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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2010-2011

Compte rendu
intégral

Séance du mardi 21 décembre 2010

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

1. Questions au Gouvernement

Référendum pour la modification du traité de Lisbonne

Mme Martine Billard

M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Déclaration de patrimoine des députés

M. Charles de Courson

M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Démission de ministres mis en cause

M. Jean-Jacques Urvoas

M. François Fillon, Premier ministre

Arrivée d’enfants haïtiens adoptés

M. Yves Nicolin

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes

Loi SRU

M. Jean-Yves Le Bouillonnec

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement

Budget européen

M. Michel Herbillon

M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Contrats aidés

M. Rudy Salles

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Déclaration de patrimoine des élus

M. René Dosière

M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Otages français en Afghanistan

M. Bernard Gérard

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes

Areva

M. François Brottes

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

Handicapés dans la fonction publique

M. Jean-François Chossy

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique

Recherche et enseignement supérieur

M. Alain Rousset

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche

Revenus des éleveurs bovins

M. Jean Auclair

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire

Audiovisuel extérieur de la France

M. Didier Mathus

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Situation en Côte d’Ivoire

M. Alain Moyne-Bressand

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes

2. Loppsi

Explications de vote

M. Michel Hunault, M. Jacques Alain Bénisti, M. Manuel Valls, M. Patrick Braouezec

Vote sur l’ensemble

Présidence de M. Marc Le Fur

3. Projet de loi de finances rectificative pour 2010

M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission mixte paritaire

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement

M. Pierre-Alain Muet

M. Jean-Pierre Brard

M. Charles de Courson

M. Yves Censi

M. Jean-Yves Le Bouillonnec

M. Michel Bouvard

M. Thierry Carcenac

Texte de la commission mixte paritaire

Amendements nos 4, 8 rectifié, 7 rectifié, 2, 6, 5, 3

Explications de vote

M. Jean-Pierre Brard, M. Pierre-Alain Muet, M. Charles de Courson

4. Adaptation de la législation au droit de l'Union européenne

M. Martial Saddier, rapporteur de la commission mixte paritaire

M. Thierry Mariani, secrétaire d’État chargé des transports

Discussion générale

M. Michel Hunault

M. Gérard Voisin

M. Jean-Paul Chanteguet

5. Approbation de conventions et d’accords internationaux

(Procédure d’examen simplifié)

Rappels au règlement

M. Jean-Pierre Dufau

M. Jacques Myard

Coopération France-Liban dans le domaine de la défense

Coopération France-Inde dans le domaine de l’espace

Accord France-Cameroun sur la gestion concertée des flux migratoires

Accord France-Allemagne sur les fichiers d’immatriculation de véhicules

Accord France-Belgique sur l’échange d’informations relatives aux titulaires du certificat d’immatriculation de véhicules

Convention de sécurité sociale France-Maroc

Privilèges et immunités du Tribunal international du droit de la mer

Accord France-République tchèque sur la lutte contre la fraude aux prestations de sécurité sociale

Accord France-Roumanie sur la protection civile

6. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Référendum pour la modification
du traité de Lisbonne

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Martine Billard. Les 16 et 17 décembre, le Conseil européen a validé la révision du traité de Lisbonne. Cette révision, que dénoncent les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche, vise à instaurer de manière pérenne le mécanisme imaginé lors de la crise grecque, à renforcer la surveillance préalable des politiques nationales et à amplifier les sanctions pour les États qui ne respecteraient pas les dogmes libéraux et les injonctions des marchés.

Le plan de sauvetage des banques fait aujourd'hui payer la crise du capitalisme financier aux peuples et aux salariés européens, en soumettant les gouvernements, les uns après les autres, à la tutelle néolibérale de la Commission européenne, de la BCE et du FMI.

M. Richard Mallié. Pourquoi ne citez-vous pas Strauss-Kahn ?

Mme Martine Billard. Au lieu de protéger la zone euro contre les méfaits de la spéculation, vous voudriez maintenant inscrire dans le marbre le pouvoir des marchés financiers pour forcer les États à faire converger leurs politiques vers la régression des services publics et des droits sociaux.

Cette décision est porteuse des germes d'une crise encore plus grave. En imposant des politiques d'hyper-austérité, de baisse des salaires, d'augmentation du chômage et de la précarité, et de réduction drastique des dépenses publiques à des pays déjà touchés par le ralentissement de l'activité économique et la montée du chômage, elle prépare une récession générale et durable en Europe.

La tolérance des peuples à cette austérité suicidaire a une limite. Pourtant, les attaques spéculatives contre la dette publique se répéteront indéfiniment tant que les États n'auront pas la volonté d'en finir avec la spéculation.

Une autre politique est possible, qui mette au cœur des préoccupations européennes la justice sociale, la conversion écologique de l'économie et la démocratie.

Le choix du système dit « de révision limitée » pour éviter les référendums montre la peur de la réaction des peuples européens. Vous préférez modifier le traité de Lisbonne en catimini.

Monsieur le Premier ministre, quelle procédure comptez-vous utiliser pour ratifier cette modification ? Êtes-vous prêt à organiser un référendum afin que le peuple français puisse dire s'il accepte ou non le contrôle budgétaire a priori et qu’il puisse s'exprimer pour ou contre les politiques d'austérité que vous voulez lui imposer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes.

M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes. Madame la députée, le Conseil européen qui vient de s’achever est le point d’aboutissement de nombreux mois de travail pendant lesquels le Président de la République et la Chancelière allemande ont déployé toute leur énergie pour aboutir à un consensus au niveau de l’Union européenne. C’est un succès.

M. André Gerin. Ah oui, bravo !

M. Marc Dolez. Parlons-en !

M. Laurent Wauquiez, ministre. C’est un succès, car il faut mesurer l’ampleur du chemin parcouru en un an et demi. Il y a un an et demi, l’euro n’avait aucun mécanisme de défense et, en cas de crise ou d’attaque contre un des pays de la zone euro, nous n’avions pas de moyens de nous protéger. En un an et demi, nous avons d’abord été capables, madame Billard, de réagir à la crise dans deux pays : la Grèce, puis l’Irlande.

Avec le Conseil européen, pour la première fois, l’Europe repasse à l’offensive et se dote d’un mécanisme qui, sur la durée, nous permettra de défendre – c’est aussi votre préoccupation, madame Billard – notre monnaie commune contre les spéculateurs.

M. Marc Dolez. Sur le dos du peuple !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Le choix qui a été fait dans cette période est d’adopter une révision du traité qui soit la plus simple, la plus courte et la plus précise possible. Dans la tempête, ce n’est pas le moment de commencer à se poser de grandes questions philosophiques, la priorité est à la rapidité et à l’efficacité de l’action.

M. Marc Dolez. Dans le dos du peuple !

M. Laurent Wauquiez, ministre. La révision du traité tient en quelques phrases. Ainsi, dans le cadre de l’article 53 de la Constitution, c’est vous, les représentants du suffrage universel et de la légitimité du peuple, qui serez amenés à vous prononcer sur ce dispositif. Ce sont des sujets sur lesquels nous sommes attendus : la crédibilité de l’euro, la défense de notre monnaie commune et l’affirmation de l’Europe. C’est pour cette raison que nous devons être capables de réagir rapidement.

Mme Martine Billard. Demandez l’avis des Français !

Déclaration de patrimoine des députés

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Charles de Courson. Monsieur le Premier ministre, si l’on veut une démocratie respectée de tous nos concitoyens, il faut que les représentants du peuple français soient au-dessus de tout soupçon quant à leur intégrité financière, ce qui suppose une vraie transparence quant à leurs revenus et à leur patrimoine. Vous avez d'ailleurs pris un ensemble d'initiatives dans ce sens, avec la création d'un groupe de travail sur la prévention des conflits d'intérêts, décision qui s'est accompagnée d'une initiative similaire au sein de notre assemblée et le groupe Nouveau Centre vous en félicite.

En particulier, dans votre lettre du 30 juillet 2009, adressée au président de la commission pour la transparence financière de la vie politique, vous avez écrit : « Je suis favorable à ce que des sanctions puissent être prononcées à l'encontre des personnes vous ayant adressé sciemment des déclarations retraçant de manière fausse ou incomplète l'état de leur patrimoine. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.) Pour ce faire, je retiens votre idée de disposition législative punissant le fait de déposer auprès de la commission une déclaration mensongère. »

La commission des lois, à l'unanimité, a suivi cette recommandation et adopté un amendement allant dans ce sens. Or, hier soir, nous avons été choqués, que certains membres, certes minoritaires, de la majorité, veuillent, par amendement, supprimer ce dispositif de sanction, indispensable pour assurer une réelle transparence financière. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean Mallot. C’est M. Jacob !

M. Charles de Courson. Le groupe Nouveau Centre s'y est opposé, à l’initiative de notre collègue, porte-parole, Michel Hunault, et a demandé un scrutin public.

Certes cet amendement a été retiré mais une clarification s'impose : le Gouvernement est-il favorable à la proposition de la commission des lois visant à sanctionner pénalement le délit de non-transparence ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Nouveau Centre et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales.

M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales. Monsieur le député, vous avez appelé notre attention sur les débats qui se sont déroulés hier soir sur la transparence de la vie politique, préoccupation commune au Gouvernement et à tous les élus de cette assemblée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je crois que les députés présents, hier soir, peuvent attester que cette préoccupation dépasse largement les clivages politiques.

M. Jean-Paul Bacquet. Cela émane de Copé ! Ce n’est pas Fillon qui aurait fait ça !

M. Philippe Richert, ministre. J’ai eu l’occasion d’assister, la semaine dernière, à la réunion de la commission et j’ai pu affirmer, hier soir, que le texte issu de ses travaux était équilibré.

M. Jean-Paul Bacquet. Très bien !

M. Philippe Richert, ministre. Il permettait de nous retrouver tous ensemble (Rires et protestations sur les bancs du groupe SRC) pour travailler dans le cadre de cette volonté de transparence (« Et alors ? » sur les bancs du groupe SRC), ce qui se traduit ici par l’engagement du Premier ministre et du Gouvernement, mais aussi de l’ensemble des parlementaires.

Si tous étaient d’accord pour renforcer les actions et les moyens de la commission pour la transparence financière de la vie politique…

M. Albert Facon. Eh oui !

M. Philippe Richert, ministre. …plusieurs se sont interrogés sur l’utilité de transformer cette commission en une nouvelle juridiction. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous avons pu expliquer, dans nos réponses, que, si la commission intervenait, ce n’était que pour transférer, ensuite, à un juge qui aurait l’occasion de décider, donc de répondre à cette interrogation.

Le Gouvernement et la commission ont parallèlement pu démontrer qu’il était possible, avec l’accord de l’ensemble des membres de cette assemblée, de combattre les déclarations sciemment mensongères, en particulier au travers de la mise en place d’une incrimination. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) La question qui se pose, et sur laquelle nous allons travailler dorénavant, reste celle du juste niveau de la peine encourue. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Démission de ministres mis en cause

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean-Jacques Urvoas. Monsieur le Premier ministre, en 1992, Pierre Bérégovoy, alors chef de gouvernement, avait estimé qu'un de ses ministres simplement mis en cause devait démissionner. Ce principe simple fut repris par tous les gouvernements, de droite et de gauche. En 1993, Édouard Balladur en avait même fait une règle. En 1998, Lionel Jospin l'a prolongé. En 2002, puis en 2004, Jean Pierre Raffarin l'a confirmé. Ce principe était donc devenu une sorte de règle commune, une règle protectrice et non accusatrice ; une règle morale, car tous vos prédécesseurs considéraient que le Gouvernement de la France ne pouvait voir sa parole affaiblie. Ils y voyaient une règle juste, qui, selon les mots du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, était à la fois « respectueuse de la présomption d'innocence et soucieuse de la probité politique. » En effet, quelle autorité, quelle force aurait un ministre qui, en même temps qu'il appellerait au respect de la loi, aurait enfreint cette même loi ?

M. Michel Sapin. Eh oui !

M. Jean-Jacques Urvoas. Monsieur le Premier ministre, vous ne vous êtes jamais exprimé sur ce sujet. Pourtant, au-delà de ce qui nous sépare, nous ne doutons pas que nous partageons une certaine conception de la parole publique.

Je souhaite donc respectueusement vous interroger. Pourquoi avez-vous cessé d'appliquer ce principe selon lequel la voix de la République ne peut être sans tache ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur de nombreux bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le député Urvoas, je vais tout aussi respectueusement vous dire que je ne suis pas totalement sûr d’avoir compris votre question. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

À la question : si vous aviez été à la place de Lionel Jospin en 1999, auriez-vous demandé à Dominique Strauss-Kahn de démissionner ? la réponse est non. Je l’avais d’ailleurs dit publiquement à l’époque. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Si la question est : faites-vous confiance au ministre de l’intérieur pour mener à bien la mission que nous lui avons confiée avec le Président de la République, la réponse est oui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Et si la question est : le parti socialiste est-il qualifié pour défendre la présomption d’innocence, alors, là vraiment, la réponse est non ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC. – Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous avez en effet foulé aux pieds la présomption d’innocence d’Éric Woerth pendant trois mois ! Alors, de grâce, ne nous donnez pas de leçon et faites preuve d’un peu plus de cohérence et de dignité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP dont de nombreux députés se lèvent, et sur quelques bancs du groupe NC. – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Arrivée d’enfants haïtiens adoptés

M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Yves Nicolin. Ma question s’adresse à Mme la ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

Il y a un peu moins d’un an, madame la ministre, le 12 janvier 2010, Haïti était frappé par un terrible séisme, sans précédent, qui fit malheureusement plusieurs dizaines de milliers de morts. Ce pays était auparavant l’un de ceux vers lesquels nos compatriotes se tournaient en priorité pour adopter des enfants. Dans un pays malheureusement désorganisé et pauvre, jusqu’à 800 enfants par an avaient ainsi la chance d’avoir une famille.

À l’issue de ce séisme, la France a décidé, à juste raison, de suspendre les adoptions. Il n’en demeure pas moins que près de 1 000 procédures étaient en cours, 600 enfants ont pu rejoindre le territoire national et, ainsi, trouver une famille. Pour 318 autres, la procédure était inachevée.

Depuis des mois, votre ministère essaie, avec le gouvernement haïtien, de trouver une solution pour réunir ces enfants privés de famille et les candidats à l’adoption, qui attendent parfois depuis de nombreux mois. Vous avez annoncé, il y a quelques jours, qu’une solution avait pu être trouvée et que deux avions partaient pour Port-au-Prince afin de permettre aux familles d’avoir leurs enfants chez elles pour les fêtes de Noël. Comment cela a-t-il été possible ? Quelles décisions avez-vous dû prendre avec les autorités haïtiennes et comment va s’organiser concrètement le rapatriement de ces enfants pour qu’ils puissent avoir ce beau cadeau de passer Noël en famille chez eux en France ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le député, je comprends que le processus ait pu paraître aux familles long et complexe, mais des adoptions ne peuvent avoir lieu que si l’on a des garanties pour les enfants et pour les familles, des garanties de sécurité juridique. Dans un pays aussi désorganisé par le séisme qu’Haïti, ce n’était pas facile, et je peux vous assurer que le ministère des affaires étrangères a toujours travaillé en ce sens.

En arrivant au ministère, au moment même où se développait une épidémie de choléra, j’ai pu joindre le Premier ministre d’Haïti et obtenir de lui que nous ayons un échange de lettres nous permettant de finaliser, y compris en France dans certains cas, la procédure d’adoption de ces enfants.

Compte tenu des difficultés existant aujourd’hui sur les vols commerciaux et des incertitudes, j’ai décidé d’affréter deux avions – l’un est parti ce matin et l’autre partira demain – pour permettre aux familles d’aller récupérer 300 enfants. Cela a été fait avec la participation des ministères de la défense, de l’intérieur, de la santé et des solidarités, sous l’égide du Premier ministre.

Des personnels médicaux et des personnels de la cellule de crise du ministère des affaires étrangères sont dans l’avion qui va ramener les enfants demain. À leur arrivée, les familles seront accueillies afin d’être aidées pour toutes les procédures administratives. Nous pouvons ainsi tous nous réjouir que 300 enfants environ puissent retrouver une chaleur familiale au moment de Noël.

Il reste encore vingt-sept enfants pour lesquels la procédure n’était pas suffisamment avancée pour correspondre à l’accord. Nous sommes en train de tout faire pour régler le problème dans les meilleurs délais et les ramener ici. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Loi SRU

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ma question s’adresse à M. Apparu, secrétaire d’État chargé du logement

Il y a quelques jours, nous avons fêté les dix ans de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. C’est une grande loi qui engage les communes et les territoires à construire du logement social pour que nos concitoyens trouvent un logement répondant à leurs besoins et à leurs moyens financiers. Qu’il y ait 20 % de logements sociaux partout, c’est un minimum mais c’est un vrai enjeu.

Dix ans ont passé depuis ce vote historique dont la majorité de gauche peut s’enorgueillir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Un grand nombre de communes et de territoires se sont mobilisés et l’on doit aujourd’hui constater son effet positif. Mais – parce qu’il y a un mais, honteux et insupportable–, de nombreuses communes non seulement ne se sont pas engagées dans cette démarche, non seulement n’ont pas répondu aux objectifs légaux auxquels elles étaient tenues, mais encore ont revendiqué publiquement leur intention de ne pas s’y soumettre.

Ainsi, parmi les 1 036 communes ayant moins de 20 % de logements sociaux, 234 se trouvent en constat de carence pour non-respect de leurs engagements des objectifs de construction. Sans nul doute ont-elles été encouragées par les multiples tentatives de votre majorité, monsieur le secrétaire d’État, de réduire les obligations de la loi, voire de les supprimer.

Au-delà des sanctions financières, inefficaces parce trop faibles, la loi donne à l’État, par l’intermédiaire des préfets, la possibilité de contraindre les maires à construire du logement social et de se substituer à eux. À ce jour, aucune décision de cette nature n’a été prise. Plus précisément, la seule intervention ministérielle en ce sens n’a donné aucun résultat.

Alors que, dans beaucoup de grandes agglomérations, c’est le seuil de 25 % de logements qu’il faudrait dépasser, allez-vous intervenir pour vous substituer aux maires et faire construire du logement social là où ils ne veulent pas en construire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement. Le Premier ministre l’a rappelé il y a quelques jours devant les préfets, monsieur Le Bouillonnec, le Gouvernement s’est engagé à faire respecter la loi SRU sur l’ensemble du territoire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Dois-je vous rappeler que, pendant la dernière période triennale, les obligations légales correspondaient à la construction de 60 000 logements sociaux. Il en a été construit 90 000 dans les communes concernées. Autrement dit, nous avons réalisé 154 % des obligations légales liées à la loi SRU.

Vous trouvez que les sanctions financières sont trop faibles. Ce sont 75 millions d’euros qui sont récoltés et qui sont évidemment redistribués pour construire du logement social.

Nous avons refusé toutes les exonérations demandées par la commission nationale des recours, dont vous faites partie. Vous aviez, par exemple, proposé d’exonérer Neuilly-sur-Seine d’une partie de ses obligations. C’est le gouvernement de François Fillon qui a refusé. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Lemasle. Mensonge !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Enfin, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, nous sommes décidés à respecter nos engagements, la construction de 120 000 logements sociaux pour l’année 2011, parce qu’il en va de la responsabilité du Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Lemasle. Quel menteur !

Budget européen

M. le président. La parole est à M. Michel Herbillon, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Michel Herbillon. Monsieur le ministre chargé des affaires européennes, cinq dirigeants européens, dont le Président de la République Nicolas Sarkozy, la Chancelière allemande Angela Merkel et le Premier ministre britannique David Cameron, ont écrit samedi dernier à la Commission européenne pour réclamer le gel du budget de l’Union européenne.

En effet, les pays européens, confrontés à la nécessaire remise en ordre de leurs finances publiques, ne souhaitent pas que l’effet de leurs efforts soit diminué du fait de l’augmentation du budget européen auquel chacun contribue. Il est par ailleurs parfaitement normal que l’Europe soit soumise aux règles de bonne gestion que s’impose chacun des pays qui la composent.

En même temps, nos concitoyens attendent de l’Europe qu’elle initie des projets d’avenir, des projets d’intérêt commun, notamment dans les domaines de la recherche, de l’innovation, de l’énergie, des transports, de la défense, du numérique. Nous pourrions, par exemple, imaginer que les États membres qui le souhaitent mutualisent leurs budgets dans ces secteurs.

Monsieur le ministre, comment l’Europe peut-elle poursuivre une politique ambitieuse, comme le souhaite la France, en dépit du gel des crédits européens ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes.

M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes. Monsieur le député, vous l’avez rappelé, tous les pays européens sont soumis à une obligation de bonne gestion de leurs deniers publics, et tous leurs gouvernements, sans exception, s’efforcent aujourd’hui de réduire leurs déficits. Personne ne comprendrait que, dans cette période, l’Union européenne s’exonère de cet effort commun.

Tel est le sens du courrier qui a été adressé par le Président de la République, la Chancelière allemande, les Premiers ministres britannique, néerlandais et finlandais au président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, pour lui demander que le même effort de bonne gestion et de maîtrise de la dépense publique s’applique au budget européen.

Comme vous l’avez rappelé, un budget maîtrisé ne signifie pas pour autant des ambitions européennes à la baisse, une vision européenne réduite à peau de chagrin. Michèle Alliot-Marie tient tout particulièrement à ce point.

C’est pour cette raison que nous travaillons à une plus grande efficacité de la dépense européenne. Vous avez d’ailleurs rendu, conjointement avec votre collègue Christophe Caresche, un rapport dans ce sens, qui pose la question de la mutualisation des moyens d’action de l’Union européenne.

Prenons un autre exemple. L’Union européenne s’appuie sur de nombreux outils et leviers qui font souvent l’objet de règles administratives lourdes, de dossiers d’instruction tatillons, de procédures très complexes, qui, nous le savons, rendent difficiles pour les collectivités locales, les PME, les associations, l’accès aux fonds européens. Il est possible de simplifier les choses pour rendre plus efficace l’action de l’Union européenne.

Je crois que nous en avons tous conscience, à Bruxelles comme à Paris : la période des listes du Père Noël, consistant à tout promettre sans avoir les financements en face, est révolue. La priorité, pour nous, doit aller, non au dépenser plus, mais au dépenser mieux. C’est l’ambition collective que nous portons. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Contrats aidés

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Rudy Salles. Monsieur le ministre du travail, de l’emploi et de la santé, les manifestations de soutien aux contrats aidés se multiplient ces jours-ci un peu partout dans notre pays et elles sont légitimes.

