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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Deuxième session extraordinaire de 2009-2010

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du lundi 13 septembre 2010

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

. Réforme des retraites

Rappels au règlement

M. Jean Mallot

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

M. Gaëtan Gorce

M. Jean Mallot

Discussion des articles

Après l'article 20 bis (amendements précédemment réservés)

Amendements nos 551, 100, 311, 554, 556, 576, 714, 56, 574, 358, 246, 567, 570, 563, 357, 562, 364, 549, 373, 312, 510, 313 rectifié, 575, 317, 390, 497, 316 rectifié, 99, 57, 58, 59, 242

Mme Marisol Touraine

Article 21 A

(précédemment réservé)

M. Jean-Luc Préel

Amendement no 180

Mme Valérie Rosso-Debord

Article 21 A

(précédemment réservé – suite)

Article 21

(précédemment réservé)

Mme Marisol Touraine

M. Jean Mallot

Amendements nos 182, 450, 515 rectifié

Avant l'article 25

Amendements nos 459, 266, 460, 458, 529

Rappels au règlement

M. Gaëtan Gorce

M. Éric Woerth, ministre du travail

Mme Marisol Touraine

M. Éric Woerth, ministre du travail

M. Gaëtan Gorce

M. Jean Mallot

Reprise de la discussion

Article 25

M. Jean-Luc Préel

M. Francis Vercamer

M. Paul Jeanneteau

M. Christian Vanneste

M. Guy Lefrand

Mme Marie-Françoise Clergeau

Mme Valérie Rosso-Debord

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Réforme des retraites

Suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, d'un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant réforme des retraites (nos 2760, 2770, 2768, 2767).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de neuf heures trente-sept minutes pour le groupe UMP, dont 127 amendements restent en discussion, six heures trente-quatre minutes pour le groupe SRC, dont quatre-vingt-deux amendements restent en discussion, une heure quarante-sept minutes pour le groupe GDR, dont soixante-deux amendements restent en discussion, quatre heures neuf minutes pour le groupe du Nouveau Centre, dont quarante amendements restent en discussion et quatre minutes trente-cinq secondes pour les députés non inscrits, dont trois amendements restent en discussion.

M. Jean Mallot. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, monsieur le secrétaire d’État chargé de la fonction publique, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, mon rappel au règlement est lié au déroulement de nos travaux.

Nous avons eu un débat, notamment en conférence des présidents, sur l’étude d’impact qui accompagne ce projet de loi, comme le veulent les textes depuis un peu plus d’un an. Nous avons démontré point par point que cette étude d’impact ne remplissait pas les conditions fixées par la loi organique quant à son contenu. Elle est donc insuffisante, je l’ai même, pour ma part, considérée indigente. Or nous avons souhaité que des conclusions en soient tirées quant à la discussion de ce projet de loi, mais vous n’en avez pas décidé ainsi en conférence des présidents. Il reste que l’argument demeure et que nous nous en servirons à nouveau, dans la mesure où cette étude est totalement silencieuse sur l’impact du projet de loi sur le chômage, par exemple, ou sur les autres régimes sociaux. Or, nous avons démontré, ces derniers jours, que l’impact sur l’UNEDIC serait considérable, ainsi que sur les conseils généraux, via le RSA. L’impact sur les régimes complémentaires est également ignoré, alors que, nous le savons, il sera considérable.

À la suite du dépôt de ce projet de loi, de sa publication et de sa discussion, le mouvement social s’est amplifié dans le pays et a fait descendre, mardi dernier, dans la rue, près de 3 millions de personnes. Ce mouvement a à peine ému la majorité, qui le traite par le mépris. Pour autant, le Président de la République a fait semblant d’accorder deux concessions. Peut-être a-t-il compris – cela ressort d’ailleurs des enquêtes d’opinion effectuées depuis – que 68 % des Français considèrent ce projet de loi comme injuste et que, s’agissant du mouvement social lui-même, 70 % des Français considèrent qu’il est justifié.

Le Président de la République a donc fait deux concessions – le président de la commission des finances y a fait allusion à la fin de la séance de cet après-midi. S’agissant d’abord du taux d’incapacité, car c’est ainsi que vous prétendez prendre en compte la pénibilité, le taux pris en compte serait abaissé de 20 % à 10 %. Nous aimerions que vous nous apportiez des précisions sur le coût de cette mesure.

Pour ce qui est de la durée minimale de cotisation permettant aux fonctionnaires de bénéficier d’une pension, elle a été abaissée de quinze ans à deux ans. La question posée tout à l’heure par M. Cahuzac est la même : quel sera le coût de cette mesure ?

Nous attendons, monsieur le ministre, que vous veuillez bien répondre à ces deux questions afin que nous puissions poursuivre nos débats. Nous ne comprendrions pas que vous n’y répondiez point. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Je vais, bien sûr, répondre aux deux questions posées par M. Cahuzac, et reprises par M. Mallot.

La mesure concernant les titulaires sans droits et l’abaissement de quinze ans à deux ans de la durée de cotisation n’a pas de coût en termes de comptes publics, puisqu’il s’agit de transferts de trimestres entre le régime général et le régime de la fonction publique.

Quant à l’abaissement de 20 % à 10 % du taux d’incapacité, la mesure n’a pas non plus de coût, puisqu’elle est supportée par le régime accidents du travail et maladies professionnelles. Elle repose donc sur les cotisations des entreprises.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Nous avons amorcé un débat sur le financement à la fin de la séance de cet après-midi, que nous allons poursuivre avec l’examen des amendements. Dans ce contexte, il est nécessaire de rappeler les conditions dans lesquelles se déroule le débat.

Depuis le début, le Gouvernement affirme présenter une réforme pour sauver notre système de retraites et avoir trouvé les solutions pour assurer son équilibre financier, à la différence de l’opposition qui, dans ce domaine, n’aurait jamais pris ses responsabilités.

Je ferai quelques rappels historiques remontant aux quinze ou vingt dernières années. On dit toujours que la droite serait le parti de la bonne gestion et la gauche celui de la dépense. M. Dord est d’accord avec ce préjugé. Je suis au regret de vous dire, monsieur Dord, qu’il faut vous en défaire ! À l’évidence, M. Nicolin partage ce préjugé…

M. Yves Nicolin. Bien entendu !

M. Gaëtan Gorce.…et je crains fort que nombre d’entre vous le partagent également sur les bancs de la majorité. Il faut vous défaire de cette idée ! Il faut également que nous rappelions à l’opinion française, dont la mémoire est parfois trop courte, qu’entre 1993 et 1997, vous aviez doublé l’endettement de la France et que le Président de la République de l’époque avait dissous l’Assemblée parce qu’il pensait que la situation financière était si catastrophique qu’il ne pourrait pas tenir ses engagements internationaux.

Entre 1997 et 2002, la situation financière des comptes publics, ou en tout cas des comptes sociaux a été rétablie. Nous avons connu la croissance la plus forte ; la bourse n’a pas eu à s’en plaindre, l’emploi non plus.

M. Christian Vanneste. Cessez de dire n’importe quoi !

M. Gaëtan Gorce. Ma grand-mère disait : « Quand on jette un caillou au milieu des cochons, c’est celui qui crie qui a eu mal ! » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Vanneste. Vous êtes d’une grossièreté absolument méprisable !

M. Gaëtan Gorce. Ses formules étaient assez explicites et pouvaient être comprises par tout le monde. Mais M. Vanneste, naturellement, ne peut imaginer que je le confonde avec un représentant intelligent de la gente animale !

M. Christian Vanneste. Ce que vous dites est indigne !

M. Gaëtan Gorce. Monsieur Vanneste, vous avez dit des choses dans le passé, qui devraient vous conduire à un peu plus de mesure.

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, calmez-vous !

Restez au cœur de votre démonstration, monsieur Gorce, sans vous éparpiller dans la nature, et les débats s’en trouveront apaisés.

M. Gaëtan Gorce. Entre 2002 et 2007, la situation de la France sur le plan financier a encore empiré, l’ensemble de nos comptes sociaux s’est dégradé, et pourtant, dans la même période, si l’on rajoute les deux années qui viennent de s’écouler, 55 milliards d’actifs publics ont été vendus sans que nos comptes puissent en bénéficier directement, autrement que pour assouvir les besoins de financement du Gouvernement.

Alors que nous allons reprendre la discussion avec Pierre-Alain Muet sur les financements, nous pourrons comparer les deux plateaux de la balance, nous pourrons regarder la situation dans laquelle vous laissez à chaque fois les comptes publics, la situation dans laquelle nous les reprenons et celle dans laquelle nous les laissons. Il serait intéressant d’avoir, de ce point de vue, l’ensemble des données. Si certains d’entre vous ne sont pas convaincus, je suis persuadé que le président de la commission des finances se fera un plaisir de nous rappeler, dans ce débat, les données exactes sur la croissance, l’emploi, l’état des comptes publics et de la dette publique durant les périodes que je viens de citer.

M. Yves Nicolin. Ce n’est pas un oracle !

M. Gaëtan Gorce. Vous verrez que cette comparaison ne sera pas à votre avantage.

M. Yves Nicolin. Ce n’est pas non plus un argument !

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Je remercie M. le ministre d’avoir bien voulu répondre à la question posée par M. Cahuzac. Si j’ai bien compris sa réponse, les deux mesures annoncées par le Président de la République ne coûtent rien. Je vous laisse le soin de conclure que le Président de la République n’a en réalité rien concédé. Aussi, je ne vois pas pourquoi l’annonce de ces deux dispositions modifierait le point de vue de qui que ce soit sur son projet de loi. Voilà pourquoi, au moins sur cet aspect, nous ne changeons pas de position.

Discussion des articles

M. le président. Cet après-midi, l’assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 551, portant article additionnel après l’article 20 bis.

Après l'article 20 bis
(amendements précédemment réservés)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 551.

La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Nous venons de vivre un moment extraordinaire ! Vous venez d’avouer, monsieur Woerth, que les deux mesures que vous présentez comme des concessions ne vont rien coûter. Pour l’une d’entre elles au moins, elle sera payée par les autres, par l’UNEDIC.

Mme Valérie Rosso-Debord. Ce n’est pas ce qu’il a dit !

M. Christian Eckert. Dans votre simulation de financement, sauf si j’ai mal écouté, vous avez dit que le passage de 20 % à 10 % serait payé par l’UNEDIC. Vous dites maintenant qu’il s’agit de la branche ATMP. Vous rectifierez mes propos si j’ai mal compris.

J’en viens à l’amendement n° 551.

M. Dominique Dord. Oui, venons-en au fait !

M. Christian Eckert. Nous présentons, nous, un projet équitable et financé. Vous prétendez avoir supprimé la taxe professionnelle. C’est une interprétation, car je rappelle que vous avez remplacé les recettes liées à la taxe professionnelle par une accumulation de taxes diverses et variées, auxquelles plus personne ne comprend rien, et sur lesquelles nous attendions, pour le mois de juin, une réévaluation, une analyse et peut-être certaines évolutions. Or nous n’avons toujours rien reçu. J’espère toutefois que nous disposerons de ces documents avant d’entamer la discussion du projet de loi de finances pour 2011…

Cela étant, parmi la kyrielle de recettes liées à la pseudo-suppression de la taxe professionnelle, vous avez instauré une contribution sur la valeur ajoutée, qui a fait l’objet de longs débats pour savoir s’il fallait ou non assujettir en deçà ou au-dessus de 500 000 euros de chiffre d’affaires. C’est extrêmement compliqué !

M. Dominique Dord. Non, c’est astucieux.

M. Christian Eckert. Je le répète, nous attendons les évaluations.

Avec l’amendement n° 551, nous proposons d’ajouter une taxe additionnelle qui porterait le taux de 1,5 % à 2,25 %, ce qui permettrait de ne pas toucher – je passe sur les détails techniques – les petites et les moyennes entreprises. Cette taxe est en effet fixée selon un barème progressif, qui est détaillé dans l’amendement. Elle constituerait une partie des recettes que nous avons annoncées dans notre projet alternatif à celui du Gouvernement.

M. Dominique Dord. Vous réinventez la TVA sociale !

M. Christian Eckert. Non, ce n’est pas cela !

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales. Défavorable. Même si le taux de cette nouvelle taxe est de nature progressive, elle pèsera sur toutes les entreprises.

Par ailleurs, je suis très étonné de voir que cette mesure n’est pas fléchée, car elle entre dans le budget de l’État, non dans la branche vieillesse. La commission a estimé que cet amendement avait plus sa place dans le cadre du projet de loi de finances que dans ce texte.

M. Jean Mallot. Dans ce cas, vous le voterez dans la prochaine loi de finances ?

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Défavorable.

(L'amendement n° 551 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 100.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je reviens sur les déclarations précédentes. Nous expliquer qu’une des mesures ne coûtera rien parce que l’UNEDIC la financera relève de la politique du sapeur Camember ! Il est vrai que, dans ce domaine, vous êtes champion.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Champion du monde !

M. Pierre-Alain Muet. En effet, pour 15,7 milliards, vous financez le déficit des retraites par le déficit de l’État !

Notre amendement, présenté par le président de la commission des finances et par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, vise, à une époque où l’on parle beaucoup des niches fiscales, à supprimer une niche fiscale qui est une incitation à une niche sociale. En effet, le crédit d’impôt en faveur de l’intéressement, qui permet aux entreprises de déduire de leur imposition 20 % des sommes attribuées, incite, en quelque sorte, à utiliser la niche sociale sur l’intéressement que, par ailleurs, nous voulons corriger. Pour un gouvernement qui considère qu’il convient de raboter les niches, voilà l’occasion de faire d’une pierre deux coups, si je puis dire ! Je pense donc que vous accepterez cet amendement.

M. Dominique Dord. Tous les fruits du capital dans les mains du grand capitalisme !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. La commission a estimé que cet amendement était de nature purement fiscale puisqu’il concerne le budget de l’État et non celui de la branche vieillesse. Il a, en conséquence, sa place dans la première partie d’un projet de loi de finances et non dans le présent texte.

