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50e anniversaire du traité de l’Elysée

22 janvier 2013

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La journée de commémoration – 22 janvier 2013

    • A l’occasion du 50e anniversaire du Traité de l’Elysée, les députés se rendent à Berlin à l’invitation du Bundestag. Au cours de cette journée exceptionnelle, les députés français et allemands adopteront une déclaration commune portant notamment sur le renforcement de la coopération parlementaire franco-allemande.

      11h15

      Arrivée au Bundestag – bâtiment du Reichstag.
      Accueil par M. Norbert Lammert, Président du Bundestag, et réunions des groupes politiques du Bundestag et de l’Assemblée nationale.

      12h15

      Déjeuner à l'invitation de M. Norbert Lammert, Président du Bundestag

      14h15

      Séance commune du Bundestag et de l’Assemblée nationale
      - Ouverture de la séance par M. Norbert Lammert, Président du Bundestag.
      - Allocution de M. François Hollande, Président de la République française.
      - Allocution de Mme Angela Merkel, Chancelière fédérale allemande.
      - Ouverture du débat par M. Claude Bartolone, Président de l’Assemblée nationale.
      - Prise de parole d’un représentant pour chaque groupe politique du Bundestag et de l’Assemblée nationale.
      - Lecture et approbation de la déclaration commune du Bundestag et de l’Assemblée nationale.
      - Hymnes nationaux.

      17h30

      Philharmonie de Berlin – Concert et réception à l'invitation de M. Joachim Gauck, Président de la République fédérale d’Allemagne.

      20h

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    • 50E ANNIVERSAIRE DU TRAITE D’AMITIE FRANCO-ALLEMAND

      22 JANVIER 2013

      BERLIN

      SEANCE COMMUNE DE L’ASSEMBLEE NATIONALE ET DU BUNDESTAG

      PRESIDENCE DE M. NORBERT LAMMERT, PRESIDENT DU BUNDESTAG, ET DE M. CLAUDE BARTOLONE, PRESIDENT DE L’ASSEMBLEE NATIONALE

      (La séance est ouverte à quatorze heures quinze.)

       

      M. Norbert Lammert, Président du Bundestag. Monsieur le Président de la République française, Monsieur le Président de la République fédérale d’Allemagne, Madame la Chancelière, Monsieur le Premier ministre, Monsieur le Président du Sénat, Monsieur le Président du Bundesrat, Monsieur le Président du Tribunal constitutionnel, chers collègues, chers invités,

      Claude Bartolone, Président de l’Assemblée nationale, et moi-même, nous vous souhaitons la bienvenue à la séance commune du Bundestag et de l’Assemblée nationale, au sein du Reichstag de Berlin, à l’occasion du 50e anniversaire du Traité de Élysée signé le 22 janvier 1963.

      Cinquante ans depuis le Traité de Élysée, cinquante ans d’amitié franco-allemande : si l’on a le sens de l’histoire, ces cinquante ans de construction européenne ne représentent pas seulement un chiffre rond ou un quelconque événement. Le demi-siècle qui vient de s’écouler constitue en réalité un tournant décisif dans l’histoire des relations de nos pays, dans l’histoire européenne. C’est donc avec une grande joie que je salue à la tribune d’honneur le Président du Parlement européen, M. Martin Schulz, ainsi que d’autres membres du Parlement européen, représentant tous les Européens unis dans l’Union européenne. (Applaudissements.)

      Nous nous félicitons de la présence de nombreux ambassadeurs et de délégués de pays européens et non européens, de la présence d’invités d’honneur parmi lesquels, pour ne citer qu’eux, Richard von Weizsäcker et Rita Süssmuth. (Applaudissements.)

      Mesdames, Messieurs, il y a dix ans nos deux Parlements se sont rencontrés à Versailles, à l’invitation de nos amis français. Ce fut un grand geste pour surmonter les humiliations passées que les deux pays se sont infligées mutuellement en 1871 et 1919, et auxquelles le nom de Versailles est associé.

      Aujourd’hui nous sommes réunis à Berlin, capitale de l’Allemagne réunifiée, dont l’unité en tant qu’État n’aurait pas été possible sans la réconciliation de nos deux pays. Dans une Union européenne composée d’États démocratiques, nous sommes habitués depuis longtemps à cet état de paix permanent, d’amitié et de coopération, que la plupart des gens dans nos pays vivent comme une pure et simple évidence, puisqu’ils n’ont jamais connu autre chose au cours de leur vie personnelle.

      En 1963, alors que la première génération d’après-guerre n’avait même pas atteint la majorité, Konrad Adenauer et Charles de Gaulle conclurent ce Traité. Voici une citation de leur déclaration commune de l’époque : « Convaincus que la réconciliation du peuple allemand et du peuple français, mettant fin à une rivalité séculaire, constitue un événement historique, qui transforme profondément les relations entre les deux peuples […] »

      Adenauer est né quelques années après la guerre franco-allemande de 1870. Lui et plusieurs générations d’Allemands et de Français ont vécu, en l’espace de cinquante ans également, deux guerres mondiales dévastatrices pour les deux pays. Aujourd’hui, les relations des deux peuples ont radicalement changé. Alors que, dans le passé, l’Europe a dû s’attendre à ce que cette ancienne rivalité entre l’Allemagne et la France s’enflamme à nouveau, pour l’avenir l’Europe devra toujours pouvoir se fier au partenariat et à la coopération de ces deux grands voisins.

      Pour mesurer l’importance de ces cinquante ans d’amitié entre nos deux pays, considérés pendant des siècles comme des rivaux de longue date, voire des ennemis héréditaires, souvenons-nous des propos de Winston Churchill, prononcés immédiatement après la Seconde Guerre mondiale et qui résonnèrent comme un appel : « Le premier pas vers une refondation de la famille européenne des peuples doit être l’instauration d’un partenariat entre la France et l’Allemagne. »

      Churchill prononça cette phrase en s’adressant aux jeunes Européens dans son célèbre discours de Zurich en 1946. La France et l’Allemagne entendirent l’appel audacieux et visionnaire de ce grand Premier ministre britannique et créèrent, dès le début des années 1950, la Communauté européenne du charbon et de l’acier, à l’initiative de Robert Schuman.

      Mesdames, Messieurs, lorsque le Traité de Élysée fut conclu en 1963, nous caressions l’espoir qu’il ouvrirait effectivement la voie vers une nouvelle étape dans l’histoire des relations franco-allemandes. Aujourd’hui nous sommes conscients – bien plus qu’à l’époque – de l’importance que revêtaient la réconciliation et l’amitié franco-allemandes, non seulement pour la relation entre ces deux pays, mais encore pour l’Europe toute entière. Pour l’avenir de l’Europe, l’entente franco-allemande sera toujours indispensable, d’autant plus que ces deux pays n’ont pas toujours les mêmes intérêts, traditions et visions.

      Mes chers collègues, dans toute relation stable et durable, il existe des phases de passion et des phases de raison. En ce moment, nos deux pays traversent une phase que j’appellerais de « raison passionnée » plutôt que d’amour romantique. (Rires et applaudissements.) Ce n’est pas forcément un inconvénient. Nos voisins européens et nos partenaires dans le monde s’accommodent parfaitement de la normalisation des relations entre nous, et ce mieux que jamais auparavant dans l’histoire du continent européen.

      À l’occasion de cette commémoration de cinquante ans d’amitié et de coopération, nous lançons aujourd’hui un appel aux jeunes Européens. C’est à eux, aux jeunes Français et Allemands qui fréquentent actuellement les écoles ou les universités, qui suivent la meilleure formation possible en entreprise ou en atelier, de décider de l’avenir de ce magnifique héritage. Un exemple en est l’extraordinaire histoire à succès de l’Office franco-allemand pour la jeunesse, qui intègre heureusement de plus en plus de jeunes des pays d’Europe centrale, des pays d’Europe de l’Est et des pays méditerranéens dans ses programmes et activités, comme lors du Forum des jeunes qui s’est ouvert pour trois jours samedi dernier, ici à Berlin, avec cent cinquante participants. Je souhaite adresser aux participants de ce Parlement des jeunes nos amitiés, en notre nom à tous. (Applaudissements.)

      Chers collègues, chers invités, les liens d’amitié étroits et la libre circulation sont deux choses tout à fait normales pour la jeune génération, mais cela ne va pas de soi. L’histoire mouvementée de nos deux peuples en témoigne, les actuelles relations internationales aussi. Albert Camus, ce grand écrivain français dont nous commémorons le centenaire cette année, l’a exprimé en ces termes : « L’homme n’est rien en lui-même. Il n’est qu’une chance infinie. Mais il est le responsable infini de cette chance. » Il s’agit là, à mon avis, d’un bel adage à suivre pour les cinquante années à venir.

      Pour l’histoire européenne, le Traité franco-allemand de 1963 possède évidemment une valeur intrinsèque, mais il offre aussi et surtout des chances quasiment infinies pour l’avenir, un avenir dont nous sommes tous responsables, Allemands et Français, en tant que partenaires fiables dans une Europe unie.

      Mesdames, Messieurs, chers collègues, je vous souhaite à tous la bienvenue et vous remercie de participer à cette réunion solennelle de nos deux parlements. (Applaudissements.)

      J’invite M. le Président de la République française, puis Mme la Chancelière, à prendre la parole. (Applaudissements.)

      M. François Hollande, président de la République française. Monsieur le président de la République, Madame la Chancelière, Monsieur le président du Bundestag, Monsieur le président de l’Assemblée nationale, Monsieur le président du Sénat, mesdames, Messieurs les parlementaires de nos deux pays,

      Je mesure le moment exceptionnel que nous vivons : la réunion de nos deux Parlements avec les responsables des gouvernements, les deux présidents de la République et le privilège qui m’est donné de m’exprimer ici, au nom de la France, au Bundestag. Je veux une nouvelle fois saluer Mme la Chancelière pour l’accueil qu’elle nous a réservé pendant ces deux jours, pour célébrer un Traité signé il y a cinquante ans par deux hommes d’État, Konrad Adenauer et le général de Gaulle, qui eurent l’audace, le courage, la passion de penser qu’il était possible, non seulement de réconcilier nos deux peuples, mais d’unir les destins de la France et de l’Allemagne dans un Traité qui pouvait, en lui-même, offrir les conditions de l’amitié. Ce pari a été réussi au-delà même des intentions de ceux qui l’avaient signé.

      Tout au long de ces cinquante ans, ceux qui leur ont succédé – les chefs de gouvernement, les présidents de la République – ont veillé à cultiver, à entretenir l’amitié entre nos deux pays, en y ajoutant à chaque étape de nouveaux projets, pas simplement conçus pour la France et l’Allemagne, mais pour l’Europe elle-même. C’est-à-dire à faire que ce qui nous avait permis de nous retrouver soit l’occasion de réunir aussi l’Europe.

      Cette amitié a été motrice durant ces cinquante dernières années. Cela ne veut pas dire qu’elle n’ait pas connu des vicissitudes ou des orages ! Il faut cesser de voir l’amitié franco-allemande comme un long parcours tranquille.

      Dès le Traité de l’Élysée signé, le général de Gaulle, dont chacun connaissait la hauteur de vue, mais aussi le caractère, avait considéré que le Bundestag avait en partie dénaturé le Traité en y ajoutant un préambule qui rappelait la force de la relation transatlantique. C’est dire si l’amitié franco-allemande mérite à chaque étape d’être entretenue et comprise !

      Je dis souvent que cette amitié doit être offerte à tous les pays européens. Certains s’inquiètent quand notre relation n’est pas au niveau que nous souhaitons tous. Mais ils se préoccupent aussi lorsque nous sommes trop unis, de crainte que cela vienne peser sur leurs propres choix. Or, en réalité, cette amitié entre la France et l’Allemagne a toujours été au service de la construction européenne et des valeurs que nous partageons, mais que nous avons su étendre et élargir à mesure que l’Europe elle-même accueillait de nouveaux pays.

      C’est notre amitié qui a prévalu quand la sécurité de l’Europe a pu être menacée, comme en 1983 lorsque la France proclama ici, au Bundestag, par la voix de François Mitterrand, sa solidarité sans faille avec l’Allemagne fédérale.

      C’est cette amitié qui a déterminé l’appui sans réserve de la France à la réunification de l’Allemagne. (Applaudissements.)

      C’est cette amitié aussi qui a permis de faire des choix audacieux dans le domaine économique et industriel, des réalisations exceptionnelles comme Airbus, comme Ariane, que nous devons encore amplifier.

      C’est l’amitié entre la France et l’Allemagne qui a permis, étape par étape, la création de l’euro.

      C’est encore l’amitié entre la France et l’Allemagne qui a permis ces derniers mois de préserver l’intégrité de la zone euro.

      Cette amitié nous est donc précieuse ; elle nous est indispensable ; elle est indissociable de la construction européenne.

      Mais aujourd’hui, madame la Chancelière, nous avons à ouvrir de nouvelles perspectives, à la hauteur de l’héritage que nous avons reçu. Nous devons le faire – et c’était l’esprit originel du Traité de l’Élysée – pour la jeunesse, car elle est la grande affaire de notre relation.

      Parce que la jeunesse est à la fois notre avenir mais aussi l’enjeu des politiques que nous engageons. Parce que la jeunesse de nos deux pays a la chance inestimable de n’avoir jamais rien connu d’autre que la paix et la démocratie. Et parce que la jeunesse d’aujourd’hui affronte une crise économique et sociale d’une durée inédite, qui assombrit donc l’espoir qu’elle peut nourrir par rapport à son propre avenir.

      C’est la raison pour laquelle, dans la déclaration que nous avons adoptée, nous avons donné une large place à la jeunesse, à travers l’élargissement des moyens qui sont donnés à l’Office franco-allemand pour la jeunesse, qui célèbrera son cinquantième anniversaire au mois de juillet et qui, depuis sa création, a permis, je le rappelle, à huit millions de jeunes Français et de jeunes Allemands de bénéficier de son soutien. Nous avons décidé de multiplier les filières linguistiques, d’aller encore plus vite vers la reconnaissance des diplômes, de rapprocher nos systèmes de formation professionnelle, pour que les jeunes Français se voient offrir la possibilité de suivre une partie de leur parcours ici en Allemagne, et les jeunes Allemands en France.

      Nous – la France et l’Allemagne – ferons en sorte, dans la discussion qui va se prolonger sur le futur budget européen, que le programme Erasmus soit non seulement consolidé, mais encore élargi à des jeunes qui, aujourd’hui, n’y ont pas accès, notamment des jeunes des milieux populaires, ou issus des filières de l’apprentissage.

      Nous aurons aussi à cœur de défendre un projet commun entre la France et l’Allemagne : la garantie pour les jeunes – pour chaque jeune – de pouvoir accéder à un stage, à une formation, à un apprentissage, si possible à un emploi. Pour trouver les financements correspondants, nous pourrons utiliser une partie des recettes obtenues par l’introduction de la taxe sur les transactions financières que la France et l’Allemagne ont portée ensemble et qui est aujourd’hui reconnue comme effective par le Conseil économique et financier. (Applaudissements.)

      C’est pour la jeunesse – toujours pour la jeunesse ! – que nous devons poursuivre cette aventure exceptionnelle qu’est l’Europe, cette innovation institutionnelle qu’aucun continent au monde n’a su créer.