En effet, nombreux sont les contrats d’accompagnement dans l’emploi, les CAE, conclus en 2010 dans le secteur non marchand – associations, établissements publics ou collectivités territoriales – qui, à partir du 1er janvier 2011, arriveront à échéance pour certains ou seront, pour d’autres, en cours de validité, tout simplement interrompus. Il en va de même pour les contrats initiative emploi, les CIE, dans le secteur marchand.

Aujourd’hui, après avoir été nettement diminués, ces contrats aidés arrivent à échéance et les bénéficiaires de ces CAE, faute d’emploi pérenne, reprendront le chemin du Pôle emploi.

Au groupe Nouveau Centre, nous considérons que les contrats aidés, en plus de constituer un moteur pour l’économie de notre pays, contribuent pleinement au lien social ; je pense en particulier au milieu associatif et scolaire.

À ce titre, les responsables des établissements scolaires viennent d’apprendre que les postes d’employé de vie scolaire, les EVS, et d’auxiliaire de vie scolaire, les AVS, ne seront pas renouvelés en 2011, ce qui n’a pas manqué de susciter une vive émotion parmi la communauté éducative ainsi que dans de nombreuses associations qui bénéficiaient ainsi d’une aide non négligeable. Dans le premier degré, par exemple, les EVS soulageaient grandement des directeurs d’écoles non déchargés de classes dans des tâches administratives de plus en plus lourdes.

M. Albert Facon. Très juste !

M. Rudy Salles. Les AVS, quant à eux, jouent un rôle essentiel dans l’accueil en milieu ordinaire d’enfants porteurs de handicaps.

M. Albert Facon. C’est vrai !

M. Rudy Salles. Monsieur le ministre, quelles mesures entendez-vous prendre dans les prochains jours afin de soutenir le dispositif des CAE, et quelle enveloppe budgétaire allez-vous leur allouer ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe NC et sur quelques bancs dus groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Le budget consacré aux contrats aidés est de 2 milliards d’euros pour 2011. Toutefois, dans de nombreux départements, une surconsommation des crédits a été constatée. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Au 15 octobre, 95 % à 98 % de l’enveloppe de ces départements était consommés.

En tout état de cause, les engagements pris en loi de finances n’ont pas seulement été tenus ; ils ont même été dépassés, puisque 400 000 contrats aidés ont été finalement mis à disposition dans le secteur non marchand. Il a été demandé aux services de l’État de veiller à ce que les assistants de vie scolaire, comme les chantiers d’insertion, soient prioritaires pour arriver à la fin de l’année.

Pour l’année 2011, 2 milliards d’euros sont disponibles. Nous aurons 340 000 contrats aidés dans le secteur non marchand…

M. Daniel Paul. C’est 10 % de moins !

M. Patrick Lemasle. Soit 70 000 en moins !

M. Xavier Bertrand, ministre. …et 50 000 dans le secteur marchand. Je le dis et le répète pour que les choses soient claires : les contrats aidés ne s’arrêtent pas, ils continuent (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), avec un volume de contrats bien supérieur à ce qu’il était en 2009.

Comme vous l’avez indiqué vous-même, l’enjeu, pour toutes celles et ceux qui bénéficient des contrats aidés, est celui de la formation, car il s’agit de publics qui sont éloignés de l’emploi. Le contrat aidé est certainement ce qui permet le mieux d’y retourner. Nous avons un impératif, une obligation, qui est même une obligation morale, de formation pour permettre à ces salariés de pouvoir revenir dans le monde de l’emploi.

Merci de cette question qui permet de tordre le cou aux idées reçues. Oui, il y aura des contrats aidés ! Oui, c’est la politique de l’emploi du Gouvernement et de la majorité qui trouve son chemin et nous permet de réussir ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Déclaration de patrimoine des élus

M. le président. La parole est à M. René Dosière, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. René Dosière. Monsieur le Premier ministre, en réponse à celle que vous avez faite à Jean-Jacques Urvoas, je vous ferai remarquer qu’il existe une différence entre un ministre ayant eu une double condamnation et une présomption d’innocence (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC),et que si Éric Woerth n’est plus ministre, ce n’est pas de la responsabilité des socialistes. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Paul Garraud. Si, monsieur Dosière !

M. René Dosière. Les membres de votre gouvernement, vous-même, les députés et les élus des collectivités les plus importantes doivent déclarer leur patrimoine à l’entrée dans leurs fonctions et à la sortie. Une Commission pour la transparence financière, composée de hauts magistrats du Conseil d’État, de la Cour des comptes et de la Cour de cassation, vérifie qu’il n’y a pas eu d’enrichissement suspect. Lorsqu’il y en a eu, le dossier est transmis à la justice. Jusqu’à présent, aucune condamnation n’a été prononcée car il n’existe pas d’incrimination pour fausse déclaration de patrimoine. Depuis dix ans, la Commission demande qu’une sanction soit prévue pour ce type fraude. Vous-même, monsieur le Premier ministre, avez souhaité « une disposition législative punissant le fait de déposer une déclaration mensongère de patrimoine ».

Le 8 décembre, la commission des lois retient une sanction de deux ans de prison et 30 000 euros d’amende. Quelques jours après, M. Copé et M. Jacob déposent un amendement pour supprimer cette sanction. Cette nuit, face aux critiques des socialistes et d’une partie de la majorité, l’amendement est retiré ; mais, en contrepartie, la sanction est diminuée.

Il en résulte qu’un voleur de mobylette risque une peine plus sévère qu’un député fraudeur. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Quand on est faible, la sanction est lourde ; quand on est puissant, la sanction est légère. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Pour protéger une poignée de délinquants, on jette l’opprobre sur l’ensemble des élus de la nation.

M. Richard Mallié. Zéro, Dosière !

M. René Dosière. C’est inacceptable et indigne.

Monsieur le Premier ministre, êtes-vous satisfait par le texte voté cette nuit par votre majorité ? Que pensez-vous de la tentative de blanchiment de M. Copé et de M. Jacob ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales.

M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales. Monsieur Dosière, oui, le Gouvernement, comme le Parlement, estime que la Commission pour la transparence financière de la vie politique est un élément majeur de la vie démocratique de notre pays…

M. Maxime Gremetz. On ne dirait pas !

M. Philippe Richert, ministre. …et permet de vérifier le bon déroulement des campagnes électorales.

Oui, la commission a pointé une difficulté quant aux déclarations mensongères de patrimoine pour lesquelles le droit actuel ne prévoit aucune réponse.

Oui, nous avons cette nuit, les députés et moi, travaillé sur le sujet et nous avons estimé qu’il convenait de donner des moyens nouveaux à la justice, saisie le cas échéant par la Commission, pour permettre l’incrimination des élus en cause.

M. Maxime Gremetz. Il faudrait des peines de prison !

M. Guy Teissier. Monsieur Gremetz, vous auriez dû en faire, alors silence !

M. Philippe Richert, ministre. Oui, le Gouvernement s’est clairement exprimé sur le sujet. Oui, l’Assemblée, au cours de la séance d’hier soir, a décidé d’aller dans cette direction.

La question reste aujourd’hui celle du juste niveau de la peine encourue. C’est bien cela qui a été débattu hier. Ce débat n’a pas été escamoté, contrairement à ce qui a été dit, et le Gouvernement s’est exprimé de façon tout à fait explicite. La navette va commencer, et la question du quantum de la peine continuera donc à être débattue.

M. Maxime Gremetz. Ah !

M. Philippe Richert, ministre. Je me félicite du travail effectué tant en commission des lois qu’en séance publique. Le Gouvernement n’a pas l’intention d’infléchir sa position, mais le travail parlementaire se poursuit, et je ne doute pas que nous trouvions à terme un point d’équilibre partagé par tous, sans effets de manche inutiles, dans le souci d’aboutir.

Un député du groupe -SRC. Tartuffe !

M. Philippe Richert, ministre. André Malraux disait que les idées ne sont pas faites pour être pensées, mais pour être vécues. Notre objectif, c’est, dans la sérénité, de moderniser et de tendre toujours davantage vers une représentation démocratique dans laquelle les citoyens puissent avoir pleine et entière confiance. Tel est l’engagement du Gouvernement et de la majorité ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Otages français en Afghanistan

M. le président. La parole est à M. Bernard Gérard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Gérard. Ma question s’adresse à Mme la ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, et concerne la situation des otages français en Afghanistan. J’y associe mon collègue Robert Lecou, député de l’Hérault, mobilisé également sur ce dossier, auprès des proches de Stéphane Taponier.

Le 29 décembre prochain, cela fera un an que nos deux compatriotes, Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, sont retenus en otages en Afghanistan ; une année que leurs proches se trouvent dans le désarroi, espèrent et attendent leur libération ; une année que les services de l’État sont pleinement mobilisés pour les faire libérer ; une année enfin de mobilisation et de soutien aux familles pour affirmer qu’on ne les oublie pas et que leur sort se trouve au coeur de nos préoccupations.

Plusieurs questions relatives à leur situation ont été posées sur ces bancs, témoignant de la mobilisation légitime de la représentation nationale à leur égard. Nous savons que des négociations sont en cours et avons bien conscience de la nécessaire discrétion à adopter pour permettre leur aboutissement dans les meilleures conditions. Nous venons d’apprendre que des preuves de vie récentes ont été adressées aux autorités françaises. Nous savons également que le gouvernement afghan a entrepris des démarches ; démarches dont nous formulons tous le voeu qu’elles conduisent à leur libération rapide.

Nous avons bien conscience que la situation est complexe et saluons l’action du Gouvernement partout où nos compatriotes sont retenus prisonniers, en Afghanistan, au Niger, et nous pensons bien sûr aux autres otages.

Dans ce contexte et à quelques jours de ce douloureux anniversaire, je souhaite, madame la ministre d’État, que vous fassiez le point sur l’état de la situation et sur l’avancée des négociations afin de renouveler notre soutien aux familles, avec une pensée toute particulière pour celle d’Hervé Ghesquière, résidant dans ma commune, et afin d’informer tous les Français qui sont à leurs côtés par la pensée et par le biais des nombreuses manifestations qui se dérouleront le 29 décembre prochain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le député, la libération de tous nos compatriotes détenus en otages est une priorité absolue pour le Président de la République, pour le Gouvernement et évidemment pour le ministère des affaires étrangères.

Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier sont, vous l’avez rappelé, retenus en Afganistan depuis bientôt un an. Nous avons reçu récemment des vidéos datées du mois de novembre et qui ont été authentifiées : elles les montrent en assez bonne santé, compte tenu des conditions de leur détention depuis de nombreux mois. Nous espérons que les démarches entreprises, notamment par le gouvernement afghan, permettront leur libération dans de très brefs délais. Mais vous comprendrez bien que, dans leur intérêt même, il ne me soit pas possible de vous donner davantage de détails. La seule chose que je peux vous affirmer, c’est la mobilisation totale du Président de la République et du Gouvernement pour obtenir la libération des deux journalistes et, d’une façon générale, de tous nos otages. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Areva

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. François Brottes. Personne n’a pu penser que Jean-Yves Le Bouillonnec était pour exonérer Neuilly de ses obligations en matière de logement social : il avait voté contre, au nom des socialistes. Je tenais à faire cette mise au point avant d’en venir à ma question.

Monsieur le Premier ministre, la France est historiquement un grand pays en matière d'énergie. Financés par les Français et portés par la recherche publique, l'hydraulique et la filière nucléaire ont fait la force et la spécificité de notre mix énergétique. Cependant, depuis la privatisation de Gaz de France par votre majorité, l'édifice est fragilisé, et l'absence de pilotage en matière d'énergie met à mal l'avenir de toutes les filières du secteur.

Lors de votre dernier discours de politique générale, que j’ai écouté attentivement, vous avez affirmé que les engagements du Grenelle seraient intégralement respectés. Pourtant, les entreprises du secteur photovoltaïque mettent la clef sous la porte, faute d'une régulation anticipée. L'éolien offshore, quant à lui, reste pour le coup totalement off.

Lors de ce même discours de politique générale, vous nous avez dit vouloir « miser » sur l'énergie nucléaire. En guise de mise, c'est le démantèlement progressif et minutieux de la filière nucléaire civile qui prévaut actuellement : aucun arbitrage de l'État dans la guerre fratricide à laquelle se livrent EDF et Areva ; vente de la filiale T & D aux amis du Fouquet's, privant Areva de ressources significatives et pérennes ; petite augmentation de dernière minute de son capital, représentant moins de 15 % des fonds nécessaires pour assurer son développement durable.

Le maintien du caractère intégré de l'entreprise est clairement menacé. Quatar, Koweit ou Japon, qui va récupérer la production minière d'Areva ? À quel rythme se fera l'augmentation de son capital ? Qui sera le chef de file nucléaire à l'international ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Quel sera le rôle de l'État dans cette filière qui a besoin de contrôle et de transparence plus que nulle autre ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC..)

Patrimoine public des Français, la filière nucléaire ne peut plus être traitée dans l'improvisation, mes chers collègues, ou comme une nouvelle boîte de meccano ou de Monopoly que l'on découvre aux pieds du sapin.

Monsieur le Premier ministre, quelle est votre stratégie – si vous en avez une – pour Areva, pour la filière nucléaire française et pour l'ensemble du secteur énergétique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, vous posez la question de la stratégie nucléaire française, sachant pertinemment qu’il s’agit d’un savoir-faire tout à fait particulier dans lequel la France a investi depuis longtemps et qui bénéficie à tous les consommateurs français…

M. François de Rugy. Ils l’ont payé cher !

Mme Christine Lagarde, ministre.… puisqu’ils perçoivent le dividende nucléaire.

Une stratégie repose sur des objectifs, un financement et une gouvernance.

Les objectifs d’Areva sont très clairs. Premièrement, il s’agit d’être irréprochable sur le plan de la sécurité, du maintien et du développement du parc français. Deuxièmement, il faut être conquérants à l’étranger. C’est avec le savoir-faire d’autres acteurs du nucléaire français, comme EDF, GDF-Suez et le CEA, que nous pourrons développer nos compétences à l’international. Enfin, il est nécessaire de se trouver toujours à la pointe de la technologie. À cet égard, je regrette personnellement que le Premier ministre Lionel Jospin ait, en son temps, décidé d’abandonner le Superphénix (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP), alors que, sous l’autorité du Premier ministre, nous sommes autour d’Astrid, en véritable investissement stratégique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Outre la stratégie, il faut des financements.

Je vous rappelle que, depuis deux ans, sous l’autorité du Premier ministre, nous avons ainsi mobilisé plus de 6 milliards d’euros au service d’Areva, grâce à la cession de T & D – filiale non stratégique – et de participations – non stratégiques elles aussi – dans Safran, Total et quelques autres, et grâce à une toute récente augmentation de capital à laquelle nous avons invité un grand investisseur financier de long terme, Kuweit Investment Authority, avec lequel j’ai personnellement négocié les accords d’augmentation de capital auxquels l’État français participe.

En matière de gouvernance, il est nécessaire d’examiner le renouvellement des instances dirigeantes. C’est ce que j’ai demandé à toutes les entreprises dans lesquelles le président en est à son troisième renouvellement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Handicapés dans la fonction publique

M. le président. La parole est à M. Jean-François Chossy, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-François Chossy. La question que j’ai préparée avec mes collègues Jean-Paul Garraud et Dino Cinieri s’adresse à M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique.

La loi du 10 juillet 1987 a prévu de réserver aux personnes handicapées, 6 % des emplois du secteur privé. L’article 31 de la loi du 11 février 2005 impose la même obligation à la fonction publique. Monsieur le secrétaire d’État, où en est l’application de ce quota dans la fonction publique ?

Sachant que vous allez préparer une action dans ce domaine, je souhaiterais qu’elle utilise un vocabulaire nouveau.

En effet, le discours sur les personnes handicapées est axé sur les déficiences, jamais sur les potentialités. Au lieu de parler d’intégration à propos d’une personne qui entre dans le monde du travail, on devrait parler d’implication, pour une personne handicapée comme pour n’importe quelle autre personne.

Dans le langage que vous aurez à employer, monsieur le secrétaire d’État, si vous pouviez introduire cette idée d’implication de la personne handicapée et parler de potentialités plutôt que de déficiences, nous ferions un grand pas vers un changement de regard et de mentalité.

Voilà ce que je souhaite, monsieur le secrétaire d’État. Comme d’autres l’ont fait avant vous et le font encore maintenant, vous vous préoccupez du sort des personnes handicapées dans le monde ordinaire du travail. Il faut insister pour que chacun trouve sa place dans la société et que cela se fasse dans le progrès le plus absolu. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC, et sur divers bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique.

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique. Monsieur le député, chacun sait ici que vous êtes incontestablement l’un de ceux qui connaissent le mieux ce sujet, pour y travailler depuis fort longtemps. Merci de me poser cette question qui me permet de préciser deux ou trois orientations de la politique menée par le Gouvernement, à la demande du Premier ministre, dans ce domaine.

Comme vous l’avez rappelé, la fonction publique est soumise à la même règle que le secteur privé : les personnes handicapées doivent représenter 6 % de sa masse salariale. Cet objectif présente l’avantage d’être chiffré et permet de mesurer l’évolution de l’effort entrepris. Sur ce point, la fonction publique progresse : elle se situe aux alentours du taux de 5 %, ce qui signifie qu’en l’espace d’une année, entre 2008 et 2009, la hausse a été de quelque 0,8 %. Nous allons dans la bonne direction.

Cependant, pour plus de justesse statistique – et cela tempère quelque peu ma précédente remarque –, il faut apporter des correctifs à certains chiffres, notamment ceux fournis par l’éducation nationale qui avait une évaluation un peu trop facile, si je peux m’exprimer ainsi. Nous sommes en train de revoir tous les chiffres.

Trois orientations ont été retenues pour l’action que nous allons mener.

Premièrement, il s’agit de faire en sorte que les personnes handicapées acceptent de prendre « le risque » – car elles le considèrent comme tel – de se déclarer. Actuellement, on rencontre un manque de confiance de leur part et nous allons essayer de les aider.

Deuxièmement, nous allons faire en sorte que les ministères se fixent des objectifs chiffrés à atteindre. Nous allons demander l’embauche de 7 000 personnes dans la fonction publique dans son ensemble, d’ici à 2013.

Troisièmement, les ministères qui ne consentiront pas les efforts prévus se verront appliquer une véritable sanction en matière de crédits dévolus à leurs ressources humaines, afin qu’ils soient incités à aller plus loin.

Recherche et enseignement supérieur

M. le président. La parole est à M. Alain Rousset, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Alain Rousset. Madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, investir dans la recherche, l’enseignement supérieur et l’innovation est la seule piste que nous avons pour retrouver une stratégie industrielle. Nous partageons cette stratégie, mais elle suscite deux interrogations.

La première porte sur le respect des engagements du Gouvernement : 1 milliard à 1,8 milliard d’euros par an devaient être dépensés. Or, on constate une baisse des crédits de l’Agence nationale de la recherche et du Centre national de la recherche scientifique. La réponse est-elle dans les crédits du grand emprunt, qui devait être un rattrapage ? Ces crédits seront plutôt l’utilisation des intérêts des placements qui, pour les deux tiers du grand emprunt, vont être placés.

Madame la ministre, les universités sont inquiètes. Leur autonomie, qui s’accompagne de compétences élargies, suppose des moyens pérennes, à la fois pour la réhabilitation et la maintenance de leurs bâtiments, hors Plan Campus, et pour la gestion de leur personnel. La marge d’ajustement ne proviendra-t-elle pas de l’ajustement des droits d’inscription, comme cela est évoqué dans d’autres pays ? Aucune réflexion de décentralisation n’a été engagée par votre gouvernement.

Enfin, madame la ministre, quelle gouvernance y a-t-il en matière de recherche et quels grands projets sont envisagés entre votre ministère, le programme « Investissement d’avenir », l’Europe – j’avoue être scandalisé que les gouvernements d’Europe et le Président de la République aient pu proposer la baisse du budget européen – et les régions, qui participent de plus en plus aux projets de recherche ? N’est-il pas temps, madame la ministre, d’inventer une nouvelle gouvernance comme dans les autres pays européens ?

Vous avez marqué de votre nom l’engagement sur la recherche. Essayons de réfléchir ensemble à une recherche ambitieuse ayant un sens et fournissant une stratégie pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, Alain Rousset, vous avez posé de nombreuses et vastes questions.

Je vous répondrai que, après l’autonomie des universités, qui s’est accompagnée de moyens inédits pour l’université, sans aucune suppression d’emplois, après l’opération Campus, qui a été dotée de 5 milliards d’euros et dont les chantiers commenceront en janvier, le gouvernement auquel j’appartiens a fait le choix, pour que le pays sorte renforcé de la crise, de la formation, de la recherche et de l’innovation.

M. Patrick Lemasle. C’est faux !

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est le plan « Investissement d’avenir », qui injectera 3,5 milliards d’euros de crédits frais dans nos universités et dans nos laboratoires dès 2011, ce qui correspond à une augmentation de 15 % du budget de l’enseignement supérieur et de la recherche pour 2011.

Ce programme « Investissement d’avenir » a une ambition très haute : apporter un progrès à la fois à nos connaissances, à l’économie et à l’emploi, et contribuer au progrès social, dans les domaines de l’environnement, de la communication, de la santé, des transports, de l’espace.

Si je voulais résumer ce programme, je dirais, contrairement à vous, qu’il suscite l’enthousiasme de la communauté universitaire et des chercheurs. J’en ai une preuve : 680 projets ont d’ores et déjà été déposés dans les cinq premiers appels à projets clos. Dans votre belle région d’Aquitaine, nous notons une mobilisation fantastique : 35 projets ont été déposés par toutes les universités d’Aquitaine, les organismes et les entreprises dans les secteurs du laser, des matériaux et de l’espace. J’espère, monsieur Rousset, pouvoir faire confiance à la région Aquitaine pour appuyer ces projets. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Revenus des éleveurs bovins

M. le président. La parole est à M. Jean Auclair, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean Auclair. Monsieur le ministre de l'agriculture, vous n’êtes pas sans savoir que l’élevage bovin allaitant traverse une crise sans précédent.

La semaine dernière, la presse a relayé une fausse bonne nouvelle en annonçant une hausse du revenu des exploitations agricoles pour 2010. Cette annonce a fait l'effet d'une bombe dans le milieu de l'élevage. Il ne semble pas judicieux d'englober toutes les productions et d’en faire une moyenne. En effet, cette hausse ne concerne malheureusement ni les éleveurs creusois ni ceux du grand bassin allaitant. Enfants pauvres de l'agriculture, les éleveurs bovins de la filière viande ont un revenu moyen inférieur de 40% à la moyenne des autres exploitations.

Vous connaissez parfaitement bien la situation, monsieur le ministre. Le plan d'urgence de 1,8 milliard d'euros ne s'est adressé qu'aux exploitations les plus fragiles et n'a malheureusement pas assaini la situation. Les exploitations considérées comme solides, qui n'ont bénéficié d'aucun soutien d'urgence, sont dorénavant dans le rouge !