Donc, avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Même avis.

Je tiens juste à rectifier un point : je n’ai jamais parlé de l’UNEDIC mais de la branche ATMP. Ce n’est évidemment pas la même chose.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Dont acte, monsieur le ministre. J’avais probablement mal compris.

Cela dit, vous nous expliquez que nos mesures ne sont pas fléchées. Mais vos mesures le sont-elles ? Les recettes que vous dites attendre, notamment des taxes que vous allez mettre en œuvre, ne sont pas fléchées non plus. Elles ne sont même pas inscrites dans votre texte, puisque vous les avez renvoyées au projet de loi de finances pour 2011 ! De plus, ce n’est pas une réponse que de dire que la mesure sera financée par une autre branche !

Nous maintenons donc les questions du président Cahuzac relayées par Jean Mallot. Combien coûteront à la branche ATMP, des mesures telles que celles concernant le passage de 20 à 10 % ? C’est tout de même un élément du débat qui mérite d’être éclairci.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Vous avez raison, monsieur le député. Entre 300 et 400 millions d’euros seront financés par la branche ATMP. On ne sait pas exactement combien de personnes sont à 10 %.

(L'amendement n° 100 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 311.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Nous abordons effectivement la partie financement que nous avons déjà évoquée à plusieurs reprises.

Tous les amendements que nous allons maintenant proposer figurent dans une proposition de loi du groupe de la Gauche démocrate et républicaine visant à garantir le financement du droit à la retraite à soixante ans.

Ce premier amendement porte précisément sur le Fonds de réserve des retraites. Je le rappelle, ce fonds a été conçu pour faire face au pic démographique de 2020 et absolument pas pour faire face à tout autre déficit. Or vous siphonnez ces réserves parce que vous refusez de reconnaître que ce qui fragilise aujourd’hui les caisses de retraite est effectivement lié à la crise. Comme vous ne voulez pas chercher des financements à la hauteur des besoins liés à cette crise, vous avez trouvé comme seule solution d’utiliser ces réserves constituées en « bon père de famille »…

M. Dominique Dord. Des réserves virtuelles !

Mme Martine Billard. …si l’on peut dire. Cela a d’ailleurs été fait dans d’autres pays sur le même principe. Il s’agissait d’anticiper les évolutions à venir pour faire face au pic momentané…

M. Denis Jacquat, rapporteur. Non, ce n’est pas momentané !

Mme Martine Billard.… correspondant à la période la plus importante du « papy boom ». Tel était l’objet du FRR. Vous proposez, quant à vous, de le vider pour ne pas taxer davantage les revenus du capital.

Nous demandons donc, par cet amendement, que les sommes affectées au Fonds de réserve des retraites ne soient pas seulement mises en réserve jusqu’en 2020, mais restent également indisponibles jusqu’à cette date.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Le volet « recettes » de la réforme des retraites sera discuté, en son temps, lors du PLFSS.

Comme l’a dit Mme Billard, une bosse démographique et, de ce fait, un manque d’argent pour financer les retraites était attendue pour 2020. C’est la raison pour laquelle le FRR a été créé. Je tiens à rappeler que j’étais, à l’époque, rapporteur et que j’ai défendu ce fonds. Mais que se passe-t-il aujourd’hui ? La crise économique est venue s’ajouter au problème démographique, avec, pour conséquence, un problème financier. L’argent mis en réserve doit donc servir dès maintenant. Lors du rendez-vous sur les retraites de 2018 – espérons que la crise économique sera terminée – nous ferons le point et procéderons aux ajustements nécessaires. Il n’y a pas, comme je l’ai entendu, de hold-up…

Mme Martine Billard. Mais si !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Cela relève, au contraire, d’une bonne gestion. C’est comme si vous aviez un compte courant sur lequel il n’y a plus de liquidités, un compte épargne sur lequel vous en avez, mais que vous ne vouliez pas y toucher et que vous vous contentiez de le regarder. Non. L’argent du FRR était prévu pour nos concitoyens. Il restera disponible pour leur retraite.

Donc, avis défavorable de la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Comme je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, nous utilisons le FRR de manière appropriée. Il a été fait pour cela. De plus, l’ensemble des recettes du Gouvernement dont vous aurez à discuter est fléché sur les retraites et plus particulièrement sur le Fonds de solidarité vieillesse.

(L'amendement n° 311 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 554.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Si vous m’y autorisez, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements n°s 554 et 556, puisqu’ils ont la même logique, même s’ils portent sur des assiettes différentes.

M. le président. Je vous en prie, mon cher collègue.

M. Pierre-Alain Muet. La CSG a vocation à avoir une assiette universelle la plus large possible. Nous demandons donc, dans l’amendement n° 554, que les plus-values immobilières de long terme qui font l’objet d’un abattement de 10 % par année de détention et qui, au bout d’un certain temps, ne figurent plus dans la CSG, soient entièrement réintégrées dans la CSG sauf, naturellement, celles sur les résidences principales.

L’amendement n° 556 propose d’appliquer la CSG aux revenus fonciers en remettant en cause l’exonération de CSG qui s’applique à l’investissement locatif – le Robien et le Scellier. En effet, les particuliers bénéficient d’une exonération au titre de la CSG et de l’impôt sur le revenu. Ainsi, la CSG jouera pleinement son rôle et cela permettra de trouver des ressources pour financer les retraites.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. La commission a estimé que ces deux amendements relevaient plutôt du PLF ou du PLFSS, car ils portent sur les recettes de la sécurité sociale. Elle a donc émis un avis négatif sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Défavorable sur ces deux amendements.

(L'amendement n° 554 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 556 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 576.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Il existe toutes sortes de niches. Par cet amendement, nous remettons en cause le fait que la plus-value réalisée lors de la cession d’un cheval de course est réduite d’un abattement supplémentaire de 15 % par année de détention. Je suis sûr que cette proposition intéressera le ministre !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. J’avais effectivement dans ma tête la dernière phrase qui vient d’être prononcée tant cet amendement m’a paru quelque peu bizarre. Je me demande si l’intérêt de ses auteurs pour les chevaux de course ou de sport est seulement motivé par une exigence de justice sociale…

Il n’y a pas ici de recherche de justice sociale. De plus, cette disposition a sa place dans un PLF ou dans un PLFSS. La commission faisant un travail de fond sérieux, elle a rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Je ne peux pas me contenter de ce type de réponse. En effet, un jour on nous dit que l’on n’a pas fléché les recettes, un autre, on nous répond que cela relève du PLF ou du PLFSS. Mais, chers collègues, outre que votre projet de financement est insuffisant et partiel, puisqu’il manque 15,6 millions, vous n’avez aucune certitude sur ce qui sera adopté dans le PLF. Que je sache, il est impossible de flécher les recettes dans le cadre des nouvelles règles d’élaboration des budgets.

J’aimerais qu’il soit bien précisé que figurera dans le PLF ou dans le PLFSS ce que vous avez annoncé. Je pense au 1 % supplémentaire de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu. Le produit de ce nouvel impôt sera-t-il fléché ? Sera-t-il possible de le faire dans le cadre des règles d’élaboration du budget ? Tout cela me paraît extrêmement confus.

Enfin, monsieur le rapporteur, avec tout le respect que je vous porte, l’intérêt pour la chose hippique n’est pas la motivation de cet amendement. Nous avons, nous, pour les pur-sang autant de respect d’où qu’ils viennent, même si c’est de l’écurie de M. Wildenstein !

M. Régis Juanico. Cela ferait des sous dans les caisses de l’État !

(L'amendement n° 576 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 714.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Notre objectif est, bien entendu, de sauvegarder notre régime de retraite basé sur la répartition. Le projet du Gouvernement prévoit l’équilibre en 2018 et nous en prenons note. Cependant le groupe Nouveau Centre est quelque peu dubitatif. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Roy. « Quelque peu » seulement !

M. Jean-Luc Préel. Les travaux du COR sur des bases économiques relativement optimistes indiquaient clairement ce que personne n’a vraiment remis en cause, à savoir que les besoins de financement pour 2018 seraient de l’ordre de 48 milliards. Le report d’âge conduit, semble-t-il, à une économie de 19 milliards. Les recettes nouvelles qui ne figurent d’ailleurs pas dans le texte seraient de l’ordre de 4 milliards. Nous sommes donc loin du compte.

J’entends déjà le rapporteur indiquer que notre proposition n’a pas à figurer dans ce texte, mais dans un projet de loi de finances ou dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je regrette vivement que ce projet de loi, qui a pour but de sauvegarder notre système de retraite, ne soit pas financé dans le texte lui-même, ce qui permettrait d’avoir un éclairage effectivement nettement plus simple. Il est vrai par ailleurs que le Gouvernement maintient son effort de 15 milliards pour le financement des retraites des fonctionnaires. Or ces 15 milliards sont financés par le budget de l’État qui, comme chacun le sait, est malheureusement déficitaire. Cette somme sera, en conséquence, financée par la dette, ce que nous regrettons.

Le groupe Nouveau Centre propose donc une mesure simple, objet de cet amendement, qui consiste en une augmentation de la CSG de 1 %, rapportant 11 milliards par an. Certes, cette mesure n’est pas agréable. Mais si l’on expliquait aux Français qu’il s’agit de contribuer à sauvegarder les retraites, mais aussi à améliorer la situation de ceux qui ont commencé à travailler tôt, en supprimant les huit trimestres supplémentaires exigés, et à améliorer la situation des polypensionnés, des veuves, des veufs et des petites retraites, notamment agricoles, j’ai la faiblesse de croire qu’ils seraient d’accord pour consentir cet effort, modeste pour chacun, mais indispensable pour la collectivité.

J’ai compris que le Gouvernement ne le souhaitait pas, redoutant que cette augmentation pèse sur le pouvoir d’achat. C’est toutefois le cas d’augmentations récentes, par ailleurs acceptées. Je citerai l’augmentation de l’électricité, des franchises médicales, des forfaits journaliers, des cotisations aux assurances complémentaires, pour ne reprendre que des exemples concernant la santé.

M. Christian Eckert. M. Préel est de gauche !

M. Jean-Luc Préel. Préserver réellement nos retraites ne mériterait-il pas un effort ?

Le groupe Nouveau Centre souhaite sauvegarder notre régime de retraite et espère également des avancées sociales, notamment pour les petites retraites. Nous proposons, en conséquence, une recette simple : l’augmentation de 1 % de la CSG.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. M. Préel a fait une question et une réponse, concernant le PLFSS. Mais c’est un habitué de cet hémicycle : il connaît donc bien les règles.

Sur le fond, Jean-Luc Préel a, bien sûr, raison, comme souvent. Il convient effectivement de trouver des recettes nouvelles, car il y a, d’une part, les effets de la convergence et, d’autre part, des mesures démographiques à combler.

La voie tracée par le Gouvernement me semble être la meilleure. Une augmentation de la CSG pèserait sur tous les ménages alors que nous préférons mettre les hauts revenus à contribution (Exclamations sur les bancs du groupe GDR) et faire en sorte, dans un souci d’équilibre, que les nouvelles recettes comprennent pour moitié des prélèvements sur les entreprises.

Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Le Gouvernement, vous vous y attendiez, monsieur Préel, n’est pas favorable à votre amendement. Nous ne sommes pas favorables à une augmentation générale des impôts et une augmentation de la CSG, c’est une augmentation générale des impôts.

Monsieur Eckert, nous avons prévu un système de recettes qui, j’en prends l’engagement, sera présenté en PLF et PLFSS, et je sais que vous faites confiance au Gouvernement pour tenir ses engagements. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme Martine Billard. Fallait-il croire le Président de la République quand il disait qu’il ne repousserait pas l’âge du départ en retraite ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Elles seront à hauteur de 4 milliards d’euros, reposant à la fois sur les entreprises et sur les ménages les plus aisés, fléchées sur la retraite et plus particulièrement sur le financement du fonds de solidarité vieillesse.

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Notre rapporteur, qui est un homme sage, qui connaît son sujet, vient de faire une remarque qui m’a fait tressaillir, mais des choses m’ont peut-être échappé alors que ce projet est présenté depuis des semaines et que nous en débattons depuis quelques jours dans cet hémicycle.

Alors que M. Préel explique que votre projet n’est pas financé et qu’il faut trouver de nouveaux financements – pour le coup, il n’a pas tort, et vous connaissez nos propositions, qui sont très claires –, votre argument, monsieur le rapporteur, pour rejeter sa proposition, c’est que vous préférez faire porter l’effort sur les hauts revenus. Éclairez-moi car je n’ai rien dû comprendre.

M. Charles de La Verpillière. Ce n’est pas étonnant !

Mme Valérie Rosso-Debord. Enfin, un peu de lucidité !

M. Patrick Roy. Si vous me montrez que l’effort est porté sur les hauts revenus, je prends l’engagement…

M. Yves Bur. De voter la loi !

M. Patrick Roy. …de reprendre le micro et de faire amende honorable, de dire que je n’avais rien compris à l’explication lumineuse d’un gouvernement qui ne veut pas taxer les plus faibles.

J’avais cru comprendre, on en a eu d’ailleurs encore un exemple cet après midi, que vous tapiez surtout sur les petits revenus et que Liliane n’avait pas de souci à se faire pour son avenir prochain. Mais j’ai dû mal comprendre et, puisque ce sont les hauts revenus qui sont taxés, j’attends vos éclaircissements.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Comme vous avez toujours dit que vous adoriez lire, monsieur Roy, et même si M. Vidalies va me le reprocher, je vous renvoie à la page 56 du rapport où, sous l’intitulé « Trouver de nouvelles recettes », vous aurez tout le détail sur plusieurs pages.

(L’amendement n° 714 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 56.

La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Cet amendement tend, modestement, à rééquilibrer un peu la taxation des revenus du travail et celle des produits du capital dans le mécanisme de la CSG en renforçant le prélèvement sur les revenus du capital. Un minimum d’esprit de justice devrait le faire accepter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Cet amendement aurait dû lui aussi être proposé dans le cadre du PLFSS. Par ailleurs, il se traduirait par un très fort alourdissement de la fiscalité sur le capital.

