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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Deuxième session extraordinaire de 2009-2010

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 13 septembre 2010

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Tony Dreyfus

1. Réforme des retraites

Rappels au règlement

M. Alain Vidalies

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Mme Valérie Rosso-Debord

Mme Marisol Touraine

Discussion des articles (suite)

Article 24

Mme Valérie Rosso-Debord

M. Michel Heinrich

Mme Marisol Touraine

M. Pascal Terrasse

Rappels au règlement

Mme Marisol Touraine

Mme Valérie Rosso-Debord

Mme Marisol Touraine

M. Éric Woerth, ministre du travail

Article 24 (suite)

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique

Rappel au règlement

M. Jean-Luc Préel

Rappels au règlement

Mme Marisol Touraine

M. Gaëtan Gorce

Article 24 (suite)

M. Patrick Roy

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Grand

Article 24 (suite)

Amendements nos 210, 457

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales

Après l’article 24

Amendements nos 18, 17, 19, 12, 32

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales

Amendements nos 13, 15, 21, 23, 513, 516, 25, 14, 16, 22, 24, 26, 589

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances

Amendement no 449

Article 24 bis

Article 24 ter

Amendement no 211

Après l'article 24 ter

Amendement no 666

Article 24 quater

Amendement no 212

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Après l’article 24 quater

Amendements nos 663 rectifié, 699, 700, 188 rectifié, 267, 190, 274 rectifié, 347, 192, 233, 346, 641 rectifié, 698, 186, 263, 702, 735 rectifié, 429, 763 (sous-amendement), 501, 234, 430, 432, 228

Rappel au règlement

Mme Marisol Touraine

Mme Marisol Touraine

M. Éric Woerth, ministre du travail

Présidence de M. Bernard Accoyer

Rappels au règlement

M. Daniel Garrigue

Mme Marisol Touraine

M. le président

M. Yves Cochet

Mme Marisol Touraine

Après l'article 20 bis (précédemment réservé)

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances

Amendements nos 547, 558, 559

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Tony Dreyfus,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Réforme des retraites

Suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, d'un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant réforme des retraites (nos 2760, 2770, 2768, 2767).

M. Pascal Terrasse. Procédure très accélérée !

M. le président. Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de dix heures trois minutes pour le groupe UMP, dont 145 amendements restent en discussion, huit heures vingt-cinq minutes pour le groupe SRC, dont 96 amendements restent en discussion,…

M. Patrick Roy. L’opposition est muselée !

M. le président. …deux heures huit minutes pour le groupe GDR, dont 75 amendements restent en discussion, quatre heures dix-sept minutes pour le groupe Nouveau Centre, dont 45 amendements restent en discussion, quatre minutes trente-cinq minutes pour les députés non inscrits, dont 3 amendements restent en discussion.

M. Alain Vidalies. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. L’Assemblée nationale ne fonctionnant pas à l’écart de ce qui se passe dans la société, j’estime que le Gouvernement doit s’exprimer aujourd’hui sur les révélations figurant à la une d’un journal important. Ce n’est pas rien que d’apprendre que les services de l’État, et nommément la Présidence de la République, auraient utilisé les services du contre-espionnage pour procéder à des écoutes afin de rechercher l’origine d’un certain nombre de communications apparues dans la presse.

M. Pascal Terrasse. Les barbouzes sont de retour !

M. Jean-Luc Préel. Comme sous Mitterrand !

M. Jean Bardet. Vous avez été à bonne école !

M. Alain Vidalies. Parallèlement à cette information, il semblerait que la mise à l’écart d’un magistrat du ministère de la justice ait un lien étroit avec cette constatation.

Les méthodes du Gouvernement étant mises en cause, une plainte visant le fonctionnement de la démocratie ayant même été, selon Le Monde de cet après-midi, déposée à son encontre, il me semble indispensable que, après que les différents groupes auront exprimé leur consternation et, surtout, leur préoccupation face à de telles dérives, le Gouvernement s’exprime à ce sujet. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Monsieur le ministre du travail, souhaitez-vous vous exprimer ?

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. L’intervention de M. Vidalies n’ayant strictement rien à voir avec le texte, je n’ai pas à y répondre. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Pascal Terrasse. Vous êtes un membre du Gouvernement. Nous voulons des explications !

Mme Valérie Rosso-Debord. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rosso-Debord.

Mme Valérie Rosso-Debord. M. Vidalies ayant justement fait remarquer que nous ne pouvions méconnaître les événements qui se passent en dehors de cet hémicycle, je souhaite pour ma part revenir sur les désaccords qui se sont fait jour durant le week-end lors de la Fête de l’Humanité entre M. Mélenchon, M. Laurent et Mme Aubry.

M. Roland Muzeau. Vous y étiez ?

Mme Valérie Rosso-Debord. Mme Aubry affirme avoir toujours dit la même chose alors qu’elle a commencé par dire qu’elle était pour les soixante ans, ensuite pour les soixante-deux ans, puis maintenant pour les soixante ans avec une baisse de pension. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Claude Lenoir. Eh oui !

Mme Valérie Rosso-Debord. Quant à nos amis communistes, qui voient très bien où les emmène le projet socialiste, à savoir à soixante ans avec une augmentation de la durée de cotisation, et partant une baisse des pensions, ils ne peuvent que dénoncer les ambiguïtés du projet socialiste. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme Martine Billard. C’est la raison pour laquelle vous allez baisser les pensions !

Mme Valérie Rosso-Debord. Voilà des événements qui se passent en dehors de l’hémicycle qui intéressent directement notre débat d’aujourd’hui, alors que nous n’avons pas à commenter les propos d’un journaliste.

En revanche, je suis très intéressée de savoir quelle sera la plateforme de la gauche plurielle de 2012 : soixante ans ou soixante-deux ans ? quarante et une ou quarante et une années et demie de cotisation ?

La majorité présidentielle est unie. Sa position est claire, solide, lucide alors qu’il n’y a qu’ambiguïté du côté de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.– Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme Marisol Touraine. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Je suis aussi étonnée de l’emportement de Mme Rosso-Debord que du refus du Gouvernement de s’expliquer après l’interrogation formulée par notre collègue Alain Vidalies. La situation est suffisamment surprenante pour que nous soyons en droit, alors que nous débattons de façon démocratique, d’avoir des éclaircissements sur le mode de fonctionnement de notre démocratie.

Mais je voudrais revenir sur les propos tenus par Mme Rosso-Debord parce qu’ils touchent au cœur du débat, à savoir les mensonges que le Gouvernement et sa majorité veulent faire passer pour des vérités aux Français. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.– Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Le débat parlementaire de la semaine dernière a été, de ce point de vue, très intéressant. Vous êtes arrivés dans l’hémicycle, mesdames et messieurs de la majorité, en répétant, après l’avoir fait à l’extérieur pendant des mois, que l’opposition n’avait pas de projet et que les socialistes, singulièrement, n’avaient rien à dire sur les retraites.

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique. Rien de sérieux !

Mme Marisol Touraine. Le matin même de l’ouverture du débat, certains de vos ténors se relayaient sur les ondes pour expliquer qu’ils attendaient avec intérêt de savoir si les socialistes pouvaient faire des propositions sur les retraites.Il n’aura pas fallu vingt-quatre heures pour que le Gouvernement, d’abord, et les parlementaires de la majorité, ensuite, reconnaissent que l’opposition et les socialistes ont un projet alternatif.

Et il n’aura fallu que quelques heures de débat de plus pour que la mystification que vous avez essayé d’imposer et qui consistait à faire croire que la réforme ne s’imposait que pour des raisons démographiques vole en éclat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pascal Terrasse. C’est le règne du mensonge !

Mme Marisol Touraine. C’est M. Woerth, lui-même, qui, dominé sans doute par l’emportement, la fatigue ou l’agacement, a reconnu que la question démographique était, au fond, secondaire et que la crise expliquait le projet du Gouvernement – et donc que vous imposiez aujourd’hui de nouvelles mesures démographiques aux Français.

Lors de l’examen des amendements sur le financement du projet, cette vérité qui a éclaté dans le débat imposera que vous expliquiez pourquoi, alors que c’est la crise qui provoque l’essentiel du déficit immédiat, ce sont les Français modestes qui doivent payer.

Vous ne cessez de clamer sur tous les tons – Mme Rosso-Debord vient de le faire à nouveau – que votre réforme est juste…

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales. Oui !

Mme Marisol Touraine. …et, pour tenter de discréditer l’opposition – et les socialistes en particulier –vous expliquez que nous aurions en tête de revoir à la baisse les pensions des Français. La vérité, madame, c’est, qu’avec votre réforme, les pensions des Français vont baisser…

Mme Valérie Rosso-Debord. Non, elles vont être sauvées !

Mme Marisol Touraine. …comme elles ont déjà baissé à la suite des réformes que vous avez engagées dans le passé.

Mme Valérie Rosso-Debord. Non !

Mme Marisol Touraine. Parce qu’on ne parle jamais aussi clairement et aussi simplement qu’avec des éléments chiffrés, je vais citer ceux de France Retraite publiés par Les Échos. Je pourrai vous indiquer la date de publication si vous le souhaitez.

M. Jean-Claude Lenoir. Ce n’est pas un rappel au règlement. L’intervention de Mme Touraine porte sur le débat !

Mme Marisol Touraine. La perte de pension pour un non-cadre gagnant 20 000 euros bruts par an et faisant partie des premières générations à subir votre réforme des retraites sera relativement faible – 111 euros sur une année –, mais cette perte n’est pas négligeable sur un montant global de retraite de l’ordre d’un peu moins de mille euros par mois. Qui plus est, alors que vous n’arrêtez pas de dire que votre réforme est juste parce progressive, lorsqu’elle sera arrivée à son terme, la perte de pension d’un non-cadre gagnant toujours 20 000 euros bruts par an ne sera plus de 111 euros mais pratiquement de 900 euros sur l’année. A cause de votre réforme, ce non-cadre va voir son pouvoir d’achat amputé d’environ 10 %.

C’est cela que vous voulez masquer aux Français en essayant de leur faire croire que les socialistes, qui, eux, sont attachés à la défense du pouvoir d’achat et des droits des salariés modestes, veulent revoir les retraites à la baisse.

Mais il n’y a pas que les salariés modestes qui vont « trinquer » avec votre réforme.

Toujours selon la même source, la perte de pension pour un cadre gagnant, ce qui n’est pas négligeable, 60 000 euros bruts par an et faisant partie de la génération de 1956 qui devra attendre soixante-deux ans pour partir à la retraite, sera entre 1 500 et 2 000 euros par an. D’une part, les montants sont loin d’être négligeables, d’autre part, on constate que, proportionnellement, plus vous vous élevez dans l’échelle des revenus, et moins vous perdrez avec la réforme du Gouvernement.

C’est cette vérité qui a éclaté dans le débat parlementaire et que vous voulez à tout prix occulter. C’est cette vérité que vous refusez d’admettre mais que les Français, eux, ont parfaitement comprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion des articles (suite)

M. le président. Vendredi soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 24.

Article 24

M. le président. Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à Mme Valérie Rosso-Debord.

Mme Valérie Rosso-Debord. Le régime des fonctionnaires et des militaires prévoit un minimum garanti de pension dont l’équivalent dans le secteur privé est le minimum contributif. Aujourd’hui, les fonctionnaires, contrairement aux salariés du privé, bénéficient de ce minimum dès qu’ils atteignent l’âge d’ouverture des droits, soit soixante ans pour l’âge légal de droit commun – soixante-deux ans demain –, même s’ils n’ont pas tous leurs trimestres. Dans le secteur privé, un salarié ne peut avoir le minimum contributif qu’en poursuivant son activité jusqu’au moment où il a tous ses trimestres, par exemple soixante-deux, ou sous réserve qu’il attende l’âge à partir duquel cette exigence de trimestres tombe, ce qui est source d’inéquité.

M. Maxime Gremetz. De quels trimestres s’agit-il ?

Mme Valérie Rosso-Debord. La mesure qui vous est proposée dans l’article 24 consiste à aligner la règle selon laquelle il faut avoir tous ses trimestres ou attendre l’âge du taux plein pour bénéficier du minimum garanti. À la suite de cette réforme, les salariés du public et du privé accéderont à ce minimum avec les mêmes conditions de durée d’assurance. Il s’agit donc d’une mesure de convergence entre les Français qui exercent une activité dans le public et ceux qui sont salariés dans le privé.

M. Pascal Terrasse. On tire le système vers le bas !

M. Maxime Gremetz. Les riches devraient toucher le SMIC !

Mme Valérie Rosso-Debord. Cette mesure d’équité est attendue par l’ensemble des salariés et présente un intérêt évident.

M. Patrick Roy. Mais non !

M. le président. La parole est à M. Michel Heinrich.

M. Michel Heinrich. Les députés UMP ont beaucoup travaillé sur les problématiques de convergence entre le secteur public et le secteur privé et tous les aspects ont été mis sur la table.

Nous avons rencontré les partenaires sociaux…

M. Maxime Gremetz. C’est pas vrai !

M. Michel Heinrich. …et les représentants des différentes caisses et avons régulièrement évoqué ce sujet.

Lorsqu’on parle de convergence, la première différence qui est citée est le taux de 75 % appliqué au traitement indiciaire de la moyenne des six derniers mois dans la fonction publique. Ce sujet a été rapidement écarté pour deux raisons : d’une part, il existe de très grandes différences de traitement à l’intérieur même de la fonction publique ; d’autre part, lorsqu’on compare le montant des pensions versées, on se rend compte que, même s’il y a un léger avantage pour le public, il n’y a pas une très grande différence entre celles du public et celles du privé.

D’autres problèmes se posaient également, notamment pour les pensions de réversion, où subsiste une très importante différence entre le public et le privé.

Mme Martine Billard. Pour les pacsés, il n’y a pas de pensions de réversion !

M. Michel Heinrich. Permettez-moi de rappeler la situation actuelle, qui ne sera pas modifiée par le vote de ce texte. Dans le public, l’attribution de la pension de réversion se fait sans conditions d’âge ou de revenus, à l’inverse du privé où il faut avoir 65 ou 60 ans pour en bénéficier et où il est prévu une condition de revenus – 1 500 euros par mois. Comme je l’ai dit dans la discussion générale, le Gouvernement a retenu, avec tact et mesure…

Mme Catherine Génisson. C’est un député du secteur 2 ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Heinrich. …trois mesures principales. La première concerne le taux de cotisation. Toute personne douée d’un raisonnement un tant soit peu cartésien, de logique et du souci de la justice, ne peut contester le fait que chacun doit contribuer au même niveau. Le texte propose une mise en place très progressive du dispositif, sur dix ans, ce qui, vous en conviendrez, mes chers collègues, est parfaitement tolérable et acceptable. Les dispositions de convergence du projet de loi concernent également la règle permettant aux fonctionnaires parents de trois enfants et ayant quinze années de services effectifs de partir en retraite anticipée. Le COR avait fustigé à plusieurs reprises cette mesure très ancienne, indiquant qu’il serait bon d’y mettre fin.

M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas vrai !

M. Michel Heinrich. Je rappelle en effet qu’elle date de 1924, époque où la politique de natalité voulait encourager les femmes fonctionnaires à avoir trois enfants.

M. Maxime Gremetz. Vous faites dire n’importe quoi aux gens !

M. Michel Heinrich. Enfin, ce projet de loi concerne également les conditions d’attribution du minimum garanti. Contrairement à ce qui a été dit il y a quelques instants, le Gouvernement a pris l’engagement de n’abaisser en aucun cas le montant des pensions. On ne touche donc pas à ce minimum garanti, qui, dans le public, est de l’ordre de 1 060 euros…

M. Maxime Gremetz. En moyenne !

M. Michel Heinrich. …pour les personnes qui ont effectivement 40 ou 41 ans d’ancienneté, alors que, dans le privé, il est de 85 % du SMIC, c’est-à-dire à peu près 890 euros. Il n’est pas question d’aligner le minimum garanti et de le baisser : ce sont simplement les conditions d’attribution qui sont revues. Aujourd’hui, un fonctionnaire peut bénéficier du minimum garanti dès qu’il atteint 50 ou 55 ans, ou 60 ans s’il n’a pas une carrière complète. Une personne qui n’a pas une carrière complète peut donc bénéficier du minimum garanti dont, je le rappelle, le calcul n’est pas proportionnel au nombre d’années d’ancienneté. Il suffit en effet d’avoir travaillé 15 ans dans la fonction publique pour toucher 55 % de ce minimum garanti, et 30 ans pour en avoir 95 %. Ainsi, bien des personnes ayant 30 ans d’ancienneté prennent leur retraite à 50, 55 ou 60 ans, la différence de revenus étant assez faible.

La mesure d’équité qui est proposée aujourd’hui est bien dans l’esprit de la loi, puisqu’elle va favoriser l’emploi des seniors. On constate en effet un nombre très important de départs précoces.

M. Louis Giscard d’Estaing. Tout à fait !

M. Michel Heinrich. Avec ce texte, pour bénéficier du minimum contributif ou du minimum garanti, un salarié devra avoir atteint l’âge de la retraite, mais il devra surtout avoir la totalité de ses trimestres. Dans le cas contraire, il devra attendre l’âge du taux plein.

En outre, le texte ne propose pas une mise en place brutale. Aujourd’hui, tous les fonctionnaires qui ont atteint l’âge de départ – 50, 55 ou 60 ans, suivant le cas – pourront continuer à en bénéficier. C’est pour les autres que s’appliquera la règle de leur génération.

Je voudrais ajouter une précision qui me dispensera de reprendre trop longuement la parole lorsque nous aborderons les amendements, notamment un sous-amendement dont je suis l’auteur et qui concerne la volonté qu’a eue le Gouvernement de permettre aux polypensionnés ayant travaillé moins de 15 ans dans la fonction publique de bénéficier du régime de la fonction publique. Je crois que c’est une mesure de justice. L’amendement du Gouvernement propose de réduire à 2 ans la durée minimale de carrière dans la fonction publique nécessaire pour liquider une retraite. Je proposerai pour ma part que, dans ce cas, le minimum garanti soit calculé de façon linéaire. Je vous ai dit tout à l’heure que, pour 15 ans, on était à 65 % du minimum garanti, ce qui veut dire que, pour 14 ans, on doit être à peu près à 50 % du minimum garanti. De 2 à 15 ans, l’attribution du minimum garanti doit se faire de manière linéaire. Quelqu’un qui a travaillé 10 ans aura 25 % du minimum garanti, et ainsi de suite.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Voici donc cet objectif d’équité entre la fonction publique et les régimes du secteur privé ou assimilés. Mais votre conception de l’équité est assez particulière. D’une part, elle s’exerce au détriment des plus petites pensions, et, d’autre part, elle consiste à aligner vers le bas les systèmes de minima garantis.

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique. Mais non !

Mme Marisol Touraine. Nous sommes tout à fait disposés à débattre de la convergence des systèmes. Encore faut-il qu’elle ne se fasse pas systématiquement au détriment de ceux qui, sans être particulièrement avantagés, ont un tout petit peu plus que les autres. Si vous voulez véritablement aboutir à une convergence, pourquoi ne pas proposer de nouvelles règles pour calculer les pensions minimales applicables aux salariés du secteur privé ?

Lorsqu’une personne a accompli une carrière complète dans la fonction publique – qu’elle soit d’État, hospitalière ou territoriale –, elle touche une retraite qui, par définition, est assez nettement supérieure au minimum garanti. Ce fonctionnaire ne perdra donc rien, il n’est pas concerné. Des données extrêmement intéressantes, figurant dans le rapport que nous avons étudié en commission, nous apprennent que ceux qui seront touchés sont les fonctionnaires ayant, en moyenne, 11 années de cotisation de moins que les autres et que ce qui est nécessaire pour valider une pension complète. En d’autres termes, ce sont des personnes qui ont eu des parcours chaotiques, hachés, ou qui sont entrées plus tard que les autres dans la fonction publique, notamment dans la fonction publique territoriale, car le minimum garanti concerne 40 % des agents de la fonction publique territoriale.

En imposant un nouveau mode de calcul de ce minimum garanti, qui impose une carrière complète pour que le versement ne soit pas affecté d’une décote, vous assumez pleinement de diminuer la pension des fonctionnaires dont la carrière n’est pas complète, qui ont eu des parcours chaotiques ou qui sont entrés plus tardivement dans la fonction publique, notamment les polypensionnés. On retrouve bien ici la logique de votre raisonnement. De la même manière que, en relevant l’âge auquel on peut bénéficier d’une retraite sans décote de 65 à 67 ans, vous ciblez exclusivement, mais très brutalement, ceux qui ont eu des parcours hachés et chaotiques dans le secteur privé, avec ces dispositions, vous vous en prenez très directement aux fonctionnaires, notamment aux agents de catégorie C de la fonction publique territoriale, qui ont eu des carrières incomplètes. C’est la raison pour laquelle nous considérons que la convergence des régimes ne peut pas se faire au détriment des plus modestes. Si vous voulez absolument qu’il y ait convergence, faites en sorte que le système soit redressé vers le haut. Le plus choquant, c’est que, avec ce dispositif, vous assumez clairement, nettement, de dévaluer les retraites qui seront versées aux fonctionnaires n’ayant pas une carrière complète.

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Marisol Touraine a expliqué dans le détail les raisons pour lesquelles nous sommes opposés à l’alignement vers le bas du minimum qui est garanti aux fonctionnaires.

M. Guy Lefrand. Alors ce n’est pas la peine d’y revenir !

M. Pascal Terrasse. Je rappelle d’ailleurs, en passant, que le minimum contributif à 85 % n’est garanti que jusqu’en 2012.

Permettez-moi cependant de revenir un instant sur les interventions de Marisol Touraine et d’Alain Vidalies. Monsieur le ministre, vous n’avez plus le droit de fuir des vérités qui inquiètent tous les Français.

M. Patrick Roy. Eh oui !

M. Pascal Terrasse. Monsieur le ministre, cette réforme des retraites est mal partie. Depuis le début, vous nous avez réunis en conciliabules, vous ne nous avez pas permis de nous exprimer, devant tous les Français, en commission des affaires sociales.

M. Patrick Roy. Huis clos !

M. Pascal Terrasse. Et puis il y a eu l’affaire Woerth. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Tout au long des débats, ce fut révélation sur révélation. Je n’en rappellerai que quelques épisodes. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Denis Jacquat, rapporteur. Cela n’a rien à voir avec les retraites !

M. Pascal Terrasse. Une histoire de légion d’honneur dont on ne sait pas d’où elle vient, des paradis fiscaux dont on sait trop bien comment ils sont protégés, le siège de l’UMP perquisitionné la semaine dernière, des casinotiers qui bénéficient d’avantages fiscaux indécents. Aujourd’hui, Alain Vidalies vous a posé une question très importante : oui ou non, monsieur le ministre, le Gouvernement auquel vous appartenez a-t-il demandé aux services du contre-espionnage d’aller mener une enquête à l’égard d’un grand quotidien national, en violation du secret des sources ?

Monsieur le ministre, ce que j’ai entendu ce week-end, c’est la France de l’exemplarité dont nous avons besoin. Ce que nous entendons aujourd’hui de nos électeurs, c’est la France de l’irréprochable, ce n’est pas celle qui a été vendue aux Français lors de l’élection présidentielle. Aujourd’hui, nous avons le sentiment qu’il y a comme une corruption au plus haut niveau de l’État. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.) Monsieur le ministre, sur ce sujet en particulier, vous avez le devoir de vous exprimer. Il ne saurait être question de débattre simplement des retraites alors même qu’il y a d’autres sujets très importants. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Valérie Rosso-Debord. Les retraites, ce n’est pas important ?

