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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2010-2011

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 16 décembre 2010

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Élisabeth Guigou

1. LOPPSI

Rappels au règlement

Mme Delphine Batho

M. Michel Hunault

M. Philippe Goujon

Mme Delphine Batho

Mme la présidente

Article 20

Amendement no 216

M. Éric Ciotti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer

Amendements nos 202, 300

Articles 20 ter et 20 quater

Article 20 quinquies

Amendements nos 61, 323 rectifié, 205 rectifié, 324 rectifié, 224, 326, 272, 191, 325 rectifié, 320, 306, 115, 327, 273, 274

Article 21

Amendements nos 63, 214, 213 rectifié, 212, 225, 226

Article 21 bis

Amendements nos 64, 321

Article 22 A

Amendement no 65

Article 23

Amendement no 105

Article 23 bis

Amendements nos 66, 207, 265, 330

Article 23 ter

Amendements nos 67, 208

Article 23 quater

Article 23 quinquies

Amendement no 68

Article 23 sexies

Amendements nos 69, 210, 91

Article 23 septies

Article 24 bis

M. Philippe Morenvillier

Amendements nos 106, 211, 217, 170, 171

Article 24 ter A

Amendements nos 70, 314, 337 (sous-amendement)

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Élisabeth Guigou,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

LOPPSI

Suite de la discussion, en deuxième lecture,
d’un projet de loi modifié par le Sénat

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (nos 2780, 2827).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de deux heures et trente-sept minutes pour le groupe UMP, dont 71 amendements restent en discussion ; de quatre heures et vingt-huit minutes pour le groupe SRC, dont 56 amendements restent en discussion ; de trois heures et vingt-deux minutes pour le groupe GDR, dont 37 amendements restent en discussion ; de deux heures et quarante-huit minutes pour le groupe Nouveau Centre, dont 5 amendements restent en discussion ; enfin de quarante minutes pour les députés non-inscrits.

Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 60 à l’article 20.

Mme Delphine Batho. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Mon intervention se fonde sur l’article 58, alinéa 1, du règlement. Nous venons d’apprendre que le ministre de l’intérieur ne nous rejoindrait qu’au cours de la matinée. Au début de la discussion sur ce texte, il avait dû se rendre à Aulnay-sous-Bois en raison des événements que nous savons et nous avions bien compris cet impératif. En revanche, ce matin, le ministre aurait pu s’organiser pour être présent. Nous débattons en effet d’un texte fondamental, que la majorité présente comme la loi majeure du quinquennat sur la sécurité. Aussi me paraît-il difficile de poursuivre la discussion sans la présence du ministre. C’est pourquoi je demande une suspension de séance jusqu’à ce qu’il nous rejoigne.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Alors que, la nuit dernière, nous discutions du texte en présence du ministre de l’intérieur, un drame est survenu en Loire-Atlantique, à Treillères, où deux pompiers ont perdu la vie, drame qui rappelle le danger encouru par ces hommes et ces femmes qui consacrent leur vie à la sécurité des biens et des personnes. J’aimerais, avant de poursuivre l’examen du texte, que nous ayons tous ici une pensée pour la mémoire des victimes et pour leur famille.

J’ajouterai à l’attention de Mme Batho que le ministre de l’intérieur, du reste assez grand pour lui répondre, se tient informé de ces événements qui ont plongé les habitants de Loire-Atlantique et l’ensemble des pompiers dans la plus grande consternation, et qu’il a déjà eu l’occasion de s’exprimer sur le sujet.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Je tiens à m’associer à l’hommage de M. Hunault à tous ces hommes et ces femmes qui se dévouent jusqu’au sacrifice de leur vie.

Madame Batho, le ministre de l’intérieur, qui suit de très près ce qui s’est passé cette nuit comme il suit tout événement lié à la sécurité, peut être momentanément amené à s’absenter d’un débat qui dure tout de même, en l’occurrence, depuis mardi. Je rappellerai le principe républicain selon lequel le Gouvernement est un et indivisible ; je ne vois dès lors pas la moindre difficulté à ce que la ministre qui siège en ce moment dans l’hémicycle représente l’ensemble du Gouvernement. Nous pouvons donc continuer nos travaux tout à fait normalement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Je m’associe bien sûr à l’hommage rendu aux pompiers et aux forces de la sécurité civile après le drame survenu en Loire-Atlantique.

Monsieur Goujon, nous sommes ici pour élaborer la loi et je ne doute pas que Mme la ministre pourra apporter un certain nombre de réponses, mais cela ne revient pas au même que de discuter du texte avec le ministre de l’intérieur lui-même. Son absence présente une difficulté puisqu’il ne peut répondre à nos propositions, à nos questions ; c’est pourquoi je réitère ma demande de suspension de séance.

Mme la présidente. La suspension de séance est de droit mais je vous rappelle que sa durée, comme le prévoit le règlement, sera décomptée de votre temps de parole.

Mme Delphine Batho. Alors je demande deux minutes de suspension de séance. (Sourires.)

Mme la présidente. Soit, la suspension sera de deux minutes, après quoi nous reprendrons le cours de nos travaux puisque le Gouvernement est valablement représenté par chacun de ses membres.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à neuf heures trente-cinq, est reprise à neuf heures quarante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 20

Mme la présidente. Sur l’article 20, la parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement n° 216.

Mme Delphine Batho. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti, rapporteur, pour donner l’avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Éric Ciotti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Défavorable.

(L’amendement n° 216 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement n° 202.

Mme Delphine Batho. L’article 20 porte sur la protection des agents des services de renseignement. L’amendement n° 202 vise à supprimer l’alinéa 9 qui, de façon très discutable, étend la protection prévue pour ces agents, aux simples sources et collaborateurs occasionnels de ces services. Cette disposition nous paraît anormale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable à cet amendement. Les sources ont besoin d’être protégées au moins autant que les agents des services de renseignement. Le texte, vous le rappelez, introduit une protection pour les agents des services mais aussi pour les sources, souvent recrutées dans des milieux difficiles, hostiles et qui, plus que d’autres, ont besoin, j’y insiste, d’une protection. Le lien entre l’agent des services et ses sources doit être préservé et la confidentialité de leur état civil, par-dessus tout, protégée.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Même avis.

(L’amendement n° 202 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement n° 300.

Mme Delphine Batho. Je suis d’accord avec vous, monsieur le rapporteur : les sources doivent être protégées. Ce qui m’amène à la présentation de l’amendement n° 300 qui porte sur les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement. Dans la récente affaire dite des « fadettes », le directeur des services de renseignement s’est prévalu des explications qu’il aurait fournies à la délégation parlementaire au renseignement alors que les membres qui la composent sont tenus au secret défense et n’ont donc pu ni confirmer ni infirmer les propos dudit directeur.

Le présent amendement porte sur les prérogatives de la délégation parlementaire. Contrairement à ce qu’a semblé indiquer le directeur des services de renseignement, au regard des textes, la délégation ne peut pas examiner les consignes qui auraient été données par le Gouvernement aux services puisqu’elle ne jouit que de prérogatives de portée générale et non du droit d’examiner les activités opérationnelles des services de renseignement.

Nous proposons donc que la délégation puisse examiner les activités opérationnelles des services et, le cas échéant, demander des explications, que ce soit, par exemple, sur cette affaire des fadettes, ou encore sur l’affirmation selon laquelle les services de renseignements auraient été chargés d’enquêter sur l’origine de certaines rumeurs.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. Défavorable. D’abord, sur la forme, il s’agit, madame Batho, d’un sujet complètement nouveau que vous introduisez en deuxième lecture. Selon la théorie dite de l’entonnoir, cet amendement ne pourrait donc passer le filtre du Conseil constitutionnel.

Sur le fond, la création de la délégation parlementaire a été d’abord voulue par le Président de la République lorsqu’il était ministre de l’intérieur, dans la loi antiterroriste de 2006. Notre majorité a instauré ensuite cette délégation qui constitue un progrès extrêmement important, puisque le Parlement peut maintenant avoir un regard sur les orientations générales du renseignement. Mais, pour des raisons très compréhensibles, et très pratiques, il n’appartient pas à une délégation parlementaire d’entrer dans l’action opérationnelle des services. Nous serions alors dans un cadre complètement différent, qui ne serait guère compatible avec l’efficacité de ces services.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. J’ajouterai seulement que la loi votée en 2007 est particulièrement bien équilibrée, et que le Gouvernement n’entend pas revenir sur cette disposition. C’est pourquoi il émet un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Monsieur le rapporteur, ce qui a été instauré en 2007, c’est un faux contrôle parlementaire. S’il y avait un véritable contrôle parlementaire sur les services de renseignement, ce serait protecteur pour eux. Cela éviterait qu’ils soient soupçonnés en permanence d’être utilisés comme une police politique. Les responsables de ces services étaient eux-mêmes favorables à ce que la délégation parlementaire ait des prérogatives beaucoup plus importantes.

(L’amendement n° 300 n’est pas adopté.)

(L’article 20 est adopté.)

Articles 20 ter et 20 quater

Mme la présidente. Sur les articles 20 ter et 20 quater, je ne suis saisie d’aucun amendement.

(Les articles 20 ter et 20 quater, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 20 quinquies

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 61 tendant à la suppression de l’article 20 quinquies.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Nous proposons la suppression de cet article parce que nous sommes totalement défavorables à la création d’un Conseil national des activités privées de sécurité, qui vise, comme chacun sait, à les légitimer et à les développer. Non seulement elles portent préjudice au service public de sécurité qu’elles concurrencent, mais en outre, elles ne poursuivent qu’un seul but, un but lucratif, totalement incompatible avec la nature de leurs activités.

Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine entendent ainsi protester fortement contre le soutien apporté par le Gouvernement au mercenariat. Ils soulignent que la volonté de la droite est manifestement d’organiser le remplacement progressif des forces de sécurité publique par des officines privées, privatisant ainsi la plus régalienne de toutes les fonctions de l’État. Il n’est que de regarder le budget de l’État pour mesurer les dégâts extrêmement graves causés par la suppression d’environ 15 000 postes dans la police nationale et la gendarmerie. Cela nous donne une idée des dérives dans lesquelles vous voulez nous entraîner.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. Défavorable. À travers votre amendement de suppression, monsieur Muzeau, vous abordez un point extrêmement important de ce projet de loi. Lors de la première lecture au Sénat, le Gouvernement a souhaité introduire la création d’un Conseil national des activités privées de sécurité. Il vous est loisible de nier la réalité, mais le fait est qu’il existe aujourd’hui 5 000 sociétés de sécurité privée, qui emploient 150 000 salariés. La volonté de l’État, c’est de mieux structurer ces entreprises, de mieux encadrer les règles déontologiques en créant cet établissement public administré par un collège au sein duquel les représentants de l’État seront majoritaires.

Ce Conseil national sera amené à délivrer les agréments. Étant donné l’état des lieux actuel, parfois marqué par certaines défaillances, nous devrions tous, me semble-t-il, saluer cette avancée. Elle contribuera à beaucoup mieux structurer cette filière qui est importante, et qui concourt, globalement, à la sécurité dans notre pays.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Monsieur le rapporteur, vous nous parlez de l’état des lieux dont il faudrait absolument tenir compte. Mais cette situation, c’est votre majorité qui l’avez créée ! Depuis 2002, vous n’avez cessé de diminuer les moyens régaliens de l’État dans le domaine de la sécurité. Je rappelle que la diminution des effectifs de la police nationale dans les commissariats a été constante. Dans celui de Gennevilliers, par exemple, il manque trente-cinq fonctionnaires de police. Tous mes collègues, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent, pourraient citer des exemples analogues.

Vous préconisez en permanence, avec beaucoup d’insistance et en y mettant des moyens financiers, le recours aux polices municipales. Des dérives de ce type sont ce que j’appelle les effets collatéraux de la politique du Gouvernement. Ce qui est vidé d’un côté doit bien être rempli de l’autre…

Vous n’hésitez pas, dans certains cas, à promouvoir ce que j’appelle moi, des milices. Dans un sens plus noble, vous encouragez aussi la création de polices municipales, avec tous les problèmes que cela entraîne, parmi lesquels des transferts de charges gigantesques. Une ville de 40 000 habitants, située non loin de la mienne, compte près de 100 fonctionnaires dans sa police municipale. Je ne sais pas si l’on s’imagine le transfert de charges que cela représente. Et cela n’a absolument pas empêché l’absence d’affectation, année après année, de fonctionnaires de la police nationale dans cette même ville. C’est un puits sans fond, comme l’est la politique que vous nous proposez, laquelle aboutit à ce que vous appelez un « état des lieux » dont vous nous dites ensuite qu’il faut faire avec, en tentant de border une situation que nous n’accepterons jamais.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Je voudrais rétablir certaines vérités. Notre collègue Muzeau fait une double erreur d’analyse.

S’agissant des effectifs, d’abord, ce sont ceux qui les ont le plus diminués par le passé qui critiquent le plus, aujourd’hui, la politique d’effectifs menée par le Gouvernement. Il y a plus d’effectifs de policiers aujourd’hui, chers collègues de l’opposition, qu’il n’y en avait en 2002, lorsque vous avez quitté le pouvoir.

Mme Delphine Batho. C’est faux !

M. Roland Muzeau. Je pense que vous plaisantez, monsieur Goujon !

M. Philippe Goujon. Mais vous savez très bien que tout ne se ramène pas à une question d’effectifs. Il importe aussi de mettre en place une organisation nouvelle. C’est ce à quoi le Gouvernement s’attache depuis plusieurs années, ce qui nous permet d’obtenir de meilleurs résultats que vous en matière de sécurité.

Nous n’allons pas refaire le débat sur ce point, mais je voulais quand même rappeler cette évidence qu’il n’y a pas moins d’effectifs aujourd’hui qu’hier.

M. Roland Muzeau. Bien sûr que si !

M. Philippe Goujon. C’est exactement l’inverse.

Deuxièmement, cher collègue Muzeau, vous vous tirez une balle dans le pied, si j’ose dire. Car cet article nous donne justement la possibilité de mieux encadrer les activités de sécurité privée, qui existent d’ailleurs dans toutes les villes, comme les polices municipales, lesquelles sont présentes aussi bien dans les communes de droite que dans celles de gauche.

Ces sociétés de sécurité, le Gouvernement s’efforce de davantage les encadrer. Si elles jouent un rôle plus important aujourd’hui, c’est tout simplement parce que nos concitoyens ont une demande de sécurité plus importante. Ce n’est pas le Gouvernement qui a décidé que tel secteur ou telle entreprise seraient plus ou moins surveillés. C’est des citoyens eux-mêmes qu’émane cette puissante demande de sécurité. Il faut l’assumer.

Il y a dans notre pays différentes forces de sécurité. Celles qui ne relèvent pas directement de l’État ou des collectivités publiques doivent être davantage encadrées. C’est la raison pour laquelle nous voterons cet article.

(L’amendement n° 61 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 323 rectifié.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Il s’agit d’un amendement technique, relatif au financement du Conseil national des activités privées de sécurité. Le Gouvernement souhaite qu’il soit assuré par une taxe acquittée par les professionnels du secteur. Les professionnels consultés sont d’ores et déjà d’accord. Bien évidemment, le montant et l’assiette de cette taxe seront examinés dans le cadre de la prochaine loi de finances.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Cet amendement me donne l’occasion de préciser notre position sur ce Conseil national des activités privées de sécurité. Comme notre collègue Muzeau, nous déplorons que l’État abandonne peu à peu ses missions régaliennes. Nous avons dénoncé, lors de la discussion générale, un désengagement de l’État.

Nous pensons néanmoins que le secteur privé de la sécurité doit être encadré. Nous ne sommes donc pas défavorables au principe même de la création d’une sorte d’ordre professionnel. Mais je veux dénoncer la méthode du Gouvernement, qui a consisté à déposer un amendement au Sénat. Il a ainsi échappé à l’obligation de présenter une étude d’impact.

D’autre part, nous avons un désaccord fondamental sur les missions que le Gouvernement assigne à ce Conseil national, lesquelles sont d’ailleurs rappelées dans l’exposé sommaire de cet amendement : « Est mise en exergue, au surplus, la mission fondamentale de police administrative dont le CNAPS se voit doté. » Nous sommes totalement opposés à ce que cet ordre professionnel se voie confier, par l’État, des prérogatives de police administrative qui doivent à notre sens être exercées par l’État.

Cela pose un problème majeur, sur lequel je veux interroger le Gouvernement, en souhaitant une réponse extrêmement précise. Si je comprends bien la logique qui préside à la création de ce Conseil, celui-ci délivrera les agréments nécessaires pour exercer la profession d’agent de sécurité privé. Aujourd’hui, quand une personne souhaite exercer cette profession, elle fait l’objet d’une enquête administrative. Dans le cadre de cette enquête, un certain nombre de fichiers sont consultés, notamment le STIC et le JUDEX. Qu’en sera-t-il dans le nouveau dispositif ? Doit-on comprendre que c’est le CNAPS qui, désormais, consultera ces fichiers pour savoir qui peut ou ne peut pas être agréé comme agent de sécurité privée ? Il y a là, à notre sens, un problème majeur. C’est pourquoi nous voterons contre l’amendement du Gouvernement.

(L’amendement n° 323 rectifié est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 205 rectifié.

La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Cet amendement porte précisément sur le problème que je viens de soulever. Je souhaite en profiter pour obtenir une réponse précise du Gouvernement ou du rapporteur.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. Vous avez préalablement défendu cet amendement, sur lequel j’émets un avis défavorable.

Le CNAPS, si la loi est votée, sera mis en place au cours de l’année 2011, avec l’objectif d’être pleinement opérationnel au 1er janvier 2012. Le CNAPS sera un établissement public composé d’une majorité de représentants de l’État, notamment de fonctionnaires et de magistrats.

Pour répondre à votre question, le CNAPS sera investi de la mission de police administrative de délivrance, de suspension ou de retrait des agréments. Dans l’exercice de ces fonctions, une des missions du CNAPS sera de consulter les fichiers d’antécédents que vous évoquez.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Avis défavorable. Cette question concernant effectivement l’articulation avec les activités des services privés en matière de sécurité, elle avait déjà été posée dans le cadre de la loi de 1983 portée par l’ancien Premier ministre, Pierre Mauroy.

L’important est de s’assurer que la réglementation est bien respectée, et que les exigences sont prises en compte au niveau des agréments. Mais nous n’allons pas refaire le débat, nous pouvons comprendre votre position, mais le Gouvernement considère qu’il est important de créer le CNAPS.

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Tout d’abord, nous ne « refaisons » pas le débat. À l’Assemblée, le débat sur ce sujet n’a jamais eu lieu, le CNAPS ayant été créé par amendement au Sénat. Nous en débattons donc pour la première fois !

De plus, je suis au regret de vous dire que n’importe qui ne peut pas consulter le fichier STIC, le fichier JUDEX et encore moins le fichier CRISTINA. Alain Bauer déclarait que le futur CNAPS devrait permettre de savoir immédiatement si un candidat à un emploi dans la sécurité privée répond aux conditions fixées par la loi. Il est donc bien question de faire une enquête de police administrative et de consulter les fichiers. M. Blanchou, délégué interministériel à la sécurité privée, déclarait également qu’il n’était pas question que l’État mette à disposition du CNAPS des personnels des préfectures. Le Conseil devra recruter des agents chargés des agréments et des contrôles, et les rémunérer. Il s’agit donc d’agents de droit privé. Je crois qu’il y a là un gros problème.