(L’amendement n° 56, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 574.

La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Monsieur le ministre, je ne fais pas une confiance aveugle aux engagements qui sont pris ici, vous comprendrez pourquoi.

L’amendement n° 574 porte non pas sur une niche fiscale, mais sur une niche sociale. Dans le cadre des règles existantes, les contributions des employeurs au financement des régimes de retraite chapeau relevant de l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale sont exonérées de CSG et de cotisations sociales.

Puisque vous parlez beaucoup de raboter les niches fiscales – je rappelle au passage que le rapporteur général du budget s’est demandé aujourd’hui si le rabot n’était pas devenu une lime à ongles –, nous vous proposons d’assujettir les retraites chapeau à CSG et cotisations sociales. Ce n’est tout de même pas très compliqué et c’est une mesure d’équité et de justice qui permettrait d’améliorer directement le financement de nos retraites.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Sur ce point, cher à M. Bur, il y a déjà eu une augmentation dans le PLFSS de 2010.

Vous qui êtes député de la sidérurgie, monsieur Eckert, vous devez faire très attention à un point, c’est qu’il y a deux types de retraites chapeau dans notre pays. Il y a les retraites chapeau provenant de conseils d’administration, et nous sommes tous parfois ébahis devant certains chiffres, mais aussi celles des 14 000 personnes ayant travaillé pour la plupart dans la sidérurgie lorraine, dont 25 % sont des cadres, 50 % des ETAM et 25 % des ouvriers, et qui, elles, seraient taxées.

M. Roland Muzeau. Il suffit de les exclure

M. Denis Jacquat, rapporteur. Vous proposez d’augmenter encore cette taxation, la commission y est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Nous avons doublé le niveau des cotisations sur les retraites chapeau. Lorsque vous étiez au pouvoir, vous n’avez rien fait, ni sur les stock-options ni sur les retraites chapeau. Nous avons, nous, instauré une fiscalité et des cotisations sociales solides. Dans le PLFSS, nous créerons une cotisation salariale de 14 %, qui s’ajoutera à la CSG, parce qu’il y a déjà une CSG sur les retraites chapeau, et nous augmenterons aussi la cotisation de l’employeur.

Ne dites donc pas qu’il n’y a rien sur les retraites chapeau, il y a de fortes cotisations, à la fois à l’entrée, pour les employeurs, et à la sortie, pour les employés.

M. Dominique Dord. Ce rappel était très utile !

M. Pierre Gosnat. Les riches ont peur ! Ils vont tous partir à l’étranger !

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Je vous donne acte, monsieur le rapporteur, que, notamment dans la sidérurgie, il existe des dispositifs de perception de retraite différée qui sont communément appelés retraites chapeau mais vous n’allez tout de même pas me faire verser des larmes sur Arcelor-Mittal. Ce que nous vous proposons, c’est d’aligner la cotisation sociale des retraites chapeau, des retraites à versement différé, sur le régime général.

Je sais bien que des mesures extrêmement partielles ont été prises dans les textes précédents, mais je vous rappelle tout de même humblement, monsieur le ministre, que votre majorité est au pouvoir depuis huit ans. Vous aviez donc largement le temps de rééquilibrer les cotisations sociales sur ces versements.

M. Dominique Dord. Le ministre vient d’expliquer que cela a été fait !

M. Christian Eckert. Certains, certes, bénéficient à des employés mais tout le monde a en tête les montants pharaoniques perçus par de grands dirigeants d’entreprise.

Sous-amendez si vous le voulez pour que l’on cible parmi les bénéficiaires ceux qui ont les revenus les plus scandaleux, je n’hésite pas à utiliser cette expression. Il s’agirait d’une mesure de justice.

(L’amendement n° 574 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 358 et 246, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour défendre l’amendement n° 358.

M. Jean-Claude Sandrier. S’abriter derrière quelques exemples de catégories moyennes qui touchent des retraites chapeau pour protéger des milliardaires, c’est tout de même très petit !

L’amendement n° 358 vise principalement à porter respectivement de 10 à 40 % et de 2,5 à 10 % le taux des contributions patronales et salariales sur les attributions de stock-options et les attributions gratuites d’actions.

Le Gouvernement a annoncé vouloir faire un geste en ce sens et augmenter la taxation des stock-options. C’est un faux-semblant, essentiellement destiné à faire croire que les Français les plus aisés participeront aussi au financement des retraites. Le problème, c’est que les hauts revenus ne contribueront que pour 2 % à peine à ce financement des retraites. De plus, ils continuent de bénéficier du bouclier fiscal et les mesures que vous proposez, qui ne pourront certes rentrer dans le bouclier, ne représenteront que quelques centaines d’euros d’impôt supplémentaires.

Le Premier ministre indiquait jeudi dernier à la télévision que son souci, c’était qu’il reste des hommes et des femmes qui continuent à investir dans notre pays.

M. Yves Nicolin. Il a raison !

M. Jean-Claude Sandrier. C’est un souci très louable, sauf que les trois quarts des revenus financiers ne servent pas à l’investissement mais sont dirigés vers les marchés financiers et la spéculation, responsable de la crise actuelle.

C’est d’ailleurs pour orienter l’argent vers le crédit et l’investissement que nous proposons la constitution d’un pôle bancaire public.

Nous considérons pour notre part que les rentiers, que votre politique caresse dans le sens du poil depuis des années, notamment par la voie de l’abaissement de la fiscalité du patrimoine, engrangent aujourd’hui des fortunes colossales sur le dos des salariés. La pratique des stock-options l’illustre à merveille, elle qui autorise les dirigeants d’entreprises à se servir des rémunérations somptuaires alors que leurs salariés sont soumis au régime sec. En plein été, les deux principaux dirigeants de BNP-Paribas – c’est malheureusement un exemple parmi d’autres – s’octroyaient un million d’euros de stock-options en pleine crise. C’est scandaleux, immoral et provocant.

La Cour des comptes chiffrait en outre en 2007 à plus de 3 milliards d’euros les pertes de recettes pour la sécurité sociale générée par le dispositif des stock-options.

Nous jugeons donc parfaitement légitime de proposer de leur appliquer des taux que vous qualifierez bien évidemment de confiscatoires, alors que ce sont ces rémunérations qui constituent une confiscation de la richesse créée.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 358.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. La dernière fois que l’on a baissé la fiscalité des stock-options, c’était avec M. Fabius. Les gouvernements socialistes ont donc favorisé les stock-options. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Eckert. Ce n’était pas la même époque !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Je ne dis pas que vous avez eu tort, je dis que vous l’avez fait.

Nous avons réinstallé une fiscalité, puisque la fiscalité des stock-options est quasiment la même que celle de l’impôt sur le revenu selon la durée de détention de l’option. Nous avons organisé les cotisations sociales côté employeurs et côté employés, cotisations qui, dans le projet de recettes du Gouvernement, seront très fortement augmentées.

Ainsi, les stock-options sont quasiment imposées et soumises à cotisations sociales au niveau des salaires. Il faut qu’il y ait une petite différence car ce n’est pas totalement un salaire et que cela concerne non pas uniquement des hauts dirigeants mais aussi des milliers et des milliers de cadres.

M. le président. La parole est à Mme Anny Poursinoff, pour soutenir l’amendement n° 246.

Mme Anny Poursinoff. Si les stock-options ne sont pas des salaires, je me demande bien ce que c’est ! Et s’il vous semble logique qu’elles ne soient pas fiscalisées au même niveau que les salaires, cela ne me le semble pas du tout.

Cela étant, comme les taux fixés par notre collègue semblent un peu trop élevés, nous vous proposons un taux légèrement plus bas, soit de passer de 10 % à 30 % et de 2,5 % à 7,5 %, avec les mêmes arguments venant d’être développés.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Je suis effaré. Je ne sais pas, monsieur le ministre, si vous vous êtes rendu compte que c’est, non pas un député socialiste qui vous a posé la question, mais un député communiste.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Vous avez raison, je me suis emporté.

M. Dominique Dord. Vous avez soutenu Fabius !

M. Jean-Claude Sandrier. Vous auriez pu apporter une autre réponse que celle-là sur les stock-options. Cela nous incite à maintenir notre amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Vous avez raison, monsieur Sandrier, de me rappeler à l’ordre.

Madame Poursinoff, votre proposition est inférieure à celle du Gouvernement : vous proposez une cotisation de 7,5 % pour le bénéficiaire du stock-option alors que le projet du Gouvernement prévoit 8 %. On peut en discuter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Gosnat.

M. Pierre Gosnat. M. le ministre n’a pas répondu à M. Sandrier, mais à une députée verte. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Charles de La Verpillière. Quelle horreur !

M. Dominique Dord. Les communistes voient rouge !

M. Pierre Gosnat. Il n’a pas encore tout compris. Il a répondu à une députée verte et à un socialiste. Il faudrait qu’il réponde à présent à M. Sandrier !

Mme Valérie Rosso-Debord. Ils ne s’entendent vraiment pas à gauche !

(Les amendements nos 358 et 246, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l’amendement n° 567.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le président, je présenterai ensemble les amendements nos 567 et 570.

Il est vrai, monsieur le ministre, que les stock-options ont été en grande partie inventées pour des entreprises innovantes, afin de permettre de verser des revenus différés aux créateurs d’entreprise. Mais force est de constater qu’elles ont été dévoyées depuis plusieurs années, en l’occurrence dans les années qui ont précédé la crise, de cette fonction initiale, puisque ce sont des patrons de grandes entreprises qui ont utilisé ces rémunérations, parce qu’elles bénéficiaient d’une fiscalité préférentielle. Nous savons que les stock-options, comme les actions gratuites et, d’une façon générale, tous les revenus variables, ont très largement contribué à l’explosion des inégalités. Si les revenus des chefs d’entreprise du CAC 40 se montent à 300 SMIC, alors que le revenu d’un patron de PME est de seulement trois fois le salaire minimum, c’est parce qu’il y a eu un complet abus dans ce domaine.

Afin de remettre ces instruments dans le droit commun, il convient d’augmenter les contributions patronales et les contributions salariales, ce qui est l’objet de ces deux amendements, et en outre – c’est l’objet de l’amendement que présentera M. Eckert – de remettre les stock-options dans le cadre du forfait social.

Nous proposons donc de faire passer la contribution salariale de 2,5 % à 10 % et la contribution patronale de 10 % à 20 %. En ajoutant à cela l’inclusion dans le forfait social, on replace les stock-options où elles devraient être, à savoir parmi les rémunérations du travail, en leur faisant supporter les mêmes prélèvements fiscaux et sociaux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable.

(L’amendement n° 567, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 570 a été défendu par M. Pierre-Alain Muet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable également.

(L’amendement n° 570, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l’amendement n° 563.

M. Christian Eckert. Je me demande, monsieur le ministre, si vous vous rendez compte de l’effet de vos arguments sur la majorité des Français. Ils apprennent, jour après jour, que des dirigeants d’entreprise se goinfrent de revenus de plusieurs millions d’euros, alors qu’ils dirigent souvent des entreprises de la banque et de la finance,…

Un député du groupe de l’UMP. Quelle horreur !

M. Christian Eckert. …dont on dit qu’elles sont en grande partie responsables de la crise, entreprises pour lesquelles des fonds publics ont dû être mobilisés ou la garantie de l’État apportée. Vous rendez-vous compte de la perte complète de crédit pour l’ensemble de notre politique fiscale et sociale que cause votre discours sur la nécessité de protéger ces revenus différés qui profitent à des dirigeants par millions d’euros ? J’ai presque envie de vous dire : « Continuez comme ça ! » Pour nous, c’est tout bénéfice. Mais nous n’en sommes pas là, nous sommes responsables, nous montrerons que nous voulons être un parti de gouvernement. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Nicolin. Vous avez encore des efforts à faire !

M. Christian Eckert. Se montrer complice de ces financements effarants, exempts de toute taxation ou presque – vous les y avez un tout petit peu assujettis, dans un récent projet de loi de financement de la sécurité sociale –, soustraire à cotisation sociale ces revenus pharaoniques qui échappent à la compréhension même de nos concitoyens, c’est inouï. Vous devriez réfléchir. Avec ce type d’amendements, nous vous tendons une perche !

M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Monsieur Eckert, le bénéficiaire touche son stock-option et il paye des cotisations sociales, la CSG, la CRDS, le capital, la contribution que nous avons décidée...

M. Christian Eckert. Combien de cotisations sociales ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Il paye à peu près les mêmes cotisations sociales que les salariés (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), alors que ce n’est pas contributif, que cela n’ouvre aucun droit. (Mêmes mouvements.) Écoutez, quand les stock-options ont été créés, le bénéficiaire ne payait quasiment rien ; aujourd’hui, il paye à peu près comme pour un salaire !

Vous proposez, par cette fiscalisation supplémentaire sur les stock-options, de recueillir 2,5 milliards d’euros.

M. Pascal Terrasse. Ce n’est pas que les stock-options !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Votre base, c’est les stock-options plus les bonus.

M. Pascal Terrasse. Et les parachutes dorés !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Les stock-options et les bonus versés en France représentent quelque 2,7 milliards d’euros. Vous entendez prendre 2,5 milliards sur une assiette de 2,7 milliards ! Comment voulez-vous financer les retraites à partir de tels calculs ? C’est, encore une fois, fondé sur du sable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Dominique Dord. Oui ! Ce n’est pas sérieux !

(L’amendement n° 563 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Gosnat, pour soutenir l’amendement n° 357.

M. Pierre Gosnat. De nombreux rapports parlementaires et d’autres, en particulier de la Cour des comptes, ont noté, pour la déplorer, la multiplication de ce que l’on appelle, improprement, les « niches sociales ». Ce sont 178 dispositifs qui ont été recensés, représentant une assiette plus que significative et un manque à gagner réel et important pour la sécurité sociale : près de 67 milliards d’euros.