M. André Schneider. Le Raimbow Warrior, c’était quand ?

Mme Marisol Touraine. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Monsieur le ministre, plusieurs collègues socialistes se sont exprimés, et je l’ai moi-même fait. Nous vous demandons des explications sur la manière dont le Gouvernement a tenté de procéder à des écoutes à l’égard d’un grand quotidien et y a peut-être réussi. Cet élément est suffisamment perturbant au moment où nous parlons d’un sujet important pour que nous puissions obtenir des réponses de votre part, non pas à titre personnel mais en tant que représentant du Gouvernement. Je vous demande donc très simplement de bien vouloir apporter des éléments d’explication, de répondre aux questions et interrogations formulées par mes collègues il y a un instant. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Valérie Rosso-Debord. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rosso-Debord.

Je me permets de vous rappeler que tous ces rappels aux règlement sont imputés sur les temps de parole respectifs des groupes de leurs auteurs.

Mme Valérie Rosso-Debord. Bien sûr, monsieur le président.

Je demandais la parole pour vous lire l’article 58, alinéa 2, du Règlement : « Si, manifestement, son intervention n’a aucun rapport avec le Règlement ou le déroulement de la séance, ou si elle tend à remettre en question l’ordre du jour fixé, le Président lui retire la parole. »

M. le président. Je vous retire donc la parole, madame Rosso-Debord.

Mme Marisol Touraine. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. J’ai demandé au ministre de bien vouloir nous donner un certain nombre d’explications. Je m’attendais, je l’avoue, à ce qu’il se lève pour le faire. C’est la raison pour laquelle, tout à l’heure, je n’étais pas allée plus loin dans mon propos.

M. Louis Giscard d'Estaing. Attendez la séance des questions au Gouvernement !

Mme Valérie Rosso-Debord. On n’est pas au café du commerce !

Mme Marisol Touraine. Je dois dire que le discours de Mme Rosso-Debord est absolument incompréhensible. S’il faut considérer que tout ce qui se passe en dehors de cet hémicycle doit rester à l’extérieur et que nous ne pouvons pas avoir d’autres débats, ici, que des débats prétendument techniques, si la politique vous fait tellement peur, madame, il faut exercer d’autres activités !

Que voient aujourd’hui les Français ? Ils voient la une d’un journal et ils se demandent comment le Gouvernement gère ses crises. Moi, j’aurais souhaité, je vous le dis très sincèrement, que le ministre nous apporte des explications claires, précises et sereines en début de séance et que nous puissions continuer les débats sur la réforme des retraites.

Je le dis donc très simplement : si le ministre ne souhaite pas apporter des éléments de réponse aux questions qui ont été posées,…

Mme Valérie Rosso-Debord. Il n’a pas à le faire !

Mme Marisol Touraine. …je me vois contrainte de demander une suspension de séance de quinze minutes au nom de mon groupe.

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Que d’agressivité de la part du Parti socialiste ! C’est d’ailleurs dans le droit fil de ce qui s’est passé durant ce week-end. Une agressivité folle ! L’inélégance de M. Paul ou de M. Terrasse, leur lourdeur de pensée, nous y sommes habitués, bien évidemment, de même, probablement, que leurs électeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Avant d’insulter publiquement les gens, ne piétinez pas la présomption d’innocence, référez-vous à votre propre vie professionnelle ou politique, vous verrez…

M. Régis Juanico. Ce sont les Français qui vous demandent des explications !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Nous débattons ici du texte qui concerne les retraites. Nous parlons donc des retraites. Des questions d’actualité sont prévues demain, et j’imagine que le Parti socialiste développera largement les sujets qu’il entend développer à cette occasion. Je n’ai aucun doute là-dessus.

Cependant, que vous soyez incapables de parler des retraites, que vous soyez incapables d’avoir le moindre projet sérieux, comme on le remarque, nuit et jour, depuis mardi dernier, que vous passiez votre temps à essayer d’éviter ce débat sur les retraites, que vous inventiez, comme on le verra tout à l’heure, de fausses recettes, que le sujet des retraites ne soit au fond, pour vous, qu’un sujet électoraliste de plus, oui, ce débat le montre.

M. Richard Mallié. Il est temps qu’ils prennent leur retraite !

Article 24 (suite)

M. le président. La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique.

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique. On est effectivement dans un débat sur les retraites. Cela suppose, comme, précisément, l’examen de l’article 24, des réponses claires et des informations précises et, même si nous ne sommes pas d’accord, un minimum de respect,…

M. André Schneider. Un minimum de correction !

M. Georges Tron, secrétaire d’État. …notamment, comme l’a très justement dit Éric Woerth, le respect de toutes les présomptions d’innocence.

D’article en article, depuis des mois, les débats sont tronqués. Revenons donc aux retraites, cela nous donnera l’occasion de dire deux ou trois choses importantes.

On pourra, par exemple, répondre à celles et ceux d’entre vous, mesdames et messieurs les députés, qui affirmaient que nous prenions des mesures très dures que nous prenons, en l’occurrence, une mesure de convergence extraordinairement ajustée.

Pourquoi donc ? Le minimum contributif est aujourd’hui servi à un niveau nettement inférieur au minimum garanti. Ce dernier est actuellement supérieur à 1 050 euros, tandis que le minimum contributif est inférieur… (M. Maxime Gremetz s’exclame.)

Monsieur Gremetz, j’essaie d’expliquer quelque chose de compliqué, vous allez suivre, mais prenez le temps !

L’un est d’un montant de 1 065 euros, l’autre est inférieur à 900 euros. On ne touche pas au différentiel qui existe entre les deux car la majorité a pris l’engagement de ne pas baisser les pensions.

Comme l’a très justement indiqué Michel Heinrich, pas forcément pour s’en réjouir – nous aurons peut-être une discussion entre nous à ce propos –, le sujet de la linéarité du minimum contributif et du minimum garanti est un vrai sujet.

En raison d’une courbe extrêmement ascendante du minimum garanti au début de la carrière, le différentiel est très important. Nous ne voulons pas modifier ce différentiel car nous avons pris l’engagement de ne pas baisser les pensions.

M. Jean-Claude Sandrier. Si, vous allez baisser les pensions !

M. Maxime Gremetz. Respectez les gens ! Dites-leur que vous allez baisser les pensions !

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Toute la question était de savoir si le minimum garanti, qui, par définition, doit être ajusté pour des carrières qui sont incomplètes ou ont été marquées par de très bas niveaux de rémunération supposait le taux plein. C’est évidemment le cas, puisqu’il relève de la solidarité.

La règle est donc dorénavant la même pour le minimum garanti que pour le minimum contributif.

Je me permets d’apporter des précisions à Marisol Touraine à propos des chiffres qu’elle a donnés, précisions de nature à démentir ses propos mais de manière non polémique. Lorsque l’on considère les pensions servies au minimum garanti, dans la fonction publique territoriale, la durée moyenne totale d’assurance tous régimes – tous régimes, j’y insiste, c’est-à-dire en comptant non seulement la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales mais aussi les autres régimes – est de 161,7 trimestres. Cette durée moyenne totale est de 152,6 trimestres dans la fonction publique hospitalière et de 151,6 trimestres dans la fonction publique de l’État. Cela démontre bien la spécificité des carrières de la fonction publique territoriale, dépendant de l’affiliation à d’autres régimes, spécificité dont on ne peut tirer la conclusion que vous avez tirée. Les fonctionnaires territoriaux ne sont pas pénalisés, ils alignent des droits dans d’autres régimes et, au total, tous régimes confondus, leur nombre de trimestres est plus élevé que celui des autres fonctions publiques.

Par conséquent, oui, il fallait prendre cette mesure, sans modifier pour autant les pensions versées. C’est pourquoi nous ne touchons ni au montant global du minimum garanti ni à la linéarité. De plus, la fonction publique territoriale n’est pas l’objet d’une stigmatisation particulière puisque, je le répète, les agents de cette fonction publique ont plus de trimestres tous régimes confondus que les autres.

M. le président. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État. Madame Touraine, demandez-vous une suspension ou non ?

Mme Marisol Touraine. Oui, monsieur le président. En l’absence de réponse aux questions que nous avons posées, nous demandons une suspension de dix minutes.

M. le président. La suspension est de droit…

M. Jean-Luc Préel. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. J’appuie les propos tenus tout à l’heure par Valérie Rosso-Debord. Il s’agit là d’un débat important : le débat sur le projet de réforme des retraites, qui concerne l’ensemble des Français et vise à sauvegarder notre système de retraite par répartition. Je comprends que le Parti socialiste cherche des occasions de ne pas débattre. (M. Christian Paul s’exclame.) Écoutez quelques instants, monsieur Paul.

Vous n’avez pas de projet financé, comme l’a si bien démontré Charles de Courson l’autre jour. Vous cherchez donc tous les moyens pour éviter et reporter le débat sur le fond.

Nous ne sommes pas là pour débattre d’articles de presse, comme chacun le sait. La presse est libre, les journalistes sont libres. Ils peuvent écrire ce qu’ils veulent. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Écoutez, vous êtes des enfants de Mitterrand. Or qu’a fait Mitterrand autrefois ? Je vous le demande ! Rendez-vous compte de ce qu’il a fait ! (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à quinze heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Mme Marisol Touraine. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Avant de poursuivre notre débat, je prends acte de la situation dans laquelle nous nous trouvons.

J’ai été extrêmement étonnée, monsieur le ministre, des propos que vous avez tenus avant la suspension de séance. Je les mettrai au compte d’un agacement ou d’un emportement de votre part, dû à la situation difficile dans laquelle se trouve actuellement le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Lorsque vous avez renoué avec le discours que vous teniez il y a quelques jours – que vous aviez abandonné entre-temps –, à savoir que les socialistes, n’ayant rien à dire (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP), recherchaient des échappatoires pour éviter le débat de fond. Cela fait plusieurs jours que nous débattons dans cet hémicycle, que nous développons nos arguments, que nous dénonçons ce que vous essayez de faire passer auprès des Français comme une réforme juste et financée, alors que, jour après jour, les éléments s’accumulent qui démontrent la profonde injustice de cette réforme en ce qu’elle porte gravement atteinteaux catégories les plus modestes de notre pays.

Votre silence signifie que vous revenez à ces arguments…

M. Richard Mallié. Si on parlait des retraites ?

Mme Marisol Touraine. …et montre que vous êtes très gêné par le fait que, jour après jour, les Français découvrent la réalité de votre réforme.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce pour un rappel au règlement.

M. Gaëtan Gorce. Je ne peux pas laisser passer les propos de M. Préel. Il a cru insulter l’opposition en disant que nous étions les enfants de François Mitterrand. J’ai été personnellement, et je ne suis pas le seul dans cet hémicycle, l’un des collaborateurs de François Mitterrand – je suis un élu de la Nièvre. Je m’honore d’avoir travaillé aux côtés d’un Président de la République qui a aboli la peine de mort, établi la cinquième semaine de congés payés, fait voter la retraite à 60 ans, qui a su représenter notre pays dans le monde entier sans encourir les critiques de la presse internationale (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), qui, enfin, avait une véritable envergure et du respect pour tous, y compris pour les milieux intellectuels.

Certes, cela diffère de la situation que nous connaissons à ce jour, mais surtout, François Mitterrand n’est plus ici pour se défendre. Vous n’avez pas à vous en plaindre, monsieur Préel, car je pense qu’il n’aurait fait qu’une bouchée de ses contempteurs d’aujourd’hui. Je me permets simplement de rappeler le respect que nous devons à un homme qui, grâce au suffrage universel, a présidé notre République suffisamment longtemps pour que sa mémoire ne soit pas mise en cause ici. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrice Martin-Lalande. Respectez aussi Éric Woerth !

M. Gaëtan Gorce. La droite est revancharde et ne respecte pas les hommes. Pour ma part, je considère, compte tenu de l’histoire, que nous devons avoir le plus grand respect pour le Président de la République qu’a été le général de Gaulle. Si la droite pouvait faire preuve de la même ouverture d’esprit et du même sens de l’histoire vis-à-vis de François Mitterrand, ce serait toujours cela de gagné pour la qualité de nos débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Article 24 (suite)

M. le président. Nous en revenons à l’article 24.

La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Ces différents rappels au règlement, et notamment celui de M. Gorce sur la réalité historique, étaient tout à fait opportuns. Nous devons tous avoir cela en mémoire.

Avant d’aborder l’article 24, je tiens à dire à M. Woerth et à M. Tron que leur silence sur la question précise qui leur a été posée est assourdissant. L’argumentation selon laquelle tout cela ne concerne pas le débat qui nous occupe aujourd’hui (« Non, en effet ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP) n’est pas recevable. Car nous sommes précisément au cœur de l’affaire et, que je sache, tous les sujets qui troublent notre pays et la démocratie – et ce sujet-là est majeur – demandent à être éclaircis très rapidement. Nous continuerons donc à dénoncer l’attitude du ministre et du secrétaire d’État qui n’est ni républicaine ni démocratique.

Pour revenir à l’article 24, monsieur le ministre, vous avez le don, malgré des propos de professeur éclairé en place depuis des années, de nous proposer une nouvelle fois un texte qui, vous le savez, est non seulement injuste – l’article 24 en est une démonstration de plus –, mais surtout un texte totalement inefficace. Faut-il rappeler que vous êtes le champion du monde des déficits ? Je n’ai pas examiné les comptes de tous les pays du monde, mais vous, monsieur Woerth, vous pouvez concourir pour décrocher l’Oscar du déficit mondial ! Nous devrons revenir sur cette loi en 2018, car elle est fondée sur un hold-up sur le fonds de réserve des retraites, que vous allez pomper, spolier, ce qui vous permettra d’équilibrer arbitrairement les comptes pendant quelques années. Mais quand vous aurez vendu les bijoux, nous devrons revenir à des mesures sérieuses et efficaces.

S’agissant toujours de l’article 24, j’ai écouté, sans en être surpris, les déclarations de Mme Rosso-Debord. Chers collègues de la majorité, les sondages le montrent, les Français ne croient plus ce que vous dites. Mme Rosso-Debord clame, comme vous tous d’ailleurs, que, contrairement à vous, nous n’aurions pas de projet, ou que celui-ci, s’il existe, ne serait ni cohérent ni financé. Eh bien si, ne vous en déplaise ! nous avons un projet très différent du vôtre, équilibré, efficace et juste.

M. Guy Lefrand. Comment le financez-vous ?

M. Patrick Roy. Certes, la gauche est plurielle ; mais lorsque je parle avec les amis de mon parti et avec ceux des partis de gauche, nous sommes tout à fait d’accord sur l’essentiel, et nous saurons sans difficulté trouver une plate-forme de gouvernement attendue par tous les Français, les millions de Français qui souffrent de plus en plus de votre politique.

L’article 24 en est la démonstration. J’en suis scié : à chaque fois que vous parlez d’équité dans ce gouvernement, c’est toujours pour la tirer vers le bas, jamais vers le haut. Je connais vos liens d’affection avec Mme Bettencourt, monsieur le ministre, et vous en avez le droit. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce n’est pas une critique, c’est un fait connu de tous ! Proposez à Mme Bettencourt, par mesure d’équité, de gagner le SMIC ! Je peux vous dire que l’effet est garanti et je crains fort que vos liens d’amitié ne se distendent quelque peu !

Si vous voulez parvenir à une équité, elle doit se faire par le haut. Il existe deux régimes avec deux montants différents, que vous avez rappelés. L’un est très très faible, l’autre très faible. Si l’on pouvait aligner le très très faible au niveau du très faible, ce ne serait pas une grande victoire, mais nous serions tout de même sur la bonne voie ! Pour vous la solution – et c’est à chaque fois pareil – consiste à aligner vers le bas. Certains ont 100 euros de plus ! Pour vous, c’est scandaleux. Alors vous optez pour la baisse. Cet article 24 – un de plus – est la démonstration de votre ligne directrice : taper sur les plus démunis, taper sur ceux qui souffrent et garder bien au chaud vos copains, vos amis, ceux qui ont été invités le soir même de l’élection présidentielle au Fouquet’s ! Vous vous le rappelez très certainement !

Vous allez une nouvelle fois pénaliser, et vous le savez, une grande majorité de femmes. À croire, que dans ce gouvernement, vous ne les aimez décidément pas ! Il en va déjà de même du texte sur la réforme des collectivités territoriales dont nous allons à nouveau débattre dans quelques jours. Les conseils régionaux sont aujourd’hui composés de façon paritaire. Ce ne sera plus le cas à l’avenir et vous le savez ! Cela a été largement dénoncé. L’article 24 va donc pénaliser en priorité les femmes, mais sans doute pas Liliane, qui devrait pouvoir échapper à cette mesure !

Les Français attendent que vous changiez de comportement. Si vous ne le faites pas, ils se prononceront très clairement en 2012 ! Quand on veut qu’il y ait une équité, on l’aligne vers le haut ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Pierre Grand. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. En faisant ce rappel au règlement, je m’adresse naturellement au Gouvernement et à Mme la garde des sceaux, si elle était présente.

Il s’agit de l’annonce faite par le journal Le Monde en fin de semaine. Nous avons appris avec stupéfaction…

M. Pascal Terrasse. Absolument !

M. Jean-Pierre Grand. …que, dans la France de 2010, on adaptait les juridictions en fonction de ceux que l’on doit juger. Je rappelle le film à mes collègues. Le procès Clearstream a eu lieu en première instance.

M. Christian Eckert. Encore un scandale !

M. Jean-Pierre Grand. Dominique de Villepin a été blanchi. Dans l’arrêt de 350 pages, tout est clair. Le Président de la République a souhaité qu’il y ait appel. Le procureur de la République a donc fait appel.

M. Richard Mallié. Si on parlait des retraites ?

M. Jean-Pierre Grand. Une cour d’appel est généralement saisie de droit. Là non ! Il n’en ira pas ainsi ! Ils ont décidé qu’il y aurait une cour d’appel spéciale…

M. Pascal Terrasse. C’est qui « ils » ?

M. Jean-Pierre Grand. …pour juger Dominique de Villepin, cour d’appel composée de juges triés sur le volet. Voilà pourquoi j’élève aujourd’hui à l’Assemblée nationale française la plus violente, la plus vive protestation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Martine Billard. Il a raison !

M. Pascal Terrasse. Il y a deux poids deux mesures !

Article 24 (suite)

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 24.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 210 et 457, tendant à supprimer l’article 24.

La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir l’amendement n° 210.

M. Roland Muzeau. Après ces constats sur la dégénérescence de notre République telle qu’elle est dirigée, il ne nous faut pas quitter des yeux cet article 24. En effet, contrairement à ce que vous avez répondu tout à l’heure, monsieur le ministre, oui dans la fonction publique, la restriction de l’accès au minimum garanti frappera les moins rémunérés et plus particulièrement les femmes. En application du minimum garanti, sachez tout de même, que, dans la fonction publique territoriale, 54 % des femmes et 39 % des hommes en 2008 ont vu leur pension mensuelle majorée de 150 euros en moyenne. Donc, la mise sous condition du minimum s’appliquera à celles et ceux des agents qui ont les plus courtes durées d’assurance. Les femmes totalisent, en moyenne, six trimestres de moins.

Il n’est pas non plus inutile de rebondir sur ce que vous indiquez, en permanence, depuis le début de nos débats, à savoir cette fameuse équité, laquelle est dénoncée depuis des jours. Elle va toujours dans le même sens. C’est aux gens modestes, aux pauvres, de partager entre eux ce qui pourrait être la différence notable et repérable entre l’un ou l’autre. Il revient ainsi au pauvre du privé et au pauvre du public de s’aligner sur le plus malheureux ! C’est tout de même assez extraordinaire ! L'effort demandé, en miroir, aux hauts revenus et aux entreprises ne couvrira au mieux que 10 % des besoins de financement de votre réforme, bien moins que ce qui est exigé des fonctionnaires. Les fonctionnaires vont être mis à contribution pour près de 5 milliards d’euros et les hauts revenus pour seulement 4,6 milliards. Tout cela est à comparer avec un effort global de 45 milliards. La contribution des hauts revenus à cette réforme gouvernementale ne sera donc qu’une goutte d’eau ! Aucune mesure gouvernementale ne viendra compenser les pertes et préjudices subis par les agents de la fonction publique, puisque le Gouvernement, je le rappelle, vient de décider le gel des salaires pour 2011 et il semblerait que cette disposition se pérennise. Le mouvement social y remettra, bien évidemment, de l’ordre. En tout cas, je le souhaite et je le crois. On peut craindre que cela se renouvelle dans les années à venir, s’agissant d’autres mesures de même nature. Les traitements des fonctionnaires de l'État sont inscrits au budget, les retenues pour pension alimentent un autre programme du même budget. Le relèvement du taux opère donc une simple économie pour l'État au détriment de ses agents, comme je viens de le démontrer, qui verront baisser leurs salaires nets de façon sensible, de l'ordre d'un jour de salaire par mois au terme de l’application de cette loi.

C’est pourquoi notre amendement de suppression est pleinement justifié. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, pour soutenir l’amendement n° 457.

M. Yves Durand. Permettez-moi, monsieur le président, avant d’aborder cet amendement, de vous faire part de mon extraordinaire surprise face au silence de nos collègues de l’UMP lors du rappel au règlement de M. Grand. !

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est hors sujet !

M. Yves Durand. Le problème qu’il a soulevé est d’importance. Fait-il partie du débat sur les retraites ? À aucun moment, en effet, nous ne les avons entendus nous dire que cela n’avait aucun rapport avec le sujet et que nous n’avions pas à intervenir sur ce point ! J’ai le sentiment que nos collègues de l’UMP ont des silences ou des interventions quelque peu sélectives ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Roy. L’UMP est enterrée !

M. Yves Durand. Nous demandons la suppression de cet article 24 parce que – Marisol Touraine vient de le démontrer – il est dans le droit fil de l’ensemble de votre réforme et, en particulier, d’un des points les plus graves qui est celui du passage de 65 à 67 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein. C’est très exactement la même logique et cela aura très exactement les mêmes conséquences, à savoir la baisse du pouvoir d’achat des pensions de retraite des plus modestes ou de ceux – et notamment des femmes – qui auront eu des carrières hachées ou qui auront commencé à travailler tard.

M. Patrick Roy. Hélas !

M. Yves Durand. Voilà pourquoi nous nous y opposons.

En fin de compte, vous voulez, une fois de plus – et le groupe socialiste l’a, là aussi, rappelé – faire du nivellement par le bas, qu’il s’agisse des retraites ou de l’équité. Cette mesure visant les fonctionnaires, en particulier ceux des collectivités territoriales, semble être un lot de consolation pour faire « passer la pilule » aux salariés du secteur privé à qui vous dites que les fonctionnaires sont traités comme eux et qu’il y a donc égalité. Mais il est inacceptable qu’il y ait égalité dans la baisse des revenus et du pouvoir d’achat ! Vous ne ferez jamais admettre aux Françaises et aux Français que deux malheurs font un bonheur ! Vous baissez de la même manière le pouvoir d’achat des retraités du secteur privé et celui des retraités de la fonction publique, et ce à un moment où vous attaquez particulièrement la fonction publique. C’est peut-être ce qui est le plus grave, avec cet article 24. Vous agissez alors que vous baissez drastiquement le nombre de fonctionnaires, par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, et que vous avez décidé de geler leurs salaires pour plusieurs années ! Vous vous attaquez à ceux qui ont les plus bas salaires et les plus faibles retraites. Vous pointez ainsi du doigt, comme une dépense injustifiée, la fonction publique alors que la France a tant besoin de ses services publics !

Voilà pourquoi, considérant l’idée que nous nous faisons des fonctions publiques et des services publics, nous considérons que cet article est inadmissible sur le plan technique et économique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission sur ces deux amendements.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales. Cet article entre dans le cadre du chapitre sur la convergence.