M. Jean-Jacques Urvoas. Mme Batho pose les bonnes questions, mais ni le rapporteur ni le Gouvernement n’ont de réponses.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Je comprends tout à fait les interpellations de nos collègues de l’opposition, mais je ne comprends pas leurs conclusions.

Leurs questions portent sur la nécessité d’organiser cette activité de sécurité. Le Sénat vient de créer le Conseil national des activités privées de sécurité, et le rapporteur en précise le régime juridique en indiquant qu’il s’agira d’un établissement public. Sa composition, magistrats et policiers, devrait apaiser les craintes de nos collègues.

Il vise à organiser ces activités. Il sera amené à avoir des informations, et le rapporteur nous indique qu’il sera composé de magistrats et de policiers. Je ne comprends donc pas l’hostilité qui est la vôtre, puisque cette création va répondre à vos légitimes préoccupations.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Une précision pour notre collègue, le texte prévoit : « Art. 33-1 C. Le Conseil national des activités privées de sécurité est administré par un collège composé : de représentants de l’État, de magistrats de l’ordre judiciaire et de membres des juridictions administratives ; de représentants des organisations patronales, des salariés, des services internes de sécurité, de la formation et des installateurs de matériels électroniques ; de personnalités qualifiées, notamment les représentants des clients et des donneurs d’ordre du métier. »

Sa composition va donc au-delà des magistrats et des policiers.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti, rapporteur.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Concernant ce que vient d’indiquer Mme Batho sur le statut de droit privé des agents prévu à l’alinéa 35 de cet article, il s’agit d’une erreur. Un amendement modifiera ce point pour préciser qu’il s’agira de recruter des agents contractuels de droit public ; je tenais à le préciser.

Mme Delphine Batho. Ça ne change rien au fond.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Concernant le reste, le directeur sera nommé par un décret qui précisera également le fonctionnement du CNAPS. S’il convient de modifier les décrets relatifs aux modalités de consultation des fichiers d’antécédents, cela sera fait en cohérence.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je ne trouve pas choquant que vous n’ayez pas de réponse à la question que pose Delphine Batho. Nous sommes en train d’inventer quelque chose dont vous pensez qu’il va pallier une carence, j’en prends acte. Visiblement, vous n’aviez pas envisagé le problème que soulève Delphine Batho, à savoir qu’à notre connaissance – et Mme Batho connaissant cela sur le bout des doigts, nous pouvons lui faire crédit de la compétence – la consultation de ces fichiers n’est possible que par des policiers et des gendarmes. Vous ne pouvez pas nous dire qu’au motif que cet établissement sera public, il aura l’habilitation pour consulter ces fichiers. Ou alors vous élargissez la compétence qui était précédemment attribuée.

Dites-nous simplement que vous allez y réfléchir, et que la question sera revue par le Sénat. Mais n’essayez pas de nous faire croire que vous avez une réponse alors que visiblement, vous ne savez pas quoi nous dire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Précisons que nous en sommes pour l’instant à la création de cet organe. Un décret détaillera ensuite évidemment le rôle des magistrats qui seront habilités à consulter ces fichiers. Les précisions seront apportées à ce moment, avec la publication du décret.

(L'amendement n° 205 rectifié n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 324 rectifié.

La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Lors de l’examen de l’article 20 quinquies en commission des lois, un amendement a été adopté modifiant la composition du collège de cet organisme. S’il est effectivement nécessaire que les préoccupations de toutes les parties prenantes en matière de sécurité privée puissent être exprimées au sein du CNAPS, le collège ne doit pas pour autant être composé d’un effectif pléthorique, et donc l’objet de cet amendement est de revenir à la rédaction initiale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Je n’ai pas été convaincue par les réponses apportées au problème soulevé par l’amendement précédent. À notre sens, les missions régaliennes de police administrative n’ont pas à être partagées dans un établissement public au sein duquel siègent des organismes de sécurité privée.

Je pense d’ailleurs que cela posera des problèmes majeurs, vous vous en rendrez compte en rédigeant le décret que vous évoquez. Concernant la sécurité aéroportuaire, par exemple, on consulte aujourd’hui le fichier CRISTINA, mais s’agissant d’un fichier de renseignement, on n’a pas le droit de le dire... Je vous épargne les détails : il y a là un point problématique.

Concernant l’amendement n° 324 rectifié, je veux souligner qu’il supprime, parmi ceux qui siègent dans le collège du CNAPS, les représentants des salariés du secteur de la sécurité privée. C’est pourquoi nous sommes opposés à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. La commission a émis un avis favorable à cet amendement du Gouvernement, bien qu’il revienne sur une disposition qu’elle avait adoptée. Au sein de cette commission, nous avions, sans doute faute d’un débat suffisamment approfondi, modifié les dispositions relatives à la composition du CNAPS. La nouvelle composition proposée par le Gouvernement nous paraît plus compatible avec ce qu’est le CNAPS, sa mission, et son organisation. Ce n’est pas un syndicat professionnel qui doit représenter toutes les parties, mais un établissement public avec des missions déléguées par l’État. Il n’y a donc pas de place pour une représentativité des salariés.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. À nos yeux, la place des salariés est parfaitement justifiée dans le nouveau conseil. Les salariés sont directement concernés par les mesures de police administrative qu’il prendra, puisque c’est ce conseil qui va octroyer ou retirer la carte professionnelle. On peut donc imaginer que la présence des représentants des salariés n’est pas déplacée, d’autant que ce conseil aura la capacité de prendre des mesures disciplinaires et contribuer à l’élaboration d’un code de déontologie. À cet égard aussi, l’avis des salariés sera peut-être opportun.

Enfin, rappelons que les salariés de la sécurité privée sont visés par la loi de juillet 1983. Bien qu’elle comporte des lacunes qu’il conviendra de combler, et nous présenterons des amendements dans ce sens, cette loi encadre leur pratique. Il n’y a de raison de priver les salariés d’expression dans le cadre de cet établissement public.

(L'amendement n° 324 rectifié est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 132, 234 et 141 tombent.

La parole est à Mme Delphine Batho, pour défendre l’amendement n° 224.

Mme Delphine Batho. Il est défendu.

(L'amendement n° 224, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 326.

La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Cet amendement vise à ajuster certaines dispositions de cet article créant un conseil national des activités privées de sécurité. Il propose de limiter le champ du règlement intérieur au seul fonctionnement du CNAPS. Le CNAPS sera administré par un collège qui comprendra en son sein une commission spécialisée, la commission nationale d’agrément et de contrôle. Au niveau régional, ou inter-régional, des commissions régionales d’agrément et de contrôle seront également créées. Ainsi, l’organisation interne du CNAPS sera fixée par la loi et ses dispositions réglementaires d’application prévues à l’article 33-1 K. Le règlement intérieur du CNAPS, arrêté par le collège, en définira donc exclusivement les modalités de fonctionnement.

(L'amendement n° 326, accepté par la commission, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 272.

La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Il s’agit d’un amendement de coordination.

(L'amendement n° 272, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 191.

La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Il s’agit toujours du sujet des prérogatives de police administrative, qui n’appartiennent qu’à l’État, à notre sens.

(L'amendement n° 191, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 325 rectifié.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. L’amendement vise à permettre de recourir à des commissions régionales ou interrégionales d’agrément et de contrôle.

En effet, les dimensions très variables des régions peuvent nécessiter, pour assurer une gestion plus efficace et économe du CNAPS, de constituer des entités interrégionales qui auront compétence sur le territoire de plusieurs régions. L’expertise sera ainsi de meilleure qualité.

(L’amendement n° 325 rectifié, accepté par la commission, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 320.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Nous souhaitons que le Conseil national des activités privées soit en fait un organisme ordinal, qui joue le rôle d’un conseil de l’ordre.

Nous sommes surpris lorsque nous voyons les prérogatives que l’on envisage de lui accorder. L’alinéa 28 autorise « les membres et les agents du conseil national des activités privées » à procéder à des enquêtes professionnelles qui vont au-delà des enquêtes administratives, notamment en cas d’investigation dans les locaux professionnels.

L’alinéa 29 permet de requérir le juge des libertés en cas de refus de la personne inspectée d’autoriser la visite se ses locaux.

Outre le fait que la procédure prévue est lourde et probablement inefficace, et que le JLD a des missions propres, la nature de l’intervention, qui devrait se situer au plan ordinal, prend alors des proportions qui la rapprochent d’une enquête préliminaire quasi judiciaire.

Pour éviter cela, nous proposons de supprimer les alinéas 28 à 32.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. Avis défavorable.

Monsieur Urvoas, vous avez manifestement une interprétation contraire à ce que sera la réalité du CNAPS. Ce sera une autorité administrative indépendante, qui bénéficiera de pouvoirs d’enquête, notamment pour mettre en place les agréments évoqués. Je note que la CNIL, pour faire référence à une autorité administrative qui nous est chère à tous, bénéficie des mêmes prérogatives. Je ne vous ai jamais entendu les remettre en cause.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Monsieur le rapporteur, la CNIL et le CNAPS n’ont pas la même vocation. Il m’a semblé, en discutant, notamment avec le nouveau délégué interministériel à la sécurité privée, le préfet Blanchou, que l’originalité de votre structure tenait à ce qu’elle tentait, dans sa conception, de concilier deux points de vue inhabituels.

D’un côté, la profession demande à s’organiser. C’est le rôle d’un Conseil de l’ordre et c’est ce que nous suggérons dans l’amendement. Mais vous voulez en faire également un outil assez bizarre, novateur sur le plan juridique – on pourrait même dire assez audacieux – que nous trouvons dangereux au regard du rappel des deux alinéas que j’ai lus précédemment.

Pour une fois, nous vous suggérons de rester dans le conformisme et de ne pas sombrer dans l’audace. (Sourires.)

(L’amendement n° 320 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 306.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Le droit accordé à tous les membres et agents de la commission de disposer de tout document nécessaire à l’accomplissement de leur fonction paraît excessivement étendu, d’autant que ces documents peuvent être confidentiels ou concerner des personnes. Dans les instances ordinales, ce pouvoir n’appartient généralement qu’au responsable du conseil de l’ordre.

Nous vous suggérons donc de rédiger de manière différente le début de l’alinéa 33.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. Avis défavorable.

Monsieur Urvoas, votre amendement reviendrait à limiter considérablement les pouvoirs de contrôle du CNAPS en les octroyant aux seuls présidents des commissions d’agrément et de contrôle.

Concrètement, cela reviendrait à limiter drastiquement le nombre de contrôles et correspondrait à une logique totalement différente de ce que le Gouvernement veut mettre en place en moralisant beaucoup plus ces professions de sécurité.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Le Gouvernement partage l’analyse de la commission. Avis défavorable.

(L’amendement n° 306 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 115.

La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Il s’agit de corriger une erreur matérielle : il ne s’agit pas d’agents de droit privé mais de droit public.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Je veux bien croire qu’il s’agit d’une simple erreur matérielle, mais je pense plutôt à un lapsus.

Je vais lire l’alinéa 35 : « Le Conseil national des activités privées de sécurité peut recruter des salariés soumis aux dispositions du code du travail, des agents contractuels de droit privé ou des fonctionnaires détachés auprès de lui. » Ce seront donc des agents contractuels de droit public. Tout à l’heure, nous avons évoqué la consultation des fichiers. Cela demeure un problème, puisque, aujourd’hui, les fichiers peuvent être consultés seulement par des policiers, des gendarmes ou des procureurs de la République.

Pour les policiers et les gendarmes, afin d’éviter toute utilisation malveillante des informations figurant dans les fichiers, toute une série de sanctions professionnelles est prévue en cas d’utilisation frauduleuse.

Prévoir des agents contractuels de droit public ne me paraît donc pas suffire à répondre à la question que j’ai posée tout à l’heure.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Si vous poussez la lecture de cet alinéa jusqu’à son terme, vous noterez qu’aux côtés des agents contractuels de droit privé, que l’amendement n° 115 propose de corriger par « des agents contractuels de droit public », il est ajouté « ou des fonctionnaires détachés auprès de lui ».

Mme Delphine Batho. M. Blanchou l’a démenti !

M. Éric Ciotti, rapporteur. C’est le texte de la loi que nous sommes appelés à voter.

(L’amendement n° 115 est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 327.

La parole est à Mme  la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Le Conseil national des activités privées de sécurité sera administré par un collège et représenté par un président.

Sa gestion administrative et financière devra être assurée par un directeur, dont l’amendement définit les conditions de nomination par décret sur proposition du ministre de l’intérieur, qui exerce la tutelle sur le CNAPS.

Il nous a semblé nécessaire d’apporter ces précisions dans la loi, dans la mesure où le CNAPS est un nouvel établissement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. Avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je ne suis pas en désaccord avec l’amendement du Gouvernement, mais je m’interroge sur le devenir du délégué interministériel, le préfet Blanchou, qui a été nommé pour coordonner la sécurité privée. Lorsque l’établissement public sera créé, y aura-t-il une disparition concomitante du délégué interministériel ou le Gouvernement a-t-il l’intention de le maintenir ? Dans ce cas, nous aurions deux autorités – c’est toujours intéressant.

C’est dans un souci de cohérence que je pose la question.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Le Gouvernement n’a pas prévu de remettre en cause les fonctions du délégué interministériel.

Mme Delphine Batho. À quoi cela sert-il alors ?

(L’amendement n° 327 est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 273.

La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti, rapporteur. L’amendement vise à corriger une erreur matérielle.

(L’amendement n° 273, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 274.

La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer une disposition inutile, puisque l’application de l’ensemble de la loi sur tout le territoire de la République est déjà prévue par l’article 39 du projet de loi.

(L’amendement n° 274, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 20 quinquies, amendé, est adopté.)

M. Roland Muzeau. Le groupe GDR vote contre.

Article 21

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 63 visant à supprimer l’article 21.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Nous sommes défavorables aux conséquences de l’article, à savoir la légitimation des activités d’espionnage économique, qui sont souvent, comme chacun sait, à la limite de la légalité – les médias en font état de manière assez régulière –, au motif que les intérêts fondamentaux de la nation sont évoqués, ce qui est un peu fort.

Il va de soi qu’il faut protéger nos intérêts économiques. Mais l’adoption de l’article 21 nous ferait franchir un pas supplémentaire qui nous entraînerait vers des déboires, dont nous ne manquerions pas d’être saisis dans des délais rapprochés. C’est pourquoi nous proposons de supprimer cet article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. Avis défavorable.

Monsieur Muzeau, je suis étonné de votre amendement. Vous souhaitez plus de moralisation des activités d’intelligence économique, et dans le même temps vous voulez supprimer cet article qui vise, pour la première fois, à encadrer les activités d’intelligence économique.

Nous aurions pu, au contraire, espérer que vous salueriez cet effort, ce progrès important. Comme pour les activités privées de sécurité, un cadre est prévu sur les activités d’intelligence économique. Il s’agit d’un progrès notable, qui, malgré vous, va permettre d’aller dans le sens de vos objectifs.

M. Roland Muzeau. On verra !

(L’amendement n° 63, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 214.

La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. L’intention de clarifier et de lever un certain nombre d’ambiguïtés sur l’intelligence économique est louable, puisque le but est de mettre fin aux ambiguïtés qui font que derrière le terme d’ «intelligence économique » se cachaient parfois un certain nombre d’officines ou de cabinets de détectives privés.

M. Jacques Alain Bénisti. C’est vrai !

Mme Delphine Batho. Mais cette ambiguïté demeure dans la définition de l’intelligence économique, telle que le Gouvernement l’a inscrite dans le projet de loi.

Notre amendement tend à y remédier en clarifiant la définition de l’intelligence économique. L’alinéa 7 de l’article 21 pose deux problèmes. Il est indiqué que l’intelligence économique s’occupe de la sauvegarde de l’ordre public, ce qui ne correspond pas à sa mission. Elle doit s’occuper de la sécurité économique et du patrimoine économique de la nation, mais certes pas de l’ordre public.

L’expression très malheureuse utilisée à la fin de l’alinéa 7 : « à favoriser leur activité en influant sur l’évolution des affaires ou les décisions de personnes publiques ou privées », peut être comprise comme une sorte de légalisation du trafic d’influence. J’imagine que ce n’est pas l’intention des rédacteurs.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. Madame Batho, vous proposez une définition nouvelle de l’intelligence économique. C’est un objectif ambitieux, peut-être audacieux, pour parler comme M. Urvoas, mais je pense que vous n’avez pas intégré les modifications apportées par rapport au projet de loi initial.

Vous proposez de supprimer toute référence à l’ordre public dans votre définition.

Il est vrai que nous avons procédé à une rectification par rapport au texte initial, où il était indiqué que les activités d’intelligence ont pour but la préservation de l’ordre public. L’article prévoit maintenant que « l’encadrement des activités d’intelligence économique est justifié notamment » et non exclusivement, par « des raisons d’ordre public ». On ne peut pas nier, sur le fond, que le développement d’officines qui mènent des activités d’espionnage industriel ait des incidences sur l’ordre public.

Enfin, sur un plan strictement juridique, la directive « Services » ne permet de soumettre l’exercice d’une activité à autorisation qu’à de très strictes conditions, notamment pour des considérations tenant à la préservation de l’ordre public. Cette référence est donc indispensable, d’où un avis défavorable à votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Avis défavorable.

(L’amendement n° 214 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 213 rectifié.

La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Les explications du rapporteur ne m’ont pas convaincue, ou alors nous avons un réel désaccord.

L’amendement n° 213 rectifié, plus limité que le précédent, propose de supprimer les mots « de la sauvegarde de l’ordre public, en particulier ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Même avis que la commission.

(L’amendement n° 213 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 212.

La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. L’amendement est défendu.

(L’amendement n° 212, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 225.

La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Lorsque Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, avait annoncé son intention d’encadrer les activités d’intelligence économique, s’était alors posé le problème de « l’étanchéité » entre les fonctionnaires de la police nationale ou les militaires de la gendarmerie et ces activités d’intelligence économique de nature privée. Un délai de cinq ans était prévu entre la cessation d’activité dans la police et la gendarmerie et l’engagement dans ce type d’activités.

Subrepticement, le Gouvernement a réduit ce délai à trois ans. Nous proposons quant à nous d’en revenir à un délai de cinq ans.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. Avis défavorable.

Par rapport au risque que vous évoquez, madame Batho, la commission a adopté un amendement qui rend obligatoire le passage devant une commission de déontologie. Compte tenu de cette avancée, le passage de cinq à trois ans du délai de viduité ne nous paraît pas gênant.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Avis défavorable.

(L’amendement n° 225 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 226.

La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. L’amendement est défendu.

(L’amendement n° 226, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 21 est adopté.)

Article 21 bis

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 64 de suppression de l’article.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. L’amendement est défendu.

