas sans eux.

Face à ce mouvement d’ampleur, votre silence méprisant fait courir le risque de débordements dangereux. Est-ce cela que vous cherchez ? Allez-vous enfin retirer les projets en cours et engager une réelle concertation avec tous les acteurs concernés et leurs organisations syndicales dont nul ne peut contester la force et la représentativité ?

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur.

M. Patrick Roy. Et de l’Île-de-France !

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur. Madame la députée, comme je l’ai déjà dit hier, les premières victimes des blocages universitaires, ce sont les étudiants, et pour commencer les plus fragiles d’entre eux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Voilà pourquoi je condamne vigoureusement ces blocages et surtout les violences commises à certains endroits à l’encontre des personnels et les locaux universitaires. J’attends de tous ceux qui aiment l’université et sont attachés à la réussite des étudiants qu’ils les condamnent à leur tour.

M. Marc Dolez. Répondez à la question !

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur. Je trouve assourdissant le silence de la gauche sur la question des blocages et des violences. (Protestations sur les bancs des groupes GDR et SRC – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

La seule réponse aujourd’hui aux interrogations de la communauté universitaire passe par le dialogue, ce dialogue qui nous permet de réécrire le statut des enseignants-chercheurs.

M. Marc Dolez. Tout le monde est contre !

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur. Ce nouveau statut permettra un plan de revalorisation totalement inédit des carrières des universitaires. Les maîtres de conférence seront recrutés avec des salaires entre 12 et 25 % plus élevés, les promotions de tous les universitaires seront doublées, de nouvelles primes seront créées pour les missions d’enseignement et de recherche pour les valoriser.

Ce plan de revalorisation ne touchera pas seulement les universitaires : les personnels de recherche et de formation eux aussi verront, entre 2007 et 2011, leur taux de promotion augmenter de 62 % et les crédits des primes de 32 %.

M. Marc Dolez. Personne n’y croit !

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur. Voilà ce que nous faisons pour la reconnaissance des métiers de l’université et des métiers de la recherche. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – « Karoutchi, aussi ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Crédit à la consommation

M. le président. La parole est à Mme Fabienne Labrette-Ménager, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Madame la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, Denis Jacquat et moi-même conduisons depuis quelques jours, à la demande du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, une mission sur le surendettement et les crédits à la consommation.

Nous avons pu d’ores et déjà rencontrer les représentants des établissements bancaires et de crédit, ainsi que des organisations familiales et des associations de consommateurs, afin d’évoquer avec eux les améliorations à apporter au système actuel afin de mieux encadrer les conditions d’octroi des crédits à la consommation.

Avant-hier, les médias se sont fait l’écho du projet de loi, relatif notamment à cette question, que vous entendez soumettre prochainement à la représentation nationale. Pourriez-vous, madame la ministre, nous indiquer dès à présent les grandes lignes des mesures que vous entendez proposer pour éviter les conséquences, malheureuses pour nos concitoyens, que le surendettement peut entraîner ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et du chômage ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Madame la députée, le Gouvernement est déterminé à réformer le crédit à la consommation, non seulement parce qu’il concerne 9 millions de nos concitoyens, mais également parce qu’il engendre des excès ou des abus que Luc Chatel, Martin Hirsch et moi-même voulons éradiquer.

J’ai recensé quatre points noirs.

Le premier, c’est la publicité agressive ou harcelante. Nous n’en voulons plus. Elle sera interdite.

Le deuxième est l’absence de comparaison. Pour que le consommateur ait la possibilité de comparer les offres, la publicité devra systématiquement recourir au même exemple type.

Le troisième est le sentiment, parfois éprouvé par le consommateur, qu’il n’aura jamais fini de rembourser son crédit, du fait que les mensualités, dans certains cas, ne portent dans un premier temps que sur les intérêts, repoussant d’autant le remboursement du capital.

M. Pierre Gosnat. Qui a instauré ce type de crédit ? C’est vous !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Le projet de loi prévoit que tout crédit à la consommation devra obligatoirement comporter le remboursement d’une part de capital.

Le quatrième et dernier point noir est le crédit sans garde-fou, que l’on souscrit, pour ainsi dire, « à l’insu de son plein gré », tout simplement parce qu’on est entré dans un magasin après avoir garé sa voiture sur un parking. Ce ne sera désormais plus possible. Le projet de loi tend à imposer un devoir d’explication ainsi qu’un devoir de vérification de la solvabilité de l’emprunteur, notamment en consultant systématiquement le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers. Les prêteurs qui ne respecteront pas ces obligations encourront des sanctions pénales et le risque de la déchéance des intérêts.

Martin Hirsch, Luc Chatel et moi-même allons continuer les consultations avec les organisations spécialisées avant d’engager avec vous un débat qui rassemblera, nous l’espérons, tout l’hémicycle sur un sujet qui concerne, je le répète, 9 millions de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Bouclier fiscal

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Didier Migaud. Ma question s’adresse à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Selon le Gouvernement, le bouclier fiscal est efficace et juste. À la lumière des chiffres, il est permis d’en douter.

Grâce au bouclier fiscal, en effet, les contribuables les plus aisés sont désormais exonérés de toute hausse d’impôt, comme nous avons pu le constater à propos du financement du RSA. Est-ce juste ? (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Le changement décidé par le Gouvernement, avec, de plus, l’introduction de la CSG dans le bouclier fiscal, a eu pour conséquence de doubler son coût, sans que le nombre de bénéficiaires augmente. Seuls les plus riches, ceux qui ont les patrimoines les plus importants, en profitent. Ainsi 834 contribuables, qui se partagent à eux seuls 307 millions d’euros, soit les deux tiers du coût du dispositif, reçoivent un chèque de 368 000 euros en moyenne ! (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe SRC.) Inversement, les bénéficiaires modestes du bouclier ne se partagent que 1 % du coût de cette mesure, et leur part a été divisée par deux en 2008 par rapport à 2007 ! Est-ce juste ? (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Le premier président de la Cour des comptes évaluait récemment la perte d’ISF due au départ de contribuables à l’étranger à 17 millions d’euros. Le bouclier, lui, coûte 458 millions. Est-il efficace ? (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Enfin, le bouclier est calculé non pas sur les revenus effectivement perçus par les contribuables, mais sur leurs revenus diminués des avantages que procurent les niches fiscales, ce qui permet à certains de déclarer un revenu imposable de 300 euros par mois alors que leur patrimoine s’élève à 15 millions, et de recevoir du fisc un chèque de plus de 286 000 euros ! Est-ce juste ? (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Ces questions, monsieur le ministre, sont simples : elles méritent des réponses claires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le député, vous soulignez que 834 contribuables ont reçu un chèque d’un montant moyen de 368 000 euros. C’est vrai, mais vous oubliez de rappeler qu’ils avaient versé à l’État un chèque très important, aussi important ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est parce qu’ils versaient souvent plus de 80 %, voire 100 % de leurs revenus aux impôts, que leur contribution a été ramenée à 50 % ! (Même mouvement.)

M. Bernard Deflesselles. Très juste !

M. Éric Woerth, ministre du budget. L’impôt est une affaire de citoyenneté, non de confiscation. Vous avez invoqué la justice : est-il juste de payer plus de 50 % de ses revenus en impôtS ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.) Est-il juste de travailler plus d’un jour sur deux pour l’État ? (Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Une telle situation n’existe nulle part ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) En France, la coexistence d’un impôt sur le revenu élevé et d’un impôt sur le patrimoine également élevé impose de plafonner la pression fiscale, d’où l’instauration du bouclier fiscal, qui est un système juste. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

La véritable injustice, c’était que certains contribuables puissent s’exonérer de l’impôt à travers l’utilisation excessive d’avantages fiscaux par le recours aux niches fiscales : c’est pourquoi Christine Lagarde et moi-même avons décidé de les plafonner.

M. Philippe Briand. L’opposition avait été incapable de le faire !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Enfin, monsieur le député, on n’est pas, en France, un voleur lorsqu’on gagne de l’argent parce qu’on a réussi. (Vifs applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.) Si l’on veut faire partir de France toute sa richesse, alors il faut prendre les mesures que vous préconisez. À une époque de très grande mobilité du capital et de compétition très rude, notamment entre pays européens, surtaxer aboutit en réalité à détaxer ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Monsieur le ministre, veuillez conclure.

M. Éric Woerth, ministre du budget. Surtaxer est précisément ce que nous voulons éviter. C’est une affaire de justice comme d’efficacité économique. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC. – Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Maxime Gremetz. C’est une insulte à la misère !

Fermeture de l’usine Continental

M. le président. La parole est à M. François-Michel Gonnot, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. François-Michel Gonnot. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

La direction allemande du groupe Continental, si elle maintient son sinistre projet, va se tourner dans les toutes prochaines semaines vers le Gouvernement pour lui demander de prendre partiellement en charge le coût de son plan social, qui se traduira conduira très rapidement par plusieurs centaines de licenciements et par la fermeture complète et définitive de l’usine de Clairoix, dans le département de l’Oise.

Compte tenu de la façon dont les choses se sont passées, madame la ministre, je voudrais, en associant à ma question Lucien Degauchy et l’ensemble de mes collègues de l’Oise, vous demander si vous n’estimez pas qu’il est du devoir du Gouvernement, avant d’entamer la moindre négociation avec le groupe Continental, d’obtenir de lui des réponses à un certain nombre de questions.

La première est évidente. Pourquoi Continental a-t-il menti depuis si longtemps à tout le monde : aux salariés, aux élus locaux, aux pouvoirs publics ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP et sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Il est clair, maintenant, que la décision de fermer l’usine de Clairoix a été prise depuis de longs mois. Elle ne date pas d’hier.

M. Henri Emmanuelli. Et Sony ?

M. François-Michel Gonnot. Pourquoi avoir nié et avoir menti jusqu’au dernier moment ?

Deuxième question : pourquoi avoir demandé aux salariés un retour aux quarante heures hebdomadaires de travail alors que l’usine était condamnée ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) La direction allemande cherchait-elle déjà, il y un an, un prétexte pour fermer le site de Clairoix en cas de refus ? Les salariés ayant dit oui, dans leur majorité, au retour aux quarante heures, on comprend d’autant plus leur colère aujourd’hui.

Troisième question : pourquoi, madame la ministre, le groupe Continental n’a-t-il pas cherché à sauver l’usine de Clairoix ?

M. Henri Emmanuelli. Et Sony ?

M. François-Michel Gonnot. Le Gouvernement vient de mettre en place le pacte automobile. Celui-ci comporte toute une série d’instruments qui auraient pu aider le groupe à sauver l’usine de Clairoix, ou tout au moins à limiter les dégâts.

M. le président. Monsieur le député, il faut conclure.

M. François-Michel Gonnot. Il semble que Continental n’ait rien sollicité du Gouvernement. Pouvez-vous nous répondre sur ce point ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Monsieur le député, je tiens à vous le dire tout net, le Gouvernement comprend votre amertume (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) et partage votre indignation.

M. Albert Facon. Votre seule réponse, c’est la compassion !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Certes, il ne sert à rien de le nier, une crise automobile sévit dans tous les pays européens. Les ventes reculent de 20 à 40 %. En France, ce recul est moins important, notamment grâce à la prime à la casse. La production automobile française a même enregistré un léger rebond en janvier. Mais cette crise, pour ne pas être niable, n’exonère pas d’un certain comportement en pareille période. Je voulais vous le dire très clairement.

Certes, le groupe Continental enregistre une surcapacité de pneumatiques de l’ordre de 12 millions. Mais il y avait d’autres moyens à mettre en œuvre. Christine Lagarde et Luc Chatel l’ont indiqué très clairement au président de ce groupe lorsqu’ils l’ont reçu.

M. Michel Lefait. On voit le résultat !

M. Henri Emmanuelli. Quel succès !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. La loi est claire à cet égard : le 31 mars prochain, c’est le comité d’entreprise qui aura la primeur des mesures de restructuration annoncées. Je le dis publiquement : il est inconcevable, pour le Gouvernement, qu’une restructuration brutale ait lieu dans un bassin d’emplois principalement constitué par les 1 200 salariés de l’usine de Clairoix.

M. Christian Bataille. Et qu’allez-vous faire ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Le Gouvernement mettra en œuvre tous les moyens légaux…

M. Maxime Gremetz. Lesquels ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. …pour s’opposer à cette restructuration brutale, si elle devait avoir lieu.

M. Maxime Gremetz. Dites-nous lesquels !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Ainsi que vous l’avez noté à juste raison, monsieur le député, les salariés de Clairoix ont, en 2007, volontairement adopté des nouvelles modalités en matière de durée du travail. Les dirigeants de l’entreprise devront en tenir compte.

Le Gouvernement a mis en œuvre, dans le cadre du pacte automobile, un certain nombre de mesures de compétitivité, mais il fera aussi preuve de la plus grande vigilance pour éviter les conséquences sociales des restructurations. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mouvement social

M. le président. La parole est à M. Pierre Gosnat, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Pierre Gosnat. Ma question s’adresse au Premier ministre.

Demain, des millions de Français défileront dans la rue, unis comme ils l’ont été le 29 janvier dernier, pour exiger un véritable plan de relance sociale. Or, si j’ai bien compris vos déclarations, vous évacuez a priori la demande, formulée par les organisations syndicales, d’une négociation portant sur les salaires, le pouvoir d’achat et l’emploi.

Plus que de l’indifférence, il y a, me semble-t-il, du mépris de la part du Gouvernement à ne pas vouloir entendre et voir la peine de nos concitoyens confrontés à la crise. Et il y a de l’inconséquence à ne pas mesurer l’ampleur du mécontentement, au point que trois Français sur quatre soutiennent cette grève.

Mais comment ne pas décréter l’état d’urgence sociale quand, chaque jour, 3 000 salariés deviennent chômeurs, quand dans toutes les régions sont annoncés des plans de licenciements, et quand un malaise profond bouleverse la fonction publique dans son ensemble ?

Cette situation ne fait que renforcer l’exaspération des salariés et les pousse, comme c’est le cas chez Continental, Amora, et tant d’autres, à durcir la lutte et la mobilisation.

Ainsi, c’est un véritable avis de chaos social que vous enverront demain les manifestants. Et comme l’ont démontré les mobilisations en outre-mer, le peuple ne se contentera pas de mesurettes soporifiques. Seuls des actes politiques sont attendus. Et c’est possible sans tarder.

Commencez par supprimer le bouclier fiscal,…

M. Patrick Roy. Très bien !

M. Pierre Gosnat. …comme le demandent d’ailleurs certains de vos amis. Remettez en cause la loi sur les heures supplémentaires, afin de privilégier l’emploi durable.

M. Jean-Jacques Candelier. Il a raison !

M. Pierre Gosnat. Décrétez l’interdiction des licenciements dans les entreprises qui ont réalisé des bénéfices extraordinaires, comme chez Total. Interdisez les délocalisations et le versement de dividendes…

M. le président. Mon cher collègue, votre temps de parole est épuisé.

M. Pierre Gosnat. …aux actionnaires d’entreprises qui licencient ou ont recours au chômage partiel.

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. Pierre Gosnat. Vous me coupez le micro, monsieur le président, alors que M. Gonnot avait dépassé son temps de parole de vingt secondes ! C’est inadmissible !

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le député, demain, effectivement, des Français défileront certainement dans la rue. Vous me parlez de mépris ; je ne comprends pas ce langage. Du reste, il ne faut pas mépriser tous ceux qui auront décidé de ne pas défiler. N’oubliez pas non plus ceux-là, monsieur le député. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. André Gerin. Oh, que c’est vilain !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Le Gouvernement, le Premier ministre, comme le Président de la République, sont totalement à l’écoute de ce qui se dit. Bien évidemment, la sortie de cette crise dépendra aussi de cette écoute, et de l’ensemble des mesures qui sont prises.

Il ne s’agit pas uniquement de mesures d’investissement, ou de mesures de relance classiques. Ce sont aussi des mesures qui prennent en compte les difficultés sociales qu’affrontent nos concitoyens.

M. Maxime Gremetz. Ça se voit dans l’Oise !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Après la manifestation du 29 janvier, le Président de la République a invité les partenaires sociaux à un sommet social extrêmement important. De ce sommet social sont nées un certain nombre de mesures, coûtant d’ailleurs 2,6 milliards d’euros et s’ajoutant à l’ensemble des autres mesures qui constituent la réponse française aux difficultés sociales.

Augmenter les allocations familiales, revoir l’ensemble de ce qui se fait dans le domaine des indemnisations du chômage, revoir le minimum vieillesse, etc., tout cela compose une réponse complète, cohérente et sociale aux difficultés de notre pays.

M. Maxime Gremetz. Allez expliquer ça à Clairoix !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Un plan de relance, il faut le rappeler, ne s’élabore pas à partir de rien, mais à partir d’un modèle économique et social, celui de notre pays. Vous avez toujours à la bouche les réponses anglo-saxonnes : d’une certaine façon, vous êtes devenus les premiers propagandistes des réponses américaines ou anglaises… J’aimerais savoir si vous êtes d’accord avec les modèles sociaux de ces pays. C’est la seule question qu’on peut aujourd’hui vous poser. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Maxime Gremetz. Allez à Clairoix !

M. le président. Monsieur le ministre, il faut conclure.

M. Éric Woerth, ministre du budget. Monsieur Gosnat, vous êtes un spécialiste des revendications. Pour ma part, je n’en ai qu’une seule à votre égard : aidez-nous à construire une réponse commune à la crise ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Plan de relance

M. le président. La parole est à M. Jean Proriol, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean Proriol. Monsieur Devedjian, vous avez été nommé, le 5 décembre dernier, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance de l’économie, plan présenté dans ses grandes lignes la veille, à Douai, par le Président de la République. Vous êtes donc responsable de sa bonne exécution et de la gestion des crédits qui lui sont consacrés, soit 26,5 milliards d’euros, votés en loi de finances rectificative en janvier 2009.

Le 2 février, mille projets ont été présentés par le Premier ministre au CIACT de Lyon. Il s’agit de projets ciblés, répartis sur l’ensemble du territoire et prêts à démarrer immédiatement. En effet, ce plan, plus que tout autre, a pour objectif d’accélérer les investissements prévus depuis des années dans le but de fournir du travail aux Français, en chargeant les carnets de commandes des entreprises pour maintenir l’emploi et favoriser l’embauche.

Le Gouvernement a choisi d’agir avec une méthode inédite, exceptionnellement massive et rapide, s’apparentant à une « opération coup de poing ». Mais l’efficacité dépend de la célérité de leur mise en œuvre, que suivent sept parlementaires en mission – cinq députés et deux sénateurs.

Vous avez en outre créé un site Internet (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) – www.relance.gouv.fr – que j’ai consulté ce matin.

M. Arnaud Montebourg. Un site Internet ? Bravo !

M. Jean Proriol. Il permettra à tout un chacun de suivre les opérations en toute transparence.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner la primeur d’un premier point d’étape sur ce plan dont nous souhaitons tous qu’il réussisse ?

M. le président. La parole est à M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance.

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Monsieur le député, vous avez raison de consulter le site Internet – interactif – du Gouvernement. (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Albert Facon. Il ne regarde pas que le site du Gouvernement !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. En effet, le plan de relance mobilise déjà 3 milliards d’euros pour les territoires et les chantiers des « Mille projets », prévus par le CIACT lancé par le Premier ministre à Lyon, ont commencé. Tous les jours, de nouveaux chantiers s’ouvrent : ça marche.

La prime à la casse, instituée pour sauvegarder la construction automobile, a permis la vente de plus de 50 000 véhicules supplémentaires par rapport à l’année dernière : ça marche.

Aujourd’hui, plus de 80 000 emplois sont concernés par les aides à l’emploi : ça marche. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Les conventions sur le FCTVA intéressent de plus en plus de collectivités locales,…

Mme Jacqueline Fraysse. Ça marche !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. …au point que nous allons devoir prolonger la date limite pour pouvoir contracter avec l’État – l’Assemblée en délibérera.

M. Maxime Gremetz. Ça marche !

M. Jean-Jacques Candelier. Ça court !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Nous souhaitons que ces conventions s’étendent sur l’année 2010 et ne s’arrêtent pas fin 2009. Donc, vous le constatez, ça marche.

Le site Internet que nous avons mis en place est d’une grande originalité. Pour la première fois dans l’histoire de notre pays, tous les citoyens peuvent y contrôler au jour le jour l’action gouvernementale et en vérifier les résultats.

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Ça marche !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Ça marche ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Répression de l’aide au séjour irrégulier

M. le président. La parole est à Mme Catherine Coutelle, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Catherine Coutelle. Monsieur le ministre de l’immigration, ma collègue George Pau-Langevin vous a posé la semaine dernière, au nom de notre groupe, la question du délit que constitue désormais l’aide bénévole aux migrants clandestins.

M. Albert Facon. Welcome !

Mme Catherine Coutelle. Votre réponse nous a choqués. En caricaturant le film Welcome, vous en avez fait une polémique en multipliant les contre vérités et les provocations. La polémique est la force des faibles, monsieur le ministre. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Deflesselles. Vous savez de quoi vous parlez !

Mme Catherine Coutelle. Car aujourd’hui, sous votre responsabilité, des milliers de Français qui aident bénévolement des migrants obligés de vivre cachés, sont intimidés, surveillés, interpellés brutalement, placés en garde à vue, mis en examen.

Oui, monsieur le ministre, le délit de solidarité existe en France. Ainsi, un bénévole passe ce jour devant le tribunal de Boulogne ; une bénévole, relâchée après vingt-quatre heures de garde à vue, a reçu comme justification à son arrestation : « C’est de la générosité mal placée » ; une autre, pour avoir rechargé des portables, arrêtée brutalement devant tout le voisinage, s’est entendu dire : « Vous avez de la chance de ne pas être menottée. »

Toutes ces poursuites s’appuient sur l’article L. 622-1 du code d’entrée et de séjour des étrangers, qui ne fait aucune distinction entre ces bénévoles et les passeurs ou les marchands de sommeil qu’il faut, eux, combattre avec la plus grande rigueur.

M. Jean-Pierre Balligand. Honte à vous !

Mme Catherine Coutelle. Le groupe socialiste dépose aujourd’hui une proposition de loi pour dépénaliser l’acte élémentaire de la solidarité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Monsieur le ministre, accepterez-vous le débat ou sera-t-il balayé d’un revers de main ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) D’ici là, ferez-vous cesser les intimidations contre tous ces citoyens qui expriment leur solidarité ? Sont-ils tout simplement humains, trop humains pour vous, monsieur le ministre ? (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Renégat !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Madame la députée, je constate que la nuance est la qualité des forts ; je rends donc hommage à votre sens de la nuance…

Je réponds d’emblée à la seconde partie de votre question : j’accepte avec grand plaisir le débat que vous proposez si vous le jugez opportun.

Sur le fond, l’article L. 622.1 du code d’entrée et de séjour des étrangers, je l’ai dit la semaine dernière, nous est indispensable…

M. Henri Emmanuelli. Vous faites un sale boulot !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. …pour lutter contre les passeurs, contre les filières d’immigration clandestine.

Par ailleurs, l’article L. 622.4 du même code exclut précisément les personnes qui se sont limitées à porter assistance à des étrangers en situation de détresse.

M. Frédéric Cuvillier. Encore un mensonge !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. En tout et pour tout – ce sont des faits –, quatre personnes ont été entendues, deux ont été condamnées et dispensées de peine.

M. Henri Emmanuelli. C’est faux !

M. Frédéric Cuvillier. Menteur !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Puisque vous prétendez que c’est faux, nous pourrons en discuter au cours du débat que vous appelez de vos vœux.

Sachez en outre, madame la députée, que l’on peut commettre des délits, comme entrer dans une chaîne de passeurs, sans avoir de but lucratif, mais par aveuglement, par idéologie, par passion. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Enfin, pourquoi tenez-vous tant à mettre la France en accusation dans cette affaire ? Un drame se joue en Afghanistan et certains des ressortissants de ce pays considèrent la France comme une terre de transit parce qu’ils veulent à tout prix se rendre au Royaume Uni qui ne veut pas les accueillir.

M. Frédéric Cuvillier. Ce n’est pas la question !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Nous les traitons très dignement. (Protestations prolongées sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Pourquoi, j’insiste, voulez-vous mettre la France en accusation ? N’aimez-vous donc le patriotisme que lorsqu’il est défendu par Barak Obama ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Madame la députée, si vous avez un problème avec la nation, relisez Jean Jaurès qui reste un bon maître en la matière ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Vives protestations et huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Prévention des expulsions

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire. (Brouhaha persistant sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pierre Cardo. Madame la ministre du logement, alors que la trêve hivernale pris fin le 15 mars, vous avez déclaré être opposée à toute expulsion. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Mes chers collègues, seul M. Cardo a la parole.

Poursuivez, monsieur Cardo !

M. Pierre Cardo. Je ne m’entends pas parler, monsieur le président !

M. Patrick Roy. Gardez Besson à droite ! 

M. Pierre Cardo. Vous avez notamment précisé qu’un préfet ne mettra plus à exécution un jugement sans relogement ou hébergement. Ces déclarations suscitent inquiétude et incompréhension, notamment chez les propriétaires du parc privé, dont nous avons besoin pour concrétiser les engagements inscrits dans la loi que nous venons d’adopter.

Si l’objectif de cette loi et de notre politique est de sauvegarder les familles de bonne foi en grande difficulté en leur proposant des aides, voire un relogement, il n’était pas dans l’intention du législateur d’accorder un chèque en blanc aux mauvais payeurs de mauvaise foi, aux familles troublant l’ordre public ou confrontées à des problèmes sanitaires. Le Président de la République lui-même vient de rappeler qu’il était hostile à toute mesure en faveur des locataires de mauvaise foi, qui risquerait d’inciter les propriétaires privés à bloquer la mise sur le marché de logements disponibles et d’empêcher les préfectures de procéder à la moindre expulsion.

Se pose également le problème de la mise en œuvre du droit opposable au logement. À titre d’exemple, une préfecture que vous connaissez bien – autrement dit l’État – a été condamnée cette semaine par le tribunal de Versailles à une astreinte de 100 euros par jour et par logement pour non-respect du DALO. Pouvez-vous indiquer à l’Assemblée nationale sur quels crédits budgétaires ces astreintes seront inscrites, et nous assurer qu’elles ne seront pas prises en charge par votre ministère au détriment des crédits destinés au financement des nouveaux logements ?

M. Pierre Lellouche. Très bien !

M. Pierre Cardo. Si la loi votée doit apporter un soutien aux familles en détresse – vous connaissez ma très grande préoccupation en la matière –, des déclarations récentes ont pu laisser croire que tout le monde pourra se maintenir dans les lieux quelles que soient les raisons des impayés de loyer.

M. Pierre Lellouche. Très bien !

M. Pierre Cardo. Dans ces conditions, l’ensemble du travail social, notamment dans les quartiers, serait remis en cause.

M. le président. Veuillez conclure. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Cardo. Je trouve regrettable que le temps de parole soit limité par les interruptions des autres !

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin, ministre du logement.

M. Patrick Roy. Et du camping !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Monsieur le député, pour répondre aux besoins des Français, nous avons besoin d’un secteur locatif qui fonctionne : il nous faut donc conforter la confiance entre les propriétaires et les locataires. Il est clair que le non-paiement des loyers prive les propriétaires modestes d’un revenu et limite les investissements pour les autres. Cela explique que ma politique porte d’abord sur la prévention des expulsions locatives, afin d’éviter l’accumulation des impayés et de créer une situation de gagnant-gagnant.