Mme Martine Billard et M. Patrick Roy. La convergence vers quoi ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. J’insiste bien sur le mot « convergence ». Il s’agit d’une demande nationale, monsieur Roy !

M. Patrick Roy. Mais c’est vers le bas ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Denis Jacquat, rapporteur. Monsieur Roy, vous qui êtes un homme d’écoute, vous avez donc écouté tout à l’heure ce qu’a dit M. Heinrich et la réponse que lui a apportée Georges Tron. Ils ont bien démontré, dans leurs exposés, que les différences entre le régime général et celui de la fonction publique étaient nombreuses et importantes. Dans le cas particulier de cet article, un seul des paramètres est, en fait, touché. Nous pouvons donc considérer que cette convergence partielle entre dans un cadre extrêmement limité et surtout, ce qui est extrêmement important, dans le cadre d’un compromis équilibré.

La commission a donc fort justement rejeté ces deux amendements.

M. Jean-Claude Sandrier. Ces sont des paroles verbales !

M. le président. La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique, pour donner l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements.

M. Georges Tron, secrétaire d’État à la fonction publique. Je ne rappellerai pas ce que j’ai indiqué tout à l’heure en réponse à Mme Touraine. Cela a, de plus, été très bien explicité par M. Heinrich. On peut dire ce que l’on veut. Si c’était une convergence vers le bas, on aurait alors pris deux décisions complémentaires. En premier lieu, nous aurions revu le montant du minimum garanti au regard du minimum contributif, ce que nous ne faisons pas et, en second lieu, nous aurions reconsidéré la courbe de linéarité, ce que nous ne faisons pas non plus. Ce n’est donc évidemment pas ce que vous venez de décrire !

Cela dit, j’ajouterai qu’une chose m’a beaucoup frappé au cours de ce débat. Nous traitons ici de la convergence dont le groupe socialiste, dans ses discours, indique qu’elle est nécessaire. Or il répond « non » à nos propositions mesurées. J’attends, en conséquence, une seule proposition de sa part en la matière, mais je n’en ai pas encore entendu une seule ! Affirmer, alors que nous sommes en train d’étudier l’équilibre des régimes de retraite, qu’on prend tout pour le haut, n’est pas pour moi de la convergence, mais de la démagogie ! J’attends une proposition sur le sujet ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques, n°s 210 et 457.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l’Assemblée est consultée par assis et levé.)

(Les amendements identiques nos 210 et 457 ne sont pas adoptés.)

(L'article 24 est adopté.)

M. le président. Nous arrivons à une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 24.

Après l’article 24

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 18.

La parole est à M. Yanick Paternotte.

M. Yanick Paternotte. Je vais défendre en même temps plusieurs amendements que j’ai cosignés notamment avec Dominique Tian, et qui sont relatifs à la convergence entre le public et le privé pour ce que l’on appelle dans la fonction publique le dépaysement.

M. le président. Je vous en prie.

M. Yanick Paternotte. Le dépaysement, cela consiste à donner des annuités supplémentaires à ceux qui exercent certaines fonctions hors du théâtre européen, cela concerne en particulier les pensions militaires, mais c’est aussi vrai pour les civils.

Son fondement, c’étaient, depuis la loi de 1853, les conditions de transport, qui, à l’époque, étaient effectivement un peu différentes. Les moteurs ne permettaient pas aux avions, qui n’existaient pas, de transporter les fonctionnaires dans de bonnes conditions, et les bateaux étaient largement à vapeur et au charbon.

Depuis, les choses ont changé, en particulier les bonifications pour les DOM et les TOM. On pourrait donc considérer que, dans un souci d’égalité du territoire, il serait peut-être temps d’aller vers une convergence entre public et privé pour ces primes de bonification dites de dépaysement.

Tel est l’objet des amendements n°s 18, 17 et 19. L’amendement n° 32, que je défendrai, est un amendement de repli, qui demande au Gouvernement de nous faire un rapport sur les possibilités de convergence entre public et privé d’ici à mars 2011.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Comme cela vient d’être expliqué, il y a une volonté d’aller vers la convergence mais, dans le cas particulier et même si c’est une véritable question, la commission est défavorable à cet amendement car il n’y a pas eu de concertation avec l’ensemble des représentants des fonctionnaires concernés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Nous avons une approche équilibrée, monsieur Paternotte. Nous ne sommes pas dans l’immobilisme, mais notre logique n’est pas de supprimer des spécificités de la fonction publique qui nous paraissent encore justifiées.

Nous avons bien analysé l’ensemble des bonifications qui sont versées. Certaines sont injustifiées et nous revenons dessus. Des décisions ont d’ailleurs été prises en ce sens en commission des affaires sociales, vous avez d’ailleurs participé de façon régulière à ses séances. C’est le cas, vous vous en souvenez, pour les professeurs de l’enseignement professionnel, qui avaient une double assiette de cotisation. Ce n’est pas le cas pour les militaires sur les théâtres des opérations extérieures ni pour d’autres bonifications.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable à vos différents amendements.

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Je comprends que, dans la situation actuelle, le Gouvernement ait un avis négatif. Je rappelle tout de même que nous avons eu de longs débats sur les retraités et la Polynésie. Il y a des avantages qui, compte tenu de l’évolution des conditions, ne sont pas acceptables par l’opinion publique. Je souhaite donc vraiment que, lors des débats budgétaires, le Gouvernement accepte de réexaminer un certain nombre d’éléments, qui relèvent plus de l’injustice que de la justice.

M. le président. La parole est à M. Yanick Paternotte.

M. Yanick Paternotte. J’ai bien entendu les éléments de réponse fournis par le Gouvernement et j’apprécie beaucoup les remarques du président de la commission des affaires sociales.

Très franchement, au moins sur les moyens de transport, il n’est pas raisonnable de s’appuyer sur une loi qui date de 1853. Au titre des avantages acquis, il serait peut-être opportun de ne rien changer pour ceux qui ont des pensions ou vont arriver à la retraite, mais on pourrait modifier les nouveaux contrats. Ne touchons pas au stock, mais réfléchissons à la question pour le flux.

Mme Martine Billard. Ce sont des hommes, pas des objets !

M. Yanick Paternotte. J’ai annoncé un amendement de repli, qui demande un rapport au Gouvernement. Je souhaite que ce soit l’occasion de travailler sur la question. On aura le temps d’organiser des concertations.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Monsieur le secrétaire d’État, vous me permettrez d’appuyer la position que vous venez de prendre ainsi que celle de M. le rapporteur.

Monsieur Paternotte, il ne s’agit plus de facilités de transport mais de l’attractivité de ces territoires. Il y a déjà eu des évolutions en ce domaine, avec la loi Jego, la LODEOM, et une réforme progressive de la majoration de retraite dans certains territoires, puisque la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane ne sont pas concernées, majoration qui devrait disparaître d’ici à 2020 ou 2025. Si vous supprimez tout ce qui fait l’attractivité du territoire, comment voulez-vous qu’un jeune instituteur originaire de métropole soit incité à aller au fin fond de l’Amazonie guyanaise ? Ce n’est pas un problème de transport, c’est un problème de dépaysement, le fait de sortir de l’hexagone pour aller en outre-mer. C’est la même chose en Polynésie, en Nouvelle-Calédonie ou même chez moi.

Les choses ont déjà été réformées sur presque tous les aspects. Les outre-mer sont d’ailleurs attaqués allègrement depuis quelque temps. Nous avons subi le rabot fiscal lors de la LODEOM. J’entends que l’on va remettre en cause un certain nombre d’avantages. Ceux concernant le photovoltaïque, qui connaît un véritable dynamisme dans nos régions, devraient être rabotés, le crédit d’impôt étant ramené à 25 %, de même que les exonérations de charges patronales sur les salaires inférieurs à 1,6 SMIC, et il y a déjà un plafonnement global.

Adopter en plus cette réforme régressive, c’est ne pas tenir compte du besoin d’assurer l’attractivité de certains territoires. En l’absence de concertation avec les organisations syndicales, les élus et la fonction publique elle-même, il faut être prudent. Le Gouvernement s’était engagé à faire des propositions au cours du mois de septembre, cela n’a pas été le cas. Il est donc de bonne politique et de grande sagesse de reporter cette affaire pour voir un peu plus clair.

M. le président. La parole est à M. Yanick Paternotte.

M. Yanick Paternotte. En tant que fils de militaire, j’ai vécu longtemps en Afrique, dans l’océan Indien et dans les Antilles. Je connais donc fort bien l’attractivité de ces territoires pour un certain nombre de fonctionnaires et de militaires qui n’en ont pas forcément une vision négative. Je ne peux pas accepter qu’on dévalorise à ce point le territoire guyanais, c’est une insulte faite aux Guyanais. Vous avez de la chance que votre collègue de Guyane ne soit pas là. Mais revenons à l’essentiel.

J’ai bien entendu les différentes remarques et je retire les amendements n°s 18, 17, 19 et 12, mais je maintiens l’amendement n° 32, qui demande au Gouvernement de faire un rapport, si le président Méhaignerie n’y voit pas d’inconvénient.

(Les amendements n°s 18, 17, 19 et 12 sont retirés.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Je vous remercie, monsieur Paternotte, d’avoir retiré ces amendements.

Il faut voir avec une grande précision à quoi correspond chacune des bonifications. Ainsi, celles qui sont attachées au transport, à part les militaires, notamment dans le cas des sauts en parachute, les fonctionnaires transportés n’en bénéficient pas. Il ne faut donc pas laisser accroire qu’un fonctionnaire qui va dans un territoire d’outre-mer ou fait un déplacement à l’étranger dispose d’une bonification de cette nature.

Monsieur Méhaignerie, vous avez souligné à juste titre que quelques dispositifs n’avaient plus lieu d’être mais vous savez parfaitement que nous avons engagé la réforme de l’ITR et que le système est en train d’être radicalement modifié.

Je me suis rendu il y a quelques jours en outre-mer, j’ai eu l’occasion de rencontrer les organisations syndicales, de nombreux agents. Je ne prétends pas connaître le sujet, qui est complexe et qui n’est pas dans mon domaine de compétences, mais j’ai pu entendre les spécificités qu’il fallait défendre.

Quant à l’amendement n° 32, monsieur Paternotte, je suis assez d’accord sur le principe d’un rapport, mais j’aimerais que le titre soit modifié car, sinon, ce serait un réquisitoire. Que l’on présente quelque chose qui soit informatif, tout à fait d’accord, qui nous permette d’y voir clair, avec le plus grand plaisir, mais sans donner le sentiment que l’on est à la conclusion avant d’avoir commencé à écrire l’introduction.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Le secrétaire d’État vient de faire une proposition sur la piste de la convergence, de l’équité, de la bonne entente (Exclamations sur les bancs du groupe GDR)… Nous travaillons à la défense des Français concernant les retraites et il est important qu’il y ait de l’équité.

M. Patrick Roy. La défense des plus riches !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Je vous propose donc, monsieur Paternotte, de rectifier votre amendement en supprimant les mots « détaillant les mesures qu’il compte prendre, et le calendrier de leur mise en œuvre, afin d’aboutir à la suppression des » et de les remplacer par les mots « sur les ». Vous demanderiez ainsi que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les bonifications. Ainsi, tout le monde saura ce qui existe et nous pourrons ensuite discuter et faire la part des choses.

M. le président. Êtes-vous d’accord, monsieur Paternotte, pour rectifier votre amendement en ce sens ? Il tendrait à insérer un article ainsi rédigé : « Avant le 31 mars 2011, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les bonifications inscrites à l’article L.12 du code des pensions civiles et militaires. »

M. Yanick Paternotte. D’accord.

M. le président. L’amendement n° 32 est donc ainsi rectifié.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Manifestement, vous étiez très jeune, monsieur Paternotte, lorsque vous êtes allé dans les outre-mer, et vous ne connaissez pas les différents territoires de nos régions. Connaissez-vous la Côte-sous-le-vent chez moi ? Savez-vous que, même pour un instituteur du coin, c’est un problème pour y aller ? Ce n’est pas stigmatiser ni insulter un territoire que de souhaiter une incitation pour en renforcer l’attractivité. C’est exactement la même chose ici dans les zones en difficulté ou les zones d’éducation prioritaire, où l’on donne quelques points de bonification.

Je vous demande donc de ne pas évoquer des souvenirs qui n’en sont pas de vrais, qui relèvent purement et simplement de la mystification et du mensonge. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Paternotte.

M. Yanick Paternotte. Monsieur le président, je souhaite que M. Lurel retire ses attaques personnelles, qui n’ont rien à voir avec le débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n° 32 rectifié est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 13, 15, 21 et 23, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

La parole est à M. Yanick Paternotte, pour les soutenir.

M. Yanick Paternotte. Dans le même esprit d’ouverture, je souhaite en effet présenter ces quatre amendements, dont un de repli. Il s’agit à nouveau de la convergence public-privé, et en particulier de la prise en compte, pour le calcul des pensions, des vingt-cinq meilleures années dans le privé et des six derniers mois dans le public. Cette différence crée très clairement une inégalité devant la retraite,…

Mme Martine Billard. Mais non !

M. Yanick Paternotte. …quand on sait en outre que, dans bien des cas aujourd’hui, les retraites publiques sont supérieures aux retraites privées.

Mme Martine Billard. C’est faux ! Vous auriez dû venir en commission des affaires sociales !

M. Roland Muzeau. Lisez le rapport !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Cette série d’amendements porte sur la question des vingt-cinq ans et des six mois pour le calcul des pensions de retraite, dont on nous parle très souvent. Il faut reconnaître que l’idée d’une convergence peut a priori paraître séduisante, mais une analyse approfondie a montré qu’il n’y avait pas de différence majeure entre le public et le privé en termes de taux de remplacement. Aussi la commission a-t-elle émis un avis défavorable.

M. André Schneider. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Monsieur Paternotte, vous avez raison, dans une logique de convergence entre le public et le privé, de vouloir des précisions sur ce qui différencie les deux régimes et d’avancer des propositions sur le mode de calcul des pensions. C’est parfaitement légitime. Je tiens à vous dire que le Gouvernement a souhaité adopter à cet égard une démarche purement pragmatique. Dans ce cadre, il a constaté que le montant des pensions versées sur la base des vingt-cinq meilleures années, dans le secteur privé, et des six derniers mois, dans le secteur public, avec dans ce dernier cas la prise en compte de 20 % seulement des primes dans l’assiette,…

M. Roland Muzeau. Eh oui !

M. Georges Tron, secrétaire d’État. …ne variait pas sensiblement d’un régime à l’autre. De fait, ces deux dispositifs radicalement différents, avec un taux de remplacement assuré dans un cas et non dans l’autre, aboutissent approximativement à une pension de même montant. Il faut bien sûr tenir compte des différences dans la fonction publique, notamment entre les différentes fonctions publiques, dues notamment à l’inclusion en catégorie A de l’ensemble des agents de l’éducation nationale.

Dès lors que les pensions sont à peu près du même montant, le Gouvernement a considéré qu’il n’était pas nécessaire de revenir sur la période de référence. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable.

M. André Schneider. Très bien !

M. Roland Muzeau. C’est le risque quand on signe les amendements du MEDEF sans les lire !

M. le président. La parole est à M. Yanick Paternotte.

M. Yanick Paternotte. Avec Dominique Tian et mes autres collègues, nous n’avions, monsieur le secrétaire d’État, aucun espoir de voir adopter ces amendements ; nous souhaitions simplement porter le message de l’opinion publique.

Mme Martine Billard. Oh ! Des 53 % de Français qui souhaitent le maintien de la retraite à soixante ans ?

M. Yanick Paternotte. Cette opinion publique qui ne manifeste pas, silencieuse, est très attachée à l’égalité entre le public et le privé. Toutes les mesures de convergence que nous pouvons prendre vont dans le sens de l’égalité et de l’équité souhaitées par les Français. C’est dans cet esprit que nous avons déposé ces amendements d’appel, que je retire volontiers.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Cette stigmatisation des fonctionnaires, monsieur le député, est insupportable. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Bien au-delà des personnes qui ont manifesté l’autre jour dans la rue, les Français n’ont pas envie qu’on les oppose les uns aux autres. Aujourd’hui, le Gouvernement, par la bouche de M. Tron, explique qu’après mûre réflexion, il ne serait pas opportun de modifier le mode de calcul de la retraite des fonctionnaires. Il y a quelques mois, le discours était tout autre : dans les premières propositions qui ont surgi dans la presse, lorsque vous en étiez encore au banc d’essai,…

M. Arnaud Robinet. Dans la presse, madame Touraine !

Mme Marisol Touraine. …nous avons vu apparaître, énoncée par certains membres du Gouvernement et responsables de la majorité, l’idée que les fonctionnaires étaient trop bien traités, que le calcul de leur retraite sur les six derniers mois était insupportable. Le Gouvernement s’est entre-temps aperçu que, s’il lui fallait intégrer les primes versées aux fonctionnaires, qui n’entrent pas aujourd’hui en ligne de compte dans le calcul des pensions, l’ardoise serait extrêmement élevée.

Je reconnais à M. Paternotte un certain courage, car ce qu’il dit aujourd’hui, c’est ce que toute la majorité disait il y a quelques mois !

M. André Schneider. Ce n’est pas vrai ! Vous n’avez pas le monopole de la fonction publique ! Nous aussi, nous sommes fonctionnaires !

Mme Marisol Touraine. C’est toute la majorité qui expliquait qu’il fallait casser du sucre sur le dos des fonctionnaires, qu’en les mettant à la diète, en réduisant leurs retraites, on rétablirait les comptes de notre pays ! C’était évidemment faux, et le Gouvernement a été contraint de reculer. Il doit à présent le reconnaître, et reconnaître qu’à force de chercher à monter les Français les uns contre les autres, à faire des fonctionnaires les boucs émissaires de sa politique,…

M. André Schneider. N’importe quoi ! Vous ne croyez pas un mot de ce que vous dites !

Mme Marisol Touraine. …il s’engage dans une impasse ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d’État.

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Madame Touraine, si vous vouliez être un peu objective, vous diriez peut-être que vous êtes plutôt contente d’entendre le Gouvernement s’exprimer ainsi. Si, dès que le Gouvernement s’exprime, on cherche par tous les moyens à détourner les choses, y compris – pardon de le dire – en tronquant l’information, on n’en finit pas !

Je vous l’affirme de la façon la plus claire qui soit : depuis le moment où j’ai été appelé au Gouvernement, pas une seule seconde ni Éric Woerth ni moi-même ni le Premier ministre ni le Président de la République n’avons songé à remettre en cause la règle des six mois,…

M. Roland Muzeau. Vous avez oublié Guéant !

M. Georges Tron, secrétaire d’État. …et jamais le Gouvernement n’a dit autre chose. Je vous donne acte que la presse a pu nous prêter de tels propos. Cela me permet de vous conseiller de lire la presse avec un peu plus de circonspection. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Mme Touraine a parlé de la majorité en généralisant. Nous avons été interpellés à maintes reprises sur le sujet de la convergence, en particulier par des personnes déplorant que nous n’allions pas assez loin. C’est pourquoi nous avons constitué au sein du groupe UMP, à la demande de Jean-François Copé, un groupe de travail sur la convergence public-privé, conduit par Michel Heinrich. Il ne s’agit pas de semer la haine, mais de réfléchir, parce que nous avons été interpellés. Une réflexion est donc conduite et un rapport sera rédigé. Il s’agit d’étudier sereinement la demande de convergence qui existe au niveau national.

M. André Schneider. Très bien !

(Les amendements nos 13, 15, 21 et 23 sont retirés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir l’amendement n° 513.

M. Jean-Luc Préel. J’ai bien conscience, en défendant cet amendement, que j’ai peu de chance d’être suivi par le secrétaire d’État.

M. Christian Hutin. Il faut le retirer tout de suite !

M. Jean-Luc Préel. Je souhaite cependant m’exprimer sur son objet. Le Nouveau Centre, comme vous le savez, est très attaché à l’équité. Or notre pays dispose de trente-huit régimes différents, avec des variations sur les taux de cotisation, les bases de référence, les pensions versées. Nous souhaitons aller, comme vous avez dû le comprendre depuis la semaine dernière, vers un régime unique et universel, si possible à points ou, mieux encore, à comptes notionnels.

Même si les taux de remplacement sont aujourd’hui très proches entre le privé et le public, comme vous venez de le rappeler, monsieur le secrétaire d’État, il reste deux différences majeures : le taux de cotisation et la période de référence. Le projet de loi prévoit l’alignement du taux de cotisation en dix ans mais ne change pas la période de référence. Une mesure complémentaire paraît donc nécessaire. Il serait de notre point de vue souhaitable d’aligner progressivement le régime des fonctionnaires, dont la période de référence est basée sur les six derniers mois, sur celui du privé, où elle est basée sur les vingt-cinq meilleures années, afin d’assurer l’équité et la pérennité de notre système par répartition. Cet amendement permet de le faire de façon très progressive, sur douze ans et demi.

Il conviendrait certes – je vous ai entendu, monsieur le secrétaire d’État – d’inclure les primes dans le calcul des pensions. Je sais que cela pose un problème car les primes ne sont pas également réparties entre les différents fonctionnaires, notamment entre ceux de l’éducation nationale et les autres. Il n’en demeure pas moins que l’évolution vers un régime unique et universel permettrait de résoudre bien des problèmes, car ces bases de référence sont mal comprises par nos concitoyens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Jean-Luc Préel a de la constance et défend ses idées jusqu’au bout, toujours avec sagesse.

Mme Martine Billard. En général, il retire ses amendements !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Ce problème n’existerait pas aujourd’hui si, au moment de la création de la sécurité sociale, un seul régime avait été institué. La commission est consciente qu’il s’agit d’un problème bien réel, mais elle a émis un avis défavorable.

M. André Schneider. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Comme l’a très justement rappelé le rapporteur, M. Préel a posé plusieurs fois la question, notamment en commission, et sa constance l’honore. Je maintiens l’avis que j’ai donné en réponse aux amendements de M. Tian et M. Paternotte, en apportant les précisions suivantes. Si les primes sont déjà incluses pour 20 % d’entre elles dans l’assiette de cotisation des fonctionnaires, par le biais du régime additionnel de la fonction publique, ces 20 % couvrent en réalité 80 % de leur montant. Le vrai problème des primes est le maquis qu’elles constituent. Il est très difficile de s’y retrouver. L’élargissement à la fonction publique territoriale et à la fonction publique hospitalière de la prime de fonction et de résultats par le texte sur le dialogue social permettra d’y voir plus clair et d’avancer, plus tard, sous une forme ou sous une autre, vers la convergence.

(L’amendement n° 513 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir l’amendement n° 516.

M. Jean-Luc Préel. Il est défendu.

(L’amendement n° 516, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Yanick Paternotte, pour soutenir l’amendement n° 25.

M. Yanick Paternotte. Cet amendement vise à introduire après le premier alinéa de l’article L. 15 du code une rédaction traitant de ce que l’on appelle le « coup du chapeau ».

Cette pratique, qui existe dans un certain nombre de secteurs de la fonction publique, consiste à accorder une promotion quelques mois avant la retraite, parfois même dans des corps hors catégorie – comme au ministère de l’intérieur. Dénoncé dans un rapport de la Cour des comptes en 2003, « le coup du chapeau » permet d’asseoir la retraite sur un traitement plus élevé, ce qui aboutit au versement d’une pension pouvant représenter jusqu’à 100 % du dernier traitement avant « le coup du chapeau ». Cela contourne quelque peu l’esprit d’équité qui nous est cher à tous.

Mme Martine Billard. On a du mal à vous croire !

(L'amendement no25, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement no 14.

La parole est à M. Yanick Paternotte.