(L’amendement n° 64, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 321.

La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. L’article 21 bis porte sur les prérogatives des agents des services de renseignement en matière de consultation des fichiers de police administrative dans le cadre de la protection contre les atteintes à l’indépendance de la nation, alors que jusqu’ici il était réservé à la lutte contre le terrorisme.

Cet article me donne l’occasion de revenir sur l’affaire des « fadettes ». Le Premier ministre lui-même était, à l’époque, intervenu sur les interceptions de sécurité en rappelant les termes de la loi de 1991 relative au secret des correspondances. Les services de renseignement, sans doute avec l’accord du directeur général de la police nationale, se sont prévalus d’une définition totalement erronée de l’article 20 de la loi de 1991, prétendant que cet article leur permettait de se procurer directement les « fadettes » des communications téléphoniques auprès des opérateurs, ce que cet article ne permet pas. Pour que les choses soient tout à fait claires, nous proposons de graver cette interdiction dans le marbre !

Par ailleurs, je souhaite poser une question au Gouvernement. Le procureur de la République de Paris a demandé au ministre de l’intérieur de saisir la commission consultative du secret de la défense nationale concernant l’enquête sur les « fadettes » et notamment les atteintes portées au secret des sources d’un journaliste du Monde.

L’article L. 2312-4 du code de la défense prévoit que lorsqu’une juridiction demande au ministre de l’intérieur de saisir la commission consultative du secret de la défense nationale, le ministre doit s’exécuter sans délai. Je souhaite donc savoir si le ministre a saisi cette commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement. Sur la forme, il ne respecte pas la règle de l’entonnoir. Quant au fond, il est vrai que l’article 20 de la loi de 1991 a pu donner lieu à des interprétations divergentes, mais la situation me semble aujourd’hui clarifiée : l’article 20 concerne effectivement des mesures de balayage aléatoire du domaine hertzien, sans pour autant qu’il soit nécessaire de le préciser ainsi que vous le proposez.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Défavorable également.

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Vous n’avez pas répondu, madame la ministre, à la question que je vous ai posée. Le ministre de l’intérieur a-t-il saisi la commission consultative du secret de la défense nationale ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. J’ai indiqué la position du Gouvernement sur votre amendement, madame Batho. Quant à votre question, vous comprendrez que, s’agissant d’une procédure judiciaire en cours, il ne m’est pas possible de vous répondre.

(L’amendement n° 321 n’est pas adopté.)

(L’article 21 bis est adopté.)

Article 22 A

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 65 de suppression de l’article.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. L’amendement est défendu.

(L’amendement n° 65, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 22 A est adopté.)

Article 23

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 105 de suppression de l’article.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Les auteurs de l’amendement entendent supprimer la possibilité offerte par cet article d’introduire dans notre droit une forme de cyberperquisition attentatoire aux libertés individuelles.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. Cet important sujet a suscité de nombreux débats et a été l’occasion pour certains de proférer un certain nombre de contrevérités, y compris à l’extérieur de l’hémicycle. C’est pourquoi je souhaite clarifier la nature de cette disposition prévue à l’article 23 sur la possibilité de recourir à la captation à distance des données informatiques, communément appelée « cyberperquisition ».

Pour balayer toute ambiguïté, je tiens à dire que ce dispositif est très encadré : il est limité à la criminalité organisée, et prévu pour une durée limitée. Il ne peut relever que de l’autorisation du magistrat instructeur.

Il répond à un besoin des enquêteurs pour mieux lutter contre l’évolution de la délinquance organisée. En aucun cas – contrairement à ce qu’a déclaré M. Mamère en défendant sa motion – il ne s’agit de généraliser ce dispositif extrêmement limité, encadré, non intrusif et qui ne portera donc pas atteinte aux libertés publiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Avis défavorable.

(L’amendement n° 105 n’est pas adopté.)

(L’article 23 est adopté.)

Article 23 bis

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 66 et 207.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Nous entendons par cet amendement protester contre l’automatisation des peines introduites par l’article 23 bis. Les peines plancher ont largement fait la démonstration de leur absurdité au cours des trois années passées. Elles ont notamment mis à mal le principe de proportionnalité des délits et des peines.

Outre que la constitutionnalité du présent dispositif est largement sujette à caution, il enlève l’élément de récidive dans l’application de peines plancher et fait du juge un distributeur automatique de peines, sans lui laisser la moindre capacité d’appréciation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. Avis très défavorable. Je m’étonne, monsieur Muzeau, que vous souhaitiez supprimer ce dispositif qui participera très utilement, j’en suis convaincu, à la lutte contre les violences. Vous avez, les uns et les autres, rappelé l’augmentation des violences, notamment des atteintes aux personnes, même si aujourd’hui on assiste plutôt à une stabilisation. Lorsque vous étiez au gouvernement, les violences contre les personnes ont, entre 1997 et 2002, augmenté de 60 %, soit 10 % par an !

M. Jacques Valax. Ce rappel est gratuit et n’a rien à voir avec le débat !

M. Éric Ciotti, rapporteur. Depuis un an, nous constatons que l’augmentation, certes trop élevée et l’on ne peut que le déplorer et y consacrer les moyens pour la combattre, s’élève à peine à 1 %.

M. Roland Muzeau. Vous rêvez ? Je ne sais pas dans quel monde vous vivez !

M. Éric Ciotti, rapporteur. Il y a donc un progrès considérable et l’article 23 bis vise à aller encore plus loin. Il est issu de la volonté du Président de la République exprimée lors de son discours de Grenoble. C’est un point essentiel.

Le Sénat en avait atténué la portée. La commission des lois a voulu rétablir le texte initial tel qu’il avait été défendu par le Gouvernement au Sénat. Je considère qu’il est important de punir avec une sévérité qui a la force de l’exemplarité les violences volontaires, notamment contre les forces de l’ordre, et d’envoyer ainsi un message très clair.

Je veux souligner que dans sa rédaction, adoptée par notre commission, le présent article vise à appliquer une peine minimale aux auteurs de délits de violences volontaires aggravées sans que les auteurs ne soient en état de récidive légale. Les peines plancher s’appliquent aux personnes en état de récidive légale. Ce dispositif permet d’appliquer ces peines dans les cas de délits commis avec des violences volontaires aggravées. Une peine minimale de six mois est prévue si le délit est puni de trois ans d’emprisonnement ; une peine minimale d’un an si le délit est puni de cinq ans d’emprisonnement ; une peine minimale de dix-huit mois si le délit est puni de sept ans d’emprisonnement ; une peine minimale de deux ans si le délit est puni de dix ans d’emprisonnement.

Ces peines minimales correspondent ainsi à la moitié de la durée des peines minimales prévues à l’article 132-19 du code pénal en cas de récidive légale – dans le respect, naturellement, des principes constitutionnels de nécessité, de proportionnalité et d’individualisation des peines, puisque tout cela relève de l’appréciation souveraine des tribunaux.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour soutenir l’amendement n° 207, identique au 66.

M. Dominique Raimbourg. Je formulerai trois observations sur ces peines minimales, qui sont en réalité des peines plancher appliquées aux non-récidivistes.

Premièrement, elles sont susceptibles d’être censurées par le Conseil constitutionnel. J’en veux pour preuve l’avis exprimé par les sénateurs, en particulier par le président de la commission des lois du Sénat, M. Jean-Jacques Hyest, qui a déclaré à ce sujet : « Il ne faut jamais tenter de passer en force quand on est à peu près sûr de subir la censure du Conseil constitutionnel. » (Approbation sur les bancs des groupes SRC et GDR.) En effet, la fixation de peines minimales est contraire aux principes constitutionnels d’individualisation et de proportionnalité des peines.

Deuxièmement, en vertu de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la loi ne doit fixer que des peines justes et nécessaires. En quoi est-il démontré qu’il est absolument nécessaire de fixer des minima en deçà desquels toute peine doit être spécialement motivée ?

Troisièmement, la loi dispose que nul n’est censé ignorer la loi. Or toutes les violences sont visées ici, y compris les violences non aggravées, puisque sont punies de trois ans d’emprisonnement les violences ayant entraîné une incapacité de travail de huit jours.

Relisons donc l’article 222-12 du code pénal. L’exemple que je vais citer est particulièrement bête, je vous en préviens, mais il est exact. Selon cet article, les peines sont aggravées dans certains cas, liés à une particularité de la victime, de l’auteur ou des circonstances ; l’aggravation est maximale lorsque l’on croise ces trois critères.

La peine est donc aggravée lorsque l’on frappe ses ascendants – ce qui est compréhensible –, lorsque l’acte de violence est commis dans un moyen de transport, ou lorsqu’il l’est avec guet-apens. En d’autres termes, celui qui frappe ses parents dans une gare en les ayant attendus encourt une peine de dix ans d’emprisonnement et une peine plancher de deux ans (Sourires) ; celui qui frappe ses parents à deux cents mètres de la gare après les avoir attendus encourt une peine de sept ans ; celui qui frappe ses parents après les avoir croisés fortuitement encourt une peine de cinq ans. Qui peut se retrouver dans un tel dispositif ?

Mon exemple est particulièrement bête, je vous le concède,… (« Ah ! » et sourires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Éric Ciotti, rapporteur. C’est vous qui l’avez dit !

M. Dominique Raimbourg. … mais, je le répète, il est réel.

M. Jacques Valax. Il est éclairant !

M. Dominique Raimbourg. Votre dispositif est si large qu’il ramène dans ses filets – même si cette métaphore de la pêche n’est pas très heureuse – des personnes qui n’ont absolument rien à voir avec l’objectif que vous poursuivez.

Si votre objectif est de sanctionner plus lourdement les violences volontaires contre les représentants de la force publique – agents de police, gendarmes, dépositaires de l’autorité publique –, il faut rédiger un texte spécifique au lieu de compliquer à l’infini les dispositions du code pénal.

On s’engage au contraire dans une voie qui rend le code pénal incompréhensible, qui n’est pas du tout efficace, et on expose tout le monde à des difficultés inextricables du fait de la complication inutile des dispositifs pénaux.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. Je me suis déjà prononcé : avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Je souhaite réagir aux propos de notre collègue Ciotti, qui n’auront surpris personne ici – encore en a-t-il gardé sous la pédale, comme on dit.

La justification qu’il a donnée de la modification législative proposée est assez amusante. Il a fait état d’une progression significative de la délinquance avec violence sous la gauche. (Approbation sur les bancs du groupe UMP.) Évidemment, quand on siège sur les bancs de la majorité, il ne faut jamais manquer d’associer la gauche et la délinquance, comme si les deux allaient de pair.

Et, naturellement, on retrouve l’amnésie d’une droite qui oublie qu’elle est au pouvoir depuis huit ans, qu’elle a fait adopter une vingtaine de lois modifiant le code pénal et que les résultats obtenus sont pitoyables – à condition de vivre dans la vraie vie, comme disent les jeunes ! Car je me demande où vous mesurez les immenses avancées que vous évoquez en matière de prévention de la délinquance ; dans les quartiers huppés de Paris ou de Nice, peut-être. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Éric Ciotti, rapporteur. Caricature !

M. Roland Muzeau. En tout cas, vous ne devez pas bien connaître la réalité de notre pays, notamment celle des villes difficiles. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Je sais que certains d’entre vous ne l’ignorent pas. Vous devriez donc vous interroger, chers collègues – car je vous connais bien –, sur votre inefficacité et sur les erreurs que vous n’avez cessé de multiplier depuis huit ans en votant ces lois. Si celles-ci n’ont servi à rien, c’est parce que, tout en votant des textes répressifs afin de satisfaire une population qui réclame à juste titre plus de sécurité et une vie plus tranquille, vous avez accumulé d’autres dispositions législatives et pris d’autres décisions d’ordre économique qui ont submergé le pays de difficultés qu’il n’avait pas connues depuis fort longtemps ; et, en déstabilisant le corps social, ces difficultés ont rejailli sur la sécurité. Vous êtes donc particulièrement mal placés pour parler des questions sécuritaires et des attentes de la population en la matière.

Nos amendements visent à dénoncer la politique que vous menez, je le répète, depuis huit ans, et qui a détruit le lien social dans notre pays. Ainsi le journal Le Monde

M. Jacques Alain Bénisti. Une référence !

M. Roland Muzeau. … dressait-il, il y a quarante-huit heures, un bilan des politiques gouvernementales et de leurs effets sur les zones urbaines sensibles, où 43 % des jeunes sont au chômage. Le voilà, votre bilan !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Notre collègue Muzeau cultive le paradoxe : il prétend vouloir accroître la sécurité dans notre pays…

M. Roland Muzeau. Je réclame 35 policiers pour mon commissariat, que vous m’avez piqués ! Voilà !

M. Philippe Goujon. … en s’opposant systématiquement aux lois issues de ce à quoi nous assistons sur le terrain.

Depuis que le Gouvernement est en place, plusieurs lois ont permis de relever tous les défis qui nous étaient lancés par les délinquants et les criminels.

M. Roland Muzeau. Pour quel résultat ? Si elles ont été efficaces, que faisons-nous là ?

M. Philippe Goujon. Il y en aura d’autres, mon cher collègue ; et nous les voterons avec le même enthousiasme, afin de faire face de manière pragmatique et concrète à toutes les nouvelles formes de délinquance que connaît notre pays.

Face à la violence, en effet, il y a ceux qui parlent et ceux qui agissent. Agir, c’est ce qu’a voulu faire le Président de la République à Grenoble, grâce à la mesure extrêmement importante dont nous parlons. Tous, sur tous les bancs, se plaignent de l’augmentation de la violence. Je précise simplement que, comme l’a dit notre rapporteur, cette augmentation était dix fois plus élevée à l’époque où vous étiez au pouvoir.

Du reste, si la violence avait continué de progresser au même rythme, il y aurait aujourd’hui 150 000 victimes de plus qu’à l’époque.

M. Jean-Jacques Urvoas. Vous avez raison : tout va très bien !

M. Philippe Goujon. D’autre part, vous le savez, la récidive constitue un problème très grave. Il y a dans notre pays environ 20 000 délinquants, dont un bon millier à Paris – inutile, donc, de stigmatiser Paris, qui connaît aussi des problèmes –, qui ont récidivé à cinquante reprises au moins, à quatre-vingt reprises parfois. Malheureusement, ils n’ont pas été assez sanctionnés.

C’est contre ce phénomène majeur que nous voulons lutter. S’il est vrai que 5 % des délinquants produisent la moitié de la délinquance en France, selon Alain Bauer, que Mme Batho et M. Urvoas se plaisent à citer régulièrement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), « le système traite de la même manière ces 5 % et les 95 % restants », ce qui aboutit à « un égalitarisme pénal très handicapant pour la société ».

M. Jean-Jacques Urvoas. Si vous écoutez Bauer, il faut l’écouter tout le temps !

M. Philippe Goujon. C’est évidemment l’une des causes de l’augmentation des violences contre les personnes ; qui peut le nier ?

D’où la disposition en discussion, qui sera très efficace, à l’instar, contrairement à ce que vous dites, de toutes celles que nous avons adoptées,…

M. Roland Muzeau. Ça se voit !

M. Philippe Goujon. … puisque cette année, pour la huitième année consécutive, la délinquance et la criminalité sont en baisse (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR), malgré les contrevérités que vous proférez à longueur de discours.

M. Jean-Jacques Urvoas. Il n’y a que vous pour le croire !

Un député du groupe UMP. Et les statistiques ?

(Les amendements identiques nos 66 et 207 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 265.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.

(L’amendement n° 265, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 330 de la commission.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Éric Ciotti, rapporteur. L’amendement que j’ai l’honneur de vous présenter a en effet été adopté par la commission des lois.

Il obéit à une exigence de cohérence avec le dispositif dont nous venons de parler, et dont je rappelle qu’il instaure des peines planchers en cas de violences volontaires aggravées.

Comme en cas de récidive légale, je souhaite en effet que le dispositif d’aménagement de peine instauré par la loi pénitentiaire soit revu pour ce qui concerne le délit de violences volontaires aggravées.

Quel est le principe ? La loi pénitentiaire a généralisé, sauf pour les délits commis en situation de récidive légale, l’aménagement de peine, ab initio ou en fin de peine, pour les condamnations allant jusqu’à deux ans de prison ferme.

Je propose qu’on en revienne au dispositif antérieur – qui limitait l’aménagement aux condamnations à un an de prison ferme – s’agissant des délits de violences volontaires aggravés, qui sont extrêmement graves.

En matière de réponse pénale, nous avons le devoir de veiller à ce que les sanctions soient réellement appliquées et réellement exécutées. Une meilleure exécution des peines, pour une meilleure réponse pénale : cette ambition importante devrait tous nous réunir. Je crois à l’exemplarité de la sanction comme moyen de prévention.

Voilà pourquoi la sanction pénale de tels délits, qui sont au cœur des phénomènes de délinquance les plus inquiétants, doit être réellement appliquée.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Le Gouvernement rejoint entièrement la proposition du rapporteur.

Il n’est pas question de remettre en cause l’équilibre de la l’excellente loi pénitentiaire de 2009, qui est une loi très utile. Mais il est un point sur lequel le Gouvernement souhaite, comme la commission des lois, la corriger. Le ministre de l’intérieur s’en est du reste entretenu avec le garde des sceaux, et la position du Gouvernement est unanime.

Lorsqu’une personne a été condamnée pour violences aggravées, l’aménagement de sa peine doit être très strict. Comme l’a souligné Brice Hortefeux, il ne faut pas oublier que la sanction reste l’un des premiers moyens pour prévenir les violences.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Raimbourg.

M. Dominique Raimbourg. D’abord une remarque de méthode. S’agissant de l’aménagement des peines, notamment de la durée maximale de la peine pouvant être aménagée, nous avons passé des heures à discuter lors du débat sur la loi pénitentiaire. Aujourd’hui, au détour d’un amendement, notre assemblée s’apprête à détricoter un dispositif qui a été très difficilement mis au point il y a un an. C’est une bien mauvaise méthode.

Par ailleurs, une certaine confusion règne sur la question de l’exécution de la peine. Une peine aménagée est présentée comme une peine non exécutée ; seule l’incarcération, c’est-à-dire le fait de se retrouver à l’intérieur d’un établissement pénitentiaire, a valeur d’exécution à vos yeux. Il s’agit là d’une erreur : la peine aménagée est une peine exécutée.

Je note enfin que vous avez la religion de l’efficacité de la prison. La seule prévention, nous dit M. le rapporteur, est la sanction et la seule sanction possible est la prison. C’est une erreur encore une fois et même une double erreur, pour les raisons que j’ai indiquées tout à l’heure. Le dispositif de la peine minimale – et je suis gentil en ne l’appelant pas « peine plancher » – vise en réalité l’ensemble des violences volontaires.

