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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2009-2010

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 15 décembre 2009

Questions au Gouvernement

Première séance du mardi 15 décembre 2009

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président . La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Réforme de La Poste

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Marie-Hélène Amiable. Monsieur le ministre chargé de l’industrie, vous vous apprêtez à défendre votre projet de loi relatif au changement de statut de La Poste.

Au nom des plus de deux millions de citoyens qui ont demandé un référendum sur l’avenir du service public postal, au nom des trente et un présidents des commissions départementales de présence postale territoriale, qui réclament des garanties contre sa privatisation, et même au nom du directeur de la stratégie de La Poste, qui a affirmé que « l’Europe ne nous obligeait pas à nous transformer en société anonyme », nous vous demandons solennellement d’y renoncer.

Après les privatisations de France Télécom et d’EDF, vos paroles ne font plus illusions, d’autant que vous avez déjà engagé le dépeçage méthodique du service public postal.

Vous prétendez que La Poste restera «100 % publique », mais, depuis avril dernier, ce n’est déjà plus le cas, puisque la Société générale est entrée, pour 15 %, dans les fonds propres de La Banque Postale.

Vous soutenez que vous pérenniserez ses missions de service public. Le système dit COMPAS permet déjà à ses dirigeants de mesurer la courbe des visites et le « poids de la surface financière » de chaque bureau, sans considération des besoins des territoires.

S’agissant des fonctionnaires « reclassés », vous les pressez de partir, et vous avez même supprimé la possibilité de reconstitution de carrière, ouverte par le Sénat.

En fait, vous avez décidé, et les Français l’ont compris, de livrer La Poste au secteur privé. Or une large majorité d’entre eux, attachés au service universel du courrier, à l’accessibilité bancaire, à la distribution de la presse, au prix unique du timbre, souhaite pouvoir décider de l’avenir de La Poste par référendum.

Les députés communistes, républicains et du parti de gauche défendront une motion en ce sens. Permettrez-vous cette expression démocratique? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. Madame Amiable, tout à l’heure, nous engagerons le débat, sur La Poste.

Il a eu lieu en commission il y a quinze jours, et j’ai offert à toute la représentation nationale la possibilité de m’aider à construire l’avenir de La Poste, dont la privatisation n’est plus à l’ordre du jour – vous le savez parfaitement –, puisque toutes les garanties ont été apportées en la matière. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.) Connaissez-vous un seul État au monde qui engage 2,7 milliards d’euros d’argent public pour privatiser une entreprise? (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Citez-moi un seul exemple! Il n’y en a aucun.

Alors, construisons plutôt l’avenir de La Poste. Vous avez combattu, ainsi que vos amis politiques au Sénat, le fait que nous accordions et que nous assurions aux personnels de La Poste le maintien de leur caisse de retraite, l’IRCANTEC, et de leur mutuelle de santé.

M. Jacques Desallangre. Mais vous ne cherchez qu’à faire couler leur caisse de retraite!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. Surtout, vous vous êtes opposés à ce que le personnel puisse devenir actionnaire de La Poste. Pourtant, vous le savez, pour que nous puissions aider La Poste à se moderniser sans être sanctionnés par les instances européennes, nous sommes obligés, tout en confirmant son caractère à 100 % public (« C’est faux! » sur les bancs du groupe GDR) , de transformer son statut. C’est ce que nous ferons.

À partir de ce soir, et pour les trente heures qui viennent, consacrez-vous à nous aider à faire de La Poste une grande entreprise de logistique, une grande entreprise tournée vers les communications électroniques, une grande entreprise de distribution du courrier, une grande entreprise moderne qui nous permettra de concurrencer la Deutsche Post et la TNT Post hollandaise! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

M. le président. Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de l’Assemblée nationale du Québec, conduite par son président, M. Yvon Vallières. (Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent longuement.)

Questions au Gouvernement (suite)

M. le président. Nous poursuivons les questions au Gouvernement.

Profanation de la mosquée de Castres

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Philippe Folliot. Monsieur le Premier ministre, la profanation de la mosquée de Castres, dans la nuit de samedi à dimanche, a suscité émotion et incompréhension dans notre ville, tant le dialogue interreligieux y est riche et positif et les relations avec la mosquée sereines et constructives. Je tiens, du reste, à saluer le sens des responsabilités et la grande dignité de ses responsables, face à ces actes insupportables, lâches et contraires aux valeurs de notre République. Je suis certain que la condamnation sans appel et sans nuances de tels agissements, comme de ceux perpétrés contre des églises, des temples ou des synagogues, est unanime sur les bancs de cette assemblée.

Provocation d’un groupuscule extrémiste, agissements de jeunes désœuvrés ou acte isolé d’un déséquilibré: aucune piste n’est à exclure. Quoi qu’il en soit, nous devons dénoncer ces faits avec force, au nom du vouloir vivre ensemble et du respect des lois de la République et des valeurs de la laïcité.

Sans qu’un lien de causalité puisse être établi entre les deux événements, nous, centristes, pensons que l’identité nationale mérite un véritable débat. Celui-ci aurait pu gagner en lisibilité et en sérénité s’il avait été organisé sur une plus longue durée et en dehors de toute période électorale.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous indiquer où en est l’enquête judiciaire en cours, quelle est la nature des moyens mis en œuvre pour arrêter les lâches auteurs de cette profanation et ce que le Gouvernement compte faire pour que cela ne se reproduise ni là ni ailleurs? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur Folliot, la profanation d’un édifice religieux, quelle que soit la religion visée, est une atteinte intolérable aux principes et aux valeurs de la République. Ce type d’acte, méprisable, révoltant, scandaleux, est, j’en suis certaine, unanimement condamné sur les bancs de cette assemblée. (Applaudissements.)

Bien entendu, les auteurs de ces dégradations doivent être interpellés et déférés devant la justice. Une enquête est effectivement en cours, puisque le procureur de Castres a ouvert une enquête en flagrance pour destruction et dégradation de biens avec une connotation religieuse. Je souhaite que leurs auteurs soient retrouvés dans les meilleurs délais – les services de police sont totalement mobilisés à cette fin – et qu’ils subissent, devant la justice, la sanction que mérite leur acte inqualifiable.

Mesdames, messieurs les députés, il est de notre responsabilité – soyons-y très attentifs – et de notre honneur commun de défendre les principes et les valeurs essentiels de notre République:…

M. Roland Muzeau. Vous avez ouvert la boîte de Pandore!

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. …la liberté, la tolérance et la capacité de respecter l’autre. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Conflits sociaux

M. le président. La parole est à Mme Colette Langlade, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Colette Langlade. Monsieur le Premier ministre, un éminent représentant de votre camp a, un jour, déclaré: « Désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s’en aperçoit! » Eh bien, détrompez-vous, les grèves sont là et sont bien visibles (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : dans les musées, dans les prisons, chez les cheminots et dans bien d’autres secteurs encore, hélas! Le ressentiment demeure chez les chauffeurs routiers, en dépit des négociations de la semaine dernière.

Ces mouvements sociaux sont provoqués par la politique libérale de votre gouvernement. La réorganisation des postes et des services ainsi que la stagnation des salaires, que vous prônez par le biais de la RGPP notamment, suscitent en effet les plus vives inquiétudes chez ces salariés, qui craignent des conséquences catastrophiques pour leur avenir et leurs conditions de travail. Nous en avons tous vu l’illustration avec France Telecom.

La grogne se généralise, monsieur le Premier ministre. Vous demandez à ces personnels de faire plus d’efforts et exigez d’eux qu’ils fassent face à des tâches en augmentation, avec des moyens et des effectifs en diminution, ce qui n’est pas possible, ni réaliste. Après avoir opposé aux syndicats une fin de non-recevoir contribuant à accentuer les tensions, on a entamé avec eux un début de dialogue.

Vous considérez que ce qui préoccupe actuellement les Françaises et les Français, c’est l’identité nationale: l’incompréhension est totale!

Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, faites en faveur de nos compatriotes, de cette population française qui souffre, un geste conséquent, à la hauteur du paquet fiscal que vous avez accordé à vos amis du Fouquet’s et du Bristol! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Madame Langlade, je ne peux pas vous laisser dire que la France est aujourd’hui partout en proie à des conflits sociaux. Il y a, ici ou là, des tensions, qui se règlent au fur et à mesure des négociations et des échanges. Vous avez, du reste, vous-même cité l’exemple d’un conflit, celui des routiers, qui vient de trouver sa résolution avant même le moment où il risquait de se développer.

Regardez ce qui se passe dans les entreprises: partout où il y a des syndicats, des accords, nombreux, sont signés après de longues discussions. Je pense en particulier aux entreprises où sont représentées les deux plus grandes fédérations: la CGT, qui signe 83 % des accords dans les entreprises où elle est présente, et la CFDT, qui en signe 91 %.

Nous allons profiter des discussions actuelles pour améliorer encore ce dialogue, s’agissant en particulier des règles de la représentativité et des divers accords interprofessionnels que nous sommes en train de signer: sur le marché du travail, la formation, le chômage partiel, sans compter les dossiers que le Premier ministre a souhaité que nous ouvrions, qu’il s’agisse de l’égalité salariale, des seniors ou du stress au travail.

Bref, le dialogue social fonctionne en France, et ce n’est pas parce qu’il y a des grèves que le service s’arrête. Ainsi, vous avez été bien mal inspirée de citer l’exemple des transports parisiens, puisqu’en dépit du conflit du RER, une rame sur deux circule aux heures de pointe et pendant le week-end, grâce à la majorité, qui a voté la loi sur le service minimum. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Grand emprunt

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le Premier ministre, le Président de la République a annoncé hier les décisions concernant le grand emprunt. Il financera les « priorités nationales dans les secteurs où se prépare l’avenir de la France ». L’objectif est clair: il faut que, demain, l’argent investi assure aux Français un emploi, du pouvoir d’achat et le financement de la protection sociale. C’est cela, préparer l’avenir.

Parallèlement à la réflexion nationale de la commission du grand emprunt, le groupe UMP a réfléchi, à l’initiative de Jean-François Copé, aux conditions de succès de ce grand emprunt. De nombreux députés UMP ont organisé des réunions dans leur circonscription pour débattre de cette question avec la population. Il ressort de ce travail trois conditions majeures de succès.

La première est de respecter des principes rigoureux de sélection des projets d’avenir et d’éviter le saupoudrage. Le grand emprunt ne doit servir que des projets porteurs de croissance d’avenir: il en va de notre responsabilité, étant donné le déficit public. La deuxième condition, indispensable, est que la France poursuive la modernisation du fonctionnement de l’État et la réduction des dépenses publiques: le grand emprunt ne doit pas être un anesthésiant de nos efforts de réforme. Enfin, la troisième condition consiste à mettre impérativement en place une gouvernance transparente de l’utilisation de l’emprunt. C’est une obligation vis-à-vis des Français, à laquelle le Parlement doit être étroitement associé.

Notre pays vivait sur ses acquis depuis les années 1960 et 1970. Je me réjouis donc, pour tous les Français, que le Gouvernement choisisse aujourd’hui délibérément d’investir pour l’avenir de notre pays. Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous présenter les secteurs qui seront soutenus dans le cadre du grand emprunt, et nous assurer de ses conditions de succès? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Madame la députée, je voudrais d’abord, au nom de l’ensemble du Gouvernement, remercier votre groupe pour l’ensemble des propositions que vous nous avez faites. Le grand emprunt, les grandes priorités nationales, c’est combien, c’est comment, c’est pourquoi?

Combien et comment? Il s’agit de 35 milliards d’euros, dont 13 milliards d'euros correspondront à des remboursements qui seront effectués par les banques. Ce sont donc 22 milliards d’euros qui proviendront d’appels aux marchés, conformément à la décision prise par le Président de la République avec le Premier ministre: le meilleur emprunt au meilleur coût.

M. Jean-Pierre Soisson. Très bien!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Pourquoi ce grand emprunt? Cinq priorités ont été identifiées: l’enseignement supérieur, la recherche, les filières industrielles et les entreprises, l’environnement, le numérique. Comme vous le voyez, ce sont des secteurs importants, des secteurs d’avenir sur le long terme pour notre pays.

Quelle gestion et quel contrôle seront mis en place? Pour la gestion, le Président de la République a désigné M. René Ricol, en qualité de commissaire à l’investissement public auprès du Premier ministre. Celui que nous avons connu médiateur du crédit va désormais exercer ses talents en matière de sélection des projets, et nous sommes convaincus qu’il le fera avec beaucoup de discernement. Par ailleurs, un comité présidé conjointement par Alain Juppé et Michel Rocard, et comprenant un certain nombre de parlementaires de tous les bancs de cet hémicycle, sera mis en place afin de vérifier que le grand emprunt est utilisé à bon escient.

Quant au contrôle, il sera d’abord exercé par cet hémicycle. Il vous sera bientôt présenté un projet de loi de finances rectificative incorporant l’ensemble du dispositif du grand emprunt; parallèlement, la commission de surveillance, composée de représentants de cet hémicycle, sera amenée à vérifier que les objectifs fixés sont bien atteints par le mode d’investissement, et non pas de gestion, de cet emprunt. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Stress au travail

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Alain Vidalies. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Les événements dramatiques survenus au sein de la société France Télécom sont révélateurs d’une crise profonde du travail. Pour des millions de Français, la souffrance au travail est une réalité de chaque jour. Nous savons tous que c’est l’organisation du travail qui génère cette crise. L’intensification du travail, une gestion des ressources humaines déconnectée de l’humain, l’individualisation et la mise en compétition permanente des salariés sont à l’origine de l’explosion des risques psychosociaux. Face à cette situation, le groupe UMP, après avoir refusé la commission d’enquête parlementaire demandée par le groupe socialiste, a décidé de rendre publiques ses propres propositions.

Le président de groupe UMP a précisé dimanche qu’il ne souhaitait pas une loi, mais seulement des recommandations de bonne pratique, une sorte de code de bonne conduite. Ainsi, pour la majorité de cette assemblée, c’est toujours la même réponse: quand il faut obliger les gens à travailler le dimanche, c’est la loi qui l’impose; quand il faut limiter les droits des chômeurs ou instaurer les franchises médicales, c’est la loi qui l’impose; mais quand il s’agit de limiter les retraites chapeaux, alors le simple code de bonne conduite du MEDEF suffit! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Christian Paul. Excellent!

M. Alain Vidalies. Permettez-moi de vous rappeler la définition exacte d’une recommandation. Pour cela, je citerai les propos tenus par Nicolas Sarkozy le 15 juin 2009 à Genève devant l’assemblée générale de l’OIT: « Une norme qui n’est pas obligatoire n’est pas une norme. C’est une recommandation, c’est un conseil, c’est une sorte de feuille qui s’en va dans le vent. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Voilà pourquoi le parti socialiste rend aujourd’hui publiques ses propositions pour travailler mieux, pour vivre mieux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous souhaitons une généralisation et un renforcement des pouvoirs des comités d’hygiène et de sécurité, une réforme de la médecine du travail, un développement du droit d’expression des salariés. Ma question est simple: monsieur le Premier ministre, le Gouvernement est-il prêt à présenter au Parlement un projet de loi pour lutter contre le fléau de la souffrance au travail? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Monsieur le député, je ne peux pas vous laisser dire que le travail, c’est la souffrance! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Des difficultés particulières sont effectivement apparues à certains endroits – je pense notamment à France Télécom, que vous avez citée –, mais on ne peut pas dire que tout travail équivaut à du stress. Le travail, c’est d’abord l’émancipation; c’est le moyen permettant à un citoyen de réussir sa vie.

En ce qui concerne France Télécom, vous pouvez difficilement reprocher au Gouvernement de ne pas s’être, très tôt, emparé de ce dossier pour intervenir avec beaucoup d’énergie. Dès le mois d’octobre, nous avons rencontré des responsables de France Télécom; j’ai moi-même organisé des rencontres qui ont ensuite mobilisé l’ensemble de l’entreprise, et nous continuons actuellement à dialoguer. Nous avons également encouragé l’analyse effectuée par le cabinet d’études Technologia, qui a mobilisé 80 % des salariés, et dont sont ressorties des propositions qui devraient être suivies d’effets.

Vous qui demandez une loi, monsieur Vidalies, vous êtes bien placé pour savoir qu’il faut également respecter les partenaires sociaux. Sur le stress, il a d’abord été conclu un accord interprofessionnel. Ensuite, le 9 octobre, j’ai réuni la commission d’orientation sur les conditions de travail, et nous avons déterminé un ensemble d’obligations de négociation. J’ai également écrit à toutes les entreprises de plus de 1000 salariés, afin de les obliger à conduire des négociations dans ce domaine. Enfin, comme vous le souhaitez, nous avons prévenu que si ces négociations ne donnaient pas de résultats, nous ferions pression.

Vous avez eu raison de citer le Président de la République – à mon sens, vous devriez le faire plus souvent, monsieur Vidalies –, qui nous a rappelé qu’il ne suffit pas de faire des prescriptions, l’instauration de contraintes étant également nécessaire. Le Gouvernement y est tout à fait disposé, et s’enrichira des propositions que fera le groupe parlementaire. N’essayez pas d’opposer le groupe parlementaire et le Gouvernement, vous n’y arriverez pas! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Bilan des 35 heures

M. le président. La parole est à M. Yves Vandewalle, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Yves Vandewalle. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre du travail et des relations sociales.

Monsieur le ministre, voilà dix ans aujourd’hui que la France du travail vit sous le régime des 35 heures, dix années pendant lesquelles cette réforme a freiné la croissance économique de notre pays, pesé sur les salaires et les conditions de travail des salariés. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Loin d’être imitées par les autres pays, les 35 heures sont restées une exception française qui handicape la compétitivité de nos entreprises dans une économie mondialisée. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

M. Marcel Rogemont. Pourquoi ne pas avoir abrogé cette loi? Vous avez eu huit ans pour le faire!

M. Yves Vandewalle. Loi malthusienne, elle devait permettre de mieux répartir la quantité de travail entre les salariés au prix d’un blocage des salaires. En réalité, elle n’a pas eu d’effet durable sur le chômage, et a pénalisé les salaires tout en contribuant au déficit budgétaire de l’État.

Au-delà de ces effets économiques et budgétaires, les 35 heures ont eu pour conséquence de rigidifier et d’aggraver les conditions de travail des salariés.

M. Jean-Michel Fourgous. Eh oui!

M. Yves Vandewalle. Nous le savons tous, les salariés font en 35 heures ce qu’ils faisaient auparavant en 39 avec, certes, un niveau de productivité remarquable mais au prix d’un stress supplémentaire dont beaucoup se plaignent.

M. Yves Nicolin. C’est une catastrophe!

M. Yves Vandewalle. Monsieur le ministre, alors que, demain, les députés du groupe UMP et du Nouveau Centre remettront leur rapport sur la souffrance au travail, quel bilan tirez-vous de ces dix années et de leurs conséquences sur la santé au travail des salariés? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Marcel Rogemont. La question est plutôt de savoir quand vous allez supprimer les 35 heures, monsieur le ministre!

M. le président. La parole est à M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Monsieur Vandewalle, il est des jours où l’on aimerait que le Gouvernement puisse poser des questions au groupe socialiste. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) De fait, je souhaiterais l’interroger sur le bilan des 35 heures: où sont les centaines de milliers d’emplois que vous aviez promis? (« Changer le monde! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie!

M. Xavier Darcos, ministre du travail. Où sont les réformes qui devaient être engagées grâce aux 35 heures? Les contraintes quotidiennes devaient disparaître et les valeurs du travail devaient être reconnues: qu’en est-il?

M. Albert Facon. Vous avez eu huit ans pour supprimer les 35 heures!

M. Xavier Darcos, ministre du travail. Comment a-t-on pu avoir l’idée qu’on pouvait améliorer la compétitivité de nos entreprises en faisant moins travailler les salariés?

Comme vous l’avez dit, monsieur Vandewalle, la compétitivité de nos entreprises a été, en effet, gravement obérée par les 35 heures. (« Darcos, une chanson! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Glavany. Allez donc préparer votre nouveau clip, monsieur Darcos!

M. le président. Ça suffit, mes chers collègues!

M. Xavier Darcos, ministre du travail. Elles ont accentué la pression sur les salariés et empêché ces derniers de travailler mieux et de gagner plus. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie!

M. Xavier Darcos, ministre du travail. Cette réduction du temps de travail a pesé sur la vie des travailleurs et la compétitivité des entreprises.

Nous avons souhaité, quant à nous, mettre fin à cette anomalie. Nous avons souhaité libérer le temps du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Et Dieu sait si, aujourd’hui, les salariés se sont saisis de cette possibilité: n’en déplaise au groupe socialiste, le nombre d’heures supplémentaires entre2006 et2008 a augmenté de 30 %. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Vous aurez beau vous égosiller, cela ne changera rien à ces chiffres. Allez donc demander aux salariés s’ils s’en plaignent!

Monsieur Vandewalle, heureusement que nous avons mis fin aux 35 heures! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Baisse du revenu des agriculteurs

M. le président. La parole est à M. Marc Vampa, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Marc Vampa. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adressait à M. le ministre de l’agriculture, dont je viens d’apprendre qu’il est à Bruxelles pour négocier le quota pêche.

La sentence est tombée: le revenu moyen des quelque 400000 exploitations agricoles françaises a chuté de plus de 30 % en 2009. Le groupe Nouveau Centre vous a alerté sur le désarroi des agriculteurs, lors de chacune des séances de question d’actualité depuis septembre dernier. S’il fallait le faire un peu plus, ce chiffre vient illustrer la pire crise que connaît le monde agricole depuis trois décennies.

M. Jean Glavany. À cause de qui?

M. Marc Vampa. Les maraîchers perdent 32 % de leur revenu; les céréaliers, 51 %; les producteurs de fruits et légumes, 53 %. Pire encore, les producteurs laitiers ont perdu 54 % de leurs revenus nets! Il faut ajouter que cette baisse s’additionne aux mauvais résultats de l’année 2008.

