Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 28 octobre 2008

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Le Fur

1. Questions au Gouvernement

Prix des énergies domestiques

M. Olivier Jardé

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement

Mesures en faveur de l'emploi

M. Jacques Grosperrin

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi

Mesures en faveur de l'emploi

M. Alain Vidalies

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État

Crise financière

M. Roland Muzeau

Prix du gaz

M. Jean-Michel Ferrand

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation, porte parole du Gouvernement

Forum Asie-Europe

Mme Marie-Louise Fort

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme

Justice

Mme Aurélie Filippetti

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Cumul emploi-retraite

M. Lucien Degauchy

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

Crise financière et industrie automobile

M. Gérard Gaudron

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement

PLFSS et budget de l hôpital

M. Jean-Marie Le Guen

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative

Maintien des services publics dans les territoires

M. Jean-Pierre Nicolas

M. Hubert Falco, secrétaire d’État chargé de l’aménagement du territoire

Amiante

M. Patrick Roy

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

2. Projet de loi de finances pour 2009

Explication de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan

M. Jean-Pierre Brard

M. Charles de Courson

M. Jérôme Chartier

M. Jérôme Cahuzac

Présidence de M. Rudy Salles

3. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité

Mme Nadine Morano,

M. Yves Bur, rapporteur

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l’assurance maladie et les accidents du travail

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l’assurance vieillesse

M. Hervé Féron, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la famille

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du plan

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Exception d'irrecevabilité

Mme Marisol Touraine

M. Éric Woerth, ministre du budget, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, M. Philippe Vitel, Mme Catherine Génisson, M. Jean-Luc Préel, Mme Jacqueline Fraysse

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Prix des énergies domestiques

M. le président. La parole est à M. Olivier Jardé, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Olivier Jardé. Monsieur le secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation, les Français se posent beaucoup de questions sur leur pouvoir d’achat, eu égard à la baisse du prix de l’énergie, et plus particulièrement à celle du prix du pétrole.

Lorsque le prix du baril augmente, le prix de l’essence augmente : c’est pratiquement mathématique. Lorsque le prix du baril diminue – c’est le cas actuellement, puisque nous sommes passés de 140 dollars à 60 dollars –, le prix de l’essence diminue. Mais nous avons l’impression que c’est dans une moindre mesure et à un rythme inférieur. À l’entrée de l’hiver, la question du prix du fioul se pose tout particulièrement.

On nous a toujours dit que les prix de l’essence, du gaz et du baril étaient liés. Le prix du baril diminue, celui de l’essence aussi. Le prix du gaz, qui avait augmenté au mois d’août, baissera-t-il également ? Certes, il y a les taxes. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer le rythme des baisses de coût des différentes énergies, qui ont une influence directe sur le pouvoir d’achat des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement. Vous avez eu raison, monsieur Jardé, d’aborder ce sujet : c’est l’une des préoccupations majeures de nos concitoyens, car la part de leur budget consacrée à l’énergie est importante. Vous avez rappelé que le prix du baril de pétrole a été divisé par deux. Et vous voulez connaître la répercussion de cette baisse à la pompe pour l’essence, pour le fioul et le gaz.

Depuis début juillet, le cours du fioul à Rotterdam a diminué de 24 centimes d’euros par litre, alors que le prix à la pompe baissait, durant la même période, de vingt-sept centimes d’euros par litre. Il convient donc de souligner la bonne nouvelle de cette répercussion dans un environnement économique difficile.

S’agissant de l’essence, le prix du baril a baissé de 50 %. Il est vrai que la totalité de la baisse n’a pas été répercutée.

M. Maxime Gremetz. Non ! Nous en sommes loin !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. C’est d’abord dû au fait que, comme vous l’avez souligné, le prix de l’essence repose en grande partie sur des taxes. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Ensuite, durant la même période, l’euro, qui s’était fortement apprécié pendant plusieurs mois, s’est déprécié de 17 %. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) On ne peut que constater que ce qui est une bonne nouvelle pour notre industrie l’est moins pour notre facture énergétique.

S’agissant du gaz, les contrats d’approvisionnement sont à moyen terme, pour atténuer la volatilité des cours. Il va de soi que si la baisse se confirmait, d’ici à quelques mois, le Gouvernement diminuerait le prix pour les usagers, …

M. Maxime Gremetz. Et demain, on rase gratis !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. …répercutant ainsi la baisse du prix du baril.

Telles sont, monsieur Jardé, les informations que je voulais vous communiquer. Vous avez compris quelle était la politique du Gouvernement : transparence sur les prix, et, dans le même temps, répercussion, à chaque fois que c’est possible, en faveur du pouvoir d’achat des Français.

Mesures en faveur de l'emploi

M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jacques Grosperrin. Ma question s’adresse à M. François Fillon, Premier ministre.

Après plusieurs mois de stabilité, le chômage a brutalement augmenté au mois d’août. Les chiffres du mois de septembre devraient confirmer cette tendance.

Depuis un an, les économies mondiales connaissent une crise grave avec de très lourdes conséquences sur l’emploi. Nous le mesurons chaque jour un peu plus. L’industrie automobile – Peugeot dans mon département – ainsi que le tissu industriel des sous-traitants n’y échappent pas. Toutefois cela ne remet pas en cause le travail de longue haleine réalisé ces dix-huit derniers mois. Nous avons, en effet, réussi à passer sous la barre des deux millions de chômeurs – soit trois points de moins et, surtout, plus de 500 000 personnes qui ont retrouvé le chemin de l’emploi – avec, à la clé, le taux de chômage le plus bas depuis vingt-cinq ans à la mi-août.

M. Maxime Gremetz. Arrêtez !

M. Jacques Grosperrin. Cette baisse du chômage appelle, quoi qu’il en soit, une réaction forte. Nos concitoyens sont soucieux et nous comprenons fort bien leur légitime inquiétude pour leur emploi. Lors de son déplacement dans les Ardennes, le Président de la République a annoncé ce matin des mesures destinées à amortir les effets de la crise financière sur l’emploi. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Maxime Gremetz. Zorro !

M. Jacques Grosperrin. Il a annoncé que le cap était maintenu en ce qui concerne la fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC au sein du nouveau Pôle emploi et la réforme de la formation professionnelle avec l’accent mis sur la formation continue. Il a également annoncé deux mesures, à savoir la relance et l’augmentation des contrats aidés (Exclamations sur les bancs du groupe GDR)

M. Maxime Gremetz. Que n’a-t-il dit contre les contrats aidés !

M. Jacques Grosperrin. …ainsi que l’extension du contrat de transition professionnelle.

Pourriez-vous, monsieur le Premier ministre, détailler ces orientations et préciser la notion de sécurité sociale professionnelle ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi. Monsieur le député, comme vous venez de le rappeler, après le plan de soutien aux banques, indispensable pour sauver l’épargne des Français, après les mesures de soutien à l’économie et à l’investissement des PME, indispensables pour préserver l’avenir, le Président de la République vient de présenter dans les Ardennes,un département durement touché, notre feuille d’action pour l’emploi.

M. Michel Lefait. Enfin !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Nous allons traverser une période difficile. Plus encore que des chiffres, ce sont des hommes et des femmes qui se retrouvent en situation délicate. Tout doit être fait pour leur apporter une vraie sécurité.

M. Michel Lefait. La CAMIF !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. C’est ce que le Président de la République a appelé la sécurité sociale professionnelle.

Concrètement, il s’agit de répondre aux situations difficiles sur le terrain et de tout mettre en œuvre afin que les personnes qui perdent un emploi trouvent immédiatement de l’aide pour rebondir. Plus dure que la perte de l’emploi, est le sentiment que, lorsque vous perdez votre travail, vous n’en retrouverez pas un autre et que vous n’êtes pas véritablement accompagné et aidé, ce qui inacceptable.

Le but de la sécurité sociale professionnelle est de passer à un véritable accompagnement s’inscrivant dans une logique de retour à l’emploi.

Plusieurs chantiers sont devant nous.

Premièrement, le service public de l’emploi. Selon la veille logique, un service s’occupait de l’indemnisation, un autre du retour à l’emploi. Avec Pôle emploi, 45 000 agents seront uniquement dédiés à l’accompagnement personnalisé des demandeurs d’emploi.

Deuxièmement, la formation professionnelle. Les 26 milliards d’euros qui lui étaient consacrés étaient principalement destinés à financer des formations qui étaient en réalité des voies de garage. En luttant contre un certain nombre de corporatismes, notre but est de nous doter d’un véritable outil de formation au service du retour à l’emploi pour aider les gens à rebondir sur de nouveaux métiers.

Troisièmement, ne pas s’enfermer dans une logique défensive mais aller chercher les emplois de demain : les emplois de service, ceux liés au développement durable, les emplois du secteur du numérique ; avec Éric Besson, nous nous y employons.

M. Jean-Paul Lecoq. Et les emplois industriels ?

M. Maxime Gremetz. Et les délocalisations ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Et là où c’est difficile – à Sandouville, dans les Ardennes – nous devons nous doter des outils permettant d’accompagner ceux qui ont perdu leur emploi et d’aider les territoires qui se trouvent en difficulté.

N’ayons pas peur de dire que les outils actuels ne marchent pas. La convention de reclassement personnalisée n’est pas à la hauteur. Le Président de la République a proposé de rénover cet instrument et de se doter d’un contrat de transition professionnelle qui nous permettra partout en France, là où la situation de l’emploi s’est dégradée, de réagir rapidement.

Nous aurons besoin de l’énergie de tout le monde, du soutien du Parlement, d’une attitude, je l’espère, constructive de l’opposition, de négociations avec les partenaires sociaux car, mettre en oeuvre la sécurité sociale professionnelle, c’est tout faire pour protéger nos concitoyens et mieux les armer face à la crise. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Mesures en faveur de l'emploi

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Alain Vidalies. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Les mesures annoncées ce matin par le Président Nicolas Sarkozy ne sont pas à la hauteur de la crise sociale majeure qui s’annonce (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : pas un mot sur l’augmentation des salaires, notamment du SMIC (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), pas une seule mesure destinée à encourager la négociation sociale alors que la relance de la consommation est indispensable au retour de la croissance.

Quand le chômage redevient à juste titre la principale préoccupation des Français, quelle crédibilité accorder à un gouvernement qui, en supprimant 30 600 emplois, organise le plus grand plan social de France ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Quelle crédibilité accorder à un gouvernement qui dépense 5,5 milliards d’euros pour encourager les heures supplémentaires ? La France est le seul pays au monde à avoir inventé ce système absurde (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP), où l’heure supplémentaire coûte moins cher que l’heure normale, tout cela pour aboutir à une logique de destruction d’emplois financée par les fonds publics.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Et les 35 heures ?

M. Alain Vidalies. Le contrat de transition professionnelle n’est même pas généralisé, il est seulement étendu à certains bassins d’emploi, comme si seule une partie des Français subissait la crise. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

On frise le dérisoire quand le Président de la République offre comme perspective aux Français le développement des emplois de livreur de journaux à domicile. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) Comme à son habitude, il détourne les mots et les concepts et ose baptiser « sécurité sociale professionnelle » cet amalgame de mesures qui va, au contraire, accentuer la précarité des salariés.

Non, la sécurité sociale professionnelle, ce n’est pas la généralisation du travail du dimanche. La civilisation du caddie, beau projet pour la France !

Non, la sécurité sociale professionnelle, ce n’est pas encore plus de contrats à durée déterminée, c’est même l’inverse.

Non, la sécurité sociale professionnelle, ce n’est pas le recours aux officines privées pour remplacer le service public de l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Richard Mallié. Assez parlé !

M. Lucien Degauchy. La question !

M. Alain Vidalies. Pour tenter d’enrayer la crise, le Président de la République et la majorité ont accepté de payer l’addition salée des errements du système financier.

M. Louis Guédon. C’est un mensonge !

M. Alain Vidalies. Les salariés n’auront droit qu’au pourboire ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Vidalies.

M. Alain Vidalies. Extension des forfaits jours et des forfaits heures, heures supplémentaires qui augmentent mécaniquement le chômage, paquet fiscal qui prive l’État de ressources, franchise médicale qui fragilise les plus faibles, …

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. La question !

M. Alain Vidalies. …suppression d’emplois publics, tout cela est dû, non à la crise financière, mais à votre politique qui ajoute la crise à la crise.

Les Français attendent une autre politique, monsieur le Premier ministre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Henri Emmanuelli. Encore le stagiaire !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi. Monsieur Vidalies, je parlais d’attitude constructive de l’opposition, je ne suis pas déçu : que de caricatures dans vos propos ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je vais reprendre une à une les quatre contrevérités que vous venez d’énoncer.

Selon vous, il ne fallait pas aider le système bancaire ni soutenir le système financier.

Plusieurs députés du groupe SRC. Il n’a pas dit cela !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Je suis désolé, monsieur Vidalies, mais si nous avons sauvé les banques ce n’est pas pour les banques elles-mêmes mais pour sauvegarder l’épargne des Français, notamment les petites économies de tous ceux qui nous regardent et nous entendent. Je les renvoie à l’attitude consternante que vous avez eue au moment du vote de ces mesures : vous ne leur avez même pas apporté votre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Deuxième contrevérité : il n’aurait pas fallu mettre en place d’exonération des heures supplémentaires et notre pays serait le seul à avoir un tel dispositif. Mais la vérité, monsieur Vidalies, c’est que notre pays était le seul à avoir les 35 heures. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Et pour cause : aucun autre pays n’en voulait ! Le dispositif des heures supplémentaires a permis d’engager un processus de réhabilitation du travail.

Troisième contrevérité : en matière de politique de l’emploi, il n’y a qu’une seule mesure à mettre en œuvre, les contrats aidés.

M. Alain Vidalies. C’est vous qui voulez les mettre en place !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Monsieur Vidalies, telle n’est pas notre approche. Les contrats aidés sont un instrument qui peut être utile mais ce n’est pas l’alpha et l’oméga de toute politique de l’emploi. On ne saurait s’en contenter, car c’est ainsi que toutes les politiques de l’emploi précédentes ont échoué.

Quatrième contrevérité : le traitement social du chômage serait préférable à la sécurité sociale professionnelle. Or ce traitement social équivaut à indemniser passivement le chômage, à payer des formations aux demandeurs d’emploi juste pour les faire attendre, à établir des contrats aidés pour des personnes qu’on n’aide pas ensuite à rebondir et à trouver un emploi. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Alors, oui, monsieur Vidalies, nous préférons la sécurité sociale professionnelle, nous préférons mener une réforme de la politique de l’emploi et de la formation professionnelle, nous préférons aller chercher de nouveaux emplois, notamment dans le secteur des services, nous préférons investir dans ce que sera un service public de l’emploi rénové.

J’ai entendu ce matin un socialiste dire que le Gouvernement agissait trop. Cela m’a rappelé François Mitterrand qui déclarait : « Face au chômage, nous avons tout fait » ou encore, plus récemment, Lionel Jospin qui affirmait à Vilvoorde : « Il n’y a rien à faire ».

Monsieur Vidalies, nous ne voulons pas de ce fatalisme. Face à la crise, il ne s’agit pas de dire que le Gouvernement agit trop, il faut au contraire considérer qu’on n’agit jamais assez et qu’il faut tout entreprendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Henri Emmanuelli. C’est n’importe quoi !

Crise financière

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Roland Muzeau. Monsieur le Premier ministre, on chiffre aujourd’hui à 30 000 milliards de dollars le fiasco du capitalisme à l'échelle mondiale. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous êtes aussi responsable de ce gâchis.

N’avons-nous pas entendu le Président en campagne ambitionner de développer le crédit hypothécaire pour les ménages, les subprimes à la française ?

N'avons-nous pas entendu que notre système de retraite par répartition était dépassé, qu'il fallait privilégier les fonds de pension et l'assurance du risque dépendance par le privé ?

C'est aussi la loi TEPA, le bouclier fiscal, les 15 milliards de cadeaux aux plus fortunés.

Les résultats, nous les connaissons : les prédateurs ont semé les germes de la misère mondialisée.

Vos champions, monsieur le Premier ministre – élites, banquiers, experts, organismes de notation, gendarmes de la bourse – sont tous au tapis, tous coresponsables de ce système.

Vous prêtez des centaines de milliards d'euros aux banques et aux fauteurs de crise, mais n'exigez pas que l'État prenne des minorités de blocage. Oui, les député-e-s communistes et républicains ont eu raison de voter contre votre plan.

Rien, en revanche, pour les deux millions de Français surendettés, les retraites, le SMIC, les salaires ; rien pour l'emploi et l'économie réelle. Mais la chasse aux chômeurs est ouverte.

Renault, PSA, la SNECMA, la Redoute, la CAMIF, ArcelorMittal, les heures supplémentaires, le travail le dimanche ou le recours au CDD, outils de flexibilité indispensables au néolibéralisme sont plus que jamais d’actualité.

M. Éric Diard. C’est du charabia !

M. Roland Muzeau. Notre pays est entré en récession. La situation exige des réponses nouvelles, telles que l'abandon définitif de la privatisation de La Poste, la création d'un pôle financier public avec la Caisse des dépôts et consignation et la Banque postale, une autre utilisation de la trentaine de milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales au service de l'emploi, des salaires, des retraites, des minima sociaux, la suppression des niches fiscales.

Monsieur le Premier ministre, par-delà les mots allez-vous passer aux actes et vous ranger à l'exigence que le travail doit être mieux rémunéré que le capital ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, j’ai entendu beaucoup de caricatures assez éloignées de ce qu’est la crise économique que traversent toutes les économies du monde. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Il s’agissait en priorité d’éviter le cataclysme lié à la crise financière ; tel a été l’objet du plan qui a été concerté au niveau européen à l’initiative de Nicolas Sarkozy et qui a permis de relancer, par des liquidités, le crédit interbancaire.

Il fallait, non sauver les banques, mais les épargnants, les déposants qui avaient besoin de ces liquidités. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

M. Maxime Gremetz. Ce sont les spéculateurs que vous avez sauvés !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Qu’auriez-vous dit si le Gouvernement n’avait pas permis l’accès à ce crédit, ni aux épargnants de récupérer leurs liquidités ? C’était la priorité et c’est ce que nous avons mis en œuvre.

Parallèlement, il fallait agir sur la situation économique. C’est ce qu’a annoncé le Président de la République la semaine dernière en prenant des mesures extrêmement fortes, attendues par notre industrie.

Je pense notamment à la réforme de la taxe professionnelle qui pèse sur nos investissements. Dorénavant, les nouveaux investissements seront exonérés de cet impôt. C’est un signal fort que nous envoyons en direction des nouveaux investisseurs ou de ceux qui sont présents sur notre territoire.

Je pense aussi au fonds qui a été créé et qui permettra de soutenir nos grands groupes industriels qui en ont aujourd’hui besoin...

M. Maxime Gremetz. Renault !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. ...dans une compétition sévère et une crise économique mondiale.

Enfin, le Président de la République a annoncé, aujourd’hui, des mesures en faveur de l’emploi, parce que, dans les moments difficiles que nous traversons, notre politique doit aussi se tourner vers ceux qui en ont le plus besoin. C’est l’objet de ces mesures qui s’ajoutent à la mise en place du RSA et à la revalorisation de certains minima sociaux.

Vous le voyez, nous avons réagi à la fois à la crise financière, à l’investissement dans notre pays et en faveur des plus fragiles de nos concitoyens.

M. André Gerin. Démagogie !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Volontarisme et détermination : tels sont les moteurs de la politique menée par le Gouvernement face à la crise financière que nous traversons. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)

Prix du gaz

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Ferrand, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Michel Ferrand. Monsieur le secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation, Mme Chantal Brunel s’associe à moi pour vous poser cette question.

Les ménages français qui se chauffent au gaz ont subi, depuis le début de l'année 2008, trois augmentations successives du prix du gaz : plus 4 % au 1er janvier, plus 5,5 % au 30 avril et plus 5 % au 15 août, augmentations justifiées chaque fois par la hausse des cours du pétrole.

M. Henri Emmanuelli. Merci Suez !

M. Maxime Gremetz. Merci Sarkozy !

M. Jean-Michel Ferrand. Alors que le prix du pétrole ne cesse aujourd'hui de baisser, il semblerait qu'une baisse du prix du gaz ne soit pas envisagée avant la fin de l'année.

Dans un contexte difficile pour les ménages et alors que les premières factures de chauffage vont arriver, il est urgent de répercuter dès maintenant la baisse du prix du pétrole sur celui du gaz.

M. Michel Lefait. Allô ! Allô !

M. Jean-Michel Ferrand. De la même manière, il est indispensable que, très rapidement, les compagnies pétrolières répercutent la baisse du prix du pétrole sur celui des carburants à la pompe, en faveur des consommateurs.

Depuis plusieurs mois, le pouvoir d'achat des Français a été éprouvé par les hausses successives du prix des carburants. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Aujourd'hui, ils doivent profiter au plus tôt de la baisse des cours.

M. Maxime Gremetz. L’État remplit les caisses !

M. Jean-Michel Ferrand. Pouvez-vous m'indiquer, monsieur le secrétaire d'État, les mesures que vous entendez prendre afin que le prix des carburants baisse aussi vite que le prix du pétrole et que celui du gaz diminue au plus tôt pour les 7 millions de ménages français qui l'utilisent pour se chauffer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation, porte parole du Gouvernement. Monsieur le député, vous avez compris que la politique du Gouvernement à l’égard des compagnies pétrolières est faite, assurément, de dialogue, mais également de fermeté.

M. Maxime Gremetz. Et d’arrosage !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. C’est ce qui avait conduit Christine Lagarde, Hervé Novelli et moi-même à réunir les compagnies pétrolières au cours de l'hiver dernier en vue d’obtenir de leur part qu’elles lissent les hausses et répercutent intégralement les baisses. C’est ce qui s’est passé au deuxième trimestre de cette année puisque, vous l’avez rappelé, dans une situation de forte augmentation du prix du baril jusqu’au début du mois de juillet, 85 % de cette hausse a été répercutée de manière lissée. Depuis nous avons obtenu une répercussion de la baisse.

J’ai eu l’occasion d’évoquer précédemment le prix du fioul. Je peux vous informer, monsieur Ferrand, sur celui de l’essence.

M. François Brottes. Hors sujet !

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Parlez-nous du gaz !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Depuis juillet, le litre a baissé de 23 centimes d’euro à Rotterdam et de 25 centimes à la pompe. La répercussion a donc bien eu lieu.

En ce qui concerne le prix du gaz, comme je l’ai déjà indiqué, nous sommes engagés dans des contrats de moyen terme. Naturellement le Gouvernement répercutera les baisses si elles sont durables sur le marché international du gaz. Cela étant, il n’a pas attendu de telles baisses pour mettre en place à destination des ménages les moins favorisés le tarif social du gaz. C’est chose faite. Ce tarif concernera 1,1 million de Français dont la réduction de la facture pourra aller jusqu’à 118 euros. Cette réponse vient en complément de la prime à la cuve qui a été portée à 200 euros cette année et bénéficiera à plus de 800 000 foyers.

Vous pouvez le constater : nous négocions et obtenons des répercussions de l’évolution des cours tout en prenant des mesures favorables aux ménages les moins favorisés. Telle est, monsieur Ferrand, la politique que nous menons aujourd'hui en ce qui concerne le marché de l’énergie.

Forum Asie-Europe

M. le président. La parole est à Mme Marie-Louise Fort, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Marie-Louise Fort. Madame la secrétaire d’État chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme, samedi dernier, alors que la crise financière était au cœur de l’actualité internationale, s’est tenu le sommet Asie-Europe. La nombreuse participation des dirigeants européens et asiatiques a fait de cette rencontre la plus importante jamais organisée. Elle s’est achevée sur un large consensus quant aux moyens de traiter la crise financière mondiale.

Les dirigeants européens et asiatiques se sont engagés, dans leurs déclarations, à entreprendre une réforme efficace et complète des systèmes monétaires et financiers internationaux. Après deux jours de dialogue à Pékin, ils se sont dits prêts à présenter ces positions lors de la réunion du G 20 prévue pour la mi-novembre à Washington.

Les dirigeants ont appelé à une plus grande régulation de l’économie mondiale et à une plus forte implication du Fonds monétaire international dans l’assistance aux pays affectés par la crise du système financier.

Madame la secrétaire d’État, à l’heure où les dirigeants européens se doivent de redonner confiance aux acteurs économiques, pouvez-vous nous détailler les mesures prises à l’issue de ce forum et nous éclaircir sur les conditions d’organisation du G 20 aux États-Unis ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Rama Yade, secrétaire d’État chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme. Madame Fort, le septième sommet de l’ASEM s’est en effet tenu à Pékin les 24 et 25 octobre derniers. Il s’agit de la plus grande réunion de ce forum depuis qu’il a été lancé à Bangkok en 1996.

Il réunissait pour la première fois 43 pays – 27 pays européens et 16 pays asiatiques – ainsi que la Commission européenne et le secrétariat de l’ASEAN. En sa qualité de présidente de l’Union européenne, la France a coordonné le sommet aux côtés de la Chine.

Quel en a été le bilan ?

Parmi les trois textes adoptés, figure une déclaration sur la crise financière diffusée dès le premier jour du sommet. À travers ce texte, les 43 pays ont salué l’initiative française de tenir un sommet à Washington le 15 novembre 2008 et souligné la nécessité de réformer le système financier international dont la crise a révélé les défaillances.

Ils sont également convenus que des règles communes devaient être adoptées par l’ensemble de la communauté internationale pour réguler les mouvements de capitaux, la réforme du système financier devant en outre se fonder sur des principes de transparence, de responsabilité et de surveillance accrues.

La réunion de l’ASEM a aussi permis au chef de l’État d’avancer dans la préparation de ce sommet sur la crise, notamment avec nos partenaires asiatiques. Il s’agit de refonder l’architecture même du système financier international. Il l’a dit à ses homologues chinois, coréens, indonésiens et japonais qui ont tous marqué leur intérêt pour cette initiative.

Tout comme l’Assemblée générale des Nations unies, l’ASEM est un forum politique incontournable pour renforcer la communauté d’intérêts entre deux des trois pôles économiques principaux de l’économie mondiale.

Les deux autres déclarations adoptées à l’issue du sommet comportent quelques avancées notoires qu’il convient de souligner. En matière de droits de l’homme, par exemple, la référence au soixantième anniversaire de la Déclaration universelle et le respect des principes qui y sont énoncés – référence introduite après plusieurs mois de négociation et sur initiative française – figure pour la première fois dans le chapeau de la déclaration de la présidence.

En ce qui concerne les changements climatiques, la déclaration sur le développement durable appelle la communauté internationale à se fixer des objectifs plus ambitieux que ceux qui ressortent du quatrième rapport d’évaluation du GIEC. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)

Justice

M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Aurélie Filippetti. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux.

Dans tous les palais de justice de France, magistrats, avocats, personnel pénitentiaire, éducateurs se mobilisent. Le pouvoir est accusé, et à juste titre, de caporaliser la justice (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) – et ce par tous les syndicats de magistrats, quelle que soit leur sensibilité, de droite ou de gauche – et de mener une politique qui ne se donne pas les moyens d’une justice décente et digne.

Oui, les pratiques autoritaires d’intervention permanente du pouvoir dans le cours de la justice installent dans l’opinion publique l’idée que les juges sont aux ordres (Protestations et huées sur les bancs du groupe UMP), en violation des principes constitutionnels de séparation des pouvoirs.

Le Conseil supérieur de la magistrature vient d’ailleurs de déclencher une enquête, fait unique dans l’histoire de la justice, sur ces abus de pouvoir qui sapent l’un des fondements de notre démocratie. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. C’est scandaleux !

Mme Aurélie Filippetti. Oui, votre gouvernement a échoué à mener à bien une politique qui donne à la justice les moyens de fonctionner. C’est le résultat des choix de Nicolas Sarkozy et d’une politique sécuritaire, sans moyens pour la justice et le pénitentiaire.

La logique répressive s’accentue au fil des réformes, aggravant la surpopulation carcérale : 63 000 détenus pour 50 000 places dans les maisons d’arrêt, 93 suicides à déplorer depuis le début de l’année ! Et le budget de la justice, par habitant, nous fait tomber au trente-septième rang sur quarante-sept en Europe.

M. Jean-François Copé. Mais quelle est la question ?

Mme Aurélie Filippetti. Le mouvement des magistrats, madame la garde des sceaux, souligne ce manque de cohérence et l’inefficacité des réformes récentes, qui fragilisent toujours davantage l’autorité judiciaire.

Madame la garde des sceaux, cette politique est un fiasco. Le Gouvernement compte-t-il encore longtemps semer le désordre dans la justice de notre pays ? Que comptez-vous faire pour redonner à la justice une image à la hauteur de notre démocratie ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, ne déformez pas la réalité. Les Français attendent de nous que nous les protégions et que nous améliorions leur vie.

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La mission du garde des sceaux, c’est d’assurer leur sécurité, je le rappelle, je persiste et je signe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Albert Facon. C’est la tâche du ministre de l’intérieur, pas la vôtre !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Oui, je resterai vigilante dans l’application de la politique pénale ! Les Français nous l’ont demandé. Que les récidivistes soient condamnés, que les délinquants dangereux ne soient pas remis en liberté sans surveillance (Applaudissements sur les mêmes bancs), que les victimes obtiennent réparation : voilà ce qu’attendent les Français.

Je souhaite également que nos concitoyens soient égaux devant la justice et devant les juridictions. L’indépendance de la justice est une garantie pour eux.

Madame la députée, j’agis là où vous commentez. Vous demandez des commissions d’enquête, et vous me reprochez les inspections. Vous demandez des poursuites fermes, et vous me reprochez de faire appliquer la loi pénale. Vous ne votez pas les réformes pénales. Vous demandez plus de moyens, et vous ne votez pas le budget de la justice, qui est en hausse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Comme vous tous, et comme tous les Français que vous représentez, nous sommes très attachés à l’indépendance de la magistrature. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.) À aucun moment cette indépendance n’a été remise en cause. En tout état de cause, au-delà de vos polémiques, les Français vous jugeront et nous jugeront. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Cumul emploi-retraite

M. le président. La parole est à M. Lucien Degauchy, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Lucien Degauchy. Ma question s’adresse à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.

M. Marcel Rogemont. Et du chômage !

M. Lucien Degauchy. Alors que notre assemblée s’apprête à débattre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, une étude, publiée hier par la DARES – la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques – nous rappelle le retard pris par notre pays en matière d'emploi des seniors…

M. Régis Juanico. Bravo, Fillon !

M. Lucien Degauchy.…notamment sous la forme du cumul emploi-retraite.

Ce retard handicape notre économie, mine notre croissance et compromet le financement de notre protection sociale et de nos retraites. Des règles trop complexes limitent aujourd’hui ce cumul emploi-retraite, puisque quelques milliers de personnes seulement peuvent en profiter. Ce dispositif est mal compris par nos concitoyens, car il les prive de conjuguer petite activité et retraite. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je vous demande un peu de sérénité ! Veuillez écouter votre collègue !

M. Lucien Degauchy. C'est une sanction qui leur paraît injuste. Alors que le Gouvernement souhaite remettre le travail au cœur de notre modèle social, il faut modifier cette situation.

Monsieur le ministre, pouvez-vous détailler les mesures que compte prendre le Gouvernement en vue d'assouplir la réglementation du cumul emploi-retraite ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Monsieur le député, si nous voulons que le cumul emploi-retraite marche, il faut que le système soit simple et efficace.

M. Pascal Terrasse. Cela veut dire qu’en 2003, il était compliqué !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Aujourd’hui deux critères bloquent le cumul emploi-retraite.