      Oui, nous avons le devoir de faire que reste une utopie pour les générations qui vont nous succéder cette idée européenne : non pas simplement faire la paix entre nous, mais réussir à créer un espace de droit, de liberté, de prospérité et de solidarité.

      La France et l’Allemagne ont une responsabilité particulière, par leur place, leur histoire, leur géographie, leur puissance économique, mais surtout par l’attente qui est placée en nos deux pays. De la qualité de notre relation, de la confiance qui nous unit, de la capacité à fixer un cap pour notre continent, dépend l’avenir de l’Europe.

      Cette amitié, je l’ai dit, n’est pas exclusive. Elle est ouverte et n’écarte personne. Elle doit entraîner l’Europe qui veut avancer avec nous. « Avec nous » ne veut pas dire « derrière nous » ; mais c’est nous qui devons montrer la voie. (Applaudissements.)

      Notre amitié n’est pas non plus une confusion, un alignement, un renoncement, bien au contraire : c’est en restant eux-mêmes que nos pays peuvent aller plus sûrement vers ce qui les rapproche. Pour nous rassembler, il ne nous est pas demandé de nous ressembler, mais de nous réunir autour d’une volonté commune, pour promouvoir un modèle économique et social original, pour protéger l’environnement, pour partager une même vision du monde, car l’Europe est une puissance. Oui, elle est une puissance ! Mais une puissance différente des autres, une puissance qui veut contribuer à la paix et servir des valeurs universelles.

      C’est ce qu’entreprend aujourd’hui la France au Mali, face à une agression terroriste qui met en péril l’avenir de ce pays, l’un des plus pauvres du monde, et qui met aussi en cause la stabilité de l’Afrique de l’Ouest, donc la sécurité même de notre continent.

      Je remercie l’Allemagne pour son soutien et son appui. Pour son soutien politique, qui a été à la hauteur de notre relation, et qui est d’ailleurs celui de toute l’Europe à notre initiative, mais aussi pour son appui logistique, matériel, financier, humanitaire. Il y aura dans quelques jours une conférence des donateurs ; l’Allemagne comme l’Europe y joueront tout leur rôle.

      Cette intervention était nécessaire. Plus tard aurait été trop tard. Elle s’inscrit dans la légalité internationale et vise à permettre l’adoption, mais surtout la traduction de la volonté qui a été celle du Conseil de sécurité d’assurer le rétablissement de l’intégrité du Mali, grâce à une force africaine qui, elle, stabilisera pour longtemps le Mali et cette région du monde.

      La France a pu prendre cette responsabilité parce qu’elle était présente en Afrique. Elle n’est pas là pour chercher un intérêt, une influence. Elle est là pour porter secours et donc nous faisons en sorte que cette intervention soit utile. Utile au Mali, et elle le sera ; utile à l’Afrique pour que celle-ci prenne conscience de ses propres responsabilités ; utile à l’Europe pour que celle-ci aille plus loin vers ce qui peut la rapprocher en matière de défense. Je souhaite que la France et l’Allemagne reprennent les objectifs qui étaient prévus dans le Traité de l’Élysée, il y a cinquante ans, pour une politique étrangère commune, pour rapprocher nos doctrines, pour mettre en œuvre des projets communs, notamment en matière d’industrie de défense.

      Notre rencontre d’aujourd’hui est l’occasion d’affirmer, au-delà de notre amitié, une ambition.

      Nous devons d’abord travailler pour faire sortir l’Europe de la crise. De la crise de la zone euro – je pense que nous y sommes déjà –, même s’il faut y travailler encore, et rester vigilants et attentifs. Nous avons introduit les mécanismes qui permettent la stabilité. Nous avons approuvé un pacte de croissance, nous avons aussi agi pour venir en aide à des pays qui nous le demandaient et qui avaient fait un effort pour solliciter notre concours. Il nous reste encore à adopter un budget pour l’Europe. Je parle devant des parlementaires qui y sont attentifs, et devant le président du Parlement européen qui aura à faire en sorte que ce budget puisse être approuvé.

      Quelles sont nos intentions ?

      Maîtriser la dépense, comme partout – et nous le faisons –, mais aussi dégager des moyens pour préparer l’avenir. Être attentifs à nos politiques communes : je ne parle pas seulement de la politique agricole commune, que l’on identifie souvent à la France – à tort car elle est au service de toute l’Europe –, je pense aussi aux pays dits « de la cohésion », qui ont besoin d’un budget européen.

      Nous devons aussi donner à l’Europe les moyens de ne plus connaître les crises, notamment bancaires, qu’elle a traversées, d’où le projet d’Union bancaire que nous avons adopté et qui se traduira dans les prochains mois par des décisions concrètes et par la création d’institutions qui assureront la supervision des banques. Là encore, nous devons aller plus loin, faire qu’il y ait des disciplines : en matière budgétaire, mais aussi de comportements bancaires.

      Nous devons une fois encore, France et Allemagne – à travers l’approfondissement de l’Union économique et monétaire et le projet sur lequel nous sommes d’accord –, faire que cette Union économique et monétaire débouche aussi sur l’Union politique. Je suis prêt à recevoir toutes les propositions, et la France sera à l’écoute de toutes les Nations qui voudront aller plus loin dans l’engagement européen, à la condition que nous portions ensemble des projets d’avenir. (Applaudissements.)

      Ces projets ne peuvent plus être ceux qui avaient été définis au début des années soixante, pas davantage ceux des années soixante-dix ou quatre-vingt, pas même la seule monnaie unique. Nous devons rénover le modèle européen, donc la perspective européenne.

      L’économie sociale de marché qui a fondé cette Union conserve toute sa pertinence, là où d’autres modèles ont échoué. Mais ce modèle-là aussi doit évoluer face aux pays émergents, à l’exigence environnementale, au réchauffement climatique, à nos évolutions démographiques, au vieillissement de la population, à la nécessité d’intégrer les personnes d’origine étrangère qui sont aujourd’hui citoyennes de nos deux pays. Nous devons lutter encore davantage contre les inégalités de toute sorte. Notre modèle doit donc de nouveau connaître des mutations, des évolutions, et nous en avons la responsabilité.

      Sur quoi pouvons-nous nous retrouver pour les prochaines années ?

      Je ne dis pas les cinquante prochaines : je ne sais pas où nous serons dans cinquante ans – même si j’en ai quelque idée… (Sourires.) Nous avons à faire en sorte que, sur l’Europe de l’énergie, nous puissions avancer ensemble. Nous n’avons pas la même politique énergétique, mais nous avons la même exigence par rapport au réchauffement climatique. Donc nous sommes prêts, la France est prête, avec l’Allemagne et tous les pays qui le voudront, à définir cette Europe de l’énergie : innovation, recherche, indépendance de nos approvisionnements, préservation de la planète, voilà un premier sujet sur lequel nous pouvons coopérer davantage.

      Le deuxième sujet est l’Europe des transports, tant sur le plan du ciel européen que sur celui de l’espace ferroviaire ou des véhicules propres. Tout cela, nous pouvons le faire ensemble. Autre domaine : l’Europe du numérique, pour prendre de l’avance, équiper nos territoires, assurer de nouvelles régulations, éviter que les biens culturels soient des marchandises comme les autres, empêcher que les droits d’auteur soient méconnus. Europe des générations futures, enfin : éducation, recherche, enseignement supérieur, formation professionnelle.

      Voilà les domaines que je propose pour les prochaines décennies de l’amitié franco-allemande et de l’Union européenne.

      Mesdames et Messieurs,

      L’amitié que nous célébrons aujourd’hui est un hommage à l’Histoire, aux hommes et aux femmes qui l’ont réalisée, aux peuples qui y ont adhéré, à toutes ces initiatives citoyennes qui ont permis que notre amitié se renforce année après année, génération après génération.

      Mais notre amitié doit être aujourd’hui un appel. Un appel à nos deux pays pour qu’ils se rapprochent encore davantage. Un appel aux citoyens, pour qu’ils prennent en main leur destin. Un appel aussi à la jeunesse, pour qu’elle ait confiance en son avenir.

      L’Union de la France et de l’Allemagne, disait Victor Hugo qui était souvent prophétique, ce serait la paix du monde. Nous avons fait la paix en Europe, mais pas encore la paix dans le monde.

      Nous devons donc saluer ce qu’a été l’Histoire, et ce prix Nobel qui a été remis à l’Europe, à l’idée européenne, à la construction européenne, et qui a été regardé presque comme un anachronisme, nous devons le savourer, car il récompense les efforts qu’ont accomplis les générations qui nous ont précédés pour que l’Europe soit aujourd’hui un destin commun. Ce prix nous oblige, nous conduit à aller de l’avant, à porter de nouveaux projets, à prendre de nouvelles initiatives.

      Cette ambition, c’est celle que je veux offrir avec vous. C’est la confiance que nous devons retrouver : confiance dans notre monnaie, confiance dans notre économie, confiance dans notre modèle social, confiance dans les valeurs que nous portons, confiance dans la jeunesse. Et comment être plus confiants que lorsque nous sommes ici réunis, Français et Allemands, pour parler de notre amitié ? (Applaudissements.)

      Mme Angela Merkel, Chancelière de la République fédérale d’Allemagne. Messieurs les Présidents des parlements, Monsieur le Président de la République, cher François Hollande, Monsieur le Président fédéral, monsieur le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, Monsieur le Président du Bundesrat, Monsieur le Président du Tribunal constitutionnel fédéral, chers collègues membres des Gouvernements et des Parlements de nos deux pays,

      Le Traité de l’Élysée, raison d’être de notre remarquable réunion, fut signé il y a tout juste cinquante ans à Paris. Ce sont deux hommes d’État, Konrad Adenauer et Charles de Gaulle, qui le ratifièrent, non seulement par leur signature, mais aussi par une accolade tout à fait spontanée et chaleureuse, devenue le symbole de ce Traité. Cher François Hollande, je tiens à te remercier de m’avoir invité le 8 juillet dernier à suivre les traces de Konrad Adenauer et de Charles de Gaulle : en nous rendant à Reims pour commémorer la grand-messe pour la paix qui y fut célébrée il y a cinquante ans, et en nous rendant à Ludwigsburg en septembre dernier pour commémorer le discours que Charles de Gaulle adressa aux jeunes Allemands il y a cinquante ans. C’était un discours remarquable, non seulement parce qu’il le prononça en allemand, mais aussi parce qu’il encouragea les jeunes Allemands en leur déclarant : « Vous êtes la jeunesse d’un grand pays, d’un pays qui a commis des erreurs graves, mais qui au cours de son histoire a également accompli de grandes choses. »

      Le Traité de l’Élysée – c’était à l’époque un espoir, aujourd’hui c’est une certitude – a donné un fondement politique entièrement nouveau aux relations franco-allemandes. Il a ouvert la voie à la réconciliation durable entre Allemands et Français, et constitue aujourd’hui pour nous le cadre d’une amitié profonde, de nombreux projets au niveau de la société civile. C’est de la plus haute importance non seulement pour nous, en Allemagne et en France, mais aussi pour l’Europe toute entière. C’est donc une énorme joie que de nous retrouver réunis ici aujourd’hui. Nous sommes en effet réunis à un moment qui est tout sauf facile. La crise de la zone euro a un impact sur la manière dont l’Europe est perçue, et elle a des conséquences – ce qui est encore plus grave sur la vie quotidienne de beaucoup de personnes en Europe. Je crois qu’il est justifié de dire que c’est la plus grande épreuve qu’ait connue l’Union européenne depuis sa création.

      Quels enseignements pouvons-nous tirer de ces cinquante ans d’amitié franco-allemande ? Que l’on peut surmonter les plus grands problèmes en se remémorant la force sous-jacente à l’état de paix et de liberté, et en ayant le courage de changer. On dit souvent aujourd’hui, par une sorte de raccourci, que le Président de Gaulle et le Chancelier Adenauer s’étaient tendu la main en signe de réconciliation et qu’ils avaient consacré celle-ci en signant le Traité d’amitié franco-allemande. Comme si cela avait été si simple ! Mais en vérité cela n’avait rien de simple. Nous avons rencontré à Reims des gens qui avaient assisté à la rencontre entre Charles de Gaulle et Konrad Adenauer. Nous leur avons posé la question : quel était votre sentiment à l’époque ? Ils ont répondu ne pas avoir cru à la réconciliation après tout ce qui s’était passé pendant la Seconde Guerre mondiale.

      Nous savons que les premiers contacts entre Allemands et Français après la Seconde Guerre mondiale ont eu lieu avant la signature du Traité de l’Élysée : des contacts entre anciens résistants, les toutes premières rencontres entre jeunes, des jumelages de villes, tout cela a commencé très rapidement. Mais beaucoup se sont quand même demandé si la réconciliation était possible à long terme, alors que tout le monde avait encore à l’esprit les atrocités de la guerre mondiale et que l’Allemagne était à jamais responsable de la guerre et de la dévastation ? Un lien d’amitié pouvait-il naître entre Allemands et Français ? Ces relations particulières entre l’Allemagne et la France étaient-elles compatibles avec la construction européenne, à laquelle les deux Traités signés à Rome quelques années auparavant avaient donné un nouveau fondement historique ?

      On oublie trop souvent que le travail des pères fondateurs de l’amitié franco-allemande était rude, face aux doutes qui existaient dans leurs partis, dans leurs pays eux-mêmes et dans un monde divisé en deux par la confrontation entre l’Est et l’Ouest. Souvenons-nous : en août 1961 fut construit le mur de Berlin, des chars américains et soviétiques se trouvèrent peu après face à face à Checkpoint Charlie ; le monde retenait son souffle. En octobre 1962 éclata la crise des missiles de Cuba. Jamais, ni avant ni après, le monde ne se trouva si près d’une guerre nucléaire. C’est dans ce contexte que les discussions furent menées à l’époque, et François Hollande vient d’évoquer le préambule du Traité.

      En Allemagne, on craignait que le Traité franco-allemand puisse être interprété comme un geste contre la Grande-Bretagne, contre les États-Unis, contre l’intégration européenne et contre l’OTAN car, à l’époque, bien des personnes étaient convaincues qu’une seule option était possible : soit Paris, soit Washington ; soit la coopération européenne, soit la coopération transatlantique. Aujourd’hui, cinquante ans après, il est heureusement évident pour nous qu’une telle pensée était simpliste, et qu’il est à la fois possible et nécessaire de fonder notre coopération avec d’autres pays sur trois piliers : le pilier franco-allemand, le pilier européen et le pilier transatlantique.

      Aujourd’hui nous savons que de Gaulle et Adenauer ont agi de manière visionnaire. Leur action nous a indiqué la voie à suivre et nous a ouvert une incroyable palette de possibilités, qui sont aussi des devoirs. Le rapprochement prudent s’est transformé en amitié, la réconciliation a permis de développer dans chacun de deux pays l’envie de mieux connaître le voisin d’outre-Rhin. Cette envie, il faut la préserver et la transmettre d’une génération à l’autre. C’est aussi notre devoir. (Applaudissements.)

      Car aucun traité ne peut imposer l’envie de connaître l’autre ni l’intérêt qu’on porte à l’autre.