Après le barrage des abattoirs, qui n'a malheureusement abouti à rien, nous craignons qu'une catastrophe économique ne se dessine pour tout un pan de notre agriculture, entraînant des répercussions incalculables.

Monsieur le ministre, pouvez-vous délivrer au monde de l'élevage un message d'espoir ? Il est impératif de sortir tous ces éleveurs de la détresse dans laquelle ils se trouvent compte tenu de la situation économique dramatique de leurs exploitations et, par là même, sauver la filière viande. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire. Je refuse comme vous, monsieur le député Jean Auclair, tout triomphalisme en matière de revenu agricole. Permettez-moi, néanmoins, de me féliciter que, pour la première fois, celui-ci ait augmenté de manière significative en France en 2010 et nous ait permis de commencer à remonter la pente après une année 2009 qui restera dans l’histoire de l’agriculture française comme une année calamiteuse.

Permettez-moi aussi de vous faire remarquer que le revenu agricole n’est pas remonté par l’opération du Saint-Esprit. S’il est remonté, c’est parce que le Président de la République et le Premier ministre ont mis en place un plan d’urgence de 1,8 milliard d’euros.

M. Jean Glavany. Le Saint-Esprit, c’est le Président de la République !

M. Bruno Le Maire, ministre. C’est également parce que nous sommes intervenus avec la Commission européenne pour mettre 300 millions d’euros sur la filière du lait. C’est enfin parce que vous tous, ici, avez décidé d’exonérer de toutes charges sociales et patronales le travail saisonnier pour les fruits et légumes dans l’agriculture française. Ce sont tous ces éléments qui nous ont permis d’obtenir cette remontée.

Il reste une difficulté majeure : la situation de l’élevage en France, qu’il s’agisse de l’élevage porcin, de l’élevage bovin, de l’élevage du bassin allaitant ou encore de l’élevage en Auvergne. Je me suis rendu chez Louis Giscard d’Estaing il y a quelques jours.

M. Jean-Paul Bacquet. Venez également chez moi. Il n’y a pas que Louis Giscard d’Estaing !

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous avons pour priorité absolue de soutenir la filière de l’élevage en France dans les mois à venir. Nous allons, pour cela, avancer dans trois directions.

La première est celle des prix. Il faut des prix rémunérateurs pour tous les éleveurs français bovins ou porcins. Je refuse que le kilo de viande soit payé à un éleveur bovin 3,20 euros ou 3,30 euros, alors qu’il se retrouvera sur les étals de la grande distribution à 16 ou 17 euros pour le consommateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Deuxième priorité : la répartition du revenu. J’ai demandé à l’Observatoire des prix et des marges de nous remettre, d’ici à la fin de l’année, un premier rapport exclusivement consacré à la viande bovine afin de redonner du revenu aux éleveurs bovins dans cette filière.

Troisième priorité, enfin : l’exportation. Nous dégagerons des marchés à l’exportation. Nous avons obtenu la levée de l’embargo sur la sécurité sanitaire en Russie et nous continuerons sur tous les autres marchés à l’exportation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Audiovisuel extérieur de la France

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Didier Mathus. Monsieur le Premier ministre, l’audiovisuel extérieur de la France, dont vous avez la responsabilité, est en perdition. La lutte au sommet entre les deux plus hauts salaires de l’audiovisuel public français, Alain de Pouzilhac, son président, et Christine Ockrent, sa directrice générale, sur fond d’accusations réciproques d’espionnage et de manipulation, discrédite tout l’audiovisuel extérieur de la France qui, je le rappelle, coiffe France 24, RFI, et TV5-Monde. Cela est grave, car c’est l’un des piliers de la présence française dans le monde.

Jeudi dernier, 85 % de la rédaction de France 24 a voté une motion de défiance à l’encontre de Christine Ockrent. C’est désormais la pérennité de cette chaîne qui est en cause. Cette crise survient après sept années d’errements des gouvernements de droite, entre amateurisme et copinage. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La liste est longue.

Créée en 2006 dans des conditions dénoncées par une mission parlementaire unanime, cette « CNN à la française » courait d’entrée de jeu au fiasco. Il y eut ensuite, en 2007, l’affrontement avec nos partenaires francophones dans TV5-Monde, puis la crise de RFI, notre radio internationale, avec le départ de plus du quart des effectifs, ce qui provoqua une longue grève et un affaiblissement certain d’une radio pourtant reconnue par tous comme d’une exceptionnelle qualité. Enfin, en 2008, en décidant de nommer, aux côtés du publicitaire favori de Jacques Chirac, la compagne du ministre des affaires étrangères, vous avez ajouté le soupçon et le discrédit à la confusion.

Monsieur le Premier ministre, il est de votre responsabilité de remettre de l’ordre dans l’audiovisuel extérieur de la France. C’est l’image de notre pays qui est en cause, et il n’est pas acceptable que les querelles d’ego des deux dirigeants anéantissent le travail des 380 journalistes et mettent en péril les 113 millions d’euros que notre pays consacre à cette action.

Les soupirs, fussent-ils navrés, de M. Frédéric Mitterrand ne sauraient tenir lieu de réponse gouvernementale. Cette situation est la conséquence de vos décisions, vous ne pouvez en imputer la responsabilité ni à Météo-France, ni au Parti socialiste. Dites-nous donc quelle sera votre décision. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député,…

Plusieurs députés du groupe SRC. Bonsoir !

M. Frédéric Mitterrand, ministre. …soupir navré ! (Sourires.)

Face aux tensions de ces dernières semaines, que vous qualifiez de « perdition », permettez-moi tout d’abord un petit rappel historique.

La réforme de l’audiovisuel extérieur prévoyait que l’AEF possèderait 100 % de Radio France internationale, 100 % de France 24, 49 % de TV5-Monde. C’était un système relativement bien organisé. Contrairement à ce que vous dites, bien du travail a été accompli par le binôme qui est à la tête, son PDG Alain de Pouzilhac et sa directrice générale déléguée Christine Ockrent.

M. Albert Facon. Il faut un trinôme !

M. Frédéric Mitterrand, ministre. La relance de RFI, malgré les difficultés qu’a connues la réforme et que vous avez soulignées, a été réussie et a permis d’adapter la radio aux secteurs émergents de l’audience. Le domaine de France 24 a été étendu vers le Japon, vers l’Indonésie et, tout récemment encore, vers l’Inde, où je me suis rendu. Enfin, TV5, vitrine francophone affirmée, fonctionne parfaitement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Albert Facon. Répondez à la question !

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Synergies, déménagements, organisation : tout marchait bien jusqu’à ce qu’éclate le conflit que vous avez évoqué, lequel est sans doute dû, en partie, à la dureté du travail accompli pendant ces années-là (Rires sur les bancs du groupe SRC) et au choc des personnalités (Mêmes mouvements.) Vous savez que cela peut exister.

J’ai rencontré à deux reprises les deux protagonistes, dans une volonté de dialogue et d’apaisement, en soulignant le danger encouru par l’AEF en général. D’une certaine manière, le rayonnement accru de notre pays dans le monde est toujours à notre portée, compte tenu du travail effectué, des enjeux en cours, de la qualité des personnels. Les problèmes de personnes devront céder le pas. Attention au divorce, qui risque d’emporter toute la famille. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Situation en Côte d’Ivoire

M. le président. La parole est à M. Alain Moyne-Bressand, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Alain Moyne-Bressand. Madame la ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, la France entretient avec la Côte d’Ivoire d’anciennes et fraternelles relations. Ces dernières années, la démocratie ivoirienne a connu des crises sporadiques qui ont mis nos 15 000 compatriotes en danger. Après avoir été évacués, ils sont revenus dans ce pays qu’ils aiment et qui le leur rend bien. Il faut d’ailleurs rendre hommage à nos militaires et aux Casques bleus de l’ONU, qui assurent leur sécurité, parfois au péril de leur vie.

Depuis la dernière élection présidentielle, des troubles se développent à nouveau. La situation est confuse : deux présidents, deux Premiers ministres et deux gouvernements. Cette situation risque à tout moment de dégénérer. Ces derniers jours, la pression s’accroît sur Laurent Gbagbo, qui refuse toujours de reconnaître sa défaite à l’élection présidentielle du 28 novembre dernier et de céder sa place à son rival, Alassane Ouattara, reconnu par l’ensemble de la communauté internationale comme le président élu.

Lundi, l’Union européenne, qui lui avait laissé jusqu’à dimanche pour quitter le pouvoir, a annoncé ses sanctions. Les visas d’entrée dans l’Union européenne ne seront plus délivrés à dix-neuf responsables ivoiriens, dont le président sortant, et un gel des avoirs est à l’étude.

Madame la ministre d’État, à Abidjan, nos compatriotes sont inquiets, ils limitent leurs sorties, des enfants ne vont plus à l’école. Quelles mesures avez-vous prises pour rassurer ces Français de l’étranger et garantir leur sécurité ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le député, la sécurité de nos compatriotes présents en Côte d’Ivoire, particulièrement à Abidjan, est au cœur des préoccupations du Gouvernement.

Jusqu’à présent, aucune menace n’a été formulée à l’égard des Français ou des citoyens européens. Toutefois, nous le savons et vous l’avez souligné, la situation demeure extrêmement tendue. Aussi, sommes-nous particulièrement vigilants. Notre ambassade reste en contact quasi permanent avec chacun de nos concitoyens en Côte d’Ivoire. Par ailleurs, les consignes de prudence, notamment le conseil de ne pas sortir dans certains quartiers ou à certaines heures de la journée, leur sont régulièrement rappelées. Ensuite, nous anticipons et nous préparons à toute éventualité. Tous les moyens qui pourraient être éventuellement nécessaires sont prêts pour une intervention.

Dans ce contexte, la France appelle à une solution à la fois pacifique et rapide. C’est indispensable.

Je rappelle ainsi que la communauté internationale tout entière, à l’unanimité, a appelé et continue d’appeler M. Gbagbo à cesser ses provocations et à reconnaître le président élu, légitime, de la Côte d’Ivoire, qui est M. Ouattara. Cette position de la communauté internationale est constante.

M. Maxime Gremetz. Très bien !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État. L’Union africaine se réunit aujourd’hui. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest a prévu une réunion extraordinaire vendredi. Lundi dernier, à l’unanimité, l’ONU a reconduit le mandat de l’ONUCI. L’Union européenne, vous l’avez dit, a décidé de sanctions pour dix-neuf personnes de l’entourage de M. Gbagbo, qui ne peuvent plus avoir de visa pour entrer sur le territoire européen, et prévoit le gel des avoirs.

Nous voulons que cela se termine vite et pacifiquement, dans l’intérêt des Ivoiriens et de la Côté d’Ivoire. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP et sur quelques bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Loppsi

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (nos 2827, 2780).

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, nous sommes saisis du vote en deuxième lecture du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

Ce texte fixe des objectifs s’agissant desquels le Nouveau Centre vous a apporté son soutien, monsieur le ministre. Il vise aussi à adapter les outils juridiques dont disposent les forces de sécurité en matière de prévention et de lutte contre la délinquance. Il faut dire que les défis ne manquent pas, avec une délinquance toujours plus difficile et une économie souterraine à combattre. Il est également nécessaire d’adapter les outils à la disposition de la police et de la justice dans le domaine de la lutte contre les utilisations illégales des nouvelles technologies, et de la vidéoprotection dont il faut moderniser le régime.

Dans cette discussion, le groupe Nouveau Centre a été vigilant pour que la lutte contre l’insécurité soit menée dans le respect des libertés. J’ai eu l’occasion de m’exprimer au nom de mes collègues, notamment lorsque nous avons examiné la généralisation de la vidéosurveillance ou l’utilisation des fichiers. S’agissant de la pédopornographie, nous avons exprimé les plus expresses réserves à propos du pouvoir d’injonction de filtrage qui a été donné à la police. Si la cause nous mobilise, elle ne doit pas nous faire oublier les principes fondateurs du droit européen de l’internet ; mon collègue Dionis du Séjour l’avait dit avant moi.

Concernant la professionnalisation de la sécurité privée, je me réjouis que les amendements que j’ai défendus au nom de mon collègue Jean-Christophe Lagarde et de mon groupe permettent de mieux encadrer les nouveaux métiers de ce secteur.

Nous avons également accru les moyens donnés à la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Un chapitre important concerne la prévention de la récidive et la surveillance des personnes condamnées. Vous avez, monsieur le ministre, choisi de vous en remettre à la sagesse de notre assemblée à propos d’un amendement déposé par une partie de la majorité, qui donnait aux jurys d’assise la faculté de prononcer une peine d’interdiction du territoire à l’encontre d’un criminel de nationalité étrangère. Au nom du Nouveau Centre, je tiens à vous rappeler que nous disposons déjà d’un arsenal juridique qui permet de condamner les auteurs des crimes et délits les plus graves et de prévenir la récidive. Aujourd’hui, c’est le défi de l’exécution des décisions de justice que nous devons relever.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. C’est vrai !

M. Michel Hunault. L’exécution des peines d’emprisonnement est la première des préventions. Or on sait qu’un tiers d’entre elles ne sont jamais exécutées.

Enfin, votre projet de loi comporte des innovations en faveur de la sécurité quotidienne de nos concitoyens. Je pense au renforcement de la lutte contre les violences sportives et au renforcement de la sécurité dans les transports, pour lesquels nous vous avons également apporté notre soutien.

Monsieur le ministre, la sécurité doit être un objectif partagé, le chef de l’État l’a dit cet été dans son discours de Grenoble. La LOPPSI 2 est avant tout l’affirmation d’une volonté politique, d’une exigeance. Les élus du groupe Nouveau Centre vous apportent leur soutien, mais ce soutien reste vigilant. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Pour le groupe UMP, la parole est à M. Jacques Alain Bénisti.

M. Jacques Alain Bénisti. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer la richesse des débats que nous avons eus tout au long des mois qui ont précédé ce jour de vote, en particulier la semaine dernière, lors de l’examen en séance du texte dont le rapporteur était notre excellent collègue Éric Ciotti (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), même si certains dérapages ont pu être déplorés.

M. Jean Mallot. Dérapages de l’UMP, sans doute dus aux routes non déneigées !

M. Alain Néri. La faute à la météo !

M. Jacques Alain Bénisti. Je regrette effectivement qu’il ne se dégage pas, loin des sempiternels dogmes et caricatures, de consensus de part et d’autre de cet hémicycle sur des sujets aussi importants pour nos concitoyens que la lutte contre l’insécurité. La démagogie, mes chers collègues, n’a pas sa place dans un débat qui vise à protéger nos concitoyens.

À cet égard, les mesures adoptées vont conforter les forces de l’ordre dans leur capacité, d’abord, à anticiper et prévenir et, ensuite, à protéger, à lutter et à intervenir contre toutes menaces et tous risques susceptibles de porter atteinte aux institutions, à la cohésion nationale, à l’ordre public et, bien sûr, aux personnes, particulièrement aux plus fragiles d’entre nous.

En tant qu’élus de la nation, nous ne pouvons que nous réjouir de ces mesures qui donnent les moyens de lutter encore plus efficacement contre une délinquance de plus en plus jeune et de plus en plus violente, désormais sans scrupule, je dirais même sans foi ni loi, qui fait régner la terreur dans bon nombre de quartiers. Les derniers épisodes, comme l’assassinat d’Aurélie Fouquet, les événements de Grenoble ou encore les agressions contre les sapeurs-pompiers, qui ne peuvent plus intervenir et sauver des vies que sous escorte policière, en sont l’illustration saisissante.

M. Daniel Vaillant. Quel aveu d’échec !

M. Jacques Alain Bénisti. Nous nous devions de lancer un message de fermeté en direction des délinquants, de leur faire savoir qu’il n’y aura plus d’impunité et que les sanctions pour atteinte aux forces de sécurité seront plus lourdes et donc, nous l’espérons, plus dissuasives.

Notre nation doit également lancer un message fort de soutien à ces hommes et à ces femmes qui, tous les jours, au péril de leur vie, œuvrent pour la tranquillité et la sécurité de tous.

Ce texte, mes chers collègues, renforce aussi les outils, pour lutter plus efficacement contre cette délinquance. Il répond aux besoins de modernisation et, surtout, d’adaptation de l’ensemble des dispositifs. En matière judiciaire, il crée un délit d’usurpation d’identité et des peines plancher pour certains délits de violences aggravées ; il prévoit l’allongement de la période de sûreté pour les meurtriers de policiers et de gendarmes, instaure des peines complémentaires contre les violences routières et une procédure de comparution immédiate, sans passer devant le juge pour enfants, pour les mineurs délinquants. En matière de lutte contre la cybercriminalité, nouvelle forme de délinquance qui a des répercussions désastreuses sur notre jeunesse, notamment sous forme de pédopornographie et de pédophilie, le blocage des sites concernés est une excellente chose, de même que la mise en place du système de police administrative sous contrôle du juge. Mentionnons enfin des mesures de renforcement de la sécurité des voyageurs dans les transports en commun ou en faveur de l’instauration d’une police municipale mieux reconnue.

Ce sont autant de mesures destinées à répondre à l’évolution de cette délinquance qui, malheureusement, ne cesse de se transformer chaque jour. C’est pourquoi vous ne serez pas étonnés que le groupe UMP appelle de ses voeux cette modernisation et cette adaptation des moyens policiers et judiciaires à l’évolution de la délinquance.

Je peux vous assurer, monsieur le ministre, que les membres du groupe UMP soutiendront le modernisme et l’efficacité en votant ce texte. Il y va de notre responsabilité d’élus devant nos concitoyens ; il y va de l’autorité de l’État, mais aussi de la protection de nos valeurs et des principes fondateurs de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. D’ores et déjà, je fais annoncer le scrutin dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Manuel Valls, pour le groupe SRC.

M. Manuel Valls. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au mois de juillet 2002, les députés ont voté une première loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure. Texte inaugural de la nouvelle majorité, cette loi devait répondre aux inquiétudes des Français et au séisme provoqué par les résultats du premier tour de l’élection présidentielle.

Conscients de la gravité des enjeux, les députés socialistes avaient alors voté la principale mesure de ce projet. Nous avions approuvé le déblocage de crédits additionnels et la création de postes supplémentaires.

Qu’en est-il aujourd’hui, huit ans plus tard ?

Depuis juillet 2002, dix-sept lois ont été votées par le Parlement en matière de lutte contre l’insécurité. À chaque fois, la logique a été la même : des dispositions pénales ont été créées ou durcies dans le but d’enrayer l’augmentation de la délinquance. Et pour quel résultat ?

Le bilan de cette politique ne fait désormais plus guère polémique ; il n’est plus même besoin d’opposer les statistiques. À Grenoble, au mois de juillet dernier, le Président de la République a dressé lui-même un cinglant constat d’échec. Rien ne va, tout reste à faire, déclarons la guerre : voilà la substance de son propos.

La forme la plus dure de la délinquance – les atteintes contre les personnes – ne cesse de progresser. Elle frappe, au premier chef, les dépositaires de l’autorité et concerne des mineurs toujours plus jeunes. M. Bénisti, porte-parole de la majorité, vient de le dire lui-même.

Plus grave encore, un climat délétère s’installe entre les institutions chargées de l’ordre public. Harcelées par les impératifs du chiffre, affaiblies par les réductions d’effectifs, les forces de police et de gendarmerie, dont le mérite et l’engagement restent exemplaires, sont en proie à un profond malaise. Là où la confiance devrait souder tous les maillons de la chaîne pénale, la suspicion s’infiltre entre les différents acteurs : vous l’avez encore montré il y a quelques jours, monsieur le ministre.

Aujourd’hui, c’est la déception qui l’emporte.

M. Jean Glavany. Et même la désillusion !

M. Manuel Valls. Et le risque, demain, d’une colère des Français menace tous les républicains attachés aux valeurs de notre pays. Pour conjurer ce danger, il nous faudra plus que des exhortations et des coups de menton.

Le projet de loi LOPPSI 2 nous offre-t-il l’occasion d’un sursaut ? Non. Il condense, au contraire, tous les défauts de la politique conduite depuis 2002.

Sa forme même trahit la fièvre législative de la majorité : comptant quarante-six articles lors de sa présentation au conseil des ministres, le projet en rassemble aujourd’hui près du quadruple. Rien ne semble pouvoir arrêter la fuite en avant dans l’affichage !

Le fond témoigne également de cette surenchère : vous vous trompez, vous persistez et signez. Présenté par ses auteurs comme une boîte à outils, le texte tient plutôt d’un sac d’aspirateur. Les dispositions les plus diverses – certaines utiles bien sûr – y sont rassemblées, pêle-mêle, sans cohérence et sans ligne directrice.

La LOPPSI 2 n’est pas une loi de programmation. Les rares indications budgétaires sont renvoyées à des annexes dont chacun sait qu’elles n’ont aucune valeur normative. L’application aveugle de la RGPP reste la priorité insensée. Alors que les manques d’effectifs sont criants, 7 000 postes de policiers et de gendarmes devraient encore être supprimés d’ici à 2011 !

Pour pallier ces restrictions, le législateur est donc prié d’imaginer des pis-aller. Précieuse dans certaines circonstances – nous la mettons en œuvre dans de nombreuses villes –, la vidéoprotection est présentée comme la panacée. Dangereuse par ses conséquences, la sous-traitance de la sécurité est généralisée au profit des sociétés privées. Inacceptable dans son principe, la mise sous tutelle des forces municipales franchit un nouveau cap avec le conditionnement des subventions du Fonds interministériel de prévention de la délinquance : une nouvelle fois, vous vous défaussez sur les élus locaux.

Au lieu d’inventer ce genre de rustines, la LOPPSI 2 devrait, au minimum, maintenir à 200 000 le nombre total de policiers et de gendarmes.

La LOPPSI 2, et c’est encore plus grave, n’est pas une loi d’orientation. Annoncé dès le début du quinquennat, ce projet, sans cesse promis et toujours retardé, aura mis plus de trois ans à aboutir. Cette genèse laborieuse révèle mieux que tout l’absence de stratégie claire sur le déploiement, l’usage, les missions des forces de l’ordre. Et c’est cela le plus grave, monsieur le ministre.

Mise en place par la gauche, la police de proximité fut d’abord l’objet de sarcasmes. Une fois que l’on eut bien ri, on constata cependant que l’idée n’était pas si mauvaise ; elle était même attendue, voire plébiscitée par nos concitoyens. On tâcha alors de la rétablir, sous une appellation nouvelle. Quelques « unités territoriales de quartier » virent ainsi le jour. C’était pourtant déjà trop : le pouvoir ne pouvait si clairement se déjuger. À peine nées, les UTEQ furent défaites à leur tour. On parle désormais de « brigades spéciales » sans que personne ne comprenne bien les principes de leur fonctionnement et les contours de leurs missions.