D’abord, vous devez attendre six mois après avoir liquidé votre retraite pour retravailler chez le même employeur. Si vous votez le PLFSS pour 2009, cette clause sera supprimée au 1er janvier 2009. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Puis, lorsque l’on reprend une activité après avoir liquidé sa retraite, il y a un plafond : la retraite et les revenus ne doivent pas dépasser le montant du dernier salaire. Quel est, en vérité, l’intérêt de poursuivre son activité ? Cette clause sera également supprimée au 1er janvier 2009. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Nous allons faire simple : si vous êtes âgé de plus de soixante ans et que vous avez droit à une pension complète, vous pourrez cumuler en toute liberté emploi et retraite, de façon à libérer, enfin, le cumul emploi-retraite. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Cela nous permettra de laisser derrière nous les chiffres de l’emploi des seniors : 38 % d’entre eux sont encore en activité dans notre pays, contre 70 % en Suède, la moyenne européenne étant de 50 %. Il s’agit d’un gâchis social, économique et humain.

Même si cela ne relève ni de la responsabilité du Gouvernement ni de celle des parlementaires, on peut aller plus loin, en donnant une incitation supplémentaire : ce choix appartient aux partenaires sociaux, car, dès lors qu’il est possible d’avoir une retraite complète, passé soixante ans, pourquoi continuer à payer les cotisations chômage (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) sachant que, si l’on est sans activité, on ne sera jamais au chômage, mais à nouveau à la retraite ? À ce compte, c’est une incitation, un gain, pour le salarié comme pour l’entreprise. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Cette idée est à débattre ; elle ne relève pas de notre responsabilité, mais elle peut nous permettre d’aller encore plus loin en matière de retour à l’emploi.

Nous devons donner les conditions de la liberté de choix. Ainsi, les entreprises, et surtout les salariés, pourront cumuler emploi et retraite à partir du 1er janvier 2009. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Crise financière et industrie automobile

M. le président. La parole est à M. Gérard Gaudron, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Gérard Gaudron. Monsieur le secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation, l’industrie automobile française est confrontée à de sérieuses difficultés. Député de Seine-Saint-Denis, je voudrais vous faire part de mes inquiétudes et de celles des personnels de l’usine PSA Peugeot Citroën d’Aulnay-sous-Bois, qui est le plus gros employeur et le plus important contributeur financier non seulement de la ville, mais aussi du département de la Seine-Saint-Denis. Ces inquiétudes font suite aux déclarations pessimistes des dirigeants de PSA Peugeot Citroën et de Renault qui ferment ponctuellement des usines, compte tenu de la baisse des commandes de véhicules neufs, estimée à 20 % d'ici à la fin de l'année.

M. Roland Muzeau. Prenez un peu sur les profits !

M. Gérard Gaudron. La quasi-totalité des sites des deux constructeurs est touchée pour plusieurs semaines par ces réductions massives de production, ce qui s'est rarement vu.

La situation des équipementiers et des entreprises sous-traitantes est également très préoccupante, car je rappelle que le secteur automobile emploie près de 2,5 millions de personnes, dans l'ensemble de la filière, ce qui équivaut à 10 % de la population active française.

Il faut absolument maintenir l'innovation et relancer les investissements en France pour préserver les emplois dans ce secteur économique qui a longtemps été le moteur de la croissance française.

Monsieur le secrétaire d’État, notre industrie automobile figure parmi les plus performantes du monde. Elle est innovante, ce qui repose notamment sur une main-d'œuvre de qualité. Vous avez indiqué que vous seriez vigilant sur ce dossier et le Président de la République a délivré un message fort pour ce secteur stratégique de notre pays, lors du récent Mondial de l'automobile.

M. Jean-Paul Lecoq. On voit le résultat !

M. Roland Muzeau. Dès qu’il ouvre la bouche, une catastrophe survient !

M. Gérard Gaudron. Pouvez-vous nous informer de la position du Gouvernement envers l'industrie automobile ?

Avez-vous, en particulier, envisagé de nouvelles mesures pour relancer le marché ? Comptez-vous inscrire à l'ordre du jour une initiative communautaire ? En effet, les usines de ces groupes délocalisées à l'étranger sont privilégiées et ne sont pas touchées par des arrêts de production comme dans notre pays, ce qui en période de crise, peut sembler paradoxal et injuste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Paul Lecoq. Il faut produire en France !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.

M. Maxime Gremetz. Il n’y a plus de ministres dans le Gouvernement, seuls les secrétaires d’État ont la parole !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député Gérard Gaudron, nous ne laisserons pas tomber notre industrie automobile. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) En effet, ce secteur est tout d’abord pour nous hautement stratégique de par son poids : ce sont 700 000 emplois directs ou indirects et 2,5 millions d’emplois sur l’ensemble de la filière. Ensuite, l’industrie automobile représente 1 % du produit intérieur brut, et 15 % des investissements en recherche et développement et en innovation. Enfin, les industries de sous-traitance directement liées à l’activité automobile sont présentes sur tous nos territoires.

Ce secteur traverse actuellement une période difficile.

M. Jean-Paul Lecoq. Il faut produire en France !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Même si nous avons enregistré, en France, depuis le début de l’année, une légère progression des immatriculations liée au système de bonus-malus, force est de constater qu’en Europe, nos constructeurs constatent un ralentissement des commandes.

M. Jean-Paul Lecoq. Et une augmentation des profits !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Que fait le Gouvernement face à cette situation ?

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Rien !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Il réagit au cas par cas pour faire face à l’urgence dans des situations difficiles. Je citerai plusieurs exemples. Christine Lagarde, Laurent Wauquiez et moi-même avons accompagné le Président de la République à Sandouville où nous avons mis en place des contrats de transition professionnelle.

M. Jean-Paul Lecoq. Vous avez oublié les équipementiers !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Dans le cadre d’un nouveau projet d’entreprise, nous avons cherché un partenaire industriel afin d’investir dans l’entreprise Heuliez située dans les Deux-Sèvres. Enfin, nous avons signé avec l’entreprise ThyssenKrupp de Vendôme la « charte automobile » qui permet de travailler avec l’ensemble des acteurs de la filière sur le bassin de vie.

De manière plus structurelle, il nous faut travailler sur la compétitivité de l’industrie automobile.

M. Maxime Gremetz. Encore des mots !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Dans cette optique et comme je l’évoquais tout à l’heure, le Président a annoncé la réforme de la taxe professionnelle. Songez, monsieur Gaudron, que la taxe professionnelle dans l’automobile cela représente, en moyenne, 150 euros par véhicule sur l’ensemble du territoire.

M. Maxime Gremetz. Et alors ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. C’est donc considérable.

Je pense aussi au triplement du crédit impôt recherche, mesure que vous avez votée dans la loi de finances de 2008 et qui concerne directement l’automobile. C’est une bonne chose pour nos investisseurs.

Vous le voyez, nous réagissons à court terme pour les restructurations en cours tout en misant sur le futur, parce que nous croyons à l’avenir de l’industrie automobile en France ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

PLFSS et budget de l hôpital

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le Premier ministre, vous présentez aujourd’hui, devant l’Assemblée nationale, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, qui connaîtra un déficit très largement supérieur à 10 milliards d’euros. Dans le même temps, vous augmentez la dette sociale de plus de 30 milliards d’euros.

Le budget que vous nous présentez pour l’hôpital est très largement insuffisant. Il implique notamment la suppression de dizaines de milliers d’emplois hospitaliers. Nous avons donc été particulièrement étonnés d’entendre le Président de la République parler de centaines de milliers de contrats aidés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Ne seraient-ils pas bien utilisés ainsi ?

Vous allez plonger les hôpitaux publics dans les déficits. Ils n’auront plus la capacité d’investir.

M. Lucien Degauchy. Vous avez plombé les hôpitaux avec les 35 heures !

M. Jean-Marie Le Guen. Il ne sera donc plus possible d’assurer l’avenir de nos hôpitaux et de notre système sanitaire.

Plutôt que de subir sans réagir la crise économique et sociale, ne serait-il pas temps de lutter contre la crise sanitaire qui se profile ?

Au moment où vous montrez beaucoup de sollicitude envers le système bancaire, ne serait-il pas utile de faire de même à l’égard de notre sécurité sociale (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR), d’alléger la dette sociale qui pèse sur elle, qui l’empêche d’investir et de se développer ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur Le Guen, vous savez très bien que le déficit de l’hôpital public n’est pas une fatalité. Vous le démontrez d’ailleurs à la tête du conseil d’administration de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Le déficit, cette année, sera de l’épaisseur du trait sur un budget de 6,8 milliards d’euros.

Dans le PLFSS que nous allons présenter avec Éric Woerth et Xavier Bertrand dans quelques instants, nous donnons à l’hôpital public les moyens de sa modernisation. (Murmures sur les bancs des groupes SRC et GDR.) On peut mieux gérer pour mieux soigner, et nous allons le faire de trois façons.

Nous assurons à l’hôpital public et à l’ensemble du secteur hospitalier des crédits en progression de 3,1 %, soit beaucoup plus que la croissance nationale. Nous consentons donc un effort important pour le financement des hôpitaux.

M. Pascal Terrasse. C’est moins que l’inflation !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Nous aidons les hôpitaux à revenir à l’équilibre, (« Comment ? » sur les bancs du groupe SRC) d’abord en les aidant financièrement à chaque fois que des engagements précis seront pris.

M. Maxime Gremetz. Vous supprimez des crédits et des emplois !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Nous créons également une agence nationale d’appui à la performance pour que des moyens logistiques leur soient donnés.

Enfin, le plan Hôpital 2012 va consacrer 10 milliards d’euros à la modernisation de nos hôpitaux, en particulier de nos hôpitaux publics.

La première salve des projets retenus a été rendue publique il y a quelques jours. Vous avez donc pu constater, monsieur Le Guen, que 93 % des crédits étaient consacrés aux hôpitaux publics. Nous pouvons mieux gérer pour mieux soigner dans nos hôpitaux. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Maintien des services publics dans les territoires

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Nicolas. Monsieur le secrétaire d’État chargé de l’aménagement du territoire, le service public à la française, c'est-à-dire le service rendu à tous nos concitoyens, fait partie intégrante de l'organisation de nos territoires.

Avec la désertification croissante de certaines régions, mais aussi l'augmentation de la population dans d'autres régions, avec les conséquences de la nécessaire réforme de l'État ainsi que la démultiplication des moyens de communication, force est de constater que l'organisation territoriale des services publics n’est plus du tout adaptée et que nos concitoyens sont inquiets de voir la qualité du service se dégrader.

C'est d’ailleurs pour répondre à cette inquiétude que fut signée en 2006 une charte entre les associations d'élus et les grands opérateurs : EDF, La Poste – et, bientôt, GDF.

Pour autant, l'organisation du service public, ou du service au public, notamment en milieu rural, inquiète nombre d'élus et de nos concitoyens, car les actuelles commissions départementales ne disposent pas de capacités suffisantes et rencontrent de grandes difficultés à faire émerger des projets de services.

Dès lors que l'État est garant de l'égalité entre les citoyens, son devoir est d'agir afin que, dans chaque territoire, les habitants bénéficient des services essentiels dans de bonnes conditions d'accessibilité et de qualité.

Aussi, monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous exposer à la représentation nationale la stratégie gouvernementale en matière d'organisation des services publics, notamment en milieu rural, dans les territoires les plus touchés par la réforme de l'État ? Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Hubert Falco, secrétaire d’État chargé de l’aménagement du territoire.

M. Hubert Falco, secrétaire d’État chargé de l’aménagement du territoire. Monsieur Jean-Pierre Nicolas, oui, le service public maintient la solidarité, le lien social, la vie des gens.

Soyons réalistes, ...

M. François Hollande. Oui ! Demandons l’impossible.

M. Hubert Falco, secrétaire d’État. ...le service public doit profondément se mutualiser et se contractualiser ; il doit, tout simplement, se transformer. Plus que jamais, il faut que les choses évoluent à l’échelle des territoires de vie de nos concitoyens. Il est donc indispensable de repenser et de refonder notre service public, et ce conformément à la loi de mai 2005, qui dispose que, dans aucun département, une fraction supérieure à 10 % de la population ne doit se trouver à moins de cinq minutes et de vingt kilomètres de trajet d’un point de contact de La Poste. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Un député du groupe SRC. Ce ne serait pas plutôt à plus de cinq kilomètres ou vingt minutes de trajet ?

M. Hubert Falco, secrétaire d’État. Nous travaillons à cette refondation avec l’ensemble des collectivités locales dans le cadre des contrats territoriaux et par le biais des pôles d’excellence rurale ; il s’agit, par exemple, des maisons de service public ou encore des maisons médicales, tous types de structures que vous organisez sur vos territoires. C’est en les adaptant en permanence que nous pourrons garder nos services publics bien vivants.

M. François Goulard. Bravo !

M. Hubert Falco, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les députés de gauche (« Oui, nous sommes là ! » sur les bancs du groupe SRC), je vous entends parler du maintien de ce service public essentiel qu’est La Poste. Vous savez parfaitement que nous allons maintenir ce service public…

M. Maxime Gremetz. En le privatisant !

M. Hubert Falco, secrétaire d’État. …, en appliquant purement et simplement la loi de mai 2005. Je vous ferai remarquer, pour répondre au reproche que vous nous faites, au moment où le Président de la République désigne une commission chargée d’examiner l’ouverture du capital de La Poste, que c’est vous, lorsque vous étiez au pouvoir, qui avez pour la première fois ouvert ce capital ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Il va falloir conclure, monsieur le secrétaire d’État.

M. Hubert Falco, secrétaire d’État. Les leçons que vous voulez nous donner, nous n’avons nullement l’intention de les appliquer, parce que nous pensons à la réalité et à la vie des gens ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Amiante

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Patrick Roy. Madame la garde des sceaux, chaque jour, dix personnes meurent de l’amiante. Si rien n’est fait, le drame atteindra le chiffre de 100 000 morts ! Cela concerne chaque Français puisque aucune décision n’a encore été prise concernant la masse énorme d’amiante présente sur le territoire. On l’estime à quatre-vingts kilos par habitant.

Pourtant, il y a plus d’un demi-siècle que la preuve est faite, indiscutable : l’amiante est un poison mortel. Comment a-t-on pu laisser faire ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Comment a-t-on pu laisser faire le crime ? Les premières plaintes ont été déposées en 1996. Il a fallu attendre dix ans, j’ai bien dit dix ans, pour que soit créé un pôle judiciaire.

Sa création a fait naître beaucoup d’espoir chez les victimes de l’amiante. À l’époque, les veuves de Dunkerque avaient même suspendu leur marche emblématique, dans l’espoir d’un procès pénal. Elles voulaient croire à vos promesses. Malheureusement, au fil des mois, ce pôle judiciaire a vu ses moyens en officiers de police considérablement amputés. Au point que, aujourd’hui, l’enquête piétine, l’enquête s’enlise ; les victimes s’interrogent ; le procès pénal pourrait bien ne jamais avoir lieu.

M. Guy Teissier. Oh là là !

M. Patrick Roy. Plus inquiétant encore, alors que des milliers de victimes ont défilé, sous la conduite de l’ANDEVA, dans les rues de Paris, jusqu’aux portes de votre ministère, vous ne les avez toujours pas reçues personnellement. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Maxime Gremetz. C’est scandaleux !

M. Patrick Roy. Avec mes collègues Christian Hutin, Bernard Cazeneuve et l’ensemble des autres députés socialistes, nous avons le sentiment très net que le Gouvernement cherche à enterrer le dossier. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

Ma question est double : allez-vous rendre au pôle judiciaire les officiers de police nécessaires pour aller au bout de l’enquête ? Allez-vous enfin, au vu de l’ampleur du drame, recevoir personnellement – nous sommes prêts à participer à l’entrevue – les victimes de l’amiante ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Roy, c’est un dossier douloureux, qui dure depuis longtemps, trop longtemps pour les familles des victimes et pour les victimes elles-mêmes. En effet, vous l’avez rappelé, les premières plaintes datent de 1996. Depuis, la France est le seul pays à avoir mis en place des dispositifs de protection des victimes, notamment par des mesures de préretraite et des dispositifs de réparation intégrale.

Monsieur le député, il faudrait savoir ce que vous voulez : vous me reprochez une atteinte à l’indépendance des magistrats, alors que j’agis comme je le fais parce que les dossiers sont à l’instruction ! (Murmures sur les bancs du groupe SRC.) Je le répète : les dossiers sont à l’instruction. Les juges sont indépendants. Ils mènent l’enquête, et sont responsables des actes de procédure. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est juste un petit rappel. (« Et les moyens ? » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Arnaud Montebourg. Avec quels effectifs de police ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les députés de l’opposition, je vous rappelle que ce dossier date de 1996 : il ne fallait pas vous priver à l’époque de mieux prendre en compte et de mieux considérer les victimes.

S’agissant des moyens, nous avons créé les pôles de santé publique et regroupé les dossiers liés à l’amiante. Dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire et du contentieux, nous avons prévu de créer des pôles spécialisés, notamment pour l’amiante.

M. Patrick Roy. Donnez des moyens !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je vous invite, à ce propos, à adopter le rapport Guinchard sur la réforme du contentieux et sur les pôles spécialisés. L’amiante est un sujet beaucoup trop sérieux pour vos polémiques. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Depuis le mois de septembre 2008, les moyens de la cellule « amiante », avec des enquêteurs dédiés, sont passés de quatre à onze. Il s’agit d’enquêteurs spécialisés en ce domaine.

M. Patrick Roy. C’est faux !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Si, c’est vrai, monsieur Roy. Je vous dis que nous y mettons les moyens,…

M. Patrick Roy. C’est faux !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. …et je vous rappelle que le volet judiciaire relève de l’indépendance de la justice. Nous sommes passés, je le répète, de quatre à onze enquêteurs spécialisés.

Par ailleurs, le 10 octobre, le responsable de l’association, que nous avons eu encore au téléphone tout à l’heure, a été reçu à la chancellerie. Le jour de la manifestation, j’étais au ministère. Vous le savez bien puisque vous m’avez posé la question, il y a deux semaines – beaucoup plus gentiment que maintenant. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Je vous ai répondu sur le même ton, en vous disant que nous étions à la disposition du président de l’association pour le recevoir. Il le sait.

M. Éric Diard. Alors, monsieur Roy, pourquoi posez-vous la question ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour nous, il est très clair qu’il n’y a aucune volonté d’empêcher la manifestation de la vérité. Les Français ont droit à la vérité sur le dossier de l’amiante. Notre engagement, c’est de faire aboutir toutes les procédures. Sur ce sujet comme sur les autres, les Français ont droit à la vérité. Les victimes doivent être indemnisées, comme je l’ai décidé récemment, parce que je l’ai souhaité, pour les victimes du criminel Émile Louis, qui seront indemnisées. C’est aussi cela, la mission de la justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Projet de loi de finances pour 2009

Explication de vote et vote
sur l'ensemble d'un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2009.

La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, madame la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, dans un instant, vous serez invités à vous prononcer sur la première partie du projet de loi de finances pour l’année 2009.

Je voudrais, à cette occasion, rappeler brièvement l'esprit dans lequel nous avons élaboré ce budget : il est fondé sur la transparence et sur l'action.

Il est fondé sur la transparence, et c'est pour cela qu'il n'est pas soluble dans la crise. Si la croissance est plus faible et les recettes moins bonnes que prévu, il n'y aura ni hausse d'impôt ni mesures rectificatives sur les dépenses. Si des informations plus précises nous conduisent à réviser, dans les prochaines semaines, nos hypothèses de croissance et de recettes, nous en informerons sans délai votre assemblée. Nous constaterons en toute transparence la dégradation du déficit. Vous avez donc débattu de mesures fiscales pérennes qui ne sauraient être soumises à discrédit.

Ce budget est aussi fondé sur l'action parce que nous réalisons un effort structurel colossal sur la dépense : l’équivalent d’un demi-point de PIB, soit 10 milliards d'euros. C'est bien sur la maîtrise de la dépense qu'il faut se concentrer, parce que c'est elle qui nous mettra en position de profiter d'un retour à meilleure fortune de l'économie internationale et que, dans ce monde où la liquidité se raréfie, c’est elle qui garantit la solvabilité de l'État.

La discussion des budgets des différentes missions, qui a déjà commencé en commission et se poursuivra en séance à partir du 4 novembre, est donc au moins aussi importante que l'examen de la première partie. Elle sera l'occasion de constater que tous les ministères font des gains de productivité tout en ayant les moyens de leurs politiques.

D’ailleurs, dans les prochains jours, je déposerai un amendement aux crédits de la mission « Travail et emploi », afin de financer les 100 000 contrats aidés supplémentaires annoncés tout à l’heure par le Président de la République. Leur financement sera assuré sans dégradation du solde budgétaire, grâce à la réserve de précaution.

À l'issue de ce débat, je voudrais, mesdames et messieurs les députés, vous adresser mes remerciements. Je vous remercie en particulier du climat dans lequel nous avons travaillé.

M. Jean-Pierre Brard. La banquise fond ; la noyade est assurée !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Je crois que chacun a su s’en tenir à l'essentiel, en cette période de crise, et que nous avons collectivement évité de nous enferrer dans des débats particuliers. Chacun a pu s'exprimer en toute liberté et en toute clarté, et le Gouvernement, je le crois, a été à l'écoute, dans le cadre du respect mutuel que nous nous devons.

Ce climat nous a permis de trouver des solutions consensuelles, notamment en ce qui concerne la défiscalisation des biocarburants, ou d'améliorer le texte du Gouvernement, par exemple sur l’évolution des dotations de l'État aux collectivités territoriales.

C'est vrai, nous avons différé la discussion de certains sujets en seconde partie de cette loi de finances. Pour moi, il ne s’agissait pas de botter en touche : ces sujets seront examinés, comme je m'y suis engagé, et je souhaite que nous poursuivions, dans le même esprit, le dialogue sur plusieurs points importants – le bouclier fiscal ou le plafonnement global des niches fiscales, en particulier.

Pour finir, je voudrais remercier l'ensemble de la représentation nationale pour la qualité des interventions : la majorité pour sa présence, ses interventions, son engagement et son soutien à ce projet de budget ; l'opposition avec laquelle nous avons pu débattre courtoisement du fond. Je remercie plus particulièrement le président de la commission des finances et le rapporteur général, sans oublier tous les collaborateurs du ministère et les services de l'Assemblée nationale qui ont accompli, à nos côtés, un travail d'une très grande qualité.

De nos discussions, il résulte une majoration de 118 millions du déficit budgétaire par rapport au projet déposé par le Gouvernement. Le déficit prévisionnel pour 2009 atteint ainsi 52, 2 milliards d'euros. Il me semble que le souci de l'intérêt général et le sens des responsabilités qui nous animent tous ont permis d'amender ce budget, sans porter gravement atteinte à son équilibre général.

C'est pourquoi je vous appelle à voter cette première partie du projet de loi de finances pour 2009, qui est au service de l'avenir et de tous les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

M. Jean-Pierre Brard. Les bourses se redressent !

M. Roland Muzeau. Tout va bien !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, je joins ma voix à celle d’Éric Woerth pour vous remercier tous de la qualité de nos débats autour de ce projet de loi de finances.

Je tiens à remercier tout particulièrement M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances qui ont rendu cette discussion efficace autant que productive.

En m’adressant à vous lundi dernier, je vous le disais : nous ne vivons pas des temps ordinaires. Ce texte ne l’est pas non plus : c’est un projet de loi de finances de crise comme en témoignent certaines dispositions qui y figurent.

Dans le collectif budgétaire, je vous proposerai d'adapter l'exonération de la taxe professionnelle pour les investissements réalisés entre le 23 octobre 2008 et le 31 décembre 2009. Nous travaillons aussi à la création du Fonds stratégique d'investissement annoncé par la Président de la République, afin d’apporter des fonds publics aux meilleurs projets d’investissement de nos entreprises stratégiques. La France investit dans ses entreprises pour que celles-ci investissent dans l'avenir et concourent ainsi au maintien de l’activité, à l’excellence de l’outil industriel et, plus globalement, à l’emploi.

Nos PME ont à craindre la rétractation de leur carnet de commandes mais aussi le tarissement du crédit. C'est pourquoi nous avons lancé un plan de financement de 22 milliards d’euros, mais aussi initié des discussions avec les assureurs crédit, afin de mettre en place un mécanisme de réassurance qui pourra suppléer à une éventuelle carence et éviter des retraits d’assurance brutaux.

S’agissant du projet de loi de finances, votre travail a permis des avancées significatives en matière fiscale, notamment dans le domaine de la fiscalité verte, signe que l'Assemblée nationale a décidé de prendre à bras-le-corps ce projet de croissance durable qui vous avait amené à voter, à la quasi-unanimité, le projet de loi relatif au Grenelle de l’environnement.

Merci à M. Le Fur d'avoir posé le principe de la « familialisation » du malus automobile, afin que les familles nombreuses ne soient pas désavantagées par le bonus-malus. La commission a utilement pris en compte, pour le calcul du malus, le bénéfice environnemental des véhicules flex-fuel. J'en remercie en particulier ceux d'entre vous qui, comme M. de Courson, ont également contribué à définir le régime fiscal du futur biocarburant E10.

Enfin, nous sommes parvenus à un compromis sur le niveau de défiscalisation atteint en 2011 pour les biocarburants de première génération. Le Gouvernement a fait un effort important en renonçant à statuer dès maintenant sur la disparition de la défiscalisation en 2012 ; vous avez également fait un pas en prenant en compte le fait que nous n'avons plus besoin, dans les conditions de marché actuelles, d'atteindre de tels niveaux de défiscalisation. Les producteurs bénéficient donc désormais d'un cadre pluriannuel sécurisé.

Je vous promets au moins trois débats importants, en seconde partie. Le premier portera sur l'équité ou la justice fiscale, donc sur les niches non plafonnées et sur le plafonnement global, pour lequel le Gouvernement s'est montré ouvert à une proposition constructive. Le deuxième débat portera sur la proposition du président de la commission des finances concernant la prise en compte des niches fiscales dans le calcul du bouclier fiscal, sous la forme d’une déduction du revenu global – j’imagine que sont visés le régime Malraux et celui des loueurs en meublé professionnels. Le troisième débat portera sur les emplois à domicile qui correspondent à un véritable besoin social.

Mesdames et messieurs les députés, j’espère que vous voterez ce projet de loi, amélioré par le travail productif que nous avons effectué jours après nuits. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de budget pour 2009 répond à la nécessité de garder le cap dans la crise financière que nous traversons.

M. Jean-Pierre Brard. Quand on tourne en rond, c’est difficile de garder le cap !

M. Roland Muzeau. Est-ce que ce projet est sincère ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Garder le cap signifie qu’il ne faut pas multiplier les baisses d’impôts et ainsi miner les recettes. Nous devons protéger nos recettes, n’est-ce pas, monsieur le président de la commission des finances ?

Garder le cap, c’est aussi s’abstenir de faire des coupes claires dans les dépenses. Nous devons ainsi poursuivre l’effort tendant à une maîtrise régulière, sans à-coups de la dépense publique. Cela étant, monsieur le ministre du budget, vous venez de le dire : cette maîtrise de la dépense ne doit pas nous priver de réagir à la situation économique, notamment en faisant des efforts de redéploiement pour soutenir l’emploi via les contrats aidés, ou un secteur comme le logement.

S’agissant des recettes, je voudrais souligner trois idées directrices. Première idée : protéger le niveau de nos recettes pour rester dans la perspective d’un retour à l’équilibre de nos finances publiques, même s’il s’annonce plus long que prévu. Pour atteindre cet objectif, il faut observer plusieurs principes. D’abord, nous ne pouvons pas nous permettre des baisses d’impôt systématiques tant que la croissance n’est pas revenue. Ensuite, nous ne pouvons compenser les moins-values de recettes, si la croissance n’est pas au rendez-vous, ni par une augmentation de la pression fiscale ni par des économies supplémentaires ou par des baisses de dépenses qui iraient à l’encontre de la politique menée pour surmonter cette crise financière.

Deuxième idée concernant les recettes : nous souhaitons mieux encadrer la dépense fiscale. Comme nous l’avons fait dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques adoptée la semaine dernière, nous nous sommes dotés d’un objectif de dépense fiscale pour 2009. Dans cette loi de finances pour 2009, nous avons aussi mis en pratique le principe de la stricte compensation : toute dépense supplémentaire doit être compensée par une économie d’un même montant.

Troisième idée : améliorer l’équité, la justice de notre système fiscal. Pour la première fois, nous allons enfin engager le plafonnement des niches fiscales.

M. Roland Muzeau. On va voir !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce plafonnement sera examiné en seconde partie. Outre la qualité de ce projet de budget pour 2009, je voudrais saluer la qualité du travail accompli. Madame la ministre, monsieur le ministre, je voulais vous en remercier, ainsi que l’ensemble de vos collaborateurs. À mes remerciements, j’associe très sincèrement le président de la commission des finances avec lequel j’ai travaillé en étroite liaison.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas la peine de le compromettre ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je voudrais aussi remercier nos collègues de la commission des finances et des autres commissions. Tout le monde a été très présent pendant cette semaine entière de débats budgétaires. Vous avez tous contribué à la qualité des débats en proposant des amendements extrêmement intéressants. Madame la ministre, monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir accepté nombre de ces amendements, en particulier dans le cadre des débats sur les biocarburants et les énergies renouvelables. Je voudrais enfin remercier la presse qui a bien rendu compte de nos travaux, ainsi que les différents présidents de séances, et l’ensemble de nos collaborateurs et des personnels de l’Assemblée qui nous ont permis de mener nos travaux dans de bonnes conditions.

En conclusion, je vous invite, mes chers collègues, à voter cette bonne première partie de la loi de finances pour 2009. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Pierre Brard. Nos collègues de l’UMP me semblent bien assoupis…

« Mais qui peut arrêter la crise ? », titrait ce matin le journal Metro. Une chose est sûre, madame la ministre, monsieur le ministre : pas vous !

M. Philippe Plisson. Très juste !

M. Jean-Pierre Brard. Vous n’avez pas l’outillage intellectuel et théorique nécessaire pour comprendre la situation. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Daniel Mach. Ce sont des propos minables et irrespectueux !

M. Jean-Pierre Brard. Je vous croyais assoupis, chers collègues de l’UMP…

Le projet de loi de finances pour 2009, encadré par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, l’exprime fort bien. Ce texte sera en effet un facteur d'affaiblissement de l'action de l'État, au moment où celui-ci devrait se muscler pour affronter une crise économique, financière et bientôt – du fait de votre politique – sociale majeure. Il est vrai que les prévisions économiques sur lesquelles sont bâties vos lois sont totalement irréelles. Pour croire le contraire, il faut l’optimisme inaltérable de Mme Lagarde qui a déclaré que les tuyaux de la finance étaient bouchés, et qu’ils se débouchaient. Faites donc appel à Joe le plombier, cher à McCain ! (Sourires sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

La phrase figurant dans le projet officiel daté du 26 septembre dernier témoigne de cet optimisme : « En 2009, la croissance se raffermirait progressivement en France, portant le taux de croissance annuel dans la fourchette de 1 % à 1,5 %. » Cet extrait montre à quel degré d'auto-intoxication le Gouvernement est parvenu. Et vous avez réédité l’exercice, madame Lagarde, le 14 octobre dernier, en annonçant le retour de la confiance dans les bourses, lesquelles se sont depuis chargées de vous démentir.

Selon vos prévisions d’aujourd’hui, le déficit pour 2009 atteindra plus de 52 milliards d'euros, au lieu de 41,2 milliards dans le PLF pour 2008. Or vous le savez bien, on parle de 62 à 65 milliards d’euros de déficit réel, ce qui fera passer la dette publique d’un peu plus de 65 % à 67 % du PIB. Quant aux niches fiscales, souvent injustifiées et injustes, elles atteindront cette année 73 milliards d'euros : les recettes fiscales en seront mitées d’autant.

La programmation pluriannuelle, qui oblige le Gouvernement à dévoiler ses intentions à moyen terme, suit la même pente de déclin de l'action publique, avec la baisse des crédits des missions « Travail et emploi », « Ville et logement » ou « Sport, jeunesse et vie associative », la poursuite de la suppression de dizaines de milliers d'emplois publics et la limitation des augmentations du point de la fonction publique à 0,5 % par an.

