
Mercredi 27 novembre 2024, la commission des affaires économiques a examiné puis adopté la proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques dont Thomas Cazenave (EPR, Gironde) est le rapporteur.
Cette proposition de loi sera examinée en séance publique lundi 2 décembre 2024 dans le cadre de la semaine de l’Assemblée nationale.
Voir l’examen en commission (mercredi 27 novembre matin – après-midi)
Le rapporteur affirme que « la lutte contre la fraude constitue une condition indispensable du consentement à l’impôt et est incontournable en ces temps budgétaires difficiles ». Il salue la feuille de route contre la fraude sociale, fiscale et douanière lancée par le Gouvernement en mai 2023 qui a permis d’enregistrer « un certain un nombre de succès » avec « une mise en recouvrement record » de 15,2 milliards d’euros en 2023 et une augmentation de 50 % des redressements de l’URSSAF sur la fraude sociale aux entreprises. Toutefois, il souligne que « si le débat public se focalise souvent sur la fraude fiscale ou la fraude sociale, de nouveaux dispositifs d’aides publiques ou parapubliques, notamment dans les domaines de la rénovation énergétique ou du soutien à l’emploi, atteignent des sommes très significatives ». Il estime ainsi que les dispositifs de soutien à l’emploi (par exemple la prime à l’embauche d’un apprenti ou les comptes personnels de formation) ou de soutien à la transition énergétique (par exemple les certificats d’énergie ou MaPrimeRénov’) représentent près de 20 milliards d’euros d’aides publiques potentiellement « fraudogènes ».
Thomas Cazenave avance que ces dispositifs suscitent de plus en plus d’intérêts de professionnels de la fraude organisée qui développent des dispositifs sophistiqués liés parfois à des réseaux transnationaux de blanchiment identifiés. Il estime entre 700 millions d’euros et 1,6 milliards d’euros le niveau de fraude potentiel.
Il s’inquiète de plusieurs indicateurs « alarmants ». Ainsi, la revue du dispositif des certificats d’économie d’énergie de juillet 2024 estime à près de 480 millions d’euros le niveau de fraude sur les certificats d’économie d’énergie. Tracfin a signalé des mouvements financiers suspects reposant sur près de 400 M€ d’aides publiques versées au titre de « MaPrimeRénov’ » pour la seule année 2023. Enfin, la Cour des comptes, dans un rapport de 2024, relate le résultat d’une enquête menée par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sur le secteur de la rénovation énergétique qui a relevé que sur 501 suites prononcées sur 840 établissements contrôlés, 53 % des entreprises en anomalie étant titulaires du label « Reconnu garant de l’environnement » (RGE).
Le rapporteur affirme que la proposition de loi a pour objet de consolider « le cadre juridique pour lutter efficacement contre les fraudes ».
L’article 1er instaure un droit de suspension de l’octroi ou du versement d’une aide publique en cas de suspicion de fraude. Cette suspension est d’une durée maximale de trois mois à compter de sa notification. Il autorise également expressément le rejet de l’octroi ou du versement d’une aide publique lorsque la fraude est attestée. Le rapporteur qualifie le dispositif de « lutte contre la fraude à la source ».
L’article 2 autorise Tracfin à transmettre des informations à l’Agence nationale de l’habitat (Anah) ainsi qu’à la mission interministérielle de coordination anti-fraude (MICAF). En commission, les députés ont élargi et renforcé ces autorisations en permettant à Tracfin de saisir le parquet européen et en confiant au pouvoir réglementaire l’énumération des administrations auxquelles Tracfin peut transmettre des informations (CE67).
Les députés ont introduit l’obligation pour les organismes de qualification des professionnels de la transition énergétique de transmettre les informations utiles qu’ils détiennent à l’Anah et à la MICAF pour l’exercice de leurs missions de répression de la fraude (CE37).
L’article 3 s’attache plus particulièrement à la lutte contre la fraude aux travaux de rénovation énergétique et d’adaptation à la perte d’autonomie.
Ainsi, il rétablit l’infraction de non-immatriculation au registre national des entreprises pour les entreprises artisanales.
Il prévoit également d’élargir le champ des interdictions de démarchage aux travaux d’adaptation des logements à la perte d’autonomie. Cependant, en commission, les députés ont posé le principe de l’interdiction générale du démarchage téléphonique commercial non consenti (CE35) en introduisant dans le texte le dispositif prévu par l’article 1er de la proposition de loi pour un démarchage téléphonique consenti et une protection renforcée des consommateurs contre les abus, adoptée à l’unanimité le 14 novembre par le Sénat.
L’article précise également les obligations d’information relatives à la sous-traitance s’appliquant au professionnel qui réalise des travaux de rénovation énergétique vis-à-vis de son client. En commission, les députés ont plafonné l’acompte exigible par les entreprises vendant des équipements ou réalisant des travaux de rénovation énergétique ou en vue de production d’énergie renouvelable (CE28). Ce plafond doit être fixé par voie réglementaire.