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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2010-2011

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 10 mai 2011

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

1. Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

2. Questions au Gouvernement

Gaz de schiste

M. Pascal Terrasse

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement

gaz de schiste

M. Michel Havard

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement

Bilan de la politique du Gouvernement

M. André Gerin

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement

RSA

M. François Sauvadet

M. François Fillon, Premier ministre

Pouvoir d’achat

M. Olivier Dussopt

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Enquêtes sur la Fédération française de football

M. Éric Berdoati

Mme Chantal Jouanno, ministre des sports

Situation à la frontière tuniso-libyenne

M. Rudy Salles

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes

Accord interpalestinien

M. Daniel Garrigue

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes

RSA

M. Germinal Peiro

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Apprentissage et alternance

M. Alain Moyne-Bressand

Mme Nadine Morano, ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle

Incohérences de la politique gouvernementale

M. Jean-Paul Bacquet

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement

Proposition de loi relative à la chasse

M. Jérôme Bignon

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement

Politique de l'éducation

M. Michel Lefait

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Sécheresse en France

Mme Marie-Hélène Thoraval

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement

Rémunération des banquiers

M. Christian Eckert

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Industrie automobile

Mme Arlette Grosskost

M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique

3. Prolongation d’une mission temporaire

4. Fixation de l’ordre du jour

5. Équilibre des finances publiques

Explications de vote

M. Jérôme Chartier, M. Christian Eckert, M. Jean-Pierre Brard, M. Charles de Courson

Vote sur l’ensemble

6. Nombre de conseillers territoriaux

Explications de vote

M. Bernard Derosier, M. François de Rugy, M. Michel Hunault, M. Claude Bodin

Vote sur l’ensemble

Présidence de Mme Élisabeth Guigou

7. Immigration, intégration et nationalité

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission mixte paritaire

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration

Motion de rejet préalable

Mme Sandrine Mazetier

M. Claude Guéant, ministre, M. Éric Diard, M. Julien Dray, M. Noël Mamère, M. Michel Hunault

Discussion générale

M. Éric Diard

M. Jean-Yves Le Bouillonnec

M. Noël Mamère

M. Michel Hunault

M. Jean-Louis Touraine

M. Roland Muzeau

M. Serge Blisko

Texte de la commission mixte paritaire

Amendement no 1

8. Interdiction de la fracturation hydraulique

M. Michel Havard, co-rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

M. Jean-Paul Chanteguet, co-rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement

9. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

M. le président. Je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation du groupe d’amitié de l'Assemblée nationale du Cameroun, conduite par son président, M. Jean-Bernard Ndongo Essomba. (Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Gaz de schiste

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Pascal Terrasse. Monsieur le Premier ministre, les manifestations de citoyens en témoignent : l'inquiétude et le mécontentement ne faiblissent pas. Nos concitoyens ne veulent pas d'exploration et d'exploitation des gaz de schiste.

Dès le mois de janvier dernier, notre groupe a demandé au ministre de l'écologie et du développement durable un moratoire sur les autorisations de recherche de gaz et huiles de schiste. Ces permis exclusifs, accordés à des multinationales par Jean-Louis Borloo dans la plus grande opacité, sans consultation des élus locaux, ont jeté le trouble jusque dans les rangs de votre majorité.

Une fois redevenu député, alors même qu'il porte la responsabilité d'avoir accordé ces permis d'exploration, Jean-Louis Borloo a fait marche arrière et proposé, comme le groupe UMP, un texte visant à abroger ces autorisations.

Dès le mois de mars, notre groupe a déposé, un texte très clair constitué de 3 articles. Rassurés par les propos que vous avez tenus ces derniers jours, monsieur le Premier ministre, et vous croyant sincère, notre groupe a accepté de présenter un texte commun avec la majorité. Or le texte examiné la semaine dernière en commission ne répond en rien à nos attentes et à nos inquiétudes. En l'état, je vous le dis clairement, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche ne votera pas ce texte. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. Pourtant, vous l’avez voté en commission !

M. Pascal Terrasse. Votre ministre a pris l'initiative, par arrêté, d'autoriser l'exploration et l'exploitation des gaz et huiles de schiste.

Quand allez-vous prendre la décision d'abroger les permis existants ? Allez-vous demander aux députés de votre majorité de revenir au texte initial ? Quelles garanties pouvez-vous nous offrir afin qu'une telle aberration économique, écologique et sociale ne se reproduise pas ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur le député, je l’ai dit dès le mois de janvier, des inquiétudes légitimes sont nées du fait des projets d’exploration des gaz de schiste.

M. Bruno Le Roux. Ce sont des paroles !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Des députés s’en étaient émus sur tous les bancs de cet hémicycles. Ces inquiétudes étaient fondées notamment sur l’expérience américaine avec des images très fortes de paysages dévastés et de nappes phréatiques salies. Nous n’avions pas envie de vivre cela en France.

M. Bernard Roman. Qui a signé les permis d’exploration ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Aussi, dès le mois de février, nous avons proposé, avec mon collègue Éric Besson et sous l’autorité du Premier ministre, la suspension de toutes les opérations de fracturation hydraulique, cette technologie particulière utilisée dans l’exploration du gaz de schiste, et lancé une mission d’inspection et d’évaluation. Celle-ci aurait sans doute dû être faite avant de donner des autorisations d’exploration.

Après la remise du rapport d’étape, le Premier ministre a indiqué ici qu’il avait été décidé de renoncer à ces opérations de fracturation hydraulique, d’annuler ces projets.

Monsieur le député, puisque nous partageons les mêmes objectifs, à savoir ne pas donner suite à ces projets de fracturation hydraulique, puisque tous les députés membres de la commission du développement durable ont voté le texte qui a été retravaillé et qui fait suite à la proposition de loi de Christian Jacob, pourquoi aujourd'hui nous dites-vous ne pas vouloir voter la proposition de loi ? C’est incompréhensible. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous invite, avec la plus grande insistance, à éviter les cris, les hurlements. Je vous assure que les Français qui nous regardent ne comprennent absolument pas cette attitude. J’en appelle à votre responsabilité.

gaz de schiste

M. le président. La parole est à M. Michel Havard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Michel Havard. Madame la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, notre collègue Pascal Terrasse vient d’aborder le sujet. Le texte que nous allons examiner poursuit deux objectifs très clairs et très simples.

Le premier est d’arrêter un processus mal engagé et que nous ne souhaitons pas voir perdurer. Les risques pour l’environnement sont grands, le cadre juridique dans lequel ce processus a été engagé et la transparence dans laquelle il devrait se poursuivre ne sont pas satisfaisants. C’est pour ces raisons que nous souhaitons mettre un terme au processus, en interdisant la fracturation hydraulique, seule technologie utilisable pour l’exploitation des huiles et des gaz de schiste. Le fait que nous ayons modifié, en commission, monsieur Terrasse, l’article concerné, est destiné à donner à ce texte une sécurité juridique à laquelle nous sommes tous attachés.

Le second objectif n’est pas moins clair : il consiste à donner au Parlement l’occasion de débattre. Nous nous sommes rendu compte que ce sujet était mal connu. Des travaux sont en cours auxquels le Parlement doit être associé.

C’est pourquoi, madame la ministre, je souhaite savoir si vous partagez ces deux objectifs : mettre un terme au processus engagé – ce à quoi vise clairement le texte que nous allons examiner – ; permettre au Parlement de débattre sur le sujet. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur le député, laissez-moi avant tout vous remercier pour le travail que vous avez réalisé avec votre co-rapporteur Jean-Paul Chanteguet ainsi que tous les députés associés à la mission sur le gaz de schiste, en particulier MM. Gonnot et Martin.

Tous les membres de la commission du développement durable ont voté le texte qui sera discuté cet après-midi. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)

M. Yves Cochet. Non, moi je ne l’ai pas voté !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Voilà qui marque la qualité du travail réalisé par tous ceux qui se sont mobilisés avec vous.

Je l’affirme ici : le processus était mal engagé. La question a été évoquée dès le mois de janvier au sein de cet hémicycle. Les autorisations d’exploration ont été données dans de mauvaises conditions. Elles n’auraient en effet pas dû être accordées avant une évaluation environnementale poussée.

En revanche la régularité de la procédure n’est pas en cause, contrairement à ce que certains ont fait valoir. Néanmoins la procédure elle-même et le code minier doivent être revus, la place laissée à la concertation, à l’expression des territoires n’étant en effet pas suffisante,…

M. Bruno Le Roux. Une place bien petite !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. …et devant faire l’objet d’un prochain chantier.

Sans attendre, nous nous sommes engagés à suspendre les opérations de fracturation hydraulique.

M. André Wojciechowski. Très bien !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Puis, sous l’impulsion du Premier ministre, nous avons annulé l’opération prévue. C’est à l’occasion de la remise du rapport d’étape, au mois d’avril, que cette décision a été prise et annoncée par le Premier ministre lui-même.

J’y insiste ici, publiquement : les conditions de mise en œuvre de la fracturation hydraulique, notamment en Amérique du Nord, ne nous conviennent pas car elles ne présentent pas toutes les garanties environnementales que nous souhaitons pour nos territoires.

Nous voulons donc procéder à cette suspension puis à l’annulation, mais dans des conditions juridiquement satisfaisantes. Certains pétroliers ont annoncé leur souhait de demander des compensations financières peut-être exorbitantes.

Pour l’instant, monsieur Havard, je vous remercie particulièrement pour votre travail en ce qui concerne la qualité juridique de la proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Bilan de la politique du Gouvernement

M. le président. La parole est à M. André Gerin, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Gerin. Monsieur le Premier ministre, vous ne pouvez ignorer la colère que suscite la politique que vous poursuivez depuis quatre ans.

Les Français voient bien ce qui vous anime : largesses pour les privilégiés (Murmures sur les bancs du groupe UMP), ceinture pour nos concitoyens. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Chacune de vos réformes apporte son lot d’austérité supplémentaire. Vous y ajoutez, de surcroît, une indécente surenchère de chasse aux voix à l’approche des élections. Après les immigrés, désignés comme envahisseurs et boucs émissaires, ce sont à présent les titulaires du RSA qui sont traités de fainéants. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Lang. Menteur !

M. André Gerin. Avec ce discours mensonger, vous humiliez ces Français.

Vous êtes d’ailleurs capable d’atteindre des sommets. Ainsi après la séquence des questions au Gouvernement, nous allons avoir à voter un projet de loi constitutionnel relatif à l’équilibre des comptes publics. Il s’agit d’inscrire dans le marbre de la Constitution l’austérité comme règle désormais intangible.

Le corset de fer de Bruxelles et du FMI devient la norme. On promet déjà du sang et des larmes aux Grecs et aux Portugais ; viendra bientôt le tour du peuple français. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Cette politique de classes à la Thatcher est exclusivement au service des 1 % de Français nantis. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Des milliers de gens sont entrés en résistance aujourd’hui.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous arrêter cette folie d’une France du renoncement, allez-vous arrêter de fouler aux pieds la souveraineté populaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, dans quel monde vivez-vous ? (Rires et exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Le vôtre s’est effondré il y a un peu plus de vingt ans et vous ne vous en êtes jamais remis.

M. Roland Muzeau. Et votre monde, à vous, c’est le Fouquet’s !

M. François Baroin, ministre. Vous n’avez fait aucune autocritique. Vous devriez effacer la buée de vos lunettes, monsieur Gerin, et regarder ce qui s’est passé au cours de ces dernières années. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC. – Vives protestations sur les bancs du groupe GDR.)

Une crise est passée par là qui a frappé le monde entier et vous devriez vous féliciter de la manière dont le Président de la République, le Gouvernement et la majorité ont accompagné les douleurs sociales, les épreuves humaines. Nous avons mis en place un dispositif et une série d’amortisseurs sociaux qui ont permis à notre pays – c’est un fait et contester la vérité ne l’effacera pas – de mieux traverser la récession économique, d’en sortir plus vite.

M. André Gerin. Vous parlez des patrons du CAC 40 ?

M. François Baroin, ministre. Nous avons instauré pour les plus démunis, pour ceux qui ont le plus besoin de la solidarité nationale, un bouclier social, le RSA, dont nous sommes fiers et dont il faudra mettre en lumière qu’il sert une certaine idée de l’insertion économique.

M. Roland Muzeau. Dites-le à Wauquiez !

M. François Baroin, ministre. Nous avons une trajectoire, une méthode et un calendrier. Au bout de cette trajectoire, grâce à une réduction intangible des déficits publics, nous devrions revenir en 2013 au niveau d’avant la crise. Quant au calendrier, il se déroule de façon méthodique à travers les lois de programmation des finances publiques dont l’équilibre sera bientôt, je l’espère, inscrit dans la Constitution avec les lois-cadres. Enfin, la méthode consiste à discuter avec les partenaires concernés, à prendre des engagements et à les respecter.

Le nier revient à persister dans l’erreur, à regarder son nombril sans voir que le monde a changé. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Henri Emmanuelli. Soyez poli !

M. François Baroin, ministre. Or nous voulons préserver notre modèle social et c’est en menant cette politique que nous y parviendrons ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

RSA

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe Nouveau Centre.

M. François Sauvadet. Madame la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, je voudrais revenir ici, à l’Assemblée nationale, sur le débat qui a eu cours ce week-end sur le revenu de solidarité active. Je voudrais rappeler au nom de mon groupe plusieurs points.

Le premier, c’est que le revenu de solidarité active est une idée que nous avons portée, au Nouveau Centre, aux cotés de Martin Hirsch. C’est une idée que nous assumons, et j’ose même dire que nous la revendiquons. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Nous la revendiquons parce que c’est une idée juste. Elle vise à faire en sorte que lorsqu’une personne reprend le chemin de l’emploi et de l’activité, elle n’y perde pas par rapport à sa situation antérieure. C’est là l’idée fondatrice du RSA : amener les personnes vers l’activité, les sortir de l’assistanat que l’on a trop souvent constaté, et que nous avions eu l’occasion de dénoncer à l’époque de la mise en place du RMI. On avait en effet oublié le I d’ « Insertion », de sorte que, finalement, des personnes étaient installées dans des régimes de solidarité, dont nous avons l’ambition de les sortir.

Je voudrais démentir une information qui a circulé, celle qui consiste à dire qu’en cumulant le RSA avec d’autres aides sociales, on pourrait gagner plus qu’en étant au SMIC. C’est une erreur, une faute, que de dire cela. Car en réalité, les aides sociales sont déjà intégrées dans le calcul du RSA.

Je veux dire aussi que j’ai expérimenté le RSA dans mon département, au conseil général de Côte-d’Or, avant même sa généralisation. Et je peux affirmer que le RSA, ça marche. Même en situation de crise, nous sommes restés à un seuil de RSA socle – celui qui concerne les plus défavorisés – qui est resté inférieur à 5 000 personnes.

Bien sûr, dans ce parcours, il faut impliquer les partenaires. Bien sûr, il faut faire de l’évaluation. Et s’il y a une idée qu’il faut porter, madame la ministre, c’est qu’il faut lutter contre les fraudeurs. Mais en tout cas, ne remettons pas en cause un dispositif qui a fait ses preuves, et qui vise à sortir les personnes de l’indignité liée au fait qu’ils sont en dehors de la société, et à leur permettre de retrouver le chemin de la dignité par l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre. (« Wauquiez ! Wauquiez ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le député, le revenu de solidarité active, c’est une avancée sociale qui est à mettre au crédit du Président de la République et de cette majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Grâce au revenu de solidarité active, reprendre une activité, même partielle, est désormais plus attractif que la dépendance à l’égard de la solidarité. Grâce au revenu de solidarité active, 70 000 familles françaises sont passées au-dessus du seuil de pauvreté. Le RSA, c’est une avancée par rapport au revenu minimum d’insertion. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mais cette réforme n’a pas pour autant résolu tous les problèmes. Et on ne peut pas se satisfaire de compter aujourd’hui un million de Français éligibles au revenu de solidarité active que l’on appelle socle.

M. Henri Emmanuelli. C’est l’effet de votre politique !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous avons deux défis à relever. Le premier, c’est d’orienter davantage de personnes vers un parcours d’insertion. Et le second, c’est de lutter contre les fraudes, qui exaspèrent à juste titre nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

L’action des départements, qui gèrent le revenu de solidarité active,…

M. Henri Emmanuelli. Faux ! C’est la CAF !

M. François Fillon, Premier ministre. …est très variable sur ces deux sujets.

M. Jean-François Copé. Ça, c’est vrai !

M. François Fillon, Premier ministre. Je reconnais qu’il s’agit de questions difficiles, mais, en même temps, renoncer sur ces deux questions, ce serait une faute. Le Gouvernement sera donc attentif à toutes les propositions qui seront faites et qui visent à améliorer le taux d’insertion et à lutter plus efficacement contre les fraudes.

Mais, mesdames et messieurs les députés, il y a aussi une chose qui doit nous guider. Nous parlons d’hommes, de femmes et d’enfants qui sont en grande précarité. Il s’agit d’une réalité qui ne doit pas être oubliée,…

M. Roland Muzeau. Dites-le à Wauquiez !

M. François Fillon, Premier ministre. …comme nous ne devons pas oublier que la dignité qui s’attache au travail doit toujours être privilégiée par rapport à l’inactivité.

Mesdames et messieurs les députés, la République, c’est la solidarité. Mais la République, c’est aussi les droits et les devoirs. C’est la philosophie du Gouvernement, c’est la philosophie de cette majorité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Pouvoir d’achat

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Olivier Dussopt. Monsieur le Premier ministre, vous venez de le dire, vous êtes à la tête d’un pays qui souffre. Un pays où de plus en plus de ménages ne savent pas comment ils vont arriver à boucler les fins de mois. Un pays où de plus en plus de gens renoncent à se soigner. Un pays, aussi, où de plus en plus de jeunes renoncent à envisager des études longues car ils savent que leurs parents ne pourront pas suivre.

Un pays où les ménages voient, mois après mois, les dépenses obligatoires augmenter – le gaz, l’électricité, les assurances, l’essence, les produits alimentaires – et où de plus en plus en plus de ménages n’ont que les moyens de survivre, en aucun cas de vivre.

Face à cela, la réponse de votre gouvernement vire à la provocation.

Provocation, la mise en place d’un panier de produits essentiels, qui n’est rien d’autre qu’un panier des pauvres.

Provocation encore, quand un de vos ministres reproche à celles et ceux qui cherchent un emploi de gagner trop d’argent avec les minima sociaux. Provocation telle que vous êtes obligé de le désavouer devant nous.

Provocation aussi, quand, dans le même temps, vous décidez d’alléger encore la fiscalité sur le patrimoine.

Provocation, enfin, lorsque vous annoncez une prime de 1 000 euros, une prime peau de chagrin qui, jour après jour, concerne toujours moins de salariés, qui, jour après jour, est de moins en moins importante, jour après jour plus complexe à mettre en place, une prime qui, aux dernières nouvelles, pourrait même être versée sous forme de participation ou d’actions. C’est se moquer du monde. C’est un mirage, une illusion brandie devant les salariés qui ne sont pas dupes de votre manœuvre.

Monsieur le Premier ministre, nous vous avons demandé plusieurs fois de bloquer le prix de l’essence et d’encadrer les loyers.

Nous souhaitons l’ouverture d’une vraie négociation salariale, car, pour nous, le seul véritable outil de répartition des richesses reste le salaire, alors que vous, vous ne voulez même pas donner un coup de pouce au SMIC quand vous avez la possibilité de le faire.

Vous pouvez répéter à l’envi que le pouvoir d’achat des Français augmente. Plus personne ne vous croit.

En réalité, les Français ne veulent ni gadgets ni effets de communication. Ils veulent simplement vivre, et vivre dignement. Allez-vous enfin répondre à leurs revendications salariales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Monsieur le député, vous avez parlé de dignité. La dignité, en politique, c’est de ne pas raconter n’importe quoi, c’est de ne pas faire n’importe quelles promesses. Et ce n’est pas non plus d’engager des polémiques sans nom. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP . – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Pour engager des polémiques, je dois dire que je parle à des experts.

M. Frédéric Cuvillier. Dites-le à Wauquiez !

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous voulez parler de pouvoir d’achat ? Très bien ! Qui a sacrifié le pouvoir d’achat des ouvriers, en 1997, en mettant en œuvre les 35 heures obligatoires ? C’est le parti socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Qui a voté, en revanche, l’augmentation du minimum vieillesse – 25 % sur l’ensemble du quinquennat ? C’est cette majorité.

Qui a décidé de relever les pensions de réversion pour les Français les plus modestes ? C’est cette majorité. Ce n’est pas le parti socialiste.

Qui a décidé de défiscaliser les heures supplémentaires…

M. Michel Ménard. Parlons-en !

M. Xavier Bertrand, ministre. …pour donner davantage à celles et ceux qui en font ? C’est cette majorité. Ce n’est pas le parti socialiste, qui lui-même propose, promet, de revenir sur cette disposition, pour sacrifier, une fois de plus, le pouvoir d’achat des ouvriers et des employés.

Vous avez parlé de pouvoir d’achat. Dans les collectivités que vous gérez, vous êtes les spécialistes de l’impôt. Vous êtes les spécialistes des impôts locaux ! Oh, il n’y a jamais photo entre une collectivité qui est gérée par la droite et le centre et une collectivité qui est gérée par la gauche. À chaque fois, vous augmentez la fiscalité, parce que vous aimez l’impôt, tout simplement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP . – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous aimez tellement l’impôt que vous proposez, dans votre projet – si tant est que l’on puisse appeler ça un projet –, de fusionner la CSG et l’impôt sur le revenu. Pour augmenter les impôts de qui ? Les impôts des classes moyennes. Voilà la spécialité du parti socialiste !

Sur tous ces sujets, je vous le dis, vous n’êtes pas qualifiés. Vos promesses sont déconsidérées aux yeux des Français. Oui, en matière de pouvoir d’achat, il vaut mieux choisir la majorité que le parti socialiste ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP . – Huées sur les bancs du groupe SRC.)

Enquêtes sur la Fédération française de football

M. le président. La parole est à M. Éric Berdoati, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Éric Berdoati. Madame la ministre des sports, en publiant, il y a quelques jours, des propos qui auraient été tenus fin 2010 lors d'une réunion des plus hauts cadres techniques de la fédération française de football, dont le sélectionneur Laurent Blanc, un site internet a jeté l'opprobre sur le football français qui, il faut bien l'avouer, n'avait vraiment pas besoin de cela. D'après ce site, il aurait été question d'introduire des quotas afin de limiter le nombre de joueurs binationaux dans les équipes nationales. J'observe que ce n'est malheureusement pas la première fois que ce site utilise de telles méthodes, mais ce n'est pas, aujourd'hui, l'objet de ma question.

Tous ceux qui connaissent, qui pratiquent et qui aiment le sport le savent bien : la sélection d'un joueur ou d'un athlète se fait uniquement et exclusivement sur ses performances physiques, sur ses qualités techniques et sur sa capacité mentale à gérer l'effort, à faire des performances. Voilà le quotidien d'un sportif. La notion même de quota dans le sport est absurde.

Le sport est porteur de valeurs et doit servir d'exemple aux jeunes générations. Le sport est universel, les discriminations n'y ont pas leur place. Il serait temps, à cet égard, que les dirigeants de la Fédération française de football se reprennent. Vous avez décidé, madame la ministre, de confier une enquête à l'inspection générale de la jeunesse et des sports, parallèlement, à l'enquête interne menée par la fédération française de football.

Je tiens à saluer votre réactivité et votre prudence, gages de sérénité et de lucidité, En effet, avant de proposer des sanctions, il est préférable d'attendre les résultats de l'enquête diligentée par l'inspection générale de la jeunesse et des sports et de connaître réellement les faits ainsi que la réalité des propos tenus.

Madame la ministre, pouvez-vous informer la représentation nationale sur les conclusions issues de l'enquête menée par l'inspection générale de la jeunesse et des sports et nous dire quelles sont les conséquences que vous comptez en tirer ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, ministre des sports.

Mme Chantal Jouanno, ministre des sports. Monsieur le député, vous l’avez rappelé, le 28 avril dernier, le site Mediapart affirmait que les dirigeants du football « veulent moins de noirs et d’arabes. » Ce sont des accusations graves car, je le rappelle, les quotas fondés sur l’origine ou la couleur de peau sont un délit. Cela est également contraire aux valeurs du sport, comme vous l’avez souligné.

C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité avoir un maximum d’objectivité et de transparence dans ce débat. La mission d’inspection du ministère, une mission indépendante, a clairement conclu que cette solution des quotas n’a jamais été validée ou appliquée, même officieusement. Ces conclusions sont confirmées par la commission présidée par le député communiste M. Patrick Braouezec.

Certes, la DTN n’a pas été exemplaire dans la conduite de sa réunion, au cours de laquelle ont été utilisés des propos qui donnent un sentiment de malaise, proches de la discrimination. Toutefois la mission conclut qu’aucun élément matériel ne permet de saisir la justice ; rien ne permet d’accuser en bloc les dirigeants du football ; rien ne permet d’accuser Laurent Blanc de racisme, et il appartient au seul conseil fédéral de décider de l’avenir du directeur technique national.

Cette affaire est grave : elle est grave par les commentaires et les prises de position radicales qui ont porté atteinte au symbole républicain de l’équipe de 1998 ; elle est grave car elle salit le monde du football qui, au contraire, est un vecteur d’intégration ; elle est grave car la délation ne peut pas être institutionnalisée dans une république ; elle est grave, car comment est-il possible qu’un site internet en quête d’argent, donc de scoop, puisse ainsi, par amalgame, jeter en pâture des hommes et un idéal de cohésion ?

Que nous soyons hommes politiques ou journalistes, nous n’avons qu’un devoir : celui de l’intérêt général, et non pas celui de la désinformation. Alors, au terme de cette affaire, ne jetons pas aux oubliettes l’idéal du sport et rappelons-nous d’un principe extrêmement simple : les équipes que nous aimons sont celles qui aiment la France et ses valeurs. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Situation à la frontière tuniso-libyenne

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Rudy Salles. Monsieur le ministre des affaires étrangères, la situation à la frontière entre la Libye et la Tunisie est aujourd’hui particulièrement préoccupante. En effet, depuis le début des événements en Libye, une vague de réfugiés de ce pays arrive en Tunisie. Elle est évaluée à 200 000 personnes, dans un pays de 10 millions d’habitants. Pour se donner une idée, en comparant les populations, cela correspondrait à l’arrivée de 1,2 million de personnes en France en quelques semaines.