      Les échanges de jeunes, les jumelages de villes, la coopération économique, les projets médiatiques communs, la coopération dans le domaine des sciences et de la recherche, tous ces projets reflètent la réalité actuelle et illustrent la coopération ente nos sociétés civiles. C’est surtout grâce à ces échanges interpersonnels que l’Allemagne et la France peuvent contribuer ensemble à une meilleure Europe.

      Bien sûr, les contacts entre parlementaires y contribuent aussi de manière considérable. Je suggère – il y a d’ailleurs tant d’initiatives – de ne pas seulement nous rencontrer à l’occasion de célébrations solennelles mais aussi de coopérer bien plus étroitement dans notre travail quotidien, en particulier en ce qui concerne la construction de l’Europe, et naturellement de renforcer – je profite de la présence de son Président pour le dire – la coopération avec le Parlement européen.

      Mesdames, Messieurs, l’amitié franco-allemande revêt une importance cruciale, non seulement pour nos deux peuples mais aussi, et cela s’est démontré, pour l’Europe toute entière. Souvenez-vous qu’en 1988, l’année du 25e anniversaire du Traité de l’Élysée, le prix international Charlemagne fut décerné à l’ancien Chancelier de la République fédérale d’Allemagne et à l’ancien Président de la République française, et que Helmut Kohl et François Mitterrand assistèrent conjointement à la cérémonie de remise du prix. Je suis heureuse que notre ancien Président fédéral, Richard von Weizsäcker, qui à l’époque prononça l’éloge des deux récipiendaires, soit parmi nous aujourd’hui. J’aimerais citer un passage de son éloge de Helmut Kohl et de François Mitterrand : « Reste principalement gravé dans notre mémoire leur rencontre en septembre 1984 sur les champs de bataille de Verdun où le père du chancelier avait été mobilisé pendant la Première Guerre mondiale et où le président français avait été blessé en tant que jeune soldat pendant la Seconde Guerre mondiale. »

      Dans son éloge, Richard von Weizsäcker évoqua également deux futures tâches fondamentales de la coopération franco-allemande : d’une part la nécessité d’un « passage inéluctable, à long terme, à l’union monétaire et à l’union politique », d’autre part celle d’une politique de sécurité commune, car – je le cite encore – « Nul ne devra douter du fait que nous protégerons notre liberté si elle est menacée. »

      Souvenons-nous l’année 1988. C’était un an avant la chute du Mur. Personne ne se doutait alors que cela arriverait si vite. Dans son discours de remerciements Helmut Kohl a alors déclaré – je le cite : « En avançant avec un nouvel élan sur la route vers l’Union européenne, nous agissons aussi dans l’intérêt des hommes dans l’autre partie de notre continent – et dans l’espoir qu’ils pourront un jour, par libre autodétermination, participer à la réalisation de cette œuvre de paix. » (Applaudissements.)

      Aujourd’hui, non seulement nous sommes réunis dans cette assemblée, mais l’Europe aussi forme un tout.

      Un peu plus d’un an après la remise du prix Charlemagne à Helmut Kohl et à François Mitterrand – c’était d’ailleurs l’année du bicentenaire de la Révolution française –, le Mur de Berlin tombait. Aujourd’hui, notre chance à nous, citoyennes et citoyens d’Europe du Sud et du Nord, de l’Ouest et de l’Est, c’est d’être unis dans l’Union européenne, comme nous l’avons évoqué à l’occasion du 50e anniversaire des Traités de Rome.

      L’Allemagne et la France – et ceci est particulièrement important – estiment depuis toujours être les forces motrices qui font avancer la construction européenne. Nous savons qu’une position franco-allemande commune ne peut pas tout dans l’Union des Vingt-Sept, mais que, sans accord franco-allemand, il est impossible, ou du moins nettement plus difficile, de progresser. C’est pourquoi rien ne changera à cet égard, et l’Allemagne et la France continueront de se sentiront conjointement responsables pour nos deux pays, mais toujours dans un contexte européen.

      Cela signifie que la crainte d’autrefois de voir l’Europe souffrir à cause de nous, doit rester infondée car il est de notre devoir d’agir dans l’esprit européen. Nous avons la conviction que l’Europe est notre avenir commun. Cette conviction ne repose plus uniquement sur le fait que l’Europe est une œuvre de paix. Même si ce serait une raison suffisante. Nous ne connaissons pratiquement plus de guerre – et je n’en connais quant à moi plus du tout en Europe. (Interruption à gauche : « Et au Kosovo ? ») Au Kosovo, nous connaissons encore la guerre. Nous travaillons à ce qu’il n’y en ait bientôt plus. (Applaudissements.) Mais je crois quand même pouvoir dire que nous ne connaissons plus de guerre à l’intérieur de l’Union européenne.

      Mesdames, Messieurs, ensemble nous agirons pour qu’au XXIe siècle aussi, face à la mondialisation et à un monde peuplé de sept milliards d’hommes qui ont leur propre conception de la vie, l’Europe puisse s’affirmer par elle-même au regard de la démocratie, de la liberté d’expression, de la liberté de religion, du vivre-ensemble pacifique qui sont les valeurs que nous avons en commun et que personne ne conteste. C’est ce que j’ai déclaré à plusieurs reprises ces derniers mois, lors de mes déplacements en Grèce ou au Portugal : j’éprouve une grande satisfaction et une grande reconnaissance à constater que les gens peuvent y manifester sans risquer de se faire emprisonner par la suite, que les gens puissent y exprimer leur opinion. En Europe, dans l’Union européenne, ce n’est plus remis en question et c’est un vrai progrès. (Applaudissements.)

      Ensemble, nous œuvrons pour une Union européenne, empreinte d’unité, de fraternité, de la force sous-jacente à la liberté et du respect de la dignité de toute personne. Ce sont les principes qui continuent de guider l’Allemagne et la France aujourd’hui. Cela me fait revenir à Richard von Weizsäcker, qui avait déjà en 1988 défini nos deux tâches, on ne peut plus actuelles : construire l’union monétaire et envisager une politique de sécurité. En ce qui concerne l’union monétaire, j’aimerais évoquer Jacques Delors qui, avant même le passage à l’euro, avait souligné avec beaucoup de clairvoyance l’extrême importance d’une coopération politique renforcée, en particulier au niveau de la politique économique.

      Certes le pacte budgétaire existe aujourd’hui, certes il existe un pacte pour la croissance, mais il reste du chemin à parcourir. Je suis donc très reconnaissante du fait que nous ayons convenu de présenter en mai des propositions en vue de cette politique économique plus étroite, conformes à notre modèle d’économie sociale de marché : compétitivité d’un côté, sécurité sociale de l’autre. L’Allemagne et la France effectueront ce travail en se servant aussi de leurs différentes façons de raisonner, de leurs différentes traditions.

      Il est très intéressant d’observer que de grands efforts sont actuellement engagés en France pour faire avancer le dialogue entre les partenaires sociaux. François Hollande et moi-même avons donc l’intention de proposer aux partenaires sociaux, en Allemagne et en France, de discuter cette piste ensemble afin de contribuer à cette économie sociale de marché. (Applaudissements.)

      Naturellement, les prévisions financières dans l’Union européenne sont une de nos responsabilités. Comment mettre en œuvre un pacte pour la croissance, si nous disposions uniquement de budgets annuels ? Nous nous sentons donc particulièrement responsables à cet égard, non pour imposer quoi que ce soit aux autres, mais pour dépasser nos différents intérêts, trouver un compromis et élaborer une proposition susceptible de remplir cette fonction dans l’Union européenne pour les sept ans à venir.

      J’accueille avec reconnaissance le fait que nous ayons pu, à certains endroits de notre déclaration commune, ouvrir de nouveaux chapitres, par exemple en ce qui concerne la coopération dans le domaine de la politique énergétique. À ce sujet, il est extrêmement important, me semble-t-il, que, forts de nos expériences, nous poursuivions à l’avenir une voie commune dans le développement des énergies renouvelables.

      Mesdames, Messieurs, un dernier exemple. Nous voulons renforcer notre coopération en matière de régulation des marchés financiers et de supervision bancaire, et nous avons heureusement décidé aujourd’hui l’instauration d’une taxe sur les transactions. Car les hommes et les femmes de nos deux pays, l’Allemagne et la France, et des autres pays d’Europe n’accepteront pas que l’essence même de l’économie sociale de marché soit détruite par les forces de dérégulation qui sont présentes dans le monde, et capables d’anéantir par la spéculation et l’absence totale de régulation le fruit de leur travail. C’est inadmissible. L’État est le garant de l’ordre, c’est un point d’accord entre nous. (Applaudissements.)

      Telles sont nos contributions à la mise en place d’une union politique. Aussi avons-nous de nouveaux défis à relever en matière de politique de sécurité. En 1988, Richard von Weizsäcker ne pouvait se douter qu’aujourd’hui nous serions impliqués dans des conflits asymétriques avec des terroristes islamistes, qui requièrent toutes nos forces. Il est évident pour nous que nous devons relever ces défis ensemble. Pour cette raison, l’Allemagne se tient aux côtés de la France concernant l’intervention au Mali. Pour cette raison, nous soutenons la France. (Applaudissements.)

      Consciente que nous devons assurer notre sécurité au-delà même des frontières européennes, je tiens à exprimer ici et maintenant toute notre gratitude à nos soldats, hommes et femmes, français et allemands, qui sont mobilisés en ce moment même, et nous espérons qu’ils reviendront tous sains et saufs parmi nous. (Applaudissements.)

      Mesdames, Messieurs, chers collègues, nous aurons encore, à l’avenir, de grandes tâches à accomplir. Hier, François Hollande et moi-même avions l’occasion de discuter de l’avenir de l’Europe avec deux cents jeunes gens. Pour eux, tous nos acquis, la libre circulation, l’apprentissage des langues, l’opportunité que représentent les programmes européens comme Erasmus, bien d’autres choses encore, sont une évidence. Ce constat m’encourage et me rend confiante vis-à-vis des défis de l’avenir que l’Allemagne et la France relèveront ensemble.

      Merci d’être aujourd’hui réunis ici tous ensemble. (Applaudissements.)

      M. Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale. Monsieur le président du Bundestag, cher Norbert Lammert, Madame la Chancelière fédérale, Monsieur le président de la République fédérale d’Allemagne, Monsieur le président de la République française, Monsieur le Premier ministre, Monsieur le président du Bundesrat, Monsieur le président du Sénat, Mesdames et Messieurs les ministres, Monsieur le Président de la Cour constitutionnelle allemande, chers collègues du Bundestag et de l’Assemblée nationale,

      Que de chemin parcouru ensemble !

      Que d’obstacles franchis, de prétendues fatalités évitées, de mauvaises destinées esquivées !

      Ce 22 janvier 2013, nous célébrons certes cinquante ans d’amitié. Mais, l’année prochaine, un siècle se sera écoulé depuis l’immense cataclysme qui fut si près de tuer l’Europe et d’endeuiller à jamais la civilisation. Un siècle écrit à l’encre du sang des chaos, des haines fratricides et des folies meurtrières des hommes.

      Qui, au cœur des tempêtes du XXe siècle, aurait pu imaginer que les représentants de nos deux assemblées, des deux peuples allemand et français, célébreraient quelques décennies plus tard, non pas l’anniversaire de victoires fugaces ou de trêves sourdes de revanche, mais celui d’une réconciliation qui demeure la promesse la plus audacieuse que l’on puisse brandir devant les peuples ennemis de la planète ?

      Certains nous disent : « À quoi bon commémorer ? », comme si le navigateur lancé dans une grande traversée n’avait pas besoin de poser de temps en temps le regard sur sa boussole. Ces rencontres, une fois tous les dix ans, sont une façon pour nos peuples de trouver le bon cap, celui de l’avenir du continent européen et de ses habitants.

      Certains nous disent aussi : « Le temps, donnons-nous le temps… », mais le temps n’est rien sans la détermination, et la détermination n’est rien sans la vision, la vision d’une poignée d’hommes et de femmes qui ont su avant d’autres, qui ont vu avant d’autres, plus que le chemin, la destination.

      N’oublions pas non plus les petites initiatives du quotidien, discrètes, presque imperceptibles – je pense aux jumelages de villes –, qui ont permis de faire entrer le rapprochement de nos deux peuples dans une extraordinaire banalité.

      Oui, ce sont à la fois des choix politiques et des volontés populaires qui ont conduit à bâtir cette paix qui s’est transformée en réconciliation, cette réconciliation en amitié, et cette amitié en communauté de destin.

      En 2013, et pour longtemps encore, dès lors que nous le décidons, France et Allemagne marchent ensemble.

      C’est pourquoi je suggère qu’au souvenir ému nous préférions la mémoire active, la mémoire utile. Nous ne sommes pas unis pour célébrer, mais pour préparer ; nous ne sommes pas rassemblés pour commémorer, mais pour éclairer. Car notre amitié se conjugue au présent. Elle irrigue déjà l’ensemble de nos deux sociétés, désormais intimement liées.

      Je pense, bien sûr, à l’Office franco-allemand pour la jeunesse , qui a permis à huit millions de jeunes de bénéficier de trois cent mille programmes d’échanges depuis 1963, ou encore à l’extraordinaire trame tissée entre nos collectivités, entre nos associations, entre nos entreprises, entre nos citoyens.

      Je pense aussi à la coopération fraternelle, quotidienne, naturelle de nos autorités politiques, dont nos assemblées se sont emparées avec énergie. La déclaration commune que nous vous soumettons reflète ce climat de confiance qui préside à nos rencontres, et qui est de bon augure pour notre jeunesse et pour l’avenir.

      Car notre rencontre d’aujourd’hui est résolument tournée vers l’avenir et les innombrables questions qu’il nous pose.

      Nous sommes entrés dans un monde nouveau, pour le meilleur et pour le pire.

      Un monde de périls, avec de nouvelles formes de pauvreté, de replis identitaires, de dérèglements climatiques, de violences, mais un monde extraordinaire, avec l’allongement de la vie, le progrès scientifique, la naissance d’une véritable cause environnementale et de solidarités transnationales.

      Dans ce monde nouveau, nos peuples partagent les mêmes doutes. Confrontés à une concurrence parfois sauvage, ébranlés par les excès d’une économie insuffisamment régulée, la tentation est grande pour eux de jeter leurs souffrances à la figure de nos Républiques.

      À nous de démontrer que ni la France ni l’Allemagne n’entend faire de la souffrance sociale son destin national et son dessein européen.

      Car nos peuples partagent aussi les mêmes aspirations fondamentales : démontrer qu’une société d’épanouissement individuel, de bien-être collectif, de justice et d’attention aux plus fragiles, non seulement est possible, mais constitue le plus solide socle de la paix et du progrès.

      L’instrument de ce dessein, c’est celui qui a, dès le début, accompagné et noué l’amitié de nos deux Nations : l’âme de notre amitié, c’est l’Europe ! Et il nous incombe à présent de retrouver la fierté de porter ce projet, dans une démarche active, dans un compromis combatif.

      Le jour où nous nous résignerons à réduire le projet européen à une Union procédurale et comptable figée dans le déclin, ce jour-là, il n’y aura plus de projet européen ; ce jour-là, il n’y aura plus d’Europe.