Comme en témoigne la disposition sur l’interdiction du territoire, le seul horizon de la majorité est désormais celui de la surenchère répressive. Née en 2002 de la volonté d’enrayer la montée de l’extrême-droite, la politique de la majorité est aujourd’hui contaminée par les thèses de celle-ci. Beaucoup, dans vos rangs, vous le reprochent désormais ouvertement.

Cette dérive suffit à signer votre échec.

Pour l’ensemble de ces raisons, et parce que cette politique ne correspond pas à l’attente de nos concitoyens, les députés du groupe SRC voteront contre le projet de loi LOPPSI 2. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le groupe GDR.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, présenter ce texte quelques jours avant les fêtes de Noël, c’est faire aux Français un bien mauvais cadeau.

Il révèle une ligne politique particulièrement inquiétante et relaie un discours politique belliqueux : utilisant la figure du délinquant pour entretenir le fantasme de l’ennemi intérieur, il assimile, corrélativement, tout acte de délinquance à une atteinte à l’État.

J’avais dénoncé, lors de l’explication de vote portant sur le projet de loi « Immigration, intégration et nationalité », au mois d’octobre dernier, le fait que ce texte instaurait des régimes d’exception permanents à l’encontre des étrangers et des migrants. Aujourd’hui, la loi de programmation pour la sécurité intérieure vient y ajouter des mesures dérogatoires au droit commun qui deviennent ainsi la norme et s’appliquent à tout le monde.

Ces mesures, ce sont des dispositifs de fichage étendus et surtout interconnectés ; c’est une surveillance accrue, avec la vidéoprotection installée pratiquement dans tout l’espace public, avec la surveillance des utilisateurs des nouvelles technologies sans que ceux-ci en soient informés ; c’est plus de contrôle social, avec l’instauration d’un couvre-feu pour les mineurs, sans oublier pour eux la procédure proche de la comparution immédiate devant le tribunal pour enfants ; c’est l’enfermement ou le placement sous surveillance électronique des étrangers auxquels est notifiée une obligation de quitter le territoire français ; c’est l’expulsion arbitraire sous quarante-huit heures demandée contre les squatters, les occupants de bidonvilles ou d’un habitat choisi ou considéré hors normes, alors qu’il vaudrait mieux mettre en œuvre la loi DALO.

Ce sont encore les mesures de dépistage obligatoire du sida, qui risquent de mettre à mal l’ensemble des politiques de prévention, ou la création d’un régime d’impunité judiciaire pour les agents de renseignement, leurs sources et leurs collaborateurs lorsqu’ils utilisent une identité ou une qualité d’emprunt.

Tout ceci constitue un réel dispositif répressif et montre bien quelles sont les valeurs de ce Gouvernement.

Pour couronner le tout, on assiste, sur certains plans, à un renforcement de la privatisation du domaine public.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ces quarante-huit articles qui constituent un agrégat hétéroclite de dispositions techniques et sur l’aspect particulièrement illisible que revêt cet assemblage. Cela a été dénoncé plusieurs fois, aussi bien en commission des lois que lors des débats dans l’hémicycle mais, comme à l’accoutumée, le Gouvernement fait la sourde oreille ; vous passez en force, avec parfois des arguments bien peu recevables.

Avec ce énième projet sur la sécurité, le Gouvernement cherche essentiellement à se protéger de ceux qu’il craint et sur lesquels il porte un regard biaisé par la suspicion ; ce faisant, il préfère mener une guerre contre les plus précaires, les démunis, les étrangers plutôt que de s’attaquer à la question sociale.

La liste exhaustive des prétendues menaces intérieures et extérieures présentées dans l’exposé des motifs révèle une conception fantasmée de la société réelle. Ce projet de loi permet de penser que ce Gouvernement préfère obérer les mutations importantes de notre société et, aveugle qu’il est, régler les problèmes à coups de lois répressives qui ne font qu’accroître les ségrégations et les injustices sociales.

On ne le dira jamais assez : avec ce projet qui limite les libertés publiques et individuelles, la fonction du droit n’est plus de changer le système juridique ou même de l’améliorer, mais d’être un instrument de répression politico-idéologique et de remise en cause des droits politiques et civiques.

Chaque fois, sous prétexte de lutter contre la criminalité, de protéger les citoyens ou de créer les conditions du bien-être général, c’est l’insécurité sociale qui s’aggrave et ce sont les principes démocratiques qui se réduisent comme peau de chagrin.

Ce projet s’annonce inefficace du point de vue des fins qu’il prétend atteindre, mais très efficace au regard de ses fins réelles : il prépare une société du contrôle où chacun est potentiellement coupable et l’ennemi du voisin.

Force est de constater que nous ne sommes pas loin de la légitimation de l’état d’exception mis en place contre les citoyens.

Pour toutes ces raisons, et parce que le groupe GDR ne peut s’inscrire dans le projet de société que le Gouvernement cherche à imposer coûte que coûte, quitte à frôler l’inconstitutionnalité, notre groupe votera contre ce texte. Une autre politique de la sécurité citoyenne est possible ; elle reste à faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 500

Nombre de suffrages exprimés 492

Majorité absolue 247

(Le projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Projet de loi de finances rectificative pour 2010

Discussion du texte de la commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2010 (n° 3063).

La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, mes chers collègues, à l’issue de la première lecture à l’Assemblée nationale, le projet de loi de finances rectificative de fin d’année comportait soixante-treize articles. Le Sénat a adopté quarante-quatre articles dans les mêmes termes que notre assemblée, a ajouté quarante-six articles et en a supprimé neuf autres. Au total, soixante-quinze articles restaient en discussion en commission mixte paritaire. Nous sommes parvenus à un accord sur l’ensemble, en adoptant soixante-trois de ces articles et en en supprimant douze autres.

Je voudrais vous rendre compte des principales décisions prises en commission mixte paritaire, en insistant tout d’abord sur les quelques points très importants sur lesquels nous sommes arrivés, je crois, à un accord équilibré avec nos collègues sénateurs.

J’évoquerai tout d’abord la taxe générale sur les activités polluantes sur les déchets.

Considérant que la trajectoire d’évolution des taux de la TGAP qui avait été fixée l’an dernier, notamment sur les usines d’incinération et les dispositifs de stockage, et qui conduisait mécaniquement à une augmentation de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, était trop rapide compte tenu de l’état des finances locales et des finances publiques en général, et de la nécessité de préserver le pouvoir d’achat des contribuables, il a semblé à juste titre à nos collègues sénateurs qu’il fallait prévoir une augmentation plus modérée de TGAP.

Nos collègues avaient adopté un dispositif conséquent mais qui avait pour effet de réduire assez brutalement les ressources de l’ADEME, qui reçoit l’essentiel de la TGAP : de 85 millions d’euros dès 2012 et de 50 millions en 2013. Nous avons opté pour une solution intermédiaire, plus proche, je dois le dire, de la version du Sénat que du texte du Gouvernement, mais qui ne privera l’ADEME d’une augmentation de ressources que de 50 millions d’euros en 2012 et de 35 millions en 2013, les taux de TGAP étant adaptés en conséquence.

Le deuxième sujet que je voudrais aborder concerne le fonds exceptionnel d’aide aux départements en difficulté.

Nos collègues sénateurs avaient souhaité ajouter deux critères supplémentaires pour mieux prendre en compte les charges supportées au titre de la prise en charge des personnes âgées, mais la commission mixte paritaire a considéré que les trois critères proposés par le Gouvernement – le potentiel fiscal, que nous transformons à la demande du Sénat en potentiel financier, le revenu moyen par habitant et la proportion de personnes de plus de soixante-quinze ans – suffisaient. Nous avons trouvé un accord sur cet équilibre.

M. François Sauvadet. C’est bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur. Le troisième point important sur lequel nous sommes parvenus à un accord concerne le financement des chambres de commerce et d’industrie.

Nous avions adopté, vous vous en souvenez, un dispositif spécifique pour les années 2010 et 2011. À partir de 2012, suivant en cela les recommandations du rapporteur Charles de Courson, nous avions prévu de mettre en place un système de cotisations reposant sur les deux assiettes de la nouvelle taxe professionnelle, d’une part, l’assiette foncière, avec la cotisation foncière des entreprises, d’autre part, l’assiette valeur ajoutée, avec la cotisation sur la valeur ajoutée. Nos collègues sénateurs ont souhaité rouvrir la discussion que nous avions eue il y a plus d’un an, avant de se rallier finalement au dispositif adopté par l’Assemblée pour 2012.

Nous réglons en même temps, et je remercie le Gouvernement, le problème du manque à gagner de 50 millions d’euros que nous avions évoqué lors de l’examen de la loi de finances initiale pour 2011, manque à gagner à la fois pour 2010 et dans la base à prendre en compte à partir de 2011. Ainsi, les chambres de commerce sont tout à fait convenablement traitées par le dispositif que nous allons, j’espère, adopter définitivement.

Par ailleurs, nous avons été conduits à confirmer les positions du Sénat sur plusieurs points.

Le premier concerne les prêts d’épargne logement. La commission mixte paritaire a estimé à l’unanimité, je le souligne même si je sais qu’on ne doit pas rendre compte trop précisément de ce qui se passe en commission mixte paritaire, qu’il fallait centrer l’aide de l’État aux plans d’épargne logement – aide conséquente puisqu’elle représente chaque année environ 1 milliard d’euros – sur l’acquisition ou les travaux relatifs à la résidence principale et donc exclure les résidences secondaires. Bien entendu, cette mesure ne concerne pas les PEL en cours, elle ne jouera que pour les PEL ouverts à partir de mars prochain.

La deuxième disposition concerne le célèbre amendement Chartier sur la taxe sur les caravanes. Nos collègues sénateurs nous ont proposé de la transformer en une vignette de 150 euros, apposable sur la caravane ou le véhicule qui la tire.

M. Jean-Pierre Brard. Et quand la caravane n’a plus de vitres ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. Nous aurons le temps de réfléchir à cette question, monsieur Brard, puisque cette disposition ne devrait s’appliquer qu’à partir de 2014.

La commission mixte paritaire a également confirmé un amendement cher à un certain nombre d’entre nous, puisque nous l’avions adopté en séance il y a quinze jours, instituant la fameuse TGAP sur les sacs plastiques.

M. Charles de Courson. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur. Charles de Courson ne peut qu’approuver l’instauration d’une TGAP sur les sacs de caisse non biodégradables à partir de 2014.

S’agissant des réincorporations de donations antérieures dans une donation-partage, nous avons prévu une clause anti-abus pour éviter qu’on applique l’abattement sur des donations fictives aux enfants qui, in fine, se font au bénéfice des petits-enfants.

La commission mixte paritaire a également suivi le Sénat dans la suppression de deux dispositions.

La première créait un fonds d’accompagnement « vers et dans le logement ». Nous avons déjà beaucoup de fonds, notamment d’aménagement urbain, qui recueillent les pénalités SRU, aussi avons-nous estimé qu’il faudrait essayer de mettre en place un dispositif dans le cadre des procédures existantes.

La seconde suppression concerne, à la demande unanime de nos collègues d’outre-mer au Sénat, l’extension à l’outre-mer de la taxe sur les recettes des salles de cinéma. Nos collègues sénateurs nous avaient suivis, la semaine dernière, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, sur l’excellent amendement proposé par notre collègue Gaël Yanno concernant l’application du rabot et qui avait été adopté à l’unanimité de nos collègues députés d’outre-mer.

En revanche, nous avons supprimé quelques dispositions qui avaient été proposées par nos collègues sénateurs, sans trop de difficultés d’ailleurs puisque la première instaurait une taxe de 15 % sur les contrats d’assurance de garantie de loyers impayés tandis que la seconde créait une taxe sur les activités privées de sécurité. Tout le monde a été d’accord pour dire que l’avenir était plutôt à la diminution qu’à la multiplication du nombre de taxes.

En outre, compte tenu de l’accord que nous avions obtenu la semaine dernière sur le quantum de la taxe qui va désormais peser sur les retraites chapeau, nous avons décidé, en tout cas dans un premier temps, de ne pas retenir la déductibilité les concernant ou concernant les contributions mises en place au titre des levées de stock-options et d’acquisitions d’actions gratuites.

Enfin, la CMP a rétabli quelques dispositions votées par l’Assemblée et supprimées par le Sénat. S’agissant des auto-entrepreneurs, le Gouvernement avait proposé, par l’article 24 du projet, de supprimer complètement le principe de proratisation des cotisations. L’Assemblée avait adopté un dispositif équilibré : l’absence de proratisation était maintenue pour 2009 et 2010, puisque l’administration, en particulier celle des organismes sociaux, en avait informé les auto-entrepreneurs ; en revanche, pour la suite, la proratisation était maintenue, car il est rassurant pour les auto-entrepreneurs de connaître clairement le régime fiscal et social qui va leur être appliqué.

Par ailleurs, le ministre des comptes publics ne pourra certainement qu’approuver notre décision concernant la taxe d’urbanisme : elle ne pourra être versée qu’à la section d’investissement du budget des collectivités qui la perçoivent, car c’est bien ce type de dépenses qu’elle est censée financer.

Quant au versement transport, qui avait fait l’objet d’un vote unanime de l’Assemblée en loi de finances initiale – mais, souvenir un peu désagréable, avait disparu dans une célèbre seconde délibération –, nous parvenons finalement à un dispositif très équilibré. Le Sénat a considéré que si l’on augmentait le versement transport, qui n’est que de 0,55 % actuellement, dans les collectivités locales de 50 000 à 100 000 habitants, il fallait que les entreprises assujetties bénéficient en contrepartie d’une amélioration de la qualité de transport de leurs salariés.

M. Guy Malherbe. Absolument !

M. Gilles Carrez, rapporteur. Une telle augmentation est donc conditionnée à la mise en place d’un transport en commun en site propre. La CMP a rétabli la durée de trois ans pour le lissage de la modeste augmentation de ce versement transport qui pourrait intervenir par décret.

Pour conclure, je salue à nouveau la qualité du travail accompli avec tous vos services, monsieur le ministre, et en particulier avec les membres de votre cabinet qui vous accompagnent aujourd’hui. Je les remercie de leur disponibilité et du climat de confiance dans lequel nous avons travaillé.

Je tiens aussi à remercier nos collègues, car, sur ce projet, nous avons eu des débats de qualité, des débats de fond allant au-delà des considérations partisanes, ce qui a beaucoup facilité le travail en CMP.

Je remercie enfin le président de séance, la presse et les administrateurs de l’Assemblée dont l’excellence et le professionnalisme nous ont permis de travailler sur un pied d’égalité avec l’administration de l’État…

M. Patrick Lemasle. Ce sont les meilleurs !

M. Gilles Carrez, rapporteur. …et donc en confiance avec le ministre et son entourage.

Je vous remercie tous et je vous invite à voter ce projet de loi de finances rectificative pour 2010. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Nicolas Forissier. Et nous, nous vous remercions, monsieur Carrez.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, voici donc la dernière loi de finances rectificative de l’année – au demeurant, en examiner une autre serait peut-être délicat, étant donné la date ! C’est la dernière, mais la quatrième de l’année.

Le rapporteur général ayant terminé par des remerciements, je commencerai par y joindre les miens, car ils s’adressent aux mêmes personnes : la présidence, nos collègues, vous-même, monsieur le ministre, pour votre présence, les collaborateurs de la commission des finances et bien entendu, Gilles Carrez qui, comme la semaine dernière, a remercié tout le monde sans s’inclure dans ce satisfecit.

Et puisque la periode s’y prête, je formulerai un vœu pour l’an prochain : si une loi de finances rectificative est inéluctable au printemps et une autre sûrement nécessaire en fin d’année, que nous en restions à deux et pas davantage. Cela permettrait de reprendre un rythme plus accoutumé et qui sans doute, faciliterait le travail, au moins pour le Parlement.

Cette loi de finances rectificative arrête le déficit budgétaire à 149,7 milliards d’euros. Comme l’a expliqué le rapporteur général, ce montant traduit la situation que nous avons connue, mais aussi des décisions discrétionnaires qui ne pourront vraisemblablement pas être reconduites. Imaginons ce que serait la réaction de notre collègue Michel Bouvard si le prélèvement supplémentaire sur la Caisse des dépôts était renouvelé… Un acompte sur dividendes de 330 millions d’euros a également été prélevé au détriment de la Caisse des dépôts. L’État a enfin reporté sur 2011 le payement d’une amende de 900 millions d’euros à laquelle il a été condamné. Ce sont là des artifices budgétaires, guère originaux et même répétitifs ; ce n’en sont pas moins des artifices. En tenir compte donne une idée de ce qu’est réellement le déficit budgétaire cette année : il a été légèrement minoré par rapport à la dernière loi de finances rectificative, à cause des artifices que je viens de décrire.

À ce propos, j’observerai, monsieur le ministre, qu’il faudrait, à l’avenir, mieux respecter les règles des finances publiques en vigueur, surtout si l’on veut en élaborer d’autres. L’article 34 de la loi organique relative aux finances publiques prévoit que c’est en loi de finances initiale qu’est fixée l’affectation des éventuels surplus de recettes constatés dans l’année. La loi de finances pour 2010, dans son article 67, posait clairement que tout surplus devait être réservé au désendettement du pays. Or, dans la loi de finances rectificative relative au prêt à la Grèce, nous avons constaté l’augmentation du déficit de 3 milliards d’euros, mais aussi l’affectation, en cours d’année, d’un surplus de recettes estimé à 900 millions d’euros au titre de la TVA ; or ces 900 millions, nous ne les constatons pas en fin d’année. Il y a là un double manquement. D’abord, si nous avions bien disposé de ce surplus, il aurait fallu le consacrer au désendettement et non à un prêt à la Grèce ; ensuite, il y a, qu’on le veuille ou non, aggravation du déficit puisque, finalement, ce surplus n’était pas de 900 millions mais seulement de 300 millions, de même que le manque à gagner est de 1,4 milliard d’euros au titre de l’impôt sur le revenu et de 140 millions d’euros au titre de l’impôt sur les sociétés, comme l’indiquait Aurélie Filipetti lors du débat la semaine dernière. Que le pouvoir exécutif n’observe pas les règles des finances publiques en vigueur au moment même où il propose d’en élaborer d’autres est, à mes yeux, plutôt de mauvais augure. À l’avenir, mieux vaudrait veiller au respect des règles par tous plutôt que d’en élaborer d’autres.

Je ferai deux remarques, dont la première porte sur le statut de l’auto-entrepreneur. Que le Gouvernement prenne des décisions et que le Parlement les vote pour se mettre en conformité avec la pratique de l’administration fiscale est une méthode quelque peu surprenante. Pourrais-je, en cette période, émettre un autre vœu : qu’à l’avenir, ce soit les décisions du Gouvernement et éventuellement le vote du Parlement qui amènent l’administration fiscale à adopter l’attitude adéquate et non pas l’inverse ? Si nous en sommes à accepter pour 2009 et 2010 la situation que l’administration avait indiquée aux auto-entrepreneurs et à n’accepter la proratisation qu’à partir de 2011, c’est bien pour ne pas mettre en porte-à-faux ces derniers, qui sont de bonne foi, ni l’administration fiscale, laquelle s’est un peu trop avancée. Mais ce n’est pas de bonne méthode.

Quant au statut d’auto-entrepreneur lui-même, nous savons qu’il pose des problèmes réels de concurrence, que d’aucuns jugent objectivement déloyale, avec des artisans qui ont des frais d’assurance, d’inscription à divers organismes, de formation et doivent, en un mot, observer des règles dont les auto-entrepreneurs sont affranchis. Je ne suis pas certain que ce statut dure longtemps.

Ma deuxième remarque porte sur le versement transport. Comme l’a rappelé le rapporteur général, il s’agit de passer le cas échéant de 0,55 % à 0,85 % dans les villes de 50 000 à 100 000 habitants. Cela pose le problème du financement des sites propres de transport en commun, et celui des transports en commun de manière générale, même si cette disposition, rejetée par le Gouvernement en seconde délibération, va être votée à l’issue de la CMP.

De façon générale, comment financer le déficit d’exploitation des transports en commun ? Comment financer les investissements, indispensables, pour renouveler ou créer des voies en site propre ? Quel peut être le projet industriel dans ce domaine, alors que Alstom a perdu le marché de l’Eurostar qui lui semblait promis et se débat dans les difficultés ? Enfin si, à terme, la concurrence est inéluctable comme le pensent certains, quel sera le statut social des employés des entreprises publiques de transport en commun ? Ce sont là quatre chantiers qu’il nous faudrait ouvrir l’année prochaine. Je me permets de l’indiquer à propos de cette disposition sur le versement transport.

La CMP s’est déroulée dans un très bon climat. Elle s’est conclue de façon positive. Je forme encore un dernier vœu : puisse le Gouvernement accepter ses conclusions, sauf peut-être à la marge, de sorte que, même si tous ici ne les voterons pas, le travail des parlementaires soit respecté comme il se doit. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, je veux d’abord saluer à mon tour la qualité de nos débats. Cependant, monsieur le président de la commission, j’ai trouvé vos observations un peu sévères…

M. Jean-Pierre Brard. Mais justifiées !

M. François Baroin, ministre. ...sur nos travaux budgétaires tout au long de l’année. Évidemment, le gouvernement français aurait préféré qu’il n’y ait pas de crise en Grèce. À partir du moment où il y en avait une, il était normal que nous engagions la signature de la France et que nous le fassions devant le Parlement. De même, nous aurions préféré qu’on ne mette pas en place un fonds européen de stabilisation de 750 milliards ; mais c’est un choix de l’Union européenne, et vous sachant européen convaincu, monsieur Cahuzac, je ne doute pas que vous ayez trouvé naturel et légitime que le Gouvernement propose une nouvelle loi de finances rectificative à ce sujet. Bien sûr, nous aurions préféré ne pas nous trouver dans ces turbulences. Nous y trouvant, nous avons assumé nos responsabilités. Il n’y a pas à le regretter, même si cela demande une nouvelle loi de finances rectificative alors que Noël approche.

Sur ce collectif, nous avons bien travaillé, à l’Assemblée comme au Sénat. Je rends donc une nouvelle fois hommage au président de la commission des finances – une fois de trop à son goût, semble-t-il…

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Au moins, que ce soit la dernière fois de l’année !

M. François Baroin, ministre. À quelques jours du Nouvel an, je crois pouvoir en prendre l’engagement ferme et définitif. (Sourires.) Nous aurons de nouveau rendez-vous l’an prochain, sur d’autres sujets.

