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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session extraordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mercredi 1er juillet 2009

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Catherine Vautrin

. Gendarmerie nationale

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales

M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées

M. François Vannson, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées

Motion de rejet préalable

Mme Françoise Olivier-Coupeau

M. Michel Diefenbacher, M. Jean-Jacques Candelier, M. Thierry Benoit, M. Jean-Jacques Urvoas

Discussion générale

M. Jean-Jacques Candelier

M. Philippe Folliot

M. Michel Diefenbacher

M. Jean-Paul Bacquet

M. Dominique Caillaud

Mme Marguerite Lamour

M. Guy Chambefort

M. Philippe Goujon

Mme Françoise Hostalier

M. Pascal Deguilhem

M. Jean-Pierre Soisson

M. Patrice Calméjane

M. Philippe Nauche

M. Éric Ciotti

M. Michel Herbillon

M. Jean-Claude Viollet

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Gendarmerie nationale

Discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d’urgence

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, relatif à la gendarmerie nationale (nos 1336, 1703, 1690).

La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Madame la présidente, mesdames, messieurs, quelques jours seulement après ma prise de fonction,…

M. Jean-Paul Bacquet. Félicitations !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Merci, monsieur Bacquet.

…je suis naturellement heureux de m’exprimer devant la représentation nationale. D’abord parce que c’est la première fois qu’il m’est donné d’intervenir ainsi dans cet hémicycle en tant que ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ; ensuite parce qu’il m’est donné de vous présenter un projet de loi fondamental pour l’une des plus anciennes institutions de la République : la gendarmerie nationale.

Fondamental au regard du passé, car nous discutons aujourd’hui de la première loi consacrée à la gendarmerie depuis plus de deux cents ans – très exactement depuis le 17 avril 1798 – et du premier texte d’importance qui lui est dédié depuis plus de cent ans.

Fondamental aussi au regard de l’avenir, car cette loi modernisera le cadre légal de son action pour la rendre plus conforme aux réalités du XXIe siècle.

J’ai pu mesurer comme vous, au contact des brigades territoriales, combien la proximité était au cœur de l’identité de la gendarmerie, proximité bien sûr avec les territoires, pour affirmer la présence et l’autorité de l’État, en métropole comme outre-mer, proximité aussi avec nos concitoyens pour les protéger, les guider et les rassurer.

M. Jean-Paul Bacquet. Jusque-là, on est d’accord ! (Sourires.)

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Je n’en doutais pas.

Le projet de loi soumis à votre examen, que mon prédécesseur, Mme Michèle Alliot-Marie, a brillamment fait adopter par le Sénat en décembre dernier, vient accompagner et conforter cette évolution de la gendarmerie.

La réforme que je vous présente aujourd’hui n’est pas une réforme de l’institution militaire ou des rapports entre les Français et leur gendarmerie. C’est une réforme nécessaire, pragmatique et concrète, qui permettra d’améliorer l’efficacité de notre politique de sécurité et de conforter l’identité de la gendarmerie nationale.

Le cap qui m’a été fixé par le Président de la République et le Premier ministre est clair : assurer la sécurité de nos concitoyens, partout et pour tous.

Je veux d’abord saluer les résultats nationaux satisfaisants obtenus depuis 2002. Ils traduisent les efforts déployés sur le terrain, au plus près de la délinquance, qui a l’année dernière atteint son plus bas niveau depuis onze ans, diminuant de 17 % entre 2002 et 2008.

Pour autant, l’effort ne doit pas être relâché. Nous devons rester extrêmement vigilants car la tendance de cette décrue de la délinquance subit un certain tassement. Si, entre 2007 et 2008, la délinquance de proximité a diminué de 2,7 %, la délinquance générale a pour sa part augmenté, certes légèrement, de 0,1 %.

Le 28 mai dernier, en réunissant les principaux acteurs de la sécurité, de la chaîne pénale et de l’éducation nationale, le chef de l’État a fixé les objectifs de la politique de sécurité intérieure : intensifier la lutte contre toutes les formes de délinquance ; combattre avec la plus grande vigueur les trafics et les bandes violentes ; renforcer la prévention de la délinquance. En effet, si nous devons maintenir la répression des crimes et délits à un haut niveau, nous devons aussi renforcer la dissuasion en traitant en amont les situations criminogènes afin de prévenir le basculement de certains individus dans la délinquance, mais également d’écarter les risques de récidive. La prévention de la délinquance, c’est de la dissuasion active.

Pour remplir au mieux ces objectifs, le rapprochement de la police nationale et de la gendarmerie nationale constitue une avancée majeure. Je veillerai à ce que ce rapprochement soit mis en œuvre dans un souci d’efficacité, un esprit de complémentarité et d’équilibre, et dans le respect de l’identité militaire des gendarmes.

Mme Isabelle Vasseur. Très bien !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Le but est clair : il s’agit d’instaurer, pour une meilleure efficacité, l’autorité d’un seul ministre sur l’ensemble de nos forces de sécurité intérieure.

Pour cela, depuis 2002, la gendarmerie a été placée « pour emploi » sous l’autorité du ministre de l’intérieur pour l’exercice de ses missions en matière de sécurité intérieure. Depuis mai 2007, les ministres de l’intérieur et de la défense définissent conjointement les moyens budgétaires, en assurent le suivi et procèdent aux nominations. La loi de finances de 2009 a placé le programme « Gendarmerie » dans la mission « Sécurité », confiée au ministre de l’intérieur. Le moment est donc venu d’organiser le rattachement organique et opérationnel de la gendarmerie au ministère de l’intérieur.

Ce rattachement ne conduit en aucune manière à une fusion pure et simple des forces de sécurité, il n’affecte en rien le statut militaire de la gendarmerie nationale, qui y est très légitimement attachée.

En revanche, le projet de loi précise et clarifie le statut et les missions de la gendarmerie nationale.

Il la définit comme une force armée instituée pour veiller à la sûreté et à la sécurité publiques. Le terme de « force armée » n’est pas une simple formule : il est défini juridiquement par le code de la défense et le protocole additionnel aux conventions de Genève.

Par ailleurs, le projet répartit clairement les attributions entre ministre de l’intérieur et ministre de la défense ainsi que celles de l’autorité judiciaire. Ainsi, il souligne le rôle du ministre de la défense pour l’exécution des missions militaires de la gendarmerie, en rappelant que celle-ci « participe à la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la nation ».

De surcroît, le projet de loi réaffirme qu’il n’y a aucune volonté, affichée ou latente, de démilitariser la gendarmerie (« Très bien ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP), bien au contraire : le recrutement des officiers à partir des grandes écoles militaires tout comme la formation initiale spécifique des gendarmes sont maintenus ; la participation aux opérations militaires extérieures est prévue par le texte ; le ministère de la défense continuera d’assurer une partie des soutiens, qu’il s’agisse de la santé, du paiement de la solde ou du transport opérationnel ; enfin, la concertation dans la gendarmerie restera soumise aux règles en vigueur au sein du ministère de la défense. Le ministre de l’intérieur sera toutefois appelé à coprésider le conseil de la fonction militaire de la gendarmerie. La création de groupements professionnels demeurera donc proscrite. Elle n’est au demeurant pas nécessaire : le statut général des militaires, modifié en 2005, garantit à ceux-ci une très large liberté d’expression.

Vous le voyez, il n’y a pas d’ambiguïté, l’identité de la gendarmerie nationale est respectée – M. Goujon hoche la tête : j’y vois un encouragement sympathique…

M. Philippe Goujon. Absolument !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Conformément à la volonté du Président de la République, il n’y aura pas de fusion avec la police nationale. Cette réforme ne remet donc pas en cause la dualité de nos forces de sécurité.

Il n’est pas davantage question de remettre en cause les missions confiées à la gendarmerie.

Il n’est pas non plus question de remettre en cause les principes de répartition territoriale des compétences de la police et de la gendarmerie, ce qui ne doit naturellement pas empêcher policiers et gendarmes de se prêter main-forte, comme ils le font déjà lorsque la situation l’exige.

Enfin, il n’est pas question de modifier le maillage territorial de la gendarmerie. Il sera maintenu, mais il doit s’adapter aux réalités de la délinquance et aux évolutions de la population. Je serai attentif à ce que ces adaptations s’effectuent dans un esprit de dialogue, en concertation avec les élus et sous l’autorité des préfets.

M. Jean-Paul Bacquet. Ça nous changera !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Par la complémentarité des forces, la mutualisation des moyens et la mise en commun des compétences et des technologies, l’enjeu de cette réforme est de consacrer davantage de moyens pour l’opérationnel et donc la sécurité de nos concitoyens.

De nombreux projets ont déjà été conduits en commun – ainsi la mutualisation des équipements ou la passation de certains marchés publics communs à la gendarmerie et à la police pour l’acquisition de véhicules ou de certains armements. Je pense aussi à la mutualisation de certains moyens spécialisés, tels que les hélicoptères de la gendarmerie, dont la mise à disposition à la police nous évitera l’acquisition coûteuse d’une deuxième flotte.

M. Jean-Claude Viollet. Il faudrait peut-être songer à les renouveler !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. D’autres opérations sont encore à mener : la mutualisation de formations spécialisées – équipes cynophiles, plongeurs –ou la définition de normes communes et de systèmes compatibles en matière d’information et de communication.

Demain, le directeur général de la gendarmerie nationale sera l’un des directeurs de l’administration centrale du ministère de l’intérieur. Il sera d’ailleurs physiquement installé place Beauvau. À ce titre, il pourra bénéficier d’une nouvelle proximité avec le ministre et son cabinet, mais aussi avec l’ensemble des directions et services du ministère, à commencer par la direction générale de la police nationale.

Ce qui est certain, c’est que cette localisation permettra d’associer la gendarmerie beaucoup plus en amont aux décisions. En outre, cette localisation permettra d’améliorer une connaissance réciproque et de créer ainsi les conditions d’une véritable cohésion des deux forces de sécurité de la République.

Les débats au Sénat puis au sein de vos commissions de la défense et des lois ont porté principalement sur deux domaines : la réquisition des forces armées et le rôle du préfet dans le commandement de ces dernières. Je tiens à ce propos à remercier la commission de la défense et son président, M. Guy Teissier, la commission des lois, ainsi que les rapporteurs, M. Alain Moyne-Bressand et M. François Vannson, pour leur travail tout à la fois utile, objectif et constructif.

Premier sujet de débat : l’emploi des forces de gendarmerie et l’aménagement de la règle de la réquisition des forces armées.

Une chose est claire : la réquisition légale n’est plus un système adapté dans un dispositif de commandement unique sous l’autorité du ministre de l’intérieur, puisqu’il y a identité de rattachement organique et de commandement. Une autorité n’a pas à requérir une force dont elle dispose légalement.

Historiquement, l’objet de la réquisition est de permettre à l’autorité civile d’obtenir la mise en œuvre de moyens dont elle ne dispose pas, en particulier des moyens des forces armées pour le maintien de l’ordre. C’est un héritage de la Révolution transcrit dans le code de la défense, qui prévoit qu’« aucune force militaire ne peut agir sur le territoire de la République pour les besoins de la défense et de la sécurité civiles sans une réquisition légale ».

Je note qu’à la création de la gendarmerie nationale en 1791 – nous allons certainement évoquer son histoire au cours du débat –, ce principe ne lui était pas applicable. Ce n’est qu’en 1921, lorsque furent créés les pelotons de la garde mobile, que le régime de la réquisition fut institué en matière de maintien de l’ordre.

Dès lors que la gendarmerie est placée sous l’autorité du ministre de l’intérieur, cette procédure n’a plus lieu d’être, quand bien même la gendarmerie reste, je le répète, une force militaire. Il ne serait pas cohérent que le ministre soit contraint de requérir une force dont il dispose.

M. Philippe Goujon. Évidemment !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Dans la mesure où il s’agit de préserver une logique d’ensemble après la suppression de la réquisition légale de la gendarmerie, le Gouvernement soutient les deux garanties adoptées par votre commission de la défense.

Première garantie : l’emploi des véhicules blindés dont dispose la gendarmerie sera réglementé par un système d’autorisation. Je précise que l’emploi de ces moyens est d’ores et déjà exceptionnel et ne doit intervenir que lorsque les moyens ordinaires des forces de l’ordre ne sont plus estimés suffisamment efficaces. Le passage à un stade plus élevé, faisant appel à des moyens à caractère militaire spécifiques, doit être expressément autorisé. Le Sénat souhaitait que cette procédure soit fixée par décret en Conseil d’État ; votre commission a préféré retenir le décret simple.

Seconde garantie : la traçabilité des ordres pour l’emploi de la force sera assurée, conformément à l’engagement pris par Michèle Alliot-Marie et dans le respect des prescriptions du code pénal. Je prendrai donc une circulaire pour décrire cette traçabilité, quelles que soient les circonstances. Ce sera une réelle garantie pour les forces engagées dans les opérations, pour les autorités qui les emploient, comme, d’ailleurs, pour tous nos concitoyens.

Second sujet de débat : le rôle du préfet de département à l’égard de la gendarmerie.

L’autorité unique du ministre de l’intérieur au plan national doit, j’en suis convaincu, avoir sa correspondance au plan local, au niveau du préfet. C’est peut-être basique, mais cela a le mérite de la cohérence. Le préfet doit pouvoir diriger l’action locale de l’État en matière de sécurité intérieure et définir le contenu des missions – hors missions judiciaires ou de défense militaire, bien entendu. Le texte issu des travaux de vos commissions est clair : « Dans le respect du statut militaire pour ce qui concerne la gendarmerie nationale, les responsables départementaux de ces services et unités sont placés sous l’autorité du préfet et lui rendent compte de l’exécution et des résultats de leurs missions en ces matières. »

Pour autant, ce n’est pas au préfet d’exercer le commandement des unités.

M. Philippe Folliot. Très bien !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Il ne faut pas qu’il y ait d’ambiguïté : c’est la hiérarchie de la gendarmerie et elle seule qui détermine les moyens opérationnels d’organisation et d’exécution de la mission,…

M. Philippe Goujon. C’est clair !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. …à charge pour elle de rendre compte ensuite des résultats obtenus.

Mesdames et messieurs les députés, je connais comme vous l’engagement exemplaire des hommes et des femmes de la gendarmerie nationale. Ils agissent, chaque jour, chaque nuit, au service des Français avec compétence, courage et sens de l’honneur. Leurs missions sont sensibles, souvent dangereuses, toujours exigeantes.

C’est avec cette même exigence et avec la plus grande vigilance que je veillerai à ce que le rapprochement de la gendarmerie et de la police nationales soit synonyme d’efficacité, de complémentarité et d’équilibre. Et ce dans un seul objectif : assurer, partout et pour tous, la sécurité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées.

M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues,…

M. Jean-Claude Lenoir. Excellent début ! (Rires.)

M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur. …permettez-moi de saluer tout particulièrement M. le ministre de l’intérieur, M. le ministre de la défense et M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.

Annoncé par le Président de la République lors de son discours à la Grande Arche le 29 novembre 2007, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est historique…

M. Jean-Paul Bacquet. Tout à fait historique, c’est vrai !

M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur. …puisque le dernier texte législatif relatif à la gendarmerie remonte au 28 germinal an VI.

M. Jean-Paul Bacquet. Ce n’est pas la seule raison pour laquelle il est historique !

M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur. Dans la logique des évolutions intervenues depuis 2002, il place la gendarmerie nationale sous l’autorité du ministre de l’intérieur et tire les conclusions de ce rapprochement.

Le modèle français de dualité des forces de sécurité intérieure n’est pas remis en cause. Le statut militaire de la gendarmerie est préservé et réaffirmé ; toutes les garanties de la pérennité de cette force sont réunies.

Je souhaite vivement que la dualité des forces de police soit considérée par le Conseil constitutionnel comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République. L’existence de la gendarmerie serait ainsi constitutionnellement reconnue, ce qui la mettrait à l’abri des contingences législatives.

Le texte comporte trois chapitres : le premier concerne les missions et le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur ; le deuxième est relatif aux personnels, et le troisième comprend plusieurs dispositions de coordination et d’application de la loi.

J’aimerais tout d’abord insister sur les conditions et les conséquences du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur. Trois points me semblent essentiels à cet égard : le rôle du préfet, la réquisition, et l’usage d’armes à feu ou de moyens militaires spécifiques.

Le texte précise le rôle du préfet, et je vous sais, mes chers collègues, très attentifs à cette question.

M. Jean-Paul Bacquet. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur. L’autorité du préfet ne remet pas en cause le principe hiérarchique. Le préfet fixe les missions et coordonne l’action de l’État en matière de sécurité intérieure, à l’exception des missions relatives à l’exercice de la police judiciaire et des missions militaires de la gendarmerie. Sa compétence concerne l’ordre public et la police administrative. À cet effet, il fixe les objectifs et donne les directives. Les responsables départementaux des forces de gendarmerie comme de police lui rendent compte de l’exécution et des résultats obtenus et le tiennent informé de tout événement concernant son domaine de compétence.

Le préfet n’exerce pas le commandement des unités. Cette fonction relève des responsables de ces dernières, dans le respect de la chaîne hiérarchique. Les unités ont vocation à remplir l’ensemble des missions qui leur sont confiées, et il appartient au commandement de donner les ordres et de répartir les moyens pour y parvenir.

L’intervention du préfet ne doit pas remettre en cause la cohérence du dispositif territorial. Chacune des deux forces de sécurité exerce ses missions dans la zone de compétence géographique qui lui a été attribuée, ce qui n’exclut pas des renforts mutuels pour répondre à un pic d’activité ou à une situation imprévus. Ces renforts doivent demeurer l’exception.

En ce qui concerne la réquisition, son principe pour l’emploi de la gendarmerie est modernisé, comme le ministre vient de l’indiquer. L’article L. 1321-1 du code de la défense dispose actuellement qu’« aucune force militaire ne peut agir sur le territoire de la République pour les besoins de la défense et de la sécurité civiles sans une réquisition légale ». S’agissant du maintien de l’ordre, l’article D. 1321-3 du même code prévoit que « les forces armées ne peuvent participer au maintien de l’ordre que lorsqu’elles en sont légalement requises ».

Conçu comme une garantie pour les citoyens, le principe de réquisition doit être maintenu pour les armées mais supprimé pour la gendarmerie. Dès lors que la gendarmerie est rattachée au ministre de l’intérieur, la procédure de réquisition n’est plus adaptée en ce qui la concerne. Seul l’usage de certains moyens justifie, en raison de la nature de ces derniers, d’être soumis à une procédure particulière – les blindés par exemple.

L’usage des armes à feu doit faire l’objet d’une traçabilité de l’ordre donné, comme la précédente ministre de l’intérieur, lors de nos travaux en commission, s’y était engagée.

Quant aux moyens militaires spécifiques de la gendarmerie, leur engagement n’est envisageable que lorsque les moyens ordinaires de « police civile » ne suffisent plus. Leur emploi pour le maintien de l’ordre est un signal fort dans une situation potentiellement grave. Compte tenu de la disparition de la procédure de réquisition, leur mise en œuvre doit être soumise à une procédure d’autorisation du Premier ministre.

J’en viens à présent aux missions de la gendarmerie. Le projet de loi les consacre et permet de les enrichir.

M. Yves Nicolin. Exactement !

M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur. Ces missions ont été définies au fil du temps et parfois de manière parcellaire : l’article L. 3211-2 du code de la défense, qui les définit actuellement, reste muet sur des fonctions aussi importantes que le renseignement ou les activités internationales. Ces missions seront désormais précisées dans un seul texte. Je les rappelle : l’exécution des lois ; les missions judiciaires, dont, au premier chef, la police judiciaire – j’y insiste – ; la sécurité et l’ordre publics ; le renseignement et l’information des autorités publiques ; la mission de défense ; l’action internationale, notamment dans le cadre des opérations extérieures.

Outre la clarification du droit existant, l’énoncé de ces missions dans la loi présente deux autres avantages : il permet, d’une part, de souligner la spécificité de la gendarmerie, qui fait sa richesse, et, d’autre part, de montrer les points communs de celle-ci avec la police nationale. Comme vous le savez, l’essentiel de l’activité de la gendarmerie est consacré à des missions de police.

M. Jean-Paul Bacquet. Quarante pour cent !

M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur. Le texte, en renforçant la coopération avec la police nationale, est une source d’enrichissement réciproque et le gage d’une plus grande sécurité.

Depuis son placement pour emploi, en 2002, auprès du ministre de l’intérieur, la gendarmerie a engagé avec la police de nombreuses actions de coopération dans le cadre de la politique de sécurité intérieure.

Le rattachement de la gendarmerie à la même autorité ministérielle que la police devrait permettre de renforcer ce processus et d’améliorer ainsi tant l’efficacité que l’efficience de l’action publique dans ce domaine. Le transfert du budget de la gendarmerie au ministère de l’intérieur y contribue largement.

De même, le fait que le directeur général de la gendarmerie devienne directeur d’administration centrale au sein de ce ministère contribue à ce processus de coopération, d’autant qu’il y sera physiquement présent, en contact direct et permanent avec le directeur général de la police nationale et l’ensemble des directions de moyens – notamment les directions des systèmes d’information et de communication, des ressources humaines, des affaires financières et immobilières.

Cette coopération doit continuer à porter sur les fonctions communes des deux forces, sans remettre en cause leur particularité, qui fait leur richesse. Elle doit donc préserver l’état militaire de la gendarmerie et, par conséquent, sa formation initiale et ses missions de défense. Elle pourra se traduire par des échanges de savoirs, de techniques ou d’expériences, une meilleure répartition des compétences entre les deux forces, ainsi que par des économies budgétaires engendrées par la mutualisation des moyens. Dans sept domaines au moins, ces mutualisations pourront être développées au bénéfice de tous : le dialogue institutionnel, les actions opérationnelles, les fichiers de renseignement, les réseaux de communication, la logistique, les marchés publics et certaines formations.

Enfin, je tiens à souligner que le projet de loi veille au statut et aux conditions de transfert des personnels de la gendarmerie. S’agissant des militaires, le texte consacre leur statut et l’ensemble des sujétions qui en découle. L’obligation de casernement et les règles spécifiques d’emploi sont en effet indissociables du statut militaire et donnent droit à un traitement indiciaire et indemnitaire spécifique. Je tiens à rassurer les gendarmes : leur rattachement au ministère de l’intérieur ne conduira en aucun cas à ce que leur paye soit alignée sur celle d’autre corps ;…

Mme Françoise Hostalier. Très bien !

M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur. …ils relèveront toujours d’une catégorie spécifique avec ses propres règles de rémunération.

En conclusion, il me semble que la nouvelle tutelle ministérielle de la gendarmerie est une opportunité. Mais celle-ci ne vaudra que tant que le statut militaire de la gendarmerie et le principe de la dualité des forces seront préservés. À cet égard, le projet de loi apporte, dans sa rédaction actuelle – sous réserve de modifications que je vous proposerai – des garanties suffisantes.

Mme la présidente. Je vous prie de conclure.

M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur. L’une d’elle, plus politique, réside dans l’article 11 : l’obligation faite au Gouvernement de rendre compte tous les deux ans, dans un rapport d’évaluation remis au Parlement, des conséquences concrètes du texte. La commission de la défense a d’ailleurs modifié cet article, sur ma proposition, pour en préciser le contenu en prévoyant – afin de conférer à cette évaluation le maximum d’objectivité – que le rapport sera préparé par une instance extérieure aux deux forces. Cela nous aidera dans notre mission de contrôle.

Pour toutes ces raisons, je suis confiant sur le bien-fondé de ce projet de loi qui veillera tant au respect des principes de la loi qu’à la réalisation des objectifs qu’elle poursuit : l’amélioration de la sécurité de nos compatriotes et l’optimisation de la dépense publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Hunault. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. François Vannson, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour cinq minutes.