On se prive ainsi d’un mécanisme d’aménagement de peines, qui donne parfois les résultats les plus efficaces, en particulier lorsque les violences sont à la fois volontaires, aggravées et habituelles. Rien n’est plus efficace à l’encontre d’un conjoint violent que de prononcer une peine de prison ferme, de l’aménager et de revenir sur son aménagement si jamais il réitère ses violences à l’encontre de celui ou celle avec lequel il entretient un lien affectif qui n’arrive pas à se briser. Rien n’est plus efficace à l’encontre d’une personne violente, qui a l’habitude de se battre à la sortie des bars en état d’ivresse, que de lui interdire la fréquentation de ces lieux et de la menacer d’incarcération si elle viole cette interdiction. Rien ne sert d’incarcérer les auteurs de ce type de violences : à la sortie, rien n’est réglé.

Il est bien plus efficace de se servir de la prison comme d’une menace que de s’en servir comme d’une sanction. Là, la prévention a toute sa place.

Un tel amalgame est fait entre les violences graves commises à l’encontre des fonctionnaires de police et un ensemble de violences qui pourrissent la vie quotidienne de nos concitoyens que l’on se prive de dispositifs qui ont montré leur efficacité. Mme la ministre nous a indiqué que la loi pénitentiaire était une loi équilibrée. Conservons donc cet équilibre. Ne touchons pas à ce qui a été si difficilement tricoté, et ne contribuons pas non plus à aggraver la surpopulation carcérale.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Monsieur Raimbourg, je m’inscris totalement en faux contre votre argument qui consiste à dire que le dispositif proposé est éloigné des objectifs du texte. Il est au contraire en parfaite cohérence avec l’article 23 bis qui vise à instaurer des peines minimales pour les délits de violences aggravées. Cette disposition, qui est peut-être la plus fondamentale de cette loi d’orientation, nous fournira l’outil le plus efficace pour combattre les violences physiques contre les personnes, fléau intolérable, que nous dénonçons unanimement, comme l’ont montré vos discours lors de la discussion générale.

Pour que cet outil ne soit pas détricoté, pour reprendre votre expression, monsieur Raimbourg, il faut établir une cohérence. On ne peut pas d’un côté instaurer une peine minimale et, de l’autre, permettre que celle-ci soit systématiquement aménagée, puisqu’une partie de la loi pénitentiaire prévoit un aménagement systématique pour les peines allant jusqu’à deux ans de prison ferme. Je précise qu’il ne s’agit pas déconstruire cette loi, qui comportait deux piliers : d’une part, l’humanisation des prisons, objectif unanimement soutenu ; d’autre part, l’aménagement des peines à travers des dispositions plus controversées que je n’ai personnellement pas votées, considérant qu’elles affaiblissaient la force de la sanction. Nous n’allons pas rouvrir le débat.

Je n’ai jamais dit, monsieur Raimbourg, que la sanction était le seul moyen de prévention.

M. Roland Muzeau. Mais si !

M. Éric Ciotti, rapporteur. C’est une caricature. J’ai seulement dit que la sanction était un puissant moyen de prévention. J’en reste convaincu et c’est sans doute ce qui nous sépare. La certitude de l’application rapide et effective de la sanction constitue pour moi le premier moyen de prévention, mais naturellement pas le seul.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti.

M. Jacques Alain Bénisti. J’aimerais répondre à notre excellent collègue juriste, M. Raimbourg. Il affirme que le dispositif des peines plancher va être censuré par le Conseil constitutionnel, ce qui est totalement faux : le dernier texte où figuraient des peines plancher, la loi Perben II, n’a jamais été censuré.

S’agissant de l’aménagement de peines, je suis d’accord avec lui pour dire qu’il s’agit d’une exécution de peines. Mais il oublie de prendre en compte le fait que l’amendement du rapporteur vise à instaurer un aménagement de peines plus strict. Dans le cas des violences conjugales qu’il a cité, ces conditions plus strictes renvoient à un éventail plus large d’aménagements recouvrant l’interdiction du territoire, l’interdiction de séjour dans le département ou encore l’éloignement. L’interdiction de stationner devant un débit de boisson ou devant le domicile de la victime sont, quant à eux, des aménagements plus légers, qui ne sont d’ailleurs pas souvent appliqués.

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Mon collègue Dominique Raimbourg a excellemment dit ce qu’il fallait penser de ces dispositions sur le plan juridique.

À ce moment du débat, je voudrais faire une citation. « Les résultats ne sont pas au rendez-vous sur la sécurité. La répression ne suffit pas à faire une politique publique, une politique de sécurité doit être équilibrée. Il faut de la fermeté, de l’humanité, du dialogue. »

M. Éric Ciotti, rapporteur. Bonne référence !

Mme Delphine Batho. « Ce n'est pas seulement en déployant en urgence des policiers au bas d'un immeuble que l'on éradiquera la délinquance, pour ne pas dire la criminalité organisée. Les opérations coups de poing, comme celles annoncées à Marseille, sont souvent plus spectaculaires qu'efficaces et dérangent tout le monde sauf les voyous, qui n'attendent que le départ des renforts pour reprendre leurs trafics. Il faut que les policiers aient les moyens d'agir dans la durée. Il faut aussi s'appuyer sur les habitants, majoritairement honnêtes, et, pour cela, il faut les respecter, reconnaître leurs difficultés et leurs souffrances car ce sont les premières victimes de cette criminalité. »

M. Roland Muzeau. Alors qui a deviné ?

Mme Delphine Batho. Ainsi s’est exprimée Mme Dati, qui appartient à l’UMP. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

L’argumentaire présenté par le rapporteur n’est pas fondé juridiquement, il s’agit en réalité d’un règlement de comptes politique. Depuis des semaines, M. le rapporteur dit vouloir remettre en cause la loi pénitentiaire de Mme Dati pour lui rendre, d’une certaine manière, la monnaie de sa pièce, compte tenu des critiques qu’elle formule à l’égard du bilan du ministre de l’intérieur, Brice Hortefeux.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Oh !

Mme Delphine Batho. Voilà ce qui explique qu’un tel amendement ait été déposé. Il s’agit d’un véritable cavalier législatif puisqu’il consiste à inscrire dans la loi relative à la sécurité intérieure des modifications de la loi pénitentiaire.

Ensuite, monsieur Goujon, je vous rappellerai que, depuis huit ans, nous en sommes à la seizième loi qui aggrave les peines. À chaque fois, vous nous tenez le même discours : c’est en durcissant les peines que l’on contribue à faire baisser la délinquance et à mieux appliquer les sanctions.

M. Philippe Goujon. Nous sommes cohérents !

Mme Delphine Batho. C’est faux ! M. Ciotti a lui-même indiqué que la réponse pénale avait connu une amélioration en trompe-l’œil ces dernières années, du fait de failles et d’incohérences : l’augmentation du taux de réponses pénales recouvre des mesures alternatives aux poursuites et des rappels à la loi, fort peu contraignants. Le nombre de jugements correctionnels a baissé de 15 % entre 2002 et 2009, le nombre de mises en examen de 13 %, celui des mandats de dépôt de 16 %.

Voilà le résultat de votre inflation législative ! Il y a un écart énorme entre les lois dont vous nous abreuvez, avec des sanctions toujours plus dures, et la pratique d’une institution judiciaire en crise, qui n’arrive plus à suivre ce mouvement de durcissement des peines.

M. Jean-Jacques Urvoas. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Madame Batho, nous sommes cohérents, les uns et les autres : vous, en vous opposant systématiquement à toutes les mesures qui renforcent les dispositifs de sécurité dans notre pays ; nous en essayant de répondre de façon mesurée et pragmatique à toutes les nouvelles formes d’insécurité.

J’ajouterai que je trouve médiocre – vous ne nous aviez pas habitués à cela – votre argument relatif à Rachida Dati qui a mené un travail très important en tant que garde des sceaux, notamment avec la loi pénitentiaire qu’aucune majorité de gauche n’avait su mettre en œuvre auparavant. C’est une excellente loi, je l’ai votée avec mes collègues, mais je considère qu’elle nécessite des adaptations. À partir du moment où nous nous rendons compte que des problèmes graves ne sont pas résolus, il importe de mettre en place de nouvelles dispositions : c’est précisément ce que vise l’amendement de M. Ciotti.

Je précise par ailleurs – et vous le savez bien – que c’est sous nos gouvernements qu’il y a eu le plus grand nombre de mesures alternatives aux peines de prison et le plus grand nombre de recrutements de personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation dans les prisons. Nous rénovons le parc pénitentiaire comme jamais auparavant.

Il y a donc d’un côté des discours, plutôt mauvais et médiocres, et, de l’autre, des réalités qui permettent d’améliorer les choses dans notre pays.

M. Roland Muzeau. Si tout va bien, pourquoi légiférons-nous tous les six mois ?

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti.

M. Jacques Alain Bénisti. Les uns et les autres, nous poursuivons le même but : tenter de freiner la délinquance. Or nous avons affaire aujourd’hui à une délinquance qui évolue. D’abord, elle devient de plus en plus violente ; ensuite, elle est le fait de personnes de plus en plus jeunes.

Il faut élever le débat, car les enjeux sont très importants. À cet égard, je dois dire que je suis un peu déçu par la réaction de Delphine Batho, qui a fait preuve de démagogie.

Depuis que nous avons commencé nos débats, il n’a pas été question des victimes. Aujourd’hui, en tant que maires, nous recevons des personnes rouées de coups, violentées, et c’est à l’égard de ces personnes que notre responsabilité d’élus est engagée. Ces violences sont en train de passer un cap particulièrement dangereux. On nous reproche de beaucoup légiférer mais la situation nous contraint de nous adapter à ces nouvelles formes de violences, beaucoup plus dures, qui affectent de plus en plus les plus démunis – vous les avez évoqués à juste titre. Dans les quartiers sensibles, ce sont eux les premières victimes.

J’entends dire qu’il faut appliquer les peines avec davantage d’humanité. Certes, on peut essayer de raisonner les primo-délinquants et de les orienter vers des aménagements de peine. Mais il ne s’agit pas de cela. En effet, les violences sont telles qu’il faut sanctionner beaucoup plus durement les récidivistes. À cet égard, je regrette que les députés-maires de gauche n’aient pas voulu venir dire ici ce qu’ils pensaient vraiment pour que leurs administrés ne puissent pas savoir qu’ils s’opposent à ce genre de proposition.

Cessez de dire qu’aucune évolution n’a été constatée depuis que nous avons voté des lois, car nous avons réussi à stopper l’hémorragie de l’augmentation de la violence. Certes, aucun élu ne peut dire qu’il n’y a pas de recrudescence des actes de violence, mais il faut adapter notre législation, afin de donner aux magistrats les outils leur permettant de prendre des mesures d’aménagement de peines plus strictes, mieux encadrées et, à mon avis, plus efficaces.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Raimbourg.

M. Dominique Raimbourg. Je ferai plusieurs observations.

Premièrement, s’agissant de la violence, il faudra essayer de mesurer un jour le phénomène tel qu’il existe. Il est probable qu’on constatera en moyenne une diminution de la violence et une concentration de cette violence dans certains quartiers où elle atteint un niveau insupportable pour les habitants. Je pense que nous sommes tous d’accord sur ce point.

Mme Delphine Batho. Absolument !

M. Dominique Raimbourg. Il ne sert à rien de se déchirer sur cette approche.

Deuxième observation, comme vous l’avez dit, monsieur Bénisti, l’aggravation des aménagements de peines ne doit concerner que des récidivistes. Or, nous sommes là en présence des violences volontaires classiques, c’est-à-dire celles qui ont entraîné, au titre de l’article 222-11 du code pénal, une ITT pendant plus de huit jours. On vise des choses qui sont trop larges.

Troisième observation, tous les mécanismes qui s’apparentent plus ou moins à l’automaticité des peines se révèlent, dans la pratique, extrêmement gênants quand il est nécessaire de contrôler quelqu’un et de façon sérieuse.

Enfin, nous n’avons pas encore évalué les effets des aménagements de peine tels qu’ils ont été prévus dans la loi pénitentiaire de 2009 que nous sommes déjà en train de les changer.

M. Jacques Alain Bénisti. On ne les change pas, on les améliore !

M. Dominique Raimbourg. Nous avons tort de modifier en permanence nos dispositifs, car cela les rend inefficaces et incompréhensibles.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Valax.

M. Jacques Valax. Je m’interroge sur le caractère incantatoire des discours que l’on peut entendre sur les bancs de la majorité. Vous dites qu’il faut aggraver les sanctions et enlever un certain nombre de pouvoirs à ceux qui sont les éléments sans lesquels la justice n’existerait pas. Plutôt que de tenir de grands discours théoriques, j’essaierai d’être plus pragmatique.

Monsieur Bénisti, vous disiez à l’instant qu’il est dommage que les maires ne soient pas là aujourd’hui. Mais qui fait fonctionner la justice ? Ce sont les magistrats. Or quel est votre comportement à leur égard ? Vous multipliez les textes, ce qui rend leur tâche de plus en plus difficile. C’est pourquoi ils nous demandent de cesser de voter des lois qui, à force de juxtaposition, perdent leur essence même et leur efficacité.

Par ailleurs, vous leur enlevez de plus en plus de pouvoirs, et vous n’avez de cesse de les critiquer, ce qui me semble très grave.

Mme Brigitte Barèges. Et vous, que faites-vous ?

M. Jacques Valax. Vous leur interdisez d’aménager les peines et vous leur imposez ces fameuses peines plancher. De ce fait, ils n’ont plus ce pouvoir d’appréciation qui est le leur.

Quant aux avocats, ils savent que leur pouvoir d’influer sur le pouvoir de décision du juge, qui est lui-même réduit, devient de plus en plus utopique.

Enfin, savez-vous ce que de tels discours signifient au quotidien pour le personnel pénitentiaire ? En enlevant tout espoir au condamné étant donné que sa peine sera inexorablement effectuée, vous déshumanisez l’univers carcéral. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Goujon. Arrêtez ! Vous ne croyez pas vous-même à ce que vous dites !

M. Jacques Valax. Vous ôtez toute possibilité de discussion, d’échange. Voilà la réalité à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés. Bref, vos discours sont dangereux.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Garraud.

M. Jean-Paul Garraud. Je ne peux, bien entendu, pas laisser passer un tel discours excessif et qui ne correspond en rien à la réalité.

M. Philippe Goujon. Très bien !

M. Jean-Paul Garraud. La loi pénitentiaire, dont j’étais le rapporteur, a permis une plus grande individualisation dans le parcours d’exécution des peines, avec notamment des aménagements de peines.

M. Jacques Alain Bénisti. Bien sûr !

M. Jean-Paul Garraud. Le juge de l’application des peines et le tribunal de l’application des peines ont des pouvoirs très importants en ce qui concerne l’adaptation de la sanction. En effet, quand l’individu est reconnu dangereux, ils seront plus sévères que lorsqu’il montre vraiment des gages de réinsertion. Le tableau que vous avez brossé n’est pas du tout celui-là.

Vous critiquez le texte et vous essayez de faire passer cette idée selon laquelle les peines plancher seront des peines automatiques. C’est faux. Le magistrat conserve la plénitude de sa juridiction, de son pouvoir d’appréciation. Il peut toujours « descendre » en dessous du plancher. Il devra seulement motiver sa décision. Or quoi de plus naturel qu’un juge qui motive sa décision ?

Le législateur considère que, pour un certain nombre de faits particulièrement graves qui peuvent se produire sur notre territoire, il doit envoyer un message fort, sévère. Ensuite, il appartient à la justice, au cas par cas, dans son appréciation souveraine, de dire quelle est la peine la plus adaptée à l’auteur de l’infraction. Le juge est totalement libre. Voilà pourquoi je m’inscris totalement en faux par rapport à ce qui a été dit.

(L’amendement n° 330 est adopté.)

(L’article 23 bis, amendé, est adopté.)

Article 23 ter

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 67 et 208, tendant à supprimer l’article 23 ter.

La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir l’amendement n° 67.

M. Roland Muzeau. L’article 23 ter est une nouvelle illustration d’une forme de désespérance que porte la majorité à l’égard de sa propre politique. Vous vous contentez de légiférer à nouveau et d’envoyer un message à nos concitoyens selon lequel vous agissez face à des situations insupportables et intolérables, ce que chacun s’accorde à reconnaître.

Mais que reste-t-il de cette surenchère pour une part largement verbale, et pour une autre législative, dont les résultats sont assez pitoyables et que nous avons été nombreux à dénoncer ? Vous refusez d’établir une corrélation entre ces résultats et la situation économique difficile, désastreuse de notre pays issue de votre politique qui a appauvri des pans entiers de la population et laissé s’installer et se développer des pratiques mafieuses dans nombre de villes et de quartiers, avec ses actes de violence et ses rapports de force entre bandes, ce que chacun dénonce à sa façon. En tout état de cause, c’est bien dans ce contexte que vous nous proposez l’article 23 ter.

Sur cette question, le Sénat a fait un travail raisonnable puisqu’il a tenté d’éviter toute dérive législative. Or, la commission des lois s’exonère de ce travail, considérant qu’il faut faire de l’affichage et montrer à nos concitoyens qu’on bombe le torse, qu’on ne se laissera pas faire. Et l’on rajoute même une nouvelle couche – le rapporteur a parlé de couches successives.

Vous le savez, l’article 23 ter ne réglera rien.

M. Jacques Alain Bénisti. Alors, que proposez-vous ?

Mme la présidente. Monsieur Muzeau, il faut conclure !

M. Roland Muzeau. Nous proposons l’application de la loi actuelle et que l’on affecte aux magistrats, à la justice et aux services de police les moyens qu’ils demandent. Comme Mme la présidente m’a demandé de conclure, je ne pourrai pas développer mes arguments. Mais vous vous doutez bien que nous y reviendrons.

Mme la présidente. Mes chers collègues, j’avais oublié un instant que nous étions dans la procédure du temps législatif programmé. Par conséquent, chaque groupe gère son temps de parole.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l’amendement n° 208.

M. Jean-Jacques Urvoas. Nous avons examiné avec intérêt l’amendement n° 330 du rapporteur. Il n’aura échappé à personne que les agressions sur les personnels dépositaires de l’autorité publique augmentent.

10 908 personnes ont été blessées en mission en 2008, contre 9 758 en 2004, soit une augmentation de 11 %.

Mme Delphine Batho. C’est considérable !

M. Jean-Jacques Urvoas. Le nombre de fonctionnaires qui ont été blessés dans le cadre des violences urbaines – et c’est à eux que nous pensons puisque l’amendement n° 330 découle du fameux discours de Grenoble du Président de la République – a augmenté, dans la même période, de 39 %, ce qui est considérable.

On nous propose un dispositif permettant aux policiers, aux gendarmes et autres fonctionnaires dépositaires de l’autorité publique d’être mieux protégés. Afin de savoir pour combien de personnes nous légiférons, j’ai posé une question écrite au garde des sceaux. Je vous lis sa réponse : « Le nombre d’infractions ayant donné lieu à condamnation pour meurtre d’une personne dépositaire de l’autorité publique était de quatorze en 2004 et 2005, de quatre en 2006, de sept en 2007, de huit en 2008, dernière année statistique disponible. » En réalité, j’ai eu depuis de nouvelles informations, que je vais vous livrer.