Je voudrais également dire au rapporteur général combien, avec l’équipe dont j’ai la chance qu’elle m’accompagne dans cette mission exaltante et exigeante, nous avons apprécié d’accomplir avec lui et les administrateurs qui l’entourent un travail de qualité et de précision. Nous avons eu des points de désaccord, nous les avons résolus. l’Assemblée nationale a le dernier mot. Je le dis tout de suite, les conclusions de la CMP sont, à 99 %, satisfaisantes aux yeux du Gouvernement.

Je m’adresse enfin aux parlementaires, ceux de la majorité en premier lieu – l’opposition ne s’en offusquera pas –, pour les remercier du soutien qu’ils ont apporté à ce collectif qui n’est pas seulement une voiture-balai en fin d’exercice budgétaire, mais porte aussi sur des sujets de fond. Sur des sujets qui demandent qu’on leur consacre un peu plus de temps, comme les sociétés de personnes, nous avons trouvé des modalités d’accord et un équilibre qui a facilité les débats.

Je voudrais enfin remercier les présidents de séance, et vous en particulier, monsieur le président Le Fur. Sachez combien nous apprécions la haute vision qui est la vôtre, (Sourires) vous, le primus inter pares, qui êtes au niveau le plus élevé, mais pas au-dessus de vos collègues qui siègent au dernier rang de l’hémicycle, vous dont l’autorité naturelle de véritable chef d’orchestre a permis aux modestes musiciens que nous sommes de bien jouer leur partition.

S’agissant des résultats de la CMP, le déficit s’établit donc à 149,7 milliards d’euros. Le compromis sur la TGAP permet de ramener la diminution de ressources de l’ADEME à un niveau moindre que ce que le Sénat avait prévu ; ce résultat satisfait le Gouvernement. S’agissant du fonds d’aide aux départements en difficulté, doté de 150 millions d’euros,…

M. Patrick Lemasle. C’est bien juste !

M. François Baroin, ministre. …la CMP, par souci de cohérence, est revenue sur les critères de répartition du concours exceptionnel de 75 millions que verse la CNSA aux départements au titre de l’APA.

Si vous en êtes d’accord, monsieur le rapporteur général, le Gouvernement vous propose par conséquent de revenir sur cet amendement et de laisser inchangé pour 2011 les critères de répartition du concours pour l’APA. Nous en avons débattu avec le rapporteur général du budget au Sénat, M. Marini, qui voulait instaurer ce quatrième critère.

Je ne soutiens pas qu’il n’était pas pertinent mais, à ce stade, les trois critères retenus par le Gouvernement paraissent inattaquables à tous égards : personne ne peut contester le potentiel fiscal des départements ou la moyenne du potentiel fiscal des départements les uns par rapport aux autres. Ces critères constituent des points d’équilibre garantissant le caractère incontestable – au moins sur le plan politique – de la ventilation des fonds en question.

En ce qui concerne les questions douanières et fiscales, je salue, là encore, le sens du compromis de la CMP dont les conclusions reflètent fidèlement l’esprit de nos discussions. Le Gouvernement prend acte du texte issu de la CMP. Reste qu’un amendement de fond, en matière fiscale, vise à supprimer l’article 17 undecies relatif au montant minimum de la cotisation foncière des entreprises, article introduit par le Sénat et modifié par la CMP. Je compte sur la bienveillance de l’Assemblée.

Je reviens, pour finir, sur la question du tabac. Le Gouvernement a entendu votre message et le relaiera sans délai auprès de la Commission européenne dont je ne doute pas, du reste, qu’elle se soit d’ores et déjà penchée sur nos travaux.

Je vous remercie pour votre patience, pour votre implication et je me permets de souhaiter à vos familles, à vos collaborateurs et, bien sûr, à vous-mêmes, d’excellentes fêtes de fin d’année. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gilles Carrez, rapporteur de la CMP. Très bien !

M. le président. C’est un président rougissant…

M. Patrick Lemasle. Rugissant !

M. le président. J’ai bien dit, un président « rougissant »…

M. Jean-Pierre Brard. Il reste de la place à gauche, monsieur le président !

M. le président. …qui donne la parole à M. Muet, premier orateur inscrit.

M. Pierre-Alain Muet. Je remercie à mon tour le président de la commission et le rapporteur général qui ont beaucoup contribué à la qualité de nos débats.

Le texte issu de la commission mixte paritaire comporte bien sûr des points positifs et d’autres qui ne le sont pas.

Parmi les premiers, je mentionnerai la « proratisation » du seuil à partir duquel on peut bénéficier du statut d’auto-entrepreneur. Comme le rappelle le rapporteur général, la commission a adopté cette disposition à l’unanimité. L’Assemblée aussi, et j’y suis d’autant plus sensible que l’unanimité, alors, c’était ma voix. (Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Autre sujet de satisfaction : la position de l’Assemblée a prévalu au sein de la commission mixte paritaire en ce qui concerne le versement transport, dont le seuil maximal a été porté à 0,85 % des salaires alors qu’il est aujourd’hui de 0,55 %. Tous les élus des agglomérations de 50 000 à 100 000 habitants souhaitaient que cette décision fût prise. Elle l’a été grâce à la sagesse de la CMP qui a ajouté que ce versement devait financer des transports en sites propres.

En revanche, pour ce qui est de la situation des départements, force est de reconnaître que les 150 millions d’euros du plan prévu par le présent texte, ne sont pas du tout à la hauteur des enjeux : comme le montre l’Association des départements de France, le déficit des départements dû à des décisions de l’État concernant les grandes allocations ne s’élève pas à 150 millions mais à 5,4 milliards d’euros ; c’est dire si nous sommes loin du compte.

Puisqu’il s’agit du dernier collectif budgétaire de 2010, je souhaite justement revenir sur l’année écoulée.

Monsieur le ministre, quand vous évoquez le projet de loi de finances pour 2011, vous parlez d’un texte historique. Or le mot « historique » peut déjà qualifier la réalité de 2010. Ainsi, le déficit des administrations publiques s’élève à environ 150 milliards d’euros. Vous mettez en avant la crise économique que la Cour des comptes n’estime pourtant responsable que d’un tiers du déficit. Il reste donc 100 milliards d’euros, abstraction faite des effets de la crise, soit un déficit historique de nos comptes publics.

On note une situation similaire quant à la dette. Mme Lagarde précisait que 210 milliards d’euros avaient été empruntés en 2010, à savoir plus d’un demi-milliard par jour ! Voilà aussi, malheureusement, un chiffre historique. En dix ans, de juin 2002 à juin 2012, la majorité aura doublé la dette de la France qui sera passée de moins de 900 milliards à plus de 1 800 milliards d’euros.

M. Patrick Lemasle. Encore bravo !

M. Pierre-Alain Muet. Là encore, quand on pense que les intérêts de cette dette – 55 milliards d’euros qui vont malheureusement croître – représentent l’équivalent du deuxième budget de l’État, et qu’ils approcheront peut-être même le premier budget, on se dit que si cette situation est certes historique, elle est surtout catastrophique.

Ensuite, le taux de chômage des jeunes entre quinze et vingt-cinq ans s’élève à 24 %, taux encore jamais atteint. Pour cela aussi vous invoquez la crise, mais d’autres pays l’ont connue. Ainsi l’Allemagne, dont le taux de chômage global, en 2008, était identique au nôtre, et qui a baissé depuis alors qu’il a augmenté en France ; divergence plus importante encore pour le seul chômage des jeunes qui ne dépasse pas 8 % outre-Rhin !

Le déficit du commerce extérieur aura sans doute lui aussi battu un record cette année : il approcherait le chiffre de 50 milliards d’euros. Il faut se souvenir que, de 1997 à 2002 voire 2003, la France bénéficiait d’un excédent extérieur de 20 à 30 milliards d’euros. Cet excédent s’est transformé en déficit à partir de 2004 et il n’a cessé de se creuser. La situation actuelle est des plus préoccupantes et la crise, en l’occurrence, n’y est pour rien puisque d’autres pays ont un excédent considérable, comme l’Allemagne, et puisque l’ensemble de la zone euro est en excédent. Cela démontre que notre compétitivité s’est dégradée depuis cinq ou six ans.

On constate que ni le projet de loi de finances pour 2011 ni le présent collectif budgétaire ne répondent aux défis de la dette, des déficits, de l’emploi ou de la compétitivité. On peut malheureusement caractériser la situation économique actuelle ainsi : explosion des déficits, explosion de la dette et explosion du chômage. Or, j’y insiste, rien dans le collectif budgétaire ne change la trajectoire suivie depuis plusieurs années ; c’est pourquoi le groupe SRC votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, vous avez parlé d’un débat de qualité. Cet hémicycle en a connu ; rappelez-vous : Jaurès et Barrès. Et si débats de qualité il y avait, ils se tenaient aussi bien à gauche qu’à droite. La différence avec aujourd’hui est qu’à l’époque la majorité n’imposait pas le silence à ses députés. J’éprouve ainsi de la compassion pour nos collègues de droite que vous transformez en poteaux télégraphiques, si j’ose dire, en les réduisant au silence. Et encore, quand on s’approche des poteaux télégraphiques, entend-on – n’est-ce pas, monsieur Soisson ? –, comme dans les collines de Saint-Bris, un bourdonnement. Or même cela est absent des bancs du groupe UMP tant vous imposez à vos députés la cloche qu’ils ne méritent néanmoins pas, tant on compte parmi eux de brillants esprits.

Je ne reviendrai pas sur le caractère indigeste de ce collectif budgétaire sans fil directeur, composé de 43 articles traitant à la fois du coq, de l’âne, de la cigale et de la fourmi tout en oubliant, néanmoins, une espèce que vous connaissez pour la fréquenter, monsieur le ministre : les requins de la finance.

Je ne reviendrai pas non plus sur les conditions de travail tout aussi inadmissibles que le Gouvernement impose à la représentation nationale. Certes, vous vous montrez onctueux, vous remerciez à gauche, à droite, devant, derrière, mais, entre le projet de loi de finances pour 2011 et le présent projet de loi de finances rectificative, c’est toujours la même logique qui est à l’œuvre.

J’aimerais insister sur le vrai problème, celui qui préoccupe l’immense majorité de nos concitoyens et que vous n’avez pas évoqué. Il s’agit évidemment du pouvoir d’achat, c’est-à-dire de la répartition actuelle des richesses. Selon le rapport Cotis, environ 7 % des profits vont actuellement aux salariés – en sus de leur salaire –, contre environ 36 % à la poignée de privilégiés qui détiennent le capital.

Ces dernières années, ce problème s’est encore aggravé avec l’accélération de la mondialisation, laquelle est en réalité largement une conséquence, sinon une exigence de la financiarisation de l’économie. Cette « économie casino » tourne au profit quasi exclusif des actionnaires. Ainsi, les revenus financiers ont explosé ces vingt dernières années : selon l’INSEE, ceux-ci ont augmenté de plus de 143 % depuis 1993. De même, les dividendes sont en croissance régulière, et ce même pour les entreprises qui licencient massivement. Alors qu’ils représentaient 5 % de la valeur ajoutée en 1980, ils ont quintuplé pour atteindre 25 % aujourd’hui.

L’économie des actionnaires dont, j’y insiste, vous n’avez pas parlé, c’est celle d’Air-France-KLM : de 5 centimes en 2004, le montant du dividende est passé à 58 centimes en 2008. Or, en juin 2009, l’entreprise annonce la suppression de 3 000 postes. Cette économie, c’est celle de Sanofi-Aventis avec ses 8 milliards de bénéfices nets en 2009 et la suppression de 3 000 emplois en 2010.

Il ne s’agit évidemment pas de cas isolés, mais bien d’exemples emblématiques du fonctionnement actuel de l’économie et de la répartition des richesses qu’elle produit.

L’envers de la politique du dividende et de la rente spéculative, c’est la stagnation des salaires, ce sont les délocalisations, les plans sociaux, la casse des services publics et des acquis sociaux.

Évidemment, monsieur le ministre, le passé n’est pas sombre pour tout le monde. À titre d’exemple, les exonérations de cotisations patronales coûtent plus de 30 milliards d’euros par an, contre seulement 1,9 milliard en 1992. Selon notre regretté Philippe Séguin, ces exonérations n’ont jamais eu d’effet quantifiable sur l’économie et la croissance. Et notre bon rapporteur général, Gilles Carrez, a regretté que « les exonérations ne soient même pas plafonnées ».

M. Nicolas Forissier. Merci les 35 heures !

M. Jean-Pierre Brard. En dépit des déclarations tonitruantes du Gouvernement sur les niches fiscales, le coût de celles-ci reste exorbitant. Le Gouvernement fait, d’une certaine manière, valser l’anse du panier même si, habilement, il a changé le nom des niches fiscales parce que, comme aurait dit Tartuffe : « Cachez ce sein que je ne saurais voir ! » Or ces niches de toute nature coûtent chaque année 140 milliards d’euros à la nation ; le voilà, le déficit ! De cadeaux fiscaux aux plus riches en exonérations de cotisations, les recettes de l’État restent très proches des recettes d’il y a trente ans, alors que les richesses produites ont augmenté d’environ 70 % sur la même période.

Pour justifier cette gabegie au seul profit des grands groupes et des grosses fortunes, vous n’avez qu’un mot à la bouche : la concurrence internationale et la compétitivité de la France.

Enfin, permettez-moi de conclure sur le dernier « dada » de Sa Majesté Impériale : le modèle allemand.

Lors du dernier conseil des ministres franco-allemand, Nicolas Sarkozy a récidivé : « Avec François Fillon – disait-il lors de la conférence de presse finale – nous avons décidé la convergence de nos fiscalités avec l’Allemagne ». Comme s’il revenait au Président de la République de décider de quoi que ce soit en la matière ; mais passons. Est-ce à dire, monsieur le ministre, que la France va, à l’instar de l’Allemagne, supprimer la taxe d’habitation et instaurer un impôt sur les poissons rouges, les chats et les chiens ? (Sourires.)

M. François Baroin, ministre. Ce serait une bonne idée !

M. Jean-Pierre Brard. Écoutez le ministre, mes chers collègues : le rapprochement fiscal entre la France et l’Allemagne avance ! Bien entendu, tout cela se réglera sur le pont de Kehl.

Les impôts sur le patrimoine, sur les successions, ainsi que la taxation sur la bière, qu’il faudra créer, seront-ils donc prochainement levés au profit des seules régions ? Le Président de la République a, comme d’habitude, parlé sans avoir réfléchi. Il est vrai qu’il a besoin d’attrape-nigauds pour occuper le devant de la scène ; ce rapprochement fiscal entre l’Allemagne et la France en est un.

Tout d’abord, il existe une différence essentielle entre nos deux pays : l’Allemagne a préservé la base industrielle que vous, vous bazardez. Chez Daimler-Benz ou chez Volkswagen, lorsque les commandes diminuent, on ne licencie pas, contrairement à M. Ghosn, l’Attila de l’automobile, qui, en même temps qu’il empoche ses 8 millions de salaires, supprime des emplois.

Ensuite, n’oublions pas que le modèle allemand produit aussi des dégâts sociaux. Ainsi, les soupes populaires que l’on voit aujourd’hui à Berlin rappellent les arrière-cours des années vingt, et l’on sait comment cela s’est terminé. Les classes moyennes ne sont pas épargnées : pour elles aussi, c’est la stagnation, voire la baisse des salaires. Au cours de la période 1999-2007, le coût unitaire de la main-d’œuvre a crû de moins de 2 % en Allemagne, alors qu’il a augmenté de 28 à 31 % en Grèce, en Irlande, au Portugal et en Espagne et de 17 % en France.

Enfin, le marché intérieur reste atone et, à long terme, la stratégie allemande, axée quasi exclusivement sur les exportations, ne peut fonctionner que si tous ses partenaires, dont la France, continuent de creuser leurs déficits commerciaux.

Monsieur le ministre, Noël approche, et je suis certain que, si vous n’avez pas écrit de lettre au Père Noël, en revanche, vous lisez très attentivement celles que vous envoient mamie Liliane, M. Afflelou et quelques autres, qui attendent leurs cadeaux avec gourmandise. Pour vous inciter à la sagesse, je veux vous rappeler quelques paroles fortes.

Le 21 novembre 1979, Jean-Paul II, qui n’était pas un gauchiste, déclarait, dans une homélie prononcée au Yankee stadium de New York : « Ne laissez pas aux pauvres que les miettes du festin. » C’est pourtant ce que vous faites, vous ! Romain Rolland écrivait, quant à lui, dans Le Buisson ardent : « Tout homme qui possède plus qu’il n’est nécessaire à sa vie, à la vie des siens et au développement normal de son intelligence est un voleur. » Monsieur le ministre, vous qui croyez en certaines opinions, vous devriez méditer cette phrase de Jean Rostand : « La persistance d’une opinion ne prouve rien en sa faveur. Il y a encore des astrologues. » Enfin, permettez-moi de conclure en citant ce mot d’Einstein, qui me semble bien s’appliquer à vous et à mes collègues de l’UMP : « Un préjugé est plus difficile à casser qu’un atome. » (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. Merci pour ce florilège, mon cher collègue.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la période budgétaire s’achève avec l’examen du quatrième collectif pour 2010 tel qu’il est issu des délibérations de la commission mixte paritaire, qui s’est réunie hier après-midi.

Je veux tout d’abord remercier les services de la commission des finances – qui ont beaucoup souffert, compte tenu des conditions d’examen souvent difficiles de ces textes –, ceux de nos collègues – ils ne sont plus qu’une poignée – qui continuent à travailler au sein de la commission des finances dans des conditions également très difficiles, comme le rappellent le rapporteur général et le président de la commission, et notre jeune ministre, avec lequel nous avons pu entretenir un dialogue qui, après avoir été momentanément interrompu par une deuxième délibération, a pu se renouer au Sénat, puis dans notre assemblée ; en ces temps difficiles, il n’est pas simple d’être chargé des comptes publics.

Ce collectif de fin d’année sera pour moi l’occasion de dire à nouveau, au nom du groupe Nouveau Centre, l’urgence du rétablissement de nos comptes publics. J’évoquerai tout d’abord brièvement, avec le recul dont nous disposons à ce jour, les fondamentaux de ce projet de loi de finances rectificative, puis je mentionnerai les avancées que comporte ce texte, notamment celles qui ont été acquises à l’initiative du groupe Nouveau Centre.

En ce qui concerne les grands équilibres de l’exercice budgétaire 2010, nous devons être conscients, s’agissant des dépenses, que les économies réalisées – 3,1 milliards d’euros, dont 2,2 milliards réalisés sur les intérêts de la dette – sont temporaires. Il s’agit en effet d’économies de constatation, mais elles gagent des dépenses supplémentaires, à hauteur d’environ 3,3 milliards, qui sont, quant à elles, reconductibles. Le dérapage des dépenses d’intervention atteint 3,3 milliards d’euros, dont 2,5 milliards pour les guichets sociaux. Quant au budget de la défense, il enregistre également un dérapage important, de l’ordre de 237 millions d’euros, au titre des opérations extérieures. Je rappelle que, depuis un certain temps, nous proposons de provisionner 800 à 850 millions d’euros en loi de finances initiale pour les OPEX, car chacun sait que nous ne parvenons pas à financer celles-ci avec les crédits ouverts.

Mes chers collègues, nous le savons bien, les économies de ce PLFR sont, pour l’essentiel, je le répète, des économies de constatation, non reconductibles en 2011. Sur 3,1 milliards d’euros d’économies, 2,2 milliards proviennent des intérêts de la dette. Entre les prévisions et les réalisations anticipées, ceux-ci passent en effet de 43 à 40,8 milliards, en raison de la baisse des taux des bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté et des emprunts liés aux dépenses d’avenir. À quoi, il faut ajouter 560 millions d’euros d’économies non reconductibles sur le prélèvement européen.

La vérité, c’est que les dépenses dérapent d’environ 1 %, et l’ordre de grandeur est le même pour les recettes.

La baisse de 2,1 milliards d’euros des recettes fiscales par rapport aux prévisions figurant dans le dernier collectif est gagée par une hausse exceptionnelle de la recette fiscale de 1,8 milliard d’euro. Toutefois, ces recettes sont liées à la réforme de la taxe professionnelle et, surtout, à une hausse exceptionnelle de 2,5 milliards des recettes non fiscales. in fine, après redressement, on peut donc conclure que la baisse constatée de 3,5 milliards d’euros du solde budgétaire par rapport au dernier collectif est, en fait, une hausse de l’ordre de 3 milliards. Voilà qui est inquiétant, mes chers collègues : l’exécution du budget pour 2010 démontre qu’il nous faudra, en 2011, durcir la politique budgétaire en gelant une part considérable de la réserve de 7 milliards.

J’en viens maintenant aux réformes contenues dans ce projet de loi de finances rectificative. À cet égard, le groupe Nouveau Centre salue l’esprit d’ouverture du Gouvernement, qui a permis de faire avancer plusieurs dossiers.

S’agissant de la réforme annoncée de la fiscalité du tabac, nous avons su nous mobiliser afin d’éviter une officialisation de la contrebande. En effet, le projet initial entendait, d’une part, abroger l’article 575 G du code général des impôts, qui rend obligatoire la détention d’un document d’accompagnement en cas de détention de plus d’un kilogramme de tabac après sa vente au détail, et, d’autre part, supprimer, dans le même code, toute notion de quantité de tabacs manufacturés pouvant être détenue. Le retour au statu quo ante a le mérite de conserver des règles claires en matière de transport de tabac par les particuliers, à savoir la limitation des achats transfrontaliers de tabac à deux kilogrammes maximum par personne, soit dix cartouches de cigarettes. Ainsi, l’objectif de santé publique est respecté et la direction générale des douanes dispose de moyens efficaces de contrôle et de sanction. Ce dispositif est également déterminant pour les buralistes, notamment ceux des régions frontalières, qui souffrent en permanence d’une distorsion de concurrence.

Toutefois, monsieur le ministre, à terme, seule une harmonisation des droits d’accises du tabac au niveau européen permettra de résoudre le problème.

M. Nicolas Forissier. Très juste !

M. Charles de Courson. En effet, selon les analyses marketing de grands cigarettiers, la proportion de la consommation de tabac importé clandestinement s’élèverait, en France, à 22 %. Il s’agit bien entendu, d’une moyenne ; cette proportion est beaucoup plus élevée et atteint 35 %, voire 40 %, dans le sud-ouest, l’écart entre les prix français et les prix espagnols étant le plus élevé – et je ne parle pas de l’Andorre –…

M. Jean-Pierre Brard. Qui est le co-prince d’Andorre ?

M. Charles de Courson. …ainsi que dans le nord et le nord-est, en raison de la proximité de la frontière avec la Belgique et le Luxembourg. Il est donc urgent d’agir, et le groupe Nouveau Centre se félicite d’avoir obtenu du Gouvernement qu’un rapport soit remis au Parlement sur l’action menée par la France en faveur de l’harmonisation des droits d’assises au niveau communautaire.