M. Yanick Paternotte. Monsieur le président, puis-je défendre en même temps les quatre amendements suivants ?

M. le président. Tout à fait. Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Yanick Paternotte. les amendements n°s 14, 16 et 22 sont des amendements de repli, dans l’esprit de la demande d’un rapport sur la convergence entre le public et le privé en matière de retraites.

Quant aux amendements n°s 24 et 26, ils sont également de repli après le rejet de notre amendement n° 25.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les cinq amendements ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. La commission a bien étudié ces propositions, mais elles n’aboutiraient qu’à remonter quelques mois ou quelques années en arrière dans l’analyse du problème de la convergence. Je rappelle que le rapport demandé devrait aborder toutes les questions posées à travers ces amendements. Quand nous aurons ce rapport, nous pourrons réfléchir et prendre des décisions dans le sens de la convergence. L’avis est donc défavorable sur les cinq amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. Monsieur Paternotte, maintenez-vous l’amendement n° 14 ?

M. Yanick Paternotte. Oui, monsieur le président.

(L'amendement n° 14 n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 16 ?..

M. Yanick Paternotte. je le retire, monsieur le président, ainsi que l’amendement n° 22.

(Les amendements n°s16 et 22 sont retirés.)

M. le président. Maintenez-vous l’amendement n° 24 ?

M. Yanick Paternotte. Oui, monsieur le président, ainsi que l’amendement n° 26. Ces amendements de repli sur le « coup du chapeau » proposent que le Gouvernement remette au Parlement un rapport détaillant les dispositions qu’il compte prendre pour supprimer cette pratique. Comme notre proposition est basée sur les conclusions d’un rapport de la Cour des comptes, je ne doute pas que le groupe SRC y soit sensible.

(Les amendements nos 24 et 26, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 589.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour les propos aimables que vous avez tenus à mon égard il y a quelques instants. Je connais votre attachement au problème des conjoints survivants.

Mme Valérie Rosso-Debord. C’est vrai !

M. Jean-Luc Préel. Je ne doute pas par conséquent que vous serez très attentif à cet amendement.

Vous savez qu’il existe des différences très nombreuses entre les régimes de réversion. Ainsi, il n’y a pas de conditions d’âge ni de ressources pour la fonction publique. Il y a aussi de nombreuses différences s’agissant des régimes de base : au-dessous de quinze ans de service, le fonctionnaire n’a pas droit à la retraite.

Il est donc nécessaire et urgent d’harmoniser le dispositif pour assurer l’équité entre les différents régimes, notamment s’agissant de la pension de réversion.

M. François Goulard. Très juste !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Jean-Luc Préel est d’autant plus sensible à cette question qu’il est, depuis de très nombreuses années, co-président du groupe d’études sur les conjoints survivants à l’Assemblée nationale. Il évoque un réel problème, mais qui entre dans le cadre des groupes de travail intra-UMP concernant la convergence. S’agissant des veufs, il y a beaucoup de points particuliers qui restent à examiner. L’avis est donc défavorable.

M. Pascal Terrasse. Le Nouveau Centre ne sert pas à grand-chose, monsieur Préel !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Le Gouvernement est bien entendu tout à fait sensible à la situation des personnes qui, pour des raisons familiales ou autres, sont concernées par cet amendement. Mais, monsieur Préel, vous savez que le COR a remis en 2008 un rapport assez complet sur le sujet, et il ne nous paraît nécessaire d’en remettre un autre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.J’ai deux demandes d’explication à formuler.

Monsieur le rapporteur, je n’ai pas bien compris votre réponse. Vous reconnaissez que des problèmes se posent : pourquoi dès lors émettre un avis défavorable ? Pensez-vous qu’il n’est pas judicieux d’améliorer le sort de nos veuves et de nos conjoints survivants dans le texte actuel ?

Monsieur le secrétaire d’État, je demande que soit assurée l’équité entre les différents régimes de réversion, de base ou complémentaires.

M. François Goulard. Très juste !

M. Jean-Luc Préel. Il ne s’agit pas d’un rapport.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Denis Jacquat. rapporteur. J’ai dit que le problème évoqué par M. Préel était exact et réel. J’ai aussi rappelé que nous étions dans le cadre de la convergence, et que c’est dans ce cadre qu’il fallait rassembler tous les éléments concernant le rapprochement entre le régime général d’une part, et la fonction publique d’autre part. Il est inutile d’entrer dans une guérilla à ce propos. Il faut avancer sereinement. Mais l’amélioration de la condition des veuves est prioritaire. La commission, je le répète, a donné un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Je relis l’amendement de M. Préel : « Il convient d’assurer l’équité entre les différents régimes de réversion, de base et complémentaires. » Mais voici le paragraphe suivant : « Un rapport est présenté au Parlement dans les six mois suivants la promulgation de la loi portant réforme des retraites […] ». Je me permets de dire que j’ai déjà répondu sur l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. À travers ce projet de loi, la majorité donne une nouvelle définition de la convergence : régression sociale.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Non !

M. Pascal Terrasse. Je suis très surpris que plusieurs députés que je connais bien, que j’ai côtoyés dans différentes commissions concernant notamment les conjoints survivants, qui animent des débats et des rencontres, à l’Assemblée comme à l’extérieur, et qui ont pris des positions très fortes contre les inégalités,…

M. Denis Jacquat, rapporteur. En effet !

M. Pascal Terrasse. …pensent que les veuves percevront des ressources satisfaisantes en raison de l’assurance veuvage. Certains siègent pourtant à mes côtés au sein du Conseil d’orientation des retraites. Or on voit bien que ces femmes ont très souvent des carrières incomplètes, chaotiques. La majorité a, depuis 2003, modifié l’ensemble des dispositifs censés améliorer la problématique des conjoints survivants, mais elle l’a toujours fait à travers des régressions. Nous sommes encore aujourd’hui dans ce cas. On aurait pu penser que sur le sujet des pensions de réversion, les grandes associations – je pense notamment à la FAVEC, que tout le monde connaît – seraient satisfaites par des convergences vers le haut. Mais, monsieur Préel, j’ai le regret de vous le dire, les convergences votées par vous et votre majorité tirent toujours vers le bas. Nous le regrettons évidemment.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Mais là, on va remonter vers le haut, monsieur Terrasse !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. On ne peut pas laisser M. le rapporteur dire qu’il y a, s’agissant des conjoints survivants, des dispositions partagées et une politique mise en œuvre pour répondre à leurs préoccupations. Ce sont les grands oubliés de la réforme.

En effet, je rappelle que, jusqu’en 2003, la pension de réversion était un droit. Il ne faut jamais oublier cet aspect de la réforme de 2003 que vous avez votée, mes chers collègues de la majorité : elle a transformé un droit en allocation différentielle. Le décret d’application aboutissait à tant d’injustices que, faute de revenir sur la loi, le Gouvernement, devant la montée en puissance de la mobilisation, a essayé de réparer un peu, à travers un nouveau décret, les conséquences de la réforme. Un certain nombre de parlementaires de la majorité s’étaient d’ailleurs aperçus après coup des conséquences de ce qu’ils avaient voté, ce qui devrait les amener à être plus attentifs à ce qu’on leur dit aujourd’hui. C’est un choix politique fort que de transformer un droit en une allocation différentielle, c’est-à-dire en une prestation qui est vécue par les bénéficiaires comme une assistance. Il aurait été possible de revenir sur ce changement très important à l’occasion de ce texte.

Monsieur le rapporteur, vous dites porter une attention particulière sur cette question. Dès lors la première des choses pour vous, ce doit être de revenir sur la suppression de la demi-part fiscale car vous savez qu’une telle mesure pénalise de nombreuses veuves. Vous avez élargi cette assiette fiscale comme vous l’avez fait pour les indemnités journalières en matière d’accidents du travail, dans des conditions totalement injustifiées au regard de la préoccupation sociale. Je ne veux pas que vous continuiez à faire des discours sur la situation des veuves et des veufs, car, depuis 2003, c’est une succession de régressions. En plus, les veuves sont les grandes oubliées de cette réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Le problème des conjoints survivants, surtout celui des veuves, est un problème crucial dans notre pays. C’est la raison pour laquelle un groupe d’études existe, et l’Assemblée s’en honore (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), pour écouter leurs revendications…

M. Christian Hutin. « Écouter », c’est le mot qui convient !

M. Denis Jacquat, rapporteur. …et les transcrire dans les textes. Jean-Luc Préel, Pascal Terrasse, moi-même et d’autres parmi vous en faisons partie. Nous essayons de défendre au mieux les veuves, qui, je le rappelle, sont environ quatre millions.

Je n’ai pas l’habitude de faire la guerre bloc contre bloc car nous ne faisons pas de la politique politicienne, mais de la politique sociale. Cela étant, puisque vous parliez du passé, monsieur Vidalies, je vous rappelle que c’est avec Simone Veil que nous sommes passés, concernant la pension de réversion, de 52 % à 54 % pour le régime général. Elle avait indiqué que nous augmenterions progressivement de deux points par an jusqu’à 60 %. Et puis nous avons perdu la majorité, et les pourcentages ont cessé d’augmenter. On en est resté à 54 %.

J’ajoute que le véritable problème concernant la pension de réversion, et il faut se battre pour le surmonter, c’est le plafond du cumul des pensions. De plus en plus de veuves ont des droits propres et, en raison du plafond qui limite les droits dérivés, ne perçoivent pas les sommes qu’elles pensaient obtenir. Nous avons de la pédagogie à faire. Il faut défendre les veuves parce que le plafond, 1 500 euros par mois, s’avère dans beaucoup de cas insuffisant, surtout quand elles sont propriétaires.

De plus, je rappelle que dans le texte de la commission, nous avons remis en place l’assurance veuvage à l’unanimité en juillet dernier.

Monsieur Vidalies, vous avez aussi abordé le problème de la suppression de la demi-part fiscale. Ce n’est pas une décision qui a été prise par la commission des affaires sociales, mais par la commission des finances.

M. Alain Vidalies. Ah ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Vous connaissez aussi bien que moi le fonctionnement de cette assemblée, mon cher collègue.

Sur ce point – comme sur la situation des étudiants, il y a quelques années – il y a un réel problème. J’écris, j’interviens, je parle…

M. Christophe Sirugue. Merci monseigneur !

M. Denis Jacquat, rapporteur.… et j’indique au Gouvernement les difficultés de vie rencontrées par ces veuves, même si leurs enfants sont partis depuis longtemps de la maison.

Nous souhaitons que, dans notre pays, les gens aient une retraite décente et non pas qu’elles survivent.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Si nous souhaitons l’équité et aller vers un régime universel, c’est pour améliorer le sort de nos concitoyens et des retraités.

Depuis le début de l’après-midi, à plusieurs reprises, j’ai entendu dire que la demande de convergence vise un alignement vers le bas. Ce n’est pas du tout ce que l’on souhaite.

Mme Martine Billard. C’est la réalité !

M. Jean-Luc Préel. Non, pas du tout !

Je trouve regrettable qu’à chaque fois que l’on parle de convergence, vous évoquiez le principe d’un alignement vers le bas. Ce n’est pas du tout notre projet.

Mme Martine Billard. C’est la réalité, malheureusement !

M. Jean-Luc Préel. S’agissant des veufs et des veuves, la loi de 2003 avait apporté notamment une amélioration importante : la suppression de la condition d’âge.

En outre, je défends depuis toujours l’idée qu’il s’agit d’améliorer le sort des conjoints survivants. Les amendements que j’ai déposés sur le sujet créant des dépenses supplémentaires, la commission des finances présidée par M. Cahuzac – ici présent mais qui n’y est pour rien – les a refusés en vertu de l’article 40.

À mon avis, les droits acquis par des cotisations du conjoint décédé sont de vrais droits. Je regrette que des conditions de ressources soient posées lors du versement de la pension de réversion.

M. Alain Vidalies. Voilà !

M. Jean-Luc Préel. Ce ne sont alors plus de vrais droits acquis puisqu’ils sont plafonnés.

Certains, comme Denis Jacquat à l’instant, se battent sur le pourcentage de la pension de réversion. On peut augmenter le pourcentage autant que l’on veut, si on ne touche pas au plafond de ressources, on ne résout rien.

M. Alain Vidalies. Exactement, cela ne change rien !

M. Jean-Luc Préel. Le plus important, c’est donc de modifier le plafond de ressources et si possible – pourquoi pas ? – de le supprimer. Ces réformes seraient très importantes, mais aussi probablement coûteuses.

Nous allons remettre en place l’allocation veuvage, et c’est sans doute nécessaire avec la réintroduction – regrettable – de conditions d’âge. Je déplore que nous soyons revenus sur une avancée importante de la loi de 2003.

Je n’en dirai pas plus sur le sort des conjoints survivants. Nous nous réunissons assez régulièrement, mais nous sommes contraints par l’article 40, comme je l’ai expliqué au responsable de la Fédération d'association de conjoints survivants.

Les députés ne peuvent malheureusement pas faire grand-chose si le Gouvernement n’est pas favorable à une amélioration du sort des conjoints survivants.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Je suis tout à fait disposé à voir avec votre collègues Préel les conditions dans lesquelles l’article 40 s’est appliqué aux amendements qu’il suggérait.

J’ai déjà rendu compte devant l’Assemblée et avant l’examen des amendements de ce qu’il en était de la doctrine appliquée et définie d’ailleurs par mes prédécesseurs.

Je ne crois pas que ces explications aient suscité de controverses, mais je suis tout à fait prêt à regarder ce qu’il en fut pour les amendements auxquels notre collègue Préel fait référence.

Si vous me le permettez, monsieur le président, je donnerai aussi une précision sur suppression de la demi-part fiscale pour les veuves.

Le rapporteur Denis Jacquat a indiqué que cette proposition était arrivée de la commission des finances, ce qui est exact : elle émane du Nouveau Centre, de Charles de Courson et ses amis.

M. Jean-Luc Préel. Eh oui !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Cela étant, cette disposition – certes approuvée par la commission des finances – n’aurait pas eu force de loi si l’Assemblée nationale ne l’avait pas adoptée lors d’un scrutin public sur le budget concerné, c'est-à-dire celui de l’année dernière.

M. Christian Eckert. Exactement !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Nous aurons l’occasion de nous exprimer ultérieurement sur les pensions de réversion, mais je voulais rappeler nos débats de la semaine dernière sur le report de soixante-cinq à soixante-sept ans de l’âge de la retraite sans décote.

Si l’égalité entre hommes et femmes était une réalité dans le monde du travail, en matière de rémunération, nous n’aurions pas à nous préoccuper de pensions de réversion.

Je voudrais aussi rappeler à MM. les ministres que, depuis au moins deux ans, dans le cadre du PLFSS, nous intervenons pour que les difficultés rencontrées par les veufs – et principalement les veuves – soient mieux prises en compte. On nous répond régulièrement : ne vous inquiétez pas, le problème des veuves sera examiné dans le cadre de la loi sur les retraites.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Oui !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Or il n’y a absolument rien dans ce texte. C’est incohérent et inadmissible. C’est nier les difficultés de ces personnes. Je voulais le souligner à ce stade des débats.

En outre, ces propos sont contradictoires. Depuis 2003, au-delà des droits acquis, le calcul de la pension de réversion tient compte des revenus propres des conjoints survivants.

Comme le relevait mon collègue Alain Vidalies, cela signifie que nous sommes désormais dans le cadre d’une allocation différentielle et non plus dans celui de droits acquis. Demander le relèvement des plafonds est un peu contradictoire avec les mesures prises en 2003.

S’agissant du montant des retraites, lors des débats en commission sur ce texte de loi, j’ai fait remarquer à M. Tron que le Gouvernement ne tenait pas non plus ses engagements en matière de relèvement des pensions de réversion pour les veufs. Le Président de la République avait pris cet engagement et il l’avait rappelé à maintes reprises. Comme d’habitude, c’était des mensonges qu’il n’hésiterait sûrement pas à répéter aujourd’hui.

Monsieur le secrétaire d’État, vous m’aviez alors répondu que les veufs avaient obtenu une augmentation de leur pension de réversion récemment. Vous n’aviez pas précisé que cette pension de réversion n’avait été relevée que pour les seuls retraités aux revenus inférieurs à 800 euros et pour les veufs et veuves âgés de plus de soixante-cinq ans. L’ensemble des veufs n’était donc pas concernés, contrairement à ce que l’on aurait pu comprendre, et je tenais à le préciser.

Au cours des débats, nous aurons l’occasion de revenir sur la situation des veufs et veuves. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Juste une précision après l’intervention du président de la commission des finances, mais pas pour déclencher un débat que nous avons déjà eu.

Il est inapproprié de parler de demi-part fiscale pour les veuves, car il s’agit de la demi-part fiscale pour les personnes ayant élevé seules un enfant.

Mme Valérie Rosso-Debord. Voilà !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Nous avons simplement posé des conditions.

Mme Valérie Rosso-Debord. Encadré !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Il peut s’agir de personnes divorcées, séparées. Nous avons posé des conditions, comme le seuil des cinq ans, par exemple. En réalité, cette mesure a été ajustée au but qu’elle poursuivait.

M. Jean Mallot. Bonimenteur !

(L'amendement n° 589 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 449.

La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Tout à l’heure, à la faveur d’un avis, M. le rapporteur nous a fait une confidence : au sein du groupe UMP, il a fallu réunir une commission afin de concilier les positions de ceux qui avaient une vision un peu caricaturale et idéologique de la situation des fonctionnaires et de ceux qui, peut-être plus éclairés, avaient pris en compte les caractéristiques à connaître avant de statuer sur la convergence des retraites.

Au demeurant, monsieur le rapporteur, je crois qu’il est important, en effet, que les éléments relatifs à cette convergence puissent être clairement mis sur la place publique.

D’abord, il s’agit d’éviter les raccourcis qu’empruntent encore certains de nos collègues tels que MM. Tian, Paternotte et quelques autres quand ils décrivent la situation des fonctionnaires partant en retraite.

Je ne reviendrai pas sur les développements faits par ma collègue Marisol Touraine à propos des primes qui ne sont pas prises en compte. Je ne reviendrai pas sur les avantages parfois mis en avant alors qu’ils n’entrent pas dans le calcul de la retraite.

En revanche, il est clair que nous avons besoin de transparence et d’un débat pour que tout le monde réfléchisse à cette notion de convergence. Cela étant, monsieur Préel, je vous le répète même si je comprends que vous ayez du mal à l’accepter : la convergence telle que suggérée dans ce texte opère un nivellement par le bas.

Selon nous, la convergence doit permettre de reconnaître les droits qui ont été accumulés tout au long d’un parcours professionnel, afin de donner lieu à une pension de retraite qui soit la plus correcte possible.

L’amendement n° 449 propose de créer une commission de rapprochement des régimes de retraite.

Celle que vous avez constituée au sein de votre groupe, monsieur le rapporteur, semble avoir permis d’éviter les discours tonitruants sur ces fonctionnaires accusés de tous les maux – même s’il en reste quelques-uns.

La commission que nous vous suggérons au niveau du pays permettrait le même travail, la même approche, et pourrait aboutir à un traitement équitable de la convergence.

Ce cadre permettrait de travailler aussi sur la situation des polypensionnés, sur les pensions de réversion, sur la présence des enfants, bref sur tous ces sujets qui font débat et qui vous mettent parfois en difficulté comme nous venons de le constater lors de la discussion de certains amendements.

Voilà l’objet de l’amendement que nous proposons.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. M. Sirugue vient de poser de vraies questions auxquelles répond l’article 1er du comité de pilotage.

Puisque la redondance est inutile, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Même avis.

(L'amendement n° 449 n'est pas adopté.)

Article 24 bis

(L'article 24 bis est adopté.)

Article 24 ter

M. le président. Sur l’article 24 ter, je suis saisi d'un amendement n° 211.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Il est défendu.

(L'amendement n° 211, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 24 ter est adopté.)

Après l'article 24 ter

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 666, portant article additionnel après l’article 24 ter.

La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Cet amendement est important car il permet de revenir sur le cas des personnes en situation de handicap.

La réforme de 2003 permet à certains travailleurs handicapés de prendre une retraite anticipée mais nous constatons que son approche est trop restrictive, comme le signalent régulièrement les associations : seules les personnes dont le taux d’invalidité est égal ou supérieur à 80 % peuvent bénéficier des dispositions plus favorables.

Notre amendement propose d’élargir le droit à la retraite anticipée aux travailleurs handicapés ayant un taux d’invalidité compris entre 50 et 80 %.

Dans le domaine du travail, les personnes handicapées se heurtent à de nombreuses difficultés : trouver un emploi, s’insérer, avoir un parcours professionnel permettant de percevoir une pension de retraite suffisante.

Notre amendement vise à faciliter l’accompagnement des personnes en situation de handicap et à régler une partie des difficultés nées des modifications de 2003.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Après avoir étudié cet amendement, la commission tient à préciser que les conditions de départ anticipé pour les personnes handicapées ne seront absolument pas changées…

M. Christophe Sirugue. C’est bien le problème !

M. Patrice Martin-Lalande. Vous ne l’aviez pas votée cette mesure en 2003 !

M. Denis Jacquat, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Nous allons aller plus vite. Ce matin, le Président de la République a reçu, en présence de Nadine Morano et de moi-même, les représentants du comité d’entente des personnes handicapées, auxquels il a précisé un certain nombre de points concernant notamment l’allocation adulte handicapé et les retraites. Il m’a ainsi demandé de poursuivre la concertation avec les associations sur le sujet que vous évoquez, afin de faire évoluer les choses.

Nous allons évidemment maintenir le droit à la retraite anticipée des travailleurs handicapés. Vous proposez que le Gouvernement remette un rapport sur les conditions d’une extension de ce droit aux personnes dont le taux d’invalidité est de 50 %. Or, contrairement au taux de 80 %, qui permet d’obtenir un certain nombre de droits spécifiques, le taux de 50 % ne permet pas de retracer la carrière d’une personne. Nous cherchons donc un autre critère qui permette de remonter dans la carrière d’une personne, afin d’assouplir le taux de 80 %. En effet, actuellement, peu de personnes handicapées – environ 1 000 par an – bénéficient de cette retraite anticipée et le Gouvernement souhaite qu’elles soient plus nombreuses. Sur ce point, je partage votre sentiment, qui est sans doute aussi celui de vos collègues, sur l’ensemble des bancs.

D’ici à la fin de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites, nous aurons proposé un assouplissement du dispositif de retraite anticipée pour les personnes handicapées.

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Je me félicite des propos de M. le ministre, mais nous serons vigilants, car ce n’est pas la première fois que l’on nous annonce la révision d’un dispositif, et nous attendons parfois longtemps avant qu’elle ne devienne réalité.

En tout état de cause, je préfère la réponse de M. le ministre à celle de M. le rapporteur, qui nous a expliqué que la réforme ne changeait rien à la situation des personnes en état de handicap. C’est en effet précisément parce que cette situation est problématique depuis la réforme adoptée en 2003 que nous avons déposé cet amendement. Nous suivrons donc avec attention les avancées annoncées par M. le ministre.

Nous ne pouvons pas sous-estimer la difficulté des personnes handicapées dont le taux d’invalidité est compris entre 50 % et 80 %, car, ainsi que l’a dit M. le ministre, le flou est tel qu’elles rencontrent un maximum de difficultés en matière d’insertion professionnelle et de départ à la retraite.

Monsieur le ministre, nous avons pris bonne note de vos propositions et nous saurons vous les rappeler le moment venu.

(L'amendement n° 666 n'est pas adopté.)

M. Maxime Gremetz. La majorité est réac !

M. le président. Allons, monsieur Gremetz !

Article 24 quater

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 212, tendant à supprimer l’article 24 quater.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je m’étonne des méthodes de travail du Gouvernement. Ce projet de loi étant prévu depuis plusieurs mois, il aurait pu présenter dans les temps ses propositions d’amélioration des conditions de départ à la retraite des personnes en situation de handicap.

