Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 6 mai 2009

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Alain Néri

. Protection de la création sur Internet

Discussion des articles (suite)

Rappels au règlement

M. Jean-Pierre Brard

M. Patrick Bloche

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Mme Martine Billard

M. Philippe Gosselin

M. Jean-Pierre Brard

M. Patrick Bloche

Suspension et reprise de la séance

Rappels au règlement

M. Christian Paul

M. Jean Dionis du Séjour

Mme Christine Albanel, ministre de la culture

M. Frédéric Lefebvre

Article 2 (suite)

Amendements nos 25, 105 rectifié, 75, 128, 76, 106, 107, 26, 129, 108, 209, 27, 150, 109, 110, 211, 111, 112, 12, 210

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Brard

Article 2 (suite)

Amendement no 113

Rappel au règlement

M. Christian Paul

Article 2 (suite)

Amendements nos 13, 151, 114, 203, 200, 201, 116, 14, 115, 15, 160, 161, 16

Rappel au règlement

Mme Martine Billard

Article 2 (suite)

Amendements nos 162, 163, 164, 213, 165, 166, 167, 117, 168, 169, 119, 17, 170, 120, 18, 171, 172, 19, 173, 121, 20, 21, 174, 125, 196, 214, 22

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Alain Néri,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Protection de la création sur Internet

Suite de la discussion, en nouvelle lecture, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet (n° 1626).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant aux amendements identiques nos 25 et 105 rectifié à l’article 2.

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, madame la ministre de la culture et de la communication, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, si j’ai demandé ce rappel au règlement, en vertu de l’alinéa 1 de l’article 58, c’est qu’un événement extrêmement important est intervenu aujourd’hui : le Parlement européen a adopté, pour la troisième fois et à une majorité écrasante – bien que l’UMP n’y soit pas majoritaire –, par 407 voix contre 57 et 171 abstentions, un texte anti-HADOPI aux termes sont dénués de toute ambiguïté puisqu’il interdit toute coupure arbitraire de connexion Internet sans décision d’un juge.

M. Patrick Roy. Ah, ah !

M. Jean-Pierre Brard. Mme Viviane Reding, la commissaire européenne – qui a donc rang de ministre dans l’Union – a immédiatement réagi à ce vote en rappelant que l’ensemble du « paquet télécoms » avait été validé à l’exception de ce fameux amendement 138 bloqué par le Conseil. Que dit Mme Reding ? « J’appelle le Conseil à traiter la situation très prudemment, en gardant en tête l’importance de la réforme des télécoms pour le secteur et pour la relance de l’économie européenne. » En filigrane, que demande-t-elle ? Que le Conseil n’aille pas s’arc-bouter sur une position cousine de celle du Gouvernement français.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je suis persuadé que la raison va triompher et que le débat va enfin pouvoir s’arrêter là où il en est.

Jeudi dernier, le 1er mai, Patrick Bloche et moi étions avec des internautes et des dizaines de milliers de manifestants sur le pavé des rues de Paris. Les internautes nous ont offert cette bouteille « Hadopi », pour nous tous, madame la ministre ! Une cuvée spéciale issue d’excellents cépages du Languedoc ! (Rires sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Roatta. C’est du rosé ?

M. Jean-Pierre Brard. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je suis certain que vous sentez que le moment de l’autocritique est venu. Nous proposons de célébrer avec vous, grâce au vin des internautes, cette victoire remportée au Parlement européen qui vous incite vous-même à retirer votre texte.

M. Franck Reynier. C’est de l’incitation à la débauche !

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur de la commission des lois, chers collègues, je n’aurai sûrement pas la faconde de Jean-Pierre Brard, d’autant que je ne suis pas venu avec une bouteille…

M. Jean-Pierre Brard. C’est moi qui en ai été le dépositaire !

M. Patrick Bloche. Effectivement, mon cher collègue, c’est à vous qu’elle a été confiée.

M. Jean-Pierre Soisson. Mais où est-elle, cette bouteille ?

M. le président. Monsieur Soisson, veuillez regagner votre siège !

M. Jean-Pierre Soisson. Ce que raconte M. Bloche n’a aucun intérêt. Au moins, une bouteille, cela a un autre charme ! (Rires.)

M. Dominique Tian et M. Didier Mathus. Ce n’est pas du Chablis !

M. le président. Allez vous asseoir, monsieur Soisson !

M. Jean-Pierre Soisson. Si ce n’est pas du Chablis… Allons, du sérieux, les gamins ! (Rires.)

M. le président. Monsieur Bloche, reprenez votre exposé.

M. Patrick Bloche. C’est un début de séance de nuit, monsieur le président : chacun va rapidement retrouver et ses esprits et sa place dans l’hémicycle… Je suis désolé de casser une telle ambiance, mais vous me permettrez d’être sérieux un instant, car le moment l’est ; il est même un peu solennel.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Oh !

M. Patrick Bloche. Légiférer pour rien est sans doute ce qu’il y a de plus désagréable pour un parlementaire…

M. Jean Roatta. Quelle comédien !

M. Patrick Bloche. …en premier lieu, on s’en doute, pour les parlementaires de la majorité (Protestations sur les bancs du groupe UMP) présents pour voter les lois de leur Gouvernement, mais également, avouons-le, pour les députés de l’opposition.

Pourtant, ce soir, en reprenant la séance sur ce projet de loi, nous allons examiner des amendements qui se rapportent à un texte parfaitement inutile.

M. Patrick Roy. Eh oui !

M. Patrick Bloche. En effet, le Parlement européen, avec toute sa légitimité, la plus forte qui soit en démocratie, celle du suffrage universel, nous a montré qu’il refusait ce que précisément vous tentez, non sans efforts et non sans échecs – souvenons-nous du 9 avril – de faire voter dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale.

M. Bernard Deflesselles. Grâce à un amendement cavalier !

M. Patrick Bloche. Les chiffres rappelés par Jean-Pierre Brard sont sans appel : 407 voix pour, 57 contre, 171 abstentions. L’amendement 46, ex-amendement 138, dont l’initiative revient à nos collègues eurodéputés Guy Bono et Daniel Cohn-Bendit, a été adopté et pour la seconde fois. Autrement dit, le Parlement européen a confirmé aujourd’hui le vote qu’il avait émis précédemment.

M. Philippe Gosselin. Il est logique avec lui-même, effectivement !

M. Patrick Bloche. L’amendement voté est court, net, précis, il tombe tel un couperet : « Aucune restriction ne peut être imposée aux droits et libertés fondamentaux des utilisateurs finaux sans décision préalable des autorités judiciaires. »

Nous avons terminé nos débats d’hier nuitamment, à deux heures et demie du matin, après avoir examiné les dispositions de l’article 2 qui traitent précisément de cette sanction que vous avez souhaité introduire dans votre projet de loi, à savoir la suspension de l’accès à Internet. Le démenti du Parlement européen, acquis aujourd’hui à une si large majorité, est une gifle, un déni de ce que vous avez approuvé hier.

Nous connaissons vos arguments, madame la ministre. Vous allez nous dire, une nouvelle fois, que l’accès à Internet n’est pas un droit fondamental, contrairement à ce qu’indique la recommandation de la Commission européenne qui vous a été notifiée avant l’examen de ce projet de loi, et alors même que le rapport Lambrinidis – auquel nous avons fait référence à plusieurs reprises – a démontré que l’accès à Internet est désormais quasiment vital dans tous les instants de la vie quotidienne. Oui, l’accès à Internet est un droit fondamental !

Mme Marie-Christine Dalloz. M. Bloche a dépassé son temps de parole !

M. Jean-Charles Taugourdeau. De combien de temps dispose-t-on pour un rappel au règlement ?

M. Patrick Bloche. Vos récentes déclarations, monsieur le rapporteur, indiquent que vous êtes désormais sur une position défensive, ce que nous comprenons. Maintenant, vous nous expliquez que l’autorité administrative HADOPI est une autorité judiciaire. Encore eût-il fallu que le dispositif proposé prévoie pour les internautes les mêmes garanties que celles dont bénéficie tout citoyen dans une procédure judiciaire !

M. le président. Monsieur Bloche, il faut conclure votre rappel au règlement.

M. Patrick Bloche. Je conclus, monsieur le président, mais ce que je me permets d’exprimer à ce micro est essentiel pour la suite des débats. S’ils faisaient preuve d’un peu de sérieux, les ministres représentant le Gouvernement dans cet hémicycle devraient décider, toutes affaires cessantes, d’interrompre l’examen de ce projet de loi.

M. Jean-Pierre Brard et M. Christian Paul. Eh oui !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Oh !

M. Patrick Bloche. Nous serions alors dans la logique du vote intervenu au Parlement européen aujourd’hui.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, au nom de notre groupe, au nom de l’opposition, je vous demande d’interrompre immédiatement ces débats devenus inutiles.

M. le président. La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.

M. Michel Herbillon. Nous allons enfin entendre une parole raisonnable !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Brard, monsieur Bloche, vous pourrez me donner acte d’une chose : je n’ai jamais varié dans mes déclarations depuis le début.

M. Patrick Roy. Hélas !

M. Jean-Pierre Brard. Errare humanum est, perseverare diabolicum !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Depuis le début, je répète que l’amendement Bono ne me gêne en rien ; tout simplement parce qu’il fait référence à des droits et des libertés fondamentaux. Ce qui explique son adoption : personne n’est contre…

M. Jean-Pierre Brard. Sauf l’UMP !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. En l’espèce, j’ai la très forte conviction que ce projet de loi ne porte, en aucune façon, atteinte à des droits et libertés fondamentaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Roy. Mais si !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Qu’est-ce qu’une liberté fondamentale ? La liberté de croyance, la liberté de conviction, la légalité des peines, le droit de propriété. Ce n’est pas avoir accès à Internet à son domicile ! Ce n’est pas cela une liberté fondamentale ! Cela n’existe dans aucun pays, sinon il serait impossible de vous couper l’accès à Internet lorsque vous ne payez pas !

M. Jacques Myard. Les propos de M. Bloche relèvent du Café du Commerce !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Un travail avait été effectué sur un amendement de compromis. J’avais répété que ce n’était pas crucial, car je ne sentais aucune atteinte aux libertés, mais je souhaitais que cet amendement de compromis soit présenté, parce qu’il aurait permis l’adoption très rapide du « paquet télécoms » qui, du coup, va repartir en Conseil alors qu’il a demandé des mois de travail. C’est extrêmement dommage.

Cet amendement de compromis aurait peut-être pu être défendu avec plus de force par Mme Trautmann qui voulait le présenter avant l’amendement Bono. Finalement, par décision discrétionnaire de la démocrate libérale anglaise qui présidait le Parlement européen, c’est l’amendement Bono qui a été présenté en premier. Je regrette que Mme Trautmann, ancienne ministre de la culture, n’y ait pas mis plus de force. Les positions très courageuses de Catherine Tasca ou de Jack Lang…

M. Philippe Gosselin. Absolument !

M. Bernard Deflesselles. Ils n’ont pas de mots assez durs !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. …montrent qu’il existe une grande mobilisation des ministres de la culture en faveur de la loi.

Encore une fois, je regrette que cet amendement ait été voté. C’est dommage mais pas dangereux : je suis prête à prendre tous les paris sur le fait que ce projet de loi ne comporte aucune atteinte à des libertés fondamentales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Madame la ministre, vous n’avez jamais varié dans vos déclarations concernant l’amendement Bono, c’est indéniable. Reste que vous avez engagé une course de vitesse avec le Parlement européen…

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Une course de lenteur plutôt !

Mme Martine Billard. …en espérant que le compromis, négocié par le Gouvernement français avec Catherine Trautmann, serait voté, ce qui vous aurait permis de dire que la loi HADOPI le respectait.

Face à un vote aussi massif, et pour la seconde fois, malgré les députés français du PPE, peut-être faudrait-il commencer à vous poser des questions ! Même le PPE, groupe auquel appartient votre majorité, ne suit pas les demandes du Gouvernement français ! C’est bien la preuve que le débat dépasse les clivages entre la gauche et la droite françaises, et qu’il porte, depuis le début, sur l’impossibilité de couper l’accès à l’Internet sans une décision de justice.

Vous ne pourrez pas, pour expliquer ce vote massif, prétendre que des députés européens se sont cachés derrière un rideau : leur vote, parfaitement transparent, est un camouflet pour le Gouvernement français. Allez-vous donc enfin, madame la ministre, tirer les conséquences de la volonté majoritaire des parlementaires européens ?

M. Philippe Gosselin. Ben voyons !

Mme Martine Billard. Vous pourriez demander une suspension de séance pour déposer un amendement, comme la procédure vous y autorise, afin de préciser, tout simplement, que la coupure à l’Internet ne peut être décidée que par décision de justice. Votre texte se conformerait ainsi aux deux votes du Parlement européen, ce qui rendrait notre travail plus fructueux.

J’ajoute que le projet de loi sera déposé devant le Conseil constitutionnel ; or sa jurisprudence constante est de prendre en compte les décisions prises au niveau européen. Vous savez bien qu’en l’occurrence, il ne pourra que constater le désaccord entre votre position et celle du Parlement européen.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Le discours de ce soir ne nous étonne pas ; pour tout dire, nous aurions été très déçus qu’on ne nous le serve pas !

M. Patrick Bloche. Je m’en serais voulu de vous décevoir ! (Sourires.)

M. Philippe Gosselin. Il n’a fait que répéter des propos que nous n’avons cessé d’entendre au cours des semaines passées. L’amendement 138, rebaptisé 46, a en effet été adopté à une large majorité, avec les suffrages de membres du PPE : dont acte ; chacun fait ce qu’il veut. Reste que cette majorité, c’est un peu l’alliance de la carpe et du lapin,…

M. Jean-Louis Gagnaire. Allez donc le dire à vos amis à Strasbourg !

M. Philippe Gosselin. …un mariage contre nature entre des dirigistes nostalgiques et des ultralibéraux ; mais là n’est pas le débat.

M. Christian Paul. Vous, vous êtes les archaïques de l’Europe !

M. Jean-Pierre Brard. Les ringards !

Mme Martine Billard. Quand on est minoritaire à ce point, on peut se poser des questions !

M. Philippe Gosselin. Nous répétons avec constance qu’il n’y a pas de problème particulier ; quant à interrompre brutalement nos travaux, répétons que le Parlement français ne reçoit aucune injonction du Parlement européen…

M. Jean-Pierre Brard. Il faudra s’en souvenir en d’autres occasions !

M. Philippe Gosselin. …et pas davantage de l’opposition.

Au reste, ce n’est pas la première fois qu’il faudrait concilier des droits fondamentaux : la Cour de justice des communautés européennes, dans son arrêt Promusicae, l’a déjà montré en laissant aux États une grande latitude pour ce faire. Remarquons également qu’un arrêt du Conseil d’État du 19 février 2008 reconnaît à la CNIL un caractère d’autorité judiciaire, avec toutes les garanties qui l’entourent, en parfaite conformité avec l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Vous pouvez donc rabâcher vos contrevérités, fût-ce à des fins pédagogiques, ce n’est pas pour autant qu’elle deviendront des vérités. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Paul. Monsieur le président, je demande la parole.

M. Jean Dionis du Séjour. Moi aussi, monsieur le président.

M. le président. Chacun a pu s’exprimer et vous aurez l’occasion d’y revenir dans la suite de la discussion sur l’article 2. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

J’appelle les amendements identiques nos 25 et 105 rectifié. (Mêmes mouvements.)

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour défendre l’amendement n° 25. (Mêmes mouvements.)

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, je souhaite faire un rappel au règlement !

M. Christian Paul. Si c’est ainsi, monsieur le président, nous demandons une suspension de séance ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Chantage !

M. le président. Monsieur Paul, vous aurez tout le loisir d’intervenir dans le débat ; laissez, en attendant, M. Brard s’exprimer.

Monsieur Brard, vous avez la parole. (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe SRC. – « Brard ! Brard ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Brard. Je suis très gêné, monsieur le président (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP), et je ne me sens pas capable de défendre mon amendement dans ces conditions. Une suspension de séance a été demandée, qui permettra à chacun, je pense, de réfléchir au déroulement de nos travaux.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

Si vous voulez une suspension de séance, mon cher collègue, dites-le tout de suite : je vous l’accorderai immédiatement.

M. Patrick Bloche. Laissez-moi vous en expliquer la raison, monsieur le président, comme vous le demandez souvent vous-même. En l’occurrence ma demande est fondée sur l’article 58, alinéa 1, de notre règlement.

Nous espérions, compte tenu du coup de tonnerre intervenu à Strasbourg (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Philippe Gosselin. C’est un non-événement !

M. Patrick Bloche. …que M. le rapporteur, M. le président de la commission et Mme la ministre engagent au moins un débat préliminaire.

M. Philippe Gosselin. Nous en sommes déjà à plus de cinquante heures de débats !

M. Patrick Bloche. Leur choix est d’en faire un non-événement, ce qui est à mon avis une erreur politique.

Mme la ministre ne nous ayant pas répondu, nous demandons une suspension de séance.

M. le président. De combien de temps, monsieur Bloche ?

M. Patrick Bloche. Forcément une demi-heure, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vous accorde cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt et une heures cinquante, est reprise à vingt et une heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappels au règlement

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, rappel au règlement !

M. le président. Vous en avez déjà fait un, monsieur Brard.

Je propose de donner la parole à M. Paul, qui nous expliquera le sens de cette suspension de séance ; puis, par souci d’équité entre les groupes, je la passerai à M. Dionis du Séjour, qui l’avait également demandée.

M. Jean Dionis du Séjour. Merci, monsieur le président !

M. le président. Nous poursuivrons ensuite l’examen des amendements.

La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Cette suspension de séance est destinée à vous signifier, madame la ministre, combien l’événement de ce matin nous semble déterminant pour notre débat. Je le dis sans agressivité, et pour éclairer ceux de nos collègues qui n’ont pas forcément suivi de près (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) le vote du Parlement européen ce matin, ce qui est compréhensible s’ils avaient d’autres tâches. La légèreté avec laquelle vous accueillez ce vote ne laisse pas de nous surprendre.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Oh !

M. Christian Paul. Gardons-nous de tourner ce vote en dérision. Patrick Bloche l’a rappelé, l’amendement a été adopté par 407 voix contre 57, autrement dit à une très large majorité, confirmant d’ailleurs des votes antérieurs.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Et 171 abstentions, ne l’oublions pas !

M. Christian Paul. En effet.

Cette situation, madame la ministre, n’autorise pas les paris : elle requiert une analyse politique et juridique. On ne s’en tirera pas davantage avec les déclarations quasi-souverainistes que l’on vient d’entendre, comme si l’Europe n’existait plus. Ne faisons pas comme si notre pays était isolé sur le vieux continent : ce serait un risque supplémentaire dans une affaire où vous en avez déjà pris beaucoup. Je le répète : aucune restriction, de l’avis même du Parlement européen, ne peut être imposée aux droits et libertés fondamentaux des internautes sans décision préalable des autorités judiciaires, c’est-à-dire des tribunaux. Il s’agit donc bel et bien d’un coup de tonnerre dans le ciel déjà peu serein du Parlement français. Les députés européens ont clairement manifesté leur volonté de faire obstacle à votre texte, dont vous n’avez peut-être pas mesuré la portée pour les libertés individuelles.

Reste qu’un point m’étonne, madame la ministre. Si l’amendement 138 de M. Bono porte aussi peu à conséquence que vous le dites, pourquoi le Gouvernement français bloque-t-il à cause de lui, et pour maintenant six mois, le paquet télécoms au niveau européen ?

M. Philippe Gosselin. Vos manœuvres n’y sont pas pour rien !

M. Christian Paul. Ce texte, qui ne concerne pas seulement les droits d’auteur mais aussi la réglementation des télécommunications européennes pour la prochaine décennie, met en jeu des dizaines de milliards d’euros ! Rappelons que la procédure de conciliation ne pourra avoir lieu qu’après les élections européennes : autrement dit, nous venons d’en prendre pour six mois de plus ! Les conséquences de ce retard sur l’activité économique atteindront sans doute plusieurs dizaines de milliards d’euros en Europe. Pourquoi ce blocage, dès lors, s’il est à vous entendre sans conséquences ?

M. Frédéric Lefebvre. À cause de vos petits jeux ridicules !

M. Christian Paul. Accordez-vous donc avec la ministre, monsieur Lefebvre : ou bien l’amendement Bono n’a aucune importance, auquel cas il faut alors adopter le « paquet télécoms » en oubliant la HADOPI, ou bien…

M. Frédéric Lefebvre. Vous ne cessez de vous livrer en permanence à de petits jeux ridicules, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Parlement européen !

M. Christian Paul. Pourquoi ne pas en débattre pour clarifier les choses ?

M. Michel Herbillon. Parce que nous n’approuvons pas toujours les analyses de M. Christian Paul, et nous avons le droit de le dire !

M. Christian Paul. L’amendement Bono fait-il obstacle à la HADOPI ? Oui. La presse européenne tout entière commente aujourd’hui la décision du Parlement européen, estimant qu’il vient de faire obstacle à la HADOPI.

M. Frédéric Lefebvre. Madame Tasca est pourtant d’accord avec nous !

Mme Marie-Josée Roig. Restons-en à nos lois françaises !

M. Christian Paul. La vérité, madame la ministre, c’est que le Gouvernement français est en train de bloquer le « paquet télécoms » pour de longs mois.

M. Frédéric Lefebvre. C’est vous qui bloquez le débat !

M. Christian Paul. Il faut que le Gouvernement cesse de s’opposer à l’amendement Bono au Parlement européen, et qu’il consente, sinon au retrait de son texte, au moins à un long moratoire pour nous permettre de reprendre ce dossier avec sérieux. Sinon, madame la ministre, nous ferons un voyage au bout de l’enfer !

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Christian Paul. HADOPI, c’est fini !

M. Jean Dionis du Séjour. Soyons sérieux, chers collègues de la majorité présidentielle. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Il est difficile de nier que ce qui vient de se produire à Bruxelles concerne notre débat. L’amendement Bono interdit toute coupure de l’accès à Internet sans décision judiciaire.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Pas du tout !

M. Jean Dionis du Séjour. Mais si !

M. Frédéric Lefebvre. Non : c’est ce que vous lui faites dire !

M. Jean Dionis du Séjour. Pendant bien longtemps, nous avons entendu dire dans ces couloirs qu’un amendement allégé serait adopté ; or, ce ne fut pas le cas. Pour la troisième fois, une décision européenne contraire à la loi HADOPI est adoptée.

Bien sûr, on peut estimer que c’est sans gravité. Je pense qu’il faut ouvrir les yeux : une ligne force du droit européen est en train de se tracer qui, un jour, que vous le vouliez ou non, fera l’objet d’un texte – le « paquet télécoms » ou un autre – donnant lieu à une directive, que nous devrons transposer. Une contradiction en découlera, que chacun doit reconnaître au-delà de ses convictions. Le problème est bien réel et nous l’avions signalé.