Les déclarations du Président de la République quant à la nécessaire intervention de l'État paraissaient pourtant claires et déterminées. Celle de Toulon, par exemple : « Alors, il faut bien que l'État intervienne, qu'il impose des règles, qu'il investisse, qu'il prenne des participations. » Mais ces grandes déclarations n'ont pas de suites concrètes dans le budget de la nation et ne se traduisent que par des milliards mis à la disposition des banques et des patrons de grands groupes.

Ainsi, dans les dispositifs de recapitalisation mis en place ces derniers jours, le Gouvernement prend soin de passer par des intermédiaires ou de limiter son intervention à des prêts subordonnés, qui ne lui donnent pas de droit de vote, se privant donc volontairement du moyen de peser sur les décisions des sociétés bénéficiaires, alors qu'il devrait au contraire, pour combattre la crise, donner les orientations et les impulsions conformes à l'intérêt général.

Les collectivités territoriales sont, elles aussi, durement frappées par cet affaiblissement de l'État. Entre, d’une part, la perspective d'une forte croissance des besoins sociaux des habitants dans la période de récession où nous entrons et, de l’autre, l'explosion du coût des remboursements d'emprunts, les baisses de ressources fiscales du fait du ralentissement économique et les difficultés pour trouver des financements à des taux acceptables, la baisse des dotations de l'État prévue dans ce PLF constitue une impasse.

M. le président. Veuillez conclure.

M. Jean-Pierre Brard. Je termine, monsieur le président. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

L'arrivée de la crise, que vous n’avez su empêcher faute de la comprendre, va d’abord frapper les ménages moyens et pauvres, ce qui ne vous a nullement incité à aller vers plus de justice fiscale. Vous avez défendu bec et ongles l'injustifiable bouclier fiscal, alors même que le président de la commission des finances a fait la brillante démonstration que, combiné avec les niches fiscales, il aboutissait à des iniquités.

M. le président. Merci, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre la première partie du PLF, comme nous avons voté contre le projet de loi de programmation des finances publiques. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Cela vous laisse cois, mes chers collègues, car vous êtes comme le Gouvernement : désemparés ! Pour vous en sortir, vous devriez nous écouter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Avant de donner la parole aux trois derniers orateurs inscrits dans les explications de vote, je fais d’ores et déjà annoncer le scrutin dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Charles de Courson. En ce contexte de crise économique, le Gouvernement a fait preuve de sincérité dans la présentation du volet dépenses du PLF pour 2009. Aussi, en termes de dépenses, ce dernier est-il sincère et responsable : les fameuses farces et attrapes budgétaires que nous avons dénoncées pendant des années ont quasiment disparu. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe UMP.)

La norme du « zéro volume » pour la croissance des dépenses de l'État est respectée, et cet effort de maîtrise se prolonge de manière inédite jusqu'en 2011, dans le cadre de la loi de programmation budgétaire pluriannuelle qui, notamment grâce au combat mené par notre famille politique, permet de fixer la trajectoire des finances publiques dans un objectif d'équilibre des comptes de l'ensemble des administrations publiques.

En outre, cette maîtrise de nos dépenses publiques se traduit par un double effort que le Nouveau Centre a toujours demandé : celui lié à la reprise de dette de l'AFITF et du FFIPSA dans le budget de l'État, et le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux – soit 30 627 emplois non remplacés –, tout en protégeant les territoires les plus fragiles.

Du côté des recettes, les prévisions sont beaucoup plus incertaines, notamment pour les impôts les plus sensibles à la conjoncture économique, tels que l'impôt sur les sociétés ou, dans une moindre mesure, la TVA. Le Gouvernement l’a d’ailleurs reconnu avec franchise, qui n’exclut pas de modifier le PLF d’ici au 14 novembre, date à laquelle notre pays transmettra à l’Union européenne le chiffre actualisé de ses finances publiques. L’amendement annoncé par les ministres afin d’augmenter le nombre d’emplois aidés va d’ailleurs dans ce sens.

Néanmoins, la crise financière et économique ne doit pas nous écarter de l’objectif d’équilibre de nos finances publiques à l’horizon de 2012, ce qui implique une double condition : ne pas relâcher les efforts pour rendre la dépense publique plus efficace et plus active ; ne pas augmenter ni diminuer les prélèvements obligatoires, ce qui est le cas puisque ceux-ci resteront à 43,2 % jusqu’en 2012. En période de crise, la priorité doit être de ne pas laisser filer les déficits, lesquels, dans le PLF pour 2009, progressent déjà de 7,7 milliards à périmètre constant par rapport au budget de 2008.

Afin d'améliorer le présent projet de budget, le groupe Nouveau Centre a fait de nombreuses propositions dans quatre domaines. C’est tout à votre honneur, madame la ministre, monsieur le ministre, de nous avoir globalement entendus.

En premier lieu, notre groupe se félicite d'avoir fait évoluer le Gouvernement en matière de justice fiscale dans trois directions.

Sur le plafonnement global des niches fiscales, le Gouvernement s'est engagé à déposer un amendement en seconde partie du texte afin de réduire la taxe de 1,1 % sur les revenus de l’épargne destinée à financer le RSA. Le Nouveau Centre maintient sa position : il était possible de financer la totalité du dispositif – 1,5 milliard d’euros – par un toilettage et un plafonnement des niches fiscales.

Par ailleurs, le Gouvernement s'est dit prêt à examiner le niveau du plafonnement de certaines niches fiscales, notamment celle qui vise à modifier le régime de la demi-part supplémentaire en la limitant, après le départ des enfants, aux contribuables ayant élevé seuls leurs enfants pendant au moins dix ans : nous en discuterons lors de l’examen de la seconde partie.

En outre, un amendement du groupe Nouveau Centre, adopté grâce au soutien de l’ensemble des forces politiques, prévoit de rendre imposable, au-delà de six fois le plafond de la sécurité sociale, pour un même attributaire, les indemnités perçues au titre du préjudice moral sur décision de justice.

En second lieu, le groupe Nouveau Centre regrette que ses propositions en faveur des collectivités territoriales n’aient pas été mieux entendues, notamment celle qui, par souci de transparence, visait à sortir le FCTVA, le fonds de compensation pour la TVA, du périmètre global des dotations et à afficher clairement la hausse de 0,8 % de l’ensemble des dotations – hors FCTVA – en faveur des collectivités territoriales. Il est en effet normal que ces dernières participent à l’effort de modération des dépenses publiques. En revanche, pour la DSU, notre suggestion en faveur d’une période transitoire a été entendue.

En troisième lieu, nous nous réjouissons de l’adoption de certains de nos amendements en faveur des PME : l’un visant à soutenir le développement à l'étranger des entreprises françaises ; un autre afin de permettre aux entrepreneurs individuels non-adhérents à un organisme agréé et faisant appel à un expert comptable autorisé par l'administration fiscale de ne pas se voir appliquer la majoration de 25 %. Cependant, dans la conjoncture difficile que nous traversons, il conviendrait d’amplifier les efforts vers les PME individuelles, notamment par la mise en place de la réserve spéciale d’autofinancement et la notion de patrimoine d’affectation.

Enfin, sur trois points, le Nouveau Centre a été entendu par le Gouvernement au sujet des biocarburants, dans le cadre du Grenelle de l’environnement :…

M. le président. Il va falloir conclure, mon cher collègue.

M. Charles de Courson. …les niveaux de défiscalisation, l’amendement relatif au régime fiscal de l’E10 – conformément aux engagements du Président de la République –, et l’institution, pour les voitures « flex-fuel », d’un abattement de 40 % afin de supprimer les malus sur la plupart de ces modèles.

En conclusion, le groupe Nouveau Centre votera en faveur de ce budget sincère et responsable, qui, grâce à l'adoption de certains de nos amendements, à fait l'objet d'importantes améliorations sur le plan de la justice fiscale, de la politique de soutien en faveur des PME et de l'environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jérôme Chartier. Le présent projet de budget est à la fois sincère (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP), volontaire et adaptable.

M. Paul Giacobbi. Même le Gouvernement ne le considère pas sincère !

M. Jean-Pierre Brard. C’est la béquille de l’Élysée !

M. le président. Mes chers collègues, veuillez écouter M. Chartier.

M. Jérôme Chartier. Vous noterez, monsieur le président, que j’ai été interrompu avant même de pouvoir m’exprimer : cela montre à quel point les socialistes sont mal à l’aise lorsque l’on parle de sincérité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Le présent texte est sincère, disais-je, car dès le mois de juillet, alors que d’autres hypothèses de croissance étaient avancées, le Premier ministre, la ministre de l’économie et des finances et le ministre du budget et des comptes publics avaient annoncé que le budget pour 2009 serait bâti autour d’une hypothèse de 1 %. Et dès le début de l’examen du texte, Christine Lagarde et Éric Woerth ont déclaré à la tribune de notre assemblée que, compte tenu de la crise économique et financière, les prévisions de croissance seraient différentes de celles que l’on attendait.

Toutefois, l’objectif de maîtrise des dépenses, à savoir le principe d’une croissance « zéro volume », sera maintenu. La seule croissance autorisée pour le budget de 2009 se fonde sur l’hypothèse d’une inflation à 2 %, ce qui correspond à 7 milliards d’euros, pas plus.

Autre preuve de la sincérité de ce PLF et de la détermination du Gouvernement : si les circonstances l’exigent et que les recettes diminuent, peut-être y aura-t-il plus de déficit, mais les Français n’en seront pas de leur poche, ils ne seront pas la variable d’ajustement du présent budget. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Voilà donc un budget sincère, et qui sait s’adapter à la situation. Je m’explique.

Mes chers collègues, l’heure n’est pas à la réduction subite des dépenses de l’État : elles sont déjà contraintes et il ne serait pas bon de les contraindre à nouveau brutalement.

Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Même celles de l’Élysée ?

M. Jérôme Chartier. Aussi le Gouvernement se montre-t-il responsable en maintenant le cap de ses dépenses et en disant haut et clair à tous les Français que leur porte-monnaie ne sera pas la variable d’ajustement.

Voilà donc un budget volontaire, faisant preuve d’adaptation et construit sur des perspectives sincères.

M. Jean-Pierre Balligand. Et voilà de la langue de bois !

M. Jérôme Chartier. J’ai entendu des orateurs socialistes, telle Mme Royal, faire l’amalgame entre les 360 milliards qu’on aurait trouvés pour les banques et ce qui pourrait venir financer l’économie française. Rappelons quelques principes : ces 360 milliards ne sont pas de l’argent gratuit. Ainsi, les 40 milliards destinés à aider les fonds propres des établissements bancaires ont un coût, c’est-à-dire un taux d’intérêt de 8 %.

M. Michel Sapin. Et qui paiera ces 8 % ?

M. Jérôme Chartier. Lorsque Mme Royal dit que cet argent est donné gratuitement aux banques, elle a tort.

M. Maxime Gremetz. C’est l’État qui spécule !

M. Jérôme Chartier. Cet argent doit soutenir les établissements bancaires afin que ceux-ci puissent financer l’économie réelle. Encore une fois, vous cherchez à tromper l’opinion publique.

Le refinancement de 320 milliards a également un coût : le taux d’intérêt des marchés bancaires, avec une marge de 0,5 % à 1 %. Par conséquent, l’État ne perd pas d’argent…

M. Maxime Gremetz. Les salariés en perdent, eux !

M. Jérôme Chartier. …lorsqu’il refinance les établissements bancaires. Au contraire, il soutient le système économique et financier qui permettra de financer l’économie réelle, les entreprises, les ménages.

Telle est la réalité de ce plan de soutien aux établissements bancaires qui n’a rien à voir avec le projet de budget dont nous parlons aujourd’hui. Lorsque vous dites que ce plan doit être inclus dans le projet de budget, non seulement vous faites fausse route, mais vous mentez à l’opinion publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Il va falloir conclure, mon cher collègue.

M. Jérôme Chartier. Pour mettre fin au suspense, monsieur le président, je préciserai donc que le groupe UMP votera ce projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), parce qu’il est sincère, volontaire et adaptable, mais, surtout parce que le Gouvernement a su se montrer responsable, tout comme l’Assemblée nationale, qui, comme l’a dit le ministre Éric Woerth, a limité ses attentes pour ne pas accroître le déficit, pour maintenir l’objectif de la dépense publique et, comme le disait Gilles Carrez, l’objectif de maîtrise des déficits.

M. Michel Vergnier. Bref, tout va bien !

M. Jérôme Chartier. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP apporte son total soutien au Gouvernement et votera le projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jérôme Cahuzac. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi, il nous est demandé de voter un budget dont tous, que nous soyons membres du Gouvernement, députés ou sénateurs, nous savons qu’il ne sera pas celui du pays l’année prochaine.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Eh non !

M. Jérôme Cahuzac. Avec 276 milliards d’autorisations de dépense – 350 si l’on y ajoute les prélèvements sur recettes – et 51 milliards d’endettement supplémentaire, la représentation nationale n’a pu déplacer que 118 millions d’euros. C’est la seule marge de manœuvre qu’a consentie le Gouvernement entre la préparation du budget, cet été, et le vote qui va intervenir dans quelques minutes, alors même que, entre-temps, une crise financière d’une ampleur sans égale depuis 1930 avait éclaté partout dans le monde, alors même que la France traverse une crise économique et sociale qui préexistait à la crise financière et qui, naturellement, lui survivra.

Il ne s’agit donc pas d’un budget sincère, mais d’un budget qui pourrait tomber sous le coup des lois relatives à la contrefaçon, un budget bâti grâce aux vessies de cet été dont vous voudriez faire des lanternes pour nous éclairer cet hiver et l’année prochaine, bref, un budget contrefait et insincère.

On peut d’ailleurs s’interroger sur les raisons pour lesquelles le Gouvernement a décidé de soumettre un tel texte au Parlement. S’agit-il simplement de demander à la majorité de faire preuve d’une absolue fidélité, d’une fidélité confinant à l’aveuglement ? Car il faut être aveugle pour accepter un budget fondé sur une hypothèse de croissance de 1 % à 1,5 % quand ce qui nous attend, l’année prochaine, c’est la stagnation au mieux, la récession très probablement, la dépression peut-être. Tout le monde le sait, tout le monde le dit, sauf les responsables des pouvoirs publics.

Il faut en effet beaucoup d’aveuglement pour voter un projet de budget prévoyant une baisse des crédits du ministère de l’emploi de quelque 5 %, quand chacun sait que, l’année prochaine, le chômage va augmenter dans des proportions considérables.

Il faut beaucoup d’aveuglement pour voter un projet de loi de finances qui fait des collectivités locales une variable d’ajustement budgétaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.) Ce sont elles, pourtant, qui assurent 70 % à 75 % de l’investissement public. Certes, le Président de la République a annoncé que l’État investirait 175 milliards. Mais il n’y a rien d’étonnant à cela : c’est ce qui était prévu et c’est la norme d’investissement public consenti par l’État. Mais cela ne représente que 20 % à 25 % de l’investissement public, le principal étant apporté par les collectivités locales. Si elles deviennent des variables d’ajustement budgétaire, elles seront contraintes de réduire leurs investissements, ce qui aggravera la crise économique et le chômage, notamment dans les territoires qui souffrent déjà le plus. (Mêmes mouvements.)

Oui, il faut beaucoup d’aveuglement pour adopter un budget qui ne respecte même pas les priorités que la majorité s’était fixées. Ainsi, les crédits du ministère du logement baissent, alors même que l’on s’apprête à détourner pour d’autres fins l’épargne réglementée et populaire, ce qui est scandaleux, inadmissible.

De même, on ne tient plus compte de la priorité que représente la recherche. Certes, le budget augmente, mais des centaines de postes de chercheurs sont supprimés. Quelle sorte de recherche publique espérez-vous construire, mes chers collègues ? Une recherche sans chercheurs, comme, en d’autres temps, vous rêviez d’industriels sans salariés ?

La priorité n’est pas non plus respectée en matière de justice : les personnels sont franchement méprisés par le ministère responsable du secteur, un ministère où règne l’incurie, un ministère totalement dépourvu de moyens pour que les professionnels exercent leur mission, une actualité récente l’a encore démontré.

Oui, décidément, il faut beaucoup d’aveuglement pour continuer à faire des heures supplémentaires l’alpha et l’oméga d’une politique de la demande qui est un échec patent, pour promouvoir une politique fiscale qui se caractérise par l’injustice et le scandale, pour refuser de revenir sur le bouclier fiscal, pour maintenir des dispositions qui font que des milliers de contribuables, parmi les plus aisés du pays, ne paient plus ni impôt ni CSG, quand le moindre salarié, fût-il à mi-temps, paie, lui, la CSG sur la totalité de ses revenus. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Il faut beaucoup d’aveuglement, mes chers collègues, pour ne pas respecter les priorités qu’on s’est fixées et pour s’obstiner à mener des politiques publiques qui sont d’ores et déjà sanctionnées par l’échec, un échec qui ne pourra que s’aggraver, la crise financière ne pouvant qu’aiguiser la crise économique et sociale.

Mes chers collègues, c’est donc sans surprise que le groupe socialiste, radical et citoyen ne votera pas un projet de budget que seuls des parlementaires refusant de considérer la réalité en face s’apprêtent à adopter. Ceux-ci auront à rendre compte de leurs actes devant tous les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2009.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

(L’ensemble de la première partie du projet de loi de finances est adopté.)

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures dix, sous la présidence de M. Rudy Salles.)

Présidence de M. Rudy Salles,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 (nos 1157, 1211).

La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, avec Mme Bachelot, M. Bertrand, Mme Létard et Mme Morano, je vous présente aujourd’hui le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, que nous avons construit ensemble, guidés par le même principe qui a prévalu à l’élaboration du projet de loi de finances : la responsabilité.

Face aux difficultés de l’économie mondiale et aux inquiétudes qu’elles suscitent parmi nos concitoyens, nous avons un devoir de vérité et d’action. Le Président de la République l’a montré : il faut dire la vérité aux Français et, plutôt que de nier les problèmes, leur opposer une action forte et efficace, seule capable de restaurer la confiance.

La sécurité sociale, précisément, exige une mobilisation générale de l’ensemble des acteurs concernés pour retrouver enfin son équilibre. Le dernier budget excédentaire de l’assurance maladie date de 1988 et pourtant, son retour à l’équilibre n’est pas hors de portée. Ainsi, cette année, nous allons réduire le déficit du régime général et, plus particulièrement, celui de l’assurance maladie. En effet, il faut consolider les efforts déjà entrepris pour atteindre cet objectif.

En 2009, le déficit de l’assurance maladie sera de 4 milliards – soit son meilleur niveau depuis 2001. En 2004, il était encore de 11,6 milliards : nous l’avons donc divisé par trois en quatre ans.

Hélas, le déficit de l’assurance vieillesse s’accroît, et chacun y a sa part de responsabilité, qu’il s’agisse des responsables politiques, des partenaires sociaux, des assurés ou encore des gestionnaires du système. Sans cesse ajuster les curseurs : telle est la condition du retour à l’équilibre, et le projet de financement que nous vous soumettons relève ce défi. Non seulement nous apurons les problèmes hérités du passé, mais nous fixons des objectifs réalistes de maîtrise des dépenses et nous donnons les moyens du retour à l’équilibre.

Certains s’interrogent – et c’est bien légitime – quant à l’impact de la crise sur nos finances sociales, comme ils l’ont fait pour nos finances publiques. Certes, des incertitudes pèsent sur nos hypothèses de recettes, mais faut-il pour autant considérer que le présent budget est d’ores et déjà périmé, comme j’ai pu l’entendre ?

M. Roland Muzeau. Insincère, oui !

M. Jean-Pierre Brard. Vous nous lisez la photocopie de votre discours de la semaine dernière !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Non, mais les hypothèses de recettes sont les mêmes. Le projet de loi que nous vous soumettons fixe des objectifs de dépenses, qui ne sont pas directement remis en cause par la conjoncture. Il va de soi que nous devons poursuivre l’effort de maîtrise des dépenses de santé pour maîtriser l’ONDAM. Néanmoins, je le répète, cette action d’ordre structurel ne dépend pas des variations conjoncturelles. En outre, nous avons déjà intégré l’effet de l’inflation de cette année sur les prestations familiales et sur les retraites.

Quant aux prévisions de recettes, monsieur Brard, je tiendrai en effet le même discours que lors de la présentation du projet de loi de finances : nous avons retenu des hypothèses prudentes il y a trois semaines, en révisant à la baisse la progression de la masse salariale en 2008 – désormais estimée à 4,5 %, contre 4,8 % pour l’hypothèse initiale. Cette progression devrait s’établir à 3,5 % en 2009, soit un point de moins. S’agissant du tiers des recettes ne dépendant pas de la masse salariale, nous tablons sur une hypothèse raisonnable et anticipons notamment pour 2009 une diminution de 9 % des prélèvements sociaux sur les revenus du capital.

Devons-nous revoir ces prévisions ? Ce n’est pas une question taboue. Ce n'est pas, maintenant, en plein cœur de la tourmente financière, que nous pouvons arrêter de nouvelles hypothèses. Il serait prématuré de bouger tous nos chiffres, alors que les Bourses font du yo-yo et que la mise en œuvre des différents plans de financement de l'économie est à peine engagée.

Si la croissance devait être révisée pour le projet de loi de finances, la masse salariale le serait également pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Si la masse salariale progresse moins vite, par exemple de 4,2 % au lieu de 4,5 % en 2008, ce sera 600 millions d'euros de déficit supplémentaire pour le régime général. Le déficit prévisionnel passerait de 8,9 milliards d'euros à 9,5 milliards d'euros, c’est-à-dire le déficit de l’année passée. Il y aurait à ce moment-là stabilisation du déficit.

M. Jean-Marie Le Guen. C’est faux !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Il faut être clair : nous maintiendrons l'effort sur la dépense. C'est un effort structurel pour plus d'efficience ; mais nous ne chercherons pas à compenser une dégradation de la conjoncture par plus de prélèvements ni par des coupes sombres supplémentaires dans les dépenses.

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l’équilibre général. Très bien !

M. Éric Woerth, ministre du budget. L’ensemble des hypothèses sont sur la table et les choses sont dites.

Alors, oui, si nous révisons la croissance, le déficit sera plus élevé. Mais ce sera un déficit conjoncturel, dû à la crise, à la situation extraordinaire que nous connaissons, et nous n'abandonnons en aucun cas l’objectif de réduction du déficit structurel de la sécurité sociale.

Dans ce contexte, notre action consiste à poursuivre le redressement de la sécurité sociale sans pénaliser les ménages, en limitant les prélèvements nouveaux sur les entreprises. Aucune mesure – Roselyne Bachelot l’a encore rappelé ce matin – ne pèsera sur le pouvoir d'achat des ménages. Au contraire, nous tiendrons nos engagements en faveur des retraités les plus modestes. Et ce n'est pas non plus en période de crise que nous devons remettre en cause, bien évidemment, les exonérations de cotisations qui soutiennent l'emploi.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. C’est vrai.

M. Éric Woerth, ministre du budget. Je sais que cela fait débat, mais la décision du Gouvernement est très claire là-dessus.

Vous le voyez, la voie est très étroite. Notre stratégie, ce n'est pas la rigueur, ce n'est pas le rationnement. Comment peut-on prétendre cela alors que nous apportons près de 5 milliards d'euros supplémentaires au système de santé, par la simple progression de l'ONDAM de 3,3 %, plus d'un milliard d'euros aux prestations familiales nouvelles et plus de 4 milliards d'euros de prestations vieillesse avec les revalorisations ?

Notre stratégie, c'est la dépense utile, efficiente, la chasse aux gaspillages, la mise sous tension de l’ensemble du système, la clarification des rôles et des responsabilités des uns et des autres.

En 2009, notre action, c'est un effort très vigoureux de redressement à hauteur de 6 milliards d'euros, un effort équilibré avec des économies de plus de 3 milliards d'euros, des transferts au sein de la protection sociale pour 1,7 milliard d'euros et des recettes nouvelles pour 1,4 milliard d'euros. Ce projet de loi permettra de poursuivre la baisse du déficit du régime général, en le ramenant à 8,6 milliards d'euros – 8,9 en prévision cette année et 8,6 l’année prochaine.

En période de crise économique, je ne crois pas – je me suis déjà exprimé sur ce point – que ce soit le moment de changer de système, de revoir en profondeur ses modalités de financement et son organisation. Ce serait créer de l'inquiétude et de l'incertitude supplémentaires. Pour réformer un système aussi important que celui de la sécurité sociale, il faut en discuter avec sérénité. Il faudra un débat de fond, que nous avons déjà engagé avec Roselyne Bachelot et Xavier Bertrand, pour réfléchir sur la façon de réconcilier santé et maîtrise financière. Comment concilier une couverture des risques ambitieuse et nos capacités de financement dans tous les domaines de la sécurité sociale ? Nous avons entamé ce débat, nous le poursuivrons en toute franchise, en pleine responsabilité, à froid.

Mais la priorité à court terme, c'est de mieux organiser le système actuel. Dans ce domaine, le travail est considérable : nous devons exploiter des marges d'efficience, resserrer, à tous les étages de la machinerie, les vis et les boulons. Pour cela, il faut que chacun assume ses responsabilités. Il n'y a pas, d'un côté, un méchant État obsédé par la diminution des remboursements maladie et, de l'autre, des partenaires sociaux qui ne pensent qu'à la qualité des soins ; un État froid et sans cœur exigeant un allongement de la durée d'activité, et des partenaires sociaux soucieux du niveau des retraites.

Il faut que chacun assume les mesures nécessaires au rétablissement de nos équilibres financiers. C’est la seule condition pour assurer la durabilité de notre système de protection sociale.

Assumer ses responsabilités, cela vaut d'abord pour l'État, et nous le faisons en apurant le passé. Je m'étais engagé, l'année dernière, à régler la question du déficit de la protection sociale des exploitants agricoles. Cela est fait dans le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale de cette année. L'intégralité de la dette du FFIPSA à la fin 2008 sera reprise par l'État, qui affectera au financement de la branche maladie des exploitants agricoles la totalité de la taxe sur les véhicules de société, de manière à équilibrer cette branche en 2009 et à l'intégrer financièrement à la CNAMTS.

La gestion des prestations continuera d'être assurée par la MSA, et le FFIPSA sera supprimé.

Prendre ses responsabilités, c'est aussi régler la question lancinante, récurrente de la reprise de dette de la sécurité sociale. L’an dernier, je m'y étais engagé – ce n’est d’ailleurs pas, vous en conviendrez, le moment le plus facile pour le faire, mais nous le faisons. Le projet de loi prévoit un transfert à la CADES des déficits cumulés du régime général de sécurité sociale…

M. Jean-Marie Le Guen. Merci pour eux !

M. Éric Woerth, ministre du budget. …et du FSV, soit près de 27 milliards d'euros à la fin 2008, sans hausse de CRDS ni d'aucun prélèvement et sans report sur les générations futures.

M. Jean-Marie Le Guen. Sans rire ?

M. Jean Mallot. Sur les générations passées peut-être ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Nous affecterons à la CADES une fraction de la CSG – 0,2 point –, dont bénéficie aujourd'hui le fonds de solidarité vieillesse.

Par ces deux mesures, nous améliorons la gestion financière de la sécurité sociale. La reprise de dette permet au régime général d'économiser 1,1 milliard d'euros de frais financiers en 2009.

M. Pascal Terrasse. Il y a 3 milliards d’intérêts cette année !

M. Éric Woerth, ministre du budget. La suppression du FFIPSA permet de rationaliser l'organisation du financement de la protection sociale agricole.

M. Pascal Terrasse. On va vous parler de la certification des comptes de l’ACOSS par la Cour des comptes !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Mieux gérer le système, c'est fixer une progression réaliste des dépenses d'assurance maladie et se donner les moyens de respecter cet objectif.

En 2008, nous avons su prendre, avec Roselyne Bachelot, les mesures nécessaires pour limiter le dépassement de l'ONDAM, des mesures de bonne gestion comme le gel de crédits non utilisés dans certains fonds ; nous en débattrons bientôt. Mais un dépassement de 750 millions d'euros, même inférieur au seuil d'alerte, reste évidemment excessif.

L'ONDAM, c'est l'objectif voté, et pas l'ONDAM plus le seuil d'alerte. En 2009, et pour les années suivantes, nous avons décidé de fixer l'ONDAM à 3,3 % ; c'est un objectif ambitieux et réaliste à la fois. C'est le taux de croissance constaté en 2008 et nous nous sommes calés sur ce taux de croissance. Un objectif étayé par des mesures précises d'économie, réparties entre l’ensemble des acteurs.

L'effort nous concerne tous, car, dans le domaine de la santé, les responsabilités sont très éclatées et chacun doit prendre sa part : citoyens, professionnels de santé et gestionnaires du système.

J'attends des caisses d'assurance maladie qu'elles redoublent leurs efforts de maîtrise médicalisée. Il faut atteindre 100 % des objectifs, et non pas – comme c’est le cas sur les trois dernières années – 60 % en moyenne des objectifs fixés en accord avec les mêmes caisses. J'aimerais également que les partenaires sociaux qui composent le conseil de l'UNCAM donnent plus de visibilité à la politique de gestion du risque de l'assurance maladie, qu'ils en détaillent les objectifs et les instruments pour participer à l’effort très important visant à faire accepter les réformes dans l'opinion. Ils ont un rôle éminent à jouer en ce domaine.

Je souhaite aussi que la Haute autorité de santé s'empare plus résolument et plus rapidement de ses nouvelles compétences en matière médico-économique : une recommandation en 2008, c'est bien, mais il faut accélérer. Nous n'avons pas le temps d'attendre et de laisser filer les déficits.

M. Jean-Paul Bacquet. Il est temps de le dire !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Mieux gérer le système, c'est aussi savoir affecter les ressources là où nous en avons besoin, sans s'arrêter aux frontières institutionnelles entre les branches et les risques de la protection sociale. Cela n'a pas de sens de creuser les déficits d'un côté et d'avoir des excédents de l'autre. Cette vision globale est essentielle pour faire face au défi du vieillissement et redresser les comptes de l'assurance vieillesse. Nous la mettons en œuvre dans ce projet de loi. La branche famille financera progressivement, d'ici à 2011, l'intégralité des majorations de pensions pour enfant.

Mme Jacqueline Fraysse. Elles n’ont besoin de rien, les familles !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Ce principe s'appliquera aussi à la hausse des cotisations vieillesse, qui sera de 0,3 point en 2009 et qui doit être compensée par une baisse équivalente des cotisations d'assurance chômage.

M. Pascal Terrasse. C’est la période, c’est sûr !

M. Jean-Marie Le Guen. Ça va marcher !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Avec un excédent prévisionnel de 4 milliards d'euros en 2009, les partenaires sociaux ont des marges de manœuvre pour baisser les cotisations chômage, même en 2009.

M. Jean-Paul Bacquet. On en reparlera.

M. Éric Woerth, ministre du budget. Mieux gérer, c'est aussi renforcer la lutte contre la fraude et les abus.

M. Jean-Paul Bacquet. Ça c’est pour les banques !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Un euro fraudé – j’imagine que chacun sera d’accord –, c'est un euro détourné du financement solidaire, un euro de moins pour ceux qui en ont vraiment besoin et respectent les règles.

M. Jean-Paul Bacquet. Vous faites de l’économie virtuelle !

M. Éric Woerth, ministre du budget. J'ai renforcé la coordination des différents acteurs et les échanges d'information, en liaison avec Xavier Bertrand, en mettant en place une organisation nouvelle, avec une délégation nationale de lutte contre la fraude, et en renforçant les outils mis à la disposition de l’ensemble des contrôleurs.

Dans ce projet de loi, j'ai souhaité renforcer les sanctions pour qu'elles soient réellement dissuasives.