J’en viens à mon amendement de suppression. L’article 24 quater, qui a été adopté sur proposition du rapporteur pour avis de la commission des finances, vise à supprimer le dispositif de majoration pour conjoint à charge en ne l’accordant plus à partir du 1er janvier 2011. Je précise qu’elle continuera à être servie aux bénéficiaires actuels qui remplissent les conditions.

Actuellement, cette majoration est versée si le conjoint a soixante-cinq ans, ou soixante ans s’il est reconnu inapte au travail, et si ses ressources personnelles sont inférieures à un plafond d’environ 7 900 euros par an. Elle peut atteindre un peu plus de 600 euros par an – c’est donc une somme qui est loin d’être négligeable – et elle est versée intégralement si l’assuré justifie de 150 trimestres. Dans le cas contraire, elle est calculée au prorata du nombre de trimestres acquis.

Le rapporteur pour avis de la commission des finances nous a expliqué que, compte tenu de la création du minimum vieillesse et de l’allocation vieillesse des parents au foyer, il n’y avait plus de raison de servir cette majoration. Or, les deux dispositifs ne se recoupent pas. Ainsi, un certain nombre de ménages, pour lesquels la majoration pour conjoint à charge était plus avantageuse que le minimum vieillesse, vont perdre cet avantage. Quant à ceux qui ne sont pas éligibles au minimum vieillesse, ils cesseront d’y avoir droit.

En outre, nous ne disposons d’aucune étude d’impact de cette mesure de suppression : nous ignorons le nombre de personnes concernées ainsi que le montant. Tout ce que nous savons, c’est que, comme les autres modifications proposées au nom de l’équité, vous supprimez des dispositifs qui concernent des personnes qui ont de toutes petites retraites.

Monsieur le ministre, nous souhaiterions que vous reveniez sur cette disposition ou, à tout le moins, que vous nous présentiez une étude d’impact.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Il s’agit d’une proposition de la commission des finances. Certains, notamment Mme Billard, ont indiqué que peu de personnes étaient concernées et qu’une telle mesure devrait être envisagée dans le cadre d’une réflexion globale. J’avoue avoir été quelque peu surpris, à titre personnel, mais la commission a donné un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Défavorable.

Mme Martine Billard. Vous pourriez tout de même nous donner des explications : vous supprimez un dispositif et nous ne savons même pas qui est concerné !

M. le président. La parole est à M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Je vais vous apporter quelques éléments de réponse sur les raisons qui ont conduit la commission des finances à adopter cet amendement.

La majoration pour conjoint à charge est versée, non pas au conjoint qui n’a pas travaillé, ou trop peu, mais à celui qui a travaillé et cotisé plus de 150 trimestres. Créée en 1948, elle concerne les publics de plus de soixante-cinq ans, dont les ressources ne doivent pas excéder cinquante euros par mois. Il s’agit d’une allocation différentielle, qui ressemble en cela au minimum vieillesse.

Créé en 1956, ce dernier a été développé et s’appelle aujourd’hui Allocation solidarité personnes âgées. Madame Billard, vous avez indiqué que la majoration serait plus favorable que cette allocation ; je suis au regret de devoir vous contredire.

Mme Martine Billard. Elle l’est parfois !

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Non, puisque, pour le minimum vieillesse, le plafond ménage est de 1 157,46 euros par mois, ce qui est très supérieur au montant du plafond que vous avez évoqué pour la majoration.

Par ailleurs, le minimum vieillesse est complété, pour les femmes qui ont dû arrêter de travailler pour élever des enfants, par une assurance obligatoire, qui n’a pas été mentionnée. L’assurance vieillesse des parents au foyer, créée en 1972 et étendue en 1976, est prise en charge par la CNAF quand une femme s’est arrêtée de travailler pour élever un enfant de moins de trois ans ou à partir du troisième enfant.

La commission a estimé que la suppression de la majoration pour conjoint à charge constituerait une mesure de simplification, et non d’économie. En effet, les prestations étant versées sous des conditions de ressources semblables, le montant de cette majoration passera sous le régime du minimum vieillesse. Il s’agit de faire en sorte que celui-ci, qui a tendance à recouvrir l’ensemble des prestations servies au titre de la solidarité, remplace cette majoration, dont je rappelle qu’elle est antérieure au minimum vieillesse.

(L'amendement n° 212 n'est pas adopté.)

(L'article 24 quater est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Après l’article 24 quater

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 24 quater.

La parole est à M. Serge Poignant, pour soutenir l’amendement n° 663 rectifié.

M. Serge Poignant. Monsieur le ministre, je me félicite que le Gouvernement se soit engagé à prévoir par voie réglementaire une validation de la première période de chômage non indemnisé dans la limite non plus d’un an, mais de six trimestres. C’est là une disposition qui nous satisfait pleinement. Cependant, il serait équitable de revoir aussi les modalités de prise en compte des trimestres validés des apprentis qui ont commencé à travailler jeunes et qui, aujourd’hui, ne peuvent valider les trimestres en raison de la modicité de l’assiette de cotisation. Par ailleurs, il conviendrait également d’engager une réflexion sur la prise en compte des périodes d’études et de stages pour le calcul des droits à la retraite.

J’ai vu que notre collègue Laurent Hénart avait déposé un amendement relatif à la situation des apprentis, qui mérite effectivement que l’on s’y attarde. À la fin des années 1970 – en juillet 1977, juillet 1978 et juillet 1979 – le Gouvernement a soutenu l’apprentissage en permettant l’exonération des cotisations d’assurance vieillesse à la charge des employeurs. Un problème se pose au sujet de la prise en charge par l’État de ces cotisations : l’application des taux de droit commun rend très difficile la validation des trimestres par les apprentis. Ainsi, un jeune entré en apprentissage à l’âge de 16 ans en septembre 1979 n’a validé aucun trimestre pour 1979, un trimestre en 1980 et un autre pour la période de janvier à septembre 1981. Arrivée à l’âge de soixante ans, cette personne pourra rencontrer des difficultés à se voir reconnaître une carrière longue, du fait de la non-validation de quelques trimestres.

Je propose donc, monsieur le ministre, que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 30 juin 2011, un rapport détaillant les mesures relatives aux situations que je viens d’évoquer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Je rejoins M. Poignant sur le fond : il est impératif d’intégrer à notre système de retraite les périodes qui précèdent l’entrée de plus en plus tardive sur le marché du travail, qu’il s’agisse des études, des stages ou des périodes d’apprentissage.

La commission a cependant repoussé cet amendement. En effet, nous avons déjà adopté un article additionnel prévoyant un rapport sur l’intégration des gratifications de stages dans l’assiette des cotisations et les conditions de leur prise en compte comme périodes assimilées. À titre personnel, j’estime qu’il est souhaitable d’avancer sur le sujet pour les générations futures, car les stages sont intégrés à tous les cursus scolaires et universitaires. Votre amendement est donc satisfait sur ce point, monsieur Poignant.

En ce qui concerne les apprentis, le calcul des droits à l’assurance vieillesse de base et complémentaire s’effectue sur la base des rémunérations soumises à cotisations, y compris les cotisations prises en charge par l’État. Ces conditions étant relativement favorables, il n’est pas nécessaire d’y revenir.

Pour ce qui est de la validation des périodes d’études, il est possible, depuis la loi de 2003, de racheter jusqu’à douze trimestres d’études, c’est-à-dire de verser a posteriori les cotisations correspondantes.

Mme Martine Billard. Cela coûte une fortune !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Enfin, le Gouvernement a annoncé qu’il prévoirait une validation de la première période de chômage non indemnisé, dans la limite non plus de quatre, mais de six trimestres, ce qui bénéficiera à plus de 6 000 personnes par an.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission est défavorable à l’amendement n° 663 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Monsieur Poignant, le Gouvernement partage votre sensibilité sur un sujet qui est, évidemment, particulièrement important.

Vous le savez pour avoir beaucoup travaillé sur cette question : un amendement a été adopté en commission afin que soit rendu un rapport sur la manière d’intégrer les périodes de stage dans le calcul de la retraite.

Aujourd’hui, il y a une gratification minimum. Le Gouvernement a beaucoup travaillé – et depuis longtemps – sur la question des stages, notamment grâce à Valérie Pécresse. Nous voulons intégrer, en fonction bien sûr du niveau de cotisation, les périodes de stages dans le calcul de la retraite.

Les étudiants peuvent, comme vous le savez, racheter un certain nombre de trimestres depuis la loi de 2003…

M. Serge Poignant. Mais c’est cher !

M. Éric Woerth, ministre du travail. C’est cher quand on les achète tard, mais ce n’est pas le cas quand on le fait de bonne heure, même si cela peut évidemment poser des difficultés. Toujours est-il que la possibilité existe.

En ce qui concerne la validation des trimestres pour les étudiants – je le rappelle car il est fréquent qu’ils travaillent pendant leurs études –, les modalités de calcul de notre système de retraite permettent, si l’on a effectué deux cents heures de SMIC, de valider un trimestre tout entier. Autrement dit, avec huit cents heures vous validez une année entière. Il n’y a donc pas de rapport entre la durée travaillée et la durée cotisée : cela dépend du niveau de rémunération.

Pour les apprentis, l’État prend totalement à sa charge les cotisations, ce qui augmente d’ailleurs la rémunération, sur la base de cotisations forfaitaires.

Je suis favorable, si vous en êtes d’accord, à ce que l’on étende aux apprentis le champ du rapport qui doit être rendu sur les stages. En effet, ces deux populations peuvent être considérées comme homogènes. Je prends donc cet engagement devant vous.

Enfin, je rappelle que le présent texte permet aux personnes en situation de précarité et n’arrivant pas à trouver un premier emploi, ce qui arrive malheureusement souvent, de valider six trimestres de cotisation, contre quatre jusqu’à présent. Cette disposition vise à faciliter les choses, puisque l’on sait qu’il est de plus en plus long et difficile d’entrer sur le marché du travail.

On peut donc considérer, si vous en êtes d’accord, que votre amendement est satisfait par l’engagement que je prends ici d’étendre aux apprentis le rapport sur les stages.

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. La réponse de M. le ministre me conduit à retirer mon amendement.

M. Maxime Gremetz. Oh !

M. Serge Poignant. En effet, il a bien précisé ce qu’il en était pour les stages des étudiants, et le fait que le rapport sur les stages puisse être élargi à la question des apprentis me satisfait. Je l’en remercie et retire donc l’amendement n° 663 rectifié.

(L’amendement n° 663 rectifié est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 699 et 700, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

La parole est à M. Régis Juanico, pour les soutenir.

M. Régis Juanico. Ces deux amendements portent sur la nécessaire prise en compte des périodes de stages rémunérés pour le calcul des droits à la retraite des jeunes générations.

Nous y sommes revenus à différentes reprises ces derniers jours : aujourd’hui, dans notre pays, les jeunes générations sont confrontées à des difficultés d’insertion sur le marché du travail. L’entrée se fait de plus en plus tard – entre vingt-cinq et vingt-sept ans –, au terme d’un parcours souvent chaotique, fait d’une succession de petits boulots, de CDD ou même de stages.

Ce parcours rend l’horizon d’un départ à la retraite de plus en plus éloigné, d’autant plus que la majorité a voté vendredi dernier les deux mesures d’âge qui repoussent les possibilités de départ de soixante à soixante-deux ans et de soixante-cinq à soixante-sept ans.

M. Paul Jeanneteau. Heureusement que nous l’avons fait !

M. Régis Juanico. Pour beaucoup de jeunes, le départ à la retraite se fera donc sans doute après soixante-cinq ans, et même peut-être à soixante-dix ans.

M. Paul Jeanneteau. Pourquoi pas soixante-quinze, pendant que vous y êtes ?

M. Régis Juanico. Il est donc nécessaire de mieux prendre en compte les périodes de stages rémunérés.

C’est pourquoi nous préconisons, à travers ces amendements, d’introduire dans l’assiette des cotisations sociales la gratification versée à compter du troisième mois de stage en entreprise prévue dans la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances. Je rappelle en effet qu’au-delà de deux mois la gratification est obligatoire.

M. le ministre a évoqué le rapport que doit remettre le Gouvernement. Pour notre part, nous préconisons d’agir tout de suite, dans le cadre du projet de loi qui nous est soumis. Agissons dès maintenant ; ensuite, on fera un rapport pour évaluer la prise en compte de ces périodes pour la détermination du droit à la pension.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Elle a donné un avis défavorable car elle a adopté un amendement similaire dans le cadre de l’article 29 quinquies.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. C’est en effet la loi pour l’égalité des chances, monsieur Juanico, qui a créé la gratification.

De son côté, Valérie Pécresse a travaillé à encadrer les stages afin d’éviter les abus : ils doivent être intégrés au cursus scolaire et respecter un niveau minimal de rémunération. Tout cela a donc été très encadré par notre majorité. Il s’agit d’éviter les abus, tout en faisant en sorte qu’il y ait toujours des stages, car le problème est aussi d’inciter les entreprises ou les collectivités à en proposer.

En ce qui concerne les droits à cotisation, et comme il s’agit d’une période intermédiaire – ce n’est ni vraiment un travail, ni vraiment des études – le compteur tourne, si je puis dire, au-delà d’un montant légèrement supérieur à 400 euros. Au-dessous, on considère qu’il s’agit d’un stage d’études. Dès lors, à partir du troisième mois, la plupart des stagiaires bénéficient en réalité des droits à cotisation.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, à propos des stages, vous devez être informé des interrogations soulevées par le décret publié fin juillet.

La loi de 2006 et les engagements qui avaient été pris par le Gouvernement allaient plutôt dans le bon sens, puisque la préoccupation suscitée par les dérives du système, notamment pour les stages hors cursus – car ce sont eux qui posent problème – semblait partagée. Malheureusement, je dois dire que le décret a suscité les réactions d’associations comme Génération précaire et d’organisations syndicales, qui y ont vu un texte ne respectant pas l’esprit de la loi. Certes, il est indiqué que le principe reste la limitation des stages, mais il y a tellement d’exceptions que la portée de ce décret suscite de grandes interrogations.

Je pense donc qu’on ne peut pas aborder la question des stages sans soulever notamment le problème des stages hors cursus. Nous devrions tous pouvoir reconnaître – et c’était le cas jusqu’à présent – qu’il y a là des abus. Dans un certain nombre de professions, on voit bien qu’aujourd’hui, sur le marché du travail, des jeunes sont utilisés dans des entreprises, et à grande échelle, pour des stages qui n’en finissent plus. De cette manière, l’entrée dans la vie active de ces jeunes, qui souvent sont formés et ont un niveau d’études important, se fait uniquement par l’intermédiaire de ces stages à répétition. Or le décret publié ne me semble pas correspondre aux objectifs de la loi. Je pense donc que ce serait pour vous l’occasion, puisque l’on aborde cette question, de nous donner des explications sur les choix que vous avez faits dans ce décret. Quelles réponses pouvez-vous nous apporter aujourd’hui face aux critiques tout de même assez sévères qu’a soulevées ce décret ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marisol Touraine. Le ministre ne répond pas ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Vous avez interrogé le ministre, mais le rapporteur existe aussi, mes chers collègues. (Sourires.) Je serai donc bref pour que vous puissiez profiter de sa réponse.

Comme vous semblez très attachés à ce que je me répète, je vous redirai mes explications. Premièrement, une évaluation est prévue pour l’automne. Deuxièmement, un rapport, dont M. le ministre a élargi le champ il y a quelques instants, doit être rendu. La commission a donc donné un avis défavorable aux amendements et M. le ministre va répondre précisément à votre question.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Il y a un certain nombre d’exceptions, qu’indique le décret, parce que c’est souvent nécessaire. Il existe en effet des stages de différentes sortes.

Le sujet est complexe, mais je partage votre opinion : il faut que les jeunes puissent faire des stages, et en même temps que l’on n’en abuse pas. À cet égard, on voit très bien où se situe l’équilibre. Pour le reste, je veux bien poursuivre ce débat, mais ce n’est pas tout à fait notre sujet d’aujourd’hui !

Nous avons essayé d’avoir un texte équilibré. Le décret explique bien ce qu’est un stage dans le cursus scolaire et crée un certain nombre d’exceptions pour permettre quand même aux jeunes de faire des stages. Dans toutes les études aujourd’hui, et cela dès le lycée, il y a des stages. En ce qui concerne les retraites, j’en reste à ma réponse précédente. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

(Les amendements nos 699 et 700, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 188 rectifié et 267.

La parole est à M. Yves Cochet, pour présenter l’amendement n° 188 rectifié.

M. Yves Cochet. À notre avis, le mot « gratification », qui figure déjà dans le dernier alinéa de l’article 9 de la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, n’est pas suffisant.

Je me souviens d’avoir eu, dans le cours de mon expérience professionnelle, à encadrer des stagiaires ou à envoyer des étudiants en stage. Or, en réalité, au moins pour les étudiants, le travail effectué mérite beaucoup plus qu’une simple gratification. On a l’impression, en l’espèce, que le droit est un peu bancal par rapport au travail réellement effectué. C’est pourquoi, à travers cet amendement, nous proposons de supprimer la dernière phrase du dernier alinéa de l’article 9 de la loi visée, afin que les stagiaires puissent avoir une rémunération égale à au moins 50 % du SMIC et qui soit prise en compte, du coup, pour leur retraite.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l’amendement n° 267.

Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, vous avez dit tout à l’heure que le sujet était compliqué, au motif qu’il faut à la fois éviter les abus et permettre les stages. C’est indéniable. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation où, au-delà de deux mois de stage, il y a une rémunération qui atteint, si j’ai bonne mémoire, 303 euros. Mais il y a un petit problème : dès que ce montant est dépassé, cela ouvre l’obligation d’une déclaration spécifique, avec les droits que cela suppose. Ainsi – puisque c’est aussi le cas dans cette assemblée –, quand des députés veulent prendre des stagiaires, ils doivent les payer 303 euros. Si, par exemple, ils veulent leur rembourser leurs frais de transport ou la cantine, cela devient un avantage en nature. Il y a donc une vraie difficulté : cette indemnisation est tout de même très faible – qu’est-ce que 303 euros dans les grandes agglomérations, où le coût de la vie est très élevé ? – et en plus elle n’ouvre pas à l’heure actuelle de droits, notamment pour la retraite.

Vous avez présenté un amendement qui prévoit un forfait, mais celui-ci sera-t-il sur la base du minimum de 303 euros ? Nous aimerions avoir un peu plus d’indications sur le montant envisagé.

Par ailleurs, on se rend compte que, dans certaines branches, il y a toujours beaucoup d’abus. Prenons l’exemple des cabinets d’avocats : nous savons tous qu’on y trouve énormément de stagiaires qui font un vrai travail d’avocat, mais ne sont pas indemnisés.

M. François Goulard. M. le président n’a pas l’air tout à fait d’accord… (Sourires.)

M. Jean Mallot. Et Copé, il est stagiaire ?

Mme Martine Billard. Ce type d’abus persiste également dans le journalisme sur internet.

On peut d’ailleurs dire que, un peu partout, il y a encore beaucoup d’abus. Le fait d’ouvrir la possibilité de cotiser pour la retraite les limiterait. Cela paraîtrait d’autant plus juste que, dans beaucoup de cursus, figure une obligation de stage de trois, voire six mois. Cela veut dire six mois sans droits à la retraite ! Forcément, ces jeunes – et il peut d’ailleurs s’agir de personnes un peu moins jeunes – ont d’autant plus de difficultés à obtenir tous les trimestres nécessaires pour pouvoir partir en retraite avant d’atteindre le plafond de soixante-sept ans.

Voilà pourquoi nous insistons pour que l’on passe d’une gratification à une rémunération qui serait à la moitié du SMIC, avec les droits afférents en termes de protection sociale, de façon à ce que les stagiaires, qui sont de plus en plus nombreux chez les jeunes, ne soient pas en définitive les oubliés de la protection sociale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Mes arguments sont les mêmes que pour les amendements précédents. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Les stagiaires reçoivent au minimum 303 euros, mais rien n’interdit de faire plus. Dans ce cas, il faut commencer à payer des cotisations – employeur et employé – et le stagiaire peut commencer à cumuler des trimestres.

Il s’agit effectivement d’une gratification et non pas d’un salaire : le stage ne s’inscrit pas dans le cadre d’un contrat de travail ; il est intégré à un cursus scolaire. Cela n’a donc pas la lourdeur d’un contrat de travail – ce qui a sans doute des inconvénients, puisqu’un stage n’apporte pas non plus les droits et la protection d’un contrat de travail. Mais un stage est bien une période intermédiaire.

Je ne suis donc pas favorable à l’amendement.

Mme Martine Billard. Et sur le montant du forfait ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Nous sommes en train de le vérifier ; je crois qu’il est supérieur à 400 euros.

(Les amendements identiques nos 188 rectifié et 267 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 190 et 274 rectifié.

La parole est à M. Yves Cochet, pour défendre l’amendement n° 190.

M. Yves Cochet. Défendu.

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour défendre l’amendement n° 274 rectifié.

Mme Marie-George Buffet. Au cours des débats, monsieur le ministre, vous avez beaucoup utilisé l’argument de la démographie pour justifier vos régressions sociales ; mais ce qui fait mal à notre système de retraites, c’est le chômage, c’est la précarité, ce sont les bas salaires.

Il n’y aura pas de réforme juste si l’emploi, et particulièrement celui des jeunes, n’est pas placé au cœur du dispositif.

Nos amendements ont donc notamment pour objet de valoriser le statut d’apprenti. Monsieur le ministre, vous avez dit tout à l’heure partager la sensibilité du député qui vous interrogeait sur cette question ; mais partager une sensibilité et prendre de réelles mesures, c’est un peu différent. Cela me rappelle qu’en 2009 le président de la République avait dit vouloir faire « le pari de l’apprentissage ». Or force est de constater que la situation des apprentis n’a guère évolué, et ce projet de loi va encore la dégrader : vous tenez un discours de compassion, mais en réalité vous enfoncez un peu plus les individus concernés.

Rien n’a été fait pour améliorer la condition de l’apprenti, et il n’est donc pas étonnant que, selon un rapport du Centre d’étude et de recherche sur les qualifications – organisme dépendant des ministères de l’économie, de l’emploi et de l’éducation – un apprenti sur six abandonne sa formation en cours de route : vous découragez les jeunes de poursuivre dans la voie du travail.

Les cotisations retraite des apprentis sont, je le rappelle, calculées sur la partie professionnelle de leur activité, c’est-à-dire en fonction du temps passé dans l’entreprise et de la rémunération perçue. Les apprentis ne cotisent donc pas quatre trimestres par an ! Il y a pire : un projet de décret projetait d’abaisser le volume horaire sur lequel se fonde le calcul de l’assiette de cotisations de 169 à 151,67 heures. Cette mesure aurait pour effet de faire perdre un à deux semestres de cotisation à 30 % des apprentis !

Demain, que se passera-t-il ? Votre projet de loi pénalise fortement les apprentis : ils seront exclus du dispositif « carrières longues », et donc contraints de travailler au minimum jusqu’à soixante-deux ans, alors que certains commencent leur apprentissage à quinze ou seize ans. Ils doivent donc être considérés comme des travailleurs à part entière.

Pour pallier cette injustice, et dans les limites que nous impose l’article 40 de la Constitution, nous vous soumettons donc des amendements qui garantissent la retraite des apprentis. Le 274 rectifié valorise la rémunération des apprentis, qui est une variable de leur retraite. Quant au 347, il inscrit dans la loi le volume de 169 heures comme base du calcul des cotisations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. En raison de l’évaluation et du rapport dont je parlais tout à l’heure, avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Nous avons largement développé l’apprentissage : c’est ce qu’a dit le Président de la République et ce qui est en train d’être fait – beaucoup de contrats d’apprentissage sont signés aujourd’hui. L’apprentissage est une très bonne formule : je pense que tout le monde est d’accord sur ce point.