M. François Vannson, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la Présidente, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le ministre de la défense, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, monsieur le président de la commission de la défense, mes chers collèges, le Sénat a adopté le 17 décembre 2008, en première lecture, le projet de loi relatif à la gendarmerie nationale. Ce texte avait été délibéré en conseil des ministres le 21 août 2008, et vise à permettre le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur. Il s’agit de la concrétisation des engagements formulés par le Président de la République lors de son allocution à la Grande Arche de La Défense, le 29 novembre 2007, devant les responsables locaux de la police et de la gendarmerie nationale : le Président de la République avait annoncé la préparation d’un projet de loi spécifique à la gendarmerie, qui permettrait son rattachement au ministère de l’intérieur tout en préservant son statut militaire. Ainsi, après avoir indiqué que « le principe de l’existence de deux forces de sécurité dans notre pays, l’une à statut militaire, l’autre à statut civil, sera maintenu », il avait clairement affirmé : « Il n’y aura pas de fusion police-gendarmerie. En tout cas tant que je serai Président de la République ».

L’annonce de ce projet de loi spécifique à la gendarmerie a permis de dissiper un certain nombre de craintes …

M. Jean-Paul Bacquet. Il y a un risque !

M. François Vannson, rapporteur pour avis. …que la perspective du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur avait pu légitimement susciter. C’est pourquoi je souhaite que ce texte soit définitivement adopté dans les meilleurs délais afin de mettre fin à une période transitoire entamée le 1er janvier 2009, date du rattachement budgétaire de la gendarmerie au ministère de l’intérieur.

Compétente dans le domaine de la sécurité, la commission des lois a logiquement été saisie pour avis du présent projet. Dans le cadre de mes fonctions de rapporteur, j’ai pu constater l’attachement des députés de tous les groupes de l’Assemblée à notre gendarmerie et au maintien de son identité, ainsi qu’à la dualité des forces de sécurité. C’est dans cet esprit que nous avons travaillé, fidèles à la conviction que si le rapprochement police-gendarmerie est une nécessité, la fusion entre ces deux forces est, en revanche, loin d’être inéluctable. Au contraire, le positionnement nouveau de la gendarmerie au ministère de l’intérieur peut être une chance pour elle si elle s’appuie sur son statut de force intermédiaire entre la police nationale et les armées.

À cet égard, si le rattachement au ministère de l’intérieur est une étape importante dans l’histoire de la gendarmerie, le projet de loi ne constitue pas pour autant une véritable rupture puisqu’il s’inscrit dans un processus entamé en 2002, date à laquelle la gendarmerie a été placée pour emploi sous l’autorité du ministre de l’intérieur pour ses missions de sécurité intérieure. De plus, depuis mai 2007, le ministre de l’intérieur et celui de la défense définissent conjointement les moyens budgétaires consacrés à la gendarmerie et en assurent le suivi, ainsi que le prévoit la LOLF.

Je tiens également à rappeler que, depuis quelques années, de nombreux efforts de mise en commun et de mutualisation des moyens ont été effectués, anticipant ainsi le rapprochement entre la police et la gendarmerie. Je pense notamment à la mutualisation des fonctions d’appui dans le domaine de la logistique et au rapprochement des systèmes d’information et de communication. En outre, police et gendarmerie se montrent de plus en plus attentives à passer des marchés communs, que ce soit en matière d’armement ou de transport. Enfin, des rapprochements sont également à l’ordre du jour pour ce qui est de la formation et des ressources humaines. Les groupements d’interventions régionaux, les GIR, sont également un bon exemple de coopération entre la police et la gendarmerie.

Mais si de nombreux efforts ont été consentis depuis quelques années pour la collaboration entre nos deux forces, la marge de progression reste néanmoins importante, en raison des difficultés engendrées par la lourdeur des négociations interministérielles. Aussi, en organisant le rapprochement police-gendarmerie au sein d’un même ministère, le projet de loi permet d’aller au bout de cette logique en donnant à la police et à la gendarmerie les moyens de poursuivre l’effort de mutualisation, effort plus que jamais nécessaire dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons.

Au moment où ils s’apprêtent à connaître une réforme importante, nos gendarmes attendent de la représentation nationale la reconnaissance de leurs missions, la préservation de leur statut militaire ainsi que des garanties sur la pérennité de l’organisation de la gendarmerie ; autant de garanties que le projet de loi leur apporte, notamment en conférant une valeur législative à un ensemble d’éléments constitutifs de leur statut militaire –obligation du logement en caserne, reconnaissance de la participation de la gendarmerie à l’ensemble des missions militaires des armées.

Autres garanties non négligeables offertes par le texte, la reconnaissance d’une grille indiciaire spécifique ainsi que la préservation de la triple tutelle ministérielle, liée au fait que la gendarmerie exerce des missions aussi bien militaires que policières ou judiciaires. Le projet de loi permet d’ailleurs de donner une portée législative aux missions judiciaires de la gendarmerie – j’ai déposé un amendement à ce propos, adopté en commission des lois.

S’agissant de la compétence territoriale, j’ai souhaité, par le biais d’un amendement également adopté par ma commission, que la mission de sécurité et d’ordre public de la gendarmerie ne soit pas limitée aux zones rurales et périurbaines comme le prévoyait le texte du Sénat. En effet, parmi les critères de compétences établis par le code général des collectivités territoriales, ne figurent pas de considérations relatives au caractère rural, urbain ou périurbain des zones de populations.

En conclusion, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite aborder la question de la direction de la gendarmerie nationale.

Lors des auditions que j’ai effectuées, j’ai pu constater que les gendarmes étaient particulièrement sensibles au fait que le directeur de la gendarmerie nationale soit un général de gendarmerie – ce qui est le cas de l’actuel directeur. Sans remettre en cause les compétences et le bilan incontestables de ses prédécesseurs, préfets ou magistrats, il me semble que ce choix s’avère particulièrement opportun à l’heure où les gendarmes se posent des questions sur leur avenir. Soucieux de ne pas restreindre le pouvoir de nomination de l’exécutif et de ne pas empiéter sur la compétence réglementaire, j’ai pris le parti de ne pas faire de proposition en ce sens dans le cadre de la discussion de ce texte ;…

M. Jean-Paul Bacquet. Eh oui !

M. François Vannson, rapporteur pour avis. … mais je tenais néanmoins à vous faire savoir, monsieur le ministre, combien les gendarmes sont attachés au fait que la gendarmerie soit dirigé par un de leur pair.

M. Jean-Paul Bacquet. Cela aurait été mieux si vous aviez voté l’amendement que nous avons déposé dans ce sens, monsieur Vannson ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Monsieur Bacquet, je vous en prie !

Monsieur le rapporteur pour avis, veuillez conclure.

M. François Vannson, rapporteur pour avis. La commission des lois a donné un avis favorable à ce projet de loi, et j’espère évidemment qu’il sera voté à une large majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le ministre de la défense, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, deux cent onze ans après que le législateur se soit penché sur l’organisation de la gendarmerie, nous examinons aujourd’hui un projet de loi qui vise à confirmer la dualité des forces de police dans notre pays en pérennisant et en renforçant les équilibres trouvés en 2002. Nous nous apprêtons à mettre en œuvre un engagement pris par le Président de la République en novembre 2007. Il s’agit de garantir la continuité de l’État en toutes circonstances, dans un contexte dont nous connaissons le caractère évolutif. La sécurité est un besoin fondamental pour nos citoyens. Elle est aussi un besoin pour la République : sans sécurité, il n’y a pas d’État de droit, et sans État de droit, il n’y a pas de République.

Pour la deuxième fois, nous avons à débattre d’un projet de loi en application de la nouvelle procédure législative qui valorise notre travail en commission. Ce travail a été particulièrement constructif, mené autour de l’audition des associations et autorités que nous avons tenu à entendre, en présence du ministre de la défense. La séance de travail approfondi avec le ministre de l’intérieur a été l’occasion d’améliorer la rédaction de ce texte, en complément des améliorations déjà apportées par nos collègues du Sénat. Je souhaite d’emblée remercier notre collègue Alain Moyne-Bressand, qui a accompli un travail considérable pour synthétiser et transcrire les préoccupations qui se sont faites jour au cours des derniers mois.

Ce projet de loi relatif à la gendarmerie nationale répond à un triple besoin d’évolution.

Premièrement, nous devons adapter notre gendarmerie aux défis de la société actuelle, la sécurité étant devenue la préoccupation première de nos concitoyens. Le Président de la République a eu le courage d’engager un difficile processus de rétablissement de l’autorité de l’État ; nous nous devons de soutenir cet effort. Face au besoin de sécurité accru exprimé par nos citoyens, le projet de loi valorise une meilleure coordination de la police et de la gendarmerie. Cette coordination sera améliorée par le développement de structures et de formations communes lorsque cela sera justifié, ainsi que par l’acquisition de matériels communs.

Deuxièmement, le projet de loi s’inscrit parfaitement dans le cadre de la réforme de l’État. La mission d’assurer la sécurité intérieure doit être conduite de manière coordonnée et harmonieuse, et le projet de loi que nous examinons constitue une bonne réponse à cette préoccupation. En effet, il va permettre d’améliorer la performance de la gendarmerie et de la police grâce à une approche rationnelle de leur organisation : l’évolution des risques appelant des redéploiements d’unités, le ministre de l’intérieur sera mieux à même de décider des mesures à prendre, en fonction de sa connaissance concrète des réalités du terrain.

Troisièmement, ce texte permet de garantir la cohérence budgétaire de la sécurité intérieure. Il semble en effet logique que l’autorité qui exerce la tutelle sur les deux forces soit responsable de l’allocation des moyens et de la gestion budgétaire. Sur ce point, le projet de loi tire toutes les conséquences de l’expérience de rapprochement avec le ministère de l’intérieur que la gendarmerie a connue depuis 2002. Il apporte des garanties quant à la préservation de son statut militaire. C’est la pérennité de ce statut, monsieur le ministre de l’intérieur, qui garantit la dualité de nos forces de police. Nous devrons veiller attentivement à ce que rien ne vienne l’altérer. Le projet de loi me semble constituer, à cet égard, un bon équilibre. En effet, monsieur le ministre de la défense, votre rôle sera fondamental…

M. Hervé Morin, ministre de la défense. En voilà enfin un qui parle de moi ! (Sourires.)

M. Jean-Paul Bacquet. Bravo ! (Sourires.)

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. …car vous serez associé à la gestion de la ressource humaine de la gendarmerie en restant notamment responsable de l’application des règles de discipline.

Ce sera toujours lui qui, sous l’autorité du Premier ministre, assignera à la gendarmerie ses missions militaires. Qui plus est, par le biais des conventions, c’est le ministre de la défense qui apportera le soutien nécessaire à la gendarmerie en matières immobilière, d’avancement, de santé, d’action sociale, de protection juridique et de reconversion. Nous allons bâtir quelque chose de nouveau. Il nous faudra donc être innovants quant aux solutions retenues pour pérenniser le caractère militaire de la gendarmerie.

Le travail d’amendement que nous avons effectué en commission a permis d’améliorer le projet de loi sur plusieurs points. La commission a notamment rappelé que la police judiciaire fait partie des missions judiciaires essentielles de la gendarmerie. Elle a aussi rappelé l’importance de la mission de lutte contre le terrorisme, tout comme celle du contrôle de la sécurité des armes nucléaires.

Nous devons maintenant être vigilants sur l’application de la loi. Nous ne pouvons pas prendre le risque de voir le caractère de la gendarmerie s’étioler au fil du temps, avec les inconvénients majeurs que cela comporte à long terme. Nous ne devons pas perdre de vue les conséquences qu’a pu avoir la transformation de la gendarmerie dans certains pays européens très proches.

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Exactement !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. Il me semble essentiel d’éviter la fongibilité opérationnelle entre les deux forces. Elles ont chacune leur spécificité, ce qui n’exclut pas leur complémentarité. Il faudra veiller à éviter un déséquilibre de charge qui serait générateur de tensions entre les deux forces et préjudiciable à leur rapprochement.

Le maintien de la parité globale est essentiel. L’État devra veiller à ce que gendarmes et policiers soient traités de manière équitable et globalement équilibrée. Une telle attention contribuera à éviter que ne se développent des surenchères dont les effets pervers sont déjà bien connus.

De ce point de vue, il nous reviendra à nous, parlementaires, d’exercer notre vigilance par le biais de l’examen du rapport que le Gouvernement devra remettre au Parlement tous les deux ans, afin d’évaluer les modalités du rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie au ministère de l’intérieur.

L’un des principaux risques à long terme est celui du démembrement de la gendarmerie. C’est pourquoi il me paraît important de préserver la chaîne de commandement et de subornation…

M. Philippe Nauche. La subornation, c’est un peu trop !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. …de subordination sans rupture Pardonnez la contraction, je cherchais à aller plus vite !

Si la suppression de la réquisition apporte un assouplissement aux avantages certains, il faudra maintenir une traçabilité des ordres, afin de permettre la vérification de la légalité de l’ordre d’agir.

Au-delà des dispositions législatives et réglementaires, nous devrons être vigilants à l’avenir, car l’état militaire ne résulte pas seulement d’un statut, mais aussi et surtout de l’adhésion à un état d’esprit…

M. Jean-Paul Bacquet et Mme Françoise Olivier-Coupeau. Très bien !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. …et de disponibilité qui ne peut découler que du sentiment d’appartenance à une communauté.

M. Jean-Paul Bacquet. Tout à fait, c’est une identité !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. Le maintien du caractère militaire de la gendarmerie, au-delà de son statut, dépendra de plusieurs éléments indissociables. Tout d’abord, monsieur le ministre, il faudra impérativement maintenir une partie de la formation initiale des officiers de gendarmerie à Saint-Cyr Coëtquidan.

M. Jean-Paul Bacquet. Très bien !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. Si j’ai estimé nécessaire il y a quelques années de contribuer à restaurer cette forme de recrutement, c’est parce que c’est là que les futurs officiers de gendarmerie vont se forger à l’esprit militaire, et parce que l’apprentissage de la manœuvre comme chef de section est très important pour un officier de gendarmerie.

M. Philippe Folliot et M. Jean-Pierre Soisson. Très juste !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. Il conviendra par ailleurs d’assurer le maintien de la spécificité de la réserve opérationnelle de la gendarmerie, ainsi que de la représentation des réservistes de la gendarmerie au conseil supérieur de la réserve militaire.

M. Jean-Paul Bacquet et Mme Isabelle Vasseur. Très bien !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. Il faudra veiller au maintien des liens avec le ministère de la défense chaque fois que ce sera justifié. Il en ira ainsi en matière statutaire, ce qui me conduit à souligner l’importance du maintien d’une coprésidence du Conseil de la fonction militaire gendarmerie par le ministre de la défense, aux côtés du ministre de l’intérieur, en fonction de l’ordre du jour.

M. Hervé Morin, ministre de la défense. C’est ce qui est prévu !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. Il en ira aussi de même en matière d’équipement. C’est pourquoi il faudra veiller à maintenir l’identification dans le budget du ministère de la défense des équipements nécessaires aux opérations extérieures susceptibles d’être utilisés par nos gendarmes.

Il faudra aussi organiser systématiquement la consultation du ministère de la défense pour les matériels nécessaires aux missions militaires et/ou de souveraineté. L’engagement de la gendarmerie dans les Balkans, et plus récemment en Afghanistan ou en Géorgie notamment, montre que ses hommes peuvent être exposés à des risques comparables à ceux qu’affrontent leurs camarades des autres armées.

C’est dans la perspective de ce type d’engagement que j’ai tenu à associer le directeur général de la gendarmerie nationale à la préparation de la loi de programmation militaire, en l’invitant à ce titre à une audition de la commission de la défense, en février 2009. N’oublions pas, mes chers collègues, que la continuité paix-crise-guerre nécessite une interopérabilité entre la gendarmerie et les armées. En effet, la gendarmerie est aussi susceptible d’être engagée dans les parties hautes de ce spectre que je viens d’énoncer.

Enfin, nous ne devons pas oublier que la France a joué un rôle fondamental dans la création de la force de gendarmerie européenne, dont nous reconnaissons maintenant l’importance tant sur le plan politique qu’opérationnel. Je tiens ici à rendre hommage à Mme Michèle Alliot-Marie qui, en 2004, a lancé cette initiative avec succès, et à laquelle ont répondu nos voisins et amis italiens, espagnols, portugais, néerlandais et roumains. Nous ne pouvons pas imaginer qu’après avoir pris une telle initiative, la France affaiblisse le statut militaire de sa propre gendarmerie.

M. Guy Chambefort. Le président Teissier est inquiet !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. En conclusion, ce projet de loi doit être pour nous l’occasion de montrer à la gendarmerie la réelle considération que lui porte la nation. Nous devons surtout lui montrer l’attachement que la nation porte à la préservation de son statut militaire. Nous devons donc voter ce texte et veiller très attentivement à sa bonne exécution. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à Mme Françoise Olivier-Coupeau.

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi d’abord de féliciter M. le ministre de l’intérieur de sa nomination. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Les gazettes affirment que ce portefeuille-là était pour lui un vieux rêve ; or nous savons depuis Freud qu’il ne faut pas mésestimer l’importance des rêves. Qui plus est, cette nomination constitue une indéniable promotion.

M. Jean-Paul Bacquet. Une très belle promotion !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. En effet, il ne fait pas débat que pour le Président de la République le ministère de l’intérieur est le plus important, autrement plus important que celui en charge du dialogue social. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yanick Paternotte et M. Philippe Goujon. Vous êtes polémiste !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Il ne s’agit là ni d’une affirmation gratuite ni d’une assertion polémique. Il s’agit plutôt de prendre acte du fait que cette vision politique et le projet qui en découle font une place particulièrement importante à la notion d’ordre – au sens d’ordre public évidemment.

La place des forces de l’ordre, du système d’ordre est donc centrale dans la conception de l’État que peuvent avoir des décideurs pour lesquels la sécurité est le point nodal du projet politique. Monsieur le ministre, vous êtes donc devenu ès qualité un élément central de l’État, au service d’une vision politique, d’un projet qui tourne autour des résultats que vous obtiendrez.

Il y a toutefois une difficulté : personne n’a encore osé dire au Président de la République qu’il n’est plus ministre de l’intérieur. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est ce qui explique qu’il continue de se comporter comme ce ministre de l’intérieur qu’il a tant aimé être, et force est de constater que son activité en la matière demeure très au-delà de la lettre de notre Constitution qui l’institue chef des armées et non chef du ministère de l’intérieur.

On pourra m’objecter qu’il est, par nature, le supérieur institutionnel de chaque ministre, puisqu’il préside les réunions du conseil. Mais la vision institutionnelle des députés du groupe SRC est que, s’il existe justement des ministres c’est pour piloter leurs départements ministériels respectifs et non pour que, dans un système de subsidiarité inversée, le Président soit, en plus du reste, ministre, ministre délégué, secrétaire d’État. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Cette question de l’appétence du Président de la République pour les polices n’a pas pour objet de vous laisser un mauvais souvenir de cette journée, monsieur le ministre. Elle n’a pas non plus pour but d’agacer nos estimés collègues de la majorité qui savent que la courtoisie est une des hautes vertus pratiquées par les membres de la commission de la défense et des forces armées comme – j’en suis sûre – par ceux de la commission des lois.

M. Hervé Morin, ministre de la défense. Et par le ministre de la défense aussi !

M. Jean-Claude Lenoir. La courtoisie est une vertu très répandue chez nous !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Elle est le simple constat d’un fait établi qui a une importance toute particulière dans la matière que le législateur est amené à traiter aujourd’hui. J’y reviendrai.

Je veux aussi, après vous avoir félicité, me réjouir de votre présence au banc du Gouvernement. Le changement de titulaire du portefeuille de l’intérieur entre l’examen du projet de loi de détachement de la gendarmerie nationale du ministère de la défense et son passage dans notre salle des séances est salutaire.

Que personne ici ne se méprenne, monsieur le ministre : je n’ai pas de grief particulier à l’encontre de votre prédécesseure, mais l’exercice législatif était complexe. En effet, cet exercice impose un dialogue entre le Gouvernement et le Parlement sur le sujet traité. Il a eu lieu au Sénat d’une façon inhabituellement rugueuse. Il a eu lieu en commission. Mais il s’est agi là d’un débat tout en ombres chinoises – je ne dirai pas en faux-semblants – tant ce qui était dit par le Gouvernement valait moins que ce qui n’était pas dit.

En effet, Mme Alliot-Marie – dont les mérites et l’expérience politiques, parlementaires et ministériels sont grands, et qui par goût, formation et métier a une haute conception de l’État – était opposée aux dispositions contenues dans ce projet de loi. Elle y était opposée de la façon la plus radicale que lui autorisait la discipline intellectuelle, notion si chère au maréchal Foch et au Président de la République.

Je ne peux donc, encore une fois, que me réjouir de ce que vous, monsieur le ministre de l’intérieur, n’ayez jamais dit et écrit tout le mal que vous pensiez de la cession gratuite de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur. Sans quoi, le dialogue aurait été difficile entre un ministre et une majorité parlementaire en accord in pectore avec l’opposition, pour déplorer des mesures qui seront malgré tout votées en fin de séance.

À ce stade, je veux aussi dire à nos collègues de la majorité qu’ils ont toute ma sympathie par principe (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais particulièrement aujourd’hui, car je connais les sentiments qu’ils nourrissent envers cette pseudo-réforme : ils n’en veulent pas, mais ils la voteront.

M. Philippe Goujon. Avec enthousiasme !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Parce que le destin d’une des plus anciennes et honorables institutions de notre pays ne mérite pas de contrevenir à la discipline intellectuelle. Foch n’est décidément pas mort et le Président de la République est on ne peut plus vivant !

On m’objectera peut-être que dans les circonstances politiques inverses, une majorité de gauche aurait aussi voté au son du canon. On m’accordera toutefois que, justement, jamais un gouvernement de gauche n’a proposé de retirer une force militaire exemplaire pour la confier à un ministère civil, en expliquant que c’était pour en renforcer le caractère militaire et l’efficacité.

M. Philippe Goujon. Vous avez seulement mis les gendarmes dans la rue !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Les quelques allusions molles à des courriers elliptiques n’engageant que leurs signataires et traçant des perspectives floues, soufflées par des armées outrées par les mouvements de 2002, n’inversent pas les réalités historiques.

Rendons donc hommage encore une fois à la discipline intellectuelle qui va permettre que le dialogue ait lieu, non pas entre le Gouvernement et l’Assemblée, mais entre la majorité de tous les bancs – y compris le vôtre, messieurs les ministres – et l’opposition, attachée à démontrer que cette révolution que vous nous proposez est un renoncement, un déni, un contresens, bref une contre-révolution.

De ce propos préliminaire, vous aurez déduit, messieurs les ministres, mes chers collègues, qu’au nom des députés du groupe SRC, je m’efforcerai de développer certaines raisons pour lesquelles je vous demanderai, à l’issue de ce propos, de voter la motion de rejet préalable…

Mme Isabelle Vasseur. Bien sûr !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. …tant le projet qui nous est soumis est funeste.

M. Jean-Pierre Soisson. Vous l’avez soutenu en commission !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Je développerai donc les points suivants : ce projet n’est souhaité par personne car il n’apporte rien ; il fragilise la gendarmerie nationale en la banalisant ; enfin, c’est tout notre système de polices et donc l’État qui aura à en pâtir.

Je souhaite d’abord dire solennellement mon étonnement. Nous sommes ici en train d’examiner un projet de loi orphelin. Certes, il est par définition présenté par le Gouvernement. Mais à quelle attente, à quelle demande répond-il ?

M. Yves Nicolin. À un souci de bonne gestion !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Quel mouvement populaire le réclame ? À quel dysfonctionnement grave a-t-il vocation à remédier ? À ces questions, nous ne connaissons aucune réponse. Monsieur le ministre, qui considère que ce projet répond à un besoin, une attente, une nécessité ? Qui considère qu’il va dans le sens de l’histoire ?

M. Yves Nicolin. Nous !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Qui endossera la paternité d’une rupture historique, culturelle, institutionnelle et statutaire ? La réponse tient apparemment en un mot : personne…

M. Yves Nicolin. Nous ne sommes pas personne !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. … à l’exception de mes chers collègues qui s’y déclarent favorables et en assument la paternité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Voyons cela ensemble. Les populations rurales seraient-elles à ce point mal protégées par la gendarmerie qu’elles réclameraient à cor et à cri un changement de tutelle ministérielle pour l’arme ? Certainement pas !