M. Roland Muzeau. Pour les patrons fraudeurs !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Le Président de la République a demandé la mise en place de sanctions financières plancher ; nous le faisons. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) En cas de fraude manifeste à l'assurance maladie, des sanctions minimales pourront donc être décidées par les caisses, ce qu’elles ne pouvaient pas faire auparavant. Ces sanctions seront proportionnées à l'ampleur de la fraude et aggravées en cas de fraude en bande organisée.

M. Roland Muzeau. Vous allez sanctionner le MEDEF ?

M. Jean Mallot. Quand le Gouvernement construit un budget sur des bases erronées, c’est de la fraude organisée ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Bien gérer, c'est aussi s'assurer que les procédures d'ouverture de droits sont sécurisées, que le recours aux attestations sur l'honneur est strictement encadré. Dans le cas des prestations vieillesse, nous avons bien vu les risques d'abus, voire de fraude, en matière de régularisation de cotisations arriérées. Je vous rappelle l'enjeu : un risque de 200 millions d'euros et des fraudes estimées jusqu'à 45 millions d'euros.

M. Pascal Terrasse. C’est le prix de la carte Vitale avec photo !

M. Éric Woerth, ministre du budget. J'ai pris des mesures, avec Xavier Bertrand, dès le mois de janvier. Je vous propose de les renforcer avec ce projet de loi.

M. Jean-Paul Bacquet. Il n’y a pas que les assurés qui fraudent !

M. Roland Muzeau. Et les 5 milliards de la Société générale !

M. Éric Woerth, ministre du budget. J’aimerais que, s’agissant de la lutte contre la fraude, qui devrait nous réunir, vous manifestiez moins de contestation. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Ou alors, si vous avez envie de défendre les fraudeurs, faites-le plus fortement. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie, laissez parler M. le ministre. Chacun aura l’occasion de s’exprimer au cours de la discussion.

Poursuivez, monsieur le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget. Mieux gérer, éviter les fuites, c'est aussi s'assurer que les recettes de la sécurité sociale sont préservées, s'assurer donc de la maîtrise des niches sociales. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous avez, mesdames et messieurs les députés, monsieur le rapporteur, fortement contribué à cette prise de conscience.

M. Pascal Terrasse. Absolument !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Le redressement des finances publiques implique de mieux maîtriser la création des exonérations et de mieux en évaluer l'efficacité. La loi de programmation des finances publiques, que nous avons examinée la semaine dernière, prévoit trois règles salutaires : une évaluation systématique des dispositifs trois ans après leur création, un objectif annuel de coût des niches sociales et la mise en place d'un gage pour toute nouvelle création.

Nous avons, au cours de la discussion, adopté un amendement de la commission des finances qui prévoit que la règle de compensation s'applique, d'une part, sur les recettes de la sécurité sociale et, d'autre part, sur celles de l'État. Tant que le niveau des ressources de la sécurité sociale prévu dans la loi de programmation ne sera pas atteint, aucune mesure nouvelle ne pourra les diminuer.

Dès ce projet de loi, je propose de réduire l'impact des abattements d'assiette, en mettant en place un forfait social, une contribution patronale d'un montant faible –2 % – sur l'intéressement, la participation, l'épargne salariale et la retraite supplémentaire. Nous voulons développer ces dividendes du travail ; il est alors naturel qu'ils participent au financement de la protection sociale. L’enjeu est d’environ 400 millions d'euros.

Un mot sur l'équilibre auquel nous sommes parvenus, et sur lequel nous reviendrons, en examinant les amendements. Il est bon que ces revenus, qui ne sont pas du salaire, contribuent au financement de la sécurité sociale, mais il ne faut pas non plus trop « charger la barque » sur des revenus qui n'ouvrent pas les mêmes droits. S’agissant des stocks-options, nous les avons déjà soumises à assujettissement l'année dernière.

M. Patrick Roy. Vous l’avez fait très modestement !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Nous avons largement taxé ces stocks-options, …

M. Gérard Bapt. C’est au microscope qu’on le voit !

M. Éric Woerth, ministre du budget. …du côté patronal, comme du côté salarial.

M. Gérard Bapt. Pas celles de M. Bouton !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Ces stocks-options ont décidément l’effet d’une muleta ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Nous l’avons fait alors même que ces contributions n’ouvrent pas de droits nouveaux pour les salariés, en dépit du principe selon lequel cotisation égale ouverture de droit. Il faut bien aussi convenir que ces stock-options ont considérablement perdu de leur valeur dans la crise financière actuelle, mais nous aurons l’occasion d’en discuter.

Je pense aussi que ce serait un mauvais coup porté à la protection sociale financée par les entreprises que de doubler les contributions sur les retraites chapeaux qui concernent beaucoup de cadres. En revanche, le Gouvernement est ouvert aux propositions de la commission des affaires sociales de revoir le régime d'exonération des indemnités de rupture – les fameux parachutes dorés – lorsque celles-ci dépassent un certain seuil.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Lequel ?

M. Patrick Roy. Double langage !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Je redis aussi avec force qu'il est hors de question pour le Gouvernement de renoncer à la mesure en faveur des frais de transport des salariés, nous en avons beaucoup discuté. Je vous redis clairement la nécessité de cette mesure : c'est une question de justice entre l'Île-de-France et le reste du territoire ; c'est un engagement pris devant les partenaires sociaux ; c'est une mesure pleinement en phase avec le Grenelle de l'environnement que vous venez de voter.

M. Gérard Bapt. C’est une nouvelle niche ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Favoriser le travail, c'est aussi aider les Français à s'y rendre chaque jour. C'est majeur.

Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, l'équilibre de nos finances sociales exige une action soutenue, une volonté partagée et des efforts constants de bonne gestion. Pas de recette miracle, mais que chacun fasse son travail le mieux possible, dans son champ de responsabilité et en ne perdant jamais de vue l'intérêt général !

Malgré le contexte de crise, on doit maintenir le cap sur le retour à l'équilibre de la sécurité sociale en 2012. Il faut tenir l’ONDAM à 3,3 % sur l'ensemble de la période : cela suppose un effort constant pour améliorer l'efficience du système de santé. Il faut une vision globale de nos finances sociales et adapter l'affectation des ressources à l'évolution des besoins sociaux, notamment au profit de l'assurance vieillesse. Il faut enfin un engagement déterminé de tous pour améliorer l'emploi des seniors, clef du redressement de l'assurance vieillesse : nous prenons dans ce PLFSS des mesures fortes, que Xavier Bertrand présentera ; il faudra en tirer un bilan en 2010.

L'équilibre du régime général en 2012 est un objectif ambitieux, mais atteignable pour peu que nous prenions tous conscience des changements à opérer. Le temps des bonnes intentions et des promesses sans lendemain est terminé.

M. Pascal Terrasse. Ce n’est pas gentil pour M. Bertrand !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Il faut que chacun prenne ses responsabilités, j’y veillerai personnellement. C'est la seule façon d'assurer la pérennité de notre système de sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

M. Patrick Roy. Et des franchises médicales ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, l'an dernier à la même époque, je vous proposais, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, des outils innovants et structurants pour l'avenir de notre système de santé.

M. Jean Mallot. On a vu comment ça a marché !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Afin d'encourager les médecins à développer la prévention, à prescrire mieux, à participer à la permanence des soins et à améliorer la coordination des soins, je proposais la conclusion de contrats individuels entre l'assurance maladie et des médecins volontaires...

M. Jean-Paul Bacquet. Vous n’êtes pas revenue sur les propositions Mattei.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. … et j’ouvrais la voie à des rémunérations alternatives au paiement à l’acte. Afin de s'assurer des efforts de maîtrise médicalisée, je proposais de subordonner les revalorisations des médecins au respect de l'ONDAM et d'instaurer un délai de six mois dans la mise en œuvre des accords de revalorisation.

M. Pascal Terrasse. On a vu cela sur le médicament !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Afin d'améliorer à la fois la qualité et la gestion des soins dans les établissements de santé, je demandais à nos hôpitaux de passer à la tarification à l'activité à 100 %.

C'est aussi le pilotage de notre système de santé que j'entendais renforcer. D'abord en dotant la Haute autorité de santé d'une mission médico-économique, afin que les médecins soient mieux orientés dans leurs choix de prescription entre des traitements présentant une efficacité équivalente mais un coût différent. Ensuite, en donnant à la CNAMTS les moyens de contrôler davantage les dépenses a priori grâce à l'extension du champ d'application de la procédure de mise sous accord préalable.

Nous avons également pris la mesure du grave problème sanitaire qui se profile dans notre système de soins avec l'apparition de déserts médicaux : afin de mieux répartir l'offre de santé sur le territoire, j'invitais les professionnels de santé, y compris les plus jeunes d'entre eux – ce qui n'avait jamais été fait –, à négocier sur ce sujet et je définissais des règles plus optimales de maillage des officines.

M. Jean-Paul Bacquet. Résultat zéro !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Ce PLFSS structurant opérait ainsi le virage nécessaire pour que nous puissions, à l'avenir, bénéficier de soins de qualité tout en finançant nos priorités de santé publique : la lutte contre le cancer, contre la maladie d'Alzheimer et pour le développement des soins palliatifs.

M. Gérard Bapt. C’est du vent !

M. Marc Bernier. Je vous en prie !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je suis pleinement consciente des efforts qui ont ainsi été demandés aux uns et aux autres. Je constate qu'ils ont porté leurs fruits, puisque l'alerte n'a pas été déclenchée, que la progression des dépenses d'assurance maladie s'est ralentie – 3,3 % en 2008 au lieu de 4,1 % en 2007 – et que le déficit a diminué – 4 milliards d’euros en 2008 au lieu de 4,6 milliards en 2007. Toutefois, cela ne suffit pas. Si nous voulons adapter notre système de soins aux défis de demain, nous devons prendre des mesures de modernisation et de réorganisation qui dépassent largement le cadre d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale. C'est pourquoi, comme vous le savez, je vous présenterai d'ici à quelques semaines mon projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires ».

Le contexte dans lequel s'inscrit le débat sur le PLFSS cette année est donc bien différent de celui de l'an dernier : d'une part, nous avons créé de nouveaux outils, que nous devons faire vivre et, lorsque cela est nécessaire, améliorer, afin de dégager toutes les marges d'efficience que recèle notre système de santé ; d'autre part, nous attendons une grande réforme de notre système de soins. Enfin, nous devons tenir compte de la dégradation de la conjoncture économique.

Dans ces conditions, pour respecter notre objectif de retour à l'équilibre d'ici à 2011, je vous propose de fixer l'ONDAM à 3,3 % – niveau réaliste, comme vient de le dire Éric Woerth –, pour permettre à notre système de soins de se moderniser et de poursuivre les efforts de maîtrise des dépenses dans le sens que nous avons défini l’an dernier.

Ce projet est enrichi, cher Yves Bur, cher Jean-Pierre Door, de vos travaux remarquables puisque, comme nous le verrons au cours du débat, vous proposez d'aller plus loin encore dans cette ambition commune que nous avons de mieux dépenser pour notre santé dans l'intérêt de tous.

M. Pascal Terrasse. Le chèque transport ?

Mme Marisol Touraine. En effet, c’est formidable !

M. Jean-Paul Bacquet. Les cures thermales ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. La réduction du déficit de l'assurance maladie reste la priorité du Gouvernement.

Réduire le déficit, c'est notre devoir si nous souhaitons transmettre à nos enfants et petits-enfants un système de soins solidaire.

Réduire le déficit, ce n'est pas impossible. Les efforts effectués ces dernières années ont porté leurs fruits. Le déficit était de 4,6 milliards d’euros en 2007. Il sera de 4 milliards en 2008. Il n'est donc pas irréaliste de vouloir revenir progressivement à l'équilibre d'ici à 2011-2012.

M. Jean-Paul Bacquet. M. Bur l’annonçait pour 2007 !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Compte tenu du rythme d'évolution spontanée des dépenses, cela suppose un effort de redressement de plus de 4 milliards d’euros en 2009.

Réduire le déficit, ce n'est pas impossible, même si la croissance ralentit.

M. Pascal Terrasse. Pas l’année prochaine !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Certes, la forte progression de la masse salariale en 2007 et 2008 a facilité la réduction du déficit et, à cet égard, nous ne bénéficierons pas de ce contexte favorable en 2009. Mais la réduction du déficit s'explique aussi par le ralentissement de la croissance des dépenses d'assurance maladie, qui sera de 3,3 % en 2008 au lieu de 4,1 % en 2007. Nous n'avons pas connu de procédure d'alerte cette année. Les efforts de maîtrise des dépenses portent leurs fruits et nous devons les intensifier.

Compte tenu des tensions sur le pouvoir d'achat, nous avons choisi pour cela de ne pas solliciter davantage les assurés, dès lors qu'ils respectent le parcours de soins. Les mesures de redressement ne porteront pas sur eux.

M. Gérard Bapt. Ce sera bien la première fois !

M. Patrick Roy. Il faudra supprimer les franchises !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Au-delà des efforts de maîtrise des dépenses, que j'évoquerai plus loin, nous avons trouvé d'autres moyens pour apporter des ressources nouvelles, déjà évoquées par Éric Woerth : la reprise de dette, la création du forfait social de 2 % à la charge des employeurs, l'augmentation de la compensation de la branche accidents du travail-maladies professionnelles à la branche maladie pour tenir compte des sous-déclarations, et le reversement des organismes complémentaires au fonds CMU-C, qui assure l'accès aux soins des plus défavorisés d'entre nous.

Cette dernière ressource corrigera le transfert de charges mécanique constaté chaque année, toutes choses égales par ailleurs, des organismes complémentaires vers l'assurance maladie, en raison de la croissance des affections de longue durée, qui sont prises en charge à 100 % par l'assurance maladie. Ainsi que s'y est engagé le président de la Fédération nationale de la mutualité française,…

M. Pascal Terrasse. Un ami de M. Bur !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. … cette mesure ne devrait pas se traduire par une hausse des cotisations des complémentaires, qui devraient bénéficier, comme chaque année, des économies importantes que nous allons réaliser.

Ce redressement nous permet de tabler sur des économies de 2,2 milliards d’euros, soit un taux de progression de l’ONDAM de 3,3 %. Cet ONDAM de 157 milliards d’euros, soit 5 milliards de plus qu'en 2008, nous permettra de poursuivre l'effort de modernisation de notre système de santé et de financer nos nouveaux besoins de santé, notamment nos plans de santé publique.

Le taux global de 3,3 % est égal au taux d'évolution qui sera finalement constaté en 2008. C'est donc un taux réaliste. C'est, en outre, un taux supérieur à la prévision de croissance, ce qui nous permettra de répondre à l'évolution de nos besoins de santé.

Nous souhaitons, en effet, poursuivre notre soutien aux projets d'investissements pour moderniser les établissements de santé dans le cadre du plan Hôpital 2012. Je rappelle que 10 milliards d’euros, dont 50 % à la charge de l'assurance maladie, sont prévus dans ce plan lancé en 2007, qui soutiendra les projets d'investissement répondant à des critères d'efficience afin de favoriser les recompositions hospitalières et de développer les systèmes d'information.

En outre, nous prévoyons, dans le cadre de la campagne tarifaire, d'améliorer le dispositif de financement de la T2A, en prévoyant des financements supplémentaires pour tenir compte de la précarité et de la sévérité de l’état des patients.

Il nous faut aussi financer les plans de santé publique tels que le plan de lutte contre le cancer et le plan de développement des soins palliatifs ou encore le plan Alzheimer, voulus par le Président de la République.

Je souhaite, enfin, donner à notre système de santé les moyens de se réorganiser, notamment par une meilleure fluidité dans le parcours de soins et une meilleure coordination entre les soins ambulatoires, les soins hospitaliers et les services médico-sociaux, comme le propose le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires », n’est-ce pas Xavier Bertrand et Valérie Létard ?

C'est aussi dans cette optique que j'ai tenu à proposer, comme l'an dernier, un taux de progression équilibré entre la ville et l'hôpital – 3,1 % –, afin que ces deux piliers de notre système de santé évoluent de manière coordonnée.

Ce taux d'évolution suppose que cette modernisation se traduise aussi par un renforcement de nos efforts d'efficience et de maîtrise médicalisée.

Il s'agit là d'un effort de tous les jours, qui impose à chacun d'entre nous, que ce soit dans le secteur des soins de ville, du médicament ou de l'hôpital, de s'interroger sans cesse sur les justifications médicales de nos dépenses d'assurance maladie.

Afin d'inciter les assurés à mieux respecter le parcours de soins, nous prévoyons d'augmenter de vingt points le ticket modérateur pour ceux qui n'ont toujours pas choisi leur médecin traitant. Mais l'essentiel des 2,2 milliards d’euros d'économies que nous prévoyons repose sur la mobilisation de toutes les marges d'efficience de notre système de santé.

M. Jean-Paul Bacquet. Les cures thermales ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. De manière générale, je souhaite tout d'abord renforcer les efforts de maîtrise médicalisée des dépenses. Nous devons utiliser les outils nouveaux créés l'an dernier pour agir efficacement sur les comportements : réduire les actes redondants, diminuer les sur-prescriptions, rendre plus systématique le recours à des thérapeutiques qui, pour une efficacité médicale équivalente, ont un coût moins élevé pour la collectivité.

M. Pascal Terrasse. Et diminuer les dépassements d’honoraires.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. À cet égard, j'attends beaucoup des recommandations médico-économiques de la Haute autorité de santé. Dans une lettre du 7 avril dernier, nous lui avons demandé des recommandations sur certaines stratégies thérapeutiques, notamment en matière médicamenteuse. J'ai noté avec satisfaction que la HAS venait de rendre un avis sur l'hypertension artérielle, dans lequel elle recommande la prescription des inhibiteurs de l’enzyme de conversion, moins coûteux que les sartans.

Plus généralement, l'évaluation par la HAS de la portée thérapeutique réelle des produits doit guider notre action.

M. Pascal Terrasse. Il faudrait commencer par suivre ses recommandations !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. La collectivité investit massivement dans la santé de nos concitoyens et il n'est pas aberrant que ces investissements soient prioritairement menés sur des produits ou des prestations dont le service médical rendu est satisfaisant.

Je compte aussi beaucoup sur la CNAMTS.

Je souhaite tout d'abord qu'elle mène, comme chaque année, une campagne d'information sur les prescriptions à destination des professionnels de santé. La CNAMTS dispose dorénavant de moyens renforcés pour assurer ses missions : elle peut soumettre à l'accord préalable du médecin-conseil de l'organisme local d'assurance maladie les médecins surprescripteurs, pour l’ensemble de leurs actes et prestations. Éric Woerth et moi-même venons d'ailleurs d'écrire au directeur général de la CNAMTS pour lui demander d'accentuer les efforts.

Je souhaite enfin que la CNAMTS nous permette de réaliser les économies prévues au titre de la mise en œuvre de la tranche 2009 de la maîtrise médicalisée dans le cadre de la convention médicale liant l'assurance maladie aux syndicats de médecins. Comme le soulignait à l’instant Éric Woerth, le taux de réalisation n’a été que de 60 % ces dernières années. Il faut aller au-delà.

M. Pascal Terrasse. Surtout s’agissant du médicament.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Le PLFSS propose en outre des mesures visant à mieux maîtriser à la fois les volumes et les tarifs.

Il s'agit tout d'abord d'infléchir la consommation de soins dont la justification médicale est discutable. On constate des écarts parfois très importants dans les traitements prescrits à des patients présentant pourtant un diagnostic semblable, et cela aussi bien en ville qu'à l'hôpital. Ce n'est pas normal, notamment lorsque ces écarts sont significatifs et qu'ils concernent des prescriptions en très forte croissance. Cela prouve que le système de soins recèle un potentiel d'efficience non négligeable.

C'est pourquoi le PLFSS propose deux mesures permettant d'homogénéiser certaines prescriptions sur des secteurs en très forte croissance.

La première concerne les actes en série, notamment des paramédicaux, tels que les séances de masso-kinésithérapie. Il est proposé de soumettre les patients et les professionnels de santé au respect de référentiels validés par la HAS. Au-delà, les professionnels devront se soumettre au contrôle préalable de l'assurance maladie. Des exceptions justifiées resteront bien évidemment possibles en fonction des données médicales du patient.

La seconde concerne les médicaments qui, à l'hôpital, ne peuvent, compte tenu de leurs caractéristiques, être intégrés dans les tarifs de droit commun des prestations d'hospitalisation. Souvent très innovants, ils enregistrent une croissance annuelle supérieure à 15 %. Il est proposé de responsabiliser les ARH et les directeurs d'établissement en les incitant à maîtriser ces dépenses par la définition, avec l'assurance maladie le cas échéant, d'un plan d'action à respecter. En cas de non-respect du plan, le remboursement par l'assurance maladie serait diminué.

Au-delà de la maîtrise des volumes, nous devons aussi chercher à contenir la progression des prix et des tarifs dans les secteurs connaissant soit des gains de productivité importants, soit une forte progression en volume.

Cela est vrai tout d'abord pour le secteur de l'industrie pharmaceutique : les prix des produits de santé de grande consommation doivent se rapprocher de ceux des marchés les moins chers d'Europe.

M. Pascal Terrasse. Cela s’impose après une hausse des prix de 5 % en 2007 !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. C'est pourquoi nous envisageons des diminutions de prix, dans la continuité du plan « médicaments et dispositifs médicaux ». Elles porteront sur les médicaments les moins innovants. Au-delà de diminutions de prix ciblées, ces économies passeront par une accélération de la convergence des prix au sein de certaines classes homogènes et par l'accentuation des baisses de prix des génériques – augmentation de la décote par rapport au princeps. C'est aussi en ce sens que je suis, comme vous, cher Jean-Pierre Door et cher Yves Bur, favorable à l'extension du répertoire des génériques, nous y reviendrons lors du débat.

La progression des grands conditionnements, la baisse des prix sur les dispositifs médicaux et l'ajustement des marges de distribution, en ville comme à l'hôpital, permettront également de réaliser des économies.

Ce qui est vrai pour le secteur du médicament l'est aussi pour les professions ayant réalisé d'importants gains de productivité. Dans le rapport qu'elle m'a remis en juillet dernier, la CNAMTS constate en effet, et à juste titre, qu'au regard du progrès technique, les tarifs des actes des biologistes et des radiologues paraissent nettement plus élevés que ceux des autres professionnels de santé. Il semble légitime, dans le prolongement des mesures déjà prises en 2007 et en 2008, d'adapter les tarifs de ces deux spécialités qui, en outre, enregistrent une croissance très rapide du volume des actes et bénéficient de marges nettes élevées. Dans cette perspective, je continuerai de suivre attentivement les discussions entre l'UNCAM et les syndicats représentatifs des professions concernées, dans le cadre des négociations conventionnelles et des commissions compétentes de hiérarchisation des actes.

Je souhaite enfin que l'hôpital poursuive ses efforts de modernisation et de redressement financier. Je rappelle que le Président de la République a fixé un objectif de retour à l'équilibre des hôpitaux pour 2012. Dans cette perspective, le PLFSS prévoit plusieurs mesures en dehors de la maîtrise médicalisée des dépenses.

Afin d'inciter les établissements à se réorganiser lorsqu'ils présentent un profil d'activité atypique, le dispositif de mise sous entente préalable, déjà prévu pour la chirurgie ambulatoire, sera étendu aux autres activités hospitalières.

La création de l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux – l’ANAP – qui regroupera les différentes structures intervenant actuellement sur les différents aspects de l'efficience –audit, investissement et systèmes d'information – permettra aux hôpitaux de disposer des expertises nécessaires pour se réorganiser et réaliser les gains d'efficience attendus.

Le PLFSS prévoit enfin un assouplissement des procédures de traitement des situations de déséquilibre financier – plan de redressement, contrat de retour à l'équilibre, mise sous administration provisoire – en les articulant dans une logique de gradation afin de mieux responsabiliser les établissements.

Cet effort d'optimisation ne saurait toutefois se limiter à une partie seulement de nos dépenses de santé. Afin de réguler efficacement l'ensemble de ces dépenses, nous prévoyons de renforcer le rôle des organismes complémentaires dans les négociations conventionnelles, tout particulièrement dans les secteurs, tels que l'optique et les soins dentaires, où ils prennent en charge une part importante des dépenses.

Depuis la dernière loi de financement de la sécurité sociale, l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire, l'UNOCAM, peut émettre un avis sur les projets de conventions et d'avenants. Le Gouvernement propose d'aller au-delà de ce rôle consultatif et de mieux associer l'UNOCAM à la négociation des conventions avec les professionnels de santé. Elle sera ainsi systématiquement invitée à toutes les négociations. Dans les secteurs, tels l'optique et les soins dentaires, où les organismes complémentaires jouent un rôle majeur dans la prise en charge des dépenses, sa signature sera obligatoire. Toutefois, afin que ces nouvelles règles ne conduisent pas à un blocage de la vie conventionnelle, dans ces secteurs, l'UNOCAM votera à la majorité qualifiée et, au cas où elle refuserait de signer, l'accord finirait par entrer tout de même en vigueur au bout d'une certaine période, qui devrait être fixée à six mois par décret.

M. Pascal Terrasse. Quel esprit démocratique !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Le débat sur le PLFSS revêt cette année un caractère particulier, puisque je vais bientôt présenter le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires ». Ces deux lois poursuivent le même objectif de modernisation de notre système de soins. Elles sont complémentaires. Il faudra, en effet, trouver les moyens financiers pour mieux articuler l'hôpital avec le secteur des soins ambulatoires en amont et les services médico-sociaux en aval. Cette mission incombera aux agences régionales de santé qui, comme l'a récemment rappelé le Président de la République, réconcilieront la maîtrise des dépenses et l'organisation des soins : mieux organiser pour dépenser moins et apporter plus aux patients.

Il faut ainsi mettre en rapport les mesures financières avec les mesures structurelles. Ce n'est que dans cet esprit que nous pourrons parvenir progressivement à modifier les paramètres de notre système de soins et d'assurance maladie afin de le préparer aux dix prochaines années.

Je suis déterminée à défendre ces deux lois dans le respect des principes de notre système de sécurité sociale. Je sais que, dans cette lourde tâche, je pourrai compter sur le soutien de vous tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.

M. Patrick Roy. Et du chômage !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés,…

M. Patrick Roy. Jusque là, ça va !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. …dans la conjoncture que nous traversons actuellement, il ne fait aucun doute que le cap doit être tenu : celui du changement voulu par les Français, celui du renforcement de la cohésion sociale aussi.

M. Patrick Roy. C’est raté !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. L'exigence de solidarité doit plus que jamais guider notre action.

Mais garantir la solidarité nationale, cela signifie aussi qu'il faut savoir redéployer les ressources au sein de notre système de protection sociale afin de tenir compte à la fois des évolutions de la démographie et des besoins sociaux, comme l’a souligné Éric woerth tout à l’heure. Garantir la solidarité nationale, cela implique également le sens des responsabilités pour ne pas faire payer le poids de nos dettes aux générations futures.

M. Pascal Terrasse. C’est mal parti !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Ce sens des responsabilités est le principe qui guide notre action pour la branche retraite.

M. Pascal Terrasse. Cinq milliards d’euros de déficit depuis 2003 !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Ce PLFSS est d'abord la traduction législative des mesures décidées dans le cadre du premier point d'étape fixé par la loi du 21 août 2003. Elles ont fait l'objet d'une large concertation depuis le printemps.

Au-delà de la nécessité de pérenniser notre système de retraite par répartition, les réformes que nous avons conduites depuis 2007 sont placées sous le signe de l'équité et de la volonté de faire converger les règles applicables dans les différents régimes. Je ne prendrai qu’un exemple, la réforme des régimes spéciaux de retraite qui nous permettra d'économiser 500 millions d'euros d'ici à 2012.

Ce PLFSS met en œuvre les engagements du Président de la République de renforcer la solidarité envers les plus modestes.

Ainsi, le minimum vieillesse sera revalorisé de 25 % d'ici à 2012 pour les personnes seules. Celles-ci recevront 677 euros au lieu de 633 euros, soit 44 euros de plus chaque mois dès le 1er avril 2009.

Nous pensons également aux petites retraites agricoles. Une série de mesures en faveur des veuves, des conjoints et des retraités agricoles à carrière incomplète a été annoncée par le Premier ministre, à la suite de l’action menée par Michel Barnier. Plus de 230 000 personnes seront concernées, dont 196 000 dès l'année 2009.

Les pensions de réversion des veuves et veufs les plus modestes seront portées de 54 % à 60 % de la pension du conjoint décédé. Une majoration sera ainsi accordée aux veufs et aux veuves de plus de soixante-cinq ans, si leur retraite totale est inférieure à 800 euros. Cela concernera plus de 600 000 retraités. Et je sais le prix qu’attache à ces mesures Denis Jacquat, votre rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour l’assurance vieillesse. Merci !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Parce que nous voulons valoriser le travail, nous continuerons à garantir une retraite au moins égale à 85 % du SMIC aux assurés les plus modestes ayant une carrière complète.

Cet objectif fixé en 2003 et atteint en 2008 sera reconduit jusqu'en 2012. Nous ferons en sorte qu'il bénéficie réellement aux assurés qui ont une petite pension malgré une carrière significative. Le Conseil d'orientation des retraites et la Cour des comptes s’étaient demandé s’il était normal que 30 % des titulaires du minimum contributif ayant une carrière complète aient une retraite supérieure à 1 400 euros. Je préciserai que ce mécanisme est un filet de sécurité pour les plus modestes.

Enfin, nous souhaitons garantir le pouvoir d'achat de tous les retraités, …

M. Patrick Roy. C’est raté !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. …en améliorant le mécanisme d'indexation des pensions.

Pour tenir compte de l'accélération de l'inflation, une revalorisation exceptionnelle de 0,8 % des pensions de retraite est intervenue le 1er septembre dernier, sans attendre l'année 2009 ou une proposition de loi socialiste, qui n’est jamais venue.

M. Patrick Roy. Le Gouvernement a fait baisser le pouvoir d’achat des Français ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) C’est de la provocation !

M. le président. Un peu de silence, chers collègues !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Mais nous devons apporter à cette question importante une réponse solide et définitive.

M. Patrick Roy. Le Gouvernement ment !

M. le président. Monsieur Roy, vous vous exprimerez après. Veuillez respecter le débat !

M. Charles de La Verpillière. Il n’a rien à dire, il ne sait que hurler !

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l’assurance vieillesse. Je vais lui faire un contrôle anti-dopage !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. C’est bien connu, quand on n’a rien à dire, on parle fort.

M. Patrick Roy. Les retraités apprécieront !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Conformément aux souhaits des partenaires sociaux et des associations de retraités, cette revalorisation interviendra désormais chaque année au 1er avril, comme dans les régimes complémentaires. Pourquoi en avril ? Parce que c'est en avril que l'on connaît les dernières prévisions d'inflation pour l'année à venir et que l'on connaît le chiffre définitif pour l'année écoulée.

Nous tirons les conséquences des systèmes de désignation précédents qui, c’est le moins qu’on puisse dire, n’ont pas fait leurs preuves. Ces sujets-là seront derrière nous et nous saurons garantir le pouvoir d’achat de l’ensemble des retraités.

M. Hervé Féron. Vous êtes sourds et aveugles !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. La solidarité, cela consiste aussi à amplifier notre action en faveur de l'emploi des seniors.

En ce domaine, la France se situe nettement en dessous de la moyenne européenne avec 36,4 % de taux d’emploi contre 50 %. C'est un gâchis humain, économique et social auquel nous pouvons mettre un terme.

Nous avons donc décidé de franchir une étape supplémentaire dans notre action, en faisant jouer un double levier : inciter à la fois les seniors à poursuivre leur activité et les entreprises à développer l'emploi de salariés âgés, aussi bien dans le secteur privé que dans la fonction publique.