Je le dis calmement : ce n’est pas la loi HADOPI qui est en cause, mais le choix de la coupure de l’accès à Internet. Les dégâts commencent à se faire nombreux : je pense à la division entre artistes et ayants droit d’un côté et, de l’autre, consommateurs, jeunes et internautes. Par ailleurs, nous avons eu 50 heures de débats laborieux – alors que nous avons sans doute d’autres choses à faire. Le « paquet télécoms » est retardé. Osons le dire : on parle même de menaces de suppression de nos indemnités parlementaires… Cela commence à faire beaucoup pour une seule loi !

M. Christian Paul. Quand on touche au portefeuille…

M. Jean Dionis du Séjour. Et tout cela pourquoi ? Parce que l’on s’obstine dans une impasse – celle de la coupure de l’accès à Internet. Peut-être, en début de soirée, pourrions-nous avoir ce débat sereinement ? Le choix est lourd de conséquences.

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Répétons-le : l’amendement Bono n’évoque absolument pas la suspension de l’accès à internet, mais des droits et des libertés fondamentaux, comme M. Gosselin l’a justement souligné.

M. Christian Paul. Apprenez à lire, à défaut d’apprendre à écouter !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Je précise, monsieur Paul, que le seul élément qui bloque le « paquet télécoms » est précisément l’amendement Bono.

M. Philippe Gosselin. C’est une manipulation !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Cet amendement socialiste n’a d’autre objet que de peser sur notre débat.

M. Philippe Gosselin. C’est l’alliance Bono-Cohn-Bendit !

M. Christian Paul. Le Parlement européen l’a adopté à la majorité !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Je le répète : c’est cet amendement qui bloque aujourd’hui le « paquet télécoms », et je le regrette ! J’observe d’ailleurs qu’il a été rejeté par les vingt-sept États membres en Conseil des ministres.

M. Patrick Bloche. Ils n’ont pas voté ! Ce n’est pas comme cela que les choses se passent ! Êtes-vous donc sourde ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Je vous prie de me parler avec respect, monsieur Bloche. Cet amendement a été rejeté par les vingt-sept États membres : c’est un fait ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Paul. Le Parlement européen émane du suffrage universel !

M. Philippe Gosselin. Vous méconnaissez le processus de codécision !

M. Frédéric Lefebvre. Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président. Vous insistez vraiment ?

La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Juste un mot, monsieur le président : je crois qu’il est temps d’entrer dans la discussion des articles. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.) L’opération menée par la bande à Bono, que vous représentez aujourd’hui, chers collègues…

M. Patrick Bloche. Un peu de respect pour M. Guy Bono !

M. Frédéric Lefebvre. Cette bande est composée d’un certain nombre d’élus socialistes, qui ont décidé d’ignorer le message que leur délivrent leurs collègues…

Mme Martine Billard. Seuls 10 % d’entre eux ont voté contre !

M. Frédéric Lefebvre. Je pense à Mme Tasca, par exemple.

Mme Martine Billard. Vous êtes mauvais !

M. Frédéric Lefebvre. Ce message est aussi celui des artistes de ce pays.

M. Patrick Bloche. Zéro !

M. Philippe Gosselin. Deux – et non zéro – ministres de la culture le confirment pourtant !

M. Frédéric Lefebvre. Au fond, vous tentez de prendre le « paquet télécoms » en otage, et vous avez tort !

M. Patrick Bloche. Au secours !

M. Didier Mathus. La mafia, ça suffit !

M. Frédéric Lefebvre. Ce faisant, vous ne rendez service ni aux télécoms, ni au monde de la culture. En réalité, c’est le parti socialiste qui, de bout en bout, au Parlement européen comme dans cet hémicycle, cherche à empêcher l’adoption d’un texte qui protège le monde de la culture.

MM. Christian Paul et Patrick Bloche. Personne ne vous croit !

M. Christian Eckert. Relisez vos mails !

M. Frédéric Lefebvre. Or, je vous le répète : l’exception culturelle française est née en son temps parce que la France a su se dresser contre les autres.

M. Jean-Louis Gagnaire. Grâce à nous !

M. Christian Paul. Grâce à la gauche ! Vous n’étiez pas là à l’époque !

M. Frédéric Lefebvre. Si nous avons aujourd’hui un cinéma vivant, une scène musicale vivante, ce n’est que pour cette raison ! Énervez-vous si vous le souhaitez, monsieur Paul, cela n’y changera rien.

M. Philippe Gosselin. Aujourd’hui, nous sommes au pouvoir !

M. Frédéric Lefebvre. Chacun sait que l’amendement Bono, comme vous le présentez, ne gêne en rien au plan juridique, l’application de cette loi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Bloche. Pourquoi M. Sarkozy a-t-il donc tenté d’empêcher son adoption en écrivant à la Commission européenne ?

M. Frédéric Lefebvre. L’interprétation que MM. Bloche, Paul et d’autres s’efforcent de faire de cet amendement…

M. Patrick Bloche. Vous êtes grotesque !

M. Frédéric Lefebvre. …a pour unique objet d’en faire un obstacle à l’application de la loi française ; ce faisant, vous ne cessez de compliquer la situation, au point que Mme Trautmann ne savait plus ce qu’elle devait faire.

M. Patrick Bloche. Elle a voté l’amendement Bono !

M. Frédéric Lefebvre. Vous portez donc une grave responsabilité depuis le début de ce débat.

M. Christian Paul. Et nous en rendrons compte au peuple bien plutôt qu’à vous !

M. Frédéric Lefebvre. Ainsi, vous provoquez le trouble dans ce débat comme au Parlement européen.

Il est donc temps, monsieur le président, que nous entrions dans la discussion des amendements.

M. Patrick Bloche. Vous n’êtes pas le président de séance !

M. Frédéric Lefebvre. Il y va de l’intérêt des uns et des autres.

M. Patrick Bloche. Vous n’êtes qu’un député parmi 577 !

M. Frédéric Lefebvre. Calmez-vous, monsieur Bloche. Vous avez eu tout à l’heure des propos et une attitude injurieuse envers la ministre. Vous n’avez pas à vous comporter comme vous l’avez fait à l’instant à l’égard de Mme Albanel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Le respect s’impose, monsieur Bloche !

M. Patrick Bloche. Du respect pour l’ensemble des députés de la majorité, j’en ai ; pour vous, certainement pas !

Mme Martine Billard. Ce n’est pas à vous de faire la loi dans l’Assemblée, monsieur Lefebvre !

M. Lionel Tardy. J’aurais également souhaité m’exprimer, monsieur le président !

M. le président. Non. La majorité et l’opposition se sont exprimées. Je vous propose de passer à la discussion des amendements.

Article 2 (suite)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 25 et 105 rectifié.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l’amendement n° 25.

M. Philippe Gosselin. Enfin !

M. Jean-Pierre Brard. Calmez-vous, monsieur Gosselin : vous sécrétez trop d’adrénaline.

M. Philippe Gosselin. Je m’impatientais de vous entendre !

M. Jean-Pierre Brard. C’est très aimable à vous, je vous remercie. Il est vrai qu’après l’intervention de M. Lefebvre, la mienne va vous changer !

Vous nous avez dit beaucoup de choses, madame la ministre, mais le débat ne peut pas être découpé en rondelles. Ainsi, vous avez affirmé que l’amendement Bono porte en fait sur les libertés : tout le monde est favorable aux libertés ! Sans doute est-ce pour cela que les députés européens issus de l’UMP ont voté contre !

M. Philippe Gosselin. C’est vous qui nous nous donnez des leçons de liberté ?

M. Jean-Pierre Brard. Calmez-vous donc, monsieur Gosselin : à votre âge, l’énervement n’est pas recommandé !

M. Philippe Gosselin. Il est vrai qu’en matière de liberté, votre expérience est certainement plus longue que la mienne !

M. Jean-Pierre Brard. Restons-en au texte, et au texte seul, madame la ministre, sans oser d’aventureuses exégèses.

Les amendements adoptés par le Parlement européen ajoutent un paragraphe 22 bis à la proposition de résolution jointe au rapport de M. Bono.

M. Franck Riester, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Nous ne sommes toujours pas dans la discussion des amendements !

M. Jean-Pierre Brard. Ce paragraphe « engage la commission et les États membres à reconnaître qu’Internet est une vaste plate-forme pour l’expression culturelle, l’accès à la connaissance et la participation démocratique à la créativité européenne, créant des ponts entre générations dans la société de l’information, et, par conséquent, à éviter l’adoption de mesures allant à l’encontre des droits de l’homme, des droits civiques et des principes de proportionnalité, d’efficacité et d’effet dissuasif, telles que l’interruption de l’accès à internet ». Tout est dit ! Comme pour les textes sacrés, madame Albanel, l’essentiel n’est pas dans les exégèses mais dans l’original !

M. Philippe Gosselin. Pensez-vous au Capital ?

M. Jean-Pierre Brard. Je ne suis pas sûr que vous vous aventuriez sur une bonne piste, monsieur Gosselin. Prenez garde que je ne vous interroge publiquement pour vérifier que vous l’avez bien lu !

M. Philippe Gosselin. Me passerez-vous à la question ? Me donnerez-vous le fouet ?

M. Michel Herbillon. Peut-on revenir au débat ?

M. le président. Poursuivez votre propos, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Soit. Le Gouvernement s’entête, il est obstiné, il est autiste, même, et obligé de faire appel à des gens qui, certes, ont joué un rôle dans l’histoire de notre pays et de sa culture – je pense à M. Jack Lang, avec le prix unique du livre. Mais c’était il y a très longtemps ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’était à l’époque où M. Lang produisait des idées en lien avec les préoccupations profondes du pays, et ne faisait pas la révolution un coupe de champagne à la main !

M. Philippe Gosselin. C’était l’époque de l’union de la gauche, et des ministres communistes au Gouvernement !

M. Jean-Pierre Brard. Puisque vous refusez de bouger, nous allons présenter notre amendement. (« Enfin ! » sur les bancs du groupe UMP.)

La procédure de transaction transforme la HADOPI en un procureur spécial. Celle-ci dispose déjà de pouvoirs habituellement dévolus à la seule autorité judicaire, comme l’accès aux données de connexion des fournisseurs d’accès ou la restriction des libertés publiques avec la suspension de l’accès ; voilà que vous nous instaurez une véritable juridiction pénale d’exception ! La transaction proposée est présentée de manière unilatérale, et il n’est même pas fait mention ici des conditions de la négociation.

De plus, les sanctions résultant de la transaction ne diffèrent en rien de la sanction initiale, si ce n’est la réduction de la suspension de deux à un mois. Quel avantage l’abonné aura-t-il à se plier à cette transaction ? Et sur quelle base la Haute autorité pourra-t-elle proposer ou non une telle transaction ? Ainsi, on peut se demander si la transaction sera proposée quand le téléchargement concerne un obscur artiste dont les ayants droit n’ont pas pignon sur rue, alors que la coupure sera sans doute immédiate s’il vient à nuire aux intérêts d’un ayant droit suffisamment puissant.

Même si nous voulons croire à l’impartialité des membres de la commission, il serait plus juste que cela soit inscrit clairement dans la loi ou, à défaut, que cette disposition soit supprimée !

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche pour défendre l’amendement n° 105 rectifié.

M. Patrick Bloche. Continuons donc à légiférer pour rien, et défendons nos amendements. En l’occurrence, cet amendement n° 105 rectifié vise à supprimer les alinéas 96 à 100 de l’article 2. Dès lors que nous avons réclamé la suppression de la sanction ultime, autrement dit la coupure de l’accès à Internet, nous demandons en toute logique la suppression des alinéas qui instaurent une curiosité juridique supplémentaire et accroissent la dimension aléatoire et arbitraire de la HADOPI : la possibilité pour celle-ci de proposer selon son bon vouloir – à la tête du client en quelque sorte – une transaction à l’internaute. Ces dispositions reprennent d’ailleurs fidèlement celles qui concernent la sanction ultime : la coupure de l’accès à Internet.

Nos collègues députés européens ont tenté de stopper la logique à l’œuvre, pour des raisons de divers ordres. Ce qui est passionnant dans le vote intervenu au Parlement européen, c’est qu’il a transcendé les clivages politiques traditionnels au sein de l’institution européenne : 407 voix pour, 57 voix contre. Une énorme majorité d’eurodéputés a décidé qu’Internet avait pris une telle place aujourd’hui dans la vie de nos concitoyens européens qu’en couper l’accès remettait en cause un droit essentiel, fondamental. Nous avons eu l’occasion de vous dire à quel point, pour rechercher un travail, pour effectuer les procédures administratives, pour se cultiver ou accéder à des matières éducatives, Internet était devenu un élément déterminant.

Nous restons, à ce stade du débat, insatisfaits de vos réponses. Vous voulez nous faire croire, madame la ministre, que le vote de l’amendement Bono serait un non-événement et vous répétez qu’il n’a aucun rapport avec notre débat. Expliquez-moi alors pourquoi M. Nicolas Sarkozy, Président de la République française, a pris la plume le 3 octobre 2008 pour écrire à son ami politique M. Barroso…

M. Franck Riester, rapporteur. Monsieur le président, M. Bloche ne défend pas son amendement !

M. Philippe Gosselin. Oui, revenez à votre amendement, monsieur Bloche !

M. Patrick Bloche. …président de la Commission européenne : « Monsieur le président et cher ami, dégagez-moi cet amendement 46 ! Il gêne ma belle loi HADOPI. Je me suis engagé personnellement pour qu’elle soit votée, parce que je veux avoir les people ! »

M. Michel Herbillon. Ce n’est pas le sujet !

M. Patrick Bloche. La réponse de M. Barroso, pourtant ami politique de M. Sarkozy – ils font campagne en ce moment même pour les élections européennes –, a été, tenez-vous bien, une fin de non-recevoir ! Si l’amendement Bono est à ce point extérieur à notre débat, pourquoi Nicolas Sarkozy a-t-il écrit à José Manuel Barroso pour lui demander que l’amendement 46 soit explicitement repoussé ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Défavorable.

Ce projet de loi a d’abord une vertu pédagogique.

M. Patrick Roy. Mais non ! (« Mais si ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Franck Riester, rapporteur. Il vise à expliquer aux internautes qui téléchargent illégalement qu’ils ne respectent pas la loi et qu’il existe aujourd’hui des offres légales leur permettant de télécharger légalement sur Internet tout en respectant les droits des auteurs.

La pédagogie passe notamment par un dispositif de transaction. La transaction est un dispositif adapté qui permet, si l’internaute s’engage à ne plus télécharger illégalement, à moduler la sanction, soit en en l’enjoignant de sécuriser son accès Internet, soit en réduisant la durée de suspension – entre un et trois mois, alors que la sanction classique est de deux mois à un an.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable. La transaction est légitime dès lors qu’elle a été prévue par le Parlement. Cela est déjà le cas notamment pour la HALDE, s’agissant de sanctions pénales.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Pour répondre au Gouvernement, monsieur le président. M. Mathus répondra ensuite à la commission.

M. Didier Mathus. Absolument !

M. le président. Nous verrons bien !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission. Jusqu’à présent, c’est le président qui préside !

M. le président. Monsieur Paul, vous avez la parole.

M. Christian Paul. Monsieur Warsmann, nous avons de longues heures à passer ensemble. (« Hélas ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Chaque événement européen accroît l’intérêt de nos échanges.

M. Michel Herbillon. Je ne vois pas l’intérêt de vos propos !

M. Christian Paul. Abordons sereinement cette soirée, sans cris ni désagréments !

M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Paul !

M. Christian Paul. Je ne me laisse pas interrompre, monsieur le président, mais les députés du groupe UMP sont ce soir particulièrement fébriles (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), sans doute parce qu’ils ont bien capté l’importance de la mauvaise nouvelle qui leur vient de Bruxelles et de Strasbourg. Toutefois, si c’est une mauvaise nouvelle pour leur projet, c’est une bonne nouvelle pour la France, pour la culture et pour les internautes !

M. Michel Herbillon. Les députés socialistes sont particulièrement injurieux ce soir !

M. Sébastien Huyghe. Et ils ne sont pourtant que dix !

M. Christian Paul. Les amendements nos 25 et 105 rectifié proposent la suppression de la sanction par une autorité administrative, autrement dit la suppression de la sanction par la HADOPI. C’est donc la fin de la HADOPI ! Au fond, nous présentons une variante franco-française de l’amendement Bono, voté ce matin à une très large majorité par le Parlement européen.

M. Franck Riester, rapporteur. Monsieur le président, M. Paul ne parle pas de l’amendement n° 105 rectifié !

M. Christian Paul. Car, mes chers collègues, au Parlement européen, on ne se met pas la tête dans le sable ! On sait qu’Internet est en train de changer fondamentalement la vie des gens, tout comme les conditions économiques de la création.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Justement !

M. Christian Paul. Il faut donc trouver des solutions et non pratiquer la politique de l’autruche…

M. Philippe Gosselin. Merci de vos conseils, mais nous ne vous avons pas attendus !

M. Christian Paul. Madame la ministre, votre intervention au début de la séance va beaucoup affaiblir les représentants de la France à Bruxelles. Lorsque notre ambassadeur permanent auprès de l’Union européenne ira dire, demain matin, qu’il ne faut pas adopter le « paquet télécoms » en l’état et qu’il faut bloquer la procédure parce qu’il y va de l’intérêt supérieur de la culture – nul ne doute que tel sera son mandat –, que vont lui répondre les commissaires européens, Mme Reding en tête ? Ils vont brandir les déclarations de Mme Albanel devant le Parlement français. « L’amendement Bono ? Mais votre ministre de la culture a dit hier que cela n’avait aucune importance ! Et c’est pour cela que vous voulez bloquer le paquet télécoms ? »

Qui aura raison ? Mme Albanel, à Paris, ou l’ambassadeur auprès de l’Union européenne, à Bruxelles ?

M. Franck Riester, rapporteur. Cela n’a rien à voir avec l’amendement, monsieur le président !

M. Christian Paul. Vous êtes dans l’incohérence la plus totale. Le piège de la HADOPI se referme.

M. Franck Riester, rapporteur. Oui, sur vous !

M. Christian Paul. Nous avions identifié ce piège depuis longtemps, depuis le début de nos débats.

M. Franck Riester, rapporteur. Ben voyons !

M. Christian Paul. Vous faites passer, aux yeux de l’Europe, la France pour un pays peu sérieux. Je vous demande de vous ressaisir, madame la ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Balayez devant votre porte !

M. Christian Paul. Je demande qu’il y ait une concertation au sein du Gouvernement. Vous ne pouvez pas dire à Paris que l’amendement Bono n’a aucune importance et à Bruxelles qu’il en va de l’intérêt de la culture ! C’est de l’inconséquence et je viens de le démontrer.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Je vais essayer d’éclairer nos débats, faute de quoi, nous allons passer la soirée sur l’amendement Bono ! Il est important d’analyser calmement le vote européen.

M. Franck Riester, rapporteur. On ne parle toujours pas des amendements nos 25 et 105 rectifié !

M. Lionel Tardy. En effet, mais tout à l’heure je n’ai pas eu la parole !

M. le président. Laissez parler M. Tardy !

M. Lionel Tardy. Je me suis renseigné sur différents sites. S’agissant de l’amendement Bono, il semble y avoir deux angles d’attaque. Qui a raison ? Qui a tort ? Nous en débattrons.

M. Franck Riester, rapporteur. Non, on n’en débattra pas !

M. Lionel Tardy. Sommes-nous en présence d’un droit fondamental, comme l’a dit Mme la ministre ? D’autre part, dans quelle mesure la HADOPI pourra-t-elle être assimilée à une autorité judiciaire ? Ce sont des questions, non des certitudes.

Rappelons que lorsque deux actes sont débattus au même moment aux niveaux national et communautaire, il est de bonne conduite de laisser l’acte communautaire être adopté au préalable, afin d’éviter une insécurité juridique puisqu’en cas de contradiction entre les deux droits, c’est le droit national qui devra être modifié. Le Parlement français a certes le droit d’établir de nouvelles règles, à condition toutefois de se conformer au droit européen et en particulier à la Convention européenne des droits de l’homme, base de toute démocratie qui se respecte.

Selon l’article 10 du traité CEE, les États membres ont l’obligation de prendre « toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du présent traité ou résultant des actes des institutions de la Communauté. Ils facilitent à celle-ci l’accomplissement de sa mission ».

Un autre alinéa marque une mesure de sagesse : « les États membres s’abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du présent traité ».

M. Franck Riester, rapporteur. Nous sommes censés parler de la transaction…

M. Lionel Tardy. Enfin, l’article 95 du même traité d’insister pour dire que la santé, la sécurité, la protection de l’environnement, mais aussi la protection des consommateurs font partie des buts prioritaires que doivent poursuivre les instances européennes. En clair, un État membre doit s’abstenir de prendre des mesures contraires aux objectifs européens, allant par exemple dans le sens de la protection du consommateur. Pour reprendre un exemple digne du code de la route, en face de textes contradictoires, il s’opère une règle de priorité, un cédez-le-passage en faveur de l’Europe, qui doit être respecté par tous les États membres.

Voilà où nous en sommes dans ce débat. Si nous avions mis en place l’amende au lieu de la suspension de l’abonnement, le problème serait réglé.

M. Jean Dionis du Séjour. Eh oui !

M. Lionel Tardy. Hier soir, nous n’avons pas fait ce choix et aujourd’hui, nous nous retrouvons dans cette situation…

M. Jean Dionis du Séjour. Situation pathétique !

(Les amendements identiques nos 25 et 105 rectifié ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 75.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Je n’avais pas prévu d’intervenir sur cet amendement, dans la mesure où nous avons déjà débattu de l’amende. Mais le vote du Parlement européen crée une nouvelle donne juridique.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Encore ?

M. Jean Dionis du Séjour. Je vais fait court, monsieur le président Warsmann.

Comme l’a dit Lionel Tardy, nous sommes entrés dans une période d’insécurité juridique. Disons-le tranquillement : un élément de droit européen est contraire à notre projet de loi. Si nous appliquions gentiment le principe de précaution, nous nous donnerions un peu de temps pour voir comment tourne cette affaire sur le plan juridique. En attendant, nous appliquerions en toute tranquillité la riposte graduée, avec le système de l’amende. Non seulement nous pourrions l’appliquer immédiatement, mais cela nous rapporterait de l’argent...

Notre amendement n°75, comme le n°76 qui vient un peu plus loin, n’a d’autre but que d’appliquer le principe de précaution dans une situation d’insécurité juridique, de nous donner un peu de temps pour voir comment cela tourne, en démarrant avec le dispositif de l’amende. Si ce n’est pas de la sagesse… J’ai du mal à comprendre votre entêtement, mes chers collègues. Je ne veux pas abuser de la comparaison avec le Titanic, mais nous avons déjà croisé un iceberg le 9 avril. Aujourd’hui, nous en croisons un autre et la température commence à se rafraîchir sérieusement !

(L’amendement n° 75, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 128.

La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Cette discussion illustre le chemin de croix de la majorité.

Mme Isabelle Vasseur. Ne vous inquiétez pas pour nous !

M. Didier Mathus. Entre la première phase d’élaboration du texte, au mois de janvier, et son arrivée en discussion au Parlement, tous les pays qui, un moment, avaient envisagé l’hypothèse d’une riposte graduée aboutissant à la coupure de la connexion Internet, y ont renoncé les uns après les autres, tous, sans exception ! La France s’est retrouvée, sous l’injonction du Président de la République, la seule à persévérer dans cette voie.