      Le couple que forment nos deux pays est le moteur de l’Europe. Lorsque nous nous opposons, c’est l’Europe qui s’enlise. Lorsque nous unissons nos efforts, c’est l’Europe qui va de l’avant.

      Nous sommes le moteur de l’Europe, mais nous n’en sommes pas le directoire. Notre alliance est au service de tous et est ouverte à tous. Elle n’écrase pas, elle entraîne. L’Histoire nous l’enseigne. Notre coopération témoigne de ce que peut accomplir la volonté, à l’heure où il est de bon ton de pointer la faiblesse du politique dans la mondialisation.

      Ensemble, nous avons établi une paix durable sur notre continent, dévasté pendant des siècles par les guerres. Nous avons réunifié l’Europe sous le drapeau du Droit, de la Démocratie et de la Culture.

      Ensemble, nous avons édifié, et jusqu’à présent, pour l’essentiel, préservé, un modèle social sans équivalent dans le monde. Demeurons attentifs à ce qu’il le reste. Les négociations sur l’aide européenne aux plus démunis sont un rendez-vous que nous ne saurions manquer. (Applaudissements.)

      Ensemble, nous avons créé le marché unique et l’euro. Nous avons su faire face à la crise des subprimes en 2008, puis à celle des dettes souveraines qui en fut le prolongement.

      Ensemble, nous cherchons à sortir de la récession dans laquelle s’enfonce l’Europe, et à favoriser le retour à une croissance forte, solidaire et durable.

      Sans le retour à une telle croissance, rien n’est possible en Europe, nous le savons : ni le retour à l’équilibre des comptes des États surendettés, ni la transition de nos sociétés vers l’économie verte, ni leur redéploiement vers les industries d’avenir.

      Au cours de ces cinquante dernières années, nous avons démontré qu’il n’y a pas de fatalité à la guerre, au despotisme, à l’inflation en Europe. Nous devons démontrer maintenant qu’il n’y a pas davantage de fatalité à la stagnation, au chômage, à la précarité, aux insécurités. (Applaudissements.)

      Ensemble, nous devons désormais aussi assumer pleinement notre défense et notre sécurité, à l’heure où l’offensive de djihadistes et de narcotrafiquants se déchaîne en Afrique et au Proche-Orient. Le peuple malien nous regarde aujourd’hui. Le peuple malien nous attend. (Applaudissements.)

      « L’Europe ne progresse que sous l’aiguillon de ses crises », disait Jean Monnet. Nous pouvons mettre à profit cette crise pour accomplir un bond en avant : parachever l’Union économique et monétaire, aujourd’hui au milieu du gué, mais aussi fonder une Union politique et sociale capable de démontrer que, dans le tourbillon de la mondialisation, l’Europe, ce « vieux continent », a su trouver son élixir de jeunesse.

      Il nous faut faire Europe, comme hier nous avons su faire Nation. Pour cela, le moteur franco-allemand doit tourner à plein régime.

      Paris et Berlin ont destin lié. Il n’y a pas de pause possible. Ou bien nous régresserons chacun de notre côté, ou bien nous progresserons ensemble.

      Mesdames, Messieurs, j’en termine.

      En janvier 1963, en France comme en Allemagne, les unes des journaux titraient sur les négociations relatives au désarmement, au lendemain de la terrible alerte de la crise des missiles. Symbole d’un monde alors coupé en deux et tremblant de la menace d’une apocalypse nucléaire, l’Allemagne divisée explorait les voies de l’avenir en signant le Traité de l’Élysée, au moment même où se réunissait sur son sol, de l’autre côté du rideau de fer, le congrès des partis communistes…

      Tout cela pour vous dire que le monde n’a pas changé : nous avons changé le monde !

      Monsieur le président du Bundestag madame la Chancelière, monsieur le Président de la République, mesdames et messieurs les députés, en étant rassemblés ici, à Berlin, Français et Allemands, fils et filles des guerres et des chaos, nous marchons encore, conscients du passé, résolument tournés vers l’avenir, main dans la main. (Applaudissements.)

      M. Norbert Lammert, Président du Bundestag. Merci beaucoup, Monsieur le Président. Je donne maintenant la parole à mon collègue Volker Kauder, président du groupe parlementaire CDU-CSU au Bundestag. (Applaudissements.)

      M. Volker Kauder. Messieurs les Présidents, chers collègues,

      Nous sommes aujourd’hui réunis ici pour célébrer un grand Traité entre nos peuples, mais beaucoup de personnes qui suivent cette journée à la télévision ou à la radio vont considérer que c’est quelque chose de normal, quelque chose qui va de soi. L’Allemagne et la France coopèrent étroitement. Comme dans toute bonne relation et dans toute famille, il y a des « jours avec » et des « jours sans », mais tout le monde sait qu’à la fin on se retrouve toujours.

      Cela n’a pas été toujours ainsi. Je suis originaire d’un Land qui partage une longue frontière avec la France. Certes, le Rhin nous séparait, mais nous n’étions pas seulement séparés à cause du Rhin. Au bord du Rhin, nous, la première génération d’après-guerre, nous nous préoccupions forcément de l’avenir : qu’adviendrait-il de cette Europe ? Nos parents et grands-parents nous avaient fait part de leurs récits de guerre, ainsi décrits par quelques écrivains : « Le Rhin fut rouge à cause du sang des Allemands et des Français. » Nous nous sommes alors juré : plus jamais ça ! Il n’y aurait plus jamais de guerre, l’Europe vivrait pour toujours dans la paix. C’était la plus grande vision de notre génération. (Applaudissements.)

      Nous avions à peine vingt ans lorsque, sur le pont du Rhin entre Kehl et Strasbourg, nous scandions : « A bas les barrières! » et, que, stupéfaits, nous voyions de l’autre côté de jeunes Françaises et Français – que nous n’avions jamais vus auparavant – qui pensaient et scandaient exactement la même chose. Nous nous sommes alors demandé comment il avait été possible que des hommes, qui s’entendent en réalité et qui, dans le passé, ont toujours voulu la paix et jamais la guerre, se soient livrés pendant tant d’années à des guerres atroces qui ont endeuillé et détruit l’Europe ? Pour nous, il était évident que pesait sur notre génération une responsabilité particulière pour concrétiser cet objectif : assurer la paix et la coopération pour toujours en Europe, et nouer entre nous des liens dont la force rende impossible tout acte de guerre ou de violence des uns contre les autres.

      Mesdames, Messieurs, chers collègues, lorsque nous débattons aujourd’hui de la manière de stabiliser cette Europe, de stabiliser l’euro, nous devrions, à mon avis, nous rappeler l’idée de départ : au regard de cette tâche fondamentale, l’Europe ne doit pas être réduite à une Europe de l’euro et du centime. L’Europe est une grande communauté de paix, mes chers collègues, et cela doit toujours être mis en exergue. (Applaudissements.)

      Même si cette Europe n’avait rien réussi d’autre que de garantir la paix, nous serions obligés de le reconnaître: Nous devons être reconnaissants pour cette œuvre qu’une, que deux générations ont accompli grâce à ce formidable traité. Mesdames, Messieurs, oui, ce qui a été dit est vrai : cela n’a été possible que par la réconciliation entre la France et l’Allemagne, grâce à deux hommes surtout, Charles de Gaulle et Konrad Adenauer, qui en avaient conscience et qui ne se sont pas laissé influencer par un discours selon lequel il fallait choisir le rapprochement transatlantique avec la participation de la Grande-Bretagne et ne pas suivre une voie séparée. Ils n’ont pas suivi une voie séparée : ils savaient bien que, si cela ne marchait pas entre l’Allemagne et la France, si l’amitié ne voyait pas le jour, l’Europe serait vouée à l’échec. (Applaudissements.)

      C’est la même chose aujourd’hui. Bien sûr, il faut tenir compte des pays plus petits car ils font tout autant partie de l’Europe. Mais un fait s’impose comme une évidence : s’il y avait des tensions permanentes entre la France et l’Allemagne, s’il y avait dissonance entre la France et l’Allemagne, chers collègues, l’avenir de l’Europe serait compromis. Pour cette raison, il est légitime de dire qu’en Europe une responsabilité toute particulière nous revient, à nous Allemands et Français. Cela signifie aussi, bien sûr, que nous avons besoin de démocratie, de légitimation démocratique dans cette Europe. Plus le niveau de légitimation démocratique, qui passe par la participation des Parlements, sera élevé, plus nous serons proches des citoyens.

      Monsieur le Président, le Bundestag atteint un niveau de participation démocratique – en partie grâce au concours et aux décisions du Tribunal constitutionnel fédéral qui dépasse de loin ce qui existe en France. Pour cette raison, je vous prie sincèrement de faire preuve de compréhension lorsque notre Chancelière déclare, au cours des négociations à Bruxelles, qu’elle doit également tenir compte des décisions du Bundestag. Ce n’est pas une méchanceté à votre égard, Monsieur le Président, c’est notre système qui l’impose. (Rires et applaudissements.)

      Nous en sommes assez fiers. De fait, jusqu’à présent, le Gouvernement allemand n’a pas eu de raisons de se plaindre du travail du Parlement. Nous avons toujours fait en sorte que le Gouvernement allemand soit en mesure d’exercer son pouvoir d’action et de négociation. Il est certain que ce même Gouvernement fait preuve de discernement en anticipant autant que possible la position du Parlement. (Exclamations sur certains bancs.) Ce n’est pas forcément le cas aujourd’hui, car nous autres parlementaires sommes faits ainsi, mais c’est dans une large mesure la règle au Bundestag, chers collègues. (Applaudissements.)

      Il ne faut pas que notre regard se porte uniquement sur le passé. L’Office franco-allemand pour la jeunesse a été évoqué à maintes reprises. Les jeunes ne connaissent la guerre, Dieu merci, que par l’Histoire et les livres. C’est pour cela que le fait de dire que l’Europe est une formidable garantie pour la paix ne déclenche plus de passion chez eux, Monsieur le Président du Bundestag. Mais il est important de dire à ces jeunes gens que nous veillerons à ce que l’Europe devienne pour la jeune génération une formidable garantie d’avenir et de prospérité.

      Il est tout à fait primordial que nous veillions à ce que les jeunes réussissent leur entrée dans la vie adulte, qu’ils aient la chance de suivre une formation professionnelle, qu’ils aient la possibilité de trouver un travail. Je peux très bien m’imaginer ce que ressent un jeune en Espagne ou dans d’autres pays où le taux de chômage des jeunes atteint 50 %. Comment un jeune pourrait-il s’enthousiasmer pour l’Europe lorsqu’il craint de ne pas avoir de perspective d’avenir ? C’est pour cela que l’Europe doit être pour nous synonyme de perspectives, de débouchés pour la jeune génération. C’est la meilleure garantie pour un avenir serein de cette Europe. (Applaudissements.)

      Mesdames, Messieurs, chers collègues, je suis sûr que l’amitié entre l’Allemagne et la France sera un atout pour faire avancer l’Europe. Je nous souhaite d’avoir toujours à l’esprit que cette amitié franco-allemande est un véritable trésor qu’il faut préserver scrupuleusement. Je nous souhaite bonne continuation – à chacun de nous, à nos peuples et à cette amitié – avec la bénédiction de Dieu. (Applaudissements.)

      M. Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale. La parole est à M. Bruno Le Roux, président du groupe socialiste, républicain et citoyen.

      M. Bruno Le Roux. Monsieur le Président du Bundestag, Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, Madame la Chancelière, Monsieur le président de la République, Mesdames et Messieurs les ministres, Messieurs les Présidents du Bundesrat et du Sénat, Mesdames et Messieurs les parlementaires, chers collègues,

      Vous me permettrez, en signe d’amitié, en souvenir heureux mais lointain du jumelage de ma ville d’enfance avec Oberursel, signé en 1964, juste avant ma naissance, de commencer et de finir mon intervention par quelques mots en allemand, même prononcés de façon imparfaite. (Applaudissements.)

      (L’orateur poursuit en allemand.) Au nom de tous les députés de mon groupe, je souhaite remercier le Bundestag de l’accueil qui nous est réservé aujourd’hui. C’est pour nous un honneur et une grande joie que d’être réunis avec vous à Berlin. Nous célébrons le cinquantenaire d’un traité qui a rendu possibles tant d’avancées, en particulier entre les jeunes générations de nos deux pays. Notre séance commune d’aujourd’hui est certes institutionnelle, mais elle n’est pas formelle. Elle est l’expression de cette amitié réciproque que se portent nos deux peuples et qui se manifeste à travers nous, leurs représentants. (Applaudissements.)

      (L’orateur reprend son propos en français.) Que de chemin parcouru depuis la promesse des fondateurs de cette relation si forte, Konrad Adenauer et Charles de Gaulle ! Combien de pas franchis depuis qu’ils nous ont dit que nous serions plus forts ensemble et que nous avions, ensemble, la responsabilité de construire la paix et la coopération sur tout notre continent.

      Nous avons tant avancé qu’aujourd’hui notre amitié est devenue évidente. Évidente pour notre génération, précieuse même. Notre devoir est de veiller à ce que, pour nos enfants, elle ne soit jamais banale.

      Parce que rien n’est banal quand il s’agit de l’Allemagne et de la France. Rien n’est banal quand il s’agit d’une coopération si profonde entre deux peuples. Rien n’est banal quand il s’agit du plus bel exemple de réconciliation qui ait été offert au monde.

      Mes chers collègues, les temps ont changé. L’amitié entre la France et l’Allemagne n’est plus à construire. Elle est acquise.

      Alors notre responsabilité collective, notre devoir à nous, parlementaires, c’est de rester fidèle à l’esprit de ce qui a été construit par nos prédécesseurs.

      L’amitié que nous célébrons aujourd’hui, ce n’est pas l’uniformité. Nous sommes deux peuples. Nous sommes deux Nations, chacune avec son histoire, ses atouts, ses difficultés. Mais nous pouvons former une communauté de projets. Et nous pouvons mettre cette communauté de projets au service de toute l’Europe. Ce que nous avons entendu sur la jeunesse, sur l’énergie, sur la politique industrielle, nous donne une feuille de route qui doit nous permettre de remettre en marche le mouvement qui a été celui des fondateurs.

      Notre amitié ne doit pas être un principe, même si c’est déjà beaucoup. Elle doit être un projet, un acte.

      J’en appelle donc à la poursuite de l’ambition – car c’est une véritable ambition – du Traité de l’Élysée.

      Cela passe, bien entendu, par la coopération parlementaire et politique et par des rencontres telles que celles que nous vivons depuis hier.

      La coopération franco-allemande nous dépasse parce qu’elle influence tout notre continent. Nous avons une responsabilité en la matière, non parce que notre amitié serait exclusive, mais parce qu’elle est fondée sur les bases mêmes qui ont fait l’Union européenne : la réconciliation et la coopération.

      Alors, mes chers collègues d’Allemagne et de France, je veux aujourd’hui vous parler aussi de l’Europe. Je veux vous dire qu’aucun pays de l’Union, aucun, n’a quoi que ce soit à perdre si nous arrivons à avancer vers plus de solidarité en Europe. Quand l’Europe devient plus solidaire, quand elle se serre les coudes parce que la situation est difficile pour tous – même si elle est plus difficile encore pour certains –, ce sont tous les pays de l’Union qui y gagnent. Quand nous sommes capables de donner à manger à tous ceux qui, sur notre continent, n’ont pas de quoi manger, c’est l’Europe qui montre sa force, c’est l’Europe qui montre qu’elle a été bâtie au service des peuples. (Applaudissements.)