S’agissant de la réforme des taxes locales d’urbanisme, nous considérons que la fusion des dix-sept prélèvements au sein de la taxe d’aménagement est une bonne chose qui participe de la simplification de notre droit.

En ce qui concerne le fonds exceptionnel de soutien aux départements en difficulté, nous sommes conscients que cette solution est purement temporaire. Le problème du financement des prestations légalement obligatoires des départements nécessite en effet une réforme fondamentale. Ainsi, nous avons proposé que les trois prestations et les actions menées dans le domaine de l’aide sociale à l’enfance soient regroupées au sein d’un budget annexe, financé par un dispositif de CSG soumis à péréquation et encadré par des normes de dépenses qui tiennent compte de la spécificité de chaque département, de sorte que la responsabilité et la bonne gestion de ces prestations seraient encouragées.

Le fonds exceptionnel de soutien, doté de 150 millions d’euros et financé par redéploiement à partir de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et du Fonds national des solidarités actives, s’inscrit dans une logique de péréquation qui a la faveur du groupe Nouveau Centre.

S’agissant de la contribution des sociétés d’assurance au fonds de garantie universelle des risques locatifs, introduite par le Sénat, la CMP a décidé, avec beaucoup de sagesse, de renvoyer le problème de la distorsion entre garantie des risques locatifs et garantie des loyers impayés à un accord conventionnel entre les professionnels concernés. Toutefois, nous avons convenu que, si cet accord n’intervenait pas avant le début du mois de janvier, il nous faudrait agir au plan législatif.

En ce qui concerne le dispositif dit Scellier, un amendement en CMP a précisé que la conclusion de l’acte de vente authentique qui déclenche l’avantage fiscal devait être antérieure au 31 janvier 2011. Cette mesure est logique, compte tenu de la difficulté de trouver un notaire en fin d’année pour les investisseurs.

Enfin, s’agissant du financement des chambres de commerce et d’industrie, les 53 millions d’euros qui leur faisaient défaut seront compensés en 2011 et nous avons maintenu, pour le moment, le dispositif dont nous avons été, pour l’essentiel, les inspirateurs à l’Assemblée nationale.

Mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre, qui ne saurait cesser d’être vigilant quant aux dérapages des comptes publics en cette période difficile, approuvera ce collectif budgétaire de fin d’année 2010.

M. le président. La parole est à M. Yves Censi.

M. Yves Censi. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission mixte paritaire, monsieur le rapporteur de la commission mixte paritaire, mes chers collègues, au moment d’examiner les conclusions de la commission mixte paritaire, qui s’est réunie hier, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2010, vous me permettrez de remercier ceux de mes collègues qui ont participé avec assiduité à la commission mixte paritaire, Gilles Carrez, notre rapporteur général, et son homologue de la Haute assemblée, pour l’indispensable et conséquent travail qui a été fourni en amont et qui a très efficacement éclairé nos débats, et, enfin, M. le ministre, pour sa disponibilité.

Sans trop entrer dans le détail, je crois utile de rappeler les principales orientations de ce quatrième et dernier collectif de l’année 2010, qui témoigne du respect des objectifs fixés par le Gouvernement et la majorité, en matière tant de dépenses que de recettes.

S’agissant des dépenses, la norme du « zéro volume » fixée pour 2010 sera bien respectée.


Le plafond de dépenses, établi à 352,3 milliards d’euros, ne sera donc pas dépassé. Je n’ignore pas que la raison en est notamment l’évolution favorable des intérêts de la dette – j’ai entendu les réserves exprimées tout à l’heure à ce sujet par le président de la commission des finances, qui a souligné le caractère exceptionnel et, selon lui, artificiel, de cette opportunité, mais aussi le caractère exceptionnel de certaines recettes, notamment le prélèvement sur la Caisse des dépôts.

Quoi qu’il en soit, les recettes pour 2010 sont conformes à celles présentées dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances initiale et s’élèveront à 255 milliards d’euros. Dans ce contexte, le déficit budgétaire devrait s’établir en exécution à 149,7 milliards, ce qui représente une légère amélioration par rapport au déficit prévu dans le cadre de la précédente loi de finances rectificative, de l’ordre de 152 milliards d’euros.

Au-delà de nos débats sur l’effort consenti par l’État, mais aussi et surtout par nos concitoyens, pour maintenir nos recettes et contraindre la dépense, je veux rappeler que le Gouvernement et la majorité ont tenu, face à l’ampleur de la crise qui nous a frappés de plein fouet, à voter un collectif qui nous permette de compenser les besoins constatés cette année en matière de politiques de l’emploi et de solidarité.

C’est un équilibre difficile à tenir : il faut réduire le déficit public et, dans le même temps, soutenir, dans un environnement plus que jamais instable, la mobilisation de nos concitoyens en matière économique en termes d’innovation et d’investissement, en matière de protection de l’environnement et en matière sociale, à travers les politiques d’insertion et de lutte contre la pauvreté et la politique de l’emploi.

L’opposition pourra toujours dire, monsieur le ministre, que nous n’en faisons pas assez sur la lutte contre le déficit. Les chiffres constatés en fin d’année montrent pourtant le contraire, et je reste pour ma part intimement convaincu que nous avons résolu, en 2010, cette très difficile équation entre la recherche de l’équilibre des comptes et le soutien que nos concitoyens sont en droit d’attendre de l’État dans une période aussi difficile que celle que nous connaissons. Je rappelle d’ailleurs qu’avec le projet de loi de finances que nous avons voté la semaine dernière, nous poursuivrons en 2011 l’effort de redressement de nos comptes publics.

Mes chers collègues, je voudrais citer, sur ce collectif, quelques mesures fiscales particulièrement importantes, ayant pour objet de poursuivre les réformes ambitieuses que mènent le Gouvernement et la majorité. Il s’agit tout d’abord de moderniser la fiscalité foncière des entreprises. Le premier volet concerne la révision des valeurs locatives foncière, qui était tant attendue. En effet, les valeurs locatives des entreprises seront désormais assises sur des valeurs calculées à partir des loyers constatés et seront révisées automatiquement chaque année. Le second volet porte sur la simplification des taxes d’urbanisme, dont le rapporteur général a rappelé le dispositif tout à l’heure.

En second lieu, ce collectif propose plusieurs mesures destinées à favoriser les comportements respectueux de l’environnement. Je ne reviens pas sur le barème du malus automobile ni sur la taxe sur les sacs en plastique, que nous avons votés en CMP.

En troisième lieu, nous souhaitons renforcer l’attractivité de notre pays en réformant le régime fiscal des sociétés de personnes.

M. Jean-Pierre Brard. Cadeaux, cadeaux !

M. Yves Censi. À ce titre, nous pouvons saluer le compromis, proposé par le rapporteur général, que nous avons su trouver sur ce sujet lors de l’examen de ce collectif par le Parlement.

M. Jean-Pierre Brard. Compromis ou compromission ?

M. Yves Censi. Enfin, ce projet de loi de finances rectificative a pour objectif de simplifier un certain nombre de procédures fiscales et douanières, notamment en matière de modalités de déclaration d’impôt ou de plan d’épargne logement. Sur ce dernier point, nous pouvons nous féliciter du recentrage du plan d’épargne logement sur son objet principal, à savoir le financement de l’acquisition de logement destiné à l’habitation principale.

Au-delà de ces mesures fiscales, nous avons également souhaité répondre aux départements qui sont aujourd’hui en situation de difficulté financière en créant un mécanisme exceptionnel de soutien à ces départements. Si la mesure que nous proposons n’apporte qu’une réponse partielle, au moins a-t-elle le mérite d’exister.

Je veux vous remercier à l’avance, monsieur le ministre, de relayer le message du Parlement quant à la limitation du transport de tabac. Sur les dispositions que j’ai évoquées comme sur beaucoup d’autres, le Parlement a largement enrichi le texte qui est soumis aujourd’hui à notre examen, jusqu’à la commission mixte paritaire, dont je tiens encore à saluer le travail.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, le groupe UMP votera avec conviction les conclusions de la commission mixte paritaire sur ce dernier collectif pour 2010. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai souhaité intervenir, à la fin de l’examen de la loi de finances pour 2011 et de la loi de finances rectificative pour 2010, pour poser cette simple question : l’État est-il en mesure de tenir ses engagements à l’égard du pays, à l’égard de nos concitoyens et de la représentation nationale ? Plus particulièrement, est-il en mesure de tenir ses engagements pour ce qui est du renouvellement urbain et de l’aménagement du Grand Paris ? Sur ces deux points, l’imbroglio procédural est tel qu’il nous a fallu beaucoup de temps pour comprendre quelles étaient les intentions réelles du Gouvernement.

Pour ce qui est du renouvellement urbain, je rappelle qu’en vertu de la loi de 2003, l’État s’engageait à hauteur de 6 milliards d’euros sur un budget total de 12 milliards d’euros. À l’heure actuelle, l’État a mis moins d’un milliard d’euros – un peu plus de 900 millions d’euros – sur la table, le reste des engagements qu’il avait pris ayant été tenu par des partenaires, qu’il s’agisse d’Action Logement – l’ex « 1 % logement » – ou des crédits immobiliers. Comme vous le savez, la loi de finances prévoit un prélèvement sur les bailleurs sociaux – d’un montant de 175 millions d’euros aux termes de la CMP – opéré sur leur potentiel financier, auquel s’ajoutera le prélèvement sur la contribution de garantie des risques locatifs. Ce dispositif, qui a pour objet de faire passer la bosse de financement de l’ANRU pour l’année prochaine, constitue un manquement inacceptable aux engagements de l’État et une rupture manifeste avec la volonté qu’il affichait, il y a encore quelques mois, de les assumer.

Pour ce qui est du Grand Paris, il y a moins d’un an, Christian Blanc en engageait ici même le dispositif, en soulignant deux aspects de son plan financier. Premièrement, l’État devait mettre 4 milliards d’euros sur la stratégie ; deuxièmement, les patrimoines et les espaces situés autour des gares feraient l’objet d’une valorisation. À l’heure actuelle, la loi de finances pour 2011 et la loi de finances rectificative pour 2010 ne contiennent aucun élément relatif au versement d’un seul centime d’euro par l’État au bénéfice de la stratégie du Grand Paris.

Par ailleurs, la loi rectificative a instauré une taxe supplémentaire d’équipement sur le Grand Paris : les entreprises, les habitants, les propriétaires de la région Île-de-France vont payer une taxe destinée à la société chargée de construire le grand réseau, qui devra verser 95 millions d’euros en trois ans à l’Agence de renouvellement urbain.

Mme Sandrine Mazetier. C’est du racket !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Enfin, le dispositif de valorisation des espaces situés autour des gares, instauré par la loi du Grand Paris, se trouve abrogé moins d’un an après !

Mes chers collègues, il faut poser clairement la question : comment les gouvernements successifs peuvent-ils prendre, lors des débats avec la représentation nationale, des engagements qu’ils remettent en cause quelques mois plus tard ? Ce comportement est grave pour les autres acteurs du renouvellement urbain : les collectivités, les établissements de coopération intercommunale, les régions, les bailleurs sociaux, la Caisse des dépôts, Action Logement. Il est grave aussi pour la Société du Grand Paris et tous ceux qui vont contribuer à l’édification de ce nouveau réseau, notamment la région Île-de-France et les huit conseils généraux de ce territoire. C’est d’autant plus incroyable que, dans le même temps, on vient d’annoncer que l’État va enfin engager les financements pour participer au plan de mobilisation sur les transports, comme il a l’obligation de le faire ! Cela fait beaucoup d’engagements non tenus !

Mes chers collègues, je le dis avec amertume au nom de tous les acteurs du logement, du renouvellement urbain et d’une nouvelle stratégie d’organisation des transports pour le territoire francilien : si l’État n’est pas capable de tenir ses engagements, de grâce, que le Gouvernement cesse de les prendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Yves Censi a brillamment exposé les avancées obtenues lors du débat au Sénat et le résultat des travaux de la commission mixte paritaire. Pour ma part, je voudrais insister sur deux points : d’une part, la réforme des taxes d’urbanisme, d’autre part, la politique immobilière de l’État.

Pour ce qui est de la réforme des taxes d’urbanisme, un équilibre a, semble-t-il, été trouvé, permettant de simplifier les régimes existants et de laisser une liberté d’action aux départements dans les arbitrages à rendre entre ce qui sera consacré à la protection des espaces naturels sensibles et l’action de conseil – portée, dans un certain nombre de départements, par les CAUE. Je regrette qu’à l’occasion des travaux de la commission mixte paritaire, la majoration de taux qui avait été autorisée pour les départements de montagne n’ait pas pu être maintenue. Il est vrai que cette majoration de taux n’avait de signification que si les départements pouvaient moduler la taxe prélevée en fonction des sites pour contribuer à des dépenses de préservation du tissu environnemental, plus coûteuses dans les régions d’altitude, notamment en raison du plus grand nombre d’espèces protégées.

Pour ce qui est de la politique immobilière de l’État, le Sénat a choisi de suivre l’Assemblée nationale sur la réduction des crédits qu’il était prévu d’inscrire en décret d’avance, pour permettre le logement des services de la Chancellerie. Il a été procédé à une réfaction de 72 millions d’euros sur l’inscription budgétaire, ce qui est pour nous tous – je pense en particulier à notre collègue Yves Deniaud – une grande satisfaction, dans la mesure où il s’agit là d’une économie définitive pour le budget de l’État, mais aussi de la démonstration qu’il est possible de parvenir à une meilleure gestion du patrimoine immobilier de l’État.

Au-delà de cette satisfaction, la question est maintenant de savoir si nous allons passer aux actes. En clair, la chancellerie, qui envisageait le relogement de ses services, va-t-elle effectivement les transférer dans l’immeuble de la porte de Bagnolet plutôt que dans celui de la porte d’Issy – cette dernière option ayant été rejetée par l’Assemblée nationale et le Conseil de l’immobilier de l’État en raison de son coût plus élevé ? Nous entendons dire que face à la diminution de crédits, le ministère de la justice envisagerait le statu quo, consistant à rester dans les locaux actuels, loués pour plusieurs dizaines de millions d’euros par an.

Monsieur le ministre, cela me semble exemplaire de la volonté de réforme de la politique immobilière de l’État. Je veux dire clairement, au nom des parlementaires qui se sont engagés dans cette affaire, que si, d’aventure, le statu quo prévalait, il faudrait que le Parlement aille jusqu’au bout de la logique, c’est-à-dire que nous procédions à une réfaction supplémentaire sur les crédits de fonctionnement de la Chancellerie pour obliger au déménagement.

Nous avons trouvé une solution intelligente, économique et qui, de surcroît, répond à l’attente de la majorité des personnels du ministère de la justice,…

M. Richard Mallié. C’est vrai !

M. Michel Bouvard. …lesquels ont été consultés et ont visité les locaux.

Personne ne comprendrait, dans les circonstances budgétaires actuelles, que l’on se prive d’une économie immédiate sur des dépenses de fonctionnement en choisissant le statu quo au motif que le lieu ne convient pas à quelques hauts fonctionnaires ou magistrats, quelle que soit par ailleurs leur qualité.

C’est le Parlement qui vote le budget, qui autorise l’engagement des dépenses ; le Parlement n’entend pas autoriser le statu quo.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. Michel Bouvard. Je voulais le souligner solennellement, en étant sûr que le ministre des comptes publics serait sensible à cet appel ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Carcenac.

M. Thierry Carcenac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de l’examen de la loi de finances rectificative pour 2010, nous constatons que l’État se déclare enfin conscient des difficultés financières rencontrées par les départements pour financer les dépenses de solidarité nationale qui mettent en péril leur équilibre financier.

Cependant, la réponse apportée par le Gouvernement, dans la ligne des constatations effectuées tant par le rapport Jamet que par le groupe de travail consacré à la maîtrise des dépenses locales présidé par MM. Carrez et Thénault, n’est pas à la hauteur des problèmes rencontrés. Même le rapporteur général a rappelé, lors des débats, que « ces solutions ne sont pas à l’échelle du problème structurel qui se pose à nous ».

En effet, les dépenses de solidarité nationale des départements continuent de progresser, alors que les recettes de compensation stagnent. On estime que, en 2010, les dépenses pour le RSA socle, l’allocation personnalisée d’autonomie et la prestation de compensation du handicap s’élèveront à 13,6 milliards d’euros, les compensations s’établissant à 8,2 milliards d’euros. Le reste à charge est de 5,4 milliards d’euros, dont 4,2 milliards pour l’APA. Le taux de couverture de la CNSA s’établit à 28 %, loin des 50 % initiaux annoncés dans les débats budgétaires lors de la mise en place de l’APA. La Cour des comptes estime quant à elle que « la capacité du système existant à faire face à l’avenir reste incertaine ».

Vous comprendrez que la mise en place du fonds exceptionnel de soutien en faveur des départements en difficulté financière, doté de 151 millions d’euros, est loin du compte, même si l’on ajoute le concours du fonds de mobilisation départementale pour l’insertion à hauteur de 500 millions d’euros. Monsieur le ministre, vous avez précisé, lors de votre discours d’ouverture, que vous aviez « entendu l’appel des départements ». L’écho devait être encore trop faible pour qu’ils soient pleinement entendus !

Par ailleurs, le débat sur la dépendance, annoncé pour cet automne, puis reporté, ne réglera rien pour 2011. Il conviendra bien évidemment d’aborder à nouveau le sujet en cours d’année. Dès lors, les débats ont essentiellement porté sur l’affectation de 75 millions d’euros provenant de la CNSA. Les critères de répartition, tels qu’ils résultent des débats en CMP, paraissent acceptables.

Il n’en est pas de même pour les 75 autres millions d’euros provenant du FNSA, sur la répartition desquels vous n’apportez aucune précision. Comment allez-vous procéder pour que cette attribution, qui reste discrétionnaire, soit transparente et impartiale ?

Je réitère ma proposition de passage devant la commission consultative d’évaluation des charges, dont la mission principale réside dans le contrôle de la compensation financière allouée par l’État en contrepartie des transferts de compétences.

La décentralisation sociale illustre les ambiguïtés des compensations des transferts de compétences et une méconnaissance de la situation budgétaire des collectivités territoriales – des départements en particulier –, alors que vous détenez tous les éléments comptables grâce aux payeurs départementaux.

Vous comprendrez que le groupe SRC, qui a fait des propositions visant à créer un fonds exceptionnel de péréquation de la compensation des allocations individuelles de solidarité, ne peut s’estimer satisfait de la réponse financière apportée, qui va laisser perdurer cette situation et conduit à l’étranglement financier de nombreux départements.

Dans ces conditions, nous ne pourrons que nous joindre à l’expression de rejet de cette loi de finances rectificative déjà formulée par notre collègue Pierre Alain Muet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président. Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.

Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais appeler l’Assemblée à statuer d’abord sur les amendements dont je suis saisi.

La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 4.

M. François Baroin, ministre. Monsieur le président, je vais, si vous me le permettez, faire une présentation groupée des amendements, sans m’appesantir sur ceux qui ont un caractère purement rédactionnel. Il y en a deux sur lesquels je souhaite appeler particulièrement l’attention de l’Assemblée.

Il s’agit d’abord de l’amendement n° 2, qui tend, comme je l’ai évoqué en répondant au rapporteur général et au président de la commission des finances, à supprimer l’article 17 undecies tel qu’issu de la commission mixte paritaire.

Cet article instaure en effet, je le rappelle, un plafonnement de la base de la cotisation minimum de CFE à 2 000 euros pour les redevables qui réalisent moins de 100 000 euros de recettes en cas d’absence de délibération de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale. Il fait ainsi peser sur le budget de l’État, sachez-le, le coût de cette baisse du niveau de la base minimum, qui représente 20 millions d’euros. On est donc loin des quelques milliers de bénéficiaires annoncés, mais nous devions vous donner des éléments d’appréciation. Le dispositif profiterait à environ 200 000 contribuables situés dans 800 communes.

Le Gouvernement considère qu’il est de la responsabilité des communes de prendre une délibération fixant la cotisation minimum au niveau souhaité. La CMP n’avait pas à sa disposition, lorsqu’elle a adopté ce texte, les éléments de chiffrage que je viens d’indiquer. À la lumière de ces chiffres, j’espère que votre assemblée pourra, sans trahir l’esprit des débats intervenus en CMP, réviser son jugement.

L’amendement n° 3, ensuite, vise à modifier l’article 34. Il s’agit de supprimer la disposition, introduite par la CMP, substituant le critère de potentiel financier à celui de potentiel fiscal. Ainsi que je l’ai déjà évoqué s’agissant de l’affectation des 75 millions au sein du fonds d’aide aux départements en difficulté : le Gouvernement ne remet pas en cause le choix de la CMP de retenir le critère de potentiel financier pour la répartition de l’aide exceptionnelle aux départements gérés. En revanche, la nouvelle disposition que vous proposez pour introduire ce critère dans la répartition du concours de la CNSA au titre de l’APA pose une difficulté. Ses effets, monsieur le rapporteur général, sont mal évalués, nécessitent des simulations détaillées et ne sont pas compatibles avec une réforme immédiate. Cette analyse détaillée est d’autant plus indispensable que les incidences financières pour les départements sont potentiellement significatives ; j’ai parlé de 1,5 milliard.

Ce sujet nécessite donc un débat approfondi au sein du conseil de la CNSA et dans le cadre de la réforme de la dépendance. C’est la raison pour laquelle je demande à la représentation nationale de bien vouloir revenir à une position antérieure.

Les autres amendements, monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, sont de nature rédactionnelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 4, qui est donc rédactionnel ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement mérite un commentaire. J’appelle particulièrement l’attention de M. Bouvard, car il vise à lever le gage pour permettre de soumettre au bénéfice agricole l’activité de chien d’attelage.

M. Michel Bouvard. Je l’avais bien compris !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est une percée conceptuelle majeure ! (Rires.)

Merci, monsieur le ministre, de la générosité dont vous faites preuve vis-à-vis des mushers ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. Je regrette vivement l’intervention du rapporteur général, car je voulais taire ce qui constitue la création d’une niche… pour abriter des chiens de traîneau ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

La position du rapporteur général m’impose d’abattre mes cartes. Nous avons évidemment, dans notre bienveillance, décidé d’accompagner la profession, mais je pose la question à M. Bouvard : qu’est-ce que l’on fait pour les chiens qui sont dans les plaines ? Ce n’est pas seulement une affaire de montagnards ! (Sourires.)

M. le président. Si je comprends bien, monsieur le rapporteur général, vous êtes favorable à l’amendement n° 4.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je suis en effet favorable à cette levée de gage. Honnêtement, je ne peux pas faire autrement, monsieur le président !