La loi que j’ai présentée au Parlement a prévu l’obligation d’instaurer des commissions départementales de prévention des expulsions, comme l’avait suggéré votre collègue Étienne Pinte dans son rapport. Ces commissions interviendront dès les premiers impayés et examineront chaque cas avec précision. Je mets donc principalement l’accent sur le volet préventif. Si, malgré tout, il fallait en arriver à l’expulsion, je me suis engagée à ce que personne ne finisse dans la rue sans une proposition alternative d’hébergement temporaire. (« Où ? » sur les bancs du groupe SRC.) Il ne faut pas décourager les propriétaires tout en aidant les locataires de bonne foi, comme l’a rappelé hier le Président de la République : « Si on est de bonne foi, il est certain que l’on doit vous aider ».

Enfin, pour répondre à votre interrogation relative à la mise en œuvre du droit au logement opposable, le bleu budgétaire pour 2009 est très clair : il a prévu que les crédits pour les frais de contentieux liés à la mise en œuvre du droit au logement opposable seront couverts par le budget du logement.

Disparition d’Ibni Oumar Mahamat Saleh

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le ministre des affaires étrangères, le 3 février 2008, trois opposants au régime tchadien d’Idriss Deby étaient arrêtés dans des conditions douteuses. Un seul n’est pas réapparu : Ibni Oumar Mahamat Saleh, scientifique réputé et respecté, opposant intègre, honnête et pacifique, dont l’esprit non-violent n’a jamais pu être mis en cause.

Par la voix de votre secrétaire d’État, vous m’aviez répondu, lorsque je vous avais interrogé voici quelques mois, que la France mettrait tout en oeuvre pour connaître la vérité. Le 5 août 2008, une commission d’enquête a rendu un rapport accablant pour les autorités tchadiennes. Indiscutablement, nous sommes en présence d’un assassinat politique, monsieur le ministre. Aux sollicitations que nous lui avons adressées avec mon collègue sénateur Jean-Pierre Sueur, le Président de la République a répondu par la même volonté de faire aboutir les choses. Mais depuis, rien n’a été entrepris – en tout cas rien n’a été obtenu.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Ce n’est pas la même chose !

M. Gaëtan Gorce. Il y a un an, ma question était d’ordre humanitaire ; voici qu’elle devient politique.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous affirmer, compte tenu de la présence auprès du Président Deby de conseillers français, que la France n’a été, ni de près ni de loin, mêlée à cette affaire ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Je pose des questions, chers collègues !

Pouvez-vous nous affirmer que la France n’a jamais disposé d’informations sur les conditions de son arrestation, sur le lieu de sa détention et sur le sort qui lui a été réservé ? (Mêmes mouvements allant s’amplifiant.) En avez-vous parlé, puisque vous étiez au Tchad voici deux jours, avec le gouvernement d’Idriss Deby ?

Enfin, que comptez-vous faire concrètement pour que les auteurs de cet assassinat politique soient identifiés, recherchés, arrêtés et condamnés ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le député, je vous remercie de me poser cette question. (« Pas comme cela ! »sur les bancs du groupe UMP.) Je vous assure que la France n’est pour rien ni dans cette arrestation ni dans l’assassinat ; en revanche, elle est pour beaucoup dans la recherche que nous poursuivons.

Trois personne ont disparu lors de l’attaque – il faut le rappeler – par des éléments rebelles de la capitale N’Djamena : M. Ibni Oumar Mahamat Saleh, le président Lol Mahamat Choua, que j’ai rencontré et qui préside désormais le comité de suivi de l’accord politique du 13 août 2007, et M. Yorongar que nous avons retrouvé au Cameroun. Sur trois personnes, deux ont donc été retrouvées, dont l’une – le président Lol Choua – par nos soins.

Le rapport d’enquête que vous avez évoqué a été suivi de comités interministériels et le Premier ministre, M. Youssouf Saleh Abbass, a décidé que tous les éléments seraient livrés à la justice et que l’investigation serait poursuivie. Elle est encore en cours. Il y a deux jours, à l’occasion de ma visite aux 3 300 soldats de l’EUFOR, j’ai très précisément demandé au Président Deby où en étaient les recherches. Je suis désolé de dire qu’elles n’ont donné aucun résultat. Selon le ministre de la justice, M. Jean Alingue, qui appartient au même parti que M. Ibni Oumar Mahamat Saleh, la Coalition des partis politiques pour la défense de la Constitution – le CPDC compte aujourd’hui quatre représentants au Gouvernement, dont le ministre de la justice––, dix juges et trente policiers continuent d’enquêter sur la disparition de cet homme.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Bien sûr, nous avons reçu la famille d’Ibni Oumar Mahamat Saleh et lui avons offert asile. Nous continuons de nous y intéresser et ne cesserons pas de le rechercher. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Conseil des ministres franco-allemand

M. le président. La parole est à Mme Nicole Ameline, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Nicole Ameline. Monsieur le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, jamais sans doute les relations franco-allemandes n’ont été aussi importantes pour l’avenir européen et surtout pour notre capacité à répondre à la crise internationale.

Au lendemain du Conseil des ministres franco-allemand, nous avons pu constater avec beaucoup de satisfaction un certain nombre d’avancées sur la constitution de groupes d’intérêt et de travail commun – je pense à l’automobile, qui nous concerne tous, mais aussi à l’énergie. Au-delà, nous avons pu constater dans la lettre qui a formalisé l’engagement commun des deux pays sur des sujets très importants, tels que la stabilité financière ou la sécurité financière en Europe, la lutte contre les paradis fiscaux ou encore le soutien à une croissance durable, que ces relations étaient aujourd’hui particulièrement positives.

À la veille du G20, au moment où nous savons combien l’Europe peut apporter une réponse bienvenue à la crise économique mondiale ; au moment où nous savons aussi que nous avons besoin d’une relation transatlantique plus équilibrée entre l’Europe et les États-Unis ; au moment enfin où nous savons que l’Europe peut inspirer une refondation à la fois financière, mais aussi économique, sociale et environnementale de la mondialisation, je souhaite que vous précisiez les éléments de cette stratégie commune franco-allemande dans les négociations à venir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Maire, secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Bruno Le Maire, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Madame la députée, de quoi avons-nous besoin aujourd’hui face à la crise économique et financière ?

Nous avons besoin de davantage de régulation. Nous avons besoin de supprimer les paradis fiscaux. Nous avons besoin de lever le secret bancaire en Europe. Nous avons besoin de supervision bancaire européenne. Nous avons besoin de règles et de décisions. C’est ce à quoi travaille Christine Lagarde depuis plusieurs semaines. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Comment y arriverons-nous ? Nous y parviendrons uniquement en faisant front commun – la France et l’Allemagne – pour imposer les règles financières internationales que tous nos concitoyens attendent. C’est le sens de la déclaration commune de Nicolas Sarkozy et d’Angela Merkel. C’est le sens de la lettre conjointe qu’ils ont adressée au Premier ministre tchèque, en vue du sommet du G20 de Londres et du Conseil européen qui se tiendra demain et après-demain à Bruxelles.

De quoi avons-nous besoin à plus long terme ?

M. Alain Néri. De supprimer les paradis fiscaux !

M. Bruno Le Maire, secrétaire d’État. Nous avons besoin d’une politique industrielle commune. Nous avons besoin d’une industrie automobile forte. Nous avons besoin d’investissements dans l’innovation et la recherche. Nous avons besoin d’une politique économique commune et coordonnée entre les États membres de l’Union européenne. Comment y arriverons-nous ?

Nous y arriverons si nous faisons front commun – la France et l’Allemagne – pour proposer cette direction à l’Europe. C’est tout le sens des conclusions arrêtées à la suite du Conseil des ministres franco-allemand de la semaine dernière.

Madame la députée, la relation entre la France et l’Allemagne n’est pas qu’une question d’amitié – même si vous savez combien j’y suis personnellement très attaché. C’est aussi une question de force, une force pour la France, une force pour l’Allemagne, une force pour l’ensemble des pays européens. Si nous voulons bâtir cette Europe politique à laquelle nous aspirons tous, nous avons besoin que la France et l’Allemagne apportent ensemble des solutions et offrent un nouveau destin à l’Europe. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Libertés publiques

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean-Jacques Urvoas. Monsieur le président monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, en 2007, à peine élu, Nicolas Sarkozy promettait « une France irréprochable et une démocratie exemplaire ». Deux ans plus tard, la France est en liberté surveillée. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Roy. Eh oui !

M. Jean-Jacques Urvoas. Comment qualifier autrement une politique qui porte atteinte à ce point à nos principes républicains les plus fondamentaux ?

Qu’on en juge : multiplication des systèmes de surveillance et de contrôle. Hier, le fichier EDVIGE, celui baptisé ELOI pour la chasse aux sans-papiers, la « base élève » pour les enfants du primaire, les tests ADN (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), demain – peut-être – la loi HADOPI et la surveillance des internautes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Menaces flagrantes aussi pour l’indépendance de la justice aussi : hier, la loi du 10 août 2007 instaurant les peines planchers automatiques qui fabriquent de la récidive sous couvert de la combattre, ou la loi de février 2008 sur la rétention de sûreté qui crée une peine après la peine ; demain – peut-être – la suppression du juge d’instruction.

Surpopulation honteuse de nos prisons, dont l’inhumanité s’illustre par les actes désespérés des détenus, comme par les agressions dont sont victimes les personnels. Nos prisons connaissent un entassement effrayant qui nous vaut les condamnations répétées et sévères de l’Europe.

M. Jacques Alain Bénisti. Les délinquants ont des défenseurs !

M. Jean-Jacques Urvoas. Demain, une loi pénitentiaire sur laquelle vous nous imposez l’urgence, nous privant ainsi de la sérénité nécessaire pour améliorer le texte.

Volonté de réduire l’effectivité des droits sociaux… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mon cher collègue, il vous faut conclure.

M. Jean-Jacques Urvoas. Face à ces faits, et plutôt que de nous répondre sur le terrain des idées, dites-nous quand viendra cette République « exemplaire » dont parlait M. Sarkozy ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Sincèrement, mnsieur le député, je vous ai trouvé plus inspiré dans le débat sur la révision constitutionnelle. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Il y a cinquante ans déjà, vous disiez que le général de Gaulle était dans une situation de coup d’État permanent.

M. Guy Teissier. Absolument !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Voici maintenant la description d’une République absolument inconnue.

Franchement, monsieur Urvoas, par rapport à des pays où la liberté est réellement menacée, par rapport à des pays où la dictature existe pour de bon, par rapport à des pays où la répression existe vraiment,…

Plusieurs députés du groupe SRC. Ça avait commencé ainsi !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. …est-ce que, lorsque vous dénoncez des lois votées par un Parlement librement élu (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), c’est la preuve d’une dictature ?

M. Henri Emmanuelli. Nous n’avons pas parlé de dictature !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Est-ce que, lorsque vous dites qu’il y a des mesures de sécurité, c’est la preuve d’une dictature ?

La vérité, monsieur le député, c’est que vous essayez de faire croire que la République est menacée, que nous sommes dans une situation de quasi-dictature, pour masquer le fait que vous ne voulez pas de vrai débat sur la situation économique et sociale (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR) avec de vraies propositions.

La vérité, c’est que le « livre noir » que vous avez édité est une somme d’affirmations générales, et non la démonstration de quoi que ce soit.

La France et la Ve République ont une presse libre, renforcée récemment encore par les États généraux de la presse.

La France a des contre-pouvoirs. D’abord le Parlement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), ensuite les syndicats, les partis politiques et l’ensemble des forces vives de notre pays.

La France est une vraie République et une vraie démocratie.

Monsieur le député, je vous le dis en toute humilité : sur les bancs de la majorité comme sur ceux du Gouvernement, nous n’avons pas de leçons de République à recevoir ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Huées sur les bancs des groupe SRC et GDR.)

Violence en milieu scolaire

M. le président. La parole est à M. André Schneider, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. André Schneider. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.

Le 8 janvier dernier, à Schiltigheim, deuxième ville de la communauté urbaine de Strasbourg, un élève du lycée professionnel Émile-Mathis a menacé de mort le proviseur et son adjointe avec une arme à feu. Avant-hier, dans la même ville, le proviseur du lycée professionnel Charles-de-Foucauld a été blessé à coups de canif. Cette violence gratuite, malheureusement très répandue aux États-Unis et qui touche aussi l’Allemagne, nous interpelle tous fortement.

M. Jacques Alain Bénisti. Adressez-vous à Urvoas…

M. André Schneider. Inutile de vous dire qu’à Schiltigheim, la communauté scolaire tout entière, personnel de direction, enseignants, élèves et parents d’élèves, est sous le choc. Ancien principal de collège dans cette ville, puis en zone franche à Strasbourg, je mesure à quel point cette explosion de violence dans nos établissements est révélatrice d’un profond changement de nature des actes commis. D’une violence verbale, on est passé à une violence physique. On passe ainsi des mots aux actes. L’autorité qui sous-tend toute action éducative est bafouée. On ne respecte plus la règle, fondement du mieux-vivre ensemble.

Mme Delphine Batho. Demandez à Sarkozy !

M. André Schneider. L’école doit aider nos jeunes à grandir. Ils ne doivent pas, en retour, la détruire par la brutalité, la délinquance, une forme de guerre civile scolaire en quelque sorte.

La gravité de cette dérive nous conduit à chercher tous ensemble une réponse adéquate à cette montée en puissance d’une violence consternante. Il est urgent que notre société se mobilise. Monsieur le ministre, quelles mesures entendez-vous mettre en œuvre pour ramener au plus vite sérénité, paix et respect, conditions nécessaires d’une éducation harmonieuse et performante ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Delphine Batho. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Xavier Darcos qui est, en ce moment même, avec le Président de la République, à Gagny, à la suite des violences scolaires qui s’y sont produites.

M. Albert Facon. Et Valérie, où est-elle ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. L’école joue un rôle essentiel dans l’apprentissage du respect de l’autre et dans la prévention de la violence. Les nouveaux programmes de l’école primaire mettent l’accent sur ce point. C’est à l’école que l’on apprend à respecter le maître.

M. Patrick Roy. Et Valérie aussi !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. C’est pourquoi la loi prévoit désormais des circonstances aggravantes pour les agressions commises dans l’enceinte scolaire. Le ministre de l’éducation nationale, Xavier Darcos, a d’ailleurs proposé que des actes de violence commis à l’encontre du personnel enseignant, y compris en dehors de l’enceinte scolaire, soient punis de manière beaucoup plus sévère. Le Parlement aura, du reste, à se saisir de cette question.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et Valérie aussi !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. L’élève qui, en janvier dernier, a menacé le proviseur du lycée professionnel de Schiltigheim était absent depuis plusieurs semaines de l’établissement scolaire.

M. Patrick Roy. Valérie aussi !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Ce sont ces élèves que l’école va aller chercher à leur domicile, à l’aide des 5 000 médiateurs prévus par le plan de relance.

Mais l’école, monsieur le député, ne peut pas tout. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a demandé à Mme la ministre de l’intérieur de réfléchir à la mise en place d’un plan de lutte contre les bandes violentes.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et Valérie aussi !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Nous ne laisserons pas la violence, la loi du plus fort, défier impunément les institutions de la République, au premier rang desquelles figure l’école. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – « Et Valérie, aussi ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Pouvoir d’achat des classes moyennes

M. le président. La parole est à Mme Pascale Got, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Pascale Got. Monsieur le Premier ministre, les Français souffrent et, demain, ils seront dans la rue. Un rapport du CREDOC montre la dégradation de la situation des classes moyennes, car les dépenses incontournables augmentent tout simplement plus vite que les salaires. Une fois tout payé, pour un salaire moyen, il ne reste plus que 80 euros !

Derrière ces chiffres, il y a des choix politiques, vos choix politiques : les surloyers, le paquet fiscal, les franchises médicales, des taxes en tous genres, la faiblesse des retraites – que, soit dit en passant, vous ne payez toujours pas au 1er du mois…

Pourtant, vous mettez les classes moyennes au cœur de vos discours, mais vous les fourvoyez par vos mesures et vous les envoyez consommer dans les low cost. Or ce n’est pas votre prochain pansement fiscal qui réglera le problème.

Savez-vous pourquoi ? Parce qu’en pénalisant les classes moyennes par la réduction du pouvoir d’achat et la baisse de perspectives d’ascension sociale, vous remettez en cause la stabilité sociale de notre pays, et c’est grave. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Déjà les clignotants s’allument. À force de mépris politique, cynisme financier et maintenant violence économique et chômage, l’exaspération monte ; elle est à nos portes. Demain 19 mars, des millions de Français seront une nouvelle fois dans la rue. Une partie de la jeunesse ne croit plus en l’avenir, et les frustrations l’emportent sur les projets collectifs.

Monsieur le Premier ministre, personne ne peut s’en réjouir tant les conséquences peuvent être graves. Ne refaites pas l’histoire, cette triste histoire ! Ne détricotez pas la justice sociale si durement acquise ! Si vous persistez dans une politique Zébulon, une politique des mots et du geste, à la violence économique répondra la violence sociale ; ce n’est franchement pas souhaitable.

M. le président. Votre temps de parole est dépassé, madame la députée.

La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi.

M. Patrick Roy. Le Zébulon de la politique !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi. Madame la députée, laissons Zébulon là où il est, car la question que vous avez posée est effectivement très importante. Vous avez évoqué la situation des classes moyennes dans la crise. Vous avez raison, madame la députée, de souligner qu’elles souffrent davantage que les autres, et particulièrement ceux qui risquent de perdre leur emploi.

Qu’a fait le Gouvernement pour essayer de protéger les classes moyennes ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Roy. Rien !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Je ne prétends pas qu’il y a des solutions miracles, mais je ne peux pas laisser dire que rien n’a été entrepris. Tenons-nous en aux faits : l’activité partielle, jusqu’alors payée 50 % du salaire brut, sera désormais rémunérée à hauteur de 80 % du salaire net. Les contrats courts, particulièrement les CDD qui peuvent concerner ces familles, feront l’objet d’une aide d’accompagnement exceptionnelle de 500 euros. Et pour ce qui est des allégements de l’impôt sur le revenu auxquels vous avez fait allusion, nous avons fait en sorte que plus de 6 millions de foyers des classes moyennes puissent être protégés dans cette période difficile. Citons enfin les chèques emploi à domicile qui, là encore, seront réservés aux classes moyennes.

Madame la députée, dans tous cet arsenal, il n’y a pas que des dispositifs gouvernementaux. Que vous critiquiez le Gouvernement, soit, mais je vous rappelle que bon nombre de ces instruments ont été portés par les partenaires sociaux, qui méritent aussi nos égards. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

3

Réforme de l’hôpital

Explications de vote et vote sur l’ensemble d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (n°s 1210 rectifié, 1441, 1435).

Avant de passer aux explications de vote, je donne la parole à Mme la ministre de la santé et des sports.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, après plusieurs semaines de débats riches et passionnés – nous étions encore nombreux, mercredi dernier, à plus de cinq heures du matin –, nous voici parvenus au terme de nos travaux.

Réunis par un objectif commun – améliorer encore et toujours notre système de santé en en préservant le fondement solidaire –, nous avons su trouver un consensus sur de nombreux points, capitaux pour l’avenir de notre système de santé et pour l’état de santé de nos concitoyens.

La modernisation de nos hôpitaux, la garantie de l’accès aux soins pour tous, le renforcement de la prévention et de l’éducation thérapeutique, la territorialisation de nos politiques de santé : telles sont les grandes orientations qui ont déterminé l’élaboration du projet de loi et qui ont marqué les enrichissements auxquels son examen a donné lieu.

Réformés autour d’un projet médical, les hôpitaux coopéreront mieux les uns avec les autres, mutualiseront leurs moyens humains et financiers. Un véritable dialogue s’instaurera avec la médecine de ville et avec le secteur médico-social. Grâce à une gouvernance renouvelée, qui permettra de renforcer le rôle et les prérogatives du chef d’établissement et du président de la commission médicale d’établissement, les hôpitaux seront mieux à même de répondre aux défis qui sont les leurs en matière de qualité des soins, d’accueil de tous les patients et de progrès médical.

La complémentarité de ces deux acteurs majeurs est réaffirmée. Je veux, à ce sujet, rassurer la communauté médicale : le directeur de l’hôpital mettra bien en œuvre un projet médical, préparé par le président de la commission médicale d’établissement. Pour cette raison, j’ai retenu un certain nombre d’amendements très pertinents formulés par des députés de la majorité comme de l’opposition. Je pense, entre autres, à l’amendement présenté par le rapporteur au fond, Jean-Marie Rolland, précisant que le directeur de rétablissement exerce son autorité dans le respect des règles déontologiques. C’était indispensable.

Par ailleurs, je souhaite que soit pleinement reconnu le rôle du personnel soignant des établissements de santé aux côtés des personnels médicaux, et j’ai accepté – n’est-ce pas, madame Génisson ? – plusieurs amendements allant dans ce sens. Ainsi, le président de la commission des soins infirmiers sera membre de droit du directoire et un membre de cette commission pourra siéger au conseil de surveillance.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Le projet de loi vise également à mieux répartir l’offre de soins sur le territoire pour lutter contre les « déserts médicaux », dans le respect de la liberté d’installation, et garantir partout la permanence des soins qui constitue, pour moi, un impératif absolu.

Nous allons, avec les mesures cohérentes et complémentaires contenues dans ce projet de loi, améliorer l’accès aux soins pour tous.

C’est conformément à ce principe directeur qu’un corps de praticiens de service public de toutes spécialités sera constitué. Ces professionnels iront exercer dans les zones les moins dotées en échange d’une allocation perçue pendant tout ou partie de la durée de leurs études.

Afin de mieux organiser l’offre de soins sur tout le territoire, nous favoriserons les coopérations entre médecins et avec les autres professions de santé dans les maisons de santé, notamment.

Les pôles de santé sont désormais officiellement reconnus et définis comme la réunion de cabinets, de maisons de santé et de tout autre structure de soins présente sur le territoire. Ils pourront déployer des projets de santé communs et faciliter les coopérations et l’implantation d’une offre de soins de qualité sur le territoire.

La lutte contre les discriminations financières s’affirme également avec force.

Ce projet donne une place accrue au préventif, à côté du curatif. Il consacre ainsi, l’interdiction de toute vente de boissons alcoolisées à des mineurs, quels que soient le lieu et la catégorie d’alcool. Pour protéger les plus jeunes, vous avez également interdit la vente de cigarettes aux mineurs. La santé publique constituant un enjeu dont chacun a bien pris conscience, votre assemblée a souhaité élargir le volet « prévention » en adoptant des amendements sur l’obésité ou le suivi gynécologique, par exemple.

Je ne doute pas que la révision, en 2010, de la loi de santé publique du 9 août 2004 sera une nouvelle occasion de débats intenses et déterminants.

Au-delà de la prévention, lorsque la maladie est installée, il est essentiel de permettre au patient de garder le plus longtemps possible son autonomie. Aussi, les programmes d’éducation thérapeutique du patient et d’accompagnement doivent trouver toute leur place dans le parcours de soins des malades.

Plusieurs amendements ont permis de compléter judicieusement l’article 22 du projet de loi en précisant, notamment, à l’initiative d’André Flajolet, la définition de la santé et de l’éducation à la santé, ainsi que les modalités de mise en œuvre de l’éducation thérapeutique du patient. Par ailleurs, dans le cadre de la protection des personnes présentant une souffrance psychique, un amendement gouvernemental a été adopté, ce dont je vous remercie, afin de rendre opérationnel le dispositif d’encadrement du titre de psychothérapeute tout en préservant un haut niveau de qualité d’accès à la formation.

Enfin, l’équilibre de notre système de santé, de ce tout organisé et cohérent, tient pour beaucoup aux agences régionales de santé, outil de simplification, de territorialisation et de responsabilisation du pilotage régional de nos politiques de santé. Elles reposeront sur une gouvernance équilibrée et un renforcement de la démocratie sanitaire. Leur mission sera d’organiser l’offre de santé sur tout le territoire dans une perspective d’amélioration de l’accès aux soins pour tous et de l’état de santé de nos concitoyens. À cet égard, plusieurs amendements — et je m’en réjouis — ont précisé que l’agence régionale de santé contribuerait « à la réduction des inégalités en matière de santé sur le territoire ».

Cette loi est ainsi, de part en part, animée par un impératif de justice. Qualité, sécurité, égalité sociale et territoriale, solidarité : nombreuses sont les valeurs qui, par-delà nos divergences politiques, nous réunissent.

Mesdames, messieurs les députés, le projet de loi que vous vous apprêtez à adopter est la plus grande réforme de notre système de santé depuis cinquante ans.

Les fragilités de notre système, nous les connaissons. Ne rien faire, se contenter du constat sans offrir les outils, c’eût été assentir à la dégradation de notre patrimoine commun, c’eût été approuver les déserts médicaux, approuver les cloisonnements nuisibles de notre système de santé.

Cette loi modifiera profondément et durablement notre système de santé et en permettra la préservation.

Je tiens une nouvelle fois à remercier messieurs les rapporteurs – et tout spécialement le rapporteur de la commission des affaires sociales, Jean-Marie Rolland – pour la finesse de leurs analyses et la pertinence de leur vision. Ils ont largement contribué à la richesse du projet de loi ainsi amendé, tout comme l’ensemble des députés qui, sur tous les bancs, ont participé à un débat majeur pour notre pays dans un esprit, certes vif, mais constructif, que je tiens à saluer.

Nous pouvons l’affirmer : le texte qui résulte de ces semaines d’examen, et qui sera présenté au Sénat, est d’une remarquable qualité. Pouvait-il en être autrement, après ces débats de haute tenue, fidèles à l’esprit républicain qui nous rassemble ? C’est aujourd’hui une nouvelle étape que nous franchissons vers cette mise en œuvre effective que nous appelons de nos vœux et qui est la raison d’être de notre action politique.

Je vous demande donc de voter ce texte.

Parce que ce projet de loi est né d’une approche pragmatique, responsable et concertée, j’ai toute confiance dans la réussite de nos ambitions pour un système de santé de qualité, pour une santé durable et solidaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, la France n’a pas à rougir de son système de santé. J’en veux pour preuve que les dépenses de santé représentent 11 % de son PIB et que 78 % desdites dépenses sont prises en charges par l’assurance maladie, soit le taux le plus élevé d’Europe. Cependant, notre système de santé est confronté à des fragilités croissantes, notamment en ce qui concerne l’hôpital, l’accès aux soins, et, bien entendu, le vieillissement de la population.

Madame la ministre, ce projet de loi que vous nous avez présenté, nous permettra de disposer d’outils nécessaires pour mettre en œuvre nos ambitions au service du système de santé français. Au-delà de nos divergences politiques, sur tous ces bancs nous reconnaissons qu’il faut lutter contre les dysfonctionnements, qu’ils soient à l’hôpital, dans l’accès aux soins, dans le curatif comme dans le préventif.

Aucun d’entre nous ne peut nier la vaste concertation qui a eu lieu avec tous les acteurs, pendant de nombreux mois. Il suffit de se référer aussi aux états généraux de l’organisation des soins et aux rapports de nos collègues Gérard Larcher sur l’hôpital, André Flajolet sur les inégalités territoriales, Marc Bernier et Christian Paul sur la démographie médicale, Philippe Boënnec sur la permanence des soins, Yves Bur, Philippe Ritter sur les agences régionales de santé.

L’ensemble du système de santé a été revisité et se retrouve dans le texte de loi. Ce texte est si constructif et si ambitieux que le débat, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, a été très long, puisqu’il a duré près de quatre semaines.

Ce texte a été également enrichi par le travail parlementaire avec l’adoption de 523 amendements sur les 2140 déposés. Ce travail a été parfaitement conduit par notre rapporteur Jean-Marie Rolland.