Par ailleurs, je n’insisterai pas, par commisération pour nos collègues, sur l’affront du 9 avril où la majorité n’était pas majoritaire. On se demande pourquoi… Quoi qu’il en soit, elle n’a pas réussi, sans doute parce que nombre de ses membres n’avaient pas envie d’associer leur nom à ce texte !

M. Jean-Louis Gagnaire. Il n’y a pas d’autre raison !

M. Didier Mathus. Aujourd’hui, le Parlement européen condamne par avance le projet de loi français. Vous savez pertinemment, quelles que soient les péripéties, et la pression du Gouvernement français n’a rien pu y faire tant la volonté européenne sur ce point est déterminée : la connexion Internet sera irréversiblement considérée comme un droit fondamental dans les semaines et les mois à venir. Par conséquent, le projet de loi français est d’ores et déjà condamné, inutile et sans effet sur la réalité.

Dans cette situation, nous pourrions espérer que Mme la ministre admette qu’elle s’est peut-être précipitée, que c’était sans doute une mauvaise idée de vouloir voter cette loi dans l’urgence, qu’il faut réfléchir, suspendre ce texte et réunir des états généraux des droits d’auteur à l’ère numérique pour qu’enfin les créateurs puissent toucher une rémunération au titre de l’échange de création sur le Net. Au lieu de cela, elle applique une stratégie…

M. Christian Paul. Une stratégie d’enlisement !

M. Didier Mathus. Notre collègue André Santini, député-maire d’Issy-les-Moulineaux – dont Frédéric Lefebvre est le suppléant – disait : « Quand on conduit une voiture qui va droit dans le mur, il y a deux stratégies : soit on essaie d’éviter l’obstacle, soit on décide de klaxonner ! » C’est ce que fait, ce soir, Mme la ministre : elle a décidé de klaxonner alors que la voiture HADOPI va droit dans le mur !

M. Jean-Pierre Brard. Elle veut que le mur s’écarte…

M. Didier Mathus. Je pense qu’elle ferait mieux de retirer ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Je souhaite verser au débat une déclaration qui fait suite au vote du Parlement européen ce matin. Je vous ai entendu répéter, madame la ministre, avec une belle constance, qu’Internet n’était pas essentiel, n’était pas une liberté fondamentale.

M. Franck Riester, rapporteur. Mme Albanel n’a pas dit cela !

M. Jean-Louis Gagnaire. Si, elle l’a dit !

M. Michel Herbillon. Non, elle ne l’a pas dit !

M. le président. N’interrompez pas M. Paul, cela ne nous fait pas gagner de temps !

M. Christian Paul. Telle est bien sa pensée néanmoins…

M. Franck Riester, rapporteur. Des preuves !

M. Christian Paul. …puisque, selon elle, on peut en supprimer l’accès en dehors du contrôle du juge.

Depuis le début, vous n’avez pas su raison garder, mes chers collègues. Il fallait rechercher un équilibre juste…

M. Michel Herbillon. C’est cela, nous allons prendre des leçons auprès de vous !

M. Christian Paul. …entre deux catégories d’intérêts. La première catégorie est celle des créateurs qui ne vivront pas sans rémunération et dont nous considérons les droits comme sacrés.

M. Franck Riester, rapporteur. La preuve…

M. Christian Paul. La seconde rassemble les internautes dont les droits et les libertés sont défendus en ces termes par le Parlement européen – cet extrait devrait vous permettre, madame la ministre, de formuler autrement l’appréciation que vous portez sur l’internet : « l’internet est essentiel pour l’éducation et pour l’exercice pratique de la liberté d’expression et l’accès à l’information. Toute restriction imposée à l’exercice de ces droits fondamentaux devrait être conforme à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »

C’est pour cela que, de façon constante, nous attendons de votre part une prise de conscience sur les conséquences du présent texte.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Justement !

M. Christian Paul. C’est pour cette raison qu’il faudrait interrompre cette interminable discussion, ce fiasco législatif qui n’honore ni le Gouvernement, ni le Parlement ni la France.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Oh ! Quelle honte !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Nos collègues socialistes ont raison de proposer cet amendement visant à supprimer la possibilité de suspendre l’accès à Internet dans le cadre de la transaction. Cela n’est bien sûr pas sans rapport avec le vote du Parlement européen ce matin.

Je reste étonnée par les réactions de nos collègues de l’UMP : seulement 8 % des députés européens ont voté contre l’amendement Bono.

M. Jean-Pierre Soisson. C’est pour cela qu’il faut changer l’Europe !

Mme Martine Billard. Je veux bien que Frédéric Lefebvre nous explique qu’il s’agit d’une manœuvre des socialistes français mais, franchement, quel est leur poids au sein du Parlement européen ?

M. Patrice Verchère. Ils étaient derrière le rideau !

Mme Martine Billard. Si, à eux seuls, les socialistes français parviennent à faire en sorte que seulement 8 % des députés européens votent contre l’amendement en question, vous devriez en prendre de la graine, chers collègues de la majorité !

M. Gosselin nous a expliqué que le Parlement français n’avait pas à recevoir d’injonction du Parlement européen.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. C’est le principe de subsidiarité !

Mme Martine Billard. Certes, monsieur le président de la commission des lois, mais je n’ai cru à aucun moment vous entendre, ni M. Gosselin, remettre en cause le fait que la France appartienne à l’Union des vingt-sept.

M. Philippe Gosselin. Évidemment !

Mme Martine Billard. Évidemment ! Et donc vous savez que les textes européens s’imposent au droit français…

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Dans le respect du principe de subsidiarité !

Mme Martine Billard. …dans le respect du principe de subsidiarité, certes, monsieur le président de la commission des lois ; mais, en l’occurrence, si ce texte est définitivement voté, il s’imposera au Parlement français.

M. Jean-Pierre Soisson. Nous ne sommes pas aux ordres du Parlement européen, vous le savez bien !

Mme Martine Billard. Nous en sommes tout de même au second vote très largement positif du Parlement européen sur cet amendement. Vous pouvez donc toujours vous dire que le bateau va pouvoir continuer à foncer sans jamais rencontrer d’iceberg, pour citer notre collègue Jean Dionis du Séjour, mais il faudra tout de même bien vous convertir rapidement si vous ne voulez pas vous heurter à la réalité.

M. Jean Dionis du Séjour. La température se rafraîchit, je l’ai dit !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Merci, madame Billard !

Mme Martine Billard. Nous sommes tout de même en pleine pré-campagne pour les élections européennes…

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Ah !

M. Philippe Gosselin. Et pour la journée de l’Europe le 9 mai !

Mme Martine Billard. …et je trouve un peu surprenantes certaines remarques qui laissent à penser qu’on se moque du Parlement européen et que seul importe ce que nous décidons ici.

M. Philippe Gosselin. Vos interprétations sont tendancieuses, madame Billard !

(L’amendement n° 128 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 76.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Il est défendu.

(L’amendement n° 76, repoussé par la commission et Le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M le président. Je suis saisi d’un amendement n°106.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Mme Viviane Reding, commissaire européenne chargée du paquet télécoms – autrement dit, ce n’est pas n’importe qui –, a déclaré récemment, notamment à la suite du premier vote du Parlement européen sur l’amendement Bono, qu’« en tout état de cause, les instances européennes ne doivent pas se laisser instrumentaliser pour obtenir le cautionnement d’un modèle spécifiquement national, à l’échelle communautaire » – et c’est une déclaration écrite, non un propos tenu à la légère.

Non seulement l’amendement Bono a été voté par le Parlement européen, mais lorsque Nicolas Sarkozy a écrit à José Manuel Barroso pour lui demander que la Commission européenne s’oppose à cet amendement, il s’est heurté à une fin de non-recevoir. Et Mme Reding vise non seulement le Parlement, fort de la légitimité du suffrage universel, mais aussi la Commission lorsqu’elle les enjoint de ne pas se laisser instrumentaliser pour obtenir le cautionnement d’un modèle spécifiquement national à l’échelle communautaire.

Ce texte est très important car, tôt ou tard, les dispositions de l’amendement Bono s’appliqueront et nous serons amenés, en tant que parlementaires français, à transposer dans notre droit interne une règle qui sera désormais communautaire. L’espérance de vie de la loi HADOPI est comptée depuis le vote du Parlement européen ce matin !

M. Patrick Roy. cette loi est mort-née.

M. Christian Paul. C’est fini, HADOPI !

M. Patrick Bloche. Le plus grand risque est donc qu’avant même qu’elle puisse s’appliquer – vous savez combien il faudra lever d’obstacles techniques pour cela –, une règle communautaire la balaie pour l’envoyer aux oubliettes d’une histoire législative qui sanctionne toujours celles et ceux qui ne veulent pas prendre en compte la réalité.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Merci, monsieur Bloche !

M. Patrick Bloche. C’est dans cet esprit que nous avons déposé l’amendement n° 106 qui rappelle un principe que vous semblez avoir oublié trop souvent au cours de l’examen de ce texte, un principe pourtant de valeur constitutionnelle pourtant : le principe d’égalité des citoyens devant la loi.

Si nous voulons que ce principe d’égalité soit respecté, à partir du moment où l’on fixe un délai – ce qui est le cas dans l’alinéa 99 –, il faut qu’il soit le même pour tout le monde.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Bien, merci, monsieur Bloche !

M. Patrick Bloche. Or l’article 2 du présent texte met en place un dispositif répressif et disproportionné, tout le laissant des marges de manœuvres disproportionnées à la HADOPI qui ne sera, après tout, qu’une autorité administrative dont l’activité imposera l’arbitraire. Nous voulons donc que la loi prévoie un délai précis, le même pour tous nos concitoyens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Léonard.

M. Jean-Louis Léonard. Je suis surpris que nos amis socialistes découvrent les droits fondamentaux et se réfugient tout à coup derrière l’un d’eux.

M. Christian Paul. N’importe quoi !

M. Jean-Louis Léonard. L’amendement Bono ne va-t-il pas générer une jurisprudence ? J’imagine que lorsqu’un contrevenant se fait retirer son permis de conduire, on lui retire en même temps un droit fondamental qui est le droit à conduire – or il a contrevenu à la loi.

Mme Martine Billard. Cela n’a rien à voir !

M. Jean-Louis Léonard. Lorsque je ne paie pas ma facture d’eau, mon robinet est coupé ; or l’accès à l’eau est un droit fondamental et l’on ne devrait pas avoir le droit de me la couper alors que j’ai contrevenu à la loi.

M. Jean-Louis Gagnaire. C’est un problème de paiement !

Mme Martine Billard. Si c’est tout ce que vous avez comme exemples !

M. Jean-Louis Léonard. Lorsque je ne paie pas ma facture d’électricité, on me coupe l’électricité alors que c’est un droit fondamental.

Nous allons donc beaucoup trop loin : on se réfugie derrière ce que l’on peut. Reste que le droit fondamental consiste avant tout à respecter la liberté des autres, celle de créer, mais aussi le devoir de payer ce que l’on achète. Il est important de respecter ce droit fondamental : celui de respecter le droit des autres. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Franck Riester, rapporteur. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy. (« Roy, Roy, Roy ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Je vous en prie, ne commencez pas ! (Exclamations.)

M. Christian Paul. S’ils continuent ces cris d’animaux, nous demanderons une suspension de séance !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Des menaces, monsieur Paul ?

M. Christian Paul. Nous ne sommes pas au PSG, à la tribune de Boulogne !.

M. Patrick Roy. Si la majorité veut rapper ou danser le rock’n roll, je suis preneur et je puis vous assurer que, même seul contre tous, vous n’aurez pas le dernier mot. En réponse au rapporteur et à Mme la ministre, je ne peux que reprendre brièvement ce que j’ai dit hier soir.

Comme mes collègues de l’opposition, je suis hostile aux principes qui sous-tendent le projet HADOPI. La majorité, pour sa part, est divisée et certains de ses membres sont favorables à la réponse graduée, expliquant que ce texte devrait être intelligent et au moins applicable, sans quoi il sera mort-né pour les raisons précédemment rappelées.

M. Jean Dionis du Séjour. Sur ce point, il a raison !

M. Patrick Roy. C’est pourquoi je ne comprends décidément pas, ou alors je suis obtus, pourquoi vous n’écoutez pas les arguments de députés comme Jean Dionis du Séjour qui vous suggèrent d’avoir une lecture intelligente.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Un peu de modestie, un peu de respect, monsieur Roy !

M. Patrick Roy. Deuxième réflexion : un couple fait beaucoup de mal aux droits des Européens et donc à l’Europe : le couple Sarkozy-Barroso...

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas comme avec Angela !

M. Patrick Roy. …toujours uni, main dans la main, pour défendre une Europe libérale, pour porter ce mauvais coup aux « Contis » dont on ferme l’usine en France pour renforcer les implantations en Roumanie – jusqu’au jour où on les fermera à nouveau pour les implanter encore plus loin. Ainsi donc, d’ordinaire, lorsque Nicolas Sarkozy s’adresse à son ami Barroso, celui-ci ne lui refuse rien. Seule exception, seule discordance : la loi HADOPI.

M. Jean-Pierre Soisson. Et le vin rosé !

M. Patrick Roy. Voilà qui devrait vous faire réfléchir – mais c’est peut-être difficile si l’on en juge par les coassements que vous émettez collectivement quand l’opposition prend la parole.

Par ailleurs, je me suis longtemps demandé si la ministre était sourde et je finis par le croire.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Je vous en prie !

M. Patrick Roy. Le vote de ce matin au Parlement européen résonne dans tous les pays souverains ; tout le monde l’entend sauf Mme le ministre qui, ensuite, donne ses ordres aux députés de la majorité qui n’ont pour la plupart pas lu le texte. ((Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous faites signe que non, mais si l’on vous interrogeait on verrait bien que vous ne l’avez pas lu.

Ou bien la ministre est sourde…

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Oh !

M. Patrick Roy. …ou bien, plus grave peut-être, ne sait-elle pas lire ; ses propres amis le lui ont rappelé. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Vos propos sont lamentables ; monsieur Roy !

M. Michel Herbillon. Même M. Brottes est gêné par son collègue !

M. Patrick Roy. Ce soir, ses propres amis ont rappelé les conditions des règles européennes et elle refuse de les écouter. (Même mouvement.) Cette loi est mort-née…

M. Serge Poignant. C’est honteux ! Minable !

(L’amendement n° 106 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 107.

La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Un bref retour sur le vote de nos collègues parlementaires européens ce matin. Au lendemain du discours de Nicolas Sarkozy pour lancer la campagne, traiter avec pareille légèreté une décision prise à une majorité aussi massive, c’est leur faire injure.

J’invite les internautes à consulter le site www.deputesgodillots.info où ils ne trouveront pas nos collègues eurodéputés, à l’inverse de certains députés français qui, pour une fois, y sont largement représentés !

M. Patrick Roy. Eh oui !

M. Jean-Louis Gagnaire. Au moins, ils ont résisté à la Commission et n’ont pas cédé au diktat du Conseil européen. Ils ont été véritablement courageux et leur vote massif montre qu’ils ont compris les enjeux, contrairement à certains ici sur les bancs de droite.

Je reviens à l’amendement n° 107. Des personnes morales offrent un libre accès à Internet en installant des bornes Wi-Fi dans des espaces publics. Leurs responsables courent un risque sérieux si ces bornes en libre accès sont utilisées pour le piratage ou même, fût-ce ponctuellement, pour un simple téléchargement illégal. On ne peut remettre en cause cette mise à disposition de tous du réseau Internet au motif que quelques-uns utiliseraient de la sorte ce service public. Aussi convient-il d’exonérer ou de disculper par avance les responsables des personnes morales ayant installé ces réseaux au cas où la Haute autorité considérerait qu’elles sont responsables des téléchargements illégaux. Nous y insistons, car sinon, il ne sera plus possible de disposer d’espaces Internet dans les gares, les aéroports, les hôtels, les universités, les lycées et autres lieux.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Mais c’est faux !

M. Jean-Louis Gagnaire. On touche ici au caractère imprescriptible du droit d’accès à Internet, si utile à tous. C’est pourquoi nous vous demandons de nouveau d’exclure les personnes morales de la liste de ceux qui peuvent être sanctionnés. C’est un amendement de repli, car nous sommes fermement opposés à la suspension d’internet pour l’ensemble des internautes. Mais le problème qui se pose dans le cas des personnes morales est particulier. Enfin, je m’étonne une fois de plus de la ringardise économique dont vous faites preuve dans cette affaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Erhel.

Mme Corinne Erhel. La CNIL, dans son avis sur ce projet, estime qu’au-delà des conséquences économiques et sociales liées à la suspension de l’abonnement Internet d’une entreprise ou d’une collectivité locale, le respect par l’employeur de l’obligation de sécurisation des postes informatiques des employés comporte un risque de surveillance individualisée de l’utilisation d’Internet. Cela exige évidemment de mettre en œuvre des garanties.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Merci.

Mme Corinne Erhel. C’est pourquoi il nous paraît essentiel d’exclure les personnes morales de la liste des personnes dont l’accès Internet peut être suspendu, ne serait-ce que pour prévenir ce risque de surveillance généralisée.

En second lieu, il faudrait quand même vous mettre d’accord. Un collègue a prétendu que l’accès à Internet n’était pas important. Pourtant, dans le plan France numérique 2012, le Gouvernement affirme clairement que l’accès à Internet est une commodité essentielle et enjoint de réfléchir à l’instauration d’un droit universel d’accès. Cet après-midi même, vous parliez d’inclure un volet numérique dans le plan de relance. Soyez donc logiques, et mettez l’ensemble des mesures que vous prenez en conformité avec ce caractère fondamental du droit d’accès à Internet.

(L’amendement n° 107 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 26 et 129.

La parole est à Mme Martine Billard pour défendre l’amendement n° 26.

Mme Martine Billard. L’Assemblée avait voté en première lecture une disposition prévoyant que lorsque la commission de protection des droits « apprécie la gravité des manquements, la commission peut se fonder sur le contenu de l’offre légale lorsque les œuvres et objets protégés concernés ne font plus l’objet d’aucune exploitation sur un réseau de communications électroniques depuis une durée manifestement non conforme aux usages de la profession. » Cette disposition a été supprimée en CMP à l’initiative de Mme Marland-Militello. Nous proposons de la rétablir, d’autant que nous sommes encore dans la partie relative aux transactions. Prenons l’exemple d’un auteur qui s’affilie à la SACEM. Il paye des droits pour diffuser ses propres œuvres sur son site web et ne peut plus le faire qu’en passant par la SACEM. Supposons qu’il veuille récupérer son œuvre sur Internet car il n’en dispose plus autrement : s’il ne le fait pas sur une plate-forme légale, il pourrait être accusé de téléchargement illégal. Nous devons donc trouver le moyen de ne pas exposer à une sanction des auteurs dont la bonne foi est totale.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, pour défendre l’amendement n° 129.

M. Christian Eckert. La suppression de cette disposition adoptée en première lecture montre à quel point vous persistez dans vos erreurs. Elle prévoyait de tenir compte, pour apprécier la gravité des manquements, du fait que les œuvres et objets protégés ne faisaient plus l’objet d’exploitation. C’était au moins ce que M. Gagnaire a appelé une position de repli. Il nous paraît important de la rétablir.

J’en profite pour revenir sur le débat que M. Tardy aurait souhaité ouvrir ; vous n’avez avancé que de bien faibles arguments. Nous sommes à la veille des élections européennes et nous nous devons de mobiliser les électeurs. Comment allez-vous leur expliquer qu’ils doivent aller voter pour élire un parlement européen, alors que vous n’avez de cesse de vous asseoir sur ses recommandations ? Votre obstination ne s’explique que si les ordres sont venus de plus haut.

Enfin, certains ont évoqué les voix diverses et variées qui se sont élevées en faveur de ce texte. Ce qui me frappe, c’est que depuis dix-huit mois, vous avez à trois reprises dans la conduite de vos projets : vous avez trébuché sur les OGM, sur le travail du dimanche – nous y reviendrons – et aujourd’hui sur la loi HADOPI. À chaque fois, c’est parce qu’il y avait des doutes dans vos propres rangs. Et à chaque fois, nous avons été inondés de mails. Je ne peux qu’inviter à nouveau M. Lefebvre à écouter un peu ses électeurs : si vous aviez la patience de lire les centaines de mails que nous recevons sur ce texte comme ce fut le cas pour les deux autres, vous verriez que vous êtes dans l’erreur. Je vous invite donc à voter ces amendements.

(Les amendements identiques nos 26 et 129, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 108.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche. L’amendement 108 dispose qu’un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés fixe les critères et modalités selon lesquels la commission de protection des droits sera amenée à proposer une transaction. Ces critères et modalités, comme tant d’autres dispositions du projet, sont bien flous et nous ne voulons pas laisser à la Haute autorité les marges de manœuvre que lui donne le texte. Dans le plus pur arbitraire, elle pourra décider de couper l’abonnement ou de passer une transaction selon son bon vouloir.

Pour ce qui est des décrets, je vous ai demandé à plusieurs reprises quel était le contenu de ceux qui sont déjà prévus par le projet. Vous nous avez répondu, pas plus tard qu’hier, qu’ils n’étaient pas rédigés.

M. Jean-Louis Gagnaire. Incroyable ! Quelle improvisation !

M. Patrick Bloche. À cette occasion, Jean-Pierre Brard avait pris un exemple…

M. Jean-Pierre Brard. Historique !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Pertinent !

M. Patrick Bloche. …historique en rappelant la démarche exemplaire de Martine Aubry à propos des emplois jeunes, qui nous avait permis de débattre du contenu des décrets en même temps que du projet.

Pourtant, madame la ministre, après la signature des accords de l’Élysée, en novembre 2007 – il y a donc un an et demi – vous déclariez que le dispositif législatif – donc la loi HADOPI – serait présenté au premier trimestre 2008 pour adoption avant l’été 2008. Nous sommes en mai 2009 : on voit qui est la cause du retard que vous mentionnez souvent. Vous déclariez aussi préparer parallèlement les décrets d’application « pour aller vite ». Autrement dit, dès novembre 2007, vous vous apprêtiez à écrire les décrets d’application.

M. le président. Merci, monsieur Bloche.

M. Patrick Bloche. Et voilà qu’en mai 2009, vous nous répondiez qu’ils ne sont pas encore rédigés… Cela donne, pour le moins, motif à s’interroger.

(L’amendement n° 108, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 209.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard pour le défendre.

M. Jean-Pierre Brard. Les réponses du rapporteur et de la ministre sont un peu lapidaires.

Les artistes qui se sont exprimés à la requête de Mme Albanel, Michel Piccoli, Maxime le Forestier, Juliette Gréco, tous gens de qualité, n’ont pas entendu, j’en suis convaincu, l’avis de la CNIL que notre collègue a rappelé tout à l’heure, sur les atteintes aux libertés. Ceux que j’ai cités, en effet, ont témoigné par leurs actes de leur attachement aux libertés. Vous leur avez raconté des salades. Mais si l’on parle beaucoup des artistes, il y a aussi ceux dont on ne parle pas, les majors, qui sont pourtant les seuls bénéficiaires du texte. Je dis aux artistes : lisez le texte, ne croyez pas ce qu’on vous en dit. Faites-vous votre opinion vous-même.