S’agissant plus particulièrement des dispositifs de participation financière et d’actionnariat salarié, de retraite supplémentaire et de prévoyance complémentaire, éléments de rémunération soumis à la CSG et à la CRDS mais exonérés de cotisations sociales, il est également admis que leur fort développement a lieu au détriment des formes traditionnelles de rémunération, assujetties aux prélèvements sociaux, ainsi qu’en atteste la progression significativement plus rapide de leur assiette, plus 6 %, par rapport à celle de la masse salariale, plus 2,7 % en moyenne sur la période de 2000 à 2010.

L’absence de participation de ces sommes – presque 18 milliards, soit 3,2 milliards de perte de recettes pour la seule participation financière et l’actionnariat salarié – au financement de notre protection sociale, situation tout à fait injuste et préjudiciable pour nos comptes sociaux, a commencé à être prise en compte par la création du forfait social. Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, des éléments de rémunération soumis à la CSG mais exclus de l’assiette des cotisations sociales sont ainsi assujettis à une contribution à la charge de l’employeur, dont le taux a été initialement fixé à 2 % et ensuite porté à 4 %.

Or, lors de l’instauration du forfait social, les pertes de recettes non assujetties aux cotisations et contributions de droit commun avaient été évaluées à 4 milliards d’euros. Le choix a néanmoins été fait d’une contribution excluant de son champ nombre d’avantages, notamment l’attribution des stock-options, d’un faible taux par rapport au taux des cotisations sociales sur les salaires de 38 %, solution qui n’est pas de nature à remettre en cause l’existence de ces dispositifs exorbitants du droit commun, réservés à un petit nombre de privilégiés, ni à apporter un volume conséquent de recettes.

Le produit total du forfait social plafonnant à 760 millions d’euros, dont 296 millions au titre de la participation, 264 millions au titre de l’intéressement et 127 millions au titre de la retraite supplémentaire, il s’agit d’une solution d’affichage très largement insuffisante, un premier pas important du point de vue des principes mais très modéré du point de vue du taux, de l’aveu même d’un certain nombre de membres de votre majorité.

Dans le but de faire participer l’ensemble des revenus du financement de la protection sociale, les députés communistes, républicains et du parti de gauche proposent de porter de 4 % à 20 % le taux de ce forfait social, et de répartir le produit de cette contribution, estimé à environ 4 milliards d’euros, entre les régimes obligatoires d’assurance maladie et de vieillesse. C’est l’article 5 de notre proposition de loi, déposée en mai dernier, visant à garantir le financement du droit à la retraite à soixante ans. C’est également le sens du présent amendement.

Nous remarquons avec intérêt que la Cour des comptes vient de proposer, dans son rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, présenté mercredi, de relever le taux du forfait social appliqué aux dispositifs d’association des salariés aux résultats – intéressement, participation, PEE… – au niveau des taux cumulés des cotisations maladie et famille : 19 % environ. Nous souhaitons donc que notre demande soit traitée avec tout l’intérêt qu’elle mérite.

Et, monsieur le ministre, si vous pouviez répondre à l’intervention d’un député communiste en direction d’un député communiste, ce serait au moins élégant ! (Sourires.)

M. Éric Woerth, ministre du travail. J’y avais pensé ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. J’ai créé le forfait social. La base en était au départ faible, sur des assiettes ne payant pas de cotisations sociales. Il a été créé à 2 % et a été porté par la suite à 4 %. Vous proposez 20 %.

L’intéressement et la participation doivent, me semble-t-il, être protégés. Cela concerne plus de cinq millions de salariés. Ce n’est pas du salaire,…

Mme Martine Billard. Si !

M. Éric Woerth, ministre du travail. …chaque dispositif a sa propre logique, de nombreux salariés y sont attachés. Plus on augmentera les taux de contribution sociale sur l’intéressement et la participation, moins on rendra ce type de dispositifs compétitifs par rapport au salaire.

D’un côté, il y a le salaire, et, de l’autre, des dispositifs à court et à plus long terme – intéressement et participation – qui, il est vrai, ne supportent pas les mêmes cotisations sociales. Mais je vous rappelle que ces dispositifs n’ouvrent pas de droit à la couverture maladie ou à la retraite.

M. Roland Muzeau. C’est bien le problème ! C’est un détournement !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Il ne s’agit donc pas de contributif, mais d’un financement au système de solidarité. Nous avons eu un tel débat lorsque nous avons augmenté de 2 % à 4 % le forfait social. Un taux de 20 % rendrait quasiment caduques l’intéressement et la participation.

(L'amendement n° 357 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 562 et 364, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Pascal Terrasse, pour défendre l’amendement n° 562.

M. Pascal Terrasse. Le ministre veut nous faire croire qu’il serait souhaitable de fiscaliser le financement des pensions de retraite. Je rappelle que, pour les socialistes, il s’agit de bien distinguer ce qui doit relever du contributif et du non-contributif – avantages familiaux, fonds social vieillesse. Nous en reparlerons quand nous aborderons la pénibilité. S’agissant du non-contributif, nous pouvons qu’il faut exonérer autant que possible le travail. Celui-ci n’a pas à financer ce qui relève du non contributif. Nous considérons qu’il faut lier le revenu du travail à la pension de retraite.

Notre amendement est dans la continuité du débat sur ce fameux forfait social. Monsieur le ministre, votre argumentation repose sur la distinction entre les revenus issus du travail et nombre de revenus accessoires, totalement ou partiellement exonérés de cotisations sociales, ce qui satisfait évidemment l’employeur. Mais là est justement le problème.

M. Christian Eckert. Eh oui !

M. Pascal Terrasse. En effet, l’intérêt de l’employeur est évidemment de verser un salaire à son personnel conformément aux conventions collectives mais aussi d’augmenter les revenus de l’entreprise à travers les dispositifs les moins coûteux possible. Vous reconnaissez que l’intéressement et la participation font partie des moyens qui permettent d’échapper aux cotisations. La Cour des comptes a souligné l’importance de l’ensemble des exonérations sociales. Aussi, il serait utile de se demander si tous ces avantages, partiellement fiscalisés au titre du forfait social, ne pourraient pas entrer dans le financement des retraites. L’amendement vise donc à soumettre les parachutes dorés au forfait social à un taux de 20 %. Il s’agit d’une forme de rémunération tout de même exceptionnelle qui bénéficie à des dirigeants en fin d’activité, et nous avons eu ces derniers temps de nombreux débats sur des cas concrets. Je fais d’ailleurs remarquer que le taux que nous proposons n’est même pas à la hauteur de la taxation du revenu du travail puisque vous dites vous-même que celui-ci est taxé à hauteur de 42 % à 45 % – si on tient compte évidemment des cotisations patronales.

Il ne s’agit pas d’un amendement révolutionnaire, mais il contribuerait à financer les 2,5 milliards que vous évoquiez. Il n’est pas question de créer un dispositif destiné à se substituer aux cotisations contributives pour financer les retraites, mais de trouver des ressources fiscales annexes, notamment pour pouvoir mener une vraie politique en matière de pénibilité.

M. Yves Bur. Où allez-vous trouver le reste ?

M. Pascal Terrasse. Croyez bien qu’il ne va pas amputer massivement les revenus de celles et ceux qui touchent des parachutes dorés.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour défendre l amendement n° 364.

M. Roland Muzeau. Notre amendement vise à instaurer une contribution fixée au taux de 40 % sur les éléments de rémunération visés dans les contrats instaurant des rémunérations différées au bénéfice des mandataires de sociétés cotées, lesquels sont soumis, depuis 2006, au régime des conventions réglementées. Il s’agit de dissuader la pratique des parachutes dorés et autres indemnités de départ, telles les indemnités versées en raison d’une clause de non concurrence.

M. Yves Bur. De mieux en mieux, monsieur Muzeau !

M. Roland Muzeau. Leur justification est aussi douteuse que leurs montants sont faramineux pour les bénéficiaires. Un éditorialiste soulignait récemment qu’un des effets les plus impressionnants de la mondialisation est qu’elle nous a fait entrer, en politique comme en économie, dans l’ère du cynisme affiché, et même revendiqué. La pratique des parachutes dorés et des petits arrangements entre amis au sein des conseils d’administration en sont une illustration frappante. Il est pour le moins bienvenu de tenter de les dissuader en les taxant fortement.

M. Pierre Gosnat. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances sur les amendements n°s 562 et 364 ?

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des affaires sociales ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Nous avons établi des contributions sociales sur les indemnités de rupture à partir d’un seuil, mais elles ont un contenu juridique différent de celui des salaires. Pour les indemnités d’un niveau très important, les cotisations sociales sont perçues au premier euro. Le Gouvernement a donc aussi pris des mesures en ce domaine pour tenter de réguler ces pratiques. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Monsieur le ministre, nous voulons constamment relancer ce débat parce que c’est un point de clivage énorme entre nous. Vous et vos amis de la majorité essayez d’expliquer vos positions, mais le constat est le suivant : vous privilégiez non pas les riches, mais les hyper-riches, des gens qui ont des revenus d’un tel montant que ceux-ci sont immoraux. Je vais faire un peu de philosophie. (Exclamations et rires sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est un peu ambitieux tout de même !

M. Patrick Roy. Ainsi, lorsqu’un chrétien entend des montants pareils, il doit se demander comment on peut prôner l’égalité et le bonheur pour tous, et soutenir une petite poignée de personnes qui étranglent la planète. Quand j’en débats avec mes électeurs, ils me disent souvent ; « Mais pourquoi le Gouvernement soutient-il des gens aussi démesurément riches ? »

Mme Chantal Brunel. Il faut être réaliste, monsieur Roy !

M. Patrick Roy. Je leur réponds qu’il y a deux raisons. Tout d’abord, du point de vue idéologique, vous êtes plutôt du côté des nantis. En outre, ce sont vos amis personnels. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Dord. Sortez le clown !

M. Patrick Roy. Lorsqu’on a de tels amis, que l’on mange avec eux, que l’on sort avec eux, cela aboutit à toutes ces dérives, à toutes ces affaires sur lesquelles nous pourrions revenir – Pascal Terrasse les a évoquées cet après-midi –, mais aussi au fait que l’on vient défendre devant l’Assemblée nationale, avec des mots pompeux, irréels, cet aspect très immoral…

M. Yves Nicolin. Allez expliquer ça à Pierre Bergé !

M. Patrick Roy. …de la politique du Gouvernement.

Certains d’entre vous me disent que je serais contre les riches.

Mme Valérie Rosso-Debord. Eux, au moins, ils sont intelligents !

M. Patrick Roy. À ceux qui me le reprochent, je réponds que les riches ne me dérangent pas à condition qu’il n’y ait plus de pauvres.

M. le président. La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur. Je rappelle à nos collègues socialistes qu’on ne les a pas attendus pour soumettre à cotisations sociales les parachutes dorés.

M. Patrick Roy. Mais à un niveau très faible !

M. Yves Bur. Monsieur Roy, nous avons soumis à un taux de cotisations sociales normal les parachutes dorés qui dépassent 200 000 euros, et au premier euro. Nous avons fait un premier pas. J’ai proposé, dans le cadre du débat d’orientation budgétaire, de réfléchir à la question des indemnités de rupture à partir du plafond de la sécurité sociale, c’est-à-dire des indemnités au moins égales à 69 000 euros. Nous aurons l’occasion lors du PLFSS d’y revenir et de prendre des décisions. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Pierre Gosnat. Le problème, c’est que les parachutes dorés n’atterrissent jamais ! Ce sont des parapentes dorés !

(Les amendements nos 562 et 364, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 549.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Lorsque nous proposons que les stock-options soient soumis aux mêmes prélèvements que les salaires, M. le ministre nous répond que les stock-options ne représentent rien aujourd’hui. Il est vrai que ces revenus ne sont pas simples à évaluer. La Cour des comptes, dans son rapport de 2007, estime l’assiette des stock-options en 2005 à 8 milliards d’euros, et leur produit à 3,2 milliards d’euros – nous l’évaluons à 2 milliards, mais je pense que sur une moyenne de longue période, le rapport n’est guère éloigné de la réalité.

Cet amendement vise à relever à 20 % le forfait social appliqué à l’intéressement et à la participation, qui est actuellement de 4 %. En effet, ces dispositifs sont le moyen de faire échapper des revenus aux prélèvements fiscaux et sociaux. Il n’y a aucune raison de faire perdre ainsi des recettes à la sécurité sociale. La justice fiscale consiste à mettre le même taux de prélèvement sur l’ensemble des revenus d’un même montant, quelle que soit leur origine. Ce serait à la fois une mesure de justice sociale et une mesure d’efficacité économique. Je n’ai pas encore vu la moindre démonstration de l’intérêt de mettre à part la taxation pour l’intéressement et la participation.

M. Dominique Dord. Pour vous, il faut tout supprimer, sauf les salaires !

M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des affaires sociales ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Monsieur Muet, la Cour des comptes a revu, il y a quelques jours, ses estimations s’agissant des stock-options. Les évaluations publiées en 2007 étaient évidemment très élevées, et sont complètement datées aujourd’hui. Le chiffre réel des stock-options distribuées en France dans les années 2007, 2008, 2009, c’est 2 milliards par an. Le chiffre est récent et fiable. Je ne vois pas comment vous pouvez trouver autant d’argent sur la base des stock-options et des bonus.

M. Yves Bur. On n’en tirerait que 600 millions d’euros !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Si c’était un débat dans le cadre du PLF ou du PLFSS, ce ne serait qu’une bataille de chiffres, mais ici, nous débattons des retraites, donc d’une recette affectée. Vous avez prévu environ une vingtaine de milliards de recettes à l’horizon 2011, une quarantaine de milliards à l’horizon 2025, mais elles sont rien moins que fiables : elles ne sont pas vérifiables et ne rentreront dans aucune caisse parce que la plupart n’existent pas. Vous ne pouvez pas fonder le financement d’un système de retraite sur de l’argent qui n’existe pas ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.) Je vous le redis : vous ne pouvez pas fonder un financement qui doit être pérenne sur une telle volatilité des ressources.

M. Roland Muzeau. Les riches sont-ils pauvres, monsieur le ministre ?

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Nous venons quand même d’assister à un numéro extraordinaire : un ministre de Bercy nous explique que les évaluations de son ministère concernant la niche Copé ne valent rien du tout !