M. Marc Bernier et M. Philippe Vitel. Bravo !

M. Jean-Pierre Door. Le premier objectif de ce texte est la modernisation des établissements de santé avec un pilotage et une gouvernance sans faille, initiée par le rapport Larcher et d’ailleurs confortée par les propos du Président de la République, qui a rappelé que c’est de plus d’organisation dont a besoin l’hôpital. Ce projet de loi prévoit de renforcer les pouvoirs et l’autonomie du directeur.

La création proposée des communautés hospitalières de territoire permettant le regroupement de certains établissements représente également une avancée indéniable. De nombreux amendements ont été adoptés, qui permettent d’améliorer la gestion interne des établissements et de renforcer l’attractivité de l’hôpital public. En parallèle, les parlementaires ont voulu renforcer, vous l’avez rappelé, les compétences du conseil de surveillance, de la commission médicale d’établissement et la représentation des usagers.

En deuxième lieu, le Gouvernement a souhaité permettre un accès de tous à des soins de qualité. Ce projet de loi définit un nouveau mode d’organisation des soins, surtout au niveau des recours, en fonction des besoins de la population – premier recours, deuxième recours. Il favorise également le développement des coopérations entre la médecine de ville et la médecine hospitalière. Il définit légalement les maisons de santé pluridisciplinaires, ainsi que les pôles de santé à l’échelle d’un bassin de vie.

Quant à la mauvaise répartition géographique, en termes de démographie médicale, le groupe de l’Union pour un mouvement populaire a pris la mesure du réel problème des déserts médicaux sur notre territoire. Un amendement de notre rapporteur a permis de trouver un bon compromis fondé sur des mesures équilibrées, qui privilégient les dispositifs incitatifs sans s’interdire, bien entendu, de prendre des mesures plus directives si les déséquilibres actuels persistent.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. Jean-Pierre Door. D’une part, des bourses seront, allouées aux jeunes praticiens qui s’engagent à exercer dans les zones sous-denses ; d’autre part, si les mesures incitatives prévues dans le cadre du schéma régional d’organisation sanitaire ne produisent pas les effets escomptés au bout de trois ans, les médecins pourront signer avec l’agence régionale de santé un contrat de santé solidarité pour exercer en zones sur-denses. Il était nécessaire aussi de réaffirmer par amendement que la permanence des soins est bien une mission de service public.

Enfin, je me réjouis de l’augmentation conséquente de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, qui a été voulue par le président de la commission des affaires sociales et qui passe de 400 à 500 euros. Dans ces temps difficiles, ce n’est pas négligeable.

En troisième lieu, ce projet de loi prévoit, vous l’avez rappelé, des dispositions sur la prévention et la santé publique. L’éducation thérapeutique du patient est enfin reconnue et fera partie intégrante de la prise en charge du patient et de son parcours de soins. Par ailleurs, la lutte contre l’alcoolisme en direction des plus jeunes est une priorité de santé publique du Gouvernement et fait donc l’objet de mesures ambitieuses. De la même façon, la lutte contre le tabagisme et l’obésité est renforcée.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Jean-Pierre Door. Le texte était très long, monsieur le président ! (Sourires.)

Le titre IV concerne la réforme profonde de l’organisation territoriale de notre système de santé. Les agences régionales de santé sont la clé de voûte de ce dispositif. Elles voient enfin le jour et seront chargées du pilotage du système de santé au niveau régional. Ces ARS permettront de simplifier le système de santé et de lutter contre les inégalités territoriales.

Madame la ministre, ce projet de loi constitue une réponse adaptée aux besoins de notre système de santé dans ces différents domaines.

Mme Catherine Lemorton. Pas du tout !

M. Jean-Pierre Door. On pouvait penser que l’opposition serait sensible à ce projet de loi.

M. le président. Il faut vraiment conclure, mon cher collègue !

M. Jean-Pierre Door. Pour toutes ces raisons, le groupe de l’Union pour un mouvement populaire votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Marisol Touraine. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, contrairement à ce que vous affirmez, madame la ministre, aucun consensus n’est ressorti de nos débats et le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche ne votera pas le projet de loi sur la réforme de l’hôpital qui lui est proposé («Dommage ! » sur les bancs du groupe UMP) pour trois raisons principales.

Ce texte ne répond tout d’abord pas aux défis majeurs auxquels est soumis notre système de santé. Celui-ci reste assurément remarquable, notamment grâce à l’engagement des femmes et des hommes qui y travaillent, mais il court des risques importants. Or, là où s’imposait une réforme globale, accompagnée d’investissements structurels majeurs, vous proposez une vision cloisonnée et étriquée de notre système.

M. Patrick Roy. Eh oui !

Mme Marisol Touraine. Que dire par exemple de la prévention et de la santé publique, réduites à la portion congrue, si ce n’est que cela illustre le peu de cas que vous en faites ? Et ce n’est pas votre attitude, ni celle de la majorité, sur la publicité pour les produits alimentaires favorisant l’obésité dans les programmes télévisés pour la jeunesse qui permettra de crédibiliser votre politique. La mascarade à laquelle nous avons assisté a montré une fois de plus le décalage entre l’affichage des intentions et la réalité des actes politiques.

Par ailleurs, au lieu de traiter ensemble les défis posés à la médecine de ville et à l’hôpital, vous n’avez eu de cesse pendant ce débat d’opposer les uns aux autres.

Ce faisant, et c’est notre deuxième motif de désaccord, c’est notre modèle de solidarité que vous compromettez, modèle qui repose sur l’excellence accessible à tous.

Au terme de nos débats, l’hôpital public est étranglé, alors qu’il a réalisé l’essentiel des efforts financiers au cours des dernières années. Pour nous, l’application de la tarification à l’activité doit être revue, la convergence tarifaire avec les établissements privés annulée, les missions de service public, comme la prise en charge de tous les patients, de toutes les pathologies, sans exclusive, doivent être financièrement reconnues, toutes propositions que vous refusez, et, bien sûr, c’est aux soignants, et non à la direction administrative de l’hôpital de définir les projets médicaux des établissements, si l’on ne veut pas que la seule logique comptable l’emporte.

Demain, les personnels soignants seront nombreux à dire leur mécontentement dans la rue. Aujourd’hui déjà, les présidents des commissions médicales d’établissement manifestent leur inquiétude et leur mécontentement. Ils menacent de démissionner. Franchement, aboutir à un tel résultat est un véritable exploit de votre part !

L’égalité d’accès aux soins est aussi remise en cause par la banalisation de dépassements d’honoraires faramineux, auxquels vous ne réagissez pas, par le maintien des franchises médicales, qui poussent des Français à ne pas se soigner, et, bien entendu, par l’élargissement des déserts médicaux.

Sur ce point, on attendait de vous des propositions fortes, vous avez concédé des mesurettes qui ne changeront rien à une situation que vous prenez la responsabilité de rendre irréversible.

À quoi sert de régionaliser le numerus clausus, de prévoir des bourses, financées d’ailleurs par la sécurité sociale et non par l’État, si vous ne rendez pas attractives les conditions d’exercice de la médecine dans les zones rurales ou les quartiers sensibles ? Et pourquoi remettre à demain ce qui est urgent aujourd’hui ? Nous le redisons, nous sommes favorables au gel des installations dans les zones surdenses. La liberté d’installation est un principe qui peut être régulé au nom de l’intérêt général, celui de la santé des Français.

Enfin, pour couronner le tout, et c’est notre dernier motif d’insatisfaction, vous avez concocté une loi purement technocratique, dont les agences régionales de santé représentent la quintessence.

Nous en avons défendu le principe contre votre propre majorité dès 2004, mais, telles que vous les concevez. Les ARS seront submergées par leurs tâches administratives et gestionnaires, et elles s’inscrivent dans une logique d’étatisation qui n’est assurément pas la meilleure façon de prendre en compte les réalités sanitaires locales.

Il faudrait aussi dénoncer l’absence systématique de contre-pouvoirs, qu’il s’agisse du rôle des élus, revu à la baisse, ou de celui des associations d’usagers, toujours marginalisées. La démocratie sanitaire dans notre pays reste à construire !

Pour toutes ces raisons et pour d’autres que je n’ai pas le temps d’évoquer, parce que ce texte ne reconnaît pas la nécessité d’assurer encore et toujours l’égalité d’accès aux soins, de conforter plus que jamais notre modèle de solidarité sociale, le groupe socialiste, républicain et citoyen votera contre le projet HPST. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Je fais d’ores et déjà annoncer le scrutin dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe GDR.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit, madame la ministre, de se prononcer sur un texte a priori prometteur puisqu’il est relatif à l’hôpital, aux patients, à la santé et aux territoires.

Alors que l’insuffisance du nombre de médecins et de soignants formés, les fermetures de lits, l’asphyxie financière des hôpitaux publics et l’empilement de réformes successives ont désorganisé notre système de soins, nous attendions un texte ambitieux. Hélas, qu’il s’agisse des déserts médicaux et de la permanence des soins, du maillage hospitalier et de l’accueil d’urgence sur tout le territoire, de la prévention et de l’éducation à la santé ou des dépassements d’honoraires, force est de constater que ce texte ne formule aucune réponse sérieuse aux graves problèmes posés aujourd’hui.

Il va même aggraver la situation, notamment à l’hôpital, qui sera désormais dirigé par un directeur chef d’entreprise, ayant vocation à rentabiliser l’activité pour équilibrer le budget et à décider de tout, même du projet médical.

Décider de tout, mais attention, dans un cadre très contraint, sous la haute autorité du directeur général de l’agence régionale de santé, au pouvoir exorbitant, puisqu’il pourra à tout moment accepter ou refuser tel projet, financer ou ne pas financer telle action, appliquer des pénalités financières à tel ou tel établissement et même révoquer un directeur récalcitrant.

Vous êtes allée tellement loin dans l’autoritarisme et le caractère antidémocratique de la gouvernance à l’hôpital comme à l’ARS que même les députés de votre majorité ont tenu à se démarquer. Ils ont déposé plus d’amendements que l’opposition. On aurait pu les soupçonner d’avoir voulu faire de l’obstruction s’ils ne les avaient le plus souvent retirés à votre demande ou ne s’étaient abstenus de venir les défendre.

Quant aux quelques amendements de la droite qui ont été défendus et adoptés avec les voix des députés de l’opposition, vous vous êtes permis de revenir dessus inopinément à la fin du débat, à cinq heures du matin, ce qui en dit long sur l’estime dans laquelle vous tenez les députés, de droite comme de gauche.

En réalité, ce texte est indéfendable, indéfendable dans sa philosophie, qui continue à favoriser la privatisation des soins au détriment de l’hôpital public, comme dans ses mesures concrètes, qui ne résolvent aucun des graves manquements actuels.

Vous n’avez même pas accepté de limiter les dépassements d’honoraires, devenus exorbitants et insupportables pour tant de nos concitoyens. Vous n’avez même pas accepté de protéger les hôpitaux publics en introduisant une clause de non concurrence pour les médecins et les directeurs qui partiraient exercer dans le privé.

Quant au volet prévention, il fallait l’oser, votre texte ne dit rien sur la santé au travail, rien sur la santé scolaire et la prévention de l’obésité infantile, rien non plus sur les conséquences des pollutions environnementales à l’ordre du jour.

Si nous avons réussi à améliorer un peu la participation des personnels soignants et non soignants, des usagers et des élus aux instances de direction des hôpitaux et des ARS, le fond de votre démarche reste intact. Il s’agit de mettre en place des instruments et modalités de direction vous permettant d’imposer vos choix politiques.

Après les ARH, voici les ARS pour aller encore plus loin dans la démolition du service public et la mise sur le marché de tous les secteurs de la santé. Ne comptez pas sur nous pour cautionner une telle démarche.

Oui, la réponse aux besoins de santé exige des moyens nouveaux et des réformes en profondeur, mais certainement pas celle que vous avancez. Nous voterons contre ce texte sans hésiter. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Jean-Luc Préel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi était très attendu. En effet, en dépit de réformes multiples, certaines récentes, notre système de santé connaît toujours une crise extrêmement grave, organisationnelle, morale et financière.

Notre souhait, partagé par tous, est d’assurer à nos concitoyens un système de santé excellent, l’égal accès de tous à des soins de qualité et de veiller à l’accessibilité sur l’ensemble du territoire à des tarifs opposables, remboursables par la solidarité nationale.

La création des ARS permet de revenir sur l’un des défauts majeurs de notre système de santé : la séparation absurde entre la prévention et le soin, la ville et l’hôpital, le sanitaire et le médico-social. Prévoir un responsable unique de la santé au niveau régional ne peut donc que recevoir notre assentiment.

Les missions des ARS seront très étendues. Le premier risque est qu’elles meurent d’indigestion, accaparées par les problèmes internes de gestion, mais surtout, madame la ministre, vous êtes restée au milieu du gué. Il fallait régler quatre problèmes : la fongibilité des enveloppes, la gouvernance nationale, les relations avec la CNAM et la démocratie sanitaire.

Nommer un responsable unique de la santé sans lui donner une enveloppe régionale unique, c’est-à-dire un ORDAM, en maintenant les sous-objectifs de l’ONDAM revient à lui dénier une part majeure de son pouvoir. Il faudra évoluer rapidement.

Ne pas créer une agence nationale coiffant les ARS, au profit d’une instance de coordination regroupant plusieurs ministères, plusieurs directions du ministère de la santé, la CNAM, conduira à une triple commande inopérante. Il aurait fallu à tout le moins que le secrétaire général de la coordination puisse être le seul à avoir autorité sur les ARS en assurant ainsi un filtre.

Vous n’avez pas non plus tranché clairement le rôle de la CNAM. Les ARS auront-elles le contrôle médical et les données informatiques ? Il ne semble pas.

Quant à la démocratie sanitaire, elle n’est guère renforcée. Alors que nous plaidons pour un rôle majeur dévolu aux conférences régionales de santé pour prendre en compte les besoins de la population, veiller à l’adéquation de l’offre aux besoins, à l’utilisation de l’ORDAM et à la responsabilisation de tous les acteurs de santé, elles n’auront qu’un rôle consultatif fort modeste.

Je redoute donc que la création des ARS ne soit une occasion manquée.

Pour les hôpitaux, la volonté du Président de la République de désigner un patron a été exaucée. Pourquoi pas ?

Certes, il présidera le directoire dont il nommera les membres, arrêtera le projet d’établissement, y compris le projet médical. Mais sera-t-il réellement le chef ? En effet, il sera nommé par l’ARS, qui lui fera signer les contrats d’objectifs et de moyen, les contrats de retour à l’équilibre, qui l’évaluera, décidera même de la part variable de sa rémunération et pourra le révoquer. Le directeur-patron aura intérêt à avoir l’échine souple.

En réalité, le vrai chef des hôpitaux sera l’ARS.

Le conseil de surveillance n’aura quasiment aucun pouvoir puisqu’il n’aura même pas à se prononcer sur l’adhésion à une communauté hospitalière de territoire qui, dans sa forme intégrée, revient à une fusion des établissements. Il ne se prononcera pas davantage sur le programme d’investissement, qui est pourtant stratégique.

La CME ne votera pas le projet médical qui sera arrêté par le directeur. Or les établissements ont pour mission d’accueillir les patients, de répondre à leurs besoins en assurant des soins de qualité. C’est l’équipe médicale qui doit préparer et voter le projet médical, lequel s’intègre dans le projet d’établissement dont il constitue le fondement. Avoir tourné le dos à ce principe majeur risque d’être lourd de conséquences. Reste à définir la place des CHU, avec le rapport Marescaux, et des hôpitaux psychiatriques, avec le rapport Couty.

Pour la médecine de ville, les problèmes sont également importants avec la répartition des professionnels sur le territoire et la permanence des soins. Nos concitoyens redoutent d’avoir des difficultés d’accès aux soins.

Vous apportez cependant des réponses intéressantes avec la définition de la médecine de premier recours, même si la différence avec le médecin traitant et la place des spécialistes n’est pas très claire.

Vous avez montré votre volonté d’insister sur les mesures incitatives, avec le numerus clausus régional, les bourses d’études contre l’engagement à s’installer en zone déficitaire, les maisons de santé pluridisciplinaires, la coopération entre professionnels de santé, avec, je l’espère, bientôt, de véritables infirmières cliniciennes.

Le ratio majeur à prendre en compte n’est pas le nombre de médecins mais le temps médical.

Il ne faut pas oublier non plus que l’âge d’installation est de trente-neuf ans, soit plus de douze ans après la thèse.

Nous devons être attentifs et volontaristes. Il conviendra d’évaluer rapidement l’efficacité des mesures proposées. Attendre 2013, est-ce bien raisonnable ?

Je me félicite enfin du modeste volet sur la santé publique, avec l’éducation thérapeutique du patient et l’interdiction des open bars et de la vente d’alcool aux mineurs. Encore conviendra-t-il de la faire respecter.

Le problème n’est pas de voter des lois mais de les appliquer. Dans ce domaine, l’éducation doit jouer un rôle majeur.

Pour conclure, madame la ministre, ce projet de loi était très attendu. Les débats pendant quatre semaines se sont déroulés dans une ambiance sympathique. Vous avez répondu avec calme aux diverses questions. Trente-quatre amendements du Nouveau Centre sur 200 ont été acceptés mais, hélas, aucune proposition fondamentale.

Comme vous le savez, au Nouveau Centre, nous sommes Girondins, décentralisateurs,…

M. le président. Il faut vraiment conclure, monsieur Préel.

M. Jean-Luc Préel. … nous faisons confiance à la responsabilité des personnes. Or votre texte demeure centralisateur, jacobin, donc déresponsabilisant et sans réel contre-pouvoir.

C’est pourquoi les députés du Nouveau Centre seront partagés. Certains malgré tout le voteront ; d’autres, dont ceux qui ont suivi de près l’examen du texte, s’abstiendront, en espérant que les sénateurs pourront l’améliorer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe NC.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 505

Nombre de suffrages exprimés 491

Majorité absolue 246

(Le projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinq, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

Loi de finances rectificative pour 2009

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009 (nos 1494, 1511).

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, madame la ministre de l’économie, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, la crise que nous traversons est sans précédent, chacun en conviendra. Cela impose de réagir et de s’adapter en permanence. Il était impossible d’attendre pour sauvegarder notre industrie automobile ou pour renforcer la protection de nos concitoyens les plus fragilisés par la conjoncture. Telles sont les raisons de ce deuxième collectif budgétaire pour l’année 2009. C’est aussi l’occasion de réviser nos hypothèses macroéconomiques – Christine Lagarde y reviendra, bien évidemment.

Je veux profiter de l’examen de ce texte pour faire un bref point d’étape sur les mesures de relance. Car nous vous avons proposé de nombreuses mesures, et vous avez voté plusieurs textes pour que la France puisse résister au mieux à la crise. Se pose donc une question légitime : est-ce que ces mesures sont en place ? Est-ce qu’elles fonctionnent ? C’est bien la moindre des choses de se le demander avant d’examiner les nouvelles mesures complémentaires contenues dans ce collectif. Dans un univers très marqué par l’incertitude, j’ai tout de même quelques certitudes.

Ce que je sais, c’est que notre plan et nos initiatives de relance sont complets. Notre plan est global : il répond aux difficultés financières et économiques, mais aussi aux difficultés humaines et sociales.

Ce que je sais, c’est que notre plan est équitable et équilibré, qu’il est une réponse réfléchie, construite et cohérente à la crise. C’est d’ailleurs à l’aune de cette cohérence que nous examinerons les amendements déposés.

Ce que je sais aussi, c’est que l’ensemble des mesures que nous avons mises en place pour lutter contre la crise respecte à la lettre les recommandations des organisations internationales pour plus de cohérence.

Ce que je sais enfin, c’est que nos mesures et leur mise en œuvre sont rapides, ciblées et temporaires, qu’elles sont soutenables sur le plan de nos finances publiques à moyen terme.

Par ailleurs, les difficultés de certains secteurs-clés, que vous constatez dans vos circonscriptions, sont analysées et combattues pour éviter la concrétisation de risques majeurs pour notre économie.

Personne ne connaît mieux que vous, mesdames, messieurs les députés, la rapidité avec laquelle nous avons pris les mesures nécessaires dans les différents textes financiers que Christine Lagarde et moi vous avons présentés.

Oui, le plan de relance est en marche. Ainsi, Patrick Devedjian a déjà transféré 3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 1,4 milliard d’euros de crédits de paiement aux ministères concernés, et versé 200 millions à des opérateurs. D’autres versements devraient intervenir très prochainement. Des chantiers sont d’ores et déjà engagés. Une cinquantaine de projets dans une quinzaine de régions ont commencé ou commenceront dans les tout prochains jours. La mesure FCTVA a démarré sous les meilleurs auspices : au 6 mars, 281 conventions FCTVA ont été signées. Ces conventions correspondent à plus de 1,2 milliard d’euros d’investissements prévisionnels pour nos collectivités locales.

S’agissant des mesures d’aide à la trésorerie des entreprises, les chiffres parlent d’eux-mêmes : sur presque 6 milliards de demandes déposées pour des remboursements de crédit d’impôt-recherche, de reports en arrière de déficit ou de restitutions d’acomptes excédentaires au titre de l’impôt sur les sociétés, environ 5 milliards ont déjà été versés. Par ailleurs, alors que cette faculté leur est ouverte depuis quatre semaines seulement, la mensualisation des remboursements de crédits de TVA a déjà été demandée par plus de 7 000 entreprises. J’ai, en outre, donné des instructions aux services fiscaux et aux URSSAF pour que des délais de paiement soient accordés aux entreprises en difficultés : les plans de règlements des créances fiscales représentent près de 100 millions d’euros en janvier 2009, soit une augmentation de 42 % par rapport à décembre ; les URSSAF ont accordé plus de 9 300 délais en janvier, le nombre de délais pour les entreprises de plus de 10 salariés a quasiment doublé depuis mai 2008. Je réunirai un certain nombre de représentants des entreprises pour faire le bilan de l’efficacité de l’ensemble de ces mesures de trésorerie.

Il faut aussi replacer notre action dans le contexte du système social qui est le nôtre. Ce système, vous le savez, est très développé, et il agit comme un amortisseur. C’est bien pour cela qu’il a été conçu. Il faut rappeler qu’en France, le système social fonctionne à plein régime : en septembre 2008, les pensions de quinze millions de retraités ont été revalorisées de manière anticipée de 0,8 % ; en novembre 2008, la prime exceptionnelle de fin d’année a été portée de 152 à 220 euros pour 1,5 million de titulaires du RMI ou de l’allocation de solidarité spécifique ; en janvier 2009, six millions de familles ont bénéficié d’une hausse de 3 % des prestations familiales – versées en février. C’est une progression sans précédent depuis longtemps ! 5,7 millions de locataires ont vu leurs aides au logement progresser de 2,95 % ; en avril 2009, 3,8 millions de ménages modestes recevront une prime de solidarité active de 200 euros, dans l’attente de la mise en place définitive du revenu de solidarité active en juin ou juillet de cette année. J’ajoute qu’en avril 2009, une hausse de 2,2 % de l’allocation aux adultes handicapés bénéficiera à 820 000 personnes, et une hausse similaire est prévue en septembre. Le minimum vieillesse, quant à lui, augmentera cette année de 6,9 %.

Que ce soient par la relance ou par les transferts sociaux, toutes ces mesures constituent des actions concrètes, rapides, qui soutiennent le revenu et l’investissement, l’emploi et l’activité.

Après cette mise en perspective des mesures déjà prises, je reviens, d’un point de vue plus global, sur l’équilibre du collectif et les prévisions de finances publiques.

Le Gouvernement conserve la même stratégie en matière de finances publiques : celle qui a été menée depuis le début de la crise.

Ainsi, premièrement, comme pour les mesures précédentes, les mesures qui vous sont présentées aujourd’hui sont ciblées, précises et temporaires, destinées à entrer rapidement en action. Christine Lagarde les décrira plus en détail. Les mesures du sommet social se montent à 2,6 milliards d’euros dont 1,1 milliard d’euros sur l’impôt sur le revenu. Je rappelle que ce sommet s’est tenu le 18 février, c’est-à-dire il y a exactement un mois puisque nous sommes le 18 mars.

M. Henri Emmanuelli. C’est-à-dire la veille du 19 !

M. Éric Woerth, ministre du budget. J’ai bien compris, monsieur Emmanuelli. (Sourires.) Je poursuis : les mesures d’aides en faveur du secteur automobile s’élèvent à près de 7 milliards, essentiellement sous forme de prêts, il est important de le relever.

Deuxièmement, nous gardons la maîtrise de la dépense publique courante. Ce collectif l’illustre très concrètement en gageant par des réductions de dépenses les ouvertures de crédits qui relèveraient, s’il n’y avait pas de loi de finances rectificative, d’un décret d’avance.

Ce sont des crédits qui ne concernent pas directement la relance, comme les aides à la presse ou les mesures d’urgence destinées à faire face à la tempête Klaus par exemple, monsieur Emmanuelli. Autrement dit, mesdames et messieurs les députés, hors plan de relance, nous respectons les plafonds de dépenses initialement votés par le Parlement.

Troisième point : nous décidons de laisser les recettes s’adapter au recul de l’activité, sans chercher à compenser cette baisse par des hausses de prélèvements obligatoires sur les ménages ou les entreprises. Compte tenu de la révision des hypothèses économiques, c’est la principale explication de la dégradation des soldes du budget de l’État et des comptes publics.

Par rapport au collectif de janvier, les recettes fiscales sont revues fortement à la baisse, d’environ 6,3 milliards d’euros, au titre des révisions des prévisions macroéconomiques. La correction principale porte sur la TVA : l’évolution de la consommation en valeur est désormais fixée à 0,8 % contre 2,9 % lors de la loi de finances initiale, en raison notamment du recul de l’inflation. D’autres éléments constituant l’assiette de TVA, comme l’investissement des ménages par exemple, sont aussi en net repli.

Les recettes non fiscales sont revues à la baisse de 1,1 milliard d’euros, sous l’effet de la diminution des recettes attendues des participations de l’État, en dépit des recettes nouvelles issues des garanties que l’État fait payer aux banques.

L’évolution du déficit par rapport au collectif de janvier s’explique donc, d’une part, par la baisse des recettes, et d’autre part, par les mesures prises lors du sommet social et pour soutenir le secteur automobile. Par rapport au collectif de janvier, le déficit budgétaire 2009 se dégrade de 17 milliards d’euros, pour atteindre 103,8 milliards d’euros. Compte tenu du ralentissement de la masse salariale, le déficit de la sécurité sociale atteindrait quant à lui 17 à 18 milliards d’euros en 2009.

M. Jérôme Cahuzac. Historique !

M. Henri Emmanuelli. Oh là, là !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Au total, le déficit public s’établirait à 5,6 points de PIB. Par leur niveau, ces chiffres résument la gravité de la situation économique dans laquelle nous sommes…

M. Jean-Pierre Brard. Ou l’incompétence du Gouvernement ! Il va falloir trouver de l’argent !

M. Éric Woerth, ministre du budget. … et dans laquelle se trouve le monde entier. Ce déficit budgétaire d’un peu plus de 100 milliards d’euros masque en réalité deux déficits : un déficit structurel important, mais surtout ce qu’on pourrait appeler un déficit de crise.

Le déficit structurel représente environ 40 milliards d’euros. Il découle de la stratification de dépenses jamais remises en cause, du mitage des recettes par de multiples niches fiscales, de l’accélération des dépenses d’une manière générale. Quarante milliards d’euros, c’est évidemment trop, et nous nous sommes engagés à réduire déficit. Nous poursuivons, avec la RGPP par exemple, l’ensemble des réformes structurelles.

M. Henri Emmanuelli. C’est un peu surréaliste !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Les parlementaires participent à ces réformes en cours dans le pays : il y a moins d’une heure, Jean-François Copé et Gilles Carrez ont lancé les états généraux de la dépense publique, avec la collaboration active du ministère du budget. Ils proposent de mettre à contribution tous les parlementaires, de la majorité comme de l’opposition, qui voudront apporter leurs idées sur la manière de réduire les dépenses publiques.