Quant aux cotisations des apprentis et à leur rémunération, elles varient selon l’âge, allant de 40 % à 70 % du SMIC à peu près, suivant les tranches d’âge des apprentis. Les cotisations sont payées par l’État sur des bases forfaitaires.

Tout est fait, je crois, pour développer l’apprentissage. Je ne peux donc pas être favorable à cet amendement.

(Les amendements identiques nos 190 et 274 rectifié ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 347.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Il a été défendu.

(L’amendement n° 347, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 192, 233, 346 et 641 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Yves Cochet, pour défendre l’amendement n° 192.

M. Yves Cochet. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, pour défendre l’amendement n° 233.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Je souhaite, comme mon collègue Poignant, que le rapport inscrit à l’article 29 quinquies puisse prendre en compte la situation des apprentis. Pour ma part, je retirerai donc l’amendement. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Maxime Gremetz. Courageux, mais pas téméraire !

M. Pascal Terrasse. Allons, ce n’est qu’un rapport de plus : il y en a déjà quinze, ce n’est jamais qu’un seizième !

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Je voudrais toutefois apporter quelques éléments en faveur de cet amendement.

Nous avons parlé d’assiette et de calcul de cotisations : la commission des finances a pu faire le calcul, afin que chacun puisse mesurer le chemin qui va de l’idée à la réalité.

Les apprentis payent des cotisations sur des salaires qui varient suivant leur âge et leur année d’études, et qui représentent entre 25 % et 70 % du SMIC. Les règles de calcul font que l’assiette forfaitaire est réduite de 11 % : autrement dit, pour être très concret au lieu d’asséner des chiffres, imaginons un jeune qui entre en apprentissage à seize ans, et qui sera donc à mi-temps dans le milieu professionnel : s’il commence un contrat de deux ans – durée moyenne des contrats – au mois d’octobre, il validera deux trimestres en tout.

Un progrès doit être possible pour que le travail – valeur qui, je crois, tient à cœur à tout le monde, sur tous les bancs – puisse être mieux récompensé par les droits sociaux des futurs apprentis.

Je voudrais dire aussi que les progrès sont réguliers : en 2005, nous avons discuté de la situation de l’apprenti et voté une mesure suivant laquelle leurs salaires, quel qu’en soit le montant, n’étaient pas pris en compte dans le revenu imposable – ce qui est important pour des apprentis mineurs ou tout juste majeurs, dont les revenus sont encore intégrés à ceux de leur famille.

Il paraît donc possible de progresser dans le domaine des droits sociaux des apprentis.

Pour répondre à M. Terrasse, je soulignerai enfin qu’il me paraît important de traiter dans le même rapport de la situation de l’apprenti et de celle du stagiaire : en effet, il faut que la situation sociale de l’apprenti demeure plus favorable que celle du stagiaire. D’abord, l’apprentissage s’effectue sur la longue durée – un, deux ou trois ans – alors qu’un stage ne peut durer que quelques mois ; et vous savez comme moi qu’il y a un plafond de verre au-delà de deux mois, pour éviter la rémunération. Ensuite, l’apprenti se trouve dans un système pédagogique conçu pour s’articuler avec la vie active ; il dispose d’un contrat de travail, ce qui n’est pas le cas du stage, lequel est souvent une sorte d’appendice du diplôme poursuivi, les écoles et les universités plaçant les stagiaires par le biais de filières, mais pas forcément en adéquation avec les besoins des employeurs.

Je souhaite, monsieur le ministre, que le rapport remis par le Gouvernement accorde autant d’importance aux apprentis qu’aux stagiaires, avec un souci de gradation dans la pratique de l’alternance et de la professionnalisation des jeunes. L’apprenti devrait être mieux considéré que le stagiaire – cela n’exclut d’ailleurs pas que des stagiaires puissent devenir des apprentis, ce qui aurait un effet positif sur notre système de formation et sur le placement des diplômés sur le marché du travail.

(L’amendement n° 233 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre l’amendement n° 346.

Mme Martine Billard. Je me retrouve beaucoup plus, pour ma part, dans les propos de M. le rapporteur pour avis que dans ceux du ministre. Nous pensons aussi qu’il y a un vrai problème de la validation des trimestres d’apprentissage ; on ne peut pas dire que tout aille bien !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour défendre l’amendement n° 641 rectifié.

M. Alain Vidalies. Une question d’égalité se pose : deux circulaires consacrées à la validation des années d’apprentissage effectuées avant 1972 font problème.

La première date de 2004, et son interprétation permettait aux apprentis concernés de valider ces trimestres. Mais une seconde circulaire est intervenue en 2008 ; elle entraîne de nombreuses protestations, car il semble qu’elle vienne remettre en cause la souplesse de la circulaire précédente.

Il s’agit là de gens qui ont été apprentis avant 1972 : ils vont donc bientôt liquider leurs droits à la retraite, ou sont déjà en train de le faire. Il serait singulier que les anciens apprentis qui pouvaient bénéficier de ce dispositif jusqu’en 2004 soient, par le simple effet d’une circulaire, privés de ce droit.

Cet amendement demande un rapport pour éviter les difficultés créées par l’article 40, mais je voudrais que le Gouvernement nous apporte des éclaircissements sur ce point.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Ces amendements ont été repoussés par la commission ; mais, grâce à la déclaration du ministre, ils sont satisfaits.

Je rejoins tout à fait les propos de Laurent Hénart : le Gouvernement doit s’engager à développer encore l’apprentissage.

M. André Schneider. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Sur l’amendement de M. Hénart, je confirme ce que j’ai dit à M. Poignant tout à l’heure : vous avez raison, et nous allons donc effectivement élargir le rapport aux apprentis.

Sur les contrats d’apprentissage d’avant 1972, il existe, vous le savez, des possibilités de rachat de cotisations à tarif préférentiel. Nous les maintenons dans la loi.

(Les amendements nos 192, 346 et 641 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 698.

La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Cet amendement a trait à une situation un peu particulière, pour laquelle j’ai finalement plus de questions que d’affirmations.

Je commence toutefois par dire que, globalement, votre réforme soulève de grandes interrogations sur la situation des jeunes. En effet, comme cela vient d’être rappelé, les jeunes en France ont le triste privilège d’avoir un parcours particulièrement long avant d’être stabilisés dans un environnement professionnel sécurisant. Durant des périodes relativement conséquentes, ils sont confrontés à des parcours professionnels hachés ou à des emplois précaires avec un faible nombre d’heures de travail.

J’ai trouvé, dans les documents distribués par l’UNEDIC, la liste des allocations qui donnent droit à l’ouverture de l’assurance vieillesse sur les périodes correspondant au chômage indemnisé. Y figurent notamment l’allocation d’aide au retour à l’emploi, l’allocation spécifique de reclassement, l’allocation de fin de droits, l’allocation de solidarité spécifique, l’allocation temporaire d’attente. Mais rien sur le revenu de solidarité active.

Pourtant, à la différence du RMI, ce revenu de solidarité active a été présenté – je me souviens des leçons que l’on nous a données à l’époque – comme un dispositif d’accompagnement et d’incitation au retour à l’emploi des personnes en situation d’exclusion, et plus particulièrement des jeunes avec l’ouverture dernièrement du fameux RSA jeunes, même si, j’ai eu l’occasion de le dire, les critères proposés sont à ce point restrictifs qu’ils ne correspondent pas à la situation des jeunes.

Dans le même document de l’UNEDIC, je lis : « Pour les personnes non indemnisées en état de chômage involontaire, les périodes sont prises en considération dans les conditions et limites suivantes : la première période de chômage non indemnisé, qu’elle soit continue ou non, est prise en compte dans la limite d’un an. Chaque période ultérieure de chômage non indemnisé est prise en compte dans la limite d’un an, à condition qu’elle succède sans interruption à une période de chômage indemnisé. »

Ma première question est donc la suivante : quelle va être la situation des personnes qui perçoivent un RSA chapeau, c'est-à-dire un RSA d’activité ? Un jeune qui serait dans le dispositif RSA, c'est-à-dire qui travaillerait mais moins de des 200 heures-trimestre de référence, n’aurait-il aucun droit à l’assurance vieillesse ?

Deuxième question, alors que le RSA devait être, nous avait-on dit, si vertueux par rapport au RMI, que se passe-t-il pour les personnes qui font plus de 200 heures dans le trimestre et qui sont dans le cadre du RSA ? Se peut-il qu’elles ne puissent pas faire valoir le temps de RSA pour l’allocation vieillesse ?

Troisième question, toujours sans réponse : comment sort-on du revenu de solidarité active ? Que se passe-t-il pour une personne qui se trouve dans le dispositif de RSA socle de manière durable, quant à ses droits à l’assurance vieillesse ?

Ces questions sont techniques, je le reconnais, mais elles ont des incidences considérables pour des jeunes qui pourraient se trouver en situation de précarité pendant des années, comme le dénoncent de nombreuses associations telles que Génération précaire. Les conditions d’accès au dispositif du RSA sont déjà extrêmement contraignantes. Le pire serait qu’en outre, ils n’aient pas droit à la reconnaissance au titre de l’assurance vieillesse de ce temps travaillé.

Il serait intéressant que vous nous éclairiez, monsieur le ministre, sur la situation des personnes relevant du revenu de solidarité active, et plus spécifiquement des jeunes.

Mme Catherine Coutelle. Très bien !

M. Maxime Gremetz. C’est une bonne question !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. M. Sirugue a surtout posé des questions au ministre. Je laisserai donc le ministre répondre et je me contenterai, en tant que rapporteur, de donner l’avis de la commission sur l’amendement.

M. Maxime Gremetz. Vous avez raison, chacun son boulot !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Nous sommes tous, ici, sensibles à la situation des personnes en fin de droits, pour lesquelles le Gouvernement a mis en place récemment le plan Rebond pour l’emploi.

Concernant les droits à la retraite, un certain nombre de mesures existent pour compenser l’aléa de carrière ; M. Sirugue en a parlé, je ne les reprendrai pas.

J’indique simplement que, pour renforcer ces règles, le Gouvernement a prévu d’étendre par voie réglementaire la période de validation pour la première période de chômage non indemnisé, en la faisant passer d’un an à six trimestres. Ceci doit toucher 6 000 personnes. La commission a considéré que, dans un premier temps, il valait mieux que cette mesure soit mise en place et qu’ensuite, il conviendrait de dresser un bilan. Elle a donc repoussé l’amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Les chômeurs non indemnisés valident des durées de cotisations, un an après la fin des droits. Un décret fera passer cette durée de quatre à six trimestres pour une période de chômage non indemnisé à un moment donné, avant ou après le travail.

Le RSA quant à lui est une sorte de minima social, d’un côté, il y a le RSA socle, de l’autre le RSA chapeau, qui est une incitation à reprendre un emploi et qui permet d’avoir un complément de revenu. Il n’est pas soumis à cotisations, il ne donne pas droit à pension. Ce qui d’ailleurs est assez logique puisque le RSA est familialisé, c’est-à-dire qu’il prend en compte le revenu du foyer. D’ailleurs, ce n’est pas un revenu du travail. Il ne faut pas lier ce type de revenu aux revenus du travail. Il y a une déliaison entre les deux, ce qui est logique.

M. Alain Vidalies. Mais ils travaillent !

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. La différence, monsieur le ministre, c’est que le RSA chapeau est un RSA qui correspond à un temps de travail. Seriez-vous en train de nous dire qu’il y aurait un temps de travail qui ne donnerait pas de droits à l’assurance vieillesse ? Devons-nous comprendre que le dispositif mis en place pour obliger à aller travailler ceux dont vous nous avez dit et redit qu’ils ne voulaient pas y aller, ferait que les personnes concernées, notamment les jeunes, alors même qu’ils auraient un temps de travail, ne pourraient pas prétendre à des droits à cotisation pour leur retraite sur ce temps ?

M. Christian Paul. Ce n’est pas possible !

M. Maxime Gremetz. C’est bien ce que le ministre a dit.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Je comprends bien la question mais le dispositif est une incitation à reprendre un emploi.

M. Maxime Gremetz. Non !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Si. Si vous êtes en dessous des 200 heures SMIC, vous n’avez pas le trimestre validé, même si le RSA chapeau vous fait passer au-dessus parce que la rémunération n’est pas du tout de même nature. Ce qui compte, c’est la nature de la rémunération, c’est le travail réellement exercé. Le RSA chapeau existe, c’est une bonne nouvelle puisqu’il permet à un moment donné de compléter un revenu du travail, notamment pour faire la différence avec les revenus de l’assistance. Mais il est normal et logique qu’il ne donne pas lieu à enregistrement de droits à la retraite.

M. Roland Muzeau. C’est ce que nous avions dénoncé dans les débats !

M. Christian Paul. Chaque fois qu’on peut tirer vers le bas…

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. La réponse du ministre est précise, malheureusement. Nous avions l’intuition que la question n’avait pas bien été réfléchie. Le RSA, que nous avions soutenu, devait inciter les gens à reprendre une activité professionnelle. Sauf que chacun a compris qu’au fond, on va leur rendre un mauvais service par rapport à leurs droits à la retraite. On va leur dire d’aller travailler, mais, comme cette période de travail va générer l’application du RSA, le surplus correspondant au travail ne sera pas suffisant pour valider des trimestres. Il faut bien les informer de ce qu’on est en train de leur proposer, c'est-à-dire une très grande précarité – on peut difficilement faire mieux en la matière – alors que l’on s’adresse à ceux qui sont parmi les plus en difficulté dans la société. Cet éclairage sur la collision entre les deux dispositifs me paraît particulièrement inquiétant. Il faudra bien expliquer aux futurs bénéficiaires du RSA que les efforts qu’ils vont faire pour rentrer dans la vie active – quoi qu’on pense par ailleurs du RSA et des possibilités d’une généralisation de la précarité par ce moyen-là – ne seront pas pris en compte. Non seulement ils auront été des travailleurs en difficulté mais, en plus, ils seront demain des retraités pauvres.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du travail. C’est un débat légitime mais quand la gauche a créé, d’ailleurs à juste titre, la PPE et le RMI, cela ne donnait pas de droits à retraite.

M. Alain Vidalies. Ce n’est pas la même chose !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Nous sommes bien dans la même logique.

M. Maxime Gremetz. Non ! Ce sont des minimas !

M. Éric Woerth, ministre du travail. La PPE et le RMI sont dans la même logique.

M. Maxime Gremetz. Non !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Cette réponse devrait entraîner votre conviction.

M. Paul Jeanneteau. Tout à fait !

M. Alain Vidalies. Pas du tout !

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. La PPE n’entraîne pas d’heures travaillées alors que le RSA chapeau entraîne obligatoirement des heures travaillées. Je rappelle même que vous avez fait de l’inscription à Pôle emploi une des conditions obligatoires pour l’obtention du revenu de solidarité active. Je pense donc, monsieur le ministre, que votre réponse ne correspond pas à la question qui vous a été posée, mais j’espère que vous nous donnerez, avant la fin du débat, les éléments qui nous éclaireront sur le triste sort que vous êtes en train de faire à ceux qui sont déjà précaires.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Binetruy.

M. Jean-Marie Binetruy. Que se passait-il avant la mise en place du RSA ? Lorsqu’une personne reprenait un travail, elle perdait le bénéfice du RMI. Aujourd’hui, grâce au RSA chapeau, elle conserve une partie de ses droits. Mais sur la partie travaillée, les droits sont les mêmes.

M. Roland Muzeau. Mais ce sont des salaires de misère !

M. Jean-Marie Binetruy. Je partage l’avis du ministre : on donne un avantage supplémentaire grâce au RSA chapeau.

M. Roland Muzeau. Un avantage à qui ?

M. Jean-Marie Binetruy. Et vous voulez encore des droits supplémentaires sur ce complément. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme Marie-George Buffet. Parce que les salaires sont bas !

M. Jean-Marie Binetruy. Il faut être cohérent. La mise en place du RSA activité et du RSA chapeau représente un progrès.

Mme Valérie Rosso-Debord. RSA que vous n’avez pas voté.

M. Jean-Marie Binetruy. On ne peut pas demander que toutes les allocations donnent droit à retraite. Il faut être sérieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-George Buffet. C’est honteux !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Je veux bien tous les débats…

M. Paul Jeanneteau. Ils ne votent pas et ils demandent plus !

M. Alain Vidalies. Mais parler de « donner encore des droits supplémentaires » quand il s’agit de gens qui perçoivent 300 ou 400 euros par mois…

Mme Marie-George Buffet. Essayez de vivre avec ça !

M. Alain Vidalies. …c’est quand même un peu fort. C’est à la limite de la décence.

Monsieur le ministre, je pense que vous ne pouvez pas faire la comparaison avec la PPE parce que derrière la PPE, il n’y a pas d’heures de travail.

Si on veut que le RSA fonctionne, qu’il permette à ceux qui sont les plus éloignés de l’emploi d’y revenir, il faut consentir un effort collectif pour que, justement, ces périodes-là entrent dans la vie professionnelle. Or vous êtes en train de dire que cette période ne peut en rien être assimilée à une période professionnelle. Au fond, cela dénature le système et je ne pense pas que la comparaison avec la PPE ou le RMI soit juste. On voulait essayer de remettre ces personnes sur le marché du travail ; mais si leur statut ne leur permet pas de valider des trimestres, ce qui est un élément essentiel du statut de travailleur, je pense qu’elles devront vraiment s’interroger sur ce qu’on leur a proposé à travers le RSA. En tout cas, on ne peut pas dire que, sur cette question-là non plus, votre réforme aille dans le sens de la justice.

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Monsieur Binetruy, nous avons beaucoup travaillé ensemble sur le RSA, mais si ce dont vous parlez est si choquant, alors allez jusqu’au bout de votre dramatique exercice ! Dites-nous qu’il faut enlever l’allocation d’aide au retour à l’emploi, qui compte dans les périodes correspondant au chômage indemnisé et donne lieu à assurance vieillesse ! Dites-nous qu’il faut enlever l’allocation spécifique de reclassement, l’allocation de fin de droits, l’allocation de solidarité spécifique ! Toutes ces allocations donnent bien lieu à assurance vieillesse. Pourquoi le RSA, qui touche les plus précaires, les plus fragiles, et qui est par ailleurs une incitation au travail, serait-il le seul à ne pas ouvrir ce droit ? Je voudrais bien que vous me donniez les éléments qui justifient cette différence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n° 698 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 186 et 263.

M. Yves Cochet. L’amendement n° 186 est défendu.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l’amendement n° 263.

M. Maxime Gremetz. Je commencerai par une remarque. Concernant le RSA, vous n’avez pas répondu à la question. C’est un véritable problème qui est posé. Votre dispositif est d’une injustice incroyable ! Les allocations comptent pour l’assurance vieillesse et là, alors que vous voulez inciter des gens à reprendre une activité, ils ne pourraient pas cotiser pour leur retraite ! C’est encore pire que ce que je pensais !

L’amendement n° 263 concerne les modalités d’affiliation des étudiants à l’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale. Son but est de valoriser, dans le calcul de la pension de retraite, la période pendant laquelle les hommes et les femmes de ce pays ont été étudiants.

L’allongement continu de la durée d’assurance pour obtenir une retraite à taux plein a pour conséquence mécanique de reculer l’âge de départ en retraite. Une personne s’insérant de manière stable sur le marché du travail à vingt ans devrait ainsi travailler jusqu’à soixante et un ans après la réforme, âge porté à soixante et onze ans pour une personne s’insérant de manière stable sur le marché du travail à trente ans, soit bien au-delà de l’âge légal.

Or, plusieurs études récentes de l’INSEE et de la DARES – j’aime bien lire les études de vos services, monsieur le ministre – mettent en évidence, depuis les années 50, une baisse de la durée d’emploi cumulée avant trente ans de 2,6 années en moyenne, et de trois ans environ pour les moins qualifiés. À trente ans aujourd’hui, un jeune a ainsi cotisé sept trimestres de moins qu’un jeune du même âge de la génération précédente. Ces chiffres s’expliquent en grande partie par la hausse de la durée d’études et par le développement de la précarité de l’emploi.

L’âge de fin d’études se situe aujourd’hui en moyenne aux alentours de vingt et un ans. Cette moyenne cache toutefois une réalité disparate. Durant l’année scolaire 2008-2009, sur près de 2,2 millions d’étudiants, 1,3 million était inscrit en université et IUT, dont plus de 500 000 en master ou en doctorat, c’est-à-dire dans des filières longues.

En outre, le niveau global d’éducation contribue positivement à la croissance. Les entreprises bénéficient d’externalités positives liées à l’organisation par la collectivité publique d’un système universitaire de qualité et à l’implication des étudiants durant leur formation. Ainsi, il semblerait cohérent que les entreprises contribuent au financement de l’assurance vieillesse au titre des périodes pendant lesquelles les étudiants se forment.

Néanmoins, force est de constater que la nécessité de faire cotiser les entreprises pour les jeunes au titre des années d’études est totalement insuffisante. Les difficultés d’insertion dans l’emploi, dues à de longues périodes de chômage ou de stage, contribuent à diminuer la durée pendant laquelle les jeunes cotisent. Au-delà, le faible niveau de l’emploi et des salaires est principalement responsable du faible montant des pensions. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. En 2003, nous avons voté un texte destiné à donner aux anciens étudiants la possibilité de racheter des années d’études. Il est vrai que cela a un prix, mais nous avons voté la neutralité actuarielle. Certaines personnes ont d’ailleurs attiré notre attention sur le fait que, du fait de la prolongation de soixante à soixante-deux ans, leur rachat d’années d’études ne leur servirait à rien. Le Gouvernement leur a indiqué que ces années leur seraient remboursées…

M. Pascal Terrasse. Avec des taux d’intérêts !

M. Denis Jacquat, rapporteur. …à un taux tel qu’ils ne perdront rien – l’opération sera totalement neutre.

La question d’une surcotisation a également été posée. J’avoue ne pas y être favorable, car seuls ceux qui ont les moyens pourraient racheter des années, et cela pénaliserait les personnes défavorisées.

Enfin, n’oublions pas que nous sommes dans un système contributif, ce qui suppose que nous fassions des choix. Il y a en effet des gens au chômage ; certaines femmes prennent des congés pour élever leurs enfants ; bref nous avons des périodes validées. Dans le cadre d’un budget contraint, nous devons choisir : doit-on aider des personnes en situation précaire ou des étudiants qui auront sans doute un jour un bon salaire, même si ce n’est pas le cas tout de suite, et qui auront donc un niveau de retraite plus intéressant ? La discussion sur ce point est en cours. C’est pourquoi la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Le ministre ne répond pas à un ouvrier, c’est bien connu ! Il ne s’abaisse pas à ça ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Et pourtant, je défends les étudiants ! M. Woerth est comme ça à Chantilly ! M. le rapporteur, lui, a daigné me répondre, bien qu’il ne soit pas picard.

Vous prétendez vouloir défendre les plus faibles et vous me reprochez de défendre les plus favorisés, qui auront des bons salaires. C’est incroyable ! Alors que vous allez spolier très largement les plus précaires, les chômeurs, les femmes, tout ça ! Je ne vous pose pas la question d’une surcotisation payée par les étudiants. Je vous demande si les entreprises ne pourraient pas payer des cotisations afin que les périodes de stage soient comptabilisées pour la retraite de ces jeunes étudiants. Vous voyez bien que ce ne sont pas les étudiants que je veux faire payer !

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rosso-Debord.