Ce gouvernement qui prétend faire une réforme des retraites est incapable d’y apporter le moindre financement, de l’étayer par la moindre analyse économique ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Nicolin. Baratin ! Clownesque !

M. Pierre-Alain Muet. Nous discutons d’un sujet sérieux et nos concitoyens ont le droit de savoir !

Dès l’examen de ce projet en commission des finances, au mois de juillet, notre groupe ainsi qu’un autre groupe qui est au centre de cette assemblée ont fait remarquer que ce débat impliquait, au minimum, un collectif budgétaire, afin de savoir où on va.

On aurait dû avoir ce débat dans le cadre d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale, parce que, lorsqu’on prétend résoudre un problème de financement, on a besoin de savoir où on va.

Vous lancez des débats sans donner le moindre chiffre de prévision. Je suis prêt à engager tous les débats que vous voulez sur la cohérence économique de votre projet.

M. Dominique Dord. Et du vôtre ?

M. Pierre-Alain Muet. C’est important : il s’agit d’un sujet qui concerne les dix ou quinze prochaines années.

M. Dominique Dord. Justement !

M. Pierre-Alain Muet. On ne peut pas en parler dans le vide et jouer avec des financements qui n’existent pas

M. Yves Nicolin. C’est ce que vous faites !

M. Pierre-Alain Muet. Je sais bien, monsieur le ministre, que vous considérez que les travaux de Bercy n’ont peut-être pas beaucoup de valeur. Prenons ceux de la Cour des comptes. Alors que nous évaluons à trois milliards d’euros le coût du passage du forfait social à 20 %, la Cour des comptes estime à quatre milliards d’euros le relèvement à 19 % qu’elle préconise dans l’un de ses rapports.

Peut-être notre calcul est-il un peu trop élevé sur l’un et un peu trop faible sur l’autre.

M. Dominique Dord. Ce n’est pas très professionnel ! C’est un peu approximatif !

M. Pierre-Alain Muet. En tout cas, un débat sérieux mériterait d’être étayé par des chiffres, des prévisions et des analyses.

Quand nous expliquons que ce déficit n’a rien à voir avec la démographie puisque la réforme précédente résout le problème jusqu’en 2020, mais qu’il s’agit de trouver des financements nouveaux pour faire face à un déficit de crise, qu’il s’agit de mener une politique de l’emploi pour que la masse salariale croisse et qu’on ne soit pas dans la situation que nous connaissons, je pense que nous posons le vrai débat.

M. Dominique Dord. Ben voyons !

M. Pierre-Alain Muet. Quant à recevoir des leçons, monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que, quand nous étions aux affaires, les comptes sociaux étaient en excédent. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Nicolin. Alzheimer !

M. Pierre-Alain Muet. Non seulement nous avions réduit les déficits, mais nous avions redressé les comptes sociaux et ils étaient en excédent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

(L'amendement n° 549 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 373.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Cet amendement, comme un certain nombre de nos propositions, vise moins à engranger des recettes nouvelles qu’à dissuader certaines pratiques et à réorienter les revenus du capital vers l’emploi et les salaires.

Le Gouvernement serait donc malvenu de nous faire le reproche de fiscaliser le financement des retraites par des contributions nouvelles.

Les deux axes principaux de la proposition de loi que nous avons déposée en mai dernier visent à orienter les bénéfices des entreprises vers l’investissement et l’emploi, en appliquant un dispositif de surcotisation aux entreprises qui privilégient la spéculation et en majorant de 10 % les cotisations patronales des entreprises de plus de vingt salariés comptant plus de 20 % de salariés à temps partiel.

Dans le présent amendement, nous proposons d’instaurer une nouvelle contribution patronale au taux dissuasif de 40 % sur la part variable de rémunération des opérateurs de marché qui excède le plafond annuel de la sécurité sociale, soit 34 620 euros.

Notre amendement vise ainsi à dissuader le versement de bonus somptuaires aux opérateurs de marché, qui s’inscrit dans un mouvement d’ensemble d’individualisation de la rémunération des cadres et d’aggravation des inégalités de revenus au sein des entreprises. Ces pratiques traduisent également l’excessive financiarisation de l’activité économique, c’est le moins que l’on puisse dire.

Vous ne pouvez pas, non plus, ignorer le scandale que constitue le versement de milliards d’euros au traders, en une période où l’on demande aux Français de se serrer plus que jamais la ceinture, où des centaines de milliers de suppressions d’emplois se produisent. En France, 680 000 emplois ont été démolis.

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons à vous ressaisir et à adopter le présent amendement.

M. Pierre Gosnat. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des affaires sociales ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Défavorable.

M. Roland Muzeau. Merci pour les explications !

(L'amendement n° 373 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 312.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Deux réflexions s’imposent sur les stocks options. En un an, celles des entreprises du CAC 40 ont quand même progressé de 175 %. Vous aurez du mal à nous faire pleurer sur ceux qui les touchent.

Monsieur Bur, vous nous dites que les stocks options sont taxées à partir de 200 000 euros, cette somme représente seize ans de SMIC.

M. Yves Bur. Les parachutes dorés, madame !

Mme Martine Billard. Pardon, il s’agit des parachutes dorés dont le seuil de taxation représente seize ans de SMIC. On ne va pas non plus pleurer sur la taxation des parachutes dorés.

Notre amendement propose la suppression du dispositif de réduction des cotisations sociales sur les salaires jusqu'à 1,6 SMIC.

La Cour des comptes a elle-même jugé que rien ne prouvait que ces exonérations aient une quelconque efficacité sur l’emploi. L’effet est d’autant moins prouvé que, basée sur un montant de SMIC, l’exonération est indifférenciée : les entreprises qui exportent sont exonérées de la même façon que celles qui ne peuvent délocaliser. Vous allez ainsi exonérer toutes les entreprises de restauration rapide ou de nettoyage qui ne peuvent pas délocaliser.

Ce système particulièrement absurde et inefficace aboutit seulement à une pression vers le bas sur l’ensemble des salaires, à une « smicardisation » d’une large part du salariat puisque, évidemment, les chefs d’entreprise ne souhaitent plus augmenter les salaires au-dessus du seuil de 1,6 SMIC à partir duquel ils perdent les exonérations de cotisations sociales.

Nous souhaitons supprimer ces exonérations. Elles sont compensées par le budget mais, justement, cela prive l’État de moyens qui seraient beaucoup plus utiles pour financer des investissements et les services publics tels que l’école et la santé qui sont actuellement dans une situation assez déplorable compte tenu des restrictions qui les visent.

M. Pierre Gosnat et M. Roland Muzeau. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des affaires sociales ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Je vais répondre à Mme Billard, sinon elle va me le reprocher.

Mme Martine Billard. Moi, c’est le parti de gauche.

M. Éric Woerth, ministre du travail. D’accord.

Mme Valérie Rosso-Debord. C’est compliqué chez eux !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Le débat sur les allégements de charge est récurrent. Dans la partie « recettes » du projet du Gouvernement, nous avons introduit les modalités de calcul annualisées des allègements de charges qui représentent deux milliards d’euros.

Mme Martine Billard. Voyez, c’est encore plus !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Alléger les charges des entreprises, c’est politiquement correct d’une certaine manière. En revanche, augmenter les charges sur les bas salaires, c’est politiquement incorrect. C’est pourtant exactement ce que vous proposez : augmenter les charges sur les bas salaires…

M. Pascal Terrasse. Ce ne sont pas des charges, ce sont des cotisations.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Les cotisations sont des charges. Cela reviendrait à renchérir le coût des bas salaires…

M. Roland Muzeau. À baisser le déficit !

M. Éric Woerth, ministre du travail.… donc à provoquer des pertes d’emplois, à augmenter le nombre de chômeurs. Il faut faire très attention à cela.

M. Dominique Dord. Bien sûr !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Il serait extraordinairement dangereux pour la société française de ne pas faire attention à cela en période de sortie de crise comme celle que nous traversons.

M. Pierre Gosnat. Pendant la crise, ce n’est pas possible de supprimer les exonérations. Pendant la sortie de crise, ce n’est pas possible non plus !

M. Éric Woerth, ministre du travail. En réalité, les cotisations sociales sont inférieures sur les bas salaires pour rendre ceux-ci plus compétitifs.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. D’abord, je tiens à dire que ce ne sont pas des charges mais des cotisations sociales qui participent, justement, au financement des retraites et de l’assurance maladie.

La Cour des comptes démontre très bien qu’il n’y a aucune preuve que ces exonérations participent à la création d’emplois. Cela poserait un problème en sortie de crise, dites-vous ? Non, parce que cela n’a pas de conséquence sur certains emplois.

À la limite, on pourrait réfléchir à quelques exonérations ciblées, dans des secteurs bien précis. En revanche, les exonérations globales sont d’une inefficacité économique totale.

M. Yves Nicolin. Vous n’en savez rien ! C’est un postulat !

(L'amendement n° 312 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 510.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Christian Hutin. Retirez-le tout de suite !

M. Jean-Luc Préel. À une période où l’on envisage à juste titre de raboter les niches fiscales et sociales, le Nouveau Centre vous propose un coup de rabot afin de concentrer les mesures d’exonérations de cotisations sur les entreprises qui en ont le plus besoin : les petites et moyennes entreprises qui sont d’ailleurs les plus créatrices d’emplois.

En effet, la Cour des comptes a démontré, dans un récent rapport, que les allègements de charges sur les grandes entreprises du secteur protégé étaient inefficaces en termes d’emploi et budgétairement coûteux.

Le présent amendement vise donc à exclure les entreprises de plus de 2 000 salariés de ce dispositif, ainsi qu’à plafonner le coefficient maximal d’exonération à 0,13 pour les entreprises de plus de 1 000 salariés et à 0,065 pour les entreprises de plus de 1 500 salariés.

Ainsi, cette mesure d’économies contribuera à la réduction des déficits de notre protection sociale de l’ordre de 1,5 milliard d’euros.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des affaires sociales ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Même si nous n’aurions pas nécessairement rédigé cet amendement de la même façon, il nous paraît important d’aller vers une modulation des exonérations de cotisation en fonction de la taille des entreprises.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Ce n’est pas un problème de taille d’entreprise !

Mme Marisol Touraine. À l’évidence, toutes les entreprises ne sont pas placées à égalité en ce qui concerne leur compétitivité.

Nous voterons pour cet amendement, même s’il nous semble que d’autres mécanismes de modulation pourraient être envisagés.

M. le président. La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur. Je voudrais quand même rappeler quelques vérités car, avec Gérard Bapt, j’ai eu l’occasion de mener une mission d’information sur le sujet.

M. Pierre Gosnat. Une mission d’information, ça ne coûte pas cher !

M. Yves Bur. La direction générale du Trésor et de la politique économique et la DARES ont conclu que les exonérations de charges permettaient de sauvegarder environ 800 000 emplois.

C’est à peu près le consensus. M. Issindou qui faisait partie de la mission peut en témoigner. Nous avons consulté tous les syndicats, leur demandant s’ils souhaitaient la suppression de ce dispositif. Aucun ne nous a dit qu’il fallait le supprimer !

M. Pascal Terrasse. Ce n’est pas ce qu’a dit Marisol Touraine !

M. Yves Bur. Le dispositif a un certain coût, mais il est estimé à 10 000 euros par emploi créé ou sauvegardé.

M. Pierre Gosnat. C’est faux !

M. Yves Bur. Ces 10 000 euros servent d’abord à ceux qui ont peu de qualifications et leur permettent d’avoir un emploi.

En réaction à l’intervention de mon ami Jean-Luc Préel, je voudrais dire qu’il faut cesser, dans ce pays, de considérer qu’une entreprise de 2 000 salariés est une grande entreprise. Chez nos voisins allemands, une entreprise de 2 000 personnes est une PME.

Mme Marisol Touraine. Et en France ?

M. Pierre Gosnat. Vous avez tout cassé !

M. Yves Bur. Et l’Allemagne défend ses PME ! Ici, une entreprise de 2 000 salariés est déjà considérée comme le diable. C’est inacceptable ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, il y a trois ans, nous avions demandé à la Cour des comptes de faire une étude sur les incidences économiques des exonérations de charges sociales – 42 milliards d’euros à l’époque –, sujet que soulève notre collègue.

À l’époque, la Cour des comptes nous a rendu une note intéressante que, peut-être, beaucoup d’entre vous ont lue.

M. Jean-Claude Sandrier. Absolument !

M. Charles de Courson. Que dit-elle grosso modo ? Qu’aucune étude ne montre l’efficacité d’une partie de ces aides, et notamment dans beaucoup de grandes entreprises.

Mes chers collègues, de quel bord que vous soyez, pensez-vous un seul instant que les exonérations de charges patronales dont bénéficient Total ont une quelconque conséquence sur la politique d’emploi de ce groupe ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je cite Total parce que c’est l’entreprise qui gagne 17 milliards d’euros par an de bénéfices. L’effet est totalement négligeable !

M. Christian Hutin. Le député de Dunkerque vous remercie !

M. Charles de Courson. La Cour des comptes avait montré que dans les grandes entreprises de distribution ce système aboutit à créer une trappe aux bas salaires.

M. Roland Muzeau. Et voilà ! Ce n’est pas difficile à dire ! Même tardif, un aveu est un aveu !

M. Charles de Courson. Pierre Méhaignerie s’est toujours passionné pour ce sujet. C’est vrai que cela incite à maintenir des salaires proches du SMIC dans la grande distribution. De quel que bord que l’on soit, on voit bien que se pose un énorme problème.

Pour notre part, nous avons proposé trois choses, monsieur le ministre. Premièrement, l’annualisation que vous avez retenue pour le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Deuxièmement, nous avons proposé de descendre lentement le plafond de 1,6 à 1,55 puis à 1,50.

Nous savons que 40 % des salariés français se situent en dessous de 1,6 SMIC. Est-il raisonnable de fixer un plafond aussi élevé ? Nous l’avons déjà abaissé un peu ; continuons à le faire, progressivement.