M. Marcel Rogemont. C’est la faute aux 35 heures, sans doute!

M. Marc Vampa. Le groupe Nouveau Centre vous interpelle une fois encore, car c’est un tiers des exploitations dont le revenu sera nul, voire négatif.

La semaine dernière, vous avez réuni à Paris 22 des 27 pays de l’Union européenne pour prendre position en faveur d’une PAC forte. Nous tenons à vous remercier pour cette implication. Face aux chiffres que je viens de citer, nous ne pouvons que presser le pas dans cette direction. L’affaiblissement des outils de gestion des marchés agricoles n’est pas supportable, en effet.

Notre groupe appelle la nouvelle Commission à envoyer un signal politique clair en faveur d’une nouvelle régulation européenne digne de ce nom. Le Nouveau Centre estime qu’il n’y aura pas d’agriculture durable sans un minimum de régulation. Comment avancent les négociations sur ce sujet crucial?

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Bruno Le Maire, qui, comme vous l’avez rappelé, participe actuellement au conseil des ministres européens pour négocier les quotas de pêche.

Dès le mois d’août, le Gouvernement avait souligné la gravité de la crise agricole, qui a été confirmée par les chiffres que vous avez cités: 34 % de baisse du revenu des agriculteurs en 2009. Ces chiffres, publiés hier par la commission des comptes de l’agriculture, ne sont pour l’heure que provisoires. Ces estimations seront affinées au mois de juillet. En tout état de cause, elles justifient le plan d’urgence mis en œuvre par le Gouvernement. Je vous rappelle que celui-ci est doté de 1,6 milliard d’euros.

M. Patrick Roy. C’est insuffisant!

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale. Ce plan est immédiatement opérationnel et concret puisque 150 millions d’euros de prêts de trésorerie sont en passe d’être octroyés à environ 8000 exploitations pour une moyenne de 18750 euros.

Bruno Le Maire et Nicolas Forissier, membre de votre assemblée qui a été nommé médiateur pour la mise en application du plan, ont par ailleurs appelé les banques à intensifier leur appui auprès des exploitations.

Enfin, attentif aux besoins identifiés sur le terrain, le Gouvernement a annoncé des assouplissements importants au dispositif mis en place, avec notamment la possibilité d’adapter les critères d’octroi des aides au niveau local pour tenir compte des spécificités des exploitants récemment installés, ou encore l’extension du plan de soutien aux CUMA.

À plus long terme, Bruno Le Maire défendra prochainement la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Comme vous pouvez le constater, monsieur le député, le Gouvernement tient ses engagements. Vous pouvez compter sur sa détermination totale pour faire face à la crise profonde qui affecte aujourd’hui notre agriculture. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Taxation des bonus

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Didier Migaud. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Il y a quelques semaines, nous avons proposé de taxer les bénéfices des banques et de relever la taxe sur les salaires et les bonus des traders.

Qu’avons-nous alors entendu? « Inopportun! Inapproprié! Démagogie! Vous souhaitez que l’État spécule! »

Notre première proposition permettait tout simplement aux contribuables d’être associés aux bénéfices des banques, retrouvés grâce au soutien massif de l’État – et donc du contribuable. Était-ce légitime? Oui: beaucoup d’autres pays l’ont fait. Pourtant, vous l’avez refusé.

Notre seconde proposition permettait de dissuader les banques de verser des bonus extravagants, choquants. Il n’est pas normal que les entreprises paient le même taux de taxe sur les salaires selon que l’on est trader ou, par exemple, infirmière. Notre proposition était-elle légitime? Oui. Pourtant, vous l’avez refusée.

Chaque fois qu’il s’agit de réguler le capitalisme financier, vous agissez a minima – Alain Vidalies l’a dit‚– et sous la pression de l’opinion. Si le discours est dur et, en apparence, volontariste, les mesures tardent à suivre et sont d’une grande douceur, ou encore sans effet.

M. Jean Glavany. C’est qu’ils ont changé d’avis!

M. Didier Migaud. Ma question est donc simple: monsieur le Premier ministre, allez-vous taxer les bénéfices des banques, à partir du moment où ils ont été obtenus grâce au soutien massif de l’État? Allez-vous taxer les bonus des traders? Allez-vous passer par la loi?

M. Roland Muzeau. Bah non!

M. Didier Migaud. La grande différence entre le Président de la République et le Premier ministre britannique, c’est que, si les deux ont parlé et écrit, l’un a déjà présenté un texte devant la Chambre des Communes. Ce n’est pas encore le cas en France!

M. Marcel Rogemont. Eh non!

M. Didier Migaud. Qu’attendez-vous? (Bravo! et applaudissements sur les bancs du groupe SRC et plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Monsieur le député, souvenez-vous du 25 août2009. Ce jour-là, le Président de la République convoquait l’ensemble des représentants des banques et les incitait à la discipline (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) et à la modération; et il obtenait de diviser par deux une provision sur bonus d’un milliard d’euros. Ensuite commençait un travail qui est la seule différence entre nous.

M. Christian Eckert. Ce n’est pas la seule!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. En effet, nous souhaitons quant à nous agir sur le plan international. Nous ne voulons pas sanctionner les seules banques françaises. Nous voulons tout simplement que tout le monde joue sur un pied d’égalité.

Depuis le 25 août, nous avons fait beaucoup de choses.

M. Marcel Rogemont. Vous n’avez rien fait!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Nous avons convaincu l’ensemble des dirigeants du G20 d’encadrer les bonus. Nous avons obtenu l’interdiction des bonus garantis, le différé du paiement de 50 % des bonus sur trois ans…

M. Albert Facon. …différé seulement!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …et nous avons obtenu qu’en face d’un bonus, il y ait un malus. L’ensemble des pays du G20 a été convaincu et est en train de mettre en œuvre ce dispositif.

Je vais tout simplement vous citer le Président de la République,…

M. Jean Glavany. Il change d’avis tout le temps! Précisez la date!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …qui proposait, dans son discours du 25 août, « la création dans toutes les places financières d’une taxe assise sur les bonus distribués, dont le produit alimenterait les systèmes de garanties des dépôts. »

C’était le 25 août2009. Or que se passe-t-il? Nous mettons en œuvre cette proposition,…

Plusieurs députés du groupe SRC. Non!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …pas seulement à Paris, car cela n’aurait aucun sens, mais à Londres et à Paris, et nous allons essayer de convaincre l’ensemble de nos partenaires européens, ainsi que les États-Unis. En effet, ce n’est pas seulement à Paris, c’est aussi à Londres et à New York que doivent se mettre en place de tels systèmes.

Oui, nous allons donc mettre en place ce système. Oui, je reviendrai devant votre assemblée pour vous proposer, à l’occasion d’un projet de loi de finances rectificative ou d’un autre véhicule, par exemple le projet de loi de régulation bancaire, qui viendra devant vous, un dispositif permettant de taxer les bonus, car c’est légitime.

Plusieurs députés du groupe SRC. Ah!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. À circonstances exceptionnelles et à financement exceptionnel, taxation exceptionnelle, mais pour tous, pas seulement à Paris! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Sommet de Copenhague

M. le président. La parole est à M. Franck Reynier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Franck Reynier. Ma question s’adressait à M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. La conférence internationale de Copenhague sur les changements climatiques s’achèvera à la fin de cette semaine.

C’est un événement majeur dans la perspective de la mise en œuvre d’une mutation écologique à l’échelle mondiale. Le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a réaffirmé sa détermination à voir un consensus se dégager à Copenhague.

Jean-Louis Borloo, ministre d’État en charge de l’écologie, responsable des négociations sur le climat, défend actuellement la position de la France à Copenhague. Il a rappelé la position européenne: réduction des gaz à effet de serre, mobilisation de crédits en faveur du volet forestier et coopération et aide aux pays en développement.

Soulignons la place qu’il convient d’accorder aux pays émergents et aux pays les moins avancés, qui sont plus durement frappés par les catastrophes climatiques et qui ne peuvent consentir les mêmes efforts que les pays industrialisés.

Il est essentiel, monsieur le ministre des affaires étrangères, d’accompagner ces pays dans leur adaptation aux changements climatiques tout en préservant leur croissance, indispensable à leur développement. Un mécanisme immédiat d’aide aux pays les plus vulnérables est indispensable.

Il est donc urgent et nécessaire qu’un accord soit trouvé qui répartisse équitablement entre tous les pays les efforts de lutte contre le réchauffement climatique. La France doit montrer la voie.

Les principaux chefs d’États et de gouvernements sont attendus à Copenhague jeudi et vendredi. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous tenir informés de l’état actuel des négociations? Quelle est la stratégie de la France défendue par Jean-Louis Borloo à Copenhague pour amener l’ensemble des pays à un accord sur le climat? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le député, comme vous l’avez dit – vous avez d’ailleurs presque tout dit…‚– (Sourires.)

M. François Goulard. Eh oui!

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. …en ce moment sont réunis, discutant sur un texte – et un seul texte, ce qui est déjà un progrès‚– tous les pays du monde et, à partir de jeudi, cent douze chefs d’État.

Sur quoi précisément discutent-ils? Sur un objectif commun: pas d’élévation de la température au-delà de deux degrés et même, si possible, un degré et demi.

M. Philippe Vuilque. Comment?

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Sont-ils tous d’accord? Presque, mais pas encore. Pour atteindre l’objectif, il faut aller vers une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Comme le Président de la République l’a expliqué au Conseil européen de la semaine dernière, nous visons une diminution de 30 %. Nous verrons bien si cela est possible, mais c’est ce que la France propose.

Il y a, face à ces exigences, trois groupes: les pays les plus pauvres, les pays émergents, qui ne sont pas les moins pollueurs, et enfin les pays riches. Je vous rappelle que la France a passé un accord – un texte a été publié‚– avec le Brésil, pays émergent, et, aujourd’hui, avec Meles Zenaoui, c’est-à-dire le représentant du groupe des pays africains. Nous sommes donc assez forts pour imposer cela…

M. Roland Muzeau. Tu parles!

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. …si nous savons ce que veulent exactement la Chine et les États-Unis. Ce matin – puisque vous me demandez de faire un rapport sur ce qui se passe en ce moment‚–, ce n’était pas clair. Les pays africains débattaient du rôle de la Chine,…

M. Roland Muzeau. Et la faim dans le monde? Tout le monde s’en fout!

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. …de ce qu’elle va proposer et également, bien entendu, de ce que le président Obama, qui arrive enfin à cette conférence, va proposer de son côté.

Ce que nous pouvons dire également, c’est que l’essentiel réside à la fois dans l’intention affichée de réduire les gaz à effet de serre mais aussi, bien sûr, dans le financement des pays pauvres.

Un député du groupe SRC. Ah oui?

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Sur ce sujet aussi l’Europe a indiqué le chemin.

M. le président. Monsieur le ministre, merci de conclure!

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Il faudra tout de suite donner 10 milliards par an. Qui le fera? La France et l’Europe se sont positionnées, et il faut maintenant un contrôle, c’est-à-dire une organisation mondiale de l’environnement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Charters vers l’Afghanistan

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Kucheida, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean-Pierre Kucheida. Je n’évoquerai ni l’emploi, ni la flambée des prix, ni la faiblesse des salaires – autant de questions graves en cette fin d’année.

Aujourd’hui, c’est la vie – ou la mort! – d’innocents qui me fait réagir! Monsieur le ministre des affaires étrangères, dans les heures à venir, notre pays va expulser au moins neuf immigrés en situation irrégulière vers l’Afghanistan, pays en guerre, dévasté par la corruption et la drogue. Que vont devenir Aziz, Ajemal et les autres?

M. Patrice Verchère. Vous êtes irresponsable!

M. Jean-Pierre Kucheida. Il y a quelques instants, Wali Mohammadi, jeune Afghan, disait au groupe socialiste le sort terrible qui attendait les expulsés: les tortures et la mort, comme pour son père. Peut-on, au pays des droits de l’homme, être insensible à ce point? Peut-on cultiver tant d’incohérence? La France fait la guerre aux extrémistes religieux, à Al Qaïda et aux talibans – et la France leur renvoie ceux qui tentent, après un périlleux voyage de 7000 kilomètres, de leur échapper.

M. Philippe Meunier. Irresponsable!

M. Richard Mallié. Ils n’ont qu’à se battre, là-bas!

M. Jean-Pierre Kucheida. Monsieur Kouchner, à d’autres époques, vous n’auriez pas toléré ces agissements criminels. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Vous m’avez vous-même avoué, il y a trois semaines au Quai d’Orsay, que vous n’étiez pas fier de l’expulsion de trois Afghans au mois d’octobre. Allez-vous continuer à permettre à M. Besson (« Honte, honte » sur les bancs des groupes SRC et GDR) d’augmenter ses statistiques pour être mieux en cour?

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie.

M. Jean-Pierre Kucheida. Allez-vous continuer à permettre à M. Hortefeux, avec certains policiers, à Calais, de traiter ces pauvres gens comme des chiens?

M. Richard Mallié. Ces propos sont scandaleux!

M. Jean-Pierre Kucheida. Monsieur Kouchner, votre voix faisait autorité. Évitez donc l’enfer à ces malheureux!

M. Philippe Meunier. Lamentable!

M. Richard Mallié. Les Français se font tuer là-bas!

M. Jean-Pierre Kucheida. Ayez pitié d’eux. Votre responsabilité, la responsabilité du Gouvernement, notre responsabilité est totale. Monsieur le ministre des affaires étrangères, quand allez-vous rendre à la France son honneur? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. — Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. (Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mes chers collègues, je vous en prie. Écoutez la réponse à la question que vous avez posée!

M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. La France est généreuse; la France est ferme dans l’application de ses principes. La France est généreuse: elle est l’un des pays d’Europe qui accueille un grand nombre de réfugiés, et elle y consacre d’ailleurs 300 millions d’euros, c’est-à-dire la moitié du budget du ministère dont j’ai la responsabilité. (Mêmes mouvements.)

M. Jean Glavany. Souviens-toi de ce que tu as été!

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. La France est la seule à ne jamais reconduire à la frontière les mineurs étrangers isolés. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) La France engage ses enfants, et parfois le sang de ses enfants, en Afghanistan.

La France, si elle est généreuse, est aussi ferme dans l’application de ses principes. On doit entrer en France légalement; si on s’estime en danger ou persécuté, on doit demander l’asile; si on ne l’obtient pas, après épuisement des recours en France et en Europe, on a la possibilité d’être reconduit dans son pays.

M. Marcel Rogemont. C’est à l’UMP qu’il faut demander l’asile!

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. La France est généreuse, mais la France est ferme dans l’application de ses principes. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Patrick Braouezec. La France était généreuse…

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Le dispositif que vous avez proposé voici quarante-huit heures, qui est un dispositif de protection temporaire, n’est pas applicable, pour un certain nombre de raisons juridiques que je n’ai pas le temps de détailler ici, mais que je tiens à votre disposition. (Mêmes mouvements.)

M. Patrick Lemasle. Expulsez Besson!

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Mais, surtout, il ne serait pas applicable pour une raison politique simple: beaucoup de nos partenaires européens, pour ne pas dire tous, pensent comme nous que, pour lutter contre les réseaux mafieux de l’immigration clandestine, nous sommes obligés de reconduire à la frontière les déboutés du droit d’asile. C’est le cas du Royaume-Uni, de la Norvège, de la Suède, des Pays-Bas, de la Belgique. (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Enfin, je voudrais vous dire qu’en matière de droits de l’homme, je ne suis pas sûr que le Gouvernement ait beaucoup de leçons à recevoir d’un parti qui vient d’investir Georges Frêche comme tête de liste de la région Languedoc-Roussillon! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. — Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean Glavany. Où t’arrêteras-tu?

Accord salarial dans l’hôtellerie-restauration

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Thierry Mariani. Monsieur le secrétaire d’État chargé du commerce et de l’artisanat, c’est à Marseille, au mois de décembre2006, que le candidat Nicolas Sarkozy s’était engagé auprès des restaurateurs à tenir la promesse qui leur avait été faite d’abaisser le taux de TVA à 5,5 %, c’est-à-dire au taux appliqué pour la restauration rapide: c’était donc une mesure de justice, et en aucun cas un cadeau.

Depuis le 1 er  juillet dernier, grâce à notre majorité, cet engagement est devenu réalité. Nous avons tenu nos promesses. Oui, nous aurions souhaité une baisse des prix plus significative; mais au moins, grâce à la baisse de la TVA, ce secteur n’a pas licencié pendant la crise.

M. Christian Eckert. Ces trois milliards sont un scandale!

M. Thierry Mariani. Ma question porte sur l’autre contrepartie qui doit accompagner cette baisse de la TVA. Hier, lundi, les cinq syndicats de salariés et trois organisations professionnelles de l’hôtellerie-restauration sont parvenus, après des mois de négociation, à un accord salarial. Celui-ci concerne plus de 800000 salariés et n’aurait pas été possible, il faut le rappeler, sans la baisse de la TVA.

Ceux qui s’en prennent à cette mesure, à l’image du porte-parole du parti socialiste, s’en prennent donc en fait aux avantages dont vont enfin pouvoir jouir les salariés de ce secteur. Je suis certain que ceux-ci apprécieront! (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Christian Eckert. Menteur!

M. Thierry Mariani. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai participé avec vous ce matin à une réunion du comité de suivi du contrat d’avenir pour la restauration. Nous avons, à cette occasion, pu prendre connaissance des dispositions prévues par cet accord que vous devez signer définitivement cet après-midi. Pouvez-vous nous éclairer plus précisément sur ces avancées historiques, et sur leur portée pour les salariés de ce secteur, qui ont bien besoin de cet accord? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Roland Muzeau. Ce cadeau de trois milliards est une honte!

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. À l’heure où nous parlons, c’est vrai, un accord est en train d’être signé entre les cinq organisations de salariés et trois organisations professionnelles du secteur de l’hôtellerie et de la restauration. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) C’est un accord que l’on peut qualifier d’historique, puisqu’un milliard d’euros va être distribué aux salariés de ce secteur.

M. Jean Glavany. Décidément, vous avez une drôle de manière de faire l’histoire de France!

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Cet accord contient des avancées sociales majeures: une hausse générale des salaires, avec une revalorisation moyenne de la grille de 5 %; une prime TVA annuelle de 2 % du salaire, plafonnée à 500 euros; deux jours fériés complémentaires; la création d’une mutuelle.

Très concrètement, cela représente 600 euros de plus par an pour un salarié au SMIC à temps plein, et 1400 euros pour un employé qualifié.

M. Frédéric Cuvillier. S’il est déclaré!

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Voilà, monsieur le député, la réalité de cet accord: un milliard d’euros sur les deux milliards du coût net de cette mesure.

M. Roland Muzeau. Ce n’est pas deux milliards!

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Cela signifie que le Parlement a bien fait de voter une mesure qui va concerner des centaines de milliers de salariés, qui sont aussi des consommateurs!

Le comité de suivi, vous l’avez rappelé, s’est réuni ce matin. En matière de prix, la moitié seulement du chemin aura été faite. Mais pour l’accord social, l’objectif est atteint. Voilà pour les deux mesures de court terme.

Il y a aussi les mesures de moyen terme. Les premiers chiffres dont nous disposons sur la situation de l’apprentissage et la formation sont très encourageants: les contrats d’apprentissage ont crû de plus de 5 % par rapport à l’an dernier.

M. Patrick Lemasle. Il y a eu moins d’embauches que d’habitude!

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Il faudra aussi que les objectifs en termes d’emplois soient atteints, ainsi que les objectifs de modernisation du secteur. Le comité de suivi, auquel vous appartenez, se réunira régulièrement; mais, je peux le dire, le contrat est bien parti! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Grippe A

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Dominique Orliac. Madame la ministre de la santé et des sports, la politique gouvernementale concernant la gestion de la grippe A H1N1 est un échec total. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) En effet, 90 % des Français ne sont pas vaccinés et 78 % d'entre eux n'envisagent pas de le faire, alors que le pic de l'épidémie est atteint ou dépassé dans tous les pays d'Europe sauf en France.

C'est un échec total car, depuis le début, les informations désordonnées et contradictoires, tant auprès des professionnels de santé qu'auprès de la population, ont semé le doute quant à la pertinence de la vaccination et du traitement médical.

C'est un échec total car, depuis le début, les médecins généralistes n'ont pas été associés alors qu’un médecin généraliste volontaire aurait pu vacciner dans le cadre d'une consultation. Les 50000 généralistes auraient pu ainsi vacciner 2 millions de personnes en quatre jours.

M. Jean-Pierre Door. Ce n’est pas vrai!

Mme Dominique Orliac. Madame la ministre, il faut que vous compreniez que les professionnels de santé sont de plus en plus exaspérés. Ils passent de nombreuses heures à conseiller leurs patients au téléphone sans avoir la possibilité de les vacciner. Convenez que cette situation est aberrante!

Mais l'indignation risque d'être à son comble en fin d'année car vous envisagez de réquisitionner alors les praticiens, pour pallier les déficiences de l'organisation étatique de la campagne de vaccination. Vous envisagez donc de faire peser sur le corps médical les désorganisations de votre campagne alors même que vous refusiez jusqu’alors sa coopération. C’est bien là une démonstration par l'absurde de son utilité!

Les généralistes sont mûrs pour descendre dans la rue ou fermer leurs cabinets. Il y a un véritable risque de grève des gardes, comme en 2001.

Madame la ministre, pourriez-vous concevoir l'activité vaccinale des médecins généralistes comme une activité complémentaire de celle des centres dédiés? Cela représenterait une mise à disposition de 3 à 4 millions de doses, soit environ 5 % des 92 millions de doses restantes. Allez-vous enfin réagir, alors qu'il est déjà presque trop tard? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Éric Raoult. Ridicule!

M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Madame la députée, vous posez des questions extrêmement précises sur un ton polémique. Bien évidemment, je m’inscris totalement en faux contre les contrevérités que vous venez de prononcer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.) Le président Pierre Méhaignerie m’ayant invitée à faire le point sur la campagne de vaccination devant la commission des affaires sociales, j’aurai tout à l’heure l’occasion de démonter un par un les arguments que vous venez d’avancer. Votre question me permet cependant de faire d’ores et déjà le point sur cette campagne de vaccination.