En 2007, sept fonctionnaires ont trouvé la mort, dont deux assassinés, dans l’exercice de leurs fonctions. Nous pensons également à Patrice Point, écrasé par une voiture lors d’un cambriolage en 2009, et à Aurélien Dancelme tué par balle, à La Courneuve, en février 2009. En 2010, sur cinq policiers décédés, quatre ont trouvé la mort accidentellement. Je citerai, notamment, celui qui a tenté de sauver un automobiliste ; Christophe Moser qui a dévissé en montagne lors d’un entraînement et un troisième policier qui a été renversé par un automobiliste alors qu’il rentrait chez lui en moto. Un seul est mort au cours d’une opération en 2010 : le brigadier Nérin, à qui l’on a rendu hommage, le 16 mars 2010. Les services n’ont pas encore retrouvé son meurtrier. Un seul meurtre suffirait à ce que nous discutions de ce sujet. Je tiens cependant sérieusement à vous poser une question, monsieur le rapporteur. Pensez-vous, un instant, que le fait de fixer une peine incompressible de trente ans retiendra l’arme de celui qui a décidé de tuer un fonctionnaire de police ? Telle est la question. Il ne s’agit pas, ici, de faire de la publicité sur le dos des fonctionnaires qui défendent la République. Imaginons le cas d’un terroriste de l’ETA qui, lors d’une opération, tire sur les policiers qui tentent de l’attraper. Pensez-vous qu’il lira le code pénal ? Pensez-vous que l’idée qu’il sera condamné à trente ans de réclusion sera de nature à lui faire retenir son fusil ? Aujourd’hui, l’article 221-4 du code pénal prévoit la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une période de sûreté de vingt-deux ans. Même si la période est portée à trente ans, comme vous nous le proposez, rien n’empêchera un jury populaire de ne pas prononcer la réclusion à perpétuité et de condamner à une peine de vingt-cinq ans. Il s’agit donc malheureusement d’une mesure d’affichage inefficace qui ne permettra pas, dans la réalité, et contrairement à ce que vous affirmez, de protéger les personnels. Une personne violente agira, même si elle risque d’être condamnée à vingt-deux ou à trente ans de réclusion. Nous souhaitons, comme vous, mieux protéger les fonctionnaires. Je ne crois toutefois pas que vous proposiez la bonne solution.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. J’émettrai naturellement sur ces deux amendements un avis très négatif.

Je vous le dis sincèrement, je ne comprends pas votre argumentation. S’il y a bien un point, dans ce débat, qui devrait nous réunir et nous permettre de recueillir un très large consensus, c’est cette disposition, laquelle figurait, c’est vrai, et c’était tout à fait essentiel, dans le discours de Grenoble du Président de la République. Le message est extrêmement clair et il n’est nul besoin, comme vous l’avez fait, monsieur Urvoas, de référer à une comptabilité, ce que j’ai quelque difficulté à accepter en la matière,…

M. Jacques Alain Bénisti. C’est une honte !

M. Éric Ciotti, rapporteur. …car cela concerne la vie de dépositaires de l’autorité publique, la vie de policiers. Vous semblez de dire que le peu de cas enregistrés ne justifie pas d’intervenir.

Mme Delphine Batho. Ce n’est pas ce qu’il a dit !

M. Jacques Valax. Vous déformez les propos de M. Urvoas !

M. Éric Ciotti, rapporteur. Vous l’avez dit, monsieur Urvoas, un cas est toujours un cas de trop. Nous avons le devoir d’adresser un message très puissant : le caractère intangible de ce que représentent les dépositaires de l’autorité publique. Nous voulons mieux protéger ces policiers, magistrats, douaniers et agents de l’administration pénitentiaires. On ne peut et on ne doit pas toucher un policier dans notre pays : tel doit être le message extrêmement clair de la société.

Oui, cette mesure est utile. Elle ne s’assimile à aucun effet de communication. Cette peine de sûreté incompressible de trente ans, laissée bien entendu à l’appréciation souveraine des cours d’assises, est essentielle. Je soutiens naturellement avec beaucoup de force, comme l’a fait la commission, cette mesure.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti.

M. Jacques Alain Bénisti. On aura tout entendu dans ce débat. Ce que vous venez de dire, monsieur Urvoas, est tout à fait honteux.

M. Jacques Valax. Vous en faites trop !

M. Jacques Alain Bénisti. Direz-vous, un jour, si vous le rencontrez, au petit enfant d’Aurélie Fouquet, que c’était un cas et que, après calcul, les assassinats ont été peu nombreux ?

M. Jean-Jacques Urvoas. Je n’ai jamais dit cela !

M. Jacques Alain Bénisti. Vous avez dit que cela ne méritait pas véritablement que l’on vote une loi qui serait une loi d’affichage !

M. Jean-Jacques Urvoas. Je n’ai pas dit cela !

M. Jacques Alain Bénisti. Comment peut-on dire, quand on est élu de la République…

M. Jean-Jacques Urvoas. Je n’ai jamais dit cela !

M. Jacques Alain Bénisti. C’est ce que vous avez dit !

M. Jean-Jacques Urvoas. Non, je n’ai pas dit cela ! C’est insupportable ! C’est inqualifiable !

M. Jacques Alain Bénisti. Ce que vous avez dit, croyez-moi, sera mentionné dans le procès-verbal !

M. Jean-Jacques Urvoas. Je n’ai pas dit cela ! Je ne vous laisserai pas me prêter pareil propos !

M. Jacques Alain Bénisti. Vous vous exprimerez après. Je ne vous ai pas interrompu ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Jacques Urvoas. Je ne peux pas vous laisser dire que je méprise ceux qui sont morts au nom de la République ! C’est insupportable !

Mme la présidente. Monsieur Urvoas, je vous donnerai la parole immédiatement après ! Seul M. Bénisti a la parole.

M. Jacques Alain Bénisti. Un certain nombre d’élus ont rendu hommage à Aurélie Fouquet. Tous les policiers municipaux, et également ceux de votre région, monsieur Urvoas, se sont joints à cet hommage. Vous dites, maintenant, que ces assassins odieux doivent être condamnés pour simple assassinat.

M. Jacques Valax. Ce n’est pas ce qu’il a dit ! Vous déformez ses propos ! Vous avez des formules populistes ! C’est scandaleux !

M. Jacques Alain Bénisti. Nous disons – et je pense que certains l’affirment aussi dans votre camp – que ces peines doivent être aggravées. Celui qui a encore l’intention d’envoyer cinquante balles de kalachnikov, comme ce fut le cas pour Aurélie Fouquet, doit au moins savoir que sa vie sera terminée et que l’on fera justement en sorte qu’il reste peut-être plus longtemps en prison grâce à l’allongement de la durée de la période de sûreté.

Il en va de même, d’ailleurs, concernant les atteintes à la vie de mineurs de moins de quinze ans. Ceux qui, après ce vote que je souhaiterais unanime, attenteront à la vie d’un mineur de moins de quinze ans réfléchiront avant de commettre leur acte, sachant que les peines auront été aggravées par ce texte.

Nous devons, les uns et les autres, réfléchir un seul instant. Nous ne devons jamais plus entendre sur les bancs de cette assemblée qu’un tel sujet ne mérite pas vraiment un texte,…

M. Roland Muzeau. Qui a dit cela ?

M. Jacques Alain Bénisti. …considérant, après calcul, le faible nombre de policiers tués !

Mme Delphine Batho. Il n’a pas dit cela !

M. Jacques Alain Bénisti. Aurez-vous le courage de tenir de tels propos à leurs familles ?

M. Jacques Valax. Vous déformez les propos ! Ce que vous faites est honteux, monsieur Bénisti !

M. Jacques Alain Bénisti. Pourrez-vous leur dire, en les regardant dans les yeux, que vous n’avez pas voté cette mesure ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous prendrez vos responsabilités devant la nation !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Nous discutons de l’article 23 ter, lequel précise que : «… lorsque le meurtre a été commis sur un magistrat, un fonctionnaire de la police nationale, un militaire de la gendarmerie, un membre du personnel de l’administration pénitentiaire… ». C’est sur cette base que j’ai travaillé. Parce que je crois être un législateur consciencieux, j’ai pris connaissance des dispositions de la loi – de celles du code pénal, en l’occurrence – qu’il a été proposé de modifier. Je vous renvoie à vos propres excès, monsieur Bénisti, parce que je ne suis pas certain de garder mon calme pour vous répondre.

J’ai représenté le parti socialiste aux obsèques du brigadier Nérin. Je suis allé saluer sa famille en tant que secrétaire national du parti socialiste, chargé de la sécurité. Dès qu’il y a atteinte aux personnels en charge de l’autorité publique, le parti socialiste est aux côtés des fonctionnaires d’État : forces de police et de gendarmerie, magistrats et personnels de l’administration pénitentiaire. Je crois avoir dit qu’un seul cas justifierait que nous débattions pour savoir si les textes proposés sont de nature à mieux protéger les personnels. J’ai cité le code pénal. J’ai expliqué pourquoi l’aggravation de la peine ne permettrait pas, à mon sens, de mieux protéger ces personnes. Nous avons souvent discuté de ce problème avec Éric Ciotti et nous sommes d’accord sur l’intention, même si nous différons sur les moyens. Il ne s’agit pas, pour autant, de sombrer dans ce que j’ai pris pour une insulte. Croyez, monsieur Bénisti, que j’en suis blessé parce que je suis, ici, un représentant de la République, que j’ai énormément de respect pour ceux qui défendent la République et que, dans mon action, je fais en sorte d’être digne du mandat que l’on m’a confié !

Mme Delphine Batho. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Garraud.

M. Jean-Paul Garraud. Comprenez une chose, monsieur Uvoas : la façon dont vous vous êtes exprimé et le calcul auquel vous vous êtes livré ont pu choquer. C’était pour le moins maladroit. J’entends bien ce que vous venez de dire. Nous sommes tous soucieux de protéger les personnes dépositaires de l’autorité publique. Or, à vous entendre, on pouvait penser que seuls les chiffres étaient considérés, alors que, et nous le savons, l’enjeu est de véritablement protéger ces personnes dépositaires de l’autorité publique. Comme vous l’avez précisé, ne sont pas seuls concernés les policiers et les gendarmes, mais nombre d’autres personnels, tels que les magistrats.

Pour nous, le criminel qui commet, par définition, des faits particulièrement graves et, qui plus est, à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique, dont nous savons que l’autorité est de plus en plus contestée et que parfois même des crimes sont commis au motif qu’elle est justement dépositaire de l’autorité publique, doit voir sa peine assortie d’une période de sûreté incompressible. Le jury souverain en décidera. Nous souhaitons simplement, pour notre part, étendre cette période de sûreté de vingt-deux à trente ans, ce qui ne signifie pas forcément qu’elle sera identique, quels que soient les faits.

Il est vrai que les personnes dépositaires de l’autorité publique méritent notre considération. Nous voulons tous les protéger. Pourquoi refusez-vous l’extension de la période de sûreté, simple possibilité soumise à l’appréciation du jury populaire, émanation du peuple souverain ? Je ne comprends pas votre raisonnement.

Enfin, l’exemplarité, l’effet dissuasif, cela existe ! Certes, un criminel ne consultera pas le code pénal avant d’agir ! Mais votre affirmation est très sommaire. Vous êtes assez fin juriste pas pour ne pas vous limiter à cela ! Vous savez parfaitement que l’exemplarité compte, surtout concernant les crimes prémédités et les délinquants « d’habitude », qui connaissent bien le code pénal.

Pour cette raison et parce que nous devons cette protection aux personnes dépositaires de l’autorité publique, cette disposition doit absolument être votée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Je tiens d’abord à dire à nos collègues que la commission des lois du Sénat, tout comme l’opposition, a soulevé le problème posé par l’article 23 ter. Les injures que nous avons entendues tout à l’heure sont tout à fait inacceptables et insupportables ! Il n’y a pas, dans cet hémicycle, ceux qui seraient contre les assassins de policiers et les autres ! Nous sommes tous contre de tels assassins ! Si vous aviez suivi les débats des sénateurs sur cet article 23 ter, vous n’auriez pas pu tenir de tels propos !

Il y a une augmentation considérable des atteintes aux dépositaires de l’autorité publique, ce qui est insupportable, et, d’un certain point de vue, ce que traduit votre article, c’est que vous êtes dans le renoncement. Vous êtes impuissants, incapables de protéger les policiers, et la seule solution que vous proposez, ce sont des mesures d’affichage, des mesures symboliques. Le nombre d’atteintes contre les policiers et les gendarmes augmente, et la seule réponse que vous apportez, c’est un durcissement des sanctions, ce qui, nous l’avons souligné tout à l’heure, se révèle totalement inefficace.

M. Jean-Pierre Schosteck. Vous n’en apportez aucune.

Mme Delphine Batho. Monsieur Garraud, je ne peux pas vous laisser dire que cela a un effet dissuasif. Si cela en avait un, nous serons les premiers à nous en réjouir, mais cela ne marche pas. La loi relative aux assassins de policiers a déjà été modifiée par vous en 2007. Les sanctions ont été durcies, vous avez créé une infraction spécifique, introduit la réclusion criminelle à perpétuité, augmenté le quantum des peines, créé une infraction d’embuscade et un délit de guet-apens. Cela n’a rien changé.

M. Jean-Paul Garraud. Qu’est-ce que vous en savez ?

Mme Delphine Batho. Il y a une mode aujourd’hui dans ce pays, c’est que l’on cherche à se faire un flic.

M. Jean-Paul Garraud. Que proposez-vous ?

Mme Delphine Batho. Il y a quarante-huit heures encore, à Aulnay-sous-Bois, on a tiré à la kalachnikov sur des policiers. C’est insupportable. Au regard de votre bilan, vous n’avez donc pas de leçons à nous donner.

M. Jean-Paul Garraud. Que proposez-vous ?

Mme Delphine Batho. Revenant à un ton plus modéré, je voudrais poser une question très précise : que vaut la parole du Gouvernement ? Le Gouvernement avait déposé un amendement au Sénat. Nos collègues sénateurs ont soulevé un certain nombre d’arguments et la commission des lois a présenté un sous-amendement, que M. Ciotti a supprimé. Le problème, c’est que le Gouvernement avait déclaré avoir entendu avec beaucoup d’intérêt les explications parfaitement claires de Jean-Jacques Hyest, montrant que l’article 23 ter devait être limité aux crimes commis en bande organisée et avec guet-apens, et qu’il avait émis un avis favorable à ce sous-amendement. A-t-il la même position ?

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Je voudrais d’abord m’associer à l’émotion de Jean-Jacques Urvoas, car il n’est pas digne de dénaturer ses propos.

Je constate à l’occasion de ce débat que nous ne parlons pas de la même chose. Comme l’a souligné Delphine Batho, il y a dans un certain nombre de territoires de notre République des individus qui veulent quotidiennement tuer des policiers. Ils l’annoncent, et ils tentent régulièrement de le faire. Nous dénonçons bien entendu ces crimes odieux perpétrés par certains, mais nous alertons la République, l’État, le Gouvernement depuis des mois en disant que nous allons à la catastrophe.

Vous nous expliquez, monsieur Garraud, qu’un certain nombre de délinquants ou, plutôt, de grands voyous, car nous sommes dans le cadre du grand banditisme dans la plupart des cas, connaissent bien le code pénal, mais ce n’est plus vrai.

Mme Delphine Batho. De toute façon, cela ne leur fait pas peur !

M. François Pupponi. Je peux vous dire, pour voir un peu comment cela se passe dans certains quartiers, qu’un certain nombre de jeunes totalement déstructurés ne connaissent pas le code pénal, ne savent pas ce que cela veut dire. Par contre, ils n’ont plus aucune notion de ce qu’est la vie de l’autre, et ils n’ont même jamais su ce que c’était.

Je suis le député de la circonscription de Villiers-le-Bel. Le lendemain de l’accident qui a causé la mort de deux jeunes adolescents, il y a eu quatre-vingts policiers blessés par arme à feu, dont un qui a pris une balle de brenneke dans l’épaule. Un certain nombre de jeunes de ce quartier avaient décidé de venger le sang par le sang, et ils ont essayé à maintes reprises ce soir-là de tuer des policiers.

Je me suis fait expliquer par des policiers l’événement d’avant-hier à Aulnay-sous-Bois. Les policiers ne doivent leur survie qu’au seul fait que, lorsque ceux qui étaient sur le scooter ont tiré à la kalachnikov, ils passaient sur un dos-d’âne. Le fusil-mitrailleur a été soulevé et les coups ne sont pas arrivés là où ils l’avaient prévu. Ils sortaient d’une banque qu’ils venaient de cambrioler, ils ont vu des policiers et ils ont tiré volontairement pour les tuer. C’est ça la réalité des phénomènes de grand banditisme et de délinquance qui se développent.

Le Président de la République, la plus haute autorité de notre République, a expliqué à Grenoble, comme c’est le cas depuis huit ans, que jamais il n’accepterait cela, qu’il allait durcir la loi et faire en sorte de protéger les policiers. Pensez-vous que les délinquants dont je parle, lorsqu’ils entendent le Président de la République l’annoncer haut et fort, repris par tous les médias, vont vérifier le lendemain si la loi a été votée ? Ils pensent qu’elle est déjà appliquée.

M. Jean-Paul Garraud. Ce n’est pas le problème, vous le savez.

M. François Pupponi. Entendez-nous peut-être. Quand M. Sarkozy dit que celui qui tire sur un policier sera lourdement sanctionné, un certain nombre de nos concitoyens croient que c’est immédiatement le cas car ils ne connaissent bien entendu pas le processus législatif. Depuis les déclarations de Grenoble, comme depuis huit ans, des policiers se font quotidiennement tirer dessus. Il y a au contraire une espèce de surenchère horrible, atroce.

M. Jean-Pierre Schosteck. Il faut laisser les choses aller alors ? (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. François Pupponi. Qui vous a dit qu’il fallait laisser les choses aller ? Votre réaction est insupportable. Nous essayons de vous expliquer que ce que vous proposez ne réglera pas le problème…

M. Jacques Alain Bénisti. Que proposez-vous ?

M. François Pupponi. J’y viens justement, mais est-il possible d’entendre que le constat que nous faisons est peut-être le bon, que, peut-être, sur ce sujet, la majorité n’a pas la science infuse et que l’opposition peut dire des choses qui correspondent à la réalité ? Le sujet est grave, en effet.

J’entends ce que vous dites, monsieur Bénisti. Le fait que nous adoptions cet article va peut-être permettre aux familles des policiers tués de considérer que, si cela devait arriver à nouveau demain, les auteurs de tels actes resteraient plus longtemps en prison.

M. Jean-Pierre Schosteck. C’est déjà ça !

M. François Pupponi. Dans un contexte difficile, cela peut permettre à ces familles de faire plus facilement leur deuil, c’est important et il ne faut pas le sous-estimer. Si cela doit servir à cela, il faut le faire, mais nous avons le droit de vous dire que cela n’empêchera pas que de nouveaux drames arrivent demain.

M. Jean-Pierre Schosteck. Évidemment !

M. François Pupponi. Comment devons-nous faire collectivement pour que de tels drames n’arrivent plus ? Comment devons-nous faire pour que, en 2010, en France, on n’essaie plus quotidiennement de tuer des policiers dans un certain nombre de territoires, car c’est ça la réalité ?