M. Yves Nicolin. Cela n’a rien à voir !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Bien au contraire, toutes les enquêtes démontrent que la gendarmerie jouit d’une popularité enviable par bien des services de l’État.

M. Yves Nicolin. Et alors ?

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Bien plus, nous parlons là d’une popularité rare dans un pays comme le nôtre où la tradition frondeuse, voire insurrectionnelle, est solidement ancrée. Au pays des bagaudes et des jacqueries, des camisards et des canuts révoltés, des dragonnades, des morts de Fourmies et de ceux de la station de métro Charonne (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Nicolin. Changez de siècle !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. …dans ce vieux pays dont la tradition est à la fois autoritaire et libérale…

M. Yves Nicolin. Elle a écrit le discours type du PS !

Mme la présidente. Mes chers collègues, merci d’écouter Mme Olivier-Coupeau, s’il vous plaît.

Mme Françoise Olivier-Coupeau. …où Eugène Le Roy élève à la postérité littéraire et politique son Jacquou le Croquant comme archétype de la lutte contre l’ordre injuste, les gendarmes sont populaires et respectés, car respectables et proches du peuple, des citoyens qu’ils servent et protègent.

Faut-il alors chercher l’idée proposée chez les élus ? Pas davantage : il connaissent tous la gendarmerie ; souvent, ils l’hébergent. Ils en connaissent donc les conditions de logement, les horaires de travail générés par l’obligation de disponibilité, la vie de famille, dont le rythme est scandé par les appels du commandant de brigade pour départ immédiat en mission.

Ils en connaissent aussi la compétence, d’autant plus précieuse qu’elle est large. Si le gendarme mobile est un spécialiste d’élite, le gendarme des brigades territoriales sait tout faire. D’ailleurs, c’est lui qu’on appelle quand on ne sait plus qui appeler. Les élus des zones de gendarmerie aiment leurs gendarmes ; essayez donc, monsieur le ministre, de les leur enlever ou d’en diminuer le nombre, comme vous en avez le projet : je vous prédis des lendemains difficiles !

Si les populations et les élus n’en veulent pas, alors qui ? Les policiers ? Même pas ; au contraire. Il suffit de rappeler à ce sujet certaines déclarations, dont beaucoup furent indignes : on a ainsi prétendu que le gendarme, parce qu’il est militaire, n’était pas un républicain – je renvoie les ignorants à l’origine de la grenade d’argent, symbole d’élite conféré à la gendarmerie en 1791 –, qu’il se plaignait beaucoup mais travaillait peu, ou encore que le crime n’existait pas en pays de pâturage et que le gendarme y était donc une sorte de garde-champêtre dont l’entretien serait dispendieux pour la République. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Au-delà de la méchanceté gratuite du propos, c’est, on le conçoit, un désarroi qui s’exprime. Depuis Fouché, la police, c’est l’intérieur et l’intérieur, c’est la police. Personne, dans la « grande maison », ne souhaite partager les responsabilités, les crédits et l’oreille du ministre avec les « pandores ». Non, les policiers ne veulent pas de ce rattachement : ils considèrent, et ils ont raison, que les statuts, les méthodes de travail et les modes d’organisation sont les produits de l’histoire, et que le rattachement porte en lui la confusion. Ils proposent une solution simple : supprimer la gendarmerie nationale ;…

M. Yves Nicolin. Vous dites n’importe quoi !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. …mais comme ce n’est pas encore ce qui est proposé avec le présent texte, disons-le tout net : les policiers ne veulent pas du rattachement. Je vous en conjure, monsieur le ministre, faites plaisir aux policiers : laissez les gendarmes au ministère de la défense !

Je poursuis ma recherche des causes premières. Le ministre de la défense veut-il se débarrasser des gendarmes ? La réponse est oui, il nous l’a dit. Hélas, sans doute incomplètement informé, il le souhaite pour de mauvaises raisons. Il est en effet persuadé que le gendarme est une sorte de mauvais exemple pour les bons militaires, un séditieux qui sème le désordre dans l’ordonnancement fragile de la loi de programmation militaire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) en pesant inconsidérément sur les crédits du titre II, celui des rémunérations.

M. Michel Hunault. N’importe quoi ! Vos propos sont injurieux !

M. Yves Nicolin. Vous n’êtes pas crédible !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Mais l’histoire le jugera sévèrement, car son raisonnement à l’emporte-pièce est daté : celui-ci eût été admissible de la part d’un ministre de la défense en 2002, mais ne l’est plus aujourd’hui que la gendarmerie nationale a éteint les passions en son sein et que les fils de la camaraderie ont été renoués entre l’arme et les armées.

Quid, donc, du ministre de l’intérieur ? Je vous exonère de toute responsabilité, monsieur le ministre, car votre casier est encore vierge. Mais parlons de votre prédécesseure. Elle était contre une telle mesure, et l’a fait savoir lorsqu’elle était ministre de la défense. Quand elle a rejoint la place Beauvau, elle ne s’est guère agitée sur le sujet ; tous ici peuvent témoigner qu’elle n’a pas donné un seul véritable argument de fond ou de poids pour justifier le rattachement, à moins de considérer que la mutualisation des formations cynophiles vaut bien de tordre le bras à l’histoire, ce qui serait… cynique.

M. Yves Nicolin. Quel baratin !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Reconnaissez, monsieur le ministre, que le moins que l’on puisse dire de ce projet de loi est qu’il ne suscite que réprobation et inquiétude.

Alors qui, et pourquoi ? Le Président de la République, bien sûr. Il aime la police et les décisions un peu rapides, et déteste la gendarmerie.

M. Yanick Paternotte. Comment pouvez-vous dire des horreurs pareilles ?

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Je vous rappelle qu’il a tout de même dissous le groupement de sécurité de la présidence de la République le soir même de son élection, d’un mot, sur le trottoir d’un restaurant : ce peu glorieux épisode fut, en somme, la première décision de son quinquennat. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, s’il vous plaît, laissez Mme Olivier-Coupeau s’exprimer ; chacun pourra ensuite lui répondre.

M. Yves Nicolin. Ce qu’elle dit est ridicule et inconséquent !

Mme la présidente. Merci de laisser l’oratrice poursuivre.

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Toutefois, il serait injuste d’imputer aux seuls préjugés du Président de la République la décision de faire sortir la gendarmerie du ministère de la défense. Il s’agit plus probablement de donner davantage de moyens au ministre de l’intérieur, pour en donner plus à celui qui commande le ministre de l’intérieur.

Je vous engage, monsieur le ministre, à lire le Livre blanc et l’article 5 de la loi de programmation militaire. Les choses sont limpides. La République française a désormais deux responsables en toutes choses : le Président de la République pour décider, le ministre de l’intérieur pour exécuter. On comprendra que, face à cette augmentation brutale du poids de ses responsabilités, le ministre de l’intérieur ait besoin de 100 000 gendarmes pour l’aider dans sa tâche : cent mille Hercule pour reposer ce nouvel Atlas que vous êtes ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Souhaitant demeurer en bons termes avec Mme la présidente, j’en viens à la deuxième partie de mon propos (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Jean-Claude Lenoir. Parce qu’il y en a deux ?

Mme Françoise Olivier-Coupeau. …où je me demanderai pourquoi personne n’avait pensé à tout cela plus tôt.

L’affaire que vous nous proposez, monsieur le ministre, est une double escroquerie. Une escroquerie parce que vous tentez de nous faire croire que le détachement de la gendarmerie nationale améliorera la sécurité dans notre pays, ce qui est faux. Mais c’est avant tout une escroquerie parce qu’on essaie de nous faire croire que cette décision est de nature technique, ce qu’un rapide coup d’œil du texte pourrait, à tort, laisser croire.

Nous pourrions vous pardonner d’être dans l’erreur, et même vous absoudre d’y persévérer, mais nous ne pouvons vous pardonner de mentir. La maréchaussée est l’une des plus anciennes institutions du pays, sinon la plus ancienne ; elle est aussi l’une des plus illustres. Elle est militaire depuis toujours et a toujours été rattachée au plus haut niveau de l’État.

Le terme même de maréchaussée le rappelle : celle-ci a servi en tous temps et en tous lieux, partout où la France était, et sur tous les champs de bataille où flottaient et flottent encore les trois couleurs de la République. Le gendarme a accompagné toutes les mutations de la société française et constitue une forme de jalon national. Mais sans doute en va-t-il ici de même que pour toute réforme sarkozyenne : il faut brûler ce qui est ancien, éprouvé, robuste, économique et efficace. Il n’est point de salut hors du bouleversement : il faut changer pour changer.

De quelle façon le Gouvernement colore-t-il ses errements ? En nous racontant la fable qu’il nous sert aussi pour justifier le fait que, demain, le ministère de la défense devra supprimer 70 000 postes, mais que ce sera mieux, l’optimisation ayant son pendant, son jumeau, son siamois : la mutualisation. Pourquoi pas, après tout ? Qui peut s’opposer à une meilleure gestion de l’État ? Pas nous. Sauf que ce ne sera pas le cas, monsieur le ministre. Les faits sont comme les Bretonnes : têtus.

Quant aux écrits, ils restent. Ainsi, le compte rendu de la réunion que nous avons eue avec votre prédécesseur, Mme Alliot-Marie, est éclairant. Comment a-t-elle justifié le projet de loi ? D’abord par les nouvelles menaces auxquelles notre pays est confronté : argument usé jusqu’à la corde tant il a servi pour le Livre blanc... Quelles sont-elles ces menaces nouvelles ? Le terrorisme, nous dit-on. Assurément, c’est une nouveauté ! Le XXe siècle, en son commencement, fut déjà troublé par les attentats dits « anarchistes » ; quant au terrorisme nationaliste, il fut, à Sarajevo, la cause immédiate du déclenchement de la Première guerre mondiale. Le 9 octobre 1934, le président Louis Barthou et le roi Alexandre de Yougoslavie furent assassinés à Marseille. Dois-je vous rappeler que le général de Gaulle lui-même, au rond-point du Petit-Clamart, eut la vie sauve grâce à la chance et au sang-froid du colonel de Boissieu et de son chauffeur, le gendarme Marroux ? Ai-je réellement besoin de rappeler ce que fut le terrorisme des années soixante-dix en Allemagne et des années quatre-vingt en France ? A-t-on oublié l’attentat de l’aéroport de Rome, celui de la rue des Rosiers ou les assassinats de l’ingénieur général Audran et de Georges Besse en 1985 et 1986 ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Claude Lenoir. Par qui leur assassin avait-il été amnistié en 1981 ?

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Non, monsieur le ministre, le terrorisme n’est pas une donnée nouvelle ; c’est une menace ancienne et sans cesse renouvelée. Le 11 septembre a assurément marqué un climax, mais il n’a modifié le terrorisme dans sa nature : l’argument n’est donc pas recevable.

De nouvelles menaces existent en matière de crime organisé, nous dit aussi Mme Alliot-Marie. Lesquelles ? Ou plutôt, ces menaces sont-elles si nouvelles ? Sommes nous confrontés à un crime organisé plus criminel ou plus organisé ? Sans remonter aux routiers des grandes compagnies, je rappelle que l’apparition de la criminalité moderne en France est traditionnellement datée du 21 décembre 1911, avec l’utilisation de la voiture automobile et de la violence armée par la bande à Bonnot, rue Ordener dans le 18e arrondissement de Paris. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Y a-t-il eu une telle rupture qualitative récemment ? Non. Un slogan ne peut pas tenir lieu de politique et la captation de la gendarmerie nationale par le ministère de l’intérieur n’apportera rien en matière de lutte contre la cybercriminalité.

Enfin, Mme Alliot-Marie nous parle de la violence dans les banlieues, laquelle est manifestement, pour le pouvoir, de même nature que le terrorisme et le crime organisé. La chronique de la violence dans les banlieues sensibles ne date pourtant pas d’aujourd’hui. Il est vrai que certaines politiques accroissent les tensions avant de les instrumentaliser. Mais quel est le rapport avec la gendarmerie nationale ? Par définition, la gendarmerie départementale est géographiquement peu présente dans les banlieues sensibles. Quant à la gendarmerie mobile, elle est déjà utilisée intensément partout où la situation est critique en matière de maintien de l’ordre. Ajoutons que les services spécialisés de la gendarmerie, comme les sections de recherche, sont déjà compétents dans l’ensemble de leurs ressorts, y compris dans les banlieues sensibles. Il n’y a donc aucun rapport entre les éléments avancés et le projet de loi.

Enfin, exécutons la plaisanterie des mutualisations. On nous explique qu’il faut rattacher la gendarmerie au ministère de l’intérieur parce que, depuis 2002, gendarmes et policiers ont été dotés de la même arme de service, parce que des marchés de véhicules de service ont été passés en commun, parce que des compagnies de CRS ont pu s’entraîner à Saint-Astier ou encore parce qu’il faut progresser en matière d’interopérabilité des systèmes de communication et de logiciels. Mais, monsieur le ministre, si tout cela a été possible, c’est l’éclatante démonstration que votre texte n’a aucune motivation organisationnelle avouable ! Laissez donc la gendarmerie là où elle est et constituez un établissement public industriel et commercial commun à la gendarmerie nationale et à la police.

De toute façon, la légende des optimisations ne résiste pas deux secondes à l’examen. Mes chers collègues, la France n’est pas l’Italie. La gendarmerie nationale et la police nationale ont chacune une zone d’action. Chaque force est seule sur son territoire, en tout cas en matière de sécurité publique. L’optimisation ne peut donc se faire qu’à la marge. De plus, les modes d’organisation de chacune des forces répondent aux spécificité du milieu : concentration des effectifs pour une police qui gère les concentrations de populations urbaines ; déconcentration pour une gendarmerie qui gère les espaces et matérialise le contrat républicain, selon lequel aucun citoyen ne doit être en danger parce qu’il réside loin des villes. Il en est ainsi depuis François Ier. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mes chers collègues, on dit à Lorient que mettre un béret vert à un parachutiste n’en fait pas un commando de marine. Je vous dis, moi, qu’on optimise ou mutualise des fonctions aux spécificités comparables. On nous laisse entendre qu’il faut raboter les spécificités pour permettre les mutualisations : sophisme : Socrate est donc un chat…

J’en viens maintenant à un point particulièrement important et préoccupant. J’ai exposé les raisons pour lesquelles rien ne justifiait cette mesure punitive à laquelle vous soumettez la gendarmerie nationale. J’ai dit aussi combien les bénéfices à en retirer sont nuls. Je vais maintenant expliquer, mes chers collègues, en quoi les buts affichés ne seront pas atteints et en quoi les buts atteints fragiliseront la gendarmerie nationale, le service public de sécurité et la nation tout entière.

Le but affiché est d’« optimiser » le fonctionnement des polices en mutualisant les moyens. Je fais remarquer que l’ultime mutualisation est la fusion au sein d’une seule et même police. Enfin, une seule... Disons au sein d’une entité générale portant un nom générique, un seul uniforme, une seule couleur de véhicules, et j’ajoute : un seul statut. Comme c’est bien la gendarmerie nationale qui quitte sa vieille maison militaire pour aller s’installer au ministère de l’intérieur, c’est-à-dire au ministère des préfets et des commissaires, on voit bien que la tentation est désormais de démilitariser la gendarmerie – donc, à terme, de la supprimer.

Ce projet de loi est donc irrémédiablement un projet de loi anti-gendarmes. Affirmer l’inverse ne suffira pas à transformer les vessies en lanternes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Nicolin. Caricature !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Les auditions menées par la commission de la défense ont été éclairantes. Interrogé, le chef d’état-major des armées a déclaré que l’aventure en cours était sans précédent : litote pour indiquer qu’il était très dubitatif sur l’avenir de la gendarmerie.

M. Yves Nicolin. C’est votre interprétation !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Le général directeur général me pardonnera de dire qu’il a été incapable d’argumenter et que plus le processus avançait, moins il semblait à l’aise pour l’assumer. Quant au directeur général de la police nationale, le préfet Péchenard, il a indiqué avec une franchise brutale que son seul souci était de conserver l’accès privilégié au ministre et de reléguer le DGGN aux étages du petit personnel. Quelle haute conception de l’État !

Monsieur le ministre, vous créez les conditions d’une compétition malsaine entre la gendarmerie nationale et la police. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Plus grave encore, cette compétition est inégale. En effet, les gendarmes, par leur statut, ne peuvent plaider leur propre cause. Leurs chefs ne peuvent relayer leurs préoccupations auprès du ministre ou des parlementaires par les organisations représentatives. Dans le monde miliaire, monsieur le ministre, il est compris que c’est le chef qui est le garant des intérêts de ses subordonnés. Êtes-vous prêt à assumer ce rôle de chef et à défendre les intérêts de vos gendarmes ? Le ferez-vous mieux que le prédécesseur de votre prédécesseur ? Savez-vous que la LOPSI a été exécutée à 97 % pour la police nationale et seulement aux quatre cinquièmes pour la gendarmerie nationale ? Savez-vous que le ministère de l’intérieur a choisi de faire porter les retards en équipements sur la gendarmerie nationale ?

M. Jean-Claude Viollet. Eh oui !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Savez-vous que le marché du renouvellement des blindés de gendarmerie du groupement de Versailles-Satory a été abandonné – pardon, repoussé – une fois lancé ? Savez-vous que le marché de renouvellement des hélicoptères du groupement des formations aériennes de la gendarmerie est repoussé sine die ?

M. Jean-Claude Viollet. Tout à fait !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Il est vrai que la mutualisation joue sans doute à plein. Pensez donc : le groupement blindé et le groupement des formations aériennes n’ont aucun équivalent dans la police nationale.

Le groupement blindé est doté de moyens spécifiques pour faire face à des situations exceptionnelles, dont la protection des institutions en dernier recours.

Quant aux équipages d’hélicoptères de la gendarmerie nationale, ils n’ont pas d’équivalent dans la police. Belle mutualisation, qui consiste à faire dépérir les fleurons de l’arme ! Vous n’aurez plus ensuite qu’à supprimer l’institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale, ce que réclament d’ailleurs certains policiers, pour que la gendarmerie soit là où vous la menez, dans la situation de supplétifs ou de valets d’armes, ceux qui font ce que les autres considèrent comme en dessous de leur condition. Je suis prête à prendre le pari de ce que vous pensez en ce moment même, monsieur le ministre : fantasme et procès d’intentions. Voire !

J’ai demandé à Mme Alliot-Marie qu’elle réforme le ministère de l’intérieur pour faire face au bouleversement gigantesque que va constituer l’arrivée en son sein de 100 000 gendarmes en plus de ses 140 000 policiers. La réponse est simple : rien, pas le moindre projet d’ensemble. Démonstration est ainsi faite que les gendarmes sont censés s’installer chez les policiers et qu’il ne s’agit en aucun cas de créer une maison commune, comme le firent les Espagnols il y a quelques années.

Je m’achemine maintenant vers la dernière partie de mon propos (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP)...

M. Yves Nicolin. Enfin ! Assez de bêtises !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. ...en affirmant hautement que fragiliser la gendarmerie nationale, la condamner à dépérir à petit feu comme vous le faites, c’est aussi fragiliser la République. Cela aurait pu constituer mon propos initial, tant il touche à l’essentiel.

Si la maréchaussée, force militaire dotée de fonctions de police, est une tradition française, la gendarmerie nationale, maréchaussée moderne, est un élément constitutif de la République.

Je ne souhaite pas illustrer mon propos par un long exposé historique. C’est une figure attendue et d’autres le feront sans doute mieux que moi. Mais je vous demande, monsieur le ministre de l’intérieur, si vous connaissez la commune de Hondschoote. Cette commune, chef-lieu de canton du Nord, dans l’arrondissement de Dunkerque, fut le théâtre d’une bataille très importante en août 1793. Le 23 fructidor an II, la charge à la baïonnette des gendarmes à pied de Paris permit au général Houchard de prendre Hondschoote aux troupes de Hanovre et força ainsi le duc d’Albany à lever le siège de Dunkerque.

M. Yves Nicolin. C’est cela que vous voulez offrir aux gendarmes aujourd’hui ? Vivez donc dans le XXIe siècle !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Depuis lors, elle est considérée comme la matérialisation du passage de l’ancienne maréchaussée à la République, sans que cet attachement ne se démente depuis lors. Elle rappelle aussi aux oublieux quelle est la différence entre une force militaire et une force qui ne l’est pas : les militaires sont prêts à mourir au commandement, pas nécessairement par accident.

Mme Françoise Hostalier. C’est sympathique pour les policiers !

M. Charles de La Verpillière. Allez raconter cela à M. Mamère et M. Yves Cochet !

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Mais au-delà des questions historiques et philosophiques je rappelle ici que l’État se renforce d’avoir en son sein deux forces distinctes. C’est d’ailleurs le cas partout en Europe : soit on trouve deux polices à compétence nationale et de statut différent, soit on trouve une police à compétence nationale et des polices à compétence régionale ou locale. Ne laissons pas l’hybris nous perdre… Alors que la France partage cette évidence qui veut qu’on ne s’en remette pas à une seule force, c’est bien vers cette aberration que nous mène votre projet de loi, quoi que vous vous en défendiez. L’histoire nous l’a appris : lorsqu’on crée les conditions du désordre institutionnel, le désordre apparaît.

J’ajoute qu’on peut jouer sur les mots mais que, lorsqu’on affirme maintenir nominalement deux forces distinctes mais qu’on les place sous un même ministre et sous un même préfet de département, on fait l’inverse de ce que l’on prétend.

Je reviens là aux félicitations que je vous adressais tout à l’heure, monsieur le ministre : la dérive institutionnelle qui consiste à modeler les institutions au projet politique du moment impose de renforcer les effectifs du ministère de l’intérieur de 100 000 gendarmes. Pourquoi ? Parce que ! Voilà où nous en sommes…

Ce projet est mauvais et contre-productif. Il fragilise la gendarmerie nationale en en faisant une force supplétive. Il renforce la tentation technocratique de supprimer les brigades territoriales sous couvert de réorganisation. Il intensifie un infernal effet de miroir déformant déjà existant entre policiers et gendarmes en une échelle de perroquet qui ruinera l’État. (Sourires.) Il prive enfin la République d’une jambe qui garantissait sa stabilité.

Lorsqu’on ouvre la jarre de Pandore, ce sont tous les malheurs qui se répandent sur la face du monde. Ne reste alors qu’une seule chose au fond du vase : l’espérance. Devrons-nous nous en contenter ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. dans les explications de vote, la parole est à M. Michel Diefenbacher, pour le groupe UMP.

M. Michel Diefenbacher. Je m’étais promis de répondre point par point aux arguments de Mme Olivier-Coupeau...

M. Yves Nicolin. Ça ne sert à rien !

M. Jean-Claude Lenoir. Il n’y avait pas d’arguments !

M. Michel Diefenbacher. ...mais, effectivement, il n’y en avait pas. Néanmoins, je souhaite lui expliquer pourquoi le groupe UMP votera contre la motion de rejet préalable.

Mme Olivier-Coupeau a prétendu que cette réforme n’était souhaitée par personne. Mais je lui ferai observer qu’elle l’est par la majorité de la représentation nationale : dans une démocratie, n’est pas rien..

M. Jean-Claude Lenoir. C’est vrai !

M. Michel Diefenbacher. Et si celle-ci la souhaite, c’est parce qu’elle est logique et nécessaire.

Avant 2002, nous étions dans une situation paradoxale dans la mesure où le ministre de l’intérieur avait toujours été considéré comme étant le responsable de la sécurité publique alors qu’il n’avait pas d’autorité sur la force qui gérait la sécurité sur 95 % du territoire national.

M. François Vannson, rapporteur. C’est vrai !

M. Michel Diefenbacher. Nous mettons définitivement fin à une anomalie que nous avions commencé à corriger en 2002. La réforme qui nous est proposée ce soir procède d’une logique que personne ne peut contester.

Mme Olivier-Coupeau a prétendu également que cette réforme allait fragiliser la gendarmerie. Mais la gendarmerie garde son statut, sa hiérarchie, son organisation, son identité, sa culture.