      La solidarité sur notre continent, mes chers collègues, est un investissement, un investissement rentable. La préservation de notre modèle social, de celui de l’Europe, est à cette condition.

      Mes chers collègues, si la perte de confiance dans l’Europe et dans sa capacité à représenter un progrès est un risque, il y en a un autre, que je vois poindre : celui qui consiste à penser que l’Union est déjà allée bien assez loin dans l’intégration, ou que l’Union européenne souffrirait d’un tel vice de construction qu’elle ne pourrait pas représenter un progrès.

      Je récuse ces deux alternatives. Oui, l’Europe doit encore progresser, parce que notre construction manque encore de cohérence. Oui, l’Europe peut encore progresser sur les fondements qui ont été construits, patiemment, par nos prédécesseurs. Ce sont de bonnes bases, solides. Je n’en récuse aucune, même si je sais que nous devons faire mieux encore.

      C’est pourquoi les députés socialistes français que je représente à cette tribune aujourd’hui sont entièrement engagés, avec le président de la République, avec le Premier ministre, avec le Gouvernement, pour approfondir la construction européenne, pour progresser dans l’intégration solidaire.

      Cette plus grande intégration, si elle se fait dans le respect des impératifs démocratiques, ne réduira en rien la place de nos parlements. Elle n’est pas une perte de souveraineté pour les États, elle est au contraire un moyen de retrouver une marge de décision dans le cadre de la mondialisation.

      Mesdames et messieurs les parlementaires, nos deux pays peuvent être pleinement rassemblés autour de cet objectif central qu’est le progrès dans l’intégration solidaire de l’Union européenne.

      L’Europe a été construite, comme la relation franco-allemande, parce que les responsables politiques et les peuples ont compris que nous serions plus forts tous ensemble. La voilà, la leçon de la construction européenne. Le voilà, notre rôle à nous, responsables politiques qui avons à faire face à une crise qui atteint tous les peuples d’Europe.

      À nous de savoir faire les pas nécessaires dans l’intérêt de notre Union, de cette construction historique mais fragile, toujours fragile car nul n’est à l’abri du repli sur soi.

      Il est là, l’enjeu de cette nouvelle période : construire une Europe plus solidaire, plus intégrée, plus progressiste.

      (L’orateur conclut en allemand.) Monsieur le président du Bundestag, chers collègues, madame la Chancelière, monsieur le Président de la République,

      Aujourd’hui, à Berlin, en ce moment solennel qui réunit les représentants de nos deux peuples, je nous appelle à prendre ensemble nos responsabilités : pour la France, pour l’Allemagne, pour les relations franco-allemandes, mais aussi pour notre Europe commune. (Applaudissements.)

      M. Norbert Lammert, Président du Bundestag. La parole est à mon collègue Frank-Walter Steinmeier, président du groupe parlementaire SPD. (Applaudissements.)

      M. Frank-Walter Steinmeier. Monsieur le Président du Bundestag, Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, Monsieur le Président de la République fédérale d’Allemagne, Monsieur le Président de la République française, Madame la Chancelière, Monsieur le Premier ministre, Monsieur le Président du Tribunal constitutionnel, Monsieur le Président du Bundesrat, chers collègues,

      Il y a quarante ans, à l’été 1973, un jeune homme traversait la frontière franco-allemande en compagnie de quelques amis. C’était son premier vrai voyage à l’étranger. La voiture dans laquelle ils voyageaient était, bien sûr, une deux-chevaux dont la boîte de vitesses était coincée et dans le coffre de laquelle se trouvait une manivelle, car le démarreur flanchait de temps à autre. Ils descendaient sur la Côte d’Azur, passaient la nuit dans des campings pas chers, buvant du vin rouge et mangeant de la baguette avec du fromage en compagnie de jeunes Français rencontrés ici et là, avec lesquels ils discutaient pendant des heures de la vie et de leur rêve d’un monde meilleur et plus juste. Vous vous doutez bien de quel jeune homme je parle. (Sourires.)

      J’aime me souvenir de ce voyage et d’autres voyages semblables, et je regrette de parler beaucoup moins bien français aujourd’hui qu’à l’époque. C’était ma première vraie rencontre avec l’Europe. Je n’appartiens plus, comme vous, Volker Kauder, à la génération qui a fait tomber les barrières : j’appartiens à la génération qui tout naturellement a grandi dans cette nouvelle, dans cette plus grande Europe.

      Bien entendu, la France n’était pas pour nous un pays parmi d’autres. C’était un pays clé. « L’Allemagne et la France », c’était plus que le dépassement d’une inimitié héréditaire séculaire. « L’Allemagne et la France », ce n’était pas seulement démontrer que des ennemis pouvaient devenir amis. « L’Allemagne et la France », c’était pour nous une bouffée d’air dans une Allemagne quelque peu ringarde. La France, c’était Jean-Paul Sartre, Serge Gainsbourg, André Gide, Jeanne Moreau. La France, c’était la curiosité, l’ouverture d’esprit et la liberté. La France, c’était le pays où vivaient des gens partageant les mêmes idées (Applaudissements), de jeunes Européens qui avaient des idées comparables aux nôtres, qui comme nous voulaient changer le monde.

      Notre cœur battait à gauche ; il battait pour Willy Brandt. Nous voulions emprunter de nouveaux sentiers, oser plus de démocratie. Dès le milieu des années soixante-dix, nous avions presque tourné la page de l’Allemagne d’Adenauer. Nous étions certains que de jeunes Français suivraient la même voie que nous, une voie qui a transformé l’Europe. Les étapes suivantes ont été franchies par Brandt et Pompidou, par Schmidt et Giscard d’Estaing.

      J’ai à présent cette certitude : l’Europe doit également beaucoup à ces deux conservateurs clairvoyants, Adenauer et Charles de Gaulle. Conscients de la puissance des raz-de-marée nationalistes, ils savaient que seules des digues fortes et une attention inlassable pouvaient repousser ces dangereuses grandes marées. Je suis pourtant convaincu que l’Europe est plus qu’une digue contre les forces obscures du passé. L’Europe incarnait déjà pour moi en tant que jeune homme et incarne toujours aujourd’hui bien plus: l’espoir que nous réussissions ensemble à construire un meilleur avenir.

      Oui, ce que Jean-Claude Juncker n’a de cesse de souligner est exact : pour comprendre l’Europe, il faut se rendre dans un cimetière militaire. Mais ce n’est qu’une partie de la réalité. L’Europe représente aussi l’espoir d’une société plus juste, permettant la réussite sociale, d’une société d’ouverture, de tolérance et de solidarité. Pour sortir l’Europe de la crise actuelle, il ne suffit pas d’être expert en édification de digues. Il faut un plan pour construire l’avenir, il faut de l’inventivité et le courage du changement, et j’aimerais que ce notre message aujourd’hui soit le suivant : nous sommes ensemble et, surtout, nous regardons devant nous.

      Je suis content que, l’année dernière, ce soient nos deux Parlements qui aient donné d’importantes impulsions pour trouver une sortie de crise. Je rappelle que le pacte budgétaire a été complété d’un volet sur la croissance et l’emploi. Je pense à notre engagement pour une taxation des marchés financiers, je pense bien évidemment à la question du chômage des jeunes que nous avons mis sur l’agenda européen. Nous n’avons pas le droit d’accepter qu’il y ait des régions en Europe où plus de la moitié des jeunes n’aient pas de formation et d’emploi. (Applaudissements.)

      Nous avons aussi, en effet, appelé constamment l’attention de chacun sur le fait qu’une Europe dépourvue de contrôle parlementaire et de responsabilité politique claire ferait fausse route. Oui, cela est certain : pour faire avancer l’Europe, nous n’avons pas de chemin tracé à l’avance, mais nous avons une boussole, et cette boussole, c’est la démocratie.

      Je me souviens parfaitement des quarante ans du Traité de Élysée. À l’époque, l’Allemagne était sur le point d’entamer une grande réforme. L’Allemagne était considérée comme l’homme malade de l’Europe et la France se portait relativement bien. À l’époque, la France ne nous a pas donné de leçons, mais elle nous a adressé des encouragements, et j’aimerais que nous fassions de même aujourd’hui. (Applaudissements.)

      La France est un pays fort, avec des hommes et des femmes formidables, de bonnes idées et des hommes politiques responsables. Je leur adresse un message clair : nous sommes avec vous. Nous croyons en votre réussite. Face aux défis qui sont devant vous, vous pouvez compter sur le soutien de vos amis en Allemagne.

      Une dernière remarque au sujet de ce qui se passe en ce moment en Afrique. J’estime que la France a fait preuve de courage en allant stopper l’offensive des islamistes qui opéraient sans entraves au Mali. (Applaudissements.)

      Nos pensées vont aux soldats français qui risquent leur vie lors de cette intervention dangereuse. Ils ne le font pas seulement pour la France ou pour les habitants du Mali : ils le font pour enrayer la propagation de la domination islamiste dans le Sahel méridional, et c’est notre intérêt à tous. (Applaudissements.)

      Par conséquent, je comprends que la France ne souhaite pas devoir effectuer cette intervention seule. Si la France attend de nous un soutien logistique pour qu’une force armée africaine arrive le plus tôt possible sur place afin de protéger le Mali de la prise du pouvoir par les islamistes, alors nous devons lui fournir ce soutien. (Applaudissements.)

      Ceci concerne également la formation de l’armée malienne et les initiatives visant à pacifier durablement, espérons-le, la région, ce qui passe aussi par un développement économique. Pour y arriver – j’en suis tout à fait conscient–, le chemin à parcourir peut être long.

      Mesdames, Messieurs, chers amis, un demi-siècle est une longue période. Mais en regardant vers l’avenir, je me dis qu’en réalité, nous n’en sommes qu’au début. Merci beaucoup ! (Applaudissements.)

      M. Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale. La parole est à M. Christian Jacob, président du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

      M. Christian Jacob. Messieurs les présidents du Bundestag et de l’Assemblée nationale, monsieur le président de la République fédérale, madame la Chancelière, monsieur le président de la République, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues,

      « L’avenir de nos deux pays, la base sur laquelle peut et doit se construire l’union de l’Europe, le plus solide atout de la liberté du monde, c’est l’estime, la confiance, l’amitié mutuelles du peuple français et du peuple allemand ». C’est ainsi que le général de Gaulle terminait son discours devant la jeunesse allemande au château de Ludwigsburg en septembre 1962. Quelques mois plus tard sera signé le Traité de l’Élysée qui reste, cinquante ans après, l’acte fondateur du pacte d’amitié entre nos deux peuples.

      Quel bonheur intense que de célébrer ce traité d’amitié ici à Berlin, là même où s’élevait à l’époque le mur de la honte ! Ce traité, c’est d’abord la volonté de deux hommes qui ont chacun marqué et façonné l’histoire de leurs pays et rendu nos avenirs indissociables : le chancelier Konrad Adenauer et le général de Gaulle.

      Issu de la famille politique qui est l’héritière directe du général de Gaulle, je mesure le chemin que nos pays ont parcouru. L’amitié avec l’Allemagne fait partie du patrimoine génétique politique de notre groupe. Il est simple et naturel pour nous d’être rassemblés en ce jour. Mesurons-nous réellement l’extraordinaire clairvoyance et la volonté sans faille qu’il a fallu à ces deux hommes pour rendre cela possible ? Deux hommes d’État qui ont dépassé leurs trajectoires et histoires personnelles avec une seule obsession : l’intérêt supérieur de leurs deux pays et l’intérieur de l’Europe.

      La France et l’Allemagne sont le cœur battant de la construction européenne. Si nous voulons vraiment, pour la jeunesse de demain, une intégration plus forte, nous ne pourrons le faire que sur la base d’un nouvel accord historique entre la France et l’Allemagne. Un accord à la hauteur du monde moderne. Un accord de grande magnitude comme celui de 1963. Un accord comme celui que Helmut Kohl et François Mitterrand ont su conclure en faisant le pari d’une monnaie commune.

      Car c’est bien de cela qu’il s’agit aujourd’hui : quel rôle le couple franco-allemand va-t-il continuer à jouer dans la construction européenne ? Quels sont les défis que l’Europe doit relever aujourd’hui ?

      La zone euro est toujours extrêmement fragile et il faut s’attaquer aux causes de la crise, notamment au manque de compétitivité de nos économies, et en particulier de l’économie française.

      L’adoption de la règle d’or, sans qu’elle revête forcément de valeur constitutionnelle, dans les politiques budgétaires des pays de l’Union est certes un pas essentiel, un pas vers une meilleure gouvernance économique, vers une meilleure efficacité de la zone euro.

      Mais il reste encore tant à faire. Nous devons nous montrer dignes de l’héritage que nous avons reçu de nos pères fondateurs. Cela nécessitera des actes, et souvent des actes forts. Nous ne pouvons durablement partager la même monnaie et pratiquer des politiques budgétaires, économiques, sociales ou fiscales différentes, parfois même divergentes. Cette ambition a été portée par la France depuis longtemps ; Jacques Delors la défendait, Valéry Giscard d’Estaing aussi, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy n’ont cessé d’insister sur son absolue nécessité. Notre réussite collective imposera un rendez-vous de courage et de crédibilité. Si tel n’est pas le cas, nous risquons l’échec.

      Si je suis particulièrement sûr de la solidité dans la durée du couple franco-allemand, je dois vous avouer mon inquiétude aujourd’hui devant, disons-le, une certaine frilosité. De notre capacité à relever les défis qui se posent à l’Europe dans les prochaines décennies dépendra la confiance des peuples allemand et français dans l’Union.

      Nous cherchons parfois les grands débats fédérateurs capables de nous rassembler et de nous donner un nouvel élan pour avancer. Quels sont nos nouveaux horizons ? Le temps de la vie d’un homme nous sépare presque maintenant de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Pour les générations montantes, la paix est un acquis inestimable, mais elle n’est plus un but en soi. Cinquante-six ans après le Traité de Rome, qu’allons-nous proposer et décider ensemble ? Soixante et un ans après la Communauté européenne du charbon et de l’acier et un demi-siècle après le traité Euratom, qu’allons-nous proposer ensemble pour une politique énergétique européenne ?

      Qu’allons-nous proposer demain pour pérenniser le formidable succès de la politique agricole commune ? L’Union européenne doit garantir à ses citoyens et à ses consommateurs l’indépendance et la sécurité alimentaires, enjeux majeurs du vingt et unième siècle. L’Allemagne est devenue une grande puissance agricole. Votre pays a compris, et la France elle-même ne doit pas l’oublier, que, sans industrie agroalimentaire et agriculture fortes, il n’y a pas de puissance politique forte dans le monde d’aujourd’hui.

      Voilà pourquoi nous nous battrons, avec l’Allemagne, je l’espère, pour que le budget de la politique agricole commune 2014-2020 soit maintenu à son niveau actuel et pour convaincre le Conseil européen que l’Europe de demain ne doit pas sacrifier son agriculture et ses paysans. (Applaudissements.)