M. Jérôme Cahuzac. Tous les professionnels de l’entreprise !

M. Jean-Pierre Brard. C’est le moment !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Avec l’aide des parlementaires nous avons aussi fait des avancées majeures sur le contrôle des niches fiscales et sociales…

M. Jérôme Cahuzac. Dans la restauration !

M. Éric Woerth, ministre du budget. …lors de l’examen des dernières lois de finances et de la loi de programmation des finances publiques.

Nous avons aussi inscrit une croissance des dépenses, dans la loi de programmation triennale des finances publiques, deux fois plus faible que celle observée en moyenne par le passé. Le Premier ministre a confirmé cette orientation, en adressant le 20 février dernier à l’ensemble des ministres du Gouvernement, une lettre de cadrage pour la préparation du budget 2010.

M. Jérôme Cahuzac. C’est lui qui décide, maintenant ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Ce cadrage est fondé sur le respect du budget triennal inscrit dans la loi de programmation. Ce contingentement de la dépense publique est plus fort qu’il ne l’a jamais été.

Ce déficit structurel n’est évidemment pas né de la crise ; il ne disparaîtra pas non plus avec elle, si nous ne poursuivons pas avec constance nos efforts de maîtrise des dépenses publiques. Surtout, la crise ne peut en aucun cas servir de prétexte au rajout d’une nouvelle strate de dépenses courantes – une erreur trop souvent commise par le passé, et notamment en 1981.

On ne combat pas une crise conjoncturelle, aussi grave soit-elle, par des dépenses courantes durables. Demander, par exemple, la remise en cause du non-remplacement d’un départ à la retraite d’un fonctionnaire sur deux…

Mme Marie-Anne Montchamp. Ce serait irresponsable !

M. Éric Woerth, ministre du budget. …pour lutter contre la crise, cela revient à embaucher plus de fonctionnaires pour répondre à un besoin ponctuel.

M. Jérôme Cahuzac. Et dans la recherche, vous faites quoi ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Ce n’est donc pas une réponse responsable.

M. Henri Emmanuelli. Cela coûterait moins cher que M. Pébereau et autres banquiers !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Ne pas créer de nouvelles dépenses pérennes est crucial pour préserver la qualité de la signature de la France qui permet de financer notre dette à des taux d’intérêt historiquement bas. Il en va de la soutenabilité à moyen terme de nos dépenses publiques.

À ce déficit structurel que nous devons combattre avec beaucoup de dynamisme…

M. Jérôme Cahuzac. Il serait temps d’y penser à ce déficit structurel !

M. Henri Emmanuelli. Discours Prozac !

M. Éric Woerth, ministre du budget. …s’ajoute un déficit de crise de 60 milliards d’euros, constitué de trois composantes. La première équivaut aux moins-values cumulées de recettes par rapport à une situation de croissance normale : en 2008-2009, les recettes encaissées seront inférieures d’environ 30 milliards d’euros à celles qu’elles auraient atteint dans le cas d’une croissance de l’ordre de 2 %, c’est-à-dire le taux constaté au cours des dernières années.

Deuxième composante : les dépenses – ou les moindres recettes – spécialement décidées pour combattre la crise, et qui s’élèvent à plus de 20 milliards d’euros pour le seul État. Enfin, il y a les prêts accordés au secteur automobile et les apports de liquidité au fonds stratégique d’investissement, qui s’élèvent à environ 10 milliards d’euros.

Ce déficit de crise est réversible : les dépenses engagées pour le plan de relance ont précisément été conçues pour ne pas être pérennes, et elles s’éteindront fin 2010 au plus tard. Les prêts seront remboursés ; dans l’intervalle, ils produisent des intérêts. Les participations sont des actifs qui seront réalisés ; dans l’intervalle, elles rapportent des dividendes.

Pendant une année de croissance forte, les recettes fiscales, notamment l’impôt sur les sociétés, peuvent parfaitement faire apparaître des plus-values annuelles d’une dizaine de milliards par an. C’est exactement ce qui s’est produit il y a quelques années.

Soyons clairs : même s’il se résorbera à moyen terme, ce déficit de crise n’est pas bénin pour autant, car il alourdit la dette. Chaque dépense doit donc être ciblée sur la croissance et l’emploi, et ne pas accroître la dépense courante.

Christine Lagarde détaillera plus précisément la mesure sur l’impôt sur le revenu, mais je voudrais revenir sur certains aspects du collectif. D’abord, je souhaite vraiment insister et dissiper tout malentendu : les six millions de foyers concernés par les nouvelles mesures incluent deux millions d’imposés dans la première tranche – celle à 5,5 % –, deux millions d’imposés au début de la deuxième tranche – celle à 14 % –, mais aussi deux millions de foyers qui, en raison de réductions ou de crédits d’impôt, reçoivent un chèque du Trésor public en fin d’année. Il n’est pas envisagé de traiter ces personnes – qui sont principalement des bénéficiaires de la prime pour l’emploi, mais aussi d’autres avantages comme le crédit d’impôt pour garde d’enfant à l’extérieur du domicile, la réduction d’impôt pour enfant scolarisé, etc. – différemment des autres. Il serait aberrant que ces personnes ne bénéficient pas de la diminution de l’impôt sur le revenu pour l’année 2008, sous prétexte qu’elles y parviendraient par le biais de la PPE. Ce serait faire payer cette réduction par d’autres moyens, ce qui serait parfaitement injuste.

Deuxième point : le processus est géré intégralement par l’administration fiscale, ce qui simplifie la vie des contribuables. Ces derniers déclareront leurs revenus de 2008 selon le calendrier habituel, en mai et juin. L’administration, sur la base des revenus déclarés l’an dernier, suspendra à partir de mai le deuxième acompte ou les mensualités des contribuables qui étaient taxés l’an dernier dans la tranche à 5,5 %.

Enfin, l’administration calculera l’impôt dû par les personnes qui sont effectivement dans le champ de la mesure sur la base de leurs revenus de 2008, en fin d’année. Dans certains cas, malgré la suppression des acomptes et des mensualités, des contribuables auront payé en début d’année des sommes supérieures à leur impôt calculé en septembre. Dans ce cas, le trop payé leur sera reversé. Inversement, certains seront sortis du périmètre de la mesure car leurs revenus auront augmenté entre 2007 et 2008.

Nous proposons donc de réduire l’impôt des contribuables les plus modestes. Certains, au nom de la justice, souhaitent augmenter l’impôt des plus riches, et des amendements ont été déposés en ce sens. Le débat doit avoir lieu, en toute responsabilité, avec le souci, en cette période de crise, de ne pas dresser les Français les uns contre les autres. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean-Pierre Brard. Oh, mon Dieu !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Toutefois, je tiens à dire qu’augmenter les impôts n’est pas une solution. Lorsque l’on commence à augmenter les impôts des plus aisés, il n’est pas loin le temps où l’on augmentera les impôts de ceux qui sont un peu moins aisés, puis des classes moyennes, et ainsi de suite, jusqu’à augmenter les impôts de tous !

M. Jérôme Cahuzac. La taxation sur les mutuelles et les franchises fiscales, qu’est-ce que c’est ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. De plus, qui peut croire qu’une augmentation d’impôt sera provisoire ?

M. Jean-Pierre Brard. C’est vrai !

M. Éric Woerth, ministre du budget. En cette période, la justice et l’efficacité me semblent mieux servies par une baisse des prélèvements sur les plus modestes que par une sanction sur les plus « riches ».

M. Jean-Pierre Brard. Cœur de pierre !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Votre commission des finances, à l’initiative de Gilles Carrez, a déposé deux amendements à la mesure du collectif, relatifs à l’impôt sur le revenu, afin de refuser le bénéfice de ce dispositif aux personnes ayant des revenus importants, mais dont le revenu net imposable est fortement réduit par l’utilisation de certaines déductions fiscales.

M. Gérard Bapt. Gilles Carrez a raison ! Il faut aller plus loin !

M. Éric Woerth, ministre du budget. C’est une amélioration qui nous paraît tout à fait souhaitable.

Votre commission des finances, à l’initiative de Didier Migaud cette fois, a déposé un autre amendement qui vise à imposer une transparence sur les opérations dans les paradis fiscaux des banques bénéficiant de la garantie publique.

M. Gérard Bapt. Didier Migaud a raison lui aussi !

M. Éric Woerth, ministre du budget. C’est un autre sujet dont nous pourrons discuter.

Enfin, j’aimerais aborder la question du bouclier fiscal, qui est revenue à plusieurs reprises. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Je l’ai dit au banc du Gouvernement pendant les questions, je le répète à la tribune : un bouclier à 50 %, c’est tout simplement juste ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jérôme Cahuzac. Pourquoi pas 60 % ? Et les impôts locaux ?

M. Jean-Pierre Brard. Quelle honte !

M. Éric Woerth, ministre du budget. C’est même une règle de valeur constitutionnelle chez plusieurs de nos voisins ; il s’agit d’éviter qu’un contribuable travaille plus d’un jour sur deux pour l’État.

M. Jean-Claude Sandrier. Cela ne veut rien dire !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Les prélèvements sociaux ont été intégrés, après un débat légitime, mais le Parlement a tranché et voté ce bouclier, il y a dix-huit mois.

M. Jean-Pierre Brard. C’est Nicolas Sarkozy qui a voté !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Sauf à vouloir que les gens perdent toute confiance dans l’action politique, il ne faut pas rouvrir les mêmes dossiers fiscaux tous les quatre matins. Si ce débat persiste, nous devons évidemment échanger nos arguments…

M. Jérôme Cahuzac. Cela ne veut rien dire !

M. Jean-Pierre Brard. Cause toujours !

M. Éric Woerth, ministre du budget. … mais nous devons rester fermes sur nos propositions. Le bouclier fiscal de 2008, mesuré au 12 février 2009, représente 458 millions d’euros, soit 6 % du coût de la loi TEPA, pas plus.

M. Jean-Claude Sandrier. Un tiers du RSA !

M. Jean Launay. Nous verrons les résultats dans cinq ans ! Cela n’a jamais rien donné de bon !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Le paquet fiscal, c’est d’abord des mesures pour le plus grand nombre, et particulièrement les heures supplémentaires dont bénéficient plus de cinq millions de personnes.

M. Jean-Pierre Brard. Ce bouclier finira comme le vase de Clovis !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Quant aux bénéficiaires du bouclier fiscal, il est tout à fait contre-productif de les stigmatiser.

M. Jérôme Cahuzac. Ils sont gentils, ils vous invitent en vacances !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Ce sont des personnes qui perçoivent un remboursement total de 458 millions d’euros, mais qui avaient préalablement payé plus de 1,1 milliard d’euros d’impôts.

M. Jean-Pierre Brard. Vive les bourgeois !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Le bouclier est donc la seule réponse possible, le point d’équilibre nécessaire entre une fiscalité sur le revenu importante et une fiscalité sur le patrimoine qui n’existe pas dans d’autres pays. Les contribuables qui ont bénéficié du bouclier auraient été imposés à un taux de 80 % à 90 % de leur revenu. Dans un monde où le capital et les personnes sont extrêmement mobiles et où la compétition est forte, même à l’intérieur de l’Europe (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et GDR)

M. Jean-Claude Sandrier. Vive les paradis fiscaux !

M. Éric Woerth, ministre du budget. … si on veut les faire partir, il faut leur prélever plus de la moitié de leurs revenus !

D’ailleurs, le bouclier fiscal produit un impact positif et les tendances s’inversent : les données de 2007 dont nous disposons depuis peu montrent que les départs de contribuables ont baissé et que les retours ont augmenté.

M. Jean-Pierre Brard. Littérature de gare !

M. Jérôme Cahuzac. Ce sont les licenciés de Londres qui viennent toucher les Assedic !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Surtout, et j’aimerais que l’on oublie un instant la politique politicienne et la démagogie pour convenir ensemble que, dans ce pays, il existait deux offenses à la justice fiscale. Première injustice : que l’on puisse payer plus de 50 % de son revenu, et parfois même 100 %, en impôts. Cela n’existe pas ailleurs…

M. Jean-Pierre Brard. Et alors ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. …où l’impôt sur la fortune a été progressivement supprimé. En France, ce n’est pas le cas, et nous l’assumons.

M. Jérôme Cahuzac. Supprimez-le ! Qu’attendez-vous ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. En France, nous sommes les derniers à l’avoir conservé, mais nous avons aussi un impôt sur le revenu élevé…

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas vrai ! Pinocchio !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Il fallait donc garantir que cela ne conduise pas à des prélèvements confiscatoires. Nous l’avons fait, et nous l’assumons.

Seconde injustice à laquelle nous avons trouvé un remède : la multiplication et le déplafonnement de certaines niches fiscales permettaient à des contribuables de s’exonérer complètement d’impôt sur le revenu. Avec la majorité, nous sommes revenus sur ce sujet, à juste titre.

M. Henri Emmanuelli. Il fallait revenir sur bien d’autres sujets, croyez-moi !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Le vrai scandale se nichait d’ailleurs là. Le véritable scandale n’est pas qu’un citoyen paye 50 % de ses revenus en impôts, mais le contraire : que certains puissent s’exonérer de tout impôt grâce à des avantages fiscaux.

M. Jean-Pierre Brard. Et passer un week-end au Mexique !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Il était aussi scandaleux de pouvoir s’abriter derrière le secret bancaire de certains pays pour frauder le fisc. Là encore, les choses évoluent.

M. Henri Emmanuelli. Vous faites le ministre ou le comique ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Finalement, comme lorsque je l’ai fait précédemment en réponse à une question d’actualité du président Migaud, je vous le demande : est-ce honteux de gagner de l’argent en France ?

M. Alain Cacheux. Ce sont les rentiers qui en gagnent !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Est-ce que réussite matérielle doit rimer avec expatriation ? Veut-on que la France devienne un vaste parc national ou une réserve pour touristes ?

La seule question qui se pose est celle-ci : notre système fiscal et social est-il juste ?

M. Alain Cacheux et M. Marc Goua. Non !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Il est juste, car il ne décourage pas les efforts, tout en assurant un haut niveau de redistribution, ce qui est assez rare pour être souligné.

M. Jean-Pierre Brard. Éric Woerth, c’est Marx, mais version Groucho !

M. Éric Woerth, ministre du budget. S’agissant des ouvertures de crédit, le rapporteur général et nombre d’entre vous se posent la question du financement des mesures annoncées en faveur de l’outremer. Ces crédits n’ont pu être intégrés au collectif car, à l’époque de sa finalisation, les discussions étaient toujours en cours en Guadeloupe et en Martinique. Aussi déposons-nous des amendements visant à ouvrir des crédits, à hauteur de 233 millions d’euros pour le revenu supplémentaire temporaire d’activité, et de 50 millions supplémentaires pour le fonds exceptionnel d’investissement.

Pour conclure, permettez-moi de réaffirmer les deux combats dans lesquels le Gouvernement est engagé. Le premier est de combattre la crise en mettant rapidement en place les initiatives de relance ; c’est ce que fait le Gouvernement, et notamment Patrick Devedjian, dont c’est le rôle.

M. Henri Emmanuelli. Merci pour lui !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Le deuxième point-clé consiste bien sûr à poursuivre les réformes structurelles, à investir dans l’avenir et à maîtriser la dépense courante. C’est la seule façon de sortir de la crise plus forts que nous y sommes entrés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est vraiment pas très sérieux !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Ce sont vos commentaires qui ne le sont pas.

M. le président. La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le monde est entré en récession. Aux États-Unis, l’activité a baissé de 1,6 % du PIB au quatrième trimestre de 2008, et 4,4 millions d’emplois ont été détruits depuis le début de l’année 2008. Dans la zone euro, le PIB a diminué de 1,5 % pour les mêmes raisons : retournement des anticipations des entreprises, effondrement de la demande, ralentissement prononcé de la production et remontée du chômage.

M. Alain Cacheux. Voilà le bilan de l’ultralibéralisme !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Aux États-Unis comme en Europe, c’est le même scénario.

M. Jérôme Cahuzac. Ce n’est pas celui que vous aviez annoncé !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. En France, un repli de 1,2 % a été enregistré au quatrième trimestre. Notre pays est lui aussi durement touché par les effets de la récession ; cependant, je le dis solennellement, il résiste mieux que d’autres.

M. Jérôme Cahuzac. Cela ne coûte rien de le dire ! On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même !

M. Jean-Pierre Brard. Vous reculez quand même ! C’est la défense élastique !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. La consommation a encore augmenté de 0,5 % au quatrième trimestre de 2008 et de 1,8 % en janvier 2009. La situation du marché immobilier français est relativement moins dégradée que dans d’autres pays, et celle de nos banques, je n’hésite pas à le dire, y est bien meilleure ; j’y reviendrai.

M. Jean-Pierre Brard. Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Ce projet de loi de finances rectificative est construit, vous le savez, sur l’hypothèse d’une diminution de 1,5 % du PIB en 2009.

M. Michel Sapin. Tiens, ça s’est dégradé !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Certains commencent déjà à s’agiter pour dire que ce chiffre est largement sous-estimé, et qu’il atteindra plus vraisemblablement 2 %. Malheureusement, tous les prévisionnistes, de droite comme de gauche, s’accordent sur un point : à plus de deux trimestres, la prévision est totalement incertaine.

M. Jean-Pierre Brard. Elle est devenue prudente !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Les destructions d’emplois seront de toute façon importantes en 2009 ; nous les avons estimées à 350 000, chiffre qui, compte tenu du surcroît d’emplois aidés que nous mettrons en place, pourrait être ramené autour de 300 000.

En 2010, nous envisageons une reprise de l’activité qui conduirait à une hausse du PIB de 1 %. Cette hypothèse est entourée de multiples incertitudes liées à l’environnement international, aux effets des plans de reprise et notamment à la rapidité avec laquelle les États-Unis mettront en œuvre celui qu’ils ont voté il y a trois semaines. Mais elle tient compte, dans son relatif optimisme, des effets habituels de rebond de l’activité après une année très dégradée et d’un retour progressif à une situation économique plus normale après les chocs macroéconomiques de 2009. Elle correspond aux analyses que l’on peut lire sous la plume de Ben Bernanke, le président de la Réserve fédérale américaine et de Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne.

M. Jean-Pierre Brard. C’est mieux quand ils n’écrivent pas !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Face à la situation d’urgence, le Gouvernement est intervenu comme pompier et comme architecte. (« Oh ! » sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

Comme pompiers, nous avons engagé plus de 50 milliards d’euros pour maintenir les circuits bancaires en état de financer la vie économique. Je le répète : prêter aux banques, ce n’est pas donner aux banquiers, c’est sauver les épargnants, les déposants et les entrepreneurs ; c’est sécuriser leurs dépôts, leurs épargnes, leurs emprunts et leurs investissements.

Nous avons également mis en place un plan d’action de 22 milliards d’euros pour venir en aide aux PME, dont nous savions très bien qu’elles seraient les premières à rencontrer des difficultés de financement. D’OSEO à la Caisse des dépôts et consignations, tous les acteurs publics du financement ont été mobilisés pour ce faire. En outre, le 4 décembre dernier, nous avons engagé un plan de relance de 26 milliards d’euros, largement axé sur l’investissement sur tout le territoire ; plus de 1 000 projets ont été identifiés, dont un certain nombre ont déjà commencé, comme l’indiquait tout à l’heure Patrick Devedjan lors des questions au Gouvernement.

Comme architecte, la France participe activement aux discussions sur la refondation du système financier international. Dès novembre 2007, nous avons lancé la concertation. J’étais à Londres ce week-end pour préparer, avec mes collègues ministres des Finances du G20, le sommet international du 2 avril, lequel est très attendu pour donner des signaux de confiance dans des domaines tels que la relance économique, la réglementation bancaire et financière – à l’échelon international, régional et national –, la gouvernance mondiale et le traitement des actifs des banques. Nous avons tous reconnu l’importance des plans de relance, qu’il convient de mettre en œuvre le plus vite possible afin qu’ils produisent leurs effets les plus sensibles dès 2009 ; nous sommes convenus que le FMI était le mieux à même de les mesurer et de les comparer, sachant que ces plans, toutes données confondues – stabilisateurs automatiques et soutiens au financement –, s’élèvent respectivement à 29 % du PIB aux États-Unis et à 23 % dans l’Union européenne.

M. Henri Emmanuelli. Ces chiffres ne sont pas corrects !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Je serais ravie d’en discuter avec vous, monsieur Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Vous mélangez les torchons et les serviettes !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Nous avons proposé une régulation plus extensive, qui mette fin aux trous noirs de la finance internationale et aux centres non coopératifs ; une régulation mieux coordonnée entre les différents superviseurs internationaux ; enfin, un rôle accru dévolu au FMI, pour venir en aide aux pays les moins développés et émergents, durement affectés par la crise car les investissements directs étrangers s’en retirent et les envois de fonds des nationaux expatriés diminuent. Le FMI doit aussi anticiper la formation de bulles spéculatives et de risques systémiques.

Toutes ces actions produiront leurs effets à moyen terme pour relancer notre économie ; elles justifient les ressources importantes que nous leur consacrons, au bénéfice de certains secteurs industriels et de l’assainissement du système bancaire, et pour que les comportements abusifs ne se reproduisent pas.

Le ministre du commerce britannique, le travailliste et néanmoins très libéral Peter Mandelson,…

M. Jean-Pierre Brard. Il est travailliste comme je suis archevêque ! (Sourires.)

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …a publiquement salué, dans le Financial time du week-end dernier, l’efficacité du dispositif français,…

M. Jérôme Cahuzac. Il n’est pas rancunier !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …soulignant même que le Royaume-Uni avait « quelque chose à apprendre » de nos méthodes en matière de politique industrielle.

M. Jean-Pierre Brard. On le voit bien chez Continental !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. D’ici à la reprise, que nous attendons pour 2010 – au premier semestre selon certains, plus vraisemblablement au second d’après moi –, l’État doit venir en aide à ceux qui sont les plus touchés par la crise. C’était l’objet du sommet social convoqué par le Président de la République le 18 février.

M. Jean-Pierre Brard. Qu’entendez-vous par « social » ?

M. le président. Monsieur Brard, s’il vous plaît.

M. Jean-Pierre Brard. Un sommet social signé Nicolas Sarkozy, un expert !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Les principales victimes de la crise, ce sont, je n’hésite pas à employer ce terme auquel il fut d’ailleurs fait référence lors du sommet social, les classes moyennes. C’est un terme un peu désuet pour désigner une France moderne et combative, fière de ses réussites, inquiète de son déclassement, et qui ne bénéficie probablement pas de certains avantages.

M. Jean-Pierre Brard. Lisez Le Capital, au moins vous apprendrez quelque chose !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. C’est à cette France-là que le chef de l’État, en concertation avec les partenaires sociaux, a décidé, à l’issue du sommet social, de consacrer 2,6 milliards d’euros. L’État, dans un souci de justice, va ainsi renforcer son aide aux plus vulnérables par des mesures ciblées, temporaires et à effets quasi-immédiats, selon les trois critères retenus pour le plan de relance.

Éric Woerth a détaillé les dispositions relatives aux prestations sociales ; j’ajouterai la « prime à la casse » de 1 000 euros, qui a bénéficié à 50 000 acquéreurs de véhicules ; l’assouplissement des prêts-relais, que nous avons négocié avec l’ensemble des banques ; l’allongement de la durée de l’exonération des plus-values en cas de cession de biens immobiliers ; l’augmentation de 200 euros de la « prime à la cuve » ; le tarif social du gaz, en attendant la diminution du prix du gaz le 1er avril prochain.

M. Jérôme Cahuzac. Dites plutôt au mois de juin !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. En plus de ces mesures fiscales et sociales, que faisons-nous pour les classes moyennes dans ce PLFR qui fait suite au sommet social ? C’est ce que je souhaite à présent vous détailler.

Les mesures proposées intéressent tous ceux qui, avec un revenu moyen, éprouvent des difficultés ; ceux qui travaillent dans des secteurs industriels particulièrement menacés ; ceux qui, enfin, sont les plus fragilisés par la crise et victimes du chômage.

Il a été décidé, selon la mesure-phare du 18 février, de diminuer les impôts des revenus moyens. Nous voulons supprimer les deux derniers tiers provisionnels de l’impôt des contribuables de la première tranche – la deuxième, diraient les puristes – à 5,5 %. Nous souhaitons, en diminuant ainsi l’imposition des classes moyennes, leur envoyer un signal fort. Au total, compte tenu du glissement sur la deuxième – ou la troisième – tranche à 14 %, ce sont plus de 6 millions de foyers fiscaux qui verront leur impôt diminuer de façon significative en 2009.

M. Jean-Pierre Brard. Heureusement, ils ne vous croient plus !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Ils jugeront sur pièce, quand ils constateront que l’administration ne leur demande ni le deuxième ni le troisième tiers.

M. Jean-Claude Sandrier. Et il y aura une augmentation l’année prochaine !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Si nous avons plus particulièrement ciblé la tranche de 5,5 %, c’est aussi que cette classe de contribuables a une propension à consommer plus élevée que celle des tranches supérieures ; or nous souhaitons utiliser l’impôt comme un instrument de relance, en ciblant les mesures les plus efficaces. En l’occurrence, la traduction en termes de pouvoir d’achat est, pour les classes moyennes, un gain de 1,1 milliard d’euros. J’observe au passage que notre majorité est, comme le Gouvernement, favorable à une diminution des impôts, et certainement pas à l’augmentation que préconiserait l’opposition. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jérôme Cahuzac. Et les franchises médicales, c’est un cadeau ? Et que faites-vous de la taxation sur les mutuelles ?

M. Henri Emmanuelli. Il vaudrait mieux que vous vous absteniez !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Le deuxième type de propositions est destiné à ceux qui travaillent dans des secteurs en difficulté. Ceux-ci sont multiples, mais le plus touché est assurément l’automobile, qui emploie environ 10 % de la population active, si l’on tient compte des emplois directs et indirects. Le meilleur moyen d’aider les salariés est d’abord d’aider les entreprises à maintenir l’emploi chaque fois que c’est possible ; c’est tout l’objet du pacte automobile, conclu le 9 février dernier avec les représentants de la filière.

L’État va octroyer à l’ensemble de la filière un soutien ciblé sous forme de prêts, à hauteur de 6,5 milliards d’euros sur une durée de cinq ans, et d’accroître de un milliard d’euros l’encours des prêts susceptibles d’être garantis pour les sous-traitants des entreprises automobiles. Ce plan ne concerne pas seulement les deux constructeurs automobiles français, qui toucheront toutefois la majeure partie de l’enveloppe, mais sera ouvert à tous ceux qui produisent et emploient sur notre territoire. C’est ainsi que nous sommes actuellement en négociation, tant avec IVECO qu’avec Volvo, pour qu’ils bénéficient d’une partie de ce concours financier. En contrepartie, les constructeurs doivent s’engager à accélérer les programmes de véhicules décarbonés.

Dans le même souci d’allier relance économique et développement durable, l’État veut octroyer 150 millions d’euros de prêts bonifiés pour les produits verts, ce qui permettra d’accompagner les projets des constructeurs pour les véhicules électriques et hybrides rechargeables.

Les salariés en activité partielle, c’est-à-dire ceux dont une partie du temps est chômée, constitue la deuxième catégorie pour laquelle nous souhaitons absolument mettre en place des éléments complémentaires. Au-delà de ce plan spécifique, certains secteurs tournent au ralenti et continueront de le faire pendant un certain temps. Cette situation est, nous l’espérons, provisoire. Aussi le Gouvernement encourage-t-il les entreprises à recourir à l’activité partielle plutôt qu’à licencier. C’est un gage de stabilité pour l’entreprise comme pour le salarié.