M. Patrick Roy. Voilà qui va favoriser l’emploi !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Nous proposons d'abord de faciliter le cumul emploi-retraite. Les retraités pourront désormais reprendre librement une activité dès leur soixantième anniversaire s'ils ont eu une carrière complète et, dans tous les cas, à soixante-cinq ans, sans plafond ni délai de carence, chez le dernier employeur. Et j’aimerais insister sur ce point, cela s’appliquera aussi à celles et à ceux qui ont déjà liquidé leurs pensions de retraite. Les retraités d’aujourd’hui pourront ainsi bénéficier du cumul emploi-retraite.

M. Roland Muzeau. Formidable ! Ils pourront aller travailler ! Ça va faire plaisir aux chômeurs !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Pour encourager les assurés à prolonger leur activité tout en améliorant leur future retraite, nous proposons aussi de rendre la surcote plus incitative. Son taux sera porté de 3 % à 5 % dans le secteur privé et la fonction publique. Elle s'ajoutera désormais également aux petites retraites portées au minimum contributif.

Mais, nous le savons tous, pour que l'emploi des seniors s'améliore, il est primordial que les acteurs économiques et sociaux passent des discours aux actes. C'est pourquoi, le Gouvernement accompagnera les partenaires sociaux pour conclure rapidement des accords avec des engagements chiffrés et des actions concrètes.

M. Patrick Roy. C’est comme pour la pénibilité !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Au-delà de 2010, les entreprises de plus de cinquante salariés non couvertes par un plan d'action en faveur de l'emploi des salariés âgés seront soumises à une pénalité égale à 1 % des rémunérations versées.

Le Gouvernement a tenu compte des remarques exprimées par les partenaires sociaux en veillant à ce que les plans d'actions répondent à un cahier des charges réellement engageant et à ce que le dispositif soit compréhensible et pragmatique. Je sais que M. Kossowski a des choses à ajouter en la matière.

Enfin, nous proposons la suppression des mises à la retraite d'office dans le secteur privé et des limites d'âge dans la fonction publique à compter de 2010. L'âge ne doit plus constituer un motif suffisant pour mettre fin au contrat de travail d'un salarié qui souhaite poursuivre son activité.

Mais nous pouvons aller plus loin. Il est évident que certains sujets sont de la responsabilité des partenaires sociaux. Pour encourager les incitations, pourquoi ne pas supprimer les cotisations chômage de ceux qui ont soixante ans et les critères d’une carrière complète ? Voilà qui constituerait un gain, à la fois pour l’entreprise et pour le salarié. N’oublions pas non plus qu’un salarié de plus de soixante ans qui dispose des critères nécessaires pour pouvoir bénéficier d’une retraite complète sera non pas au chômage mais à la retraite. Il me semble que ce serait un investissement intéressant – il relève de l’entière responsabilité des partenaires sociaux.

Avec l'ensemble de ces mesures, nous aurons ainsi pleinement mis en œuvre la loi du 21 août 2003, concrétisé les redéploiements financiers envisagés dont parlait Éric Woerth à l’instant et amplifié nos efforts en faveur de l'emploi des seniors. Mais, évidemment, ce point d'étape ne marque pas le point final de notre réflexion. Je sais que votre assemblée a produit récemment un travail d’une grande qualité sur des sujets comme le droit à l'information – rapport Jacquat –, la retraite des femmes – rapport de la Délégation aux droits des femmes de Marie-Jo Zimmermann – ou encore la prise en compte de la pénibilité, question sur laquelle Jean-Frédéric Poisson a beaucoup travaillé.

Le Conseil d'orientation des retraites poursuit ses travaux, à commencer par un rapport important sur les avantages familiaux et conjugaux que nous attendons pour la fin de l'année. Il nourrira également notre réflexion.

S'agissant de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, le PLFSS donne la priorité aux victimes, dans la continuité des propositions de l'accord des partenaires sociaux du 12 mars 2007. Le Gouvernement respectera leur volonté en transposant les points d'accord qu'ils ont pu trouver.

Dans le domaine de la tarification, le PLFSS transpose deux propositions importantes : la réduction du reste à charge des dispositifs médicaux ; une meilleure indemnisation des salariés devenus inaptes. En effet, aujourd'hui, un salarié que le médecin du travail a déclaré inapte à la fin de son arrêt de travail ne touche ni indemnités journalières ni indemnités chômage pendant une période maximale de trente jours, période durant laquelle son employeur a le choix entre son reclassement ou son licenciement.

Pour ce qui concerne la prévention, les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles menacées d'inaptitude pourront bénéficier d'une formation professionnelle durant leur arrêt de travail. On sait que les actions pour la reconversion des salariés sont bien plus efficaces lorsqu'elles interviennent en amont.

Concernant les réparations, je veux aborder le financement des fonds en faveur des victimes de l'amiante. Nous proposons de supprimer la contribution spécifique des employeurs au FCAATA, qui a des effets négatifs sur l'emploi, dont le recouvrement est coûteux et complexe, et dont le rendement se situe bien loin de ce qui en était attendu – 30 millions d’euros par an au lieu de 100 millions.

M. Patrick Roy. Donc, personne n’est responsable !

M. Roland Muzeau. C’est injuste !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. La branche AT-MP accroîtra d'autant sa contribution, afin que le FCAATA dispose d'un même niveau de ressources.

Je tiens à la disposition de chacun des exemples précis d’entreprises qui ont failli être amenées au dépôt de bilan parce qu’elles n’étaient pas en mesure de régler cette seule contribution. La mutualisation permettra de garantir le financement pour les fonds amiante mais aussi de sauvegarder l’emploi, ce qui nous paraît important.

Enfin nous augmenterons la contribution de la branche AT-MP à la branche maladie pour tenir compte du phénomène de sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles. Suivant les préconisations du rapport de M. Diricq rendu en juillet dernier, la contribution de la branche AT-MP à la branche maladie sera portée à 710 millions d'euros.

Enfin, pour ce qui concerne la gouvernance des caisses et organismes de sécurité sociale, nous voulons mettre en place une véritable gestion de carrière des cadres dirigeants et améliorer la cohérence et l’efficacité des réseaux.

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l’équilibre général. Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. En s’inspirant de ce qui avait été fait en 2004 pour l’assurance maladie tout en tenant compte des spécificités des autres branches et du rôle que jouent les conseils d’administration, nous proposons que les directeurs des organismes locaux soient désormais nommés par les directeurs des caisses nationales. C’est un sujet qu’avait porté notamment M. Tian l’an dernier. J’avais indiqué alors que nous poursuivrions sur la voie de la concertation pour aboutir. Cette mesure a précisément fait l’objet d’une large concertation. Elle rejoint d’ailleurs le souhait exprimé à plusieurs reprises par votre assemblée dans le cadre des travaux parlementaires de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, ou sous forme d’amendements.

Avant de laisser la parole à Valérie Létard, qui vous présentera les priorités de notre politique en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées, et à Nadine Morano pour ce qui concerne la famille, complétant ainsi les propos de Roselyne Bachelot, je veux souligner qu'au travers de ce PLFSS marqué par la solidarité et la responsabilité, ce sont bien les valeurs fondamentales de notre système social que nous mettons à l'honneur.

C'est dans les moments de crise que la solidarité avec ceux qui sont en difficulté doit être la plus forte. Nous voulons renforcer la cohésion sociale, nous voulons moderniser notre modèle social. C’est une exigence et c’est aussi l’enjeu de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs, la politique en faveur des personnes âgées et handicapées que nous voulons mettre en œuvre à travers ce deuxième projet de loi de financement de la sécurité sociale du quinquennat s'inscrit dans la feuille de route qui nous a été fixée, à Xavier Bertrand et à moi-même, par le Président de la République.

Ce projet de loi pour 2009 marque de façon très forte la volonté du Gouvernement de poursuivre et d'amplifier l'effort de la collectivité envers nos concitoyens les plus fragiles. Dans le même temps, il vise à dépenser mieux, afin d'assurer plus d'équité et plus d'efficacité à la dépense publique.

Ce n'est pas rien, dans le contexte contraint que nous connaissons, que de décider d'une progression de 6,3 % des moyens dans le secteur médico-social, portant ainsi l'effort de la collectivité à plus de 15,3 milliards d'euros. Au total, ce sont 920 millions d’euros de plus qu'en 2008 qui sont investis au profit des plus fragiles de notre société.

Cet effort vise à faire face à l'urgence démographique et sociale, et à mettre en œuvre les objectifs décidés par le Président de la République pour répondre au vieillissement et aux besoins des personnes handicapées.

Ainsi, en ce qui concerne les personnes âgées, nous assurons d'abord une réponse au défi du grand âge en finançant 16 700 places supplémentaires à domicile et en établissement à hauteur de 171 millions d’euros. Dans le cadre de la mise en œuvre du plan Alzheimer, ce sont en particulier 2 400 places en établissements et 3 250 places d'accueil de jour et d'hébergement temporaire qui seront spécifiquement dédiées à cette pathologie.

Notre effort portera également sur l'amélioration des moyens en personnel des établissements existants. En 2009, 10 000 emplois soignants supplémentaires seront financés, ce qui représente un effort supplémentaire de 300 millions d’euros.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 nous permettra également de tenir nos engagements en faveur des personnes handicapées et de leurs familles.

Lors de la conférence nationale du handicap du 10 juin dernier, le Président de la République a annoncé le lancement d'un nouveau plan pluriannuel de création de places au profit des personnes les plus lourdement handicapées. Les 50 000 places prévues par ce plan seront toutes notifiées en cinq ans et nous nous engageons à assurer leur ouverture effective au public sur sept ans.

Pour l'année 2009, la mise en œuvre de ce plan pluriannuel mobilisera près de 350 millions d’euros de mesures nouvelles, soit une progression de 4,6 % des moyens consacrés au financement des établissements et services pour personnes handicapées.

Au total, ce sont 5 500 places nouvelles qui seront financées en 2009 sur le champ couvert par l'ONDAM médico-social, auxquelles s'ajoutent 1 400 places inscrites au budget de l'État au titre des établissements et services d'aide par le travail, les ESAT.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 est également l'occasion d'étendre les prérogatives de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie en ce qui concerne la formation.

Cette disposition permettra notamment, dans le cadre de la mise en œuvre du plan Alzheimer, de financer et d’accompagner la formation des aidants familiaux qui sont aujourd'hui trop souvent dans le désarroi lorsqu’un proche est frappé par cette pathologie qui demande véritablement une information et une formation particulière.

Dans le même esprit de développement de la promotion professionnelle, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie pourra assurer la prise en charge de tout ou partie des dépenses de remplacement des personnels partis en formation professionnelle. Cette mesure était très attendue sur le terrain.

Comme vous le voyez, l’effort réalisé par l'assurance maladie est important. Mais cela ne nous exonère pas, bien au contraire, de l'obligation de dépenser mieux. Ce projet de loi doit aussi être l’occasion de décider de mesures structurelles pour améliorer l'efficience des dépenses de la collectivité.

L'objectif que nous nous sommes fixé est bien d'attribuer dorénavant les moyens en fonction du service rendu par les établissements et non par rapport aux coûts antérieurs.

Nous souhaitons également engager une dynamique de convergence tarifaire des établissements pour personnes âgées, afin d'attribuer les moyens de l'assurance maladie de manière plus équitable qu'aujourd'hui. Alors que nous sommes redevables du moindre euro dépensé, il n'est plus possible de laisser subsister des écarts de 1 à 3 en termes de ressources pour un même service rendu.

Bien entendu, grâce à l'attribution des 300 millions d’euros de moyens nouveaux que j'évoquais à l'instant, ce sont plus de 80 % des établissements médico-sociaux pour personnes âgées qui verront leurs moyens progresser fortement. Seuls moins de 20 % des établissements devront augmenter leur service rendu afin de mettre celui-ci en adéquation avec leurs moyens. En aucun cas, évidemment, il ne sera question de réduire les moyens existants : il s’agira de les optimiser.

Dans le même esprit, la tarification sera simplifiée à l'horizon 2010, de façon à laisser plus de liberté et de responsabilités aux gestionnaires.

Enfin, le PLFSS pour 2009 est l'occasion d'ouvrir le débat sur la surconsommation médicamenteuse dans les établissements pour personnes âgées dont chacun s'accorde à considérer qu'elle constitue un grave problème de santé publique.

Un chiffre permet à lui seul de mesurer l'ampleur du problème puisque 20 % des hospitalisations des personnes de plus de quatre-vingts ans sont liées à des problèmes d'iatrogénie médicamenteuse. Ce n'est pas une situation satisfaisante.

Naturellement, le Gouvernement est prêt à regarder favorablement les propositions du Parlement sur ce dossier important et complexe, par exemple en rendant expérimental le dispositif initialement envisagé pour déterminer quel est le meilleur moyen de lutter contre la iatrogénie médicamenteuse.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Très bien !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Je souhaite que le débat en séance publique nous permette d'avancer sur cette question importante.

Enfin, ce texte s'inscrit également dans le cadre d'un projet global de mise en œuvre du cinquième risque de protection sociale : la compensation de la perte d'autonomie quel que soit l'âge, projet que nous souhaitons, Xavier Bertrand et moi-même, présenter avant la fin de l'année.

En effet, l'incertitude et l'inquiétude nées de la crise financière mondiale ne doivent pas nous conduire à remettre à plus tard les mesures destinées à améliorer le sort des plus fragiles d'entre nous. Bien au contraire, c'est à un surcroît de solidarité et d'innovation que nous devons travailler pour répondre à cette nouvelle frontière de la citoyenneté qu'est la compensation de la perte d'autonomie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille.

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille. Monsieur le président, mesdames, messieurs, avec deux enfants par femme, le taux de natalité en France est le premier en Europe, et il est envié par nombre de pays européens. Nous y consacrons un budget total de 88 milliards d’euros, soit 4,7 % de notre produit intérieur brut. Et le Président de la République s’est engagé à développer l’offre de garde d’enfants, avec l’ouverture, d’ici à 2012, de 200 000 à 400 000 places de garde supplémentaires.

En effet, le taux d’activité des femmes est de l’ordre de 82 %. Si nous voulons donc conforter, voire augmenter notre taux de natalité, il faut développer des modes de garde diversifiés correspondant aux contraintes professionnelles de nos concitoyens.

C’est pourquoi nous avons décidé de vous proposer à travers ce PLFSS trois mesures concrètes et pragmatiques qui répondent à l’attente de nos concitoyens.

Il faut tout d’abord penser à ceux qui travaillent en horaires décalés ou atypiques. Cela concerne 469 000 familles ayant des enfants de moins de six ans. Il faut penser aux familles monoparentales, dont le parent commence tôt le matin, finit tard le soir ou travaille le week-end. Nous avons décidé à leur attention d’augmenter le complément mode de garde de 10 %, ce qui correspond aux surcoûts liés à l'intervention d'une assistante maternelle ou d'une garde à domicile. Cette mesure est estimée à 25 millions d'euros.

Parce que c’est une nécessité, nous avons également choisi d’assouplir la réglementation en matière de taux d’encadrement. Comme l’a suggéré le rapport de Michèle Tabarot, nous vous proposons de permettre aux assistantes maternelles de garder quatre enfants au lieu de trois. Je vous rappelle que, dans les pays du Nord, les assistantes maternelles peuvent accueillir jusqu’à cinq enfants. Ce dispositif permettra la création de 2 000 places dès 2009 avec un coût prévisionnel de 50 millions d’euros.

Nous vous proposons une seconde mesure d’assouplissement de la réglementation, très attendue à la fois par les élus locaux, les parents et les professionnels : il s'agit de permettre aux assistantes maternelles de se regrouper pour travailler ensemble dans un même local.

M. Marc Bernier. Très bien !

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. Je suis récemment allée en Mayenne où une expérimentation est menée en ce sens depuis deux ans – il y a douze sites d’expérimentation. J’ai pu constater à quel point ces regroupements d’assistantes maternelles donnaient pleine satisfaction, notamment par l’amplitude des horaires proposés puisque ces regroupements permettent d’ouvrir de quatre heures et demie le matin à vingt et une heures le soir ainsi que le samedi matin. Nous souhaitons développer ces expérimentations partout sur le territoire.

Ces mesures concrètes correspondent au souhait de Xavier Bertrand et au mien de répondre de manière pragmatique et avec bon sens aux préoccupations de nos concitoyens. Elles sont du reste véritablement attendues sur le terrain. Il s’agit donc non pas de mettre en place des dispositifs tarte à la crème, comme certains voudraient le laisser croire, (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) mais de prévoir des dispositifs qui correspondent aux contraintes professionnelles de nos concitoyens.

Les fraudes quant à elles, déjà évoquées par Éric Woerth, s’élèvent à 58 millions d’euros, c'est-à-dire, il est vrai, à seulement 0,1 % du budget. Nous devons toutefois lutter de manière intraitable contre les fraudeurs car ils font injure aux valeurs républicaines. La lutte contre les fraudes sera renforcée grâce à l’instauration du principe de fongibilité des indus entre fonds de la branche famille, c'est-à-dire la possibilité de compenser des prestations indûment versées entre le Fonds de prestations familiales et le Fonds national des aides au logement. Ainsi, pour prendre un exemple concret, en cas de trop-perçu d'allocation logement, une personne pourra se voir retenir des allocations familiales. C'est là un procédé équitable et efficace.

Vous l’aurez compris, Xavier Bertrand et moi-même souhaitons prendre, notamment en matière de garde d’enfants, des mesures qui, d’une part, correspondent aux contraintes familiales pour mieux concilier vie familiale et vie professionnelle et, d’autre part, respectent l’égalité républicaine. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l’équilibre général.

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l’équilibre général. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mesdames les secrétaires d’État, mes chers collègues, nous abordons ce PLFSS dans un contexte exceptionnel dont l'économie mondiale et la France en particulier se seraient bien passées, tant les problèmes touchant aux finances sociales sont déjà suffisamment difficiles à traiter dans notre pays, où beaucoup estiment qu'il est toujours plus facile d'en appeler aux réformes que d'en accepter les exigences.

M. Pascal Terrasse. De qui s’agit-il ?

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Vous êtes un conservateur !

Oui, mes chers collègues, j'aborde ce treizième PLFSS avec un chiffre qui m'obsède, celui de la dette sociale : 7,4 milliards d'euros. C'est en effet ce que coûtera aux Français la charge de la dette sociale en 2008, soit 5,9 milliards pris en charge par la CADES au titre des dettes anciennes et près de 1,5 milliard de frais financiers résultant des déficits non encore transférés et portés par le régime général et le régime des non-salariés agricoles. Mais 7,4 milliards d'euros, c'est aussi, hélas, le prix de notre incapacité collective à réformer notre protection sociale et à la moderniser suffisamment pour lui permettre de répondre aux besoins de solidarité dans un environnement de plus en plus contraignant.

M. Pascal Terrasse. Ce n’est pas gentil pour Xavier Bertrand.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. J’ai parlé d’« incapacité collective ».

Certes, chaque année apporte son lot de réformes, annoncées comme telles, ou de mesures nouvelles proposées à un corps social désabusé et même réticent, qui tente de comprendre le sens des efforts demandés dans une cacophonie politique et sociale masquant l'impossibilité d'un consensus minimum sur l'essentiel.

Le corps social sent bien, pourtant, qu'il n'est pas sain de continuer à s'endetter de la sorte pour des dépenses courantes. Nos dépenses sociales sont en effet des dépenses courantes qui, comme le souligne la Cour des comptes, ne doivent pas être reportées sur les générations futures, d’autant que le corps social est finalement celui qui règle déjà et réglera encore longtemps les ardoises de nos conservatismes égoïstes et de tous les corporatismes à courte vue qui freinent les changements, que chacun sait pourtant inéluctables.

Le coût de la dette pour l'an prochain sera de 8,9 milliards d’euros, soit 1,5 milliard d’euros de plus qu'en 2008, en raison de la charge supplémentaire d'amortissement. Or ces 8,9 milliards, qui équivalent à deux fois l'augmentation de l'ONDAM pour 2009, nous les versons aux établissements financiers au lieu de les mobiliser pour la santé des Français ou en vue de financer leur retraite !

Certains prendront prétexte du montant effarant de cette somme pour minimiser l'impact des revendications corporatistes en tous genres et justifier qu’on ne fasse rien, notamment qu’on n’indexe pas sur l'inflation les accises sur le vin – 1,1 million d'euros répartis sur 3,5 milliards de bouteilles –, ni qu’on optimise nos dépenses de médicament, sinon avec prudence, qu'il s'agisse des prescriptions en ville, à l'hôpital et même en maisons de retraite, ni qu’on bouscule une organisation hospitalière sclérosée qui a été incapable d'anticiper le virage de la tarification à l'activité. Il faudrait en revanche continuer à disperser l'argent des Français sur toutes sortes de soins et de produits de santé même peu efficaces, et continuer à entretenir les trop coûteuses délégations de gestion de l'assurance maladie à certaines mutuelles au nom de la tradition. Je ne sais si l’audace d’une telle affirmation me vaudra de votre part, madame et messieurs les ministres, un rappel à l’ordre, pour répondre à l'admonestation du président de la Mutualité, au nom du reste de je ne sais quelle légitimité.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Non.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Pourtant, nous devons avoir conscience que la crise financière et économique avec ses conséquences sociales mettra nos finances davantage encore sous tension.

Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale est daté. Il n'y a pas de honte à l'avouer : tous les gouvernements du monde se trouvent confrontés à la même situation.

M. Gérard Bapt. C’est vrai.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. La propagation rapide des effets de la crise financière depuis la faillite de Lehman Brothers rend la prévision difficile et, surtout, encore plus éphémère qu'à l'accoutumée.

M. Gérard Bapt. Et la Caisse d’épargne ?

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Cela étant, en dépit de ce contexte extrêmement difficile, le texte n'en parvient pas moins à permettre des avancées significatives.

Je veux, à cet égard, souligner tout d’abord l'amélioration de plus de 6 milliards d’euros du compte tendanciel du régime général. Autrement dit, sans les mesures qu'il comporte ou qui y sont associées, le déficit du régime général atteindrait 15 milliards d'euros en 2009, tandis qu'il devrait être ramené à 8,6 milliards d'euros.

Ensuite, cette amélioration ne pèse pas sur les ménages car elle résulte pour les deux tiers de ressources nouvelles, au besoin par la voie de transferts. Ces recettes nouvelles possèdent deux qualités : elles sont à la fois pérennes et légitimes, s'agissant notamment du « forfait social », qui est la traduction d'une des recommandations quasi unanimes de la mission d'information commune des commissions des affaires sociales et des finances, présidée par Gérard Bapt et dont j’ai été le rapporteur.

M. Gérard Bapt. C’est vrai.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. La prudence est de mise pour entamer une évolution du mécanisme des allégements généraux dans les circonstances économiques actuelles pleines d'incertitudes.

Je ne veux pas non plus manquer de souligner le fait que les finances sociales doivent désormais s'inscrire dans un cadre pluriannuel renforcé. L'un des principaux apports du cadrage pluriannuel est de nous faire prendre conscience des défis auxquels il nous faudra répondre à moyen terme. De ce point de vue, l'annexe B n'est guère encourageante, puisqu'elle montre que, si l'équilibre peut être atteint en 2012, au prix d'une hypothèse de croissance annuelle de 2,5 % à partir de 2010 et d'un ONDAM progressant de 3,3 % par an, cela n'évitera pas à la branche vieillesse de cumuler les déficits tout au long de la période considérée pour atteindre 12,6 milliards d'euros pour le régime général.

Certains autres déficits se creuseront d'ailleurs dès 2009, comme celui du FSV – 2 milliards d’euros sur l'ensemble de la période – ou du régime des non-salariés agricoles, en particulier au titre de la branche vieillesse – près de 3 milliards d’euros pour les seuls exercices 2009 et 2010. Je tiens néanmoins à saluer les engagements pour 2009 afin de clarifier le portage de la dette sociale comme celle du FFIPSA.

S'il faut se féliciter des efforts accomplis par l'État au cours des dernières années pour s'acquitter de ses dettes, notamment avec le remboursement de plus de 5 milliards d'euros intervenus en octobre 2007, la dette ne s'en est pas moins reconstituée depuis lors,…

M. Pascal Terrasse et M. Gérard Bapt. Déjà !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. …au titre des exercices 2006 et 2007, pour dépasser sans doute 3,8 milliards d'euros fin 2008. Un nouvel effort de l'État serait donc souhaitable à l'occasion de la loi de finances rectificative pour 2008 tandis que les dotations budgétaires requises devraient à l’avenir être mieux adaptées aux besoins.

Le mot d'ordre est donc clair : il faut poursuivre et renforcer les actions entreprises par ce projet de loi de financement. En effet, si des incertitudes pèsent sur les recettes en dépit d’une approche beaucoup plus réaliste que par le passé, il est de notre devoir et de notre responsabilité politique de tenir les objectifs de dépenses.

Dans le champ de la maladie, madame la ministre, il est indispensable que l'ONDAM que nous voterons et dont la progression est réaliste soit respecté. Personne ne peut parler de rationnement quand 4,6 milliards d'euros supplémentaires seront injectés en 2009 dans notre système de soins. Il est de la responsabilité de l'assurance maladie de tout faire pour que l'ONDAM soit tenu.

Comme le relève le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, sur la période 1997 à 2007, l'ONDAM hospitalier réalisé n'a dépassé que de 2,3 milliards d’euros l’ONDAM voté,…

M. Pascal Terrasse. Ce qui n’est rien du tout !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. …alors que l'ONDAM de ville réalisé a dépassé de 15 milliards d’euros celui qui a été voté.

M. Pascal Terrasse. C’est bien de le rappeler, monsieur Bur !

M. Gérard Bapt. Vous êtes un rapporteur objectif !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Nous savons que pour 2008 il sera dépassé d'au moins 750 millions d’euros.

C'est la raison pour laquelle il convient d'améliorer les conditions d'intervention du comité d'alerte en lui permettant d’intervenir un peu plus tôt, si nécessaire, afin que les mesures de redressement proposées par les caisses d'assurance maladie puissent entrer en vigueur plus rapidement. Le suivi de leurs incidences doit en outre être réalisé aussi bien au titre de l'exercice au cours duquel elles ont été prises que de l'exercice suivant.

Pour la branche vieillesse, le seul levier véritablement efficace dont on dispose pour augmenter le taux d'emploi des seniors est la modulation de l'âge de départ en retraite. Votre rapporteur est convaincu que nos concitoyens sont prêts à comprendre que l'allongement de l'espérance de vie d'un trimestre par an doit trouver sa contrepartie dans l'allongement de l'âge de la retraite, qui pourrait être progressivement porté, également à raison d'un trimestre par an, à soixante-cinq ans en 2028.

M. Pascal Terrasse. C’est trivial.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. D’autres pays ont déjà pris cette décision essentielle à l’avenir de leurs régimes de retraite,…

M. Roland Muzeau. Et alors ?

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. …qui présente notamment l’avantage de donner aux salariés une vision claire des perspectives, préférable à ces grands rendez-vous annoncés, dont l’effet anxiogène limite la portée.

Il ne faut pas tarder car les décisions seront ensuite d’autant plus douloureuses à prendre pour éviter que les retraites d’aujourd’hui ne soient financées par les dettes de demain. Reste que ce relèvement progressif de l’âge de la retraite ne sera juste et acceptable que s’il est accompagné d’une prise en compte de la pénibilité du travail,…

M. Pascal Terrasse. Très juste !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. …les partenaires sociaux étant ainsi amenés à en définir les modalités d’application à l’échelon de la branche.

M. Pascal Terrasse. Pour le moment, vous n’avez pas beaucoup avancé ! Depuis 2003, c’est zéro pointé !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Là encore, osons regarder la réalité en face et agissons plutôt que de multiplier les rendez-vous manqués !

Voilà les quelques remarques que votre rapporteur pour les recettes et pour l’équilibre – une quête d’équilibre qui relève encore du rêve –, souhaitait partager avec l’Assemblée. Que le chiffre de 8,9 milliards d’euros nous accompagne durant cet examen du PLFSS pour 2009 et nous permette d’être à la hauteur des exigences, des défis et des attentes des Français pour sauvegarder la solidarité si indispensable – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre du travail – dans cette période de grands troubles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pascal Terrasse et M. Pierre Forgues. Et le chômage ? Vous n’avez rien dit du chômage !

M. Gérard Bapt. C’est un bon rapport !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l’assurance maladie et les accidents du travail.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, « assurer le financement des dépenses de santé, c’est un défi pour demain qui se joue aujourd’hui », déclarait le Président de la République il y a quelques jours, lors de sa visite de la maison médicale de Bletterans.

C’est en effet aujourd’hui que se joue la pérennité de notre système de santé au financement solidaire car, à moyens limités, nous devons faire face à des besoins de santé qui augmentent d’année en année sous l’effet conjugué du vieillissement de la population et du progrès scientifique qui rend nos thérapeutiques de plus en plus efficaces mais aussi de plus en plus coûteuses.

Comment soigner mieux avec des moyens limités ? Voilà l’équation que nous avons à résoudre. Elle n’est toutefois pas insoluble, loin s’en faut. La loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie a défini notre stratégie en la matière en fixant les principes d’une politique de maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Je souhaite en souligner deux traits caractéristiques qu’il me paraît important de garder en mémoire : d’abord, elle vise à « optimiser nos dépenses de santé » dans une recherche constante d’efficience, c’est-à-dire soigner mieux et non soigner moins ; ensuite, elle ne joue pas contre les professionnels de santé mais elle est élaborée avec leur concours – notamment dans le cadre conventionnel.

La maîtrise des dépenses de santé est légitime en soi mais vouée à l’échec si elle se fait contre les professionnels. La maîtrise médicalisée met la santé du patient au centre du système et c’est pour cela que chacun peut et doit se l’approprier. C’est ainsi que cette politique a commencé à faire ses preuves. Le déficit s’aggravant tendanciellement d’au moins 2 milliards d’euros chaque année, si rien n’avait été fait, l’assurance maladie aurait enregistré en 2008 un déficit d’au moins 22 milliards d’euros.

Cependant, je le répète, la maîtrise médicalisée est une politique exigeante qui suppose des efforts intenses et constants. Il faut les poursuivre en ce sens et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 s’inscrit dans cette optique. Il repose en effet sur un ONDAM en progression de 3,3 %, ce qui signifie que nous consacrerons à la santé des Français 4,6 milliards d’euros de plus qu’en 2008.

M. Gérard Bapt. Ce n’est rien comparé à ce qu’on donne aux banques !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Cet ONDAM 2009 appelle aussi trois remarques. D’abord, 3,3 % de progression, c’est réaliste puisque c’est exactement le même qu’en 2008. Ensuite, c’est un niveau raisonnable car conforme à la projection pluriannuelle de nos finances publiques – je rappelle que nous avons voté il y a quelques jours, et c’était une première, une programmation triennale de nos finances publiques. Pour finir, la répartition de l’ONDAM entre les différents secteurs est enfin équilibrée : le taux de progression dans le domaine de la ville et dans le domaine hospitalier est le même et atteint 3,1 %.

M. Gérard Bapt. Docteur, cela ne sert à rien !

M. Pierre Forgues. En effet, ce n’est pas pour cela que c’est bien !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Même fixé au niveau réaliste de 3,3 %, cet ONDAM ne sera respecté que si l’on parvient à réaliser plus de 2 milliards d’euros d’économies. Cela suppose donc des efforts nouveaux que le Gouvernement a choisi de ne pas faire porter sur les assurés sociaux, ce qui, dans le contexte actuel de difficultés économiques pour les ménages français, mérite d’être salué.

Pour réaliser les économies nécessaires, ce PLFSS comporte plusieurs mesures structurelles nouvelles. En examinant près de 450 amendements, la commission a complété ce travail. Sans revenir longuement ici sur ce qu’a dit Mme la ministre, on notera notamment que le projet vise à approfondir la maîtrise médicalisée par une gouvernance plus efficace du système de santé : les organismes d’assurance maladie complémentaire pourront prendre part aux négociations conventionnelles.