La Tunisie étant elle-même dans une situation économique et sociale extrêmement difficile, ce phénomène risque de compromettre le succès des mutations démocratiques en cours dans ce pays.

En outre, la situation sanitaire et sociale des populations concernées est dramatique. Désormais, nombre de Libyens tentent de fuir sur des embarcations de fortune pour se diriger vers l’Europe. Des femmes, des enfants, des hommes, périssent ainsi en mer chaque jour. Nous assistons à un véritable désastre humanitaire ayant pour cadre la Méditerranée, dont nous sommes également les riverains.

Ma question est donc la suivante : quelles initiatives la France et l’Europe entendent-elles prendre pour venir en aide à ces populations, pour permettre à la Tunisie de faire face à cet afflux de personnes, donc pour empêcher une nouvelle vague migratoire clandestine en Europe, ce qui exposerait ces pauvres gens aux plus grands dangers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur Rudy Salles, je partage vos préoccupations sur la situation à la frontière tuniso-libyenne où se produit un afflux massif de réfugiés. Leur nombre est difficile à apprécier, mais nous savons que c’est un véritable drame humanitaire.

Je tiens cependant à souligner l’augmentation du nombre de tirs de mortier en provenance de Libye, qui constitue une violation manifeste de la souveraineté tunisienne et du droit international.

La France a été l’un des premiers pays à réagir face à ce drame humanitaire. D’abord de manière bilatérale, en organisant un pont aérien qui a permis de rapatrier plusieurs milliers d’Égyptiens dans leur pays, ainsi que plusieurs centaines d’Africains. Nous avons également participé au programme de prise en charge des migrants aux frontières libyennes, programme commun du haut commissariat aux réfugiés et de l’organisation internationale des migrations. À ce titre, nous venons de procéder à un don de cinquante et une tonnes de fret humanitaire.

Nous agissons aussi au niveau européen. Ainsi le service d’aide humanitaire de la commission, le programme ECHO, que vous connaissez, a déjà débloqué 40 millions d’euros pour apporter un appui aux victimes de la crise libyenne, essentiellement des réfugiés. Lors de ma récente visite en Tunisie, au cours de laquelle j’ai été bien accueilli par les autorités tunisiennes, j’ai annoncé une aide de l’Agence française de développement d’un montant de 350 millions d’euros, qui seront mis à disposition dans les délais les plus brefs.

Je recevrai demain mon homologue tunisien, qui est présent à Paris, et nous ferons ensemble le point de la situation pour voir comment nous pouvons encore améliorer notre aide, notamment dans le domaine de la santé.

Je veux terminer en soulignant que la seule solution durable au drame que vous évoquez, c’est évidemment la cessation des hostilités en Libye, et l’ouverture d’un dialogue national, dans des conditions conformes aux résolutions du Conseil de sécurité. Vous le savez, c’est ce à quoi nous travaillons sans relâche. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

Accord interpalestinien

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue, pour le groupe des non-inscrits

M. Daniel Garrigue. Monsieur le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et des affaires européennes, l’accord du Caire entre le Fatah et le Hamas a d’une certaine façon étendu le printemps arabe jusqu’à la Palestine. Cet accord est un préalable d’unité en vue de la demande de reconnaissance de l’État palestinien à l’automne prochain aux Nations unies. Mais il constitue aussi un pas important dans la direction de la paix, ne serait-ce que parce qu’il établit des relations apaisées entre les différentes composantes palestiniennes. Vous vous êtes vous-même prononcé, monsieur le ministre, dans un sens favorable à la reconnaissance de l’État palestinien, rompant ainsi avec les hésitations antérieures.

Vous avez déclaré, lors du colloque du 16 avril sur le printemps arabe, qu’il fallait élargir le cercle des interlocuteurs si l’on voulait aller vers la paix. Vous avez enfin proposé que la Conférence des donateurs de juin prochain puisse être une véritable conférence politique sur la relance du processus de paix.

Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, si pour vous, toutes les parties, et notamment toutes les parties palestiniennes, ont vocation à participer à cette conférence ? Sur quels enjeux  – les colonies, les frontières, les prisonniers, les garanties réciproques –devrait porter cette conférence ? Comment comptez-vous associer nos partenaires et l’Union européenne à sa préparation ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur Garrigue, comme le Président de la République a eu l’occasion de le dire au cours des dernières semaines au président Mahmoud Abbas et au Premier ministre Netanyahu, qui étaient présents à Paris, le statu quo au Proche-Orient n’est plus tenable. Il l’est d’autant moins que le contexte régional s’est profondément modifié, du fait de la révolution égyptienne, bien sûr, et des événements dramatiques qui se déroulent en Syrie.

Il faut donc reprendre le dialogue – c’est le message que nous ne cessons d’adresser aux protagonistes – et sur la base de paramètres clairs : ceux qui ont été définis par le Quartet, c’est-à-dire le retour aux frontières de 1967 avec des échanges agréés de territoires, les garanties de sécurité et d’intégration régionale pour Israël, Jérusalem capitale des deux États.

Comme vous l’avez signalé, vient d’intervenir un accord signé au Caire entre les différentes parties palestiniennes, le Hamas et le Fatah. Nous avons accueilli favorablement cet accord. Nous pensons qu’il peut contribuer à la réconciliation palestinienne et aussi à l’avancée du processus de paix. Encore faut-il en clarifier tous les éléments. C’est la raison pour laquelle nous demandons au Hamas de s’engager clairement sur les trois conditions que vous connaissez, à savoir la renonciation au terrorisme, le respect des accords qui ont déjà été passés internationalement et, enfin, la pleine reconnaissance de l’État d’Israël.

Je pense que cet accord n’est pas une menace à l’égard de laquelle il faut se bunkeriser, c’est au contraire une chance à saisir. C’est ce que j’essaierai de plaider dans un voyage que je compte faire au cours des prochains jours dans la région. Si nous parvenons à réunir une Conférence des donateurs qui soit aussi une Conférence politique, nous préparerons l’échéance de l’assemblée générale des Nations unies dans des conditions qui ne soient pas simplement le statu quo, mais en initiative. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

RSA

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Germinal Peiro. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, après avoir montré du doigt les étrangers, votre gouvernement a maintenant choisi de stigmatiser les plus pauvres. Tous les maux de la société auraient pour origine les aides sociales et en particulier le revenu de solidarité active. Votre gouvernement dénonce le cancer de l'assistanat. De la façon la plus solennelle, nous voulons vous dire, monsieur le Premier ministre, que si la société française souffre d'un cancer, ce n'est pas celui de la solidarité. Le cancer de notre société porte un nom : le chômage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le Premier ministre, en fustigeant les plus pauvres, votre gouvernement commet deux fautes. Il ment aux Français en tentant de faire croire que l’on vit mieux avec un RSA qu’avec un revenu du travail. Il insulte tous ceux qui sont privés d'emploi et qui ne demandent qu'une chose : vivre dans la dignité. Comment osez-vous dire aux 4 millions de Français inscrits à Pôle emploi, à toutes celles et à tous ceux qui travaillent à temps partiel, aux 40 000 agriculteurs bénéficiaires du RSA en 2010 que ce sont des fainéants, des profiteurs, qui refusent de travailler ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le Premier ministre, personne n'est dupe. Cette basse manœuvre n'a qu'un but : grappiller quelques suffrages au moment où notre société aurait besoin d'union, de cohésion, de solidarité et de justice sociale. Quand allez-vous cesser d’insulter les plus fragiles et les plus pauvres ? Quand allez-vous cesser de diviser les Français ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. (« Wauquiez ! Wauquiez ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur Germinal Peiro, la création du revenu de solidarité active est une des grandes avancées du quinquennat de Nicolas Sarkozy et je ne peux que regretter que vous n’ayez pas jugé bon de voter ce texte quand il a été examiné ici à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Votre remords est bien tardif.

Nous avons voulu, avec le revenu de solidarité active simplifier le dispositif, améliorer le parcours d’insertion et creuser le différentiel entre les revenus de l’inactivité et ceux du travail car nous croyons à la valeur travail. Avec le revenu de solidarité active, nous avons atteint ces buts. Nous avons ainsi apporté à des ménages qui retournent vers l’insertion professionnelle un revenu supplémentaire, en moyenne de 170 euros, soit deux SMIC de plus par an. Nous avons fait de ce dispositif un dispositif dynamique avec 80 000 personnes qui en sortent et qui y entrent chaque mois. Et nous avons sorti de la pauvreté 70 000 familles, soit 210 000 personnes.

Bien sûr, le système doit être amélioré. Et c’est le sens de la mission que le Président de la République a confiée à Marc-Philippe Daubresse. Il rendra son rapport le 31 juillet et nous en tirerons toutes les leçons.

D’ores et déjà, je me suis cependant attachée à améliorer ce dispositif. Je souhaite en effet que chaque département signe un pacte territorial d’insertion pour faciliter le parcours des allocataires : 50 % des départements ne l’ont pas encore signé. Je souhaite également que les mères de famille isolées puissent être accompagnées dans leur parcours de travail, en particulier en prenant en charge la garde de leurs enfants. Oui, ce système est perfectible, mais la majorité peut être fière de cette avancée sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Apprentissage et alternance

M. le président. La parole est à M. Alain Moyne-Bressand, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Alain Moyne-Bressand. Madame la ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle, l’emploi des jeunes de notre pays est une priorité pour notre majorité parlementaire et pour le Gouvernement.

L’alternance est une voie d’insertion professionnelle efficace car les jeunes alternants ont 70 % de chance de trouver un travail à l’issue de leur formation contre 50 % pour ceux ayant suivi une formation classique. Le Président de la République a annoncé un plan d’action en faveur de l’apprentissage en fixant un objectif ambitieux : passer de 600 000 alternants à 800 000 en 2015.

Vous avez eu l’occasion de nous présenter les dispositifs principaux de cette réforme qui s’appuie principalement sur des incitations à l’embauche d’apprentis. L’alternance pâtit en effet d’une image négative dans notre pays. Trop souvent, elle est perçue comme une option par défaut. Toutes les mesures qui vont être prises dans le cadre de la réforme vont dans le bon sens, mais elles ne seront pas à leur efficacité maximum tant que cette image n’évoluera pas. Il faut revaloriser le travail manuel et faire la promotion des métiers techniques. C’est pourquoi, madame la ministre, vous souhaitez mener une révolution culturelle dans notre pays pour changer l’image de l’alternance.

Pouvez-vous nous décrire les actions que vous entreprenez afin d’atteindre cet objectif ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nadine Morano, ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle.

Mme Nadine Morano, ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle. Monsieur le député, si le chômage des jeunes a reculé de près de 7 % dans notre pays, le Gouvernement est totalement mobilisé pour faire reculer le chômage des jeunes.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ah oui ?

Mme Nadine Morano, ministre. La formation par alternance est un levier puissant, il suffit de voir ce qui se passe en Allemagne. Nous le savons, huit jeunes sur dix passés par l’apprentissage ont plus de chance de trouver facilement un emploi.

Oui, vous avez raison, monsieur le député, il faut changer l’image de l’apprentissage et en finir avec l’idées reçue selon laquelle les jeunes y sont toujours orientés par défaut. Il convient, au contraire, de les aider à s’épanouir dans toutes les filières dont nous avons besoin. Il nous faut 100 % de jeunes formés et non 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat, comme on l’entendait il y a quelques années.

Avec Xavier Bertrand, nous nous sommes mobilisés et nous avons lancé, dans le cadre de la feuille de route que nous a confiée le Président de la République, une grande campagne de communication, qui a débuté samedi dernier sur toutes les radios et qui durera pendant trois semaines. Nous souhaitons rappeler que l’apprentissage, c’est un métier, un diplôme, un revenu. Les jeunes doivent expertiser l’ensemble des filières qui sont à leur disposition et qui leur permettront de rentrer plus facilement sur le marché de l’emploi.

Nous avons déjà signé des décrets qui permettront aux entreprises de moins de 250 salariés de bénéficier du dispositif « zéro charge apprentis », mesure rétroactive au 1er mars.

Je peux vous assurer, monsieur le député, qu’avec cette campagne de communication et les moyens que l’État va y consacrer avec les régions, la dynamique de cette révolution culturelle est engagée. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Incohérences de la politique gouvernementale

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le Premier ministre, il devient de plus en plus difficile de comprendre votre politique en raison des contradictions et des incohérences que votre Gouvernement affiche chaque jour. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Contradiction lorsque Georges Tron, votre ministre de la fonction publique, annonce qu'il faut mettre fin au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux et que votre ministre du budget, M. Baroin, s'y oppose violemment en déclarant qu'il n'y aura pas de changement en la matière.

Contradiction lorsque votre ministre de l'intérieur, M. Guéant, affirme vouloir intervenir pour limiter l'immigration légale et le regroupement familial et que votre ministre de l'économie, Mme Lagarde, déclare immédiatement que l'immigration doit être protégée, sécurisée, ajoutant même qu’il faut y réfléchir à court terme mais aussi à long terme.

Contradiction lorsque votre ministre du budget, M. Baroin, déclare à propos de la TVA à 5,5 % sur la restauration : « Il s'agit d'une très, très grosse niche fiscale [...] Si on me laissait faire, je la mettrais dans le coup de rabot » et que votre ministre du travail M. Bertrand s'empresse de dire tout le bien qu'il pense de cette mesure inique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Contradiction lorsque le Président de la République annonce une prime pour les salariés des entreprises qui réalisent des dividendes et que votre ministre du travail, M. Bertrand, affirme qu'elle sera obligatoire alors que votre ministre de l'économie, Mme Lagarde, la veut facultative. Il s’agirait d’une prime d'au moins 1 000 euros selon votre ministre du budget, M. Baroin, alors que votre ministre de l'économie, Mme Lagarde la veut négociée.

Contradiction enfin, lorsque votre ministre des affaires européennes, M. Wauquiez, propose de demander cinq heures de service social aux bénéficiaires du RSA et que votre ministre des solidarités, Mme Bachelot, remet en cause ces propositions irresponsables, rappelant à l'occasion que ce dossier relève de sa compétence et soulignant même le rôle d'amortisseur social du RSA. (Approbations sur les bancs du groupe SRC.) Votre ancien ministre Martin Hirsch juge même ces propositions dangereuses car elles traduisent, selon lui, une méconnaissance du problème de la part de votre ancien ministre de l'emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous faire cesser la cacophonie gouvernementale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur divers bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, alors que vous fêtez avec allégresse cette date anniversaire – semble-t-il importante pour vous – à quelques pas d’ici, rue de Solférino, vous n’avez pas encore de candidat. Il est vrai que, avec « La Porsche tranquille », vous tenez déjà votre slogan pour l’année prochaine ! (Rires et vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Glavany. Quel talent !

M. François Baroin, ministre. Si cela peut vous permettre d’aller plus vite sur le chemin du remords et de lire un peu mieux la cohérence de la politique que nous menons, tant mieux.

M. Henri Emmanuelli. Minable !

M. François Baroin, ministre. La vôtre, dans son incohérence et sa contradiction, se lit en un seul et même homme, en une seule et même politique, celle qui prône la baisse des salaires en Grèce et l’augmentation salariale en France. Comprenne qui pourra, comprenne qui voudra ! On vous laisse à la solitude de vos choix. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Pour ce qui nous concerne, c’est très simple. Ce mandat étant dominé par la crise, nous avons paré à l’essentiel : sauver le dispositif bancaire pour protéger les économies des Français ; protéger l’investissement des entreprises, donc protéger les emplois ; protéger notre modèle social. C’est la raison pour laquelle nous l’avons transformé par le biais de la réforme des retraites. Vous n’y reviendrez pas, quoi que vous en disiez aujourd’hui.

Nous avons poursuivi notre politique méthodique de réduction des dépenses en protégeant notre économie, notre activité et notre compétitivité. Nous allons poursuivre dans ce sens de manière déterminée sans altérer la qualité des services publics sur l’ensemble de notre territoire tout en affirmant le caractère véloce d’une administration au service du public, d’une économie au service de l’emploi et d’un projet politique au service des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur de nombreux bancs du groupe NC.)

M. Jean Glavany. C’est une intéressante intériorisation de la défaite !

Proposition de loi relative à la chasse

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jérôme Bignon. Ma question s’adresse à Mme Kosciusko-Morizet, ministre en charge de la chasse,

et concerne la proposition de loi portant diverses dispositions d’ordre cynégétique que j’ai eu l’honneur de cosigner avec la plupart des collègues de mon groupe et que nous examinerons demain.

J’aurais pu, madame la ministre, vous interroger sur les liens entre chasse et biodiversité, chasse et zones humides, chasse et simplification. Mais je réserve ces questionnements à la discussion de la proposition de loi.

À cet instant, je voudrais appeler l’attention du Gouvernement sur le phénomène de société que commencent à devenir les dégâts de grand gibier.

Ce problème concerne les chasseurs, confrontés à une véritable invasion du grand gibier. Je vois certains de mes collègues sourire, mais il faut avoir à l’esprit les changements intervenus : il y a trente ans, on tuait dans notre pays 50 000 sangliers alors qu’aujourd’hui, on en tue 500 000 ; il y a trente ans, les accidents mortels de la circulation causés par le grand gibier étaient rarissimes alors qu’ils sont aujourd’hui fréquents.

Ce problème est, en outre, source de tension entre monde agricole et monde de la chasse. Les dégâts sur les cultures causés par le grand gibier sont devenus considérables, à tel point que certaines fédérations de chasseurs se trouvent en grandes difficultés financières.

Le Gouvernement a souhaité dès 2009 lancer un plan national de maîtrise du sanglier. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Que pensez-vous…

M. le président. Merci, monsieur Bignon. Votre temps de parole est écoulé.

La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur Bignon, je voudrais d’abord vous dire tout le bien que je pense du travail que vous avez réalisé en votre qualité de responsable de la table ronde consacrée à la chasse pour organiser le dialogue entre tous ceux qui sont concernés par la gestion de nos territoires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Vous avez raison de souligner que la population de grand gibier a très fortement augmenté en France, ce qui commence à poser des problèmes. Les sangliers sont dix fois plus nombreux qu’il y a trente ans, atteignant un effectif de 1 million, mesdames, messieurs les députés, dont la moitié est prélevée chaque année. Le cerf a reconquis de nombreux espaces. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.) Il est désormais possible de voir des chevreuils en plaine le jour.

Cette évolution a été voulue par le monde cynégétique mais aujourd’hui, elle atteint ses limites. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Chers collègues, je vous en prie !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. C’est un sujet sérieux, mesdames et messieurs les députés : 17 000 collisions se produisent chaque année !

Outre ce problème de sécurité, se posent le problème des dégâts agricoles, dont le coût est estimé à 20 millions d’euros, et, de plus en plus, le problème de la régénération forestière.

Le Gouvernement a, en effet, lancé un plan national de maîtrise du sanglier, où sont identifiés des points noirs. Il faut savoir que 10 % des communes concentrent 75 % des dégâts. Nous tentons de gérer au mieux cette situation. Dans cette perspective, j’ai demandé aux préfets d’être particulièrement attentifs à cet aspect dans les nouveaux schémas départementaux cynégétiques.

Se pose également le problème de la responsabilité financière de la prise en compte des dégâts. Aujourd’hui, certains dispositifs prévoient que les personnes ne mettant pas en œuvre de manière complète le plan de chasse doivent compenser financièrement. Vous proposez dans votre texte d’aller plus loin, monsieur Bignon. C’est une évolution attendue et utile.

M. Jean Glavany. Les sangliers doivent payer !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Enfin, compte tenu de la flambée du cours des matières agricoles, se pose également le problème du niveau d’indemnisation des dégâts. Je réunirai prochainement toutes les parties prenantes pour pouvoir faire droit aux demandes légitimes qui sont exprimées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Politique de l'éducation

M. le président. La parole est à M. Michel Lefait, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Michel Lefait. Depuis quatre ans, monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, vous, vos prédécesseurs et le Gouvernement êtes gaillardement à la manœuvre dans une entreprise de démolition de l’éducation nationale (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP) : 50 000 postes d’enseignants supprimés, autant de prévus d’ici à 2013, casse de la maternelle, disparition des RASED. Voilà quelques-uns des instruments que vous avez choisis par assurer la casse de notre école élémentaire et bâtir à sa place une école du tri, une école à plusieurs vitesses.

Vous êtes même allés jusqu’à inventer une prime à la casse pour récompenser les recteurs et les chefs d’établissement qui appliqueraient avec zèle votre politique du chiffre, prêtant la main à votre triste besogne.

Or, à chaque fois que nous vous reprochons votre politique suicidaire et destructrice d’emploi, qui sacrifie l’avenir de la nation, vous nous accusez de toujours réclamer davantage de moyens sans que cela ait jamais produit les effets escomptés, bien au contraire.

Eh bien, il va falloir réviser votre discours et changer de litanie, au moins pour ce qui est de l’école primaire et de l’enseignement supérieur car il se trouve que dans une récente note de synthèse sur l’emploi public, le Conseil d’analyse stratégique, institution proche du Premier ministre, vient d’établir que la France a l’un des taux d’encadrement des élèves les plus faibles de tous les pays de l’OCDE (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC) : seulement six enseignants pour cent élèves chez nous contre plus de huit au Portugal, en Grèce ou bien encore en Italie. Or, point n’est besoin d’être grand clerc pour comprendre que les enjeux en termes d’éducation se situent à l’école maternelle et à l’école primaire avec l’apprentissage du calcul, de la lecture et de l’écriture. Vous ne pouvez pas l’ignorer.

Alors, si vous ne voulez pas qu'à la suite de l’initiative de la FCPE Nord-Pas-de-Calais se créent partout en France des comités de salut public de l'éducation, …

M. le président. Merci, monsieur Lefait.

M. Michel Lefait. …appliquez plutôt vos coups de rabot aux niches fiscales et aux avantages exorbitants que vous avez multipliés pour les nantis. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur Lefait, si nous prenions un petit peu de recul. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Le budget adopté par le Parlement cette année pour l’éducation nationale est de 60,5 milliards d’euros. Pour boucler la loi de finances, le Parlement a prévu que, cette année, l’État emprunterait 180 milliards d’euros, soit trois fois le budget de l’éducation nationale.

M. Marcel Rogemont. La faute à qui ?

M. Bernard Roman. Cessez donc de faire des cadeaux fiscaux !

M. Luc Chatel, ministre. Peut-on continuer éternellement dans cette direction qui implique de faire payer aux enfants actuellement scolarisés les 20 000 euros de dette qui serviront à payer leurs études ? La réponse est non.

Face à cela, que pouvions-nous faire ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean Glavany. Supprimez les niches fiscales !

M. Luc Chatel, ministre. Fallait-il, comme au Royaume-Uni, en Italie, au Portugal ou en Grèce, licencier des enseignants ? La réponse est non.

Fallait-il fermer un tiers des écoles primaires comme l’ont fait certains pays d’Europe ? La réponse est non.

Nous avons choisi de ne pas remplacer la moitié des fonctionnaires partant à la retraite.

M. Henri Emmanuelli. Et la TVA sur la restauration ?

M. Luc Chatel, ministre. Et malgré cela, monsieur Lefait, à la rentrée prochaine, il y aura davantage de professeurs qu’il n’y en avait lorsque vos amis étaient au Gouvernement.

Alors, monsieur le député, si on regardait la réalité en face, si on parlait enfin positivement de l’école. Si on rappelait que, depuis la dernière rentrée scolaire, cette politique a permis d’augmenter de 10 % les enseignants en début de carrière ce qu’aucun autre pays européen n’a fait. Si vous pensiez plutôt, monsieur Lefait, aux millions de collégiens qui vont être accueillis dans leur établissement pour du soutien scolaire, soutien scolaire qui n’existait pas avant 2007, ou aux 200 000 élèves qui vont bénéficier pendant les vacances scolaires d’un soutien pour une remise à niveau. C’est cela positiver l’école.

Mme Martine Lignières-Cassou. C’est scandaleux : l’école est en train de régresser !

M. Luc Chatel, ministre. C’est cela la politique que nous avons choisie pour moderniser l’école de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Sécheresse en France

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Thoraval, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Marie-Hélène Thoraval. Madame la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement…

Plusieurs députés du groupe SRC. Et des sangliers !

Mme Marie-Hélène Thoraval. …ma question porte sur les conséquences de la sécheresse qui sévit dans notre pays depuis le début de l’hiver et sur l’application de la loi sur l’eau de 2006. Je souhaite y associer mon collègue Jérôme Bignon, ainsi que tous les députés dont les circonscriptions font l’objet d’alertes et de mesures de restriction d’eau.

Selon Météo France, le mois d’avril 2011 a été l’un des plus chauds depuis 1900 ; des records d’ensoleillement ont été battus partout en France et ce n’est pas la journée d’aujourd’hui qui inversera la tendance.

Les cultures de la Drôme, qui nécessitent de grandes quantités d’eau, souffrent d’un déficit important qui résulte de l’absence de précipitations. Les agriculteurs craignent déjà les restrictions de prélèvement préfectorales alors que l’été n’est pas encore là. Les exploitants agricoles de ma circonscription s’inquiètent également des conséquences de la loi sur l’eau, en particulier de la répartition des volumes entre les différents usages dont décideront les commissions locales de l’eau à la suite des études de volumes prélevables.

Dans le bassin de la Galaure, où je me suis rendue vendredi dernier avec M. le préfet, les agriculteurs m’ont en outre informée de la création prochaine, en tête de bassin, d’une installation de type Center Parcs, qui compromettra encore davantage l’atteinte du « bon état » et pose à nouveau le problème de la répartition de la ressource en fonction des usages.

Madame la ministre, sans irrigation, aucune culture n’est possible.

M. Jean Dionis du Séjour. Absolument !

Mme Marie-Hélène Thoraval. Les restrictions de prélèvement d’eau mettent en péril les futures récoltes et, par voie de conséquence, les revenus des 35 000 agriculteurs drômois et des 11 000 équivalents temps plein qui concourent à la production agricole drômoise.