Avec 3,5 millions de nos compatriotes vaccinés, nous avons un des meilleurs taux de vaccination des pays qui ont lancé des campagnes de vaccination. Voilà la vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)

Déjà 35 % des personnels soignants de nos hôpitaux se sont fait vacciner, et ce taux atteint 60 % pour les médecins, tandis que 270000 élèves des établissements du secondaire se sont également fait vacciner.

Il faut forcer le pas, car si cette grippe revêt souvent une forme peu sévère, elle peut prendre des formes fulgurantes. Ainsi, la semaine dernière, 113 personnes ont été hospitalisées pour des syndromes de détresse respiratoire aiguë. Presque toutes s’étaient vu proposer une vaccination contre la grippe mais ne l’avaient pas acceptée.

Il nous faut donc poursuivre nos efforts. Bien entendu, nous adaptons notre système de vaccination à mesure que la logistique se dessert. Nous recevons en effet de plus en plus de vaccins, ce qui nous permet de vacciner la totalité de la population et non pas seulement les publics prioritaires.

Cette vaccination contre la grippe est la plus grande opération de santé publique menée dans notre pays et nous sommes en train de la réussir! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)

Grève dans les transports

M. le président. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jacques Alain Bénisti. Ma question s'adresse à Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.

Depuis maintenant plus de six jours, une grève des conducteurs du RER A paralyse le trafic des transports en commun franciliens, prenant en otages plus d'un million d'usagers chaque jour, à commencer par les Val-de-Marnais.

M. Henri Plagnol. C’est vrai!

M. Jacques Alain Bénisti. Même si le bras de fer engagé entre la RATP et les responsables syndicaux semble trouver enfin une issue raisonnable, il apparaît que les derniers blocages ne reposent que sur deux revendications portant d’une part, sur la vétusté du matériel, qui date de plus de quarante ans et qui bien souvent est la cause de retards conséquents sur les lignes, d’autre part, sur les conditions de travail des conducteurs, à qui on demande toujours plus.

Il faut que le STIF et la région Île-de-France, partenaires financiers du transport urbain francilien, sortent de leur passivité et se décident enfin à investir massivement en faveur du renouvellement du matériel de la régie.

M. Henri Plagnol. Très bien!

M. Jacques Alain Bénisti. Je salue en tout cas les efforts de la RATP pour sortir de ce conflit qui n'a que trop duré. Sa proposition d'ouvrir désormais un cycle d’échanges réguliers avec les syndicats pour faciliter les conditions d'exercice des missions quotidiennes des conducteurs de la ligne A semble, aux yeux de tous, la meilleure des solutions.

Ma question est double: où en sont les négociations et à quelle échéance le trafic redeviendra-t-il normal? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Monsieur le député, je vous réponds à la place de M. Bussereau, qui est aujourd’hui à Washington pour signer un accord sur les transports avec les autorités américaines.

Dans cette affaire, je pense, comme nous tous, je crois, aux Franciliens qui, une fois de plus, sont éprouvés au quotidien dans les moyens de transports. Je pense aux plus fragiles d’entre eux, à ceux qui sont à la recherche d’un emploi, qui occupent des emplois précaires, et qui n’ont pas l’avantage, contrairement aux conducteurs, d’avoir la sûreté de l’emploi. Cela mérite d’être rappelé. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

J’indique également que, malgré une grève extrêmement forte, il circule tout de même, grâce à la loi sur le service minimum que cette majorité a votée, une rame sur deux aux heures de pointe et que des rames sont renforcées pendant le week-end, pour limiter les inconvénients que doivent supporter aujourd’hui les Franciliens.

Vous m’avez interrogé, monsieur le député, sur l’état des négociations. Vous le savez, celles-ci, qui avaient été interrompues, ont repris aujourd’hui; cet après-midi, un certain nombre de pistes se dessinent qui permettent d’espérer une solution au conflit. Les discussions portent sur les grilles de rémunérations, sur les parcours professionnels et surtout sur le problème compliqué de la deuxième partie de la carrière des conducteurs et de la façon de leur permettre de poursuivre leur parcours professionnel sans être forcément soumis aux mêmes contraintes que les conducteurs.

Je compte que, grâce à l’énergie et à la bonne volonté des uns et des autres, nous aboutirons à une solution. Mais, je le répète, il nous semble que ce conflit, trop fréquent, provoque des inconvénients qui vont bien au-delà des revendications présentées par les conducteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Maxime Gremetz. Concertation!

Retraites

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP.)

Je vous en prie, mes chers collègues, montrez à M. Roy combien vous êtes tolérants.

M. Patrick Roy. Monsieur le ministre des relations sociales, en cette fin d'année 2009, où le pouvoir d'achat est gelé, je voudrais vous parler de la situation dramatique des Français qui perçoivent une petite retraite.

Chez moi, dans le Denaisis, l'Ostrevant, le Valenciennois, je rencontre de plus en plus de retraités accablés, angoissés et révoltés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Comme vous connaissez mieux les nantis du Fouquet's que la pauvreté en France, je vais vous faire part de ce que me disent ces retraités. (Mêmes mouvements.)

Je rencontre un de ces couples il y a quelques jours. Ils ont 850 euros par mois. Ils me montrent leur budget : 120 euros pour le gaz, 60 pour l'électricité. Il reste 670 euros. Ils dépensent encore 30 euros pour l'eau, 30 pour le téléphone, 150 pour la mutuelle et tous les frais de santé de moins en moins remboursés, hélas! Il reste 460 euros. Encore quelques autres dépenses obligatoires pour 140 euros: vêtements, assurances, réparations, transports, taxes diverses. Après le règlement du loyer pour 140 euros, il reste 180 euros. Bonne nouvelle néanmoins pour eux : ils ne dépensent rien en essence. Il y a longtemps qu'ils n'ont plus de voiture.

Il reste donc chaque jour, pour se nourrir; 3 euros pour madame, 3 euros pour monsieur. Ce n'est pas beaucoup.

Alors, monsieur le ministre, ma demande n’est pas stupide. (« Non! » sur les bancs du groupe UMP.) Puisque vous chantez avec vos amis qu’« ensemble on peut changer le monde », eh bien prouvez-le! Pour Noël, aux pieds des sapins des retraités, pour être un bon papa, n'oubliez pas leurs petits souliers! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

M. Xavier Darcos, ministre du travail des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Monsieur le député, qui, dans cet hémicycle, défend les retraités? (« C’est nous! » sur les bancs du groupe SRC.) Puis-je vous rappeler que c’est notre majorité qui a fixé la revalorisation des retraites  au 1 er  avril, sans attendre le 1 er  janvier prochain? (« C’est faux! » sur les bancs du groupe SRC.) C’est elle qui a augmenté le minimum vieillesse de 44 euros par mois. Au total, il sera revalorisé de 25% d’ici à 2012. Qui a porté le taux de réversion de 54% à 60%, ce qui se traduit pour 630000 veuves et veufs par un gain moyen de 317 euros pour 2010? (« C’est nous! » sur les bancs du groupe UMP.) Qui s’est engagé à revaloriser les pensions de retraites des agriculteurs et de leurs veuves? (« C’est nous! » sur les bancs du groupe UMP.) De ce fait, 199000 retraités perçoivent aujourd’hui 350 euros et plus.

Je vous rappelle, puisque c’est Noël, que toutes ces mesures, notamment celles qui touchent à la question des retraites, ont été prises par le gouvernement de François Fillon ou ceux de notre majorité, et que le groupe socialiste n’en a jamais voté aucune. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Vous avez parlé du Fouquet’s, monsieur Roy. Je ne connais pas cet établissement, mais je connais les petits restaurants du Sud-Ouest où l’on mange fort bien. Je vous invite à y venir. Les habitants de cette région vous le diront: ils savent très bien qui s’occupe vraiment d’eux! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Détecteurs de fumée

M. le président. La parole est à M. Pierre Morange, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Pierre Morange. Ma question s’adresse à monsieur le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme, et j’y associe mon collègue Damien Meslot.

Les fêtes de Noël sont l'occasion pour la majorité de nos concitoyens de s'équiper de décorations électriques et de sapins. C'est une période festive. Pourtant, chaque année, des drames surviennent à cause de ces équipements qui présentent des risques. Il suffit de petites maladresses ou d’un manque d'attention et de vigilance, et des incendies peuvent survenir.

Il faut que Noël reste une fête et ne soit plus, année après année, une période de deuil pour de nombreuses familles. Car les statistiques sont accablantes : le nombre d'incendies a doublé ces vingt dernières années.

Un incendie se déclare toutes les deux minutes. Et la France bat malheureusement des records parmi les pays européens, avec près de 10000 blessés et 800 morts par an. Face à cette situation inacceptable, nous étions de nombreux parlementaires à vouloir inverser la tendance en rendant obligatoire l'installation de détecteurs autonomes avertisseurs de fumée. Le niveau d'équipement en France est dramatique, avec seulement 2% des foyers équipés.

Monsieur le secrétaire d’État, en cette fin d'année une campagne de sensibilisation a été lancée par vos soins pour avertir nos concitoyens sur ces risques méconnus. Pouvez-vous nous donner des précisions sur les effets attendus de cette campagne? Suffira-t-elle à réduire le nombre de victimes?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l’urbanisme. Vous avez raison, monsieur le député, le constat est accablant: 800 morts, 10000 blessés dont 3000 grands invalides en 2008.

La solution est double: il faut prévenir et rendre obligatoire l’installation de détecteurs de fumée. Deux pays européens nous ont montré l’exemple. Le résultat est simple: ils ont 80% de taux d’équipement et deux fois moins de morts.

Nous entendons donc mener cette double politique, prévention et obligation. La prévention, c’est la campagne que nous avons créée avec les parlementaires, puisque nous vous y avons associé, en même temps que M. Meslot. Cette campagne forte que j’ai annoncée le 22 juillet commence aujourd’hui à la radio, sur internet et dans la presse écrite.

Le deuxième élément, c’est la contrainte, l’obligation. L’Assemblée nationale et le Sénat vont convoquer une commission mixte paritaire en janvier en vue de rendre obligatoires les détecteurs de fumée.

Grâce à ces deux éléments, nous rejoindrons les pays européens qui sont le plus en avance, et nous réduirons le nombre de morts dans notre pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Fixation de l'ordre du jour

M. le président. Au cours de la conférence des présidents de ce matin, le Gouvernement a fait connaître qu’il entendait réserver à un ordre du jour gouvernemental la semaine du 5 au 11 avril 2010.

En conséquence, la semaine du 22 au 28 mars sera une semaine de l’Assemblée nationale. Les journées réservées au groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche et au groupe Nouveau centre sont fixées respectivement au jeudi 25 mars et au jeudi 29 avril.

Par ailleurs, je soumets à l’Assemblée les propositions d’ordre du jour arrêtées par la conférence des présidents pour les séances du mardi 19 au jeudi 21 janvier 2010:

Mardi 19 janvier, l’après-midi après les questions au Gouvernement et le soir:

Proposition sur la représentation équilibrée des hommes et des femmes dans les conseils d’administration;

Proposition sur la protection des consommateurs en matière de vente à distance.

Mercredi 20 janvier, l’après-midi après les questions au Gouvernement et le soir:

Proposition sur le service civique;

Suite des propositions sur les conseils d’administration et sur la vente à distance;

Jeudi 21 janvier, ordre du jour proposé par le groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche:

Deux propositions de loi sur l’extension du régime de retraite complémentaire de l'agriculture et sur les missions d'intérêt général imparties aux services sociaux;

Débat sur les collectivités locales.

Il n’y a pas d’opposition?...

Il en est ainsi décidé.

La Poste et les activités postales

Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales. (n os 2060, 2138)

Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé d’appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d’un temps attribué aux groupes de trente heures.

Chaque groupe dispose des temps de parole suivants: le groupe UMP, huit heures trente; le groupe SRC, onze heures vingt-cinq; le groupe GDR, cinq heures quarante-cinq; le groupe NC, quatre heures vingt. Les députés non inscrits disposent d’un temps de cinquante minutes.

En conséquence, chacune des interventions des députés, en dehors de celles du rapporteur et du président de la commission saisie au fond, sera décomptée sur le temps du groupe de l’orateur.

Les temps qui figurent sur le « jaune » ne sont, en tout état de cause, qu’indicatifs.

La parole est à M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le texte que nous allons examiner concerne un sujet qui passionne réellement nos concitoyens, celui de l’avenir de La Poste. Le Sénat en a conforté les grands équilibres, tout en y introduisant un certain nombre de garanties complémentaires, notamment en ce qui concerne les missions de service public.

Ces garanties sont suffisamment convaincantes pour que, dans ce débat, nous nous consacrions, comme les Français sont en droit de l’attendre, à cette exigence: « donner toute sa chance à La Poste ».

Il faut lui donner sa chance de se moderniser et d’affronter la concurrence tout en améliorant encore sa qualité de service public.

Le travail qui nous attend tous, maintenant que les fantasmes et les chimères ont été dissipés, c’est de garantir que la réforme réponde totalement à cet objectif. Déjà, votre commission des affaires économiques et votre rapporteur, Jean Proriol, y ont contribué. Je tiens à saluer la qualité des échanges et le travail constructif que nous y avons accompli, notamment grâce au président Ollier, qui a su organiser avec efficacité et talent les débats, grâce aussi à la mobilisation et aux propositions innovantes des députés de la majorité, sans oublier les quelques propositions constructives de l'opposition.

M. Daniel Paul. Il n’y a eu que cela!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Grâce à la nouvelle procédure issue de la réforme constitutionnelle, le débat technique, détaillé, a déjà eu lieu en grande partie en commission. Les 1 er et 2 décembre dernier, j’ai été attentif à toutes les propositions, j’ai accepté des améliorations importantes et j’ai convenu de travailler avec certains d'entre vous en vue de l’examen en séance. J’ai indiqué également que j'étais ouvert au débat et que celui-ci pouvait durer aussi longtemps que nécessaire: il n’a duré, en commission, que vingt-quatre heures.

Alors donc que le débat en commission a été relativement court, que nous propose l’opposition pour l’examen en séance publique? 312 amendements déposés par le groupe SRC, dont 204 amendements identiques de suppression de l’article 1 er ! Je dis bien: plus de 200 amendements, qui sont rigoureusement les mêmes, et qui suppriment l'article 1 er du projet de loi! Mais de projet d’avenir, aucun. Est-ce ainsi que l’opposition entend occuper les trente heures de débat prévues pour contribuer à moderniser La Poste?

M. Lionnel Luca. Ce n’est pas sérieux!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Pourquoi ce texte? J’y reviens rapidement.

Chacun le sait, La Poste est confrontée à deux évolutions majeures. La première est l'ouverture à la concurrence au 1 er  janvier 2011. Dans un an, La Poste sera concurrencée non seulement par les grands opérateurs européens de courrier – Deutsche Post, la TNT néerlandaise –, mais aussi par les petits opérateurs alternatifs. L'ouverture totale à la concurrence d'un ancien monopole, ce n'est pas rien!

Certains ont pu laisser entendre que ce serait la directive européenne qui imposerait le changement de statut: c’est faux!

M. Henri Jibrayel. C’est faux, en effet!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. La directive européenne n'impose absolument pas le changement de statut.

M. Daniel Paul. Merci de le reconnaître!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. En revanche, elle impose – qu’on le veuille ou non – l'ouverture à la concurrence le 1 er  janvier 2011. C'est cette ouverture à la concurrence qui nécessite que La Poste française s'adapte.

M. Camille de Rocca Serra et M. Lionnel Luca. Tout à fait.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Toutes les postes européennes ont changé de statut, pourquoi la poste française serait-elle la seule à ne pas le faire et à rester à la traîne? (« Bien sûr! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marc Dolez. Parce qu’on voit le résultat!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Deuxième évolution que personne ne peut contester: la montée en puissance d'internet. Les volumes de courrier de La Poste diminuent chaque jour davantage. Sur les deux dernières années, nous sommes déjà à moins 10 %; chaque jour, le sac du facteur est moins lourd! Nous serons à moins 40 %, voire moins 50 %, dans les trois à quatre ans à venir. Ce n'est pas facile pour un opérateur postal dont le cœur de métier est le courrier papier de faire face à la forte montée en puissance d'internet!

Ces deux évolutions n'arrivent pas de nulle part, vous le savez tous. La mémoire, cela compte...

L'ouverture à la concurrence ne date pas d’aujourd’hui. C'est en décembre1997 que le processus a été engagé avec la première directive européenne. (« Eh oui! » sur les bancs du groupe UMP.) Je dis bien « décembre1997 »! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire . Qui était au pouvoir?

M. Henri Jibrayel. C’était vous!

M. François Brottes. M. Alain Juppé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Lionnel Luca. Non!

M. François Brottes. C’est lui qui a négocié!

M. Lionnel Luca. C’est vous qui l’aviez acceptée!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Tous ceux qui venaient me voir, lorsque j'étais ministre en charge de l'aménagement du territoire, pour me dire que leurs territoires étaient en zone blanche en matière de téléphonie mobile – sur 3000 cas, 97 % ont été réglés – ou pour demander que leurs territoires soient raccordés à l'ADSL – 91 % de cas réglés – sont les mêmes…

M. Camille de Rocca Serra. Eh oui!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. …qui, aujourd’hui, s’étonnent que le poids du sac du facteur soit moins lourd. Mais, en répondant à une demande bien légitime‚– que les territoires soient traités de manière égale et que chaque citoyen puisse avoir accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication –, nous avons contribué à faire évoluer les habitudes de nos concitoyens.

M. Camille de Rocca Serra. Tout à fait.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Regardez les chiffres publiés hier par le CREDOC: pour la première fois, nous avons passé la barre des 50 %, avec 53 % des Français qui utilisent internet chaque jour, soit 8 % de plus qu’en 2008.

M. Yves Albarello et M. Camille de Rocca Serra. C’est énorme.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. On peut imaginer à quel rythme les Françaises et les Français, toutes générations confondues, utiliseront internet comme mode de communication. Je vous en conjure, profitons de ce débat pour parler de l’avenir de La Poste et de ses futurs métiers! En nous cramponnant de toutes nos forces au passé, nous empêcherons cette entreprise de conquérir de nouveaux marchés. Regardons, au contraire, vers l’avenir.

M. Yves Albarello. Exactement!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Quel est le résultat des dernières évolutions?

En 2007, La Poste, c'était plus de 900 millions d'euros de bénéfices. En 2008, c'est à peine 600 millions et les comptes ne sont pas encore bouclés pour 2009. Certains parlent de 300 millions seulement. Les bénéfices pourraient être divisés par trois en seulement deux ans!

Quel sera l'avenir de La Poste si on ne lui donne pas les moyens de s'adapter et de faire face aux mutations de son environnement?

M. Camille de Rocca Serra. C’est cela la responsabilité politique.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Il aurait été irresponsable de la part du Gouvernement de ne rien faire et d'attendre que La Poste souffre encore davantage de ces évolutions.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire . Bien sûr!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. On nous reproche souvent de ne pas assez anticiper, de ne faire face aux difficultés qu'au dernier moment, lorsqu'elles sont devenues inéluctables. Eh bien là, c'est le contraire, nous n'avons pas attendu pour prendre les devants!

Oui, nous faisons preuve d'anticipation. Oui, nous faisons preuve de volontarisme. Oui, nous donnons une chance à La Poste de réellement s'adapter et de continuer à être un opérateur de référence, tout en restant à 100 % publique, au service de tous et présente sur l'ensemble du territoire. (« Très bien » sur les bancs du groupe UMP.)

Je veux donner sa chance à La Poste. Je veux lui donner les moyens financiers de sa modernisation par le biais d'un apport massif de capitaux publics: 2,7 milliards d'euros, ce n'est pas rien, et c'est un engagement que jamais aucun Gouvernement n'a pris jusqu'ici!

Pour atteindre cet objectif, un changement du statut actuel de La Poste est incontournable. Je mets au défi quiconque de démontrer qu’il est possible d’apporter 2,7 milliards d’euros d’argent public sans passer par ce changement de statut.

M. Camille de Rocca Serra. Évidemment!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Ce changement n'est ni une exigence ni une fin en soi mais le seul moyen d'apporter de l'argent public à La Poste. L'opposition a souvent tenté de présenter ce changement de statut comme un prétexte sur lequel nous nous serions appuyés.

M. Jean-Claude Sandrier. Comme d’habitude!

M. Alain Cacheux. Gaz de France!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. C'est faux, et une fois de plus, je le réfute. Le changement de statut, c'est le seul moyen pour apporter 2,7 milliards à La Poste. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. André Gerin. Menteur! C’est un mensonge d’État.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Suite aux débats que nous avons eus en commission, j’ai pris la précaution de me rendre, la semaine dernière, à Bruxelles pour rencontrer la commissaire européenne chargée de la concurrence, Mme Neelie Kroes.

M. Marc Dolez. Ça, c’est une garantie!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Elle m’a très clairement confirmé que la France ne pouvait se permettre d’apporter 2,7 milliards d’euros d’argent public à La Poste sans changement de statut de l’établissement, car cela créerait une distorsion aux règles de la concurrence. Nous n’en avons pas le droit dans le cadre du droit européen.

Car vous le savez bien, sans changement de statut, non seulement la Caisse des dépôts ne pourrait pas entrer au capital,…

M. Daniel Paul. On s’en fiche!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. …un établissement public n'ayant, par définition, pas de capital social, mais l'État lui-même se trouverait dans l'impossibilité d'apporter 1,2 milliard d’euros à La Poste, car son intervention serait qualifiée d'aide d'État par les services de la Commission européenne. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean-Claude Sandrier. Changez l’Europe!

M. Daniel Paul. Sont-ce là les leçons que vous tirez?

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Il faudra me démontrer le contraire, messieurs de l’opposition.

M. André Gerin. Absolument!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Vous n’en avez pas été capables en commission,…

M. André Gerin. C’est de la provocation!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. …pourtant je vous avais laissé le temps nécessaire! Suite à certaines observations qui ont été faites en commission, j'ai pris l'initiative de me rendre à Bruxelles.