Nous souhaitons prendre deux mesures. La première concerne le relèvement des plafonds. Le contingent d’heures de chômage partiel maximum par salarié et par an est aujourd’hui de 600. Nous souhaitons le faire passer, pour toutes les catégories et dans tous les secteurs d’activité, à 800 et même à 1 000 dans les secteurs de l’automobile et du textile. De même, la durée maximale de chômage partiel consécutif est portée de quatre à six semaines. Le projet d’activité de longue durée permettra de conclure des conventions de six mois en contrepartie d’un engagement de la part de l’employeur à maintenir le salarié dans son emploi pendant le double de la durée : on le voit, c’est aujourd’hui donnant-donnant.

Une seconde mesure est directement issue du sommet social : l’amélioration du pouvoir d’achat. Le taux d’indemnisation du chômage partiel pourra atteindre jusqu’à 90 % du salaire net, l’État augmentant significativement sa participation au remboursement.

Une troisième catégorie de mesures vise ceux qui peinent à trouver ou à retrouver un emploi. Nous sommes bien conscients que l’activité partielle ne résoudra pas tous les problèmes et que certains – notamment dans les secteurs d’activité les plus exposés et nonobstant les pactes que nous allons pouvoir conclure – connaîtront des situations de licenciement. Pour eux, le Fonds d’investissement social sera mobilisé. L’État a décidé de l’abonder directement à hauteur de 800 millions d’euros sur trois volets : la formation et le reclassement ; le soutien des bassins d’emploi en difficulté ; et l’accompagnement des jeunes à travers des contrats de professionnalisation, des contrats aidés, des écoles de la deuxième chance.

Enfin, pour ce qui est du reclassement, la convention de reclassement personnalisé a déjà été améliorée par un accord national interprofessionnel du 23 décembre, négocié par les partenaires sociaux en marge de la nouvelle convention d’assurance chômage. La durée de la convention de reclassement personnalisé est allongée de huit à douze mois, et l’indemnisation considérablement améliorée, à hauteur de 80 % du salaire antérieur brut pendant huit mois, puis de 70 % pendant les quatre mois restants.

De plus, le sommet social a proposé une prime de 500 euros pour les chômeurs ayant travaillé de deux à quatre mois : elle sera versée à plus de 200 000 personnes. Nous avons également réduit la durée minimale travaillée pour bénéficier de l’indemnisation : de six mois, elle passe à quatre mois.

M. François Goulard. Très bien !

M. Jean-Pierre Brard. Quelle largesse !

M. Henri Emmanuelli. Ça, ce n’est pas mal.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Mesdames et messieurs les députés, face à la crise, l’État répond présent : présent pour intervenir, pour réformer, pour prêter main-forte. Les classes moyennes sont les premières victimes, mais ne seront pas les dernières aidées. Elles se trouvent au cœur de l’effort de production qui fait la richesse de notre pays. Pour cette année exceptionnellement difficile, nous leur accordons une aide exceptionnelle. C’est pourquoi nous revenons devant vous avec ce deuxième projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Henri Emmanuelli. Et nous vous avons accueillie bien gentiment !

M. François Goulard. C’est parce qu’elle le vaut bien ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, mon intervention, qui sera courte, abordera deux points : d’une part, je souhaite montrer que, dans le cadre du plan de relance, cette loi de finances rectificative – la quatrième en moins de six mois – complète très utilement et avec une grande cohérence les trois précédentes ; d’autre part, je voudrais que nous nous livrions à une réflexion sur le moyen terme en nous interrogeant sur l’évolution des finances publiques à l’occasion d’une loi de finances rectificative qui double le déficit prévisionnel pour 2009 par rapport aux hypothèses de septembre dernier, quand la loi de finances initiale pour 2009 avait été adoptée par le Conseil des ministres.

Le premier collectif que nous avons voté au mois d’octobre a instauré une garantie de l’État au bénéfice du financement du système bancaire. Vous avez tout à fait raison, madame la ministre, de souligner l’efficacité du dispositif. À l’occasion d’une réunion comité de suivi auquel Didier Migaud et moi-même avons participé il y a quelques jours, nous avons pu constater que les banques tenaient leurs engagements pour le financement de l’économie et que leur bilan n’avait rien à voir avec les désastres que l’on peut observer à l’étranger – et pas seulement aux États-Unis, mais aussi en Europe : que l’on songe au Royaume-Uni.

M. François Goulard. C’est vrai !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons pris les bonnes mesures, et nous les avons prises rapidement.

Le deuxième collectif, voté en décembre 2008, a mis l’accent sur une priorité absolue, le soutien aux entreprises. Éric Woerth a eu raison de souligner que les 10 milliards que l’État a injectés dans l’économie, en versant plus rapidement les dettes qu’il pouvait avoir au titre de l’impôt sur les sociétés, de la TVA, du crédit d’impôt recherche, irriguent nos entreprises et leur permettent de maintenir des fonds de roulement. C’était une excellente disposition, de même que l’exonération de taxe professionnelle au titre des investissements, qui est à l’œuvre depuis le 23 octobre dernier.

Le troisième collectif, au début du mois de janvier, donnait la priorité à l’investissement public, tant pour l’État que pour les collectivités territoriales. De quelque sensibilité politique qu’elles soient, je souhaite que les collectivités territoriales soient toutes au rendez-vous de l’investissement public : ce devoir s’impose à chacun de nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gérard Bapt. Elles y seront quand elles le pourront !

M. Henri Emmanuelli. Nous aurons l’occasion d’en reparler !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Enfin, vous nous proposez aujourd’hui toute une série de mesures essentiellement centrées sur l’emploi et le pouvoir d’achat.

Ainsi, grâce à un abondement supplémentaire de 800 millions d’euros, le Fonds d’investissement social va permettre le versement d’une prime forfaitaire à ceux de nos concitoyens qui n’ont pas assez travaillé pour bénéficier de la prise en charge par les ASSEDIC, l’amélioration de l’indemnisation du chômage partiel – mesure qui ne peut qu’être consensuelle –, l’amélioration et l’extension des dispositifs de contrats de transition professionnelle. On le voit, priorité est donnée à l’emploi, ces mesures s’adressant en particulier à ceux qui perdent le leur et à ceux qui, les carnets de commande étant vides, sont appelés à travailler moins et à connaître le chômage partiel.

Nous devons cependant réfléchir à des mesures davantage ciblées sur les jeunes. Comme au milieu des années quatre-vingt-dix, nombreux sont ceux qui arrivent sur le marché du travail au moment où le secteur privé n’embauche pas. Des mesures d’attente doivent leur permettre de se former dans un cadre professionnel et d’acquérir une première expérience. Ils pourront ensuite accéder aux emplois privés le jour où ceux-ci s’ouvriront à nouveau. Il faut être optimiste – et vous l’êtes. La crise, c’est vrai, est aujourd’hui très violente : dans certains pays, elle dure depuis deux ans et, chez nous, depuis presque un an. Nous savons tous que 2009 sera difficile. Mais l’expérience des crises économiques antérieures laisse penser que, plus une crise est violente et concentrée, plus on a de chances d’avoir ensuite un rebond rapide. Il faut donc que nous nous y préparions.

Le secteur automobile bénéficie de mesures très fortes : l’État monte en première ligne en prêtant directement à ce secteur ou à ses sous-traitants : je pense aux 240 millions d’euros supplémentaire du dispositif OSEO.

En matière de pouvoir d’achat, Éric Woerth l’a très bien dit, nous avons déjà fait énormément pour augmenter les minima sociaux. Il ne faut pas passer sous silence, sous prétexte que nous avons anticipé et que nous l’avons voté dès le mois de septembre, le fait que le RSA va bénéficier de 1,5 milliard de plus. Il ne faut pas non plus passer sous silence les gros efforts qui ont été consentis pour le minimum vieillesse, pour l’AAH, pour les pensions, qui vont être revalorisées dès le 1er avril prochain. Le Gouvernement et la majorité ont su anticiper, ce qui explique d’ailleurs une singularité de notre économie : la consommation tient le coup.

Cependant, ce collectif prévoit une mesure sur l’impôt sur le revenu qui me paraît indispensable. Il faut, en effet, un continuum. Nous devons aider les classes moyennes, qui ont trop de revenus pour pouvoir être éligibles au dispositif de minima sociaux ou au RSA, mais trop peu pour faire face à la crise. En permettant aux contribuables de la tranche d’imposition à 5,5 % de ne pas acquitter les derniers deux tiers de leur impôt, nous prenons une mesure d’application très rapide et profondément équitable. Ce souci d’équité, de justice, la majorité l’a chevillé au corps. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Henri Emmanuelli. Vous allez avoir les chevilles qui enflent ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Grâce à l’accord que vous venez de nous donner, nous allons pouvoir voter deux amendements que j’ai proposés et que la commission des finances a adoptés à l’unanimité : comme, pour des raisons d’efficacité, nous sommes obligés de prendre le barème de l’impôt sur le revenu comme référence, nous allons pouvoir sortir de la tranche à 5,5 % des ménages qui, grâce à des dispositifs de défiscalisation ou à des revenus ne relevant pas du barème, bénéficient en réalité de revenus bien plus élevés.

À ce propos, je voudrais rappeler que, avec la loi de finances pour 2009, nous avons été les premiers, depuis vingt ou trente ans, à plafonner les niches fiscales (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), en mettant en place, à côté du plafonnement des niches qui ne l’étaient pas, un plafonnement global applicable dès 2010 pour les revenus de 2009. Il s’agit d’une sorte d’impôt minimal. Dorénavant, on ne pourra pas défiscaliser pour plus de 25 000 euros plus 10 % du revenu imposable. Ainsi, dorénavant, un ménage qui dispose de 100 000 euros paiera l’impôt. Vous n’aviez pas voulu le faire entre 1997 et 2002.

M. François Goulard. C’est vrai ! Strauss-Kahn était alors ministre des finances !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les leçons que vous nous donnez aujourd’hui sont donc un peu déplacées : il faut toujours commencer par balayer devant sa porte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Cousin. C’est vrai, c’est inacceptable !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Disons un mot de ce fameux bouclier fiscal.

M. Henri Emmanuelli. Là, ça va être plus difficile !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’ai lu, cet après-midi, une très intéressante interview de quelqu’un pour qui j’ai le plus grand respect et qui a prouvé son honnêteté intellectuelle : le président de la commission des finances.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Merci de reconnaître mon honnêteté !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cher Didier Migaud, je voudrais vous parler de ces 834 contribuables à qui l’on restitue 368 000 euros d’impôt. N’oublions pas que, sans le bouclier, ils auraient un taux d’imposition compris entre 80 et 90 % de leurs revenus, ce qui serait confiscatoire et spoliateur ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Dans une démocratie apaisée et équitable, on n’a pas le droit de prendre plus de la moitié du revenu d’un citoyen sous forme d’impôt.

M. Henri Emmanuelli. Ne vous fatiguez pas, c’est ridicule ! Tous leurs revenus ne sont pas là !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Tant que la France sera le seul pays au monde à conserver un impôt du type de l’ISF…

M. Alain Cousin. C’est la gauche ringarde !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …nous serons obligés de garder des dispositifs du type du bouclier fiscal.

Quant à moi, je plaide pour que, le moment venu, un débat apaisé et réfléchi – comme ce fut le cas pour les niches fiscales – nous conduise à supprimer l’ISF et le bouclier fiscal tout en majorant l’impôt sur le revenu. D’autres pays l’ont fait !

Songez-y, monsieur Migaud : les 834 contribuables en question…

M. Alain Cacheux. Les malheureux !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …auraient raison, en toute objectivité, de délocaliser leur domicile fiscal dans n’importe quel autre pays d’Europe, y compris la Suède !

M. Alain Cousin. Ce sont sûrement des amis de M. Emmanuelli !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Oui, certains contribuables français sont forcés à l’exil fiscal jusqu’en Suède : voyez comme il est temps de délaisser les débats idéologiques stériles pour se saisir enfin de la question ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

J’en viens aux problèmes qui concernent nos finances publiques. Là encore, la réflexion s’impose : le seul budget de l’État atteint un déficit de 104 milliards d’euros, auquel s’ajoutent les déficits sociaux ou encore les besoins de financement des collectivités locales – soit un déficit équivalant à 5,6 points de PIB au moins. Un tel déficit est-il soutenable, y compris au regard de l’endettement ? En effet, en 2009, l’État devra à lui seul trouver 215 milliards d’euros sur les marchés. Certes, nous les trouverons, car la France est très bien cotée : nous empruntons à moyen et long terme environ 15 milliards par mois, dans des conditions presque aussi bonnes que l’Allemagne et bien meilleures que tous les autres pays.

M. Jérôme Cahuzac. Cela ne durera pas !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Néanmoins, nous devons à tout prix demeurer attentifs à la maîtrise de nos dépenses publiques. M. le ministre des comptes publics a souligné la rigueur nécessaire en la matière – qu’il a longtemps appelée le « zéro volume ». Je suis tout à fait d’accord avec lui !

M. Alain Cacheux. Ce n’est pas un scoop !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est le sens du travail que nous engageons avec M. Copé. M. Migaud, quant à lui, semble avoir quelque peu oublié une expression qu’il employait voici une décennie environ : « dépenser mieux en dépensant moins ».

M. Henri Emmanuelli. Que c’est vieux, en effet !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Et cela reste vrai aujourd’hui ! Le Gouvernement a choisi d’accepter des dépenses supplémentaires et non récurrentes, inscrites au titre d’une mission précise dite « Plan de relance », qui sont consacrées à l’investissement et, de ce fait, profiteront aux générations futures – ce qui justifie l’emprunt correspondant.

Mme Marie-Anne Montchamp. Oui !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Citons par exemple les mesures de soutien ponctuel aux entreprises. C’est une excellente stratégie qu’il faut conserver.

Autant je suis serein quant au volet dépenses, car nous tiendrons la ligne fixée, autant il me semble qu’il faut répondre sans tarder à la question suivante : avons-nous le droit de financer la baisse de la TVA dans le secteur de la restauration ou la suppression partielle de la taxe professionnelle par le déficit et par la dette ? Il nous faut une ligne directrice consistant à accepter de financer par la dette les dépenses d’avenir, mais pas les réductions d’impôt.

Tel est le message que je souhaite diffuser cet après-midi. Les solutions de financement de ces deux mesures ne manquent pas, pour la taxe professionnelle notamment, mais l’une d’entre elles doit être exclue par nous tous : l’endettement.

En somme, grâce au Gouvernement, l’architecture du plan de relance est très cohérente, efficace et fiscalement juste.

M. Alain Cacheux. Non, elle n’est pas juste !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cela étant, nous sommes conduits à accepter une forte dégradation des déficits publics. Celle-ci doit être provisoire.

M. Henri Emmanuelli. Le déficit dure depuis sept ans !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le retour à l’équilibre des comptes publics est une obligation ardente et permanente. Il suppose le respect de deux principes : la maîtrise de la dépense publique d’une part et, d’autre part, le refus de financer les baisses d’impôt par la dette ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Pourquoi fallait-il un deuxième collectif budgétaire pour 2009 ? Les nouvelles prévisions économiques du Gouvernement pour cette année sont revues à la baisse ; il faut donc accompagner la forte dégradation de la croissance par de nouvelles mesures fiscales et budgétaires.

Ces prévisions auraient pu être actualisées en décembre 2008, ou même lors de la présentation au Parlement d’un premier collectif budgétaire en janvier dernier. La Commission européenne et le FMI envisageaient dès cette période un taux de croissance négatif pour la France, de l’ordre de moins 1,8 ou moins 1,9 % ; le Gouvernement avait d’ailleurs fait siennes les prévisions de ces deux instances pour l’ensemble des États de l’Union – sauf pour la France ! Il confirmait alors une prévision de l’ordre de 0,2 à 0,5 % de croissance : un décalage aussi net n’était pas crédible. Peu de temps après, vous en avez vous-même convenu, madame la ministre, en reconnaissant qu’il nous faudrait réviser nos hypothèses de croissance. Aujourd’hui, vos prévisions correspondent mieux à la moyenne des prévisions des économistes, mais vous demeurez très optimiste, me semble-t-il, quant aux conditions de la reprise, comme en témoignent vos hypothèses pour 2010.

Ce deuxième collectif indique que le déficit prévisionnel de l’État atteindrait près de 104 milliards d’euros, soit précisément le double du déficit inscrit en loi de finances initiale. Il s’agit là de 4,6 points de PIB.

La distinction que font le Gouvernement et le rapporteur général entre déficit « hors crise » et déficit « de crise » est pour le moins imaginative.

M. Jérôme Cahuzac. C’est vrai !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Néanmoins, elle ne correspond à aucun mode reconnu de comptabilisation. Elle se veut rassurante, certes, mais n’offre aucune garantie quant à la reprise en 2010 d’un cours tranquille du déficit antérieur – pourtant déjà problématique. Les questions que vient de poser le rapporteur général semblent me donner raison.

Les mesures financées par le déficit « de crise » sont-elles appropriées ? De quelle manière est envisagée la sortie de crise, alors même que le déficit public sera alourdi par celui des administrations de sécurité sociale – qui atteint 18 milliards d’euros au moins, soit 0,9 point de PIB, au lieu de 0,4 point, comme vous le sous-estimiez voici quelques mois ? S’y ajoute aussi le déficit des collectivités locales : M. le rapporteur général a eu raison de souligner l’effet de « ciseau » provoqué par la baisse inéluctable des recettes – en particulier celles qui sont liées aux droits de mutation à titre onéreux sur les transactions immobilières – et la hausse, inéluctable elle aussi, des dépenses sociales. Les collectivités locales sont très sollicitées pour investir, et je crois, monsieur Carrez, qu’elles seront au rendez-vous ; dans ces conditions, il faut s’attendre à une dégradation plus grave que prévu de leur solde – de l’ordre de 0,4 point de PIB au lieu de 0,3 point, comme prévu au mois de janvier – ou, plus probable encore, à une augmentation des impôts locaux. Parlera-t-on alors d’imposition « de crise » comme on parle de déficit « de crise » ?

J’en viens aux mesures que vous proposez : elles portent pour l’essentiel sur des prêts au titre du « pacte automobile » – pour 6 milliards d’euros environ – et sur des dépenses dirigées vers certains ménages, dépenses dont je persiste à croire que ni le ciblage, ni le montant ne permettront de rééquilibrer l’ensemble du plan de relance, qui vise avant tout à soutenir l’investissement à moyen terme. N’oublions pas que l’offre et la demande vont de pair : l’investissement n’est efficace que si la demande existe. Or, la gravité, la violence même de la crise devraient vous inciter à amplifier les mesures de soutien à la consommation et à l’emploi – en tenant particulièrement compte des jeunes, évoqués par le rapporteur général.

S’agissant de la suppression du versement des deux premiers tiers de l’impôt sur le revenu pour les contribuables de la première tranche et une partie de ceux de la deuxième tranche, je ne crois pas qu’elle soit correctement ciblée et qu’elle permette de soutenir celles et ceux qui en auraient besoin pour consommer davantage. Et pour cause : cette mesure ne profite pas aux catégories de la population qui perçoivent les revenus les plus faibles, c’est-à-dire les catégories non imposables, ou celles qui le deviennent du fait de la décote et de la règle de perception. Ainsi, avec une seule part de quotient familial, nul n’est susceptible d’être redevable de l’impôt au seul titre de la tranche à 5,5 % du fait de ces deux règles. Dès lors, ces salariés aux petits revenus ne bénéficieront pas de la mesure. Il en va de même pour les retraités qui perçoivent de faibles pensions.

Autre critique : cette mesure peut bénéficier au passage à certaines familles qui, compte tenu de la règle du quotient familial, sont loin d’être parmi les plus fragiles, puisque leurs revenus se situent dans la tranche à 5,5 % ou au début de la tranche à 14 %. Or, logiquement, le montant accordé croît en fonction du revenu. Ainsi, un couple avec deux enfants percevant des revenus annuels inférieurs à 39 000 euros bénéficiera d’une exonération de 640 euros ; avec cinq enfants, un couple dont les revenus annuels s’élèvent à 78 000 euros pourra bénéficier d’une exonération de 1 280 euros.

Enfin, cette mesure est calculée à partir du revenu imposable, ou plutôt du revenu fiscal de référence, dont la définition est à géométrie variable selon qu’il s’agit du calcul des impôts locaux ou de l’impôt sur le revenu – et, en conséquence, du droit à restitution au titre du bouclier fiscal. En l’occurrence, il ne s’agit pas du revenu perçu par le contribuable, mais de son revenu après déductions liées aux niches fiscales. Très conscient du problème, le rapporteur général a tenté en toute sincérité d’y remédier en proposant un amendement qui tend à restaurer l’intégrité du revenu fiscal. Naturellement, il a reçu l’assentiment unanime des membres de la commission des finances. Toutefois, cette restauration est incomplète : plusieurs exonérations telles que la déduction des cotisations au titre du financement d’une retraite complémentaire ou l’exonération des plus-values mobilières – cette dernière pouvant atteindre 25 000 euros par an – permettent encore de diminuer le revenu imposable.

Je réitère donc ma question : quelle sera la définition du revenu fiscal de référence retenue pour le déclenchement du bouclier fiscal ?

M. Jérôme Cahuzac. Très bien !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Certes, le rétablissement partiel de l’équité fiscale s’agissant de l’exonération d’impôt sur le revenu est une bonne mesure, mais elle ne porte que sur quelques centaines d’euros par contribuable. Comment, dans le même temps, conserver un mode de calcul du bouclier fiscal qui aboutira pour les mêmes raisons, c’est-à-dire parce que le revenu fiscal est mal calculé, à restituer en 2009 plusieurs centaines de milliers d’euros à certains contribuables ? On ne peut être choqué pour quelques centaines d’euros et ne pas l’être pour quelques centaines de milliers d’euros !

M. Jérôme Cahuzac. Tout à fait !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La loi de finances pour 2009 et la loi de finances rectificative pour 2008 limiteront ce problème, sans pour autant le résoudre définitivement, grâce à la transformation de déductions d’assiette en réductions d’impôt – conformément au travail qu’a effectué la commission des finances. Néanmoins, ce travail n’est pas fini : certaines déductions – je pense, par exemple, aux monuments historiques – demeurent. Enfin, les transformations en réductions d’impôt ne s’appliqueront qu’à partir de 2010 ; en 2009, le problème des restitutions reste donc entier. Il va de soi que l’on peut faire dès maintenant pour le bouclier fiscal ce que l’on a fait pour l’impôt sur le revenu. Inversement, il est impossible, dans la crise que nous traversons, de faire admettre aux Français qui doivent en supporter les effets qu’il ne faut pas modifier dès maintenant le calcul des montants à restituer au titre du bouclier fiscal. L’équité fiscale ne se partage pas. Comment peut-on, au nom de cette équité, régler un problème mineur tout en ignorant un problème essentiel ?

Je propose que le rapporteur général et moi-même travaillions ensemble sur ce sujet afin de faire des propositions.

De la même façon, j’invite la majorité à s’interroger sur le bouclier fiscal. Je suis sensible à votre interpellation sur ce sujet, monsieur le rapporteur général, et je vous remercie d’avoir reconnu l’honnêteté des propos que j’ai tenus en me fondant sur des chiffres qui ne sont pas contestables.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’espère que vous me reconnaissez la même honnêteté !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Absolument, mon cher collègue !

Je ne sais si l’interpellation ne visait que moi ou si elle s’adressait également à Pierre Méhaignerie,…

M. Henri Emmanuelli. Il s’est calmé depuis qu’il a reçu une fessée !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. …à René Couanau, à Charles de Courson, à François Goulard…

M. Jérôme Cahuzac. Ce sont les plus lucides !

M. Alain Cacheux. Tout à fait !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. …ou encore à mon collègue Jean Arthuis, président de la commission des finances du Sénat, qui a dit du bouclier fiscal qu’il était une « offense à la justice fiscale ».

M. Jérôme Cahuzac. Et c’est un homme d’expérience !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. On voit bien, mes chers collègues, que cette question dépasse les rangs mêmes de l’opposition et qu’elle concerne également nos collègues de la majorité. Nous aurons, à travers quelques amendements, l’occasion d’en débattre ce soir et demain, et il est utile que nous puissions le faire en toute transparence.

En ce qui concerne les paradis fiscaux, je sais, madame la ministre, monsieur le ministre, que ce sont des sujets qui vous tiennent à cœur. La crise financière mondiale a remis sur le devant de la scène la question des « trous noirs », des territoires sans régulation et non coopératifs. Il y a une prise de conscience de la majorité des États du fait qu’il n’y aura pas de régulation efficace si elle laisse en dehors de son champ des territoires où transitent des milliers de milliards d’euros. Les rendements de certains fonds ne pourront pas, demain comme hier, être uniquement liés à des arbitrages réglementaires et fiscaux, qui permettent des prises de risque démesurées.

Autre question liée à ces paradis fiscaux : les pertes de recettes fiscales, à hauteur de centaines de milliards d’euros pour les États. Alors que l’on craint une nouvelle bulle financière due à l’endettement public, la lutte contre les paradis fiscaux devient, pour les États, l’une des conditions nécessaires de la sortie de crise ; il s’agit de faire réapparaître la richesse existante pour la faire contribuer au désendettement et aux politiques publiques des États.

Dans ce contexte, il m’apparaît inconcevable d’octroyer des financements publics à des établissements bancaires qui participeraient à ce système. C’est la raison de l’amendement que j’ai proposé en commission des finances – vous l’avez d’ailleurs évoqué, monsieur le ministre. Il a été sous-amendé par le rapporteur général et la commission des finances l’a adopté. Il consiste à clarifier les relations des établissements bancaires français, bénéficiaires des mesures de soutien de l’État et qui ont signé des conventions avec lui, notamment en termes de gouvernance et d’éthique, avec les territoires en déficit de régulation et non coopératifs. Qu’y font-ils, comment et pourquoi ? C’est la question que pose cet amendement.

Dans le même esprit, je souhaite que l’Assemblée suive de près l’état des conventions fiscales bilatérales que le Gouvernement négocie ou renégocie : ces conventions ne doivent pas seulement servir à éviter les doubles impositions, elles doivent aussi être des instruments de lutte contre la fraude fiscale, et prévoir en particulier des échanges entre administrations fiscales en cas de présomption de fraude fiscale au sens des standards de l’OCDE. Dans ce domaine, les démarches nationale, européenne et mondiale doivent aller de pair, et je souhaite que la commission des finances, grâce notamment au travail de sa mission sur les paradis fiscaux, contribue aux propositions qui seront faites, dans les jours qui viennent, par le Parlement, dans la perspective du G20.

Voilà les observations que je souhaitais faire. Je suis persuadé que les nombreux amendements que nous avons déposés sur ce deuxième collectif nous permettront d’aller encore plus au fond sur les sujets qui nous préoccupent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Exception d’irrecevabilité

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, trois mois à peine se sont écoulés depuis le début de l’année, et nous examinons déjà une deuxième loi de finances rectificative. Sa teneur ne laissera pas de surprendre ceux qui se souviennent des propos tenus à cette tribune par les membres du Gouvernement, qu’il s’agisse de l’examen de la loi de finances initiale, de la première loi de finances rectificative ou de la loi de finances rectificative de l’été 2007, plus communément appelée « paquet fiscal » puisque telle est désormais la terminologie consacrée.