Pouvez-vous nous assurer que les intérêts des agriculteurs seront préservés par les services de l’État au cours des semaines à venir si la situation de sécheresse est avérée ? À moyen terme, comment prévoyez-vous de limiter les interdictions de prélèvement en vue de l’irrigation agricole ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Plusieurs députés du groupe SRC. Et des sangliers !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement. Madame Thoraval, ce mois d’avril a été l’un des plus secs que nous ayons connu depuis 1959, et la sécheresse dure depuis quatre mois.

M. Jean Glavany. Que fait le Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Aujourd’hui, la situation est donc très délicate : à l’approche de la saison estivale, le niveau des nappes d’eau est très bas et la couche supérieure du sol est extrêmement sèche, plus encore qu’en avril 1976.

Au niveau national, je réunirai lundi prochain le comité sécheresse afin de communiquer à tous les acteurs – consommateurs et particuliers, industriels, agriculteurs, producteurs d’énergie – l’état des lieux, la nature des problèmes qui se posent, et de faire le point sur les mesures que nous pouvons envisager. Une mobilisation différente est prévue pour chaque catégorie d’acteurs. Ainsi, de son côté, mon collègue Bruno Le Maire réunira jeudi les organisations professionnelles agricoles. En effet, chacun doit être alerté afin de pouvoir s’organiser dans la mesure du possible.

Au niveau départemental, les préfets ont déjà pris des mesures de restriction dans une vingtaine de départements. Malheureusement, ces dispositions vont probablement s’étendre.

Il s’agit de restreindre d’abord les usages les moins prioritaires que sont l’arrosage des pelouses, le remplissage des piscines privées ou le lavage des voitures, afin de préserver les plus indispensables – la santé, la consommation d’eau potable, la vie aquatique – et de limiter la pression à laquelle sont soumis les usages économiques, notamment l’agriculture.

Enfin, madame la députée, avant la gestion de la crise, il y a la prévention. Tel est le sens de la loi de 2006 que vous avez citée : plutôt que de multiplier les arrêtés de restriction chaque été, il convient de faire en sorte que les agriculteurs s’organisent en amont ; il faut les informer à l’avance des volumes prélevables plutôt que de faire droit à toutes les demandes pour prononcer ensuite des interdictions ; en somme, on doit garantir la prévisibilité à la profession. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Rémunération des banquiers

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Christian Eckert. Pour Mme la ministre de l’économie et des finances, pour le Président de la République, pour le Gouvernement, pour Laurent Wauquiez, le mot d’assistanat n’a pas le même sens selon ceux auxquels il est appliqué : assister les pauvres serait une erreur et supposerait des contreparties ; assister les riches, tel est en revanche le fil rouge de votre action. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Du discours tenu par Nicolas Sarkozy à Toulon en septembre 2008, il ne reste – comme d’habitude – que du vent. En matière de rémunération des banquiers, rien ne devait plus être comme avant. Pourtant, la charte de bonne conduite adoptée en octobre 2008 par le MEDEF et l’Association française des entreprises privées, à défaut de loi encadrant la rémunération des dirigeants, n’a produit aucun effet. Quant à la directive européenne élaborée en 2010, déjà peu ambitieuse, vous l’avez retranscrite de façon incomplète, laissant la porte ouverte à tous les excès.

Les Français doivent savoir ! Frédéric Oudéa, PDG de la Société générale, percevra 4,5 millions d’euros pour 2010. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Baudouin Prot, directeur général de la BNP (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP), percevra 2,7 millions d’euros. Quant à François Pérol, ancien conseiller du Président de la République, aujourd’hui président du groupe Banque Populaire-Caisse d’épargne, il percevra 1,6 million d’euros. (Mêmes mouvements.) Les banques, sur le dos de qui réalisent-elles leurs profits ?

M. Bernard Roman. Voilà où est l’argent, monsieur Chatel !

M. Christian Eckert. Sur le dos de ceux que vous culpabilisez : les bénéficiaires du RSA et des minima sociaux. Sur le dos de ceux dont vous bloquez les salaires : les fonctionnaires.

M. Jean Auclair. Bloquez le salaire de DSK !

M. Christian Eckert. Sur le dos de ceux à qui vous refusez tout coup de pouce : les smicards. N’avez-vous pas honte de laisser cette poignée de dirigeants continuer de percevoir ces folles rémunérations variables ?

Le projet socialiste propose de limiter de un à vingt les écarts de rémunération au sein d’une même entreprise. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Et cela, nous envisageons de le faire en 2012, sans indemnisation à l’amiable d’une quelconque forme de préjudice moral ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur divers bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le député, veuillez tout d’abord excuser l’absence de Christine Lagarde, qui se trouve en ce moment à Zurich pour une importante conférence internationale sur le système monétaire international. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur Eckert, votre question est très polémique mais, de votre part, fallait-il s’attendre à autre chose ? Elle me fournit toutefois l’occasion de rappeler le bilan de notre pays en la matière et de valoriser l’action menée par le Gouvernement, sous l’impulsion du Président de la République afin d’encadrer, pour la première fois, les bonus des opérateurs de marché.

Faut-il vous rappeler les engagements pris lors du G20 ? Faut-il vous rappeler que, sous l’impulsion de la France, l’Europe a adopté la directive dite CRD 3, que vous avez mentionnée, et que la France a transposée en février 2011 ?

Vous avez tort de critiquer cette transposition, monsieur le député : en parlant de « rapport approprié », le texte français transpose bien la directive, puisque « équilibre approprié » ne signifie pas égalité entre part fixe et part variable, laquelle aurait eu pour effet de garantir les hautes rémunérations. Au contraire, les bonus garantis sont aujourd’hui interdits. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Réciproquement, nous avons inventé les malus, afin que la rémunération ne soit pas au rendez-vous quand la performance ne l’est pas.

Ce qui compte aujourd’hui, c’est la priorité accordée au contrôle et au respect de ces règles par les banques, dont a été chargée l’Autorité de contrôle prudentiel. Le Gouvernement sera vigilant sur ce point.

Vous le voyez, il est inutile de pratiquer la démagogie. Il y a une grande différence entre vous et nous : nous, nous agissons, (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

Mme George Pau-Langevin. Plus pour longtemps !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. …alors que, sur ces sujets, vous n’avez jamais rien fait ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Industrie automobile

M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mes chers collègues, même si la séance des questions au Gouvernement est presque terminée, faites preuve d’un peu de patience et ayez la correction d’écouter les derniers intervenants.

Mme Arlette Grosskost. Monsieur le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, l’industrie automobile, c’est 2,5 millions d’emplois, soit 10 % de la population active. La crise que nous avons connue a gravement menacé ce secteur.

C’est pourquoi le Gouvernement, sous l’égide du Président de la République et du Premier ministre, a rapidement pris des mesures de soutien à l’activité et des mesures structurelles de renforcement de la compétitivité de la filière, grâce notamment au Fonds de modernisation des équipementiers automobiles.

Au total, 6,25 milliards d’euros ont été accordés par l’État aux constructeurs automobiles, en échange d’engagements portant sur l’emploi, sur le contrôle des rémunérations et des dividendes, ainsi que sur le refus des délocalisations.

L’aide aux sous-traitants a été renforcée ; une prime à la casse a été instaurée pour accélérer le remplacement du parc automobile vieillissant et polluant.

Cette opération a rempli ses objectifs : il n’y a pas eu de plans sociaux massifs, et le secteur a traversé cette crise avec peu de dommages. Les constructeurs automobiles ont largement amélioré leurs ventes, et ont donc pu rembourser les fonds prêtés par l’État.

Nous apprenons par ailleurs que le FMEA entrerait au capital de Sofedit, ce qui confirme le dynamisme de ce fonds, au seul bénéfice de l’emploi.

Malgré toutes les critiques adressées au plan de relance, la preuve de son efficacité n’est aujourd’hui plus à faire. Monsieur le ministre, quelles sont aujourd’hui les conséquences quantifiables du plan de relance automobile, tant pour les constructeurs que pour les sous-traitants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique.

M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique. Le plan de relance, vous avez raison, était un plan d’ampleur, parfaitement calibré, et le secteur automobile en a grandement bénéficié.

Tout d’abord, 1,15 million de personnes ont bénéficié de la prime à la casse. Ensuite, nos deux grands constructeurs, Renault et PSA, ont pu emprunter 6 milliards d’euros auprès de l’État ; comme vous l’avez dit, ces prêts ont été remboursés par anticipation, ce qui a été une bonne chose pour l’État, mais surtout une bonne chose pour eux. Ils ont ainsi traversé la crise sans dégâts majeurs.

Les PME et les sous-traitants n’ont pas été oubliés, grâce à la création du Fonds de modernisation des équipementiers automobiles, ainsi qu’aux garanties accordées par OSEO aux PME : 900 millions d’euros ont bénéficié à plus de 2 200 sous-traitants.

Les résultats, vous l’avez dit, sont là : en 2010, la production automobile française a augmenté de 10 % ; en 2010, le secteur automobile français est sorti de la crise dans des conditions bien meilleures que ce qui a pu se passer ailleurs en Europe ou dans le monde.

Vous avez aussi raison de dire qu’il nous faut préparer l’avenir. C’est le cas avec le crédit impôt recherche, qui bénéficie au secteur automobile ; c’est le cas aussi avec l’aide aux sous-traitants automobiles, que nous allons continuer à renforcer. Vous avez esquissé une piste intéressante : elle n’est pas certaine, elle est à l’étude actuellement.

Il y aura d’autres aides encore : 250 millions d’euros de prêts pour les véhicules propres et les batteries ; 750 millions d’euros pour le programme « Véhicules du futur ».

Le secteur automobile est essentiel pour notre industrie, pour nos emplois, pour notre qualité de vie, pour l’environnement. L’État lui a toujours apporté son soutien, et il continuera de le faire de façon extrêmement déterminée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

3

Prolongation
d’une mission temporaire

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m’informant qu’il avait décidé de prolonger la mission temporaire confiée à M. Jean-François Chossy, député de la septième circonscription de la Loire, le 5 novembre 2010.

Le décret prolongeant cette mission a été publié au Journal officiel du jeudi 21 avril 2011.

En conséquence, il est pris acte, d’une part, de la cessation du mandat de M. Jean-François Chossy, à compter du 5 mai à minuit, d’autre part, de son remplacement par M. Paul Salen, élu en même temps que lui à cet effet.

4

Fixation de l’ordre du jour

M. le président. La conférence des présidents, réunie ce matin, a arrêté, pour la semaine du 30 mai, les propositions d’ordre du jour suivantes :

Lundi 30 mai, à dix-sept heures et à vingt et une heures trente :

Éventuellement, suite de la proposition de loi portant diverses dispositions d’ordre cynégétique ;

Éventuellement, suite de la proposition de loi relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires ;

Proposition de loi relative aux services départementaux d’incendie et de secours ;

Deuxième lecture de la proposition de loi de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ;

Proposition visant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d’Île-de-France.

Mardi 31 mai, à quinze heures et à vingt et une heures trente :

Proposition de résolution sur l’attachement au respect du principe de laïcité ;

Suite de l’ordre du jour du lundi 30 mai.

Mercredi 1er juin, à quinze heures et à vingt et une heures trente :

Suite de l’ordre du jour du mardi 31 mai.

Il n’y a pas d’opposition ?

Il en est ainsi décidé.

5

Équilibre des finances publiques

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques (nos 3253, 3333, 3330, 3329).

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe UMP.

M. Jérôme Chartier. Monsieur le président, monsieur le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de l’examen de ce projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques.

M. Jean Mallot. On n’en est pas encore au Congrès !

M. Marcel Rogemont. Alors que vous n’êtes pas capables de réaliser l’équilibre budgétaire, vous l’inscrivez dans la loi !

M. le président. Poursuivez, monsieur Chartier.

M. Jérôme Chartier. Il n’est pas surprenant que l’opposition cherche à m’interrompre, monsieur le président. Elle a fait de même tout au long des débats.

M. Marcel Rogemont. Nous cherchons à interrompre les déficits !

M. Jean Mallot. Nous parlons parce que vous n’avez rien à dire !

M. Jérôme Chartier. Je n’arrive d’ailleurs pas à m’expliquer la position du groupe socialiste, en particulier, et de l’opposition, en général.

Examinant les faits tels qu’ils se sont déroulés depuis 2007, j’observe que c’est la troisième fois que les socialistes sont absents à un grand rendez-vous de l’histoire parlementaire et de l’histoire politique.

Premier rendez-vous manqué : la réforme institutionnelle, qui a donné énormément de pouvoir au Parlement.

M. Jean Mallot. Aucun pouvoir supplémentaire !

M. Marcel Rogemont. Énormément de pouvoir au groupe UMP, plutôt !

M. Jérôme Chartier. Depuis maintenant quatre ans, chacun a pu s’approprier cette réforme, qui a produit ses effets. D’ailleurs, les parlementaires de l’opposition avaient été très présents pour apporter leur contribution lors de sa discussion – vous avez vous-même pu l’observer, monsieur le président, puisque vous avez présidé toutes les séances consacrées à cette réforme – et les débats avaient été particulièrement riches. Le Congrès venu, patatras ! L’opposition décide d’aborder ce grand rendez-vous de l’histoire…

M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas à vous de déterminer ce qui est ou non un grand rendez-vous de l’histoire !

M. Jérôme Chartier. …de façon purement partisane, et de voter contre une réforme institutionnelle dont chacun notera qu’elle aura grandement fait évoluer la Ve République et contribué à un meilleur équilibre des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Pour le deuxième grand rendez-vous de l’histoire parlementaire intervenant au cours de cette législature, les socialistes étaient également absents.

M. Christian Eckert. Rassurez-vous, nous serons bien au rendez-vous de 2012 !

M. Jérôme Chartier. Je veux parler de la réforme de notre règlement. Ils ont cependant parfaitement su s’approprier deux évolutions. Tout d’abord, lors de l’élection du président de la commission des finances, un candidat du groupe socialiste s’est présenté et, bien évidemment, il a été élu à l’unanimité.

M. Jean Mallot. On nous l’avait promis !

M. Jérôme Chartier. La réforme prévoyait, en outre, la parité exacte du temps de parole entre l’opposition et la majorité lors des questions au Gouvernement. De fait, cela a considérablement augmenté les prises de parole de l’opposition. Patatras ! L’opposition n’en a pas moins voté contre cette réforme majeure du règlement de l’Assemblée nationale.

Jamais deux sans trois, le troisième rendez-vous de l’histoire manqué par l’opposition est celui d’aujourd’hui. Des débats extrêmement riches en commission témoignaient d’une bonne volonté et d’une réflexion très solide sur cette règle d’or dont le principe a été proposé par nos collègues du groupe Nouveau Centre. Pourtant, à l’issue du débat dans l’hémicycle, patatras ! Une fois de plus, le groupe socialiste annonce qu’il va voter contre cette réforme majeure des finances publiques, pourtant de nature à nous permettre de nous montrer respectueux envers les générations futures et de parvenir le plus rapidement possible à l’équilibre de nos comptes publics.

Voilà, mes chers collègues, la situation telle qu’elle se présente aujourd’hui.

J’espère cependant que, dans un dernier sursaut de dignité et dans le souci de l’intérêt général, l’opposition se ralliera à la majorité et décidera de voter en faveur de ce projet de loi constitutionnelle. Bien sûr, je rêve, car la position du groupe socialiste est dictée par un principe caché (« Patatras ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC) : l’incapacité des socialistes de financer les soixante propositions qu’ils ont formulées il y a quelques semaines ! Le parti socialiste est incapable d’apporter la preuve que ses promesses de 300 000 emplois par-ci, d’une banque publique d’investissement par-là, des promesses qui n’engagent que ceux qui les reçoivent, pourront être financées sans recourir au déficit.

M. Bernard Roman. Le déficit, c’est vous ! La faillite, c’est vous !

M. Jérôme Chartier. Voilà, mes chers collègues, quelles sont les véritables raisons qui feront que les socialistes voteront contre cette réforme essentielle, qu’ils auraient pourtant bien aimé porter s’ils se trouvaient dans la majorité.

M. Bernard Roman. Donnez plutôt les explications de vote de l’UMP, nous ferons les nôtres nous-mêmes !

M. Jérôme Chartier. Malheureusement pour eux, ils sont dans l’opposition.

M. Marcel Rogemont. Jusqu’en 2012 !

M. Jérôme Chartier. Souhaitons, vu leur irresponsabilité, qu’ils y restent encore longtemps !

Pour sa part, le groupe UMP aura l’honneur de voter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe SRC.

M. Christian Eckert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Jérôme Chartier a voulu parler de l’opposition et du parti socialiste ; je l’en remercie. Pour ma part, je vous parlerai du texte et vous donnerai les raisons qui nous conduisent à nous y opposer. J’en profite pour rappeler que nous avons activement participé au débat, ce qui n’est pas forcément le cas de la majorité, hors les quelques moments où elle s’est divisée sur un certain nombre de points.

Le texte que nous avons examiné la semaine dernière est destiné à soigner la communication du Gouvernement. Il est une tentative de faire oublier la responsabilité conjointe du Président de la République et du Gouvernement dans la situation de nos finances publiques. Le groupe SRC vous remercie donc, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, de cette occasion que vous lui offrez de rappeler combien vous êtes responsables du déficit de nos comptes publics et de notre endettement.

La crise a bon dos. Outre que le candidat Nicolas Sarkozy souhaitait calquer le fonctionnement des banques françaises sur le modèle des subprimes, dont on connaît les conséquences, la Cour des comptes estime à un tiers la part du déficit budgétaire dû à la crise. En dix ans, la droite a doublé la dette de notre pays et aucun de ses gouvernements n’a pu enregistrer un déficit budgétaire inférieur à 3 %. Les niches fiscales, sociales et autres boucliers dont le bénéfice était réservé aux plus riches ont fait perdre plus de 125 milliards d’euros de recettes fiscales et sociales à notre pays. Vous êtes structurellement responsables des deux tiers de ces déficits, le paquet fiscal voté dès 2007 précipitant les choses.

Même la crise survenue ultérieurement ne vous a pas incités à cesser les cadeaux : niche Copé, baisse de la TVA sur la restauration, exonération des droits sur les grosses successions ont traversé indemnes la crise pendant que vous fiscalisiez les indemnités journalières des accidentés du travail, que vous instauriez la TVA sur les abonnements triple play, sans parler de la réforme des retraites. C’est à se demander si cette loi alibi est un signal adressé aux Français ou aux marchés ! Vous voulez rassurer ces derniers, ou plutôt leur obéir, mais sachez que, s’ils vous observent, ils n’ont jamais la reconnaissance du ventre.

Non contents de construire une usine à gaz pseudo-constitutionnelle, vous avez aussi prétendu faire preuve, avec ce texte, de vertu en réservant aux lois de finances, lois de financement de la sécurité sociale et à leurs lois rectificatives le monopole des incidences financières ou fiscales. Quelle en est la conséquence ? Malgré les gesticulations du président de la commission des loi, le droit constitutionnel d’initiative parlementaire s’en trouve, une fois de plus, rogné. Désormais, le Gouvernement pourra stopper toute proposition de loi ayant une incidence financière. Même le rapporteur général du budget s’est vu refuser ses tentatives de contrecarrer ce que votre propre majorité déplore, tout en le votant.

Ce texte alibi – et vous le savez – sera-t-il soumis au vote du Congrès, alors que le Président de la République sait d’ores et déjà qu’il n’y recueillera pas la majorité des trois cinquièmes nécessaire à son adoption ?

Merci de nous avoir permis de mettre en lumière la contradiction dans laquelle vous êtes en voulant inscrire dans la Constitution des règles que vous n’avez jamais respectées.

M. Jean-Paul Bacquet. Très juste !

M. Christian Eckert. Merci encore d’avoir confirmé, après l’instauration du temps programmé, votre mépris de l’initiative parlementaire. Merci, enfin, d’avoir permis de rappeler que les comptes publics respectaient les critères prudentiels en 2002 et que vous êtes responsables pour au moins deux tiers de leur dégradation.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, le groupe SRC, unanime, votera contre ce projet de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. D’ores et déjà, je fais annoncer le scrutin dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe GDR.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, notre groupe, lui aussi, sera unanime.

Par le texte qui nous est proposé, le Gouvernement cherche à graver durablement dans le marbre de notre constitution une politique régressive basée sur une baisse de la fiscalité et une réduction des dépenses publiques. La réduction des déficits est une démarche importante, mais contrairement à ce que vous cherchez à faire croire, il n’existe pas qu’une seule voie permettant d’y parvenir.

L’application d’une politique d’austérité n’est pas une fatalité, mais une calamité qui conduit notre pays à l’impasse et à la catastrophe politique et sociale. Deux choix, qui sont des choix de société, s’offrent à nous pour parvenir à contenir notre déficit : réduire les dépenses publiques ou augmenter les recettes fiscales.

Le premier choix, odieux, est celui pratiqué sans vergogne par le Gouvernement depuis quatre ans. Il consiste à détruire les solidarités, réduire les prestations sociales, dérembourser les médicaments, baisser les pensions de retraite, aggraver la misère. Tout cela fragilise durablement notre société. Nous n’en voulons pas !

Le second choix est un choix de raison et de progrès pour le développement de notre peuple. L’augmentation des recettes peut être mise en œuvre aisément en revenant sur tous les cadeaux fiscaux que vous avez injustement consentis aux privilégiés auxquels vous êtes inféodés. Ce choix-là permettrait de rétablir une juste contribution de chacun à nos finances publiques, qui maintiennent la cohésion sociale en garantissant les droits fondamentaux – qui doivent être inaliénables – que sont le droit à l’éducation, à la santé, à l’eau, à l’énergie, au logement, aux transports ou bien encore l’accès aux moyens de télécommunication.

La crise, dont vous êtes responsables, est l’argument unique venant à l’appui de vos politiques régressives. Lisez, à ce propos, le rapport de la Cour des comptes ; il est sans ambiguïté : la crise, comme vient de le rappeler Christian Eckert, n’entre que pour un tiers dans l’état du déficit public.

La dette n’est pas non plus la faute de la gauche, pas plus que celle des fonctionnaires, des chômeurs, des retraités ou des malades de longue durée que vous accablez de tous les maux, mais bien celle des choix politiques faits depuis 2002, les choix de votre gouvernement, monsieur le ministre.

C’est donc vous et votre gestion clientéliste, minutieusement pensée qui avez provoqué la situation désastreuse dans laquelle nous nous trouvons. Vous n’avez eu de cesse, monsieur le ministre, depuis l’arrivée de Sa Majesté impériale à l’Élysée (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP), de distribuer des cadeaux pour les plus riches, vos amis, vos maîtres. Hier, le bouclier fiscal, la baisse de la TVA pour les cafés et les restaurants, la réforme des successions ; aujourd’hui, la réforme de l’ISF et la fausse prime de 1 000 euros. Vous n’allez délibérément pas chercher l’argent là où il se trouve. Ne faites pas semblant de vous étonner que les caisses soient vides, c’est vous qui les avez vidées !

M. Jean Glavany. Très bien !

M. Michel Bouvard. C’est toujours le même discours !

M. Jean-Pierre Brard. Que dire du texte en lui-même ? Au sein de votre majorité, vous faites face à des contradictions. M. Warsmann a bien senti que le monopole que vous voulez mettre en place est dangereux pour l’initiative parlementaire et a déposé un amendement en ce sens. Mais le pire, comme l’a très bien dénoncé ma collègue Martine Billard lors de l’examen du texte, ce sont les lois-cadres de finances publiques qui visent à corseter encore davantage les représentants du peuple. Vous voulez confier à une instance non démocratiquement désignée, le Conseil constitutionnel, un rôle qui ne lui incombe pas. Vous trahissez l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Cessez de prendre les Français pour des sots et prenez des mesures concrètes ! Mettons en place une meilleure répartition des richesses, investissons dans les domaines utiles aux Français : l’école, la recherche, la santé, le logement ! Sans cela, nous hypothéquons l’avenir des générations futures.

Pour vous conduire sur cette voie, monsieur Baroin, vous qui faites tellement de cadeaux, permettez-moi de vous en faire un : je vais vous offrir le manifeste, non pas de vos économistes de pacotille tels Alain Minc ou Nicolas Baverez,…

M. le président. Merci de bien vouloir conclure, monsieur Brard, et d’indiquer le sens du vote de votre groupe.

M. Jean-Pierre Brard. Si vous voulez, monsieur le président, je vous en donnerai aussi un exemplaire.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Puisse ce manifeste vous aider, monsieur le ministre, à trouver le chemin de l’intérêt national ! Je vois que vous plissez les yeux : il s’agit du manifeste des « économistes atterrés », atterrés comme le sont les Français de votre politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe NC.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, non seulement ce projet de loi constitutionnelle marque un vrai tournant dans notre vie budgétaire et parlementaire (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC), mais les centristes en revendiquent la paternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Il y a dix ans, lors de la réforme de la loi organique relative aux lois de finances, le groupe UDF avait proposé d’inscrire la règle d’or dans un texte à valeur constitutionnelle, mais il n’avait pas été suivi. Dès le début de cette législature, le groupe Nouveau Centre a déposé une proposition de loi constitutionnelle relative au retour à l’équilibre des finances publiques. Nous étions alors en janvier 2008 : elle n’a pas été adoptée.

Enfin, le texte d’aujourd’hui est la traduction législative d’une promesse figurant dans la plate-forme électorale de la majorité lors des élections législatives de 2007. Je vous cite le texte qui a été rédigé à la demande des centristes : « il nous sera alors possible d’inscrire dans la Constitution ou dans la loi organique relative aux lois de finances la « règle d’or » selon laquelle le déficit des finances publiques n’est autorisé que pour financer des dépenses d’investissement. »

Quelles sont les deux raisons pour lesquelles notre groupe votera pour ?

La première, c’est que la France doit se doter d’une règle d’équilibre des finances publiques.