Aussi, pour une meilleure articulation entre l’ONDAM et la vie conventionnelle, le Parlement sera mieux informé des négociations et du résultat de leur mise en œuvre. La commission a d’ailleurs adopté un amendement prévoyant que les assureurs complémentaires tiendront le Parlement informé de leur politique conventionnelle et de ses résultats, comme les caisses devront le faire et cela, suivant un calendrier compatible avec un examen du PLFSS dans de bonnes conditions, à savoir en amont.

Pour améliorer la qualité et l’efficience des soins de ville, la prescription d’actes paramédicaux en série sera guidée par des référentiels de la Haute autorité de santé qui prévoit un nombre médicalement défini de séances. Bien entendu, il restera toujours possible de prescrire davantage si l’état de santé du patient le nécessite.

Le PLFSS aménage également la rémunération des enseignants de médecine générale pour la rendre plus attractive et plus stable. Nous vous avons présenté en début d’année la proposition de loi qui a permis de titulariser ces personnels. La disposition envisagée va donc dans le sens d’une meilleure structuration de la filière universitaire de médecine générale.

Enfin, le projet de loi prévoit de faciliter l’indemnisation des victimes d’une infection post-transfusionnelle par le virus de l’hépatite C. Vous le savez, les drames qu’ont pu causer de telles contaminations constituent une véritable injustice. La création d’une procédure d’indemnisation à l’amiable pourra éviter à ces victimes d’intenter des procès pour être indemnisées, ce qui leur épargnera les longs délais et les coûts inhérents aux procédures contentieuses.

J’avais proposé, madame la ministre, de réparer une lacune juridique à cause de laquelle les patients transfusés dans les petits centres associatifs, non repris par l’Établissement français du sang, ne peuvent être indemnisés par voie contentieuse des dommages liés à leurs transfusions, ce qui crée entre les victimes une différence de traitement très regrettable. Ayant été saisi par le médiateur de la République de ce problème, j’ai soumis à la commission, qui l’a adopté, un amendement tendant à le résoudre. Malheureusement, celui-ci n’a pas passé le filtre de l’article 40 de la Constitution. L’enjeu financier demeurant limité, je souhaite, madame la ministre, que le Gouvernement accepte de reprendre cet amendement à son compte.

La commission a aussi adopté des amendements confiant à la nouvelle Agence des systèmes d’information de santé partagée, l’ASIP, non seulement le pilotage du projet du dossier médical personnel auquel je tiens prioritairement, mais également la négociation relative au numéro d’identifiant de santé, le fameux NIS, toujours en latence.

Enfin, la commission s’est saisie de la question du remboursement des cures thermales – qui demeure en suspens depuis de nombreuses années. En adoptant un amendement tendant à réduire la prise en charge de ces cures par l’assurance maladie, la commission a souhaité que des initiatives soient prises en la matière. Je connais votre point de vue sur le sujet, madame la ministre, et nous attendons votre réponse. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Que d’eau, que d’eau !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. S’agissant de l’hôpital, le projet renforce également la maîtrise médicalisée et les efforts d’efficience, sachant que, dans quelques semaines, le projet portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires proposera une modernisation globale du système de santé français en apportant des réponses aux grands enjeux que sont l’accès de tous aux soins. Ce texte complétera ainsi utilement les mesures du PLFSS.

On ne peut cependant que regretter – même si vous n’en êtes pas responsable, madame la ministre – que le calendrier n’ait pas permis de débattre de votre loi HPST avant le PLFSS.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Cela aurait certainement évité une certaine confusion au cours des débats au sein de la commission des affaires sociales.

Le PLFSS prévoit de mieux réguler les prescriptions de spécialités pharmaceutiques financées en sus des groupes homogènes de séjour dont les dépenses enregistrent une forte croissance – de plus de 18 % – entre 2006 et 2007.

Parallèlement, le champ des mises sous accord préalable est étendu à des prestations d’hospitalisation atypiques. Ce dispositif devrait être de nature à inciter les établissements ayant une facturation atypique à des prises en charge plus adaptées. L’article 38 du projet permet aussi de réduire le coût de la prise en charge de certains médicaments administrés en consultation externe.

D’autre part, le texte dispose également que les outils de traitement des situations de déséquilibre financier seront mieux articulés. Il prévoit notamment une meilleure articulation de la procédure de mise sous administration préalable avec celle du plan de redressement.

La tarification à l’activité des établissements pour personnes âgées dépendantes est, quant à elle, une question trop complexe pour être traitée superficiellement dans la discussion générale ; nous y reviendrons donc longuement au cours de l’examen des articles 44 et 45 concernant les EPAD.

S’agissant des accidents du travail et des maladies professionnelles, le PLFSS apporte également des améliorations notables. Il prend délibérément le parti de donner une priorité aux victimes d’accidents du travail en améliorant la réparation à laquelle ils ont droit et en favorisant leur réinsertion professionnelle. En effet, d’importantes propositions de l’accord des partenaires sociaux du 12 mars 2007 relatif à la prévention, à la tarification et à la réparation des risques professionnels sont transposées dans la loi.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Je termine, monsieur le président.

En premier lieu, la prise en charge de certains frais paramédicaux est améliorée. Ensuite, l’article 66 propose de maintenir le versement des indemnités journalières entre la date de reconnaissance de l’inaptitude et la date de mise en œuvre de la décision de l’avenir du salarié, alors que, pendant ce délai d’un moins maximum, la victime ne recevait jusqu’ici ni indemnité journalière, ni salaire, ni indemnité de chômage.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Très bien

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Par ailleurs, le dispositif en faveur de la réinsertion professionnelle est renforcé et la commission a adopté un amendement que j’ai présenté visant à étendre encore les actions de formation proposées en amont aux victimes d’accidents du travail pour préparer leur réinsertion.

Je ne saurais passer sur le financement des fonds destinés aux victimes de l’amiante. L’article 67 assure en effet la continuité de la prise en charge des victimes de l’amiante qui s’est traduite par la création des deux fonds spécifiques que nous savons. Si la contribution des entreprises est supprimée, c’est parce qu’elle était économiquement contre-productive, mais elle est remplacée par une augmentation à due concurrence de la dotation de la branche AT-MP afin que sa suppression n’ait pas d’impact sur les comptes du fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA.

Enfin, le phénomène de sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles est mieux pris en compte. En effet, le texte augmente la contribution de la branche AT-MP à la branche maladie de 710 millions d’euros afin de tenir plus justement compte des phénomènes de sous-déclarations, ce qui représente une hausse de plus de 73 %.

Sous la réserve du vote des amendements qu’elle propose, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales propose donc à l’Assemblée nationale d’adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l’assurance vieillesse.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l’assurance vieillesse. Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, le PLFFS pour 2009 est la traduction législative du rendez-vous de 2008 sur les retraites. L’engagement voté en 2003 est donc respecté. Mais ce PLFSS est également la concrétisation d’engagements solennels du Président de la République qui ont déjà reçu des réponses réglementaires : je pense à la réforme des régimes spéciaux, au versement exceptionnel de 200 euros préalablement au relèvement du minimum vieillesse, à la revalorisation de 0,8 % des retraites, à la reconduction du dispositif des départs anticipés pour carrières longues.

Le Gouvernement a souhaité axer le rendez-vous législatif sur deux thèmes.

Tout d’abord, le relèvement des petites pensions, ce qui amène à revoir les dispositifs du minimum contributif, du minimum vieillesse et des pensions de réversion : ces questions sont traitées par quatre articles du projet de loi.

Ensuite, la gestion des âges de départ en retraite et le soutien au maintien dans l’emploi des salariés âgés, ce qui conduit à aborder les questions relatives à l’évolution de l’âge effectif de liquidation des pensions, à la retraite anticipée pour carrière longue, aux modalités de calcul des pensions de retraite et aux limites d’âge professionnelles, mais également, pour certains de nos collègues, à l’âge légal de départ en retraite : ces questions sont traitées par huit articles du projet de loi.

La loi du 21 août 2003 a visé à rééquilibrer et sécuriser les régimes de retraite jusqu’en 2020. Elle n’est qu’une première étape du franchissement de la difficile transition démographique qui s’achèvera vers 2050. Le rendez-vous de 2008 confirme les orientations arrêtées en 2003, notamment le relèvement de la durée d’assurance limite.

Lors de la réunion de la commission, des commissaires ont estimé que les dispositions proposées par le Gouvernement étaient insuffisantes pour garantir la viabilité à terme du système par répartition. Ils ont proposé de relever l’âge légal de la retraite.

Je m’y suis opposé,…

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Très bien !

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l’assurance vieillesse. …et les amendements ont été rejetés par la commission. Nous y reviendrons au cours de la discussion des articles. Je veux seulement affirmer ici que les mesures du PLFSS s’inscrivent dans la ligne de la loi du 21 août 2003. Elles ne tendent pas à réduire les dépenses des régimes ou à accroître leurs recettes pour parvenir à un équilibre comptable à terme. Elles visent à maintenir les comptes sur la voie tracée en 2003.

Des dépenses abusives sont supprimées ; des recettes nouvelles sont dégagées. Mais surtout, le PLFSS propose de lever les obstacles au maintien dans l’activité, parce que nos régimes de retraite souffrent de l’avancement progressif de l’âge de liquidation des pensions : avant de reculer l’âge de la retraite, encore faut-il que les Français puissent travailler au moins jusqu’à 60 ans et ensuite 61, 62, 65 ans s’ils le souhaitent !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Voilà la vérité !

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l’assurance vieillesse. Le PLFSS propose également une redistribution des dépenses, afin de concentrer l’effort financier sur le soutien aux assurés les plus défavorisés : c’est tout l’enjeu de la réforme du minimum vieillesse, des pensions de réversion et du minimum contributif.

Avant de réfléchir à la fixation de l’âge de la retraite, il était urgent de prendre des décisions pour sortir de trop nombreux retraités d’une situation de pauvreté intolérable dans notre pays.

M. Roland Muzeau. Il faut augmenter les pensions !

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l’assurance vieillesse. J’y viendrai, cher collègue.

Comme en 2003, le Gouvernement propose une réforme des retraites marquée par la préoccupation sociale, et non par une approche comptable.

Les Français comprennent aujourd’hui la nécessité du relèvement de la durée d’assurance permettant d’obtenir une liquidation au taux plein, car chacun peut observer l’allongement de l’espérance de vie à la retraite et la dégradation du rapport entre cotisants et retraités. Mais ils ne comprennent pas que, sur 190 milliards d’euros de prestations légales vieillesse et veuvage, on ne puisse pas opérer une redistribution pour venir en aide aux plus défavorisés.

Certes, on peut toujours aller plus loin. Moi-même, j’aurais souhaité que le Gouvernement puisse proposer une réforme du mode d’indexation des salaires et revenus portés aux comptes individuels des assurés du régime général et des régimes alignés.

M. Jean Mallot. Eh bien voilà !

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l’assurance vieillesse. Une injustice existe pourtant, puisqu’un salarié ayant cotisé une carrière complète au plafond de la sécurité sociale devrait bénéficier d’une pension égale à 50 % de ce plafond, alors qu’elle n’est que de 43 %, compte tenu des règles dégradées d’indexation.

Sur un autre plan, j’ai proposé – et la commission l’a adopté – un amendement prévoyant de calculer le salaire ou le revenu moyen servant au calcul des droits à pension à partir, non pas des salaires annuels des 25 meilleures années, mais des salaires trimestriels des 100 meilleurs trimestres civils de la carrière de l’assuré.

Cette réforme, dont je mesure l’importance considérable, permettrait de mettre en œuvre fidèlement l’article 2 de la loi du 21 août 2003 : « Tout retraité a droit à une pension en rapport avec les revenus qu’il a tirés de son activité ». Les pensions refléteraient mieux la réalité des carrières des assurés, et notamment les interruptions dues aux maladies, aux maternités, au chômage et aux sorties du périmètre des régimes coordonnés. Cette règle simple éviterait d’écarter du calcul du salaire moyen les revenus de l’année où la pension est liquidée.

Concernant les articles du PLFSS, la commission a apporté son soutien à toutes les mesures proposées. Les débats les plus nourris ont porté sur la revalorisation des pensions de retraite, la réforme du minimum vieillesse et la majoration des pensions de réversion.

La commission a adopté des amendements techniques, notamment concernant une innovation majeure du PLFSS : la mise sous condition de revenus tirés des pensions de retraite du service des majorations de pensions. La complexité technique de la mesure doit en effet être étudiée avec la plus grande attention.

Concernant la majoration des pensions de réversion, je me félicite que le PLFSS propose une mesure traitant à la fois le stock des pensions déjà liquidées et le flux des futures liquidations. Le dispositif proposé est un compromis équitable permettant d’améliorer la situation de 630 000 veuves et veufs.

Il ressort néanmoins des débats de la commission une forte demande de réforme d’ensemble de la réversion. Le rétablissement de l’âge de 55 ans pour le service des pensions de réversion s’accompagne du maintien de l’assurance veuvage pour les veuves de 51 à 55 ans. Mais, en 2009, la concertation sur la réforme du droit à la réversion que vous avez annoncée, monsieur le ministre, et que je souhaite la plus large possible, devra tout mettre à plat : le taux de réversion, la définition du plafond de ressources, l’assurance veuvage, la prise en compte des orphelins dans les droits de réversion. Sur ce dernier point, je propose depuis trois ans la mise en place d’une assurance orphelin.

Par ailleurs, la commission propose des amendements de précision sur les questions très techniques du nouveau minimum de pension agricole de base et du rachat de trimestres par les artisans et commerçants. Nous y reviendrons au cours du débat.

Concernant le maintien dans l’emploi des salariés âgés, je sais, monsieur le ministre, que vous menez un combat personnel depuis 2003.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Oui.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l’assurance vieillesse. Je me dois de vous rendre compte du fait que les commissaires aux affaires sociales ont à nouveau soulevé la question du traitement de la pénibilité au travail.

M. Pascal Terrasse. Et voilà ! Le ministre n’a pas trouvé de réponse depuis 2003. Pendant tout ce temps, il y a « travaillé » !

M. Jean Mallot. On attend Godot. Et l’attente devient pénible…

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l’assurance vieillesse. Vous êtes attendu sur ce point pour donner des orientations face à l’échec des négociations interprofessionnelles.

Le PLFSS propose, enfin, un ensemble de mesures de nature à relever l’âge moyen de départ en retraite. Elles ont été adoptées par la commission sans modification de fond, car les obstacles à la poursuite de l’activité pénalisent trop l’équilibre de notre système de retraite.

Moi-même, j’aurais souhaité aller plus loin, notamment dans la libéralisation du cumul emploi-retraite, ou dans l’autorisation de la poursuite d’activité des fonctionnaires au-delà des limites d’âge prévues par leur statut.

M. Pascal Terrasse. Ça coûte cher !

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l’assurance vieillesse. Sur ce dernier point, au regard des objectifs de réforme des systèmes de retraite, il serait d’ailleurs cohérent de supprimer toute limite d’âge dans la fonction publique, afin de laisser les fonctionnaires, dès lors qu’ils sont physiquement aptes, poursuivre leur activité s’ils le souhaitent.

M. Pascal Terrasse. Un peu comme les députés et les sénateurs.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l’assurance vieillesse. Peut-être en parlerons-nous lors du prochain rendez-vous sur les retraites.

En dernier lieu, la commission a examiné le dispositif de réforme des surpensions outre-mer.

Des vérités doivent être dites. Je constate que la commission des finances a adopté des amendements allant dans un seul sens – atténuer la portée de la réforme proposée par le Gouvernement –, alors même que la même commission des finances a adopté il y a quelques mois le rapport de notre collègue Jean-Pierre Brard mettant en évidence les aberrations du système mis en place en 1952.

Il faut rappeler que ce système profite à 33 000 anciens fonctionnaires de l’État. Il faut dire que le coût annuel, pour le budget, de ces surpensions est de 315 millions d’euros par an et que cette charge augmente de 10 % chaque année.

Les Français ne peuvent pas comprendre que l’on trouve des centaines de millions pour 33 000 personnes qui touchent une pension de l’État très correcte, voire très au-dessus de la moyenne, quand on est obligé de limiter la majoration de pension de réversion annoncée par le président de la République à 630 000 veuves de plus de 65 ans qui ont moins de 800 euros par mois, et ce afin de cantonner le coût de la majoration à 200 millions d’euros en 2010.

Les Français de métropole ne comprennent pas que l’on puisse majorer les pensions des fonctionnaires de l’État de 75 % s’ils résident pendant leur retraite dans le Pacifique, quand M. Jean-Pierre Brard a montré dans son rapport, après une enquête sur place très poussée, que les écarts de prix avec la métropole sont de l’ordre de 15 à 20 %. La majoration de 35 % applicable à La Réunion ne s’explique pas, par rapport à celle de 75 % pour les collectivités du Pacifique.

En outre, je ne sais pas comment on peut contrôler une condition de résidence dans un département d’outre-mer, puisque les sorties et les entrées dans le département ne sont pas tracées administrativement.

J’aimerais enfin entendre du ministre du budget, du ministre de la fonction publique, du ministre chargé de l’assurance vieillesse et du ministre de l’outre-mer une analyse claire et cohérente de la situation.

Voilà, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, quelques-unes de mes réflexions concernant ce PLFSS 2009, partie majeure du rendez-vous de 2008 sur les retraites. Et dans le contexte financier mondial actuel, nous ne pouvons que nous réjouir d’avoir défendu et conservé le système par répartition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Féron, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la famille.

M. Hervé Féron, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la famille. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, la France se plaît à se présenter comme le pays d’Europe où il fait bon vivre pour les familles, notre politique familiale étant, dit-on, enviée et admirée par nos voisins ! Le dynamisme de la natalité française serait d’ailleurs la preuve de la réussite de la politique familiale française...

Et pourtant, on cherche en vain dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, la traduction concrète d’une quelconque ambition pour la politique familiale !

Que sont devenues les incantations de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, qui glorifiait les vertus de la famille comme pierre angulaire de la cohésion sociale et comme garantie d’un équilibre harmonieux de notre société ?

M. Xavier Bertrand et Mme Nadine Morano, ministres chargés de la famille, se sont pourtant vus fixer des objectifs ambitieux. C’est ainsi que la lettre de mission adressée par le Président de la République à M. Xavier Bertrand indique ceci : « Notre objectif est la mise en place d’un droit de garde opposable effectif à la fin de la présente législature ».

Comment parvenir à cet objectif d’ici à quatre ans ?

Le premier problème auquel nous sommes confrontés est que nous connaissons mal l’offre de garde existante. Nous connaissons le nombre de places théoriques, mais avec beaucoup moins de précision le nombre d’enfants gardés par des professionnels, aucune autorité publique n’ayant pour mission de recenser les variations de cette offre. Néanmoins on peut estimer que l’offre actuelle se situe dans une fourchette de 46 à 50 places pour 100 enfants de moins de trois ans.

Si l’objectif est d’atteindre une offre d’accueil de 65 places pour 100 enfants de moins de trois ans, il faudrait créer entre 350 000 et 400 000 places supplémentaires d’ici à 2012, défi redoutable quand on connaît les délais moyens de réalisation de nouvelles places de crèche : 27 mois entre la décision de financement et l’accueil effectif d’un enfant.

Mais afficher un tel objectif quantitatif n’est pas suffisant. Il faut maintenant mettre la réforme des modes de garde en perspective, faire des choix politiques et réfléchir à la pertinence de la dépense publique, qui ne doit pas se faire exclusivement entre experts et technocrates, mais doit associer le Parlement et les acteurs de la société civile.

En matière de politique familiale, il est urgent d’adopter une nouvelle démarche, plus prospective, et d’avoir une vision pluriannuelle des engagements financiers à décider.

Il est grand temps, par exemple, que le Haut conseil de la famille soit enfin constitué pour une politique familiale ambitieuse. Tous les acteurs de la politique familiale que j’ai rencontrés regrettent l’attentisme actuel et déplorent le manque de visibilité à moyen terme de la politique familiale.

M. Patrick Roy. Eh oui !

M. Hervé Féron, rapporteur pour la famille. Le Haut conseil de la famille doit définir les instruments de politique publique qui permettent de soutenir les familles, sans se limiter aux compétences de la branche famille de la sécurité sociale.

La politique familiale doit prendre en compte, par exemple, les aides aux étudiants versées par le ministère chargé de l’enseignement supérieur et s’interroger sur l’évolution des solidarités familiales.

La politique familiale devrait aussi mieux prendre en compte une réalité sociologique lourde de conséquences pour le budget des familles : l’allongement de la durée des études et le poids financier représenté par les adolescents et les jeunes adultes qui restent à la charge de leurs parents beaucoup plus longtemps que par le passé. Dans ce domaine, notre politique familiale n’est pas du tout adaptée. Ne faut-il pas aujourd’hui réfléchir aux moyens d’autonomie nécessaires aux jeunes adultes ?

Le Haut conseil de la famille devra déterminer s’il est préférable d’utiliser les marges de manœuvre financières pour majorer les prestations familiales, ou plutôt pour améliorer l’offre des services, qui restent très inégalement répartis sur le territoire national.

Ces dernières années, de gros efforts ont été faits pour solvabiliser les familles, qui ont d’ailleurs conduit à une majoration notable des tarifs de garde. En revanche, le développement de l’offre de garde a été plutôt contraint, avec les nouveaux critères d’attribution des crédits d’action sociale des caisses d’allocations familiales : les collectivités locales ont dû revoir certains projets de création de crèches en raison des restrictions pour l’aide à l’investissement de la part de la branche famille.

Après avoir clarifié les objectifs de la politique familiale, le Haut conseil de la famille devra aussi s'interroger sur les moyens financiers alloués à cette politique.

Je déplore que des décisions importantes se préparent dans le cadre de la négociation de la future convention d'orientation et de gestion pour les années 2009-2012 entre l'État et la CNAF, sans que la représentation nationale en soit tenue informée. Les enjeux sont pourtant cruciaux, notamment pour le financement des établissements d'accueil des jeunes enfants, qui dépendent de la progression des crédits d'action sociale attribués à la CNAF par le Gouvernement.

Lors de la dernière réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale, vous avez annoncé, madame la secrétaire d'État chargée de la famille, que les crédits du Fonds national d'action sociale augmenteraient de 6 % par an au cours de la prochaine COG. Vous avez par ailleurs affirmé vouloir créer au moins 22 000 places de crèches par an.

Ces deux affirmations ne semblent pas cohérentes. Selon les informations des gestionnaires de la branche famille, une augmentation de 6 % par an des crédits du FNASS permettrait tout au plus de financer 7 300 places d'accueil, cette estimation étant d'ailleurs à relativiser, certaines CAF la jugeant très optimiste. Comment financer le développement de l'offre de garde, alors même que les dépenses de fonctionnement des équipements existants ont une croissance annuelle soutenue ?

Préparer une grande réforme sur l'organisation des modes de garde, sans disposer au préalable du cadrage financier qui s'imposera pour financer les places nouvelles ou pour subventionner les frais de fonctionnement des structures existantes, augure mal des ambitions de cette réforme.

Comment les collectivités locales pourraient-elles croire à cette dynamique de réforme, alors que leur confiance dans le partenariat avec les CAF a déjà été mise à mal par les restrictions de crédits dues à l'application du nouveau dispositif des contrats enfance-jeunesse ?

Cette réforme ne pourra réussir sans une clarification des mécanismes de financement et une réflexion sur les incitations fiscales à mettre en œuvre.

Je souligne l'importance d'une planification pluriannuelle des financements des établissements d'accueil des jeunes enfants pour éviter les « stops and go » des différents plans crèches qui se sont succédé depuis 2001. Les critères d'éligibilité pour recevoir une aide à l'investissement ayant changé à chaque plan crèche, les collectivités locales ont dû sans cesse s'adapter à de nouvelles règles du jeu, ce qui les a dissuadées de mener de multiples projets innovants.

Pourquoi parler de « droit opposable » à la garde d'enfant ? Je me félicite qu'un glissement sémantique se soit opéré. Alors qu'au début de l'année 2008, la communication officielle du Gouvernement utilisait encore l'expression « droit opposable à la garde d'enfant», le projet de réforme est désormais désigné par l'expression « droit à l'accompagnement à la garde d'enfant ».

La notion de droit « opposable » à la garde d'enfants ne me paraît ni réaliste ni opportune. Face à une insuffisance patente de l'offre quantitative, il ne paraît pas réaliste de parler de droit opposable. Outre le risque d'une judiciarisation excessive, la mise en place d'un droit opposable supposerait des moyens financiers et humains trop importants qui paraissent hors de portée, compte tenu de l'état d'endettement des régimes sociaux.

Le défi à relever suppose au contraire un véritable climat de confiance entre les gestionnaires d'établissements d'accueil, les communes et les CAF.

J'appelle de mes vœux une démarche de partenariat reposant sur des financements pluriannuels, les CAF s'interdisant de modifier les règles du jeu en cours de contrat, comme elles l'ont fait, hélas, avec le contrat enfance-jeunesse.

La réforme des modes de garde doit conduire à organiser les composantes d'un service public de la petite enfance dont je vais indiquer les axes forts.

Il s'agit de garantir un égal accès de tous les parents à des services ou des équipements de garde dont le coût est pris en charge partiellement par la collectivité, ce qui suppose de mieux informer les parents et de réduire les disparités territoriales de l'offre de garde.

Il faut améliorer la couverture de besoins prioritaires comme, par exemple, l'accueil en urgence des enfants des bénéficiaires de minima sociaux, car le retour à l'emploi est très souvent freiné par des difficultés de mode de garde.

Il faut enfin prévoir une continuité des services d'accueil et leur adaptation à des horaires de travail atypiques, au besoin en faisant intervenir successivement plusieurs professionnels pour couvrir de larges amplitudes horaires, un financement public devant compenser les surcoûts de ce type d'accueil.

Le service public de la petite enfance doit faire en sorte que les offres et les demandes de garde se coordonnent et se rapprochent sur un bassin de vie. Plusieurs expérimentations locales ont cherché à organiser et à rapprocher les offres et les demandes d'accueil. La solution la plus aboutie est sans conteste le site Internet développé par la CAF du Bas-Rhin, « mon-enfant. fr », qui permet de recenser sur le département l'ensemble des offres et des demandes.

Cet outil informatique, qui a déjà fait ses preuves, peut être opérationnel dans toute la France d'ici à quelques mois.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. L’Alsace en tête !

M. Hervé Féron, rapporteur pour la famille. J'espère, madame la secrétaire d’État, que vous soutiendrez ce projet de la CNAF, car il permettra, avec un coût très raisonnable, de disposer d'un diagnostic fiable sur les besoins non satisfaits.

Les missions des acteurs locaux doivent être clarifiées : les caisses d'allocations familiales doivent devenir le pilote de la politique de la petite enfance, en œuvrant pour que l'offre et la demande de modes d'accueil évoluent dans le même sens et que les financements publics soient utilisés de manière optimale.

M. le président. Veuillez conclure !

M. Hervé Féron, rapporteur pour la famille. Seul un outil de planification, élaboré conjointement entre la CAF, le conseil général et les grandes intercommunalités du département, permettra de développer l'offre de garde, tout en veillant à sa diversité.

J'estime donc très important de rendre obligatoire les schémas départementaux d'accueil de la petite enfance, qui permettront d'améliorer la planification des futurs équipements en tenant compte de l'évolution des demandes des parents.

Enfin, je voudrais exprimer deux préoccupations qui me tiennent particulièrement à cœur.

La première porte sur les chantiers importants qui attendent la branche famille au cours des prochains mois : la mise en place du RSA va entraîner un surcroît considérable de travail pour les CAF. Un travail de qualité ne pourra pas être effectué si des moyens nouveaux ne sont pas consacrés au fonctionnement des CAF, qui ont déjà dû, par le passé, faire un effort de productivité important en ne remplaçant pas un départ à la retraite sur trois. Dans le cadre de la future COG, des moyens appropriés doivent donc être prévus.

Je voudrais aussi appeler votre attention sur la situation critique des associations de l'Éducation populaire, qui sont menacées par les réductions des crédits de subvention prévues dans le projet de loi de finances pour 2009. Ces associations jouent pourtant un rôle essentiel à la cohésion sociale, en permettant un accès aux loisirs et à la culture à des jeunes de milieux défavorisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gérard Bapt. Il fallait le dire !

M. Jean Mallot. Il faut même y insister !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Monsieur le président, mesdames, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, dont nous commençons l'examen aujourd'hui…

M. Patrick Roy. Est une catastrophe !

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis.…prend la mesure du risque financier qui pèse sur les comptes de la sécurité sociale. C’est le premier point sur lequel je veux insister, à la suite des propos tenus par mon excellent collègue Yves Bur.

Ce risque financier renvoie tout d'abord à l'ampleur des déficits du régime général, qui atteindraient 15 milliards d'euros en 2009 en l'absence des mesures de redressement prévues par le PLFSS.

Mais ce risque financier se matérialise également dans le coût que représentent les déficits en termes de charges d'intérêt : avec un plafond d'emprunt fixé cette année à 36 milliards d'euros, c'est un poids excessif – soit 940 millions d'euros – qui pèse sur la gestion de la trésorerie de l'ACOSS. De ce point de vue, la reprise, prévue en 2009, par la CADES, de 27 milliards d'euros de dette, est une décision salutaire.

Mais le risque financier, c'est aussi et surtout la dette sociale : il s'agit d'un risque endogène au système lui-même, et qu'il convient de gérer, d'une part, avec prudence, a fortiori dans le contexte de crise financière qui est le nôtre et, d'autre part, de façon optimale, c'est-à-dire par la mise en place d'un véritable pilotage de ce risque.

Au passif, nous avons la dette sociale, mais, à l'actif, le risque existe aussi, et c'est celui que supporte le fonds de réserve des retraites. Celui-ci a été conçu, à l'origine, comme un simple véhicule de gestion d'actifs, déconnecté de tout objectif de politique publique, si ce n'est celui qui lui a été assigné à partir de 2020. Or en signalant la création d'un fonds public d'investissement, le Président de la République a annoncé le retour au premier plan des préoccupations de politique industrielle.

M. Gérard Bapt. Il serait temps !

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. Dans ce nouveau contexte, le fonds de réserve des retraites devient un outil intéressant, car il pourrait participer au financement de ce nouveau fonds et combiner ainsi valorisation de son patrimoine et protection du tissu industriel français. Alors que naissent des polémiques à courte vue sur les pertes latentes que le fonds a subies récemment, lesquelles, dans vingt ans, sembleront n’avoir été qu’un simple accident de parcours, j’en suis convaincue, une réflexion sur le rôle du fonds au sein des nouvelles perspectives ouvertes par le chef de l'État serait bien plus utile et féconde.

La commission des finances s'avoue préoccupée par l'ampleur de ce risque financier. Les moyens d'évaluation du Parlement ont été, reconnaissons-le, sensiblement renforcés depuis la mise en œuvre de la LOLFSS. Mais les conditions d'un véritable pilotage de ce risque ne sont pas encore réunies : elles pourraient pourtant contribuer à rendre effective une véritable évaluation en amont du risque, alors que le Parlement doit encore trop souvent se contenter aujourd'hui d'avaliser les comptes. La commission des finances a ainsi souhaité, par l'adoption d'un amendement sur ce point, renforcer le rôle d'évaluation du Parlement, en améliorant son information sur le risque financier qui pèse sur les comptes sociaux.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, je tiens à le souligner, porte nombre d'options politiques réformatrices, même s'il n’épuise pas toutes les évolutions souhaitables – mais j'aurai l'occasion d'y revenir.

M. Patrick Roy. Elles ne sont pas réformatrices, elles sont dévastatrices !

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. Ainsi, le poids relatif des risques change, et ce PLFSS le prend en compte à travers plusieurs mesures qu'il propose de mettre en œuvre.

Tout d'abord, le projet de loi entérine des évolutions structurelles de notre société : le risque vieillesse s'alourdit, tandis que le risque chômage – même si le contexte est particulièrement défavorable à l’heure actuelle – recule tendanciellement.