La troisième mesure est celle que vient de présenter Jean-Luc Préel. Il s’agit d’un amendement de réflexion. Posons-nous en effet la question : faut-il continuer à alimenter des entreprises extrêmement rentables, qui n’ont absolument pas besoin de ces allégements de cotisations ? Je conviens que notre amendement est un peu brutal, mais il est destiné à faire réfléchir. Peut-être faut-il retenir d’autres critères, les bénéfices par exemple.

En tout état de cause, notre pénurie budgétaire est telle que nous n’avons plus que des dettes. Il serait donc temps que nous nous attaquions à cette dépense publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Ce qu’a dit M. Bur, qui a eu la gentillesse de me citer, n’est pas complètement faux. Toutefois, la fourchette se situe entre 300 000 et 1,5 million. Le chiffre de 800 000 correspond donc à une moyenne car, en réalité, nous n’en savons fichtre rien : il s’agit d’une estimation globale.

Quoi qu’il en soit, je me réjouis des propos de M. de Courson. Il nous a, paraît-il, assassinés il y a quelques jours ; aujourd’hui, il dit des choses particulièrement sensées. À preuve, nous avons reçu, ces derniers jours, d’un syndicat de patrons d’entreprises de nettoyage, un courrier dans lequel on nous prévient que si nous supprimons les allégements de charges sur les bas salaires – les menaces arrivent –, 80 000 emplois seront supprimés dans le secteur du nettoyage. Soyons sérieux, le nettoyage continuera à se faire dans ce pays ; ces emplois ne sont pas délocalisables. Ce type d’arguments n’est pas valable.

Quant à Pierre Méhaignerie, il nous dit, depuis deux ou trois ans, que l’on va étudier la question dans le cadre du PLFSS. Cette année, il va falloir l’étudier de très près ! Nous pourrions, comme l’a indiqué Charles de Courson, abaisser progressivement le plafond, de 1,6 à 1,5 puis à 1,4 SMIC. Je crois que ce serait une bonne manière d’évaluer l’efficacité du dispositif. La Cour des comptes a fait des préconisations en ce sens. Il ne faut pas l’écouter uniquement quand ça nous arrange. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, je ne veux pas prolonger les débats, mais j’ai trouvé, pour une fois, que Charles de Courson y allait un peu fort. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Regardons la compétitivité des entreprises françaises et les mesures prises par l’Allemagne pour revenir à un taux de chômage inférieur à 5 %.

M. Régis Juanico. Ils ont encouragé le partage du temps de travail. Vous ne voulez pas faire la même chose ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Parmi les mesures progressives que nous pourrions prendre, nous allons en proposer une, cette année, qui nous permettra d’économiser 2,2 milliards : la suppression du treizième et du quatorzième mois. Il s’agit de mettre ainsi sur un pied d’égalité les entreprises qui travaillent sur douze mois et celles qui donnent un treizième, voire un quatorzième mois, et de réduire ainsi les contournements de la législation.

Mais, comme l’a dit Yves Bur, arrêtons de faire une différence entre les entreprises de 50, de 200 et de 2 000 salariés. Cette philosophie du « petitisme » nous conduit à une situation économique qui n’est pas digne de la France. Nous avons un potentiel économique que nous ne mettons pas suffisamment en valeur.

J’ajoute que le Président de la République a indiqué à ce sujet qu’il ne fallait pas modifier trop souvent la législation. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.) L’allégement des cotisations sur le travail a été un élément important, qui a permis, même si les chiffres sont variables, le maintien de 300 000 à 600 000 emplois.

M. Pascal Terrasse. Des emplois peu ou pas qualifiés !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Je voulais donc dire à l’ami Charles de Courson, avec qui je suis très souvent d’accord, que, ce soir, il y était allé un peu fort.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Puisque M. le président de la commission des affaires sociales vient de rappeler que le Gouvernement et la majorité allaient proposer de revenir sur l’annualisation du calcul des cotisations, je tiens à rappeler que le groupe SRC avait proposé cette mesure l’année dernière et qu’elle avait été repoussée au nom des mêmes arguments que ceux que l’on oppose ce soir à M. Préel.

Ainsi, ce qui était mensonge hier devient vérité aujourd’hui. Manifestement, la majorité a au moins une année de retard dans sa réflexion, et on peut prendre le pari qu’elle acceptera l’année prochaine ce qu’elle refuse aujourd’hui. Peut-être pourrait-elle aller un peu plus vite.

(L'amendement n° 510 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 313 rectifié.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Les propos du président Méhaignerie ne sont pas tout à fait exacts. Ce qui pèse sur les entreprises, ce ne sont pas les cotisations sociales, c’est la ponction opérée par les actionnaires pour augmenter leurs dividendes, ponction qui, en huit ans, est passée de 25 % de la richesse créée par ces entreprises à 36,2 %. Aujourd’hui, les revenus financiers et les intérêts versés aux banques par les entreprises représentent plus du double des cotisations sociales. Regardez plutôt de ce côté-là lorsque vous évoquez la compétitivité des entreprises !

L’amendement n° 313 rectifié vise à revenir sur les exonérations de charges sociales sur les heures supplémentaires, votées en août 2007 dans le cadre de la loi TEPA, qui représentent un manque à gagner pour les finances de l’État d’environ 4 milliards d’euros par an. Nous avons toujours combattu cette mesure emblématique du « Travailler plus pour gagner plus » qui, au prétexte d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés, d’une part, permet aux employeurs de réduire leur taux global de cotisations sociales et d’imposition et, d’autre part, a pour conséquence de réduire les droits à pension des salariés eux-mêmes. En outre, cette mesure freine l’embauche, dans une période de chômage aggravée par la crise, donc empêche l’encaissement des cotisations sociales correspondantes. C’est peu dire que cette mesure pèse lourdement sur l’équilibre de nos comptes sociaux.

L’Observatoire français des conjonctures économiques vient de faire paraître une analyse, d’où il ressort qu’augmenter la durée du travail en jouant sur les heures supplémentaires quand le chômage baisse et que l’on est proche du plein-emploi peut avoir un certain sens économique, mais que le faire en période de creux d’activité est une catastrophe. Dans le même rapport, on peut lire que cette incitation aux heures supplémentaires, qu’elle soit faite en situation de conjoncture haute ou basse, coûte à l’État et creuse le déficit et que le supplément d’activité et de création d’emplois que l’on peut avoir en situation de conjoncture haute ne permet pas de combler le choc initial sur les finances publiques. L’OFCE ajoute que, si l’on finance ce dispositif d’heures supplémentaires, il faut alors ajouter l’impact des mesures de financement, et là, on n’est plus sûr du résultat positif : cela peut avoir un effet récessif et amputer la croissance.

À l’heure où la Cour des comptes se prononce, dans son rapport du 8 septembre 2010, en faveur d’une réduction à hauteur de 15 milliards d’euros des niches sociales pour remédier à la dégradation de la situation de la sécurité sociale, l’exigence de supprimer cette mesure inique est plus que jamais d’actualité. Tel est le sens de notre amendement.

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. La mesure de subvention des heures supplémentaires au moment où notre pays traverse la récession la plus grave de l’après-guerre restera comme un cas d’école que l’on évoquera lorsque l’on enseignera les erreurs économiques. Vous subventionnez à la fois le chômage partiel et les heures supplémentaires, lesquelles empêchent la création d’emplois et en détruisent. Une étude récente montre ainsi que cette mesure, dont le coût est de 3 milliards, crée 90 000 chômeurs de plus.

Puisque M. Méhaignerie fait beaucoup de comparaisons avec l’Allemagne, je l’invite à comparer la situation du chômage en France et chez notre voisin. En juin 2008, le taux de chômage harmonisé était de 7,5 % dans les deux pays : aujourd’hui, nous sommes au-delà de 10 %, alors que l’Allemagne est en dessous de 7,5 %. Que fait l’Allemagne ? Elle ne mène pas une politique idéologique ; elle prend des mesures adaptées à la conjoncture.

Mme Claude Greff. Ce qui n’est pas votre cas !

M. Pierre-Alain Muet. Elle a ainsi laissé les entreprises recourir à la réduction du temps de travail quand c’était possible. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais oui ! Votre politique économique – et cela explique tous les malheurs économiques du Gouvernement – n’a qu’un seul guide, l’idéologie, et vous ne prenez jamais en compte la situation conjoncturelle. Or, celle-ci n’est pas la même qu’il y a trois ans.

Mme Claude Greff. C’est pour cela que nous reportons l’âge de la retraite à soixante-deux ans !

M. Pierre-Alain Muet. N’importe quel gouvernement doté d’un minimum d’intelligence aurait adapté sa politique. Vous, non ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Encore une fois, qu’a fait l’Allemagne ? Elle a réduit le temps de travail et massivement utilisé le chômage partiel. En dépit de la crise, qui a provoqué chez nos voisins une récession plus forte qu’en France en raison de leur plus grande ouverture au commerce international, le taux de chômage allemand n’a pas augmenté.

Eh bien, si ce gouvernement avait un minimum d’intelligence économique, il supprimerait certaines mesures, dont les exonérations sur les heures supplémentaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Georges Tron, secrétaire d’État. C’est une plaisanterie !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Monsieur Muet, l’Allemagne a repoussé l’âge de la retraite à soixante-sept ans (Protestations sur les bancs du groupe SRC),…

M. Pascal Terrasse. Ce n’est pas vrai. Ce n’est pas sérieux !

M. Éric Woerth, ministre du travail. …elle a gelé les retraites des Allemands et les prélèvements obligatoires y sont de sept points inférieurs à ceux de la France. Si c’est ce que vous voulez, dites-le ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. C’est extraordinaire, monsieur le ministre. Voilà qui illustre parfaitement votre politique : il nous faut répondre à un problème conjoncturel, et vous prenez des mesures démographiques qui produiront des effets dans quinze ans ! Est-ce sérieux ? La politique de l’Allemagne en matière de retraites n’a rien à voir avec sa politique conjoncturelle. Aujourd’hui, le problème que nous devons régler est celui du déficit des retraites, qui est en grande partie due à la crise. Menez donc une politique économique sérieuse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. J’essaie de me contenir et de ne pas trop intervenir, mais M. Muet commet à chaque fois des erreurs. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur Muet, quelles ont été les mesures prises ces dernières années en Allemagne pour assurer la compétitivité des entreprises ? Les prestations sociales ont diminué, les dépenses d’assurance maladie ont été moins bien remboursées et la TVA a augmenté. Et vous osez citer l’Allemagne en exemple ! Dans tous les pays européens, on nous dit que le montant énorme de nos prestations sociales et la taille de notre État providence – 590 milliards d’euros – ont atteint un niveau tel qu’ils peuvent asphyxier l’emploi.

Vous répétez exactement l’inverse depuis des jours et des jours, et je suis fatigué de vous entendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je me félicite que nous ayons, pour une fois, un débat de politique économique.

Mme Claude Greff. Mais vous ne comprenez rien !

M. Pierre-Alain Muet. Avec votre réforme, vous prétendez résoudre des déficits qui, paraît-il, ont vingt ans d’avance – 30 milliards d’euros de déficit dus à la crise. Parlons sérieusement, monsieur Méhaignerie : en termes de compétitivité, il y a eu une période où la France a fait des gains de compétitivité tous les ans. Regardez les chiffres : cette période, c’était de 1997 à 2002. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP. – « Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Je sais que cela vous ennuie, mais ce n’est pas en criant que vous changerez les statistiques ! Alors que l’excédent de notre balance courante était situé entre 20 et 30 milliards d’euros tous les ans (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), aujourd’hui, nous avons un déficit de 40 milliards d’euros ! Alors, pas de leçons, s’il vous plaît ! Regardez la situation en France, vous avez beaucoup de choses à apprendre en matière de politique économique !

Mme Claude Greff. Vous n’y connaissez rien !

(L’amendement n° 313 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 575.

La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Les différentes mesures de financement que nous vous proposons constituent un plan cohérent et équilibré. Certes, l’amendement n° 575 n’est pas le plus populaire, donc pas le plus facile à défendre (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais nous prenons nos responsabilités et vous avez beau dire que nous n’avons pas de projet, cela fait tout de même deux heures que nous parlons du projet de financement de notre plan !

Mme Valérie Rosso-Debord. C’est un mauvais projet !

M. Yves Bur. Des impôts, toujours des impôts !

M. Christian Eckert. Ce que nous vous proposons, c’est d’augmenter progressivement et modestement les cotisations salariales et patronales – de 0,1 point chaque année entre 2012 et 2021 –, ce qui permettra de dégager 12 milliards d’euros en 2025. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Votre projet est dangereux, monsieur Eckert, sur le plan économique (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Christian Eckert. Ah, c’est donc un projet, finalement !

M. Éric Woerth, ministre du travail. …comme sur le plan de l’emploi. Il est donc également dangereux sur le plan du financement des retraites. Ce que vous proposez, c’est un choc fiscal et social de plus d’un point et demi de PIB. Vous parliez tout à l’heure de macroéconomie : en l’occurrence, vous allez infliger à la France et aux Français plus d’un point et demi de PIB de prélèvements supplémentaires. Puisque vous aimez faire référence à l’Allemagne, il y a cinq à six points de différence entre l’Allemagne et la France en termes de prélèvements obligatoires. Si vous souhaitiez que notre pays stagne dans la crise, que le chômage augmente et qu’ainsi, le déficit des retraites se prolonge, vous ne proposeriez pas autre chose ! En outre, proposer d’augmenter les cotisations sociales de cette façon, c’est évidemment diminuer le pouvoir d’achat des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Nous avons là un débat extrêmement intéressant sur le coût du travail. J’entends régulièrement, provenant des bancs de droite, notamment de M. Méhaignerie, l’argument selon lequel la France serait en retard par rapport à ses voisins qui, en démantelant la protection sociale, ont réussi à atteindre une compétitivité beaucoup plus forte.