À l’heure actuelle, l’État n’est pas soumis aux mêmes contraintes que les collectivités territoriales pour ce qui concerne l’équilibre de ses finances. Nous avons tous voté l’article L. 1612-4 du code général des collectivités territoriales, qui dispose que « le budget de la collectivité territoriale est en équilibre réel lorsque la section de fonctionnement et la section d’investissement sont respectivement votées en équilibre ». Cette disposition a permis de maintenir des finances publiques locales globalement saines. Pourquoi ne pas soumettre aux mêmes règles l’État et la sécurité sociale ?

Il faut également avoir à l’esprit que, depuis près de trente ans, le budget de l’État est voté chaque année en déséquilibre et que les dépenses de fonctionnement sont quotidiennement assurées par un endettement croissant, et donc par un transfert sur les générations futures. Ce n’est pas tenable, ce n’est plus tenable, avec une croissance de notre richesse nationale faible, de l’ordre de 1,5 % par an.

Quel est le sens du financement de dépenses de fonctionnement par de l’endettement ? Cela revient à ponctionner l’épargne française et étrangère, à réduire l’investissement privé et donc, à terme, la croissance de notre pays. On observe dans tous les pays que plus l’endettement et le déficit sont élevés, plus le taux de croissance à long terme baisse. Méditons les exemples du Japon et de la Grèce.

Par ailleurs, l’adoption par nos collègues allemands en 2009 d’une règle constitutionnelle dont la philosophie est semblable à celle que nous examinons aujourd’hui, même si elle en diffère quelque peu dans sa mise en œuvre, devrait inciter tous nos collègues, y compris socialistes, à réfléchir. Les motifs qu’ils invoquent pour refuser de voter ne sont pas recevables. Ils tentent d’accréditer l’idée, à travers leur projet, que l’on peut autoriser 25 milliards d’euros de dépenses nouvelles et réduire de 50 milliards les dépenses fiscales – sur un total de 73 milliards, soit 70 % de leur montant –, tout en redressant les finances publiques du pays. C’est un mensonge ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes NC et UMP.)

La seconde raison de notre vote pour ce texte est que la constitutionnalisation de la règle d’or aidera au redressement de nos finances publiques. Certes, mes chers collègues, c’est la volonté politique qui est primordiale en la matière. Mais ce texte aidera tous les gouvernements, quelle que soit leur sensibilité, à être plus sérieux dans la gestion des finances publiques en faisant planer le risque d’une annulation par le Conseil constitutionnel de la loi de finances initiale comme de la loi de financement de la sécurité sociale.

Le mécanisme de la « règle d’or » – et c’est là tout son sens – doit permettre à terme au Conseil constitutionnel d’annuler les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale qui ne respectent pas les lois-cadres. Le texte initial a d’ailleurs été amélioré sur ce point en s’inspirant du système allemand.

En effet, chaque loi-cadre déterminera un plafond de dépenses et un plancher de recettes, avec une obligation pour le Gouvernement de rattraper les écarts constatés en exécution lorsqu’ils seront dans le mauvais sens. Le Conseil constitutionnel pourra donc sanctionner la méconnaissance de cette obligation de rattrapage.

Ainsi, quel que soit le Gouvernement, il lui faudra s’expliquer devant la représentation nationale sur la stratégie budgétaire qu’il adopte, « au moins pour les trois ou quatre années à venir. Nous aurons là un vrai débat démocratique.

Le groupe Nouveau Centre regrette que l’amendement Carrez créant une nouvelle catégorie de lois, les lois relatives aux prélèvements obligatoires, n’ait pas été adopté – certes de justesse, par vingt-quatre voix contre vingt-huit –, car il aurait permis de mieux protéger le droit d’initiative parlementaire.

Concernant la transmission au Parlement du programme de stabilité, nous observons que les parlementaires ont été écoutés et entendus lors des débats puisque, désormais, ce document fera nécessairement l’objet d’un débat et d’un vote en séance, sauf contrainte impérative de calendrier.

Pour conclure, mes chers collègues, devant le triple enjeu économique, éthique et politique de cette réforme constitutionnelle, le groupe Nouveau Centre prendra ses responsabilités et votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble du projet de loi constitutionnelle.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 556

Nombre de suffrages exprimés 550

Majorité absolue 276

(Le projet de loi constitutionnelle est adopté.)

6

Nombre de conseillers territoriaux

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région (n°s 3235, 3332).

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Bernard Derosier, pour le groupe SRC.

M. Bernard Derosier. Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des collectivités territoriales, mes chers collègues, dans un instant, l’Assemblée va se prononcer sur un projet de loi qui est un texte de correction. Le Conseil constitutionnel ayant annulé la disposition adoptée en catimini, à deux heures du matin, par un amendement gouvernemental, rédigé sans concertation et fixant le nombre de conseillers territoriaux par département et par région, il était nécessaire de corriger la faute du Gouvernement.

Ce texte d’une certaine façon anodin ne doit pas nous faire oublier que la loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales met sérieusement à mal la démocratie locale, en même temps qu’elle remet en question la décentralisation. En effet, elle supprime purement et simplement des élus locaux pour satisfaire la volonté du Président de la République qui les considère comme des empêcheurs de tourner en rond gênant la conduite de sa politique néfaste pour la France. Quand, dans une démocratie, on supprime des élus, il faut s’interroger sur la remise en question de la démocratie locale.

Plus grave, en lieu et place de ces élus, notamment des conseillers régionaux élus jusqu’alors sur une liste à la proportionnelle, une mesure crée des conseillers territoriaux. Or elle a pour conséquence de mettre à bas la disposition constitutionnelle sur la parité. Il en sera fini, dans les assemblées régionales, de compter autant d’élus d’un sexe que de l’autre. Là encore, c’est une mise à mal de la démocratie locale. Cette disposition supprime également la proportionnelle. Jusqu’à aujourd’hui, le mode d’élection des conseillers régionaux garantissait la représentation de toutes les familles politiques. C’est ainsi que l’on a pu voir des conseillers régionaux se réclamant de l’extrême gauche, voire malheureusement de l’extrême droite. Mais la proportionnelle était respectée.

Une disposition de cette loi du 16 décembre 2010 a montré ses limites, voici quelques semaines, à l’occasion des élections cantonales. Introduite en commission mixte paritaire pour satisfaire un sénateur et le rallier aux positions de la majorité, elle prévoit que nul ne peut se maintenir au deuxième tour s’il n’a pas obtenu un nombre de suffrages égal à 12,5 % des électeurs inscrits. La droite parlementaire pensait manifestement, par ce moyen, éviter les triangulaires. Bien mal lui en a pris : elle fut l’arroseur arrosé car, en définitive, ne se retrouvant pas en mesure de maintenir des candidats au deuxième tour, elle fit les frais de ce dispositif.

Mise à mal de la démocratie locale, également, car une mission impossible sera confiée à ces fameux conseillers territoriaux qui représenteront à la fois la région et le département. Une journée ne comptant que vingt-quatre heures et une semaine sept jours, il leur sera impossible d’assumer correctement leur mission et l’on verra forcément, dans les collectivités territoriales, le retour de la technocratie telle qu’elle pouvait exister avant la décentralisation de 1982.

M. Bernard Roman. Tout à fait !

M. Bernard Derosier. Enfin, le dispositif qui nous est proposé entraîne une inégalité dans la représentation des Françaises et des Français. Ainsi, un conseiller territorial représentera 8 049 personnes en Lorraine contre 37 854 en Île-de-France

M. Bernard Roman. C’est un scandale !

M. Bernard Derosier. Il remet également en question la décentralisation, car les assemblées des régions et des départements, qui se sont constitutionnellement vu conférer des responsabilités, n’auront plus la capacité d’action qu’elles avaient jusqu’alors.

Je tiens à dénoncer, en cette circonstance, la poudre aux yeux que nous a lancée le Gouvernement il y a quelques mois, en déposant sur le bureau du Sénat deux textes relatifs à l’élection des conseillers territoriaux. À ce jour, ils sont en panne. Il y avait là, pourtant, une occasion de débattre pour fixer le nombre de conseillers territoriaux par département et par région.

M. le président. Je vous remercie de conclure, monsieur Derosier.

M. Bernard Derosier. Vous avez invoqué, sinon vous, du moins votre prédécesseur, monsieur le ministre, une volonté de simplification. La démonstration est faite du contraire.

Pour de nombreuses raisons que je n’ai pas le temps de développer, puisque M. le président me rappelle à l’ordre, nous voterons contre ce texte en attendant de pouvoir rendre, après 2012,…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Il ne faut pas rêver !

M. Bernard Derosier. …toutes leurs responsabilités aux régions et aux départements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe GDR.

M. François de Rugy. Dans la droite ligne du texte initial portant réforme des collectivités territoriales, ce projet de loi symbolise, une fois de plus, tous les travers et les dysfonctionnements antidémocratiques dans lesquels le Gouvernement et sa majorité ont plongé notre treizième législature. Petits arrangements entre amis, manipulations électorales sous couvert de la loi, voire de la Constitution, la coupe est pleine !

Le projet de loi entérinera, s’il est voté, la fin du pluralisme au sein des conseils régionaux, avec la suppression du mode de scrutin qui a pourtant fait ses preuves dans les municipalités et dans les régions depuis plusieurs élections. Il entérinera également, régression inacceptable à nos yeux, la fin de la parité hommes-femmes dans les assemblées territoriales, en l’occurrence les assemblées régionales. Notons que vous choisissez également, et c’est un comble quelques semaines après les élections cantonales, le mode de scrutin qui a donné lieu, au cours des dernières années, à la plus forte abstention.

Le projet de loi présente, par ailleurs, une situation de déséquilibre totalement antidémocratique. Dans son exposé des motifs et son étude d’impact, le Gouvernement essaie, tant bien que mal, d’expliquer la procédure de calcul menant au tableau de répartition des conseillers territoriaux par région et département. Si l’on compare trois régions assez proches en termes de population, la Bretagne, l’Aquitaine et les Pays de la Loire, on se rend compte qu’il y a une anomalie dans la répartition des conseillers territoriaux. Il semblerait logique que la région la plus peuplée, celle des Pays de la Loire, compte le plus grand nombre de conseillers territoriaux. Or, contre toute attente, c’est celle qui en aurait le moins : 174 contre 190 pour la Bretagne et 211 pour l’Aquitaine. Ce calcul implique une représentation par habitant totalement inéquitable. On dénombrerait, alors, en Aquitaine, un conseiller territorial pour 15 471 habitants, alors que le ratio, dans les Pays de la Loire, serait d’un conseiller territorial pour environ 20 000 habitants !

Ces déséquilibres, c’est sans doute encore plus grave, s’observent également au niveau départemental. La différence serait très forte entre les différents départements d’une même région, certains étant surreprésentés par rapport aux autres, en général, et comme par hasard, ceux qui votent davantage pour l’UMP ! Dans ma région, la Loire-Atlantique, chaque conseiller territorial aurait 5 000 habitants de plus à représenter que le même conseiller territorial élu en Mayenne. Les habitants d’une même région ne seront donc pas égaux devant le suffrage. Or l’égalité devant le suffrage est un principe constitutionnel à la base même de notre démocratie.

Au-delà de ces déséquilibres incompréhensibles, on observe une explosion du nombre de conseillers régionaux, puisque les conseillers territoriaux seraient également conseillers régionaux. Ainsi, la région Midi-Pyrénées passerait de quatre-vingt-onze sièges à 251 ! Et c’est le cas dans la plupart des régions. En outre, l’élection des conseillers ne se fera plus à la proportionnelle de liste, mais au scrutin uninominal à deux tours, assorti de nouvelles règles encore plus restrictives pour empêcher le pluralisme de s’exprimer.

Ces assemblées rencontreront, par ailleurs, un problème à propos duquel notre collègue socialiste Alain Rousset, président de l’Association des régions de France, s’est maintes fois exprimé, celui de la construction de nouveaux bâtiments, de nouveaux hémicycles, de nouveaux hôtels de région. Une telle augmentation du nombre d’élus aura nécessairement pour conséquence l’obligation d’agrandir les hôtels de région, les salles de séance, les bureaux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Cela impliquera un investissement financier supplémentaire, alors même que cette réforme territoriale avait été vantée pour les économies qu’elle allait faire réaliser à nos collectivités locales ! Plutôt que d’investir dans des politiques liées à leurs compétences, les régions seront contraintes de financer la construction de nouveaux bâtiments. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Faudra-t-il, mes chers collègues de la majorité, augmenter les impôts locaux pour financer la dernière lubie du Président de la République ? Le prix à payer est vraiment très élevé pour une manipulation politicienne lancée par Nicolas Sarkozy au seul profit de son parti : l’UMP ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vous remercie de conclure.

M. François de Rugy. Ne nous leurrons pas : pour la majorité, l’intérêt principal de ce texte, c’est de découper, une fois de plus, la carte électorale de nos territoires pour tenter de s’offrir des postes d’élus en plus ! (Exclamations sur les mêmes bancs.) Ce que vous n’avez pas pu obtenir des Français lors des élections régionales de 2004 et de 2010, vous essayez de l’avoir par un mode de scrutin truqué !

Pour toutes ces raisons, les députés écologistes, communistes, du parti de gauche et d’outre-mer du groupe GDR voteront contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. Michel Sapin. Très bien !

M. le président. Je fais annoncer le scrutin public dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe NC.

M. Michel Hunault. La création du conseiller territorial est l’une des grandes innovations de la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010. Il faut rappeler à l’opposition que les principales dispositions de la réforme des collectivités territoriales ont toutes été validées par le Conseil constitutionnel.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et alors ?

M. Michel Hunault. À compter de 2014, ce nouvel élu local, désigné pour six ans au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, sera appelé à siéger tant au conseil général qu’au conseil régional. Les conseillers territoriaux auront donc un rôle essentiel, car ils seront invités à établir un schéma d’organisation des compétences. Le Conseil constitutionnel a rejeté tous les griefs qui prétendaient remettre en cause l’existence du conseiller territorial ; il a simplement censuré, pour quelques départements, l’article 6 de la loi qui en fixait les effectifs. Le présent projet de loi a donc pour objet de fixer de nouveaux effectifs de conseillers territoriaux. Il est nécessaire de rappeler que le Conseil constitutionnel a souligné que « la liberté de scrutin n’interdit pas au législateur de confier à un élu le soin d’exercer son mandat dans deux assemblées territoriales différentes. »

Il est satisfaisant que le Gouvernement ait décidé de soumettre au Parlement un projet de loi spécifique contenant un tableau sur la base du nouveau recensement publié fin 2010. Au total, ce seront 3 493 conseillers territoriaux qui remplaceront les 5 657 élus actuels. Aux termes de ce projet de loi, dans chaque collectivité, le nombre des conseillers sera impair, afin d’éviter qu’un président se maintienne au bénéfice de l’âge. Ce sera aussi l’occasion de réviser la carte cantonale qui ne l’a pas été depuis la création des cantons.

Enfin, le groupe Nouveau Centre veut saluer la consultation prévue dans les textes des conseils généraux et du Conseil d’État et les critères retenus : critères démographiques, mais aussi superficie, étendue géographique et nombre de communes.

Pour toutes ces raisons, le groupe Nouveau Centre votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. Pour le groupe UMP, la parole est à M. Claude Bodin.

M. Claude Bodin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous l’avons dit la semaine dernière lors de l’examen en séance publique, ce projet de loi ne s’est fixé pour objectif que de se conformer à la décision du Conseil constitutionnel, tout en restant au plus près des règles ayant guidé l’élaboration de la répartition initiale des conseillers territoriaux adoptée par le Parlement en novembre dernier.

Dans sa décision du 9 décembre 2010 sur la réforme territoriale, le Conseil constitutionnel a, en effet, rejeté les griefs relatifs à l’existence du conseiller territorial, validant ainsi la globalité de la réforme. En revanche, il a censuré le tableau des effectifs de conseillers territoriaux par région et département. L’objet du projet de loi que nous allons voter aujourd’hui est donc de corriger les inconstitutionnalités qu’il a relevées et de finaliser ainsi la réforme territoriale. Seule la modification concernant la Guadeloupe et consistant à porter le nombre de conseillers territoriaux de quarante-trois à quarante-cinq n’est pas une conséquence de sa décision.

Le projet de loi, ainsi, corrige la situation dans les six départements ne répondant pas à l’exigence que nous nous étions fixée, à savoir que les écarts démographiques de représentation dans une même région restent dans une fourchette de plus ou moins 20 % de la moyenne régionale. Les départements concernés sont la Meuse, le Cantal, l’Aude, la Haute-Garonne, la Mayenne et la Savoie.

Le Conseil a, par ailleurs, validé le plancher minimal de quinze conseillers territoriaux par département, lequel autorise une exception à la règle des plus ou moins 20 %.

Au final, ce texte ne fait qu’opérer les ajustements rendus nécessaires par la décision du Conseil constitutionnel. Il modifie les chiffres du tableau pour se conformer à sa décision. Rien de plus, mes chers collègues. C’est pourquoi, vous l’aurez compris, le groupe UMP n’émettra aucune réserve à voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 522

Nombre de suffrages exprimés 515

Majorité absolue 258

(Le projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures quinze, sous la présidence de Mme Élisabeth Guigou.)

Présidence de Mme Élisabeth Guigou,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

7

Immigration, intégration et nationalité

Discussion du texte de la commission mixte paritaire

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (n° 3389).

La parole est à M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, mes chers collègues, au terme des deux lectures dans chaque assemblée, les dispositions du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité demeurant en discussion se limitent à vingt-neuf articles et suppressions d’articles.

Nos deux assemblées ont d’ores et déjà adopté conformes quatre-vingt-quatorze articles et suppressions d’articles, ce qui signifie qu’elles ont validé beaucoup de mesures souhaitées par le Gouvernement et d’initiatives parlementaires, pour ce qui concerne, notamment, l’intégration et l’accès à la nationalité, la transposition de la directive « Carte bleue européenne » ou encore la délivrance de titres de séjour pour motifs professionnels.

Si des points de désaccord ont subsisté, qu’il s’agisse des zones d’attente, des contentieux de l’éloignement et de l’asile ou de la situation des employeurs de bonne foi d’étrangers en situation irrégulière, le Sénat a su, au cours de sa deuxième lecture, créer des conditions de convergence et esquisser la possibilité d’un compromis pour la commission mixte paritaire.

La commission mixte chargée d’aboutir à une version commune des articles encore en débat s’est réunie le 4 mai dernier. Elle a trouvé, je crois, un accord équilibré qui justifie l’adoption de ses conclusions par notre assemblée.

S’agissant, tout d’abord, des dispositions relatives à la nationalité, la commission a repris les dispositions votées par le Sénat aux articles 2 et 2 bis, sous réserve d’une clarification rédactionnelle. Sans contester le bien-fondé et l’opportunité des dispositions relatives à la manifestation de volonté pour l’acquisition de la nationalité française, introduites dans cet hémicycle en deuxième lecture, il est apparu nécessaire, en l’espèce, de se conformer aux règles dites de l’entonnoir devant le Conseil constitutionnel. Cela ne signifie d’ailleurs pas que, dans les semaines ou les mois à venir, nous ne réexaminions ces questions dans un esprit nouveau, fondé sur la perception d’une volonté d’acquérir la nationalité, sujet qui reste en débat devant notre assemblée.

En ce qui concerne les zones d’attente, la commission a repris les dispositions votées par le Sénat aux articles 6, 7 et 10, qui étaient proches de celles de l’Assemblée. À l’article 12, la commission a choisi de maintenir « l’effet dévolutif de l’appel » ; en conséquence, les nullités ne pourront être purgées en appel. Il s’agit de se conformer non à un principe général du droit mais à nos pratiques contentieuses de droit commun.

Au sujet de la délivrance de la carte « étranger malade », la commission a souhaité que nous confortions l’esprit initial de la loi et a convenu que le texte proposé par le Sénat présentait le double avantage de la clarté et d’une ouverture aux circonstances humanitaires exceptionnelles.

Par ailleurs, la CMP n’a pas remis en cause la nécessité de mieux prendre en compte les mariages contractés insincèrement par des étrangers avec des ressortissants français de bonne foi en vue d’une régularisation du séjour ou de l’octroi de la nationalité. Elle a jugé plus cohérent, à l’article 21 ter, d’appliquer à ces situations les mêmes peines que celles prévues pour les mariages blancs.

S’agissant de la réforme du contentieux et de l’éloignement, la commission a retenu, après discussion, la rédaction proposée par l’Assemblée nationale, en articulant mieux l’intervention du juge administratif et du juge judiciaire, dans le souci d’une plus juste et meilleure administration de la justice. Le juge administratif pourra ainsi être saisi dans les premières quarante-huit heures de la rétention et disposera de soixante-douze heures pour se prononcer. À l’issue de ce délai de cinq jours, le juge judiciaire pourra alors être saisi.

En ce qui concerne la transposition de la directive « Sanctions », la commission mixte paritaire a pris en considération les arguments de l’Assemblée nationale au sujet du cas particulier des employeurs de bonne foi. À cet effet, elle a retenu, à l’article 57 B, le principe d’une clarification des conditions de mise en cause des employeurs fautifs, de manière à inciter le juge à se montrer davantage préoccupé de la réalité répétée, claire et nettement établie de l’intention de commettre un délit d’emploi d’étrangers sans titre, tout en resituant par ailleurs le dispositif à un endroit plus approprié du code du travail.

Elle a, en revanche, supprimé l’affirmation du même principe pour la mise en œuvre des sanctions administratives, aux articles 66 et 67, considérant que les critères exigés par le législateur pouvaient être suffisamment précis et exigeants pour écarter les employeurs de bonne foi du champ de ces mesures. Après discussion, j’en ai moi-même accepté l’augure, même si je ne suis pas convaincu, à titre personnel, de l’effet récurrent que pourrait infliger à une entreprise pareille mesure.

Enfin, la commission mixte paritaire a adopté les articles 74 bis et 75 ter relatifs au droit d’asile dans la version du Sénat, du fait notamment des atténuations portées par celui-ci aux restrictions voulues en la matière par le Gouvernement et l’Assemblée nationale. Elle a aussi maintenu la suppression de l’article 75 quater, estimant que l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales offre d’ores et déjà aux maires les pouvoirs de police nécessaires pour garantir le respect des symboles républicains au cours des célébrations de mariage.

Au total, le texte qui nous est soumis aujourd’hui, s’il ne reprend pas l’intégralité des mesures auxquelles notre assemblée s’était montrée attachée, répond en grande partie aux préoccupations que nous avions exprimées en première et deuxième lectures. C’est donc sans état d’âme que je vous appelle à voter les conclusions de la commission mixte paritaire.

Dans le contexte actuel, notamment avec les révolutions et les incidents qui se produisent sur la rive sud de la Méditerranée, notre assemblée doit être conduite à privilégier l’adoption de ce texte dans les meilleurs délais, afin de donner leur pleine effectivité aux dispositions des directives « Retour » et « Sanctions ».

Mme Sandrine Mazetier. Il fallait demander l’urgence !

M. Claude Goasguen, rapporteur. C’est la raison pour laquelle, madame Mazetier, je vous dis que nous avons déjà suffisamment de retard.

Ne doutons pas, au demeurant, que la rapidité des évolutions du droit communautaire, notamment en matière de droit d’asile, conduise notre Parlement à se trouver de nouveau saisi, dans quelques mois ou quelques années, d’un texte traitant de l’immigration et permettant de prolonger, le cas échéant, les débats dont nos travaux ont montré qu’ils n’étaient pas suffisamment mûrs, aujourd’hui, sur un certain nombre de points.

Nous devons agir avec célérité, notamment eu égard aux circonstances presque exceptionnelles dues à l’évolution de la situation internationale, et aux considérables problèmes qui sont en train de menacer la rive nord de la Méditerranée. Tenons également compte des difficultés juridiques posées par les annulations des tribunaux administratifs et par la surcharge de travail de ces derniers. Ne perdons pas non plus de vue la volonté manifestée par plusieurs pays européens, à l’initiative de la France, initiative reprise par l’Allemagne lors de récentes réunions avec les autorités françaises, de modifier certaines dispositions du traité de Schengen,…

M. Roland Muzeau. La solidarité s’arrête vite !

M. Claude Goasguen, rapporteur. …selon une orientation très proche de celle des décisions que nous allons prendre aujourd’hui.

Dans un souci de célérité, avec bon sens, avec courage, en ne perdant pas de vue des événements qui peuvent revêtir un caractère assez grave, je vous demande de voter sans état d’âme le texte de cette commission mixte paritaire, persuadé que, dans les mois qui viennent, nous aurons à compléter, sur des sujets comme la nationalité, l’immigration ou bien l’intégration, les dispositions que nous aurons votées.

Nous pouvons le faire sans état d’âme et sans hésitation. Je tiens à remercier M. le ministre d’avoir défendu avec célérité et courage un certain nombre de dispositions qui n’étaient pas faciles à faire passer auprès de nos collègues sénateurs, qui n’ont pas toujours la même conscience que nous du temps parlementaire et de l’urgence de ce qui est à mener devant les tribunaux et les institutions internationales.

M. Éric Diard. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, quelques jours après la réunion de la commission mixte paritaire, je voudrais saluer le travail fructueux qu’ont mené ensemble le Parlement et le Gouvernement.

Ce travail a permis d’aboutir à un texte riche et cohérent. Je salue tout particulièrement l’implication de votre rapporteur, Claude Goasguen. J’associe à ces remerciements le président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann, ainsi que tous ceux d’entre vous qui ont activement participé aux débats. Vous me permettrez de citer également vos administrateurs, qui sont toujours un relais précis et efficace entre votre assemblée et le Gouvernement.

Ce texte est tourné, avant tout, vers l’efficacité : efficacité de notre politique d’éloignement des clandestins, bien sûr,…

Mme Sandrine Mazetier. Parlons-en !

M. Claude Guéant, ministre. …mais aussi efficacité de notre politique d’intégration et d’accueil dans la nationalité ;…

M. Noël Mamère. C’est risible !

M. Manuel Valls. On ne doit pas parler du même texte !

M. Claude Guéant, ministre. …efficacité, enfin, de notre système d’asile, dont nous souhaitons réduire les délais procéduraux.