Maintenant que toutes les garanties ont été données, il est temps de parler d'avenir. Certains laissent entendre que La Poste pourrait utiliser les 2,7 milliards d'euros uniquement pour se désendetter. C’est faux! Les 2,7 milliards d'euros doivent servir à financer l'avenir de La Poste.

M. André Gerin. Pour financer quoi?

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Aider La Poste à se désendetter, est-ce un placement avisé de l’État? Évidemment non! Les 2,7 milliards d'euros financeront la croissance externe de La Poste.

Dans le métier courrier, d’abord, en développant le courrier électronique, en utilisant la compétence et le capital de confiance de La Poste en matière de courrier classique. La Poste doit-elle rester un grand établissement public de distribution de courrier qui perdurera jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de courrier à distribuer, ou doit-elle devenir une grande entreprise de communication électronique? Pour notre part, nous avons décidé de développer le courrier électronique.

Dans le métier colis, ensuite, en continuant à développer le réseau d'envoi de colis sur l'ensemble de l'Europe et en devenant une grande entreprise de logistique.

Dans le domaine bancaire, enfin, en poursuivant le développement de la Banque postale. Tout en gardant sa mission d'accessibilité bancaire, qui est essentielle pour nos concitoyens les plus vulnérables, La Poste doit devenir une banque « comme les autres ».

Ces 2,7 milliards d'apports en capital doivent également servir à financer les investissements internes de modernisation, comme la rénovation des bureaux de poste.

J’entends dire que vous ne voulez pas d’un changement de statut, ni porter atteinte à l’équilibre actuel de La Poste. En fait, vous voulez surtout que rien ne change. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. André Gerin. Non!

M. Jean-Paul Bacquet. Caricature!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Croyez-vous que les Françaises et les Français ont le sentiment que La Poste assure parfaitement l’ensemble de ses missions de service public? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Daniel Paul. Demandez-leur!

M. André Gerin. Organisez un référendum!

M. Germinal Peiro. Ils ne veulent pas la voir disparaître.

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Croyez-vous que les usagers de La Poste aient le sentiment que tout va bien, lorsqu’ils font une à deux heures de queue avant de pouvoir retirer une lettre recommandée?

M. Daniel Paul. Demandez-leur!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Et lorsque certains bureaux de poste ne sont ouverts que deux demi-journées par semaine, croyez-vous qu’ils pensent que tout va bien?

M. Germinal Peiro. Ils pensent que cela sera pire avec ce que vous proposez!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Rester campés sur des positions archaïques et conservatrices (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR) serait une grave erreur de votre part, mesdames et messieurs de l’opposition – je vous le dis clairement. Nous devons profiter de ce débat pour offrir aux Françaises et aux Français une poste et un service public plus performant. De ce côté de l’hémicycle, chacun a décidé de moderniser La Poste pour mieux répondre aux aspirations et aux attentes des Françaises et des Français en matière de service public. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. André Gerin. Alibi!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. La rénovation des bureaux de poste en fait partie.

M. André Gerin. Et les bureaux fermés?

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. La Poste rénove en ce moment environ mille bureaux de poste par an.

M. Jean-Claude Sandrier. C’est un ministre révolutionnaire!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Il faut qu'elle puisse continuer à le faire, même quand les concurrents lui prendront des parts de marché!

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Mais non!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. En matière de politique de développement durable, La Poste mène une politique ambitieuse en formant ses facteurs à l'éco-conduite, en mettant ses immeubles aux dernières normes environnementales ou encore en promouvant l'utilisation systématique du papier recyclé. Il faut qu'elle ait les moyens financiers de continuer à mener cette politique ambitieuse!

C'est cela le projet du Gouvernement: donner sa chance à La Poste en lui permettant de consolider et moderniser ses activités existantes tout en se développant, lorsque cela est pertinent, sur de nouveaux métiers.

C'est un projet particulièrement ambitieux. C'est pour atteindre ces objectifs que nous avons tout mis en œuvre au plan législatif pour apporter les garanties nécessaires.

Première garantie: le caractère public et « imprivatisable » de La Poste, même si j’utilise là un néologisme.

M. André Gerin. Mensonge d’État!

M. Jean-Paul Bacquet. Vous l’avez déjà dit pour France Télécom!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Le projet de loi est très clair sur ce point, puisqu'il est expressément prévu que le capital de La Poste sera détenu uniquement « par l'État et par des personnes morales de droit public ».

M. Jean-Claude Sandrier. Paroles verbales!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. À l'exception des salariés qui pourront être actionnaires, il n'y aura pas un seul euro de capitaux privés à La Poste.

M. Alain Cacheux. Et GDF!

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce n’était pas un service public!

M. André Gerin. France Télécom!

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est vous qui l’avez privatisée!

M. le président. Écoutez le ministre!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Je comprends parfaitement que l’opposition, qui en a déjà fait la démonstration au Sénat, cherche à utiliser ce débat pour essayer de se refaire une santé (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR)…

M. André Gerin. Vous êtes mal!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. …alors qu’elle porte la responsabilité de plusieurs privatisations dont on peut faire l’inventaire, si vous le souhaitez: France Télécom à l’automne 1997,…

M. André Gerin. Vous allez faire pareil!

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est la gauche!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. … Air France, EADS, les Autoroutes du Sud de la France,…

M. Alain Cacheux. Ça, c’est Villepin!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. …Thomson, la liste est particulièrement longue. Alors de grâce, mesdames et messieurs les députés de l’opposition! La majorité et le Gouvernement apportent les garanties que La Poste sera « imprivatisable ».

M. Alain Cacheux. Comme Gaz de France!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Nous nous sommes conformés à l’analyse du Conseil constitutionnel. Dès lors que l’on inscrit dans la loi qu’un établissement – quel que soit son changement de statut – est un service public à caractère national et que toutes les missions de service public qu’il doit assumer figurent noir sur blanc dans un texte – et le président Patrick Ollier fait la même analyse –, cet établissement peut être privatisable.

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. C’est déjà mieux!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. Certes, ce qu’une loi a fait, une autre peut le défaire. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Mais cette loi confortera encore davantage le statut imprivatisable de La Poste. (Approbation sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Cacheux. Baratin!

M. André Gerin. C’est de la démagogie!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. En effet, comment imaginer qu’après avoir inscrit dans la loi son caractère de service public national et, noir sur blanc, ses quatre missions de service public,…

M. Camille de Rocca Serra. Tout à fait!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. …les mêmes parlementaires acceptent de voter, quelques mois ou quelques années plus tard, la suppression de ces quatre missions – puisqu’il faudrait les supprimer toutes pour mettre fin à ce statut de service public national?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. La gauche pourrait le faire! Méfiez-vous!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. Je le dis donc clairement: oui, La Poste pourrait devenir privatisable, à condition que le pire de mes cauchemars se réalise, c’est-à-dire qu’une nouvelle majorité (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR)

M. Daniel Paul. La vôtre!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. …se substitue à la majorité actuelle…

M. Camille de Rocca Serra. Exactement!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. …et qu’elle fasse de La Poste ce que vous avez fait de France Télécom, d’Air France, de Thomson, d’EADS, entre autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. André Gerin. Vous allez faire pareil! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. C’est à cette seule condition que La Poste pourrait devenir privatisable!

Ce faisant, vous supprimeriez sa mission de distribution du courrier sur tout le territoire six jours sur sept; sa mission d’aménagement du territoire et ses 17000 points de contact (Exclamations sur les bancs du groupe GDR) ; sa mission d’accessibilité bancaire par le biais du livret A, au profit des plus modestes. Vous supprimeriez enfin, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, sa mission de transport de la presse, qui permet à cette dernière de bénéficier de tarifs avantageux de distribution. (Mêmes mouvements.)

M. Daniel Paul. C’est facile!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Ni ce gouvernement, ni cette majorité ne supprimeront ces missions de service public. Si vous nourrissez des soupçons, ce ne peut donc être qu’à votre propre égard! (« Très bien! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Marc Bernier. Exactement!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. La deuxième grande garantie que nous apportons est donc le maintien des quatre missions de service public, dont j’ai tenu à ce qu’elles soient réaffirmées et confortées par la loi. Le texte sécurise du reste le périmètre de la mission d’aménagement du territoire, puisque les 17000 points de contact seront désormais garantis par la loi, ce qu’ils n’étaient pas jusqu’alors.

M. Daniel Paul. Pas les bureaux de poste!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. Il s’agit d’un engagement majeur, qu’aucun gouvernement n’avait consenti jusqu’à présent.

Surtout, le projet de loi sécurise le financement de la mission. Le dispositif est désormais très clair: ce financement se fondera sur une évaluation préalable réalisée par l’ARCEP. Il sera impossible de contester des chiffres issus d’une évaluation indépendante; l’allègement de fiscalité locale dont bénéficie La Poste en dépendra.

Enfin, la troisième et dernière garantie concerne les droits et les statuts des agents de La Poste. Tout d’abord, les salariés actuels pourront rester affiliés à leur régime de retraite complémentaire, celui de l’IRCANTEC. En effet, il aurait été inconcevable pour le Gouvernement que les salariés actuels de La Poste soient lésés par l’obligation de souscrire à un nouveau régime de retraite du fait du changement de statut.

Ensuite, les fonctionnaires de La Poste jouiront d’un nouveau droit: celui de bénéficier d’une complémentaire santé payée par leur employeur. Cela impliquera une dépense d’environ 50 millions d’euros pour La Poste, qui paiera à ses fonctionnaires une grande partie de leurs cotisations de santé. Il s’agit pour eux d’une véritable avancée. Je regrette du reste que les sénateurs de l’opposition aient tenté de faire obstacle à ces avancées sociales importantes dont le Gouvernement et la majorité tenaient à faire bénéficier ces fonctionnaires.

M. Yves Albarello. C’est scandaleux et antisocial!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. Peut-être ce débat à l’Assemblée nationale fera-t-il changer l’opposition d’avis. Quoi qu’il en soit, il était essentiel pour le Gouvernement que les postiers ne servent en aucun cas de variables d’ajustement de la modernisation de La Poste.

M. Yves Albarello. Très bien!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. Une fois toutes ces garanties accordées, qu’est-ce que le législateur est en droit d’attendre de La Poste en contrepartie des 2,7 milliards d’euros de capitaux publics qui lui seront apportés? Ne l’oublions pas: la réforme de La Poste s’adresse d’abord aux Français. Des engagements clairs et précis sont donc nécessaires. Je l’ai dit aux cadres de La Poste, que j’ai reçus à mon ministère début octobre: ces 2,7 milliards ne sont pas un chèque en blanc; il faudra améliorer la qualité du service rendu.

Un seul exemple: les horaires d’ouverture des bureaux de poste. Ils préoccupent bien des Français, en milieu rural – où ils n’ouvrent parfois qu’à temps partiel, voire deux demi-journées par semaine – comme en ville, où ils ne sont pas toujours ouverts au moment où les Français peuvent s’y rendre, notamment le soir. À ces problèmes, il existe des solutions: je songe à l’amendement du président de la commission des affaires économiques, qui propose, à titre expérimental, d’ouvrir au moins une fois par semaine un bureau de poste jusqu’à vingt et une heures dans les grandes villes. C’est ce type d’initiative que les Français attendent: ils souhaitent des propositions pratiques et pragmatiques, permettant d’améliorer chaque jour le service rendu.

Mesdames et messieurs les députés, c’est dans cet esprit que j’aborde ce débat sous les yeux de nos concitoyens. Je compte sur vous…

M. Alain Cacheux. Vous n’allez pas être déçu!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. …pour m’aider à faire de La Poste ce grand service public moderne…

M. Henri Jibrayel. Privatisé?

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. …qu’attendent à juste titre tous les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. François Brottes. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le président de l’Assemblée nationale, je m’adresse directement à vous pour ce rappel au règlement relatif au déroulement de nos travaux.

Il ne s’agit pas encore de dire au ministre que, loin de donner de l’argent à La Poste, l’État lui en subtilise: il prend des dividendes sur son dos depuis trois ans; il l’a privée de ressources en banalisant le livret A; il l’a privée d’un avantage en faisant en sorte que la taxe professionnelle ne soit plus payée, y compris par ses concurrents.

M. Camille de Rocca Serra et M. Daniel Spagnou. Ce n’est pas un rappel au règlement!

M. François Brottes. Ce n’est toutefois pas là l’objet de mon intervention, monsieur le président. Vous n’ignorez pas que nous avons encore quelques droits dans cet hémicycle,…

M. Alain Cacheux. De moins en moins!

M. Richard Mallié. On vous en a trop donné!

M. François Brottes. …puisque vous nous avez précisé que le groupe socialise aurait onze heures et vingt‑cinq minutes pour s’exprimer avant que l’on siffle la fin de la récréation. Nous savons donc pertinemment que le temps de débat sur ce texte nous est compté: le règlement a institué le temps guillotine, et nous sommes forcés de le respecter, même si nous ne l’avons pas voté.

Mais un droit nous est resté: celui de déposer une motion référendaire.

M. Daniel Spagnou. Nous y voilà!

M. François Brottes. Nous souhaitons le faire lors de ce débat. En effet, à nos yeux, La Poste appartient à tous les Français; en outre, cette réforme ne faisait pas partie du programme électoral de la majorité. Du reste, deux millions de Français ont déjà jugé que ce service public était menacé et qu’il fallait le préserver en renonçant à tout changement de statut.

De fait, la modification du statut permettra de démanteler le service public universel, comme vous l’avez fait pour France Télécom – je vous l’expliquerai, monsieur le ministre‚–, et de réduire les contrats de service public à peau de chagrin, comme vous le faites pour GDF-Suez – je vous l’expliquerai également.

Monsieur le président, ma question est simple: quelles sont les modalités de dépôt de la motion référendaire, soit lors de la présente discussion, soit lors du vote définitif du texte, en janvier? Merci de m’éclairer sur ce point.

M. le président. Monsieur Brottes, selon l’article122, paragraphe 3, de notre règlement, la motion référendaire est discutée avant la discussion générale du projet, ou, si celle-ci est commencée, dès son dépôt. La motion n’est appelée que si la présence effective en séance des signataires est constatée au moment de l’appel. Elle a priorité, le cas échéant, sur la question préalable.

J’ajoute un commentaire: si la motion référendaire ne peut être déposée et discutée après la discussion générale, c’est parce qu’il y aurait alors ambiguïté sur le texte que les signataires souhaitent soumettre au référendum.

M. François Brottes. Me permettez-vous de préciser ma pensée, monsieur le président?

M. le président. Je vous en prie.

M. François Brottes. Ma question était double. J’entends bien votre réponse s’agissant du présent débat, où la discussion générale n’est pas encore commencée. Mais la procédure accélérée décidée par le Gouvernement sur ce texte – tant il a hâte de voir s’achever un débat qui le dérange – nous conduira à le voter définitivement dès le 12 janvier. Il n’y aura alors aucune discussion générale, mais uniquement des explications de vote. Comment déposer une motion référendaire à ce stade?

M. le président. Même dans le cadre d’une procédure accélérée, une discussion générale a lieu lors de l’examen du texte issu de la commission mixte paritaire. Il est alors possible de déposer une motion référendaire, aux conditions que je viens de rappeler.

M. François Brottes. Merci, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jean Proriol, rapporteur de la commission des affaires économiques.

M. Jean Proriol, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, notre Assemblée s’apprête à examiner un texte fondamental pour l’avenir d’une véritable institution française: La Poste.

Comme en 2005, nous allons opérer la transposition d’une directive communautaire postale, la troisième. Après celles de 1997 et de 2002, cette nouvelle réglementation européenne mettra un terme au secteur réservé de la lettre de moins de cinquante grammes, dernier reliquat du monopole public. Désormais, toute l’activité de La Poste appartiendra au domaine concurrentiel.

Mais il ne s’agit pas seulement de cette transposition. Vous le savez tous, et les médias mieux encore: cette loi constitue l’aboutissement d’une réflexion sur l’avenir du secteur postal et du rôle que l’entreprise nationale doit y jouer. Elle donne réalité aux préconisations formulées par les élus et les partenaires sociaux réunis au sein de la commission Ailleret. Le Sénat a énormément travaillé à sa rédaction, siégeant plus de soixante-dix heures en séance publique, y compris le samedi et le dimanche – vous y étiez, monsieur le ministre. J’ai, pour ma part, mené plus de quarante heures d’auditions. Enfin, notre commission des affaires économiques a consacré quatre séances au projet de loi. Nous avons donc longuement pris le temps de la réflexion.

Depuis plusieurs siècles – depuis Louis XI, dirais-je même‚–, le service postal français n’a cessé de se transformer. Ce changement constant n’a pas pris fin comme par magie avec la loi Quilès, en 1990. Aujourd’hui, chacun l’a remarqué, nous vivons une révolution postale qui s’étend à nos pratiques de députés de la nation. Nos prédécesseurs recevaient quantité de lettres de leurs électeurs; c’était également mon cas, moi qui suis député depuis trente et un ans. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Paul Bacquet. Cela se voit!

M. Jean Proriol, rapporteur. Désormais, on nous adresse des messages électroniques.

Le papier disparaît, et, avec lui, le travail qu’il nécessitait et les recettes qu’il générait. Le volume de plis transporté connaît une baisse tendancielle, malheureusement longue – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre. Des investissements colossaux seront nécessaires, car, pour inventer du neuf, on évoque les lettres recommandées électroniques ou de nouvelles procédures de tri. Il ne s’agit pas d’une posture idéologique mais de faits incontestables.

Si je parle d’idéologie, c’est parce que le mot nous est souvent jeté à la figure depuis quelques mois – bien trop souvent à mon goût, et bien injustement.

M. Jean-Claude Sandrier. C’est pourtant la vérité!

M. Jean Proriol, rapporteur. Notre collègue François Brottes a déclaré en commission qu’il nous faisait un procès d’intention.

M. François Brottes. Je le maintiens et je l’assume!

M. Jean Proriol, rapporteur. Il l’a assumé, et il vient de récidiver!

M. Dominique Dord. Ce n’est pas bien!

M. Jean Proriol, rapporteur. Dans ce procès d’intention, tout y est passé, ou presque. Je dirai même qu’il est instruit comme un procès en sorcellerie, avec une insistance que ne réprouverait pas un inquisiteur du temps de la croisade des Albigeois. Tout y est passé, y compris ce prétendu référendum.

M. François Brottes. La démocratie vous gêne!

M. Jean Proriol, rapporteur . Écoutez avant de parler, monsieur Brottes. Cette votation avait un titre accrocheur et mensonger: « Le Gouvernement veut changer le statut de La Poste pour la privatiser ». (C’est vrai! sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C’est entièrement faux! Vous le savez mais vous ne voulez pas l’avouer. Cela n’a rien à voir avec notre projet, je peux en attester.

M. Yves Albarello. Ce sont des tricheurs!

M. Daniel Spagnou. Des menteurs!

Mme Chantal Robin-Rodrigo. On en reparlera. Prenons rendez-vous!

M. Jean Proriol, rapporteur . Reprenons les faits, mes chers collègues, car ils sont têtus. La Poste a besoin d’argent…

M. Alain Cacheux. Supprimez donc le bouclier fiscal!

M. Jean Proriol, rapporteur . …pour investir le domaine d’internet, pour rénover ses bureaux, pour développer son activité dans les colis et dans l’express et pour permettre à la Banque postale de tenir son rang face à la concurrence.

Je viens d’énoncer des vérités incontestables et incontestées.

M. Jean-Paul Anciaux. C’est vrai!

M. Jean Proriol, rapporteur . La loi Quilès, en 1990, a donné le coup de grâce à l’administration des PTT en faisant de La Poste un « exploitant autonome de droit public », sans capital. Avec ce statut, seul l’État peut lui apporter des fonds sous la forme de dotation.

M. François Brottes. Et il le fait à travers l’aide à la presse, sans qu’il y ait besoin de changer de statut!

M. Jean Proriol, rapporteur . Je signale à mes collègues, particulièrement ceux qui siègent sur les bancs à gauche de cet hémicycle, que nous connaissons en ce moment une crise financière mondiale, qui n’a pas dû leur échapper,…

Mme Chantal Robin-Rodrigo. La crise a bon dos!

M. Jean Proriol, rapporteur . …et que les liquidités sont rares.

M. François Brottes. Si vous continuez, ce sera la guerre mondiale!

M. Jean Proriol, rapporteur . Si l’État est prêt à engager 1,2 milliard d’euros, ce n’est pas pour privatiser ensuite La Poste.

M. François Brottes. Même ça, c’est faux!

M. Jean Proriol, rapporteur . La Caisse des dépôts compléterait cette somme pour la porter à 2,7 milliards d’euros. Cet établissement, mes chers collègues, ne me semble pas être un grand Satan capitaliste. Comme investisseur institutionnel de long terme,…

M. Jean-Paul Bacquet. La Caisse des dépôts n’investit pas dans le long terme, elle fait du relais!

M. Jean Proriol, rapporteur . …responsable et attaché au service public, on ne fait pas mieux, je crois. Mais pour permettre son intervention, la transformation de La Poste en société anonyme est juridiquement indispensable.

M. Jean-Paul Bacquet. Pour qui?

M. Alain Cacheux. Vous n’en croyez pas un mot!

M. Jean Proriol, rapporteur . Là encore, c’est un fait!

Certains y voient malice et trouvent dans ce projet de loi une privatisation qui n’y est pas. Je le répète: elle n’y est pas!

M. Alain Cacheux. Ça viendra!

M. Jean Proriol, rapporteur . Si elle y était, je n’aurais pas accepté d’être le rapporteur de ce texte et la majorité n’aurait pas accepté de le soutenir.

M. Jean-Paul Bacquet. Vous allez devoir démissionner alors!

M. Jean Proriol, rapporteur . Pour privatiser La Poste, il fallait une loi avant ce texte et il en faudra toujours une après. Ce n’est pas cette majorité qui la votera, je peux vous l’assurer. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Alain Cacheux. Vous aviez dit la même chose pour Gaz de France!