Le souvenir, étrange, de ces propos, nous revient comme atténué, tant les mesures de cette loi de finances rectificative s’inscrivent mal, semble-t-il, dans ce qui avait alors été présenté comme étant la politique intangible du Gouvernement, c’est-à-dire en réalité, celle du Président de la République. Aux mois de novembre et de décembre derniers, lorsque nous avons commencé à examiner la loi de finances initiale, madame Lagarde, vous nous expliquiez de cette tribune que la crise n’avait commencé qu’au mois de septembre, avec la faillite de Lehman Brothers, quand beaucoup la voyaient démarrer bien avant. D’ailleurs, vous l’aviez indiqué dès ce moment – je pense, bien sûr, au mois de juillet 2007. Mais à cette tribune, vous faisiez démarrer la crise au mois de septembre 2008 et vous nous indiquiez, prévisions de croissance à l’appui, que la France résistait mieux que ses voisins, que la croissance pour 2009, même faible, serait positive, bref, que si crise il y avait, elle serait probablement d’une faible ampleur et que notre pays en sortirait vite.

On sait ce qu’il en est aujourd’hui ! Les propos tenus au début de l’examen du projet de loi de finances annonçaient un déficit budgétaire d’une cinquantaine de milliards d’euros – 52 pour être précis, mais à quoi bon rappeler les unités quand, à chaque déclaration présidentielle, les milliards valsent par dizaines ! De 52 milliards d’euros, nous sommes passés à 65 ou 66 milliards à la fin de la discussion budgétaire, et à 85 ou 87 milliards lors de la loi de finances rectificative. Aujourd’hui, nous en sommes à 104 milliards d’euros, soit, en quelques mois, le double du déficit prévu initialement. Il est vrai que la prévision est un art difficile, madame la ministre, mais il faut reconnaître que, depuis bientôt deux ans, les erreurs que vous commettez en annonçant des éléments relatifs à notre économie, dans cette enceinte comme ailleurs, ont une fâcheuse tendance à connaître la répétition, s’agissant notamment de la gravité des pronostics.

Étrange écho que vos propos pour la loi de finances initiale, comme pour cette loi de finances rectificative, étant entendu, comme l’a rappelé le président de la commission des finances, que la dette publique s’élèvera, à la fin de l’année, à 6 % du PIB ! Le record atteint en 1993, dû au ministre du budget de l’époque, Nicolas Sarkozy, est donc égalé par le même Nicolas Sarkozy, aujourd’hui Président de la République ! Il occupera à lui seul les deux premières marches du podium…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Soyons sérieux ! En 1993, nous avions hérité de votre gestion !

M. Jérôme Cahuzac. L’héritage est un argument assez classique ! Je me demande de quel héritage vous allez arguer pour expliquer le chiffre de 6 % du PIB pour l’année à venir, et probablement davantage ! Quant au stock de dettes, mes chers collègues, notre pays aura connu depuis 2002, sans doute à cause de l’héritage si j’en crois le rapporteur général, un surcroît d’endettement de vingt points de PIB. À l’évidence, la facture du sarkozysme sera très lourde pour les générations futures…

Étrange écho encore que vos propos relatifs à la loi de finances rectificative ! À cette époque, les membres de la majorité, qui approuvaient cette loi, les membres du Gouvernement ou vous-même, monsieur le rapporteur général, vous nous indiquiez que toute relance de la consommation serait une erreur et que toute baisse de la TVA serait un véritable péché contre la raison. J’avoue, monsieur le ministre des comptes publics, avoir un peu de mal à comprendre votre argumentation sur le rôle joué par ce que vous appelez aujourd’hui les amortisseurs sociaux. Car nous avons remarqué l’évolution sémantique de votre discours : vous ne parlez plus d’« assistanat ». La crise vous a manifestement aidé à prendre conscience du rôle que joue effectivement la sécurité sociale.

M. Henri Emmanuelli. Sur ce point, ils ont progressé !

M. Jérôme Cahuzac. Tout à l’heure, vous avez tenté de démontrer laborieusement, en vous appuyant sur des pourcentages quand ils vous convenaient, mais en parlant en valeur absolue et en milliards si cela était plus flatteur, que le Gouvernement auquel vous participez pourvoyait à la relance de la consommation par le soutien du pouvoir d’achat grâce aux amortisseurs sociaux.

Il faut choisir : soit la relance de la consommation par le soutien du pouvoir d’achat ne sert à rien et, dans ces conditions, vous devriez plutôt regretter les efforts que la sécurité sociale consent en faveur des ménages qui bénéficient effectivement des amortisseurs sociaux ; soit vous estimez qu’il faut une politique de relance par la consommation – ce qui, de fait, se justifie pleinement, mais nous serions surpris de vous l’entendre dire ! Aligner des pourcentages et des chiffres n’est pas d’une honnêteté intellectuelle rigoureuse, dans la mesure où, chaque année, ces prestations sociales sont augmentées pour les publics visés et où, pas plus en 2008 qu’en 2009, la sécurité sociale ou le Gouvernement n’ont fait d’effort supplémentaire en direction de ces publics.

Soit la relance par la consommation est une erreur et, dans ce cas, vous devez vous épargner ce genre de démonstration laborieuse ; soit il faut relancer la consommation par le pouvoir d’achat et, dans ces conditions, vous devez nous présenter des mesures de relance du pouvoir d’achat.

Pour autant, ce sont bien, dans cette deuxième loi de finances rectificative, des mesures propres à soutenir la consommation, via le pouvoir d’achat, que vous proposez au Parlement. Auriez-vous donc changé d’avis depuis la première loi de finances rectificative, quand vous nous annonciez que de telles mesures avaient toujours échoué ? Vous citiez alors à l’envi la phrase du Président de la République selon laquelle toute politique de relance de la consommation par le soutien du pouvoir d’achat revenait à arroser le sable, renvoyant ainsi dans les affres de l’erreur et dans les limbes de l’inconnu ses prédécesseurs, traités au passage – pour certains d’entre eux – de rois fainéants, invoquant d’ailleurs la relance de 1976, qui était un échec, ou celle de 1981 qui, à vos yeux, en était un. J’ai noté, monsieur le ministre des comptes publics, que vous avez cessé de critiquer, du haut de cette tribune, l’une comme l’autre. J’ignore si c’est pour éviter de vexer certains membres qui siègent, malgré tout, sur les bancs de la majorité, ou qui, ne siégeant plus dans cette enceinte, ont un rôle politique encore important à jouer, notamment au Conseil constitutionnel.

Quoi qu’il en soit, si la relance de la consommation par le soutien au pouvoir d’achat ne sert à rien, pourquoi ces 450 milliards d’euros donnés aux foyers qui bénéficient de l’allocation de rentrée scolaire ? Pourquoi ces 300 millions d’euros de bons d’achat de services à la personne pour 1,5 million de foyers, ce qui, d’ailleurs relativise grandement ce que chaque foyer va recevoir. Pourquoi cette moins-value fiscale de 1,1 milliard d’euros du fait de l’exonération des deux premiers tiers provisionnels pour les contribuables de la première tranche et pour une partie de ceux qui sont dans la deuxième tranche ?

Vous avez estimé cette population à 6 millions de foyers, ce qui revient à un effort moyen de 150 euros pour chacun d’eux. Vous conviendrez que ce que vous appelez vous-même le « paquet social », et qui fut décidé par le Président de la République au terme d’une manifestation et d’une grève de grande ampleur, représente beaucoup en valeur absolue – de l’ordre de 2,5 milliards d’euros – mais relativement peu au regard du coût du paquet fiscal !

Certes, celui-ci s’est limité l’an dernier à 8 milliards d’euros, mais il sera probablement plus élevé cette année. Comment justifier un paquet fiscal trois, quatre, voire cinq fois plus volumineux que le paquet social, sauf à vouloir encourager celles et ceux qui, ayant vu l’effet de leur grève et de leur manifestation du 29 janvier dernier, ont l’intention de se mobiliser demain, puisqu’ils ont fini par comprendre que c’est ainsi qu’ils parviendront à convaincre nos dirigeants que, décidément, les politiques qu’ils mènent ne conviennent pas ? Puisqu’il faut faire grève et manifester, ils le feront ! Qui se souvient aujourd’hui des propos du propos du Président de la République – il me paraît amusant de les rappeler – indiquant que, désormais, dans ce pays, quand quelqu’un faisait grève, plus personne ne s’en apercevait ? Il semble qu’il s’en soit néanmoins aperçu, puisqu’il a consenti un paquet social de l’ordre de 2,5 milliards d’euros, en comptant les 800 millions du fonds social d’investissement dont vous seriez d’ailleurs bien en peine de nous indiquer comment il pourrait soutenir massivement, et avec effet immédiat, la consommation !

Cette loi de finances rectificative, compte tenu des mesures qu’elle comporte, me paraît être en contradiction avec les propos, pourtant définitifs, que vous avez tenus lors de l’examen de la première loi de finances rectificative.

La démonstration est peut-être encore plus facile concernant la TVA. Avec, reconnaissons-le, de très bons arguments à l’occasion, vous aviez estimé que toute baisse de la TVA serait une erreur – pour ne pas citer d’autres expressions renvoyant à un prétendu archaïsme économique qui, pour nos collègues de la majorité, se situe toujours, bien entendu, du même côté de l’hémicycle !

Le Président de la République a annoncé qu’il s’engageait à réduire le taux de TVA dans la restauration. Mais, malgré tous les efforts consentis, vous ne semblez pas vouloir profiter de l’occasion offerte par le présent collectif budgétaire pour tenir cette promesse. Quand comptez-vous donc baisser le taux de TVA ?

Autre question : pourquoi vous limiter à la restauration ? En quoi les métiers de l’artisanat, par exemple, auraient-ils moins de légitimité à bénéficier d’une telle baisse ? Après tout, eux aussi connaissent une période difficile, ont du mal à payer le peu de salariés qu’ils ont et pourraient vouloir en faire profiter leur clientèle.

Par ailleurs, allez-vous vraiment abaisser le taux jusqu’à 5,5 % ? Dans l’hypothèse où vous le feriez, qu’en serait-il des mesures transitoires prises dans l’attente de cette réduction ? Je veux parler des 800 millions d’euros consacrés par l’État à l’aide à la création d’emplois dans l’hôtellerie et la restauration et des 1, 9 milliard d’euros d’exonérations de cotisations sociales, objet du rapport de M. Bur et de M. Bapt.

À toutes ces questions, madame la ministre, monsieur le ministre, j’aimerais que vous nous répondiez car, en l’absence de suppression des mesures transitoires, nous devrions faire face à une dépense de 3 milliards d’euros supplémentaires. J’ai cru comprendre que le rapporteur général excluait désormais que les baisses d’impôt puissent être financées par la dette. Dans ces conditions, comment les mesures de compensation seront-elles financées ? D’une manière ou d’une autre, 300 millions d’euros devront être gagés. Quelle taxation allez-vous inventer pour cela ? La question se pose bel et bien, compte tenu de votre tendance à créer des taxations pour financer le coût de vos nouvelles mesures.

Vous avez indiqué tout à l’heure, monsieur le ministre, que la taxation des mutuelles ne constituait pas un impôt. D’un simple point de vue formel, c’est vrai. Mais les mutuelles répercuteront cette taxation sur les tarifs dont devront s’acquitter leurs clients, ce qui revient, que vous le vouliez ou non, à un prélèvement supplémentaire dont les Français se seraient bien passés.

Toutefois, le contraste entre les propos que vous avez pu tenir et ceux que nous vous entendons prononcer aujourd’hui paraît encore plus étrange pour ce qui est du paquet fiscal, qu’il s’agisse de l’exonération des heures supplémentaires ou du bouclier fiscal.

L’exonération des heures supplémentaires est l’exemple type de la malédiction qui frappe notre pays à chaque alternance : la majorité fraîchement arrivée au pouvoir vote, dans son enthousiasme, une mesure dont elle estime qu’elle règlera tous les problèmes mais qui se révèle à l’usage totalement inadaptée à la situation économique que connaît le pays.

Les 35 heures étaient de toute évidence prévues pour une économie de crise, de stagnation sinon de récession. La croissance était au rendez-vous : elles n’y ont pas contribué pour peu mais on peut comprendre qu’elles ont, dans ce contexte économique, posé des difficultés.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Une erreur historique !

M. Jérôme Cahuzac. L’exonération des heures supplémentaires fut une autre erreur historique, monsieur le rapporteur général, dont vous vous êtes pour partie rendu coupable puisque vous avez défendu avec fougue cette mesure faite pour une économie en croissance et certainement pas en stagnation ou en récession. Aujourd’hui, nous sommes le seul pays au monde où le coût des heures supplémentaires est inférieur à celui des heures normales, le seul pays au monde où les salariés qui bénéficient de ce dispositif contribuent de manière directe à mettre au chômage certains de leurs collègues.

Inversement, les 35 heures ont montré leur pleine efficacité dans les grandes entreprises de notre pays, qui ont massivement bénéficié des accords de réduction du temps de travail : il s’agissait pour elles d’éviter de licencier et elles ont pu prévenir les pertes d’emploi. Même aux États-Unis, pays cité en modèle par beaucoup, en particulier par Mme la ministre, les sociétés du secteur financier en viennent à passer des accords ramenant letemps de travail non seulement à 35 heures mais parfois même à 32 heures afin de prévenir les licenciements.

L’exonération des heures supplémentaires coûte cher, entraîne des licenciements, vous oblige à améliorer l’indemnisation du chômage, partiel ou non. C’est une mesure inadaptée à la conjoncture économique actuelle. La meilleure preuve en est que le dispositif de rachat des jours de RTT a été vidé de tout sens : aucune entreprise ne le met en œuvre. Vous vous êtes tout simplement trompés car vous n’avez pas vu venir la crise.

S’agissant du bouclier fiscal, la discussion de cette loi de finances rectificative nous donne l’occasion de prolonger un débat engagé depuis près de deux ans.

Monsieur Woerth, vous vous plaisez à souligner que le bouclier fiscal, parce qu’il protège à 50 %, constitue une mesure de justice fiscale. Mais dans quel marbre ce pourcentage est-il donc gravé ? Pourquoi pas 52 %, 48 %, 65 % ou 37 % ? Que je sache, la justice fiscale consiste à contribuer à raison de ses moyens et non pas à raison de 50 % de ses moyens.

M. Alain Cacheux. Très juste !

M. Jérôme Cahuzac. Les États-Unis sont nés de la révolte de ceux qui étaient encore des sujets de la Couronne britannique contre des taxations qui leur étaient imposées sans que des responsabilités leur soient données en contrepartie.

Ces 50 % n’ont aucune justification. C’est un postulat qui ne repose sur aucune tradition. Nous sommes un vieux pays dont le droit est hérité de la Rome antique et de la Grèce ancienne : cette proportion n’a jamais été utilisée. C’est une invention du ministre des comptes publics pour justifier une mesure qui, à l’évidence, pose non seulement un problème politique – nous l’avons constaté récemment au sein de l’une de nos commissions –, mais un problème de justice : les Français n’accepteront pas de voir que certains d’entre eux ne contribuent pas à raison de leurs moyens à l’effort qu’exige la nécessité de sortir de la crise.

J’ajoute qu’avoir ce débat sur le bouclier fiscal le lendemain du jour où le ministère de l’économie et des finances a signé un chèque de plus de 100 millions d’euros à Bernard Tapie, a quelque chose de stupéfiant.

M. Charles de La Verpillière. À qui la faute ?

M. Jérôme Cahuzac. Je l’ignore, mon cher collègue, mais je sais que la somme de 50 millions d’euros à titre de dommages et intérêts pour la « souffrance morale » des époux Tapie est beaucoup trop élevée. Sur ce point-là, nous pourrions au moins nous accorder.

M. Charles de La Verpillière. Veuillez baisser d’un ton !

M. Jérôme Cahuzac. Puis-je vous rappeler qu’un homme condamné pour des faits d’une extrême gravité à quinze ans de prison n’a reçu de l’État, après avoir été innocenté, qu’un million d’euros d’indemnisation ? Estimez-vous que les époux Tapie ont souffert cinquante fois plus que cet homme ? Cela n’est pas défendable.

La procédure choisie et le niveau des montants accordés sont problématiques. À cet égard, en dehors du premier chèque de 198 millions d’euros et du dernier chèque de 100 millions d’euros, nous aimerions savoir s’il y a eu d’autres chèques ou s’il y en aura d’autres, madame la ministre. La question se pose car il me semble qu’il était question d’un montant global de 400 millions d’euros. J’imagine que Bernard Tapie fait partie…

M. Charles de La Verpillière. De vos amis !

M. Alain Cacheux. Fidèle soutien de Sarkozy !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ancien ministre de François Mitterrand !

M. Jérôme Cahuzac. …de ces hommes auxquels M. Woerth a fait référence, ceux qui ont le droit de profiter des sommes qu’ils ont amassées en travaillant beaucoup. Nous ne partageons pas tout à fait la même analyse, monsieur le ministre.

Mes chers collègues, j’ignore quel sort sera réservé à cette loi de finances rectificative. Naturellement, nous espérons que les foyers qui en ont le plus besoin bénéficieront de cette aide à la consommation d’un montant de 2,5 milliards d’euros. J’observe toutefois que les sommes en jeu – 450 millions pour quelques centaines de milliers de ménages, 300 millions pour 1,5 million d’autres – ne paraissent pas si élevées comparées aux 460 millions d’euros du bouclier fiscal, dont bénéficient 16 000 contribuables en théorie, beaucoup moins en réalité, un quart à un cinquième recevant l’essentiel de la restitution.

Oui, monsieur le ministre, le bouclier fiscal est une question de justice économique et d’équité sociale. Mais nous ne répondons à ces impératifs de la même manière que vous. Nous ne voyons pas d’où vous sortez ces fameux 50 % et au nom de quoi ce pourcentage assurerait la justice sociale. En outre, le bouclier fiscal pose un problème politique.

J’appelle solennellement celles et ceux qui siègent sur ces bancs à dépasser les clivages politiques et à sortir par le haut de cette problématique : la dureté des temps actuels commande que chacun fasse preuve de responsabilité. Le chef de l’État doit savoir que la représentation nationale peut demander à nos concitoyens de contribuer à raison de leurs moyens, abandonnant un postulat dont rien, dans notre histoire, ne fonde le caractère irréfutable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget. Monsieur Cahuzac, vous me qualifiez de « laborieux ». Mais c’est une belle qualité que d’être travailleur, et je prends votre remarque comme un compliment. (Sourires.)

M. Jérôme Cahuzac. C’en était un !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Pour votre part, vous ne préparez parfois pas assez vos discours. Et c’est le cas aujourd’hui. Si vous aviez regardé les choses d’un peu plus près, vous vous seriez aperçu que les propos que Christine Lagarde et moi-même avons tenus correspondent à la stricte vérité.

S’agissant des prestations sociales, vous ne pouvez pas exciper du fait qu’il y a des évolutions chaque année pour prétendre qu’il n’y aurait rien de significatif. Ce n’est pas ainsi qu’il faut considérer les choses. Certes, il y a des évolutions, mais il faut surtout avoir à l’esprit notre modèle social, construit et enrichi par les majorités successives, et qui n’a rien de comparable avec ceux d’autres pays. Je vous ai entendu citer à plusieurs reprises M. Obama, votre nouveau dieu.

M. Jérôme Cahuzac. Pas une fois je n’ai cité son nom !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Mais le modèle social anglo-saxon est infiniment inférieur au nôtre.

Cette année, les prestations sociales vont beaucoup augmenter, non par le jeu d’une indexation automatique, mais par volonté délibérée. S’il y aura une hausse du montant du minimum vieillesse, de l’allocation pour adulte handicapé et des allocations familiales, c’est par choix du Gouvernement. Si une prime va être versée au mois d’avril pour anticiper la mise en œuvre du RSA à partir du mois de juillet, c’est par choix du Gouvernement. Si une prime va être attribuée aux jeunes n’ayant travaillé qu’entre deux à quatre mois, sans pouvoir accéder au système d’assurance chômage, c’est par choix du Gouvernement. Ce sont autant de mesures qui bénéficieront aux Français qui en ont le plus besoin ou qui connaissent une situation sociale difficile. Je trouve injuste que vous n’en fassiez aucune mention et que vous vous contentiez de nous présenter comme étant uniquement tournés vers l’investissement privé, les entreprises et les Français les plus riches. Au contraire, notre gouvernement met l’accent sur des mesures de nature sociale.

En France, le taux de redistribution de la richesse nationale est très élevé, bien supérieur à ce qu’il est dans la plupart des autres pays, et nous devons naturellement en tenir compte dans les dispositifs que nous mettons en place.

Si les mesures fiscales visent à une relance par l’investissement, d’autres initiatives concourent à amoindrir les difficultés sociales des uns et des autres. Le Président a écouté nos concitoyens, il a entendu ce qu’ont dit les Français qui ont manifesté le 29 janvier. Le sommet social du 18 février a constitué une réponse forte, qui a été, je l’espère, à la hauteur des attentes. Il s’agit de sortir de la crise et non pas simplement de répondre à telle ou telle difficulté par des mesures conjoncturelles. C’est le sens de la réponse globale qu’apporte le Gouvernement.

S’agissant du bouclier fiscal, vous avez déroulé un argumentaire déjà bien rodé. Compte tenu du nombre de débats que nous avons eu à ce sujet depuis un an et demi, chacun sait à quoi s’en tenir.

M. Germinal Peiro. Cela n’a manifestement pas suffi !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Sachez que je ne mesure pas la justice à un pourcentage, j’estime seulement que travailler un jour sur deux pour l’État est un équilibre acceptable : le taux de 50 % incarne cette idée d’équilibre. Le taux de pression fiscale est un paramètre très important : chaque pays se pose ce type de question, même si cela ne provoque pas les mêmes débats que dans le nôtre. En cas de surpression, il y a un risque d’explosion, préjudiciable à l’économie nationale.

Vous concluez votre propos en évoquant la dureté des temps. Nous en avons amplement pris la mesure : il suffit pour cela de discuter avec nos compatriotes. Le premier à avoir mis l’accent sur cette crise, dès le mois de décembre, à Douai, et à avoir clairement dit aux Français ce qu’était la crise économique, c’est bien le Président de la République.

M. Henri Emmanuelli. Qu’est-ce qu’on ferait si on ne l’avait pas ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Le premier à avoir engagé le pays dans des mesures très fortes de relance, c’est encore lui, mais c’est son rôle car il est issu d’une élection au suffrage universel. Il est à l’écoute des attentes des Français en même temps qu’il doit prendre des décisions d’intérêt général. C’est ce que nous faisons, avec beaucoup d’humilité et en étant très vigilants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jérôme Chartier. En écoutant M. Cahuzac, j’ai bien compris qu’il n’avait pas grand-chose, en vérité, à reprocher à ce collectif budgétaire. Il a beaucoup insisté sur le « paquet fiscal ». Mais l’expression ne date pas d’il y a quinze jours : on l’a entendue en boucle tout l’été 2007 lors de la discussion de la loi TEPA ! Or, cette loi ne comporte pas de mesures fiscales puisqu’il s’agit de l’exonération des heures supplémentaires,... (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Henri Emmanuelli. Guignol !

M. Jérôme Chartier. ...d’aides en faveur des ménages qui décident d’acquérir pour la première fois une résidence principale, ou encore de mesures visant à faciliter la transmission du patrimoine.

M. Henri Emmanuelli. Ce ne sont pas des mesures fiscales ?

M. Jérôme Chartier. Que vous souhaitiez revenir sur les mesures essentielles de la loi TEPA, c’est votre affaire. Mais, j’ai le sentiment que les Français sont très attachés aux dispositions relatives aux heures supplémentaires, à la transmission du patrimoine et à l’acquisition de la résidence principale.

Autre argument que j’ai entendu et qui n’a rien à voir avec le collectif budgétaire : l’affaire Tapie. Vous ne pouvez pas accuser Christine Lagarde en la matière.

M. Jérôme Cahuzac. C’est vrai ! C’est l’Élysée qui a décidé !

M. Jérôme Chartier. Je veux bien que vous portiez votre courroux contre le tribunal arbitral, mais dans ce cas dites-lui que vous n’êtes pas d’accord !

M. Henri Emmanuelli. On l’a dit à M. Mazeaud !

M. Jérôme Chartier. Mais il n’est pas seul. Et si vous contestez le président du Conseil constitutionnel, vous risquez de fustiger tout le monde, notamment des gens qui ont été unanimement reconnus comme de très grands parlementaires.

M. Henri Emmanuelli. L’affaire Tapie, c’est le coup de trop !

M. Jérôme Chartier. Au fond, ce « 50-50 » a du sens dans une démocratie ; c’est un bon principe républicain.

M. Henri Emmanuelli. 70 % des Français ne sont pas d’accord avec ce principe !

M. Jérôme Chartier. Dire que la moitié au plus de notre richesse peut aller à l’impôt de solidarité constitue un bon principe républicain, un bon principe de justice, un principe d’équité.

M. Henri Emmanuelli. La République vue par Jérôme Chartier !

M. Jérôme Chartier. Grâce au bouclier fiscal, les personnes imposées à 50 % pourront se dire qu’à partir du 183e jour de l’année, l’argent qu’elles gagnent leur revient. Ne me dites pas que c’est un mauvais principe !

M. Henri Emmanuelli. Mais les gens dont vous parlez ne travaillent pas ! Voyez Mme Bettencourt, elle n’a jamais travaillé !

M. Jérôme Chartier. En tout état de cause, cette question n’est pas l’objet du collectif budgétaire qui nous occupe aujourd’hui.

J’espère que la suite de la discussion sera plus constructive. J’aurais aimé que le groupe socialiste reconnaisse que, pour la deuxième fois de l’année, le Gouvernement dit toute la vérité sur les chiffres de l’économie française. J’aurais également souhaité qu’il nous parle des mesures de justice économique que contient ce projet de loi.

M. Henri Emmanuelli. On en parlera demain !

M. Jérôme Chartier. Ces mesures sont attendues par les Français. Ils en ont besoin parce que la crise économique les frappe durement. Ils sont très sensibles à la suppression des deux derniers tiers provisionnels de l’impôt pour les contribuables de la première tranche.

Et que n’ai-je entendu sur le pacte automobile ou la baisse de la TVA à 5,5 % dans la restauration, de la part d’élus socialistes qui tiennent un double discours, d’un côté un discours local, de l’autre un discours national ! Monsieur Emmanuelli, allez-vous dire aux restaurateurs de votre circonscription que la baisse de la TVA à 5,5 % est une mauvaise mesure ?

M. Henri Emmanuelli. Oui !

M. Jérôme Chartier. Voilà, de plus, une promesse qui a été tenue, de même qu’a été tenue la promesse qui consistait à plafonner le taux d’imposition,…

M. Alain Cacheux. Et celle de « travailler plus pour gagner plus » ?

M. Jérôme Chartier.. …et je ne vois pas pourquoi ce qui fut une bonne mesure il y a deux ans ne le serait plus aujourd’hui.

M. Henri Emmanuelli. On en reparlera tout à l’heure !

M. Jérôme Chartier. Voilà pourquoi, mes chers collègues du groupe SRC, vos arguments ne sont pas recevables. Vous avez parlé de tout, à l’exception des mesures essentielles que contient ce collectif budgétaire. Mais personne n’est dupe quant à la motivation de votre discours : en vérité, vous faites de la démagogie en raison des mouvements sociaux de demain.

De grâce, messieurs les socialistes, si vous voulez qu’on vous prenne au sérieux, soyez-le un peu !

Le groupe UMP votera contre l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Gérard Bapt. Je soutiens, bien entendu, l’exception d’irrecevabilité que vient de présenter excellemment notre collègue et ami Jérôme Cahuzac. La clarté de son exposé contraste avec le discours véhément et décousu que vient de faire M. Chartier (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Si nous parlons du bouclier fiscal,...

M. Charles de La Verpillière. C’est parce que vous n’avez rien à dire sur le reste !

M. Gérard Bapt. ...c’est parce que c’est le péché originel de la fiscalité et de l’injustice fiscale de cette législature.