M. Roland Muzeau. Il s’arrête à Vintimille !

M. Claude Guéant, ministre. Nous concluons aujourd’hui un débat parlementaire particulièrement dense. Nous avons échangé pendant près de quarante-sept heures en séance publique sur ce projet, à l’enrichissement duquel vous avez d’ailleurs, mesdames et messieurs les députés, largement contribué. C’est à votre initiative, par exemple, que le texte prévoit désormais de renforcer le niveau de maîtrise de la langue française attendu des candidats à la naturalisation.

De même, et je sais que Claude Goasguen y attache beaucoup d’importance, c’est vous qui avez rendu explicite la réserve de bonne foi des employeurs dans le domaine de la lutte contre le travail des étrangers sans titre.

Mme Sandrine Mazetier. Assurant l’impunité pour les employeurs !

M. Claude Guéant, ministre. Ces débats sont maintenant derrière nous. Je me réjouis que la commission mixte paritaire ait permis de dégager un accord entre les deux assemblées. Compte tenu des défis immenses auxquels nous confronte l’actualité internationale, compte tenu également de la nécessité de transposer le plus rapidement possible les directives communautaires, il est maintenant nécessaire que ce projet de loi entre en vigueur.

Le texte issu de la commission mixte paritaire est équilibré. Je me limiterai à évoquer les deux sujets qui ont donné lieu aux discussions les plus intenses.

Il y a d’abord la réforme du contentieux de l’éloignement. Cette réforme est nécessaire : comment peut-on accepter que deux juges se prononcent en sens contraire sur la même affaire à quelques heures d’intervalle ?

Il restait, après le vote des deux assemblées, une différence sur le report de l’intervention du juge des libertés et de la détention à quatre ou cinq jours. Ce débat a finalement été tranché en commission mixte paritaire. Le Gouvernement, comme votre assemblée, a toujours considéré qu’il était périlleux de réduire le temps laissé au juge administratif pour se prononcer. C’est pour cette raison que nous avons soutenu les cinq jours, et je remercie le Parlement d’avoir suivi le Gouvernement sur ce sujet, sur lequel notre réponse est proportionnée à l’enjeu.

Le second point concerne le titre de séjour « étranger malade ». Ce sujet a donné lieu à une polémique au cours des derniers jours. Contrairement à ce que certains indiquent un peu rapidement, le projet de loi ne remet pas du tout en cause ce titre de séjour ; il vise tout simplement à appliquer à la lettre la loi du 11 mai 1998 qui en fixe le principe. Simplement, nous avons voulu éviter les effets d’une jurisprudence récente du Conseil d’État, qui impose la prise en compte, parmi les critères, du coût des traitements dans le pays d’origine. L’application concrète de cette jurisprudence pourrait donner lieu à des prises en charge indues.

Sur ce sujet, la commission mixte paritaire a adopté une rédaction équilibrée. D’abord, celle-ci clarifie le cadre juridique : le titre « étranger malade » peut être attribué en cas « d’absence » du traitement dans le pays d’origine. Ensuite, elle propose une souplesse en prévoyant que le préfet puisse prendre en compte des « circonstances humanitaires exceptionnelles » pour lui attribuer le titre, même si les critères ne sont pas remplis, après avis d’un expert de la santé publique. Cette rédaction est donc à la fois claire, responsable et humaine.

Je souligne d’ailleurs à nouveau que ce dispositif ne remet pas en cause les directives données par le ministère de la santé depuis plusieurs années. Dans une circulaire de la direction générale de la santé de 2005, confirmée en 2010, il est indiqué que « dans l’ensemble des pays en développement, il n’est pas encore possible de dire que les personnes séropositives peuvent avoir accès aux traitements antirétroviraux ni à la prise en charge médicale nécessaire pour les porteurs d’une infection par le VIH ». Cette circulaire reste d’actualité. Les personnes atteintes de lourdes pathologies infectieuses, notamment le sida, auront ainsi toujours accès au titre « étranger malade » et continueront d’être accueillies et protégées par notre pays.

Tel qu’il est aujourd’hui proposé à votre approbation, le projet de loi améliorera concrètement l’efficacité de notre politique d’immigration.

En matière de nationalité, il conditionne la naturalisation à la signature d’une charte des droits et devoirs qui formalise l’engagement du nouveau citoyen français à respecter les valeurs de la République.

Dans le domaine de l’entrée et du séjour des étrangers, il facilite la création de zones d’attente temporaires pour traiter les situations dans lesquelles un groupe de migrants entre sur le territoire, de manière inopinée, en dehors d’un point de passage frontalier.

En matière d’éloignement des clandestins, le projet de loi allonge de trente-deux jours à quarante-cinq jours la durée maximale de la rétention administrative. Celle-ci reste la plus faible d’Europe. Nous avons prévu une exception pour les personnes condamnées pour des actes terroristes, qui pourront être placées en rétention pour une durée maximale de six mois.

Enfin, le projet introduit plusieurs dispositions qui permettront de réduire la durée d’instruction des demandes d’asile. J’ai parfois entendu des critiques selon lesquelles nous voulions limiter le droit d’asile.

M. Serge Blisko. Eh oui !

M. Claude Guéant, ministre. C’est tout le contraire (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) : en luttant efficacement contre les demandes abusives, nous améliorons le traitement réservé aux personnes qui méritent réellement la protection de notre pays et dont le dossier est voué à aboutir.

Mesdames, messieurs les députés, le texte aujourd’hui soumis à votre vote est un texte complet et équilibré. Il nous donne les moyens de mener une politique d’immigration efficace et juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Raymond Durand. Très bien !

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

M. Éric Ciotti. Quelle surprise !

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Madame la présidente, mes chers collègues, monsieur le ministre, depuis un an, le Parlement travaille sur le projet de loi « Immigration, intégration et nationalité » qui, avant même d’être adopté et promulgué, est d’ores et déjà caduc, et toujours aussi erroné qu’au départ. Les motifs qui ont valu à la LOPPSI 2, il y a quelques semaines, une censure très sévère du Conseil constitutionnel,…

M. Éric Ciotti. Ce n’est pas vrai !

Mme Sandrine Mazetier. …la plus sévère de l’histoire, mon cher collègue Ciotti,…

M. Julien Dray et M. Manuel Valls. Un échec personnel, monsieur Ciotti !

M. Serge Blisko. C’est dur pour vous !

Mme Sandrine Mazetier. …sont tous présents dans ce texte. Je l’ai démontré avec nombre de collègues du groupe socialiste au cours des première et deuxième lectures, et encore le 4 mai dernier, en commission mixte paritaire.

Le principe de nécessité et de proportionnalité des peines n’est pas respecté, non plus que la nécessité de statuer publiquement et l’individualisation des peines. Quant à l’interdiction formelle de la détention arbitraire avec le rappel, en vertu de l’article 66 de la Constitution, que seule l’autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle et assure le respect de ce principe, elle n’est pas non plus respectée. En CMP, les sénateurs, dans leur pas très grande sagesse, se sont alignés sur le texte de l’Assemblée nationale en fixant à cinq jours le délai avant l’intervention du juge des libertés et de la détention. (« Eh oui ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Éric Diard. Pour vous, la sagesse du Sénat est à géométrie variable, madame Mazetier !

Mme Sandrine Mazetier. Vous serez, monsieur le ministre, censuré par le Conseil constitutionnel.

Ce texte est aussi caduc du fait d’un récent arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne qui remet en cause la pénalisation et la carcéralisation du séjour irrégulier. Monsieur le ministre, vous prétendez que cet arrêt ne concerne que l’Italie, en aucun cas la France. Pourtant, l’article 73 du projet de loi prévoit bien une peine de trois ans d’emprisonnement pour toute personne qui se soustrairait à l’exécution d’une obligation de quitter le territoire français. Trois ans de prison pour cela… Il faut dire que vous n’en êtes pas à une contrevérité près. Il est vrai que sur un sujet qui est tout de même obsessionnel et compulsif pour cette majorité, et dont le Gouvernement prétend s’occuper avec beaucoup de sérieux, se sont succédé pas moins de trois ministres : M. Besson, M. Hortefeux et vous-même ; un exemple parmi d’autres de l’instabilité, de la fébrilité et de l’amateurisme de ce gouvernement, dans cette matière comme dans d’autres, et qui ne trompent personne. Le ministère de l’immigration a d’ailleurs lui-même disparu.

Depuis un an, on nous a expliqué tout et son contraire sur ce texte. Son adoption était impérative parce qu’il fallait transposer trois directives européennes, dont la directive « Retour », mais, fait exceptionnel dans cette législature, vous n’avez pas déclaré l’urgence. Si bien que, depuis décembre dernier, ce sont les dispositions de la directive « Retour » qui s’appliquent. Celles-ci prévoient un délai de départ volontaire de sept jours à trente jours avant l’éloignement forcé et, de ce fait, de très nombreuses procédures d’éloignement ont été invalidées par les tribunaux. Or plutôt que d’organiser le retour au droit, le respect de l’État de droit, vous organisez le désordre et la confusion dans le contentieux de l’éloignement. Les tribunaux administratifs seront, on le sait d’avance, complètement encombrés par ce contentieux de masse. Et c’est vous qui aurez provoqué une telle situation.

Vous prétendez lutter avec détermination contre l’immigration clandestine, mais la majorité, à l’Assemblée d’abord, puis encore en CMP, a établi l’impunité des employeurs de travailleurs sans titre. Là encore, les sénateurs ont résisté jusqu’en seconde lecture, avant de céder le 4 mai dernier.

Dans des temps ordinaires, votre politique ne règle rien en termes d’immigration parce que vous refusez d’examiner avec sérieux et objectivité le sujet à sa bonne échelle, et de résoudre les problèmes là où ils se posent. L’exemple de l’accord de gestion concertée des flux migratoires avec la Tunisie le démontre : il prévoyait l’arrivée, parfaitement légale, de 9 000 Tunisiens l’an dernier alors que le ministère de l’intérieur n’en a autorisé que 2 000. Or nous avons beaucoup de Tunisiens en situation irrégulière –l’actualité ne me dément pas, loin de là. Non, en temps ordinaire, ce texte et votre politique ne règlent rien en matière d’intégration. Mais ce n’était de toute façon pas le propos de ce projet que de traiter d’intégration et que d’agir en ce sens. Les Français ne s’y trompent pas : un récent sondage a montré qu’une majorité de nos concitoyens considèrent que, depuis dix ans, l’intégration s’est dégradée, c’est-à-dire depuis que Nicolas Sarkozy s’est emparé du sujet.

M. Manuel Valls. Voilà !

Mme Sandrine Mazetier. Là encore, c’est l’échec de votre politique.

Si ce texte ne règle rien en situation ordinaire, en situation exceptionnelle, quand soudain l’histoire s’accélère, quand elle se cristallise avec, en l’espace de trois mois, de l’autre côté de la Méditerranée, pas moins de trois révolutions et une guerre dans laquelle la France est engagée, l’imposture de vos postures est encore plus manifeste. On nous parlait, il n’y a pas si longtemps, du pacte européen sur l’immigration et l’asile, le socle inspiré par la France à l’ensemble de l’Europe de la politique menée. On ne nous en parle plus jamais. Pourquoi ? S’est-il envolé, évaporé ? Il y a quelques jours, lors d’une conférence de presse, l’Europe, censée être organisée par la France en matière d’immigration et d’asile, se défaisait sous nos yeux, à l’initiative du Président de la République…

M. Claude Goasguen, rapporteur. Oh non !

Mme Sandrine Mazetier. …et de son homologue italien, M. Berlusconi. Oui, le Président de la République – dont je rappelle qu’il était ministre de l’intérieur en 2002 – s’est demandé publiquement, pas seulement devant la presse française mais aussi devant la presse italienne, s’il y avait un pilote pour Schengen. Il n’y aurait pas de pilote dans l’avion, pas d’outil européen pour une solution européenne, pas de pratiques susceptibles d’être améliorées en matière d’accueil, d’organisation et de gestion de l’immigration sur notre continent. C’est le Président de la République lui-même qui faisait cet aveu, lequel serait désarmant s’il n’était tragique.

Votre politique ne règle rien en matière d’immigration et pas plus en matière d’intégration ; quant à votre politique en matière de nationalité, elle dérègle tout.

Parce que ce projet de loi est anticonstitutionnel, totalement inadapté et qu’il ne résout aucun des problèmes auxquels sont confrontés les Français ni de ceux que posent l’accueil et l’organisation des flux migratoires dans notre pays ; parce que l’examen de ce texte a été l’occasion d’entendre des discours insupportables sur nos concitoyens d’« origine étrangère », selon l’expression consacrée par le Président de la République, qu’il a été l’occasion de défaire le fondement même du pacte républicain, je vous demande, en tant que législateurs, de voter cette motion de rejet préalable avec mes collègues socialistes. Je ne vous demande pas seulement de le faire en tant que législateurs, mais aussi en tant que responsables politiques et serviteurs de la France que vous êtes toutes et tous. Je vous demande aussi de la voter en tant qu’humanistes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Claude Guéant, ministre. Madame Mazetier, en présentant cette motion, vous avez demandé purement et simplement le rejet du projet.

M. Noël Mamère. Bien sûr !

M. Claude Guéant, ministre. Vous l’avez d’ailleurs exprimé clairement. Votre démarche ne surprend pas puisque c’est celle qui a animé les interventions de votre groupe tout au long du débat : tous vos amendements ont consisté à demander la suppression de toutes les dispositions, y compris celles qui relevaient du plus grand bon sens, y compris celles qui étaient le fruit de la transposition pure et simple d’une directive européenne que nous avons l’obligation d’intégrer dans notre droit interne. Aucun de vos amendements ne proposait quelque chose de constructif. C’est strictement à l’image du programme du parti socialiste en matière d’immigration. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est inefficace, mais si ça vous soulage, allez-y !

M. Claude Guéant, ministre. Je comprends que le rejet de ce projet vous permettrait de mûrir le vôtre.

Vous l’aurez compris : je demande à l’Assemblée de ne pas voter cette motion de rejet préalable.

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Éric Diard, pour le groupe UMP.

M. Roland Muzeau. Un humaniste !

M. Éric Diard. Je vais évidemment appeler mon groupe à rejeter cette motion.

M. Julien Dray. Quelle déception pour nous !

M. Éric Diard. Madame Mazetier, je le répète, les sénateurs n’ont pas une sagesse à géométrie variable : ils sont sages non seulement quand ils votent des dispositions qui vous conviennent, mais aussi quand leur vote vous déplaît. Au terme de deux lectures, la commission mixte paritaire, qui s’est tenue la semaine dernière à l’Assemblée, a permis d’aboutir à un texte désormais cohérent et équilibré puisqu’un modus vivendi a été trouvé entre les propositions du Sénat et celles de l’Assemblée. Je tiens à signaler qu’en matière d’aide médicale d’État, ce sont les dispositions du Sénat qui ont été retenues.

Par ailleurs, je rappelle que le fondement du texte est la transposition de trois directives européennes. Nous avons déjà pris beaucoup de retard, il est temps de légiférer et donc d’adopter ce texte. Par conséquent, je demande à mon groupe de rejeter la motion déposée par le groupe socialiste. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Dray, pour le groupe SRC.

M. Julien Dray. Cette CMP, à laquelle j’ai assisté, a été expéditive. Ma collègue Sandrine Mazetier a eu raison de le dire : sur le fond, le Sénat n’a pas tenu ses promesses en matière de sagesse puisqu’il s’est plié aux desiderata des ministres et de la majorité de l’Assemblée nationale. Après avoir beaucoup débattu, il a finalement capitulé.

Que va-t-il se passer ? L’Assemblée va voter une loi, la septième sur le sujet depuis 2002. Depuis presque dix ans, vous et vos prédécesseurs remettez sur le tapis essentiellement toujours les mêmes dispositifs, que vous essayez de corriger sans y arriver.

Grosso modo, on pourrait dire que vous avez échoué. Il reste quelques mois encore, avant que les Français ne vous le disent clairement comme nous le faisons dans l’hémicycle. Vous avez échoué sur une question qui était pourtant votre référence au départ. Souvenons-nous de l’esprit conquérant de M. Nicolas Sarkozy lorsqu’il était ministre de l’intérieur, de sa capacité à être à droite et à gauche, à abolir la double peine avant de revenir en arrière.

En définitive, vous en revenez à une bonne vieille politique classique qui prend les immigrés en otages, qui les désignent à la vindicte populaire comme responsables de tous les maux de notre société…

M. Franck Gilard. C’est scandaleux de dire cela !

M. Julien Dray. …et qui traite en permanence l’immigration comme un fléau.

C’est la marque de fabrique de ce texte, première loi d’amnistie des patrons qui emploient des salariés clandestins.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui !

M. Julien Dray. Dans ce texte, vous avez subrepticement glissé un contenu qui n’a rien à voir avec les directives européennes : désormais, un patron affirmant qu’il n’était pas au courant de la situation de clandestin de son salarié sera amnistié et il pourra continuer. Alors que nous avions timidement avancé sur ces questions-là par le passé, l’immigration clandestine va se poursuivre avec des employeurs qui utiliseront vos décrets, vos prises de positions et vos lois dans ce but.

M. Franck Gilard. Sur Lampedusa, on ne vous entend pas tellement !

M. Julien Dray. Mme Mazetier avait donc raison de demander le rejet de ce projet de loi au nom du groupe socialiste et je l’en remercie. Nous ne nous faisons pas d’illusion sur le résultat mais nous prenons date : dans quelques semaines, vous reviendrez ici nous dire qu’il nous faut encore une nouvelle loi, parce que la précédente n’est pas suffisante et qu’il reste des trous dans le filet.

M. Claude Goasguen, rapporteur. La situation évolue !

M. Julien Dray. Démonstration sera faite que vous n’êtes pas capables d’avoir une véritable politique de maîtrise des flux migratoire à la fois humaine et juste. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe GDR.

M. Claude Gatignol. Un modéré !

M. Noël Mamère. Je ne vais pas procéder à des comparaisons qui n’ont pas lieu d’être mais enfin, quand Julien Dray évoquait les patrons qui seraient de bonne foi, cela m’a rappelé ce coureur cycliste qui se dopait « à l’insu de son plein gré ».

M. Jean-Charles Taugourdeau. C’est diffamatoire à l’égard des patrons !

M. Noël Mamère. J’ai le sentiment que vous avez reculé pour faire un cadeau de plus à ceux qui exploitent des travailleurs sans papiers et sans titres.

En outre, ce septième texte que vous essayez de nous faire adopter – évidemment nous voterons contre, comme nous l’avons expliqué au cours de l’examen en première lecture – n’a que des visées électoralistes et essaie de masquer l’échec de votre politique d’immigration. En effet, en inventant des expressions comme « l’immigration subie », vous utilisez des mots en leur donnant des usages différents pour masquer ce qui pourtant existe dans notre loi, à savoir « l’immigration légale ». Celle-ci n’est pas l’immigration subie, elle fait partie de nos textes et de nos traditions d’accueil.

Aucun d’entre nous n’a manifesté l’intention d’ouvrir la France à tous les vents, d’ouvrir toutes les portes. Nous sommes pour une régulation de l’immigration. Quant à vous, comment voulez-vous faire croire aux Français que vous êtes pour une régulation de l’immigration alors même qu’avec le Président de la République vous tirez une seule leçon des révolutions arabes : nous allons être envahis par une immigration débordante et incontrôlable ?

Ainsi, après avoir inventé l’étranger comme figure de l’indésirable, vous inventez l’immigré qui serait une menace pour la France. L’un de vos porte-valises, membre de votre Gouvernement, invente maintenant la chasse aux pauvres. Cela fait tout de même beaucoup pour un État qui se prétend de droit et pour un Gouvernement qui se dit irréprochable ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Sur les bancs de toute la gauche, nous souhaitons que les Français se réveillent et qu’au moment où il faudra tirer les leçons de ce braconnage sur les terres d’extrême droite, ils ne se tromperont pas.

Monsieur le ministre, vous nous proposez ce projet de loi après avoir effectué des dérapages très contrôlés. Vos dérapages s’entendaient peu lorsque vous étiez dans les ors de la République au service du Président, mais étant maintenant en charge d’un ministère régalien – le ministère de l’intérieur –,…

M. Jean Roatta. Et c’est très bien !

M. Noël Mamère. …vous vous êtes permis de dire des choses qui sont plus que choquantes pour les républicains que nous sommes (Protestations sur les bancs du groupe UMP) et qui devraient aussi choquer ceux qui, ceux sur les bancs de la droite, croient encore en certaines valeurs républicaines.

Vous nous proposez ce projet de loi sur l’immigration au motif que vous transposez trois directives européennes. Votre conception de l’Europe est très sélective ! Parfois vous acceptez des pénalités de la part de la Commission mais, dans le cas présent, il faudrait s’empresser de transposer trois directives européennes que, de plus, vous n’appliquez pas dans les textes puisque la Cour européenne des droits de l’homme n’est pas d’accord avec certaines dispositions de votre projet.

Je regrette vivement que nos collègues sénateurs, qui ne nous avaient pas habitués à cela sur d’autres textes, aient fini par se coucher purement et simplement en commission mixte paritaire, pour revenir au premier texte adopté ici et que nous avons combattu. Cela étant, nous ne le combattrons pas simplement dans l’hémicycle, au Parlement, mais aussi sur le terrain, car cette loi est indigne.

Aussi le groupe de la Gauche démocrate et républicaine auquel j’appartiens votera-t-il pour la motion présentée par Mme Mazetier. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Michel Hunault. Monsieur Mamère, vous venez d’évoquer ceux qui, à droite, croyaient encore aux valeurs républicaines. Tous ici, nous croyons en ces valeurs.

M. Noël Mamère. Prouvez-le ! Votez la motion !

M. Michel Hunault. La devise de la République est notre héritage commun, une exigence commune.

En rejetant cette motion et en adoptant le texte, nous ne faisons que transposer des directives de l’Union européenne améliorant la situation de certaines populations issues de l’immigration qui méritent d’être traitées avec dignité et avec humanité.

M. Noël Mamère. Cela me rappelle la hache de M. Jean-Louis Debré !

M. Michel Hunault. C’est bien le fondement de ce texte.

L’opposition fait souvent croire aux Français des choses qui ne sont pas dans les textes. M. Mamère et Mme Mazetier viennent encore de mettre l’accent sur des dispositions qui ne figurent pas dans le projet dont l’objet est essentiellement de transposer des directives européennes, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre.

Je voudrais inviter nos collègues de l’opposition à faire preuve de modestie, car nous touchons à des problèmes extrêmement difficiles sur le plan humain. Nous assistons à un bouleversement de la situation des pays de la rive sud de la Méditerranée et nous devons nous réjouir de l’aspiration des peuples à plus de démocratie. Les événements obligent aussi l’Europe, la France en particulier, à accélérer l’Union pour la Méditerranée, afin que les populations concernées trouvent chez elles les conditions d’un développement démocratique et économique plutôt que d’émigrer.

Ces questions d’immigration font peser sur vos épaules une responsabilité sans précédent, monsieur le ministre de l’intérieur. Avec le Président de la République, vous avez eu raison d’appeler les pays européens à modifier les règles de Schengen. Il en va de votre responsabilité et toute la majorité, que ce soit l’UMP ou le Nouveau Centre, vous soutient.

Monsieur Mamère, on peut être animé d’un idéal commun sans faire dire à ce texte des choses qu’il ne contient pas. Or vous avez évoqué des mesures qui n’existent pas. Vous le savez très bien, les employeurs peuvent parfois être trompés sur la véritable qualité et la qualification de leurs salariés, d’où l’ajout du terme « sciemment » dans l’article concerné, comme le rapporteur l’a expliqué. Ce terme implique qu’une condition supplémentaire doit être remplie pour engager la responsabilité de l’employeur.

En rejetant votre motion, nous ne déformons pas la philosophie du texte : choisir l’immigration légale, améliorer la situation des immigrés que nous avons décidé d’accueillir sur notre sol et lutter contre les filières d’immigration irrégulière. Aussi allons-nous voter contre la motion de rejet préalable.

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Éric Diard.

M. Éric Diard. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, nous avons entamé la lecture du rapport de la commission mixte paritaire du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. Ce texte avait suscité de nombreux débats lors de ses passages à l’Assemblée nationale et au Sénat. La navette parlementaire l’a enrichi et la commission mixte paritaire, qui s’est réunie la semaine dernière à l’Assemblée nationale, a permis d’aboutir à un projet de loi à la fois cohérent et équilibré.

Je tiens à saluer particulièrement l’implication et le travail du rapporteur Claude Goasguen pour la commission des lois. De manière plus générale, je remercie les parlementaires du groupe UMP qui ont porté ce projet de toutes leurs convictions.

Trouver des réponses législatives adaptées aux nouvelles problématiques migratoires n’a pas été facile et les débats ont été enrichissants. La France a le droit de choisir, comme tous les pays du monde, qui elle veut et qui elle peut accueillir sur son territoire.

Tout étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d’origine, sauf situation particulière, notamment sur le plan humanitaire, politique, sanitaire ou social, qui exige un examen individualisé de la demande.

Un étranger qui est accueilli légalement sur notre territoire a, pour l’essentiel, les mêmes droits économiques et sociaux que les Français. La politique d’immigration doit être à la fois humaine, c’est-à-dire respectueuse des droits et de la dignité des personnes, et ferme envers ceux qui ne respectent pas les lois de notre République.

Contrairement à ce que prétendent certains, ce texte est nécessaire pour transposer trois directives européennes. Il participe ainsi à la construction progressive d’une politique européenne de l’immigration et de l’asile, en complément de l’espace de libre circulation issu des accords de Schengen.

Ces trois textes ont une incidence sur le droit national : la directive « Sanctions » renforce l’arsenal juridique destiné à lutter contre le travail illégal d’étrangers sans titre de séjour ; la directive « Carte bleue européenne » conduit à créer un nouveau titre de séjour sans remettre en cause les principales règles de l’admission au séjour des travailleurs salariés ; la directive « Retour » impose d’adapter le droit national en raison d’une nouvelle approche du droit de l’éloignement des étrangers.

Le projet de loi s’inscrit dans la logique européenne en permettant la transposition de ces trois directives européennes. D’ailleurs, nos voisins mènent des politiques d’immigration en phase avec le droit européen auquel la France doit impérativement se conformer en transposant les directives.