Le risque évolue également au sein de l'assurance maladie. Alors que le poids du sanitaire se stabilise, les besoins du secteur médico-social augmentent fortement. Une articulation entre eux est indispensable et nécessite une vision globale des réponses à apporter. C'est pourquoi les futures agences régionales de santé auront un rôle crucial à jouer : de leur bon fonctionnement dépendra la bonne articulation, tant attendue, entre secteurs sanitaire et médico-social

On assiste également à un changement profond de la structure des rémunérations dans notre pays : en effet, la part salariale a tendance à régresser, au profit d’autres éléments périphériques de rémunération. Or l'effort contributif doit rester équitablement réparti. C’est pourquoi la commission des finances rejoint la commission des affaires culturelles, qui a adopté des amendements permettant d'élargir le « forfait social » aux parachutes dorés. Je rappelle que la commission des finances a également adopté, dans le cadre du projet de loi de finances, une mesure visant à renforcer l'effort contributif d'un certain nombre de rémunérations différées, tels que les parachutes dorés, au titre de l'impôt sur les sociétés.

Enfin, une nouvelle équation est initiée en termes de responsabilité et de solidarité en faveur des risques lourds, et en particulier des affections de longue durée. Les organismes complémentaires assumeront donc leur part dans la prise en charge de ces pathologies, par le biais du reversement prévu dans le projet de loi.

Toutefois, je l'ai dit, ce texte n'épuise évidemment pas les mesures qui permettraient d'améliorer la qualité et l'efficience de notre système de sécurité sociale. À partir de l'expérience du terrain, de nouvelles manières d'agir et de réfléchir sont en train de se dessiner.

Pour gérer le risque, il faut d'abord le connaître, et le projet de médicalisation de l'ONDAM, porté par l'assurance maladie, pourrait révolutionner notre façon de l'appréhender. Dans quelques années, mes chers collègues, vous voterez sans doute des objectifs de dépenses par pathologies. Ce projet est crucial pour la compréhension de la dynamique de la dépense et doit être soutenu.

L’administration innove et, sur le terrain, les soignants eux-mêmes inventent également de nouvelles manières de travailler. Les réseaux thématiques de recherche et de soins sont de bons exemples de ces nouvelles façons d'agir. En associant recherche et soins des patients, elle porte une approche féconde, et ces expérimentations, notamment en matière de psychiatrie, méritent tout notre intérêt et la constance des décisions publiques.

Enfin, l'intégration des seniors au sein des entreprises appelle l'innovation. Un changement culturel se met en marche, et l'on ne doit plus voir les salariés âgés – ce doit être le cas de l’ensemble de nos ressources humaines fragiles – comme une contrainte à gérer le moins mal possible. Ils doivent au contraire apparaître comme une ressource d'expérience, qui doit prendre toute sa part à la création de valeurs. À cet égard, l'évolution de l'organisation du travail et de ses conditions est devenue un sujet d'actualité prioritaire pour assurer le développement de l'emploi des seniors . Dans mon esprit, cela va jusqu’à la rénovation des pratiques managériales qui, aujourd’hui, datent terriblement et sont difficilement compatibles avec les objectifs de moyen terme.

En conclusion, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne nous permet, certes, pas encore de retrouver notre porte-monnaie, mais il se situe néanmoins sur la bonne voie, en nous fournissant la lumière indispensable à la poursuite de notre recherche.

Le train de la réforme doit résolument avancer – et ce projet de loi en traduit la ferme volonté – pour renouer enfin avec l'équilibre. Il faudra évidemment aller plus loin et adopter une vision à plus long terme du champ de la sécurité sociale, en évaluant les risques structurels qui pèsent sur les comptes sociaux et en s’attachant en particulier à ce sixième risque – le risque financier – qui est aujourd’hui, de ce point de vue, une priorité.

En conclusion, la commission des finances a tenu à souligner l'effort fourni par ce texte afin de clarifier les relations financières entre l'État et la sécurité sociale pour la deuxième année consécutive et les mesures importantes prises pour réduire les déficits des comptes sociaux. Elle vous invite par conséquent, mes chers collègues, à adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Patrick Roy. Et du chèque transport !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, je suis le onzième intervenant et ce n’est pas terminé ! J’ai commencé ma vie professionnelle à la frontière algéro-tunisienne, en tant qu’enseignant au titre de la coopération technique. On m’avait alors appris qu’il était impossible de retenir l’attention, même celle des députés, au-delà d’une heure et quart !

M. Pascal Terrasse. Nous sommes bien d’accord !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Je peux le constater, compte tenu de l’importance de l’assistance…

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l’assurance vieillesse. Mais il y a la qualité !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. …et de ses préoccupations multiples. Donc, le meilleur service que je puisse rendre est d’être bref. Cela permettra ainsi à Mme Touraine de présenter l’exception d’irrecevabilité cet après-midi. J’invite aussi mes collègues à faire en sorte que nous terminions l’examen de ce projet dans la journée de vendredi, à une heure qui nous permette de célébrer les fêtes de la Toussaint dans nos circonscriptions. Je me tourne vers eux et je suis certain qu’ils y seront sensibles.

Je me limiterai, pour ma part, à formuler trois observations.

Ce budget de 550 milliards d’euros représente le tiers de notre richesse. Ce formidable atout peut toutefois devenir une faiblesse.

Il est un formidable atout, parce qu’il assure la protection contre les risques, qu’il procure de la sécurité et qu’il redistribue : je rappelle que 20 % des foyers fiscaux, dont les ressources sont les plus faibles, voient, après prestations, leurs revenus augmenter de 54 %. La pauvreté en France, par rapport à nos voisins européens, se situe donc dans le premier tiers, du fait du poids de ces prestations. Notre système social a aussi une autre face : le risque de perte de compétitivité de la nation, donc la diminution des offres d’emplois.

M. Gérard Bapt. On y revient !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. C’est aussi le problème du niveau du salaire direct comparé au salaire indirect.

M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Ainsi, selon le centre d’études des revenus et des coûts présidé par Jacques Delors, la priorité essentielle des prochaines années n’est plus de multiplier les prestations et les redistributions, mais de se concentrer sur le salaire direct, fruit de sa propre responsabilité et motivant.

Mme Marisol Touraine. Ce n’est pas ce qu’a fait le Gouvernement !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Enfin, il sera aussi un poids non négligeable pour nos enfants, si nous ne réduisons pas nos déficits.

Compte tenu de ces éléments, le plus grand service que nous puissions rendre, c’est, bien entendu, de fixer le cap d’un retour progressif à l’équilibre, dans un souci d’efficience, d’équité et de sauvegarde de la ressource sociale.

Donc, quand j’entends dire parfois, comme tout à l’heure d’ailleurs, qu’il faut augmenter les prestations familiales, je rappelle qu’avec 88 milliards d’euros, nous sommes le premier pays européen. Nous ne pouvons donc pas les accroître sans cesse et nous plaindre de la faiblesse du salaire direct ou de la remise en question de la compétitivité de nos entreprises.

Madame la ministre, messieurs les ministres, je souhaite avec force que vous vous appuyiez davantage sur les travaux de la commission des affaires sociales. En effet, j’ai tiré une leçon de tous les travaux : sur le plan politique, il est frappant de constater que, lorsque nous avons des réflexions ou des missions communes, toutes sensibilités confondues, les clivages, dans la plupart des cas, s’estompent face à la réalité.

M. Roland Muzeau. N’exagérons pas !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. J’en rappelle quelques exemples.

Les missions de la MECSS – et je remercie Pierre Morange – ont abouti à de nombreuses conclusions communes.

M. Pierre Morange. Exactement !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Je pourrais également citer la mission conjointe confiée, entre autres, à Yves Bur et Gérard Bapt sur les exonérations de cotisations sociales.

M. Gérard Bapt. Elles ne sont pas suivies !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Elles l’ont été largement !

M. Pascal Terrasse. Même Philippe Séguin n’est pas écouté !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Je pense aussi aux travaux de Jean-Pierre Door dans le cadre des missions relatives au DMP et aux ALD,…

M. Jean Mallot. Pourquoi n’en appliquez-vous pas les conclusions ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. …au rapport de Denis Jacquat, à la mission commune de Marc Bernier et de Christian Paul, sans oublier le rapport de M. Flajolet et celui de Mme Tabarot relatif au développement de l’offre d’accueil de la petite enfance.

Le problème essentiel dans ce pays est de dégager des synthèses, ce qui n’est pas toujours facile. S’appuyer sur les travaux des parlementaires et des missions parlementaires demeure peut-être le meilleur moyen d’assurer la pédagogie des réformes à venir. Je remercie certains de mes collègues socialistes de l’approuver.

M. Jean Mallot. Vous allez donc voter nos amendements !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Nous essayons d’en voter le maximum !

M. Patrick Roy. Vous essayez, mais vous échouez !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Dernière observation, je me dois de reconnaître que, dans le cadre du contexte social, financier et économique actuel, les choix restreints du Gouvernement ont été les meilleurs possible. Même si ce n’est pas totalement satisfaisant sur le plan de l’esprit, on ne pouvait, cette année, augmenter la fiscalité ni sur les familles ni sur les entreprises. Les quelques progrès accomplis dans les domaines du médico-social, de la famille et des retraites ont tout de même été des éléments positifs.

M. Pascal Terrasse. Ce sont de petits progrès !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. J’estime, pour ma part, que le progrès social aurait dû être un peu plus fort en matière d’aide complémentaire santé.

M. Pascal Terrasse. C’était une promesse du Président de la République, il y a un an !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Des familles et des personnes âgées rencontrent parfois des difficultés, faute d’informations, à saisir l’opportunité de l’aide à la complémentaire santé, qui est vraiment aujourd’hui une obligation de solidarité.

Nous avons, pour l’avenir, cinq lourdes priorités : le revenu de solidarité active, la revalorisation des petites retraites, le cinquième risque, la politique en faveur des personnes handicapées et l’offre d’accueil de la petite enfance. Comment pouvons-nous les satisfaire ? Je considère personnellement que nous sommes dans l’obligation de rechercher une meilleure performance des politiques sociales.

J’entends, de temps des temps, des cris quand Dominique Tian fait des propositions. Puis-je vous donner simplement la marge d’optimisation des recettes sociales, fiscales et des dépenses ? À titre d’exemple, il existe des disparités très importantes de ratios de bénéficiaires de prestations d’un département à l’autre. J’en citerai quelques-unes : le RMI varie d’un à sept, l’APA varie, en nombre et en financement, d’un à trois rapporté à la population des plus de soixante-quinze ans et l’allocation adultes handicapés, d’un à cinq rapporté au taux de personnes handicapées.

Quand je constate que le président du conseil général des Bouches-du-Rhône a supprimé, après avoir accompli son travail de contrôle de la dépense,…

M. Pascal Terrasse. On l’a tous fait !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. …7 500 bénéficiaires du RMI, je suis tenté de conclure que, si l’on veut concilier solidarité, efficacité et économie, le devoir du Parlement, comme celui de l’exécutif, doit peut-être consister à rechercher, dans ces 550 milliards d’euros, les marges de progrès envisageables. Je suis persuadé, madame la ministre, messieurs les ministres, qu’il y en a.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Oh oui !

M. Pascal Terrasse. Il faut prendre exemple sur les collectivités locales !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Notre devoir, plutôt que de demander toujours plus, est d’essayer de faire mieux, ce qui me semble tout à fait possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Exception d'irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le contexte dans lequel nous examinons ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 est loin d'être anodin : le spectre de l'effondrement des bourses mondiales n'a pas disparu, la récession économique s'installe et les perspectives françaises sont grises, sinon noires. Or, si le Gouvernement de Nicolas Sarkozy a été capable de s'engager dans une riposte européenne d'ampleur à la crise bancaire, on attend en vain le moindre signe de sa part en faveur de la consolidation des droits sociaux.

M. Patrick Roy. Bien sûr !

Mme Marisol Touraine. Pourtant, dans ce contexte plus encore qu’auparavant, l'urgence est avant tout sociale. Il ne suffit pas d'annoncer de grands sommets de refondation du capitalisme international ; il faut surtout impulser une politique volontariste en faveur d'un État social fort, assurément rénové, prévoyant et capable de réduire les inégalités qui minent notre pays. Vous vous êtes mobilisés pour apporter la garantie de l'État aux banques à hauteur de plusieurs centaines de milliards d'euros, mais vous appelez les Français à de nouveaux sacrifices alors qu'il s'agit d'inventer la sécurité sociale de demain, menacée par un déficit cumulé de plusieurs dizaines de milliards d'euros. Le PLFSS que vous nous présentez n'est malheureusement pas à la hauteur du défi. Croyez bien que nous le regrettons.

L’avenir du modèle social français est tout simplement en jeu. J’en dirai quelques mots, avant de m’arrêter plus longuement sur le rendez-vous de 2008 sur les retraites.

L'année dernière, à cette même tribune, j'avais dénoncé une loi de renoncement. Ce renoncement, vous le confirmez aujourd'hui et cela se traduit par la faillite des comptes sociaux qui amène un glissement progressif, mais assumé, vers l'assurance privée, et par l'explosion des inégalités en matière de santé.

Dans la tourmente qui secoue notre planète, on pouvait au moins s'attendre à un sursaut de votre part en faveur de la sécurité sociale. Pas du tout ! Il faut dire que le secrétaire général de l'UMP a résumé le modèle social français comme n'étant «…ni un modèle, ni social, ni français…» – et là cela se corse – «…pas français parce que hérité de la lutte des classes, sous la menace de grèves générales à l'époque du stalinisme triomphant. »

Franchement, les Français méritent mieux ! Pierre Laroque et le général de Gaulle doivent se retourner dans leur tombe ! Quelle était, en effet à l’époque, la grande idée de la sécurité sociale à mille lieux des obsessions idéologiques dont on nous rebat les oreilles ? Elle était qu’en temps de crise, la solidarité collective était la seule qui permette de garantir la cohésion d'une société face aux dérives individualistes.

C'est un défi de même nature, dans un contexte évidemment différent, qu'il nous appartient de relever en refondant un nouveau pacte de solidarité, nouveau car les risques ont évidemment évolué, parce que d'autres sources de financement que les revenus du travail doivent être sollicités, parce que le monde du travail est durablement ébranlé. Ce pacte, solidaire, collectif, et unissant les Français, devra toujours garantir un socle de droits sociaux. Or vous préférez renoncer à sauvegarder le cœur de notre sécurité sociale.

Ce renoncement se lit d'abord dans la faillite des comptes sociaux qui sanctionne l'échec de la politique menée depuis plus de six ans par la majorité à laquelle vous appartenez. Vos prédécesseurs avaient promis en 2004 l'équilibre pour 2007. M. Bertrand, qui n’est plus là,…

M. Pascal Terrasse. Il ne veut pas entendre la vérité !

Mme Marisol Touraine. …était alors directement associé à la réforme de M. Philippe Douste-Blazy. Puisque ce rétablissement des comptes n’a pas eu lieu en 2007, il n’en est plus question avant 2012, évidemment après la prochaine élection présidentielle !

On peut prendre le pari que, dès l’année prochaine, le déficit sera bien supérieur aux 8 milliards annoncés.

M. Pascal Terrasse. Quel héritage !

Mme Marisol Touraine. Qui peut croire, en effet, que vous allez maîtriser les dépenses alors que les hypothèses sur lesquelles est construit le PLFSS sont strictement illusoires ?

Ainsi, il est prévu une hausse de 3,5 %, puis de 4,5 % de la masse salariale sur la période. Rien n’est modifié alors que nous sommes engagés dans cette tourmente.

À part ceux qui croient encore aux contes de fée, qui peut croire à un tel scénario alors qu’aucune réforme de structure n’est prévue, que la dette sociale s’accroît sans que l'État juge utile de la reprendre ? Mon collègue Gérard Bapt y reviendra plus longuement, mais voilà une proposition simple : par un geste fort, l’État pourrait reprendre la dette sociale, qui mine toute réforme de notre sécurité sociale. Il y aurait alors place pour une nouvelle politique, sur de nouveaux fondements.

M. Éric Woerth, ministre du budget. C’est ce qu’on fait !

Mme Marisol Touraine. Nous serions d’ailleurs disposés à en discuter.

Plus grave, la faillite des comptes mine la confiance des Français dans la sécurité sociale, et vous les incitez fortement à se tourner vers les systèmes privés. Qui peut dire que le système de protection sociale américain, privé s'il en est, est efficace à défaut d'être juste ? Il est l'un des plus chers et des moins performants des pays développés, sans parler du fait qu'il laisse de côté des millions d'Américains issus des classes moyennes, qui n'ont pas les moyens de se payer une couverture maladie digne de ce nom.

Or c'est cette logique qui vous inspire par exemple, madame la ministre, dans la mise en œuvre de la convergence des tarifs entre l'hôpital public et les établissements privés, avec une tarification à l’activité à 100 %. C'est oublier que, par principe, l'hôpital public ne peut pas fonctionner de la même manière et avec les mêmes critères qu'une clinique privée (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Vitel. Quel archaïsme !

Mme Marisol Touraine. …sans renoncer à remplir convenablement ses missions de service public. Or il lui appartient d’assumer de telles missions que les établissements privés n’assument pas.

Quant au système de retraite privé par excellence, les fonds de pension, faut-il vraiment les citer en exemple ? Les épargnants américains ou britanniques ont vu partir des années de travail en fumée : 1 000 milliards de dollars au moins évaporés entre juin 2007 et juin 2008 pour les fonds de pension américains, soit 750 milliards d'euros. Excusez du peu !

M. Gérard Bapt. Eh oui !

M. Patrick Roy. C’était le modèle du Gouvernement !

Mme Marisol Touraine. Votre remède miracle,…

M. Benoist Apparu. Et votre remède, c’est quoi ?

Mme Marisol Touraine. …c'est de faire supporter des charges toujours plus lourdes aux assurés, alors que les déremboursements, qui ont constitué le cœur de la réforme de M. Douste-Blazy et de la réforme que vous aviez annoncée l’année dernière, ont déjà fait la preuve de leur injustice et de leur inefficacité.

Est-ce juste, alors que 39 % des Français, 23 millions de personnes, ont renoncé à des soins ou les ont retardés pour des raisons financières, que 7 % d'entre eux ne peuvent se payer une couverture complémentaire, 22 % parmi ceux qui ont des bas revenus ?

M. Patrick Roy. Eh oui ! Le Gouvernement ne voit pas la réalité !

Mme Marisol Touraine. Face à cette réalité, vous persistez à vouloir faire des déremboursements l'alpha et l'oméga de vos choix. On ne dénoncera jamais assez le caractère inique des franchises médicales, qui pèsent lourd dans le budget des Français modestes, sans rien changer, on en a la preuve, à l’équilibre des comptes.

De plus vous n'en restez pas là et, cette année, vous récidivez. Après les franchises, vient maintenant la taxe sur les assurances complémentaires.

M. Éric Woerth, ministre du budget. C’est bien, non ?

M. Pascal Terrasse. Encore une taxe !

Mme Marisol Touraine. Sans doute faut-il réfléchir à une meilleure contribution de ces organismes à l’équilibre de notre protection sociale, mais pas comme ça. Cette hausse se répercutera en effet nécessairement et directement sur les patients, (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Non !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Il y a des réserves ! Ils ont tout ce qu’il faut pour tenir quelques années !

Mme Marisol Touraine. …soit par une augmentation du coût de leur mutuelle ou de l’assurance complémentaire, soit par une restriction des prestations proposées.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Vous agitez le chiffon rouge !

Mme Marisol Touraine. Nous en reparlerons !

Il y a quelques années, on nous disait déjà que les mutuelles et les assurances complémentaires n’augmenteraient pas leurs tarifs. Or ils ont augmenté et les prestations servies ont diminué.

Il y a une forme de supercherie à prétendre que cette recette de 1 % va renforcer le fonds CMU puisque, dans le même temps, vous le ponctionnez de 0,2 point de la CSG qui l’alimente. C’est donc véritablement une stratégie à la gribouille. Il s’agit, comme pour les franchises l’année dernière, d’aller remplir le puits sans fond du déficit par le biais d’une usine à gaz.

La progression des inégalités concerne non seulement l’accès aux soins mais aussi la santé tout court, et nous regrettons qu’il n’y ait, dans votre texte, aucune disposition forte en termes de structures, de santé publique, de politique de réduction des inégalités.

L'espérance de vie, de sept ans supérieure pour les cadres que pour les ouvriers, en est le premier témoin, et cet écart ne se resserre pas. Pis encore, les malades les plus pauvres accèdent moins facilement au bon traitement. Une étude redoutable publiée le 2 septembre dernier par l'institut de veille sanitaire souligne que les Français ne sont pas égaux face au cancer, et que, une fois malades, leur probabilité d’en guérir reste fortement déterminée par leur appartenance sociale. Alors que le dicton populaire voudrait que les différences sociales s'effacent face à la mort, la réalité est tout autre. Ce qui est vrai pour le cancer s'observe plus encore pour les affections moins graves, comme celles qui concernent les dents ou les yeux.

M. Patrick Roy. Le Gouvernement devrait lire cette étude.

Mme Marisol Touraine. Inégalités encore face aux dépassements d'honoraires, parfois spectaculaires dans certaines villes, contre lesquels vous n'agissez pas et qui représentent 2 milliards d’euros selon l'IGAS. Sans compter, madame la ministre, que vous avez malheureusement reculé, alors que vous ne sembliez pas disposée à le faire, devant la pression de quelques grands patrons hospitaliers, qui veulent pouvoir continuer à appliquer des tarifs parfois prohibitifs dans leurs consultations privées sans augmenter leur contribution à l'hôpital public qui, pourtant, leur fournit les locaux, les plateaux techniques, le personnel.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. C’est faux ! On a augmenté considérablement leur contribution !

Mme Marisol Touraine. Et cela alors que vous soumettez l'hôpital public, pivot d'une politique de santé accessible à tous, à une cure de rigueur sans précédent et aux conséquences dramatiques, puisque des milliers d'emplois seront supprimés si l’ONDAM hospitalier annoncé est respecté. Il ne peut en effet être tenu sans restrictions d’emplois. Or, tout le monde le dit, on manque d’infirmières, de sages-femmes, de médecins dans nos hôpitaux.

Inégalités dans l'accès aux soins, enfin, pour des raisons géographiques aussi, compte tenu de la pénurie de professionnels dans certains secteurs, avec des files d'attente grandissantes pour accéder à certains spécialistes.

M. Pascal Terrasse. Absolument ! Même à Paris !

Mme Marisol Touraine. Votre projet de loi à venir, « Hôpital, patients, santé, territoires », nous semble à ce stade bien insuffisant.

L'urgence, c'est la lutte contre les inégalités, et votre projet ne se donne pas les moyens d'y répondre, en ne s'attaquant pas à une refonte structurelle de l'assurance maladie, en ne posant pas la question de la contribution de tous à son financement. Alors que nous avons besoin d'une vision, d'une volonté, d'une mobilisation, vous en restez à la gestion étriquée de votre propre faillite financière.

J'en viens maintenant au rendez-vous des retraites.

Annoncé comme un grand moment d'audace et de vérité, il se révèle pour ce qu'il est : opaque, injuste et imprévoyant.

Opaque, assurément. L'instauration de rendez-vous périodiques sur la question des retraites avait pour objectif affiché de consolider la confiance des Français dans notre système de pensions. Eh bien, c'est raté, parce que, à l'exigence de transparence se substitue une pratique de la réforme en catimini. Le grand rendez-vous de 2008 a fait pschitt et, déjà, on nous annonce que l'année 2012, année électorale de choix, mérite mieux qu'un débat public sur la retraite, que l’on devrait donc avancer à 2010.

La principale mesure qui intéresse les Français, à savoir l'allongement de la durée de cotisation, a été prise sans débat, par décret, c'est-à-dire sans consultation de la représentation nationale.

M. Gérard Bapt. Et voilà !

Mme Marisol Touraine. De la même façon, au cœur de l'été, un décret – encore un ! – a durci les conditions d'accès des Français ayant commencé à travailler jeunes au dispositif dit des carrières longues, alors qu'il s'agissait de l'un des rares éléments positifs de la loi de 2003. Non seulement ces salariés vont se prendre de plein fouet l'allongement de la durée de cotisation, mais vous rendez plus difficile le rachat des trimestres travaillés en début de carrière.

M. Patrick Roy. C’est scandaleux !

Mme Marisol Touraine. Comment s’étonner alors que la confiance ne soit pas au rendez-vous ? Ce manque de confiance à l'égard de votre politique se traduit très concrètement par un déficit accru des comptes. Inquiets de ce que l’avenir leur réserve, les Français qui le peuvent préfèrent partir aujourd’hui à la retraite, dans des conditions qui ne sont pas toujours optimales mais qu’ils imaginent meilleures que celles qui leur seront réservées demain.

Vous prétendiez faire du rétablissement des comptes la justification de votre réforme ; vous n'aurez réussi qu'à creuser davantage les déficits et à peser sur le pouvoir d'achat des retraités modestes.

Opaque, votre politique des retraites est aussi injuste.

Le niveau des pensions ne cesse de baisser. La réforme Fillon prétendait stabiliser la retraite du régime de base à 50 % du plafond de la sécurité sociale. La pension de base versée tourne dans les faits autour de 45 % de ce plafond. Pour ceux qui prendront leur retraite dans les prochaines années, les perspectives sont plus sombres encore : un salarié non cadre né en 1938 a perçu une retraite globale représentant 83 % de son dernier salaire, après une carrière de quarante ans ; son collègue né en 1985 ne recevra plus que 73 % de son dernier salaire. Il en va à peu près de même pour les cadres.

Au-delà, le pouvoir d'achat des retraités s'affaiblit. Selon le COR, il a diminué de 22 % en vingt ans passés à la retraite.

Or le projet de loi de financement de la sécurité sociale n'apporte aucune réponse de long terme à cette question du pouvoir d'achat des retraités,…

M. Patrick Roy. Aucune ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marisol Touraine. …qui est, pour les socialistes, le socle à partir duquel doit se construire une politique efficace et crédible des retraites. L'objectif de toute réforme passe par la sécurisation du niveau des pensions dans notre pays. Sans cette sécurisation, les Français perdront définitivement confiance dans le système de retraite par répartition.

Répondez-vous pour autant à la situation de retraités modestes ? Pas davantage. Certes, vous dégainez plusieurs revalorisations pour les prochaines années, mais elles sont largement illusoires, puisque vous reprenez d'une main ce que vous avez concédé de l'autre et, à l'heure des comptes, les retraités pourront se sentir spoliés.

La revalorisation globale des retraites, 1,9 % pour 2008, reste très en deçà de l'inflation, et les rattrapages annoncés sont en partie fictifs, puisqu'ils ne s'appliquent pas à l'ensemble de la période.

M. Patrick Roy. C’est le gouvernement de la baisse du pouvoir d’achat ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marisol Touraine. Dès l'année prochaine, la revalorisation des retraites se fera au 1er avril, ce qui est techniquement plutôt une bonne mesure, mais sans prise en compte du premier trimestre de l'année. Vous annoncez assurément une revalorisation du minimum vieillesse, mais il n’y a que les personnes seules qui en bénéficieront, pas les couples, et à partir de 2010 seulement.

Quant au minimum contributif, il sera recentré sur les assurés ayant de longues périodes de cotisation, ce qui pénalisera notamment les femmes, marquées par la précarisation de leur carrière professionnelle, par l’alternance de périodes d’emploi et de périodes de sous-emploi. Or les femmes touchent déjà aujourd’hui une retraite de 43 % inférieure en moyenne à celle des hommes.

Un effort particulier est attendu pour elles. Vous durcissez au contraire les conditions qui leur sont faites. C'est ainsi que les pensions de réversion devraient être réévaluées de 11 % mais seulement les plus basses, celles inférieures à 800 euros, et seulement après soixante-cinq ans, ce qui limite singulièrement la portée de la mesure.

M. Patrick Roy. C’est de la mesquinerie !

Mme Marisol Touraine. Quant aux retraites agricoles, elles restent désespérément faibles, loin de l'objectif fixé.

Votre réforme est injuste, enfin, parce qu'elle ne tient pas compte de la pénibilité du travail. Comme je l’ai rappelé, un cadre supérieur a une espérance de vie de sept ans plus longue que celle d’un ouvrier. En quoi est-il juste d'appliquer les mêmes règles de départ à la retraite à ceux qui ont eu des métiers difficiles ou travaillé des années dans un emploi pénible et aux autres ?

Le MEDEF ne voulant pas entendre parler de la prise en considération de la pénibilité, les négociations ont échoué. On a connu le Gouvernement plus rapide pour pallier l’échec d’une négociation entre partenaires sociaux. Il est vrai qu'il s'agissait alors de satisfaire aux exigences de la majorité et du MEDEF, avides de gages idéologiques sur les 35 heures ! Dans le cas présent, on entend assurément beaucoup moins le Gouvernement, qui nous avait pourtant assuré qu’en cas d’échec des négociations sur la pénibilité du travail, il reprendrait l’initiative et présenterait rapidement un texte au Parlement.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est bien ce que le Gouvernement compte faire !

Mme Marisol Touraine. « Rapidement » ne doit pas avoir la même signification pour tous…

Enfin, votre réforme est imprévoyante au plan financier.

Les perspectives sont difficiles, et l'équilibre de la branche vieillesse de la sécurité sociale restera instable. Vous aviez l'intention de transférer une part des cotisations UNEDIC vers l'assurance vieillesse ; ce projet paraît désormais compromis, alors que les nuages s'amoncellent sur le front de l'emploi.

Plus que jamais, votre refus d'alimenter le fonds de réserve pour les retraites doit être dénoncé pour ce qu'il est : une faute. Une faute telle que vous avez envisagé de supprimer purement et simplement le fonds pour combler le trou de votre déficit. Une faute qui vous conduit à priver ce fonds des excédents du FSV, lesquels alimenteront la CADES. Or les raisons de cette faute sont purement idéologiques : parce que ce fonds a été créé par la gauche, il vous paraît de bonne politique de le condamner ; parce que nous vous proposons, année après année, de dégager des ressources supplémentaires par des cotisations sur les stock-options, les retraites-chapeau ou les parachutes dorés, vous ne voulez pas en entendre parler. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Benoist Apparu. Cela ne rapporterait rien !

M. Philippe Meunier. Démagogues !

M. Jean Mallot. Écoutez-la donc !

Mme Marisol Touraine. Le Président de la République nous annonce qu'il faut moraliser la rémunération des dirigeants, mais sa majorité pousse des cris d'orfraie (Vives protestations sur les bancs des groupes UMP et NC) lorsque la gauche propose de faire contribuer ces revenus à la solidarité nationale.

Ce n'est pas en proposant de soumettre à cotisation les salariés percevant plus d’un million d’euros de ces revenus d'exception que vous ferez croire aux Français que vous êtes revenus à de plus saines réalités. Un million d’euros de bonus, c'est-à-dire 63 années de SMIC, pour commencer à cotiser sur la totalité de ces revenus…

M. Patrick Roy. C’est inadmissible !

M. le président. Monsieur Roy !

Mme Marisol Touraine. …, alors que la plupart des Français n'ont ni bonus ni exonérations : si ce n'est pas de l'indécence, cela y ressemble fort ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. C’est que percevra M. Strauss-Kahn en quittant le FMI !

Mme Marisol Touraine. D’un côté, vous dites que les stock-options disparaissent, mais de l’autre, quand il s’agit de les soumettre à cotisation, le discours devient : « On ne sait jamais, il pourrait y avoir des Français qui vont toucher plus d’un million d’euros de bonus » – et nous savons qu’il y en a – « il n’est pas question de les pénaliser ! »

M. Jean Mallot. Avec l’UMP, c’est tout à un million d’euros ! (Sourires.)

Mme Marisol Touraine. Le fonds de réserve pour les retraites a été créé pour assurer la pérennité du système en lissant les besoins de financement après 2020. Il devait pour cela atteindre 150 milliards d’euros à cette date ; il en comptait à peine 35 millions en début d’année, et c’était avant la crise. Or ce fonds, l'un des plus faiblement dotés des pays européens, constitue une pièce essentielle du pacte des retraites, à condition d'en définir et d'en garantir la stratégie au-delà de 2020. Ce n'est pas le cas aujourd’hui : le flou règne, à la fois sur l’abondement pérenne du fonds et sur les modalités de son utilisation après 2020 – si vous ne le faites pas disparaître dans les prochaines années !