De ce point de vue, le débat reste à faire, puisque vous n’avez pas réglé la question capitale de l’alliance du cheval et de l’alouette : aux majors la grosse monnaie, et aux artistes les piécettes – comme pour ces gens qu’on rencontre dans le métro. Voilà la répartition que vous proposez, et c’est ce dont nous ne voulons pas !

Comme un signe qui anticipe sur le futur, les internautes eux-mêmes ont décidé d’organiser les assises de la création et d’Internet à l’automne prochain : c’est une belle leçon.

M. Christian Paul. Nous y serons !

M. Jean-Pierre Brard. Nous espérons que ces assises seront l’occasion d’une vraie confrontation, et qu’elles permettront de concevoir des propositions.

En première lecture, les députés avaient adopté un amendement ainsi rédigé : « Les contrats portant sur des offres composites mentionnent les parts respectives des différents services dans le prix de l’abonnement. La suspension de l’accès mentionnée aux articles L. 331-25 et L. 336-26 suspend le versement de la part du prix y afférent pendant la durée de la sanction. » De plus, l’alinéa mentionnant que « les frais d’une éventuelle résiliation sont supportés par l’abonné » avait été supprimé.

Par la suite, ces deux dispositions, qui permettaient d’abroger une double peine inacceptable, avaient été supprimées en commission mixte paritaire. La semaine dernière, elles ont été escamotées une seconde fois en commission. Dans cette affaire, madame Marland-Militello, il faut rappeler votre rôle, intrinsèquement pervers, comme on dit au Vatican. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous êtes obsédée par la punition et la répression : le coup de badine ne suffit pas, pendant que vous la tenez dans une main, il vous faut un gourdin dans l’autre !

M. le président. Monsieur Brard, votre temps de parole est écoulé.

M. Jean-Pierre Brard. Le prix de l’abonnement et les frais de résiliation supportés par l’abonné ne seront même pas réorientés vers le soutien à la création. Un de nos collègues évoquait tout à l’heure les coupures d’eau : c’est comme si on coupait l’eau à un utilisateur en continuant à la lui faire payer !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Défavorable.

M. Brard soutient que les artistes sont trompés et que ce projet de loi est liberticide. Je me permets de vous lire ce que Mme Tasca a déclaré cet après-midi à l’AFP (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) : « Les artistes ont raison de se battre. Je comprends qu’ils soient outrés des arguments développés. Ils sont ulcérés de la position prise par certains députés socialistes. »

Mme Marie-Christine Dalloz. Et voilà !

M. Franck Riester, rapporteur. Et d’ajouter : « On raconte n’importe quoi sur la liberté. On en vient à souhaiter une situation qui est ultralibérale. Tout le monde se sert comme il veut, comme il peut, comme si Internet était un espace hors-la-loi. » « L’accusation de texte liberticide, je la vis comme insupportable » a-t-elle conclu.

M. Jean-Pierre Brard. Je vous oppose Lénine !

M. Patrick Bloche. Catherine Tasca est votre bouée de sauvetage !

M. Franck Riester, rapporteur. Ainsi, une ancienne ministre de la culture, comme le sénateur Badinter, qu’on ne peut soupçonner de dérive liberticide, ont voté ce projet de loi en première lecture, comme l’intégralité des sénateurs socialistes. Ils sont tous unanimes pour dire que ce texte n’est pas liberticide.

Pour en revenir à l’amendement, la question du paiement du prix de l’abonnement lorsque ce dernier est suspendu a été discutée lors de la réunion de la commission mixte paritaire. Des sénateurs ont avancé des arguments auxquels la commission a été sensible. Certains députés ont pris au sérieux la thèse d’un risque d’inconstitutionnalité si l’on devait faire supporter par les fournisseurs d’accès une charge dont ils ne seraient pas responsables.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable.

Je rappelle que la suspension n’intervient qu’à l’issue d’un très long processus. Il faut avoir beaucoup piraté, et s’être fait prendre de nombreuses fois. Cela doit concerner des œuvres différentes, sur une très longue période. Ajoutons que le montant en cause est très limité : pour une offre triple play, cela représente sept euros environ pour une suspension d’un mois.

Comme vient de le dire le rapporteur, il me semble donc qu’il serait injuste et sans objet de faire peser sur les FAI un coût et un traitement très complexe, alors même que l’internaute persisterait dans son manquement.

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Monsieur Riester, il est très intéressant de vous entendre citer Mme Tasca ou M. Lang ; pour notre part, nous n’avons pas besoin de lire le journal pour savoir ce que pensent les membres de la majorité qui sont les ennemis de ce projet de loi : ils s’expriment dans cet hémicycle. De notre côté, vous conviendrez que nous avons peu vu M. Lang intervenir dans nos débats…

Mme Laure de La Raudière. Ça, c’est vrai.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Ils ne se respectent même pas entre eux !

M. Jean-Pierre Brard. M. Lang est fatigué… Amorti depuis longtemps !

M. Didier Mathus. Vraisemblablement : ceci explique cela.

M. Patrick Labaune. C’est OK Corral, chez vous !

M. Michel Herbillon. C’est le congrès socialiste de Reims qui continue !

M. Didier Mathus. Monsieur le rapporteur, sur le sujet précis de la double peine, nous sommes un peu navrés de constater qu’alors que, lors de la première lecture, vous aviez mis un peu du vôtre, pour tenter de gommer les aspects les plus condamnables et les moins acceptables de ce texte – l’amendement que vous nous aviez proposé avait été adopté à l’unanimité –, vous avez dû manger votre chapeau, et revenir sur cette disposition.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Le rapporteur n’a rien mangé : il manque d’appétit !

M. Didier Mathus. Nous sommes déçus et consternés car Franck Riester semblait promis à un brillant avenir. Peut-être devrait-il chercher dans le dictionnaire qui était Alexis Godillot ?

M. Jean-Pierre Brard. Si jeune et déjà relaps !

Alexis Godillot, au XIXe siècle fut le fabricant d’un modèle de brodequin militaire à tige haute, utilisé jusqu’à la seconde guerre mondiale.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Tout le monde sait cela, et c’est sans rapport avec l’amendement. On est à la limite de l’obstruction !

M. Didier Mathus. C’est seulement sous la Ve République que, par métonymie, comme l’indique le dictionnaire, l’on utilisa ce terme pour caractériser le comportement de certains députés de la majorité gaulliste.

Je suis désolé de voir que Franck Riester met ses pas dans ceux des godillots, alors qu’on ne peut pas dire que ces derniers ont honoré de la façon la plus vivante le Parlement de cette République.

Mme Marie-Christine Dalloz. Comme si cette intervention vous honorait !

M. Philippe Gosselin. Quelle attaque !

M. le président. La parole est à M. Christian Paul. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Paul. Si les députés de l’UMP veulent bien me le permettre, je voudrais répondre à Mme la ministre. (Mêmes mouvements.)

Madame Albanel, on se souviendra certainement de vous comme de la ministre de la culture qui aura le plus souvent employé le mot « sanction » au sein de l’Assemblée nationale.

Vous avez voulu énumérer la liste des délits et des peines ; pour ma part, je voudrais revenir sur la question de la liberté telle qu’elle a été évoquée ce matin par le Parlement européen.

J’aimerais avoir votre interprétation de l’amendement adopté ce matin par le Parlement européen. À croire certains, l’accès à Internet ne serait pas un droit fondamental. J’en appelle, sans esprit polémique, aux juristes ici présents, j’en appelle à M. Warsmann, président de la commission des lois. Faudra-t-il aller demander au secrétariat général du Gouvernement d’interpréter l’amendement Bono pour en avoir une lecture précise ?

M. Jean-Pierre Soisson. On a déjà compris tout ce que vous vouliez dire sur ce sujet !

M. Didier Mathus. Pourquoi la connexion Internet est-elle considérée comme essentielle ? Parce que la privation d’Internet entraîne des restrictions à des droits ou à des libertés fondamentales. Une décision judiciaire est donc nécessaire parce qu’il s’agit de priver l’internaute de sa liberté d’expression, et de sa liberté d’information. En affirmant que l’accès à Internet ne peut pas être supprimé sans faire appel à un juge, nous défendons ces droits.

Madame la ministre, sur ce sujet, les députés socialistes souhaitent connaître votre interprétation en droit. Il ne s’agit pas de polémiquer, mais de savoir si l’accès à Internet n’est pas aussi l’accès à l’exercice de libertés fondamentales. C’est tout le sujet du débat que nous menons ce soir à partir de la décision prise ce matin avec une très forte majorité par le Parlement européen. J’ai même constaté que M. Joseph Daul, le président du groupe PPE, groupe dont vous vous réclamez, chers collègues de la majorité, n’a pas voté contre l’amendement Bono : il s’est abstenu.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est un malin, Daul !

M. Didier Mathus. Il y a donc eu un vrai débat, et les positions exprimées ont été très majoritairement favorables à l’amendement Bono.

Madame la ministre à défaut d’accepter cet amendement, vous vous devez de l’interpréter correctement.

M. Philippe Gosselin. Commencez par le faire vous-même !

M. Didier Mathus. Inlassablement, ce soir, demain et la semaine prochaine s’il le faut, nous vous poserons la question de l’accès à Internet, et celle de la privation de libertés essentielles que sa coupure risquerait de provoquer.

(L’amendement n° 209 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 27 et 150.

La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre l’amendement n° 27.

Mme Martine Billard. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 102 qui prévoit le maintien du paiement de l’abonnement en cas de coupure de la connexion Internet.

Dans une interview que je lisais dans la presse de ce matin, Pierre Arditi parlait d’une suspension éventuelle de quinze jours. Ou bien Pierre Arditi n’a pas lu le projet de loi, ou bien ceux qui lui en ont parlé se sont bien gardés de lui en décrire exactement le contenu. En effet la suspension n’est pas d’éventuellement quinze jours, mais plutôt de deux mois à un an, ce qui est beaucoup plus long.

Le rapporteur soutient que ce projet de loi n’est pas liberticide, jugeant le terme abusif. Pour ma part, je ne l’ai pas utilisé, et je considère qu’il peut être utile de conserver une certaine hiérarchie. Toutefois, j’aimerais aussi que les opposants à ce texte prennent garde aux termes qu’ils emploient. Je fais référence à des propos de Maxime Le Forestier qui a estimé que « le piratage est une attitude pétainiste », avant d’ajouter : « Les Allemands sont là ou on les laisse. » Peut-être le mot « liberticide » est-il discutable, mais il ne faut pas aller trop loin dans l’autre sens.

Si un certain nombre de députés et de citoyens de ce pays sont en désaccord avec ce projet de loi, c’est qu’ils considèrent, d’une part, que ce texte n’assure pas un équilibre entre le respect des droits d’auteur et la prise en compte de la neutralité du réseau, et qu’ils s’opposent, d’autre part, à la hiérarchie des sanctions. Ces deux points de désaccord ne méritent pas que nous assistions à des dérapages comme celui que je viens de vous citer.

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine s’oppose à la double peine prévue à l’alinéa 102. Nous demandons un scrutin public sur cet amendement.

M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 26, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 150.

M. Lionel Tardy. La question dont nous traitons est très importante. Il s’agit d’une conséquence directe et non prévue du choix de la sanction : la suspension de l’abonnement.

Il faut répéter que si l’on avait choisi l’amende plutôt que la suspension, le problème de la double peine, qui n’avait pas été prévue, ne se poserait pas.

M. Jean Dionis du Séjour. Bravo !

M. Lionel Tardy. Quel est l’historique de cette double peine sur laquelle nous essayons de légiférer ?

Sur proposition de la ministre de la culture, la commission mixte paritaire a adopté un amendement visant à rétablir la double peine pour les abonnés. L’internaute dont l’abonnement sera suspendu devra continuer à payer son accès Internet. Cette décision n’est pas neutre pour ce dernier, dans la mesure où la suspension pourra durer jusqu’à un an. Faites les comptes : suivant le type d’abonnement, cela peut représenter de 150 à 300 euros !

Cette disposition a connu de multiples péripéties. Avalisée par les sénateurs, elle a été rejetée à l’unanimité par l’Assemblée, sur la proposition de Jean Dionis du Séjour, puis réintroduite par la commission mixte paritaire, avant que le texte ne soit rejeté par l’Assemblée. Reconnaissez que cela fait beaucoup !

Ce roman épique s’explique facilement, puisqu’il s’agit là de l’un des points sensibles du dossier HADOPI. En effet, la question fondamentale qu’il faut se poser, mes chers collègues, est la suivante : pourquoi refuse-t-on que nous supprimions la double peine ? Eh bien, parce que cela aurait de rudes conséquences sur le budget de l’État – ce qui n’avait pas été prévu lorsque la suspension de l’abonnement a été préférée à l’amende.

En effet, les FAI seraient potentiellement fondés à se retourner vers les caisses du ministère de la culture pour obtenir le remboursement des sommes non perçues. En toute logique, Free, SFR, Orange ou Numericable n’ont pas à subir la sanction du défaut de sécurisation infligée par la HADOPI. Pour sauver sa tirelire, la ministre a donc tranché : afin de réaliser une juste économie, elle s’accorde une économie de justice sur le dos des abonnés. (Murmures sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Le serpent se mord la queue. Or, si l’on avait choisi l’amende plutôt que la suspension de l’abonnement, le problème ne se poserait pas. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. Philippe Gosselin. N’oubliez pas que vous vous exprimez à l’Assemblée nationale, cher collègue !

M. Lionel Tardy. Je n’attaque personne. Maintenir le paiement de l’abonnement alors même que le service est suspendu constitue une double peine inacceptable. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe SRC.) Dès lors que le contrat est suspendu, l’ensemble des obligations doivent l’être également ; cela me semble logique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Martine Billard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Lorsque j’ai lu le texte du projet de loi pour la première fois, je me suis dit qu’il était juridiquement impossible de voter une telle disposition, tant elle constitue une véritable provocation. Ce type de mesure est en effet absolument interdit par notre code de la consommation, dont l’article L. 121-84 dispose que : « Tout projet de modification des conditions contractuelles de fourniture d’un service de communications électroniques est communiqué par le prestataire au consommateur au moins un mois avant son entrée en vigueur, assorti de l’information selon laquelle ce dernier peut, tant qu’il n’a pas expressément accepté les nouvelles conditions, résilier le contrat sans pénalités […] » Autrement dit, aux termes du code de la consommation, si le FAI coupe son accès à Internet, le consommateur peut résilier le contrat sans pénalités.

Or, l’article 2 du projet de loi précise : « L’article L. 121-84 du code de la consommation n’est pas applicable au cours de la période de suspension. » Mes chers collègues, nous sommes donc en train de voter une loi d’exception. Nous verrons ce qu’en dit le Conseil constitutionnel.

M. Christian Eckert. Nous attendons la réponse de la ministre !

M. Jean Dionis du Séjour. Bien entendu, tout cela a été analysé par les services de Mme la ministre. Alors pourquoi prévoit-on une telle mesure ? Pour le savoir, détaillons la chaîne de responsabilité. Lorsque la HADOPI ordonnera au FAI de couper l’accès à Internet de l’abonné, celui-ci pourra résilier son contrat, moyennant quoi il causera un préjudice au FAI, lequel se retournera alors contre l’État qui, comme l’a très bien expliqué notre collègue Tardy, devra l’indemniser. C’est pour éviter cette indemnisation que le Gouvernement a élaboré une loi d’exception. On ne peut pas accepter cela !

Du reste, lorsque nous avons pris le temps de délibérer entre nous, nous avons supprimé cette disposition à l’unanimité, toutes sensibilités politiques confondues : trente-six voix contre zéro ! Mais les ordres sont arrivés, et avec eux la grande glaciation.

M. Christian Paul. Karoutchi est arrivé !

M. Jean Dionis du Séjour. Puisque l’État n’a pas les moyens de payer le préjudice causé aux FAI, on a décidé de s’asseoir sur les principes. Mes chers collègues, c’est un scandale, une véritable provocation et une énormité juridique ! Je vous conseille de vous tenir à distance de cette affaire-là. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Martine Billard. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Défavorable. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements identiques nos 27 et 150.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 125

Nombre de suffrages exprimés 121

Majorité absolue 61

(Les amendements identiques nos 27 et 150 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 109.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Le moins que l’on puisse dire est que ce vote n’est pas glorieux. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Le 2 avril dernier, c’est-à-dire il y a un peu plus d’un mois, nous avons voté, à l’unanimité, comme l’a très bien rappelé Jean Dionis du Séjour, la suppression de la double peine infligée à l’internaute. Nous avons en effet refusé que celui-ci soit contraint de continuer à payer son abonnement alors que son accès à Internet a été suspendu.

L’amendement n° 109, qui s’inscrit dans la même logique que les deux précédents, vise donc à rétablir le texte voté par l’Assemblée nationale en première lecture. En l’adoptant, nous permettrons à notre assemblée, forte de sa légitimité, de confirmer son vote – qui avait le mérite de rendre cette loi quelque peu compréhensible pour l’internaute – et d’affirmer ainsi son indépendance aussi bien à l’égard de l’autre chambre que du Gouvernement.

Comment pourrez-vous prétendre, si cet amendement n’est pas adopté, que votre texte n’est pas une loi d’exception, puisque vous en arrivez à balayer les principes fondamentaux du code de la consommation ? Vous invoquez souvent, pour justifier votre dispositif, l’exemple de l’abonnement à l’eau ou à l’électricité. Mais lorsque l’on coupe l’eau ou l’électricité à l’un de nos concitoyens, il ne continue pas à payer son abonnement !

Chers collègues, ouvrez au moins les yeux sur ce qui se passe à l’Assemblée nationale. Je citais, hier, Jean-François Copé, selon qui le débat en nouvelle lecture n’a aucune importance, le principal étant que l’on en finisse et, surtout, que l’on fasse plaisir à Nicolas Sarkozy. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Mais j’ai également été très choqué, monsieur Karoutchi – je le dis avec le respect dû à l’homme que vous êtes et à votre fonction – par les déclarations que vous avez faites cet après-midi. Je vous cite : « Le texte va passer après un examen approfondi. Il sera le 14 au Sénat et sera définitivement adopté conforme au Sénat le 14. Il s’appliquera dans les semaines à venir. »

Ainsi, vous décidez d’ores et déjà, au mépris du principe de la séparation de la séparation des pouvoirs, que les sénateurs voteront conforme ce texte le 14 mai. Pourquoi ? Parce que, lors du dernier raout qu’il a organisé avec quelques people à l’Élysée, il y a une dizaine de jours, le Président de la République a décidé que la loi « Création et Internet » serait votée le 14 mai.

Monsieur Karoutchi, vous êtes secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Il est très choquant, compte tenu de votre fonction et de la conception que nous nous faisons de la séparation des pouvoirs, que vous puissiez affirmer aujourd’hui, le 6 mai, que, dans huit jours, le 14 mai, les sénateurs adopteront conforme le projet de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais, pour que le Sénat adopte le texte conforme, il faut faire plaisir aux sénateurs. Voilà pourquoi, mes chers collègues, on vous fait voter, aujourd’hui, le contraire – oui, le contraire ! – de ce que vous avez décidé ici même, le 2 avril, à l’unanimité.

En adoptant l’amendement qui vise à rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, nous assurerons notre souveraineté, notre indépendance, et celle du Sénat !

M. Michel Herbillon. M. Bloche est un éternel donneur de leçons !

(L’amendement n° 109, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 110.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Faites un geste, monsieur Bloche : annoncez qu’il est défendu !

M. Patrick Bloche. Vous aurez remarqué, monsieur le président de la commission des lois, que, lors de la discussion de l’amendement précédent, qui est pourtant essentiel pour nous, nous n’avons pas demandé à répondre à la commission ou au Gouvernement.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. C’est vrai. Il faut dire que les nouveaux arguments avancés au cours de la discussion étaient limités !

M. Patrick Bloche. Vous ne pouvez pas nous reprocher de nous répéter et de recommencer le débat de première lecture, puisque le vote de l’Assemblée est exactement contraire à celui qu’elle avait émis en première lecture. (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Nos arguments, dont vous admettrez qu’ils ont leur pertinence, ne peuvent donc qu’être nouveaux.

L’amendement n° 110 a pour objet de revenir sur cette disposition insensée qui obligerait l’internaute à continuer à payer son abonnement alors que celui-ci est suspendu. Non seulement vous n’avez pas abrogé les dispositions de la loi DADVSI, de sorte que les internautes restent susceptibles d’être sanctionnés pénalement, mais encore vous coupez leur accès à Internet – ce qui nécessite, ainsi que le Parlement européen nous l’a rappelé à une écrasante majorité, une décision préalable des autorités judiciaires, puisqu’il s’agit d’un droit fondamental –, tout en les obligeant à continuer à payer leur abonnement. Vous instaurez ainsi une sorte de triple peine.

Or, nous estimons que rien ne justifie que les abonnés sanctionnés continuent à payer leur abonnement aux fournisseurs d’accès, puisque ceux-ci ne fourniront plus aucune prestation. Il serait en effet inédit que le citoyen consommateur soit contraint de continuer à payer un fournisseur qui ne lui fournit aucune prestation.

Notre amendement vise donc à supprimer cette peine pécuniaire, en précisant que l’abonné peut résilier sans frais son abonnement ou arrêter de verser le prix de son abonnement à Internet. Évitez au moins de placer l’internaute dans cette situation aberrante où il serait contraint et forcé de payer. On n’a jamais vu cela. HADOPI est vraiment une loi d’exception !

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables à l’amendement.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Un abonné qui a été sanctionné peut souhaiter résilier son abonnement pour une raison qui n’a rien à voir avec le téléchargement. Son ordinateur peut tomber en panne, par exemple.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Il peut résilier son abonnement !

Mme Martine Billard. Dans ce cas, il serait surprenant qu’on l’oblige à continuer à payer un abonnement à Internet pendant un an – s’il a téléchargé avec « opiniâtreté » –, alors qu’il n’a plus d’ordinateur et n’a donc plus besoin de connexion à Internet.

Je rappelle, à l’intention de ceux de nos collègues qui établissent des comparaisons avec la fourniture d’eau que, lorsqu’il y a eu des conflits opposant des abonnés à la télévision par câble à leurs opérateurs, les consommateurs qui sont allés en justice pour que soit reconnu leur droit à ne plus régler un abonnement qu’un événement extérieur les obligeait à interrompre, ont toujours obtenu gain de cause.

(L’amendement n° 110 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 211.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je trouve que cette discussion est un peu déprimante…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Ça, c’est vrai !

M. Jean-Pierre Brard. Voilà au moins un point sur lequel nous sommes d’accord, monsieur le secrétaire d’État.

Je vois néanmoins un motif de satisfaction : ce débat nous aura au moins permis de croiser certains collègues que l’on ne voit jamais d’ordinaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Bérengère Poletti. Il faut venir plus souvent, monsieur Brard !

M. Serge Poignant. C’est inadmissible !

Mme Laure de La Raudière. Incroyable !