Le projet de loi transcrit dans notre droit une partie du pacte européen sur l’immigration et l’asile que le Gouvernement avait fait adopter lors de la présidence française de l’Union européenne. Rappelons que nos partenaires européens s’étaient prononcés à l’unanimité en sa faveur.

En outre, il y a urgence à adopter ce texte : la date butoir de transposition de la directive « Retour » est déjà dépassée puisqu’elle avait été fixée au 24 décembre 2010, et celle des deux autres directives approche.

Des centaines de sans-papiers placés en rétention administrative ont été libérées par des juges et ont échappé à l’expulsion, faute de transposition dans les délais de la directive européenne en droit français. Ainsi, la France n’a pas transposé la directive « Retour », plus favorable aux étrangers sans papiers que la législation française actuelle.

Mme Sandrine Mazetier. Il ne faut rien exagérer, non plus !

M. Éric Diard. Elle contient de nombreuses dispositions pouvant être invoquées directement devant les tribunaux administratifs ou devant les juges des libertés et de la détention.

En l’état actuel, la situation des migrants, tunisiens notamment, est problématique. Monsieur Guéant, vous avez clairement annoncé votre intention de reconduire à la frontière ceux qui sont arrivés en France au cours des dernières semaines. Pourtant les choses sont devenues si complexes que certains d’entre eux cachent leurs autorisations de séjour, craignant que la découverte de leur situation ne leur nuise davantage que la clandestinité !

Cette situation est absurde. Il est urgent d'adopter le projet de loi pour mettre fin à cet imbroglio juridique.

Je tiens à revenir quelques instants sur les décisions prises au sein de la commission mixte paritaire.

Tout d'abord, il a été décidé d'encadrer plus strictement le droit au séjour pour les sans-papiers atteints de pathologies graves. Le titre de séjour « étrangers malades » ne pourra dorénavant être accordé qu'en cas d'absence du traitement approprié dans le pays d'origine. Ce dispositif avait déjà été adopté le mois dernier par le Sénat, lors de l’examen en deuxième lecture du projet de loi. La nouvelle disposition prévoit cependant que l'autorité administrative pourra prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles pour l'attribution du titre de séjour, après avoir recueilli l'avis du directeur général de l'Agence régionale de santé.

Concernant la réforme du régime de rétention des sans-papiers en instance d'expulsion, la commission mixte paritaire a finalement adopté la version de l'Assemblée nationale : l'intervention du juge des libertés et de la détention sera repoussée à cinq jours, contre deux actuellement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui !

M. Éric Diard. Cette mesure a pour objectif une meilleure efficacité des procédures d'éloignement, puisque, actuellement, moins de 30 % des sans-papiers placés en rétention sont finalement reconduits aux frontières. Le délai de cinq jours a été calculé pour permettre au juge administratif de statuer dans de bonnes conditions avant que le juge judiciaire ne soit lui-même appelé à se prononcer. En effet, la situation actuelle entremêle les interventions de ces deux juges.

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission mixte paritaire. Absolument !

M. Éric Diard. L'instauration d'un délai de cinq jours permettra au juge administratif d'avoir statué sur le fond de la mesure d'éloignement avant que le juge judiciaire ne se prononce sur la prolongation de rétention. Les cinq jours se décomposent de la manière suivante : un délai de recours de quarante-huit heures au bénéfice de l'étranger, puis un délai de soixante-douze heures pour que le juge administratif puisse statuer.

Le présent projet de loi s'inscrit dans la continuité de la politique menée par le Gouvernement. L'immigration est un sujet complexe, qui doit répondre à un principe clé : rechercher l'intégration des étrangers en situation légale et lutter contre l'immigration illégale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le ministre, ce projet de loi sur l’immigration sera inapplicable, comme la réforme sur la garde à vue, et restera le symbole de l'échec de votre politique en matière d'immigration. À défaut de convaincre sur les vraies préoccupations des Français – emploi, logement, pouvoir d'achat, etc. –, vous légiférez, une fois de plus, sans prendre, comme cela a été souligné par notre collègue Mazetier, les mesures qui permettraient de gérer intelligemment les flux migratoires dans le cadre d'une politique européenne coordonnée et cohérente.

Vous avez révélé, monsieur le ministre, la nature de ce texte lorsque vous avez déclaré que « l'intérêt de la société impose nécessairement de limiter les droits des individus ».

Je rappellerai que nous construisons aussi les droits de la société en respectant les droits des individus et que la démocratie, c'est aussi la recherche permanente de l'équilibre entre le droit à la sûreté et à la sécurité et les libertés individuelles. Or, lorsqu'on ne respecte pas les droits des individus, c'est la société tout entière qui tremble et qui s'en trouve fragilisée. Cela s’appelle le corps social.

Ainsi, nous ne pouvons accepter que le juge des libertés, membre à part entière de l'autorité judiciaire, elle-même garante de la liberté individuelle, se trouve, dans votre projet, limité, pour ne pas dire contourné, dans ses compétences et ses prérogatives.

Alors que le délai fixé au juge des libertés et de la détention – JLD – pour statuer est réduit, celui dont bénéficie le procureur pour contester une décision refusant le maintien en zone d'attente est prolongé. Le procureur se voit confier les mêmes responsabilités, ou presque, qu'un préfet.

Le caractère suspensif de l'appel porte bien sur une privation de liberté : il est donc attentatoire aux droits fondamentaux. Il aura d’ailleurs pour effet de rendre extrêmement difficile l'accompagnement par les avocats des personnes concernées. Si vous vouliez démontrer que le procureur de la République relevait de l’autorité judiciaire, vous avez fait, en fait, un pas en sens inverse.

En cas de recours contre une obligation de quitter le territoire français, le juge administratif se prononcera avant le juge des libertés – sans que cela ne vous fâche nullement, monsieur le ministre. Le juge des libertés n’interviendra que dans un délai de cinq jours, alors même, comme le soulignait, là encore, notre collègue Mazetier, qu’il est le garant de la légalité des procédures engagées à l’encontre des étrangers. Vous affaiblissez encore son rôle.

Le Conseil constitutionnel ne vous a-t-il rien dit sur ce sujet, il y a quelques semaines ?

Je veux également insister sur votre interprétation, à nos yeux fallacieuse, de la directive « retour ». Celle-ci établit une gradation des mesures à prendre en vue de l'exécution de la décision de retour, en subordonnant « expressément le recours à des mesures coercitives au respect des principes de proportionnalité et d'efficacité ». Ce recours n’est pas systématique, monsieur le ministre.

Placer quelqu'un en rétention, c'est le priver de sa liberté d'aller et de venir. Ce n'est pas parce que la personne dispose d'un peu plus de confort que dans un cadre carcéral qu'elle n'est pas privée de sa liberté, puisqu’elle se trouve dans un lieu dont elle ne peut franchir la porte.

M. Bernard Roman. Tout à fait !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Telle est bien l'appréciation du Conseil constitutionnel qui a encadré le dispositif législatif : la rétention est un lieu qui prive une personne de son droit fondamental d'aller et de venir. Le placement en rétention est donc grave et a des conséquences importantes en ce qu'il atteint les droits fondamentaux et individuels.

L'une des critiques que nous formulons à l’encontre de votre texte, c'est de systématiser l'utilisation du placement en rétention, alors que vous pouviez faire autrement. La directive « retour » prévoit deux cas où l'État peut placer les personnes dans un dispositif de rétention. Vous en prévoyez beaucoup plus,…

M. Bernard Roman. Huit !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …en prétendant que le risque de voir les personnes s’échapper est grand. Mais, lorsque le sujet n'est pas placé en rétention et reste à son domicile, la directive « retour » vous donne aussi la possibilité d’organiser un contrôle. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ?

Vous prévoyez simplement le cas où il est accordé à l'étranger un délai de départ volontaire. Mais vous n’avez pas utilisé les possibilités de contrôle dans la résidence de celui-ci.

En n’utilisant pas les possibilités de contrôle que la directive « retour » offre à chaque État, le dispositif que vous mettez en place recourt systématiquement au placement en rétention. C’est là votre doctrine ! Et la référence à la directive « retour » ne sert qu’à dissimuler ce choix.

Vous voulez que les gens soient placés en rétention, car c'est, selon vous, le seul moyen de conduire à terme l'exécution de la décision de l'autorité d'État, alors que le Conseil constitutionnel, les juridictions des ordres judiciaire et administratif et même la directive « retour » vous offrent des possibilités différentes. C'est ce qui fait toute notre différence.

Assez d’hypocrisie ! Comment pouvez-vous prétendre, de l’autre côté de la Méditerranée, défendre les droits, la liberté et la démocratie, alors que vous construisez ici l’injustice au quotidien, alors même que nos soldats sont au combat ?

M. Bernard Roman. Tout à fait !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Lorsque vous opposez l’ordre de la force à l’impérieuse exigence humanitaire, monsieur le ministre, cet ordre devient désordre. Nous ne l’acceptons pas, et c’est pourquoi nous n’acceptons pas votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi sur l'immigration, l'intégration et la nationalité entérine un nouveau recul des droits des étrangers. Trois ministres se sont succédé pour nous vendre cette loi inique, qui rompt avec les droits fondamentaux.

Ce projet de loi est l'enfant du discours de Grenoble et de la chasse aux Roms, du débat malsain sur l'islam et de vos déclarations nauséabondes, monsieur le ministre, sur les croisades, le sentiment des Français de ne plus être en France ou sur la place des musulmans, et maintenant de la chasse aux jeunes Tunisiens. Cette fuite en avant de votre gouvernement, obsédé par l'échéance présidentielle et la montée en puissance de Mme Le Pen, qui est en train devenir la seule référence de la droite française, est devenue une stratégie en soi. Elle divise les Français, tout comme votre majorité. Mais, espérant sauver la mise en comptant sur la dynamique de peur engendrée, vous vous obstinez à poursuivre la ligne dictée par M. Patrick Buisson : faire de l'immigration le centre de la vie politique française, en substituant cette question à celle de votre échec total dans les domaines sociaux, économiques, écologiques.

En attendant, votre politique fait des dégâts humains. Mais vous vous en moquez. Plus de tabous, plus de barrière morale, plus d'interdits dans la traque à l'ennemi intérieur désigné : l'autre, l'étranger, l'immigré, le pauvre. Oui, ce projet de loi est l'illustration parfaite de votre course à l'échalote avec Mme Le Pen qui vous a attribué assez judicieusement, je dois le dire, une carte d'adhérent d'honneur du Front national.

Vous en finissez d'abord avec le tabou de l'égalité des soins entre malades français et étrangers. Jusqu'à présent, lorsque les étrangers résidant en France étaient atteints d'une maladie grave, comme le Sida, l'hépatite, le cancer ou la tuberculose, ils ne pouvaient pas être expulsés et avaient droit à une carte de séjour s'ils n'avaient pas effectivement accès à une prise en charge médicale dans leur pays d'origine. Le projet de loi conditionne maintenant l'autorisation de séjour à l'absence de traitement dans le pays d'origine, …

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission mixte paritaire. C’est la même chose !

M. Noël Mamère. …ce qui n'a rien à voir : les médicaments existent à peu près partout, mais ils peuvent être disponibles en quantité insuffisante, dans un seul lieu ou à des tarifs prohibitifs. Cette disposition non seulement est inutile, mais elle est encore et surtout dangereuse car elle mettra en péril la santé et la vie des personnes concernées, et elle constituera une menace pour la santé publique et une atteinte au secret médical.

Deuxième régression : la rétention. Elle passera de 32 à 45 jours maximum. La mesure apparaît principalement punitive : même si les personnes sont relâchées in fine, elles auront passé plus de temps enfermées et dans la peur d'être expulsées.

Troisième régression : la limitation du rôle du juge des libertés et de la détention. En cas de recours contre une obligation de quitter le territoire français, le juge administratif se prononcera avant le juge des libertés et de la détention. Je constate que les sénateurs se sont malheureusement ralliés à la version des députés qui prévoit de retarder de 48 heures à cinq jours l'intervention du JLD, qui est pourtant le garant de la légalité des procédures engagées à l'encontre de l'étranger, au risque que des reconduites à la frontière aient lieu sans que ce juge ait été amené à se prononcer. L’objectif est donc de contourner ces juges judiciaires, que vous accusez de faire obstacle aux expulsions.

Quatrième régression : le bannissement du territoire européen. Le projet de loi crée une interdiction de retour sur le territoire français, qui se veut dissuasive, notamment au regard de sa dimension européenne. De fait, les personnes concernées – y compris celles qui résident en France depuis des années, qui y sont mariées ou qui y ont des attaches familiales – ne pourront plus revenir, une fois expulsées, ni en France ni ailleurs en Europe, pendant une durée de deux à cinq ans. La décision de l'autorité administrative devra, certes, être motivée. Mais cette mesure, qui découle de la directive « retour » de 2008, n'est pas accompagnée de toutes les garanties prévues par le texte européen.

Cinquième régression : la chasse aux Roms est institutionnalisée. Les ressortissants européens feront l'objet d'une mesure d'éloignement en cas d’« abus d'un court séjour » – c’est-à-dire de moins de trois mois – lorsqu'ils multiplient les allers-retours « dans le but de se maintenir sur le territoire » ou s'ils constituent « une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale ». Cette disposition a une visée particulière sur une population très ciblée.

Sixième régression : des zones d'attente mobiles sont installées pour gérer le droit d'asile. Des zones d'attente spéciales, à l'image de celles qui existent dans les aéroports, pourront voir le jour. Aux termes de l’article 6 du projet de loi, « lorsqu'il est manifeste qu'un groupe d'au moins dix étrangers vient d'arriver en France en dehors d'un point de passage frontalier, en un même lieu ou sur un ensemble de lieux distants d'au plus dix kilomètres, la zone d'attente s'étend, pour une durée maximale de vingt-six jours, du ou des lieux de découverte des intéressés jusqu'au point de passage frontalier le plus proche. » Avec cette disposition, vous voulez tout simplement faire oublier l’échec que vous avez essuyé en 2010 quand une centaine de Kurdes de Syrie ont débarqué en Corse et que vous avez été condamnés par les tribunaux.

Cerise sur le gâteau, vous proposez une mesure aussi inutile que xénophobe : la création d'une variante au mariage de complaisance, ce que M. Besson, l’un de vos prédécesseurs, appelait le « mariage gris », qui pénalise les unions conclues entre un étranger et une personne de nationalité française, qui se sentirait « abusée ».

Enfin, vous abandonnez un domaine où vous auriez pu proposer une avancée : la répression des patrons fraudeurs et négriers. Vous ne voulez pas effrayer ce qui reste de votre base sociale. C’est ainsi que les employeurs d’étrangers sans titre de séjour seront finalement exonérés de responsabilité,…

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission mixte paritaire. Pas du tout !

M. Noël Mamère. …s’ils sont de bonne foi !

Mme la présidente. Il vous faut conclure, monsieur Mamère.

M. Noël Mamère. Les députés écologistes et le groupe GDR ne voteront pas, cela va sans dire, cette loi d’exception, que la gauche s’engage à faire disparaître dès son arrivée au pouvoir.

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission mixte paritaire. On a le temps alors !

M. Noël Mamère. En ce 10 mai, symbole du renouveau de la France en 1981, cet engagement doit valoir programme. Nous ne nous résignerons pas face à la politique du pilori, face à la xénophobie d’État que vous êtes en train de mettre en œuvre. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Monsieur le Bouillonnec, j’ai été choqué par les propos que vous avez tenus.

M. Roland Muzeau. Vous vous en remettrez.

M. Michel Hunault. J’admire le fait que vous soyez toujours très vigilant sur les questions de liberté – cela suscite chez un certain nombre de collègues, dont je suis, beaucoup de respect – mais je vous invite à regarder la situation avec objectivité. Vous avez voulu donner une leçon au ministre et à la majorité sur cette exigence en matière de liberté, mais c’est cette majorité qui a le meilleur bilan à cet égard.

En quatre ans, nous avons créé le contrôleur de tous les lieux privatifs de liberté, qui a compétence sur les zones de rétention, voté la loi pénitentiaire, institué le Défenseur des droits, adopté la question prioritaire de constitutionnalité, qui permet à tout justiciable d’attaquer la loi aujourd’hui. Comment pouvez-vous prétendre que ce texte relève du non-droit ? C’est faux !

Le texte qui nous est soumis est la transposition de trois directives de l’Union européenne.

M. Bernard Roman. Pas seulement !

M. Michel Hunault. Nous avons l’obligation de transposer ces directives. Vous savez très bien que la France est souvent montrée du doigt à Bruxelles parce qu’elle est en retard dans la transposition des directives européennes.

C’est une exigence pour tout Gouvernement et toute majorité de vouloir établir des règles, de choisir les immigrés qui viennent sur notre sol afin de les traiter avec dignité. C’est bien l’absence de règles qui génère des situations insatisfaisantes sur le plan humain. Le rapporteur et le ministre l’ont souligné, et les chiffres parlent d’eux-mêmes : nous sommes parvenus à un texte d’équilibre.

M. Mamère a évoqué la situation des étrangers qui sont en France pour se soigner. C’est une discussion que nous avons eue en commission et dans l’hémicycle car nous avions été alertés par les associations. Mais là encore, l’opposition fait dire au texte des choses qui n’existent pas. Je crois savoir, monsieur le rapporteur, que vous êtes pour beaucoup dans la solution équilibrée qui a été adoptée par la commission mixte paritaire.

Monsieur le ministre, je voudrais vous dire, au nom des députés du Nouveau Centre, combien nous avons apprécié le ton qui a présidé à la seconde lecture de ce projet, votre esprit d’ouverture et les préoccupations que vous avez exprimées.

Avec le rapporteur, nous avons essayé de bâtir un texte qui réponde à un double objectif : d’une part, une exigence de dignité et d’humanité qui nous est commune à nous tous ; d’autre part, la nécessité de fixer des règles et de permettre à la personne qui choisit de venir sur notre sol, et qui répond à un certain nombre de critères, d’être insérée. Voilà l’esprit de ce texte.

En contrepartie, et c’est peut-être ce qui nous différencie, chers collègues de l’opposition, ce texte est un instrument visant à lutter contre l’immigration illégale. Il existe en effet des filières qui traitent les étrangers en situation illégale de façon indigne. Nous devons faire la guerre aux filières d’immigration clandestine. Ce texte nous en donne précisément les moyens.

C’est d’autant plus nécessaire que, depuis la seconde lecture, nous assistons, jour après jour, à une vague d’immigration.

M. Régis Juanico. Oh !

M. Bernard Roman. C’est l’invasion !

M. Roland Muzeau. La faute à qui ?

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission mixte paritaire. Ce n’est pas de notre faute quand même !

M. Roland Muzeau. C’est la faute à l’Europe !

M. Michel Hunault. Chers collègues de l’opposition, vous aspirez à être majoritaires l’année prochaine, mais vous ne le serez pas si vous ne regardez pas la réalité en face. Tous les jours, des migrants arrivent sur nos côtes. Il faut bien que nous prenions cette situation en compte.

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission mixte paritaire. Bien sûr !

M. Bernard Roman. Que faut-il faire ? Les rejeter, appliquer la méthode Brunel ?

M. Michel Hunault. Les députés du Nouveau Centre apprécient le fait que, sous l’autorité du Président de la République, vous ayez, monsieur le ministre, demandé à nos collègues de l’Union européenne de revoir les règles de Schengen pour faire face à ces situations exceptionnelles. Ce texte, qui donne précisément les moyens de répondre à des situations exceptionnelles, devrait faire l’objet d’un consensus.

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission mixte paritaire. Absolument !

M. Michel Hunault. Et je crois, chers collègues de l’opposition, que vous devriez vous exprimer à son propos avec plus de prudence.

En tout état de cause, je le répète au nom du Nouveau Centre, demain, nous voterons quant à nous ce texte dans un esprit de responsabilité. Je n’entrerai pas dans le détail : comme nous avons eu l’occasion de le dire, toutes les dispositions, que ce soit sur les zones de rétention, le rôle des juges, administratif ou judiciaire, respectent la dignité des personnes.

Certes, monsieur Le Bouillonnec, une personne placée en zone de rétention est privée de sa liberté d’aller et venir, mais elle n’est pas privée pour autant de sa dignité.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si c’était vrai !

M. Michel Hunault. Le texte que nous allons voter prévoit des garanties et si jamais il y avait des manquements, le juge serait là pour les révéler. Ce projet de loi transpose des directives et il le fait avec courage.

Monsieur le ministre, je vous le dis droit dans les yeux, tenez bon, il pèse sur vous une grande responsabilité. Vous avez le soutien des députés du Nouveau Centre dans la situation exceptionnelle que nous traversons.

M. Bernard Roman. Vive le centre !

M. Michel Hunault. La situation est exceptionnelle pour vous, mais aussi pour l’ensemble des législateurs. Allez voir, messieurs, ce qui se passe sur le terrain.

M. Bernard Roman. Nous y sommes sur le terrain !

M. Michel Hunault. Ne pas traiter la situation des populations immigrées en situation illégale serait manquer à nos responsabilités. Pour notre part, nous assumerons les nôtres. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. J’ai été, je l’avoue, très désagréablement surpris par nombre de dispositifs de ce projet de loi. Je me limiterai, dans ce bref exposé, aux problèmes des soins dispensés sur notre sol aux personnes étrangères.

Les articles concernés suscitent l’indignation de nombreux parlementaires, de l’immense majorité des médecins et des associations humanitaires ou sanitaires. La presse s’en est d’ailleurs fait l’écho très largement.

Certains mots tuent. Des articles de loi peuvent tuer. Réserver l’accès de traitements indispensables aux seuls étrangers pour lesquels les traitements n’existent pas dans le pays d’origine est inhumain. Le retour imposé au pays d’origine de ces malades vaut souvent arrêt de mort. Pour le seul cas du sida, les traitements antirétroviraux existent dans presque tous les pays, y compris dans les pays subsahariens où la maladie est fréquente, mais parfois seulement pour les dirigeants et quelques personnes favorisées. Les autres soit n’ont pas accès au traitement, soit ne reçoivent que des contrefaçons totalement inefficaces.

M. Bernard Roman. Il faut répondre à cela, messieurs !

M. Jean-Louis Touraine. Trois grandes raisons me semblent rendre déraisonnables les dispositions prévues.

Premièrement, la raison humanitaire, le refus de dispenser des soins à des personnes en danger de mort.

Deuxièmement, la violation du serment médical, lequel est dérivé du serment d’Hippocrate qui est prêté par tous les médecins : ces médecins vont donc devoir choisir, soit violer la loi, soit violer leur serment.

Troisièmement, la menace grave pour la santé publique dans notre pays. Des maladies infectieuses non traitées et potentiellement graves, le sida, la tuberculose et beaucoup d’autres, feront que les pathologies vont se développer, y compris sur notre sol ; elles se propageront et contamineront un nombre d’autant plus important de personnes que les sujets infectés ne seront pas traités. Ce projet de loi entraînera de plus des retards de sollicitation de traitement de la part des malades étrangers, et donc une augmentation des cas de contamination.

Prévoir que le préfet, et lui seul, pourra évaluer les considérations humanitaires exceptionnelles permettant de déroger à la loi est absurde.

M. Bernard Roman. Mais oui !

M. Jean-Louis Touraine. Quelle est la compétence médicale du préfet ? Comment le secret médical pourra-t-il être, d’après la loi, violé par le préfet ?

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission mixte paritaire. Ce n’est pas le préfet qui décide !

M. Bernard Roman. Mais si !

M. Jean-Louis Touraine. Ces mesures retirant l’accès aux soins des étrangers ont d’ailleurs été supprimées par deux fois lors de l’examen devant la commission des lois au Sénat avant d’être réintroduites à la demande du Gouvernement. Cette commission avait considéré que l’impact budgétaire de cette modification était très incertain, vraisemblablement à peu près nul compte tenu de la nécessité de soigner alors des formes beaucoup plus évoluées de maladies dans des conditions d’urgence, faute d’avoir pu prendre en charge au moment opportun les patients concernés.

M. Serge Blisko. Bien sûr !

M. Jean-Louis Touraine. En conclusion, j’exhorte au retrait d’un texte malencontreux, non équilibré et bien loin des valeurs humanistes qui devraient caractériser notre pays. J’espère d’ailleurs que tous les médecins de notre assemblée, quelle que soit leur sensibilité politique, auront à cœur de se souvenir de leurs engagements, de leur serment et donc de voter contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Fernand Siré. Qui paie les médecins ?

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission mixte paritaire. Eh oui ! Le serment d’Hippocrate et la sécurité sociale, ce n’est pas la même chose !

M. Bernard Roman. On parle de déontologie. Cela n’a rien avoir avec le fait de savoir qui va payer !

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Mois après mois, la mobilisation des citoyens, des juristes et des associations contre ce texte n’a pas faibli, mais le Gouvernement s’est obstiné. Avec la complicité de sa majorité, il a mis en œuvre des changements radicaux, en nous les présentant comme des mesures de « simplification » et en prétendant que le droit communautaire nous y obligeait.

En fait, nous assistons ici à une modification en profondeur du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dont les dispositions sont, une fois plus, considérablement durcies.

Avec ce texte, le Gouvernement a volontairement agité des peurs. Il est destiné à flatter les opinions les plus réactionnaires – les élections ne sont pas loin – et va, ce que je déplore, bouleverser la vie de nombreux migrants. Les présentes dispositions vont bien au-delà de ce que fixent les trois directives européennes et n’intègrent évidemment pas les quelques mesures qui pourraient alléger leur vie.

Le retrait du dispositif sur la déchéance de la nationalité ne saurait berner qui que ce soit et n’enlève rien aux violations graves des droits fondamentaux dont se rend responsable le Gouvernement.

Ce texte condamne un certain nombre de malades en encadrant plus strictement le droit au séjour pour les sans-papiers atteints de pathologies graves. Vous nous dites que là n’est pas votre intention puisque le titre de séjour « étranger-malade » sera accordé en cas d’absence de traitement approprié dans le pays d’origine.

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission mixte paritaire. En effet.

M. Roland Muzeau. Or, vous le savez, même si le traitement existe dans le pays d’origine, il est le plus souvent inaccessible au plus grand nombre de malades, notamment pour des raisons financières ou géographiques.

