Relations entre industrie agroalimentaire et grande distribution : adoption d’une proposition de loi

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Commission des affaires économiques : Examen de la proposition de loi visant à sécuriser l'approvisionnement des Français en produits de grande consommation

Mercredi 11 janvier 2023, la commission des Affaires économiques a examiné puis adopté à l’unanimité la proposition de loi visant à sécuriser l'approvisionnement des Français en produits de grande consommation.

Le texte sera examiné en séance publique le lundi 16 janvier 2023.

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La proposition de loi vient compléter les dispositions des lois pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous du 30 octobre 2018 (dite « Egalim I ») et visant à protéger la rémunération des agriculteurs du 18 octobre 2021 (dite « Egalim II ») explique son rapporteur Frédéric Descrozaille (RE, Val-de-Marne).

Il a indiqué, en commission, qu’à la suite de l’adoption de ces textes, l’impact de la crise sanitaire et celui de la guerre en Ukraine, qui a aggravé la hausse généralisée des cours de nombreuses premières, ainsi que les stratégies de contournement développées par la grande distribution ont rendu nécessaire d’adapter le dispositif.

Le rapporteur a rappelé que l’incidence de ce contexte est considérable dans la mesure où elle porte sur l’ensemble des produits dits « de grande consommation » produits frais et laitiers, produits alimentaires et boissons mais aussi produits d’hygiène‑beauté et produits d’entretien de la maison. Chaque jour, les consommateurs français achètent 100 millions de ces produits.

Frédéric Descrozaille a qualifié la situation de la grande distribution de « monopsome » où 6 acheteurs dans le secteur de la grande consommation seraient le diaphragme d’un sablier avec au niveau supérieur 330 000 exploitations agricoles et quelques milliers d’entreprises de transformation et de conditionnement, et au niveau inférieur 60 millions de consommateurs. S’il salue la capacité de la grande distribution « à absorber la volatilité des cours en amont », ce qui se traduit par « une grande stabilité des prix à la consommation », il regrette que la grande distribution soit « un facteur de fragilisation des chaînes de valeur ».

Il a poursuivi en affirmant que l’industrie agroalimentaire est située « entre le marteau et l’enclume » en ne pouvant plus négocier les prix avec les agriculteurs, du fait de l’application des deux lois Egalim, alors qu’elle est toujours soumise au même pouvoir de négociation de l’acheteur. Ainsi alors qu’en 2022, le résultat brut d’exploitation des exploitations agricoles a augmenté de 12 points et que celui de la grande distribution est resté quasiment stable, celui de l’industrie agroalimentaire a baissé de 16 points a-t-il rappelé.

La proposition de loi est composée de quatre articles.

L’article 1er vise à rendre applicable le droit français et à attribuer la compétence aux juridictions nationales dès lors que les produits ou services concernés sont commercialisés sur le territoire français. Il s’agit selon le rapporteur de « contrer les stratégies de contournement du droit applicable mis en place par certains grands distributeurs via la constitution de centrales d’achat internationale ».

En commission les députés ont rendu les dispositions concernées du code de commerce d’ordre public afin de « sécuriser » la compétence du droit français et la compétence des tribunaux français pour traiter des litiges en questions, sauf en cas de dispositions contraires prévues par le droit européen ou international (CE62).

L’article 2 proroge les dispositions relatives au relèvement du seuil de revente à perte (SRP + 10) et à l’encadrement des promotions concernant les produits alimentaires. En commission, les députés ont prolongé l’expérimentation jusqu’au 15 avril 2026 (CE63).

Les parlementaires ont par ailleurs conditionné la poursuite de l’expérimentation à la production d’un contrôle annuel démontrant que la valeur qui en est issue soit répartie équitablement entre les différents acteurs de la filière (CE33).

L’article 3 dispose qu’en l’absence d’accord entre fournisseurs et distributeurs au terme légal des négociations commerciales annuelles (1er mars), toute commande effectuée par le distributeur s’effectue sur la base du tarif et des conditions générales de vente (CGV) communiquées par le fournisseur au plus tard le 1er décembre précédent la date « butoir ».

Les députés ont précisé en commission les modalités de fin de contrat. Dans le cas où la négociation échoue et n’aboutit pas à un contrat signé au 1er mars, les fournisseurs et les distributeurs disposent d’une période de transition d’un mois pour, sous l’égide du médiateur des relations commerciales agricoles, s’entendre sur les termes d’un préavis de rupture commerciale ou d’un contrat permettant de la relancer. À défaut de la conclusion de la convention écrite ou de l’accord fixant les conditions d’un préavis à l’expiration de ce délai d’un mois, toute commande effectuée par le distributeur se fait sur la base des CGV en vigueur. Enfin, les députés ont précisé dans le même amendement que le fait de ne pas avoir mené de bonne foi les négociations ayant eu pour conséquence de ne pas aboutir à la conclusion d’un contrat est constitutive d’une pratique restrictive de concurrence engageant la responsabilité de leurs auteurs (CE65).

L’article prévoit que l’attestation fournie par le tiers indépendant dans le cadre de la « troisième option » est fournie dans le mois qui suit l’envoi des CGV. Dans le cadre de cette option, une seconde attestation est fournie par le tiers indépendant indiquant que la négociation n’a pas porté sur la part de cette évolution.

En effet, la loi Egalim 2 a consacré la non-négociabilité de la matière première agricole dans les rapports commerciaux entre fournisseurs et acheteurs. Dans ce cadre, les conditions générales de vente doivent assurer la transparence sur la part des matières premières agricoles dans le volume et le tarif des produits alimentaires selon trois options offertes au fournisseur. Ce dernier indique soit pour chacun des produits transformés le pourcentage de chaque matière première en volume et en pourcentage (option 1), soit il indique les mêmes informations de manière agrégée pour chaque produit transformé (option 2), soit il fait intervenir un tiers indépendant à ses frais pour certifier, dans le mois suivant la conclusion du contrat, que la négociation n’a pas porté sur la part de l’évolution du tarif du fournisseur résultant du prix des matières premières agricoles (option 3).

La proposition de loi propose de modifier cette option qui a été largement choisie par les fournisseurs mais dont la mise en œuvre s’est heurtée à plusieurs difficultés comme la constaté le médiateur des relations commerciales. Suivant ces recommandations, l’article 4 prévoit que la certification du médiateur soit envoyée aux parties en amont des négociations commerciales, à savoir dans le mois qui suit l’envoi des CGV.

Les députés ont, par ailleurs, « sanctuarisé » le régime de grossiste dans le code de commerce en rassemblant les dispositions spécifiques qui étaient dispersées dans plusieurs articles du code de commerce (identiques CE13, CE15, CE38 et CE40).

Enfin, les députés ont plafonné les pénalités logistiques à 2 % de la valeur des produits commandés (CE45) et permettent au Gouvernement de les suspendre, pour une durée qui ne peut excéder 6 mois, en cas de crise d’une ampleur exceptionnelle affectant gravement la chaîne d’approvisionnement (CE41).