(L’amendement n° 4 est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 8 rectifié est de coordination.

(L’amendement n° 8 rectifié, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. Il en va de même de l’amendement n° 7 rectifié.

(L’amendement n° 7 rectifié, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 2 a été soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement appelle quelques commentaires.

Nous avons souhaité traiter la question du niveau minimum de la cotisation foncière des entreprises, payée par les petits commerçants, par exemple, les petits contribuables assujettis à la taxe professionnelle.

On a observé ces dernières semaines que, outre la question des auto-entrepreneurs, pour laquelle on a trouvé une solution avec l’exonération pendant trois ans de la CFE, il y a, ici ou là, des augmentations sensibles de cotisation foncière des entreprises.

Or, d’une manière générale, la réforme de la taxe professionnelle a conduit à une baisse substantielle d’imposition,…

M. Patrick Lemasle. Pas pour tout le monde !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …sauf pour les contribuables qui ne payaient que la cotisation foncière, puisque la réforme a consisté à supprimer de l’assiette les équipements et biens mobiliers, les EBM, en les remplaçant par la valeur ajoutée, tout en conservant telle quelle l’assiette foncière.

M. Patrick Lemasle. Tout cela a été mal évalué !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. D’où des augmentations, pour toutes sortes de raisons, tel le financement de la chambre de commerce.

L’amendement que j’avais fait adopter visait à traiter une partie de ces cas. Nous pensions effectivement, monsieur le ministre, que cet amendement représentait un enjeu inférieur à 10 millions d’euros. En réalité, c’est le double. Nous qui avons constamment plaidé pour une réduction plus ambitieuse du déficit et qui souhaitons absolument protéger les ressources de l’État, nous comprenons votre position, même si nous la regrettons.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il n’est quand même pas simple d’expliquer à nos concitoyens que l’on a fait une réforme de la taxe professionnelle pour en abaisser le poids, alors que l’on constate que 170 000 personnes environ – des tout petits, puisque leurs recettes sont inférieures à 100 000 euros –, ne payant pas la partie EBM, ont une augmentation parfois sensible de leur contribution. L’amendement Carrez essayait donc d’atténuer le mal, si je puis dire. Le Gouvernement n’est pas d’accord.

Je veux donc revenir sur les deux arguments avancés.

Le premier consiste à dire que cela coûte 20 millions. Je n’aurai pas l’outrecuidance de rappeler à mes collèges que la réforme de la taxe professionnelle a coûté 7 milliards brut et 5 milliards net, c’est-à-dire 1,5 milliard de plus que ce qui était prévu. Par rapport à cela, ces 20 millions représentent vraiment l’épaisseur du trait !

Le second argument du ministre consiste à dire que les collectivités locales ont été dotées d’un outil qui leur permettait, avant le 1er octobre 2010, de voter une cotisation minimale entre 200 et 2 000 euros. Mes chers collègues, vous êtes nombreux, ici présents, à être membres de la commission des finances. Quels sont ceux parmi vous qui connaissaient cette disposition ? Quels sont ceux, parmi ceux qui la connaissaient, qui l’ont utilisée ? Levez la main ! (Sourires.) Personne ne la connaissait !

M. Patrick Lemasle. Même le ministre ne la connaissait pas !

M. Charles de Courson. Il paraît que seulement un ou deux conseils municipaux ont utilisé cette disposition totalement inconnue.

Il y aurait une solution, monsieur le ministre, puisque vous vous étiez donné une enveloppe maximale de 10 millions d’euros : c’est de rectifier le montant proposé par notre rapporteur général, fixé à 2 000 euros, ce qui représentait le haut de la fourchette, en le faisant passer à 2 500 euros, mais pour la seule année en cours. Là, vous serez à moins de 10 millions.

J’ai fait faire des simulations dans mon secteur, en zone rurale : pour vous donner un ordre de grandeur, je vous indique que l’essentiel des cotisations minimales est, sauf dans des villes importantes où l’on peut dépasser 2 000, 2 200, voire 2 500 euros, plutôt entre 800 et 1 200 euros. Cela concerne donc essentiellement des zones urbaines, mais des petits contribuables.

Seriez-vous d’accord, monsieur le ministre, pour remonter de 2 000 à 2 500 plutôt que de supprimer le texte résultant de l’amendement Carrez, qui avait au moins le mérite d’essayer de résoudre une partie du problème ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. On vous voit, monsieur le ministre, placide à votre place, patient, endurant et stoïque sous les coups de Charles-Amédée du Buisson de Courson (Sourires), qui découvre d’un seul coup que les manants sont les victimes des dispositions gouvernementales !

Mais il n’y a que les nigauds qui pouvaient penser le contraire ! Quelle est la vocation de ce Gouvernement ? C’est de beurrer la tartine de ceux qui font du cholestérol…

M. Jean-Marc Lefranc. Merci, docteur !

M. Jean-Pierre Brard. …et de plumer ceux qui sont déjà passés à l’essoreuse !

Le service d’information du Gouvernement pratique le storytelling, qui consiste non pas à dire quelles sont les mesures gouvernementales à prendre, mais à raconter de belles histoires aux gens pour les endormir et leur faire avaler la pilule !

M. Jean-Marc Lefranc. Ça s’appelle le communisme !

M. Jean-Pierre Brard. C’est ce qui s’est passé avec la taxe professionnelle : les assujettis ont cru qu’ils ne la paieraient pas. Comme le disait La Fontaine, on apprend toujours à ses dépens ! Ce qui est extraordinaire, c’est que plus de trois siècles après, les nigauds n’ont pas fini d’apprendre, même quand ils ont pour porte-voix Charles-Amédée de Courson. Ce qu’il a dit est très intéressant, chers collègues de l’UMP, car il va falloir que vous expliquiez aux petits garagistes, aux marchands de bonbons visités par les enfants, aux petits boulangers que 20 millions, c’est l’épaisseur du trait. Mais dès lors qu’il s’agit de faire un geste pour les petits, à ce moment-là, vous sortez les crocs pour défendre les privilégiés ! Voilà la réalité ! M. de Courson l’a dit et il faut le répéter, car, vous le savez, mes chers collègues, quand on est sur ces bancs, il faut faire de la pédagogie pour expliquer les turpitudes que vous êtes en train d’accomplir. Notre collègue de Courson a employé des mots qui ont du sens : 170 000 petits à tondre, même si cela ne représente que 20 millions d’euros, cela n’a pas de prix pour vous, puisque c’est pour remplir l’escarcelle des privilégiés !

Si je parle ainsi, c’est pour que les gens qui nous regardent sachent à quel point ils ont eu tort de voter pour vous et combien il faudra se le rappeler en 2012 !

(L'amendement n° 2 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 6.

La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. C’est un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Favorable.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Je ne m’exprimerai pas particulièrement sur cet amendement, mais je souhaiterais que le ministre réponde à ceux de nos collègues qui lui ont posé des questions très précises.

Je pense à Jean-Yves Le Bouillonnec qui a rappelé les engagements pris et non tenus par le Gouvernement en matière d’aménagement de la région capitale, de financement du Grand Paris, de ponctionnement des recettes futures de la Société du Grand Paris organisé par les sénateurs, alors que vous aviez vous-même indiqué ici, monsieur le ministre, à l’occasion du débat sur la loi de finances rectificative, que vous n’étiez pas vraiment d’accord avec cette manœuvre. Répondez donc à Jean-Yves Le Bouillonnec sur le financement du renouvellement urbain en France ! Il n’y a aucune raison pour que les Franciliens financent le renouvellement urbain pour toute la France et que l’État se désengage à ce point d’un objectif national.

Par ailleurs, Michel Bouvard a posé une question très précise et je ne voudrais pas que l’absence de réponse du ministre se traduise par une ponction sur le budget du ministère de la justice. Les atermoiements de certains – pour être aimable – ne devraient pas se traduire par des fuites d’eau dans la majeure partie de nos tribunaux. Notre justice, en effet, est pathétiquement pauvre et n’arrive pas à répondre aux demandes des justiciables. M. Bouvard rappelait les excellentes propositions et réflexions sur l’immobilier de l’État et sur la manière de faire des économies. J’estime que cela mérite une réponse et un engagement précis de la part du Gouvernement.

(L'amendement n° 6 est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 5 a été défendu.

(L'amendement n° 5, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 3 qui a été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement mérite quelques observations.

Tous les conseillers généraux, présidents de conseils généraux, responsables des finances départementales considèrent qu’il faut aujourd’hui substituer la notion de potentiel financier à celle de potentiel fiscal. C’est ce que nous avons fait dans tous nos travaux liés, d’une part, aux dotations de l’État du type DGF et, d’autre part, aux péréquations que nous mettons en place dès l’année 2011 pour les départements.

Nous nous sommes aperçus, en suivant nos collègues sénateurs – en l’occurrence sur un problème de péréquation – qui nous ont demandé d’adopter la notion de potentiel financier plutôt que celle de potentiel fiscal, que cette dernière subsistait au titre de la répartition de montants qui ne sont pas négligeables, s’agissant de presque 1 milliard d’euros chaque année : je veux parler des allocations de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie – la CNSA. Charles de Courson a également proposé de substituer la notion de potentiel financier au titre des attributions de la CNSA.

Il est exact que cela peut entraîner des modifications dans les répartitions et je comprends parfaitement, monsieur le ministre, que vous ne souhaitiez pas que cette substitution soit rétroactive et qu’elle s’applique à l’année 2010. Mais la question se pose pour 2011, a fortiori pour 2012. Aussi, j’aimerais connaître votre position. Si nous attendons la réforme de la dépendance, ce n’est qu’au plus tôt en 2012 – et encore ! – que le potentiel financier remplacera le potentiel fiscal. Or il me semble que nous avons intérêt à avoir les mêmes critères, les mêmes notions, pour définir les différentes allocations qui vont aux différents échelons de collectivités territoriales.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. Ce débat n’est pas médiocre, mais nous avons essayé de trouver un point d’équilibre. J’ai rappelé le coût pour les finances publiques de la simple transformation du potentiel fiscal en potentiel financier : nous passons de 150 millions d’euros, qui est la matrice de l’enveloppe, au-delà des 100 millions demandés, mais qui n’est qu’un complément pour passer le cut de la fin du budget 2010 et du budget 2011, pour la petite quinzaine de départements en grande difficulté, dans l’attente de la refonte de la question de la dépendance, à 1,5 milliard, montant que nous ne pourrons pas atteindre.

Ensuite, je ne voudrais pas procéder à la revue, monsieur le rapporteur général, des « plus » et des « moins » du passage du potentiel fiscal au potentiel financier…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En 2010.

M. François Baroin, ministre. …en 2010, sur la base de 2009. Il y a des éléments tellement spectaculaires qu’il ne faudrait pas, à ce stade de la compétition, ouvrir la boîte de Pandore. Toutefois, compte tenu de l’importance du sujet, je prends l’engagement d’en discuter à nouveau dans le courant du premier semestre et, quoi qu’il en soit, avant la loi de finances de l’an prochain.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. M. le rapporteur général a rappelé ce qui s’est passé hier après-midi en commission mixte paritaire. Pour ma part, monsieur le ministre, je vous fais une proposition. Votre thèse est défendable pour 2010, mais pas pour 2011, car la notion de potentiel fiscal n’a plus de sens dès lors qu’il y a eu la réforme. Seriez-vous d’accord pour ne pas supprimer l’alinéa 13, en précisant que le dispositif ne sera applicable qu’au 1er janvier 2011 ? Cela répondrait aux objections que vous venez de soulever.

Il y a, bien sûr, des écarts entre l’ancien critère et le nouveau. Dès lors que l’on change un critère, il y a des « plus » et des « moins », puisqu’il s’agit d’une enveloppe fermée. Mais la vraie question est la suivante : cela va-t-il dans le sens de la justice ? Le potentiel financier paraît à nos collègues – de toutes sensibilités politiques – plus juste que le potentiel fiscal. Monsieur le ministre, seriez-vous d’accord pour renoncer à votre amendement et en déposer un autre précisant que la mesure ne s’appliquerait qu’au 1er janvier 2011 ?

(L'amendement n° 3 est adopté.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe GDR.

M. Jean-Pierre Brard. D’abord, je voudrais faire écho à ce que disait tout à l’heure Michel Bouvard, en soulignant le consensus qu’il y a en commission des finances pour suivre cette affaire de près. La nomenklatura d’État qui, pour partie, siège place Vendôme, ne veut pas être déportée en Sibérie ! Imaginez ces hauts magistrats traînant leurs chaînes et passant la place de la Bastille, ayant l’impression de cheminer vers le Goulag en lointaine Sibérie ! (Rires et exclamations sur divers bancs.) Eh bien non, la porte de Bagnolet, voisine de Montreuil, ce n’est pas le Goulag, ce n’est pas la déportation, c’est la vie réelle. Cela fera du bien à certains, y compris de prendre le métro ! Et si le ministère de la justice avait une mesure de faveur à prendre, nous pourrions suggérer à M. Mercier d’accorder le transport gratuit par le métro à tous ces hauts magistrats afin qu’ils fréquentent la plèbe qu’ils retrouvent parfois dans le prétoire.

Vous l’aurez compris, monsieur le président, il ne s’agissait pas d’une explication de vote ! (Rires.)

Pour ce qui est de ma véritable explication de vote, je la ferai en deux phrases. La pédagogie, il n’y a que cela de vrai ! D’un côté, la loi de finances et le projet de loi finances rectificative : je mets au défi les gens qui nous regardent à la télévision ou sur internet, monsieur le ministre, d’avoir compris un seul mot de ce que vous avez dit. Mais pour éclairer leur lanterne, je leur recommande simplement la lecture du Journal du Dimanche du 19 décembre qui indique : « Une entreprise sur quatre cotée au CAC 40 a échappé en 2009 à l’impôt sur les bénéfices. » Michel Bouvard est très attentif à mes propos parce qu’il partage mon opinion. Total, malgré un bénéfice mondial de plus de 8 milliards d’euros, n’a pas eu à débourser un seul centime dans l’hexagone. Même chose pour Danone, Suez, Essilor ou Saint-Gobain. C’est pourquoi je dis aux Françaises et aux Français : « Faites la comparaison entre la façon dont sont traités les privilégiés et celle dont on traite les honnêtes gens ! Réfléchissez, la trêve des confiseurs y incite, et prenez de bonnes résolutions qui ouvrent les portes de l’avenir et qui nous débarrassent de ces injustices ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe SRC.

M. Pierre-Alain Muet. J’ai rappelé, dans la discussion générale, tout ce qui, dans ce collectif budgétaire, aurait dû être traité et a été oublié. Or ce collectif clôt l’année 2010. Et celle-ci est caractérisée par un déficit historique : même si l’on ne tient pas compte des effets de la crise et que l’on réduit le déficit de 150 à 100 milliards, nous n’avons jamais connu une telle situation. C’est un endettement considérable, car la dette a augmenté de 210 milliards. Elle aura doublé en dix ans. Avec 210 milliards cette année, c’est plus d’un demi-milliard tous les jours !

Cette situation est caractérisée par une explosion du chômage, avec un taux de chômage des jeunes de 24 %, ce que nous n’avions jamais connu jusqu’à présent dans notre pays. Je le répète, ce n’est pas la crise qui explique notre situation. D’autres pays ont subi les effets de la crise, l’Allemagne notamment, mais ont réussi à faire baisser leur taux de chômage. En Allemagne, le taux de chômage des jeunes n’est que de 8 %.

Il y a aussi, comme l’a évoqué Jean-Pierre Brard, une explosion des inégalités. Nous connaissons une situation totalement aberrante puisque les plus grandes entreprises, qui réalisent des profits considérables, ne paient pas l’impôt sur les sociétés. Les inégalités résident aussi, bien sûr, dans l’imposition sur le revenu, puisque les dix plus hauts revenus arrivent à s’exonérer en partie du barème de l’imposition sur le revenu et sont loin d’être soumis à la tranche de 40 %. Mais c’est vrai aussi pour les entreprises du CAC 40 qui paient non pas 33 %, mais 8 % en moyenne de l’impôt sur les sociétés.

Lorsque nous avons débattu du projet de loi de finances, puis du projet de loi de finances rectificative nous n’avons eu de cesse de faire des propositions pour rendre notre fiscalité plus juste et plus efficace. Le Conseil des prélèvements obligatoires a évoqué, dans un remarquable rapport, toutes les réformes qui pouvaient contribuer à la réduction du déficit. Vous avez balayé ces propositions d’un revers de main. Nos amendements auraient permis de réaliser entre 8 et 10 milliards d’économies. Vous nous avez répondu que nous verrions cela plus tard, lorsque nous examinerons la réforme de l’imposition du patrimoine. Je considère, pour ma part, qu’il y a urgence à conduire une autre politique, laquelle est contraire à celle que traduisent le projet de loi de finances et le projet de loi de finances rectificative. Le groupe socialiste votera évidemment contre ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Charles de Courson. Nous voterons pour le projet de loi de finances rectificative.

M. Patrick Lemasle. Quelle surprise !

M. Charles de Courson. Nous ne cesserons toutefois de dénoncer le léger dérapage dans l’exécution, de l’ordre de 1 % sur les dépenses et de 1 %, sur les recettes réelles, hors élément exceptionnel.

M. Patrick Lemasle. Cela mériterait un vote contre !

M. Charles de Courson. Nous l’avons dit tout à l’heure : il faut inciter le Gouvernement à utiliser la réserve pour tenter d’éviter le dérapage des finances publiques en 2011.

M. Jean-Pierre Brard. Charles-Amédée est un bourgeois de Calais ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. En effet, mes chers collègues, le débat, qui devrait être le même de quelque bord que l’on soit, se résume ainsi : où faut-il réaliser les économies justes ? Le jour où la classe politique française sera capable de débattre véritablement sur cette question, nous aurons beaucoup progressé ! Je regrette que cette discussion se limite à la majorité et que l’opposition ne joue pas son rôle en la matière. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Pierre-Alain Muet. C’est incroyable !

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par les amendements qui viennent d’être adoptés.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

4

Adaptation de la législation au droit de l'Union européenne

Discussion du texte de la commission mixte paritaire

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion de la proposition loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne (n° 3066).

La parole est à M. Martial Saddier, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Martial Saddier, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, monsieur le président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, mes chers collègues, permettez-moi, tout d’abord, de remercier les administrateurs de la commission et, M. le secrétaire d’État me le permettra, d’adresser également mes remerciements à ses collaborateurs avec qui nous avons beaucoup travaillé au cours de la navette.

Je monte à la tribune pour la seconde fois en vingt-quatre heures et, aujourd’hui, pour vous rapporter le déroulement de la commission mixte paritaire. Je serai encore plus bref qu’hier. Nos collègues sénateurs nous ont rejoints ce matin. Comme nous avions accompli hier une œuvre d'envergure, que personne n’a oubliée, la commission mixte paritaire lui a apporté très peu d'aménagements. Nous avons adopté un amendement rédactionnel ; nous avons précisé une disposition en ajoutant un adjectif qualificatif et nous avons rectifié une erreur de référence. Je crois donc pouvoir affirmer, sans l'ombre d'un doute, que la version finale de cette proposition de loi correspond quasiment parfaitement à celle établie par l'Assemblée nationale. Je n'imagine donc pas que votre vote, mes chers collègues, puisse différer de celui émis hier.

En fait, si la commission mixte paritaire a décidé fort peu d'évolutions, elle a néanmoins débattu. Cela ne vous surprendra guère, monsieur le secrétaire d'État, nous avons abordé la question des ordonnances que ce texte contient en grand nombre et même, comme je l'ai dit hier, à l'excès.

M. Thierry Mariani, secrétaire d’État chargé des transports. Absolument !

M. Martial Saddier, rapporteur. Nous n'allons pas réitérer les mêmes échanges maintenant. J'engage les curieux à se reporter au compte rendu de la séance publique d'hier et au rapport de la commission mixte paritaire de ce matin. Si nous votons ce texte, c'est avec la conscience d'une ardente nécessité et dans l’intérêt de notre pays que Bruxelles menace de lourdes sanctions financières. Je sais, monsieur le secrétaire d'État, que vous n'êtes pas responsable de cette situation. Je l’ai dit en commission, je l’ai répété, hier, en séance et je tiens à le rappeler aujourd’hui. Vous m’autoriserez probablement à ajouter, puisque vous l’avez vous-même reconnu, que vous déplorez cette situation autant que nous. Je sais aussi les engagements que vous avez pris pour tempérer notre mécontentement. Vous aviez promis de nous communiquer rapidement les ordonnances du « paquet ERIKA 3 ». Je les ai reçues ce matin et je les tiens à votre disposition mes chers collègues. Vous avez donc tenu votre promesse, monsieur le secrétaire d’État, ce dont je tiens à vous remercier publiquement, remerciements que je me permets de vous demander de transmettre à votre collègue, M. Besson, qui a beaucoup discuté avec la commission du développement durable et la commission des affaires économiques sur le paquet « énergie ».

Je tiens, enfin, à souligner que faire montre de pragmatisme n'est pas un signe de faiblesse. Cette majorité est consciente des engagements européens de la France et des sujétions qu'ils impliquent. Il fallait agir et nous l'avons fait. C'est ce qui restera, au-delà des critiques sur la forme et sur la procédure. Je salue d'ailleurs les présidents de commission –Serge Grouard et le sénateur Jean-Paul Emorine – qui ont su nous soutenir, mon homologue du Sénat, Bruno Sido, et moi pour faire prévaloir dans nos chambres respectives cette éthique de responsabilité dont nous pouvons légitimement nous honorer.

Monsieur le secrétaire d'État, avant d'appeler les députés à approuver les conclusions de la commission mixte paritaire, je veux renouveler notre demande au Gouvernement. Je dis « demande », mais nous sommes nombreux à penser « avertissement », lorsque l’on sait ce qui s’est passé sur ce texte. Nous nous faisons violence une fois, nous ne le ferons pas deux fois. Assez de textes comme celui-ci, hétéroclite, dans l'urgence, sans vision ! Ce n'est pas le sens de notre engagement politique. Assez de textes balais, dénués de cohérence, dépourvus d'ambition ! Je sais que vous partagez ce postulat. Votre passé sur nos bancs plaide en ce sens. Je sais aussi que vous saurez faire passer le message et tenir vos engagements, à savoir associer la représentation nationale à la rédaction des prochaines ordonnances. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, secrétaire d’État chargé des transports.

M. Thierry Mariani, secrétaire d’État chargé des transports. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, le texte de la proposition de loi qui est soumis à votre approbation est le résultat d'un travail important et rapide entre le Gouvernement et le Parlement, afin de rendre possible la transposition en droit français de plusieurs textes de droit européen. Je voudrais tout particulièrement remercier les membres de votre assemblée, le rapporteur, Martial Saddier, ainsi que le président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, Serge Grouard.