M. Dominique Dord. C’est M. Muet qui veut sans cesse comparer la France à l’Allemagne !

M. Alain Vidalies. Ainsi, cet État « socialisé » qu’est la France, même après dix ans de pouvoir de droite, se trouve dans un état lamentable ! C’est là un point de vue d’un dogmatisme confondant ! Je ne vais pas essayer de vous convaincre avec des textes du parti socialiste ou de ses experts, mais avec un document que vous trouverez sans doute beaucoup plus intéressant, à savoir un article du Monde Économie du 24 mars 2010, intitulé « Le coût du travail est plus élevé au Royaume-Uni ou en Allemagne qu’en France » et consistant en un entretien avec Mme Mathilde Lemoine, directrice des études économiques et de la stratégie des marchés de la banque HSBC, membre de la commission économique de la Nation et du Conseil d’analyse économique.

M. Pascal Terrasse. Donc nommée par le Premier ministre !

M. Alain Vidalies. À la question : « Le coût du travail est fréquemment désigné comme un handicap pour le développement de l’emploi industriel en France. Est-ce aussi votre point de vue ? », Mme Lemoine répond : « La hausse – plus importante depuis 2000 – du coût du travail français par rapport au coût du travail allemand est systématiquement mise en avant. Mais en réalité, le coût du travail français reste inférieur à celui du travail allemand. En effet, si, en France, les cotisations patronales versées pour une heure de travail sont supérieures à ce qu’elles sont en Allemagne, le salaire y est inférieur. Au total, le coût d’une heure de travail est donc plus bas en France qu’en Allemagne, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et bien entendu au Danemark, en Suède ou au Luxembourg.

Par ailleurs, il ne faut pas limiter la question de la désindustrialisation à celle du coût du travail. La compétitivité passe aussi par l’innovation et le service, qui sont autant d’éléments permettant de rester compétitif (…)

Il est faux de croire que l’industrie de demain n’a pas besoin d’une main-d'œuvre de qualité et payée à la hauteur de sa productivité. La flexibilité de la main-d'œuvre du secteur privé ne peut être un objectif. »

Mes chers collègues de la majorité, je vous laisse méditer sur ces paroles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n° 575 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 317.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Avec ces amendements après l’article 20 bis, nous sommes au cœur d’un sujet extrêmement important, celui du financement. Depuis des mois, Gouvernement et majorité ânonnent que pour sauver notre système de retraites, le choix ne peut porter que sur la baisse des pensions, l’augmentation des cotisations, ou des mesures démographiques. Le levier de l’emploi et des salaires, pourtant essentiel dans la construction et la consolidation de notre modèle social fondé sur la répartition, n’apparaît jamais dans cette liste ! Les députés communistes et du Parti de gauche affirment que le champ des possibles ne se résume pas à ces seules trois pistes !

Notre amendement, issu de la proposition de loi que nous avons déposée, porte une proposition de fond. Je ne vais pas entrer dans le détail de la description du dispositif que vous avez – nous n’en doutons pas – étudié avec le plus grand intérêt. Il s’agit de mettre en place un dispositif incitatif de modulation des cotisations patronales d’assurance vieillesse en fonction des choix des entreprises en matière de répartition des richesses. Les entreprises privilégiant une répartition des richesses en faveur du capital et au détriment de l’emploi, des salaires et de la formation professionnelle sont soumises à deux cotisations additionnelles d’assurance vieillesse.

Il ne s’agit pas, comme le Gouvernement et la majorité tentent de le faire croire, d’un matraquage fiscal. Ce n’est pas un dispositif répressif, mais au contraire une mesure incitative, presque pédagogique : il s’agit, ni plus ni moins, de rééduquer les entreprises qui font leurs choux gras des conditions d’emploi dégradées et de la casse sociale – toujours pratiquée au nom de la compétitivité.

Avec une telle mesure, des entreprises telles que Continental, Molex, la Raffinerie des Flandres, et bien d’autres, conserveront – rassurez-vous – le droit de licencier sans motif réel et sérieux, mais devront toutefois en payer le prix social. Car ce n’est pas aux travailleurs qui contribuent à la création des richesses de ces sociétés, ni à la nation, de payer le prix de la gestion antisociale des premières et des errements économiques de ce gouvernement et de sa majorité.

Monsieur le ministre, l’argument de la compétitivité de nos entreprises ne tient pas une seule seconde, puisque les entreprises vertueuses, les entreprises en difficulté, ou même celles dont les résultats stagneraient ne seraient pas concernées par notre mesure. Seules seront assujetties à ces cotisations additionnelles celles des entreprises qui, de licenciements en délocalisations, font leurs gains de compétitivité dans le lit de la casse sociale ; celles qui servent à leurs actionnaires des dividendes à des niveaux indécents tout en refusant d’augmenter les salaires de leurs travailleurs ; celles qui affichent des bénéfices, mais qui se refusent à les réinvestir, ne serait-ce que dans la formation de leurs salariés.

Ces voraces économiques, que ce gouvernement et cette majorité soignent comme s’il s’agissait de la poule aux œufs d’or, font partie des fauteurs de crise, cette crise qui motive votre réforme, supportée – nous n’avons pas fini de vous le rappeler – à 90 % par les salariés. Les députés communistes, républicains et du Parti de gauche, tout comme des millions de salariés dans ce pays, refusent cette nouvelle injustice.

La question de l’emploi, de la réduction du sous-emploi et de la revalorisation des salaires, est une clé essentielle du financement des retraites et de la protection sociale en général. Sur ces thèmes centraux, vous oscillez entre un silence assourdissant et des déclarations incantatoires qui confinent à l’irresponsabilité politique.

Ainsi, contrairement à tout que nous entendons dans ce débat, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche ne se contentent pas d’aménager l’existant : ils vous proposent un dispositif novateur permettant, en un temps relativement court, de financer notre système de protection sociale – ce que votre réforme, pas plus que celle de 2003, ne parviendra à faire – en incitant les entreprises à mener une politique en faveur de l’emploi, des salaires et de la formation, et en désintoxiquant l’économie.

M. Pierre Gosnat. Bravo !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Défavorable.

M. Roland Muzeau. Merci pour les explications !

(L’amendement n° 317 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 390 et 497, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Pierre Gosnat, pour soutenir l’amendement n° 390.

M. Pierre Gosnat. Je me disais tout à l’heure, en écoutant M. Méhaignerie, que le divorce entre ce qui se dit ici et ce qui se passe dans le pays était de plus en plus évident. Quand vous dites, monsieur Méhaignerie, que ce qui asphyxie l’emploi en France, ce sont les charges sociales, les augmentations de salaire, bref, tout ce qui contribue à la politique sociale, je crois que vous êtes complètement à l’ouest de la réalité !

M. Yves Bur. Et vous, vous êtes à l’est !

M. Pierre Gosnat. Ce qui s’est passé la semaine dernière dans ce pays va continuer. J’ai rencontré, aujourd’hui encore, un certain nombre de salariés, et je peux vous dire que la révolte est en train de monter très fortement. Face à la réalité, il n’est plus possible de tenir des propos tels que les vôtres ! Qui encourage la décentralisation des entreprises, la financiarisation de l’économie, les gâchis, l’augmentation des inégalités sociales ? Vous devez avoir tout cela en tête, mes chers collègues, car le débat ne s’est pas terminé dans la nuit de vendredi à samedi dernier : le mécontentement persiste, et ne fait que grandir ! Tout ce que vous dites aujourd’hui est écouté, et l’injustice est criante ! Quand vous ne voulez pas mettre en cause les parachutes dorés, quand vous continuez à protéger les milliardaires, les profiteurs, tous ceux qui vivent dans la richesse la plus absolue…

M. Yves Bur. Quelle caricature !

M. Patrick Roy. C’est la vérité !

M. Pierre Gosnat. …alors que certaines personnes vivent avec un minimum, c’est cela qui fait parler dans le pays !

Depuis 2001, le prélèvement social de 2 % sur les revenus des capitaux est affecté au financement du risque vieillesse selon la répartition suivante : 5 % au Fonds social vieillesse, 30 % à la CNAV et 65 % au Fonds de réserve pour les retraites. Cela constitue une forme de sécurité dans un système bouleversé et déstabilisé.

Oui, nous sommes opposés à votre intention de puiser dès à présent dans ce fonds dans l’unique but de donner un semblant de crédibilité au financement de votre projet. Il faudra répondre sur ce point, monsieur le ministre : selon nous, vous êtes dans l’incapacité de donner de la crédibilité au bouclage de votre projet.

La mission première du Fonds de réserve des retraites est, en effet, de prendre en charge une partie des dépenses des régimes de base du secteur privé à compter de 2020, au moment du plein impact du choc démographique. Nous sommes donc particulièrement attachés à sa préservation, même si le montant des actifs ne s’établit qu’à 33 milliards d’euros…

M. Dominique Dord. À quoi sert-il de creuser les déficits en 2010 ? C’est grotesque !

M. Pierre Gosnat. …bien en deçà des objectifs initiaux, qui prévoyaient de porter progressivement ce fond à 150 milliards d’euros d’ici à 2020. Vous êtes responsable de cela !

La faute en incombe à votre majorité, qui n’a jamais souhaité abonder ce fonds. Non seulement, donc, nous nous opposons à ce hold-up que vous vous apprêtez à commettre en faisant main basse sur le fonds de réserve pour les retraites, mais nous proposons d’abonder ce fonds en prévoyant notamment de porter de 2 % à 12 % le taux du prélèvement social sur les revenus des capitaux mobiliers et les plus-values, gains et profits réalisés sur ces marchés financiers que M. Méhaignerie voulait tant préserver !

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Il s’agirait d’une augmentation extrêmement brutale, le taux passant de 2 % à 12 %. Le Gouvernement ne peut évidemment la cautionner.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour présenter l’amendement n° 497.

M. Charles de Courson. Une nouvelle fois, le groupe Nouveau Centre pose un problème dont on discute beaucoup en commission des finances. Il est le suivant : la pression fiscale sur les revenus du travail est-elle cohérente avec l’imposition des revenus du patrimoine ? La réponse de la commission des finances est très clairement négative.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Exactement !

M. Charles de Courson. Sur les revenus du patrimoine, le taux est de 18 %, auxquels il faut ajouter 13 % incluant la CSG, la CRDS et les points supplémentaires. On est donc à 31 %.

Or, sur les revenus de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu, on est à 40 %, plus 8 % de taux de CSG et CRDS, ce qui fait 48 %. L’écart est donc de 17 points, ce qui n’est pas raisonnable. Le Gouvernement, dans le cadre des mesures de redressement, a proposé une augmentation d’un point, ce qui est modeste. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

À travers le présent amendement, nous proposons un relèvement de cinq points ce qui est raisonnable. Cette augmentation ne serait pas excessive et porterait le taux de 31 % à 36 %, face à 48 %. Certes, on peut discuter pour savoir s’il faut prévoir un relèvement de quatre ou bien de cinq points, mais le sens de l’amendement du Nouveau Centre est d’inciter le Gouvernement à aller un peu plus loin que ce qu’il propose.

Il convient certes d’aller lentement et d’éviter des sauts brutaux comme le proposent certains de nos collègues, mais la direction est la bonne : il faut imposer davantage les revenus du patrimoine pour se rapprocher du taux qui frappe les revenus du travail, parce que nous n’avons pas aujourd’hui une situation équilibrée. À cet égard, je m’adresse à mes collègues de l’opposition pour leur dire qu’ils ont trop baissé la pression fiscale sur les revenus du patrimoine quand ils ont été au pouvoir pendant cinq ans. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !

M. Charles de Courson. Cette erreur, chers collègues, est partagée : vous n’êtes pas les seuls à l’avoir commise. Essayons maintenant d’aller dans le sens d’une plus grande équité et de relever le taux, sans trop de brutalité, pour revenir à un niveau plus réaliste et plus cohérent.

M. Jean-Pierre Brard. Quelle générosité ! C’est le bon samaritain !

M. Charles de Courson. Nous en reparlerons longuement, monsieur le ministre, à l’occasion de la loi de finances, puisque c’est dans celle-ci, ou bien dans la loi de financement de la sécurité sociale, que vous allez proposer un relèvement. Il serait cependant d’ores et déjà intéressant de savoir si le Gouvernement envisage d’aller au-delà d’un point.

(Les amendements nos 390 et 497, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de l’amendement n° 316 rectifié.

M. Roland Muzeau. Il est défendu !

(L’amendement n° 316 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue, pour défendre l’amendement n° 99.

M. Christian Hutin. Vous avez vingt-deux secondes pour le défendre ! (Sourires.)

M. Daniel Garrigue. En principe, ce projet de loi a vocation à traiter l’ensemble des problèmes de retraite. Or nous savons que, parmi les régimes de retraite, il en est un qui pose des problèmes d’équité particulièrement importants : celui des retraites agricoles, qui présente au moins deux anomalies graves.

La première réside dans le système des minorations, qui fait que, en dessous d’un certain seuil, les retraités perdent rapidement tous leurs droits, c’est-à-dire que les pensions ne sont pas proportionnelles au nombre d’années pendant lesquelles ils ont travaillé. Ce phénomène affecte tout particulièrement les polypensionnés.

La seconde tient au fait qu’un grand nombre de personnes dans ce régime, particulièrement les conjoints et les veufs, ont aujourd’hui des pensions qui sont au-dessous du seuil de pauvreté, même si l’on a institué un minimum lequel, en réalité, est soumis à des critères tels que très peu de personnes ont pu en bénéficier.

Le rôle du Parlement – on ne le sait que trop avec l’article 40 – n’est pas de créer des dispositifs permettant de corriger des injustices. Toutefois, il est possible de trouver des recettes nouvelles qui pourraient permettre d’apporter au moins un minimum de réponses. C’est l’objet de cet amendement, qui vise à répartir autrement et à augmenter les droits sur le tabac. Cela permettrait de dégager environ 220 millions d’euros en l’espace de trois ans.

(L’amendement n° 99, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 57, 58 et 59, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

La parole est à Mme Françoise Branget, pour les soutenir.