La hausse de la durée maximale de l’enfermement, qui pourra aller jusqu’à quarante-cinq jours, ne vise qu’à laisser plus de temps aux consulats afin qu’ils délivrent les laissez-passer indispensables aux reconduites à la frontière de leurs ressortissants.

Vous mettez à l’écart le juge de la liberté et de la détention en retardant son intervention, alors qu’il est le seul garant du respect des conditions d’interpellation et de rétention. Considérée comme le cœur de votre réforme, parce qu’elle permettrait une meilleure efficacité des procédures d’éloignement, cette mesure vise, en effet, à reconduire le plus rapidement possible l’étranger hors de nos frontières, avant son passage devant un juge judiciaire.

Vous créez également une fiction juridique, les zones d’attente sac à dos pour refouler plus facilement les migrants en les privant de tout accès effectif à leurs droits. Je n’oublie pas non plus votre volonté de traquer les « mariages gris », les mariages blancs ne suffisant plus aujourd’hui à votre discours politique.

La France, patrie des droits de l’homme, dont vous vantez les valeurs d’égalité, de liberté et de fraternité, ne pourra plus, après ce texte et tous les précédents votés malheureusement par votre majorité, se targuer d’être une terre d’accueil. Les politiques que vous prônez, seul moyen d’après vous pour juguler la crise que vos choix n’ont fait qu’augmenter, sont xénophobes.

Vous ne cherchez qu’à détourner les regards des causes profondes de l’immigration que sont le déséquilibre et les inégalités économiques du monde, l’extrême pauvreté, mais aussi les guerres engagées ou entretenues au détriment des populations et du droit des peuples à l’autodétermination.

Vos choix législatifs marquent un tournant préoccupant pour notre pays. On pouvait croire les vieux démons enfouis. Hélas ! force est de constater qu’ils ne demandent qu’à refaire surface et à détruire ce qui fait la société et le monde.

Au lieu de faire prévaloir d’autres valeurs tels la solidarité entre les peuples, la coopération, le partage des richesses, le droit au développement, le Gouvernement préfère dénoncer les hommes et les femmes qui s’aiment, traquer les jeunes Tunisiens dans les rues de Paris alors qu’ils sont dotés de titres de circulation dans l’espace Schengen, laisser en grande difficulté les enfants malades de cinq ans qui auraient pu avoir la vie sauve si un visa avait été délivré à temps, comme l’a montré la réalité, expulser de jeunes majeurs scolarisés à quelques jours de leur examen, brisant ainsi leur vie. Et je n’oublie pas les Roms. La liste complète serait longue et bien triste.

Il faut dénoncer avec force le racisme partout et sans relâche, le traquer dans tous les coins de notre pays car, ainsi que le dit Frantz Fanon, « Le racisme obéit à une logique sans faille. Un pays qui vit, tire sa substance de l’exploitation de peuples différents, infériorise ces peuples. Le racisme appliqué à ces peuples est normal […] et n’est donc pas une constante de l’esprit humain. Il est […] une disposition inscrite dans un système déterminé. »

Pour toutes les raisons évoquées, il est bien évident que les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine rejetteront ce texte et continueront à porter d’autres valeurs, à exiger du Gouvernement qu’il cesse de désigner à la vindicte les plus précaires et de pourchasser les personnes les plus vulnérables.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Monsieur le ministre, c’est toujours avec angoisse que nous voyons arriver un nouveau texte. On se demande à chaque fois ce que le Gouvernement a bien pu inventer. Et je dois dire que nous avons été très surpris, une fois de plus, par votre imagination : après le mariage blanc, vous avez inventé le « mariage gris » ; après la présomption d’innocence pour les employeurs qui emploient des clandestins et ne vérifient pas leurs papiers, vous avez inventé l’impunité absolue, l’auto-amnistie pour ces personnes.

Mais ce qui nous blesse le plus, comme l’ont dit MM. Touraine et Roman, c’est cet acharnement sur les plus fragiles : les demandeurs d’asile. Vous leur rendez la vie difficile. Pour ma part, je me réjouis qu’il y ait de nombreuses demandes d’asile en France : on sait que c’est la patrie des droits de l’homme. Mais l’examen est sévère. La première et la deuxième instance ne sont pas des filtres faciles. L’examen de la demande par l’OFPRA et par la Cour nationale du droit d’asile est un moment difficile pour les demandeurs d’asile.

On ne peut pas invoquer les bouleversements du monde, en Europe, au Proche-Orient ou dans des pays qui sont de l’autre côté de la Méditerranée, pour dire qu’il y a trop de demandeurs d’asile. On pourrait le dire si le système était vraiment une passoire, ce qui n’est pas le cas. Seulement 20 à 22 % des demandeurs d’asiles bénéficient finalement du statut de réfugié. Et ce chiffre ne peut que diminuer car, si la demande augmente, la sévérité est également accrue. N’oublions pas en outre que les variations sont à la fois géographiques et saisonnières. En effet, les gens arrivent massivement par moment du Proche-Orient, d’Afghanistan ou du Kurdistan – ce pays n’a pas d’existence légale mais on connaît le sort des populations kurdes.

Mme Mazetier a fait allusion, une fois encore, à l’arrivée, en janvier 2010, de 700 personnes sur une plage en Corse. Finalement, on a appris qu’il s’agissait de Kurdes qui auraient dû avoir la nationalité syrienne. Mais la Syrie, dont on découvre aujourd’hui que c’est un État dictatorial, leur avait retiré la nationalité, voire jamais donné. Ces personnes étaient donc étrangères dans leur propre village, leur propre pays. Voilà ce que recouvre aujourd’hui la demande d’asile.

Je le répète, vous mettez en danger les plus fragiles, et la démonstration que vient de faire M. Touraine est éclatante à cet égard. Le débat sur les étrangers malades est un débat de casuistique absolue. Il est évident que tous les traitements sont disponibles dans la pharmacie centrale de la capitale d’un pays mais seul un nombre infime de personnes y a accès. Les 99 % restants de la population ne savent même pas ce que c’est que d’aller dans une pharmacie. En France, les personnes qui se retrouveront dans des centres d’hébergement risquent par ricochet de mettre en danger leur entourage parce qu’ils ne pourront pas soigner par exemple une tuberculose, maladie dont on constate la recrudescence dans ces milieux.

J’en viens maintenant à cette défiance extraordinaire à l’égard des juge des libertés et de la détention qui, on le sait, ne sont pas toujours extrêmement laxistes. Mais qui est le garant de la liberté d’aller et de venir, ce qui est l’un des fondements de notre démocratie ? Vous avez introduit, à juste titre, une disposition qui prévoit l’intervention du juge des libertés dans les hôpitaux psychiatriques au bout de quinze jours en cas d’hospitalisation sans consentement – ce délai de quinze jours répond à un problème médical, n’ayez crainte madame Mazetier. C’est l’un des rares point que nous avons approuvé. Du reste, tout le monde s’en est félicité, y compris ceux qui, dans le milieu psychiatrique, sont opposés à ce projet de loi, considérant qu’il est bon qu’il y ait un regard judiciaire ce qui ne veut pas dire une judiciarisation.

En l’occurrence, nous demandons la même chose. Mais vous vous y opposez, craignant que le JLD ait un regard plus protecteur des libertés que le juge administratif dont le rôle n’est pas de protéger les libertés mais de vérifier que la loi a bien été appliquée.

Ce texte est donc mauvais. Il inspire la méfiance, et il est peu protecteur, notamment de ceux que nous devrions protéger encore plus, c’est-à-dire les plus fragiles. Comme le disait tout à l’heure Julien Dray, nous sommes les adeptes raisonnables et résolus d’une régulation de l’entrée et des flux. Contrairement à ce que vous faites, nous ne devons pas être seulement dans la répression. Du reste, cet appel à la répression ne profite qu’à vos voisins – mais la porosité devient extrême – du Front national.

Voilà toutes les raisons pour lesquelles le groupe SRC rejettera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Texte de la commission mixte paritaire

Mme la présidente. Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.

Conformément à l’article 113, alinéa 3 du règlement, je vais appeler l’Assemblée à statuer d’abord sur l’amendement dont je suis saisie.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 1, avec l’accord du Gouvernement.

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission mixte paritaire. Cet amendement conjoncturel s’explique par la durée des débats sur ce texte. Au cours de cette période, la LOPPSI a été adoptée. Cette loi comportait un élément très proche d’un texte que nous avions précédemment adopté et qui a été annulé par le Conseil constitutionnel – dans sa grande sagesse. Il s’agit de la possibilité, pour le président du tribunal administratif ou un magistrat administratif, de pouvoir juger, soit dans les sièges de juridictions judiciaires, soit dans une salle d’audience attribuée au ministère de la justice dans les centres de rétention.

L’article 34 était ainsi rédigé : « Si une salle d’audience attribuée au ministère de la justice lui permettant de statuer publiquement a été spécialement aménagée à proximité immédiate de ce lieu de rétention ou en son sein, il peut statuer dans cette salle. » Le Conseil constitutionnel a cependant estimé, à juste titre, que le jugement devait se tenir publiquement et que, par nature, un centre de rétention ne pouvait être public. Pour se conformer à la décision du Conseil, il convient donc de modifier le texte en supprimant les mots « ou en son sein ».

J’espère, mes chers collègues, avoir été suffisamment clair.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Il s’agit de mettre le texte en conformité avec une décision très récente du Conseil constitutionnel. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Cet amendement, qui arrive en fin de course, est un aveu saisissant de l’amateurisme avec lequel on écrit la loi sous ce gouvernement. Le Conseil constitutionnel avait lourdement censuré la LOPPSI 2 avant la réunion de la commission mixte paritaire. Aussi le rapporteur avait-il eu tout loisir de déposer cet amendement avant, ce qu’il n’a pas fait.

Cher rapporteur, ne vous arrêtez pas en si bon chemin ! Du reste, je m’étonne que vous ne présentiez qu’un amendement à l’article 34. Dès la première lecture du texte et même dès le dépôt du projet de loi sur le bureau de l’Assemblée, l’article 34 était anticonstitutionnel. Il vous aura donc fallu un an pour constater cette inconstitutionnalité. Pour notre part, nous n’avons cessé de pointer, à chaque étape de l’examen de ce texte, toutes les mesures anticonstitutionnelles.

Peut-être avez-vous besoin d’un peu de temps pour rédiger des amendements supplémentaires et ainsi corriger le caractère anticonstitutionnel du report de l’intervention du JLD à cinq jours, de la peine automatique de bannissement décidée par l’administration loin du regard de toute autorité judiciaire, et les conséquences de l’adoption de l’article 17 ter dans la rédaction du Sénat que mes collègues viennent de rappeler.

Madame la présidente, peut-être pourrions-nous suspendre la séance quelques instants afin que le rapporteur rédige de nouveaux amendements. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Meunier. C’est tout ce que vous avez à dire ?

Mme Sandrine Mazetier. Nous tenons à sa disposition les centaines d’amendements que nous avons défendus ici. Il n’aura qu’à recopier. Nous ne demandons même pas de droits d’auteur !

Quand le Gouvernement donne un avis favorable sur un tel amendement, il est aussi sur la bonne voie. Suspendons la séance et travaillons ensemble pour que ce texte ne bafoue pas les règles fondamentales du droit.

M. Bernard Roman. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. M. Goasguen, collègue éminent que, comme nous tous, je respecte, a tort de considérer qu’il s’agit d’un amendement conjoncturel. Il s’agit en effet d’un amendement révélateur. (M. Goasguen rit.) Quant à vous, monsieur le ministre, vous avez tort également de fonder le dépôt de cet amendement sur la décision du Conseil constitutionnel.

Un amendement qui prévoit qu’un juge examine une situation et prononce sa décision dans un lieu privatif de liberté inaccessible au public n’est pas conjoncturel. Je vous rappelle que c’est depuis la Révolution française que les décisions de justice sont prononcées publiquement. Même à propos de certaines réformes comme celle portant sur la reconnaissance préalable de culpabilité, il a fallu que le Conseil constitutionnel vous le rappelle.

M. Bernard Roman. C’est vrai !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n’est pas conjoncturel, mais révélateur des conditions dans lesquelles, intellectuellement, ce gouvernement et cette majorité nient, démolissent les principes fondamentaux du droit de notre démocratie, ces principes que nos soldats sont en train de tenter d’établir depuis plusieurs mois dans les pays qui en sont privés de l’autre côté de la Méditerranée. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

M. Éric Diard. C’est une provocation !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je le dis exprès : il est inacceptable que vous parliez de modification conjoncturelle tant ce dispositif est inadmissible.

Pour ce qui vous concerne, monsieur le ministre, je me permets de vous rappeler que ce n’est pas la dernière décision du Conseil constitutionnel qui a fait valoir qu’on ne pouvait juger quelqu’un dans un lieu privatif de liberté. Juger quelqu’un publiquement, quelle que soit la cause du jugement, c’est la démocratie et ce principe, j’y insiste, vaut depuis 1789. Ce n’est pas une nouveauté !

De surcroît, monsieur le ministre, vous n’ignorez pas que le problème a déjà été posé, comme pour la loi Perben 2, et vous devez vous souvenir que le Conseil constitutionnel vous a querellé à ce sujet.

Cet amendement éclaire très précisément de quelle manière vous annihilez tous les principes fondamentaux de notre droit dans le seul objectif d’une prétendue efficacité. Plutôt qu’une réelle politique, on perçoit là un relent inacceptable.

La grande leçon que nous devons en tirer est qu’un jour il reviendra à l’Assemblée de se poser elle-même la question de la constitutionnalité des lois. Votre attitude réitérée tend à montrer à nos compatriotes que nous ne serions pas à même de défendre notre loi fondamentale, ce que nous ne saurions admettre. Il s’agit d’un retrait en première ligne et je vous en promets d’autres, dans quelques semaines, lorsque sera publiée la décision du Conseil constitutionnel, que j’attends avec une grande confiance. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission mixte paritaire. Il est dommage que nous ne disposions pas du Robert car je pourrais expliquer à nos chers collègues que l’adjectif « conjoncturel » ne concerne pas le fond mais le temps. Le Conseil constitutionnel a statué le 10 mars ; nous avons donc été saisis le 11 mars.

Je me félicite que Mme Mazetier se préoccupe de mon temps mais nous n’avons fait qu’appliquer, comme toujours, la décision du Conseil constitutionnel. Pour le reste, je ne souhaite pas donner dans la futurologie constitutionnelle. Que vous preniez vos désirs pour des réalités, cela vous regarde. Jusqu’à présent, le Conseil constitutionnel n’a pas statué sur les éléments.

Mme Sandrine Mazetier. Que faites-vous de la jurisprudence du Conseil constitutionnel ?

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission mixte paritaire. Ne parlez pas de la jurisprudence du Conseil constitutionnel !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le Conseil est tout de même le juge suprême de notre compétence !

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission mixte paritaire. Vous déposerez vos revendications auprès du Conseil constitutionnel ; il les examinera et nous verrons. Pas de futurologie !

La loi à laquelle vous faites référence, monsieur Le Bouillonnec, a été votée en 1789 et abolie en 1790. Si je recensais tous les moments de l’histoire pendant lesquels les tribunaux n’ont pas statué !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ne s’agit-il pas de notre loi fondamentale ?

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission mixte paritaire. Ne vous emballez pas ! Ne prenez pas, à partir d’un élément conjoncturel, vos désirs pour des réalités !

M. Philippe Meunier. Très juste !

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission mixte paritaire. De plus, monsieur Le Bouillonnec, comparer la manière dont les tribunaux administratifs français pourraient juger et le comportement de M. Kadhafi, voilà une singulière vision des choses !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je n’ai pas dit cela ! J’ai parlé du sang que nos soldats versaient pour établir le droit !

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission mixte paritaire. Vous avez évoqué les soldats qui se battent pour la liberté et « qui devraient… ».

M. Bernard Roman. M. Le Bouillonnec ne s’est jamais exprimé de la sorte !

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission mixte paritaire. Nous n’avons pas de leçons à donner à nos soldats qui combattent pour la liberté ! Comment osez-vous tenir de tels propos ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je n’ai pas dit cela !

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur Le Bouillonnec, je vous avais jusqu’à présent pris pour un avocat sérieux ; mais là, franchement, je considère que vos propos ont dépassé votre pensée.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous cherchez l’incident !

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission mixte paritaire. Nous n’avons pas de leçons à recevoir de votre part en matière de droits de l’homme. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous en prie !

M. Claude Goasguen, rapporteur. de la commission mixte paritaire. Ce texte sera examiné…

Mme Sandrine Mazetier. Vous êtes un amateur ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. Et vous une poissonnière !

Mme la présidente. Mes chers collègues, gardons notre calme et écoutons le rapporteur !

M. Bernard Roman. Vos propos sont inadmissibles, monsieur le rapporteur !

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur Roman, vous êtes un juriste avisé et savez très bien que ce texte sera examiné dans des conditions normales. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. Vous envoyez les étrangers à la mort ! Voilà ce que vous faites !

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission mixte paritaire. C’est cela, prenez vos désirs pour des réalités. Saisissez le Conseil constitutionnel et nous en reparlerons.

En tout cas, monsieur Le Bouillonnec, pas de comparaison du genre de celles à laquelle vous vous êtes livré, surtout de votre part ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je vous répète que je n’ai pas tenu les propos que vous me prêtez !

(L’amendement n° 1 est adopté.)

M. Serge Blisko. Mascarade !

Mme la présidente. Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet auront lieu le mercredi 11 mai après les questions au Gouvernement.

8

Interdiction de la fracturation hydraulique

Discussion d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi de M. Christian Jacob et de plusieurs de ses collègues visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique (n°s 3301, 3392).

La parole est à M. Michel Havard, co-rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Michel Havard, co-rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Madame la présidente, madame la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, l’Assemblée est aujourd’hui chargée d’examiner la proposition de loi n° 3392, issue des travaux de la commission du développement durable, à la suite de l’examen de la proposition de loi n° 3301, déposée par Christian Jacob et un certain nombre de nos collègues du groupe UMP.

La rédaction actuelle du texte est sensiblement différente de celle proposée initialement,...

M. Yves Cochet. Ah, oui ! Malheureusement !

M. Michel Havard, rapporteur. …je le reconnais.

À cause de ces modifications, nous nous sommes vus reprocher, avec Jean-Paul Chanteguet, mon co-rapporteur, une certaine soumission aux industriels, un abandon de nos responsabilités, un recul par rapport aux déclarations initiales. J’ai le sentiment, au contraire, que nous avons réussi à mieux cerner le problème, à établir un dispositif juridique plus solide et à répondre aux attentes de nos concitoyens.

M. Christian Jacob.Tout à fait !

M. Michel Havard, rapporteur. Je vais tâcher de vous en convaincre.

Cette proposition de loi poursuit un triple objectif : elle vise tout d’abord à garantir la protection de l’environnement et la sécurité sanitaire face aux risques engendrés par une technologie qui apparaît encore perfectible et peu conforme aux objectifs de développement durable que nous nous sommes fixés ; ensuite, elle entend répondre à une inquiétude de nos concitoyens, que nous avons tous ressentie sur le terrain, au contact des élus, des associations et des populations ; enfin, elle constitue une première étape vers la mise en place d’une information du Parlement sur les techniques d’exploration et d’exploitation du sous-sol et la connaissance de nos réserves énergétiques, et ouvre la voie à une réflexion sur la modernisation du code minier, au service d’une politique ambitieuse et conforme à nos engagements.

Il y a encore quelques mois, les techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux mises en œuvre sur notre territoire étaient méconnues, et peu de nos concitoyens, voire peu d’entre nous, avaient connaissance de l’existence de permis exclusifs de recherches si nombreux. Or la médiatisation du film Gasland, la mobilisation sur le terrain des élus, des associations et des riverains ont attiré l’attention des médias qui ont fortement relayé une contestation devenue quasiment nationale.

Nous sommes donc confrontés à un contexte particulier. L’émotion de nos concitoyens est vive et il est de la responsabilité de la représentation nationale d’être à l’écoute de leurs inquiétudes.

Cette réaction de la population et des élus est tout à fait légitime, tant la découverte de ces permis a été brutale et a surpris nombre d’acteurs, même parmi les plus concernés.

M. Yves Cochet. Nous n’étions pas au courant !

M. Michel Havard, rapporteur. Il nous incombe de clarifier le débat, d’identifier avec précision les points problématiques, afin de garantir à une industrie œuvrant depuis des années sur notre territoire, dans des conditions satisfaisantes, la poursuite de ses activités et, dans le même temps, de rassurer les citoyens quant à l’impossibilité pour ces opérateurs d’avoir recours à des technologies présentant des risques pour l’environnement, la santé, l’identité de nos territoires, et allant à l’encontre de nos valeurs.

À l’origine, le débat portait sur l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels. Au-delà des emblématiques gaz et huiles de schistes, il s’agit du gaz de houille, des gaz et huiles de réservoir compact et des hydrates de méthane.

Au cours de nos travaux, nous avons compris que ce n’est pas la nature de l’hydrocarbure qui pose problème mais la technique d’extraction employée dans certains cas : la fracturation hydraulique. C’est cette technique qui présente un certain nombre de risques environnementaux et sanitaires.

L’eau constitue le premier et le principal de ces problèmes, à tous les stades de la production, qu’il s’agisse de la quantité utilisée, du risque de pollution des nappes phréatiques à l’occasion de la fracturation et de la remontée d’une partie du fluide de fracturation vers la surface, ou bien de la question du traitement des eaux usagées chargées de métaux lourds. À ce sujet, je vous rappelle qu’en août 2010, la ville de New York a suspendu l’exploitation des gaz de schiste sur le gisement de Marcellus dans les zones à proximité des nappes phréatiques alimentant la ville, cela afin d’éviter tout risque de contamination.

Le second problème sérieux concerne la présence d’additifs chimiques dans le fluide de fracturation. Ne nous laissons pas tromper par les chiffres : s’ils ne représentent que 0,5 % de la composition du fluide, cela équivaut tout de même à un volume de plusieurs dizaines de mètres cubes pour un puits.

Il ne s’agit pas d’énumérer un à un l’ensemble des risques engendrés par l’utilisation de la fracturation hydraulique mais permettez-moi de rappeler que, à travers le Grenelle de l’environnement et la charte de l’environnement, nous avons manifesté un engagement fort en faveur de la protection de notre environnement et de la santé humaine.

Dès lors, les risques environnementaux et sanitaires engendrés par la fracturation hydraulique justifient son interdiction.

Les auditions auxquelles nous avons procédé nous ont interpellés sur deux points : d’abord, nous avons appris que la fracturation hydraulique n’est pas nécessairement utilisée pour l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels, par exemple le gaz de houille ; elle peut l’être en revanche dans le cadre d’une activité d’exploitation d’hydrocarbures conventionnels. La fracturation hydraulique est alors employée comme technique de stimulation de la roche ou du réservoir afin d’améliorer la productivité du puits.

Comment interdire une technique pour un type d’hydrocarbures et l’autoriser pour un autre ? La commission du développement durable a donc supprimé la référence au caractère non conventionnel des hydrocarbures et propose d’interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par forage suivi de fracturation hydraulique.

Je vais revenir sur la nouvelle rédaction de l’article 2, qui a cristallisé de nombreuses interrogations ces derniers jours. De multiples critiques ayant été émises je veux préciser quelques éléments.

La version initiale de l’article 2 était la suivante : « Les permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels sont abrogés ».

M. Yves Cochet. Excellent !

M. Michel Havard, rapporteur. Pour certains, cette formule est limpide et ne souffre pas la contestation. Le seul problème, si vous me permettez, est qu’elle n’est pas applicable en l’état actuel de notre droit. En effet il n’existe pas de permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures non conventionnels, le droit français n’opérant pas de distinction entre le conventionnel et le non conventionnel.

Est-il utile de rappeler que le Conseil constitutionnel a consacré à de multiples reprises « l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi », qui impose au législateur « d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ». La rédaction issue des travaux en commission va dans ce sens.

Au sein des services ministériels, le bureau exploration-production des hydrocarbures a dressé une liste de permis comportant des projets pour des hydrocarbures non conventionnels. Celle-ci n’est pas satisfaisante, dans le sens où elle inclut, par exemple, des permis détenus par des entreprises qui exploitent le gaz de mine dans le bassin houiller du Nord-Pas-de-Calais par simple pompage, et exclut, par contre, d’autres permis, comme celui de Pontarlier, dont le titulaire mentionne un projet de recherche de gaz de schiste.

Comment établir une liste satisfaisante ? Comment ne pas oublier des permis ? Comment ne pas inclure des permis non concernés ? Toutes ces questions nous ont interpellés au cours des dernières semaines.

Il nous est apparu ainsi que la solution initiale ou celle d’une liste n’étaient pas pertinentes. Elles auraient à coup sûr été une faiblesse juridique et auraient favorisé les recours devant le juge administratif, ou devant le juge constitutionnel, par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité. L’objectif aurait ainsi été manqué.

Au terme de notre travail, nous sommes d’avis qu’il faut nous concentrer sur 1’interdiction de la fracturation hydraulique et obtenir des titulaires de permis des garanties quant aux techniques qu’ils emploient dans le cadre de leurs activités de recherche. Si l’usage de la fracturation hydraulique a été effectif, ou s’il est essentiel aux travaux d’exploration, nous souhaitons que les permis concernés soient abrogés. Les arrêtés délivrant les permis visés ne contiennent aucune information sur le type d’hydrocarbure recherché ou sur la technique employée. Il est donc nécessaire d’obtenir des données complémentaires, que seuls les industriels ont en main. Il ne s’agit pas d’un dispositif parfait ou idéal, nous en sommes conscients, mais c’est le meilleur que nous ayons trouvé.

Les débats qui ont surgi depuis le début de l’année 2011 sur la question des gaz et huiles de schiste ont souligné plusieurs écueils : d’abord, le Parlement ne dispose pas d’informations satisfaisantes sur la mise en valeur de notre sous-sol ; ensuite, notre cadre législatif et réglementaire doit être adapté.