Mme Valérie Rosso-Debord. Monsieur Gremetz, les femmes et les chômeurs apprécieront que vous parliez d’eux en disant : « tout ça » ! Il est intéressant de voir comment on les évoque dans cet hémicycle ! (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)

M. Maxime Gremetz. Vous les traitez comment, vous ? Et les « Continental » !

Mme Valérie Rosso-Debord. Ensuite, le revenu de solidarité active a été voté par cette majorité, et je trouve assez spécieux et particulier de vous entendre revendiquer des surplus sur un dispositif que vous n’avez même pas voté ! C’est extrêmement désagréable de votre part !

M. Maxime Gremetz. Vous n’avez pas de leçons à nous donner !

Mme Valérie Rosso-Debord. Enfin, je vous demanderai d’être correct avec M. le ministre qui répond à l’intégralité des questions qui lui sont posées et qui, lui, est présent depuis le début de ce débat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Par cet amendement nous ne faisons que demander un rapport, pour éviter le couperet de l’article 40, et ce que vous venez de nous répondre, madame Rosso-Debord, n’a aucun sens. Tout à l’heure, vous n’avez pas hésité à voter le principe d’un rapport pour supprimer des « avantages » aux fonctionnaires qui travaillent outre-mer. Alors, il ne faut pas exagérer ! Lisez au moins notre amendement !

Mme Valérie Rosso-Debord. Je l’ai lu ! Je répondais à M. Gremetz sur la forme !

(Les amendements identiques nos 186 et 263 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 702.

La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Je reviendrai brièvement sur le revenu de solidarité active. Votre observation, madame Rosso-Debord, est étonnante. Si nous nous sommes abstenus sur le revenu de solidarité active c’est précisément parce que nous dénoncions à ce moment-là des insuffisances qui apparaissent aujourd’hui au plein jour. Nous n’avons pas voté le RSA parce qu’il nous apparaissait discriminatoire pour les jeunes et parce que, selon nous, il n’incitait pas à la reprise d’un emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Paul Jeanneteau. Ça rame dur !

Mme Marisol Touraine. Nous n’avons pas voté le revenu de solidarité active – mais nous n’avons pas voté contre non plus – parce que nous avons considéré qu’il placerait certains salariés en situation de fragilité. M. le ministre nous a répondu, dans le cadre d’un débat extrêmement intéressant d’ailleurs, et il est très clair que si une personne travaille, mais n’a pas de revenus suffisants, elle n’a néanmoins pas intérêt à obtenir un complément avec le RSA. Elle a plutôt intérêt à lâcher son emploi et à s’inscrire à Pôle emploi pour bénéficier des droits qui lui seront accordés par le biais de l’assurance chômage. Celle-ci permet en effet d’ouvrir des droits qui trouveront ensuite un prolongement au moment de la retraite, ce qui n’est pas le cas du RSA. Vous voyez donc bien que tout votre argument sur l’incitation à travailler tombe ! C’est en contradiction flagrante avec tous les discours que vous tenez, madame Rosso-Debord, sur la reconnaissance du travail, des gens qui préfèrent prendre une activité, si petite soit-elle, plutôt que de bénéficier d’allocations chômage.

M. Christian Paul. Elle a raison !

Mme Marisol Touraine. Contrairement à tous les engagements que vous avez pris, ces gens vous ne les reconnaissez pas !

Mme Valérie Rosso-Debord. Ce n’est pas vrai !

Mme Marisol Touraine. Quant à l’amendement n° 702, il concerne les étudiants. La question qui se pose est celle de savoir comment on peut offrir des dispositifs permettant aux futurs salariés de cotiser pour valider des trimestres. Nous savons qu’un certain nombre d’entre eux ne pourra travailler que relativement tard. S’ils entrent dans la vie active à vingt-deux ou vingt-trois ans, voire au-delà, alors qu’ils ont fait des études, la durée de cotisation qui est requise les amène à aller assez loin dans leur vie professionnelle.

M. Maxime Gremetz. Très loin !

Mme Marisol Touraine. Il est donc normal de s’interroger sur la manière dont on peut proposer à ces jeunes étudiants de valider des trimestres. La solution qui a été retenue en 2003 s’est révélée très coûteuse pour les salariés concernés, et peu incitative. C'est la raison pour laquelle nous proposons un dispositif différent.

Nous proposons que la possibilité soit donnée au jeune salarié, lorsqu’il entre dans la vie active après avoir fait des études, de surcotiser, sur une base volontaire, pendant une période qui peut être de dix ou quinze ans. Cette surcotisation est étalée dans le temps afin qu’elle ne pèse pas excessivement sur le pouvoir d’achat de ce nouveau salarié, et elle lui permettrait de valider jusqu’à trois années d’études par le biais de ses cotisations.

C’est donc un système qui est moins coûteux pour lui que de racheter les années d’études vingt ou trente ans après, et c’est un système qui garantit à nos régimes de retraite de bénéficier de cotisations supplémentaires. Il ne s’agit en aucun cas de « donner » des trimestres d’études sans cotisation comme s’ils avaient été travaillés, mais de permettre que ces cotisations soient versées dans les conditions les plus favorables pour les jeunes salariés. Nous faisons cette proposition par le biais d’un rapport pour des raisons évidentes, mais elle mérite d’être étudiée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. J’ai répondu précédemment sur ce problème de surcotisation. Tout dépend en fait d’une part de la volonté, et d’autre part des capacités financières des personnes intéressées. La commission a donc donné un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Aujourd’hui, un étudiant peut racheter des trimestres de cotisation, bien que ce soit souvent un peu compliqué, qu’ils n’y pensent pas, et que ce soit toujours très cher. C’est une possibilité ouverte depuis la réforme de 2003, qui n’est pas beaucoup utilisée parce qu’ils utilisent leurs moyens à d’autres fins, que chacun peut imaginer. Mais pour ceux qui ont des moyens, et ceux qui sont les plus prévoyants, la possibilité existe.

Une deuxième possibilité de surcotiser est ouverte, lorsque l’on travaille à temps partiel. Il faut que l’employeur soit d’accord, parce que lui aussi va surcotiser. Ainsi une personne à mi-temps pourra cotiser à temps plein, par exemple.

Nous ne remettons pas du tout en cause ces possibilités ouvertes aux salariés.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Monsieur le ministre, vous reconnaissez vous-même que le rachat des trimestres d’études ne fonctionne pas, parce que le coût en est prohibitif. L’idée est donc, sur la base du volontariat – je le précise au rapporteur –, d’aller vers un dispositif de cotisations pour les années étudiées à l’occasion de l’entrée dans la vie active.

En ce qui concerne le travail à temps partiel, nous sommes sur un débat différent, d’ailleurs pas inintéressant, mais qui concerne plutôt la désincitation à ce type de travail, et n’a pas grand-chose à voir avec la prise en compte des années d’études.

(L'amendement n° 702 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 735 rectifié et 429, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d’État, pour défendre l’amendement n° 735 rectifié.

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Il me semble que cet amendement devrait faire l’objet d’un consensus sur les bancs de cette Assemblée.

En deux mots : un agent qui n’a pas quinze ans d’ancienneté dans la fonction publique n’a pas de droits à pension ouverts au régime de la fonction publique, mais ils le sont au régime général et à l’IRCANTEC. L’objectif de cet amendement est de ramener ce délai de quinze ans à deux ans, ce qui aura plusieurs avantages. Le premier est d’alléger l’ensemble des procédures administratives, qui sont fort lourdes. En second lieu, cela évite que les agents publics qui seront reversés au régime général et à l’IRCANTEC fassent l’objet d’une surcotisation alors même qu’ils étaient agents, puisqu’il y a un différentiel de taux de cotisation entre le privé et le public. Troisième et dernier avantage, cela permettra auxdits agents d’avoir une lisibilité dans le paiement des retraites, puisqu’ils seront directement payés par la caisse dont ils dépendent.

Je précise en dernier lieu qu’il y aura une mesure similaire, concernant les agents contractuels de la fonction publique qui sont titularisés, proposée dans cet amendement. Ils étaient rattachés au régime général et à l’IRCANTEC, l’objectif est de rationaliser le dispositif dans le même sens que pour les titulaires sans droits.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine pour l’amendement n° 429.

Mme Marisol Touraine. Il est défendu.

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 763.

La parole est à M. Michel Heinrich.

M. Michel Heinrich. Nous ne pouvons que souscrire à l’amendement du Gouvernement que vient de nous présenter M. le secrétaire d’État. Les députés UMP appelaient de leurs vœux un amendement qui prenne en compte la problématique des polypensionnés, notamment ceux qui ont exercé moins de quinze ans dans la fonction publique.

Le sous-amendement que je propose vise simplement à compléter la proposition du Gouvernement.

J’ai expliqué tout à l’heure que le minimum garanti n’était pas linéaire. Pour les personnes qui en bénéficient, il est proposé de le rendre proportionnel durant les quinze premières années. Aujourd’hui, une personne peut toucher 55 % du minimum garanti après quinze ans de service. Ceux qui ont quatorze ans de service se voient maintenant ouvrir un droit à pension, et bénéficieraient approximativement de 50 % du minimum garanti. Il vous est proposé de faire quelque chose de proportionnel et linéaire. Cela veut dire qu’en gros pour cinq ans, on bénéficierait de 12,5 % du minimum garanti, pour dix ans, de 25 % et pour quatorze ans, de 35 %. Ensuite, au-delà de quinze ans, le calcul du minimum garanti continuerait de se faire tel qu’actuellement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune, ainsi que sur le sous-amendement ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Il s’agit ici des polypensionnés, et il y a des années déjà que les titulaires sans droits souhaitent pouvoir bénéficier de ce que propose aujourd’hui le Gouvernement.

Nous allons donc satisfaire une demande extrêmement ancienne, ce qui est d’autant plus normal que beaucoup de personnes sont polypensionnées. M. Heinrich a parfaitement expliqué les raisons de son sous-amendement, je n’y reviendrai donc pas.

La commission a été très favorable à l’amendement du Gouvernement, mais n’a pas pu examiner le sous-amendement. Personnellement, j’y suis extrêmement favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Concernant l’amendement de Mme Touraine, l’avis est par définition défavorable, puisqu’il tombe.

M. Jean Mallot. « Par définition » ?

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Il ne faut pas chercher la polémique quand elle n’a pas lieu d’être : c’est un amendement qui demande un rapport sur un sujet que nous traitons par notre propre amendement. C’est vraiment de la polémique gratuite !

M. Jean Mallot. Du calme, du calme !

M. Georges Tron, secrétaire d’État. L’amendement de Mme Touraine est donc satisfait de fait, si vous préférez le dire ainsi. Concernant le sous-amendement de M. Heinrich, nous y sommes bien entendu favorables pour une raison simple : nous allons construire une nouvelle ligne qui va de deux à quinze ans, et de ce fait, il est parfaitement rationnel de le faire selon le principe de linéarité. Donc, linéarité de deux à quinze ans, et l’on reprend ensuite la ligne du minimum garanti.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Nous ne pouvons que nous féliciter que la mobilisation ait arraché quelques concessions au Gouvernement, ce qui est positif. Toutefois, monsieur le secrétaire d’État, vous ne réglez ici que la question des polypensionnés allant du privé vers le public ; mais il reste d’autres situations de polypensionnés, et notamment les problèmes non résolus de ceux qui auront accumulé des droits dans des régimes qui ne sont pas alignés.

Beaucoup d’études ont été faites sur ces différences ; le calcul des vingt-cinq meilleures années entre régimes différents est assez complexe. Après cette avancée pour les fonctionnaires qui arrivent du secteur privé, nous aimerions savoir ce que vous prévoyez, et à quelle échéance, pour que les avancées soient valables pour tous les polypensionnés de façon à remplir les conditions prévues dans la loi de 2003, c’est-à-dire l’équité pour tous les salariés liquidant leur droit à la retraite, quels que soient la profession qu’ils ont exercée et les régimes de retraite dans lesquels ils ont cotisé.

M. le président. La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d’État.

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Le Gouvernement s’est engagé à déposer un rapport sur la situation des polypensionnés dans le cadre de l’article premier. Il sera remis avant le 15 octobre 2011. C’est donc programmé.

M. Jean Mallot. Par définition, vous votez donc l’amendement Touraine !

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Par définition, monsieur Mallot, on ne génère pas la polémique gratuitement.

(Le sous-amendement n° 763 est adopté.)

(L'amendement n° 735 rectifié, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 429 tombe.

Je suis saisi de cinq amendements, nos 501, 234, 430, 432 et 228, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Luc Préel sur l’amendement n° 501.

M. Jean-Luc Préel. Il me semble que cet amendement, ainsi que les suivants, doivent tomber ou être retirés, puisqu’ils correspondent à ce que nous avons voté à l’article premier.

Cet amendement concerne en effet les polypensionnés, et ce problème a été réglé par l’article premier, ce que vient de rappeler le secrétaire d’État. En effet, deux problèmes se posaient : celui des sans droits de la fonction publique, que l’on vient de traiter par l’amendement précédent, et celui des polypensionnés, puisqu’aujourd’hui on ne prend pas en compte les vingt-cinq meilleures années. Nous avions demandé à ce qu’elles soient prises en compte ; en commission le Gouvernement nous a expliqué que certains risquaient d’y perdre si l’on appliquait cette règle, et s’est engagé à déposer un rapport avant la fin de l’année 2011. Nous avons souhaité l’avancer au mois d’octobre, pour qu’éventuellement, on puisse adopter les mesures nécessaires pour prendre en compte les meilleures années dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, qui sera votée à la fin 2011. Je pense qu’il est donc souhaitable de retirer mon amendement, ainsi sans doute que les suivants.

(L'amendement n° 501 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Paul Jeanneteau pour défendre l’amendement n° 234.

M. Paul Jeanneteau. Le décret n° 2004-144 du 13 février 2004 a modifié le nombre d'années d'assurance à prendre en compte pour déterminer le salaire annuel moyen servant de base au calcul des pensions des polypensionnés. Mais cette mesure ne s'applique pas au cas des personnes ayant travaillé aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public. Celles-ci se retrouvent donc pénalisées, car le calcul de leur retraite du régime général inclut toutes leurs années de travail, y compris les salaires les plus faibles et les années incomplètes éventuelles, à la différences des polypensionnés concernés par le décret n° 2004-144. Cet amendement vise à demander au Gouvernement un rapport à ce sujet.

M. Maxime Gremetz. Encore !

M. Paul Jeanneteau. Ce rapport étant prévu, je le retire.

(L'amendement n° 234 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine pour défendre l’amendement n° 430.

Mme Marisol Touraine. Je défends également notre amendement n° 432 qui va dans le même sens.

Lorsque nous avons évoqué en commission la question des polypensionnés, M. le ministre a répondu qu’il fallait mener une étude plus approfondie, car il n’était pas certain que toutes les personnes concernées soient gagnantes suite aux modifications qui pourraient être apportées : dans la mesure où les règles sont relativement complexes, certains pourraient gagner à la proratisation de leur retraite sur les vingt-cinq meilleures années de travail, mais d’autres non.

En commission, nous avons suggéré que l’on fasse le calcul sur les deux cas de figure de sorte qu’au moment de liquider sa retraite, le salarié puisse opter pour la solution qui lui est la plus favorable. Nous avons eu droit à quelques sourires moqueurs (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.) qui signifiaient que proposer des solutions permettant au salarié de faire le choix le plus favorable entravait la voie d’une réforme.

Pourtant, un tel dispositif existe dans d’autres domaines. Ainsi que nous l’avons vu plus tôt, on effectue actuellement deux calculs pour le minimum garanti et on propose au fonctionnaire la solution la plus avantageuse pour lui. Notre droit social met donc déjà en œuvre cette idée que, dans des situations complexes, lorsqu’on ne peut pas appliquer des règles qui garantissent à tous les mêmes droits de façon homogène, il faut proposer un choix. On ne voit pas pourquoi cela ne s’appliquerait pas aux polypensionnés.

Nous maintenons donc et nos amendements pour obtenir un rapport – puisque nous n’avons pas d’autre choix – sur les polypensionnés et, au-delà, la proposition d’offrir aux salariés le choix de la solution la plus avantageuse au terme de deux calculs en fonction des règles applicables.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur, pour défendre l’amendement n° 228 et donner l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements

M. Denis Jacquat, rapporteur. Comme on l’a rappelé, nous avons déjà eu une longue discussion sur les polypensionnés. Le Gouvernement a promis un rapport détaillé sur ce point. Tous ces amendements sont donc satisfaits et pour ma part, je retire l’amendement n° 228.

(L'amendement n° 228 est retiré.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Ces amendements sont satisfaits puisque j’ai proposé un rapport sur les polypensionnés en raison de la complexité de la situation, comme l’a rappelé Mme Touraine.

Vous proposez qu’on laisse le choix du meilleur système. Il est assez compliqué d’annoncer qu’il y a un choix possible au terme de deux calculs. Par ailleurs, je vous fais observer que les régimes de retraite sont en déficit. Ce que nous voulons, c’est les ramener à l’équilibre. Il faut le faire de façon harmonieuse, mais aussi cohérente. C’est ce que le Gouvernement essaye de faire en prenant des mesures qui soient à la fois justes et efficaces, pour revenir à l’équilibre.

M. Pascal Terrasse. Mais dans la justice.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Je remercie le ministre de sa réponse qui a le mérite d’être claire : l’objectif n’est pas de mettre en place un système juste, mais de faire des économie sur le dos des salariés (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) les moins favorisés dans notre système. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pascal Terrasse. Excellente démonstration ! Quel aveu en effet !

(Les amendements nos 430 et 432, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Je souhaite, au nom de mon groupe, une suspension de séance de quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine, pour un rappel au règlement.

Mme Marisol Touraine. Monsieur le président, pour mieux comprendre comment est susceptible de s’organiser la suite de nos débats, je souhaite que vous puissiez nous donner la répartition des temps de parole restants à cet instant et, en particulier, le temps dont dispose encore le groupe SRC.

M. le président. Madame Touraine, il se trouve que je me suis posé la même question pendant la suspension de séance, je suis donc en mesure de vous répondre.

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de neuf heures trente-sept minutes pour le groupe UMP, sept heures neuf minutes pour le groupe SRC, une heure quarante-huit minutes pour le groupe GDR, quatre heures huit minutes pour le groupe Nouveau Centre et quatre minutes pour les députés non inscrits, soit un total de vingt-deux heures quarante-neuf.

La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Monsieur le président, il reste donc à l’opposition près de neuf heures de temps de parole, qui me semblent pouvoir se répartir entre la séance de cette nuit, les deux séances prévues demain et, le cas échéant, la séance de mercredi matin.

Compte tenu des règles du temps programmé, même si nous ne siégeons pas excessivement tard ce soir, le temps de parole de l’opposition devrait être épuisé dans la soirée de demain.

Or on nous dit que certains souhaitent que le débat se termine au plus vite et qu’il ne serait pas nécessaire de siéger plus longtemps.

M. Arnaud Robinet. Mais, qui a dit cela ?

Mme Marisol Touraine. J’entends répéter que, les mesures que le Gouvernement juge essentielles ayant été adoptées, « la messe serait dite », et certains seraient tentés de vouloir terminer cette discussion dans la nuit.

Monsieur le président, de nombreuses rumeurs et beaucoup d’incertitudes entourent l’organisation de nos débats. Pouvez-vous nous indiquer quelles sont les intentions de la présidence en la matière ?

Dans un souci de transparence à l’égard des Français, il ne nous paraît ni sérieux ni souhaitable que notre débat se prolonge trop loin dans la nuit, car ce n’est pas la meilleure façon d’instaurer au sein de cette enceinte un dialogue démocratique, serein et transparent.

M. le président. Madame Touraine, je vous remercie pour votre question. Pour ma part, je n’aurai pas l’honneur de présider les débats ce soir ; je crois que M. Accoyer occupera lui-même le siège de la présidence.

Je veux bien interroger le Gouvernement pour savoir s’il existe un échéancier.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Monsieur le président, le Gouvernement n’organise pas les travaux de l’Assemblée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) En revanche, il est à sa disposition pour aller au plus loin dans la nuit.

Cela dit, une discussion entre nous devrait permettre que nos débats se déroulent dans les meilleures conditions – nous partageons sur ce point l’avis du groupe socialiste. En tout cas, c’est aux parlementaires qu’il revient de s’exprimer sur le sujet.

M. le président. Monsieur le ministre, je vous remercie.

Dans ces conditions, je vais suspendre la séance pour prendre contact avec M. Accoyer. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

À partir du moment ou le groupe principal de l’opposition annonce qu’il ne veut pas siéger durant toute la nuit, j’estime que je dois interroger le président Accoyer. Le doute doit être levé. (Mêmes mouvements.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à dix-neuf heures trente-cinq, sous la présidence de M. Bernard Accoyer.)

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est reprise.

M. Daniel Garrigue. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Monsieur le président, avant la suspension de séance, le débat portait sur les temps de parole dans ce débat. Sans vouloir polémiquer ni rabâcher, j’appelle votre attention sur le fait que, alors que les députés non inscrits ont fait des efforts pour limiter au maximum leurs interventions – François Bayrou et moi-même avons soigneusement comptabilisé chacune de nos prises de parole jeudi et vendredi derniers pour être sûrs de garder un peu de temps pour aujourd’hui –, ils ne disposent plus ce soir que de quatre minutes pour défendre trois amendements. Je vous demande donc de bien vouloir prendre les mesures nécessaires pour corriger une situation qui me semble anormale par rapport au temps de parole dont dispose l’ensemble des groupes.

M. le président. Je vous fais remarquer, monsieur Garrigue, que, proportionnellement, le règlement accorde un temps nettement plus important aux députés non inscrits qu’à ceux du groupe UMP ou SRC.

Mme Marisol Touraine. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Avant la suspension, j’ai demandé des éclaircissements, au nom de mon groupe, sur la manière dont la présidence entendait conduire nos travaux, notamment ce soir. Nous souhaitons, en effet, pouvoir poursuivre ce débat important dans des conditions de sérieux et de transparence que ne permettrait pas sa poursuite jusqu’à des heures indues. Nous avons profité de la suspension pour évoquer un certain nombre de points à ce sujet mais je souhaiterais, monsieur le président, que vous puissiez nous apporter des éclaircissements.

M. le président. La conférence des présidents a fixé à mercredi, quinze heures, le vote solennel par scrutin public de l’Assemblée sur ce texte. La présidence prendra donc ses responsabilités pour veiller à ce que cet objectif soit respecté, tout en laissant à l’opposition, à la majorité, au Gouvernement et au rapporteur le temps qui leur est imparti par le règlement.

M. Yves Cochet. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Le sujet ne souffre effectivement pas la polémique : le rôle de la présidence est de veiller à ce que nos débats se déroulent dans de bonnes conditions de dialogue et d’argumentation. Mais, pour être dans cette maison depuis plusieurs années, nous savons tous qu’il peut arriver que, lorsque les débats sont longs – et nous allons bientôt aborder l’article 25 sur la pénibilité – on croit gagner du temps en les poursuivant jusqu’à trois, quatre ou cinq heures du matin. Or, en réalité, on en perd.

Notre groupe tient aussi à ce que notre assemblée travaille dans de bonnes conditions et qu’elle soit perçue ainsi à l’extérieur de l’hémicycle. Dès lors, vouloir faire le « forcing » ce soir alors que nous avons encore de nombreux articles importants à examiner me paraît un peu prématuré. Nous pourrions faire le point demain soir à la même heure.

Nous n’étions pas favorables aux réformes du Parlement que vous avez menées mais, maintenant qu’elles sont adoptées, nous les appliquons. Un nouveau droit a été donné aux députés : s’exprimer dans les explications de vote à la fin des débats. Ne croyez pas que nous ayons prévu de faire une obstruction particulière à cette occasion. Mais, quand on s’intéresse à un problème de fond, on aime bien s’exprimer avant le vote. Cela étant, personne ne peut prévoir quel sera le nombre d’inscrits dans les explications de vote.