M. Philippe Nauche. Jusqu’à quand ?

M. Michel Diefenbacher. Qui plus est, elle verra certains de ses moyens mutualisés avec la police nationale. Les deux forces pourront ainsi s’épauler, travailler ensemble, se coordonner.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Ce n’est pas rien !

M. Michel Diefenbacher. Désormais, l’allocation des moyens budgétaires à la gendarmerie sera assurée par le ministre qui est lui-même chargé de la sécurité publique. Pour quelle raison celui-ci n’accorderait-il pas à la gendarmerie nationale les moyens dont elle a besoin ? Pourquoi préférerait-il la police nationale ? Rien ne le justifie.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Très juste !

M. Michel Diefenbacher. Il n’est pas question d’organiser une compétition entre les deux corps, mais d’assurer leur coopération. Voilà pourquoi le groupe UMP ne votera pas cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Nicolin. Voilà qui est mieux qu’un long discours plein de bêtises !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe GDR.

M. Jean-Jacques Candelier. Le projet de loi relatif à la gendarmerie nationale suscite de profondes inquiétudes chez les gendarmes et tous ceux qui sont attachés à cette institution.

La procédure d’urgence a été déclarée sur ce texte alors qu’il ne fait qu’entériner une situation qui existe depuis 2002. Qui peut encore croire à la revalorisation du rôle du Parlement ? Personne ne demandait cette loi, pas plus les policiers que les gendarmes.

M. Yves Nicolin. Cessez de faire du corporatisme !

M. Jean-Jacques Candelier. Chacune de ces deux forces souhaite surtout conserver son budget, ses effectifs et son périmètre de mission.

Ce ne sont pas non plus les élus locaux qui l’ont réclamée. En effet, ils ne peuvent que redouter que la RGPP prive les collectivités d’effectifs. Or tout porte à croire que ce sera la principale conséquence de ce texte.

Aucune directive européenne ne nous oblige à placer nos forces de sécurité sous la tutelle d’un seul ministère, ni même à les faire entrer dans un jeu de concurrence libre et non faussée entre elles !

Aucun dysfonctionnement de la gendarmerie ne peut justifier cette ardeur réformatrice. Alors pourquoi faire adopter en catastrophe cet arsenal juridique ? Tout simplement parce qu’il s’agit pour le Gouvernement d’ouvrir des brèches dans le statut des gendarmes, en vue de futures restructurations et – pourquoi pas ? – d’une fusion.

Sans vouloir ouvrir je ne sais quelle boîte de Pandore (« Encore ? » sur les bancs du groupe UMP) j’aurais aimé que les syndicats de police fussent auditionnés par la commission de la défense ; car avec la RGPP c’est encore et surtout un service public qui est attaqué et des postes de fonctionnaires qui sont menacés.

Ici, on touche à la gendarmerie, institution héritière de la Révolution française et des fondateurs de notre République.

M. Franck Gilard. Non, c’est Louis XI qui l’a créée !

M. Jean-Jacques Candelier. On ouvre une brèche dans le statut et l’outil de travail de 100 000 hommes et femmes. Mieux garantir l’obéissance de la force armée chargée de la sécurité intérieure et de l’autorité civile, n’était-ce pas là l’enjeu ? Malheureusement, le but est devenu, au fil des ans, de permettre la coexistence des forces civiles et militaires, afin que les forces de maintien de l’ordre assurent mieux des missions de répression.

Pour ces raisons, les députés du groupe GDR voteront la motion de rejet préalable.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Thierry Benoit. Madame Olivier-Coupeau, vous vous êtes battue en tentant de trouver les arguments qui auraient pu nous conduire à retarder la discussion de ce projet de loi. Que vise-t-il ? À actualiser des dispositions législatives et réglementaires qui, reconnaissez-le, dataient un peu : le dernier grand texte réformant la gendarmerie remonte à plus de deux cents ans… Vous comprendrez donc que le moment est venu de le moderniser.

Monsieur le ministre de l’intérieur, vous serez désormais responsable de l’organisation de la gendarmerie nationale, de sa gestion, de son emploi et de l’infrastructure militaire qui lui sera nécessaire. Toutefois, il est très important que la gendarmerie nationale conserve son statut militaire. Tel est l’esprit de la loi qui nous est proposée aujourd’hui. En effet, pour la première fois, un texte de loi reconnaît une des spécificités essentielles de la gendarmerie nationale, qui tient à sa capacité de s’engager dans le règlement des crises de haute intensité, voire dans des conflits armés – Dieu sait si c’est d’actualité aujourd’hui.

Bien sûr, les officiers et sous-officiers de la gendarmerie restent soumis au statut général des militaires. Ils conservent leurs obligations et leurs sujétions particulières qui découlent à la fois de leur statut militaire et de leur mission de police.

J’indique également que le présent projet de loi prévoit une gestion rénovée des ressources humaines, une compétence de principe étant confiée à M. le ministre de l’intérieur en matière de gestion des ressources humaines du personnel de la gendarmerie, compétence partagée, chaque fois que nécessaire, avec son collègue ministre de la défense, ici présent.

Ce projet loi dont vous voulons débattre maintenant permet aussi de remettre à l’ordre du jour et de rappeler des valeurs propres à la gendarmerie : le sens de l’honneur, l’ordre, l’obéissance hiérarchique, la discipline, le courage et la persévérance. Nous souhaitons en parler maintenant, tout mettre sur la table, y compris la réforme de la carte des gendarmeries et de la présence de la gendarmerie sur l’ensemble du territoire national.

Voilà pourquoi nous voterons contre la motion de rejet préalable présentée par Mme Olivier-Coupeau. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le groupe SRC.

M. Jean-Jacques Urvoas. Bien évidemment, le groupe SRC votera cette première motion de rejet préalable, pour trois raisons.

Premièrement, comme l’a indiqué Mme Olivier-Coupeau dans un brouhaha peu conforme à courtoisie à laquelle elle avait droit, ce texte est inutile. Du reste, nos deux rapporteurs en sont convenus, dans la mesure où ni l’un ni l’autre n’a émis de critiques sur le système existant. Ce faisant, ils se font l’écho de l’ensemble de nos concitoyens qui considèrent que la gendarmerie fonctionne de manière exemplaire.

Bien sûr, on peut faire mieux en matière de mutualisation des moyens, et tout le monde s’accorde sur ce point. De tels efforts sont toujours nécessaires dans un contexte de raréfaction de l’argent publique, comme c’est le cas depuis de nombreuses années. Ce mouvement démontre précisément le peu de valeur ajoutée du projet de loi que vous nous proposez.

Deuxièmement, ce texte ravive les inquiétudes des personnels de la gendarmerie, mais aussi d’un grand nombre d’élus. Pour les premiers, l’inquiétude découle de la déception : contrairement aux espoirs nourris par beaucoup, le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur ne se traduit pas par une augmentation de ses moyens. Nombre de gendarmes espéraient que le positionnement de la gendarmerie au sein du ministère de l’intérieur lui permettrait de rattraper le temps perdu. Malheureusement, ceux qui le pensaient ont été déçus. Il suffisait de lire le projet de loi de loi de finances et les différents reports d’investissement.

Les craintes des élus s’appuient sur les suppressions d’effectifs – plus de 3 500 d’ici à 2011. Comment comprendre qu’on demande à la gendarmerie de mieux d’assumer ses missions en lui supprimant des postes ?

Enfin, on risque d’aboutir à la fongibilité des deux forces. Le texte ne le prévoit pas ; il garantit même l’inverse. Le Président de la République comme les ministres ne cessent de multiplier les assurances. Il n’empêche que ce projet s’apparente moins à un aboutissement qu’à une étape supplémentaire dans un processus entamé voilà quinze ans et qui porte le risque de la possibilité de la fusion.

Voilà pourquoi le groupe SRC votera la motion de rejet préalable.

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

M. Yves Nicolin. Elle est largement repoussée !

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. Le présent projet de loi relatif à la gendarmerie nationale suscite, comme tous les projets de lois de ce Gouvernement, de vives inquiétudes, tant chez les 100 000 gendarmes que chez les 150 000 policiers que compte notre pays.

Bouleverser les statuts et l’organisation duale de nos forces de sécurité intérieure sous prétexte de simplification, c’est introduire de la confusion. Raboter les coûts et appliquer la révision générale des politiques publiques à la gendarmerie et à la police, c’est attaquer les services publics, détricoter le maillage territorial et étendre la précarité.

Mais avant de parler des entailles qui sont faites au statut militaire de la gendarmerie, je voudrais souligner que ce projet témoigne de la volonté d’appliquer la fameuse RGPP aux forces de maintien de l’ordre.

Ce sont ainsi 3 500 postes de gendarmes qui seront supprimés d’ici 2012. Le plan social devrait entraîner la disparition de sept ou huit escadrons de gendarmerie mobile.

Selon Frédéric Péchenard, directeur général de la police nationale, 4 829 équivalents temps plein devraient être supprimés sur les trois prochaines années, soit la quasi-totalité des postes créés par la LOPPSI !

Or la police aux frontières doit prendre en charge les centres de rétention administrative, jusqu’alors gérés par la gendarmerie, ce qui représente un effort de 600 ETP. Quant à la centaine d’unités territoriales de quartier et de compagnies de sécurisation, elle nécessiterait le redéploiement de 4 000 ETP.

Le chef de la police lui-même s’interroge : « Comment faire pour trouver tous ces fonctionnaires ? ». La question ne manque pas de sel, après le gigantesque plan social de la loi de programmation militaire qui a concerné 54 000 postes et le dogme néolibéral du non-remplacement d’un poste de fonctionnaire sur deux !

S’abritant derrière les moulinets sécuritaires du chef de l’État, le Gouvernement mène une politique néolibérale de casse de nos services publics. Les emplois publics sont supprimés par dizaines de milliers à l’heure où la crise du capitalisme met chaque jour 2 000 personnes au chômage, toujours au nom de ce même dogmatisme : « faire des économies », « réformer », « moderniser », « rationaliser », « supprimer les doublons », « créer des synergies », et j’en passe. Autrement dit, le Gouvernement poursuit et amplifie la politique qui fut pourtant à l’origine de la crise.

Le général Roland Gilles, directeur général de la gendarmerie nationale, l’a solennellement affirmé devant la commission de la défense de notre assemblée : « Toute forme de rationalisation consistant à dévitaliser une force au profit de l’autre serait pernicieuse, dangereuse pour l’équilibre de notre sécurité intérieure ». C’est pourtant l’objectif de ce projet de loi, et les ministres ne s’en cachent pas.

Mais ce projet de loi suscite également des inquiétudes sur le statut des gendarmes est un autre sujet d’inquiétude : bon nombre y voient la mise en route d’un chantier de fusion de nos deux forces de sécurité intérieure, la police et de la gendarmerie. Et le discours du Président de la République aux forces de l’ordre le 29 novembre 2007, où il affirmait que « le principe de l’existence de deux forces de sécurité dans notre pays, l’une à statut militaire, l’autre à statut civil, est et sera maintenu. » n’est pas de nature à rassurer quand on connaît la valeur des engagements de Nicolas Sarkozy. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) N’avait-il pas solennellement affirmé devant la représentation nationale que GDF ne serait pas privatisé et qu’il serait le Président du pouvoir d’achat ?

Ce texte de loi place la gendarmerie nationale sous la tutelle du ministère de l’intérieur. Ce serait même, à entendre les ministres concernés, sa seule et unique vocation, dans un souci de simplification et de mise en cohérence.

Or le décret du 15 mai 2002 relatif aux attributions du ministère de l’intérieur, la LOLF – qui règle tous les problèmes budgétaires – et le décret du 15 mai 2007 qui définit la mission du ministère de l’intérieur ont déjà entériné juridiquement ce rattachement.

Pourquoi une loi, pourquoi engager une vaste campagne d’adaptation juridique, pourquoi isoler systématiquement la gendarmerie des dispositions qui concernent les forces armées, si ce n’est pour préparer de nouvelles entailles à son statut historique ?

Le rattachement à l’intérieur témoigne clairement de la volonté d’harmoniser les statuts des deux forces. Dans ce contexte, pourquoi maintenir le statut militaire des gendarmes ? Le directeur général de la police nationale était on ne peut plus explicite devant la commission de la défense : « Pourquoi conserver le statut militaire s’il est la seule spécificité d’une force devenue sur tous les autres points identique à l’autre ? »

Et s’il n’est pas question, comme le répète le Gouvernement, de revenir sur le statut militaire de la gendarmerie, pourquoi rapprocher les deux forces ? Les gendarmes ne manqueront pas de faire remarquer qu’ils ont tous les désagréments du statut militaire, et aucun de ses avantages !

Quoiqu’il en soit, cette mutualisation des moyens ne peut que créer des conflits entre les deux institutions. Alors que les moyens accordés à la gendarmerie dans la précédente loi d’orientation ont été inférieurs de 20 % à la prévision, ceux de la police nationale étaient très supérieurs. Le rattachement risque fort de tourner à la mise en concurrence des deux forces. Le chef de la gendarmerie lui-même s’est fait écho de cette préoccupation en expliquant que « les relations harmonieuses et constructives ne pourront se nouer qu’en veillant à l’équité, sans esprit de surenchère ».

Cette mise en concurrence concernera aussi les attributions et le périmètre d’action, de la police et de la gendarmerie. Lors des auditions réalisées par la commission de la défense, il a été tout particulièrement inquiétant de constater que les états-majors des deux institutions réclamaient, avec la même insistance, les mêmes attributions – ainsi la prévalence dans le domaine de la lutte contre le terrorisme régional.

Ainsi, le général Gilles affirmait que la gendarmerie avait développé des capacités en matière de police judiciaire, de renseignement ou de lutte contre les terrorismes régionaux « corse et basque, notamment ». Ce que confirmait l’ancienne ministre de l’intérieur, Mme Michèle Alliot-Marie : « Nul ne conteste le rôle de la gendarmerie dans ce domaine. La lutte contre l’ETA, dans laquelle la gendarmerie s’est encore illustrée récemment, le démontre ». Mais le chef de la police, Frédéric Péchenard, n’a pas du tout la même position : « Je ne voudrais pas que la gendarmerie vienne polluer des coopérations opérationnelles qui marchent à la perfection, notamment en ce qui concerne la lutte contre l’ETA. » La contradiction est de taille, et l’on ne peut que déplorer la pagaille et la concurrence que ce « rapprochement » ne manquera pas d’occasionner…

En toute courtoisie, monsieur le ministre, lorsque vos homologues nous parlent de complémentarité et de synergies, il n’y a guère qu’eux qui peuvent y croire !

C’est avec raison que les gendarmes ne peuvent que craindre une absorption. Ou bien leurs compétences et leur budget se verront siphonnés par la police, ou bien celle-ci dernière refusera purement et simplement que les gendarmes soient associés à des compétences que chacune des deux forces revendique pour elle seule.

Et que l’on ne vienne pas nous dire qu’il s’agit d’une situation de fait qu’on ne ferait que valider ! Si la situation est déjà réglée depuis 2002, aussi bien juridiquement que budgétairement, il est parfaitement inutile de faire passer un projet de loi, qui plus est en procédure d’urgence !

Des parlementaires ont exprimé de vives inquiétudes sur deux dispositions particulières du projet.

La suppression de la procédure de réquisition tout d’abord, laquelle découle d’une disposition du code de la défense, dont l’article L. 1321-1 dispose qu’« aucune force militaire ne peut agir sur le territoire de la République pour les besoins de la défense et de la sécurité civile sans une réquisition légale. »

Le ministère fait valoir que cette suppression découle du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur. à ceci près que cette procédure est l’acte par lequel s’établit l’obéissance de l’autorité militaire à l’autorité civile. Elle permet d’établir une traçabilité des ordres donnés et de vérifier la légalité et la régularité de l’ordre d’agir donné à la gendarmerie par une autorité requérante civile ou militaire. Remplacer la règle de la réquisition par un simple ordre verbal ouvre la voie à toutes les dérives.

Le Sénat avait opportunément introduit un garde-fou sur l’utilisation des armes à feu, qu’un décret en Conseil d’État devait réglementer et encadrer. Mais c’était déjà trop demander ; la commission l’a supprimé…

L’article 3 prévoit également de placer la gendarmerie à l’échelon départemental sous l’autorité administrative du préfet. Mais pour ces deux nouveautés, le Gouvernement semble croire que « soixante-quatre mille répétitions font la vérité », comme le dit Aldous Huxley. Les ministres ne cessent de rabâcher qu’aucune brèche n’est ouverte dans le statut militaire ; ils le répètent tellement que cela prouve que c’est faux ! En effet, dans le cas de cette rupture de la chaîne hiérarchique propre à la force militaire qu’est la gendarmerie, le préfet a autorité sur les responsables départementaux et les unités de gendarmes.

Pourtant, il aurait été possible de faire coexister l’autorité du préfet avec le fonctionnement hiérarchique de la gendarmerie: l’exécution des missions confiées par le préfet pouvait rester sous l’autorité hiérarchique du commandement régional de la gendarmerie.

Réformer le statut de 100 000 hommes et femmes ne se fait pas à la légère; cela pose de multiples questions d’organisation du travail, de temps de travail, de rémunération… Autant de problématiques que ce projet de loi n’aborde pas, ou si peu, au détour d’un article introduit à la dernière minute par M. le rapporteur. J’en prends acte, il a au moins le mérite d’exister – l’article, s’entend, pas notre cher collègue !

En un mot, force est de constater que partout où le Gouvernement veut faire des simplifications, partout il crée la confusion et la pagaille.

Nous ne pouvons accepter que la même recette idéologie libérale nous soit resservie sur tous les sujets, surtout quand elle touche aux institutions qui ont la charge de maintenir l’ordre.

Je vous informe donc, chers collègues, que les députés communistes, républicains et du Parti de gauche voteront contre ce texte.

M. Hervé Morin, ministre de la défense. C’est une nouveauté !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Permettez-moi tout d’abord de saluer notre ministre de l’intérieur à qui nous souhaitons toute la réussite qu’il mérite dans l’exercice de sa fonction. Nous sommes par ailleurs très sensibles à la présence de M. le ministre de la défense ce soir : il en avait pris l’engagement devant la commission de la défense, il l’a respecté et je me dois de le souligner devant la représentation nationale.

Nous examinons enfin ce projet de loi relatif à la gendarmerie nationale. Enfin, dis-je, car comme ce fut le cas pour la loi de programmation militaire, nous nous retrouvions dans une situation d’insécurité juridique particulièrement nocive pour les professionnels concernés – et pour leur moral. Pas plus le Gouvernement que le Parlement ne sortiront forcément grandis de ce qui, à certains égards, apparaît comme la simple validation d’une situation existante.

Ce retard peut certes être imputé à l’encombrement du calendrier parlementaire, mais peut-être aussi au caractère particulièrement délicat du texte.

Ce projet de loi vise à entériner le rapprochement, déjà entamé, entre deux corps aux missions similaires mais au statut et aux règles de fonctionnement très différents. S’il peut se comprendre pour des questions de synergies, de mutualisation, d’économies, ce rapprochement n’est pas sans susciter des inquiétudes.

La première et peut-être la plus importante tient au maintien à terme du caractère militaire de la gendarmerie nationale. Rappelons, sans qu’il soit possible de l’attester formellement, que notre gendarmerie existe depuis le XIIe siècle. Son ancienneté et sa résistance au temps, aux régimes, aux lois et aux dirigeants sont la preuve de son importance et de son utilité. Dès le début, son caractère militaire a été reconnu et affirmé. Que ce soit sous François Ier, Napoléon ou la IIIe République, même s’il fait l’objet de débats plus ou moins intenses, le fait que la gendarmerie soit une force armée n’a jamais été remis en cause. Même en 1920, la création de la direction générale de la gendarmerie nationale – je salue le directeur général venu assister à nos débats – et de la gendarmerie mobile n’ont fait que réaffirmer sa particularité militaire. Personne ne l’a remise en cause jusqu’ici tout le monde sur ces bancs, me semble-t-il, souhaite voir ce caractère militaire préservé.

La tradition française, en matière de forces de sécurité, s’appuie depuis toujours sur cette dualité du civil et du militaire. La plupart des démocraties actuelles ont du reste reconnu qu’elles avaient besoin d’un double système de sécurité intérieure, quelle que soit sa forme, afin de protéger les droits des citoyens. Dans l’histoire, même récente – je pense aux événements de mai 1968 –, alors que certaines institutions civiles étaient défaillantes ou bloquées, la gendarmerie nationale a assumé pleinement et efficacement son rôle,…

M. Jean-Paul Bacquet. C’est vrai : les gendarmes étaient là quand les commissariats étaient en grève !

M. Philippe Folliot. …assurant une forme de continuité de l’État de droit républicain, comme, du reste, à certains égards, la préfectorale. Il est donc essentiel de préserver cette force, pivot et pilier de la stabilité de la République. Je tiens d’ailleurs à rendre ici hommage à tous les gendarmes, qui font un métier difficile où ils risquent chaque jour leur vie. Chaque année, plusieurs d’entre eux paient un lourd tribut en mourant dans l’exercice de leurs fonctions. Être militaire, en effet, ce n’est pas qu’une question de statut : c’est un état d’esprit, et nous devons d’autant plus veiller, dans le cadre de ce texte, à mettre en place les garde-fous nécessaires à la préservation de cet état d’esprit, que les bases du recrutement évoluent.

Mme Françoise Olivier-Coupeau. C’est vrai !

M. Philippe Folliot. Historiquement, les gendarmes étaient soit des ruraux, soit des fils de gendarmes ou de militaires.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. C’étaient aussi des fils de mineurs ou d’ouvriers !

M. Philippe Folliot. Aujourd’hui, les jeunes gendarmes sont issus d’horizons très divers, de plus en plus citadins et sans lien avec le monde militaire. Il faut donc que nous nous montrions très vigilants pour garantir, à l’avenir, la spécificité de l’engagement, la pérennité des traditions et le caractère militaire de la gendarmerie nationale. Je voudrais à cet égard rendre hommage à l’action des associations de retraités ou amis de la gendarmerie, qui perpétuent tradition et attachement aux valeurs historiques de la gendarmerie.

Mes chers collègues, des garanties nous ont été apportées oralement par le Président de la République, qui a réaffirmé en novembre 2007 que « le principe de l’existence de deux forces de sécurité dans notre pays, l’une à statut militaire et l’autre à statut civil, est et sera maintenu ». L’ancienne ministre de la défense puis de l’intérieur, Mme Michèle Alliot-Marie, a également assuré à plusieurs reprises que cette distinction entre force civile et force militaire serait maintenue, comme vous l’avez fait à votre tour, monsieur le ministre de l’intérieur, il y a quelques instants. Toutefois, cette distinction doit, par-delà les mots, se traduire dans les faits.

Beaucoup, non seulement parmi nous, mais également dans les deux corps concernés, craignent qu’une certaine surenchère ne soit la conséquence de l’adoption de cette loi. Du reste, elle s’exprime déjà, de façon maladroite et outrancière, notamment au sein de certains syndicats policiers, avec l’alignement des statuts pour seul objectif. Toutefois, la conséquence ultime de cet alignement pourrait être la fusion des deux corps et la dissolution de leurs caractéristiques propres. Certes, monsieur le ministre de l’intérieur, nous connaissons votre attachement à la dualité de nos forces de sécurité mais, notre devoir étant d’avoir une vision prospective pour les décennies à venir, nous devons garantir les particularités de la gendarmerie, institution miliaire soumise au devoir de réserve, une fois qu’elle sera placée, aux côtés de la police nationale – institution civile et donc légitimement syndiquée –, sous l’autorité unique et exclusive du ministre de l’intérieur.

Jusqu’en 2002, chacun restait chez soi et dépendait, pour la police, du ministre de l’intérieur et, pour la gendarmerie, du ministre de la défense, ce qui engendrait, parfois, des situations de concurrence, voire des guerres de polices préjudiciables à l’efficacité des forces sur le terrain. Heureusement, à partir de 2002, la gendarmerie a acquis, la réforme étant engagée, une dimension interministérielle particulièrement intéressante, qui reflétait bien le lien qu’elle entretient, d’un côté, avec certaines missions remplies par la police et, de l’autre, avec certaines missions remplies par la défense. Ainsi, 90 % du budget relevait de la défense et 10 % de l’intérieur. Un certain équilibre avait été trouvé et beaucoup ont alors considéré que la situation était devenue satisfaisante.