M. Jean Proriol, rapporteur . Certains brandissent des précédents historiques.

Je vous invite, mes chers collègues, à bien écouter ce que je vais dire s’agissant de France Télécom. Savez-vous qui a parlé le premier de sa privatisation? Dominique Strauss-Kahn, accompagné de Christian Pierret, lors d’une conférence de presse le 8 septembre 1997, avant même la directive postale, qui date du 15 décembre 1997! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Certains ont vu dans les propos tenus alors un discours plutôt néo-libéral. Et qui a ouvert le capital de France Télécom, mes chers collègues? Qui, le 21 juin 2000, a pris un arrêté fixant les modalités du transfert au secteur privé d’une participation nominative de l’État au capital de l’entreprise nationale France Télécom? Votre collègue, Laurent Fabius!

M. Richard Mallié. Vous exagérez: ils n’ont pas fait tout ça quand même!

M. François Brottes. On vous expliquera cela.

M. Jean Proriol, rapporteur . Je vous conseille donc de bien choisir les précédents que vous citez.

Il ne nous paraît pas raisonnable de comparer France Télécom et La Poste, ce serait faire un amalgame. Je vous rappelle que contrairement aux télécommunications et à l’énergie, le secteur postal ne représente ni un élément stratégique, ni un champ de progrès technologique, ni une manne financière.

M. François Brottes. Et la Banque postale?

M. Jean Proriol, rapporteur . C’est, je l’ai dit, une activité historique en déclin qui doit se réinventer.

M. François Brottes. Et l’acheminement des colis?

M. Jean Proriol, rapporteur . La Poste ne veut acheter personne et, à ma connaissance, personne ne veut acheter La Poste, entreprise qui repose sur un modèle économique totalement différent de celui de France Télécom.

Les sénateurs de l’opposition ont tellement manifesté leur crainte que le Sénat a inscrit dans le projet de loi je ne sais combien de garde-fous en témoignage de bonne foi: les capitaux de La Poste seront publics à 100 % si l’on excepte les actions détenues par son personnel; l’État sera toujours actionnaire majoritaire, seules pourront prendre des participations les personnes morales de droit public, autrement dit uniquement ou presque – parce qu’elle en a les moyens – la Caisse des dépôts et consignations; enfin, le caractère de service public national de La Poste est garanti, ce qui, par écho au préambule de la Constitution de 1946, l’oblige à demeurer la propriété de la collectivité, c’est-à-dire à la nation.

Selon certains, ces garanties seraient encore insuffisantes. Il faudrait faire figurer le caractère intégralement public de La Poste dans la Constitution. Je crois surtout, en vérité, qu’il faut appeler à un minimum de mesure. Comment justifier qu’on inscrive dans notre loi fondamentale la structure des capitaux d’une entreprise publique? L’éducation nationale n’y figure pas, pas plus que la santé publique ou les transports. Mais cela n’implique pas pour autant que ces secteurs seront privatisés demain, si d’aventure cette crainte venait à l’esprit de l’opposition.

Cela signifie seulement que la Constitution de la V e  République se concentre sur l’architecture institutionnelle et sur les droits fondamentaux. Les garanties législatives inscrites dans ce projet de loi sont supérieures à tout ce qui a été imaginé par le passé. De grâce, faites au moins crédit à notre bonne foi!

M. André Gerin. Ah non!

M. Dominique Dord. C’est au-dessus de leurs moyens!

M. Jean Proriol, rapporteur . Évidemment, si les Français de 2030 ou de 2070 le souhaitent, leurs représentants pourront modifier cette loi comme toutes les autres lois. Confidence pour confidence, ils pourront même, s’ils le désirent, changer de Constitution. Qu’y pouvons-nous ? Si nous sommes démocrates, nous devons en rester là. Nos enfants et nos petits-enfants feront ce qu’ils souhaiteront.

La parole que je porte devant vous, après l’intervention de M. le ministre au nom du Gouvernement, engage les vivants pour le futur.

M. Jean-Paul Bacquet. Difficile d’engager les morts!

M. Jean Proriol, rapporteur . Certaines de nos lois sont plus que centenaires. L’édit de Villers-Cotterêts, de 1541, a établi le français comme langue officielle. La loi relative aux conseils généraux, que nous nous apprêtons à modifier, date de 1871. La loi de 1901 régit les associations et la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État et celle de 1946 sur le droit de grève sont toujours en vigueur. Cela dit, les lois sont mortelles, vous le savez, mais elles sont toujours perfectibles. Nous agissons sur le présent pour mieux prévoir le futur. Qui peut prétendre le figer dans une gangue de béton?

Les services publics exercés par La Poste ne sont pas menacés. Au contraire, ils sont réaffirmés. Mieux, ils sont consolidés.

La présence postale territoriale reçoit enfin un financement clair à travers le mécanisme prévu à l’article 2 ter : après une évaluation par l’ARCEP, l’autorité de régulation, un allégement fiscal contribue en toute transparence à la compensation des coûts engagés. De même, l’article 16 institue un fonds de compensation du service universel cohérent, mis en œuvre par le régulateur. Certes, une instance analogue existe déjà mais elle n’a pas fonctionné, car très peu d’opérateurs sont venus concurrencer La Poste. L’accessibilité bancaire mise en œuvre par la Banque postale demeure, au même titre que la distribution de la presse, qui constitue un poids pour La Poste.

Je dirai presque que le changement de statut sera neutre pour les personnels comme pour les usagers de La Poste. En vérité, il sera même positif car cette loi est l’occasion de conférer de nouveaux droits aux fonctionnaires et salariés de La Poste, qui concourront à la bonne marche de l’entreprise grâce à la mise en œuvre de la participation. Ceux-ci bénéficieront aussi d’un régime collectif de protection sociale complémentaire. Leur sécurisation est complète. La preuve: la manifestation à laquelle ont appelé certains syndicats le 24 novembre dernier a rassemblé entre 14 % et 30 % des personnels de l’entreprise, selon les estimations. Aujourd’hui, mardi 15 décembre, un ultime préavis a été déposé et la proportion de grévistes était ce matin de 2,38 %.

M. Jean-Paul Bacquet. C’est la baisse du pouvoir d’achat qui est en cause!

M. Jean Proriol, rapporteur . Quant aux usagers, la commission des affaires économiques, à l’initiative de son président et de son rapporteur, a souhaité que leur mode de vie soit pris en compte dans la détermination des horaires d’ouverture des points de contact postaux. Nos concitoyens auront l’occasion de s’en rendre compte dans les mois qui viennent: La Poste expérimentera des horaires d’ouverture décalés en soirée dans les villes, sans doute celles de plus de 50000 habitants. Nous devons aussi penser au monde rural. Nos compatriotes qui travaillent à l’extérieur n’ont souvent que le samedi matin pour accéder à leur bureau de poste.

Enfin, je le disais en préalable, ce projet de loi est l’occasion de transposer en droit français la dernière directive communautaire relative au secteur postal. La concurrence sera désormais la règle, ce qui n’est jamais que la conséquence finale d’un processus entamé par M. Lionel Jospin en 1997, je tiens à le rappeler à tous mes collègues. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Brottes. Mensonge!

M. Jean Proriol, rapporteur . Nous apportons tout de même des garanties pour les particuliers. Le prix unique du timbre sur la première tranche de poids est maintenu. La Poste est désignée prestataire du service universel pour les quinze prochaines années. Le régulateur sera chargé de sanctionner les abus de l’opérateur historique mais aussi les défaillances des opérateurs privés qui pourront se voir retirer leur licence.

M. François Brottes. Vous croyez au Père Noël!

M. Jean Proriol, rapporteur . Si les tarifs pratiqués pour les prestations de service universel dépassaient le sens commun, l’ARCEP pourrait facilement les suspendre.

Bref, les garanties sont réelles et nombreuses. Ce texte n’est pas un cheval de Troie voué, comme je l’ai trop souvent entendu, à saper les bases d’un service public accessible à tous.

M. André Gerin. Si!

(Mme Danielle Bousquet remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
Présidence de Mme Danielle Bousquet,
vice-présidente

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur.

M. Jean Proriol, rapporteur . Il a pour objet de permettre à La Poste d’affronter avec les meilleures armes la lutte concurrentielle que les DHL, UPS et autres TNT lui livrent, dans un combat sans merci.

Pour finir, madame la présidente, je dois dire mon regret devant la méfiance affichée par l’opposition qui crispe l’ambiance des débats. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Daniel Paul. C’est le fruit de l’expérience!

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, vous avez dépassé votre temps de parole!

M. Jean Proriol, rapporteur . Je le dis pour la centième fois: il n’y aura pas de privatisation de La Poste! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Brottes. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Madame la présidente, je me fonde sur l’article 58, alinéa 1, pour faire un rappel au règlement sur le déroulement de nos travaux.

Certains de nos amendements ont été victimes du couperet de l’article 40, dont le président de la commission des affaires économiques a fait un usage à géométrie variable.

La commission des finances a statué et j’interviens maintenant pour lui laisser le temps de nous répondre. Nous souhaiterions savoir dans quelle mesure La Poste est concernée par cet article.

De deux choses l’une: soit La Poste reste, comme nous le souhaitons, un établissement public industriel et commercial, et nous acceptons la censure de l’article 40 puisque ce statut figure parmi les critères à prendre en compte pour apprécier si un organisme entre dans le champ de l’article 40; soit, une fois l’article 1 er adopté, La Poste devient une société anonyme, et il n’y a aucune raison que les amendements, qui concernent les articles suivants et qui visent à garantir au maximum le service public, subissent les foudres de l’article 40. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Alain Cacheux. Excellente analyse!

M. François Brottes. Je ne vois pas comment un amendement du président de la commission des affaires économiques imposant à tous les bureaux de poste de travailler jusqu’à vingt et une heures ne constituerait pas une dépense nouvelle et complémentaire tandis que d’autres, qui visent à garantir à l’ensemble de nos villes et nos villages une présence postale territoriale, subiraient les foudres de l’article 40.

Je demande donc au président de la commission des finances ou à son représentant de venir nous expliquer en quoi La Poste, une fois l’article 1 er adopté, est concernée par l’article 40.

M. Jean-Claude Sandrier. Quelle pertinence!

Mme la présidente. Monsieur Brottes, le contenu de votre rappel au règlement sera transmis au président de la commission des finances.

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Monsieur le ministre, les motifs d’inconstitutionnalité de votre projet de loi sont nombreux. Et pourtant, le Gouvernement tente de créer l’illusion en tenant, certes, un discours de communicant avisé mais qui n’en est pas moins semé de contrevérités. Ni les 2,3 millions de personnes qui se sont déplacées lors de la votation citoyenne, ni vous, ni nous ne sommes dupes. Vous accusez un gonflement du nombre de mobilisés lors de cette initiative populaire qui justifierait en partie le refus de votre part d’organiser un référendum.

M. André Gerin. Ils ont peur!

M. Daniel Paul. Puis-je vous rappeler que le si noble débat de société que votre gouvernement a initié autour de l’identité nationale vient de révéler que 60 % des Français placent les services publics parmi les éléments les plus importants de l’identité de notre pays, ce qui fait bien plus que les 2,3 millions de personnes qui ont montré leur attachement à La Poste, symbole fort du service public, garant des valeurs d’égalité et de solidarité.

Ce changement de statut de l’exploitant public et sa soumission au droit commun des sociétés s’inscrivent dans un contexte de désengagement de l’État et d’ouverture à la concurrence du secteur postal, déjà largement engagé en vertu de politiques communautaires que vous avez expressément soutenues en votant au sein du Conseil des ministres européens la dernière directive postale.

L’intérêt des entreprises, porté par la Commission européenne, relayé par les lobbies et par vous-même, monsieur le ministre, c’est le profit. Faut-il rappeler que les services économiques d’intérêt général ont sonné le glas du service public? C’est l’une des raisons pour lesquelles les députés communistes appelaient en 2004 à voter contre le projet de Constitution européenne.

M. Jean-Claude Sandrier. Très juste!

M. Daniel Paul. Souvenez-vous: les Français avaient refusé la ratification de ce traité constitutionnel, car ils étaient déjà conscients du sort réservé au service public par la politique communautaire. Cette constitution, en libéralisant les services, scellait le sort des services publics à grande échelle en les qualifiant d’universels. Les services publics disparaissaient purement et simplement de la Constitution européenne à une exception près, à l’article III-238 qui dispose que « sont compatibles avec la Constitution les aides qui répondent aux besoins de la coordination des transports ou qui correspondent au remboursement de certaines servitudes inhérentes au service public ». Seul l’accès à des services économiques d’intérêt général était reconnu. Et pour cause!

Les SIEG, selon les termes du Livre vert et blanc de la Commission, ne doivent pas être confondus avec l’expression « service public » qui est moins précise. La notion de SIEG est plus précise que celle de service public, tout comme la notion de service universel. Le SIEG est défini comme se référant aux « services de nature économique que les États membres ou la communauté soumettent à des obligations spécifiques de service public en vertu d’un critère d’intérêt général ».

Ainsi, le service public doit être économiquement rentable et l’intérêt général n’est qu’un critère. Différence fondamentale avec notre conception du service public que partagent nos concitoyens, foncièrement différente de la définition qu’a pu nous en donner le Conseil d’État dans sa jurisprudence.

Pour cette juridiction, la notion de service public se définit matériellement comme une activité d’intérêt général gérée par une personne publique ou sous son contrôle étroit. Or placer La Poste sous le contrôle étroit d’une société anonyme n’est pas la meilleure façon d’assurer la pérennité de ses missions de service public. Les services publics nationaux sont la propriété de la collectivité.

Le Conseil d’État s’est d’ailleurs fait l’écho des réticences que provoque cette notion de service universel, en se demandant, dans son rapport public de 1994, si l’on ne risquait pas, avec ce concept, « d’immoler sur l’autel de la concurrence ceux des intérêts de la collectivité et des usagers ou consommateurs qui ne peuvent être assimilés à des intérêts vitaux et de réduire les stratégies de service public à des stratégies de type assistanciel ». Il redoutait alors « l’abandon du rôle prééminent de l’État face aux mécanismes du marché et sa relégation à une mission d’accompagnement de ceux-ci ». Le service universel est ainsi présenté comme un service de base, un service minimal, pour ne pas dire minimaliste, pour tous dont on peut craindre qu’il ne conduise à un nivellement par le bas.

Ce rapport, dit rapport Belorgey, réaffirmait que le service public devait procéder de la force gouvernante, car il renvoyait à la notion de souveraineté nationale et qu’il était un élément fondateur du pacte républicain, au même titre que la démocratie représentative, car il renvoie à la notion de citoyenneté.

Votre projet de loi est donc inconstitutionnel, car il ne garantit pas la continuité de l’exercice des missions de service public, colonne vertébrale de La Poste. Les références au service universel ont beau être martelées tout au long du texte – puisque la répétition est la plus forte des figures de rhétorique, comme le disait Bonaparte il y a un peu plus de deux siècles –, elles sont loin de ce que nos concitoyens attendent d’un service public. Vous avez beau invoquer sans cesse les capitaux 100 % publics comme étant une garantie du maintien du service public postal, vous peinez à convaincre de vos bonnes intentions. Et pour cause!

Si l’association des termes « capital » et « public » sonne d’emblée dangereusement faux, cet argument l’est aussi. Même si le droit de la commande publique est riche en délégations, concessions de service public et autres partenariats public-privé, la meilleure garantie pour assurer un service public de qualité est d’en confier l’exercice à un organisme de droit public, totalement contrôlé par la puissance publique et géré par ses soins. L’intérêt de l’État, c’est l’intérêt général. Du moins, c’est ce dont il est censé se porter garant.

Il est vrai que le profit s’accommode facilement du service universel car, contrairement au service public, il n’a pas à être nécessairement confié à une autorité publique. Les différents traités européens l’ont abondamment utilisé et le traité de Lisbonne en a fait son outil privilégié de la politique communautaire de libéralisation des services publics.

C’est une excuse, un label, une étiquette, qui permet de rendre certains secteurs plus perméables aux lois du marché. La mobilisation rhétorique autour de ce concept, dans ce texte de loi, n’est ni anodine ni neutre pour la collectivité. Elle est purement idéologique.

La Commission européenne a décidé de sonner le glas des services publics dans l’ensemble de l’Union européenne. À présent, il faudrait d’ailleurs ajouter à la liste des critères de Copenhague qu’il faudra être prêt à brader et à libéraliser tous les secteurs publics et les services y afférents.

En 2007, onze pays s’étaient opposés à la libéralisation de ce secteur pour 2011, en exigeant au moins un sursis jusqu’en 2013. Afin que ne soit pas méprisé l’avis des représentants des citoyens, il serait d’ailleurs nécessaire, comme nous le demandons, que ces directives soient renégociées. Vous me donnerez acte, monsieur le président de la commission, que nous demandons régulièrement la renégociation de toutes ces directives.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est vrai!

M. Daniel Paul. Il s’agit, tout d’abord, de la directive européenne du 15 décembre 1997 dite « directive postale cadre », qui pose la définition d’un service universel minimum réduisant les missions d’intérêt public et qui introduit le principe d’une ouverture progressive du marché, totale en 2009.

La directive du 10 juin 2002 doit également être rediscutée, car elle pose les étapes de la libéralisation du secteur postal.

Enfin, il faut revoir la directive européenne du 20 février 2008, qui concerne l’achèvement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et fixe au 31 décembre 2010 l’échéance pour parvenir à la libéralisation totale des marchés postaux.

La libéralisation du secteur postal imposée par la Commission européenne a entraîné des effets désastreux. L’Allemagne, qui a anticipé cette libéralisation, a vu passer le nombre de ses points de contacts postaux de 30000 à 13000, et ce pays envisage encore de les réduire à 5000. La Suède, qui a externalisé la plupart de ses points de contacts auprès de commerçants, connaît aujourd’hui l’un des plus mauvais taux d’accessibilité au service postal en Europe. Enfin, l’Espagne, face à la concurrence, n’assure plus de service postal direct dans les zones rurales qui ne sont pas jugées assez rentables.

La Commission européenne et le gouvernement français tiennent un véritable discours idéologique, au mépris des conséquences dramatiques, pourtant bien connues, visibles aujourd’hui, de l’ouverture à la concurrence du secteur postal. Il n’y a pas de commissaire européen des services publics pour contrebalancer les choix idéologiques faits par la droite européenne, ce qui est bien dommage. Et pour cause!

Rien, dans les directives européennes, n’impose la mutation de La Poste en une société anonyme, tout comme l’engagement d’une procédure accélérée pour l’examen du texte que vous nous imposez alors que certains pays ont obtenu des délais plus longs – jusqu’en 2013 – pour l’application des directives.

Nous maintenons aussi que la libéralisation du secteur postal est incompatible avec la réalisation de missions de service public, telles que la mise en place d’un tarif unique et égalitaire ou l’acheminement du courrier sur la totalité du territoire.

Ce projet de loi est donc clairement l’écho zélé d’une vision libérale de la société qu’à l’évidence nous ne partageons pas. Dans ce domaine, monsieur le ministre, l’archaïsme est de votre côté quand vous ne voyez que par le prisme du libéralisme et des privatisations.

Karl Marx écrivait que « les pensées de la classe dominante sont aussi, et à toutes les époques, les pensées dominantes ». Et il ne suffit pas de procéder à ce que l’historien Gérard Noiriel appelle la captation d’héritage, en évoquant Jean Jaurès, fondateur du journal L’Humanité , de faire des lectures publiques de la lettre de Guy Môquet ou de vouloir transférer les cendres d’Albert Camus au Panthéon pour faire croire ou tenter de faire croire que vous auriez changé.

M. Jean Gaubert. Très bien!

M. Daniel Paul. S’il ne s’agissait pas d’options idéologiques, nous nous demanderions pourquoi, à en croire le régime des aides publiques minutieusement défini par le droit communautaire de la concurrence, injecter de l’argent frais dans une entreprise publique serait devenu proprement illégal. En revanche, subventionner les entreprises privées, via le Fonds stratégique d’investissement, exclusivement alimenté par des fonds publics à hauteur de 21 milliards d’euros, ne fait l’objet d’aucun suivi de l’utilisation de ces aides, ainsi que l’a dénoncé la Cour des comptes. Et cela est étrangement légal, car vous avez créé, de concert avec la Commission européenne dont vous vous prétendez victimes des décisions, les conditions juridiques pour qu’il en soit ainsi.

La Poste aurait pu bénéficier de 2,7 milliards d’euros qui, pour reprendre les affirmations du Gouvernement, lui auraient permis de lutter à armes égales contre ses concurrents européens. Cette solution, plus acceptable socialement, aurait été mieux comprise par la population que ces dispositifs anticrise inefficaces et dispendieux qui n’ont pas empêché le licenciement de centaines de milliers de personnes.

Des capitaux 100 % publics, dites-vous? Il est vrai que l’Élysée vient de réaffirmer que la Caisse des dépôts et consignations souscrira à hauteur de 1,5 milliard au capital de la future société anonyme. Le problème, au-delà des questions de fond que soulève la perspective de privatiser ce grand service public, c’est que, à ce jour, ni la direction générale ni la commission de surveillance de la CDC ne semblent avoir été saisies officiellement d’une quelconque demande de souscription au capital de La Poste.

Il n’est pas inutile de rappeler ici que la CDC est une institution financière publique qui présente l’originalité d’être autonome du pouvoir exécutif et placée sous l’autorité du Parlement, laquelle est incarnée par la commission de surveillance que préside un député –actuellement M. Michel Bouvard, député UMP de Savoie –, et dont font partie quatre autres parlementaires, dont un sénateur et un député de l’opposition, Nicole Bricq et Jean-Pierre Balligand.

En annonçant, sans consulter ces instances, que la CDC participerait à cette opération à hauteur de 1,5 milliard, le pouvoir exécutif ne respecte guère l’autonomie républicaine de la CDC tout en méprisant les compétences du Parlement. Le général de Gaulle déclarait que le principe de la Caisse des dépôts, c’est son autonomie. Certes, le Président de la République n’est pas gaulliste, nous sommes loin de l’être également, mais il me semble pourtant que le Général avait raison.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il y a quelques gaullistes dans l’hémicycle!