Quand vous en parlez aux policiers, ils vous le disent. Ceux qui font partie des BAC le soir vont travailler la peur au ventre. Au-delà du problème qu’on ne pouvait accepter que des policiers soutiennent d’autres policiers qui avaient fait de faux témoignages, la manifestation de Bobigny était aussi l’expression du drame, du malaise, de la peur des policiers qui travaillent dans ces quartiers.

Dès lors que l’on sait que ce texte n’évitera malheureusement pas les drames, nous devons ensemble imaginer de vraies solutions.

M. Jean-Paul Garraud. Allez-y !

M. Roland Muzeau. Démissionnez, nous prendrons votre place. Cela fait huit ans que vous êtes là !

M. François Pupponi. Ce n’est pas seulement un texte pénal qui réglera le problème, nous devons avoir une politique plus globale, mettre en œuvre une chaîne pénale plus forte, faire en sorte d’impliquer plus que nous ne le faisons aujourd’hui les magistrats du siège pour trouver des solutions permettant d’éradiquer la délinquance dans ces territoires, empêcher l’économie souterraine de gangrener ces territoires et la grande délinquance de demain de s’y créer.

M. Jean-Paul Garraud. Tout à fait !

M. François Pupponi. C’est cela qu’ensemble nous devons faire si nous voulons efficacement protéger les policiers qui réalisent un travail exemplaire dans ces quartiers et ailleurs. C’est ce que nous vous disons, avec beaucoup de solennité.

Oui, vous allez donner le sentiment à un certain nombre de nos concitoyens que nous avons enfin trouvé la solution, vous allez faire passer des messages aux familles de ces policiers, qui auront le sentiment que nous aurons pris en compte leur souffrance et leur détresse, mais vous n’aurez pas réglé le problème et, une fois que nous aurons voté ce texte, demain, après-demain, dans trois jours, quatre jours, six mois, un an, des policiers seront de nouveau des victimes, car cela n’arrêtera pas les délinquants.

M. Jean-Paul Garraud. C’est une première pierre que l’on ajoute !

M. François Pupponi. La vraie question que nous vous posons, c’est comment nous pouvons faire collectivement pour que les policiers, les gendarmes, les détenteurs de la force publique dans notre pays ne soient plus les victimes de délinquants qui ont décidé de tuer des policiers et des gendarmes car, quelque part, ils ont décidé de s’attaquer à la République.

Mme Delphine Batho. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Raimbourg.

M. Dominique Raimbourg. Je m’associe à tous les propos qui ont été tenus et je veux dire deux choses très simples.

La première, c’est que Jean-Jacques Urvoas n’a pas dépassé les limites, il s’est contenté de faire son travail de législateur en essayant de comprendre.

La seconde : je comprends tout à fait que l’on ait besoin d’une loi symbole permettant à ceux qui ont été en contact direct avec des événements dramatiques, comme vous, monsieur Bénisti, de se retourner vers les familles en leur expliquant symboliquement que nous avons pris une mesure, mais nous ne dépassons pas par la loi le stade du symbole.

Vous nous demandez quelles solutions nous proposons, et nous allons être un peu en désaccord. Nous devons analyser dans le détail ce qui s’est passé à Grenoble, qui est particulièrement grave. C’est l’une des premières fois où l’on a vu une population se solidariser non pas derrière la famille d’adolescents ayant trouvé la mort dans des conditions dramatiques mais à la suite de la mort d’un délinquant déjà condamné deux fois aux assises. Parmi cette population, il y avait certainement des trafiquants de stupéfiants dont le commerce a été dérangé mais aussi peut-être, et c’est ce qui est le plus grave, des honnêtes gens qui défendent une espèce de territoire. C’est à de telles réactions sur des territoires qu’il faut répondre.

Nos solutions vous les connaissez, et nous allons être en désaccord. Nous devons réfléchir aux trafics de stupéfiants. Il faut les démanteler mais il faut en même temps trouver du travail à tous les smicards du deal qui n’ont pas grand-chose. Je vais vous proposer des emplois-jeunes, vous allez me répondre que nous avons déjà essayé cent fois et que ce n’est pas une bonne solution. Je vais vous suggérer que nous partagions un peu le travail, et les 35 heures n’étaient pas une si mauvaise idée, mais nous allons à nouveau être en désaccord. Bref, il faut un plan d’ensemble.

S’il s’agit d’une mesure symbolique en direction de la police et de la population pour affirmer qu’il est absolument impossible de s’en prendre aux forces de l’ordre parce qu’elles incarnent la société, elles incarnent un ordre favorable à tous, nous sommes d’accord, mais à condition que ce soit prolongé par un plan d’ensemble adapté aux phénomènes que nous voulons combattre, et ce plan d’ensemble, nous ne l’avons pas.

Loin de nous l’idée de faire injure à ceux qui sont tombés, au contraire. Loin de nous l’idée de faire de la peine inutile. Nous faisons simplement une critique rationnelle sur un sujet hautement émotionnel, avec toute la difficulté que cela représente.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti.

M. Jacques Alain Bénisti. Nous préférons évidemment les dernières déclarations à la première que nous a faite M. Urvoas, même s’il est revenu un peu sur ce qu’il a dit.

Mme Delphine Batho. Pas du tout !

M. Jacques Alain Bénisti. Monsieur Pupponi, nous ne demandons qu’à nous asseoir ensemble, notamment les députés maires, qui connaissent la situation, et vous avez dépeint d’ailleurs très justement ce qui se passe dans nos villes, dans nos cités, tous les jours.

Cette mesure, sur laquelle nous espérons avoir l’unanimité, c’est une mesure parmi d’autres, je suis d’accord avec vous. Quand vous dites que les jeunes ne savent plus ce qu’est le droit, qu’ils n’ont plus de repères, nous sommes entièrement d’accord. Ces mesures beaucoup plus répressives à l’égard de ceux qui sont considérés comme des monstres ne suffisent pas, nous en sommes tous d’accord.

Une vraie politique de prévention pour éviter que des individus ne deviennent à un moment donné de leur vie des monstres, cela mérite un grand débat. Nous vous avons souvent demandé ce que vous proposiez.

M. Raimbourg me dit qu’il faut éradiquer les trafics de stupéfiants, trouver du travail aux jeunes... Ce n’est pas les réponses que nous attendons !

Je présenterai dans quelques jours soixante et une propositions de prévention de la délinquance qui sont totalement adaptées à la réalité du terrain. J’espère qu’un certain nombre d’entre vous, M. Pupponi, M. Muzeau et d’autres, viendront éventuellement les approuver, car ce sont des propositions visant à éradiquer l’extension de la violence.

Mme la présidente. Je vais donner la parole à M. Pupponi, avant de clore cette discussion en demandant l’avis de Mme la ministre.

La parole est à M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Mes chers collègues, ce que nous essayons de vous faire comprendre, c’est que, si nous votons le texte en l’état, nous savons très bien que, dès ce soir, les médias expliqueront que l’Assemblée nationale a voté des peines aggravées pour ceux qui s’attaquent aux forces de l’ordre.

Mme Brigitte Barèges. Et c’est très bien !

M. François Pupponi. Le message passera dans la population, par une campagne médiatique dont nous ne doutons pas qu’elle sera bien orchestrée. Mais si, dans les jours ou les semaines qui viennent – nous ne pouvons pas le souhaiter mais nous savons que cela risque malheureusement d’arriver –, des policiers, des gendarmes sont encore une fois victimes de graves agressions, nous aurons donné, collectivement, le sentiment d’une espèce d’impuissance. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Delphine Batho. Exactement !

Mme Brigitte Barèges. Il ne faudrait pas de loi, alors ?

M. François Pupponi. Nous aurons donné à penser que la République n’est pas capable de s’attaquer efficacement à ces délinquants. Je peux vous dire que, dans un certain nombre de territoires, le fait que le Président de la République l’affirme haut et fort à la télé, que les parlementaires légifèrent, que les médias communiquent, et que cela ne change rien, donne le sentiment aux caïds qu’ils sont plus forts que la République.

Mme Delphine Batho. Exactement !

M. François Pupponi. Attention au message que vous faites passer ! En voulant rassurer certains, vous en renforcez d’autres. Ce que nous vous proposons,…

Mme Brigitte Barèges. Ne rien faire !

M. François Pupponi. …ce n’est pas forcément de changer la loi, qui est suffisamment forte pour être efficace. Nous vous demandons de mettre en œuvre des politiques qui s’attaquent efficacement à cette délinquance. Plutôt que de discours, nous avons besoin d’actes ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Delphine Batho. Très bien !

M. Roland Muzeau. Vous allez terminer comme Robert Ménard !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les deux amendements de suppression ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. L’article traite de faits particulièrement graves. Comme le rapporteur l’a rappelé, le message de la République doit être clair et précis, et j’estime que, sur un article aussi important, nous aurions pu obtenir l’unanimité de la représentation nationale. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

(Les amendements identiques nos 67 et 208 ne sont pas adoptés.)

(L’article 23 ter est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue pour dix minutes.

(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à douze heures quinze.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 23 quater

(L’article 23 quater est adopté.)

Article 23 quinquies

Mme la présidente. À l’article 23 quinquies, la parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir l’amendement n° 68.

M. Roland Muzeau. Il est défendu.

(L’amendement n° 68, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 23 quinquies est adopté.)

Article 23 sexies

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 69 et 210, tendant à supprimer l’article 23 sexies.

La parole est à M. Roland Muzeau, pour défendre l’amendement n° 69.

M. Roland Muzeau. Cet article est relatif à la question des mineurs et aux procédures judiciaires qui les concernent. Mais nous entendons rappeler à l’ensemble de la représentation nationale combien apparaissent inextricables les difficultés quand on discute avec celles et ceux qui sont en charge de mettre en oeuvre ces procédures et de tenter de trouver les voies et moyens pour sanctionner ces mineurs, mais aussi pour les empêcher de récidiver. Car il faut le pendant de la sanction, à savoir les efforts nécessaires pour éviter la récidive. J’en ai discuté il y a seulement quelques jours avec des personnels chargés de la protection des mineurs, et ils me rappelaient combien ils étaient dans des situations épouvantables : la notion de sous-effectif n’a même plus de sens ; il y a un manque de personnel affecté à ces tâches, notamment à la PJJ, qui est terrifiant quand on connaît l’état de la situation. Il n’y a donc aucune possibilité de mener un travail sérieux pour empêcher la récidive.

Je connais, dans ma circonscription, une multitude d’exemples de familles qui ont de jeunes délinquants et qui sont dans l’incapacité d’obtenir des contacts avec la PJJ, qui est complètement démunie, ni avec les autorités judiciaires. Entre le prononcé de la sanction et finalement les premiers contacts, il se passe des mois, quelquefois une année, avant une rencontre avec une personne dépositaire de l’autorité judiciaire. C’est une véritable catastrophe.

La question des moyens consacrés au problème des délinquants mineurs demeure entièrement posée, et le vote de cet article ne réglera strictement rien. C’est pourquoi nous en proposons la suppression. Il faudrait pour le moins que tous les moyens qui ont disparu dans ce domaine, dans les départements, soient réaffectés aux autorités judiciaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour défendre l’amendement n° 210.

M. Jean-Jacques Urvoas. L’article 23 sexies prévoit de recourir à une procédure de convocation par officier de police judiciaire à l’encontre d’un mineur, ce qui est pour le moment interdit. Quand ce sujet est venu devant la commission des lois au Sénat, en septembre 2010, le rapporteur, Jean-Patrick Courtois, avait signalé qu’il y avait un risque de censure constitutionnelle et qu’en plus l’extension de la procédure aux mineurs marginaliserait l’information judiciaire et bouleverserait l’ordonnance de 1945. Un tel bouleversement, selon son point de vue, qui me semble fondé, ne pourrait être envisagé que dans le cadre de la refonte globale du droit pénal applicable aux mineurs – sujet sur lequel travaille d’ailleurs la chancellerie. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement, entendant ces arguments, avait dû transiger et accepter de restreindre le champ de la disposition au cas où le mineur a déjà été jugé pour des faits similaires au cours des six mois précédents.

Nous nous étonnons donc que la commission propose de revenir au texte initial que le Sénat avait refusé. Si l’acte d’un délinquant mineur nécessite une promptitude de la réponse pénale, il implique aussi des garanties particulières de procédure. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons de supprimer cet article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. Avis défavorable. C’est un des points essentiels du projet de loi : il s’agit de proposer une réponse précise, concrète, pragmatique à la délinquance des mineurs. Monsieur Pupponi, votre intervention de tout à l’heure a démontré que vous êtes dans le concret, et vous ne pourrez qu’approuver cette disposition. On sait en effet que la violence des mineurs est un sujet de préoccupation. On ne l’ignore pas, on ne dit pas que tout va bien, on sait bien que si la délinquance a reculé, des points d’inquiétude persistent : la délinquance des mineurs a triplé en trente ans. Il y a plus de 300 000 mineurs mis en cause aujourd’hui alors qu’il y en avait 80 000 au début des années 80. Il faut donc des réponses très précises et très adaptées. Le Président de la République a abordé cette question dans son discours de Grenoble, et nous proposons ce dispositif.

La commission a souhaité amender cet article, monsieur Urvoas, mais je vous précise que le président Warsmann a fait adopter un amendement qui définit très précisément le champ de la nouvelle procédure de convocation du mineur. D’une part, le procureur de la République aura la possibilité d’utiliser la procédure de COPJ – la convocation par officier de police judiciaire –, ce qui va permettre de juger plus rapidement un mineur délinquant – nous en revenons à notre débat sur la rapidité et l’effectivité de la sanction –, mais, d’autre part, cette convocation sera encadrée par deux points : la COPJ sera possible s’il n’est plus besoin de procéder à de nouvelles investigations sur les faits et si la justice dispose d’informations sur la personnalité du mineur datant de moins d’un an. Ces critères sont ceux retenus pour la procédure de présentation immédiate devant la juridiction des mineurs introduite par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Monsieur le rapporteur, vous l’avez dit vous-même dans une interview que je viens de lire : en matière de délinquance des mineurs, le plus gros problème aujourd’hui n’est pas celui auquel cet article fait mine de répondre. En effet, le taux de réponse pénale des parquets a considérablement augmenté au cours des dernières années, il se situe actuellement autour de 90 %. Un rapport que j’ai co-signé avec Mme Tabarot en atteste. Mais le problème majeur, c’est le contenu de la réponse pénale en matière d’alternative aux poursuites : il s’agit à 70 % de simples rappels à la loi, ce qui, pour des mineurs qui commencent à être relativement endurcis dans la délinquance, s’avère tout à fait insuffisant. La mesure proposée par le Gouvernement, inspirée par le discours de Grenoble du Président de la République, est donc l’exemple même d’une mesure d’affichage qui n’améliorerait en rien l’efficacité de la lutte contre la délinquance des mineurs.

(Les amendements identiques nos 69 et 210 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 91.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Éric Ciotti, rapporteur. C’est un amendement de coordination.

(L’amendement n° 91, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 23 sexies, amendé, est adopté.)

Article 23 septies

(L’article 23 septies est adopté.)

Article 24 bis

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Morenvillier, inscrit sur l’article 24 bis.

M. Philippe Morenvillier. La part des mineurs dans les phénomènes de délinquance augmente : violences contre les personnes provenant de garçons ou de filles de plus en plus jeunes, dégradations des biens. Les récentes assises consacrées à la délinquance juvénile ont mis en exergue quelques chiffres : au cours des six premiers mois de l’année 2010, le nombre de mineurs mis en cause dans des actes de délinquance a atteint 128 000, une donnée en forte augmentation par rapport aux deux années précédentes ; en vingt ans, le nombre de mineurs mis en cause a augmenté de 118 %, sans compter les actes qualifiés d’incivilités.

Les dispositifs de prévention, de répression et d’éducation existent. Dans les familles, dans les écoles et sur la voie publique, les acteurs de terrain s’investissent et font du bon travail. Il ne s’agit pas ici d’isoler la délinquance des mineurs de tout contexte social, politique et territorial, mais notre responsabilité politique envers nos enfants passe par le soutien indispensable à la parentalité, par la restauration de la citoyenneté, par la reconquête de l’espace publique. Il reste des pistes à explorer pour continuer à assumer notre responsabilité : diffuser et développer les bonnes pratiques, favoriser la coordination entre les acteurs – magistrats, préfet, policiers, enseignants, éducateurs, maires et parents – mais aussi entre les différents niveaux territoriaux, y compris en rendant cohérents les outils de prévention quand il s’agit de mineurs de moins de treize ans. La responsabilité d’instaurer un couvre-feu doit être élargie aux préfets, au vu de leur responsabilité en la matière. De plus, des mesures complémentaires aux prérogatives des maires sont nécessaires – tous mes collègues maires y seront favorables – pour que chaque autorité administrative détentrice du pouvoir de police puisse agir pour protéger nos enfants collectivement et individuellement de façon concertée.

Mme Brigitte Barèges. Tout à fait !

M. Philippe Morenvillier. Il s’agit de briser la spirale des incivilités, de prévenir le premier passage à l’acte, de faire obstacle à la délinquance, mais surtout de protéger nos enfants !

 Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 106 et 211, tendant à supprimer l’article 24 bis.

La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir l’amendement n° 106.

M. Roland Muzeau. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement n° 211.

M. François Pupponi. Nous allons à nouveau essayer de vous convaincre, mes chers collègues, que ce n’est pas en multipliant les textes de loi que l’on réglera la délinquance des mineurs. Certes, c’est un problème important – vous l’avez tous dit et on l’a tous constaté – mais nous, nous considérons que l’arsenal juridique est suffisant. Aujourd’hui, un policier qui constate qu’un enfant de moins de treize ans est dans la rue la nuit a tout à fait la possibilité juridique de le ramener chez lui, d’engager une procédure, en particulier de saisir l’aide sociale à l’enfance car on peut considérer qu’un enfant de cet âge est en danger. Les textes relatifs à l’enfance en danger permettent de saisir le procureur, qui peut éventuellement agir sur les familles parce que si un mineur de cet âge est dans la rue tard dans la nuit, les parents ont peut-être une part de responsabilité.

Les textes existent donc déjà. On peut les mettre en œuvre. La vraie question que nous devrions nous poser est la suivante : pourquoi ne les mettons-nous pas en œuvre ? Ce n’est pas en ajoutant un texte à ceux qui ne sont pas appliqués qu’on réglera le problème. Le Gouvernement nous propose pourtant un nouveau texte qui sera, nous le savons, inapplicable, car les policiers ne passeront pas plus de temps à courir après les jeunes mineurs dans la rue la nuit : ils ont autre chose à faire. Dans un certain nombre de commissariats, ils sont si peu nombreux qu’il vaut mieux qu’ils s’occupent de la vraie délinquance que de jeunes mineurs en déshérence nocturne.

Plutôt que d’ajouter des textes aux textes, ne serait-il pas possible d’appliquer enfin deux qui existent, en déployant les moyens humains nécessaires ? Une fois le gamin attrapé le soir dans la rue, il faudra bien prendre en compte les problématiques sociales que les policiers et les acteurs sociaux vont découvrir : la situation de famille et la suroccupation des logements.