M. Jean-Pierre Brard. Je ne parle pas de vous, monsieur Poignant, ni de vous, madame de La Raudière, je sais que vous êtes là régulièrement. Mais j’ai tout de même été obligé, aujourd’hui, de recourir plusieurs fois au trombinoscope pour identifier certains de nos collègues.

M. Michel Herbillon. On ne risque pas d’en avoir besoin avec l’opposition : vous n’êtes que sept !

M. le président. Allons, monsieur Herbillon !

M. Jean-Pierre Brard. Madame la ministre, faire payer quelqu’un pour un service qui n’existe plus, obtenir un avantage sans contrepartie, il me semble bien que cela s’appelle, en droit, de la concussion.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Non, cela n’a rien à voir !

M. Jean-Pierre Brard. Comme notre collègue Lionel Tardy l’a très bien dit tout à l’heure, certains pourraient être obligés de payer, après la suspension de leur abonnement, une somme atteignant 300 euros par an.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Ils ne sont pas obligés de télécharger !

M. Jean-Pierre Brard. Bien sûr ! Pour vous, les gens modestes n’ont pas besoin d’avoir un ordinateur ! Ils doivent se contenter d’aller travailler comme des malades, puis de se coucher après une maigre soupe ! C’est comme ça que vous voyez les gens simples : ils ne doivent vivre que pour travailler et pour enrichir les gens que vous représentez ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Figurez-vous une famille de trois enfants. Le père travaille en usine, où il gagne le SMIC, tandis que la mère garde deux enfants.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous nous faites la lecture des Misérables ?

Mme Marie-Josée Roig. C’est du Zola !

M. Jean-Pierre Brard. Leur fils aîné, âgé de dix-huit ans, télécharge sans en informer ses parents,…

M. Jean-Charles Taugourdeau. Et sans payer !

M. Jean-Pierre Brard. …ce qui finit par entraîner la suspension de l’abonnement familial à Internet. La mère, qui s’en sert pour correspondre régulièrement avec les mamans des deux enfants qu’elle garde, se trouve privée du jour au lendemain du moyen qu’elle utilisait pour donner des nouvelles de leurs enfants aux deux mamans occupées toute la journée au bureau.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Allez, ça suffit !

M. Jean-Pierre Brard. Je suis persuadé, madame Albanel, que vous n’avez pas attiré l’attention de M. Piccoli sur ces aspects de la loi. M. Piccoli se rend-il compte de ce que représentent 300 euros pour une famille modeste ? Lui a-t-on dit, lorsqu’on lui a demandé de soutenir le Gouvernement et le projet HADOPI, que cela aurait pour conséquence d’obliger des gens qui n’en peuvent déjà plus à se serrer encore un peu plus la ceinture ? Je vois que cette image fait sourire M. Karoutchi…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Allons !

M. Jean-Pierre Brard. Pour ma part, cela me fait penser à une scène du Cuirassé Potemkine d’Eisenstein (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), quand, après le massacre sur les escaliers d’Odessa, une bourgeoise vient toiser avec mépris les cadavres des révolutionnaires exécutés, qui ont eu le seul tort de se lever pour défendre la liberté. Nous tenons aujourd’hui le rôle des révolutionnaires, nous qui défendons les libertés et les pauvres gens.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Ça suffit, monsieur le président ! Nous ne sommes pas au théâtre !

Mme Muriel Marland-Militello. C’est n’importe quoi !

M. Jean-Pierre Brard. Vous me semblez être peu qualifiée, madame Marland-Militello, pour partager notre compétence sur ce registre. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

(L’amendement n° 211, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 111.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Si la majorité de cette assemblée, qui vote exactement le contraire de ce qu’elle a voté à l’unanimité il y a un peu plus d’un mois, s’entête…

M. Jean-Pierre Brard. Et s’enferre !

M. Patrick Bloche. …au sujet de d’alinéa 102 de l’article 2 du projet de loi, nous lui proposons de se racheter des injustices dont elle se rend coupable en accomplissant une bonne action culturelle. Mais peut-être les accords de l’Élysée comportent-ils des clauses secrètes ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Oh la la !

M. Patrick Bloche. Madame la ministre, soyez assez sincère pour informer l’Assemblée nationale : les accords de l’Élysée ne prévoiraient-ils pas, par hasard, qu’en contrepartie des dispositions contenues dans la loi HADOPI, les fournisseurs d’accès à Internet se verront dédommagés par l’obligation faite à l’internaute de continuer à payer son abonnement alors même que la connexion a été suspendue ? S’il existe un tel deal, au moins, dites-le nous, afin de nous rendre plus intelligents et mieux informés – ce qui est l’objet d’un débat parlementaire.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Plus intelligents, ce n’est pas gagné !

M. Patrick Bloche. En l’absence d’un tel accord, faites donc une bonne action culturelle ! Avouez qu’il y a quelque injustice, à tout le moins quelque incohérence, dans un dispositif obligeant à payer pour un service qui n’est plus rendu – surtout que les fournisseurs d’accès à Internet ne sont pas vraiment des PME en proie aux difficultés de fins de mois ! Les FAI ont les reins solides, nous le savons, et il n’est en rien justifié que les sommes correspondant aux abonnements suspendus continuent à remplir leurs poches. Cette idée est d’autant plus insupportable dans le contexte de crise économique, financière et sociale que nous traversons, où l’on demande à tant de nos concitoyens de se serrer la ceinture.

C’est la raison pour laquelle nous proposons, si vous maintenez le fait que l’internaute soit obligé de continuer à payer son abonnement alors que sa connexion est suspendue, qu’au moins le coût de l’abonnement n’aille pas dans les poches des fournisseurs d’accès, mais serve à financer la création. Notre proposition visant à instaurer un fonds de la création, abondé par les sommes correspondantes, a malheureusement été déclarée irrecevable au titre de l’article 40.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Bon, ça suffit !

M. Patrick Bloche. Mais acceptez au moins cet amendement, qui permettra d’éviter ce qui n’est pas acceptable dans la période actuelle et servira à financer la création au lieu d’enrichir un peu plus les fournisseurs d’accès à Internet.

(L’amendement n° 111, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 112.

La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Certains aspects du dispositif proposé nous conduisent, comme l’a dit M. Bloche, à nous interroger sur ce qui peut bien lier le Gouvernement aux fournisseurs d’accès. On ne nous fera pas croire, par exemple, que la question de la quatrième licence a été traitée de manière indépendante de ce qui est contenu dans ce projet de loi.

Notre amendement n° 112 vise à supprimer la dernière phrase de l’alinéa 102 selon laquelle « l’article L. 121-84 du code de la consommation n’est pas applicable au cours de la période de suspension ».

L’article L. 121-84 contient en effet un certain nombre de garanties pour les consommateurs dans la mesure où il dispose que : « Tout projet de modification des conditions contractuelles de fourniture d’un service de communications électroniques est communiqué par le prestataire au consommateur au moins un mois avant son entrée en vigueur, assorti de l’information selon laquelle ce dernier peut, tant qu’il n’a pas expressément accepté les nouvelles conditions, résilier le contrat sans pénalité de résiliation et sans droit à dédommagement, jusque dans un délai de quatre mois après l’entrée en vigueur de la modification. »

Vous conviendrez, mes chers collègues, qu’il est plutôt surprenant de vouloir exonérer les fournisseurs d’accès de cette disposition du code de la consommation, qui constitue une garantie élémentaire pour l’abonné à Internet. Pour quelle raison veut-on à tout prix supprimer jusqu’à cette garantie et aboutir à une situation où non seulement l’abonné devra continuer à payer au FAI une connexion dont il ne bénéficiera plus, mais où, de plus, le FAI pourra modifier unilatéralement le contrat sans prévenir le consommateur ? Je ne caricature pas, puisque je ne fais que lire ce qui est écrit. La question à se poser est de savoir pourquoi on a écrit une telle chose dans la loi, et j’espère que Mme la ministre nous l’expliquera, car cela nous paraît fort mystérieux.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Allez, c’est terminé !

M. Didier Mathus. Soit il s’agit d’une erreur, qu’il suffit de retirer, soit il existe vraiment des clauses non écrites au bénéfice des fournisseurs d’accès, qui avaient pour but de les amener à signer les fameux accords unilatéraux de l’Élysée auxquels, je le rappelle, étaient associés les industriels, mais pas les consommateurs.

(L’amendement n° 112, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 12.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Nous avons un problème, monsieur le président. Alors que M. Mathus a exposé une argumentation fort convaincante, le rapporteur et la ministre ont perdu la voix au moment de lui répondre – peut-être cela préfigure-t-il les voix que la majorité finira par perdre, à force de ne pas écouter les électeurs ! (Rires sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous devriez y réfléchir, chers collègues de l’UMP : vous voir jouer ici le rôle de sentinelles muettes, qui se contentent de lever la main de temps en temps sans jamais formuler le début d’une idée (Protestations sur les bancs du groupe UMP), même pas pour défendre les majors que vous êtes censés représenter, finit par être choquant.

Si je souhaite, monsieur le président, que la discussion avance un peu plus vite, encore faudrait-il que les amendements nouveaux par rapport à ceux que nous avons déjà vus précédemment fassent l’objet de commentaires de la part du rapporteur et de la ministre, afin de permettre aux personnes qui nous regardent de comprendre pourquoi le Gouvernement s’acharne à pénaliser ainsi les internautes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je rejoins les propos de notre collègue Brard. Si nous parlions de dispositions déjà votées en première lecture par l’Assemblée nationale, nous pourrions éventuellement comprendre que le rapporteur et la ministre se contentent de dire « défavorable ». Mais il s’agit d’une nouvelle lecture – pour des raisons que je n’ai pas besoin de vous rappeler – …

M. Jean-Pierre Brard. Ce serait cruel !

M. Patrick Bloche. …et nous sommes en train de voter des dispositions exactement inverses de ce que nous avons voté en première lecture.

M. Franck Riester, rapporteur. On vous a déjà expliqué, monsieur Bloche !

M. Patrick Bloche. J’entends encore Mme Albanel nous expliquer de façon hésitante que, dans une offre triple play – téléphone, télévision, Internet – à un peu moins de trente euros, la part de l’abonnement à Internet représente entre sept et dix euros, sept euros paraissant constituer une estimation acceptable. Devant une telle imprécision, je m’étais permis de dire que cela faisait penser à des calculs d’épicier, ce que vous aviez mal pris, madame la ministre. Je retire ces propos, mais je ne peux m’empêcher de me souvenir que vous aviez ajouté ces mots : « Sept euros par mois, ce n’est pas la mer à boire ». L’Assemblée ne vous avait pas suivie et, estimant que la double peine n’était pas acceptable, avait décidé que l’internaute dont la connexion serait suspendue par la HADOPI serait exempté de continuer à payer son abonnement.

Vous avez rétabli cette disposition afin d’obtenir un vote conforme au Sénat. Dans ce cas, acceptez au moins de répondre à nos arguments, puisqu’il s’agit de nouveaux arguments portant sur des dispositions exactement contraires à celles adoptées en première lecture ! Vous ne pouvez vous contenter de répondre indéfiniment : « défavorable » !

Nous développons des arguments dont nous pensons qu’ils ont leur pertinence ; vous n’êtes pas d’accord, c’est votre droit, mais exprimez-le plus précisément, sans quoi nous risquons de perdre du temps.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. J’aimerais que nos collègues socialistes défendent leurs positions sans se préoccuper de celles de la majorité ou du Gouvernement. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Eckert. Justement, le Gouvernement est muet !

M. Jean-Pierre Soisson. Défendez vos positions ; nous défendons les nôtres. Point à la ligne ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(L’amendement n° 12 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 210.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur Soisson, nous serions enchantés que vous défendiez vos positions, car au moins nous aurions un débat.

M. Jean-Pierre Soisson. Nous les défendons par nos votes !

M. Jean-Pierre Brard. À la tienne !

M. Patrick Bloche. Non, par votre silence ! Vous êtes les muets du sérail, les muselés de l’hémicycle ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Martine Billard. L’amendement n° 210 porte sur l’alinéa 103…

M. Jean-François Copé. Quelle belle image de l’Assemblée vous donnez ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Martine Billard. Monsieur Copé, la meilleure image que nous puissions en donner, c’est précisément en travaillant dans cet hémicycle.

M. Jean-François Copé. Nous n’avons pas la même conception du travail !

Mme Martine Billard. Ce qu’attendent nos électeurs, c’est que leurs députés travaillent ! Et je suis, en tant que parlementaire, pour les sanctions financières pour ceux qui ne sont jamais présents.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Vous voterez donc cette disposition du règlement ?

Mme Martine Billard. Absolument !

M. Michel Herbillon. Vous n’êtes que sept ! Cela va vous coûter cher !

M. le président. Mes chers collègues, je me demande si vous souhaitez vraiment en finir ou si vous voulez rallonger les débats !

Mme Martine Billard. Cet amendement porte donc sur l’alinéa 103, qui précise que les frais d’une éventuelle résiliation de l’abonnement au cours de la période de suspension sont supportés par l’abonné. Nous proposons de le compléter par les mots : « si cette résiliation est à l’initiative de l’abonné ». En effet, si c’est le FAI qui est à l’initiative de la résiliation, c’est à lui d’en supporter le coût, car il n’y a pas de raison qu’il fasse payer à l’abonné le coût d’une résiliation qu’il a décidée lui-même unilatéralement.

J’aurai par ailleurs, madame la ministre, deux questions précises à vous poser. Elles m’ont été adressées par des internautes, et je me permets de vous le transmettre.

M. Philippe Gosselin. Question n° 2028 de Mme Billard !

Mme Martine Billard. Monsieur Gosselin, vous êtes un peu fatigant !

Première question : lorsqu’un internaute procède au téléchargement d’une œuvre dont il se rend compte qu’elle n’est pas libre de droits et qu’il interrompt dès lors son téléchargement, que se passe-t-il si son adresse IP a été néanmoins relevée ?

Deuxième question : vous avez parlé des internautes qui téléchargent de manière continue et « opiniâtre », et que la HADOPI poursuivra en priorité. Un internaute qui procède à quatre ou cinq téléchargements entre-t-il ou non dans cette catégorie ? Car, si vous convenez implicitement qu’en dessous d’un certain nombre de téléchargements illégaux, il n’y a pas intervention de la HADOPI, n’octroyez vous pas sans le dire un droit limité à télécharger illégalement ? Et pourquoi, dans ce cas, ne pas accepter la licence globale, madame la ministre, puisque vous l’instaurez dans les faits en ne poursuivant pas les internautes dès le premier téléchargement abusif ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable. Je rappelle que ce texte s’articule autour du défaut de surveillance de l’accès à Internet. Nous nous soucions avant tout des œuvres. On peut imaginer de nombreux cas techniques, mais l’important est surtout de créer un cadre juridique et un cadre psychologique qui permettent de juguler le milliard de téléchargements illégaux qui s’effectuent chaque année, essentiellement sur les sites de peer-to-peer. Spéculer sur les internautes qui interrompent un téléchargement relève largement du domaine de l’imaginaire. Il s’agit de répondre à un piratage ordinaire et massif, que ce texte contribuera à faire diminuer.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. J’apprends à l’instant que l’objectif des lois est de créer un cadre psychologique ! J’ai fait un peu de droit pendant mes études et je ne me rappelle pas que mes professeurs, à la faculté de droit, m’aient appris une telle chose. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Madame la ministre, vous savez fort bien qu’un juge doit, pour juger, interpréter la loi. Vous pouvez, comme vous le faites, balayer d’un revers de main les différents cas qui peuvent se présenter, mais nous traitons d’une loi technique par bien des aspects ! Si nous discutions d’une loi-cadre sur la culture, nous ne nous ne poserions pas ce type de question. Mais, en l’occurrence, le juge va devoir se prononcer sur des questions techniques et, si le Gouvernement refuse de répondre sur les aspects techniques au motif que cela relèverait de l’« imaginaire » alors que nous sommes bel et bien dans la réalité, ce sont les juges qui devront faire la loi. En d’autres termes, vous êtes en train de nous expliquer que ce n’est pas à nous de faire la loi !

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Il y a le texte et il y a le contexte, « l’esprit », comme disait Montesquieu.

M. Franck Riester, rapporteur. Le cadre psychologique !

M. Jean-Pierre Brard. Les hommes et les femmes politiques – et cela vaut aussi bien pour Mme Albanel que pour M. Karoutchi – ne doivent pas être jugés sur ce qu’ils disent, mais sur ce qu’ils font.

M. Philippe Cochet. Comme à Montreuil !

M. Jean-Pierre Brard. Absolument ! En tant que marxiste, je pars de l’examen concret de la réalité. Mais nous en reparlerons une autre fois…

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Jean-Pierre Brard. Est paru aujourd’hui un article qui nous renseigne sur l’esprit répressif et coercitif avec lequel le Gouvernement aborde ce projet de loi : « C’est le premier martyr d’HADOPI. Cet homme de trente et un ans, Jérôme Bourreau-Guggenheim, responsable du pôle innovation web de TF1, a été, selon nos informations, licencié pour avoir critiqué le projet de loi Création et Internet. Allons bon. Mais il y a mieux : si Jérôme Bourreau-Guggenheim a été viré par la Une, c’est suite à une dénonciation du… ministère de la culture dont l’hôte, Christine Albanel, est l’artisan de la fameuse loi qui doit réprimer le téléchargement illégal. Mais la chaîne qui a abouti au licenciement ne serait pas complète sans mentionner la députée UMP de Paris, Françoise de Panafieu : c’est auprès d’elle que, par mail, Jérôme Bourreau-Guggenheim s’est ouvert de ses critiques envers HADOPI. Critiques transmises au ministère de la Culture qui les a transmises à TF1. Résultat : à la porte. » C’est paru dans Libération. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Voilà la conception que se fait l’UMP des libertés ! (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Cessez les mises en cause personnelles !

Article 2 (suite)

(L’amendement n° 210 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 113.

La parole est à Mme Françoise Olivier-Coupeau.

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Cet amendement traite une nouvelle fois de la double peine – coupure d’accès et continuation du paiement – dont nous avons déjà beaucoup discuté. La mesure est pourtant si scandaleuse que nous ne nous lassons pas de la dénoncer.

Si, en dépit de la sagesse de nos arguments, cette obligation devait être maintenue, nous proposons, par cet amendement, que les sommes ainsi collectées reviennent, non pas aux fournisseurs d’accès, mais à un fonds de soutien à la création. Notre amendement prévoit donc que la somme perçue complètera la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communication électronique.

(L’amendement n° 113, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. Christian Paul. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Puisque vous êtes là, monsieur Copé, il ne vous a sans doute pas échappé que, ce matin, le Parlement européen a émis une nouvelle fois un vote dont il résulte clairement que l’accès à Internet ne peut être supprimé à un abonné…

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Ce n’est pas un rappel au règlement, c’est un viol du règlement !

M. Christian Paul. Je tente de capter l’attention de M. Copé qui déambule aimablement dans les travées ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Il est où, Ayrault ? (« Ayrault ! Ayrault ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Paul. Le Parlement européen a une nouvelle fois pris une décision qui empêche l’adoption de la loi HADOPI. Mme Albanel nous explique que l’amendement européen n’a aucun impact juridique, mais nous savons les pressions qu’exerce le gouvernement français à Bruxelles depuis des mois pour empêcher son adoption. Vous qui êtes fin juriste, monsieur Copé, donnez-nous donc votre interprétation : cet amendement n’a-t-il aucune portée juridique ou bien, au contraire, empêche-t-il le vote et la mise en œuvre de cette loi ?

Article 2 (suite)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 13 et 151.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Cet amendement porte sur l’alinéa 104, qui concerne les services de communication en ligne au public et de communication électronique.

M. Franck Riester, rapporteur. Ça ne pose pas de problème !

Mme Martine Billard. Le Conseil général des technologies de l’information a considéré, lui, dans son rapport que cela posait un problème, car la loi pour la confiance dans l’économie numérique ne prévoit pas de suspendre la messagerie électronique.

M. Christian Eckert. Copé tient salon dans les travées !

M. le président. Monsieur Copé, pourriez-vous avoir la gentillesse de ne pas nous tourner le dos ? Poursuivez, madame Billard.

Mme Martine Billard. Lorsqu’on décide d’une coupure d’accès, il n’est pas facile de couper l’Internet sans la messagerie, mais c’est techniquement possible. Nous y reviendrons plus longuement, mais je tenais à le signaler car ce n’est pas le choix retenu par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 151.

M. Lionel Tardy. Le terme de « communication électronique » fait problème : il laisse penser que l’accès à la messagerie électronique pourrait également être suspendu, ce qui serait une atteinte au service universel de courrier. Je souhaiterais que le rapporteur me rassure à ce sujet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Avis défavorable. Effectivement, la messagerie serait également coupée, ou plutôt suspendue temporairement. Nous aurons l’occasion d’en reparler lorsque nous aborderons la question de l’identification du téléchargement illégal : sur ce point, nous nous sommes rejoints, Mme Billard et moi.

Mme Martine Billard. Disons plutôt que vous avez cédé sous la pression !

(Les amendements identiques nos 13 et 151, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 114 et 203, pouvant être soumis à une discussion commune.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Erhel.

Mme Corinne Erhel. Votre dispositif est fondé sur la possibilité de couper l’accès à Internet. Nous l’avons déjà dit : pour nous, cette mesure est inefficace. Mais sa mise en œuvre s’avère de surcroît extrêmement complexe : de plus en plus nombreux sont en effet ceux qui souscrivent des abonnements dits triple play, qui comprennent Internet, téléphone et télévision.

Cela rend la coupure de l’accès à Internet difficile. Il y a à cela plusieurs raisons. D’abord, je vous rappelle que l’ARCEP – l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes – a émis un avis indiquant qu’il fallait environ dix-huit mois pour que les fournisseurs d’accès soient en mesure de faire fonctionner les dispositifs nécessaires. De plus, la possibilité de couper l’accès à Internet suppose la mise en œuvre d’ajustements techniques importants.

Cette mise en œuvre coûtera au bas mot de 70 à 100 millions d’euros. À la charge de qui seront-ils ? J’ai posé la question à plusieurs reprises, mais je n’ai jamais reçu de réponse, ni du rapporteur, ni de la ministre. Ces ajustements techniques seront-ils payés par l’internaute ? Par votre budget, c’est-à-dire par le contribuable ? Par les fournisseurs d’accès à Internet – et dans ce cas, sur qui les répercuteront-ils ?

Ce sont des questions importantes. Le coût de fonctionnement de la HADOPI elle-même est estimé entre 6 et 7 millions d’euros, et il faudra en outre payer les ajustements techniques.

Nous nous opposons à cette suspension de l’accès à Internet parce que nous considérons qu’il s’agit aujourd’hui d’un droit fondamental, inscrit, on l’a vu, dans le droit européen, comme d’ailleurs dans certaines mesures que vous mettez vous-mêmes en œuvre. Dès lors, il faut ouvrir la réflexion sur ce point : la sanction qu’est la suspension de l’accès à Internet n’est pas adaptée – et s’avère de surcroît extrêmement compliquée.

Depuis le début du travail sur ce texte, madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous avez refusé d’entrer dans le débat technique.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. C’est inexact !