M. André Gerin. C’est vrai.

M. Daniel Paul. Cette façon de procéder met en péril l'équilibre même des ressources qui assurent la pérennité de la Caisse. En effet, si l'on fait la somme des fonds engagés sur l’ordre du Gouvernement ou de l’Élysée dans le FSI voulu par le Président de la République – 10 milliards –, dans le renflouement de DEXIA – 2 milliards –, dans OSEO, dans le plan de relance, l’on réalise qu’ils représentent plusieurs dizaines de milliards d'euros et plus de la moitié des fonds propres de la CDC.

C'est aussi ce qui nous interpelle sur la provenance des fonds mobilisés par l'État, à l'heure où les contraintes qui pèsent sur son budget, d'un côté, et les charges de la dette, de l'autre, laissent peu de marges de manœuvre financière. Si peu d'ailleurs qu'il faudra soumettre à impôt les indemnités journalières des accidentés du travail – 150 millions. Si peu que les aides publiques accordées aux entreprises se sont élevées à 65 milliards d'euros, exonérations fiscales comprises.

Une nouvelle fois, nous ne pouvons que dénoncer l’inconstitutionnalité de l’injonction faite par l'Élysée au mépris du principe de séparation des pouvoirs! La commission de surveillance de la CDC devrait en toute logique être saisie.

Nous avons par ailleurs entendu que « les textes applicables interdisent à la CDC de souscrire à une augmentation de capital d'un établissement public » et qu'il était donc nécessaire de modifier le statut de La Poste pour lui permettre de réaliser cette opération.

Or c'est exactement le contraire. La Caisse des dépôts, établissement public autonome du Gouvernement et placé sous le contrôle du Parlement, est avant tout un investisseur d'intérêt général et de long terme qui, à l'appui d'un mandat public, peut investir pour renforcer les fonds propres ou soutenir les projets d'investissement d'une autre personne morale de droit public.

Prenons l'exemple récent d'OSEO, EPIC agissant dans un champ hautement concurrentiel, qui regroupe la BDPME, l'ANVAR et la SOFARIS et que la CDC finance à plus de 40 % ou encore l'ANRU, EPIC financé par la Caisse des dépôts et d'autres opérateurs publics: rien dans le droit interne ou dans le droit communautaire, rien non plus dans la « doctrine d'investissement de la Caisse des dépôts » publiée en décembre 2008 après la promulgation de la loi LME, n'interdit à la Caisse des dépôts d'investir dans un établissement public.

Partenaire de La Poste depuis plus d'un siècle, dans une logique de complémentarité de missions publiques –aménagement du territoire, lutte contre l'exclusion bancaire, collecte et centralisation de l'épargne populaire –, la CDC pourrait donc parfaitement, dans le cadre d'un mandat public, investir dans le renforcement et la modernisation nécessaires des moyens de l'établissement public La Poste.

Vous prétendez que les missions de service public ne sauraient être menacées au prétexte que les seuls actionnaires, jusqu'à la publication des statuts initiaux comme le précise le texte, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 2009, sont 100 % publics. Vous vous êtes vous-même engagé, monsieur le ministre, à ce qu'un amendement interdise tout autre investisseur que la CDC.

Mais ce qu'une loi a fait, une autre loi peut le défaire.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Bien sûr! Vous pourriez le faire.

M. Daniel Paul. On l’a vu faire ici, de la part de quelqu’un qui est aujourd’hui à la tête de l’État. Mais surtout, parce que la qualité publique d'un actionnaire, qu’il s’agisse de l’État ou de la CDC, dès lors qu'il agit dans le cadre « banalisé » du capital d'une société anonyme soumise au code du commerce, n'induit pas un comportement fondamentalement différent de celui d'un actionnaire privé!

Là encore, les exemples abondent. Je pense en particulier à l'ensemble des filiales « concurrentielles » de la CDC à capitaux majoritairement ou totalement publics, à ICADE, détenu à 60 % par la CDC, qui fut un temps le premier bailleur social français et qui aujourd'hui cède la plupart de ses activités de services – qui concernent 1500 salariés – et la totalité de son patrimoine de logements à vocation sociale – 500 salariés –, à TRANSDEV, troisième réseau européen de transport en commun, détenu à 70 % par la CDC et employant plus de 40 000 salariés en Europe, que la CDC s'apprête à céder à son concurrent VEOLIA. Faut‑il citer encore l'exemple du Fonds stratégique d'investissement, financé à 51 % par la CDC et à 49 % par l'État, dont la gouvernance est dominée par des grands patrons issus du privé et dont les premières actions d'investissement sont davantage inspirées par des logiques d'allégeance aux marchés que par la défense de l'emploi industriel.

Lorsqu'elle agit en investisseur « privé », la CDC exige un rendement de ses actifs à peine inférieur à celui fixé par les autres investisseurs. Sa doctrine d'investissement déjà citée dispose que « la Caisse des dépôts peut en effet attendre un retour financier significatif de participations substantielles dans des grandes entreprises françaises dont la rentabilité est " indexée " sur la croissance mondiale ».

Par ailleurs, dans l'hypothèse où la Caisse des dépôts et consignations participerait à l'augmentation de capital pour répondre aux besoins de financement de La Poste et pourvoir à ses besoins de développement, rien ne l'empêcherait de revendre sa part d'actions à tout moment. Les dernières interventions de la CDC semblent d'ailleurs laisser croire qu'elle limiterait son rôle à l'apport d'une aide transitoire à certaines entreprises en difficulté ou présentant un intérêt stratégique pour la France. En aucun cas, elle n'a donc l'intention de demeurer perpétuellement au capital de l'entreprise à laquelle elle apporte des moyens de financement!

On voit d'ailleurs mal comment la CDC, dès lors qu'elle investirait dans le capital d'une société anonyme, pourrait se voir interdire durablement la possibilité de céder tout ou partie de sa participation au capital de La Poste.

Permettez-nous donc d'avoir des doutes quant à la possibilité de préserver le caractère public du capital de l'entreprise en cas d'abandon du statut d'établissement public, car nous savons aussi quel fut le sort des grandes entreprises publiques soumises au même processus de transformation en société anonyme: leur privatisation à terme. La fusion intervenue entre GDF et Suez en est l’illustration.

Ce projet de loi est inconstitutionnel, car c'est au service public que la Constitution fait référence, pas au service universel.

Le texte contrevient au neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, que vous connaissez bien pour le citer souvent: « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».

Le service public national est le fait du législateur. Les services publics constitutionnels ne peuvent cesser de relever de la collectivité, même si le législateur en décide ainsi. Préciser dans la loi qu'un service public est national ne permet donc pas d'éviter une privatisation, cela garantit seulement que le législateur sera saisi, éventuellement, de la question.

M. François Brottes. Cela ne suffit pas!

M. Daniel Paul. Par ailleurs, en application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il suffit au législateur de priver l'entreprise concernée des caractéristiques qui en faisaient un service public national, de rompre le monopole public, pour pouvoir modifier son statut.

C'est précisément ce qu'entend faire le Gouvernement par le présent projet de loi, qui vise à livrer totalement le secteur postal à la concurrence, à ouvrir l'ensemble des activités postales aux opérateurs privés et à supprimer le secteur réservé.

Quand le Conseil constitutionnel a voulu déterminer si GDF exploitait un service public national, afin de se prononcer sur la conformité de sa privatisation au Préambule de la Constitution de 1946,…

M. François Brottes. À notre initiative.

M. Daniel Paul. …il a jugé « que les obligations de service public définies par l’article 16 de la loi du 3 janvier 2003 s'imposent non seulement à Gaz de France, mais encore à l'ensemble des entreprises concurrentes intervenant dans le secteur du gaz naturel; qu’il en est ainsi en ce qui concerne les obligations de service public fixées par la loi, au niveau national, sur chacun des secteurs d'activité », et que, par conséquent, la loi déférée faisant perdre à GDF son statut de monopole public, elle rendait possible sa privatisation.

M. Alain Cacheux. Et voilà! La boucle est bouclée!

M. Daniel Paul. Nos concitoyens le savent et c'est la raison pour laquelle ils ne comprendraient pas qu'ils puissent être exclus d'un processus de décision qui concerne aussi intrinsèquement leur vie quotidienne et leur avenir.

Le débat sur l'identité nationale a montré à quel point les citoyens étaient attachés aux services publics, et notamment à La Poste.

M. Alain Cacheux. Très bien!

M. Daniel Paul. C’est un comble que la voix du peuple n'ait pas été entendue sur ce texte! À ma connaissance, il est encore inscrit dans la Constitution que la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum, qu'aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice. Outre que les propositions de loi que les députés présentent ne sont pas retenues et que les projets de loi représentent 80 % des textes adoptés, il est inacceptable que les demandes de consultation émanant du peuple ne soient pas entendues. C’est un respect qui leur est dû, monsieur le ministre.

Nous voulons un référendum. Nous voulons une poste « démocratique » au sein de laquelle citoyens et usagers seront entendus, pas le statu quo . Nous voulons une poste forte qui s'engage au service du développement de notre pays, dans le cadre d'un pôle financier public au plus près des territoires, une poste qui se modernise et prenne toute sa place dans l'ère du numérique.

Malheureusement, le projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales marque une rupture certaine dans l'organisation de nos services publics. Il constitue, à n'en pas douter, une étape de plus dans la remise en cause de notre modèle social, fondé sur des services publics correcteurs d'inégalités sociales et territoriales.

La mission d'aménagement du territoire de La Poste est remise en question non seulement par le présent projet de loi, mais aussi par la réforme territoriale et la suppression de la taxe professionnelle.

M. Christophe Sirugue. Tout à fait!

M. Daniel Paul. La Poste est un service public de proximité destiné à assurer une couverture égalitaire du territoire.

L'application des dispositions relatives à la mission d'aménagement de La Poste est garantie par le Fonds postal national de péréquation territoriale alimenté par les exonérations de taxe professionnelle dont bénéficie La Poste, mais qui n'existe plus.

Le fonds de compensation mis en place par ce texte, en plus d’être alimenté par des contributions basées sur l'envoi de correspondance, et non sur le chiffre d'affaires alors même que l'activité courrier périclite, ne garantit en rien la pérennité de la mission d'aménagement du territoire.

Comment imposer le respect du principe de proximité à des actionnaires, y compris publics, dont les objectifs répondent au triptyque concurrence-profits-rentabilité?

La transformation du statut de La Poste favorisera à l’évidence les zones fortement urbanisées au détriment des territoires les moins peuplés. Comment redéfinir la place de La Poste dans le nouveau projet de maillage territorial qui comprend des territoires dans lesquels bien plus de 10 % de la population se trouvera éloignée de bien plus de cinq kilomètres d’un bureau de poste? Je ne parle pas, monsieur le ministre, de points de contact mais bien de bureaux de poste.

Enfin, comment La Poste pourra-t-elle remplir sa mission d’aménagement et de cohésion du territoire si elle est privatisée et désolidarisée de l’État, qui dispose des principaux leviers en la matière? Le Gouvernement se trouve en effet dans une situation paradoxale: comment faire croire que la présence postale va se trouver renforcée alors même que la transformation de La Poste en société anonyme va la contraindre à une plus grande rentabilité économique, aux dépens de son utilité sociale?

La réponse à ces trois questions est évidente. Ce projet de loi entérine une politique de suppression massive des bureaux de poste. Confrontés à cette situation, les maires ruraux comme les maires urbains seront amenés à prendre le relais de l’État pour pallier la disparition des services publics nationaux, et cela dans de nombreux domaines. Les collectivités qui font le choix de conclure un partenariat avec La Poste le font toujours pour leurs concitoyens. Mais ils supportent, encore une fois, une charge indue et mal compensée.

M. Christophe Sirugue. Tout à fait!

M. Daniel Paul. Depuis 2005, à chaque fois que La Poste ouvre un partenariat, soit une agence postale communale soit un relais poste commerçant, elle ferme un bureau. Il est louable d’affirmer que les 17000 points de contact seront maintenus. Il n’en demeure pas moins qu’il ne reste que 3600 bureaux de poste de plein exercice, appelés les bureaux centre. À côté de ces bureaux centre rescapés, on compte 7000 bureaux de proximité, généralement pourvus d’un agent, et dont la moitié sont ouverts une demi-journée ou quelques heures par semaine.

Je me suis amusé à examiner le rapport annuel relatif à l’accessibilité du réseau postal pour 2008 et qui propose une cartographie complète, département par département, avec des couleurs différentes selon que les cantons disposent ou non d’un bureau de poste.

En 2006, le Cantal comptait 67 bureaux de poste sur 121 points de contact; le nombre des bureaux de poste est passé à 52 en 2008; moins de la moitié des points de contact du Cantal sont donc désormais des bureaux de poste. Le Jura, quant à lui, est passé, pour la même période, de 95 bureaux de poste à 62 pour 132 points de contact, soit moins de la moitié, ici aussi. Pour la Mayenne, le nombre de bureaux de poste est passé de 78 à 60 pour 130 points de contact. Dans l’Orne, pour 122 points de contact, 62 étaient des bureaux de poste en2006 contre 54 deux ans plus tard. Dans le département de la Sarthe, on comptait 117 bureaux de poste contre 90 pour 215 points de contact. Dans les Deux-Sèvres, on dénombrait 131 points de contact dont 85 bureaux de poste en 2006 et plus que 61 deux ans plus tard. En Vendée, sur 206 points de contact, de 113 bureaux de poste, on est passé à 102. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Roy. Triste bilan!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. C’est bien pour cette raison que nous souhaitons changer le statut de La Poste! Voulez-vous donc que rien ne change?

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Ce n’est pas en ouvrant le capital de La Poste que vous allez améliorer la situation!

M. Daniel Paul. Je termine avec l’Yonne, où le nombre de bureaux de poste est passé de 131 à 81, pour 185 points de contact.

Cette tendance s’accélère.

M. Christophe Sirugue. C’est une réalité!

M. Gilbert Le Bris. Eh oui!

M. Daniel Paul. Ce document, qu’il faudrait adresser à chaque député, vous permettrait de constater, monsieur le ministre, que des cantons entiers sont désormais dépourvus de bureaux de poste.

M. Christophe Sirugue. C’est vrai!

M. André Gerin. Eh oui!

M. Gilbert Le Bris. Certains sont devenus un désert!

M. Daniel Paul. C’est pourquoi nous voulons qu’au moins chaque canton bénéficie d’un bureau de poste. La tendance est en effet de rendre plus facile la possibilité de transformation du bureau de poste en agence postale communale ou en point de contact chez un commerçant.

Dans mon département, il ne reste plus que 169 bureaux de poste en gestion directe. On dénombre 71 relais poste commerçants et les agences postales communales. Je dois pourtant noter que, relativement, nous ne sommes pas les plus à plaindre. Dans les Pays de Loire, en Bourgogne, en Poitou-Charentes, le nombre des APC et RPC dépasse déjà celui des bureaux de poste de plein exercice. Ceci est inacceptable. Votre texte va accélérer cette évolution puisqu’il faudra accroître la rentabilité des bureaux de poste.

Mme Chantal Robin-Rodrigo et M. André Gerin. Eh oui!

M. Daniel Paul. Avec les collectivités, il s’agit de « passer d’une contrainte individuelle négative à une incitation collective positive », disait, mercredi dernier, M. Bailly, président de La Poste. Vous savez probablement, monsieur le ministre, ce que M. Bailly entendait par là.

M. Alain Cacheux. Il le sait!

M. Daniel Paul. Il s’agit d’en finir avec la coercition à l’égard du maire d’une commune que l’on rencontre dans son bureau pour lui faire accepter de gré ou de force la transformation de son bureau de poste en agence postale communale. Quand on lui annonce qu’on est au regret de passer de l’ouverture complète à l’ouverture pendant une demi-journée, le maire va évidemment accepter.

Mme Jacqueline Maquet. C’est ce qui se passe déjà!

M. Daniel Paul. Il est donc question, pour reprendre les termes de M. Bailly, de passer de la « contrainte individuelle négative » à une « incitation » – qui n’est donc plus une contrainte – « collective » – elle n’est donc plus individuelle – et « positive » – on ira voir le conseil municipal ou une représentation plus large pour faire comprendre qu’un partenariat pourrait être passé, et le résultat sera le même. Nous exigeons, pour notre part, avant que le bureau de poste ne ferme ou ne soit transformé, que le conseil municipal donne un avis conforme, rien d’autre; sinon, il s’agirait de chantage à l’égard de communes qui n’y peuvent mais. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

On a bien compris de quoi il s’agit lorsque l’on voit, dans les conseils techniques récemment prodigués par La Poste aux délégués qui siègent dans les commissions départementales de la présence postale, qu’il leur faut « conserver la maîtrise de l’évolution du réseau postal en écartant l’hypothèse où le préfet, à son initiative ou à la demande du président du conseil général, engagerait une concertation sur le projet d’évolution de la présence postale ». À vos yeux, la plus grande menace pour La Poste serait que la démocratie s’exerce sur le territoire communal.

M. André Gerin. Absolument!

M. Daniel Paul. Morale de l’histoire: faire fi de l’avis des collectivités sera la condition essentielle à l’accomplissement des objectifs de rentabilité de la société anonyme La Poste.

Généraliser les agences postales communales et les relais poste, c’est non seulement porter atteinte au service public mais aussi rendre possible un nouveau transfert de charges vers les collectivités, les contribuables et les usagers – ceux que vous préférez appeler les « clients ».

À ce propos, nous aimerions savoir comment la France compte justifier, au regard du droit communautaire, le statut des agences postales communales. Va-t-on vers une privatisation ou une municipalisation des financements? Encore des inquiétudes pour l’avenir de La Poste et ses missions de service public; inquiétudes d’autant plus grandes que les pays qui ont anticipé la libéralisation du secteur postal donnent une idée du scénario qui nous attend: la Suède, élève modèle de la libéralisation, a le plus bas taux de couverture postale, environ 40 %!

Aujourd’hui, la soumission des services publics aux critères de rentabilité du secteur privé détruit les solidarités sociales et territoriales nationales. En effet, contrairement aux agences postales communales et aux points poste, les bureaux de plein exercice sont gérés par un personnel postier, ce qui permet aux usagers de bénéficier d’une activité de conseil de qualité, dans le domaine financier comme dans le domaine du courrier.

En outre, la grande majorité des opérations financières ne pourront être effectuées dans ces fameux points poste, censés pourtant offrir le même niveau de service que les bureaux de poste, qu’il s’agisse des versements sur des comptes, de l’envoi de mandats internationaux, des retraits par chèque à l’ordre d’un tiers ou des opérations de gestion de compte comme le changement d’adresse.

La réduction du nombre de bureaux de plein exercice est le résultat d’une restriction par La Poste elle-même des horaires dans ses bureaux de proximité. Dans les zones qu’elle a jugées trop peu rentables, elle a en effet transformé des bureaux de plein exercice en bureaux de proximité, limitant leur activité à une demi-journée, parfois à quelques heures par semaine, pour pouvoir ensuite mieux arguer de leur faible fréquentation.

M. André Gerin. Bien sûr!

M. Daniel Paul. Nous savons d’ailleurs comment, grâce à des logiciels et des études ciblées, la Banque Postale s’apprête à développer sa mission d’accessibilité bancaire.

Ainsi, des dispositifs tels que Compas-clients nous révèlent comment La Poste offre des services financiers sur mesure à nos territoires. À l’appui d’un logiciel, La Poste calcule « la surface financière » selon la tranche d’âge de ces clients et selon les encours et les flux confiés à La Poste. À leur lecture, vous serez peut-être surpris de voir qu’une note chiffrée est associée à chaque client – ou usager. Moins on a d’argent, plus on est mal noté.

Les formats de banque postale s’adaptent déjà effectivement, comme il est indiqué dans le texte, aux territoires « selon leurs caractéristiques ».

Les consignes données par la direction de La Poste à l’appui du descriptif stratégique de Compas-clients sont claires: « Parce que les modes de déplacement, la gestion du temps et les formes de consommation varient selon que l’on se trouve au centre ville, en banlieue ou à la campagne, il faut adapter l’offre postale et la configuration des bureaux à leur situation géographique. Parce que l’activité de tout point de vente est liée au nombre de clients, le ciblage de l’offre doit tenir compte des flux observés et de l’activité dans les bureaux. Enfin, parce qu’à environnement égal et flux égaux, certains points de vente s’adressent à des clientèles spécifiques, de la ZUS aux zones touristiques, le réseau grand public doit proposer une offre sur-mesure, adaptée aux besoins de ces clientèles. » Fermez le ban. Simple logique commerciale, n’est-ce pas?

Toujours est-il que depuis la création de la Banque Postale en 2006, de nombreux bureaux de poste ont connu dans les ZUS et dans les zones rurales des réductions d’horaires d’ouverture parce que les populations locales offriraient peut-être peu d’intérêt et d’apport financier pour La Poste.

On comprend par conséquent mieux que les stratégies mises en œuvre se calquent sur « la variation des comportements de consommation ». Du « sur-mesure »? C’est le moins que l’on puisse dire. Il reste aujourd’hui 11000 bureaux, mais, régulièrement, de nouveaux bureaux ferment. La Poste estime à un peu moins de 2800 points de contact les besoins de la banque postale pour un réseau optimisé à 6000 bureaux.

Pas de crédit revolving , nous dit-on. Il est vrai que ce serait contraire à l’éthique d’un service public que d’encourager et de faciliter l’accès à des produits financiers susceptibles de plonger des familles dans le surendettement au moindre accident de la vie.

Pourtant, à en croire son immatriculation au registre de commerce et des sociétés, à partir de 2011, La Poste pourra: effectuer toutes les opérations de crédit à la consommation telles que définies à l’article L.311-1 et suivants du code de la consommation, soit directement, à travers l’ensemble des canaux de distribution de La Banque Postale, soit à travers d’autres canaux de distribution; concevoir une offre de crédit à la consommation; exploiter et développer l’activité relative à la distribution de crédit à la consommation; effectuer, dans le cadre de cet objet, toute opération d’intermédiation en assurance – et cela comprend le courtage d’assurances, conformément aux dispositions du code des assurances.