      Qu’allons-nous faire pour protéger notre grand marché intérieur, qui ne peut demeurer une zone débridée et molle à l’heure de la mondialisation ?

      Qu’allons-nous proposer, enfin, pour développer une force militaire et diplomatique à la hauteur de notre puissance économique et commerciale ? Nous réaffirmons notre profond attachement à la mise en œuvre d’une véritable politique étrangère et de défense commune. Au moment où les soldats français sont au feu au Mali pour la défense de valeurs qui nous sont communes, je forme l’espoir que l’Union européenne prenne enfin ses responsabilités. Et nous avons besoin de vous, mes chers amis allemands !

      Mes chers collègues, l’Europe suscitera l’adhésion des peuples si elle a la force de répondre aux grands enjeux d’un siècle où elle jouera son destin et sa place dans le long cours de l’histoire. Cette réponse dépend d’abord de nos deux nations, de leur capacité à dépasser leurs intérêts propres et immédiats pour se retrouver ensemble dans un élan porteur de rayonnement : leur rayonnement et le rayonnement de l’Europe. (Applaudissements.)

      M. Norbert Lammert, Président du Bundestag. Notre collègue Rainer Brüderle, président du groupe parlementaire FDP, a maintenant la parole. (Applaudissements)

      M. Rainer Brüderle. Messieurs les Présidents, madame la Chancelière, mesdames, messieurs,

      Aujourd’hui nous célébrons les cinquante ans du Traité de l’Élysée, qui marque le début officiel de l’amitié franco-allemande.

      Des millions de Français et d’Allemands vivent concrètement l’amitié franco-allemande. Je viens du Land le plus occidental de l’Allemagne, la Rhénanie-Palatinat, où cette amitié est très fortement enracinée. Les premiers jumelages ont été créés entre Mâcon et Neustadt an der Weinstraße, ainsi qu’entre Mayence et Dijon. En Rhénanie-Palatinat se trouve aussi, à Ingelheim, la Kaiserpfalz, résidence favorite de l’homme que vous appelez Charlemagne et nous Karl der Große. C’est notre père commun, même si nous avons mis des centaines d’années avant de nous serrer de nouveau dans les bras pacifiquement et chaleureusement en tant que frères. (Interpellation.) Oui, sœur Roth, en tant que sœurs aussi… (Rires et applaudissements)

      En regardant d’autres régions du monde où existent des guerres et des conflits, nous nous rendons compte de la chance que nous avons d’être en Europe et d’avoir l’Europe. C’est ce que nous ne devrions jamais perdre de vue. Aux portes de l’Europe se déroulent des événements effroyables, en Algérie par exemple. En ce qui concerne les événements au Mali, la France a pris ses responsabilités pour l’ensemble de la communauté internationale, et l’Allemagne se tient aux côtés de la France. Nous participons à la lutte contre le terrorisme et l’injustice en Afghanistan et dans la Corne de l’Afrique, et nous apportons notre soutien à la Turquie, notre allié au sein de l’OTAN.

      L’ordre mondial est en train de changer. Nous ne sommes plus à l’ère européenne. Les deux tiers de la croissance économique mondiale sont produits par les pays émergents. Ces marchés émergents sont en Chine, en Inde, en Russie et au Brésil. L’Europe devra fournir de gros efforts pour faire le poids. Dans environ trente ans, la grande Union européenne avec ses vingt-huit États et les États-Unis d’Amérique ne représenteront ensemble plus que 7 % de la population mondiale, et cette tendance est plutôt à la baisse. C’est notre défi. L’Europe doit être un acteur, et non pas seulement un spectateur, de ce nouvel ordre mondial et de ces évolutions futures. Elle doit donc rassembler ses forces. L’Europe est forte lorsque l’Allemagne et la France font bloc. L’Europe est forte lorsque nos économies nationales se portent bien, lorsque nous sommes compétitifs, lorsque nous parvenons à défendre nos positions.

      Certains observateurs extérieurs à l’Europe prédisaient l’effondrement de notre Union monétaire. Leurs spéculations étaient fausses. L’Europe a résisté. L’euro est stable et restera stable. Dans ce cas aussi, l’action concertée entre l’Allemagne et la France a été décisive.

      Chers amis et amies! – français (Rires et applaudissements), je vous demande votre compréhension pour ce que je vais expliquer maintenant, à savoir que les Allemands sont très préoccupés par la dévaluation et l’inflation. Au début et à la fin de la période la plus sombre de leur histoire, ils ont subi une inflation, une dévaluation et une réforme monétaire. À deux reprises, ils ont perdu leur argent. Cet attachement à la stabilité de notre monnaie guide notre participation au développement européen. C’est pour cela que l’euro doit rester stable. (Applaudissements.)

      Nous régulons l’économie de marché grâce aux prix. Quand les prix ne reflètent pas correctement la rareté des produits sur le marché, nous faisons fausse route. La dévaluation et l’inflation sont une injustice sociale. Elles frappent en premier lieu les petites gens qui ont un livret d’épargne, qui ont un compte courant, mais qui ne peuvent pas acquérir de bien immobilier au Canada. Pour cette raison, nous attachons tous beaucoup d’importance à la garantie de cette stabilité.

      Ensemble, nous avons avancé. Le pacte budgétaire et le Mécanisme européen de stabilité nous ont fait progresser. L’Allemagne et la France donnent le tempo. En partant toujours du principe que tous sont conviés à se joindre à l’Allemagne et à la France. Mais celui qui ne souhaite pas participer ne doit pas empêcher ceux qui souhaitent plus d’intégration, d’avancer dans ce sens. Le principe à suivre pour continuer d’avancer est donc le suivant : construisons l’Europe, remodelons l’Europe.

      Nous sommes différents. Nous ne serons pas une copie des États-Unis d’Amérique. Notre culture est différente; nous avons une autre diversité, une autre tradition. Et c’est exactement cela qui fait notre force. Notre diversité, notre pluralité nous rendent plus réactifs vis-à-vis des futurs enjeux mondiaux auxquels nous devrons certainement faire face.

      À mon avis, c’est l’euro qui est précisément le symbole de notre capacité d’action, de paix et prospérité en Europe. Nous devons être guidés par notre ambition de faire résolument avancer l’Europe. Je proclame donc : vive la France ! Vive l’Allemagne ! Vive l’Europe ! Merci beaucoup. (Applaudissements.)

      M. Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, président du groupe Union des démocrates et indépendants.

      M. Jean-Louis Borloo. Monsieur le président de la République fédérale d’Allemagne, monsieur le président de la République française, madame la Chancelière, mes chers collègues,

      Il y a soixante-dix ans, nos peuples se déchiraient, entraînant l’Europe et le monde. Il y a cinquante ans, les belligérants inapaisables d’hier étaient devenus les bâtisseurs acharnés d’un destin commun. Après des combats séculaires, malgré la morsure quotidienne de la douleur et la peine irréparable des familles endeuillées, des femmes et des hommes avaient eu le courage merveilleux du pardon. Grâce à Konrad Adenauer et au général de Gaulle, le rapport de force est devenu un rapport de foi. Notre amitié, l’expression de l’espoir, est désormais la trame invisible et consubstantielle de l’Europe.

      Oui, l’Europe est une conscience, car elle a été la réponse humaine au chaos terrible et destructeur entraîné par les fanatismes. L’Europe bâtie sur l’amitié franco-allemande est une conscience, et c’est tout le sens du traité de l’Élysée. À l’heure où des soldats français se battent aux côtés des Maliens contre de nouveaux fanatismes, la conscience européenne doit trouver une nouvelle fois à se révéler. Dans ce combat, l’engagement politique de l’Europe est vital pour trouver les solutions urgentes, mais aussi globales, au problème sahélien. La solidarité européenne peut prendre des formes diverses, mais elle doit être totale, dans l’urgence, certes, mais également au-delà, car rien ne sera durable sans une réelle politique pour l’Afrique.

      L’enjeu de l’Afrique est pour nous l’enjeu du XXIe siècle. L’Afrique, dont la plus proche frontière n’est qu’à dix-sept kilomètres de l’Europe, l’Afrique, qui comptera bientôt deux milliards d’habitants, l’Afrique, qui dispose d’énormes ressources et, en même temps, doit faire face tous les dangers que vous connaissez – climatiques, politiques et de la faim –, est notre plus grand danger ou notre plus grande chance. Il nous faut donc une stratégie Europe-Afrique, c’est vital, il nous faut un plan global : économique, éducatif et énergétique. Nous saurons, en dix ans, faire passer l’accès à l’énergie de l’Afrique de 25% à 100% : c’est une condition indispensable du développement dont la réalisation, pertinente sur le plan économique, constituera un outil de croissance pour l’Europe et la meilleure façon de lutter contre les fanatismes. (Applaudissements.)

      Mes amis, ce n’est plus de plans d’aide que nous avons besoin, mais d’une stratégie Europe-Afrique. Nos différences sont nos richesses, ne les laissons pas devenir de l’indifférence. C’est surtout à cela que sert un anniversaire : s’arrêter pour revenir à l’essentiel et éclairer l’avenir. Notre famille UDI est composée d’Européens convaincus, défenseurs d’une Europe politique plus intégrée, notamment en matière économique, sociale et environnementale.

      (L’orateur conclut son intervention en allemand.) Héritiers de Robert Schuman, de Jean Monnet, de Valéry Giscard d’Estaing et de Simone Veil, nous savons que l’amitié franco-allemande est l’âme et l’élément de stabilité de cette construction. Mes amis, je vous remercie chaleureusement. Vive l’amitié franco-allemande ! (Applaudissements.)

      M. Norbert Lammert, Président du Bundestag. La parole est à notre collègue Gregor Gysi, président du groupe parlementaire Die Linke. (Applaudissements)

      M. Gregor Gysi. Messieurs les Présidents – le peu de temps qui m’est imparti m’oblige à m’adresser à vous collectivement –, Monsieur le Premier ministre, Madame la Chancelière,

      Je ne peux pas aujourd’hui, faute de temps, engager un débat sur la politique actuelle. On a bien raison de souligner que l’ancien Président, le général Charles de Gaulle, et l’ancien Chancelier ont accompli un acte important en signant il y a cinquante ans le Traité de l’Élysée. Je tiens cependant à ajouter que les deux peuples ont accompli un acte bien plus important, puisqu’ils se sont réellement rapprochés. (Applaudissements.)

      Je tiens également à souligner qu’il faut reconnaître que c’est le peuple français qui, au regard du contexte de l’époque, a fourni l’effort le plus important. Comme vous le savez, la dernière guerre entre l’Allemagne et la France remonte à la fin de la première partie du XXe siècle. La dictature nazie, ainsi que les crimes commis en France, étaient encore présents dans les esprits. Le peuple allemand désirait la réconciliation ; c’était bien compréhensible. Mais il existait des réticences au sein du peuple français. Les Français ont surmonté ces réticences et ont cherché la réconciliation avec l’Allemagne. Il faut rendre hommage à cet acte de bravoure. (Applaudissements.)

      Ma propre famille est également concernée. C’est grâce à la France et à elle seule que ma sœur et moi avons pu connaître notre grand-mère Erna Gysi, qui n’aurait eu aucune chance de survie dans l’Allemagne nazie et qui a trouvé refuge dans la partie non occupée de la France. Elle est restée en France après la Seconde Guerre mondiale et a vécu à Paris jusqu’à sa mort. C’était une femme brillante, très cultivée, pleine d’humour. Je remercie la France de nous avoir donné la chance de la connaître. (Applaudissements.)

      Mes parents eux-mêmes avaient d’ailleurs trouvé refuge en France, mais ils ont dû rentrer en Allemagne nazie, non parce que la France l’a exigé, mais parce que leur parti l’avait décidé. Je ne m’étendrai pas sur ce sujet. Ils ont heureusement survécu, sans quoi ma sœur et moi ne serions pas venus au monde – et ce dernier point revêt, du moins pour moi, une certaine importance. (Sourires.)

      Je dois vous raconter encore une anecdote sur ma famille. Ma fille – c’est ainsi de nos jours – apprend le français depuis l’âge de cinq ans. Elle en a maintenant seize, et tous les francophones me disent qu’elle parle bien français. Il y a un seul problème : je ne parle pas du tout français. Elle aime donc voyager avec moi en France, adore aller avec moi au restaurant, elle discute avec les serveurs et serveuses et me lit le menu. J’ai l’air d’un idiot à côté d’elle. Si vous me connaissiez un peu mieux, vous comprendriez à quel point elle en profite. (Sourires.)

      Je dois admettre que les Françaises et les Français sont plus forts que les Allemands lorsqu’il s’agit de protester. Je pense notamment à la prise de la Bastille ou à la Commune de Paris, mais aussi aux millions de personnes qui manifestaient à Paris contre un projet de loi qui visait à faciliter le licenciement des jeunes pendant deux ans.

      Je sais qu’un bon dîner est chose courant en France, mais le petit déjeuner… (Rires.) Il y a en France, vous savez, de petits hôtels où l’on vous sert seulement un croissant, une petite cuillerée de beurre et une petite cuillerée de confiture. C’est bien joli, mais ce n’est pas un petit déjeuner ! (Rires.) Les Allemands savent mieux préparer le petit déjeuner, et je crois qu’il faut avoir pris un bon petit déjeuner pour pouvoir aller manifester ensuite. (Rires et applaudissements.)

      C’est ce qui me fait vous assurer que nous pouvons apprendre les uns des autres, et nous devrions retenir le principe suivant : nous ne voulons ni d’une nation supérieure, ni d’une nation inférieure à nous. Nous voulons être sur un pied d’égalité. (Applaudissements.)

      Nous avons besoin d’une Europe des peuples, d’une Europe démocratique, sociale, écologiquement durable, solidaire et pacifique. C’est la cause pour laquelle nous devons nous battre.

      En guise de conclusion, j’aimerais faire quelques remarques sur la jeune génération. La jeunesse actuelle ne peut plus s’imaginer une guerre entre nos deux pays, bien que la dernière ne remonte pas si loin. Lorsque nous parlons de la guerre entre l’Allemagne et la France, ils pensent au Moyen Âge. Si nous arrivions à faire en sorte qu’une guerre entre l’Allemagne et la France leur paraisse si absurde qu’ils refusent de la faire même lorsqu’un idiot y appelle, ce serait une grande réussite. Merci. (Applaudissements.)

      M. Norbert Lammert, Président du Bundestag. Cher collègue, puis-je considérer votre propos sur le petit déjeuner comme une initiative officielle de votre groupe en vue de constituer un nouveau groupe de travail franco-allemand ? C’est très bien. (Rires et applaudissements.)

      M. Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale. Je ne sais pas si l’orateur suivant est un spécialiste du petit déjeuner, mais la parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste. (Sourires.)

      M. François de Rugy. (L’orateur commence son intervention en allemand.) Monsieur le président Lammert, monsieur le président Bartolone, monsieur le Président de la République fédérale d’Allemagne, madame la Chancelière, monsieur le président de la République, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs, chers collègues,

      À l’occasion de ce bel anniversaire du Traité de l’Élysée, nous pourrions tenir de longs discours sur l’histoire, mais il ne m’a été accordé que trois petites minutes, c’est pourquoi j’irai droit à l’essentiel. Je vais d’ailleurs poursuivre en français, ce sera plus rapide ! (Rires.)