Avec cette réforme, qui nous interpelle même si elle paraît nécessaire, c’est le lien historique avec la défense qui risque, sur bien des points, d’être brutalement et inopportunément rompu. Conserver cette dimension interministérielle eût été, à nos yeux, une bonne chose, quitte à inverser l’équilibre trouvé en confiant – pourquoi pas ? – 90 % du budget au ministre de l’intérieur, devenu le véritable chef fonctionnel de la gendarmerie, et les 10 % restant au ministre de la défense, chef organisationnel de la gendarmerie.

M. Jean-Paul Bacquet. Cela aurait été impossible à gérer !

M. Philippe Folliot. Nous n’avons pas été entendus, et je le regrette d’autant plus que cela fait peser un soupçon supplémentaire sur le sort qui sera réservé aux gendarmes : ne risquent-ils pas de perdre, à terme, leurs liens anciens, étroits et fructueux avec la défense ?

M. Jean-Paul Bacquet. C’est leur identité qu’ils perdraient alors !

M. Philippe Folliot. C’est d’autant plus regrettable que, comme je le disais, la dimension interministérielle acquise par la gendarmerie reflétait parfaitement le caractère dual de ses missions,…

Plusieurs députés du groupe SRC. Bien sûr !

M. Philippe Folliot. …qui sont, d’une part, des missions de sécurité intérieure et, d’autre part, des missions liées aux activités du ministère de la défense, comme l’intervention en opérations extérieures ou la sécurité nucléaire.

Je tiens toutefois à lever toute ambiguïté : nous ne sommes absolument pas opposés au principe de la réforme ni à la volonté du Président de la République de rendre plus cohérent et plus efficace notre dispositif de sécurité intérieure. Nous le sommes d’autant moins que le texte législatif organisant la gendarmerie date de plus de deux cents ans et le décret de plus de cent ans ! Une adaptation de ce cadre aux réalités actuelles semble donc parfaitement justifiée, le monde actuel étant évidemment bien différent de celui de 1798 !

De plus, la révision générale des politiques publiques a mis sur les rails une réorganisation difficile mais inévitable et, finalement, bénéfique de la carte militaire. Les finances de l’État nécessitaient une réorganisation en profondeur de la présence de nos forces sur le territoire national. Monsieur le ministre de la défense, il est donc, pour nous, naturel de soutenir cette réforme, la gendarmerie et la sécurité intérieure ne pouvant rester à l’écart d’une telle ambition.

Dans un souci d’efficacité accrue à coût réduit, le principe de mutualisation de certaines fonctions nous paraît tout à fait pertinent pour les domaines communs aux deux forces. Sans me livrer à un inventaire, je noterai, par exemple, que les commandes groupées d’armes de poings, qui sont les mêmes pour les deux corps, ne posent à ces derniers aucun problème, bien au contraire ! De tels ajustements, ou d’autres encore, sont donc les bienvenus. Ils existent déjà et il convient de les encourager.

Comment oublier, par ailleurs, que le chevauchement de certaines missions nourrit un certain flou qui nuit parfois à l’efficacité de l’action ? Afin de remédier à ce problème, j’avais proposé, pour une meilleure clarification et une plus grande efficacité, que les missions de secours en zones montagneuses soient, par exemple, confiées exclusivement à la gendarmerie puisque ces zones relèvent de la zone de gendarmerie – j’y reviendrai lors de l’examen des amendements.

Enfin, comme je l’ai déjà souligné, il est important d’examiner et de voter cette loi puisque la réforme a déjà été engagée depuis plusieurs mois, ce qui entraîne une insécurité juridique préjudiciable aux deux corps.

Le texte, que le Sénat – il convient de le reconnaître – a amélioré par voie d’amendements, rappelle à juste titre la nécessité de sauvegarder des missions importantes pour la gendarmerie nationale, comme celle de police judiciaire, aussi importante au demeurant pour la justice que pour la gendarmerie. Quant à l’abandon de la désuète procédure de réquisition, il nous paraît une véritable avancée, permettant d’adapter les textes aux besoins actuels.

Nous soutenons donc l’idée de la réforme, messieurs les ministres. Toutefois, le transfert total de la gendarmerie de la défense à l’intérieur était-il vraiment la seule solution ?

En effet, pour partager des missions de sécurité intérieure avec la police nationale, la gendarmerie n’en couvre pas moins, comme je l’ai rappelé, des missions qui lui sont propres. Son spectre est très large et il ne saurait être question de la réduire à la gendarmerie départementale. Elle est extrêmement diverse dans ses composantes : on pense immédiatement au GIGN ou à la Garde républicaine, mais on aurait tort d’oublier la gendarmerie mobile, l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale, les pelotons de gendarmerie de montagne et de haute montagne, les brigades nautiques et fluviales, la section aérienne et le détachement aérien, le groupe d’investigation cynophile, le groupe spéléologique ou encore la gendarmerie des transports aériens, de l’armement ou de la sécurité des armements nucléaires.

Une telle diversité de composantes correspond à une réelle diversité de missions, dont certaines sont assurées exclusivement par des gendarmes. Que se passera-t-il, dans certaines zones rurales et dans certains départements et territoires d’outre-mer, si le caractère militaire de la gendarmerie disparaît ?

En effet, en cas de disparition des obligations liées au statut militaire, des pans entiers du territoire métropolitain et ultramarin risqueraient de ne plus être couverts par une force capable d’assurer leur sécurité. La mission d’aménagement et de protection du territoire est essentielle pour la gendarmerie, qui est présente sur 95 % de notre territoire et touche 50 % de notre population. Cette proximité est essentielle à l’égalité d’accès de tous à la sécurité : or c’est bien le statut militaire, avec ses règles différentes de celles de la police, qui garantit cette présence équilibrée et permanente sur l’ensemble du territoire. Cette disponibilité fait sa force, et il y a fort à parier que le rapprochement se révélera, pour des questions de statut, de processus hiérarchique ou de grades, très complexe et, in fine, difficile à gérer.

Mme la présidente. Je vous remercie de bien vouloir conclure, monsieur le député.

M. Philippe Folliot. Je conclus, madame la présidente, en rappelant que le groupe Nouveau Centre est particulièrement attaché à la force de gendarmerie européenne, dont chacun peut souligner l’importance pour assurer la continuité de l’action sur le terrain. L’implication de la gendarmerie dans la mission de stabilisation des conflits, sa capacité d’intervention sur les théâtres extérieurs et son savoir-faire particulier sont autant d’atouts, complémentaires de ceux de l’armée de terre.

Mme la présidente. Il est vraiment temps de conclure, monsieur Folliot.

M. Philippe Folliot. Le groupe Nouveau Centre n’est donc hostile, a priori, ni à la réforme ni à ce texte de loi.

M. Jean Launay. Comme d’habitude !

M. Philippe Folliot. Nous attendons, avec confiance mais vigilance, de voir la manière dont le texte évoluera au cours de son examen dans l’hémicycle. Nous vous avons fait quelques propositions de bon sens : nous espérons vivement qu’elles recevront votre assentiment. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. Jean-Paul Bacquet. Vous n’avez aucune raison de vous inquiéter, monsieur Hortefeux : le Nouveau Centre votera le texte !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Diefenbacher.

M. Michel Diefenbacher. Madame la présidente, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous avons tous conscience d’aborder ce soir un sujet important et sensible tout à la fois.

Le sujet est important du fait que – cela a déjà été rappelé – le texte fondateur de la gendarmerie nationale remonte à 1798. Même si nous n’avons pas la quasi-certitude de légiférer ce soir pour deux siècles, il est hautement probable néanmoins que le texte qui va être adopté ne sera pas modifié de sitôt.

C’est également un sujet sensible parce qu’il a trait à la sécurité, et donc à la liberté, de nos concitoyens. Les termes de la loi devront donc être pesés au trébuchet.

La réforme qui nous est proposée me paraît tout à fait indispensable. Je reviens rapidement sur les arguments qui ont été évoqués dans le cadre de la motion de rejet préalable. La situation antérieure à 2002, où le partage des rôles entre le ministre de l’intérieur et le ministre de la défense interdisait toute unité de commandement en matière de sécurité publique, n’était plus viable. La formule mise en place à partir de 2002 ne pouvait être, quant à elle, que transitoire. En effet, en mettant la gendarmerie nationale à la disposition du ministre de l’intérieur tout en laissant le ministre de la défense continuer de gérer les moyens, elle instaurait un système qui manquait de stabilité et ne pouvait donc représenter qu’une étape vers l’unification du commandement en ce domaine.

Un pas a été fait en 2006-2007 avec la mise en œuvre de la LOLF, mais le pouvoir partagé, en matière budgétaire, entre le ministre de l’intérieur et le ministre de la défense nécessitait que l’on passe à une autre étape : celle que le présent texte va nous permettre de franchir.

Nous savons que ce projet suscite certaines interrogations, davantage, d’ailleurs, chez d’anciens gendarmes que chez les gendarmes en activité. Je comprends qu’à chaque fois qu’une réforme se profile, des inquiétudes naissent, mais j’ai la conviction qu’elles ne sont en rien justifiées ici, comme je vais tenter de le démontrer.

M. Jean-Paul Bacquet. Encore faudrait-il les écouter, ces inquiétudes !

M. Michel Diefenbacher. Quels sont les arguments avancés pour contester l’utilité de ce projet ? Ils sont pour l’essentiel au nombre de quatre.

Selon le premier, la mutualisation des moyens risquerait de conduire, à terme, à une fusion des corps de policiers et de gendarmes et, donc, à l’abandon du statut militaire de la gendarmerie nationale. Philippe Folliot l’a très bien dit : personne ne souhaite la modification du statut militaire de la gendarmerie,…

M. Nicolas Perruchot. Très juste !

M. Michel Diefenbacher. …que ce soit au plus haut niveau de l’État, au sein du Gouvernement, au sein de la majorité ou même, d’une manière générale, dans cet hémicycle. Le texte est, sur ce point, on ne peut plus précis, rappelant que la gendarmerie garde son statut militaire. Du reste, les termes « force armée » et « statut militaire » sont cités à cinq reprises dans le premier chapitre.

La mutualisation n’est évidemment pas totale. Elle touche la logistique, les marchés publics, la formation – autre que militaire, bien entendu –, l’accès aux fichiers, l’interconnexion des réseaux. Elle ne porte en aucun cas sur les moyens liés à l’exercice des responsabilités militaires de la gendarmerie ni sur les moyens d’investigation judiciaire, pour lesquels il est nécessaire que les deux forces gardent une totale indépendance l’une par rapport à l’autre.

Si ces arguments ne sont pas contestés, on ajoute que ce que fait une loi, une autre pourra le défaire. C’est vrai ; mais c’était vrai avant même le vote de la loi. J’ai été sensible à l’excellent argument avancé par notre collègue Moyne-Bressand lorsqu’il a souhaité que la dualité des forces de police soit considérée par le Conseil constitutionnel comme un principe fondamental des lois de la République. Il est vrai que, si les choses étaient dites de cette manière, le régime juridique serait plus sûr.

Deuxième argument, la suppression des réquisitions s’opposerait aux principes républicains relatifs à l’emploi de la force publique. Ce point a été évoqué par le ministre de l’intérieur dans son intervention. Je n’ajouterai qu’un élément : lorsque les réquisitions ont été rendues légalement nécessaires en 1921, ce n’était en aucun cas pour des raisons de principe.

Le législateur de l’époque ne s’est en aucun cas fondé sur les principes républicains. Il a simplement constaté une situation de fait : la République venait, en ces temps un peu troublés, de créer les unités de gardes mobiles, comme on les appelait alors, unités militaires qui n’avaient pas la pratique de l’ordre public. C’était précisément pour bien encadrer ces nouvelles unités militaires – et non en fonction des principes républicains – qu’il a été décidé de prévoir la nécessité de réquisition.

Qui peut dire aujourd’hui que la gendarmerie, qu’elle soit départementale ou qu’il s’agisse de la gendarmerie mobile, n’a pas l’expérience nécessaire en matière d’ordre public ? Personne. Par conséquent, personne ne peut justifier, comme cela avait été le cas en 1921, la nécessité du maintien des réquisitions.

Aux termes du troisième argument, le pouvoir des préfets se traduirait par une rupture de la chaîne hiérarchique militaire. J’appelle votre attention sur la rédaction de l’article 3 du texte, selon laquelle l’autorité du préfet s’exerce sur les responsables départementaux. Par conséquent, cette autorité ne s’exerce ni sur les autres personnels, ni sur le budget, ni sur l’organisation, ni sur le fonctionnement interne de la gendarmerie nationale. Il convient donc de souligner qu’il n’existe aucun risque que les groupements de gendarmerie deviennent demain de simples services déconcentrés de l’État.

D’après le quatrième argument, le poids du syndicalisme dans la police et son caractère revendicatif risqueraient de provoquer un déséquilibre dans l’allocation des moyens entre la gendarmerie nationale et la police nationale. Les choses ne se passent tout simplement pas ainsi au sein du gouvernement de la République. Le ministre de l’intérieur est chargé de la sécurité publique sur l’ensemble du territoire national ; il est intéressé plus que quiconque à la juste répartition des moyens sur l’ensemble du territoire national. Personne ne peut imaginer qu’il puisse en aller autrement.

M. Philippe Folliot. Avec l’actuel ministre, certes, mais qu’en sera-t-il de ses successeurs ?

M. Michel Diefenbacher. Précisément, le fait que, demain, les moyens de la gendarmerie nationale lui seront alloués par l’autorité politique chargée du maintien de la sécurité publique, sera pour elle une garantie supplémentaire.

Pour toutes ces raisons, les inquiétudes exprimées ne me paraissent pas vraiment fondées. Il n’en était pas moins nécessaire de tenter d’y apporter une réponse. Pour le reste, madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, le groupe UMP est très favorable à ce texte et le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.

M. Jean-Paul Bacquet. Madame la présidente, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le ministre des armées…

M. Hervé Morin, ministre de la défense. De la défense !

M. Jean-Paul Bacquet. Il est vrai que, dans ma jeunesse, il s’agissait du ministre des armées...

M. François Vannson, rapporteur pour avis. Ou de la guerre ?

M. Hervé Morin, ministre de la défense. Les choses ont un peu évolué depuis !

M. Jean-Paul Bacquet. Au moment où nous allons débattre du projet de loi sur les dispositions relatives à la gendarmerie nationale, il est utile de rappeler que la gendarmerie fait partie intégrante des armées. Ce principe constant depuis la Révolution est inscrit dans la plupart des textes, y compris ceux en vigueur, qu’ils soient de nature législative ou réglementaire.

Ce principe a pour effet, entre autres, de placer la gendarmerie parmi les attributions du chef de l’État, chef des armées aux termes de l’article 15 de la Constitution.

M. Jean-Jacques Urvoas. Absolument !

M. Jean-Paul Bacquet. On pourrait, pourquoi pas, se poser la question de la constitutionnalité d’un texte de loi qui ne reprendrait pas ce principe et qui exclurait ainsi la gendarmerie des attributions directes du chef de l’État.

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Tout à fait !

M. Philippe Nauche. Excellente remarque !

M. Jean-Paul Bacquet. Quelles conséquences pourrait avoir pour la démocratie l’usage possible d’une force armée par un ministre sans la garantie constitutionnelle du chef de l’État ?

Il est bon de rappeler que la gendarmerie est au service de la nation et qu’elle figure dans les attributions de tous les ministres. C’est là une constante historique et juridique, et les ministres de la défense, de la justice, des affaires étrangères, de l’environnement, de l’immigration et de l’identité nationale sont les plus concernés.

Il est facile de comprendre que toute réforme de la gendarmerie nécessite du temps ; le temps de la concertation, le temps de la réflexion,…

M. Philippe Folliot. Il a eu lieu !

M. Jean-Paul Bacquet. …le temps de la coordination, le temps de la constitutionnalité, le temps de l’analyse des conséquences éventuelles, le temps de l’écoute des acteurs – qu’ils soient en activité, à la retraite ou en deuxième section, comme le disait M. Diefenbacher.

Je regrette, je m’insurge même contre la manière dont le directeur général de la gendarmerie a rejeté, par voie de presse, l’avis des anciens. Ne négligeons pas d’écouter ceux qui ont dirigé la gendarmerie avec compétence et talent, souvent dans des périodes difficiles !

Est-il sage d’avoir considéré comme seuls interlocuteurs fiables ceux qui, même s’ils ont bénéficié de promotions extraordinaires en raison – je n’en doute pas – de leur compétence, ne possèdent pas forcément l’histoire et la culture de la gendarmerie de ceux qui les ont précédés, ont connu maintes crises et ont su les résoudre ?

On peut s’étonner, messieurs les ministres, de la précipitation du Gouvernement qui a souhaité que nous légiférions selon la procédure d’urgence ; urgence qui s’est traduite par un débat au Sénat en décembre 2008 ; urgence qui nous conduit six mois plus tard à débattre de ce texte à l’Assemblée,…

M. Philippe Folliot. L’urgence est relative !

M. Jean-Paul Bacquet. …alors que la gendarmerie est déjà transférée au ministère de l’intérieur depuis le 1er janvier, sans qu’il y ait eu débat ou vote dans cet hémicycle.

Selon Napoléon, « la gendarmerie est le corps le plus utile à la nation ». Elle méritait, vous en conviendrez, monsieur le ministre de l’intérieur, plus de considération, et aurait d’ailleurs mérité la présence du ministre de la défense lors du débat sénatorial – nous sommes donc d’autant plus sensibles à sa présence ce soir.

Pourquoi un tel projet de loi ? Mme Alliot-Marie, alors qu’elle était ministre de la défense, écrivait au ministre de l’intérieur, devenu Président de la République depuis : « Votre demande de rattachement de la direction générale de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur est inopportune car elle met en cause les décrets d’attribution et ouvre la voie à de multiples demandes similaires. Elle met en cause les équilibres de la loi de programmation militaire entre les différentes forces armées. Elle met en cause un principe fondamental de la République, partagé par d’autres pays européens, selon lequel la responsabilité organique des forces chargées de l’ordre public est répartie entre les autorités gouvernementales, ou entre celles-ci et les pouvoirs locaux dans les états fédéraux. Elle est incompatible avec le projet européen en cours d’examen par les ministres de la défense de créer une force de sortie de crise, appuyée sur un corps européen de la gendarmerie. »

Et Mme Alliot-Marie de préciser que cette demande était injustifiée, tant en ce qui concerne la formation, le déroulement des carrières, que les résultats, qu’elle ne répondait pas aux difficultés que rencontrait la gendarmerie, et que ce rattachement serait dangereux, en ce qu’il entraînerait inéluctablement, tôt ou tard, une interrogation sur l’utilité de maintenir deux statuts différents.

M. Jean Launay. Quelle charge !

M. Jean-Paul Bacquet. La ministre de la défense précisait même : « Il y a peu de chance que ce soit le statut militaire qui s’impose. Le maintien de la gendarmerie au sein du ministère de la défense est en réalité la seule garantie pérenne de son statut militaire qui est lui-même seul en mesure de garantir l’autorité du Gouvernement et la défense des institutions en situation de crise grave. »

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Voilà qui est bien dit !

M. Guy Chambefort. Rendez-nous Michèle Alliot-Marie !

M. Jean-Paul Bacquet. De plus, cette réforme suscite de nombreuses interrogations et de nombreuses inquiétudes, non seulement au sein même de la gendarmerie qui s’interroge sur sa pérennité, mais également chez de nombreux parlementaires, toutes tendances confondues, y compris au sein de la majorité, comme nous avons pu le constater lors des différentes auditions.

Ainsi, notre collègue Michel Voisin a déclaré, le 28 octobre 2008, en commission de la défense, que la réforme de la gendarmerie l’interpellait particulièrement dans la mesure où elle remet en cause l’actuelle chaîne de commandement, les unités de gendarmerie étant désormais placées sous l’autorité des préfets.

Notre collègue Christophe Guilloteau a indiqué pour sa part que de nombreux officiers de gendarmerie qu’il avait rencontrés s’interrogeaient sur l’avenir de leur métier militaire, qui leur semble difficilement compatible avec le rattachement organique à une autorité civile.

M. Philippe Folliot. Il n’est pas là pour vous répondre !

M. Jean-Paul Bacquet. Notre collègue Jean Pierre Soisson a affirmé que « les gendarmes sont légitimement inquiets et comptent sur la commission de la défense pour éviter le pire lors de leur passage sous l’autorité du ministre de l’intérieur ». « Notre responsabilité », a-t-il poursuivi, « sera grande pour préserver une certaine conception française de la gendarmerie. »

Je pourrais citer M. Teissier qui exigeait – le mot est peut-être un peu fort – que les officiers, ou tout au moins la majorité d’entre eux, soient toujours formés à Saint-Cyr.

M. Moyne-Bressand s’est inquiété, quant à lui, de l’indigence des crédits alloués à une gendarmerie devenue de ce fait incapable de répondre aux sollicitations.

M. Jean-Claude Viollet. Eh oui !

M. Jean-Paul Bacquet. Inquiétudes aussi, monsieur le ministre, exprimées par trois anciens directeurs de la gendarmerie : « Il faut savoir, et nous le disons avec la force que nous donne notre expérience de directeur de la gendarmerie, que ce texte ouvre la porte à toutes les dérives. Ce texte organise à terme l’impuissance de l’État. Il est de nature à porter atteinte à l’autorité judiciaire, privée demain de sa liberté et de sa souveraineté en matière de police judiciaire. Le remplacement de la règle de la réquisition par un simple ordre verbal ouvre la voie à toutes les aventures et, d’une simple crise, peut faire une émeute et parfois plus. Ce texte sape le principe de l’ordre hiérarchique à l’intérieur de la gendarmerie par une intervention préfectorale. » Les mêmes considèrent « insupportable au regard des libertés publiques que la gendarmerie soit laissée à la discrétion des préfets, sans la garantie fondamentale de la procédure de réquisition à la force armée, procédure qui était prévue et réglementée d’une manière minutieuse par le décret du 20 mai 1903 ». Et ils s’interrogent sur « la conduite de la politique pénale qui, si elle n’échappe pas au ministre de la justice, sera tout au moins largement partagée par le ministre de l’intérieur ».

Un ancien major général de la gendarmerie dont certains se sont désolidarisés dans un article du Figaro, le général de deuxième section Capdepont – mon ancien du Prytanée militaire – a écrit : « Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur ne constitue pas une simple mesure administrative, mais une rupture historique et un bouleversement institutionnel qui pourrait avoir à terme des conséquences sur la sécurité des Français ». Il dénonce ce qui pourrait être « le premier pas vers une fusion » et affirme combien « il serait illusoire de croire que la gendarmerie pourrait garder durablement son statut militaire si elle cessait d’appartenir aux armées et si elle était rattachée à un autre ministère ».

Mme Françoise Olivier-Coupeau. CQFD !

M. Jean-Paul Bacquet. C’est exactement ce qu’écrivait Mme Alliot-Marie en 2003 lorsqu’elle était ministre de la défense. Le général Capdepont rappelle que « la gendarmerie est une force militaire hiérarchisée et que l’autorité militaire doit rester responsable de l’exécution ».

Faut-il rappeler, messieurs les ministres, ce que l’histoire nous a appris, à savoir que, grâce à son organisation militaire, la gendarmerie a toujours, en situation de crise, garanti l’autorité du Gouvernement et défendu les institutions ? D’ailleurs, le principe républicain fondateur qui consiste à dissocier le pouvoir de décider de l’emploi de la force, confiée à l’autorité civile, et la capacité d’exécuter, laissée à l’autorité militaire, est toujours d’actualité.

Placer la gendarmerie à la disposition d’un seul ministère n’est pas une bonne solution. Il est indispensable de maintenir la gendarmerie à la disposition de tous, conformément aux règles traditionnelles de son service, tout en la laissant organiquement rattachée au ministère chargé des armées, comme cela a toujours été le cas dans l’histoire, sauf pendant trois périodes à la fois courtes et douloureuses : deux Empires et l’« État français » du maréchal Pétain.