Ainsi, alors qu’aujourd’hui, une réflexion est engagée sur la possibilité de leur suppression – et alors que l’on discute même, au sein de la commission des affaires économiques, de questions liées aux problèmes de consommation et de surendettement –, La Poste, entreprise publique, pourrait proposer des crédits renouvelables.

Sur le million de dossiers de surendettement répertoriés à la Banque de France, 80 % comprendraient des crédits revolving, et ceux-ci seraient directement responsables, selon la Banque de France elle-même, de 75 % des cas de surendettement. Le surendettement des ménages est donc intrinsèquement lié au crédit renouvelable, celui-ci représentant une véritable catastrophe économique et sociale !

A la fin de l’année 2008, 2,5 millions de personnes étaient enregistrées dans le FICP, le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, ce qui dénote une grande difficulté des Français à rembourser les dettes accumulées via ces crédits.

Alors, permettez-moi de poser une question simple: La Poste proposera-t-elle des crédits revolving et cela fait-il partie de la mission d’accessibilité bancaire qui lui est assignée?

La banalisation du Livret A, sous les injonctions de Bruxelles, est un mauvais coup pour La Poste, nous le disons tous. On estime que le parc actuel de logements sociaux – 4,3 millions de logements – a été financé à 80 % sur la base de prêts octroyés par la CDC à partir des ressources d’épargne sur Livret A qu’elle centralise. Cette proportion est d’ailleurs la même depuis plus d’un siècle. Les 20 % restant sont constitués de l’autofinancement des organismes de logements sociaux, de l’apport du 1 % patronal – qui n’a d’ailleurs plus rien à voir avec 1 % –, de subventions des collectivités locales, d’apports directs de la CDC, etc.

Aujourd’hui l’encours de prêts au logement social atteint encore plusieurs milliards d’euros, mais la masse d’épargne populaire non utilisée et les perspectives de remboursement des prêts en cours permettraient d’accroître l’effort de construction nécessaire pour répondre aux besoins des nombreux demandeurs de logements sociaux en attente à l’heure actuelle.

Si nous sommes convaincus de la privatisation de La Poste à brève échéance, c’est qu’elle est statutairement transformée depuis plus de dix ans pour offrir les services d’une banque ordinaire, d’une banque comme les autres, comme on dit. Cela a sans doute motivé la revendication portée devant la Commission européenne par quatre grandes banques françaises, la BNP, la Société générale, les Banques populaires, et le Crédit agricole, et par une banque hollandaise, ING Direct. Elles ont demandé à ce que la distribution du Livret A ne soit plus le « privilège » de ces anciens établissements d’intérêt général. L’intérêt général est donc, à leurs yeux, une distorsion de concurrence.

Suite à cette plainte, la Commission européenne a finalement décidé d’obliger – « d’obliger », façon de parler –, le 10 mai 2007, le Gouvernement français à ouvrir la distribution du Livret A à l’ensemble des banques européennes, publiques et privées, dans un délai de neuf mois. Le Gouvernement français a, dans un premier temps, affiché son intention de contester cette décision.

Mais une fois n’est pas coutume, le Gouvernement s’est finalement saisi de cette occasion pour aller bien au-delà de la demande initiale de la Commission européenne, puisqu’il a mis en cause, dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie votée en juillet 2008, l’ensemble du système du Livret A dans toutes ses dimensions ainsi que le rôle qu’y joue la Caisse des dépôts. Là encore, sous couvert de faire application des injonctions communautaires, la majorité a entendu fragiliser la notion même de logement social en compromettant son financement!

Par ailleurs, l’article 35 de cette loi, soumet la Caisse des dépôts et ses opérations au contrôle de la commission bancaire, comme n’importe quelle banque banalisée. Cela constitue, encore une fois, une remise en cause du statut public et de l’autonomie républicaine de la CDC vis-à-vis du pouvoir exécutif. Les opérations financières d’intérêt général conduites par la CDC seront désormais soumises à des critères de contrôle issus de la sphère financière privée, dont on a d’ailleurs pu observer la pertinence depuis quelques mois. Rien que cela remet en cause le respect des principes de continuité et d’égalité de traitement attachés au service public financier que constitue la CDC.

Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1 er janvier 2009. Le paradoxe est là. Le système, public et républicain, du Livret A n’a jamais failli, en 200 ans d’existence, dans ses missions de protection de l’épargne populaire et de financement d’intérêt général, en particulier pour le logement social.

M. Jean-Pierre Balligand. Ça, c’est vrai! Mais cela change!

M. Daniel Paul. À cela s’ajoute le fait que la Banque postale a échappé à la crise financière et apporté la démonstration que sa présence dans le secteur public était une garantie contre les dérives financières.

Le Gouvernement choisit pourtant de le mettre en cause, au moment même où le système financier non réglementé et mondialisé, déstabilisé par une crise engendrée précisément par la défaillance des produits de crédits spéculatifs immobiliers, vient de faire la démonstration de sa grande fragilité. Il semble tout aussi paradoxal de changer le statut de La Poste, en prétendant l’urgence, et en arguant de la baisse conjoncturelle du courrier et d’un besoin d’argent frais !

Au vu de ce contexte, nous pouvons donc, monsieur le ministre, douter à bon droit de vos bonnes intentions sur le maintien du caractère public de l’entreprise.

M. Patrick Roy. Hélas!

M. Daniel Paul. Comme la concurrence va se positionner sur le secteur rentable du courrier d’entreprise, La Poste va encore logiquement abaisser ses tarifs dans ce secteur. Mais, pour rester rentable, elle sera contrainte d’augmenter les tarifs ailleurs. Dans ces conditions, le risque est réel de voir la distribution du courrier n’être assurée, à court terme, que cinq jours, voire moins, contre six actuellement.

Il me semble me souvenir, monsieur le rapporteur, que nous étions dans la fameuse commission Ailleret. En étiez-vous?

M. Jean Proriol, rapporteur . Bien sûr!

M. Daniel Paul. Avez-vous souvenance de ce responsable de la poste néerlandaise qui est venu nous expliquer qu’aux Pays-Bas, la question se posait de la distribution du courrier tous les jours. Ce que vous et moi, ce que nos concitoyens comme les sujets du royaume des Pays-Bas appellent le courrier représente, dans nos deux pays, environ 15 % du courrier global. Un sondage avait été mené auprès des entreprises néerlandaises – 85 % du courrier –, pour savoir si elles étaient intéressées par une distribution tous les jours.

Majoritairement, elles avaient répondu que non, qu’elles souhaitaient recevoir le courrier deux ou trois fois par semaine. J’imagine que cette réponse était dictée par des considérations liées au travail à temps partiel: à quoi bon avoir des salariés qui travaillent toute la semaine si le courrier n’est distribué que trois fois par semaine? Quoi qu’il en soit, la question était posée: comment faire pour le courrier distribué aux familles? Allait-il, lui aussi, être distribué deux ou trois fois par semaine?

En France, nous ne sommes pas tout à fait dans la même situation. Il y a, c’est vrai, monsieur le ministre, la distribution par La Poste de la presse. Mais de plus en plus d’entreprises privées se positionnent sur le marché de la distribution de la presse. Vous allez affirmer mordicus, monsieur le ministre, et je suis même prêt à vous croire, que vous souhaitez que La Poste continue d’être contrainte de distribuer la presse six jours sur sept.

Mais si, au fil des ans, le privé prend de plus en plus de parts de marché dans ce domaine, ou que la presse elle-même organise sont propre dispositif de distribution, les termes de la question peuvent changer. Et c’est là une des réponses, monsieur le ministre, à la question que vous posiez tout à l’heure: qui osera remettre en cause certaines des missions de service public actuellement dévolues à La Poste? Cela pourra arriver quand les entreprises privées, le grand capital, comme on dit encore – parce que ça existe –, voudra se positionner sur un marché qui pourrait, finalement, l’intéresser. Il y a là une véritable menace.

Nous n’avons aucune assurance quant au risque de voir la distribution du courrier ne plus être assurée à domicile, comme cela se pratique en Suède, où le client va chercher son courrier au bureau de poste, faute de quoi il doit payer pour être livré à domicile.

Nous refusons cette dégradation réservée à certaines franges de la population qui n’auront plus que des services postaux au rabais, rompant ainsi l’égalité de traitement entre les usagers, ce qui rendra la vie des populations de zones peu peuplées encore plus difficile.

Nous ne voulons pas assister à la concentration de toutes les richesses de notre pays dans les centres villes de ses grandes agglomérations. Aujourd’hui, un tiers de notre territoire est en situation de repli, perd des habitants, des emplois, des activités, publiques comme privées. La privatisation de La Poste est, à ce titre, un nouveau message, extrêmement négatif, adressé aux habitants. Il est par conséquent nécessaire de le contrebalancer en réaffirmant les valeurs que se doit de défendre un vrai service public.

Car oui, en la matière, La Poste est en phase avec le Gouvernement. Vous ne cessez de dire qu’il faut diminuer le nombre de fonctionnaires. L’exploitant public a effectivement supprimé 250000 postes depuis cinq ans !

La Poste représente aujourd’hui, tous métiers confondus, 287000 salariés, dont 142000 fonctionnaires et 145000 salariés de droit privé dits « contractuels », embauchés en CDI ou en CDD.

M. Jérôme Lambert. Souvent précaires!

M. Daniel Paul. La Poste, c’est aussi plus de 200 filiales en France et à l’étranger. Il existe donc une très grande diversité : diversité des métiers, mais aussi disparité des situations juridiques des salariés.

Un postier sur trois perçoit un salaire mensuel net inférieur à 1400 euros, et deux sur trois inférieur à 1800 euros. Vous avez probablement ces chiffres en tête lorsque vous proposez de substituer l’actionnariat salarial aux augmentations de salaires. Or, ce que veulent les personnels, c’est surtout de meilleurs salaires. Le manque de transparence permet à la direction de proposer aux contractuels des salaires inférieurs en moyenne de 20 à 30 % au traitement des fonctionnaires occupant les mêmes postes. Quant à la situation dans les filiales déjà privatisées, elle est tout simplement inadmissible, les salaires variant du simple au double par rapport à ceux qui sont pratiqués dans l’entreprise publique.

Avec le changement de statut, les personnels seront désormais des salariés soumis à la pression du chiffre, du résultat, soumis à la règle bien connue du bâton ou de la carotte. Cette règle est aussi bien explicitée dans le code du travail que dans la section 3 du chapitre II du livre II du code monétaire et financier, à l’intitulé enchanteur: « Régimes particuliers d’accès au capital en faveur du personnel salarié ».

Régimes si particuliers, d’ailleurs, que les « personnels de La Poste et de ses filiales ainsi que leurs ayants droit ne peuvent détenir qu’une part minoritaire du capital de La Poste ». Évidemment!

Au fait, monsieur le ministre, une fois que ces salariés auront une partie du capital de La Poste, auront-ils le droit de s’en dessaisir au profit de gens qui ne sont pas des postiers?

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Non.

M. Daniel Paul. Mais nous sommes devant une situation inédite: en guise de primes annuelles, votre employeur vous offre des actions. Or ces actions augmentent évidemment quand on supprime des emplois!

Outre que nous nous opposons au dispositif d’intéressement des personnels de La Poste, il nous faut évoquer cette noble et particulière générosité envers ceux qui ont fait de La Poste ce qu’elle est aujourd’hui. Sans doute, à moyen terme, les dividendes augmenteront pour tous ceux qui survivront à la suppression des 90000 emplois en trop qui existent à La Poste, selon des annonces récentes de sa direction. Suppression programmée qui s’ajoute aux antérieures, car les effectifs de La Poste sont passés de 323375 agents en 2002 à 272077 en 2008, soit une baisse de 16 %.

Le processus est donc déjà engagé, mais le projet de loi, dont l’objectif est de préparer la privatisation du groupe, va encore accentuer cette précarité. On a vu quelles pouvaient être les conséquences humaines de ces méthodes : ce sont celles qui produisent de si brillants résultats chez France Télécom, et qui sont aujourd’hui justement dénoncées. Pourtant, elles sont progressivement mises en œuvre aussi à La Poste, notamment à travers la dénaturation des missions des fonctionnaires, à qui l’on demande, avant même de répondre à leur mission de service public, de vendre quatre ou cinq produits commerciaux par jour aux usagers.

Les personnels sont déjà sous pression, car 51298 emplois ont été supprimés depuis 2002 au sein du groupe La Poste. Ils le seront d'autant plus lors du basculement du statut d'EPIC vers celui de SA, sur le plan social, de leurs statuts, sur le plan financier, avec la mise en œuvre de l'évaluation financière de La Poste.

Monsieur le ministre a-t-on évalué, aujourd’hui, la valeur de La Poste? Des chiffres très différents circulent. Nous souhaiterions que vous nous indiquiez l’évaluation de l’entreprise publique réalisée par vos services. Il me paraît normal, puisque vous allez la transformer en société anonyme, de connaître sa valeur.

Le basculement vers le droit commun des sociétés anonymes annonce l'extinction progressive des emplois de fonctionnaires. Or la cohabitation des fonctionnaires avec les contractuels soulève un certain nombre d'interrogations, dans la mesure où les contractuels devraient être régis par les conventions collectives.

La coexistence de plusieurs régimes de conventions collectives, qu'il s'agisse de celle de La Poste, de celle de la Banque postale, plus avantageuse, ou de celle des concurrents potentiels du fait de l'absence d'une convention commune pour les activités postales, risque de susciter de nombreuses inégalités entre les salariés. Cette hétérogénéité est la conséquence de choix délibérés des pouvoirs publics et des dirigeants de La Poste: aller lentement mais sûrement vers des sociétés commerciales éclatées.

De plus, le partage des eaux prévu entre l’IRCANTEC et l'AGIRC-ARRCO met gravement en péril le régime de l'IRCANTEC et de ses ayants-droit. Le basculement des agents contractuels dans le régime de droit commun engendrerait une majoration moyenne de 16 % à 26 % des cotisations et une diminution d'au moins 13 % des retraites.

Aujourd'hui, La Poste compte encore, mais plus pour longtemps, des agents fonctionnaires. Ceux qui, en 1993, ont fait le choix de demeurer fonctionnaires en paient tous les jours le prix, notamment dans leur carrière, qui, pour certains, est entièrement bloquée depuis plus de seize ans. Ces agents sont, selon la terminologie officielle, des « reclassifiés ». Ils ne sont plus tout à fait des fonctionnaires, ils sont plutôt fonctionnaires uniquement attachés à cette entreprise. La commission des affaires économiques, sans doute émue de cette situation, a supprimé – à votre initiative, monsieur le ministre, et avec l’accord explicite et exprimé du rapporteur – l'article 7 bis introduit par le Sénat, qui leur rendait enfin justice en application d'une décision juridictionnelle.

Certains salariés ayant choisi de devenir des salariés de droit privé ont été « reclassifiés ». D'autres, enfin, ont été directement engagés comme contractuels de droit privé. Les salariés de ces deux dernières catégories ne sont pas tout à fait des salariés de droit privé, car ils n'en ont pas tous les droits: pas de représentants du personnel, pas de comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, de CHSCT.

Le passage de La Poste en société anonyme ne fera qu'aggraver ces inégalités. On ajoutera un étage supplémentaire au sommet de cet escalier juridique. Le pouvoir de délégation et de subdélégation accordé au président de La Poste en est un très bon exemple. N'oublions pas que, sur le papier, La Poste peut encore recruter des fonctionnaires.

Aussi, de délégation en délégation, un simple responsable d'unité, salarié de droit privé, va se voir accorder le droit, le pouvoir de nommer des fonctionnaires et d'accorder primes et indemnités.

M. François Brottes. Inconstitutionnel!

M. Daniel Paul. Monsieur le ministre, la démarche nous est connue et habituelle: d'administration publique, on devient établissement public, puis société anonyme à capitaux publics à 100 %, puis à 51 % pour garder la majorité, puis à 34 % pour détenir une minorité de blocage et on finit par une société anonyme tout court, avec 26 % de capitaux publics comme France Télécom. Si j’ai bien compté, il vous reste encore quelques étapes. J’espère que ce ne sera pas vous, monsieur le ministre, qui ferait cela.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Ce sera peut-être vous!

M. Daniel Paul. Mais sans doute est-ce quelqu’un qui siégera à votre place. Il nous dira qu’il ne peut plus faire autrement. Il entraînera sa majorité, qui ne s’appellera peut-être plus UMP, à adopter un texte qu’aujourd’hui vous jurez vos grands dieux ne jamais faire voter.

Parce que le caractère public de La Poste constitue, à moyen terme comme à long terme, une garantie de la préservation des missions de service public,…

M. Patrick Roy. Eh oui!

M. Daniel Paul. …parce que ce projet de transformation en société anonyme, qui ouvre la voie à une privatisation future de La Poste et fragilise un service public important, peut-être même le plus symbolique et le plus essentiel pour nos territoires et pour les Français, entérine un choix important pour notre pays en remettant en cause notre Constitution, en particulier le neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, les députés du groupe GDR invoquent la motion de rejet préalable pour le projet de loi intitulé « Entreprise publique La Poste et activités postales ». (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé de l'industrie.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Madame la présidente, je voudrais répondre à M. Daniel Paul sur le service universel et les missions de service public. Le Conseil d’État a examiné le projet et a confirmé que la notion de service public et de mission de service public est la plus protectrice.

On parle de service universel en matière de distribution du courrier, car c’est la formulation la plus protectrice – le Conseil d’État nous l’a aussi confirmé.

Enfin, les quatre missions de service public sont rappelées à l’article 2 du projet de loi. On ne peut faire mieux pour rappeler leur importance. Tous vos amendements sont des amendements de suppression.

M. Daniel Paul. Non!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Vos collègues du Sénat ont souhaité supprimer l’inscription dans le texte de loi des missions de service public. Cela démontre bien que, quelque part, ceux qui pourraient mettre demain en danger le statut public de La Poste se trouvent bien de ce côté de l’Assemblée, et non à droite. (Protestations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

En ce qui concerne les directives européennes, l’opposition a commencé, je le rappelle, avec la première directive de décembre1997.

M. Patrick Roy. C’est de la provocation!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Notre gouvernement a négocié la directive de 2008, en gardant une grande exigence de qualité, alors que certains auraient voulu limiter la distribution du courrier à cinq jours sur sept. La France a obtenu que la distribution, six jours sur sept, puisse être conservée.

La France a réussi à obtenir le report de l’ouverture de la concurrence du 1 er  janvier 2009 au 1 er  janvier 2011.

Récemment, le directeur général de la CDC, Augustin de Romanet, accompagné de Franck Borotra, membre de la commission de surveillance, m’ont confirmé que la Caisse des dépôts entrerait bien au capital en 2010. Votre collègue Michel Bouvard le confirmera lors de nos débats. J’ai personnellement veillé qu’en contrepartie des 1,5 milliard d’euros apportés, la Caisse des dépôts ait une représentation satisfaisante au conseil d’administration de La Poste. C’est d’ailleurs contenu dans l’article 5 du projet de loi.

Monsieur Paul, vous avez pris tout à l’heure l’exemple de la Suède. Je vous en remercie: c’est justement la démonstration inverse de ce que nous sommes en train de faire. La Suède a ouvert à la concurrence son marché dès 1993, mais sans réguler son marché, sans mettre en place une régulation équilibrée, comme nous le faisons ici avec un dispositif à deux étages: premièrement, une autorisation de l’ARCEP pour tous les opérateurs postaux; deuxièmement, des exigences importantes demandées aux prestataires du service universel, La Poste. Par ailleurs, la Suède n’a mis en place aucune obligation d’aménagement du territoire – sans doute était-ce un oubli de votre part ou tout simplement une ignorance.

La situation est donc radicalement différente. La Suède n’avait pas mis en place les garde-fous que nous avons souhaité prévoir dans ce texte.

En ce qui concerne les crédits à la consommation et le fameux crédit revolving, un amendement a été déposé sur le sujet par M. Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Exactement!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Nous y reviendrons lors de l’examen des articles. Sachez que le Gouvernement attache la plus grande importance à la prévention et à la lutte contre le surendettement et impose d’ores et déjà des contraintes fortes à la Banque postale.

Comment se passera concrètement le mécanisme d’actionnariat salarié? Il est quand même extraordinaire, mesdames, messieurs, que l’on s’oppose de ce côté-là de l’hémicycle, à ce que les salariés de La Poste puissent devenir actionnaires de leur entreprise. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ce qui est plus extraordinaire encore c’est que M. Daniel Paul exige que La Poste reste à 100 % publique – ce que nous avons apporté comme garantie – mais s’inquiète dans le même temps que les salariés de La Poste, devenus actionnaires de leur entreprise, puissent revendre leurs actions à des privés.

M. Daniel Paul. C’était une question!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. C’est ce que vous avez demandé à cette tribune.

En réalité, monsieur Paul, vous voulez que La Poste soit privatisée. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.) Nous, nous ne voulons pas que La Poste soit privatisée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) , puisque nous prévoyons que les actionnaires de La Poste que seront les salariés ne pourront revendre leurs actions qu’à d’autres salariés de La Poste, à la Caisse des dépôts et consignations ou à l’État.

C’est donc bien la démonstration que l’on s’oppose de ce côté-ci de l’hémicycle à toute privatisation de La Poste, là où vous souhaiteriez que les salariés de La Poste puissent revendre à des actionnaires privés, donc que vous souhaitez la privatisation de La Poste.

Monsieur Paul, je n’ai vu nulle part la démonstration, d’une irrecevabilité, ou qu’il existe dans ce texte une disposition contraire aux principes du Conseil constitutionnel.

M. Jean-Louis Gagnaire. Pas de mauvais arguments!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. J’appelle donc au rejet de la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Proriol, rapporteur.

M. Jean Proriol, rapporteur . Je voudrais apporter quelques éléments de réponse supplémentaires.

Monsieur Paul, vous nous avez rappelé, lors de la première partie de votre intervention, que le service public avait ses lois. Nous les connaissons aussi bien que vous.