Mme Corinne Erhel. Or c’est là que se situe la difficulté sur ce texte : vous savez bien que sa mise en œuvre sera non seulement compliquée, mais encore extrêmement coûteuse. Je répète ma question : qui va payer ?

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour soutenir l’amendement n° 203.

M. Jean Dionis du Séjour. Cet amendement propose de ne pas couper l’accès à internet quand cette coupure entraîne, de fait, celle de l’accès au téléphone et à la télévision.

M. Patrick Bloche. Très bien !

M. Jean Dionis du Séjour. Il y a en France 17 millions d’abonnés à Internet en ADSL. Parmi eux, 2,3 millions de foyers, qui ont souscrit une offre triple play, reçoivent les trois offres par un seul canal.

Mme Martine Billard. Eh oui !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. L’amendement est déjà satisfait !

M. Jean Dionis du Séjour. Si c’est le cas, c’est formidable et vous nous le direz ; mais, pour le moment, le débat n’a pas permis de clarifier ce point.

M. Christian Paul. Vous le direz en vous engageant personnellement !

M. Jean Dionis du Séjour. Et même si l’amendement était effectivement satisfait, dix-huit mois au moins s’écouleraient avant que soit résolu le problème technique posé par ces 2,3 millions de foyers qui reçoivent leur offre triple play sur le même canal.

Si vous commencez à appliquer la loi HADOPI sans attendre, il n’y aura pas égalité devant la sanction sur tout le territoire, et le Conseil constitutionnel vous sanctionnera comme il a sanctionné la loi DADVSI.

À moins que M. Warsmann n’ait raison et que l’amendement ne soit déjà satisfait, vous risquez de priver de téléphone et de télévision 2,3 millions d’abonnés du seul fait qu’ils reçoivent leur triple abonnement sur un seul canal physique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Avis défavorable. Sur les délais, il est important de rappeler que ce projet de loi, qui vise avant tout à la pédagogie, prévoit, avant une éventuelle suspension, l’envoi de plusieurs avertissements.

M. Patrick Bloche. Vous êtes hors sujet !

M. Franck Riester, rapporteur. Ce n’est pas du tout hors sujet ! Le temps d’en arriver à une éventuelle suspension de l’abonnement, un certain nombre de mois se seront écoulés : ce délai aura permis aux fournisseurs d’accès d’installer ou de modifier les systèmes leur permettant de procéder à la suspension des accès à Internet, y compris dans les zones auxquelles vous avez fait référence.

M. Jean-Louis Gagnaire. C’est une supercherie !

M. Franck Riester, rapporteur. Pour que la clarification soit totale, je rappelle que l’alinéa 104 de l’article 2 précise bien que « la suspension s’applique uniquement à l’accès à des services de communication au public en ligne et de communications électroniques. Lorsque le service d’accès est acheté selon des offres commerciales composites » – dites triple play – « incluant d’autres types de services, tels que services de téléphonie ou de télévision, les décisions de suspension ne s’appliquent pas à ces services. »

M. Jean Dionis du Séjour. Mais en pratique, comment faites-vous ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Tout cela me paraît très clair.

M. le président. La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Avis défavorable. À ce que vient de rappeler excellemment Franck Riester, j’ajoute que, si jamais les difficultés techniques se révélaient insurmontables, il y aura injonction d’installer des logiciels pare-feu. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean-Louis Gagnaire. Au secours !

Mme Martine Billard. C’est la meilleure !

M. Christian Paul. Ce n’est pas possible ! C’est un voyage au bout de l’enfer !

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Ce débat est assurément passionnant, passionné, mais également très technique à certains égards ; pour ma part, il y a un certain nombre de choses que je ne comprends pas.

Comme l’a fort justement dit mon collègue Jean Dionis du Séjour, s’il y a un seul canal, un seul tuyau, comment faire, techniquement, pour couper une partie seulement de l’abonnement ?

De plus, notre pays est composé de territoires très divers, notamment de zones urbaines et de zones rurales. Certaines parties du territoire national ne sont pas desservies par la téléphonie mobile et sont mal couvertes par les réseaux TNT, voire par le réseau traditionnel TDF : pour un certain nombre de nos concitoyens, donc, l’accès à la télévision passe par le satellite, certes, mais aussi par ces offres triple play.

Parmi les 2,3 millions d’abonnés déjà cités, quelques dizaines de milliers n’ont d’autre possibilité d’accès à la téléphonie ou à la télévision que le filaire.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. La ministre a déjà répondu, de façon très claire !

M. Philippe Folliot. Au regard des incertitudes – puisque personne ne peut nous dire que ce problème technique peut être facilement résolu –, l’application sans concession de ce texte pourrait revenir à supprimer le téléphone et la télévision à ceux de nos concitoyens qui résident dans les zones les plus enclavées, avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer : comment, par exemple, joindre les secours ?

Je crois que nous devons être particulièrement vigilants : l’adoption de l’amendement de Jean Dionis du Séjour serait une garantie essentielle pour ceux de nos concitoyens qui résident dans ces endroits et qui font face à ces difficultés particulières.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Avouons que ce débat en nouvelle lecture nous en apprend à chaque instant. Nous n’avons vraiment pas à regretter notre vote du 9 avril : excusez-nous, monsieur Copé…

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. On ne s’excuse pas : on présente ses excuses.

Mme Laure de La Raudière. Ne vous excusez pas !

M. Patrick Bloche. Je fais ce que je veux, jusqu’à présent : on a muselé les députés de la majorité, permettez aux députés de l’opposition de ne pas se laisser museler ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Revenons au sujet : le vote du 9 avril a permis cette nouvelle lecture, qui fait surgir des arguments nouveaux, notamment dans la bouche de Mme la ministre.

M. Franck Riester, rapporteur. Il n’y en a aucun !

M. Patrick Bloche. Oh, que si !

Je me suis abstenu de réagir tout à l’heure, car je ne voulais pas retarder le débat (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),lorsque nous avons appris que cette loi d’exception, d’intimidation, visait à « créer un cadre psychologique ». Mme la ministre nous a dit à plusieurs reprises vouloir sanctionner ceux qui téléchargent de façon « opiniâtre », voire « frénétique » ! Je lui conseille donc d’indiquer qu’il s’agit en fait de créer par la loi un cadre thérapeutique (Rires sur les bancs des groupes SRC, GDR et NC), de soigner ceux de nos concitoyens qui sont gravement atteints de « frénésie » en coupant leur connexion à Internet !

Le seul problème, si j’ose dire, c’est que, pour 2,5 millions de foyers, la coupure de l’accès à Internet provoque la coupure du téléphone et de la télévision.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Mais non !

M. Jean Dionis du Séjour. Ce qu’il dit est tout à fait vrai !

M. Patrick Bloche. C’est l’ARCEP qui nous le dit !

Autre vertu de ce débat, madame la ministre : vous avez à nouveau usé de l’argument magique dont vous usez lorsque vous êtes à court d’arguments, je veux parler du pare-feu ! Point n’est besoin, pourtant, de grandes capacités techniques pour le comprendre : notre amendement dit simplement qu’il ne faut pas couper, en même temps qu’Internet, l’accès au téléphone et à la télévision.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Si on risque de tout couper, on ne coupe rien ! C’est clair !

M. Patrick Bloche. Vous nous répondez : « Pas de problème, il faut un logiciel pare-feu. » Soyons sérieux ! M. Karoutchi, qui représente également le Gouvernement sur ces bancs, a indiqué que la loi s’appliquerait dans quelques semaines seulement.

M. Christian Paul. C’est une plaisanterie !

M. Patrick Bloche. Mais, selon les grands opérateurs de télécommunications et les fournisseurs d’accès à Internet eux-mêmes, les obstacles techniques sont si nombreux qu’il faudra au moins un an, voire dix-huit mois, avant que la loi s’applique, que les citoyens soient égaux devant la loi au lieu que les habitants des territoires ruraux soient les premières victimes de la HADOPI. On voit les limites de l’exercice !

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Je voudrais revenir sur l’amendement de Jean Dionis du Séjour, pour vous demander solennellement, madame la ministre, de nous écouter sur ce point.

J’entends bien que vous ne voulez pas couper la télévision et le téléphone, mais seulement suspendre l’accès à Internet pour les pirates qui téléchargent.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. C’est la loi !

Mme Laure de La Raudière. J’adhère, vous le savez, aux mécanismes du mail et de la lettre recommandée – j’ai plus de difficulté avec la suspension, nous en avons déjà discuté. Mais, en l’occurrence, l’amendement précise que « s’il s’avère » – c’est-à-dire si cela existe, si l’ARCEP dit vrai – « dans le cadre d’un abonnement à une offre commerciale composite que, pour des raisons techniques » – c’est donc très objectif –, « la suspension d’autres services de communications au public en ligne entraîne également la suspension d’autres services, tels que des services de téléphonie ou de télévision, une telle mesure de suspension ne pourra pas être appliquée. »

Mon impression est que cet amendement répond à votre objectif de ne pas couper.

M. Franck Riester, rapporteur. L’amendement est satisfait !

Mme Laure de La Raudière. Si c’est le cas, j’aimerais que vous preniez le temps de nous éclairer sur la disposition précise du texte qui répond à cet objectif.

M. Franck Riester, rapporteur. Je viens de le dire.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. La deuxième phrase de l’alinéa 104 de l’article 2, page 17, dit ceci : « Lorsque le service d’accès est acheté selon des offres commerciales composites incluant d’autres types de services tels que services de téléphonie ou de télévision, les décisions de suspension ne s’appliquent pas à ces services. » L’amendement est donc satisfait.

M. Christian Paul. Vous n’êtes pas sérieux ! c’est une forfanterie !

M. Jean Dionis du Séjour. À quels services la suspension ne s’applique-t-elle pas ?

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Ce n’est pas clair. Nous voudrions connaître l’interprétation de Mme la ministre sur ce que vient de dire notre collègue Warsmann. Quand il dit « les décisions de suspension ne s’appliquent pas à ces services », s’agit-il des seuls services de téléphonie ou de télévision,…

Mme Martine Billard. Techniquement, ce n’est pas possible !

M. Christian Eckert. …ou s’agit-il des trois services ?

En outre, s’il s’avère que, dans les mois à venir, les fournisseurs d’accès trouvent des méthodes pour séparer les trois services – cela doit bien être possible –, à quel prix cela sera-t-il fait et par qui le coût sera-t-il supporté ? Puisque l’alinéa 103 précise que les frais de résiliation sont supportés par l’abonné, je n’ose imaginer que le procédé technique qui permettrait de ne couper qu’un seul service pour laisser les deux autres en fonction ait un coût important qui, encore une fois, serait supporté par l’abonné. Après la double peine de tout à l’heure, ce serait une triple peine. J’aimerais que Mme la ministre nous donne son interprétation.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Il y a vraiment un problème technique. Selon le président de la commission des lois, si la coupure d’Internet a pour conséquence de suspendre la télévision et le téléphone, il n’y aura pas coupure. Mais la phrase est ambiguë. Il y a deux cas de figure : d’une part, des offres triple play qui ne sont pas dégroupées,….

M. Jean Dionis du Séjour. Exactement !

Mme Martine Billard. …et que vise l’amendement de nos collègues,…

M. Jean Dionis du Séjour. Il faut que Mme le ministre parle !

Mme Martine Billard. …et, d’autre part, des offres dégroupées. À l’heure actuelle, certains fournisseurs d’accès disent utiliser le canal Internet pour envoyer des informations pour les deux autres canaux. Pour l’instant, techniquement, ils n’ont encore rien modifié. Dans ces deux cas, il ne faut pas couper la connexion.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Justement, on ne la suspend pas !

M. Patrick Bloche. Quelle obstination !

Mme Martine Billard. Ce n’est pas ce qui est écrit !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. S’il advenait, dans certains cas, qu’en voulant couper l’accès Internet, on suspende en même temps le téléphone et la télévision, on ne couperait naturellement pas.

M. Jean Dionis du Séjour. Bravo !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Jamais on ne coupera. C’est écrit dans la loi.

La voie de substitution, c’est une injonction, comme c’est le cas pour le Wi-Fi ou les personnes publiques, de mettre un logiciel pare-feu. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Voilà ce que nous voulons dire.

M. Christian Paul. Mais ce n’est pas dans le texte !

M. Franck Riester, rapporteur. Mais si !

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Puisque Mme la ministre a dit qu’elle ne couperait pas, je retire mon amendement.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Très bien !

(L’amendement n° 203 est retiré.)

(L’amendement n° 114 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 200.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Il s’agit du fameux amendement qui supprime la double peine. Je propose qu’en cas d’offre composite, la suspension de l’accès suspende le versement de la part du prix qui correspondait à Internet.

Les offres sont de plus en plus souvent composites : Internet, téléphone et télévision pour une trentaine d’euros par mois. Lors de la loi sur la télévision du futur, la part de la télévision a été assimilée à la moitié du prix, soit environ 15 euros par mois. Il ne reste plus aux FAI qu’à tarifer la part d’Internet et celle du téléphone.

On nous explique que les FAI ne veulent pas de cet amendement, car ils craignent que les internautes aillent chercher des offres partielles au lieu de l’offre globale à 30 euros. C’est possible. Il n’empêche que nous avions voté la suppression de la double peine à l’unanimité – je n’ai pas eu la cruauté de consulter la liste des trente-six personnes qui ont voté ce jour-là – et qu’aujourd’hui, quatre-vingt-dix-huit députés se sont prononcés contre, et seulement vingt-cinq pour. Que s’est-il passé, mes amis ? Il s’est passé que l’analyse sur le fond a fait place mobilisation politique.

M. Jean-Pierre Brard. « Politique », c’est un bien grand mot !

M. Jean Dionis du Séjour. Mais le fond du texte nous rattrapera. Sur cette affaire de double peine, le premier rendez-vous sera le Conseil constitutionnel. Ensuite, si jamais cela passe le filtre du Conseil constitutionnel, je puis vous annoncer la stratégie des associations de consommateurs, je la connais déjà : il y aura partout des procès.

M. Jean-Louis Gagnaire. Eh oui !

M. Christian Paul. Nous nous cotiserons !

M. Jean Dionis du Séjour. Il y aura procès à chaque fois qu’il y aura exigence de paiement et, un jour, une juridiction arbitrera en faveur de la suppression de la double peine, de sorte que la disposition sera enterrée.

La stratégie des associations de consommateurs est prête. Cette affaire n’a aucun avenir, elle ne fait que nous déshonorer du point de vue juridique. Voilà pourquoi je souhaite que nous en revenions au vote unanime qui avait eu lieu en première lecture.

M. Philippe Folliot. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Pour les mêmes raisons déjà évoquées précédemment, avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Nous ne pouvons que nous étonner qu’un amendement adopté à l’unanimité soit rejeté, on ne sait par quel hasard, quelques semaines plus tard.

M. Christian Paul. La constance des députés !

M. Jean-Louis Gagnaire. Nous sommes également surpris que la ministre et le rapporteur nous fassent des réponses aussi lapidaires sur une question de cette importance.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. On l’a déjà évoquée !

M. Jean-Louis Gagnaire. On ne peut pas priver les gens de téléphone, ils ont droit à un service minimum, c’est d’ailleurs prévu pour les gens économiquement faibles. Le téléphone n’a jamais été coupé dans notre pays, monsieur Warsmann, pas plus que l’électricité d’ailleurs, je vous le rappelle.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Vous soutenez le service minimum, maintenant ? Pour le train aussi ?

M. Jean-Louis Gagnaire. Beaucoup de nos concitoyens choisissent la formule du triple play pour des raisons économiques. En effet, cela les dispense d’avoir un abonnement de téléphonie fixe. C’est une solution très intéressante d’un point de vue financier. Vous ne pouvez pas balayer cet amendement d’un revers de main, comme vous l’avez fait.

Il faut absolument délimiter la part des uns et des autres. Il est clair que la télévision représente un coût important dans le triple play, et c’est parfois la seule solution, en dehors du satellite, pour recevoir la TNT dans certains endroits du territoire. Or, n’avons-nous pas tous l’ambition de développer une bonne couverture du territoire ? C’est un moyen parmi d’autres, en tout cas un moyen choisi par beaucoup de nos concitoyens. On ne peut pas priver les gens d’un téléphone quasi gratuit.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Il n’en est pas question !

M. Jean-Louis Gagnaire.. Mais si, c’est à ça que cela revient. Vous rejetez nos amendements d’un revers de main, sans réfléchir. Lors de la première lecture, vous aviez adopté celui-ci à l’unanimité, et j’aimerais bien savoir ce qui, aujourd’hui, …

M. Franck Riester, rapporteur. On l’a expliqué tout à l’heure.

M. Jean-Louis Gagnaire. Vous ne nous avez pas convaincus.

M. Franck Riester, rapporteur. C’est une autre affaire…

M. Jean-Louis Gagnaire. Vous-même, monsieur le rapporteur, vous aviez voté avec nous. Manifestement, des ordres ont été donnés pour que ne soit accepté aucun amendement, et vous vous en tenez à cette ligne de conduite sans réfléchir davantage.

(L’amendement n° 200 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 201.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous sommes là au cœur du problème de la responsabilité.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Vous l’avez déjà dit !

M. Jean Dionis du Séjour.. Nous sommes face à un dispositif d’exception. Qui donne l’ordre de couper ? La HADOPI. À qui ? Au FAI. Ce faisant, le FAI rompt le contrat qui le lie à l’abonné et l’abonné a la possibilité, compte tenu de l’article L. 121-84 du code de la consommation, de sortir du contrat. Donc le FAI subit un préjudice.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Mme la ministre va répondre !

M. Jean Dionis du Séjour. La logique voudrait que le responsable de la coupure, la HADOPI, dédommage celui qui subit le désagrément, à savoir le FAI. Comme le Gouvernement n’a aucune envie que la HADOPI dédommage les FAI, il a élaboré cette magnifique de loi d’exception qui dit que le code de la consommation ne s’applique pas.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Merci, monsieur Dionis.

M. Jean Dionis du Séjour. Décontractez-vous, monsieur le président, je vous promets qu’ensuite je serai silencieux, je m’y suis engagé auprès de M. Karoutchi… (Sourires.)

Parce que vous n’avez pas voulu, pour des raisons budgétaires, respecter la chaîne de responsabilité, vous créez un objet juridique extrêmement fragile. La prochaine épreuve, le prochain iceberg, ce sera le Conseil constitutionnel.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Merci.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable. Cet amendement ne se justifie plus puisque le paiement de l’abonnement ne sera pas suspendu.

Sur la question de l’indemnisation des surcoûts éventuellement occasionnés aux FAI, je voudrais mettre les choses au point car j’entends parfois des choses inexactes.

Le principe de la compensation de ces surcoûts est déjà dans la loi, plus précisément dans l’article L. 34-1 du code des postes et télécommunications électroniques tel que modifié par l’article 9 du projet de loi initial, je le cite : « les modalités de compensation le cas échéant des surcoûts identifiables et spécifiques des prestations assurées » par les FAI « pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des manquements à l’obligation de surveillance, sont fixées par un décret en Conseil d’État ».

Ces dispositions couvrent l’ensemble des surcoûts occasionnés aux FAI, qu’ils proviennent de la réponse aux requêtes de la Haute Autorité ou des investissements nécessaires pour appliquer ces décisions.

Sur le montant de la compensation, il faudra bien sûr négocier au vu des coûts exposés par les FAI et des avantages qu’ils retirent du dispositif.

M. Christian Paul. À combien avez-vous chiffré ces coûts ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Je rappelle que le piratage représente 40 à 50 % de la bande passante. La baisse du piratage sera une économie directe pour les FAI et pour les consommateurs, puisque cette bande passante pourra être réutilisée pour faire baisser les prix de la diffusion des contenus culturels sur Internet.

M. Jean Dionis du Séjour. Ce n’est donc pas la peine de faire payer les consommateurs !

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. J’ai une question très simple : comment avez-vous chiffré ces surcoûts et à quel montant les évaluez-vous ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Nous attendons qu’ils soient exposés.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. La réponse a été donnée, et elle est claire.

M. Christian Paul. Non, vous n’avez pas donné de chiffres.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Je n’ai pas donné de chiffres puisque j’ai précisé qu’on attendait que les coûts soient exposés par les FAI.

M. Christian Paul. Et sur quelle ligne du budget de l’État ces surcoûts seront-ils imputés ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. On a donné les modalités de négociation.

M. Christian Paul. Vous refusez de répondre, madame la ministre ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Herbillon. Ce n’est pas un interrogatoire !

M. Christian Paul. Non, mon cher collègue, c’est le Parlement de la République. Obtenir une réponse serait tout de même la moindre des choses, car si, comme on peut le penser, les surcoûts sont imputés sur le budget de la culture, ils viendront en déduction d’un budget déjà paupérisé.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Cela suffit !

M. Christian Paul. Le ministère de la culture est le mendiant de la République, mes chers collègues.

M. Patrick Bloche. Absolument !

M. Christian Paul. Et c’est sur vos festivals, sur vos salles de spectacle, sur les compagnies de théâtre et de spectacle vivant de vos départements qu’on ira prélever les 100 millions d’euros nécessaires.

Mme Marie-Josée Roig. Mais non !

Mme Martine Billard. Mais si !

M. Christian Paul. Avignon sera aussi concernée, madame Roig. C’est sur le budget du théâtre qu’on ira chercher les 100 millions d’euros nécessaires pour compenser ces surcoûts.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Arrêtez votre théâtre, monsieur Paul !

M. Christian Paul. Puisque Mme la ministre refuse de répondre à l’Assemblée nationale, nous sommes bien obligés de faire les réponses à sa place.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Vous êtes incorrect.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Ce qui vient de se passer est très important. Mme la ministre a fait une réponse claire : elle a dit que les surcoûts seraient précisés par décret et payés par l’État. C’est donc l’État qui paiera les dommages commerciaux causés aux FAI, et non plus les abonnés ! En d’autres termes, le texte n’a pas de cohérence, et Mme la ministre vient de dire quelque chose de très important, qui fait tomber la justification de la double peine.

(L’amendement n° 201 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 116.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Il est tout de même regrettable que des questions aussi précises que celles posées par Christian Paul ou Jean Dionis du Séjour ne reçoivent pas de réponse, notamment quand il s’agit de surcoûts ! Nous sommes à l’Assemblée nationale et c’est nous qui votons le budget.

Mme Marie-Christine Dalloz. Non, vous, vous ne le votez pas !

M. Patrick Bloche. C’est même la fonction la plus importante qui soit dévolue aux élus de la République, en l’occurrence aux parlementaires.

Pour avoir été, l’année dernière encore, rapporteur du budget de la culture, je sais bien quel est l’état de paupérisation de ce ministère depuis sept ans. On étouffe l’éducation artistique, on brade les crédits du spectacle vivant, du patrimoine. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Le ministère de la culture est devenu le parent pauvre de la République.

M. Michel Herbillon. Quelle caricature !

M. Patrick Bloche. C’est d’ailleurs plus grave que cela, car le problème n’est pas seulement budgétaire.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Le problème c’est l’amendement n° 116 !