      (L’orateur poursuit en français.) L’Europe subit encore les conséquences économiques, mais aussi politiques, d’une crise financière sans précédent. Il nous arrive, Français et Allemands, de ne pas être d’accord sur les remèdes à apporter à cette crise, y compris au sein de chacune de nos familles politiques. Cependant, une chose est certaine : s’il y a la tentation de faire cavalier seul, ou s’il n’y a pas d’accord entre la France et l’Allemagne, personne n’avancera durablement.

      Si le Bundestag dispose d’un groupe parlementaire écologiste depuis trente ans, cela ne fait même pas un an qu’il en est de même en France ; j’y vois le signe que nos deux pays se rapprochent. Avec Renate Künast et Jürgen Trittin, nous travaillons à des propositions communes. Nous formons le vœu que ces rapprochements trouvent des mises en œuvre concrètes dans les années à venir, y compris d’ici la fin de cette année.

      Je veux dire un mot sur un enjeu immédiat. Aujourd’hui, au Mali, la France souhaite des soutiens larges en Europe. De ce point de vue, l’ambition du Traité de l’Élysée reste à concrétiser en matière de politique extérieure et de sécurité. Pour les enjeux de plus long terme, je voudrais insister sur le défi énergétique. Mesdames et messieurs les députés du Bundestag, nous voulons d’abord vous dire qu’en confirmant récemment le choix de sortie du nucléaire, vous avez fait un bon choix. (Applaudissements.) Nos différences, dans ce domaine comme dans d’autres, peuvent être des forces : les compétences acquises par les uns seront utiles aux autres. Nous soutenons l’idée d’une Communauté européenne de l’énergie, dont la France et l’Allemagne seraient les deux piliers, pour atteindre l’objectif ambitieux d’un nouveau modèle énergétique 100 % renouvelable.

      Écologie, fonctionnement institutionnel plus parlementaire, culture de la négociation et du compromis social : pour les écologistes, si l’Allemagne n’est pas un modèle à copier, elle est une référence dont nous pouvons souvent nous inspirer et nous enrichir et, pour notre part, nous le revendiquons. Pour les années à venir, nous comptons beaucoup sur nos homologues allemands pour être les premiers acteurs de l’approfondissement des convergences fiscales, sociales et environnementales pour l’Europe. En commençant par la France et l’Allemagne, nous nous donnerons les moyens de réussir. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

      M. Norbert Lammert, Président du Bundestag. Je donne maintenant la parole à notre collègue Jürgen Trittin, co-président du groupe parlementaire Bündnis 90 – Die Grünen.

      M. Jürgen Trittin. Messieurs les Présidents, Madame la Chancelière,

      C’est une chance formidable que de pouvoir célébrer l’amitié franco-allemande aujourd’hui, et ce moment formidable, nous le célébrons grâce au courage, à l’action et à l’engagement de deux hommes politiques clairvoyants que nous venons d’évoquer : Konrad Adenauer et Charles de Gaulle. Mais nous devons également beaucoup au courage de ceux qui, à l’époque ont plus ou moins mis la main à la pâte pour démonter les barrières frontalières.

      D’innombrables personnes se sont activées et engagées, d’innombrables personnes ont vécu concrètement l’amitié franco-allemande grâce aux jumelages entre villes et aux échanges scolaires. Cette amitié franco-allemande, qui concrétise la vision de la paix entre peuples, est le socle d’une Europe unie. Nous nous sommes toujours considérés comme les moteurs de l’idée européenne. Ensemble, nous devons motiver cette Europe pour qu’elle avance – pour qu’elle avance vers plus d’Europe.

      Nous sommes obligés d’agir ainsi car le cœur de l’idée européenne est fait de la démocratie, du marché unique et de la solidarité. Il n’y a pas de paix sans cette Europe unie, et je ne crois pas non plus que, sans cette Europe unie, nous aurions pu vaincre sans heurt les dictatures sanglantes en Espagne, au Portugal et en Grèce. Sur ce chemin vers plus d’Europe, nous devons sans cesse nous remettre en question. Nous, Allemands, devons nous demander si une politique de rigueur est la seule solution pour sortir l’Europe de cette crise institutionnelle et économique qui est en train de devenir une crise de légitimité, ou s’il ne faut pas suivre les préconisations du président Hollande qui recommande de soutenir l’emploi en Europe par l’investissement. Il ne faut pas que la rigueur finisse par nous paralyser en ces temps de crise. (Applaudissements.)

      En ce qui concerne le budget de l’Union européenne, nos efforts communs doivent se concentrer sur l’investissement dans la formation, la recherche, les infrastructures, ainsi que sur un approvisionnement énergétique efficient, économique et – j’y insiste – qui ne produise pas de déchets radioactifs, afin de réduire notre dépendance vis-à-vis des importations, de prévenir l’inflation et de stimuler la croissance. (Applaudissements.)

      L’Allemagne et la France créent aujourd’hui, dans le cadre d’une coopération renforcée, la taxe sur les transactions financières. Enfin ! Je crois qu’il ne peut y avoir de politique économique et budgétaire commune qui se focalise uniquement sur les dépenses. Le marché unique requiert une politique fiscale commune qui ne se limite pas à prélever de simples impôts indirects. Nous avons besoin d’un pacte fiscal et d’un pacte contre l’évasion fiscale et l’évitement de l’impôt. La Commission européenne constate que 1 000 milliards d’euros sont perdus chaque année du fait d’impôts non payés.

      Il nous faut agir ensemble en recourant de plus en plus au vote à la majorité : sur ce point, je suis d’accord avec ceux qui en ont parlé avant moi. Nous avons besoin d’une politique fiscale commune, mais nous avons également besoin d’une politique étrangère et de sécurité commune soutenue par des votes à la majorité. Ce serait très utile dans la situation actuelle, par exemple au Mali. Pour l’instant, la France a stoppé l’attaque d’islamistes radicaux grâce à son intervention militaire. Les Nations unies, l’Union africaine, l’Union européenne : tous, nous voulons la mise en place d’un processus politique pour stabiliser le Mali. Grâce à la France, ce pays n’a pas été détruit. Il importe maintenant de revenir le plus vite possible à une gestion de crise multilatérale. Il faut former les États d’Afrique de l’Ouest de sorte qu’ils puissent assurer eux-mêmes la sécurité et la stabilité dans la région. L’Allemagne apportera sa contribution dans ce domaine.

      Assumer une responsabilité commune signifie également partager les tâches lourdes, même lorsque les temps sont difficiles. L’amitié entre nos deux pays est un grand accomplissement. Nous sommes déterminés à poursuivre notre engagement et à mettre toutes nos forces au service de cette amitié, pour le bien de la France, pour le bien de l’Allemagne et pour le bien de l’Europe. Merci. (Applaudissements.)

      M. Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale. La parole est maintenant à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

      M. Joël Giraud. Monsieur le Président du Bundestag, Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, Monsieur le Président de la République fédérale d’Allemagne, Monsieur le Président de la République française, Madame la Chancelière, monsieur le Premier ministre, chers collègues allemands et français,

      Le 20 septembre 1954 à Nevers, ville qui fut ensuite celle de François Mitterrand et de Pierre Bérégovoy, le président Pierre Mendès France, grande figure du radicalisme français, s’exprimait en ces termes devant les survivants des maquis dans cette région qui avait payé un lourd tribut à la Seconde Guerre mondiale : « Le moment est venu où il devenait nécessaire de faire face à la fois à toutes les échéances jusque là ajournées […]. Le temps travaillant sans nous a pris hypothèque sur nos décisions […]. Notre réponse comporte avant tout l’affirmation d’une volonté sincère de réconciliation définitive entre la France et l’Allemagne […]. La réconciliation franco-allemande est une condition de la stabilité politique de l’Europe comme de son développement économique et social. »

      Pour la première fois, un chef de gouvernement français répondait clairement à la main tendue depuis 1949 par le chancelier Konrad Adenauer. Et Pierre Mendès France ajoutait aussitôt : « Une compréhension loyale, réelle, durable entre la France et l’Allemagne demande pour se réaliser pleinement autre chose qu’un tête-à-tête entre les deux nations. »

      Ainsi donc, neuf ans avant la signature du traité dont nous célébrons aujourd’hui le cinquantième anniversaire, mais vingt-cinq ans après le discours d’Aristide Briand à la Société des Nations, où ce dernier déposait un mémorandum, qui ne fut pas retenu, sur l’organisation d’un régime d’union fédérale européenne, les bases de l’Europe étaient lancées sur le pilier de la réconciliation franco-allemande.

      Aujourd’hui plus que jamais, nous continuons à défendre l’idée d’un fédéralisme européen, face à la résistance qu’oppose à cette construction intégrée l’irréductible diversité des sociétés européennes, car l’Europe fédérale opposera toujours la connaissance, l’innovation, la jeunesse, le développement humain, la laïcité aux nationalismes renaissants, aux égoïsmes et aux souverainismes qui sont une insulte à la paix et à la démocratie.

      Au demeurant, sur le plan économique, l’Europe n’a-t-elle pas franchi un pas de plus vers le fédéralisme européen la nuit du 13 au 14 décembre 2012, au cours de laquelle l’Union européenne a adopté l’accord sur la supervision unique des banques ? Cet accord a mis un terme à la crise de l’euro et l’Europe a, cette nuit-là, fait le choix d’avancer dans la voie du fédéralisme.

      Il faut maintenant, à notre sens, se doter des outils nécessaires pour assurer notre souveraineté économique et financière avec la création d’un ministre européen de l’économie et par l’émergence, au cœur de l’Union européenne, à Paris ou à Francfort, d’une place financière capable de gérer la monnaie commune.

      (L’orateur conclut en allemand.) On évoque souvent ces foules qui acclamèrent le général de Gaulle lors de son voyage de septembre 1962 en République fédérale d’Allemagne. Mais se souvient-on des nombreuses banderoles qui l’accueillaient, et sur lesquelles était écrit : « Vive l’Europe fédérale » ? C’est au nom de celles et ceux, citoyens allemands, qui voyaient dans la réconciliation franco allemande l’espoir de ce fédéralisme européen, que nous, députés radicaux de gauche français, sommes venus aujourd’hui au Bundestag porter le message d’une Europe fédérale, d’une véritable puissance civile, politique, unificatrice, le message d’une véritable Europe des territoires. Merci beaucoup, et que vive notre amitié ! (Applaudissements.)

      M. Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale. La parole est à M. André Chassaigne, président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

      M. André Chassaigne. Messieurs les Présidents, Madame la Chancelière, Mesdames, Messieurs,

      Il me revient donc de prononcer la dernière intervention de cette séance. M’échoient les trois, voire quatre minutes finales de cet hommage que nous avons rendu avec émotion à l’amitié des peuples français et allemand, en célébrant et en revivifiant, monsieur le président, le Traité de l’Élysée.

      Ce texte a scellé le rapprochement de nos deux pays, dont les pages sombres de l’histoire commune n’étaient pas une fatalité. Dix-neuf ans plus tôt, en février 1944, quelques heures avant d’être fusillé, Missak Manouchian, militant communiste et résistant, écrivait à son épouse : « Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit […]. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. »

      Nos deux peuples ont su répondre à son espoir en faisant de notre réconciliation un symbole pour tous les militants de la paix et de l’amitié entre les peuples.

      Chers collègues, « c’est la douce loi des hommes » que « de changer les ennemis en frères », écrivait le poète Paul Éluard. Rappelons que cette relation d’amitié trouve aussi ses racines dans l’histoire du mouvement ouvrier et des idées portées des deux côtés du Rhin par des figures comme Rosa Luxemburg et Jean Jaurès. Avant eux, Victor Hugo, dans un discours visionnaire prononcé le 1er mars 1871 à l’Assemblée nationale, liait déjà le destin de l’Europe à la « fraternité » entre la France et sa « sœur », l’Allemagne.

      Pour continuer à faire vivre cette amitié, nous avons une responsabilité collective à assumer. C’est ce que prévoit notre déclaration commune, en confiant l’entretien de ce bien si précieux à cette si belle flamme qu’est la jeunesse.

      Cet esprit de responsabilité implique que nous surmontions ensemble les obstacles à la fraternité et à la solidarité entre les peuples. Le pouvoir exorbitant de la finance et l’aggravation des inégalités sont autant de facteurs de division qu’il nous faut combattre. La crise économique et sociale que nous traversons, alimentée par le choix de l’austérité et par les inégalités croissantes entre les États et entre les citoyens, entretient les égoïsmes et les replis identitaires au détriment des peuples européens. Pour tous, malheureusement, la guerre économique est devenue une réalité. Les salariés français, allemands, européens en paient le prix fort.

      Le courage, le souffle et la force qui avaient accompagné la signature du Traité de l’Élysée doivent aujourd’hui nous inspirer pour réorienter la construction européenne et bâtir un nouvel avenir. En quelque sorte, pour reprendre une image de mon collègue et camarade Gysi, il est grand temps de remettre la table, celle d’un nouvel avenir, l’avenir d’une Europe sociale et solidaire, d’une Europe plus respectueuse des intérêts des peuples, et plus respectueuse de leur souveraineté. (Applaudissements.)

      M. Norbert Lammert, Président du Bundestag. Merci beaucoup, merci à tous pour vos contributions. Je vais maintenant clore cette séance.

      Conjointement avec mon collègue Claude Bartolone, je constate que les deux Parlements approuvent la déclaration commune rédigée à l’occasion du 50e anniversaire de la signature du Traité de l’Élysée. Réunis pour cette séance extraordinaire, nous confirmons par cette déclaration commune du Bundestag et de l’Assemblée nationale notre volonté de promouvoir l’amitié franco-allemande grâce à notre coopération parlementaire. (Applaudissements.)

      Je vous remercie tous, et toi en particulier, cher Claude Bartolone. Et maintenant, levons-nous pour entendre les hymnes de nos deux pays. (Applaudissements. – Exécution successive des hymnes nationaux allemand et français.)

      (La séance est levée à seize heures trente-cinq.)

  • Déclaration commune du Bundestag allemand et de l’Assemblée nationale française à l’occasion du 50e anniversaire de la signature du Traité de l’Élysée

    22 janvier 2013

    Cinquante ans après la signature du Traité de l’Élysée, l’Europe se trouve devant de grands défis économiques et politiques. Pour y faire face, une Union européenne capable d’agir et la coopération étroite entre ses États membres, et singulièrement entre l’Allemagne et la France, sont indispensables.

    L’histoire de nos pays et du continent européen, pendant des décennies et des siècles, n’a pas été une histoire de paix, d’amitié et de coopération, mais celle de rivalités et de guerres, qui a coûté à des millions d’hommes et de femmes leur vie, leur santé, leur terre natale et leurs biens. Malgré les souffrances infligées dans toute l’Europe par des Allemands, à travers les crimes nazis, la France a, dans les années 1950 et 1960, été prête à la réconciliation et à l’intégration de l’Allemagne dans une construction européenne commune. Cet élan réussi vers un nouvel avenir commun est considéré aujourd’hui dans le monde entier comme un exemple de réconciliation et de partenariat. La coopération franco-allemande est devenue aujourd’hui un socle naturel et fiable du processus d'intégration européen. Le rapprochement, l’amitié et la coopération entre nos deux pays sont également un exemple qui doit inciter à dépasser les égoïsmes nationaux et à œuvrer, même en des temps difficiles, pour des relations constructives et de partenariat avec leurs voisins. Le Bundestag allemand et l’Assemblée nationale en appellent à la jeunesse européenne pour qu’elle conserve, entretienne et développe toujours plus l’héritage de l’amitié franco-allemande.