Vous avez permis l’adoption de ce vecteur législatif dans un calendrier très serré compte tenu de la procédure accélérée. Les membres de la commission du développement durable, et en particulier son rapporteur et son président, ont été animés par un souci d’efficacité et de coopération dont je leur suis reconnaissant.

L’examen de ce texte démontre la volonté conjointe du Gouvernement et du Parlement de mieux travailler de concert à l’application des textes communautaires.

Les amendements déposés sur cette proposition de loi ont permis de réels échanges sur les dispositions d’adaptation de notre législation aux normes européennes. Je pense notamment aux sujets d’urbanisme, qui ont été source de nombreux échanges entre le ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement et les commissions de votre assemblée, celle du développement durable et celle des affaires économiques. Un accord a pu être trouvé, qui permet de satisfaire les préoccupations de l’Assemblée nationale.

Ainsi que je m’y étais engagé devant la commission le 1er décembre et lors des débats d’hier, mes services ont commencé à vous transmettre les projets d’ordonnance prévus par plusieurs articles de cette proposition de loi. Ainsi, l’ordonnance de transposition du « paquet maritime » a été transmise à votre commission ce matin.

Par ailleurs, je renouvelle ma proposition d’une collaboration et d’un contact entre les parlementaires qui le souhaitent et mes services pour l’élaboration des ordonnances. Je tiens, en outre, à ce que les textes élaborés vous soient régulièrement transmis. Les services du ministère les mettront à la disposition de la commission. Je souhaite, je le répète, que l’on vous adresse tous les deux mois un état de l’échéancier des directives en cours de transposition pour que nous ne nous retrouvions pas dans une telle situation. Je ne rappelle pas ce que nous avons dit il y a vingt-quatre heures ; chacun reconnaît les limites de l’exercice.

M. Martial Saddier, rapporteur. Tout à fait !

M. Thierry Mariani, secrétaire d’État. Pour conclure, je rappellerai une nouvelle fois l’importance que cette proposition de loi revêt pour le Gouvernement. Elle nous permettra de prendre part à l’œuvre de transposition du droit européen qui nous incombe. Elle permettra aussi à la France de respecter ses engagements et, accessoirement, d’avoir un peu moins de sanctions financières.

Il a été dit hier que le Parlement devait être plus présent sur le front de la transposition des directives et de l’élaboration des normes européennes. Ce texte témoigne d’une coopération fructueuse entre le Gouvernement et le Parlement et peut constituer un exemple qu’il n’est peut-être pas nécessaire de renouveler.

M. Jean-Paul Chanteguet. C’est bien !

M. Thierry Mariani, secrétaire d’État. En tout cas, je vous remercie, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, de votre compréhension. Gérard Voisin le rappelait hier, nous devons maintenant trouver un autre mode plus respectueux des droits du Parlement et des échéances afin que votre assemblée puisse exercer son rôle dans l’élaboration des textes de transposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Je voudrais tout d’abord rebondir sur votre dernière phrase, monsieur le secrétaire d’État, et votre souci de revaloriser le rôle du Parlement. On reconnaît bien le parlementaire que vous avez été. J’ai bien noté l’engagement que vous avez pris auprès du rapporteur et du président de la commission d’associer le Parlement à la transposition des futures ordonnances.

M. Martial Saddier, rapporteur. Nous y veillerons !

M. Michel Hunault. C’est un engagement qui doit être salué par la représentation nationale.

M. Martial Saddier, rapporteur. Nous faisons confiance au secrétaire d’État.

M. Michel Hunault. Nous examinons cet après-midi les conclusions de la commission mixte paritaire relative à diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit communautaire. Cette proposition de loi est très diverse dans son contenu, ses dispositions touchant autant à l’environnement et au climat qu’aux professions réglementées, aux transports ou encore à l’urbanisme. Cela s’explique par un contexte contraint, car la France était attendue dans divers domaines. Pour un certain nombre de directives, le délai de transposition est largement dépassé. Nous étions donc obligés de voter ce texte.

Il y avait d’abord une menace juridique. La jurisprudence développée par la Cour de justice de l’Union européenne reconnaît en effet aux citoyens la possibilité d’attaquer un État pour déficit de transposition.

Il y avait ensuite une menace diplomatique. Ces retards fragilisent en effet la position de la France dans les négociations communautaires et dans les institutions de l’Union en général. Nous ne pouvons à la fois nous targuer d’être à la pointe de l’Union européenne et figurer, hélas, parmi les mauvais élèves pour la transposition.

Il y avait enfin une menace financière. Nous avons dû examiner dernièrement un projet de loi dans l’urgence et sous la menace du contentieux communautaire.

Dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, les sénateurs auteurs de ce texte mentionnent, à titre d’exemple, l’absence de transposition dans les délais de la directive relative à la mise sur le marché d’OGM, qui a abouti à la condamnation de la France par la Cour de justice de l’Union européenne.

Un rapport de 2005 de la délégation pour l’Union européenne de l’Assemblée nationale rappelait que le déficit de transposition des directives relatives au marché intérieur était de 2,4 % à la fin mai 2005, après être monté à plus de 4 %. Selon les derniers chiffres, nous serions tombés à 1,2 %. La France est toujours au-dessus de la moyenne européenne et se classe au dix-huitième rang parmi les États membres pour les transpositions.

Il aurait été plus opportun que l’initiative de ces transpositions émane du Gouvernement et non du Parlement qui remplit ses devoirs à sa place. Une fois ces éléments exposés, je souhaiterais m’arrêter très brièvement sur deux aspects de ce texte, le volet relatif à l’urbanisme et le volet énergétique.

Le dernier titre de la proposition de loi, qui concerne l’urbanisme, a été introduit par le Sénat lors de l’examen en séance publique. Soyons clairs, ces dispositions constituent des cavaliers au regard de l’objet de la proposition de loi car rien ne les relie aux dispositions européennes que nous transposons ici. Cela dit, elles sont importantes et attendues. Le Nouveau Centre avait d’ailleurs fait une telle suggestion lors de l’examen du projet de loi Grenelle 2.

Concernant l’énergie et plus particulièrement le marché intérieur de l’électricité et du gaz, le groupe parlementaire auquel j’appartiens avait défendu, lors de l’examen de la loi précédente, quatre décisions fondatrices pour ce marché, tournant autour d’un régulateur fort. Jeudi dernier, lors de la réunion en commission avec le ministre de l’énergie, M. Besson, un constat s’est imposé. Notre vision a été partagée. La régulation des tarifs, des prix, de la surveillance des marchés, des marges réalisées par les distributeurs spécialisés dans l’achat et la revente d’électricité, de l’opérateur historique, les pouvoirs de sanctions, tous ces points étaient présents dans la directive européenne, et vous voilà contraints de répondre aux engagements européens que la France a pris récemment.

Bref, nous apprécions à sa juste valeur la bonne volonté du ministre de l’énergie à dialoguer autour du projet d’ordonnance visant à transposer le troisième paquet énergétique et nous prenons acte, monsieur le secrétaire d’État, de votre annonce à cette tribune d’associer le Parlement au projet de rédaction de l’ordonnance.

La première source de notre droit interne, c’est la transposition des directives de l’Union européenne, voire des conventions européennes, et je pense au Conseil de l’Europe. Nous aurions donc intérêt à mener, en relation avec notre délégation à l’Union européenne, un travail de concertation avec l’exécutif car, dans divers domaines, les textes pourraient s’enrichir de l’expérience d’un certain nombre de mes collègues. Des textes transposés par voie d’ordonnance peuvent parfois donner lieu, en effet, à des interprétations ou même aller à l’encontre de leurs objectifs. Cette séance nous le démontre, et vous en avez conscience, monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez dit vous-même. Nous devons travailler plus en amont lorsque nous transposons des directives de l’Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Voisin.

M. Gérard Voisin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon intervention sera brève puisque je me suis déjà exprimé hier après-midi sur cette proposition de loi dans la discussion générale. En outre, en ces temps incertains, M. le secrétaire d’État a besoin d’aller sur le terrain. Je souhaite seulement vous faire part de quelques regrets, d’un constat et, surtout, d’un espoir.

La proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit communautaire a pour objectif de transposer des directives soit directement dans le texte, soit en habilitant le Gouvernement à le faire par voie d’ordonnance.

Nous l’avons dit, nous regrettons ce texte catalogue qui concerne de nombreuses professions réglementées – géomètres-experts, experts en automobile, personnel de l’aviation civile ou encore moniteurs d’auto-école –, qui touche à l’environnement, aux transports et à l’énergie.

Nous regrettons aussi le recours aux ordonnances, qui réduisent la latitude du Parlement en matière de réforme. Nous prenons cependant acte de la volonté du Gouvernement de nous associer à la rédaction de ces ordonnances, et nous avons tous salué les initiatives de Thierry Mariani et d’Éric Besson.

En dépit de ces quelques regrets, l’on peut faire un constat. Il est fondamental pour notre pays d’intégrer les textes européens dans notre droit dans les meilleurs délais. C’est fondamental pour conserver notre crédibilité politique dans les négociations au sein de l’Union européenne. C’est fondamental pour ne pas avoir à s’acquitter d’amendes impactant nos finances publiques – on a entendu hier à quel point cela coûtait cher à la France.

Les sénateurs et les députés ont donc travaillé en bonne intelligence, de manière pragmatique. C’est dans cet esprit que s’est réunie ce matin la commission mixte paritaire. Avec l’adoption de cette proposition de loi, nous transposerons de nombreuses directives dans les délais qui nous étaient impartis.

Enfin, j’ai un espoir, que j’ai déjà évoqué mais sur lequel j’insisterai en tant que membre de la commission des affaires européennes. Hier, j’ai détaillé devant vous les propositions que font Didier Quentin et Jérôme Lambert dans leur rapport pour la commission des affaires européennes afin de moderniser l’intervention du Parlement dans la transposition des directives. Il s’agit de mesures simples qui pourraient éviter à l’avenir les textes catalogues. C’est donc avec l’espoir que ces propositions trouvent un écho favorable que le groupe UMP votera la proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui.

Nous avons un mode d’emploi, tout le monde le sait maintenant. Nous devons nous en servir pour aider les commissions thématiques ou permanentes du Parlement et le Gouvernement et faciliter la productivité tous azimuts de notre législation, impactée à près de 80 % par l’Europe. Nous devons bien entendu mieux faire comprendre à nos concitoyens, qui en ont bien besoin, l’intérêt d’être européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Jean-Paul Chanteguet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans une belle unanimité hier soir, tous les parlementaires, de l’opposition comme de la majorité, qui se sont exprimés lors de l’examen en séance publique du texte portant adaptation de la législation au droit communautaire ont dénoncé le recours par le Gouvernement aux ordonnances de l’article 38 de la Constitution pour transposer quatorze directives et sept règlements.

Comme toujours, le représentant du Gouvernement nous a fait part de ses bonnes intentions. Demain sera un autre jour. Demain, tous les textes européens seront transposés dans les délais et par la loi. Demain, le Parlement ne sera plus privé de ses droits. C’est un film que l’on nous a déjà joué, dont les acteurs ont été recrutés sur toutes les travées de cet hémicycle, je le reconnais bien volontiers, car, si les engagements des uns et des autres avaient été tenus, nous n’aurions pas assisté à cette inflation de lois d’habilitation : vingt-neuf en vingt ans, de 1984 à 2004, trente-huit en trois ans, de 2004 à 2007, pour 170 ordonnances publiées.

C’est non pas de bonnes intentions qu’il faut faire preuve mais de volonté politique, comme le Conseil d’État nous l’a rappelé dans une étude du 22 février 2007. Il y indique qu’il existe une forte corrélation entre l’expression de la volonté politique et une transposition efficace, et il précise que la transposition efficace des directives reste subordonnée, pour une bonne part, à la manifestation au plus haut niveau de l’État de la détermination politique.

Bien sûr, avec le Gouvernement, nous pouvons reconnaître que certaines dispositions à transposer sont d’ordre très technique et qu’elles ne nécessitent pas de débat parlementaire.

Néanmoins, nous ne pouvons pas accepter que, sous prétexte de retards, dont le Gouvernement est seul responsable puisqu’il maîtrise l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, sous prétexte que notre système pour l’incorporation des normes ne manque pas d’efficacité et qu’il n’est pas confronté à des difficultés de majorité politique, le Gouvernement prive la représentation nationale de ses prérogatives.

En effet, alors que la directive constitue un élément souple, puisqu’elle fixe des objectifs tout en laissant aux États membres le soin de choisir les moyens adéquats pour les réaliser et que les autorités nationales disposent d’une autonomie sur le fond de la transposition, il est pour nous essentiel et fondamental qu’en ce domaine les pouvoirs du Parlement soient préservés, par le recours systématique à la loi, nous permettant ainsi de nous prononcer sur le contenu de ces directives, d’exprimer un point de vue sur leurs conditions d’application en France et, si nécessaire, de demander des garanties.

Je le redis ce soir avec force : il n’est pas normal, il n’est pas acceptable que nous soyons privés d’un débat sur un sujet majeur, la lutte contre le réchauffement climatique, premier défi environnemental de notre planète qui, ne l’oublions pas, a fait l’objet en un an de deux sommets internationaux, à Copenhague et puis à Cancun.

Nous le savons, de nombreuses questions se posent. Quelle politique énergétique réellement durable devons-nous définir ? Quels sont les meilleurs moyens d’atteindre les objectifs fixés dans le cadre du paquet « énergie climat » ? Le marché des quotas d’émission de gaz à effet de serre constitue-t-il le meilleur outil ou doit-on lui substituer une taxation des émissions de CO2, voire promouvoir un système mixte ?

Il en est de même avec les deux directives relatives au marché intérieur de l’énergie, l’une pour l’électricité, l’autre pour le gaz, que vous souhaitez transposer par ordonnances, disposition qui, après avoir fait l’objet d’un rejet unanime de la part de tous les groupes de l’Assemblée nationale lors de l’examen de la loi NOME, réapparaît opportunément dans ce texte sous forme d’un amendement gouvernemental à l’article 2 quater.

La transmission des projets d’ordonnances aura, je l’ai bien compris, calmé les ardeurs contestataires de la majorité. Néanmoins, nous continuons à penser, compte tenu des enjeux, qu’il serait dangereux et coupable de laisser au Gouvernement le pouvoir de légiférer seul en ce domaine, et que celui-ci serait bien inspiré de suivre les recommandations de Patrick Ollier, l’ancien président de la commission des affaires économiques, qui considérait que le Gouvernement avait le temps de déposer un texte spécifique, et qui ajoutait : « Le Parlement doit pouvoir appréhender toutes les conditions de la transposition et mener un dialogue républicain avec le Gouvernement. »

Je réitère en cette occasion notre opposition au choix que vous avez fait de transposer sectoriellement la directive « Services », ce dont nous avons une nouvelle illustration dans cette proposition de loi par le biais de plusieurs articles. Cette transposition que vous avez saucissonnée dans de nombreux textes demeurera l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire, en nous privant d’une vision d’ensemble du texte et en ne permettant pas au Parlement d’exercer pleinement ses responsabilités.

Enfin, nous ne pouvons pas ne pas relever le peu de considération portée par ce pouvoir au Parlement, lorsqu’il se permet, au travers de sept amendements gouvernementaux, de forcer la main à sa majorité en l’obligeant à légiférer par ordonnances et à se priver de ses prérogatives, ou lorsqu’il impose des conditions de travail dont le seul objectif – nous le constatons ce soir – est d’en finir au plus vite. Ces conditions, je le rappelle, auront conduit le Sénat à examiner ce texte le 17 novembre, notre commission du développement durable à le faire le 1er décembre, l’Assemblée nationale hier soir, la CMP ce matin et à nouveau l’Assemblée nationale, pour un ultime vote dans quelques minutes. Comme le rappelait le président de notre commission, Serge Grouard, il n’aura fallu que trente-quatre jours pour que ce texte soit définitivement adopté. Nous ne sommes pas loin, je pense, d’un record de rapidité.

Au terme de l’examen de cette proposition de loi, ce n’est pas un sentiment de fierté que j’exprimerai, sentiment que nous avons tous pu éprouvé en certaines circonstances parce que nous étions fiers du travail législatif réalisé et des choix politiques assumés. Ce sera plutôt un sentiment d’amertume, en constatant qu’en cette occasion le Parlement ne fut qu’une chambre d’enregistrement, privée de ses fonctions législatives et de contrôle.

Monsieur le secrétaire d’État, pour toutes les raisons que j’ai déjà évoquées au cours des différents débats, le groupe SRC votera contre cette proposition de loi.

M. Jean-Pierre Dufau. Très bien !

M. le président. Je considère que les explications de vote sur l’ensemble du texte ont été données.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L’ensemble de la proposition de loi est adopté.)

5

Approbation de conventions
et d’accords internationaux

(Procédure d’examen simplifié)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d’examen simplifiée, en application de l’article 103 du Règlement, de neuf projets de loi autorisant l’approbation de conventions et accords internationaux.

M. Jean-Pierre Dufau. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau. Bien que nous soyons dans le cadre de la procédure d’examen simplifiée, je souhaite donner au nom du groupe SRC une explication de vote sur l’accord France-Cameroun relatif à la gestion concertée des flux migratoires et l’aide au développement.

D’importants discours ont été prononcés sur les rapports entre la France et les États africains ou l’Afrique : celui du général de Gaulle en 1943, discours de Brazzaville, qui dessinait déjà la décolonisation, et puis, en 2008, le discours de Nicolas Sarkozy, Président de la République, le triste discours de Dakar. De ces deux discours, il vous appartient de deviner lequel entrera dans l’histoire par la grande porte et lequel n’y entrera pas ou alors par la petite porte.

S’agissant du présent accord, notre groupe a un désaccord sur le fond et sur la forme. Lier les flux migratoires au développement est une vue de l’esprit, un artifice, pour ne pas dire davantage. Il est significatif que, sur la feuille jaune distribuée en séance, nous lisions « Accord France-Cameroun sur la gestion concertée des flux migratoires » ; exit le développement, il n’en est même pas question ! Les lapsus de ce genre sont révélateurs.

Si vous jetez sur tout cela un écran de fumée, en évoquant les accords de partenariat économique préconisés par l’Union européenne, vous oubliez de rappeler que ces accords entre l’Europe et l’Afrique sont au point mort, complètement bloqués.

Enfin, établir un lien entre les flux migratoires et le développement est une erreur. En effet, comme le rapport d’Henriette Martinez l’a démontré, il faut prendre en considération trois éléments : les flux migratoires – c’est évident –, le développement – c’est également évident –, mais aussi la pauvreté. Tant que nous n’aurons pas véritablement traité les questions de pauvreté, nous ne pourrons parler de développement.

M. le président. Merci, mon cher collègue !

M. Jean-Pierre Dufau. Cette immigration « choisie », ou que l’on veut nous présenter comme telle, est en fait la fuite des cerveaux africains. Le rapport indique à plusieurs reprises que l’objectif est de contrer la politique d’immigration au Québec. Or je n’ai pas le sentiment que ce soient, au Québec, des manutentionnaires qui sont accueillis.

M. le président. Mon cher collègue, chacun aura compris que votre intervention est loin d’être un rappel au règlement. Veuillez conclure, s’il vous plaît.

M. Jean-Pierre Dufau. Je conclus, monsieur le président, en signalant une contradiction entre le rapport et le projet de loi. Le rapport affirme que le texte a été ratifié par le Cameroun, notamment par un décret de mai 2010, tandis que le projet indique : « À ce jour le Cameroun n’a pas entamé la procédure de ratification de l’accord. » Qui dit la vérité ? Pourquoi le Cameroun n’a-t-il pas encore ratifié ?

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58-1 du règlement.

Nous allons, dans quelques instants adopter, en procédure simplifiée, un certain nombre de conventions, dont une, la convention de sécurité sociale entre la France et le Maroc, a fait l’objet en commission des affaires étrangères de très vifs débats. Je ne peux donc que m’étonner que la procédure simplifiée ait été retenue pour l’examen de ce texte, alors même qu’il touche à des questions de principe. Vous allez vite comprendre, mes chers collègues, de quoi il s’agit, sans polémique aucune.

La section II de la convention porte sur les pensions de survivants. À l’article 30, il est question, « pour le Maroc », des « pensions de veuf ou de veuve(s) », avec un « s » entre parenthèses. De même, l’article 31-2 dispose : « En ce qui concerne le Maroc : la prestation acquise est répartie également et définitivement entre les épouses survivantes. » Voilà donc un texte conventionnel franco-marocain qui reconnaît de manière explicite la polygamie.

Vous me direz que cela se passe au Maroc et que ce ne sont pas nos affaires. Il aurait fallu écrire que la pension est versée en fonction de la législation nationale, et tout le monde n’y aurait vu que du feu.

Cependant, prenez le cas d’un Marocain qui travaille en France, repart là-bas et revient dans notre pays avec ses femmes. C’est en France que seront reversés les droits acquis aux veuves survivantes ? Je crois que cela est parfaitement contraire à notre droit et que ce n’est pas admissible.

C’est la raison pour laquelle, conformément à ma position en commission des affaires étrangères, je voterai contre ce projet de ratification.

M. le président. Merci, mon cher collègue. En tout cas, tout est parfaitement régulier.

Ces textes n’ayant fait l’objet d’aucun amendement, je vais mettre directement aux voix l’article unique de chacun d’eux, en application de l’article 106 du Règlement.

Coopération France-Liban
dans le domaine de la défense

(L’article unique du projet de loi est adopté.)

Coopération France-Inde
dans le domaine de l’espace

(L’article unique du projet de loi est adopté.)

Accord France-Cameroun
sur la gestion concertée des flux migratoires

(L’article unique du projet de loi est adopté.)

Accord France-Allemagne
sur les fichiers d’immatriculation de véhicules

(L’article unique du projet de loi est adopté.)

Accord France-Belgique
sur l’échange d’informations relatives aux titulaires du certificat d’immatriculation de véhicules

(L’article unique du projet de loi est adopté.)

Convention de sécurité sociale France-Maroc

(L’article unique du projet de loi est adopté.)

Privilèges et immunités
du Tribunal international du droit de la mer

(L’article unique du projet de loi est adopté.)

Accord France-République tchèque
sur la lutte contre la fraude aux prestations de sécurité sociale

(L’article unique du projet de loi est adopté.)

Accord France-Roumanie sur la protection civile

(L’article unique du projet de loi est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, je souhaite à toutes et à tous un très joyeux Noël, de bonnes fêtes chez vous et dans vos familles.

M. Jacques Myard. Voilà un bon président ! (Sourires.)

6

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, demain, mercredi 22 décembre à quinze heures :

Questions au Gouvernement.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures dix.)