M. Patrick Bloche. La RGPP, tel un rouleau compresseur, est entrée rue de Valois. Et la conséquence, c’est que vous êtes en train de rompre le consensus qui existait dans ce pays depuis au moins un demi-siècle et grâce auquel, au fil des alternances entre droite et gauche, l’essentiel était préservé.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Défendez plutôt l’amendement n° 116 !

M. Michel Herbillon. Pourrions-nous revenir au débat ?

M. Patrick Bloche. Nous sommes actuellement dans un total bouleversement. L’action du ministère de la culture et les crédits qui l’accompagnent ne sont plus articulés sur une offre que l’on voudrait multiple et diverse. Il ne s’agit plus de soutenir l’offre culturelle, mais de calibrer celle-ci, pour reprendre les propos du Président de la République, sur « ce qui marche », sur ce qui est censé plaire au public.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Vous ne parlez pas de l’amendement n° 116 !

M. Patrick Bloche. Bref, on calibre l’offre culturelle sur la demande. Si je me permets ce développement, c’est pour nous alerter collectivement sur les conséquences des surcoûts, que le CGTI, organisme dépendant de Bercy, a estimé à 70 millions d’euros, et qui seront sans doute plus proches de 100 millions. Or, la ministre n’a évoqué que les 6,7 millions budgétés en 2009 pour la HADOPI.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Et l’amendement n° 116 ?

M. Patrick Bloche. Entre ces 6,7 millions et les 70 à 100 millions qui seront nécessaires pour mettre en œuvre cette loi, on voit bien l’écart, d’autant que le Conseil constitutionnel a déclaré que les coûts ne devaient pas être supportés par les fournisseurs d’accès à Internet, mais pris en charge par les pouvoirs publics ! C’est pourquoi nous nourrissons une légitime inquiétude pour le budget de la culture, et notre amendement a pour objectif de ne pas alourdir la facture : supprimer les alinéas 105 à 109 est le meilleur moyen de l’alléger !

M. Christian Paul. Voilà qui est clair ! Nous avons pris date !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Défavorable. Il est important de conserver les différents alinéas du dispositif. L’implication des FAI est vraiment nécessaire pour garantir l’efficacité de celui-ci.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

(L’amendement n° 116, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 14 et 115.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l’amendement n° 14.

M. Jean-Pierre Brard. Naturellement, nous n’avons pas changé d’avis et nous déplorons que la justice soit reléguée au deuxième plan pour assurer la protection des libertés. En guise de défense de mon amendement, je vais vous lire un point de vue rédigé par onze universitaires, tous plus brillants les uns que les autres, qui a été publié dans le recueil Dalloz cher au cœur de tous les juristes.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Sur l’amendement n° 14 ?

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes extraordinaire, monsieur le président de la commission des lois ! Nous ne sommes pas au Soviet suprême ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Herbillon. M. Brard parle en expert !

M. Jean-Pierre Brard. Le président de la commission n’a pas à faire les questions et les réponses ! Moi, je suis plutôt un fils de la Révolution française, voyez-vous ! Et certains feraient bien de se replonger dans les textes de l’époque pour voir la vitalité des débats et leur qualité !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Et le respect de l’Assemblée !

M. Jean-Pierre Brard. Nous ne sommes pas à la Convention, c’est bien dommage !

Monsieur le président de la commission, si, dans votre grande bonté, vous voulez bien ne plus m’interrompre, je vais vous lire ce que disent ces onze éminents juristes :

« L’éviction du juge est sans doute l’un des éléments les plus déroutants du projet de loi ici commenté. Le juge judiciaire est le gardien naturel des libertés individuelles et du droit de propriété.

« En outre, l’exposé des motifs du projet de loi a beau asséner à la manière d’une formule incantatoire que le texte devrait avoir des vertus essentiellement préventives, il est impossible d’ignorer la réalité fortement répressive de celui-ci qui met en place un jeu de sanctions sévères.

« Dans ces conditions, il est hors de doute que le juge judiciaire est techniquement le mieux placé et institutionnellement le plus légitime pour les mettre en œuvre. Peu importe qu’il puisse y avoir des précédents contraires tout aussi critiquables. »

Monsieur le président de la commission des lois, vous qui devriez être le garant de la légitimité de nos textes au lieu de vous manifester par des signes d’impatience tout à fait déplacés, vous ne pouvez, si vous m’avez écouté, qu’adhérer à l’argumentation formulée par ces universiatires !

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour soutenir l’amendement n° 115.

M. Christian Paul. Cet amendement me donne l’occasion de rappeler l’importance que nous attachons à ce que l’autorité judiciaire soit compétente dans des affaires de cette gravité.

Puisque vous n’avez pas daigné entendre jusqu’à présent, madame la ministre, les messages qui viennent de l’Union européenne, je ne résiste pas au plaisir de vous lire un extrait d’une courte intervention de Mme Reding commentant l’actualité de l’amendement Bono…

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Nous ne sommes pas là pour entendre des lectures ! Nous ne sommes pas à la messe ! Nous sommes à l’Assemblée nationale !

M. Christian Paul.… et l’activisme législatif français sur ce sujet. Méditez bien ces propos, madame la ministre !

« Ce que j’aimerais souligner, c’est la reconnaissance du droit à l’accès à Internet. Les nouvelles règles reconnaissent explicitement que l’accès à Internet est un droit fondamental, comme la liberté d’expression et celle à l’information. Ainsi, ces règles assurent que toute mesure prise en regard de l’accès ou de l’utilisation de services et d’applications doit respecter les droits fondamentaux et les libertés individuelles, y compris le droit à la vie privée, la liberté d’expression et l’accès à l’information et à l’éducation, ainsi qu’à un procès équitable » – c’est-à-dire bien sûr devant le juge judiciaire.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Merci pour le juge administratif !

M. Christian Paul. Donc, madame la ministre, ce n’est pas seulement le Parlement européen qui, à une très large majorité, s’oppose à votre loi, c’est aussi la Commission européenne. Vous me direz qu’il reste le Conseil. Il est vrai qu’il a été, sous l’influence du Président de la République, le premier sponsor de cette loi au cours de la présidence française – qui ne restera d’ailleurs peut-être pas dans l’histoire comme une très grande présidence de l’Union européenne ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Josée Roig. Cela vous gêne à ce point ?

M. Christian Paul. Eh oui, l’heure des bilans arrive ! Regardez la situation du côté de la Georgie et vous verrez si cette présidence a remporté tant de succès ! (Mêmes mouvements.) Mais restons sur la question de l’Internet.

M. le président. Oui, restez sur la question de l’Internet, mon cher collègue.

M. Christian Paul. L’intérêt qu’il y a à ce que ce texte fasse l’objet de plusieurs lectures, c’est de permettre non seulement à certains de nos collègues, y compris de la majorité, de s’exprimer, de faire part de leurs doutes, mais aussi aux autorités européennes de tenter un dialogue difficile, voire impossible à en juger par vos réactions de ce soir, avec notre pays.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Merci !

M. Christian Paul. Donc, j’espère que dans les heures, voire les jours, qui restent jusqu’à la fin de l’examen de ce texte,…

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Merci !

M. Christian Paul. …vous aurez l’occasion, madame la ministre, de rendre plus crédibles vos réponses à l’Union européenne,…

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Un peu de respect !

M. Christian Paul. …qui vous a dit plusieurs fois, et ce matin encore d’une façon éclatante, que l’accès à Internet était un droit permettant l’exercice de libertés fondamentales et qu’en priver nos concitoyens ne pouvait se faire en dehors d’un tribunal et d’un procès équitable. C’est un message très clair et nous vous demandons de l’entendre.

(Les amendements identiques nos 14 et 115, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 15 et 160, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l’amendement n° 15.

M. Jean-Pierre Brard. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 160.

M. Lionel Tardy. Il est défendu également.

(Les amendements n° 15 et 160, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux vois, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 161.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Le texte du projet de loi ne précise pas quel juge judiciaire sera compétent pour juger des recours contre les décisions de la HADOPI. J’estime que cette précision doit figurer dans le texte de loi et non dans un décret. Je propose que cela soit le tribunal correctionnel qui soit compétent puisque nous sommes dans le domaine de la sanction.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Non : c’est le tribunal de grande instance !

(L’amendement n° 161, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 16.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Cet amendement est fondamental car il porte sur les moyens de sécurisation.

M. Patrick Bloche. Le pare-feu !

Mme Martine Billard. La nouvelle rédaction proposée de l’article L. 331-30 du code de la propriété intellectuelle prévoit que la Haute Autorité rendra publiques les spécifications fonctionnelles pertinentes que ces moyens de sécurisation doivent présenter pour être considérés, à ses yeux, comme exonérant valablement de sa responsabilité le titulaire de l’accès au titre de l’article L. 336-3. Mon amendement vise à supprimer cet alinéa et les suivants portant sur le même sujet, car ils posent plusieurs problèmes.

Le premier problème tient au principe : cela obligera l’ensemble des ordinateurs connectés sur Internet à être équipés de logiciels de sécurisation.

Deuxième problème : aux termes de l’alinéa 110, la Haute Autorité rendra publiques les spécifications fonctionnelles. Cela signifie qu’elle devra donner les indications pour l’écriture des logiciels de sécurisation. Or, il n’y a, à l’heure actuelle, aucune possibilité d’empêcher des chargements abusifs d’œuvres soumises à droits d’auteur, en dehors de l’interdiction de l’accès à certains sites.

Or vous savez aussi bien que moi que les téléchargements abusifs ne se font pas forcément à partir d’un site auquel on a aisément accès. Il serait facile, dans ce cas, de couper, sur décision judiciaire, la connexion à ce site pour empêcher les téléchargements illégaux qu’il propose. Cela s’est d’ailleurs fait, et des sites ont été effectivement coupés. Ils ont, en général, migré depuis vers des pays plus tolérants…

Nous essayons, depuis le début de ce débat, notamment avec notre collègue Jean Dionis du Séjour, de comprendre comment seraient conçues ces spécifications, car il convient, pour voter en toute connaissance de cause, d’avoir au moins une idée de ce qui sera exigé. Nous n’avons jamais obtenu de réponse. On nous a expliqué qu’il fallait « suivre les œuvres », trouver où se situent les empreintes des œuvres. Mais c’est moins simple à faire qu’à dire.

Monsieur le rapporteur, vous avez dit tout à l’heure, s’agissant du problème du dégroupage, que les connexions ne seraient pas coupées, lorsque les lignes ne seraient pas dégroupées. Mais vous avez promis aux artistes que cette loi entrerait immédiatement en vigueur…

M. Franck Riester, rapporteur. Oui !

Mme Martine Billard. …et que les suspensions des connexions à Internet se feraient tout de suite. Pour qu’il y ait détection des téléchargements et obligation de posséder un logiciel de sécurisation, vous devez donc définir les spécifications. Or dans les douze, voire dix-huit mois suivant la promulgation de la loi, il n’y aura pas de coupure car de nombreuses connexions demeurent non dégroupées.

M. Franck Riester, rapporteur. C’est faux !

Mme Martine Billard. Il y en a trois millions ! Le dégroupage pose des problèmes, je l’ai précisé tout à l’heure. Il est loin d’être assuré, en effet, qu’il n’y ait aucune conséquence sur la télévision et le téléphone.

À cela, vous avez répondu que ce n’était pas grave et que, en attendant, la sécurisation des lignes serait obligatoire. Or il est impossible d’y parvenir rapidement, car personne n’est aujourd’hui capable de concevoir un logiciel permettant de détecter un téléchargement d’œuvres en violation du droit d’auteur.

M. Patrick Bloche. Très bien !

M. Christian Paul. Le pare-feu ne suffira pas !

Mme Martine Billard. Nous proposons donc de supprimer les alinéas 110 à 112, non seulement parce que nous sommes en désaccord sur le fond, mais aussi parce que cette mesure sera inefficace et techniquement impossible à mettre en œuvre à bref délai. Ce n’est pas un pare-feu, madame la ministre !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Avis défavorable. LA HADOPI définira, énumérera et labellisera les spécifications techniques nécessaires à la sécurisation de l’accès à Internet.

Le dégroupage prendra, il est vrai, un peu plus de temps. Mais il se trouve justement que, pendant les premiers mois de l’application de la loi, seront adressés des avertissements préalables à la sanction. Ne faites pas semblant de découvrir ce que nous répétons depuis des semaines !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Nous découvrons, encore une fois, la véritable supercherie dont sont victimes les artistes. Vous avez momentanément réussi à faire croire que la loi allait produire des effets immédiats, mais il sera impossible, du fait du dégroupage, d’appliquer la sanction à plusieurs millions d’abonnés. Force est de constater, au vu des systèmes de protection que la HADOPI pourrait préconiser, que de nombreux mois, voire de nombreuses années seront nécessaires. En effet, les systèmes actuellement existants sont totalement inadaptés. Il faudra stimuler la création française dans le domaine du logiciel, pour des dispositifs qui n’existent pas ailleurs.

M. Franck Riester, rapporteur. C’est très bien, cela créera des emplois !

M. Jean-Louis Gagnaire. Les artistes doivent bien comprendre que cette loi, outre le fait qu’elle n’est pas conforme à l’état du droit européen, ne sera pas techniquement opérationnelle. Elle est donc totalement inutile.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Que de contrevérités !

M. Jean-Louis Gagnaire. C’est ici l’occasion de dénoncer ce que vous avez voulu faire croire à tout le monde. Nous avons passé plus de soixante heures à débattre. Vous devez donc tous avoir conscience que vous travaillez pour rien. Quant aux artistes, ils finiront par comprendre que vous les avez roulés dans la farine.

(L’amendement n° 16 n’est pas adopté.)

Mme Martine Billard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Mon rappel au règlement porte sur l’organisation de nos travaux. Depuis le début de cette séance, je suis soumise à un harcèlement constant de M. le président de la commission des lois,… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Si c’est le cas, je vous prie de m’en excuser, madame Billard !

Mme Martine Billard. …qui tente de m’empêcher de m’exprimer et de développer un certain nombre d’arguments.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Je vous présente mes excuses !

Mme Martine Billard. Je prends acte de vos excuses, monsieur le président. Jusqu’ici, mes interventions ont toujours porté sur le fond. Je pense effectivement qu’il est essentiel de tenir compte d’un certain nombre d’éléments. Il est prévu, dans notre Constitution, que deux lectures sont possibles. Le règlement n’est pas encore modifié et la disposition portant sur le temps « global » n’est pas encore appliquée, monsieur le président de la commission des lois.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Si !

Mme Martine Billard. Non, pas sur ce texte favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet. Aux termes de notre règlement, les députés peuvent s’exprimer sur leurs amendements.

Je souhaiterais aborder un autre point, lequel concerne l’accès aux tribunes. L’article 8 de l’instruction générale du bureau de l’Assemblée nationale précise que : « Pour être admis dans les tribunes, le public doit porter une correcte. Il se tient assis, découvert et en silence ; il peut consulter les documents parlementaires relatifs au débat en cours et prendre des notes. »

Vous savez, monsieur le président, que, depuis le début de cette discussion, de nombreux citoyens viennent écouter nos débats. Ce sont des représentants des acteurs, des artistes. Nous en avons vu, le soir, à plusieurs reprises. Je trouve d’ailleurs très positif que des personnalités connues du monde artistique soient venues écouter pendant plusieurs heures les débats de l’Assemblée nationale.

M. Christian Paul. Ils ont été édifiés, je peux vous le dire !

Mme Martine Billard. De la même manière, des internautes continuent à suivre nos discussions. Cela permet à nos concitoyens de comprendre le fonctionnement de notre parlement. Les personnes qui viennent écouter nos débats et qui établissent des comptes rendus pour que ceux qui ne peuvent pas y assister puissent néanmoins comprendre ce qui se passe, doivent, pour ne pas commettre d’erreur, savoir qui intervient. Il avait été admis jusqu’ici qu’elles aient la possibilité de se rendre dans les tribunes, conformément à l’article que je viens de vous lire, munies du trombinoscope des députés. Or il leur a été interdit ce soir d’utiliser ce document.

M. Christian Paul. C’est scandaleux !

Erreur ! Signet non défini.. Afin de suivre nos travaux, ces personnes ont normalement droit au texte de loi et aux amendements. Elles doivent aussi savoir qui intervient pour que leurs comptes rendus soient précis. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Tout le monde connaît nos collègues !

Mme Martine Billard. Savez-vous, monsieur le président, pourquoi ce qui était autorisé jusqu’à aujourd’hui est interdit ce soir ?

M. le président. Madame la députée Billard, je n’ai pas eu connaissance d’une quelconque interdiction concernant l’accès aux tribunes et la mise à dispositions de documents permettant aux personnes qui le souhaitent de suivre nos débats dans les meilleures conditions.

Je me renseignerai pour savoir ce qui s’est passé. A priori, ma situation plus élevée que la vôtre m’offrant une vue générale, je n’ai pas constaté d’événement particulièrement grave dans les tribunes.

Article 2 (suite)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 162.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Le projet de loi prévoit que seuls les concepteurs de logiciels, les représentants d’ayants droit et les FAI seront consultés avant l’établissement de la liste des spécifications fonctionnelles pertinentes. Il est normal qu’ils le soient, mais je suis un peu gêné par le fait qu’ils aient tous un intérêt personnel à la mise en place de ces moyens de sécurisation. C’est le cas des concepteurs de logiciels, car le marché potentiel est vaste. C’est le cas des ayants droit, qui ont à défendre leurs droits. Enfin, c’est aussi le cas des FAI, puisque cela interfère avec le fonctionnement des réseaux et peut leur poser de nombreux problèmes techniques.

J’estime donc nécessaire d’associer à la procédure de consultation d’autres acteurs techniquement compétents, mais n’ayant aucun intérêt direct dans l’affaire. Je pense, en particulier, au régulateur public, l’ARCEP, qui peut avoir un regard neutre, surplombant les différents intérêts particuliers qui ne manqueront pas de s’exprimer, et aussi à la direction centrale de la sécurité des systèmes d’information, la DCSSI, dont la compétence technique n’est pas contestable et qui pourra émettre un avis neutre et objectif sur les aspects techniques. J’ai peur que, sinon, les spécifications adoptées ne soient que le fruit de compromis entre les différents intérêts représentés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Le logiciel de sécurisation reste tout de même, à l’heure qu’il est, dans l’ombre. Une question demeure notamment : celle de l’avenir du logiciel libre. Les sociétés privées qui concevront et commercialiseront ces dispositifs s’adresseront, nous le comprenons bien, au marché le plus central, le plus lourd, celui qui fonctionne avec Windows ou d’autres logiciels commerciaux d’exploitation.

Qu’adviendra-t-il alors des logiciels libres ? On peut, en effet, imaginer que les sociétés commerciales ne se précipiteront pas pour fabriquer des logiciels de sécurisation qui leur soient adaptés.

Comment concevez-vous la labellisation d’une offre de sécurisation adaptée au logiciel libre ?

J’aimerais que, pour une fois, le rapporteur nous donne une réponse.

M. le président. Personne ne souhaitant répondre, je vais mettre l’amendement aux voix. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Paul. Quelle désinvolture !

(L’amendement n° 162 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 163.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Il est défendu.

(L’amendement n° 163, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 164 et 213.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour défendre l’amendement n° 164.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Nous y sommes favorables !

M. Lionel Tardy. Dans ce cas, mon amendement est défendu, monsieur le président !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l’amendement n° 213.

Mme Martine Billard. Je défendrai en même temps les amendements n°s 213 et 214.

Ces amendements portent sur les messageries, ou, pour reprendre la formulation du projet, sur les communications électroniques.

Dans le texte qui nous a été présenté en première lecture, seuls les services de communications en ligne étaient visés, s’agissant de l’obligation de sécurisation. Notre rapporteur a subrepticement présenté en commission un amendement tendant à ajouter la messagerie, et ce à différents alinéas. Nous n’avons pas réagi assez vite lors de la réunion de la commission des lois, la semaine dernière, alors que nous examinions cet alinéa 110. Notre collègue Christian Paul est ensuite intervenu.

M. Franck Riester, rapporteur. Non, c’était Patrick Bloche !

Mme Martine Billard. Le président de la commission des lois a alors demandé que soient mesurées, lors d’une réunion de la commission au titre de l’article 88, les conséquences liées à la sécurisation de la messagerie. La raison l’a heureusement emporté et nos amendements modifiant les alinéas 110 et 131 ont été adoptés.

M. Franck Riester, rapporteur. Vous êtes donc satisfaite !

Mme Martine Billard. Cela n’a l’air de rien, chers collègues, mais imposer la sécurisation d’une messagerie électronique est d’autant plus impraticable que cette messagerie n’est pas forcément liée à un fournisseur d’accès : on peut en ouvrir une sur des plateformes telles que Yahoo. Je ne vois donc pas comment une personne physique pourrait être obligée de sécuriser sa messagerie.

Cela aurait supposé, en outre, que la HADOPI surveille les correspondances privées, puisque la messagerie est assimilée, en droit, à une correspondance privée. Aux termes du code des postes et télécommunications, il est impossible, sans décision de l’autorité judiciaire, d’ouvrir un courrier. Il en va de même des messageries. Il est interdit de surveiller une messagerie sans décision judiciaire.

Je me félicite donc que notre rapporteur ait effectivement changé d’avis, alors qu’il avait défendu sa position mordicus en commission des lois.

M. Franck Riester, rapporteur. Non !

Mme Martine Billard. Si !

M. Franck Riester, rapporteur. J’ai écouté ce que vous disiez, c’est tout !

Mme Martine Billard. Je me félicite en tout état de cause qu’il soit revenu à la raison et que ces deux ajouts aux alinéas 110 et 131 aient été supprimés.

J’ai cru comprendre, d’après ce que m’a dit le rapporteur, que ces mots seraient également supprimés à l’article 6 alors qu’une telle proposition avait été rejetée en commission des lois.

(Les amendements identiques nos 164 et 213, acceptés par la commission et le Gouvernement, sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 165, 166 et 167, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Ces amendements tendent à préciser ce que doivent être – et surtout ne pas être – les spécifications fonctionnelles.

Ces spécifications sont en effet le trou noir de ce texte. Nul ne sait en quoi elles consisteront et cela m’inquiète, car on laisse ainsi un accès béant et non sécurisé. S’apparenteront-elles à un filtrage ? Il ne le faudrait pas. C’est pourquoi je propose ici quelques précisions qui me paraissent nécessaires.

Aucune configuration technique ne doit être favorisée, et l’on doit respecter une stricte égalité, notamment entre logiciels libres et logiciels propriétaires.

Les moyens de sécurisation ne doivent pas non plus servir à espionner le titulaire de l’accès ni à empêcher certains usages licites. Il s’agit de simples moyens de sécurisation, pas de mouchards ou de verrous qui seraient imposés aux titulaires de l’abonnement.

Il est important que tout cela soit précisé dans le texte même de la loi, pour fixer des limites.

Madame la ministre, j’insiste fortement pour avoir ici des réponses. Ces spécifications fonctionnelles sont un véritable trou noir. Si personne ne sait à quoi elles correspondent, pourquoi les avoir inscrites dans le texte ?

(Les amendements nos 165, 166 et 167, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 117.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Une nouvelle infraction est créée par l’article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle pour sanctionner l’internaute qui manque à l’obligation de surveillance de sa connexion à Internet. Cela implique évidemment que les utilisateurs aient les moyens de sécuriser leur réseau.