Je ne puis croire, messieurs les ministres, que vous ne teniez pas compte de notre histoire, qui nous rappelle le rôle capital – et je dis cela plus particulièrement à l’attention de M. le ministre de l’intérieur, ancien ministre de l’immigration et de l’intégration – que la maréchaussée puis la gendarmerie ont joué dans l’élaboration de l’identité nationale et dans la construction de la nation française. La gendarmerie nationale des révolutionnaires est la gendarmerie de la nation. Faut-il rappeler que les lois fondamentales sur la gendarmerie, du 16 février 1791, ont été élaborées par Rabaut-Saint-Étienne, corédacteur de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en même temps que Guibert posait le principe de la réquisition.

Le même Guibert précise explicitement, en 1790 : « Que le pouvoir législatif ne prétende pas subordonner la maréchaussée aux corps administratifs. Ils doivent la requérir et non lui commander. » Il écrit, dans le même texte : « Les réquisitions des corps administratifs peuvent quelquefois embarrasser ou compromettre la force publique. Les mesures d’administration sont souvent fausses, inconsidérées et mêmes illégitimes. »

Messieurs les ministres, les gendarmes auraient-ils péché par faute d’efficacité ? La recherche d’efficacité est souvent un argument facile, qui peut servir à tout justifier, et en toutes circonstances. Or, personne n’a jamais entendu dire que la gendarmerie nationale manquait d’efficacité. Au contraire, une forme d’unanimité existe chez tous les élus des territoires concernés, quelle que soit leur couleur politique, pour dire que les gendarmes sont compétents et fortement impliqués dans leurs missions.

M. Philippe Folliot. C’est vrai !

M. Jean-Paul Bacquet. Ajoutons que l’organisation verticale de la gendarmerie permet à chaque brigade d’avoir directement accès aux spécialistes de tel ou tel domaine.

M. Philippe Folliot. C’est vrai !

M. Jean-Paul Bacquet. D’une certaine façon, en raison de son ancienneté et d’un travail permanent d’évolution, l’organisation de la gendarmerie apparaît très en avance sur ce qui existe dans certaines administrations : formation initiale exigeante, obligation de réussite à un examen professionnel pour devenir militaire de carrière, sélection des meilleurs par examens et concours pour accéder aux fonctions d’officiers de police judicaire et aux emplois de gradés, taux élevé d’officiers subalternes recrutés parmi les sous-officiers, mutation géographique régulière pour maintenir les gendarmes dans une dynamique professionnelle, sélection stricte des officiers supérieurs appelés à tenir des postes de commandement.

Les modes de fonctionnement, d’organisation, de promotion et de déroulement de carrière, hérités de la culture militaire, assurent l’efficacité de l’ensemble. Cette efficacité est d’autant mieux garantie à l’intérieur du ministère de la défense, qui partage cette culture. Nul n’est certain qu’il en sera de même en confrontant la culture d’efficacité militaire de la gendarmerie avec les modes d’organisation et de raisonnement d’un ministère civil.

La gendarmerie n’a donc rien à attendre de cette réforme concernant son efficacité et son organisation. La gendarmerie est une force militaire qui a des pouvoirs de police, elle n’est en aucun cas une police à statut militaire. Quant à l’institution d’une hiérarchie préfectorale sur les commandements de groupements, elle est une atteinte au statut militaire. Cette réforme n’est pas une réforme, c’est une révolution dans la gendarmerie. Le sénateur Haenel déclarait d’ailleurs, dans la discussion devant la Haute Assemblée : « Ce n’est pas un texte technique. C’est une réforme historique. ». Et de poursuivre : « Le projet ouvre le champ à tout en matière réglementaire, sans que le Parlement ait le moindre droit de regard. La recherche d’une plus grande cohérence ne doit pas conduire à une fusion, voire à la confusion. Il ne s’agit pas de plaire aux gendarmes, aux policiers ou aux préfets. Il ne s’agit pas non plus de leur déplaire. Il s’agit de ne pas porter atteinte à un équilibre acquis depuis les lois de Thermidor. Ce sont les libertés publiques et la liberté individuelle qui sont en jeu. »

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Tout à fait !

M. Jean-Paul Bacquet. Rappelons que la police nationale n’existe que depuis 1941, et a été officialisée en 1966 !

J’en viens maintenant à ce qu’il faut défendre.

Premièrement, la gendarmerie doit garder sa mission de police judiciaire : 40 % de son activité y est consacrée, et elle l’exerce selon un double principe de complémentarité et de subsidiarité. Tous les services de la gendarmerie départementale ont vocation à exercer la police judiciaire. C’est pourquoi il existe des sections de recherche, une police technique et scientifique. J’ai cru comprendre, messieurs les ministres, lors des différentes auditions, que certains ne cachaient pas leur désir de se réserver les missions de police judiciaire. L’exposé des motifs ne fait aucune référence à la justice, et le projet de loi insère dans le code de la défense un nouvel article L. 3211-3 ainsi rédigé : « La gendarmerie nationale assure le maintien de l’ordre, l’exécution des lois et des missions judiciaires, et contribue à la mission de renseignement et d’information des autorités publiques. »

La commission sénatoriale a souligné l’ambiguïté de cette formulation et a proposé d’écrire : « La gendarmerie nationale est une force armée instituée pour veiller à l’exécution des lois. La police judiciaire constitue l’une de ses missions essentielles. »

Mme la présidente. Merci de bien vouloir conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Paul Bacquet. Deuxième point : la dualité des forces de police doit être maintenue. Elle est pour l’autorité judiciaire une garantie d’indépendance et d’impartialité.

Il n’est pas acceptable que l’emploi, les orientations et surtout les budgets soient entre les mains du seul ministre de l’intérieur, qui aura toute latitude d’action en matière de mutations et de promotions. Je cite encore le sénateur Haenel : « Parce que la dualité des deux forces constitue un rempart contre les abus, le Parlement doit poser des verrous, pour éviter toute fusion. » Et j’ai entendu, oui, lors des auditions, certains considérer que la partie noble des activités devait leur revenir, et que le reste, les tâches banales, la sécurité routière, serait réservé à la gendarmerie nationale !

Troisième point : préserver la « militarité » de la gendarmerie. Il faut respecter les exigences des forces armées : discipline, disponibilité, loyauté, neutralité, esprit de sacrifice. Le décret du 20 mai 1903 avait inséré un article 96 ainsi rédigé : « Dans aucun cas, ni directement, ni indirectement, la gendarmerie ne doit recevoir de mission occulte de nature à lui enlever son caractère véritable. »

Il faut se souvenir de ce qui s’est produit lorsqu’on a oublié la réquisition, à savoir les incidents regrettables qui ont porté une atteinte profonde à l’honneur de la gendarmerie.

Je conclus.

Mme la présidente. Merci de conclure, en effet.

M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le ministre, je mesure la responsabilité qui vous sera confiée si ce projet de loi est voté, et qui vous sera confiée à vous seul : la responsabilité de définir les modalités d’emploi de la gendarmerie, hors missions militaires, ce qui va rompre radicalement avec le cadre interministériel consacré par l’article 66 du décret du 20 mai 1903. C’est en vérité une lourde responsabilité qui vous incomberait, et dont vous mesurez, j’en suis sûr, les risques qu’elle comporte, étant donné la concentration des pouvoirs et les conséquences qui peuvent en découler.

Le général Watin-Augouard, dans son remarquable rapport sur l’identité de la gendarmerie, disait combien « le gendarme n’est pas dans son cœur de métier lorsqu’il se considère comme un supplétif ». Il disait les inquiétudes que suscite l’intégration de la gendarmerie au ministère de l’intérieur. Je le cite : « Quelles seront les relations entre ses chefs locaux et les préfets ? Le projet de loi qualifie la gendarmerie de force armée et non de service déconcentré de l’État. Doit-on en déduire que l’autorité des préfets sur le commandement territorial sera de même nature et de même intensité que celle que l’on observe aujourd’hui ? Sera-t-elle renforcée au point de ne plus permettre aux échelons supérieurs au groupement d’exercer un commandement sur leur échelon subordonné ? »

Monsieur le ministre, il ne s’agit pas d’un quelconque immobilisme de notre part : il s’agit de se souvenir que le maillage territorial établi en 1720 est une source d’efficacité. Il s’agit de se souvenir que l’article 1er de la loi du 24 mars 2005, portant statut général des militaires, s’applique aux gendarmes, parce qu’ils sont militaires : « L’état militaire exige en toute circonstance, esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu’au sacrifice suprême, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité. »

Monsieur le ministre, au risque de vous paraître quelque peu « ringard », je souhaite – et cela n’exclut ni évolution ni adaptation – que la gendarmerie reste celle qu’elle est, que nous respectons et que nous aimons. Et je tenais à vous dire notre inquiétude, ô combien partagée, que votre projet de loi ne garantisse plus la pérennité de la gendarmerie et conduise insidieusement à une fusion.

Je termine…

Mme la présidente. Non, c’est fini, monsieur Bacquet.

M. Jean-Paul Bacquet. …en citant le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées : « Une force à statut militaire en dehors du ministère de la défense reste une inconnue. Je me garderai bien de lancer un pronostic sur les évolutions à venir avec la force d’attraction que va exercer la police à statut non militaire sur les gendarmes. »

Monsieur le ministre, même si nous ne partageons pas les mêmes opinions, je vous connais trop bien, et je connais trop votre honnêteté intellectuelle, pour ne pas être certain que ce risque ne vous a pas échappé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Caillaud.

M. Dominique Caillaud. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, au terme d’un calendrier reporté pendant plusieurs mois, et après de nombreuses auditions, nous voici enfin parvenus au débat dans l’hémicycle, avec un nouveau ministre. Et vous me permettrez, monsieur le ministre de l’intérieur, au seuil de ce nouveau texte, de vous souhaiter un plein succès dans les missions difficiles qui sont les vôtres.

Nous avons regretté ces mois d’attente et d’incertitude qui ont facilité des prises de position de syndicats de police, parfois inopportunes à mon gré, mais révélatrices, en faveur d’un rapprochement plus étroit des structures de police et de gendarmerie.

Ces mois d’attente ont surtout été mal vécus par nos gendarmes, fidèles gardiens de la légalité, rattachés budgétairement depuis six mois au ministère de l’intérieur sans que la loi ait défini le cadre de ce rattachement, ni répondu à leurs questions et inquiétudes.

Car ce détachement organique, et symbolique, du ministère de la défense a ébranlé profondément un certain nombre de gendarmes, qui se reconnaissaient sans doute mieux dans l’enceinte de l’institution militaire.

Ces questions et ces inquiétudes, nous les partageons sur tous les bancs de cet hémicycle. Et notre texte doit y répondre, car nous sommes tous attachés à l’identité et à la qualité du service de nos gendarmes, qui gardent notre confiance, sur l’ensemble du territoire.

La première question est celle de l’avenir du statut militaire. Nous avons pris acte avec satisfaction de vos déclarations, monsieur le ministre de l’intérieur, dans le droit fil de celles de Mme Alliot-Marie, ainsi que de notre ministre de la défense, pour que cette loi confirme sans ambiguïté le maintien intégral du statut militaire. Ce statut est nécessaire à l’équilibre des forces de sécurité nationale, à côté de la police et son statut civil. Ce statut militaire est un garant dans les situations exceptionnelles.

Je crois aussi, pour ma part, qu’un signe fort, tel qu’une direction générale assurée par un officier supérieur issu de l’arme, serait le bienvenu.

Dans la mise en œuvre du nouveau dispositif, quelques points me paraissent plus sensibles. Les formations initiales spécifiques, propres à protéger l’identité respective de chaque corps, font déjà l’objet de pressions pour un tronc commun. S’agissant des liens d’autorité entre le préfet et les gendarmes, le texte du Sénat nous apporte une réponse suffisante, qui préserve l’autorité hiérarchique militaire. En ce qui concerne les conditions de logement, de vie et de disponibilité militaire, je crains qu’elles ne deviennent très vite des enjeux de négociation sociale au sein du ministère.

Une seconde question se pose, celle de la place de la gendarmerie, demain, dans l’organisation territoriale.

Les villes et les agglomérations s’inscrivent dans une tendance durable de croissance de leur population, mais aussi de croissance de la délinquance. Cette évolution nécessitera certainement plus de moyens en zone de police.

Dans ce contexte, il existe une réelle crainte de voir les territoires ruraux confiés à la gendarmerie se restreindre, la police des villes devenant prioritaire sur la police des champs dans trop de domaines humains et financiers, et particulièrement en ce qui concerne le renouvellement des équipements, lourds ou légers, spécifiques aux missions de gendarmerie.

M. Thierry Benoit. C’est important !

M. Dominique Caillaud. Cette loi, monsieur le ministre, doit aussi confirmer que les gendarmes gardent la totalité du spectre de leurs missions, notamment dans le domaine judiciaire, et en particulier dans celui de la police judiciaire. Cela a été confirmé à maintes reprises, mais je crois que c’est important.

Sous l’impulsion de son président, notre commission – qui pourrait désormais s’appeler commission de la défense et de la sécurité intérieure – sera attentive à la mise en œuvre de ces dispositions. À cet égard, le rapport d’évaluation est une avancée considérable.

Monsieur le ministre, ce texte apporte sans aucun doute des progrès en termes de mutualisation de certaines missions, telles que les formations spécialisées, et de certains équipements trop rares, comme les hélicoptères – ce qui n’empêchera pas de se poser la question de leur renouvellement. Il apporte également une meilleure coordination, et une plus grande efficacité dans la chaîne de commandement.

Cette loi va dans le sens d’une meilleure prise en considération des problématiques actuelles de notre sécurité intérieure, qui reste au cœur des attentes de nos concitoyens.

Nous faisons confiance à la responsabilité et à la compétence des gendarmes et des policiers pour que les améliorations attendues se perçoivent sur le terrain. Après vous avoir écouté, monsieur le ministre, nous vous faisons confiance pour garder la spécificité et la complémentarité des deux corps de police et de gendarmerie, et pour susciter une émulation positive du sommet à la base de la chaîne de commandement, dans l’intérêt de la sécurité de nos concitoyens.

C’est pourquoi je voterai ce texte sans état d’âme, mais en restant très vigilant pour l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marguerite Lamour.

Mme Marguerite Lamour. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, je serais tentée de dire, en débutant mon intervention : « Enfin, nous y voilà ! »

En effet, une année s’est pratiquement écoulée depuis que le ministre de l’intérieur de l’époque, Mme Alliot-Marie, a présenté ce projet devant le conseil des ministres. le 21 août 2008.

Tout récemment, le 28 mai dernier, le Président de la République a réaffirmé l’importance qu’il accordait au texte et son souhait de le voir débattu au plus vite.

Certes, compte tenu de son examen par la Haute Assemblée à la fin de l’année dernière, et surtout de son application budgétaire depuis le 1er janvier 2009, notre discussion ne revêt pas un caractère particulièrement nouveau. Cependant, cette évolution marque un tournant historique dans l’histoire de la gendarmerie.

Depuis sa création, voici plus de deux cents ans, elle a connu fort naturellement des évolutions. Son rapprochement avec la police a débuté en 2002, le Gouvernement de l’époque ayant décidé de placer sous la responsabilité du ministère de l’intérieur l’emploi de la gendarmerie pour ses missions de sécurité intérieure.

L’institution a également connu la mise en place des communautés de brigades, qui ont suscité des inquiétudes à leurs débuts, notamment chez les maires ruraux. La gendarmerie est un symbole dans nos petites communes, et la crainte de la voir disparaître était très perceptible à ce moment-là. Il s’avère, aujourd’hui, qu’un sentiment global de satisfaction se dégage quant à ces regroupements de deux ou trois brigades territoriales.

M. Philippe Nauche. Je me demande de quel département vous parlez !

Mme Marguerite Lamour. Bon nombre de nos collègues sont élus de circonscriptions où cohabitent, ou plutôt, devrais-je dire, où travaillent déjà en commun, dans des conditions satisfaisantes, gendarmerie et police.

Sur le terrain, nous avons pu entendre les gendarmes et les policiers, et nous sommes bien conscients de la nécessité de veiller à l’équilibre des deux forces – l’une militaire, l’autre civile – chargées de veiller à la sécurité et à l’ordre public. Nous avons également écouté les représentants des gendarmes en retraite, qui restent, c’est naturel, très attentifs à la condition des personnels d’active.

Chacun peut interpréter le projet de loi à sa façon. Pour ma part, j’utilise le mot « rapprochement » et non le mot « fusion ». Chacun des deux corps doit garder sa spécificité. Que les responsables départementaux de la gendarmerie soient placés, en revanche, sous l’autorité du préfet est de nature à me convenir si le but recherché est atteint, à savoir une efficacité accrue par un dispositif général unique dans le cadre des secours et de l’ordre public. La très grande majorité, pour ne pas dire la totalité des 100 000 gendarmes que compte notre pays sont très attachés à leur statut et à leurs prérogatives de police judiciaire. Le présent texte répond à ces interrogations et consacre pleinement le statut militaire de nos gendarmes.

Quant à la mutualisation de certaines formations continues très spécifiques, nul ne peut y être défavorable. Elle s’inscrit dans la recherche d’efficacité, mais aussi dans le souci d’économie – auquel nous devons plus que jamais être attentifs.

Je voudrais, à ce stade de mon intervention, exprimer les interrogations des maires ruraux – dont je fais partie. Dans nos petites communes, en effet, la gendarmerie est le maillon essentiel de la sécurité et du maintien de l’ordre public. Le gendarme accomplit des missions de prévention, d’écoute de la population, qui évitent assez souvent d’en arriver à la répression. Mais cette présence sur le terrain nécessite des moyens décents d’hébergement des personnels et de leurs familles. La société évolue, et nous devons offrir à nos gendarmes des conditions de vie comparables à celles de toute famille, sachant que demeure, malgré tout, l’obligation de casernement.

Les collectivités sont prêtes à investir pour mettre des locaux à disposition de la gendarmerie. Encore faut-il qu’elles aient l’assurance de voir garanti ce maillage territorial que nous connaissons actuellement.

Avant de clore mon propos, j’aurai quelques mots pour les policiers, qui observent attentivement ce rapprochement et souhaitent, fort légitimement, qu’il s’opère au mieux. Je suis certaine que chacune des forces en présence a la volonté d’aboutir à une application harmonieuse du nouveau cadre législatif. N’oublions pas que ces hommes et ces femmes ont en commun une mission et, j’en suis convaincue, un idéal : assurer la sécurité de leurs concitoyens. Ce devoir deviendra une responsabilité partagée.

Enfin, l’article 11 du projet de loi nous donne l’assurance que seront évaluées, tous les deux ans, les modalités concrètes de ce rapprochement. C’est donc en conscience, contrairement à ce que pense Mme Olivier-Coupeau, que je voterai ce texte. Tout comme elle, je suis femme et bretonne, donc têtue (Sourires), mais cela ne m’empêche pas d’être sereine et confiante. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Chambefort, pour cinq minutes.

M. Guy Chambefort. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un projet de loi sur la gendarmerie, inscrit, après une longue attente, à l’ordre du jour de notre assemblée.

Je rejoins mes collègues du groupe SRC qui m’ont précédé pour réaffirmer les principes auxquels nous tenons, et redire que nous veillerons à ce qu’ils ne soient pas remis en cause : l’existence de deux forces de sécurité distinctes ; le caractère militaire de la gendarmerie ; le maintien de sa compétence, notamment en matière de police ; le maillage territorial, garantie du droit à la sécurité de nos citoyens. Pour ma part, j’insisterai plus particulièrement sur ce dernier point.

Dans la Revue de la gendarmerie nationale, le général Pierre Garcin déclare : « Dans sa zone de compétence, le gendarme est un acteur global de la sécurité. Il doit s’acquitter de toutes ses obligations vis-à-vis de la population et de l’État.» Les missions de sécurité – missions de contact, de prévention, de dissuasion, de police administrative, de renseignement, de police judiciaire, d’ordre public – ne peuvent donc être fractionnées sur un territoire, et le maillage territorial doit être maintenu.

Quelles en sont les conditions ? Le statut militaire lié à l’obligation de loger sur place est un élément fondamental de ce maillage territorial. Il suffit de regarder la carte des implantations actuelles des unités pour se rendre compte qu’elles sont indispensables à la politique de sécurité dans les zones rurales. La gendarmerie assure cette responsabilité sur 95 % du territoire, au profit de 50 % de la population.

La délinquance rurale, qui plus est, a changé, ainsi que l’indiquait Mme Alliot-Marie en réponse à une question au Gouvernement. Cette délinquance nécessite plus que jamais une connaissance des lieux et de la population, connaissance qui suppose que les gendarmes soient installés au cœur des territoires.

Si le niveau de délinquance dans les zones surveillées par la gendarmerie reste heureusement inférieur à celui des grandes agglomérations, la mission de sécurité attribuée à la gendarmerie n’en est pas moins difficile, compte tenu de la superficie du territoire à surveiller. La concentration des moyens sur une portion limitée de celui-ci priverait une partie importante du pays de toute présence permanente de forces de sécurité, ce qui serait inacceptable.

Avec des moyens humains plus modestes – 100 000 gendarmes, contre 146 000 policiers –, les gendarmes parviennent à offrir un service public de sécurité sur un territoire très vaste. Il ne faudrait pas qu’une analyse financière simpliste conduise à abandonner peu à peu l’obligation de loger sur place, car on verrait alors un nombre croissant de gendarmes habiter la ville voisine et venir chaque jour prendre leur service dans leur brigade.

L’examen de ce projet de loi nous permet également de nous interroger sur les conséquences de la révision générale des politiques publiques pour la gendarmerie.

En parcourant, comme beaucoup de mes collègues, des secteurs ruraux et périurbains, je constate que l’une des principales préoccupations de nos concitoyens est le maintien des services à la population : les commerces, l’école, la poste, le médecin, bien sûr, mais aussi la caserne de gendarmerie, dont la présence rassure et tranquillise les habitants.

Monsieur le ministre, la gendarmerie doit perdre 1 500 emplois en 2009. Que va-t-il se passer ? Le principe de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite sera-t-il appliqué à la gendarmerie ? Si oui, le maillage territorial en sera nécessairement la première victime, il ne peut en être autrement.

À l’heure où les moyens se développent pour correspondre et travailler à distance, il est regrettable que l’on continue de n’envisager que des regroupements de services, dont la conséquence est, au bout du compte, la désertification des territoires.

Il faut aussi rappeler qu’il existe plus de 3 400 brigades, ce qui montre la densité et la diversité du maillage, une densité et une diversité qui n’ont été rendues possibles que parce que de nombreuses collectivités – communes, départements – ont largement contribué à la construction, à la rénovation des casernes et des logements. Les gendarmes et leurs familles sont donc parfaitement intégrés, sont partie prenante à la vie économique, sociale et culturelle de nos communes.

Il est difficile, en vérité, de comprendre la finalité de ce projet de loi. Existe-t-il vraiment un problème de pilotage ministériel de la sécurité intérieure ? Il semble que, pour toutes les personnes que nous avons auditionnées, tel ne soit pas le cas. Le système, dans sa configuration actuelle, donne plutôt satisfaction aux citoyens comme aux élus. Le rattachement pour emploi au ministère de l’intérieur a d’ailleurs été réalisé avant même que la loi soit votée.

Bien que réaffirmant la nécessité de pérenniser l’existence de deux forces de sécurité, le projet ne lève pas le doute, et celui est encore renforcé par les délais. Il s’est écoulé plus de six mois, en effet, depuis la discussion de ce texte au Sénat en décembre 2008, et pourtant l’urgence avait été déclarée.

Mme la présidente. Mon cher collègue, je vous prie de bien vouloir conclure.

M. Guy Chambefort. On peut craindre que la poursuite du processus de rapprochement prépare en fait une fusion pure et simple.