La même imprévoyance se retrouve dans votre politique des seniors. Cette question est, selon nous, la clé d'une réforme dans la durée, car seul le travail peut financer un régime de retraites solidaire. Or vous avez tout faux (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC) lorsque, pour améliorer l’ordinaire des retraites, vous demandez aux seniors de cumuler leurs retraites avec un travail. Faut-il, encore une fois, faire des États-Unis notre modèle, alors qu’il s’agit d’un pays dans lequel des hommes et des femmes n'arrêtent jamais de travailler parce que leurs retraites sont trop faibles ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Roy. Elle a raison !

Mme Marisol Touraine. La France, on le sait, est en retard par rapport à ses voisins européens pour le travail des plus de 55 ans. Ils sont 38 % seulement à travailler, contre plus de 70 % dans les pays scandinaves. L'âge moyen de départ à la retraite en France est de 58,8 ans, ce qui montre l'hypocrisie qu'il y a à demander de cotiser plus longtemps pour bénéficier d’une retraite à taux plein : cela est actuellement hors de portée. Il est mensonger de prétendre que l'allongement de la durée de cotisations permettra, dans les conditions actuelles de l'emploi en France, de répondre au défi des retraites.

M. Patrick Roy. C’est un gouvernement mensonger ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Philippe Meunier. Et la démographie ?

Mme Marisol Touraine. La vérité, c’est que vous pénalisez les Français sur tous les plans, puisque vous leur demandez de travailler plus longtemps, tout en diminuant le montant de leurs pensions.

Pour les socialistes, l'urgence, alors que plus de la moitié des salariés aura plus de 45 ans en 2015, est de permettre à ceux qui peuvent travailler de le faire. Or votre politique ne permettra pas de changer la situation, et ce pour deux raisons.

Tout d’abord, les exemples des pays étrangers engagés sur cette voie, comme le Japon, la Finlande ou la Suède, nous montrent que seul un volontarisme intransigeant peut donner des résultats. La Finlande était, en 1995, dans une situation plus critique que la nôtre au regard de l'emploi des seniors. Elle est aujourd'hui en tête du peloton européen. La clé de la réussite ? Une politique résolue en direction des entreprises ; non pas seulement en direction des seniors, mais de tous les salariés. En France, on parle des plus de 55 ans, mais on oublie qu'on n’offre plus de formation à partir de 40 ans, qu'on n’embauche plus après 45 ans, qu'on licencie les salariés à 50 ans et qu'on les met en retraite à 55 ans ! Nous attendons toujours une ambitieuse politique d'accompagnement des âges dans l'entreprise, une politique positive de soutien pour le maintien des salariés dans les entreprises.

M. Patrick Roy. On va attendre longtemps !

Mme Marisol Touraine. Peut-on, à défaut d’une telle politique, compter sur le bâton que constitue l'instauration d'une pénalité de 1 % de la masse salariale pour les entreprises récalcitrantes ? Vous me permettrez d’avoir de sérieux doutes. Nous ne récusons pas le principe de cette pénalité, mais s’il est juste de pénaliser les entreprises qui ne jouent pas le jeu, encore doit-il être clair que la pénalité s’appliquera bien.

Or votre projet de loi dit nettement que cette pénalité n'a pas vocation à s'appliquer, puisqu'il suffit à une entreprise récalcitrante de mettre sur pied un « plan d'action » pour lequel l'accord des syndicats ou des représentants du personnel n’est nullement requis. Le contenu de l'accord ? Des généralités suffiront. Son évaluation ? Elle n'est pas prévue. Des objectifs précis ? Il n'en est pas question. Un bout de papier suffit, dès lors qu'il est baptisé « plan d'action » et traite des seniors, pour que l’entreprise échappe à toute pénalité. Comment croire que ce dispositif sera dissuasif ou incitatif ? À l'évidence, l'objectif est d'affichage, non de résultat.

En conclusion (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), votre projet de loi ne répond pas aux défis de la protection sociale dans notre pays. L'absence de réponse forte aux besoins de structure rend illusoires aussi bien l'assainissement financier qu'une meilleure prise en charge des aléas de la vie.

Au-delà des points que j'ai évoqués, d'autres auraient pu l'être, et nous les soulèverons au cours du débat : la situation toujours préoccupante de certains poly-pensionnés ; le caractère insuffisamment incitatif – y compris après les changements qui seront introduits par ce texte – de la surcote accordée à ceux qui sont prêts à travailler plus longtemps ; l'évaluation des sous-déclarations des accidents du travail et maladies professionnelles par les entreprises, qui reste en deçà de nos attentes ; l’indemnisation des travailleurs de l’amiante, toujours à la traîne…

M. Patrick Roy. Eh oui, c’est scandaleux !

Mme Marisol Touraine. … ; le manque d’ambition de la politique familiale, qui est bien loin de garantir à toutes les familles un mode d’accueil idoine pour leurs enfants ; l’insuffisance des moyens attribués aux établissements publics pour personnes âgées dépendantes dans une conjoncture incertaine.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous invite à voter cette motion d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget.

M. Éric Woerth, ministre du budget. La gauche atteint vite ses limites. Un ton martial ne suffit pas, madame la députée !

M. Patrick Roy. C’était un ton de vérité !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Vous n’avez fait à aucun moment la moindre proposition ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il est facile de dénoncer, plus difficile d’annoncer. Dans la vie politique, nous sommes pourtant aussi là pour faire des propositions. Votre réquisitoire recourait d’ailleurs à des arguments totalement faux ou pas du tout actualisés. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Roy. On ne vit pas dans la même France !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Et, comme je l’ai dit, vous n’avez formulé aucune proposition, ce qui est un peu dommage sur un sujet aussi sérieux.

Vous parlez de renoncement. De quel renoncement s’agit-il ? J’aimerais bien le savoir. Nous n’avons renoncé ni à rééquilibrer les finances sociales, ni à améliorer le système social, ni à faire de la France un grand pays de transferts sociaux !

M. Jean Mallot. Alors passez aux actes !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Qui peut penser un seul instant que la France n’est pas à la hauteur de ses ambitions sociales ? Le président Méhaignerie vient de rappeler à quel point les transferts sociaux étaient importants dans notre pays. Ne méprisez pas ce qui a été accompli durant des années et à quoi vous avez vous-mêmes contribué. En France, la politique sociale est au cœur des politiques d’État ; c’est encore le cas et ce sera toujours le cas.

Nous devons simplement davantage réfléchir à la façon de délivrer ces politiques. Est-il choquant de penser qu’une politique peut être en même temps sociale et efficace au plan économique ?

M. Jean Mallot. Que faites-vous pour cela ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Est-il interdit de se poser ce genre de questions ? Au contraire, nous devons nous poser ces questions, et c’est ce que nous faisons.

En ce qui concerne nos hypothèses pour 2009, comme je l’ai indiqué à plusieurs reprises, elles valent ce que valent toutes les hypothèses en temps de crise, dans tous les pays du monde.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Eh oui !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Nous sommes dans l’incertitude. Je ne sais pas si c’est un scoop pour vous, mais une crise majeure, comme il n’y en a jamais eu, a éclaté et se généralise un peu partout. Nous essayons donc de prévoir des dépenses à due proportion, avec de la prudence, de la maîtrise, de la rigueur, et nous essayons également de prévoir des recettes. Si ces recettes n’étaient pas au rendez-vous, nous reverrions les choses dans le courant de cette discussion, comme nous l’avons déjà indiqué. Je crois qu’il s’agit d’une démarche pragmatique, et je ne vois d’ailleurs pas très bien ce que vous feriez d’autre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC – « Rien ! Rien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Roy. Nous nous occuperions des parachutes dorés !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Vous ne feriez rien de plus ; c’est une certitude.

Par ailleurs, l’État reprend bien la dette sociale, madame la députée. Cette dette sociale, qui vous horrifie tant, n’est rien d’autre que le cumul des déficits antérieurs, auxquels la gauche a elle-même contribué. (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

L’État reprend cette dette. La CADES n’est pas une entreprise privée – ce qui vaut d’ailleurs mieux pour elle – mais une caisse sociale d’État. Je propose que l’État reprenne les 27 milliards que représente le cumul des déficits de la sécurité sociale, c’est-à-dire que nous les transférions de l’ACOSS, qui n’a pas vocation à les supporter, à la CADES, sans augmenter la durée de vie de cette dernière.

Contrairement à ce que vous affirmez, cela n’est pas affaiblir le fonds de réserve pour les retraites, qui continue de vivre sa vie comme prévu, avec des financements pérennes : 1,7 milliard d’euros lui sont affectés de manière pérenne.

Nous pouvons toutefois nous poser la question du financement de la reprise de la dette, ce que nous faisons par le biais du fonds de solidarité vieillesse, dont nous absorbons également la dette. Le FSV n’a ainsi plus de dette,…

M. Jean Mallot. Ce sont de simples transferts !

M. Éric Woerth, ministre du budget. …, et son déficit annuel sera en réduction : 800 millions en 2009 pour atteindre l’équilibre en 2012.

Ce n’est pas une mauvaise politique que tout cela. Au contraire, c’est une bonne politique. La reprise de la dette par la CADES permettra d’économiser, pour l’ensemble des régimes sociaux, 1,1 milliard d’euros d’intérêts. Il est donc extrêmement important de mener à bien cette réforme, et croyez-moi, madame Marisol Touraine, ce n’est pas si facile en période de crise. Vous auriez dû saluer cette mesure au lieu de la critiquer, ce que je comprends d’ailleurs assez mal.

Quant à la taxe sur les organismes complémentaires, elle vise à ce que ces organismes financent ce qu’ils doivent financer. En effet, à un moment donné de leur vie, beaucoup de gens entrent en affection de longue durée et se voient dès lors pris en charge à 100 % par la sécurité sociale. Il y a donc un transfert de charges vers la sécurité sociale. Nous gèlerons, avec Roselyne Bachelot-Narquin, ce transfert, ni plus ni moins, et sans augmentation des cotisations. Vous avez d’ailleurs remarqué que la mutualité s’est engagée à ne pas augmenter ses cotisations.

M. Jean Mallot. Ce ne sont donc plus des complémentaires : elles financent le régime général !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Il y a nécessité, dans un système aussi complexe, de réguler les choses pour que nous puissions éviter des dérives financières.

Par ailleurs, j’ai été très choqué par votre dénonciation caricaturale de l’inégalité de l’accès aux soins. Allez voir ce qui se passe dans d’autres pays, sortez un moment de France. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Roy. Sortez de votre ministère et allez voir ce qui se passe en France !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Il y a sûrement beaucoup à améliorer en France. C’est certain et nous sommes là pour cela, mais sortez tout de même de temps en temps de nos frontières, et vous verrez à quel point la France est considérée comme un pays qui cherche vraiment à mettre au cœur de son pacte républicain l’égalité entre ses citoyens.

Je suis choqué, scandalisé, par l’outrance de vos propos, madame la députée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

S’agissant des retraites, je vous rappelle que les socialistes n’ont rien fait quand ils étaient au gouvernement. Ils ont renvoyé le sujet à une commission, et c’est tout. Vous et vos collègues socialistes n’avez jamais affronté de face le problème des retraites. À l’occasion des votes sur des textes relatifs aux retraites, vous n’avez jamais indiqué quelles étaient les solutions que proposait le parti socialiste. Certes, il est facile de constater que la population française vieillit – heureusement –, et de condamner la faiblesse des retraites ; mais si vous aviez des solutions à proposer, cela rendrait vos critiques plus judicieuses.

Mme Laure de La Raudière. Très juste !

M. Éric Woerth, ministre du budget. En réalité, vous n’en avez pas à proposer. En revanche nous, que faisons-nous ? Xavier Bertrand a mis fin aux régimes spéciaux pour des raisons de justice ; nous revalorisons les petites retraites, tenant ainsi un engagement du Président de la République ; nous augmentons les pensions de réversion ;…

M. Patrick Roy. Et vous baissez le pouvoir d’achat !

M. Éric Woerth, ministre du budget. …nous permettons le cumul emploi-retraite ; nous créons une véritable surcote et une décote ; nous refusons, même dans des circonstances difficiles, de mettre fin au fonds de réserve des retraites pour permettre le lissage des retraites dans les années 2020.

M. Jean Mallot. Le pouvoir d’achat des retraites baisse !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Votre charge contre notre politique sur les retraites est tout à fait décalée et indigne, madame Touraine. Nous aurons un nouveau rendez-vous sur les retraites en 2010, comme s’y est engagé Xavier Bertrand.

M. Jean Mallot. Ah oui ! Toujours plus tard !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Nous essaierons de rétablir au fur et à mesure l’équilibre du régime des retraites. En outre, en qualifiant de « faute » notre gestion du fonds de réserve des retraites, vous montrez que vos informations sont inexactes.

Enfin, vous évoquez la somme d’un million d’euros à propos des stock-options. Mais avez-vous vraiment lu le PLFSS ? Il n’y a rien de tel dans le texte. M. Bur a fait adopter en commission un amendement assujettissant les parachutes dorés supérieurs à un million d’euros aux cotisations sociales au premier euro.

M. Gérard Bapt. On va en parler !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Cela n’a rien à voir avec les stock-options, sujet qui a déjà été traité par la commission, l’Assemblée nationale et le Gouvernement l’année dernière. Il y a 25 % de cotisations sociales employeur et salarié sur les stock-options, et puis un impôt sur le revenu qui, selon la durée de détention et les montants, varie entre 18 % et 40 %, soit des taux très élevés. Regardez ce qui se passe à l’extérieur de nos frontières, et vous vous rendrez compte qu’en France, on taxe les stock-options une et demie à deux fois plus que dans les autres pays européens. Je ne crois donc pas que nous ayons à rougir de ce que nous faisons dans ce domaine.

Je conteste, madame la députée, l’ensemble de vos déclarations et j’appelle, bien évidemment, l’ensemble des députés à voter contre l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Madame la députée, un exercice obligé de l’art parlementaire veut que l’on excipe de l’exception d’irrecevabilité pour avancer ses thèses. En principe, une telle motion de procédure vise à démontrer qu’un texte n’est pas conforme à la Constitution, mais j’ai du mal à croire que telle ait véritablement été la philosophie de votre intervention.

Vous avez donc avancé un certain nombre d’arguments auxquels je ne souscrits absolument pas.

Tout d’abord, s’agissant de l’assurance maladie, je souligne qu’elle est en progrès, et que l’ONDAM augmente de 3,3 %. Les dépenses d’assurance maladie, dans le contexte que nous connaissons, progressent beaucoup plus vite que la croissance nationale : ce sont presque 5 milliards d’argent frais qui seront mis à la disposition des malades pour mieux assurer la modernisation et l’accessibilité de notre système de santé. Je signale que, dans l’effort de redressement que nous menons, Éric Woerth, Xavier Bertrand, Valérie Létard, Nadine Morano et moi-même, aucune mesure ne pèsera sur les assurés.

Vous avez stigmatisé le reversement des organismes complémentaires à l’assurance maladie. J’abonde dans le sens d’Éric Woerth : c’est une question de justice.

M. Jean Mallot. Pas du tout !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. À partir du moment où les organismes complémentaires, du fait de la montée en puissance de la prise en charge par l’assurance maladie des ALD et du 100 %, se constituent des marges de manœuvre – le déport est évalué à 600 millions d’euros par an –, pourquoi voulez-vous laisser ces réserves à ces organismes ? Il est absolument sidérant d’entendre une telle argumentation venir des bancs de la gauche. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Mallot. C’est votre argumentation qui est sidérante, madame la ministre ! Vous allez dévier complètement le système !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Il s’agit d’une mesure de justice. Le président de la Fédération nationale de la mutualité française a convenu que ce reversement pourra se faire sans majorer les cotisations des assurés grâce aux réserves que les organismes complémentaires se sont constitués.

Mme Jacqueline Fraysse. La première année seulement !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je crois que M. Yves Bur va prochainement nous faire part de ses travaux sur la structure financière de ces organismes, et vous verrez à quel point nous avons eu raison de les solliciter.

Ensuite, vous avez évoqué l’hôpital public, estimant qu’il était maltraité. Je vous rappelle, madame la députée, que l’écart facial moyen des tarifs entre l’hospitalisation privée et l’hospitalisation publique est de 37 % en faveur de cette dernière, selon les comptes de l’IGAS.

M. Gérard Bapt. Ça dépend des régions !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je vous rappelle aussi que, dans la première salve des crédits « Hôpital 2012 », 93 % du montant a été dédié à l’hôpital public. Je ne le regrette pas car il est le joyau de notre système de santé, mais reconnaissez qu’il est traité à la hauteur des missions qui sont les siennes. Ainsi, les missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation ont, cette année, augmenté de plus de 6 %. De plus, la prochaine campagne tarifaire, dite « V11 », qui va entrer en activité au 1er mars 2009, incorporera, pour la T2A, un coefficient de sévérité et de précarité qui sera particulièrement juste pour le secteur de l’hospitalisation publique.

Vous avez également évoqué les praticiens PU-PH. Ils ont la possibilité d’accéder, pour 20 % de leur activité, au secteur libéral. Ils sont 1 600 dans l’ensemble du secteur hospitalier public mais le décret du 18 mai 2008 a bien assis la redevance due par ces praticiens sur la totalité des honoraires versés. Je rappelle que cette mesure a déclenché une grève de codage,…

M. Gérard Bapt. C’est scandaleux !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. …qui a reçu un avis très négatif de plusieurs instances, et que cette grève est complètement arrêtée depuis le 4 octobre dernier. La fermeté du Gouvernement a payé.

M. Gérard Bapt. Vous avez cédé !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Par ailleurs, vous avez parlé, madame la députée, des inégalités de santé. Certes, il en existe. Ainsi, quand on constate que la différence d’espérance de vie entre la région Nord-Pas-de-Calais et la région Île-de-France s’élève à cinq ans, cela doit mobiliser entièrement nos efforts.

M. Jean Mallot. Voilà ! Dites-le à M. Woerth !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. C’est la raison pour laquelle je vous présenterai, dans quelques semaines, un projet de loi sur la réorganisation de notre système de santé, qui place au cœur des politiques de santé publique la création d’agences régionales de santé. Néanmoins, d’ores et déjà, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, se trouvent des éléments très forts, tels que poursuite de la lutte contre les déserts médicaux. Nos plans de santé publique vont dans le sens que vous souhaitez.

Je vous demande donc, mesdames, messieurs les députés, de ne pas adopter l’exception d’irrecevabilité présentée par le groupe SRC. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote sur l’exception d’irrecevabilité.

La parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe UMP.

M. Philippe Vitel. Madame Touraine, je suis très déçu ce soir. Connaissant votre talent et vos compétences, je m’attendais à beaucoup mieux, et, surtout, à ce que vous saisissiez la formidable occasion que vous aviez de faire avancer le débat. Vous n’avez rien fait avancer du tout. Vous n’avez pas saisi cette occasion. Certes, vous avez évoqué les réformes structurelles de l’assurance maladie. Fort bien, mais qui, ici, a entendu une proposition de votre part ? Personne.

Mme Isabelle Vasseur. Zéro !

M. Philippe Vitel. Vous avez stigmatisé les déficits, mais, là non plus, vous n’avez rien proposé. Il y a même une bonne part d’incohérence dans vos propos car, si nous acceptions de remettre en cause tous les efforts accomplis depuis quatre ou cinq ans comme vous le souhaitez, nous en serions au déficit prévisible à l’époque, c’est-à-dire entre 20 et 25 milliards d’euros par an. Tout ce qui est excessif, madame, est négligeable. Les trente minutes que nous vous avons consacré pour vous écouter n’ont été que critiques et entreprise de démolition.

M. Jean Mallot. Quel mépris de votre part, monsieur Vitel !

M. Philippe Vitel. Vous êtes aussi chagrinée par les défis que nous sommes capables de relever : oui, cette année, aucune charge nouvelle ne sera imposée aux assurés. C’est évidemment pour vous insupportable.

Nous mettons à contribution les organismes complémentaires, mais dans un total partenariat avec eux puisqu’ils vont participer aux discussions conventionnelles dans deux domaines où ils remboursent aujourd’hui beaucoup plus que l’assurance maladie : l’optique et le dentaire. Cette mesure nous permet d’aller de l’avant. Je crois que ce nouveau partenariat sera générateur, à terme, de politiques beaucoup mieux structurées, au bénéfice de tous les assurés.

Ma chère collègue, nous n’avons donc aucune intention de voter votre exception d’irrecevabilité. Finalement, ce qui est irrecevable ce soir, c’est votre vision des choses, cet archaïsme pathétique. Il est vraiment temps, au parti socialiste, de vous réveiller. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour le groupe SRC.

Mme Catherine Génisson. Au début de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, si la situation économique et sociale n’était pas si grave, je vous dirais que nous sommes au royaume d’Ubu. En effet, nous examinons ce texte alors même que l’examen du projet de loi « Hôpital-patients-santé-territoires » commencera au mieux en décembre.

M. Jean Mallot. Eh oui !

Mme Catherine Génisson. On applique un mode d’emploi qui reste à définir. En attestent, lors de nos intéressants débats en commission, les nombreux amendements, émanant de tous les groupes politiques, qui ont été évacués au titre de ce prochain texte.

Plus grave encore est le constat suivant : la faillite de la loi de 2004 portant réforme de la sécurité sociale. Les années se suivent, les déficits aussi : alors même que le retour à l’équilibre était annoncé pour 2007, il y aura plus de 10 milliards de déficit cette année, une hypothétique stabilisation en 2009, et un retour à l’équilibre en 2011 ou 2012, c’est selon, madame la ministre.

Six ans de gouvernements soutenus par votre majorité pour aboutir, en 2009, à un projet irréaliste, surréaliste, devrais-je dire, tant il se montre aussi imperméable à la gravité de la crise d’aujourd’hui. Or c’est justement dans le contexte actuel, comme l’a souligné avec force ma collègue Marisol Touraine, que la protection sociale devrait rester un puissant rempart face aux difficultés de nos concitoyens.

Nous pourrions ainsi proposer la suppression de l’exonération des cotisations sociales sur les heures supplémentaires, au vu de ce qui s’est passé cet été : 40 000 chômeurs de plus, des jeunes pour la plupart, dont l’embauche a été empêchée par les heures supplémentaires effectuées. (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Quelle mauvaise foi !

Mme Catherine Génisson. C’est un exemple ! De plus, ces 40 000 chômeurs supplémentaires ont été comptabilisés avant la crise financière !

M. Jean Mallot. Bien sûr ! Elle a raison !

Mme Catherine Génisson. Cette faillite financière conduira inévitablement à la faillite sanitaire et sociale, si de profondes réformes structurelles ne sont pas rapidement mises en place.

Quand on prend en compte la situation socioprofessionnelle de nos concitoyens, on constate que l’inégalité d’accès aux soins s’aggrave. L’inégalité devant la maladie, l’inégalité des propositions de soins selon les territoires s’accroissent. Quoi que vous en pensiez, madame la ministre, l’impôt sur les malades – les franchises médicales instaurées en 2008 – ont aggravé la situation. De nombreux rapports, notamment celui du Secours populaire, en attestent. Selon l’observatoire des conjonctures économiques : cinq millions de nos concitoyens ne se soignent pas ; 27 % retardent le soin ; 16 % ne vont plus chez le spécialiste. Voilà la réalité !

M. Jean-Paul Anciaux. Où est l’explication de vote ? C’est déjà la question préalable ?

Mme Catherine Génisson. Pour être efficace, une politique de santé publique doit être associée à une recherche de qualité et de solidarité. Je préfère parler d’efficacité que de productivité, madame la ministre. Dans le domaine de la santé, un professionnel n’est pas un producteur de soin, il soigne des malades. Je préfère le terme d’efficacité à celui de productivité que vous avez utilisé à plusieurs reprises.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je ne pense pas !

Mme Catherine Génisson. Je vous assure, madame la ministre !

Cette politique de recherche de qualité et de solidarité doit s’appuyer sur de véritables priorités de santé publique, sur des mesures d’économie concertées : nouveaux systèmes de conventionnement, autres modalités que le paiement à l’acte, par exemple. Je pourrais multiplier les exemples.

Cette politique passe aussi et surtout par l’engagement responsable de l’État à reprendre le déficit de la sécurité sociale, à un moment où l’on peut constater le niveau d’engagement du Gouvernement vis-à-vis du secteur bancaire. Je ne conteste pas ce soutien, mais je pense qu’il faudra remettre les pendules à l’heure sur ce sujet, et nous ferons des propositions au cours des débats. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous n’adoptons pas une posture de stricte opposition, mais nous voterons avec détermination la motion d’irrecevabilité, excellemment défendue par notre collègue Marisol Touraine. Nous le ferons parce que nous dénonçons un niveau national des dépenses maladie irréaliste, en particulier pour les hôpitaux dont une majorité est en déficit. Nous contestons également la convergence de la tarification à l’activité entre le privé et le public : ces deux secteurs ne soignent pas les mêmes malades.

M. Philippe Vitel. Mais si ! C’est stupide, honteux, faux de dire cela !

Mme Catherine Génisson. Il n’est pas question d’avoir un jugement moral sur les uns et les autres, mais ils ne soignent pas les mêmes malades. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Pour ma part, madame la ministre, je préfère une tarification à l’activité beaucoup plus affinée sur la précarité et les difficultés sociales de nos concitoyens, qu’une augmentation toujours plus importante des MIGAC.Je crois que l’on observera la différence entre les patients, selon qu’ils sont pris en charge par les hôpitaux publics ou les cliniques privées.

Je vais même plus loin, chers collègues : ce déplacement existe du privé vers le public, mais aussi du public vers le public.

M. le président. Madame Génisson, il faut conclure.

Mme Catherine Génisson. La tarification à l’activité (Protestations sur les bancs du groupe UMP) nous oblige à avoir des comportements recherchant l’efficacité budgétaire de nos hôpitaux, et certains patients sont transférés d’un hôpital à l’autre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Voilà ce qui se passe !

M. le président. Madame Génisson, vous dépassez le temps imparti, vos cinq minutes sont terminées.

Mme Catherine Génisson. Non, non ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.) Je vais donner mon explication de vote.

Nous voterons la motion d’irrecevabilité, bien évidemment…

M. le président. C’est terminé !

La parole est à M. Jean-Luc Préel pour le groupe Nouveau Centre.

M. Jean-Luc Préel. Notre collègue Marisol Touraine s’est montrée quelque peu excessive, ce qui m’a beaucoup étonné de sa part. Je la croyais plus objective, mesurée, constructive. Or nous avons assisté à un réquisitoire.

M. Jean Mallot. Elle n’est pas centriste ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Luc Préel. Cette motion de procédure n’a en rien démontré l’inconstitutionnalité du texte, bien entendu : elle n’avait d’autre but que d’obtenir un temps de parole pour critiquer. C’est devenu une habitude.

M. Jean Mallot. C’est ce que vous faites sans arrêt !

M. Jean-Luc Préel. J’aurais aimé, madame Touraine, que vous en profitiez pour faire part de vos propositions. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons entendu des critiques tous azimuts, sans aucune proposition, et cela est particulièrement regrettable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Cette treizième loi de financement de la sécurité sociale, nous la devons finalement à une réforme majeure d’Alain Juppé qui avait permis au Parlement de débattre de ces textes.

M. Gérard Bapt. Rendez-nous Juppé !

M. Jean-Luc Préel. Auparavant, nous n’avions pas le droit d’en débattre. Or cette loi est très attendue, car elle consiste à prévoir le financement des dépenses de santé, de retraite et de la politique familiale. Prétendre que cette loi très attendue est inconstitutionnelle me paraît particulièrement étonnant.

Contrairement aux affirmations de Mme Touraine, elle ne remet nullement en cause la solidarité nationale. La retraite par répartition demeure, tout comme la solidarité dans l’assurance maladie ; nous continuons tous à payer la CSG pour financer l’assurance maladie de base. Si des réformes de nature à remettre en cause cette solidarité nationale ont été évoquées, elles ne figurent pas dans le texte présenté cette année. Nous reparlerons peut-être un jour du bouclier sanitaire que, bien entendu, je ne défends pas.

Certes, cette loi de financement de la sécurité sociale repose sur des données économiques pour le moins incertaines, mais j’aimerais bien savoir quelles autres bases auraient pu être retenues, puisque personne ne connaît aujourd’hui les conséquences de la crise économique et financière.

Pourtant, cette loi prévoit d’améliorer l’efficience de l’assurance maladie, la prise en compte des petites retraites, notamment agricoles, l’emploi des seniors, les pensions de réversion les plus modestes, la création de lits et places pour les personnes âgées. Toutes ces mesures sont importantes et attendues, dans ce contexte financier particulièrement difficile. C’est pourquoi, il nous paraît important de les défendre et de les voter.

Cela étant, plusieurs dispositions méritent débat, et elles pourront être améliorées lors de la discussion. Nous avons d’ailleurs déposé un certain nombre d’amendements.

Ainsi, monsieur Woerth, nous ne partageons pas votre point de vue sur la reprise du déficit de la CADES par l’État, alors que celle du déficit FFIPSA nous paraît souhaitable. Avec Yves Bur qui a déposé un amendement quasiment identique au nôtre, nous sommes d’accord pour considérer que le financement actuel de la CADES est particulièrement limpide, pur, extraordinairement simple dans les textes existants.

M. Yves Bur, rapporteur. pour les recettes et l’équilibre général. Tout à fait !

M. Jean-Luc Préel. Il aurait été tellement plus simple d’augmenter la CRDS de 0,19 % ou 0,2 %, et de ne pas transférer la CSG du FSV vers la CADES. Inutile de recreuser le déficit du FSV : le sapeur Camembert nous a enseigné qu’il n’était pas forcément souhaitable de creuser un trou pour en boucher un autre.

M. Jérôme Cahuzac. C’est idéologique !

M. Jean-Luc Préel. Si nous pouvions demain accepter l’amendement de la commission, cela me paraîtrait tout à fait raisonnable.

Par conséquent, le Nouveau Centre ne votera pas, bien entendu, cette motion de procédure…

M. Jean Mallot. Pourquoi bien entendu ? Vous avez toutes les raisons de le faire, au contraire !

M. Jean-Luc Préel. …car il nous tarde d’en arriver au débat et d’améliorer ce texte déjà très intéressant et important. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse pour le groupe GDR.

Mme Jacqueline Fraysse. Ce PLFSS n’avance aucune proposition sérieuse de financement nouveau, juste, équilibré et pérenne.

Mme Isabelle Vasseur. Vous n’étiez pas là, vous n’avez pas pu les entendre !

Mme Jacqueline Fraysse. J’étais là, madame ! Vous devriez aller voir l’ophtalmologue pour rajuster vos lunettes (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP), car j’étais là pour écouter Mme Bachelot et M. Woerth, et j’ai entendu leurs réponses, mais je vous pardonne.

M. Philippe Vitel. Elle a une bonne complémentaire !

Mme Jacqueline Fraysse. Vous avez une complémentaire qui prendra les frais en charge, sans doute.

Je disais donc que ce texte n’avance aucune proposition sérieuse de financement juste, équilibré et pérenne de notre protection sociale. Il ne prend même pas en compte les préconisations issues du travail de notre commission – comme son président l’a souligné –, pas plus que les recommandations de la Cour des comptes.

Sans mesures structurelles de financement de la protection sociale, le déficit persiste et persistera, les inégalités devant la maladie et la mort s’aggraveront par manque de solidarité et de moyens. Cette situation n’est pas acceptable à nos yeux. C’est la raison pour laquelle nous voterons cette exception d’irrecevabilité. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

(L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

4

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :

Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt-cinq.)