Au cours de l’été 2008, alors que la crise du capitalisme financier n’avait pas encore éclaté, nous avions été surpris de la hausse du chômage. Nous avions dit alors que c’était l’effet de la défiscalisation, de la détaxation des heures supplémentaires. Le paquet fiscal constitue le péché originel qui a dilapidé toute marge de manœuvre. Voilà pourquoi aujourd’hui vous êtes gêné et ne pouvez faire plus en matière de relance par la consommation. Comme l’a dit excellemment M. Migaud, il n’y a pas de reprise de l’investissement s’il n’y a pas d’augmentation de la demande.

Où est la relance quand les mesures qui figurent dans ce paquet fiscal portent sur la diminution de l’impôt sur les grosses successions, le bouclier fiscal, les heures supplémentaires ?

Aujourd’hui, vous nous présentez un plan de relance tardif, alors que le Gouvernement a lui-même tardé, à deux reprises, à reconnaître l’ampleur du recul de l’activité.

Le premier plan de relance était trop faible et très déséquilibré. Il portait sur 1,3 % du PIB, dont 0,31 % seulement en moyens nouveaux, et seuls 2,2 milliards étaient consacrés à l’emploi et au pouvoir d’achat. Le Gouvernement espérait, sur cette base, une croissance comprise entre 0,2 % et 0,5 % ; aujourd’hui, il table sur une baisse de 1,7 %, certains instituts prévoyant même 2 % ou plus.

Nous estimons que ce nouveau plan de relance mériterait d’être rediscuté, complété, réorienté. Vous en venez tardivement à la relance de la consommation...

M. Alain Néri. C’est la relance écrevisse : marche arrière !

M. Gérard Bapt. ...par la suppression des deuxième et troisième tiers de l’IRPP sur la première tranche, soit 1,1 milliard d’euros. Le ciblage de la mesure est insuffisant car, sur les 10 millions de contribuables imposables au titre de la première tranche, seuls 2 millions en bénéficieront, du fait de la décote ou de diverses réductions d’impôts.

Un mot encore sur le bouclier fiscal et les heures supplémentaires, qui font l’objet d’amendements de notre part. Vous nous dites que « 50-50 », c’est la justice. Mais la comparaison de 2008 avec 2007 montre que le coût du bouclier fiscal passe de 230 à 458 millions d’euros sans que le nombre de contribuables concernés augmente, et que ce sont les plus gros revenus qui bénéficient le plus de cette évolution, puisqu’ils ont reçu 288 millions au lieu de 143 millions.

M. Alain Néri. Vous gavez les riches !

M. Gérard Bapt. Alors qu’il y a tant de souffrance sociale, de familles angoissées par les fins de mois, alors que tant de jeunes ne parviennent plus à entrer sur le marché du travail à cause des heures supplémentaires, 5 % des bénéficiaires du bouclier fiscal bénéficient des deux tiers des restitutions d’impôts alors que 60 % des bénéficiaires s’en partageront 1 % seulement.

J’ajoute que la France est le seul pays où les heures supplémentaires sont moins chères que les heures normales. Au fond, nous sommes le seul pays où le contribuable paie pour détruire des emplois.

M. Alain Cacheux. Eh oui !

M. Gérard Bapt. Le nombre d’heures supplémentaires a augmenté de 40 millions au dernier trimestre 2008 par rapport au dernier trimestre 2007, alors que la croissance est devenue négative. Cela représente 90 000 postes équivalents temps plein, alors que, dans le même temps, on a compté 115 000 suppressions d’emplois dans le secteur marchand. Nous voulons remettre en question cette mesure injuste. Voilà pourquoi nous soutenons la motion excellemment défendue par M. Cahuzac. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe du Nouveau Centre.

M. Charles de Courson. J’ai écouté avec attention les propos de M. Cahuzac, mais j’attends toujours ses arguments constitutionnels à l’encontre de ce texte.

M. Charles de La Verpillière. C’est du baratin !

M. Charles de Courson. Je profiterai de mon intervention pour dire quelques mots du bouclier fiscal.

M. Alain Néri. Le péché originel !

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, qui a inventé le bouclier fiscal ? C’est Michel Rocard, en 1988, lors de la création de l’ISF. (Mouvements divers.)

M. Alain Néri. C’est pour cela qu’il est devenu ambassadeur !

M. Henri Emmanuelli. Il est chez les pingouins !

M. Charles de Courson. Certains d’entre vous avaient alors voté un premier bouclier fiscal, puisque l’addition de l’ISF et de l’impôt sur le revenu ne pouvait dépasser 70 % du revenu fiscal net.

À l’époque, en effet la CSG et la CRDS n’existaient pas.

M. Henri Emmanuelli. Si !

M. Charles de Courson. Monsieur Emmanuelli, je parle de 1988, pas de 1989 !

Étant donné que la CSG, la CRDS et les impôts additionnels sur les revenus du patrimoine représentent quelque 12 %, on peut considérer que les 70 % d’hier équivalent à 58 % d’aujourd’hui. En vous prononçant contre le bouclier fiscal, vous vous reniez (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP),et le débat doit porter non pas sur le principe du bouclier fiscal, mais sur son contenu et sur son niveau.

Arrêtez de dire que la loi TEPA, c’est le bouclier fiscal. L’ensemble de cette loi a coûté 7,7 milliards, dont 435 millions seulement pour le bouclier fiscal...

M. Jérôme Cahuzac. 460 millions !

M. Charles de Courson. ...et non pas 800 millions, comme cela a été indiqué. Et le nombre de personnes concernées n’est pas de 235 000 personnes mais de 14 000.

Mes chers collègues, il ne faut pas confondre l’ensemble des mesures, notamment celles qui touchent aux heures supplémentaires,…

M. Henri Emmanuelli. Vous les approuvez !

M. Charles de Courson. …avec seulement 5 % d’entre elles !

Enfin, chacun conçoit que l’outil du bouclier fiscal, tel que nous l’avons défini, doit être réformé sur deux points.

Le premier concerne le dénominateur : il faut passer du revenu fiscal net au revenu de référence – nous reviendrons sur cette question. Le second est de savoir s’il convient de maintenir au numérateur la CSG et la CRDS ainsi que les taux associés. Vous le savez, le Nouveau Centre s’était beaucoup battu au cours de l’examen de la loi TEPA pour qu’ils ne figurent pas dans l’assiette ; faute de quoi, à chaque fois qu’il sera nécessaire d’augmenter une contribution à caractère social, on nous reprochera d’en exonérer les milliers de Français les plus aisés. (« Eh oui ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean-Pierre Dufau. Dans ces conditions, soyez logique avec vous-même : votez l’exception d’irrecevabilité !

M. Charles de Courson. C’est pourquoi le Nouveau Centre, qui a toujours défendu cette position,…

M. Henri Emmanuelli. Cela ne durera pas !

M. Charles de Courson. …déposera de nouveau des amendements en ce sens.

Vous devriez être pragmatiques et réalistes et regarder les choses avec une certaine distance et une certaine équité : arrêtez donc de faire croire aux Français que vous êtes contre le bouclier fiscal. Vous êtes pour ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Votez avec les réformistes de la majorité, c’est-à-dire avec ceux qui veulent l’améliorer. Comme pour la question du plafonnement,…

M. Alain Néri. Et comme pour le RSA !

M. Charles de Courson. …nous aurons bien travaillé pour le pays et nous n’aurons plus à évoquer cette question.

M. Henri Emmanuelli. N’oubliez pas que vos amendements sont passés grâce à nous !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. La crise a au moins un mérite : elle nous permet d’avoir des débats de fond sur la question des riches – mot qui, je l’admets, est discutable, car il n’est sans doute pas le plus approprié. Toutefois je préfère l’employer par simplicité.

M. Franck Gilard. Surtout qu’après avoir tué les riches, vous avez créé des privilégiés !

M. Jean-Claude Sandrier. La question des riches a toujours divisé la droite et la gauche. C’est même un des fondements de leur différence politique.

Éric Woerth a demandé s’il est scandaleux de gagner de l’argent dans notre pays : non, si c’est par son travail, oui, si c’est en spéculant, en pressurant les salariés, en les licenciant, en les condamnant à des conditions de travail insupportables, en s’en prenant à la protection sociale ou en se livrant à une quête éhontée des paradis sociaux, dont on parle moins.

Est-il scandaleux de gagner de l’argent ? Non, si cela se situe dans des limites compatibles avec la croissance économique, oui si ce gain est sans limite aucune. Or vous êtes responsables d’avoir entretenu une façon scandaleuse de gagner de l’argent, qui a abouti à un enrichissement excessif cependant que d’autres souffrent, en laissant des dividendes augmenter de 10 % à 25 % et en créant des fonds spéculatifs durant toutes ces années où Patrick Artus répétait inlassablement que l’argent coule à flots.

Osons tout de même nous poser la question de la bonne répartition des richesses, même si le faire semble incongru dans cette assemblée ! Une bonne répartition des richesses ne doit-elle pas permettre, à ceux qui en ont le plus besoin, de manger, de s’éduquer, de se loger et de se soigner ?

On nous explique également que les riches, s’ils étaient trop imposés, partiraient. Cela signifierait, tout d’abord, qu’ils n’ont d’autre patrie que le fric, ce qui est très désagréable pour eux – mais, après tout, c’est leur problème. En revanche, et c’est plus important, cette assertion pose à la fois la question des paradis fiscaux, dont il ne faut pas aménager le fonctionnement mais qu’il faut supprimer partout, et celle de l’harmonisation fiscale en Europe et dans le monde.

Quant à savoir si les riches sont vraiment trop imposés, cette assertion repose sur un argument apparemment de bon sens, selon lequel il serait abusif de travailler un jour sur deux pour payer ses impôts. Présentation astucieuse, dans la mesure où la réponse n’est évidemment pas la même selon qu’on est smicard ou milliardaire : dans le premier cas, verser la moitié de son salaire en impôt serait énorme car le smicard ne pourrait plus assurer ses besoins. En revanche, dans le cas du milliardaire, le problème n’est pas l’argent qu’il verse, mais l’argent qu’il lui reste et ce qu’il en fait.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Exactement !

M. Jean-Claude Sandrier. Or, alors qu’en 1997, les cinq cents plus grosses fortunes de France possédaient 6 % du produit intérieur brut, elles en détiennent aujourd’hui 14 % ! C’est bien la preuve qu’elles n’ont pas été submergées par les différentes impositions !

De fait, la grande question que vous ne voulez pas vous poser est celle de l’utilisation de l’argent, à savoir celle de la répartition des richesses. L’argent doit-il aller aux capacités humaines et au travail ou, au contraire, à l’augmentation du capital, ce qui s’appelle faire de l’argent avec de l’argent ?

Telle est la question que permet de poser l’exception d’irrecevabilité : c’est pourquoi nous la voterons ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

(L’exception d’irrecevabilité, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour un rappel au règlement.

M. Jérôme Cahuzac. Monsieur le ministre des comptes publics, vous m’avez reproché d’avoir cité Obama dans mon propos : je ne crois pas l’avoir fait une seule fois – le compte rendu en fera foi. J’ai en revanche fait référence à des entreprises qui concluent aux États-Unis des accords de réduction du temps de travail.

Par ailleurs, lorsque j’ai parlé de démonstration « laborieuse », il n’y avait de ma part ni condescendance ni mépris. J’ai simplement souligné le fait que vous aviez cherché à faire la démonstration la plus complète possible : comme je ne m’y attendais pas, j’ai pu, à mon tour – et je vous prie de m’en excuser – paraître laborieux à vos yeux en dénonçant ce qui m’avait semblé être davantage une litanie qu’une preuve.

Question préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier Michel Sapin et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche de me permettre de défendre la question préalable.

Si ce projet de loi de finances rectificative est discuté aujourd’hui, l’Assemblée nationale le doit à l’exceptionnelle mobilisation de nos concitoyens le 29 janvier dernier, jour où ils ont manifesté leur indignation de voir les fauteurs de crise continuer d’engranger profits et dividendes tout en bénéficiant des principales dispositions prises par le Gouvernement, et ce alors même que le chômage partiel et les licenciements se conjuguent aux pressions sur les salaires, ce qui a pour effet d’ôter toute efficacité à des plans dits de relance.

Mais au vu de la maigreur du projet de loi de finances rectificative, il faudra encore d’autres mobilisations et d’autres manifestations pour que le Gouvernement se décide à prendre des mesures à la hauteur de la gravité de la situation, susceptibles de répondre aux besoins et de nous sortir d’une crise qui est – faut-il encore le rappeler ? – une crise de la demande, les gouvernements, notamment le gouvernement français, ayant pressuré les salaires, les retraites et la protection sociale, tout en faisant preuve d’un inacceptable laisser-faire sur les prix.

L’ensemble de cette politique a abouti à l’explosion des profits, des dividendes et des fonds spéculatifs, ainsi qu’à la loi des paradis fiscaux et des crédits pourris, selon la juste formule de Patrick Artus, que j’ai déjà évoquée : « l’argent coule à flots ».

Pour toutes ces raisons, la journée de demain, jeudi 19 mars, soutenue, selon un sondage paru dans Paris Match, par 78 % des Français, doit être d’une force telle qu’elle oblige enfin le Gouvernement à prendre en considération la profondeur et la gravité de la crise et à comprendre qu’il ne s’en sortira pas en se contentant de soutenir les banques sans contrôle et en prenant des mesures dites d’accompagnement social et fiscal, dont l’objectif est, visiblement, de tenter de maintenir la tête hors de l’eau à des millions de nos concitoyens.

Je suis désolé de devoir le souligner mais, depuis le début – la présentation de la loi de finances pour 2009 en témoigne –, vous n’êtes pas dans le coup ! Vous ne mesurez pas ce qui se passe, ou alors, vous le cachez bien !

Lorsqu’il y a trois ou quatre ans je décrivais à cette tribune la vie de millions de nos concitoyens, je fus accusé de faire du misérabilisme en noircissant le tableau. À l’époque, 7 millions de Français vivaient sous le seuil de pauvreté. Aujourd’hui, c’est pire : ils sont toujours plus nombreux, ceux de nos concitoyens qui ne font qu’un repas par jour et, souvent, c’est aux Restos du Cœur ! Ils sont toujours plus nombreux ceux qui vont chercher leur repas dans les poubelles. C’est aussi pour cette raison que s’ouvrent des magasins où l’on peut s’approvisionner en produits alimentaires dont les dates de consommation sont dépassées !

Tout cela, vous ne voulez pas en entendre parler car votre politique, c’est bien connu, n’a que des vertus. De même, vous refusez de voir la reprise des expulsions locatives. Vous préférez la méthode Coué en répétant sans cesse qu’il n’y en aura pas !

Il y a cinq ans, au nom du groupe communiste, j’avais défendu une proposition de loi visant à interdire les expulsions, ce qui aurait enfin permis de mettre les pouvoirs publics face à leurs responsabilités, en les obligeant à déterminer les familles qui peuvent payer leur loyer et celles qui ne le peuvent vraiment pas, des mesures devant être prises dans les deux cas.

Jamais le Gouvernement n’a voulu regarder en face cette réalité et prendre les décisions qu’elle implique. Avec vous, la pauvreté, c’est toujours de la faute des pauvres !

Aujourd’hui, ce sont les classes moyennes qui sont de plus en plus sévèrement touchées. Votre mesure, bien timide et partielle, d’exonération fiscale pour la première tranche de l’impôt sur le revenu en est du reste la preuve.

Or, dans le même temps, sous nos yeux, se déroule un scandale permanent, celui d’entreprises, évidemment les plus grosses, qui continuent d’engranger des profits – 85 milliards d’euros pour celles du CAC 40 – et de distribuer généreusement des dividendes – plus de 35 milliards d’euros –, tout en licenciant ou en mettant des millions de salariés au chômage partiel.

Total est évidemment le symbole de ce capitalisme sans borne, arrogant et même « barbare », pour reprendre la formule d’Albert Jacquard : 14 milliards d’euros de profits et 550 licenciements annoncés, assortis de délocalisations !

Cette entreprise n’est malheureusement pas la seule. Voici une liste qui est loin d’être exhaustive : Caterpillar : 3,5 milliards d’euros de profits, des dividendes en augmentation de 17 % et 733 emplois supprimés ; Sanofï : 7,1 milliards de profits, 2.7 milliards d’euros de dividendes distribués, 1 400 emplois supprimés ; Arcelor Mittal – semble-t-il un peu plus en difficulté, ce qui reste à voir – : 6,4 milliards d’euros de profits, 9 000 emplois supprimés dont 1 400 en France ; Vivendi : 4,7 milliards d’euros de profits, en hausse de 5 %, avec une nouvelle hausse prévue en 2009 ; GDF-Suez, qui prévoit de distribuer 4, 3 milliards d’euros de dividendes. Et que dire de Continental ?

Alors que 7 milliards d’euros sont promis à l’industrie automobile, que croyez-vous que font Renault, PSA et, surtout, leurs sous-traitants, souvent filiales de multinationales qui réalisent des profits ? Eh bien, ils licencient leurs salariés ou les mettent au chômage partiel sans même prendre en compte le plan de sauvegarde présenté par le Gouvernement, certains allant même jusqu’à déclarer qu’ils n’en ont rien à faire car il font ce qu’ils veulent. Quelle arrogance ! Quelle brutalité !

Devant une telle situation et devant une telle attitude, tout responsable politique doit comprendre que nos concitoyens, à juste raison, ne perçoivent pas une crise, dont on leur masque par ailleurs les causes profondes, mais le cynisme d’un monde mené par la loi du fric et qui utilise l’alibi de la crise, dont ils ne sont pas responsables, pour leur faire payer l’addition. Telle est la réalité.

Je comprends et je salue ceux de nos collègues qui proposent de limiter le bouclier fiscal, car il leur semble impossible d’infliger à nos concitoyens provocations sur provocations sans que ceux-ci s’en aperçoivent et finissent par réagir.

Sans doute est-ce le même état d’esprit qui préside aux assauts contre les paradis fiscaux – bien timides : la question n’est pas d’en « assouplir » le fonctionnement, comme on l’entend ici ou là, mais bel et bien de l’arrêter. Oui, il faut supprimer les paradis fiscaux, et partout.

Le système capitaliste que vous soutenez bec et ongles a produit, avec le soutien actif de tous les gouvernements et du monde de la finance, de tels gaspillages, de tels excès, qu’il devient aujourd’hui impossible de ne pas remettre en cause – ou du moins de le dire – les outils les plus voyants du fiasco d’un système dont on nous soutenait, il n’y a pas si longtemps, que le succès marquait la fin de l’histoire. S’il s’agit bien d’une fin, ce n’est en tout cas pas celle de l’histoire.

Allez-vous arrêter ce gaspillage économique, réduire l’influence et le rôle du capital dans l’économie, afin de valoriser les capacités humaines et le travail qui sont les vraies seules richesses de l’humanité ? Pas du tout ! Vous avez d’abord pensé aux banques, puis à l’investissement, essentiellement privé, sans contrôle, sans contreparties, comme si vous signiez un chèque en blanc à ceux qui ont provoqué la crise. Enfin, après des mois mais surtout après la montée du mouvement social, la montée des exaspérations, vous sortez en catastrophe ce projet de loi de finances rectificative proposant des mesures dites « d’accompagnement social ». Enfin ! Serait-on tenté de dire si la montagne n’accouchait pas d’une souris, à savoir de quelques mesures ponctuelles, comme pour mieux faire passer la pilule des licenciements et du chômage – en attendant la prochaine, qui sera nécessairement le paiement de la facture d’un déficit budgétaire multiplié par trois en trois ans.

J’en viens aux mesures, selon vous exceptionnelles, que prévoit le présent texte. Il constitue tout d’abord la traduction des mesures annoncées à la suite de la rencontre avec les partenaires sociaux le 18 février dernier, dispositions que vous persistez à nous présenter comme consensuelles alors que l’ensemble des organisations syndicales en ont dénoncé les conclusions – la journée de mobilisation de demain est là pour le rappeler.

En guise de politique de soutien au pouvoir d’achat des ménages aux revenus les plus faibles, votre texte prévoit une réduction de deux tiers de l’impôt sur le revenu, représentant un gain moyen par ménage d’environ 200 euros pour les 4 millions de ménages dont les revenus se situent dans la première tranche d’imposition. Deux millions de foyers dont les revenus atteignent la deuxième tranche verront également leur impôt diminuer. Au total, donc, 6 millions de ménages bénéficieront de cette mesure pour un coût global de 1,1 milliard d’euros. Nous ne sommes pas opposés à cette disposition, mais force est de constater qu’elle souffre de graves insuffisances.

La question a été soulevée en commission de la définition du revenu imposable. Comme l’a souligné le rapporteur, le choix par le Gouvernement de l’impôt sur le revenu comme vecteur privilégié va nous conduire à des difficultés en cascade. Le revenu imposable ne tient pas compte des revenus exonérés ni des prélèvements forfaitaires libératoires ou encore des niches fiscales non plafonnées. Un amendement de notre rapporteur général apporte un début de réponse, mais le risque est grand de voir des ménages disposant de revenus très importants imposés à 5,5 % profiter de votre mesure, ce qui serait parfaitement inacceptable.

À cela s’ajoute que les effets de seuil restent importants malgré la prise en compte de deux millions de foyers imposés au titre de la deuxième tranche. C’est ainsi qu’un couple avec deux enfants déclarant 35 000 euros de salaire net pourra bénéficier de 630 euros de réduction, mais ne verra pas son impôt baisser d’un centime s’il déclare seulement 2 000 euros de plus.

L’anomalie est difficile à corriger, mais elle illustre les effets pervers générés par la réforme de l’impôt appliquée ces dernières années sous la houlette de l’actuel président du groupe UMP ; la réduction du nombre de tranches notamment, sous prétexte de simplification de l’impôt, a considérablement nui à sa progressivité et donc à la poursuite de l’objectif d’une plus grande justice fiscale.

Pour le reste, nous ne sommes pas hostiles par principe au versement d’une prime de 150 euros à trois millions de familles aux revenus modestes ayant des enfants scolarisés, non plus qu’à l’allocation de bons d’achats de services à la personne de 200 euros par foyer pour les ménages aux faibles revenus, mais ces mesures restent partielles, ponctuelles et insuffisantes. Les miettes que vous entendez ainsi distribuer pour contenir la colère croissante de nos concitoyens et leur légitime sentiment d’être les laissés pour compte de votre plan de relance ne répond en rien à leurs inquiétudes.

Si les salariés et leurs familles peuvent y retrouver quelques dizaines d’euros pour l’année 2009, aucune de ces mesures ne vise l’amélioration durable du pouvoir d’achat de nos concitoyens ni l’amélioration de la situation de l’emploi, aucune ne cherche à garantir une plus grande justice fiscale ou une protection sociale plus solidaire, aucune, enfin, ne poursuit véritablement d’objectifs d’efficacité économique. Vous affrontez un immense incendie avec de simples tuyaux d’arrosage.

Vous affirmez, par exemple, que les bons d’achat de services à la personne permettront de créer 40 000 emplois. Mais il n’est pas difficile de comprendre que cette mesure ponctuelle ne créera que des emplois très précaires, souvent mal rémunérés, dont les titulaires viendront bientôt grossir les rangs des allocataires du RSA.

Est-ce là tout ce que vous avez à proposer aux nouveaux demandeurs d’emplois qui affluent chaque jour et dont, du reste, près de la moitié ne touche pas d’indemnisation et n’en touchera pas plus demain, malgré les mesures annoncées ?

Ce qui se fait jour avec le type de mesures que vous nous proposez, c’est votre entêtement à refuser de vous attaquer aux enjeux centraux tels que le maintien de l’emploi et l’amélioration du pouvoir d’achat des salariés, à refuser d’aborder la question de la répartition des richesses, du rôle des entreprises, du fonctionnement de la démocratie sociale... Vous avez obstinément refusé d’assortir les milliards de garanties accordées aux banques de contreparties en termes de soutien à l’économie. De même n’avez-vous réclamé aux entreprises aucun engagement en termes de maintien de l’emploi et d’augmentation des salaires en échange des milliards mobilisés.

Aucune de vos mesures n’a été négociée dans l’objectif de préserver l’emploi et les salaires et de stimuler l’ensemble du tissu économique. Vous êtes demeurés fidèles à votre logique libérale mâtinée de clientélisme. Vous avez versé des milliards et confié sans scrupule l’argent du contribuable à des acteurs économiques qui en font désormais ce que bon leur semble... C’est le cas des banques, ce sera le cas aussi de l’industrie automobile car les prétendus engagements, purement verbaux, ne figurent dans aucun document contractuel.

Vous avez obtenu la baisse de la TVA à 5,5 % dans la restauration. Vous annoncez son application mais, là encore, avez-vous l’intention de demander aux employeurs du secteur de s’engager ? Il serait particulièrement utile, à l’évidence, de lier la baisse de la TVA, qui représente un manque à gagner pour les finances publiques, de l’ordre de deux milliards d’euros par an, à un accord obligeant à des créations d’emplois, des revalorisations de salaires et d’amélioration des conditions de travail dans ce secteur. Aurez-vous cette audace ? Nous en doutons.

Par aveuglement idéologique probablement, vous avez conjointement décidé de vous arc-bouter sur les réformes votées dans un contexte de croissance révolu. Vous avez ainsi décidé de demeurer fermes sur le principe du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Votre ministère maintient donc la pression sur les ministères pour mettre en œuvre la révision générale des politiques publiques, votre objectif étant la stabilisation des dépenses budgétaires en volume. Est-ce la priorité de l’heure ? L’État ne doit-il pas, au contraire, garantir la qualité des services publics, dont l’emploi constitue l’un des socles ?

De même, vous vous refusez à revenir sur des mesures ruineuses de défiscalisation des heures supplémentaires. L’État peut-il se payer le luxe d’une dépense annuelle de 7,7 milliards d’euros à l’heure où, à l’évidence, la priorité doit être donnée à la création d’emplois et non à la multiplication des heures supplémentaires ?

Le déficit public s’accroît, mais vous ne jugez pas non plus opportun de mettre fin au bouclier fiscal. Vous pointez depuis quelques jours le coût prétendument limité de ce dispositif. Il s’agit tout de même de 458 millions d’euros, soit le tiers du financement de mesures telles que le RSA. Surtout, vous ne pouvez continuer d’affirmer que la mesure bénéficie aux classes moyennes, comme vous n’avez cessé de le répéter depuis deux ans. Le constat est en effet que le bénéfice moyen par contribuable – Didier Migaud a même démontré qu’il était plus élevé – s’élève à 33 000 euros, ce qui suppose que les restitutions les plus importantes sont allées aux citoyens les plus riches.

Le président du Sénat, Gérard Larcher, s’est lui-même ému du maintien du bouclier fiscal, jugeant qu’on ne pouvait « simplement demander à certains de faire l’effort et pas à d’autres ». Certains députés ne pensent pas autrement, dont le président de la commission des affaires sociales et culturelles – je me félicite que son amendement concernant la plus haute tranche de l’impôt sur le revenu ait été retenu en commission : c’est une simple question de justice.

Enfin, mesure phare de votre projet de loi : la mise en œuvre du fameux pacte automobile annoncé le 9 février dernier. Celui-ci se traduit par l’octroi de 6,5 milliards d’euros aux constructeurs automobiles afin de leur permettre de financer leurs projets stratégiques.

Cette mesure vient en complément de la prime à la casse des automobiles, que vous nous avez resservie lors du dernier projet de loi de finances rectificative, pour encourager les achats de véhicules neufs, mesure qui relève surtout de l’action psychologique et concerne, pour 80 % des véhicules vendus ceux fabriqués à l’étranger. Vous n’avez pas souhaité annuler cette mesure, ni même l’évaluer, bien que les expériences antérieures en la matière soient loin d’être convaincantes.