Ce que nous contestons, c’est que la HADOPI se voit confier parmi ses multiples missions, ô combien funestes, celle d’établir la liste des moyens de sécurisation présumés efficaces.

Cela dit, à partir du moment où vous introduisez une telle disposition, il est essentiel de préserver le principe de neutralité technologique, de neutralité des réseaux, et la HADOPI doit garantir que les moyens de sécurisation figurant sur la liste ne peuvent pas entraver l’accès aux réseaux de communications ni aux services de communication au public en ligne.

Didier Mathus, dans une précédente intervention, a évoqué toute la problématique des logiciels libres, et je ne reviens pas, puisque l’amendement a été voté, sur l’échange qui nous a amenés, à un moment donné, à nous inquiéter pour les correspondances privées des internautes.

(L’amendement n° 117, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 168.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Nous allons très fortement inciter des particuliers, mais aussi et surtout des entreprises et des administrations publiques, à installer des logiciels censés sécuriser leur accès à Internet. Ce que je crains, c’est que ces logiciels, non contents d’être inefficaces, ne soient de surcroît nuisibles en créant, y compris involontairement, des failles de sécurité.

Je le dis et je le répète : je ne vois pas comment, techniquement, on peut sécuriser à 100 %, par exemple, un accès Wi-Fi. Si quelqu’un me dit qu’il a développé un logiciel pouvant le faire, je serai très méfiant, et il me faudra une certification en béton pour m’assurer qu’il ne s’agit pas d’un mouchard.

Chez des particuliers, ce n’est pas trop grave, mais il en va tout autrement dans les entreprises et les administrations. Le cyber-espionnage est une réalité très concrète, et il ne faudrait pas que ces logiciels de sécurisation ne soient des portes ouvertes aux hackers et aux cyber-espions.

C’est pourquoi je pense qu’il serait bon que la direction centrale de sécurité des systèmes d’information soit associée à la labellisation de ces logiciels de sécurisation, afin d’avoir la garantie absolue que le remède n’est pas pire que le mal. Je souligne qu’il s’agit d’un organisme public de très haute qualité, qu’il serait très regrettable de ne pas mettre à contribution.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Je voudrais répondre au long plaidoyer du rapporteur... (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

Je trouve assez déplacé, et même désagréable, que le président de la commission des lois et le rapporteur fassent part de leur irritation à chaque fois qu’un député essaie de défendre une idée, un amendement, et c’est encore plus inélégant lorsqu’il s’agit d’un député de la majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Les questions posées par M. Tardy, comme celles que j’ai posées tout à l’heure sur le logiciel libre ou celles que Patrick Bloche vient d’évoquer, sont éminemment sérieuses. Ce sont des questions de fond, qui devraient nous préoccuper tous, et il est singulier que nous n’ayons aucun élément de réponse du rapporteur,…

M. Christian Paul. Rien du tout !

M. Didier Mathus. …qui se contente de dire « défavorable » sans apporter aucun argument de fond.

Le risque que soulève M. Tardy n’est pas une vue de l’esprit, et chacun se souvient de l’aventure des DRM. Il y a quelques années, on a en effet découvert que Sony avait installé sur ses DRM, c’est-à-dire sur des systèmes vendus dans le commerce, des mouchards qui lui permettaient d’être renseigné sur certains comportements des consommateurs, ce qui était pour lui d’un grand intérêt commercial et lui ouvrait des marchés potentiels. Sony n’est pourtant pas un brigand installé dans un paradis fiscal : c’est une grande entreprise moderne d’électronique, qui a pignon sur rue, et qui, pourtant, n’a pas hésité à utiliser de tels moyens.

La question posée par M. Tardy mérite donc d’être examinée. Comment seront garanties la parfaite neutralité et la parfaite sécurité de ces logiciels et des dispositifs de sécurisation ? Qui certifiera de façon absolue qu’ils ne sont pas porteurs de dérivations et de dispositifs propres à étancher la soif commerciale d’un certain nombre de sociétés ? Et je m’en tiens à l’aspect commercial, car l’on peut évidemment imaginer d’autres objectifs et d’autres arrière-pensées encore.

Ces amendements n’ont pas pour but de créer des polémiques, des affrontements entre droite et gauche, et il est important que M. le rapporteur nous dise pourquoi il est hostile à l’amendement de M. Tardy, qui soulève une question de bon sens, partagée par tous ceux qui connaissent un peu ces questions.

(L’amendement n° 168 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 169.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Je n’ai pas la même vision des débats et je tiens à remercier les ministres présents, le président de la commission des lois et M. le rapporteur, qui me laissent m’exprimer.

M. Christian Paul. C’est bien le moins !

M. Lionel Tardy. Ce n’est pas évident, et je tiens à les en remercier publiquement, ainsi que mes collègues. C’est même plutôt moi qui aurais tendance, parfois, à m’emballer, et je les prie de m’en excuser. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Quel désaveu pour M. Mathus !

M. Lionel Tardy. Madame la ministre, j’aimerais connaître la manière dont sera établie la liste des spécifications ainsi que la liste de labellisation et savoir quelle en sera la valeur juridique. Cela se fera-t-il par voie d’acte administratif, et quelles seront les voies de recours possibles contre ces deux listes ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. LA HADOPI établira de manière collégiale, après délibération de ses membres, la liste des moyens de sécurisation à l’accès Internet, liste qu’elle rendra naturellement publique. Il n’y a donc pas lieu de prévoir un arrêté.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. À écouter le rapporteur, on a l’impression que tout est simple. Or, pour toute personne qui travaille ou a travaillé dans l’informatique, l’écriture des spécifications n’est pas si simple. C’est même toujours la phase la plus compliquée.

Hier, madame la ministre, vous avez répondu qu’il n’y aurait pas de problème pour le Wi-Fi, qu’il suffirait de sécuriser les box. D’abord, il n’y a pas que les box : il y a aussi les routeurs, qui posent un problème bien plus difficile car, en général, ils ne sont pas situés en France. Je ne vois donc pas très bien comment ils seront sécurisés.

Il est dommage que l’on n’ait pas travaillé en commission sur le rapport du Conseil général des technologies de l’information. Il n’y a presque aucun spécialiste de ce genre de sujets dans nos rangs, mais il aurait tout de même été très intéressant de travailler sur cet aspect. La loi repose en effet sur le logiciel de sécurisation. M. le rapporteur et Mme la ministre ont d’ailleurs répété à plusieurs reprises que ce qui était sanctionné, ce n’était pas le fait de télécharger, c’était le fait de ne pas sécuriser sa ligne.

Si le fait de sécuriser sa ligne est le point central de la loi, il faut l’encadrer de façon juridiquement très minutieuse. Or, tel n’est pas le cas, et là est bien le problème. Nous n’avons obtenu aucune réponse précise sur la façon dont cela se déroulera, sur les garanties contre les dérapages possibles.

Vous devriez donc suivre, mes chers collègues, les recommandations de bon sens de Lionel Tardy, car il est l’un de ceux qui, dans notre assemblée, s’y connaissent le mieux. Il faut lui faire confiance et voter son amendement.

(L’amendement n° 169 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 119.

La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Je déplore avec la même vigueur, avec la même fermeté que Didier Mathus, le fait que, depuis le début de cette soirée, Mme Albanel ne nous ait pas répondu sur des questions pourtant essentielles.

Le seul domaine dans lequel elle a bien voulu nous apporter quelques éclaircissements, c’est la décision de l’Union européenne de ce matin, mais elle l’a fait avec une telle approximation et une telle légèreté que je crains que ce ne soit contre-productif pour notre pays à Bruxelles, à un mois des élections européennes, alors qu’il serait bon de redonner un peu de crédibilité au gouvernement français à Bruxelles comme à Strasbourg. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Louis Gagnaire. Ainsi qu’en France même !

M. Christian Paul. Cet amendement, auquel vous pourriez, monsieur le rapporteur, être sensible, vise à attirer l’attention de l’Assemblée nationale sur le risque de fichage des internautes, car HADOPI, mes chers collègues, c’est EDVIGE bis. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Avec cette loi, votre majorité, après des mois difficiles sur la question des fichiers, en remet encore un autre en circulation.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Personne n’y croit, même pas vous !

M. Christian Paul. Nous demandons donc, par cet amendement, la suppression des alinéas 113 à 129, qui nous paraissent profondément inquiétants.

Au cours des derniers mois, mes chers collègues, vous avez eu des expériences très fâcheuses avec les fichiers, après des expérimentations hasardeuses. Vous avez dû faire marche arrière, y compris d’ailleurs à la demande du Président de la République, s’agissant du fichier EDVIGE. On connaît vos audaces, monsieur Warsmann, vous légitimez tout, tous les fichiers qui passent sont bons à prendre, mais ensuite, en catimini, vous êtes obligé de faire marche arrière. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Avec HADOPI, ce sera la même chose. Je voudrais donc savoir, madame la ministre ou monsieur le rapporteur – répondra qui voudra, mais il serait impensable que personne ne le fasse – comment vous assurerez la confidentialité de ce fichier.

Mme Albanel a évoqué la possibilité de plusieurs milliers de suspensions par jour. Elles seront répertoriées dans un fichier accessible à tous les autres fournisseurs d’accès, afin qu’ils puissent décider de ne pas délivrer d’autres abonnements, à défaut de quoi ce serait la faillite totale de la HADOPI. Dès lors, comment ce fichier pourra-t-il être rendu confidentiel ?

La CNIL, cette CNIL que vous représentez si peu ici, monsieur Gosselin,… (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Un peu de respect !

M. Christian Paul. …avait très justement relevé la disproportion entre les buts poursuivis et les risques que créent ces fichiers très difficiles à rendre confidentiels. Nous voulons en tout cas savoir comment vous prévoyez d’assurer cette confidentialité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Je voudrais dire à M. Christian Paul que, même s’il est une heure et quart du matin, ce n’est pas une raison pour être désagréable.

La commission des lois a travaillé sur la question du fichier EDVIGE et a abouti, à l’unanimité de tous les groupes, à sept recommandations, dont celle que le Gouvernement applique dans cet article, à savoir qu’il est plus protecteur pour les libertés publiques de créer un fichier par la loi.

Mes chers collègues, je vous invite à rejeter cet amendement, tout en déplorant les propos discourtois de M. Paul à l’égard de notre collègue Philippe Gosselin.

M. Franck Riester, rapporteur. Très bien !

(L’amendement n° 119, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 17.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Il est défendu.

(L’amendement n° 17, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 170.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Il est également défendu.

(L’amendement n° 170, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 120.

La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Nous restons sur la problématique des fichiers et la possibilité accordée aux FAI d’accéder à la « liste noire ». Ces consultations se font d’abord par voie humaine ; la confidentialité de cette liste noire est donc toute relative.

Nous proposons par cet amendement de supprimer une disposition ajoutée à l’alinéa 114 – les auteurs de la loi ayant eu si peur d’oublier le cas où un malheureux poisson passerait au travers des mailles du filet ! – et permettant à l’opérateur, si jamais un abonné fait une réclamation, de vérifier que ce dernier ne figure pas sur la liste noire.

Il y a comme un goût de délation dans cette affaire, qui nous rappelle l’histoire, évoquée tout à l’heure par notre collègue Brard, de cette personne qui, ayant écrit un e-mail à une députée, a été licenciée par TF1 après avoir été dénoncée, ou encore celle de la communication au procureur par le groupe Bouygues, il y a quelques jours, d’un SMS prétendument suspect, mais en réalité farfelu et cocasse, s’enquérant de la façon de faire dérailler les trains. Tout cela témoigne d’un certain climat.

Comme l’a dit Mme la ministre, il s’agit de créer un cadre psychologique. On voit bien quel cadre psychologique il s’agit de créer ! C’est une sorte d’intimidation généralisée et d’encouragement à la délation. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous proposons donc de supprimer la dernière phrase de l’alinéa 114.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Défavorable. Il n’est pas inutile de prévoir que les fournisseurs d’accès puissent interroger le répertoire des abonnés à l’accès suspendu pour vérifier la bonne foi d’abonnés demandant une résiliation de manière intempestive, pour de prétendues raisons techniques qui ne leur apparaîtraient pas fondées.

(L’amendement n° 120, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 18 et 171, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l’amendement n° 18.

Mme Martine Billard. Cet amendement propose, en cohérence avec les amendements précédents, que le recours soit suspensif. C’est un principe général. Il n’est pas possible de passer directement à la sanction sans possibilités de recours assorties des garanties habituelles en droit.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 171.

M. Lionel Tardy. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Le caractère suspensif du recours est extrêmement important. Compte tenu des difficultés que l’on peut rencontrer pour installer Internet, nous concevons la gravité que peuvent revêtir, pour certains usagers, des coupures inopinées survenues à cause d’erreurs de la Haute Autorité. Pour éviter des recours en responsabilité qui risqueraient d’être extrêmement pour elle, mieux vaut, par prudence et sagesse, prévoir un recours suspensif. C’est une disposition de bon sens, courante en droit français.

(Les amendements nos 18 et 171, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 172.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Il est défendu.

(L’amendement n° 172, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 19.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je souhaite poser une question à M. le rapporteur et à Mme la ministre. Tel qu’il est rédigé, l’article L. 331-33, portant sur la durée de conservation des données, pose problème dans la mesure où il y est écrit que les données sont conservées jusqu’au moment où la suspension de l’accès a été entièrement exécutée. Cela suppose que le processus de sanction se termine forcément par une suspension. Or, madame la ministre, vous n’arrêtez pas de nous répéter que cette loi est pédagogique, que son objectif est que les internautes arrêtent de télécharger après avoir été avertis – et donc que la procédure n’aille pas jusqu’à la suspension.

Vous n’avez cependant précisé nulle part dans votre texte ce qu’il en sera de l’effacement des données pour les internautes qui arrêtent de télécharger abusivement. Combien de temps seront-elles conservées ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Défavorable. Madame Billard, dans les cas que vous avez cités, c’est la loi de 1978 relative à la CNIL qui s’applique.

(L’amendement n° 19, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 173.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Il est défendu.

(L’amendement n° 173, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 121 et 20, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Didier Mathus, pour soutenir l’amendement n° 121.

M. Didier Mathus. Le rapporteur vient de faire référence à la loi de 1978 et j’imagine donc qu’il va donner un avis favorable à notre amendement, puisqu’il s’agit justement de respecter les termes de cette loi, qui dispose que les données personnelles enregistrées « sont conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée qui n’excède pas la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées ».

Le projet de loi prévoit qu’un décret fixera la date limite de l’effacement de ces données. Nous proposons que celles-ci soient automatiquement effacées dès la fin de la procédure liant l’abonné et la Haute Autorité.

C’est un élément important, car l’une des questions posées aujourd’hui par l’Internet est, d’une certaine façon, le droit à l’oubli. Certaines personnes en font d’ailleurs la cruelle expérience en étant « googlées » dans des conditions qui ne recueillent pas leur assentiment.

La conservation des données au-delà de la procédure serait contraire à la loi de 1978, et j’imagine donc que le rapporteur émettra un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Nous allons voir cela, monsieur Mathus.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l’amendement n° 20.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, la réponse du rapporteur est effarante.

M. Franck Riester, rapporteur. J’ai déjà répondu, avant que vous ne reveniez !

M. Jean-Pierre Brard. Il faut croire que votre réponse n’était pas très convaincante, puisque notre collègue Didier Mathus, qui ne s’est pas absenté, est intervenu de nouveau. C’est donc que vous ne l’avez pas convaincu, et cela m’étonnerait que vous m’ayez convaincu davantage si j’avais été là.

Il s’agit à nouveau d’un amendement protecteur des libertés. Certes, nous avons bien compris que tout ce qui allait dans ce sens vous déplaisait foncièrement. S’il était encore nécessaire de démontrer que votre texte est un texte de coercition, le rejet de ces amendement y suffirait.

M. le président. L’avis de la commission et du Gouvernement est le même que sur l’amendement n° 121.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Nous connaissons l’hypersensibilité de nos concitoyens sur le sujet des fichiers. Le président Warsmann y a fait référence, en évoquant le travail accompli par la commission des lois, notamment par Mme Batho et M. Bénisti.

Quand nous déposons des amendements comme les amendements nos 121 ou 20, ce n’est pas pour nous faire plaisir, mais pour obtenir un certain nombre de garanties élémentaires quant à la constitution de ces répertoires. Nous ne retrouvons pas dans cette loi les prescriptions de la CNIL en matière de traitement des données personnelles.

Le rapporteur nous dit que c’est la loi « Informatique et libertés » de 1978 qui s’applique. Mais lorsque nous demandons, monsieur le rapporteur, à travers ces amendements, que soient effacés des fichiers, dès lors que la procédure devant la Haute Autorité est terminée, les données personnelles des internautes, c’est pour apporter des garanties à nos concitoyens. Ils nous ont fait part, en effet, de leurs inquiétudes quant à la façon dont seront constitués ces fichiers et dont seront traitées leurs données personnelles. Ils veulent savoir s’il y aura ou non confidentialité, et tous les amendements que nous présentons visent à préserver cette confidentialité. Il s’agit d’éviter un système de consultation routinière, accessible à presque à tout le monde.

Ce sont des amendements sérieux. Je sais qu’il est tard, mais nous débattons d’une question sensible et nous attendions du rapporteur – je n’ose en espérer autant de Mme la ministre – qu’il ne se serve pas comme d’un viatique de la loi « Informatique et libertés » de 1978. Il faut, en ce domaine plus qu’en tout autre, écrire clairement la loi. C’est d’autant plus important que la CNIL, dans l’avis qu’elle avait émis sur le projet de loi avant qu’il ne vienne en discussion, estimait qu’il y avait déséquilibre entre la légitime protection du droit d’auteur et la protection de la vie privée, au détriment de cette dernière. Je ne voudrais pas que de tels sujets soient traités à la va-vite.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Franck Riester, rapporteur. Monsieur Bloche, je suis, comme vous, sensible à l’importance d’une bonne gestion des données à caractère personnel, et donc des fichiers. Mais je répète que la rédaction de l’article L. 331-33 du code de la propriété intellectuelle ne poursuit pas d’autres buts que la mise en œuvre des compétences de la commission de protection des droits : « La commission de protection des droits peut conserver les données techniques mises à sa disposition pendant la durée nécessaire à l’exercice des compétences qui lui sont confiées […] jusqu’au moment où la suspension de l’accès prévu par ces dispositions a été entièrement exécutée. »

C’est donc très clair en ce qui concerne la suspension. Pour les autres cas, c’est bien la loi « Informatique et libertés » de 1978 qui s’applique en l’espèce. Il n’est donc pas nécessaire d’alourdir la loi en rappelant les règles de droit commun.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Je confirme ce que vient de dire très pertinemment le rapporteur et je répète que ces alinéas n’ont soulevé aucune objection de la part de la CNIL.

(Les amendements nos 121 et 20, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 21.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. L’alinéa 129 prévoit qu’un décret fixe « les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer, auprès de la Haute Autorité, leur droit d’accès aux données les concernant conformément à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ». Encore un décret ! Nous aimerions savoir ce qu’il contiendra, madame la ministre, s’agissant d’un sujet aussi épineux que la conservation et le traitement des données à caractère personnel.

Qui plus est, le texte de cet alinéa relève soit de la loi mal faite, soit d’une volonté délibérée de contourner la loi de 1978. Nous redoutons que cette dernière hypothèse soit la bonne car la section II du chapitre V de cette loi, section intitulée « Droits des personnes à l’égard des traitements de données à caractère personnel », définit déjà clairement les conditions régissant le droit d’accès des personnes aux données qui les concernent.

Ma question est simple : madame la ministre, avez-vous l’intention de restreindre le droit d’accès des personnes aux données personnelles qui les concernent, et donc de contourner la loi de 1978 ? Si votre réponse est négative – ce que j’espère –, il convient de purger ce texte d’une disposition inutile. Dans le cas contraire, nous vous demandons d’accepter notre amendement de suppression car nous pensons que cet alinéa comporte un grand risque : chacun a à l’esprit le STIC. Nous serons très attentifs à votre réponse, ainsi que nombre de nos concitoyens soucieux du respect de leur vie privée et qui nous regardent à l’heure actuelle, et guetterons ce décret.

(L’amendement n° 21, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 174.

Est-il défendu, monsieur Tardy ?

M. Lionel Tardy. Oui, monsieur le president.

(L’amendement n° 174, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 125, 196 et 214.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 125.

M. Franck Riester, rapporteur. J’ai déposé cet amendement à titre personnel. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour défendre l’amendement n° 196.

M. Patrick Bloche. Il est dommage, monsieur le rapporteur, que vous n’ayez pas développé la défense de votre amendement, puisqu’il vise à supprimer une disposition que vous vouliez nous faire voter, et qui aurait imposé au titulaire de l’abonnement non seulement de surveiller sa connexion – ce qui lui aurait créé une difficulté particulière au cas où celle-ci serait utilisée par toute la maisonnée – mais encore de surveiller les communications électroniques en ligne, c’est-à-dire tous les mails, de son entourage. Pour éviter bien des perturbations dans les familles, et pour que la correspondance privée reste réellement privée et ne soit pas concernée par les dispositions funestes de cette loi, nous avons déposé cet amendement. Vous avez déposé le même, monsieur le rapporteur, revenant ainsi à une certaine sagesse. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

M. Christian Paul. Mais une sagesse bien tardive !

M. le président. Monsieur Brard, l’amendement n° 214 est-il défendu ?

M. Jean-Pierre Brard. Oui, monsieur le président.

(Les amendements identiques nos 125, 196 et 214, acceptés par la commission et le Gouvernement, sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 215 tombe.

Je suis saisi d’un amendement n° 22.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Il est indispensable d’être beaucoup plus précis dans la rédaction de la loi. L’amendement tend à prévoir une période d’expérimentation des nouvelles dispositions introduites par les articles L. 331-23 à L. 331-31-1 du code de la propriété intellectuelle.

Dans les nouveaux textes adoptés depuis deux ans, en particulier dans les textes constitutionnels et dans ceux relatifs à la révision générale des politiques publiques, le Gouvernement a tenu à développer l’idée d’expérimentation et d’évaluation. Or nous ne la retrouvons pas dans le projet de loi, qui recèle pourtant des dangers pour les libertés, ainsi que nous le soulignons depuis le début de nos débats. Aussi souhaité-je, monsieur le rapporteur, malgré l’heure avancée, que vous soyez très attentif à cet amendement, et que vous le souteniez de toute votre énergie – qui commence à me sembler fort défaillante. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Défavorable. Monsieur Brard, c’est au Parlement de procéder, notamment à travers le rapporteur, à l’évaluation de l’application de la loi.

M. Christian Paul. C’est aussi le rôle du Conseil constitutionnel !

M. Franck Riester, rapporteur. Tout à fait, monsieur Paul.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Le Conseil constitutionnel n’interviendrait qu’en fin d’évaluation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Même avis que la commission.

(L’amendement n° 22 n’est pas adopté.)

(L’article 2, amendé, est adopté.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce matin, à neuf heures trente :

Questions orales sans débat.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 7 mai 2009, à une heure quarante.)