La continuité est le premier principe du service public. Nous entendons bien la maintenir, même avec un changement de statut juridique de la SA.

M. André Gerin. Ce n’est pas vrai!

M. Jean Proriol, rapporteur . L’égalité est le deuxième principe. Nous la maintenons. Les parties du texte qui traitent de l’aménagement du territoire sont conçues pour cela.

Vous oubliez également que les services publics obéissent à la loi inéluctable de la mutabilité: la capacité à s’adapter aux variations des circonstances et des besoins.

Nous essayons de faire respecter ces trois lois dans le nouveau statut juridique de La Poste.

Vous avez eu l’impression que nous mettions en péril l’aménagement du territoire.

M. André Gerin. Oui!

M. Jean Proriol, rapporteur . Non! Nous le confortons.

M. André Gerin. Non!

M. Jean Proriol, rapporteur . Monsieur Gerin, vous n’avez sans doute pas lu mon rapport. Lorsque vous l’aurez fait, vous comprendrez.

On apporte plus d’argent au fonds de péréquation qu’antérieurement. Les chiffres sont là pour le prouver.

M. André Gerin. Vous fermez les bureaux de poste!

M. Jean Proriol, rapporteur . Nous confortons le fonds de péréquation. Nous voulons mettre en œuvre une compensation pour La Poste du coût du service universel partout, ce qui n’a pas été fait jusqu’à présent – je l’ai dit dans mon intervention liminaire. Nous verrons bien s’il y a d’autres opérateurs pour payer. Nous n’en avons pas encore trouvé; l’opérateur historique a gardé le principal.

Monsieur Paul, vous ne pouvez nier qu’il est préférable que les 17000 points de contact figurent dans le texte. Cela n’était pas précisé dans le projet.

J’ai fait voter en 2005 un article – vous l’avez rappelé – qui interdit que plus de 10 % de population d’un département se trouve éloigné de plus de cinq kilomètres d’un point Poste. Le Sénat a ajouté qu’il ne peut être distant de plus de vingt minutes du point Poste le plus proche, compte tenu des conditions de circulation du territoire concerné.

De 2005 jusqu’à présent, on n’a pas fait bouger les 17000 points de contact en appliquant ce texte. Deux départements ne parviennent pas à respecter les normes d’accessibilité légales et réglementaires, dont celui du Gers.

Monsieur Paul, vous avez déposé un amendement: un bureau de poste par canton. Vous n’avez pas de chance, il est tombé sous le coup de l’article 40. Le président de la commission des finances l’a retoqué, car son adoption entraînerait des dépenses supplémentaires.

M. Daniel Paul. À qui?

M. Jean Proriol, rapporteur . Demandez-le au président de la commission des finances!

Enfin, les modèles de la Suède et de la Hollande ne sont pas vraiment faits pour nous, en tout cas pas pour les zones de montagne.

Nous aurons l’occasion de parler de l’évaluation de la valeur de La Poste, et des experts et des cabinets spécialisés se pencheront sur la question. Quelques chiffres circulent déjà sous le manteau, mais il faut encore les certifier.

Il existe plusieurs conventions collectives et, vous avez raison, il faut que nous intervenions pour assurer leur harmonisation.

Pour ce qui concerne les « reclassifiés », le ministre s’était engagé à prendre un décret; ce document vient d’être publié. Il ne réglera pas l’intégralité du problème, mais il permettra, à partir d’aujourd’hui, à ces personnes d’obtenir des promotions.

Monsieur Daniel Paul, merci pour votre intervention: il s’agissait d’une excellente contribution négative (« Ah! » sur les bancs du groupe GDR) contre la privatisation.

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Jean Gaubert, pour le groupe SRC.

M. Jean Gaubert. Je remercie Daniel Paul d’avoir évoqué, dans son intervention très argumentée, un certain nombre de sujets, sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir.

Il a rappelé que, si l’Union européenne demandait bien l’ouverture à la concurrence, elle n’avait jamais demandé le changement de statut de l’entreprise.

Il a parlé des obligations de service public. Or nous savons que dès qu’une entreprise entre dans le secteur concurrentiel, dès qu’elle est partiellement privatisée et dès que lui sont imposés des objectifs de gestion relevant des entreprises privées, elle a tendance à chercher à faire des économies. En matière de courrier et de distribution, il y a alors beaucoup à craindre pour le maintien de la qualité du service rendu à nos concitoyens.

Daniel Paul a excellemment décrit La Banque postale comme la banque des petits. Cela a toujours été vrai, en particulier parce que la poste, c’est la proximité. Il a parlé de la collecte, attaquée avec la banalisation de la délivrance du livret de caisse d’épargne.

En matière de distribution de crédits, monsieur le ministre, vous venez d’évoquer la possibilité d’un statut particulier de La Poste, mais je ne vois pas du tout comment cela pourrait se faire. Vous évoquez l’encadrement prévu dans le projet de loi que nous pourrions examiner au mois de janvier si d’autres textes ne prennent pas cette place: vous savez très bien qu’il ne sera pas de nature à changer quoi que ce soit aux objectifs assignés aux agents de La Banque postale pour satisfaire les demandes de la direction.

Nous serions archaïques et vous seriez modernes? (« Oui! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. C’est vrai! C’est un bon résumé de la situation!

M. Jean Gaubert. Parlons-en! Il y a deux ans, qui étaient les modernes parmi les modernes, ceux qui faisaient partout autorité? C’étaient les traders et les grands banquiers. Ils considéraient qu’il ne fallait imposer aucune réglementation et qu’ils pouvaient édicter eux-mêmes des règles. Est-il nécessaire de vous rappeler ce qu’il est advenu de ces modernes, et dans quelles conditions les États ont dû intervenir, avec l’argent des contribuables, pour sauver leur système et leur modèle?

La majorité pose la question: qui a privatisé quoi? Je rappelle, monsieur le ministre, que l’un de vos prédécesseurs, M. Breton, s’est vanté d’avoir lui-même privatisé France Télécom. Il revendique la paternité de cette privatisation. Prenons-en acte une fois pour toutes. Le débat est donc clos.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, les explications de vote sont prévues pour deux minutes!

M. Jean Gaubert. Pour la privatisation de France Télécom, nous avons d’abord mis un doigt dans l’engrenage – et nous avons quelques responsabilités en la matière, ce que nous regrettons, il faut bien le dire…

Mme la présidente. Monsieur Gaubert, merci de bien vouloir conclure!

M. Jean Gaubert. À France Télécom, nous avons vu comment la pression nouvelle imposée au personnel… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Monsieur Gaubert, votre temps de parole est épuisé.

M. Jean Gaubert. Ce débat fait l’objet d’un temps programmé; je peux donc m’exprimer comme je le souhaite puisque ce temps de parole est décompté.

Mme la présidente. Vous avez raison.

M. Jean Gaubert. Madame la présidente, je vous conseille de ne pas vous laisser impressionner par le président de la commission des affaires économiques, qui essaie de tous nous déstabiliser. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

À France Télécom, tout le monde sait que les personnels sont stressés, mais ce que peu de monde sait, c’est que, depuis que cette entreprise est devenue privée, elle a totalement oublié la recherche fondamentale, sur laquelle repose son développement futur. Aujourd’hui, France Télécom n’a quasiment plus d’activité de recherche, ce qui signifie que les technologies nouvelles nous seront apportées par des entreprises étrangères. À l’heure où l’on nous annonce qu’il faut développer la recherche en France, il faudra que le débat porte aussi sur ce sujet.

Avec le même enthousiasme et le même sens de la persuasion qu’aujourd’hui, on nous avait promis qu’EDF ne serait jamais privatisée. Pour notre part, nous ne nous étions pas laissés persuader. On a vu comment cela s’est passé.

On nous a affirmé que l’ouverture du capital n’était pas une privatisation, mais cela a coïncidé avec la mise en oeuvre de méthodes de management issues du privé qui ont changé beaucoup les choses. Un jour, malheureusement, les pressions exercées sur le personnel auront des conséquences, comme cela est arrivé chez France Télécom – et je ne parle pas des cas les plus dramatiques.

Quant aux conséquences de la dernière tempête qui a touché la France, elles ont pour origine le fait qu’EDF a oublié l’élémentaire, comme l’entretien des réseaux, parce qu’elle cherchait plutôt des « marges de progrès ».

On a constaté qu’en sept ans, l’entreprise a perdu sept points pour la disponibilité du parc éléctro-nucléaire, ce qui, aujourd’hui même, fait courir le risque de la survenue d’un black-out dans certaines régions. L’explication est simple: les moyens consacrés à la maintenance ont diminué et des incidents se sont produits. Voilà où l’on en arrive lorsque l’on est prioritairement soumis à un impératif de rentabilité financière.

Pour conclure, j’évoquerai les points de contact. Certes, vous ne changez pas les points de contact, mais vous en changez la nature. Un de mes collègues, membre du groupe UMP, me racontait aujourd’hui l’histoire de ce bureau de poste dont les horaires d’ouverture étaient perpétuellement modifiés. Finalement, les usagers ne savaient plus quand ils pouvaient se déplacer, et ils renonçaient même à s’y rendre.

Il ne restait plus alors qu’à expliquer au maire de la commune que personne ne fréquentait son bureau de poste et qu’il fallait trouver une autre solution. Tout cela n’est pas écrit dans le projet de loi mais relève des méthodes mises en place pour démanteler le service public sur le terrain et placer les élus devant l’évidence d’une décision de « bonne gestion » qui les ferait renoncer à ce dernier.

Voilà ce que nous voulons dénoncer pendant ces trois ou quatre jours de débat. Daniel Paul a commencé ce travail, et je ne peux que vous encourager à voter la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Gerin, pour le groupe GDR.

M. André Gerin. Monsieur le ministre, votre tentative pour nous rassurer est laborieuse.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Pas du tout!

M. Jean Roatta. Nous, nous sommes parfaitement rassurés!

M. André Gerin. Votre projet de loi marque l’abandon progressif du service public de la poste, transféré à des dizaines et des dizaines de filiales aux statuts transformés, pour livrer le secteur postal au secteur capitalistique.

Aujourd’hui, vous continuez à diffuser un mensonge d’État sur la non-privatisation de La Poste. L’exemple de France Télécom – vous avez raison de dire que ce n’est pas vous qui avez commencé… (« Ah! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Leonetti. Dites-nous donc qui a commencé!

M. André Gerin. C’est vous qui avez progressivement réduit la part de l’État dans le capital de France Télécom pour la ramener 26 %.

Tout le monde sait – même le rapport Ailleret le souligne – que rien ne nous oblige à passer, pour La Poste, d’un statut d’EPIC au statut de SA. Mais, depuis vingt-six ans, c’est la fuite en avant. Aujourd’hui, vous voulez donner le coup de grâce; il y avait les PTT, les deux T ont disparu et, progressivement, le P de Postes devient le P de privatisable! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il s’agit d’un démantèlement méthodique. Les dirigeants de La Poste actuelle jouent à la fois sur le service public et sur la toile d’araignée de multiples filiales, en France et dans le monde.

Aujourd’hui, vous accélérez le dépouillement de la poste historique. Vous avez tellement peur du peuple que vous refusez le réferendum…

M. Jean Leonetti. On n’a pas peur du peuple: c’est vous qui nous faites peur!

M. André Gerin. …, de la même manière que le Gouvernement et la majorité UMP ont bafoué le vote du mois de mai2005 sur le traité de Constitution européenne.

Comme vous l’avez fait en milieu rural, vous allez continuer la suppression massive des bureaux de poste, en faisant porter la responsabilité aux communes, ce qui, pour nous, est inadmissible.

Ceux qui voteront la motion de rejet préalable voteront pour l’avenir du service public; ceux qui voteront contre voteront, de manière définitive, pour le processus de privatisation. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Jean Dionis du Séjour. Le Nouveau Centre ne votera pas la motion de rejet préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) , malgré le solide discours, un peu castriste, de notre ami Daniel Paul.

En effet, ce dernier a défendu d’une motion de statu quo , alors qu’il y a urgence à agir. En effet, nous sommes dans un environnement qui bouge. Ainsi, en 2009, l’activité courrier de La Poste enregistre un recul de 3 %. Les signes de fragilité de cette activité se multiplient: le courrier entre particuliers ne pèse plus que 3 % du courrier global – son sort est donc scellé –, 50 % du chiffre d’affaires du courrier est le fait de cent entreprises; tous les jours, la numérisation et la e-administration font reculer le courrier.

Alternative Post a déposé son bilan et, la semaine dernière, TNT, géant du courrier, a rendu publique sa décision de se désengager de toutes ses activités de courrier, sauf en Hollande, pays d’origine de l’entreprise. Bref, l’activité du courrier est fragile et son déclin peut s’accélérer.

Il est donc urgent de donner à La Poste les moyens stratégiques qui lui permettront de s’adapter à un environnement concurrentiel, qu’il faut regarder d’un œil lucide. Il faut améliorer la productivité du courrier en déclin, et financer les métiers émergents de la banque postale et des colis.

Nous avons pris le temps du diagnostic et de l’analyse. La commission Ailleret a remis son rapport il y a un an. Actuellement, en termes de finances et de gouvernance, La Poste, dont nous devons saluer la performance, se porte bien. Reste que son équation stratégique est fragile: elle appelle une loi de mouvement. Le projet de loi que nous examinons est bon; c’est pour cela que nous ne voterons pas la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Diefenbacher, pour le groupe UMP.

M. Michel Diefenbacher. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je retiens de la longue intervention de notre collègue Daniel Paul qu’il ne conteste, finalement, ni que La Poste est soumise à une concurrence de plus en plus forte, ni que, pour affronter celle-ci, elle a besoin de se moderniser, ni que, pour se moderniser, elle a besoin d’investir, ni que, pour investir, elle a besoin de capitaux, ni que les capitaux mis à sa disposition sont à 100 % publics, ni que l’entreprise reste, de ce fait, une entreprise publique,…

M. André Gerin. Non!

M. Michel Diefenbacher. …ni que les missions de service public qui lui sont dévolues sont non seulement confirmées, mais encore précisées.

M. André Gerin. Non!

M. Michel Diefenbacher. Alors, sur quoi repose sa motion de rejet préalable? Sur un seul élément, me semble-t-il: l’État n’aurait pas besoin de transformer le statut de La Poste d’EPIC en société anonyme pour qu’elle puisse recevoir des financements publics en propre.

M. André Gerin. Absolument!

M. Michel Diefenbacher. Je tiens à indiquer à la représentation nationale que cet argument est faux. (« Non! » sur les bancs du groupe GDR.) L’État peut, certes, intervenir financièrement au bénéfice d’une entreprise, mais à condition qu’il respecte lui-même les règles imposées à tous les autres opérateurs.

M. Michel Vergnier. C’est exactement l’inverse!

M. Michel Diefenbacher. Pour dire les choses autrement, le temps des privilèges est révolu: l’État ne peut plus intervenir en dérogeant aux règles qu’il impose aux autres!

M. Daniel Paul et M. François Brottes. C’est inexact!

M. Michel Diefenbacher. Le changement de statut est nécessaire, car, pour que l’État puisse apporter des fonds propres, il faut que l’entreprise ait un capital et, pour qu’elle ait un capital, il faut qu’elle soit constituée en société anonyme.

M. Michel Vergnier. C’est l’inverse!

M. Michel Diefenbacher. Je pourrais m’en tenir là, mais je souhaiterais dire à nouveau combien j’ai été choqué par la démonstration de notre collègue Daniel Paul…

M. Guy Geoffroy. La tentative de démonstration!

M. Michel Diefenbacher. …s’agissant de la fermeture des bureaux de poste. Chacun sait que La Poste a pris l’engagement solennel de conserver les 17000 points de contact sur l’ensemble du territoire national. Chacun sait que lorsqu’un bureau de poste est fermé, il est remplacé par une agence postale communale ou intercommunale (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) ou par un relais poste. Dire qu’une agence postale, parce que ses agents ne sont pas fonctionnaires ou agents publics de l’État, ne remplit pas une mission de service public est profondément vexatoire pour les fonctionnaires territoriaux. (Mêmes mouvements.)

M. Jean-Charles Taugourdeau. Absolument. C’est scandaleux!

M. Michel Diefenbacher. C’est inadmissible. Quand on sait le travail considérable qui est accompli dans les agences postales communales, cette absence de reconnaissance est profondément choquante.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP rejettera la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

M. François Brottes. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Madame la présidente, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéas 1 et 3. Le vent d’insincérité insupportable qui souffle sur cet hémicycle (« Oh! » sur les bancs du groupe UMP) nous oblige à demander un certain nombre de précisions avant de poursuivre notre débat. Si nous ne les obtenions pas, nous travaillerions de façon irresponsable et dans une opacité inacceptable pour la représentation nationale.

Je ne parle pas de l’histoire-de-France-Télécom-racontée-aux-enfants par notre rapporteur, M. Proriol. Faut-il lui rappeler que c’est bien François Fillon qui, en décembre1996, a transformé le statut de France Télécom, que c’est M. Alain Juppé qui a coupé le lien entre l’État et l’opérateur, afin que celui-ci n’ait plus l’obligation d’investir n’importe où,…

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas un rappel au règlement!

M. François Brottes. …et que c’est Francis Mer qui, sous le gouvernement de M. Raffarin, a tué le service universel, comme vous le ferez demain pour La Poste?

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, les missions de service public sont inscrites dans le texte, mais, pour que la Constitution s’applique, l’entreprise doit les assumer sous monopole. (« Ce n’est pas un rappel au règlement! » sur les bancs du groupe UMP.) Or La Poste ne gère plus le Livret A sous monopole, puisque vous avez cassé celui-ci, et elle n’exerce plus sa mission de distribution du courrier et des colis sous monopole.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Où est le rappel au règlement?

M. François Brottes. Par ailleurs, c’est en 2003 que le gouvernement Raffarin est passé à l’acte, en prenant une disposition qui a conduit, un peu plus tard, l’État à céder une partie de ses actions pour descendre en dessous de 50 %.

Mais ce n’est pas sur ce sujet que je voulais intervenir, madame la présidente. L’insincérité que je dénonçais porte sur trois points; après les avoir exposés, je vous demanderai une suspension de séance afin de permettre à M. le ministre ou à M. le rapporteur de nous apporter les précisions que nous réclamons.

Premièrement – et je lisais encore cet après-midi des déclarations du rapporteur à la presse à ce sujet –, selon le texte, le statut de La Poste sera modifié au 1 er  janvier 2010. Or, c’est impossible. Il faudra donc nous dire à quelle date ce statut sera modifié.

Deuxièmement – Daniel Paul l’a dit tout à l’heure –, quelle est la valeur du capital de La Poste? Nous travaillons sur un dispositif qui vise à ouvrir le capital d’une entreprise et à créer des participations,…

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas un rappel au règlement!

M. François Brottes. …mais nous ne savons pas ce qu’elle vaut. Sur ce point comme sur les deux autres, vous nous devez la transparence.

Troisièmement, la Caisse des dépôts interviendra-t-elle en participation ou en augmentation du capital?

Nous ne pouvons pas continuer à débattre si nous n’obtenons pas de précisions sur ces trois points. C’est la raison pour laquelle je demande une suspension de séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Monsieur Brottes, je précise que cette suspension de séance sera décomptée du temps de parole accordé à votre groupe. Vous souhaitez que la séance soit suspendue combien de temps?

M. François Brottes. Un quart d’heure, madame la présidente!

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. le ministre, pour répondre à M. Brottes.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. Madame la présidente, je n’ai pas du tout le sentiment que les propos tenus il y a quelques instants par M. Brottes puissent être considérés comme un rappel au règlement portant sur les travaux de notre assemblée. En conséquence, je ne vois pourquoi je devrais répondre à ces propos.

Le groupe socialiste s’apprête à défendre une motion de renvoi en commission, dans le cadre de laquelle il aura la possibilité de formuler toutes les questions qu’il voudra. Pour ma part, je suis évidemment disposé à apporter, à l’issue de la présentation de cette motion, des réponses à toutes les questions qui auront été posées.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. À quel titre? S’agit-il d’un rappel au règlement?

M. François Brottes. Les choses se sont déroulées à peu près convenablement jusqu’à présent, et je regrette que ce ne soit plus le cas. Je suis désolé d’avoir à vous le dire, monsieur le ministre, mais il n’appartient en aucun cas à un membre du Gouvernement de nous donner des leçons sur les modalités d’application du règlement de notre assemblée! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Guy Geoffroy. La parole est libre!

M. François Brottes. Seule la présidence ou le président de la commission peuvent éventuellement faire une remarque de cette nature. Vous qui avez été un bon parlementaire, monsieur le ministre, vous devriez savoir que les députés n’aiment pas recevoir de leçons de la part du Gouvernement sur les modalités de fonctionnement de notre assemblée.

Pour autant, je maintiens que les questions que j’ai posées constituaient bien un rappel au règlement. Nous ne pouvons débattre d’un texte censé être mis en œuvre au 1 er  janvier alors qu’il est impossible qu’il le soit à cette date. De même, nous ne pouvons débattre du passage de La Poste au statut de société anonyme alors que nous ne disposons pas des informations que nous avons demandées au sujet de son capital. Enfin, nous ne pouvons débattre de l’ouverture de son capital sans savoir si la Caisse des dépôts intervient en participation ou en augmentation de capital.

Toutes ces questions portent très clairement sur le sujet dont nous débattons. C’est pourquoi, madame la présidente, je réitère ces questions tout à fait pertinentes au regard du déroulement de nos travaux – puisque nous avons besoin d’obtenir les réponses correspondantes pour continuer à travailler sur ce texte – et qui justifiaient mon rappel au règlement. Je vous demande une nouvelle suspension de séance, madame la présidente, car nous ne pouvons continuer à travailler dans ces conditions.

Mme la présidente. Je suspends la séance pour deux minutes.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures huit, est reprise à dix-neuf heures dix.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente:

Suite du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures dix.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séancede l’Assemblée nationale,
Claude Azéma