Sur le premier point, il est dommage que le Parlement ne soit pas plus amplement associé à la mise en valeur du sous-sol national. Certes, une mission d’information relative à la question des huiles et gaz de schistes a été créée le 1er mars dernier par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale. Les rapporteurs François-Michel Gonnot et Philippe Martin doivent rendre leurs conclusions le 8 juin prochain. Au-delà, cependant, il est nécessaire de prévoir la remise d’un rapport annuel au Parlement sur l’évolution des techniques d’exploration et d’exploitation, et sur la connaissance du sous-sol français, européen et international.

La France a la chance de compter dans le domaine minier des acteurs de performance mondiale, qu’il s’agisse d’entreprises privées ou d’organismes publics. Par ailleurs, des recherches sont en cours dans nos universités. De plus, des initiatives existent au niveau européen, comme au niveau mondial.

Sur le second point, il est nécessaire de procéder à une réforme de notre législation minière. Le code minier doit faire l’objet d’une profonde réforme, car il ne répond pas à la nécessité d’associer le public à la prise de décisions susceptibles d’affecter l’environnement, tel que le prévoient la Charte de l’environnement et la Convention dite d’Aarhus. Il est donc dans notre intérêt de procéder à une réforme d’ampleur du code minier. En ce domaine aussi, les conclusions des missions parlementaires, comme celles du conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies et du conseil général de l’environnement et du développement durable, contiendront sans nul doute des propositions.

Avec Jean-Paul Chanteguet, avec les commissaires de la commission du développement durable, et avec tous les collègues d’autres commissions venus nous rejoindre pour l’occasion, nous avons travaillé, au-delà de nos sensibilités politiques, afin de vous proposer aujourd’hui un texte qui nous semble respecter les règles en vigueur dans un État de droit, satisfaire l’émotion légitime qui anime nos territoires, prévoir les conditions d’une politique énergétique stratégique, et permettre la recherche scientifique.

C’est un texte d’équilibre. J’espère qu’il fera consensus. Et je m’attacherai, tout au long de cette soirée, à vous en convaincre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet, co-rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Paul Chanteguet, co-rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai accepté de me trouver dans une situation peu banale, peut-être un peu inconfortable, celle d’être co-rapporteur, avec Michel Havard, d’un texte déposé par le groupe UMP.

J’ai accepté tout d’abord parce que le groupe socialiste avait pris l’initiative de déposer une proposition de loi et de l’inscrire à l’ordre du jour du jeudi 12 mai, proposition de loi dont l’esprit était identique à celle-ci, même si elle en différait quelque peu, dans la mesure où elle concernait toutes les mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux, ainsi que les gisements d’hydrocarbures en eaux profondes.

J’ai accepté aussi parce que, face à la forte mobilisation citoyenne et des élus, au sein des nombreux territoires concernés, les parlementaires de toutes sensibilités ont considéré qu’il revenait au pouvoir politique de faire écho aux préoccupations exprimées et de les porter au travers des différents textes déposés.

Enfin, j’ai accepté parce que le Premier ministre, le 13 avril, au cours des questions au Gouvernement, a indiqué très clairement qu’il fallait « annuler les permis déjà donnés », qu’il soutenait les propositions de loi allant dans ce sens, et que le groupe socialiste, dans une démarche constructive, souhaitait ardemment que l’on aboutisse à un texte qui serait conforme aux objectifs de sa proposition de loi.

J’ai donc accepté cette mission de co-rapporteur dans un esprit de loyauté et je me félicite de la qualité du travail effectué avec Michel Havard.

Compte tenu de cette belle unanimité, nous étions nombreux à penser qu’il serait assez simple de trouver les bons termes de la loi. Or quelles ne furent pas nos surprises successives !

En effet, nous avons d’abord appris que nous commettions une erreur lorsque nous laissions entendre que la fracturation hydraulique était réservée aux hydrocarbures non conventionnels et, réciproquement, que l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels ne pouvaient se faire qu’à partir de la fracturation hydraulique.

Effectivement, il nous a été indiqué que l’on pouvait exploiter un hydrocarbure non conventionnel comme le gaz de houille sans recourir à la fracturation hydraulique. De même, il nous a été précisé que, afin d’améliorer la rentabilité d’un puits d’huile conventionnelle, cette technique était aussi utilisée lors de la phase de fin de production.

Surprise aussi de constater que les permis exclusifs de recherches sont « muets », puisqu’ils ne précisent pas la nature de l’hydrocarbure, ni la technologie qui sera employée.

M. Yves Cochet. C’est faux !

M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur. Surprise, enfin, d’apprendre qu’il n’existe pas de définition juridique des mines d’hydrocarbures non conventionnels.

Face à ces difficultés, il nous était impossible d’appuyer notre interdiction sur les deux critères retenus à l’article 1er de la proposition de loi. C’est pourquoi seule la technique de la fracturation hydraulique emporte maintenant cette interdiction.

Quant à l’article 2, qui, je vous le rappelle, abrogeait les permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels, il a été complètement récrit dans la mesure où ceux-ci sont « muets ».

Si l’article 1er nouveau ne semble pas aujourd’hui soulever de difficultés particulières, l’article 2, qui conduit les titulaires à remettre, dans un délai de deux mois, un rapport précisant les techniques employées à l’autorité administrative ayant délivré le permis, doit nous conduire dès maintenant, et dans le cadre de ce débat, à nous interroger sur les conditions de son application.

En effet, permettra-t-il, demain, à ceux qui ont pris publiquement et officiellement des engagements d’annulation de ces permis accordés dans la plus grande opacité par l’administration, sans débat et sans consultation des populations et des élus locaux, de tenir leurs engagements ?

Cette nouvelle rédaction de l’article 2 suscite des interrogations, des questions. Tant que n’auront pas été abrogés ces permis, le calme ne reviendra pas dans les territoires et la mobilisation ne faiblira pas.

Madame la ministre, si le contenu des arrêtés des permis exclusifs de recherche sont muets pour nous, parlementaires, nous pouvons quand même penser qu’ils ne le sont pas pour l’administration qui les a instruit, et qui devrait donc être en mesure d’établir une liste. Si cela n’était pas le cas, nous serions en droit de nous interroger sur le propre fonctionnement de notre administration et sur la réelle tutelle que le politique exerce sur elle.

D’ailleurs, on voit bien que des informations existent déjà puisque, dans le pré-rapport du conseil général de l’industrie et du conseil général de l’environnement, sont recensés et caractérisés trois permis gaz de schiste dans le sud-est et trois permis huile de schiste dans le bassin parisien. Imaginez un instant, madame la ministre, la réaction des élus locaux, des populations, apprenant que tel industriel dont le permis exclusif de recherches faisait partie de ceux à annuler, cités le plus souvent, réussisse, en contournant l’article 2, à le conserver dans l’attente de jours meilleurs.

Non, madame la ministre, nous ne pouvons pas accepter de nous retrouver dans une telle situation qui ne pourrait que décrédibiliser encore un peu plus les politiques aux yeux des citoyens, ce que nous ne pouvons pas nous permettre, compte tenu des sentiments de méfiance et de défiance dont ils sont déjà l’objet.

Élaborer et voter un texte qui soit, sur le plan juridique, des plus solide, nous en comprenons fort bien la nécessité, mais nous pensons aussi que nous commettrions une erreur si nous oubliions les engagements politiques que nous avons tous pris quant à l’abrogation de ces permis qui, comme l’indiquait le Premier ministre, « ont été donnés dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes ».

C’est bien à un exercice difficile que nous devons nous livrer, dans le cadre de ce débat, puisqu’il nous impose de trouver le meilleur chemin entre sécurité juridique et engagement politique.

Pour justifier les dispositions législatives sur lesquelles nous travaillons, il est des arguments qui sont plus rarement évoqués, et sur lesquels je veux revenir.

Pour nous, l’exploitation des huiles et gaz de schiste emportera une réorientation de notre stratégie énergétique en favorisant le développement de nouvelles énergies fossiles, politique dont nous croyons qu’elle remettra en cause les engagements pris par la France en matière de lutte contre le réchauffement climatique. En effet, aujourd’hui, certains affirment que le bilan gaz à effet de serre du gaz de schiste est proche de celui du charbon, voire supérieur.

C’est, tout d’abord, Normand Mousseau, qui, dans un livre publié ces jours-ci, précise que, pour faire une comparaison pertinente entre les différentes sources d’énergie, il convient, pour le gaz de schiste, d’inclure les gaz à effet de serre produits durant la phase d’exploration et d’exploitation, de même que le transport de ces combustibles jusqu’à leur point d’utilisation, et de prendre en compte les fuites de méthane durant les différentes étapes d’extraction, de transformation et de transport, ainsi que les émissions de CO2 contenu dans le gaz extrait des schistes. Pour lui, l’impact gaz à effet de serre du gaz de schiste serait presque équivalent à celui du charbon.

Robert Howarth, de l’université de Cornell, considère quant à lui que l’empreinte de ce gaz est, par rapport au charbon, comparable sur cent ans et deux fois plus importante sur vingt ans.

Est-ce judicieux, est-ce conséquent d’introduire, demain, dans notre paquet énergétique, cette nouvelle source d’énergie, une des plus polluantes de toutes ?

Est-ce cohérent, alors que la Commission européenne propose une nouvelle fiscalité énergétique qui pourrait entrer en vigueur en 2013, laquelle ne serait plus fondée sur le volume d’énergie consommée et viserait à taxer plus lourdement les produits polluants et à encourager le recours à des énergies propres, en modifiant les modes de calcul, par la prise en compte de deux nouveaux facteurs : les émissions de CO2 liées aux produits énergétiques et le contenu énergétique, c’est-à-dire l’énergie réelle qu’un produit permet d’obtenir.

Dans les années 70, la France a choisi, sans aucun débat, le tout nucléaire pour produire son électricité.

M. Yves Cochet. Hélas !

M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur. Aujourd’hui, un nouveau choix crucial, portant sur l’exploitation des huiles et gaz de schiste, s’offre à nous ; un choix qui ne devra pas se faire en catimini, mais dans le cadre d’un grand débat sur notre stratégie énergétique.

D’ailleurs, madame la ministre, vous n’avez pas manqué de déclarer, dernièrement, lors du débat organisé sur ce sujet par le groupe GDR que, « à l’échelle mondiale, si les gouvernements cèdent au plus offrant et laissent jouer la concurrence des différentes formes d’énergie, alors l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels pourrait accentuer les changements climatiques, en retardant le développement des énergies renouvelables qui, elles, n’émettent pas de CO2 ».

M. Yves Cochet. Et voilà !

Mme Martine Billard. Eh oui ! C’est le fond du problème !

M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur. Pour nous, cette orientation n’est pas souhaitable, car elle constituerait une fuite en avant, laissant croire que notre avenir passe par l’exploitation, jusqu’à épuisement, des diverses énergies fossiles, exploitation qui sera toujours plus difficile et plus coûteuse, tant sur le plan financier que sur le plan environnemental.

S’il est vrai qu’un tel choix permettrait temporairement à notre pays d’acquérir un peu plus d’indépendance énergétique, il n’en est pas moins vrai qu’il compromettrait gravement la transition énergétique que nous appelons de nos vœux, et que nous imposent nos engagements et le défi climatique. C’est bien en investissant massivement dans l’amélioration de l’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables que nous engagerons la transition écologique qui doit nous conduire vers une société de la sobriété.

Enfin, je terminerai mon propos en évoquant la suppression par la commission de l’article 3, qui introduisait des modifications du code de l’environnement, en soumettant les procédures d’attribution des concessions de mines et des permis exclusifs de recherches, à débat public, enquête publique et étude d’impact.

Certes, compte tenu de son obsolescence, nous pensons que c’est une réforme globale et complète du code minier qu’il faut engager. Cependant, au-delà du projet de loi ratifiant l’ordonnance du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier, il conviendrait d’attendre les conclusions des rapports du conseil général de l’industrie, du conseil général de l’environnement, et de la mission d’information conduite par nos collègues François-Michel Gonnot et Philippe Martin.

Toutefois, madame la ministre, nous attendons du Gouvernement qu’il s’engage à inscrire, dans un délai raisonnable, à l’ordre du jour du Parlement un projet ou une proposition de loi modernisant le code minier.

Telles sont, madame la ministre, mes chers collègues, les remarques et analyses que je souhaitais présenter à l’ouverture de l’examen par notre assemblée de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, au commencement de ce débat, je veux d’abord faire un triple constat.

Le premier, et cela a été dit par nos rapporteurs, est celui de l’opacité de notre système administratif, qui n’est pas satisfaisant.

Le deuxième constat est l’émoi et le sentiment très fort d’atteinte à l’environnement suscités auprès de l’opinion publique par les permis accordés sur une partie du territoire national. À cet émoi, nous devons apporter des réponses.

Le troisième constat est que notre code minier est obsolète. Le travail remarquable qui a été conduit par les deux rapporteurs permet de le constater dans le détail.

Le quatrième constat est celui de l’insuffisance de nos propres connaissances sur le sujet. Ce débat a le mérite de nous amener à chercher la connaissance.

Partant de ces constats, que recherche-t-on ? Nos souhaits sont finalement assez simples.

Premièrement, nous voulons la transparence.

Mme Martine Billard. C’est raté !

M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable. Lorsque l’on voit ce que l’on demande à nos concitoyens pour un simple permis de construire, ou un permis de travaux, et ce que nos rapporteurs ont constaté s’agissant des permis accordés, on constate une différence qui n’est pas acceptable.

Ensuite nous voulons l’interdiction de l’exploration et de l’exploitation, ainsi que l’abrogation des permis qui ont été validés.

Par ailleurs nous souhaitons savoir, à moins de vouloir rester totalement ignorants, quelles sont les ressources dont pourrait disposer notre pays, et comment pourraient évoluer les techniques d’extraction. Ce n’est que bon sens.

Que devons-nous faire ?

La commission du développement durable s’était emparée du sujet avant qu’il ne produise cet émoi dans le pays. Dès le 1er mars, nous avions désigné deux de nos collègues, MM. Gonnot et Martin, pour nous proposer un rapport d’information permettant de faire le point.

Mme Martine Billard. Les protestations avaient déjà commencé.

M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable. Les délais étaient courts et couraient jusqu’au 8 juin. En tant que président de la commission du développement durable, je ne peux que regretter que nous n’ayons pas donné l’opportunité à nos deux collègues de poursuivre leurs travaux jusqu’à leur terme. Ce n’est pas du bon travail parlementaire.

Mme Martine Billard. Le rapporteur avait déjà clos le débat !

M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable. Ensuite, le groupe SRC, avant d’attendre l’issue de cette mission d’information le 8 juin, a déposé une proposition de loi. Deux autres propositions de loi ont suivi. Je ne crois pas que ce soit un formidable spectacle qu’ait donné l’Assemblée nationale.

Dès lors, la commission du développement durable a cherché, comme l’a rappelé Jean-Paul Chanteguet, à créer le consensus et à travailler avec autant de sérénité que possible. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes accordés sur une proposition de loi, celle déposée par Christian Jacob. Nous avons, dans le même souci de consensus, désigné deux rapporteurs en les personnes de Michel Havard et de Jean-Paul Chanteguet. Je tiens d’ailleurs à les remercier tous les deux du travail qu’ils ont accompli car je crois qu’il honore le Parlement.

Nous allons donc examiner ce texte tel qu’il est proposé. De mon point de vue, il répond exactement aux attendus que j’ai rappelé initialement.

Mme Martine Billard. Ah non !

M. Yves Cochet. Pas du tout !

M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable. Premièrement, la transparence est consacrée à l’article 3, avec l’amendement proposé par Michel Havard, ainsi qu’un certain nombre d’amendements que vous avez déposés les uns et les autres, et dont je souhaite que certains soient adoptés.

Deuxièmement, c’est le point essentiel, l’article 1er pose l’interdiction de l’exploration et de l’exploitation utilisant la technique de la fracturation hydraulique. On ne saurait être plus clair que cette rédaction de l’article 1er.

Enfin, l’article 2 pose le principe de l’abrogation des permis qui ont été déposés, malgré la difficulté à rédiger un texte juridiquement sécurisé, qui a été très justement expliquée par Michel Havard. La rédaction initiale n’offrait pas une sécurité juridique suffisante, et je dis sincèrement à celles et ceux qui voudraient y revenir qu’ils se trompent au plan juridique.

M. Yves Cochet. Non !

M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable. Nous en discuterons plus tard ; je ne veux pas abuser du temps de parole.

Les choses sont parfaitement claires et simples dans ce texte qui pose l’interdiction, l’abrogation, la transparence, et qui nous permet également de ne pas rester totalement ignorants grâce aux dispositions de l’article 3 lequel prévoit une recherche strictement encadrée. Qui pourrait y être hostile ?

À l’issue de nos débats, ceux qui veulent donner un feu rouge à l’exploration et à l’exploitation de ces gaz voteront ce texte, qui permet cette interdiction, et ceux qui ne voteront pas ce texte donneront un feu vert à l’exploration et l’exploitation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement. Madame la présidente, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le président du groupe UMP et auteur de la proposition de loi discutée ce soir, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, je crois que ces permis n’ont pas été donnés dans de bonnes conditions, et que les choses ont été faites à l’envers.

J’ai l’honneur de le souligner devant cette assemblée cet après-midi : ce n’est pas un problème de procédure. Les procédures ont été respectées. J’insiste sur ce point, car certains ont voulu jeter le doute à cet égard. En revanche ces procédures sont très insuffisantes, comme l’a souligné Serge Grouard, et cet épisode le révèle.

Le code minier est ancien. Depuis sa rédaction, le droit de l’eau a évolué, mais le code minier permet, d’une certaine manière, de le contourner. Ensuite il ne prévoit pas de consultation extensive des populations au stade du permis d’exploration ; j’y reviendrai plus tard. Enfin, le code minier prend en compte le droit et le point de vue de l’explorateur, mais très insuffisamment l’intérêt des territoires. Sur le fond, l’environnement local est en cause, notamment au vu de l’expérience vécue aux États-Unis, ainsi que l’environnement global. Est-ce le moment d’ouvrir un nouvel âge fossile pour la planète ?

Nous comprenons que le sujet soit sensible, et vous avez tous pu en faire l’expérience. J’en veux pour preuve les cinq propositions de loi déposées dans les deux assemblées, par plus de quatre cents parlementaires. J’en veux également pour preuve le grand nombre de courriers que nous recevons au ministère, la cinquantaine de délibérations et d’arrêtés d’interdiction qui ont été adoptés par les municipalités, les très nombreuses manifestations qui ont réuni plusieurs dizaines de milliers d’opposants à l’exploitation des gaz de schiste. J’en veux enfin pour preuve la très forte couverture médiatique du débat : nul n’ignore désormais ce qu’est la fracturation hydraulique, ou nul ne croit l’ignorer, car cela reste malgré tout assez compliqué !

Nous n’arrivons pas en terrain vierge puisque des autorisations ont été accordées, mais nous ne sommes pas non plus en terrain connu. La mission conjointe du conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies et du conseil général de l’environnement et du développement durable a rendu mi-avril un rapport d’étape qui est déjà dense et riche d’enseignements, mais ce rapport souligne surtout ce que nous continuons d’ignorer, qu’il s’agisse du potentiel économique de notre sous-sol, ou de la protection de l’environnement et de la limitation des nuisances pour la population.

Bien sûr, il existe des arguments en faveur de l’exploration et de l’exploitation des gaz de schiste, notamment l’indépendance énergétique. Souvenons-nous que nous avons acheté à l’étranger 45 milliards d’euros d’hydrocarbures l’an passé. Néanmoins, comme l’ont écrit MM. Havard et Chanteguet dans le rapport qu’ils ont remis au nom de la commission du développement durable sur la présente proposition de loi, « nous ne pouvons pas prendre le risque de voir se développer sur le territoire national le recours à des techniques problématiques, et accepter que soient portés à l’environnement des dommages irréversibles. La sécurisation des approvisionnements énergétiques est un enjeu majeur, auquel il ne faut pas sacrifier nos valeurs. »

À quoi sert l’économie, si ce n’est à mieux vivre, à bien vivre, sur une planète dont le climat sera stabilisé, dans un environnement préservé et un climat social serein ? Lorsque nous invoquons le développement économique, nous pensons aussi au développement non industriel des territoires, au tourisme vert, à l’agriculture, à la viticulture biologique. Nous pensons par ailleurs à la cohérence de nos démarches, au moment où nous demandons à l’UNESCO l’inscription de l’espace remarquable Causses Cévennes au patrimoine mondial de l’humanité, et je sais, pour avoir rencontré les élus concernés par ce dossier, que vous êtes nombreux sur ces bancs à y être très attentifs.

Pensons aussi à l’échelle internationale. M. Chanteguet vient de souligner que si les gouvernements cédaient aux plus offrants, et faisaient jouer la concurrence entre les diverses formes d’énergies, l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels pourrait accentuer les changements climatiques. Nous prendrions alors le risque de l’ouverture d’un nouvel âge fossile. Cette exploitation pourrait, par ailleurs, retarder le développement des énergies renouvelables qui n’émettent pas de gaz carbonique.

Du point de vue de l’environnement local, l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels est une activité qui présente des risques ; Christian Jacob l’a indiqué dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi. Il est question de pollution des nappes souterraines, de pollution des sols, d’impacts paysagers – bien que les différences de droit des sols entre l’Amérique du Nord et la France amèneraient à nuancer ce propos – de bruit, d’augmentation du trafic routier. C’est surtout une exploitation qui consomme énormément d’eau, de l’ordre de 15 000 mètres cube par forage horizontal.

Même si certaines technologies utilisées sont en fait relativement anciennes, la multiplication des opérations de fracturation hydraulique pose en elle-même problème, et notre capacité collective à maîtriser ces risques fait débat. Il faut bien dire que le documentaire Gasland, nominé aux Oscars, nous a tous impressionnés avec cette boule de feu qui sort d’un robinet dans une maison aux États-Unis.

Nous avons donc décidé d’appliquer le principe de précaution, qui n’est pas de ne rien faire alors que le monde évolue, comme certains le pensent parfois, mais qui est de faire pour écarter le risque. Nous avons agi de telle manière qu’il y ait de facto une suspension des forages, notamment des forages avec fracturation hydraulique, et cela dès le mois de février.

Par ailleurs nous avons voulu en savoir plus. Le Gouvernement a lancé une mission et, dans le même temps, le Parlement créait une mission parlementaire conduite par les députés François-Michel Gonnot et Philippe Martin.

Maintenant, nous avons l’occasion, avec votre proposition de loi, d’aller plus loin dans la mise en œuvre du principe de précaution. Lorsque je siégeais parmi vous, j’ai été un peu associée à l’inscription du principe de précaution dans la Constitution, et je me réjouis de cette nouvelle occasion de l’illustrer. Le principe de précaution est ici l’interdiction des forages avec fracturation hydraulique, à la lumière de ce qu’ont dit les uns et les autres. Il s’agit bien d’abroger tous les permis de recherche qui n’ont plus de raison d’être, après l’interdiction de la fracturation hydraulique. Nous pourrons revenir sur les détails ; nous pourrons débattre toute la soirée, et peut-être une partie de la nuit pour ce faire. Il s’agit de le faire de la manière la plus sûre juridiquement.

Pour être encore plus clair, il s’agit d’éviter de prêter le flanc à des demandes de compensation financière qui n’ont pas lieu d’être mais qui pourraient trouver à se fonder sur une formulation moins sûre que celle qui vous est proposée.

Le principe de précaution, c’est aussi l’évaluation des risques et la recherche scientifique. Dans votre proposition de loi figure une demande de rapport que le Gouvernement devra remettre au Parlement pour avancer sur ces questions.

Je veux enfin m’exprimer sur les travaux scientifiques, tels que je les conçois.

Ils nécessitent, je le crois, un encadrement très strict et doivent bénéficier de toutes les garanties techniques et environnementales. Nous avons surtout besoin d’un comité scientifique et également d’un comité national dans l’esprit du Grenelle qui réunirait des représentants d’ONG, des parlementaires, des élus locaux, des associations de riverains, par exemple sur le principe du comité local d’information, afin de ne pas retomber dans ce qui a créé l’abcès de fixation le plus important sur ces permis : le sentiment que les choses ne sont pas suivies, se passent ailleurs et qu’elles ne se déroulent pas dans la plus grande transparence.

Si le code minier doit prendre en considération les droits et le point de vue de l’explorateur, il faut aussi qu’il soit ouvert à l’expression des territoires. Ce comité national peut être le lieu pour ce faire. Sans doute faudra-t-il du temps pour le mettre en place avec toutes les garanties nécessaires. Le premier rapport annuel du Gouvernement au Parlement sera l’occasion de présenter des propositions.

Je terminerai en traitant du code minier. J’ai commencé par là, je finis par là, parce que je crois que nous devons saisir l’opportunité de ce débat pour poursuivre la réflexion et préparer cette réforme.

De façon cohérente et sans attendre, le Gouvernement a profité d’une opportunité de calendrier pour remédier à un problème que tout le monde reconnaissait, à une insuffisance du code minier : la non-consultation des populations au stade de la délivrance des permis de recherche.

L’ordonnance portant partie législative du code minier qui a été approuvée par le Gouvernement le 19 janvier et publiée le 25 janvier – c’est très classiquement un travail de codification à droit constant – peut être cette occasion. Le Gouvernement a déposé un projet de loi de ratification de l’ordonnance devant le Parlement, qui amène une première évolution. Le texte instaure une procédure de consultation du public sur les demandes de permis de recherche, ainsi que sur les demandes de prolongation des concessions. Cela ne fait pas l’objet de notre débat, mais, aujourd’hui, il peut y avoir aujourd’hui des prolongements de concession sans qu’il y ait participation, association, consultation du public ; c’est aussi une particularité du code minier.

De mon point de vue, les modifications qui sont proposées par le Gouvernement constituent une première étape. Je suis favorable à ce que ce texte de recodification puisse être complété pour prendre en compte toutes les questions qui ne pourraient pas être tranchées dès aujourd’hui, parce que ce n’est pas l’objet de votre proposition de loi.

En tout cas, vous l’avez compris, mesdames, messieurs les députés, je serai extrêmement vigilante sur ce sujet. Si la loi est votée et promulguée, elle sera évidemment et intégralement appliquée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

9

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la proposition de loi visant à abroger les permis exclusifs de recherche d’hydrocarbures non conventionnels et à interdire leur exploration et leur exploitation sur le territoire national.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)