À cet égard, je peux vous proposer de visiter certains territoires. Actuellement, à quinze kilomètres de Paris, trois familles vivent dans un F3, alors que chacune d’elles compte plusieurs enfants. Il est habituel que vingt ou trente personnes cohabitent dans un F3.

Il ne faut pas s’étonner que certains enfants fuient ces situations de détresse familiale et se retrouvent seuls dans la rue. Une fois ce constat établi, une fois que le policier qui a frappé à la porte aura découvert que des marchands de sommeil louent des appartements insalubres aux parents de ces enfants, que faisons-nous ? Qui prend en charge toutes ces problématiques ?

Le texte n’en dit rien. On ramène l’enfant aux parents et ensuite ? Les parents sont-ils en situation de réagir ? Ont-ils les moyens financiers ? Sont-ils dans des situations sociales qui leur permettent de faire face à la détresse de leurs enfants et à leur propre détresse ?

Toute cette problématique n’étant pas prise en compte, nous considérons qu’il serait absurde de compléter l’arsenal juridique, qui est largement suffisant. Encore une fois, ce dispositif, comme le précédent, ne réglera pas le problème.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Barèges.

Mme Brigitte Barèges. L’opposition a indiqué à plusieurs reprises qu’il n’y avait pas de vrai plan, pas de stratégie. Désolée de vous contredire, tous ces dispositifs existaient déjà dans la loi du 5 mars 2007 concernant la prévention de la délinquance.

Cette boîte à outils dont parlait le rapporteur est à la disposition des élus locaux, des maires. Nous avons le regret d’observer, comme je disais lors de la discussion générale, que seulement des élus de droite – à Nice, à Montauban, à Orléans, à Villiers-sur-Marne et dans d’autres villes – ont utilisé ces mesures qui portent leurs fruits.

Dans ma ville de Montauban, entre 2001 et 2008, nous avons pu faire baisser la délinquance de 70 %. Comment ? Dans le cadre de la prévention de la délinquance, nous avons créé le conseil des droits et devoirs des familles.

M. Bernard Reynès. Très bien !

Mme Brigitte Barèges. J’applique un couvre-feu pour les mineurs, ce qui permet à la police municipale, quand elle trouve des enfants dans la rue à des heures indues, non seulement de les raccompagner chez leurs parents, mais aussi de les faire convoquer ensuite au conseil des droits et devoirs des familles.

À partir de là, nous mettons en place tout un accompagnement de ces familles, qui sont, j’en conviens, en grande difficulté.

Nous menons aussi une politique de lutte contre les marchands de sommeil que vous dénoncez à juste titre. Un maire a des pouvoirs – et ils ont été accrus grâce à la loi de 2007 –…

Mme Delphine Batho. Pour quoi faire ?

Mme Brigitte Barèges. …dans tous les domaines, et c’est vrai qu’il faut tout traiter à la fois : l’éducation, la parentalité, l’urbanisme, la densité, les logements indignes.

Néanmoins, il faut vouloir se saisir de tous ces outils. C’est le but de cette loi : rendre obligatoires des dispositifs qui étaient jusqu’alors facultatifs. Nous ne pouvons que déplorer que la plupart des mairies socialistes – comme pour la vidéoprotection ou le service d’accueil des enfants dans les écoles les jours de grève – aient refusé de s’emparer de ces outils par pure idéologie, par pur dogmatisme. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Voilà pourquoi cette loi impose des obligations. Je remercie le rapporteur de nous avoir suivis pour rendre obligatoire dans les communes de plus de 10 000 habitants une partie de ces dispositifs : le contrat local de sécurité mais aussi le conseil des droits et devoirs des familles.

Oui, c’est une vraie guerre qu’il faut mener sur tous les fronts à la fois, la prévention et la répression. Encore faut-il le vouloir. J’ai le regret de constater qu’encore aujourd’hui vous n’êtes pas dans cette disposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Qui est dans le dogmatisme sur ce sujet ? Je n’ai pas le sentiment que ce soit l’opposition.

Certains d’entre nous, de droite comme de gauche, ont utilisé tous ces dispositifs depuis plusieurs années, pour ne pas dire des décennies, et bien avant qu’ils ne soient prévus par la loi.

Mme Brigitte Barèges. Bravo ! C’est bien !

M. François Pupponi. Madame, vous pouvez nous faire confiance une fois, et nous écouter. Je parle en particulier au nom de Xavier Lemoine, de Claude Dilain et d’élus de banlieue qui, depuis des années, utilisent ces dispositifs.

La loi de 2007 généralisait des dispositifs expérimentaux que nous avions essayés et qui avaient permis quelques avancées. À l’époque, nous avions pensé qu’il valait mieux le généraliser.

Mme Brigitte Barèges. C’est vrai !

M. François Pupponi. Au bout de dix ans de pratique…

Mme Brigitte Barèges. Trois ans !

M. François Pupponi. …nous avons une certaine expérience, entendez-le ! Une fois dressé le constat de situations personnelles difficiles, les moyens de prise en charge manquent.

Vous pouvez rendre obligatoires tous les contrats possibles, signer toutes les conventions imaginables, une fois que nous aurons constaté la situation de certains enfants, nous n’aurons pas les moyens financiers et humains de la régler.

Madame Barèges, vous pouvez lever les bras au ciel ! Un jour, je vais proposer à certains députés de visiter quelques quartiers de banlieue.

Mme Brigitte Barèges. J’ai une banlieue, moi aussi !

Mme Sophie Primas. Nous en avons aussi !

M. François Pupponi. Oui, vous en avez, mais je vais prendre un exemple très précis.

Nous avons fait un plan de réussite éducative, dispositif créé par le Gouvernement précédent à la demande de M. Borloo.

Mme Brigitte Barèges. Comme le plan de cohésion sociale, les CUCS !

M. François Pupponi. Dans ce cadre, si nous constatons qu’un enfant est en grande difficulté, nous allons rencontrer les parents. Si nous constatons alors que les parents vivent dans un taudis, une cave ou un garage, et que les procédures n’aboutissent pas, que le préfet ne parvient pas à mettre en œuvre certains dispositifs, nous constatons donc bien que la loi existante est inapplicable.

En rajouter ne résoudra pas le problème. C’est ce que nous essayons de vous faire comprendre.

Autre exemple : dans le secteur dont j’ai la charge en tant que député, 500 enfants sont signalés par l’éducation nationale comme ayant de petits troubles de comportement qui nécessiteraient une prise en charge pédopsychiatrique. Quelque 250 familles entendent le message de l’éducation nationale et acceptent de prendre rendez-vous dans le secteur pédopsychiatrique.

Mme Delphine Batho. Combien de temps d’attente ?

M. François Pupponi. Ce secteur compte un pédopsychiatre ; il faut attendre deux ans pour avoir un rendez-vous !

Mme Delphine Batho. Voilà la réalité !

M. François Pupponi. Quelque 500 enfants sont signalés, conformément aux textes en vigueur, mais personne ne les prend en charge faute de moyens. Comment voulez-vous qu’un enfant qui présente des troubles de comportement parfois graves, qui n’est pas suivi par des professionnels de la santé, puisse voir son cas s’arranger ?

Nous demandons des moyens. Dans des secteurs comme ceux-là, il faudrait multiplier par dix le nombre de pédopsychiatres, le nombre d’éducateurs et le nombre d’assistantes sociales pour pouvoir prendre en charge les situations dramatiques que nous constatons.

Mme Delphine Batho. Exactement !

M. François Pupponi. Vous pouvez faire toutes les lois que vous voulez. Vous pouvez demander aux policiers d’aller rattraper les mineurs qui sont dans la rue ; ils les ramèneront chez leurs parents, et à ce stade…

Mme Delphine Batho. Rien ne sera réglé !

M. François Pupponi. …on fera le constat de l’impuissance.

Nous ne voulons pas de nouvelles lois ; nous voulons des actes qui permettent d’appliquer celles qui existent et les moyens afférents.

Mme Delphine Batho. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Barèges.

Mme Brigitte Barèges. Il faut les lois, les actes et la bonne volonté.

Vous avez vos banlieues, mais ne croyez pas que tout cela ne se passe qu’à Paris, nous avons aussi nos quartiers difficiles en province.

Je ne peux pas vous laisser dire qu’on n’a pas donné les moyens. Bien sûr, il faut faire preuve d’une grande humilité, reconnaître qu’on ne peut pas tout régler. Je n’aurai pas la malhonnêteté de prétendre le contraire. Encore faut-il essayer ! C’est ce que je voulais vous dire, et c’est la raison pour laquelle nous généralisons ces objectifs.

Nous luttons tous contre l’habitat indigne que vous évoquez, grâce à Jean-Louis Borloo et à tout le magnifique travail de l’ANRU.

Dans ma ville, j’ai démoli des tours datant des années soixante ; nous avons reconstruit dans ces quartiers, où nous réalisons un travail remarquable dans le cadre du plan de cohésion sociale et de la politique de la ville.

Le Gouvernement a promu l’ensemble de ces actions. Avec ce texte, nous traitons de sécurité intérieure. Mais, dans le domaine du social, de l’éducation, de l’urbanisme, vous ne pouvez pas dire que nous n’avons rien fait.

M. François Pupponi. Qui l’a dit ?

Mme Brigitte Barèges. Le Gouvernement a construit, à lui seul, plus de logements sociaux depuis 2007 que vous auparavant.

Cela étant, nous n’allons pas se jeter des anathèmes les uns aux autres. Il reste des chantiers, mais nous devons les conduire ensemble et, je le répète, c’est l’objet de la loi.

Si vous utilisez ces dispositifs, je vous en félicite. Cependant, convenez que certains élus de votre parti – et je ne parle pas de M. Mamère – s’opposent à la vidéoprotection en invoquant les libertés publiques, d’autres refusent le couvre-feu ou l’extension du pouvoir des polices municipale, d’autres encore ne veulent pas appliquer les procédures de cohésion sociale mises en œuvre par le Gouvernement.

Contrairement à ce que vous dites, il y a des moyens, mais il faut de la bonne volonté et aussi que les élus mettent la main à la pâte.

C’est en établissant son budget qu’une collectivité définit sa politique. Lors des arbitrages budgétaires annuels, vous pouvez décider de donner davantage de moyens au social, à la culture, au sport, à l’urbanisme, à la police. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Roland Muzeau. Attendez !

Mme Brigitte Barèges. C’est le choix des élus et c’est parce que certains d’entre eux ne jouent pas le jeu que ce texte prévoit de rendre obligatoires certaines dispositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Ma chère collègue, je vous ferai parvenir un rapport parlementaire que je viens de rendre avec François Goulard, lequel n’est pas membre du parti socialiste, mais de votre groupe, que je sache.

Effectué à la demande du comité d’évaluation et de contrôle, ce rapport s’intitule : « Quartiers défavorisés ou ghettos inavoués : la République impuissante ». Il a été validé par le comité d’évaluation et de contrôle, présidé par M. Accoyer, un homme qui ne peut pas être considéré comme un grand gauchiste dans ce domaine.

Compte tenu du constat, le président Accoyer a demandé la tenue d’un grand débat sur ce sujet, dans cet hémicycle.

Mme Brigitte Barèges. Nous sommes d’accord !

M. François Pupponi. Personne ne dit que rien n’a été fait. Nous disons que, depuis trente ans, la République a été impuissante à traiter certains problèmes, tous gouvernements confondus.

Ma chère collègue, vous parlez des moyens. Que savez-vous des différences de richesse entre collectivités locales ? Entre les régions, les moyens vont du simple au double ; l’écart va d’un à quatre entre les départements et d’un à mille entre les communes ?

Dans notre pays, certaines communes n’ont pas les moyens financiers, au début de l’année, d’entreprendre des politiques efficaces.

Cela étant, je vous accorde un satisfecit : dans le projet de loi de finances, que nous avons adopté hier, figure un article 63 qui va dans le bon sens de la péréquation, afin que les communes riches financent davantage les communes pauvres. Parfois, les choses vont dans le bon sens, y compris grâce au gouvernement que vous soutenez !

Quant à l’habitat insalubre, on ne le trouve plus tellement dans le logement social public, qui est rénové. Il se développe dans les centres anciens où vivent les populations issues de l’immigration clandestine : n’ayant pas accès au logement social public, ces populations se logent chez des marchands de sommeil dans des conditions indignes, ce que, en quelque sorte, nous « acceptons »...

Mme Brigitte Barèges. Je connais ça !

M. François Pupponi. Nous ne pouvons pas demander à un enfant de treize ans, qui vit dans un taudis et qui part à l’école sans avoir ni dormi ni pris de petit-déjeuner, d’être attentif en classe. Il ne faut pas s’étonner qu’il puisse être rattrapé par la rue, à un certain moment.

Ce n’est pas en le ramenant le soir dans son taudis qu’on va régler le problème. Voilà ce que nous disons, parce que certains mineurs interpellés la nuit seront ramenés dans des taudis.

Pour ma part, une question m’intéresse : comment fait-on pour éradiquer les taudis et permettre à tous les enfants de ce pays d’avoir des conditions de vie dignes, afin qu’ils puissent devenir des citoyens éclairés de la République française ?

Mme Brigitte Barèges. Nous sommes d’accord !

M. Jean-Paul Garraud. C’est un ensemble !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Morenvillier.

M. Philippe Morenvillier. Mon cher collègue, vous avez parlé du problème de l’habitat indigne. Je vous rappelle que nous avons débattu, il y a une quinzaine de jours, d’un excellent texte de Sébastien Huyghe sur ce sujet.

L’arsenal législatif en place permet à un propriétaire d’habitats indignes de faire durer la procédure judiciaire engagée à son encontre pendant environ quatre ans. Cela ne règle pas le problème. Si rien n’avait été fait, nous serions restés avec cette législation.

La proposition de loi de notre collègue propose d’instaurer une astreinte de 50 à 500 euros par jour pour permettre au préfet, dans les cas d’insalubrité, ou au maire, dans le cas d’immeubles menaçant ruine, d’agir – et d’agir rapidement. Donc, le texte que nous avons adopté…

M. Jean-Paul Garraud. Le parti socialiste l’a-t-il voté ?

M. Philippe Morenvillier. …permettra d’accélérer les choses, aura des répercussions sociales favorables et permettra de combattre l’habitat indigne en s’attaquant aux « marchands de sommeil ».

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Le groupe socialiste n’a pas voté le texte sur les « marchands de sommeil » !

M. François Pupponi. Nous ne l’avons pas voté pour les raisons que nous avons déjà évoquées.

En revanche, je formule à nouveau une proposition que nous avons faite dans l’hémicycle, mais sur laquelle nous n’avons pas eu de réponse de votre majorité : mettre en place une commission…

Mme Brigitte Barèges. Comme d’habitude ! Nous, nous sommes dans l’action !

M. François Pupponi. …pour rebalayer toute la législation sur les marchands de sommeil, afin de la rendre efficace.

Mme Brigitte Barèges. C’est facile de retarder les choses !

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Défavorable.

(Les amendements identiques nos 106 et 211 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 217.

La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Il s’agit de permettre l’engagement d’une action rigoureuse en matière de prévention précoce des violences juvéniles. Mon collègue François Pupponi a donné des exemples très précis de signalements d’enfants qui posent des problèmes, pour lesquels il n’existe aucune réponse suffisante.

(L'amendement n° 217, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 170.

La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Il est proposé de revenir au texte de la commission des lois du Sénat qui a fait du couvre-feu individuel prononcé à l’encontre de certains mineurs une mesure judiciaire, alors que le texte prévoyait une mesure purement administrative.

(L'amendement n° 170, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 171.

La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. L’amendement est défendu.

(L'amendement n° 171, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 24 bis est adopté.)

Article 24 ter A

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 70, tendant à supprimer l’article 24 ter A.

La parole est à M. Roland Muzeau, pour le défendre.

M. Roland Muzeau. L’amendement est défendu.

(L'amendement n° 70, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 314, qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 337.

La parole est à M. Bernard Reynès, pour défendre l’amendement n° 314.

M. Bernard Reynès. La loi de mars 2007 donne au maire un rôle pivot dans la mise en œuvre de la politique de prévention de la délinquance. Le présent amendement tend à décliner cette politique sur l’ensemble du territoire national, en tenant compte de la diversité des communes. En effet, sur les 36 000 communes qui composent notre territoire, seules 444 ont plus de 20 000 habitants. Il faut trouver des outils adaptés à la typologie de chacune des communes. C’est l’objet de cet amendement, qui propose une espèce de stratification de ceux-ci.

Dans les communes de plus de 20 000 habitants, il est créé, en plus du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance – CLSPD –, imposé par la loi de 2007, un conseil pour les droits et devoirs des familles – CDDF – cher à ma collègue Brigitte Barèges, ou une cellule de citoyenneté et de tranquillité publique – CCTP.

Dans les communes de moins de 20 000 habitants, peuvent être institués, pour renforcer l’opérationnalité de la loi, une cellule de citoyenneté et de tranquillité publique ou un conseil pour les droits et devoirs des familles, avec ou sans CLSPD, puisque toutes les communes ne bénéficient pas de la capacité d’ingénierie et d’expertise nécessaire.

Dans les communes de moins de 10 000 habitants, peuvent exister un conseil pour les droits et devoirs des familles ou une cellule de citoyenneté et de tranquillité publique, mais en intercommunalité, par le biais de conventions.

Je rappelle que la cellule de citoyenneté et de tranquillité publique réunit le Parquet, l’Éducation nationale, les forces de l’ordre et le travailleur social de la commune. Elle crée, autour du maire, une collégialité indispensable pour l’aider à prendre les décisions, collégialité qui se réunit, bien sûr, sous le sceau d’une charte de confidentialité.

Des conventions assurent le cadrage juridique. Elles sont signées avec les parquets et les forces de l’ordre et peuvent mener à des mesures d’ordre social – accompagnement parental, rappels à l’ordre, transactions –, c’est-à-dire des mesures de réparation qui doivent avoir un fort caractère pédagogique.

Dans les Bouches-du-Rhône, de telles conventions sont en cours de signature dans 40 % des communes. Je tiens à mettre en exergue l’articulation intéressante qui existe entre la CCTP et le CDDF.

L’amendement vise, en second lieu, à instituer une incitation financière à la mise en œuvre des dispositions de la loi de 2007. Pour éviter un effet de saupoudrage et de dilution du fonds interministériel de prévention de la délinquance – FIPD –, celui-ci sera réservé, à l’exception des attributions consacrées à la vidéoprotection, aux communes qui attestent mettre en place une véritable politique de prévention au travers des outils que je viens d’énumérer.

Ainsi, les actions des acteurs de la prévention de la délinquance pour lesquelles un financement du FIPD est sollicité devront avoir reçu l’avis préalable du maire.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour défendre le sous-amendement n° 337.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Votre amendement, monsieur Reynès, est pertinent. Vous avez d’ailleurs été missionné avec M. Bénisti auprès de Brice Hortefeux sur ces questions.