    Entre les parlements, les gouvernements, les institutions publiques, les forces armées, les villes et parmi la jeunesse, nous avons créé un réseau dense de coopération, avec :

    • les sommets franco-allemands semestriels,

    • les rencontres régulières des ministres,

    • les réunions conjointes des bureaux et des commissions des deux Assemblées,

    • les échanges de personnels des ministères et parlements,

    • les représentations diplomatiques et bureaux culturels communs à l’étranger,

    • les centaines de jumelages entre nos villes et nos régions,

    • les programmes d’échange de l’Office franco-allemand pour la jeunesse, auxquels ont participé plus de huit millions de jeunes des deux pays,

    • l’Université franco-allemande, qui compte 5000 étudiants et 142 cursus,

    • la Brigade franco-allemande, qui constitue une unité militaire intégrée ;

    L’Allemagne et la France sont des nations économiques fortes en Europe, qui détiennent ensemble plus du tiers du produit intérieur brut de l’Union européenne et sont étroitement liées au sein du marché unique ; comme telles, elles ont un intérêt spécial, mais aussi des capacités particulières à porter de l’avant la construction de l’Union européenne et à y préserver la prospérité, la sécurité et la compétitivité. Le marché unique et l’Union économique et monétaire constituent le fondement économique indispensable d’une Europe forte et dotée d’une capacité d’action politique. Nous devons tirer les enseignements de la crise financière sévère et assumer ensemble nos responsabilités pour le succès du modèle européen dans la compétition mondiale. Un marché intérieur commun et une monnaie commune requièrent une politique économique commune ainsi qu’une politique financière, sociale et environnementale étroitement coordonnée. L’Union européenne doit également poursuivre ses efforts en matière de lutte contre le changement climatique et en vue d’assurer un haut degré de protection de l’environnement.

    I. Le Bundestag allemand et l’Assemblée nationale appellent à mettre la coopération franco-allemande au service de la poursuite et de l’approfondissement de l’intégration et de l’ancrage démocratique de l’Union européenne, même – et surtout – en des temps de crise politique et économique. Cette intégration ne saurait être réduite à des questions économiques et monétaires : elle doit avant tout offrir à la jeunesse une nouvelle perspective en Europe pour, la formation, l’emploi et la croissance.

    II. Les Parlements ont un rôle essentiel à jouer dans la réussite de ce projet et affirment leur volonté d’engager une nouvelle étape de leur coopération. Nous entendons renforcer la coopération de nos deux assemblées :

    1. Nous débattrons lors de réunions régulières des bureaux, des commissions des affaires étrangères, des commissions des affaires européennes, des autres commissions sectorielles et des groupes d’amitié des deux Assemblées, des questions d’intérêt commun, notamment des principaux sujets de l’agenda européen.

    2. Sur les thèmes particulièrement importants, tel celui de la transition énergétique, nous constituerons des groupes de travail composés de députés des deux Assemblées à l’image de ceux qui ont été créés sur la jeunesse, sur la diversité culturelle et sur la crise économique et financière.

    3. Nous demandons aux commissions compétentes de nos assemblées d’élaborer des positions communes à l’égard des Etats candidats à l’entrée dans l’Union européenne, particulièrement avant le début de négociations d’adhésion et au terme de celles-ci.

    4. Nous affirmons notre engagement d’accompagner les transitions démocratiques, le cas échéant en organisant des déplacements de délégations communes des deux assemblées dans les pays concernés, et en développant des coopérations parlementaires avec les pays qui le souhaitent.

    5. Nous encourageons, comme moyen d’approfondissement du travail interparlementaire et de renforcement d’un espace démocratique à l’échelle de l’Union, la coopération entre les groupes politiques des deux assemblées.

    6. Nous renforcerons la coopération également au niveau des administrations parlementaires. Nous poursuivrons notamment l’échange régulier, y compris de plus longue durée, entre collaborateurs des deux Assemblées.

    7. Nous compléterons, en concertation étroite avec l’OFAJ, les programmes destinés à la jeunesse mis en œuvre dans les deux Assemblées par des rencontres régulières entre jeunes d'Allemagne, et de France et d’autres pays européens. Ces initiatives pourront être menées en y associant le Parlement européen.

    8. Nous nous attacherons à poursuivre le développement des échanges scolaires, à renforcer vigoureusement, en commençant dès l’école maternelle/Kindergarten, l’apprentissage de la langue du partenaire et à intensifier la coopération dans le domaine des cursus intégrés et entre les universités. Nous encouragerons le déploiement de politiques européennes ambitieuses en faveur de l’emploi des jeunes et des échanges d’étudiants de l’enseignement supérieur, en particulier en renforçant les programmes Erasmus et Socrates.

    9. Nous préconisons l’adoption de mesures facilitant les échanges entre nos deux peuples et la vie de nos concitoyens résidant dans l’autre pays, en particulier dans les domaines du droit de la famille, de la reconnaissance des diplômes et des qualifications professionnelles ainsi que de la mobilité scolaire et universitaire.

    10. Nous encourageons le développement d’instituts culturels communs ainsi que de représentations diplomatiques et consulaires européennes en dehors de l’Union européenne.

Le traité de l’Elysée

  • Le 22 janvier 1963, le Général de Gaulle et le Chancelier Adenauer signaient un traité bilatéral de coopération destiné à sceller la réconciliation entre la France et la République Fédérale d’Allemagne. Dans une déclaration commune accompagnant le Traité, ils réaffirment leur conviction que « la réconciliation du peuple allemand et du peuple français, mettant fin à une rivalité séculaire, constitue un événement historique qui transforme profondément les relations entre les deux peuples ».

    Le traité demeure la référence fondamentale du partenariat entre les deux pays.

    Les étapes de la réconciliation préalables à la signature du traité

    Le lien personnel entre le général de Gaulle et le Chancelier allemand Konrad Adenauer a joué un rôle décisif dans la réconciliation franco-allemande. Le 14 septembre 1958, le général de Gaulle reçoit le chancelier Adenauer dans sa propriété privée de la Boisserie à Colombey-les-Deux-Eglises. Les deux hommes s’y entretiennent sur la plupart des questions internationales posées aux deux pays. Les ministres des Affaires étrangères Maurice Couve de Murville et Heinrich von Brentano se rencontrent alors à Chaumont.

    De Gaulle se rend le 26 novembre 1958 à Bad Kreuznach pour une nouvelle rencontre avec Adenauer : il accorde son soutien face aux menaces de Khrouchtchev dirigées contre Berlin

    Le 25 mars 1959 le général de Gaulle affirme en conférence de presse que la réunification est le « destin normal du peuple allemand »

    Le 10 juin 1959 le général de Gaulle et Willy Brandt, bourgmestre de Berlin, s’entretiennent à l'Elysée, en pleine reprise des séances de la Conférence des Quatre à Genève portant sur le traité de paix avec l'Allemagne et le statut de Berlin

    Les 1er et 2 décembre 1959 le chancelier Adenauer est en visite officielle à Paris afin de préparer la conférence au sommet entre les Quatre prévue à Paris en mai 1960.

    À la suite de l'échec de la Conférence au sommet des chefs de gouvernement européens de mai 1960, de Gaulle invite Adenauer à Rambouillet. Ceux-ci s’entretiennent sur la réorganisation de l’Europe et l’OTAN.

    Le 20 mai 1961 le général de Gaulle se rend à Bonn en vue de la préparation de la conférence européenne au sommet du 18 juillet. Il déjeune à Rhöndorf, dans la résidence privée du chancelier Adenauer.

    Le 2 juin ont lieu à Paris, à l'Elysée, des Entretiens entre de Gaulle et Adenauer sur le plan Fouchet.

    Du 2 au 8 juillet 1962, le chancelier Adenauer effectue une visite officielle en France. De Gaulle, et Adenauer assistent en la cathédrale de Reims, lieu du sacre des rois de France et monument martyr de la Grande Guerre, à la célébration du Te Deum, le 8 juillet, ce qui symbolise de manière éclatante la réconciliation franco-allemande.

    Le général de Gaulle et le chancelier Adenauer en la cathédrale de Reims, juillet 1962.
    Archives du ministère des Affaires étrangères, fonds iconographique (DR).
    © Archives diplomatiques

    Du 4 au 9 septembre, le général de Gaulle se rend à son tour en RFA, où il exalte la coopération franco-allemande et où l’accueil particulièrement chaleureux des foules conforte la volonté politique des deux gouvernements.

    Le gouvernement français adresse, le 19 septembre 1962, un aide-mémoire au gouvernement allemand, lui proposant d’étudier les mesures concrètes permettant de resserrer les liens de coopération entre les deux pays. Une commission interministérielle est créée dans chacun des deux pays.

    La signature du Traité

    Le 16 janvier 1963, le gouvernement fédéral propose à la France de donner à la déclaration commune envisagée jusqu’alors le caractère solennel d’un traité, soumis à ratification. Mis au point dans les jours qui suivent, le traité est signé le 22 janvier par le général de Gaulle et le chancelier Adenauer.

    Signature du traité d’amitié et de coopération franco-allemand dans le salon Murat du palais de l’Élysée, 22 janvier 1963.
    Archives du ministère des Affaires étrangères, fonds iconographique (DR).
    © Archives diplomatiques

    Une déclaration commune sur l’organisation et les principes de la coopération entre les deux Etats, fixe trois objectifs :

    - sceller symboliquement la réconciliation franco-allemande ;

    - créer entre les deux peuples, et en particulier leurs jeunesses, une véritable amitié ;

    - favoriser ainsi la « construction de l’Europe unie, qui est le but des deux peuples».

    Le traité est un document-cadre renvoyant à des arrangements ultérieurs sur de nombreux points (par exemple pour l’office franco-allemand pour la jeunesse). Il a fixé les grands objectifs de la coopération franco-allemande et défini les règles institutionnelles de leur mise en œuvre. Il repose sur deux dispositions maîtresses :

    - un calendrier contraignant de rencontres régulières à divers échelons : les chefs d’Etat et de gouvernement, les ministres, les hauts fonctionnaires ;

    - un champ de coopération dans trois domaines : les affaires étrangères, la défense, l’éducation et la jeunesse.

    Accolade entre le Général et le Chancelier à l’issue de la signature du traité.
    Archives du ministère des Affaires étrangères, fonds iconographique (DR).
    © Archives diplomatiques

    La ratification du traité

    Le 16 mai 1963 le traité franco-allemand est ratifié par le Bundestag avec un préambule qui en restreint la portée.

    Instrument de ratification par la République fédérale d’Allemagne du traité franco-allemand de coopération du 22 janvier 1963.
    Archives du ministère des Affaires étrangères, fonds iconographique (DR).
    © Archives diplomatiques

    En France la loi du 26 juin 1963 autorise la ratification du traité.

    Traité de coopération franco-allemande, dit “ traité de l’Élysée ”. Paris, 22 janvier 1963.
    Original sur papier fileté doré sur tranche de dix feuillets signé et scellé de cinq cachets de cire rouge réunis par un ruban bleu, blanc et rouge. 24 x 35 cm.
    Archives du ministère des Affaires étrangères.

    Le traité a été modifié une seule fois par deux protocoles signés le 22 janvier 1988, lors de son 25ème anniversaire, et créant trois nouvelles structures :

    le Conseil franco-allemand de défense et de sécurité

    le Conseil franco-allemand économique et financier

    le Haut-conseil culturel franco-allemand

    L’intensité de la coopération franco-allemande

    L’intensité et la diversité de la coopération franco-allemande est sans pareille dans les domaines politique, commercial, éducatif et culturel.

    Après la démission du chancelier Adenauer en octobre 1963 le dialogue franco-allemand s’est refroidi et l’Allemagne s’est rapprochée des Etats-Unis.

    A partir de 1969 les relations franco-allemandes connaissent un regain avec la signature, le 29 mai d’un protocole intergouvernemental, par le ministre français des Transports, et le ministre allemand de l’Economie.

    Avec l’accession de Valéry Giscard d’Estaing à la présidence de la République et celle d’Helmut Schmidt à la chancellerie fédérale la coopération s’intensifie jusqu’à former le couple franco-allemand.

    Du 6 au 8 septembre 1978, Valéry Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt jettent les bases du système monétaire européen, successeur du serpent monétaire européen, afin de stabiliser les monnaies européennes.

    C’est également sous l’impulsion de Valéry Giscard d’Estaing et d’Helmut Schmidt qu’est adoptée la réforme de l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct.

    Le couple franco-allemand se renforce avec François Mitterrand et Helmut Kohl

    Le 22 septembre 1984, Helmut Kohl et François Mitterrand commémorent les soixante dix ans de la guerre 14-18. L’image de l’union des deux chefs d’Etat, main dans la main, restera dans les mémoires. La création de l’Union économique et monétaire est le résultat de la coopération franco-allemande. Après la chute du mur de Berlin en novembre 1989, Helmut Kohl, et François Mitterrand proposent, le 19 avril 1990, la tenue d’une conférence intergouvernementale sur l’Union européenne, afin de « transformer l’ensemble des relations entre les pays membres en une véritable Union politique ».

    Le 14 juillet 1994, la présence des soldats allemands de cette unité sur les Champs-Elysées symbolise à la fois l’achèvement d’une phase de la réconciliation, le renforcement du poids de l’Allemagne réunifiée sur la scène internationale et la première concrétisation de la défense européenne.

    Le 1er janvier 1999, Gerhard Schröder et Jacques Chirac sont les acteurs du lancement de l’euro.

    Le 30 novembre 1999, Gerhard Schröder s’exprime devant l’Assemblée nationale, dans l’hémicycle.

    Le 22 janvier 2003 marque le 40e anniversaire du Traité de l’Elysée. La coopération politique, culturelle et de politique étrangère et de défense est renforcée par une déclaration commune.

    Dans le cadre des cérémonies de cet anniversaire le Président de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, et le Président du Bundestag Wolfgang Thierse, ont pris l'initiative de la tenue d'une séance commune des deux Assemblées. Celle-ci a eu lieu dans la salle du Congrès du Parlement à Versailles., le 22 janvier 2003. Le 22 janvier devient officiellement la journée franco-allemande. Le projet d’un manuel d’histoire commun entre les deux pays est lancé.

    La politique d’étroite coopération se poursuit entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Ainsi c’est le Président et la Chancelière qui proposent lors du Conseil européen des 8 et 9 décembre 2011, d’ouvrir face à la crise financière la voie à un nouveau traité intergouvernemental destiné à renforcer la discipline, l'intégration et la convergence.

    Au terme de sa journée d'investiture, le 15 mai 2012, le Président François Hollande s'est entretenu avec la Chancelière allemande à Berlin, adoptant, malgré des divergences sur la politique de croissance, des méthodes de travail en commun et délivrant un message d’unité. Chacun a réaffirmé son attachement à l’amitié franco-allemande.

Les relations parlementaires franco-allemandes

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