Les missions de la gendarmerie restent identifiées, proches des missions d’ordre public définies par l’Assemblée constituante de 1789. Comme l’expliquait alors Louis de Noailles : « Les besoins du moment font sentir la nécessité d’une force publique très active et présente partout et nous pouvons assurer que c’est le vœu du peuple. » En prenons-nous le chemin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Madame la présidente, monsieur le ministre de l’intérieur, qui avez le bonheur de défendre un texte aussi essentiel pour votre première intervention (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC), mes chers collègues, si la délinquance a fortement diminué depuis 2002 dans notre pays, nous le devons, bien sûr, à l’action de Nicolas Sarkozy, mais cette réduction est particulièrement marquée s’agissant des faits constatés par la gendarmerie, qui ont diminué de plus de 15 %, avec un taux d’élucidation qui a, quant à lui, atteint 41 % en 2007.

Cette amélioration des résultats témoigne à l’évidence de l’engagement des personnels de la gendarmerie dans la mission de sécurité publique, laquelle représente 80 % de son activité totale.

Une part aussi prépondérante justifiait pleinement la logique du rattachement décidé par le ministre de l’intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy.

M. Jean-Jacques Urvoas. Cela fait deux fois que vous le citez !

M. Philippe Goujon. Et ce n’est pas fini !

Cependant, le maintien d’une séparation artificielle, même édulcorée par le décret du 31 mai 2007, entre ces missions et les moyens de les assurer, conduisait à aller plus loin en raison de la profonde évolution de l’environnement de la sécurité intérieure, ainsi que de l’esprit de la LOLF et des contraintes budgétaires imposant une plus grande cohérence aux actions de l’État. Aller plus loin, cela signifiait aller au bout de la logique de mutualisation et de mise en commun des moyens.

Cette loi fondatrice, la première consacrée à la gendarmerie depuis la Révolution, et donc très attendue par les gendarmes en quête de la reconnaissance de leurs missions et de leur statut par la Nation, se veut non pas une étape, encore moins une rupture, mais bien l’aboutissement final d’une évolution commencée en 2002.

Elle n’entraîne pas davantage la disparition du statut militaire, auquel tous les gendarmes sont viscéralement attachés, que la perspective, même lointaine, d’une fusion avec la police.

Toutes les garanties sont apportées – vous l’avez très clairement exprimé, monsieur le ministre – pour conférer une valeur législative à tout un ensemble d’éléments constitutifs du statut militaire des gendarmes. Je sais que nombreux sont les parlementaires qui ne transigeront jamais sur ce point, considérant que la sécurité « à la française », qui constitue un modèle pour beaucoup de pays – la Belgique en a fait, quant à elle, l’amère expérience a contrario –, repose sur deux forces distinctes, l’une à statut civil, l’autre à statut militaire.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. Absolument !

M. Philippe Goujon. La situation précédente, où la gendarmerie était rattachée à la défense, la favorisait-elle tellement ? Les événements troubles de 2001 n’ont-ils pas plutôt démontré qu’elle risquait d’en être le parent pauvre ? Elle se trouvait surtout fragilisée dans le paysage de la sécurité intérieure.

L’unicité du commandement renforcera la coordination et la mutualisation, par exemple avec la création du système Ariane, qui permettra de répondre plus efficacement et plus économiquement au défi de la sécurité. Le rapport d’évaluation devra le confirmer.

Ce texte permettra, en outre, la modernisation de procédures souvent archaïques. La réquisition, source de lourdeurs bureaucratiques, est devenue illogique pour un ministre qui n’aura désormais plus à requérir une force dont il dispose.

Le recours aux armes et aux moyens les plus lourds sera davantage encadré, et leur traçabilité améliorée.

L’articulation entre l’autorité du préfet et celle du commandement militaire est clarifiée : si le préfet fixe naturellement les missions, c’est la hiérarchie militaire de la gendarmerie qui déterminera les moyens à mettre en œuvre, conduira les opérations et en rendra compte. Il ne pourra y avoir d’interférences sur le terrain.

Enfin l’équilibre entre police et gendarmerie, lié à la complémentarité de leurs missions et au respect de leurs zones de compétence – sachant que se pose le problème des zones périurbaines – appelle aussi une parité de traitement dans le respect des différences de statut, qu’il s’agisse de la grille indiciaire, du logement, du recrutement dans les écoles militaires ou de la formation initiale.

Il serait toutefois souhaitable que l’augmentation de la masse salariale découlant des avantages nouveaux ne soit pas compensée par une réduction des effectifs. Il est impératif, selon nous, de maintenir les effectifs tels que renforcés par la loi sécurité intérieure de 2002, sauf mutualisation et abandon de missions, comme la garde des CRA par exemple.

Ce projet de loi permettra de poursuivre, après la proposition de loi sur les bandes et les violences scolaires adoptée hier soir – et j’en félicite notre collègue Ciotti –, l’amélioration continue de notre dispositif de lutte contre la délinquance, dans le cadre du concept de sécurité durable auquel nous nous attelons, tout en confortant l’identité militaire de la gendarmerie et avec la constitution d’un grand ministère, moderne et efficace, de la sécurité au service de la protection des Français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Hostalier.

Mme Françoise Hostalier. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, chers collègues, sans remonter à la nuit des temps, l’histoire de la gendarmerie nationale et du peuple français est suffisamment ancienne pour que chacun comprenne qu’elle s’inscrit totalement dans notre patrimoine – j’irai jusqu’à dire dans nos gènes.

Que ce soit vers 1340, quand elle s’appelait « Connétablie », ou au XVIIsiècle lorsqu’elle devint la Maréchaussée, ou sous la Révolution qui vit sa mutation en Gendarmerie nationale, elle a toujours été un corps militaire, réparti sur l’ensemble du territoire, au plus près des populations, et chargée de la sécurité et des missions de police.

Au cours de notre histoire, elle s’est continuellement adaptée : d’abord aux différents régimes politiques – royauté, empire, république –, ensuite aux évolutions techniques, maintenant à l’environnement international, mais sans jamais se départir de la mission qu’elle exerce au plus près de la population, ancrée dans les territoires. Voilà pourquoi les Français sont si attachés à leur gendarmerie, et pourquoi il faut se garder, tout en lui donnant les moyens de s’adapter à l’évolution de notre organisation politique, de toucher à ce qui fait sa spécificité, c’est-à-dire son statut militaire.

La crainte était grande de voir s’engager une fusion des forces de polices et de gendarmerie. Il était donc important que le caractère militaire de la gendarmerie soit garanti, ce qui ressort clairement de l’article 1er du projet.

Cependant, ce statut militaire crée de fortes contraintes en termes de disponibilité, d’horaires, de déroulement de carrière, contraintes qu’il est normal de compenser par des avantages tels que le logement, l’avancement ou la grille indiciaire.

S’il y a eu quelques échanges un peu vifs entre diverses structures représentatives des personnels de police et de gendarmerie concernant la comparaison de ces différences de traitement, je peux témoigner, pour ce qui est du secteur des Flandres intérieures – et ce n’est pas mon collègue Jean-Pierre Decool qui me contredira –, de la parfaite entente qui prévaut entre les différentes forces de l’ordre et, surtout, de leur complémentarité, gage de réussite sur le terrain.

Le texte que vous nous présentez est un texte technique qui répond déjà, semble-t-il, aux attentes de nos militaires et qui sera enrichi, si vous en êtes d’accord, par quelques amendements précisant les missions de la gendarmerie, notamment dans le domaine judiciaire, et rappelant sans équivoque son caractère militaire.

La question de la réquisition devait être revue à cause du rattachement au ministère de l’intérieur. Les débats ont été animés, et il semble que l’équilibre proposé – je n’y reviens pas car nous en débattrons – soit finalement satisfaisant. Il nous faudra néanmoins rester vigilants quant à l’articulation entre le nécessaire statut militaire et l’exercice de l’autorité préfectorale.

Pour conclure, je voudrais insister sur le dynamisme et l’incroyable capacité d’adaptation de notre gendarmerie.

M. Louis Giscard d’Estaing. Tout à fait !

Mme Françoise Hostalier. Qu’il s’agisse du nombre de métiers différents à l’intérieur de la gendarmerie ou de la polyvalence des personnels, la diversité de réponse aux besoins modernes en matière de sécurité, de police judiciaire ou d’intervention extérieure est étonnante.

À titre d’exemple, j’ai eu, récemment, l’occasion de rencontrer nos gendarmes en poste en Afghanistan, chargés de former la police rurale afghane : je peux vous assurer, après les avoir vus sur le terrain et entendu les commentaires de leurs collègues étrangers, que nous pouvons être fiers de notre gendarmerie nationale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Deguilhem.

M. Pascal Deguilhem. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le président de la commission de la défense a évoqué tout à l’heure la force européenne de gendarmerie. Il se trouve que je suis élu dans la circonscription où est installé depuis quarante ans le centre national et européen d’entraînement des forces de gendarmerie, à Saint-Astier, dans le département de la Dordogne. Il se trouve également que j’y habite depuis quarante ans, même si cette précision n’est pas des plus intéressantes. (Sourires.) Vous me pardonnerez donc cette entrée en matière très personnelle, mais mon attachement à la gendarmerie se fonde aussi sur cette proximité qui aide à mieux comprendre les choses et à se forger certaines convictions.

M. Philippe Folliot. C’est l’excellence républicaine !

M. Pascal Deguilhem. Tous les ministres de la défense sans exception – et vraisemblablement, très prochainement, le ministre de l’intérieur – y effectuent une visite – et j’aurais aimé le rappeler à M. Morin qui ne semblait pas très intéressé –,…

M. Jean-Paul Bacquet. Il viendra !

M. Pascal Deguilhem. …une visite souvent nocturne, lors d’entraînements des forces au maintien de l’ordre. On peut sans doute mieux qu’ailleurs, à cette occasion, mesurer les valeurs portées par la gendarmerie et apprécier sa nature même.

Tous les gendarmes de France effectuent, à intervalles réguliers, des stages de formation militaire sur ce site d’excellence, en coordination, parfois, avec les carabiniers italiens, les gardes civils espagnols, leurs collègues roumains ou néerlandais – pour ne citer que ceux-là.

On peut y apprécier cette culture commune des gendarmes, qui s’ordonne autour de la loi, de la défense du territoire et des citoyens, ainsi que de cette neutralité républicaine qui sied si bien à l’arme.

L’autre aspect de la question est, pour ce qui me concerne, comme beaucoup d’autres parlementaires d’ailleurs, la superficie très importante de la zone de gendarmerie dans mon département et, donc, le maillage du territoire par des brigades de format modeste, mais bien réparties et aujourd’hui organisées en communautés de brigades.

Cette proximité, cette présence, la disponibilité des personnels, saluée très largement par les élus, font de la gendarmerie un service public qui participe pleinement à la vitalité de nos territoires et de nos communes. Elles sont une des conditions essentielles de l’équilibre de traitement entre citoyens des zones rurales et des zones urbaines. Les élus ne peuvent donc ignorer que le sujet qui nous occupe aujourd’hui – le rapprochement – ne sera pas sans conséquences demain sur la présence de la gendarmerie. J’y reviendrai.

Cet attachement qui est le mien, monsieur le ministre, et que je partage avec beaucoup d’autres, m’incite à appeler votre attention sur les questions de fond que pose ce rapprochement.

La première question est relative au placement pur et simple des forces de police et gendarmerie sous une seule et même autorité. Faut-il considérer que la dualité du système était inefficace, pour qu’il faille ainsi le changer ? Rien ne permet de porter un tel jugement. La police et la gendarmerie travaillent d’ailleurs depuis très longtemps de façon complémentaire. Elles sont complémentaires parce qu’elles sont différentes. Elles sont efficaces parce qu’elles se complètent. Cela fonctionne bien aux dires de tous.

La séparation organique entre la police et la gendarmerie est la garantie du respect des principes républicains que nous sommes nombreux à défendre ici.

Dès lors que l’on ne peut opposer un impératif d’efficacité au maintien de deux forces de sécurité distinctes relevant de deux autorités différentes, l’une civile, l’autre miliaire, pourquoi vouloir changer ce mode de fonctionnement ? Qui souhaite réellement ce rattachement, à part le Président de la République ? Pas l’ancienne ministre de la défense, qui le jugeait dangereux, inopportun et injustifié. Pas les gendarmes eux-mêmes qui, placés pour emploi sous la tutelle du ministre de l’intérieur depuis janvier 2009, savent pertinemment que la perte de leur statut militaire se profile à l’horizon. Comment imaginer, en effet, qu’une force militaire pourra survivre longtemps loin du ministère de la défense quand tout aura été organisé pour que la fusion devienne inéluctable ?

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Pascal Deguilhem. Déjà ?

Mme la présidente. Eh oui ! (Sourires.)

M. Pascal Deguilhem. Avant de conclure, je souhaite rappeler un précédent malheureux : la gendarmerie belge a été démilitarisée en 1995, ce qui a entraîné une augmentation vertigineuse des coûts de fonctionnement pour une efficacité bien moindre, la criminalité s’étant trouvée renforcée. Je vous invite à méditer cet exemple !

Quant au maillage territorial, deuxième problème de fond, il sera forcément affaibli, en raison du manque de moyens et de la RGPP.

Je conclus, puisque vous m’y invitez, madame la présidente, en indiquant que le rapprochement est l’enclenchement d’un processus définitif. Je n’ai rencontré personne, ni au sein des brigades, ni dans les écoles, pour y croire. Personne ne le souhaite, or tout nous y conduit. Ce qui aurait pu rester une union libre devient un mariage forcé : nous nous y opposons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai toujours pensé que la force de l’État reposait sur deux piliers : le corps préfectoral et la gendarmerie, l’accord de l’un et de l’autre étant essentiel au fonctionnement régulier des pouvoirs publics.

L’État est un : à chaque échelon territorial, il doit s’exprimer d’une seule voix. Dans le département, le représentant de l’État est le préfet. Les responsables de la police et de la gendarmerie doivent, en l’occurrence, être placés sous son autorité. La rédaction de l’article 3 du projet de loi, modifiée par le Sénat, me paraît conforme à la tradition républicaine et au souci de l’efficacité des pouvoirs publics. Je tiens à la gendarmerie et je m’en suis expliqué à plusieurs reprises devant la commission de la défense. La raison est simple : je lui dois la vie lorsque j’étais sous-lieutenant en Algérie. Ce sentiment est largement partagé au sein de la commission de la défense : les commissaires ont manifesté un attachement unanime au maintien du statut militaire de la gendarmerie.

Le projet de loi réaffirme les éléments qui fondent l’identité de la gendarmerie, ce que le général Gilles a appelé « les piliers du temple » : la gendarmerie est une force armée ; les gendarmes sont des militaires. Vous avez tout à l’heure, monsieur le ministre, écarté avec force le spectre d’une fusion entre la police et la gendarmerie : nous vous en sommes reconnaissants. Certes, le rapprochement entre la police et la gendarmerie est nécessaire afin d’améliorer la performance de notre système de sécurité. Police et gendarmerie doivent mieux travailler ensemble dans un esprit d’équilibre. Tel est l’objet du projet de loi, que nous approuvons.

L’équilibre doit être le maître mot de la réforme. S’agissant de la « parité globale de traitement » évoquée par le Président de la République, l’équilibre ne signifie pas, selon les termes du général Gilles devant la commission de la défense, un simple alignement des avantages des uns et des autres, mais bien une parité globale, tenant compte des avantages et des sujétions propres à chaque corps.

La cohérence nécessaire de l’ensemble de notre système de sécurité ne doit pas être obtenue au prix d’une perte de capacité de la gendarmerie. Le système français de sécurité, élaboré par l’histoire, est marqué par la dualité des forces de police : c’est un atout qu’il nous faut conserver.

Monsieur le ministre, gardons-nous de trop simplifier, de trop unifier : je me méfie de l’uniformisation. Je souhaite que l’adoption du projet de loi – qui a trop tardé – lève les inquiétudes qui se sont manifestées. La gendarmerie est l’une des plus vieilles institutions françaises ; elle a survécu à tous les changements de régime. Dans un pays comme le nôtre, si fortement marqué par l’histoire, c’est l’histoire qui a préservé l’identité de la gendarmerie et qui, en définitive, la sauvera. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Calméjane.

M. Patrice Calméjane. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la gendarmerie nationale, adopté par le Sénat en première lecture, revêt un caractère historique, comme vient de le rappeler Jean-Pierre Soisson. En effet, depuis la loi du 28 Germinal an IV, soit depuis 1798, aucune loi relative à l’organisation et aux missions de la gendarmerie nationale n’avait été adoptée et c’est un simple décret, remontant à 1903, qui fixe les règles régissant son statut et ses missions. Cette rupture historique est notable.

Ce projet de loi organise le transfert de la gendarmerie nationale du ministre de la défense au ministre de l’intérieur, aboutissement logique d’une évolution entamée en 2002 avec le placement de la gendarmerie auprès du ministre de l’intérieur pour ce qui est de l’emploi et de l’exercice des missions de sécurité intérieure.

Le rapprochement entre la gendarmerie et la police prendra la forme d’une synergie renforcée par la mutualisation des moyens et par l’échange de renseignements. Le rattachement au ministère de l’intérieur devrait en effet permettre de renforcer la coopération entre la police et la gendarmerie en matière de lutte contre la délinquance et d’améliorer la protection des Français, ce qui, notons-le également, est une avancée majeure d’un point de vue tant sécuritaire que social et économique.

Ce rattachement organique et fonctionnel s’accompagne d’une réaffirmation du statut militaire des gendarmes. La volonté de préserver ce statut avait été clairement exprimée par le président de la République lors de son discours de la Grande Arche de la Défense, en novembre 2007 : « Ce statut militaire est la reconnaissance d’un état et non pas d’un métier », avait-il déclaré. Ainsi, le ministre de la défense reste compétent pour l’exécution des missions militaires, pour la formation initiale et pour la discipline. Le principe du logement en caserne, qui caractérise l’identité des gendarmes, est également maintenu.

Par ailleurs, ce projet établit une définition plus claire et plus précise des missions et spécificités des gendarmes, il est important de le souligner.

La gendarmerie est ainsi expressément chargée d’une mission de prévôté à l’égard des armées. Les missions de police judiciaire aux armées sur le territoire national et en opération extérieure sont confiées à la gendarmerie. L’existence d’une force de police à statut militaire apparaît donc comme particulièrement utile pour exercer un contrôle véritable sur les armées.

La gendarmerie intervient, par ailleurs, dans le cadre des opérations extérieures. Ses unités peuvent, par exemple, participer à une force interarmées pour remplir prioritairement des missions de sécurité intérieure. Elles sont alors placées sous l’autorité du chef d’état-major des armées.

La gendarmerie participe également à de nombreuses missions de protection et de contrôle. Elle demeure investie de missions de renseignement auprès des autorités publiques afin de prévenir les troubles à l’ordre public, d’anticiper la gestion de crise et de contribuer à la lutte anti-terroriste. L’action des gendarmeries spécialisées, celles de l’air, des transports aériens ou encore de la sécurité des armements nucléaires, s’accomplit ainsi dans ce cadre.

Enfin, dernier point que je souhaite mettre en exergue, le projet de loi procède à un recul des limites d’âge de départ à la retraite pour les sous-officiers du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale. Cette évolution législative est remarquable, puisqu’elle permet à la gendarmerie de ne plus être privée de personnels encore jeunes mais expérimentés.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je suis, en tant que député du département de Seine-Saint-Denis, où se situent le service technique de recherches judiciaires et de documentation ainsi que l’institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale, dont je salue la qualité et l’efficacité du travail tout en formant le vœu qu’ils restent encore longtemps tous deux à Rosny-sous-Bois,…

M. Philippe Folliot. Très bien !

M. Patrice Calméjane. …je suis particulièrement attaché à ce projet de loi, qui me semble être une réforme fondamentale. Il incarne pour les gendarmes la reconnaissance de leurs missions, de leur statut militaire et de la pérennité de l’organisation de la gendarmerie. Le positionnement nouveau de la gendarmerie au sein du ministère de l’intérieur peut constituer une chance pour elle si elle prend appui sur son statut de force intermédiaire entre la police nationale civile et les armées. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Nauche.

M. Philippe Nauche. Monsieur le ministre, vous nous avez donné tout à l’heure la version officielle de ce projet de loi, en nous disant ce qu’il fallait en penser.

M. Jean-Pierre Soisson. Je ne vois pas comment il aurait pu en être autrement ! (Rires.)

M. Philippe Nauche. Vous avez ainsi voulu nous rassurer. Mais je dois dire mon étonnement après avoir entendu les interrogations de Mme Lamour, le plaidoyer de Jean-Pierre Soisson contre l’uniformisation, …

M. Jean-Jacques Urvoas. Un plaidoyer très talentueux !

M. Philippe Nauche. …les inquiétudes de Guy Teissier, d’Alain Moyne-Bressand, les inquiétudes plus grandes encore exprimées par Philippe Folliot.

Comme le disait Mme Olivier-Coupeau : pourquoi cette loi ? Manifestement, vous n’avez pas réussi à convaincre de l’innocuité de ce projet de loi pour les forces de gendarmerie.

Si la volonté du Gouvernement se limitait à vouloir parvenir à une plus grande synergie et à une meilleure complémentarité des actions au profit de la sécurité, chacun pourrait convenir que cet objectif louable est susceptible d’être atteint grâce aux dispositions mises en œuvre depuis 2002, qui placent certaines missions de police et de gendarmerie sous l’autorité du ministre de l’intérieur. Si la volonté du Gouvernement consistait uniquement à aboutir à une rationalisation et à une mutualisation croissantes des moyens, chacun pourrait convenir aisément que cet objectif est réalisable depuis l’adoption de la loi de finances pour 2006, qui a regroupé au sein d’une même mission « Sécurité » les crédits de la police et ceux de la gendarmerie nationale. Marchés communs pour de nombreux matériels, mutualisation des marchés d’armement, mutualisation d’équipements, de l’entretien, de la réparation automobile, mais aussi échanges d’expérience en matière de formation et d’entraînement des unités chargées du maintien de l’ordre : autant de pratiques courantes ou en passe de le devenir.

Quelle est donc la véritable volonté du Gouvernement et du Président de la République ? Pourquoi rattacher cette arme au ministère de l’intérieur ? Pourquoi mettre un terme à l’un de nos plus grands principes républicains, la dualité des forces de police ? Ces questions se posent d’autant plus que certains pays européens qui en ont fait l’expérience récente ont exprimé après coup leurs interrogations et leurs doutes.

Chacun sait que ce dualisme constitue une protection pour notre démocratie, comme l’a excellemment indiqué Jean-Paul Bacquet. Or, quelles garanties nous sont données que les pouvoirs de police et de maintien de l’ordre ne relèveront pas d’une seule et unique source, d’une seule et unique autorité ? Notre histoire récente l’a malheureusement démontré : fusion et confusion des pouvoirs font rarement bon ménage.

S’il était voté sans modification, ce projet de loi constituerait selon moi un indiscutable recul des libertés publiques et des droits individuels, qui nous exposerait au risque d’éventuels excès de pouvoir.

En outre, le texte va jusqu’à supprimer la garantie fondamentale que représente la procédure de réquisition des unités armées par le pouvoir civil.

La gendarmerie sera donc désormais dans les mains du ministère de l’intérieur, tout en conservant un statut militaire pour quelque temps encore – le Président de la République s’y est engagé pour la durée de son mandat, mais la véritable question est de savoir jusqu’à quand vous pouvez nous garantir la préservation de ce statut.

Chacun en est convaincu, votre démarche aboutira inéluctablement à banaliser le statut des gendarmes. Les interrogations qui se font jour dans l’opposition, mais aussi dans la majorité – j’ai été attentif aux discours prononcés par mes collègues –, montrent que vous n’avez pas réussi à rassurer l’ensemble de la représentation nationale.

Vous provoquez ainsi une véritable crise identitaire chez des personnels dont la discipline et l’éthique sont reconnues et appréciées de tous. Vous prenez également le risque de voir réduit à terme, RGPP et réduction des effectifs obligent, le maillage exemplaire des unités de gendarmerie, présentes sur 95 % du territoire, au service de 50 % de la population.