Vous proposez que les subventions du FIPD soient soumises à l’engagement pris par les communes de se doter d’un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance et d’un dispositif de responsabilisation des parents. Le Gouvernement souhaite que cette conditionnalité des attributions du FIPD concerne tous les aspects du fonds, y compris les projets de vidéoprotection.

Donc, avis favorable à l’amendement sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. L’amendement de Bernard Reynès est excellent.

La commission avait été contrainte, à son grand regret, de lui donner un avis défavorable pour des raisons de forme. Le sous-amendement du Gouvernement apportant des réponses aux préoccupations de la commission, l’amendement de Bernard Reynès devient pertinent et applicable.

Le sous-amendement n’a pas été examiné par la commission, mais j’émets, à titre personnel, un avis favorable à son sujet et, par suite, à l’amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Je suis stupéfaite par ce que je viens d’entendre. François Pupponi et moi-même n’avons eu de cesse, au cours de l’examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre les violences de groupe et lors du débat sur la LOPPSI en première lecture, de demander que soit créé au sein des CLSPD un groupe opérationnel permettant de travailler, y compris sur les situations individuelles. De tels groupes existent déjà dans certaines communes et nous demandions leur généralisation en les inscrivant dans la loi. Notre amendement a été refusé à de multiples reprises. Cela dénote un certain sectarisme à l’égard des propositions de l’opposition.

Votre proposition revient à faire du rafistolage dans un dispositif qui est complètement bancal. En effet, la loi du 5 mars 2007 ne fonctionne pas du tout.

M. Éric Ciotti, rapporteur. C’est faux !

Mme Delphine Batho. La grande politique de prévention de la délinquance annoncée par Nicolas Sarkozy est un échec total, au point que vous en êtes à multiplier les rapports pour regarder de près cette politique et voir à quel point elle ne marche pas. Après les deux rapports de M. Bockel, un nouveau rapport de M. Bénisti est annoncé. J’espère qu’il ne suscitera pas les mêmes inquiétudes et le même tollé que le précédent.

Il y a une absence totale de politique de prévention de la délinquance. Le Gouvernement s’en remet exclusivement aux collectivités territoriales. Mon collègue François Pupponi a insisté sur le manque de moyens dont souffrent les collectivités territoriales et, en particulier, les communes de banlieue. La « carotte » de l’argent du Fonds interministériel de prévention de la délinquance agitée par le Gouvernement ne saurait masquer la carence gouvernementale en la matière.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Je partage totalement l’analyse de ma collègue Delphine Batho. De plus, l’amendement et le sous-amendement contiennent des éléments assez extraordinaires.

Dans l’amendement, il est écrit que « dans les communes de plus de 20 000 habitants, il est créé un conseil pour les droits et devoirs des familles ». C’est donc une obligation. Bonjour l’autonomie des communes ! Quid des décisions prises par les conseils municipaux et de l’inventivité dont ils font souvent preuve ? Les dispositifs de concertation, d’élaboration de solutions, d’aide à la parentalité, d’étude des problématiques liées à l’enfance, d’éducation ne manquent pas. Avec cet amendement, tout cela est passé par pertes et profits : toutes les communes de plus de 20 000 habitants seront obligées de créer ce fameux – ou fumeux – conseil pour les droits et devoirs des familles.

Vous essayez de vous raccrocher à des dispositions parce que, comme cela vient d’être rappelé, la loi de 2007 est un échec patent. C’est un point, d’ailleurs, sur lequel il ne serait pas inutile de revenir.

Le Gouvernement enfonce le clou puisqu’il étend la conditionnalité des financements du FIPD, y compris en matière de vidéoprotection.

Cette mise sous tutelle des collectivités locales est inqualifiable et tout à fait insupportable.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Reynès.

M. Bernard Reynès. Mes chers collègues de l’opposition, je ne comprends pas votre position. Réjouissez-vous plutôt que nous essayions de donner de la consistance à ce conseil restreint. Il ne faut pas être uniquement dans l’incantation et la critique.

Quelle est la genèse de cet amendement ? Un collectif des maires s’est réuni, toutes tendances politiques confondues, pour essayer de trouver des outils opérationnels permettant de mettre en œuvre la politique de prévention de la délinquance. Il existe un plan national de prévention de la délinquance qui se décline par un plan départemental de la prévention de la délinquance. Les maires ont voulu s’approprier la loi pour être à la manœuvre.

Il ne suffit pas, madame Batho, de dire que la loi ne fonctionne pas. Encore faut-il se demander pourquoi elle ne fonctionne pas.

Elle ne fonctionnait pas pour plusieurs raisons. Comptant 82 articles et 121 pages au Journal officiel, elle était extrêmement compliquée. Les maires qui se sont réunis en collectif ont souhaité, d’une part, la rendre opérationnelle et, d’autre part, la border juridiquement, grâce à des conventions signées avec les procureurs et les forces de l’ordre.

Le CLSPD existe, mais certaines communes lui ont reproché d’être uniquement une instance de débats. Ceux-ci ne manquaient pas d’intérêt mais n’avaient aucun caractère d’opérativité.

Les outils adaptés à la typologie des différentes communes que j’ai présentés permettront aux maires, s’ils sont motivés, de pouvoir aller plus loin et d’être à la manœuvre sur un sujet dont tout le monde reconnaît maintenant l’importance. Je ne vois pas en quoi l’amendement menace le principe fondamental de libre administration des communes. Il est tout à fait normal que les maires qui voudront être plus opérationnels en mettant en place cette politique disposent de soutiens financiers plus importants. Je crois que vous êtes en train de nous faire un mauvais procès car nous collons vraiment à la culture des maires.

M. Pupponi l’a dit très justement, ce que nous proposons, c’est d’offrir un cadre juridique mieux formalisé à ce que les maires faisaient depuis très longtemps déjà. Nous n’inventons rien. Parfois, les maires couraient le risque d’être attaqués en justice, les mesures qu’ils prenaient n’étant pas bien encadrées juridiquement, et ils étaient soucieux de se mettre à l’abri de toute forme d’arbitraire. En créant cette collégialité, nous rapprochons du maire les forces de l’ordre et le Parquet. Dans le cadre de la mission qui m’a été confiée – M. Bénisti n’est pas le seul à devoir remettre les conclusions de sa mission –, j’ai rencontré 600 maires. Ils se sentent seuls, éloignés de l’institution judiciaire et des forces de l’ordre. En créant cette cellule, nous nous donnons les moyens d’instaurer la collégialité. Je ne comprends donc pas pourquoi vous nous faites ce procès, alors que nous privilégions ici la culture pragmatique, qui est bien celle du maire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Cela fait trois ans que nous proposons au Gouvernement le groupe opérationnel dont vous parlez.

Mme Delphine Batho. Et vous avez voté contre !

M. Jean-Paul Garraud. Dans ce cas, votez notre texte !

M. Éric Ciotti, rapporteur. Remerciez-nous !

M. François Pupponi. Et cela fait trois ans que le Gouvernement nous dit qu’il n’en veut pas. Chaque fois, le ministre nous a dit : pas la peine de légiférer, les textes actuels permettent déjà ce que vous proposez. Peut-être le ministre a-t-il évolué et compris, au bout de trois ans, que nous avions raison. Il est vrai que les groupes opérationnels se faisaient déjà dans le cadre du CLSPD ou dans le cadre des fiches-actions. Si le ministre a fini par nous entendre, nous en sommes très contents : nous aurons perdu trois ans, mais c’est un moindre mal.

Cependant, si la création de ces groupes opérationnels nous paraît aller dans le bon sens, permettez-nous d’être choqués de voir que vous ne donnez pas des moyens supplémentaires, mais en supprimez à des communes qui ont déjà lancé des opérations. Aujourd’hui, le FIPD finance des actions dans différentes communes. Si vous menacez de supprimer le FIPD aux communes qui ne créent pas de groupes opérationnels, vous leur enlevez des moyens, ce qui est absurde. Ce serait revenir à ce que proposait M. Estrosi cet été : sanctionner les maires qui ne veulent pas mettre en œuvre la politique voulue par le Gouvernement, et cela n’est pas admissible. La liberté de gestion et l’autonomie de chaque collectivité locale doit être respectée. Si un maire ne veut pas mettre ce comité en place, cela relève de sa responsabilité, et cela ne l’empêche pas de mettre en œuvre des politiques de prévention. Nous refusons de sanctionner des maires dont vous estimeriez qu’ils ne sont pas exemplaires dans la mise en œuvre d’une politique que vous avez déterminée. Mais peut-être devrais-je vous prendre au mot et proposer – non sans une certaine perversité, je le reconnais – de rectifier le sous-amendement du Gouvernement en prévoyant d’appliquer la même sanction aux communes qui ne respectent pas 20 % de logements sociaux, conformément à la loi SRU.

Plusieurs députés du groupe UMP. Ça existe déjà !

M. François Pupponi. Ainsi, je propose de supprimer les FIPD et le financement par l’État de la vidéosurveillance pour les communes qui n’ont pas 20 % de logements sociaux.

Mme Delphine Batho. Très bien !

M. Éric Ciotti, rapporteur. C’est la double peine !

M. François Pupponi. S’il le faut, nous mettrons en place la triple peine !

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Notre collègue Reynès n’a pas répondu à ma question. Le sous-amendement du Gouvernement n’est pas banal. Certes, l’amendement initial crée l’obligation d’instituer divers conseils. On en pense ce qu’on en veut.

Mme Brigitte Barèges. Ça marche !

M. Roland Muzeau. Je ne dis pas que ça ne marche pas. Reconnaissez au moins qu’aucun maire ne reste insensible à ces problématiques. Vous préconisez une solution, l’instauration de ce fameux conseil. Dans certaines communes existent des dispositifs équivalents. Cela ne s’appelle pas forcément un conseil, mais cela vise à traiter les mêmes questions. Ne perdons pas notre temps à instruire ces vilains procès.

L’amendement oblige à créer un conseil dans les villes de plus de 20 000 habitants. Quoique nous soyons en désaccord avec cette mesure, nous pouvons encore l’admettre, mais le sous-amendement est totalement inacceptable, puisqu’il précise que les communes qui ont un conseil local ou intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance et qui ne créeront pas ce nouveau conseil verront les subventions et les financements au titre de la politique concernée remis en cause. Il ne s’agit pas là d’une interprétation de notre part, c’est bel et bien ce que dit le sous-amendement. Si les communes de plus de 20 000 habitants ne créent pas ce nouveau conseil, elles ne recevront plus de financement. C’est scandaleux. Le sous-amendement du Gouvernement est inacceptable, puisqu’il menace les communes qui ne prennent pas la disposition technique que vous avez adoptée. Nous ne sommes pas là pour enjoliver la réalité : je sais ce qui marche chez moi, mais je connais aussi les limites que cela peut présenter, et que cela présente d’ailleurs aussi chez vous. Pour les communes de plus de 20 000 habitants, ce sous-amendement constitue une pression terrible, une menace, un chantage.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti.

M. Jacques Alain Bénisti. Monsieur Pupponi, je vous remercie d’avoir rendu hommage à la loi de 2007 : certains maires de gauche, dont vous faites partie, l’appliquent scrupuleusement – je pourrais dresser une longue liste de ceux qui le font, malgré les consignes qui leur ont été données.

Mme Delphine Batho. Des consignes ? De quoi parlez-vous ?

M. Jacques Alain Bénisti. Il faut savoir que 70 % des communes de plus de 10 000 habitants ont un CLSPD qui fonctionne bien.

En ce qui concerne le conseil pour les droits et devoirs des familles, M. Pupponi a raison : en proposant sa création dans la loi de 2007, je me fondais sur l’expérience réussie d’une ville de Seine-Saint-Denis. Ce qui fonctionne bien, on essaie de l’imiter. Pourtant, seules 15 % des villes l’ont appliqué, soit par défaut de pédagogie, soit parce que, comme l’a bien dit Bernard Reynès, ce n’était pas suffisamment encadré du point de vue juridique.

Toutefois, monsieur Muzeau, ne doit-on pas sanctionner les maires qui, par idéologie, n’appliquent pas la loi de 2007 ?

M. Roland Muzeau. Je ne sais pas de qui vous parlez !

M. Jacques Alain Bénisti. Toute loi votée par une majorité doit être appliquée. C’est le principe même de la démocratie et de la République. Nous disons à ces maires qu’ils ne recevront pas de subventions sur le FIPD tant qu’ils n’appliqueront pas la loi de 2007, dont le FIPD est le socle de financement. Sans FIPD, la loi de 2007 ne pourrait pas s’appliquer. Certains maires que j’ai rencontrés dans le cadre de ma mission m’ont dit que ce n’était pas à eux, mais au président du conseil général, de prendre ces décisions. Dans ce cas, ils n’auront pas de financement.

M. Roland Muzeau. C’est scandaleux !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Reynès.

M. Bernard Reynès. Évitons la caricature : ces questions n’ont rien d’idéologique, elles touchent tous les maires. M. Pupponi demandait pourquoi nous avions mis trois ans. Nous devons faire amende honorable : la loi a été votée en mars 2007, nous nous sommes demandé pourquoi elle était aussi peu appliquée, nous avons auditionné plus de 600 maires et cet amendement vise à comprendre ces raisons, souvent légitimes. Je pense en effet à ces deux inconvénients majeurs qu’étaient le risque de l’arbitraire sur des sujets qui sont d’une grande complexité et sur le fait que le cadrage juridique était insuffisant. Sans doute, nous avons pris trois ans de retard, mais c’était pour voir comment le dispositif était appliqué.

Quant à la suppression du FIPD, il faut en finir avec le saupoudrage. N’est-il pas normal que le FIPD aille prioritairement, et même exclusivement, aux communes dans lesquelles les maires sont à la manœuvre pour essayer de mettre en place des outils qui ne sont pas conçus pour corseter les municipalités…

M. Roland Muzeau. Venez voir chez moi ce que je fais !

M. Bernard Reynès. …mais qui offrent une méthodologie avec laquelle le maire a toute latitude pour faire vivre sa propre politique de prévention de la délinquance ?

Enfin, je ne voudrais pas qu’on ne parle que des grandes villes. Le problème de la prévention de la délinquance se pose également dans la ruralité. En France, plus de 800 communes ont moins de 10 000 habitants. Leurs maires se sentent très souvent désemparés, privés de moyens. Qu’ils soient de droite ou de gauche, ils sont parfaitement conscients que ces troubles de la tranquillité publique perturbent la population. Ces maires veulent agir. Ils ont pris conscience que la loi de mars 2007 leur procure une méthodologie et des moyens. Il ne serait pas bon que le débat dans notre assemblée soit trop passionné, caricatural, clivant entre la droite et la gauche. Ces problèmes concernent tous nos concitoyens et l’écrasante majorité des maires, y compris ceux de la ruralité, qui n’ont pas la capacité d’ingénierie dont disposent les communes de plus de 20 000 habitants pour faire face aux troubles à la tranquillité publique et aux problèmes de délinquance.

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Nous sommes tous d’accord : il faut dépassionner le débat et tâcher de trouver une solution pragmatique et rationnelle. Mais nous sommes également tous d’accord pour dire que, là où ces dispositifs sont mis en place – qu’on les appelle CLSPD ou groupe opérationnel –, ils fonctionnent d’autant mieux que les moyens financiers suivent. En effet, n’est-il pas contradictoire de créer des dispositifs qui constatent des carences sur le territoire de la commune sans offrir les moyens de correctifs efficaces ? Doit-on obliger les maires qui ne croient pas en leur pertinence à les mettre en œuvre ? Doit-on s’attaquer à l’autonomie de gestion et de décision de ces élus ?

Quant au FIPD, il est aujourd’hui à la discrétion du préfet et du ministre. Ce sont eux qui décident de l’attribution des subventions. Tous les préfets ont la possibilité de ne pas attribuer de subventions. Si un ministre ou un préfet considère que tel ou tel maire ne met pas en œuvre de bonnes actions de prévention, il peut ne pas les financer par le FIPD. De même, quand un maire dépose une demande de subvention pour bénéficier du FIPD sur la vidéosurveillance, si le ministère de l’intérieur considère que le projet n’est pas bon, il peut ne pas le financer. Dans ces conditions, pourquoi rendre la sanction automatique ? Elle est déjà à la discrétion de l’État.

Ce qui nous gêne dans ce dispositif, et plus particulièrement dans le sous-amendement du Gouvernement, c’est l’automaticité de la sanction, la tentative de culpabilisation des maires qui refuseraient de mettre ces mesures en œuvre. Nous pouvons, me semble-t-il, nous accorder sur le fait que cela n’a pas sa place ici.

Officialisons le fait que ces groupes opérationnels doivent se mettre en place, car nous sommes tous d’accord sur ce point, mais ne sanctionnons pas ceux qui ne seraient éventuellement pas d’accord.

En outre, se pose un problème de forme. Si la loi que nous examinons aujourd’hui est adoptée, les communes auront besoin de plusieurs mois pour mettre en œuvre les dispositifs que nous instaurons. Ces groupes opérationnels, ces conseils de famille ne se constituent pas comme ça !

De même, ils nécessitent, comme les CLPS, une négociation avec l’État. Pour ma part, j’ai négocié le contrat local de prévention de la délinquance de la ville de Sarcelles, en réclamant plus de policiers à l’État. Si c’est l’État qui refuse de signer le contrat, est-ce le maire qui va être sanctionné parce que le préfet, au nom de l’État, refuse de satisfaire les demandes du maire ? Est-ce vraiment le maire qu’il faudrait sanctionner ?

Mme Delphine Batho. Bonne question !

M. François Pupponi. Mes chers collègues, instituons donc un délai de mise en œuvre, mais ne sanctionnons pas dès 2011…

Mme Brigitte Barèges. La loi a tout de même trois ans !

M. François Pupponi. Pouvons-nous nous mettre d’accord ? J’ai, à cet égard, une demande à soumettre à Mme la ministre.

L’amendement présenté va dans le sens d’une officialisation d’un certain nombre de dispositifs, il va dans le sens d’une reconnaissance de leur caractère obligatoire. Nous y sommes prêts, mais nous n’acceptons pas la sanction. Je demande donc à Mme la ministre de retirer son sous-amendement.

M. Roland Muzeau. Ce serait le minimum !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Ce sujet est très compliqué ; je suis bien placée pour le dire, même si c’est effectivement le ministre de l’intérieur qui est chargé de défendre ce texte. Cela me rappelle en fait mes anciennes fonctions de directeur de l’action sociale.

La prévention de la délinquance est un sujet très compliqué, et je crois qu’il faut voir dans l’amendement et le sous-amendement discutés la volonté de s’inscrire dans un véritable partenariat. Il est logique, lorsqu’on vise une véritable cohérence de l’action de l’État et des pouvoirs publics, de faire en sorte que l’ensemble des partenaires intervenant dans ce champ puissent intervenir en parfaite cohérence.

Tel est tout le sens de l’amendement déposé et du sous-amendement du Gouvernement ; n’y voyez rien d’autre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

(Le sous-amendement n° 337 est adopté.)

(L'amendement n° 314, sous-amendé, est adopté.)

(L'article 24 ter A, amendé, est adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures quinze.)