Je vous fais confiance, monsieur le président, pour que les débats se déroulent dans de bonnes conditions et que nous n’allions pas jusqu’à l’épuisement. Les démonstrations par épuisement ne sont pas bonnes sur le plan politique.

Mme Marisol Touraine. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Dans le prolongement de l’intervention de notre collègue Yves Cochet, je fais remarquer que la date et l’heure du vote de ce texte sont relativement loin dans le temps puisqu’ils sont dans deux jours. Si j’entends, à défaut de comprendre, que vous voulez vous y tenir, pour pourriez décider de faire le point demain à vingt et une heure ou à minuit, quitte à nous imposer une nuit blanche à ce moment-là. Pourquoi anticiper sur des débats qui n’ont pas encore eu lieu ?

Par ailleurs, sur la « feuille verte » indiquant le programme de travail de notre assemblée, le vote du texte est prévu « éventuellement » à quinze heures le mercredi. Rien n’empêche qu’il ait lieu à seize heures, voire à quatorze heures, même si ce n’est pas une tradition de notre assemblée. Par conséquent, faire une fixation sur une heure précise de mercredi, pour contraindre plus encore qu’il ne l’est le temps de parole des parlementaires, est préoccupant. Honnêtement, tout ce que nous voulons, c’est que ce débat, dont vous dites vous-mêmes qu’il est majeur, puisse se dérouler de manière transparente et sérieuse. Nos concitoyens sont également attentifs à cet aspect.

M. le président. Aux termes de l’article 65-1, madame Touraine, le scrutin public peut être décidé en Conférence des présidents, ce qui a été le cas, laquelle Conférence, sous réserve des dispositions de l’article 48 de la Constitution, en fixe la date.

M. le président. Nous revenons à la discussion des articles.

Après l'article 20 bis (précédemment réservé)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Nous arrivons aux articles de financement qui ont été réservés pour des raisons que chacun a bien comprises. Deux modifications substantielles allant, selon toute vraisemblance, être apportées au texte, à la suite de décisions prises en dehors de cette enceinte, je prends brièvement la parole pour poser la question de leur impact financier.

La première concerne la durée de cotisation dans la fonction publique, qui est portée de quinze à deux ans pour rester éligible à ce régime et ne pas être versé à celui du régime général. A quel coût, estimez-vous cette mesure, monsieur le ministre ?

La seconde modification concerne ce que vous appelez la pénibilité et que d’autres appellent l’invalidité. Je ne porte pas de jugement sur le qualificatif mais sur le pourcentage. Il était prévu des dispositions spécifiques en cas de 20 % d’invalidité. Ce pourcentage s’apprêterait à être fixé à 10 %. A combien est estimé le coût de cette mesure et comment sera-t-elle financée ?

Ces deux mesures ont été présentées comme des concessions. Elles nécessitent, j’imagine, des financements complémentaires. Je ne veux pas dire qu’à défaut de financements complémentaires conséquents, elles seraient de portée très relative, pour ne pas dire faible. On peut néanmoins s’interroger sur la portée réelle de ces concessions et, si elles sont de portée réelle, sur leurs conséquences en termes de financement et leur impact sur l’équilibre que vous nous présentez des régimes de retraite dans les années à venir, étant entendu que nous avons déjà débattu de ce qui revenait, sur ces 45 milliards, aux fameux 15 milliards sur lesquels, je crois, nous nous sommes mis d’accord, monsieur le ministre.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°547, portant article additionnel après l’article 20 bis.

La parole est à M. Pierre Muet, pour le défendre.

M. Pierre-Alain Muet. Avant d’aborder cet amendement, qui concerne une taxe sur les profits des banques pour alimenter le fonds de réserve des retraites, je voudrais revenir sur l’ensemble du financement de la réforme des retraites.

Nous avions compris qu’il y avait urgence à régler le problème des retraites parce que la crise avait creusé les déficits. Vous avez choisi de ne le faire que par des mesures démographiques. Nous n’avons cessé de répéter que, si la démographie n’est pas indifférente pour l’équilibre à long terme des retraites, ce n’est pas le sujet d’aujourd’hui, ce n’est pas même pas celui des quinze prochaines années. Le problème entraîné par l’augmentation de l’espérance de vie a en effet été réglé par la réforme de 2003 qui prolonge la durée de cotisation en fonction de l’évolution de cette donnée.

Au lieu d’accumuler les mesures démographiques, il vaudrait mieux s’attaquer à la vraie question en traitant les causes du déficit. L’emploi, les salaires et, par conséquent, la masse salariale ont augmenté beaucoup moins vite que ne le disaient les prévisions réalisées à l’occasion de la précédente réforme, et c’est à ce moment-là que le déficit a commencé de se creuser. La crise a ensuite fait monter considérablement le chômage – chez nous, en tout cas, car d’autres pays, comme l’Allemagne, ont su traverser cette crise sans accroissement du nombre des demandeurs d’emploi, ce qui prouve qu’il n’y a pas de fatalité du chômage. Quoi qu’il en soit, le déficit se montera à une trentaine de milliards en 2011, alors que les prévisions l’estimaient plutôt en dessous de 10, voire de 5 milliards.

C’est en agissant sur les causes, c’est-à-dire sur l’emploi, qu’il faut traiter cette question, et c’est pourquoi nous préconisons des mesures sur l’emploi. Si le déficit s’est creusé, il faut le combler en recherchant des ressources nouvelles. Tout le monde sait – nous en avons suffisamment débattu dans cet hémicycle – que l’origine de la crise est à la fois une explosion des inégalités, qui s’est vérifiée dans la plupart des pays, et une dérive incontrôlée du secteur financier, qui, au lieu de jouer son rôle dans l’économie, est devenu prédateur.

Il serait logique de profiter de cette réforme pour rétablir la justice et mettre en place des prélèvements sur le secteur financier. Nous proposons une augmentation de 15 points du taux de l’impôt sur les sociétés applicable aux banques. Le groupe SRC n’est pas le seul à avoir proposé cette taxe, à l’occasion des discussions que nous avons eues sur le budget. Nous avons d’abord rappelé que si, quand l’État est intervenu, avec raison, pour sauver les banques, il avait pris des actions de ces banques, il aurait obtenu plus de 5 milliards de plus-values lorsqu’elles ont été redressées.

M. Louis Giscard d’Estaing. C’est mieux que le Crédit Lyonnais !

M. Pierre-Alain Muet. Nous disions, dans ces mêmes débats, qu’il était pertinent de taxer le secteur financier afin qu’il participe à la lutte contre ce qu’il a contribué à créer, c’est-à-dire la crise, la montée du chômage, le déséquilibre des retraites et de l’ensemble des finances publiques. Nous ne sommes pas les seuls à avoir parlé de cela. Je me souviens que le groupe Nouveau Centre était également favorable à une taxe de 10 % –peut-être l’a-t-il oublié entre-temps ; ce n’est pourtant pas très ancien, c’était à l’occasion du dernier collectif budgétaire. Mais, alors que le groupe Nouveau Centre voulait affecter cette taxe à OSEO, nous proposons qu’elle alimente le Fonds de réserve des retraites. Il ne serait pas illogique, quand on connaît les problèmes à long terme des retraites, de mettre de l’argent de côté pour passer un cap qui sera le plus difficile, celui des années 2020. C’est d’ailleurs ce qui nous avait conduits à créer le Fonds de réserve des retraites. Le Gouvernement prévoit un financement très différent, liquidant le peu d’épargne qui avait été constitué par les Français et que vous n’avez jamais abondé. Quant à nous, nous répétons qu’une taxe de ce montant, affectée au Fonds de réserve, serait susceptible de produire des ressources relativement importantes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Je voudrais faire deux remarques, l’amendement, qui propose une taxe additionnelle à l’impôt sur les sociétés, ayant en effet été examiné en commission des finances.

Le Gouvernement a annoncé, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, une taxation spécifique des établissements de crédit. Elle intervient après l’adoption de Bâle 3 et, si j’ai bien compris, devrait retenir deux critères : les actifs et la pondération des niveaux de risque. La réflexion est en cours, et il est un peu tôt pour en juger. Nous avons en outre voulu réserver les mesures financières pour le projet de loi de finances et les mesures de finances sociales pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

D’autre part, vous majorez en fait le taux de l’IS. Or, par rapport à nos voisins, nous avons paradoxalement un taux d’IS facialement élevé. Nous avons plutôt un problème soit d’assiette, soit de niches. Vous n’abordez donc pas le problème sous le bon angle. C’est la raison pour laquelle la commission des finances a rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Avis conforme à celui de la commission des finances.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Les banques sont déjà taxées.

M. Jean-Pierre Brard. Pas assez !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Peut-être, mais elles le sont.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas « peut-être », c’est sûr !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Vous savez bien que le Gouvernement a pris des mesures de taxation supplémentaires des banques pour tel ou tel fonds. En 2009, ce fut exceptionnel. En 2010, c’était la taxe pérenne pour financer l’organisme de contrôle. Vous savez également, monsieur Muet, que, par suite d’une décision du FMI et du G20, nous allons mettre en place d’ici à la fin de l’année, de manière cohérente au niveau européen, avec les Britanniques et les Allemands, une taxe qui permettra de limiter les prises de risque du secteur financier.

Par ailleurs, je pense que vous vous trompez d’échelle. Vous voulez récupérer 3 milliards d’euros auprès des banques pour les affecter au Fonds de réserve des retraites. Mais les bénéfices des banques françaises se montent à peu près à 2,5 ou 2,7 milliards en 2008 – ne prenons pas les chiffres de 2009, année de crise. Il faudrait donc passer à un taux d’impôt sur les sociétés extraordinairement élevé, de l’ordre de 70 %. Les 15 points dont vous parlez ne suffiront pas, ils ne vous rapporteront que quelque 900 millions. Il y a vraiment un problème de calcul. M. Ayrault a repris le Premier ministre en lui disant qu’il se trompait, que les banques faisaient beaucoup plus de bénéfices que cela, que la BNP, par exemple, avait empoché 6 milliards d’euros de bénéfices. Mais il s’agit du bénéfice mondial, il ne s’agit pas du bénéfice taxable en France, qui doit être de l’ordre de 1,5 milliard en 2009, et pas de 6 milliards.

M. Jean-Pierre Brard. Prenez 2010 !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Ne mélangez pas les chiffres. Vous souhaitez que ces recettes abondent le système des retraites, par le biais du Fonds de réserve ou directement, mais le financement des retraites ne peut pas reposer sur des bases aussi fluctuantes et aussi imprécises.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. La réponse du ministre ne me surprend guère : nous l’avons déjà entendue. Je maintiens cependant que, dans un régime de moyen terme, la taxation de 15 points supplémentaires du profit des banques rapporterait 3 milliards d’euros. Les banques acquittent à peu près le tiers de l’impôt sur les sociétés. Si vous ajoutez 15 points, vous arrivez bien à 3 milliards. Une excellente étude de l’OFCE montre que, de 2000 à 2007, les quatre plus grandes banques ont réalisé en moyenne, chaque année, 16 milliards de profits avant impôt, sur lesquels elles ont reversé 4 milliards à l’État, soit un taux apparent de 25 %. Quand on prend l’ensemble des banques, on arrive à 28 milliards, sur lesquels elles payaient un IS de 7 milliards. Si je fais une simple règle de trois, j’arrive bien à 3 milliards par an.

Je comprends les arguments de séance, que l’on peut étayer en prenant une année particulière. Mais, quand on considère les ressources effectives, on arrive à ces chiffres. La seule BNP a fait un bénéfice de 5,8 milliards d’euros en 2009. Avec cette seule banque, la surtaxe de 15 % rapporterait 870 millions d’euros. Je rappelle enfin que la Cour des comptes a évalué la perte ponctuelle qu’a réalisée l’État, en n’entrant pas au capital des banques quand il est intervenu pour leur sauvetage, à 5,79 milliards d’euros.

Notre proposition est donc réaliste. Elle permet d’apporter un financement au Fonds de réserve et elle est parfaitement cohérente avec la situation économique, car il est temps que tous les pays, qui, malgré leurs déclarations, n’ont pas fait grand-chose pour empêcher les dérives financières, prennent de vraies mesures. Toutes celles que vous avez égrenées, monsieur le ministre, sont epsilonesques. Nous avons besoin que le secteur financier soit régulé et contribue à combler des déficits qu’il a en grande partie créés.

M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Le but de cet amendement est de sauver le Fonds de réserve des retraites du sabordage que vous effectuez.

M. Guy Lefrand. Tout en nuances !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Dès 2003, au moment de la précédente réforme, nous vous avions fait remarquer ici même que, depuis votre arrivée au pouvoir en 2002, ce Fonds de réserve n’était plus abondé. On voit bien que vous souhaitiez en arriver un jour à la situation actuelle. Le président de la Cour des comptes déclarait quant à lui que le FRR n’a bénéficié d’aucun abondement depuis 2002, « ni des excédents du Fonds de solidarité vieillesse (constamment en déficit…), ni d’aucune part du produit des privatisations intervenues, pourtant massives. »

M. Yves Bur. Nous avons moins privatisé que vous ! Les privatisations ont été faites par Jospin, entre 1997 et 2002 !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. « Aujourd’hui, les gestionnaires du fonds estiment ne pouvoir couvrir que 22 % des besoins supplémentaires, évalués dans un scénario moyen à 2,5 points de PIB en 2050. Pour parvenir à en couvrir 50 %, ce qui correspond à l’objectif fixé, l’abondement devrait atteindre 6 milliards d’euros par an. »

J’ai relevé un détail très amusant, monsieur le ministre, et je crois qu’il va vraiment falloir, dès demain matin, modifier le site du FRR. Une page de ce site, intitulée « Questions fréquentes », est un peu l’équivalent du FRR pour les nuls. Permettez-moi de vous lire, même si elle est un peu longue, la réponse apportée à la question : « Pourquoi épargner pour demain alors qu’il existe des déficits de l’assurance retraite dès aujourd’hui ? »

« Il y a trois raisons à cela. La première raison est démographique. Même s’il existe dès aujourd’hui des déficits, c’est au cours des prochaines années que la charge du vieillissement s’alourdira considérablement, à mesure que les générations nombreuses du baby-boom partiront à la retraite. Au-delà des problèmes de financement courants qui doivent être résolus, il faut donc également épargner pour assurer la pérennité du système à long terme. Ne pas agir suffisamment tôt, c’est risquer de ne pas pouvoir relever le défi du vieillissement. À ce titre, si la réforme de 2003 doit permettre de consolider le système à l’horizon 2020, le FRR fait partie des solutions qui ont été mises en place pour faire face au problème de l’après-2020.

« La deuxième raison est financière : les déficits de l’assurance retraite génèrent une dette publique dont le coût (en termes de taux d’intérêts servis) est d’environ 4,4 %. Il est financièrement plus avantageux de placer son épargne que de rembourser sa dette dès lors que l’épargne placée rapporte davantage que ce que le remboursement de la dette permet d’économiser. Or, grâce à son portefeuille diversifié, qui comporte une part prépondérante investie en actions, le FRR est un placement qui rapporte davantage que le coût des emprunts d’État sur le long terme.

« La troisième raison tient à l’équité intergénérationnelle. Les réformes déjà mises en œuvre et a fortiori les réformes ultérieures pèsent davantage sur les plus jeunes puisqu’elles concernent l’ensemble de leur vie (vie active et vie en retraite). Abonder le FRR, c’est constituer un pécule à destination de ces jeunes générations et ainsi mieux répartir la charge du vieillissement entre les générations. »

Nous ne disons rien d’autre que ce que vous répondez sur le site du FRR. Vous devriez mettre vos actes en conformité avec vos écrits. (Applaudissements ironiques sur quelques bancs du groupe UMP.)

(L’amendement n° 547 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 558.

La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Cet amendement est extrêmement important, dans la mesure où il vise à mettre fin à une dépense fiscale considérable, instaurée par M. Copé. Réduisant l’impôt sur les cessions de filiales, elle a permis aux grands groupes qui en bénéficient pour l’essentiel d’économiser 12 milliards d’euros qui sont autant de pertes de recettes fiscales pour le budget de l’État. Puisqu’on nous dit que nous avons besoin de recettes, nous vous proposons donc de revenir sur cette disposition dont ont su profiter les grandes sociétés, conseillées par les bons cabinets d’avocats fiscalistes – suivez mon regard.

Il s’agit là, bien sûr, d’une mesure d’équité et de justice. Il n’y a pas de raison que l’on fasse tourner les filiales entre grandes sociétés du CAC 40 en leur permettant d’économiser l’impôt sur le dos des plus défavorisés d’entre nous.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Défavorable.

(L’amendement n° 558 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 559.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement a le même objet que l’amendement n° 558 mais je tiens à en dire un mot. Pour éviter de prolonger le débat, le ministre n’a pas voulu répondre, mais, comme nous avons entendu un certain nombre de choses sur cette niche Copé, j’y reviens. On nous a dit que, si nous taxions à nouveau les plus-values de cession, nous ferions disparaître l’assiette et nous n’obtiendrions rien, mais quelle est tout d’abord cette assiette ?

Cette fameuse niche a été faite en trois temps. Votre majorité a tout d’abord substitué au taux normal un taux réduit de 15 %. Y a succédé un taux de 8 % et, aujourd’hui, le taux est quasiment nul, une petite quote-part faisant qu’un très faible taux est appliqué sur les plus-values à long terme.

On nous a affirmé que cela ne rapporterait jamais le montant d’environ 7 milliards d’euros avancé dans les textes du Parti socialiste. Regardons cependant, dans les résultats fiscaux de 2007, quel était le produit de la taxe sur les plus-values de 2006. Cette dernière rapportait 3,4 milliards d’euros. Si l’on passe, comme nous le proposons, d’un taux de 8 % à un taux proche de 16 %, ce montant sera doublé.

Vous prétendez que la base imposable disparaîtrait ; certes, vous n’avez pas voulu reprendre le débat ici, mais on a entendu cet argument tout au long. L’idée selon laquelle le retour à une taxation normale ferait disparaître la base par évasion fiscale se situe dans le droit fil du discours tenu il y a quelques années au Sénat par le rapporteur général du budget, M. Philippe Marini, qui expliquait que la quasi-suppression de cette taxation allait rapporter de l’argent au lieu d’en coûter. La niche Copé, disait-il, allait faire revenir des capitaux et tout ce qui n’était pas déclaré le serait. Avec un tout petit taux, nous parviendrions pratiquement à une mesure neutre.

Or que s’est-il passé ? Tous les ans à partir de la mise en place de cette niche, on a vu croître son coût, qui devait être d’un milliard d’euros et qui a finalement atteint, selon vos propres évaluations, le montant d’une vingtaine de milliards d’euros sur les deux dernières années, soit une dizaine de milliards d’euros par an.

Il aurait pourtant dû se passer le contraire si votre thèse était exacte. En abaissant la taxe, nous aurions dû percevoir des recettes.

Le même argument nous est servi depuis vingt ans dans tous les discours libéraux. Aucune baisse de l’impôt ne devait creuser les déficits puisque, chaque fois, l’assiette s’en trouvait élargie. Rappelez-vous, c’était la thèse de certains économistes des années Reagan et Thatcher, ce qu’ils appelaient l’économie du ruissellement : il fallait déverser des cadeaux sur les riches, cela ferait de toute façon croître l’économie et il y aurait des rentrées fiscales même si les taux baissaient.

Or cela ne s’est jamais produit. C’est au cours des années Reagan que les États-Unis ont connu le plus formidable déficit de leur histoire. Il a fallu attendre que la gauche revienne, il a fallu attendre les années Clinton pour ramener non seulement l’équilibre mais l’excédent.

M. Christian Vanneste. Ce sont les républicains qui ont ramené le budget à l’équilibre, ce n’est pas Bill Clinton !

M. Pierre-Alain Muet. De même, ici, chez nous, la seule période au cours de laquelle les déficits ont été réellement réduits, la seule période, sur ces vingt-cinq dernières années, où la dette a baissé, c’est la période 1997-2002 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Arrêtez donc avec ce discours !

S’agissant de l’argument selon lequel chaque petit prélèvement mettrait en cause la compétitivité, vous n’avez pas cessé de supprimer tous les impôts pesant non seulement sur les plus hauts revenus mais aussi sur une bonne partie des grandes entreprises, les PME n’en ayant, pour leur part, pas profité, mais où est donc la compétitivité ? De 1997 à 2002, la balance commerciale était tous les ans en excédent de 20 à 30 milliards d’euros, tandis que, depuis 2003, c’est un déficit qui ne cesse de se creuser, de l’ordre de 40 milliards d’euros, voire davantage aujourd’hui. Où est donc la compétitivité ?

Il faut revenir à des analyses économiques sérieuses. Réintroduire de la justice dans notre fiscalité, c’est aussi, l’expérience le montre, réintroduire de l’efficacité économique.

M. Bernard Derosier. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Nous avons déjà débattu à propos de cette niche, notamment lors de l’examen des précédents projets de loi de finances.

L’idée ne vient pas de nous-mêmes mais précisément de vous : elle figurait dans un rapport sur l’attractivité du territoire, le rapport Charzat remis au Premier ministre Lionel Jospin en 2001. On ne peut taxer les plus-values sur les participations des entreprises alors qu’aucun autre État européen ne le fait aujourd’hui, à l’exception de la Grèce, sinon les transactions se feront ailleurs et les holdings s’établiront à l’étranger. La France a donc décidé de limiter la taxation ; seule la quote-part pour frais et charges de l’impôt sur les sociétés est émise.

Il s’agit donc vraiment d’un problème d’attractivité. Il est assez facile d’avancer des chiffres comme vous le faites mais, si vous rétablissez la taxation, vous ne percevrez pas de recettes. Ainsi, si vous espérez affecter le produit d’une telle taxe aux retraites, c’est d’une recette nulle que bénéficiera le système de retraites, tandis que les dépenses continueront à courir. Votre proposition tend donc à faire perdurer le déficit. Ce ne serait pas une recette fiable.

Je sais bien, comme le président de la commission des finances, qui est bien placé pour cela, que Bercy donne dans les annexes des différents rapports budgétaires les chiffres que vous citez mais ils sont fondés sur des conventions qui n’ont rien à voir avec la réalité. Je l’ai déjà dit à plusieurs reprises. Ces conventions existent, nous les prenons donc telles qu’elles sont, mais ces chiffres n’ont rien à voir avec la réalité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Pierre Brard. Il faut se pincer pour y croire !

M. Éric Woerth, ministre du travail. La réalité des choses, c’est que, si votre amendement était adopté, il n’y aurait plus d’assiette, et donc plus d’impôt.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Les recettes que vous envisagez sont de l’argent virtuel, et vous ne pouvez pas fonder le financement d’un système de retraites sur de l’argent virtuel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Les propos de M. le ministre méritent quand même une réponse. Je ne trouve pas sérieux qu’un ministre de Bercy explique que ce que font ses services relève du virtuel, que ce n’est pas fondé.

Quand on présente une réforme de cette importance, qui vise à financer 45 milliards d’euros, dont il faut déjà enlever 15 milliards d’euros, qui ne font pas partie des mesures nouvelles et du financement mais qui sont dans le déficit public, on apporte tout d’abord une analyse économique démontrant pourquoi des mesures démographiques sont nécessaires pour résoudre un problème qui n’est pas démographique. Pour ma part, j’attends toujours l’explication !

On apporte également des chiffres, des mesures, des évaluations. Or il n’y a rien, et, lorsque nous citons Bercy ou la Cour des comptes, la seule réponse que nous donne le ministre, c’est que cela ne vaut rien !

Il faudrait que le Gouvernement prenne un peu cette réforme au sérieux. Les Français sont en droit d’attendre que les propositions qui leur sont faites aient un fondement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

(L’amendement n° 559 n’est pas adopté.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)