Je conclurai mon propos en citant la campagne de publicité que le ministère de la défense vient de lancer autour du slogan « Pour une défense qui avance » : « Depuis toujours, la défense est au service de la paix, des valeurs et de la sécurité des Français. Aujourd’hui, plus que jamais, elle doit s’adapter pour affronter les risques à venir. »

Au regard de ces impératifs d’adaptation, monsieur le ministre de l’intérieur, ce projet de loi ne me paraît, selon les termes de votre prédécesseur, naguère ministre de la défense, ni opportune ni justifiée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission de la défense, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi est important car il exprime la volonté de moderniser la chaîne de la sécurité en France, en réorganisant au mieux ses moyens et en optimisant l’intervention de ses acteurs principaux.

Cette volonté n’est pas neuve. Elle a été initiée, promue, soutenue par le Président de la République, qui lui a donné tout son sens alors qu’il était ministre de l’intérieur. L’arrivée récente place Beauvau de Brice Hortefeux, dont nous connaissons et apprécions les compétences et le dynamisme, nous garantit de voir cette exigence de sécurité portée au plus haut niveau.

Nous en sommes ce soir à une étape essentielle. Il s’agit de traduire opérationnellement le rapprochement indispensable de la police et de la gendarmerie nationale dans leurs missions communes de lutte contre l’insécurité. Ce rapprochement est à la fois souhaitable mais aussi souhaité par la plupart des policiers et gendarmes. Même s’il a fait l’objet de critiques excessives, le texte a recueilli un assentiment quasi général.

Ne laissons pas ce débat aux mains de ceux qui pensent que les oppositions sont préférables au dialogue. Dialogue des services, dialogue des métiers, dialogue des forces, dialogue des expériences : c’est cela que ce texte veut instaurer. Pour cela, il ne prétend pas tout reconstruire. Depuis 2002, des progrès majeurs ont été accomplis. La police et la gendarmerie nationales se sont notamment rapprochées dans le domaine de la police technique et scientifique, de la formation et des ressources humaines et ont commencé à engager une coopération opérationnelle au sein des GIR et des offices centraux.

En qualité de rapporteur de la loi pour la sécurité intérieure, j’ai visité cet après-midi à Nanterre l’office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication. J’ai pu constater que, au sein de la plateforme PHAROS qui travaille sur les délits les plus ignobles, ceux liés à la pédopornographie, des policiers et des gendarmes collaboraient. Aujourd’hui, plus de 80 gendarmes travaillent dans les offices centraux, qui sont placés sous l’autorité de la police judiciaire. C’est un signe important.

C’est pour cette raison que ce texte constitue un enjeu majeur. Il vient consolider et approfondir ces axes de rapprochement. À ce titre, il mérite tout notre soutien.

Dans un premier temps, il promeut les bonnes pratiques en matière d’exploitation des moyens matériels mis au service de la lutte contre l’insécurité : la mutualisation, en particulier, des fonctions de support, qui représentent aujourd’hui des coûts trop importants, comme on le sait. Il prend le parti d’identifier et de réduire les doublons, coûteux en termes budgétaires mais aussi en termes qualificatifs, qui contribuent à réduire la qualité du service public. J’entends le discours constant de ceux qui estiment qu’il faut toujours plus de moyens. Pour ma part, j’estime que la priorité est de les optimiser pour les placer d’abord au profit de l’action de terrain. Ces moyens nous les connaissons : équipements lourds d’intervention – véhicules, bateaux, hélicoptères –, maintenance, entretien, achats, imprimerie.

Pour les missions spécifiques également, la mutualisation doit être un mot d’ordre.

Dans un deuxième temps, le projet accroît l’efficacité individuelle des agents, en cherchant à développer une formation initiale commune et une formation continue pour tous les acteurs de la sécurité.

Dans un troisième temps, ce sont les performances collectives qu’il tend à valoriser par un commandement simplifié.

Enfin, les mutualisations envisagées des fonctions administratives ou de support ne signifient pas une quelconque fusion des statuts. La dualité police-gendarmerie répond, nous le savons, à des impératifs de séparation des pouvoirs. Elle doit constituer un impératif démocratique. Aussi le statut militaire de la gendarmerie n’est-il pas et ne sera-t-il jamais remis en cause : le texte réaffirme pleinement cette exigence et cette évidence.

Maintien du statut militaire, refus de la fusion entre police et gendarmerie, mutualisation des moyens, tels sont, à mes yeux, les piliers d’une politique ambitieuse au service de nos concitoyens. Ils fondent les axes d’une grande politique de sécurité que va désormais porter Brice Hortefeux. Nous lui souhaitons tout le succès nécessaire dans cette mission essentielle pour notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Herbillon.

M. Michel Herbillon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une réforme historique, puisque la gendarmerie nationale, qui est l’une des institutions centrales de notre pays, n’a connu que deux évolutions majeures, la loi du 28 Germinal an VI et le décret du 20 mai 1903, qui détermine son organisation et ses missions.

En tant que député-maire de Maisons-Alfort, ville qui accueille le deuxième site de gendarmerie en France, je sais l’importance de ce texte pour la gendarmerie, pour les gendarmes, mais aussi pour nos compatriotes, car la gendarmerie joue un rôle central dans la préservation de l’ordre public dans nos circonscriptions. Les 105 000 gendarmes sont, pour les Français, des interlocuteurs et des acteurs privilégiés, qu’ils connaissent et qu’ils retrouvent sur l’ensemble du territoire.

Le rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, que prévoit ce texte, s’inscrit dans la droite ligne du processus engagé depuis 2002. En sept ans, le rapprochement de la gendarmerie et de la police a fait la preuve de son efficacité : il s’agit aujourd’hui de l’accroître encore et d’optimiser la gestion de l’ordre public, en favorisant une plus grande interaction entre ces forces étroitement complémentaires.

Cette réforme, que chacun juge nécessaire, va donc dans la bonne direction. Naturellement, comme toute réforme d’envergure, elle a soulevé de légitimes questionnements, voire des inquiétudes, qu’ont relayées en particulier les associations de retraités de la gendarmerie. Des réponses ont déjà pu être apportées à ces interrogations et nos débats sont l’occasion de fournir des compléments d’information.

Vous savez, monsieur le ministre, à quel point les gendarmes tiennent à leur statut militaire. Le projet de loi qui nous est présenté confirme avec force ce statut qui contribue à la qualité et à l’extrême disponibilité des forces de gendarmerie. Il réaffirme l’attachement des pouvoirs publics à un modèle policier dual à la française. Son objectif n’est en aucun cas de fusionner la gendarmerie et la police. La gendarmerie conservera non seulement son statut, mais aussi son identité, son esprit militaire et sa culture propre. À ce titre, le maintien des gendarmes au sein du Conseil supérieur de la fonction militaire est une garantie. Sur ce sujet s’est dégagé un large consensus au sein de la majorité et, je le crois, même au-delà.

Parce qu’ils conservent leur statut militaire, les gendarmes seront donc toujours soumis aux obligations et sujétions qui en découlent, notamment en matière de logement en caserne. Mais ils bénéficieront aussi d’un traitement indemnitaire spécifique, adapté à la particularité de leur profession.

Dans son discours du 29 novembre 2007, le Président de la République avait tout particulièrement insisté sur la nécessité de traiter gendarmes et policiers de façon paritaire. Il est indispensable que l’objectif qu’il avait fixé soit atteint, car c’est une condition sine qua non de la réussite de la réforme.

Autre sujet de préoccupation pour la gendarmerie : la crainte d’un manque de visibilité et d’écoute par rapport à sa voisine, la police nationale, sur des questions relatives au fonctionnement interne des forces de l’ordre en France. De fait, le rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l’intérieur est une chance pour elle, car elle bénéficiera d’une vraie représentation au sein du ministère de l’intérieur. La présence du directeur général de gendarmerie nationale place Beauvau permettra de garantir aux gendarmes qu’ils seront autant écoutés et associés à l’élaboration de la politique de sécurité intérieure que les policiers.

La suppression de la procédure de réquisition a également suscité quelques interrogations. Elle paraît pourtant s’imposer, après le rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l’intérieur. Pouvez-vous néanmoins nous assurer, monsieur le ministre, qu’une traçabilité de l’ordre donné demeurera, même s’il ne s’agit pas d’une réquisition formelle, notamment pour l’usage des armes à feu, de manière à garantir une transparence indispensable à l’action de la gendarmerie ?

Cela rendrait d’ailleurs d’autant plus logique la nouvelle position du préfet placé au centre du dispositif de sécurité départementale. Il sera l’interlocuteur décisionnaire de la gendarmerie, garant des actions qu’elle entreprendra, et premier responsable vis-à-vis du ministère. Les responsables départementaux de la gendarmerie seront donc placés sous son autorité. Il est important de rappeler ici que cela se fera dans le respect du statut militaire, pour laisser une liberté d’appréciation aux responsables départementaux des unités de gendarmerie dans l’exécution des orientations et des ordres donnés par le préfet, notamment afin de veiller au respect de la hiérarchie militaire au sein de la gendarmerie.

Avec ce texte, le Gouvernement propose une modernisation et une rationalisation de l’organisation des forces de l’ordre, tout en garantissant la pérennité des particularités propres à chacune des deux forces.

Ne perdons pas de vue l’objectif fondamental de cette réforme : mieux assurer la sécurité de nos compatriotes sur tout le territoire. C’est pour cette raison que je soutiens ce texte. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Viollet, dernier orateur inscrit.

M. Jean-Claude Viollet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons a été déposé sur le bureau du Sénat le 21 août 2008, après son adoption en conseil des ministres, puis transmis à notre assemblée dès son adoption, le 17 décembre 2008, mais il aura dû attendre plus de six mois avant d’être inscrit à notre ordre du jour, alors même que l’urgence avait été déclarée par le Gouvernement.

Au moment où s’achève la discussion générale et où va s’engager l’examen des articles, je voudrais redire mon incompréhension : pourquoi cette évolution institutionnelle, que la ministre de la défense jugeait en 2003 inopportune et injustifiée, est-elle aujourd’hui devenue indispensable, et si urgente que nous y consacrions l’une des premières séances de la session extraordinaire ?

Mon incompréhension s’explique aussi par d’autres questions. Depuis 2002, la gendarmerie est placée sous l’autorité fonctionnelle du ministre de l’intérieur pour l’accomplissement de ses missions de sécurité intérieure : cela ne fonctionne-t-il pas ? La recherche d’efficacité dans la gestion des moyens est engagée depuis de nombreuses années déjà, qu’il s’agisse de l’achat groupé de matériels ou d’équipements, de formations spécialisées, de la mise à disposition, par la gendarmerie nationale, d’heures d’hélicoptères pour la police nationale : ce mouvement ne se poursuit-il pas naturellement, pour la satisfaction de tous ? Dans tous ces domaines, qu’est-ce que le passage de la gendarmerie nationale sous l’autorité organique du ministre de l’intérieur apportera de plus ?

Je suis, pour ma part, très inquiet pour l’avenir de la gendarmerie nationale en tant que force armée. Chacun comprend bien qu’il ne s’agit pas seulement du statut de ses personnels, qui n’est aujourd’hui qu’une des conséquences du statut de l’Arme et qui disparaîtrait rapidement si celui-ci n’était pas préservé.

Si le Gouvernement avait voulu conserver la gendarmerie nationale, il lui aurait suffi de rappeler qu’elle était placée sous l’autorité organique du ministère de la défense, et de préciser alors les conditions de son emploi, comme force militaire à vocation interministérielle, par l’intérieur, la justice, les affaires étrangères ou tout autre département ministériel susceptible de mobiliser ses moyens. On aurait ainsi poursuivi l’évolution entreprise en 2002, sans prendre de risques pour l’avenir.

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Exactement !

M. Jean-Claude Viollet. Vous n’avez pas fait ce choix et je crains que nous n’allions, à terme, vers l’absorption complète de la gendarmerie nationale par le ministère de l’intérieur, au sein de la police nationale. Cette menace sera d’autant plus forte si la gendarmerie ne conserve pas l’ensemble du spectre de ses missions. Cette polyvalence lui est indispensable pour assurer, en situation de crise, une continuité entre action policière et action militaire : elle est cette force intermédiaire capable d’intervenir en temps de paix comme en temps de guerre, et nous avons notamment besoin d’elle dans chacune de nos opérations extérieures. À ce jour, nous n’avons pas reçu d’assurances à cet égard.

Mais il est un autre péril, à en juger par l’exécution de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure de 2002, dite LOPSI 1. La gendarmerie conserverait en théorie ses missions mais ne disposerait pas des moyens nécessaires à leur exécution. J’avais émis le vœu que soient d’abord examinées à la suite, par notre assemblée, la loi de programmation militaire et la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI 2, afin que nous puissions, avant de débattre du présent texte, juger de la cohérence de l’ensemble des choix qui ont été faits.

Il n’en sera rien, puisque, le projet de LOPPSI 2 ayant été déposé le 27 mai 2009 sur le bureau de notre assemblée, l’unique audition de la commission de la défense nationale et des forces armées le concernant aura lieu le 21 juillet prochain, et la présentation de l’avis le 22 juillet, pour un examen en séance à une date encore inconnue à ce jour.

La question du rôle de la commission de la défense nationale et des forces armées se pose d’ailleurs, tant en ce qui concerne le vote du budget que pour le contrôle de l’action du Gouvernement, dans les domaines de la défense et de la sécurité nationale, au sens du Livre blanc. À mon sens, elle pourrait et devrait être le lieu naturel pour le suivi de ces politiques.

Monsieur le ministre, je ne vois pas quelle valeur ajoutée l’évolution que vous proposez pourrait apporter à la sécurité intérieure ; je crains pour l’avenir de la gendarmerie nationale, notamment pour le maintien de sa capacité à remplir ses missions de défense ; je n’ai aucune assurance en ce qui concerne le suivi que pourra exercer notre commission sur l’ensemble du domaine de défense et de sécurité nationale, ce qu’aucune autre commission ne me semble aujourd’hui à même de faire : pour toutes ces raisons, je ne soutiendrai pas votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je voudrais tout d’abord remercier le rapporteur Alain Moyne-Bressand, le rapporteur pour avis François Vannson et le président de la commission de la défense, Guy Teissier, pour la qualité et la parfaite clarté de leurs interventions. Ils ont eu à cœur de rappeler l’objectif du Gouvernement, qui entend moderniser les règles relatives à la gendarmerie tout en préservant son statut militaire et sa spécificité culturelle. Ils ont rappelé les orientations définies par le Président de la République en matière de sécurité et de lutte contre la délinquance.

Je rappelle donc que ce projet de loi ne vise en aucune manière à affaiblir – encore moins à faire disparaître, comme je l’ai entendu dans certains propos relevant davantage du fantasme – la gendarmerie nationale à travers une fusion supposée, à défaut d’être programmée. En réalité, ce rattachement préserve toute la chaîne organique de commandement, les spécificités statutaires liées au caractère militaire de l’arme et la qualité de la formation dans les écoles de la gendarmerie nationale. Que les choses soient claires : il y aura toujours deux forces distinctes placées sous une seule autorité. Jamais la gendarmerie ne sera qu’une force supplétive de qui que ce soit. Les Français, comme vous l’avez tous rappelé à juste titre, aiment la gendarmerie nationale, et nous partageons tous ce sentiment, car la gendarmerie a fait la preuve qu’elle était au service de la nation.

Je vous ai écoutée avec beaucoup d’attention, madame Olivier-Coupeau. Si vous avez parfois été interrompue, c’est parce que vous avez employé des mots trop violents. Relisez donc votre intervention : il n’est pas acceptable de parler d’escroquerie dans un débat de cette nature, qui devrait être constructif et apaisé ! Au fond, vous voulez masquer la réalité : le rapprochement de la gendarmerie et de la police a contribué aux résultats obtenus dans la lutte contre la délinquance. Pourquoi ne pas revenir sur les statistiques : la délinquance a baissé de 17 % entre 2002 et 2008 – voilà la réalité !

M. Michel Herbillon. Rappel utile !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Dès lors, le procès que vous nous faites est quelque peu injustifié, car le projet de loi, que vous avez lu, maintient – comme vous le souhaitez – le statut militaire de la gendarmerie.

Un mot sur l’exécution de la LOPSI entre 2002 et 2007 : si la gendarmerie n’a pas complètement atteint sa cible, elle en était tout près – je le dis devant le général Gilles. Je précise que 6 525 postes supplémentaires ont été réalisés sur les 7 000 qui étaient prévus, et le milliard d’euros d’investissements envisagés a également été réalisé pour une très grande partie. Demain, grâce à cette loi, le ministère de l’intérieur assurera l’équilibre des moyens accordés.

À M. Candelier, je répondrai ceci : je suis convaincu que les Français approuvent un texte qui garantit – j’insiste sur ce point – l’identité de la gendarmerie. Si le Président de la République a souhaité ce projet, c’est pour assurer la cohérence de notre politique de sécurité tout en préservant l’existence de deux forces de sécurité à statuts différents.

Plusieurs députés ont rappelé l’histoire de la gendarmerie : elle est riche et importante, tel un long sillon creusé au fil des générations. Néanmoins, l’histoire n’est pas figée : nous devons nous adapter à la réalité, tenir compte de son évolution. Est-ce vraiment révolutionnaire que de toucher à des dispositions vieilles de plus de deux siècles ? Sans doute, après tant de temps, peut-on tout de même envisager des adaptations ! Il s’en est d’ailleurs déjà produit. Il ne s’agit donc pas d’un bouleversement, mais d’une évolution utile qui préserve le statut militaire des gendarmes.

Je retiens que M. Folliot apporte son soutien à la réforme. Je le répète, puisque c’était là son souci : personne ne souhaite modifier le statut militaire de la gendarmerie. D’ailleurs, personne ne pourra même le contester, tant la nouvelle organisation renforcera notre efficacité opérationnelle. J’ai pris bonne note de ses suggestions, à la prise en compte desquelles il sera attentif. La commission a d’ailleurs adopté l’un de ses amendements relatif à la participation de la gendarmerie au contrôle des armements nucléaires – contribution utile dont je le félicite.

M. Philippe Folliot. Merci !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Je salue l’intervention de M. Diefenbacher, qui a rappelé que le projet de loi visait, entre autres objectifs, à maintenir le statut militaire de la gendarmerie. Son argumentation très serrée a permis de démonter avec finesse les préoccupations – parfois de mauvaise foi – qui ont été exprimées. Le regard qu’il porte sur ce projet est celui du législateur ; il ne m’en voudra pas de considérer qu’il est aussi celui d’un ancien préfet, dont l’expérience acquise hier nourrit les propositions aujourd’hui.

Pardonnez-moi, monsieur Bacquet, de ne pas laisser passer l’adjectif « ringard », que vous avez craint de devoir appliquer à votre propos. Rassurez-vous : votre intervention n’était pas « ringarde », mais très éloquente et puisant sa force dans l’histoire. Hélas, elle ne m’a pas complètement convaincu, malgré tout l’attention que je lui ai portée. Je sais, monsieur le député, combien vous êtes attaché à la gendarmerie, pour des raisons familiales profondes. Je rappelle qu’il n’est aucunement question de modifier le cadre et les modalités dans lesquels la gendarmerie nationale continuera d’accomplir ses missions de police judiciaire. La gendarmerie conservera son statut, ainsi que toutes ses missions militaires – j’insiste sur ce point. Quant au fait que des militaires soient rattachés au ministère de l’intérieur, je précise, en dépit des nombreux rappels historiques que les uns et les autres ont faits, que cela ne constituera pas une nouveauté. En effet, c’est déjà le cas depuis 1969, date à laquelle les unités d’intervention de la sécurité civile ont été placées sous l’autorité du ministre de l’intérieur. Elles n’ont certes pas les 105 000 agents de la gendarmerie ou les 140 000 de la police, mais concernent tout de même 1 600 personnes relevant de l’arme du génie, basées à Nogent-le-Rotrou et à Brignoles et qui, chaque année – les mesures spécifiques commencent d’ailleurs aujourd’hui même –, interviennent lors de feux de forêt et de catastrophes naturelles.

Je vous remercie, monsieur Caillaud, pour votre intervention et vos encouragements. Comme vous, le Gouvernement est attaché à l’identité de la gendarmerie. L’instauration de la complémentarité avec la police se fera dans le seul souci de la qualité du service rendu à la population.

Je remercie également Mme Lamour pour ses propos, tenus avec sérénité et confiance. Cette confiance ne sera pas déçue : je veillerai à ce que le rapprochement, sur le terrain, s’effectue dans le respect des équilibres auxquels vous êtes très légitimement attachée.

M. Goujon a fait une excellente intervention qui a dû l’épuiser au point qu’il nous a quittés. (Sourires.) Il a rappelé à raison que le rapprochement en cours fut engagé dès 2002 ; depuis lors, la coordination entre police et gendarmerie a été améliorée.

J’ai vu, madame Hostalier, à l’occasion d’autres débats et alors que j’exerçais d’autres fonctions gouvernementales, combien vous êtes attachée aux libertés publiques et individuelles, que vous défendez dans tous nos débats. Je suis d’autant plus sensible au soutien que vous apportez au texte que votre position, au fond, me permet de souligner le fait que ce projet est parfaitement respectueux des droits et des libertés. En outre, je vous remercie d’avoir évoqué l’apport important de la gendarmerie nationale à la stabilité et aux libertés en Afghanistan.

Monsieur le ministre Soisson, l’historien que vous êtes devenu a réaffirmé combien le projet de loi s’inscrivait dans le strict respect de notre tradition républicaine. Je vous remercie de l’avoir souligné en rappelant notamment le rôle coordonnateur du représentant de l’État – le préfet. Quant à la dualité des forces de police, à laquelle vous êtes attaché, c’est-à-dire la coexistence, dans un équilibre harmonieux, entre la gendarmerie nationale et la police nationale, je suis convaincu qu’elle est garantie à long terme par ce texte.

M. Calméjane, dans son intéressante intervention, a notamment rappelé l’amélioration que ce texte apportera au statut du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie – point qui n’avait pas encore été évoqué. Il a parlé de « chance pour la gendarmerie », formule qui résume parfaitement le texte.

Je vous ai écouté avec beaucoup d’intérêt, monsieur Nauche, ne serait-ce qu’en raison de notre proximité géographique. Néanmoins, que retient-on de votre intervention, pourtant brillante et complète ? Une seule chose : vous ne voulez rien changer. Au-delà de votre habileté à jouer avec les mots, vous ne voulez rien changer. Ce n’est pas ainsi que la société évolue, que l’on répond à ses nouvelles exigences et que l’on relève les nouveaux défis en matière de sécurité ! Or, aujourd’hui, vous m’offrez l’occasion de souligner que la réforme est de notre côté.

Hier, monsieur Ciotti, vous avez rapporté avec beaucoup d’énergie et de talent la proposition de loi essentielle qui permet de lutter contre les bandes, et qui fournira un instrument très utile aux forces de sécurité. Ce soir, vous vous êtes fait une fois de plus l’avocat éloquent de la réforme que nous engageons au service de la sécurité des Français. Bien avant votre élection à l’Assemblée, vous vous attachiez déjà aux questions de sécurité. Votre propos me permet de rappeler que nous sommes du côté des victimes, et non des délinquants. Or, les victimes attendent de nous une détermination totale.

M. Herbillon a prononcé une intervention très précise, qui récapitule les objectifs de la réforme et écarte un certain nombre de fantasmes. Pour répondre à sa préoccupation, je veux l’assurer de la parfaite traçabilité des ordres donnés dans l’emploi des armes – garantie que ce texte apporte de manière concrète.

À M. Viollet, je répondrai comme à M. Nauche : votre intervention, sans doute sincère, comporte de nombreux procès d’intention. Cela étant, vous refusez de constater la réalité : une plus grande coordination entre les deux forces est nécessaire. Je crains hélas de ne pas être près de vous convaincre…

Pour conclure, je répète que ce projet de loi met à l’honneur la gendarmerie nationale – qui le mérite bien – et lui reconnaît sa spécificité. Ceux qui ont exprimé leur soutien à ce texte font le choix de la rationalité, de la modernité, de l’efficacité et du respect de la complémentarité et de l’équilibre entre les deux forces. Et pour cause : le seul objectif qui guide cette réforme est d’assurer la sécurité de nos concitoyens, qui est leur premier droit et notre premier devoir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

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Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce matin à neuf heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la gendarmerie nationale ;

Projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 2 juillet 2009, à une heure quinze.)