Ainsi, selon le rapport rédigé en décembre 1997 par notre collègue Gérard Fuchs, « douze mois après la ruée liée à la fin de la juppette, la chute des ventes a été jusqu’à atteindre quasiment 40 % ». Il ajoute : « Les primes ont tiré le parc automobile vers le bas de gamme, c’est-à-dire vers les véhicules les moins rentables pour les constructeurs. »

Le second rapport parlementaire sur le sujet est l’œuvre de l’ancien sénateur UMP Serge Lepeltier, ancien ministre de l’écologie, qui constatait en 2001 que « ces primes ont accéléré certains remplacements de voitures, suscitant une augmentation des ventes puis, après la fin de chacun des dispositifs, leur effondrement ». D’ailleurs, le ministre de la relance lui-même, M. Devedjian, a déclaré très franchement : « Ma crainte est que ce soit plus un effet d’aubaine qu’un effet d’entraînement. » Mais sans en tirer aucune conséquence…

Nul ne conteste ici, bien entendu, l’importance de ce secteur pour notre économie. Raison de plus cependant pour que l’État s’entoure de quelques garanties. Quelle assurance avons-nous que votre mesure ne sera pas l’occasion de nourrir, comme avec les primes, quelques effets d’aubaine ?

La première garantie ne devrait-elle pas consister à obtenir des industriels en question la contractualisation de l’engagement ferme du maintien de l’emploi en France, d’une amélioration des conditions de travail et de l’encadrement du recours à l’emploi partiel ? La seconde concerne les relations des constructeurs avec leurs sous-traitants. L’État devrait ici s’assurer que les sous-traitants ne feront pas l’objet de pressions plus fortes encore que celles qu’ils subissent aujourd’hui, facteur de destruction d’emplois, de fermeture de sites, de délocalisations diverses... Et je ne suis pas sûr que le code de bonne pratique prévu par ce plan suffira.

Il ne serait pas acceptable que les industriels puissent, comme les banques, se refaire une santé sur le dos des contribuables sans souci de l’intérêt général. Il semble pourtant, une fois de plus, que vous ne proposiez aucune procédure de contrôle de l’usage de ces fonds publics. Privatisation des profits, socialisation des pertes, la règle reste la même, crise ou non. Une règle que, loin de contester, vous alimentez sciemment au fil de vos différents plans de relance.

Face à une telle situation, il faut d’abord prendre des mesures d’urgence et de sauvegarde efficaces. Il s’agirait ainsi d’interdire les licenciements pour motifs économiques dans les entreprises qui touchent de l’argent public et, à plus forte raison, dans celles qui font des bénéfices et redistribuent des dividendes. Il faudrait aussi garantir la compensation à 100 % des salaires en cas de chômage partiel, en mobilisant les profits et dividendes des entreprises, et mettre en place une commission de contrôle de l’utilisation des aides publiques. Enfin, il faut faire en sorte que les entreprises financent des études de reconversion et de diversification avec des plans de formation pour les salariés.

Plus généralement, il devient urgent de contraindre les banques qui perçoivent l’aide publique à prêter pour relancer l’activité économique. On le relevait ici même hier soir : il est scandaleux que 16 milliards d’euros soient prélevés sur les livrets de développement durable pour que les banques consentent des prêts aux PME et qu’au final seulement 300 millions d’euros soient effectivement utilisés à cette fin. Et le Gouvernement, on l’a vu, couvre ces agissements : c’est inacceptable !

Toute exonération, tout dégrèvement, tout soutien ne doit être accordé que sous réserve de la signature d’un contrat qui engage les entreprises sur l’emploi et la politique salariale.

Il faut annuler l’essentiel de la loi TEPA, revenir sur les exonérations concernant les heures supplémentaires qui tuent l’emploi. Supprimer le bouclier fiscal. Supprimer les paradis fiscaux. Augmenter salaires, pensions et retraites.

La relance de la consommation est un moyen incontournable de relancer l’économie, même si la relance de l’investissement public et privé doit l’accompagner.

Il y a une marge économique de progression en termes d’investissement public, tellement nous sommes descendus bas, et les besoins sont considérables : ferroviaire, logement, santé, éducation, environnement, agriculture...

Enfin, pour m’en tenir à l’essentiel, il faut se donner les outils de cette autre logique politique, économique et sociale. Si nous voulons orienter différemment le crédit, le rendre utile, il est nécessaire de créer un pôle financier public, seule garantie d’une politique du crédit efficace, avec notamment l’octroi de crédits sélectifs aux entreprises, à taux réduit.

Rappelons que nous ne sommes pas sans marges de manœuvres financières : il est possible de réaffecter 12 des 15 milliards que coûte la loi TEPA, ainsi que les 73 milliards de cadeaux fiscaux, lesquels ont augmenté de 46 % en cinq ans. Il est possible de récupérer 25 des 32 milliards d’euros de cotisations sociales dont la Cour des comptes a souligné qu’ils ne servaient pas à l’emploi, et de taxer les stock-options selon les recommandations de la Cour des comptes.

Au-delà des sommes à mettre en jeu pour sortir de la crise, ce qui est plus fondamentalement en cause, c’est l’utilisation qui est faite de l’argent, ce sont les garanties et contreparties qui doivent présider à son attribution, les choix de logique économique, en privilégiant le travail et le développement des capacités humaines au lieu de dérouler le tapis rouge au monde financier et aux grandes entreprises.

On le sait, 62 % des Français sont en désaccord avec le Gouvernement sur sa politique face à la crise. Ils ont raison, car ils savent que ce n’est pas en redonnant de l’argent aux mêmes, sans exiger quelque contrepartie que ce soit, que nous avons une chance de nous en sortir.

Non seulement vous ne préparez pas la sortie de crise, mais vous accumulez les matériaux pour celle de demain. Et chacun a bien constaté que ces crises cycliques du système capitaliste, parce qu’elles sont de plus en plus rapprochées, de plus en plus violentes, sont en fait l’expression d’une crise structurelle. C’est un système en bout de course.

En effet, les belles heures du dumping fiscal, du dumping social, et aujourd’hui du dumping environnemental, vont obligatoirement toucher à leur fin, car on ne construit pas un monde pour l’homme en en réduisant chaque jour sa dimension sociale.

Et « moraliser le capitalisme », selon l’expression du Président de la République, n’a aucun sens. Car moraliser un système pour lequel l’homme est un moyen et non une fin est impossible !

Voilà qui nous amènent, nous, députés communistes, républicains, parti de gauche, verts et ultra-marins du groupe GDR, à vous demander d’adopter cette question préalable.

M. Alain Cacheux. Nous la voterons, monsieur Sandrier !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’économie.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Je veux simplement fournir quelques éléments d’information et d’explication pour permettre à ceux qui vont voter sur cette question préalable de le faire à la lumière d’autres éléments.

Monsieur le député Sandrier, vous parlez de la crise et du soutien que nous aurions apporté aux banques, sans contrôle et sans contreparties.

Pour ce qui est du contrôle, j’attire votre attention sur le fait qu’il existe un comité de suivi, auquel participent plusieurs parlementaires de grande qualité qui se sont d’ailleurs déjà réunis à deux reprises. Ils ont toute latitude pour demander toute information, de quelque nature qu’elle soit, que ce soit au gouverneur de la Banque de France, président de la commission bancaire, ou à un certain nombre d’autres représentants, notamment le directeur du Trésor. Je puis donc vous assurer qu’il existe une réelle coopération entre mon administration et les organes de contrôle. Le contrôle, notamment celui exercé par le Parlement, existe et est efficace.

S’agissant des contreparties, je vous indique que l’ensemble des concours mis à la disposition des banques – et pas des banquiers – l’ont été soit sous la forme de titres super-subordonnés, soit sous la forme d’actions de préférence, selon la difficulté dans laquelle se trouvaient les entreprises en question, et selon la nature des plans que nous devions mettre en œuvre. Mais ce fut toujours en échange de contreparties. Parmi celles-ci, on retrouve notamment des engagements d’ordre éthique, même si c’est sans doute un grand mot. En tout cas, il est exigé de ces établissements qu’ils ne paient pas de bonus, qu’ils révisent leur politique de rémunération, et qu’ils s’engagent à maintenir l’emploi dans leurs établissements.

Il y a aussi des engagements d’ordre économique, qui relèvent notamment des prêts consentis aux entreprises, aux particuliers, aux collectivités locales, au moins à concurrence des sommes mises à leur disposition sur fonds publics – je dis bien « mises à disposition », et non pas données.

M. Jean-Claude Sandrier. Je n’ai pas dit données…

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. C’est à chaque fois de prêts ou d’actions de préférence qu’il s’agit, en contrepartie, évidemment, de rémunérations tout à fait significatives que l’État français reçoit sous forme d’intérêt et qui alimentent le budget de l’État.

Vous avez suggéré que nous ne soutiendrions pas ceux de nos concitoyens qui se trouvent aujourd’hui dans la difficulté. Je vous rappelle tout de même que le revenu de solidarité active, c’est nous qui l’avons mis en place. Il constitue une amélioration significative par rapport au revenu minimum d’insertion. Et il n’est pas tout à fait juste de comparer les presque 460 millions d’euros qui seraient remboursés au titre du bouclier fiscal avec les 7,5 milliards d’euros qui sont versés aux futurs titulaires du RSA : au complément de rémunération du RSA, il faut ajouter les sommes payées en vertu du revenu minimum d’insertion ou de l’API. Si vous faites le total de tout cela, c’est bien de 7,5 milliards d’euros qu’il est question.

M. Jérôme Cahuzac. Il faut comparer les mesures nouvelles, les surplus.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. C’est bien le surplus qui correspond à 1,5 milliard d’euros. Et l’intégralité de la mesure – c’est-à-dire RMI, API et RSA – correspond à 7,5 milliards. Si l’on compare un bouclier fiscal avec les financements consacrés à nos concitoyens les plus touchés, ce sont ces deux sommes qu’il faut comparer.

M. Jérôme Cahuzac. Non, les mesures nouvelles, ce sont bien 460 millions d’un côté, et 1,5 milliard de l’autre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. En matière de soutien, je vous remercie, monsieur Sandrier, d’avoir listé un certain nombre des mesures qui sont prévues : je pense notamment aux 150 euros versés aux trois millions de familles modestes, aux bons d’achat de services à la personne, à la prime de solidarité active versée à compter du 1er avril. Autant de mesures visant à soutenir nos concitoyens les plus marqués par la crise, et que je vous remercie d’avoir mentionnées.

Un mot sur les paradis fiscaux et les centres non coopératifs. C’est un sujet qui est évidemment assez populaire, et qu’il est facile d’agiter. Je note que, grâce en particulier aux initiatives et aux coups de boutoirs du Président de la République et de la Chancelière Merkel, on a fait plus de progrès au cours des trois derniers mois que pendant les vingt dernières années, quelles que fussent les majorités au pouvoir, puisque, s’agissant des paradis fiscaux, ce n’est pas de comportements nouveaux que nous parlons.

Dans ce domaine, nous avons fait beaucoup, et nous ne cesserons de faire beaucoup. Nous sommes extrêmement attachés à ce que cette mesure débouche sur des réalités tangibles, mesurables, et aboutisse à de véritables échanges d’informations qui nous permettent d’exercer notre politique fiscale et de lutter à la fois contre le blanchiment des capitaux et contre l’évasion prudentielle dont se rendent coupables un certain nombre d’établissements.

En ce qui concerne enfin le pacte d’automobile, je voulais préciser qu’il s’agit d’un véritable pacte, concerté, travaillé en étroite collaboration avec toute la filière. Luc Chatel et moi-même avons travaillé pendant plus d’un mois et demi avec toute la filière, pour vérifier où nous pouvions être le plus utiles. Non pas le plus utiles pour les constructeurs, mais pour l’industrie automobile et pour ses salariés, qui constituent 10 % de l’effectif salarié en France.

Nous n’allons pas réussir partout. Car il est des cas de figure où nous n’arriverons pas aux défis que nous lance la crise internationale. Mais avec les financements supplémentaires, avec le soutien aux banques spécialisées, avec le fonds A3 de 600 millions d’euros pour soutenir les entreprises qui se trouvent dans la filière, qu’il s’agisse d’équipementiers ou de sous-traitants de premier ou de deuxième rang, je crois que nous avons fait beaucoup.

Vous avez parlé de la prime à la casse, jugeant que cet instrument ne serait pas si efficace que cela et qu’il serait difficile d’en sortir. Je vous accorde que nous devrons agir de manière subtile quand nous cesserons d’utiliser ce plan de prime à casse. Mais s’il était si mauvais, je ne vois pas pourquoi et les Italiens et les Allemands nous auraient emboîté le pas avec un système exactement équivalent. Et les Britanniques y réfléchissent.

Nous mettons donc en place toute une série de mesures de soutien, ainsi que des structures très particulières pour soutenir nos établissements bancaires, et je constate au passage que de nombreux gouvernements sont en train de les imiter. Le Fonds monétaire international lui-même a indiqué que le plan de relance français était, à bien des égards, l’un des meilleurs, à la fois en ce qui concerne la rapidité, l’efficacité et la temporalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote sur la question préalable.

La parole est à M. Jean Launay, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean Launay. Notre collègue Sandrier à évoqué l’enchaînement des crises que nous vivons : la crise financière, la crise économique et la crise sociale. En l’écoutant, nous devons aussi penser à ce que pensent et ce que voient les Français.

Ils voient, pour ce qui est de la crise financière, un monde qu’ils ne comprennent pas. La conviction qu’il faut le « moraliser » – nous pouvons concéder ce terme au Président de la République –, ils l’ont aussi.

M. Alain Cacheux. Il y a un gros boulot !

M. Jean Launay. Ils voient les banques bénéficier de largesses. Peut-être fallait-il le faire, mais peut-être fallait-il aussi leur expliquer pourquoi il fallait accorder ces largesses, financées par nos impôts. Tout cela parce que, pendant trop longtemps, ces établissements financiers ont joué avec l’économie virtuelle au lieu de faire véritablement un travail de fond – nous en avons parlé hier à l’occasion du texte relatif à l’accès des petites et moyennes entreprises au crédit –, au lieu de soutenir l’économie réelle partout diffuse et inscrite dans nos territoires.

Au plan économique, nos concitoyens mesurent l’ensemble des suppressions d’emplois. Ils les vivent durement, et sont nombreux à être touchés sur des sites industriels partout en France, qui subissent le choc dans le secteur automobile et dans toute la sous-traitance qui lui est liée.

Ils voient aussi les décisions prises par le groupe Total, que nous considérons comme une véritable provocation, dans cette économie libérale exacerbée. Évoquer Total, oui, c’est mettre en parallèle les 14 milliards d’euros de bénéfices en 2008 et les catastrophes que cette entreprise a générées et génère encore. Dans une actualité marquée par les suppressions d’emplois, notre indignation est partagée par Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi. Il n’y a bien que le Premier ministre, le ministre du budget et la ministre de l’économie qui rendent hommage à cette entreprise au motif qu’elle crée de la richesse nationale et investit dans la recherche. Il faudra bien que nous ayons ce débat au fond : cette entreprise est-elle véritablement citoyenne lorsqu’elle agit ainsi dans le présent ? Et l’a-t-elle été lorsque, dans le passé, elle a laissé des traces indélébiles dans l’environnement national et dans les corps et les âmes de nos concitoyens. Je pense ici, évidemment, à l’Erika et à AZF.

En ce qui concerne la crise sociale, les Français voient la précarité et les fins de mois difficiles. Vous nous opposez, madame la ministre, l’excuse du revenu de solidarité active. Mais là aussi, dans ce domaine, il faut ramener les chiffres à ce qu’ils représentent pour l’individu et comparer des choses comparables. En face des 460 millions d’euros qui bénéficient à quelque 16 000 personnes au titre du bouclier fiscal – nous en avons longuement parlé, et cela a l’air de vous ennuyer –, vous nous opposez 1,5 milliard de mesures nouvelles. Mais encore faut-il préciser qu’elles bénéficient à 1 million d’attributaires du RMI. Ces attributaires du RMI, c’est souvent toute une famille, autrement dit plusieurs personnes. On peut donc estimer que ces mesures concernent 2,5 millions de bénéficiaires. Il nous faut donc garder des ordres de grandeur raisonnables. Les Français ont l’habitude de la raison et des chiffres raisonnables. En face de la valse des milliards, ils auraient aussi besoin de voir, dans ces modifications de l’action du Gouvernement que sont les lois de finances rectificatives, qu’ils ont la place et la considération qu’ils méritent.

Pour toutes ces raisons, nous voterons la question préalable défendue par notre collègue Sandrier.

M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur. Nous avons quelques raisons de ne pas voter la question préalable déposée par le groupe GDR.

M. Alain Cacheux. C’est bien dommage !

M. Marc Laffineur. Le Gouvernement peut être fier des mesures de solidarité que nous avons votées depuis deux ans : le RSA, qui est une avancée très importante pour tous ceux qui retrouvent un emploi ; la revalorisation des petites retraites et du minimum vieillesse ; le contrat de transition professionnelle,…

M. Alain Cacheux. Des miettes !

M. Marc Laffineur. …qui permet, en cas de perte d’emploi, de retrouver une formation en touchant un salaire plus élevé que les indemnités de chômage ; les mesures de soutien, notamment de l’investissement, en réponse à la crise.

De surcroît, nous pouvons légitimement être fiers de ce qui a été fait sous la présidence française de l’Union européenne, en particulier dans le domaine de la lutte contre les paradis fiscaux. L’Europe a pu parler d’une seule voix pour obtenir le sommet de Washington puis, bientôt, le sommet de Londres.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe UMP ne votera pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La question préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, à situation exceptionnelle remèdes exceptionnels. C’est ainsi que nous abordons la quatrième loi de finances en l’espace de quatre mois, le présent collectif budgétaire étant le deuxième de l’année 2009.

Le premier collectif pour 2008 a mis en place le plan de soutien au système bancaire. Le deuxième mettait l’accent sur les aides aux entreprises via notamment le crédit de TVA, l’impôt sur les sociétés, le crédit d’impôt recherche et surtout l’exonération de taxe professionnelle sur les équipements et biens mobiliers.

S’agissant de 2009, le premier collectif avait pour priorité la relance par l’investissement public. Celui qui nous est soumis aujourd’hui est la traduction budgétaire des mesures sociales en direction de nos concitoyens les plus fragiles.

J’ai quelques observations à formuler dans le cadre de la discussion générale. Pour commencer, dans un contexte de crise économique mondiale, le groupe du Nouveau centre tient à rappeler la nécessité de maîtriser notre niveau de dépense et d’endettement public, tout en saluant l’effort de sincérité du Gouvernement qui le conduit à réévaluer régulièrement ses prévisions macroéconomiques.

Vos prévisions, madame, monsieur les ministres, sont raisonnables : moins 1,5 % sur le PIB, des investissements privés en baisse de 7 %, ce qui est important en volume, une consommation en très légère augmentation de 0,4 %, qui nous semble réaliste en l’état actuel de nos connaissances. Par contre, nous ne sommes pas persuadés que la contribution du commerce extérieur – qui pour la première fois est nulle en raison de la baisse du prix des biens énergétiques, alors qu’elle était d’environ moins 0,5 % dans les années précédentes et sera de nouveau négative l’année prochaine, à moins 0,3 % selon vos estimations – soit très réaliste. Peut-être faudrait-il la réduire un peu. Quant au niveau des prix, vous l’estimez à plus 0,4 %, alors que les très fortes chutes de prix dans de nombreux secteurs, et pas seulement en matière d’énergie et de matières premières, permettraient de l’envisager à la baisse.

Votre estimation des pertes d’emplois, d’environ 350 000, nous paraît quelque peu optimiste puisque l’UNEDIC, avec un taux de moins 1 %, les estimait à 300 000. Il faudra probablement en rajouter 50 000, voire 100 000.

Monsieur le ministre, je voudrais aussi vous remercier de persévérer dans votre effort de sincérité et de transparence. Je n’étais pas habitué à cela depuis seize ans que je fréquente l’Assemblée nationale. Je vous félicite donc de maintenir le cap. Il n’est pas toujours facile, en particulier dans la situation actuelle, d’avoir un budget vérité. Vous avez le courage de ne pas dissimuler que la dégradation de nos finances publiques conduira à un déficit de 5,6 %, voire 6 %, et que le problème est grave.

Certes, 30 milliards représentent des baisses de recettes fiscales et, pour une faible part, non fiscales, mais 32 autres milliards sont des dépenses supplémentaires liées à la relance. Cela dit, la vraie question a déjà été posée par notre rapporteur général : un tel déficit est-il soutenable ? La réponse est non, il n’est pas soutenable dans le temps. L’endettement public augmentera très fortement : d’après vos calculs, il atteindra dans deux ans près de 80 %. Et la moindre remontée des taux d’intérêt conduirait à la catastrophe. Il n’y a donc absolument plus de marge de manœuvre.

Le groupe NC a toujours essayé de ne pas seulement plaider la rigueur, mais de déposer des amendements dans le sens de la réduction de la dépense publique, ce qui est assez rare. Là encore, nous avons deux grands types de propositions à vous faire.

En matière d’économies, nous maintenons qu’il faudra aller plus loin, dans le projet de loi de finances pour 2010, sur le plafonnement des niches.

M. Henri Emmanuelli. Vous aurez besoin de nos voix pour ça !

M. Charles de Courson. Sur ce point, il y peut y avoir consensus, avec le rapporteur général et, je crois, une bonne partie de l’opposition.

Je sais que la suppression progressive des exonérations de charges sociales patronales sur un certain nombre de grandes entreprises n’a pas la faveur du Gouvernement ; reste qu’elles représentent plus de 30 milliards de dépenses. Il faudra bien non seulement les soumettre à contreparties, mais aussi les réduire.

Autre problème, peu évoqué, celui des conséquences sur la politique salariale dans le secteur public de la très forte chute de l’inflation. Ne faudrait-il pas réajuster cette politique pour tenir compte de l’inflation, que vous estimez à plus 0,4 %, mais qui va peut-être finir à 0 %, voire moins ? Il s’agit de maintenir une certaine parité de l’évolution des rémunérations entre le secteur privé et le secteur public, et d’éviter ce qui s’était passé notamment dans les années 1930, où la très forte baisse des prix avait contribué à assurer une augmentation importante du pouvoir d’achat de ceux qui avaient réussi à conserver un emploi.

S’agissant de la redéfinition des relations entre l’État et les collectivités locales, nous pourrions être satisfaits si déjà les 97 milliards, qui deviendront 100 milliards, d’euros de transferts financiers de l’État vers les collectivités locales étaient maintenus en euros courants, mais avec un vrai effort de redéploiement vers les collectivités les plus pauvres. Là, il y a beaucoup à faire.

M. Henri Emmanuelli. Oh oui !

M. Charles de Courson. Ensuite, et M. le rapporteur général l’a évoqué, toutes les dépenses nouvelles doivent être gagées.

Il devra en être ainsi de la réduction du taux de TVA de 19,6 % à 5,5 % sur la restauration, par exemple. Elle représentera un montant brut de 3,2 milliards, mais un coût net inférieur, à supposer que le Gouvernement supprime les 600 à 700 millions d’exonérations de charges sociales patronales.

M. Jérôme Cahuzac. Il faut l’espérer !

M. Charles de Courson. Cela dit, il faudra aussi exiger des contreparties. On entend déjà des restaurateurs menacer de ne pas baisser leurs prix si tel était le cas. Mais il faut quand même que le profit de la baisse de la TVA soit partagé entre les salaires, les marges des entrepreneurs et les consommateurs ! Le problème, c’est que le secteur compte des milliers d’entreprises, ce qui rend les procédures de contrôle illusoires.

Autres dépenses nouvelles, les mesures en faveur de l’outre-mer. Le chiffre que vous avez donné de 288 millions ne me semble pas très élevé, puisqu’il y avait déjà un peu plus de 200 millions dans le budget. On a parlé de 835 millions pour la seule Guadeloupe, mais il y a encore la Martinique, bientôt La Réunion et la Guyane. Il faudra donc financer par redéploiements.

Le deuxième message que nous voudrions faire passer est que ce texte est perfectible, et nous avons quelques pistes à proposer.

D’abord, s’agissant du soutien au secteur automobile, nous avions demandé au Gouvernement pourquoi il n’avait pas recouru au prêt participatif selon le même montage qu’il avait choisi pour le secteur bancaire. Cela aurait évité d’impacter les comptes de l’État de 6 milliards avec des prêts directs. Nous n’avons jamais eu de réponse.

Ensuite, nous avons quatre voies d’amélioration à vous suggérer. Pour la suppression des deux tiers de l’impôt sur le revenu dus par les ménages relevant de la première tranche et d’une partie de la deuxième tranche, il s’agit de substituer au revenu fiscal net le revenu de référence. C’est un sujet qui a été abordé, qui est partagé notamment par le rapporteur général. Nous avons adopté un amendement en ce sens en commission, et nous espérons que le Gouvernement le soutiendra, car il tend vers une meilleure justice.

Quant au bouclier fiscal, certains ne veulent plus en entendre parler. Or, sur le principe, il faut le maintenir. D’ailleurs, c’est le rapporteur général socialiste du budget Alain Richard qui, en 1988, alors que le Gouvernement proposait un plafonnement à 80 %, avait présenté un amendement le ramenant à 70 % – il y a encore ici quelques rares témoins de ce qui s’est passé. Donc, tout le monde devrait être d’accord sur le principe du bouclier fiscal. Discutons sur ses modalités, son contenu, son numérateur.

M. Alain Cacheux. Cela ne concernait que l’ISF !

M. Henri Emmanuelli. On appelait cela le plafonnement et ce n’était pas les mêmes bases !

M. Charles de Courson. C’est la même chose. Mon cher collègue, je tiens à votre disposition le septième paragraphe de l’article 26 de la loi de finances pour 1989.

M. Henri Emmanuelli. Il y avait la CSG dedans !

M. Charles de Courson. La CSG n’existait pas, elle n’a été créée qu’un an plus tard. Ne refaites pas l’histoire budgétaire.

M. Henri Emmanuelli. Si ! C’est Rocard qui l’a fait voter à ses débuts !

M. Charles de Courson. Pas du tout.

Il y a débat sur la nécessité de sortir du numérateur la CSG et la CRDS.

M. Jérôme Cahuzac. Bien sûr !

M. Charles de Courson. C’est inéluctable, et le plus tôt sera le mieux.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et les impôts locaux !

M. Charles de Courson. De même, il faudra réformer le dénominateur pour aller, comme on l’a fait pour la mesure que vous nous proposez, vers le revenu de référence. Car le bouclier fiscal est devenu un moyen d’optimisation fiscale pour certains.

M. Henri Emmanuelli. Ils le savent très bien !

M. Charles de Courson. Une des deux autres mesures que nous proposons est l’autorisation des fonds de concours au sein des syndicats d’électricité. Elle est de nature à participer à la relance puisque ceux-ci bloquent, dans plusieurs départements, les plans d’enfouissement et de renforcement des réseaux. La dernière mesure est la révision des conditions d’octroi de la demi-part en faveur des veufs et des veuves. Vous connaissez tous le débat. Si la situation a été améliorée, le problème n’est toujours pas résolu.

En conclusion, le groupe Nouveau Centre votera en faveur de ce projet de loi. Face à la crise, c’est la réactivité qui compte, et ce collectif budgétaire concrétise de nouveaux engagements du Gouvernement pour garantir la justice sociale. Mais il faudra continuer à tenir la dépense, gager toutes les dépenses nouvelles, et ne pas accepter la dérive budgétaire sur les années qui viennent. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

M. Henri Emmanuelli. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Monsieur le président, j’ai une question à poser, mais seulement si Mme Lagarde n’est pas parmi nous lors de la prochaine séance.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Je serai là.

M. Henri Emmanuelli. Fort bien. Je remets mon intervention à la prochaine séance pour ne pas allonger davantage nos débats.

5

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)