Mme Françoise Branget. Il conviendrait de ne pas exclure des cotisations sociales les revenus perçus sous forme de dividendes, sans toutefois pénaliser les petites entreprises et leurs outils de travail. C’est pourquoi nous proposons d’assujettir aux cotisations sociales les dividendes excédant 50 000 euros annuels, tout en exonérant les personnes exerçant des fonctions dans l’entreprise.

Il s’agit par ailleurs de prendre dans l’assiette des cotisations sociales les indemnités de chômage et les indemnités journalières excédant le seuil de l’équivalent du SMIC, c’est-à-dire 1 343,77 euros par mois.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Défavorable, madame Branget, car il faut bien faire attention : les dividendes sont des revenus tout à fait particuliers, qui contribuent au financement de la sécurité sociale.

Ils sont soumis à la CGS, à la CRDS et aux 2 % sur le capital dont parlait M. de Courson, ainsi qu’au 1 % – environ – au titre du RSA. L’ensemble représente 12,1 %. Les dividendes sont donc déjà fortement taxés. Or ils représentent la rémunération du capital. Si l’on souhaite favoriser les investissements dans des entreprises, il faut évidemment que les dividendes suivent. J’ajoute qu’il y a aussi le prix du risque.

Je pense qu’il ne faut pas soumettre les dividendes au même type de taxation que les salaires : ce sont des revenus de nature très différente. D’ailleurs, ils ne sont pas contributifs.

En ce qui concerne les autres amendements, je ne peux pas non plus partager votre avis. Sous réserve de ces explications, je souhaite que vous retiriez ces amendements.

M. le président. Madame Branget, accédez-vous à cette demande ?

Mme Françoise Branget. Oui, monsieur le président, je les retire.

(Les amendements nos 57, 58 et 59 sont retirés.)

M. le président. Nous en venons à l’amendement n° 242.

M. Alain Vidalies. Il est défendu !

(L’amendement n° 242, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Monsieur le président, je vous demande au nom de mon groupe une suspension de séance de quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante, est reprise à vingt-trois heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 21 A

(précédemment réservé)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, inscrit sur l’article.

M. Jean-Luc Préel. Comme vous le savez certainement, nous souhaitons aller vers l’équité ; nous défendons donc, depuis le début de cette discussion, le principe simple d’un régime universel à points, à comptes notionnels, géré par les partenaires sociaux, afin que chacun bénéficie notamment des mêmes prestations et des mêmes taux de cotisation.

Le Gouvernement, qui y est également favorable dans l’esprit, préfère le réserver à une période ultérieure. En attendant, nous désirons la création d’une caisse de retraite des fonctionnaires.

Depuis la réforme de 2003, il existe à Bercy un service qui compte les recettes et les dépenses ayant trait aux retraites des fonctionnaires. Cela constitue un vrai progrès. Nous souhaitons vivement qu’une véritable caisse de retraite des fonctionnaires soit mise en place. Gérée par les partenaires sociaux, elle permettrait une meilleure transparence, et nous autoriserait à connaître ce qui rentre et ce qui sort effectivement chaque année des caisses de l’État.

Les partenaires sociaux n’y seraient semble-t-il pas favorables. Cependant, nous ne voyons pas pourquoi ils y seraient opposés : le service existe déjà, et je les crois favorables à une véritable transparence.

J’espère qu’il sera possible de créer cette caisse de retraite des fonctionnaires. Puisque nous ne pouvons pas la créer par amendement, cet article – issu d’un amendement voté en commission – prévoit simplement de demander au Gouvernement un rapport sur sa mise en place. Je pense donc que nous allons progresser en ce sens.

M. le président. Je suis saisi de l’amendement n° 180.

M. Roland Muzeau. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rosso-Debord.

Mme Valérie Rosso-Debord. Monsieur le président, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinquante, est reprise à vingt-trois heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 21 A

(précédemment réservé – suite)

M. le président. Nous en venons au vote sur l’amendement n° 180.

(L'amendement n° 180, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 21 A est adopté.)

Article 21

(précédemment réservé)

M. le président. Deux orateurs sont inscrits sur cet article.

La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Cet article prévoit ce que vous appelez la « convergence » des taux de cotisation entre les salariés du privé et les fonctionnaires. Cette histoire de taux de cotisation des fonctionnaires n’a d’ailleurs pas grand sens : l’organisation des retraites, vous le savez bien, est entièrement différente puisque les retraites des fonctionnaires dépendent de la contribution de l’État.

Vous ne tenez aucun compte de l’argument du pouvoir d’achat : celui-ci serait pourtant mis en cause par la hausse brutale des cotisations que vous envisagez. Il y a quelques instants, nous avons proposé une augmentation beaucoup plus modérée – 0,1 % contre 3,85 % dans votre cas – et étalée sur dix ans des cotisations des salariés du privé et des fonctionnaires, en n’excluant donc aucune catégorie par principe. Or vous, vous y êtes opposés en soulignant que cela vous semblait d’une très grande dangerosité pour le pouvoir d’achat des Français. Pourquoi cela devient-il maintenant une exigence ? Comment cette augmentation-ci pourrait-elle ne pas remettre en cause le pouvoir d’achat et la consommation de nos concitoyens, dans une période où notre pays a besoin de cette consommation ?

Dans notre proposition, nous avions décidé de n’engager la hausse des cotisations qu’à partir de 2012, précisément pour donner le temps à notre économie de repartir véritablement, alors que vous engagez le processus dès maintenant.

Sur le plan de l’équité, cela nous paraît très contestable ; sur le plan des principes, cela n’a pas beaucoup de sens. Vous prenez un certain nombre d’éléments du système de la fonction publique sans le rapporter à l’ensemble de l’organisation du régime des fonctionnaires ; à un moment où vous gelez les salaires des fonctionnaires, vous ne trouvez rien de mieux à faire que de diminuer leur pouvoir d’achat et leurs revenus. Cela nous paraît aussi injuste socialement et mauvais économiquement.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Je ne reprends pas la démonstration de Marisol Touraine, mais je pose la même question à M. le ministre et à M. le secrétaire d’État.

La question de la retraite des fonctionnaires, j’y insiste, ne se pose bien sûr pas dans les mêmes termes que celle de la retraite des salariés du privé. Dans le public, il n’y a pas de caisse : les pensions sont inscrites sur une ligne budgétaire précise, une autre ligne prévoit les traitements et une troisième des retenues pour pensions et non des cotisations. Le rapport de Denis Jacquat précise bien ce point : il ne s’agit pas, pour la fonction publique, de cotisations qui alimenteraient une caisse.

Cette harmonisation entre le privé et le public que vous appelez de vos vœux, vous la faites – c’est un choix – par un alignement vers le bas, donc par une baisse du pouvoir d’achat des fonctionnaires. Les taux de cotisation seraient en effet augmentés de trois points, ce qui n’est pas rien.

Je souligne d’ailleurs que le rapport prend l’exemple d’un salaire de 2 000 euros, cas qui n’est pas rare. Le rapport explique que l’alignement prévu sur dix ans peut être « évalué, pour une rémunération de 2 000 euros, à 6 euros par mois chaque année pendant dix ans ». Or ce n’est pas du tout le cas ! Il s’agira certes de 6 euros par mois la première année, mais ce sera le double, soit 12 euros, la deuxième année, 18 euros par mois la troisième année, de telle sorte que cela fait tout de même 720 euros sur l’année à la fin des dix années. Vous avouerez que ce n’est pas tout à fait rien !

M. le président. Je suis saisi de l’amendement n° 182, qui tend à la suppression de l’article.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Faut-il que le mauvais coup soit difficile à perpétrer pour que vous soyez si nombreux ! Il faut féliciter le général en chef, M. Jean-François Copé, et l’adjudant-chef, Mme Valérie Rosso-Debord. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Valérie Rosso-Debord. C’est une forme de reconnaissance !

M. Jean-Pierre Brard. Il existe une grande différence entre les légions romaines et l’UMP : il n’y a que des sentinelles, à l’UMP, et des sentinelles qui sont comme dans Aïda de simples porteuses de hallebardes...

M. Jean Leonetti. Les sentinelles sont vigilantes !

M. Jean-Pierre Brard. …car, à l’UMP, vous n’avez droit qu’à une seule forme d’expression particulière : c’est le silence, le silence de la mer. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Hutin. Très bien !

Mme Valérie Rosso-Debord. Le silence de Vercors.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous avez un problème avec la vérité dont Jaurès disait qu’elle était révolutionnaire, mais je ne veux pas vous faire injure et surtout pas faire injure à Jaurès en prétendant que vous en seriez les adeptes.

Mme Valérie Rosso-Debord. Jésus aussi le disait !

M. Jean-Pierre Brard. Quand vous avez dit aux fonctionnaires que vous écartiez le choix de l’augmentation des cotisations, vous n’avez pas dit la vérité. Ou vous avez affabulé, si c’était inconscient, ou vous avez menti, si c’était conscient. À vrai dire, je penchais plutôt pour la seconde solution. Mentir à tous ces serviteurs de l’État ou des collectivités n’est pas une bonne action.

Votre réforme pénalisera fortement, nous l’avons déjà souligné, l’ensemble des Français, mais plus particulièrement ceux qui ont commencé à travailler jeunes ou qui sont entrés tardivement dans des métiers usants et pénibles, ou qui auront eu des carrières chaotiques et incomplètes, notamment les femmes dont les carrières sont discontinues, et ceux qui devront attendre soixante-sept ans pour bénéficier d’une éventuelle retraite à taux plein.

Les fonctionnaires seront touchés par le relèvement de l’âge de départ et par l’allongement de la durée de service pour les catégories actives, par la remise en cause brutale de la mesure de départ anticipé pour motifs familiaux liés aux quinze années de service et aux trois enfants, par la restriction d’accès au minimum garanti et, bien sûr, par l’augmentation drastique du taux de cotisations dont il est question dans cet article.

Sous prétexte d’équité, chère à notre collègue M. Préel, mais nous constatons ces dernières années une dérive sémantique, linguistique – il faut toujours chercher quel mot vous avez fait disparaître pour en substituer un autre –, vous supprimez l’égalité, ce qui n’est pas du tout la même chose. Monsieur Préel, vous êtes certes vendéen mais vous connaissez quand même la République.

M. Jean-Luc Préel. Je suis Normand !

M. Jean-Pierre Brard. Mais déporté en Vendée.

M. Jean-Claude Lenoir. Normand comme M. Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Comme moi, mais vous savez, mon cher collègue, vous qui êtes un vrai Normand, qu’il y a des Normands qui ont mieux tourné que d’autres et je ne parle pas seulement de Guillaume le Conquérant !

M. Jean-Claude Lenoir. Ou Guy Mollet !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Préel, vous savez ce qu’il en est : quand vous utilisez le mot équité, c’est pour travestir la réalité de votre politique en spéculant sur le fait que nos compatriotes ne seraient pas capables d’identifier votre remise en cause de l’égalité républicaine.

Vous avez décidé que le taux de retenue dans le secteur public serait aligné sur celui du privé. Le taux de cotisations des fonctionnaires passera de 7,83 % à 10,55 % en dix ans, soit une hausse de 0,27 point par an. C’est énorme !

Cette augmentation du taux effectif de cotisation se traduira par une nouvelle perte de pouvoir d’achat des agents publics alors que le point d’indice a déjà perdu 9 % depuis l’an 2000. Le quasi gel annoncé des salaires des fonctionnaires du 1er juillet 2010 à 2013 se traduira par 6 % de perte supplémentaire. Avec les 3 % de perte de salaire du fait de l’augmentation de la cotisation retraite, il s’agira d’une accentuation, dans une proportion insupportable et sans précédent, de la baisse de leur pouvoir d’achat qu’ont connue les fonctionnaires depuis dix ans. Or, en réduisant le pouvoir d’achat des fonctionnaires, vous diminuez leur capacité à satisfaire leurs besoins de base, et vous affaiblissez l’économie nationale qui fait fonctionner nos entreprises. Vous savez pourtant bien que, à chaque fois que le pouvoir d’achat augmente, 80 % bénéficient aux entreprises du pays. Cette réduction du pouvoir d’achat des fonctionnaires condamnera à la misère nombre d’entre eux dans les petites catégories et provoquera du chômage supplémentaire dans l’industrie privée.

Vous êtes comme le Sapeur Camember : vous voulez boucher les trous, mais, en réalité, vous les creusez sans cesse.

M. Christian Jacob. Vous le recasez partout le Sapeur Camember !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Jacob, vous qui êtes un paysan dans l’âme, vous savez ce que c’est que creuser des trous mais si vous aviez lu le bon La Fontaine, vous sauriez qu’on ne les creuse pas n’importe comment. C’est le fond qui manque le moins, disait-il, à condition de retourner la terre dans le bon sens, ce qui n’est plus votre cas.

Nous proposons donc la suppression du dispositif de l’article 21, qui contribuera à la paupérisation des fonctionnaires en faisant peser du même coup des menaces sur la croissance économique donc, finalement, sur le pouvoir d’achat de l’ensemble des salariés.

M. Jean-Claude Sandrier. Très juste !

(L'amendement n° 182, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot pour soutenir l’amendement n° 450.

M. Jean Mallot. Nous sommes évidemment opposés à cet article. Néanmoins, pour limiter les dégâts puisque nous craignons que vous ne le votiez, nous voulons appeler votre attention sur le fait que la convergence des taux de cotisation des fonctionnaires d’une part, et des salariés du privé d’autre part, ne saurait intervenir en période de crise, à un moment où la relance par le pouvoir d’achat est décisive. Nous proposons donc que le taux de retenue pour les fonctionnaires prenne aussi en considération l’évolution du pouvoir d’achat des agents concernés et la situation économique.

(L'amendement n° 450, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel pour défendre l’amendement n° 515 rectifié.

M. Jean-Luc Préel. Le groupe Nouveau Centre est favorable à l’équité et, bien sûr, à l’égalité entre tous les Français chère à M. Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Vous vous rattrapez aux branches !

Mme Laurence Dumont. Prouvez-le !

M. Jean-Luc Préel. C’est pourquoi nous défendons le principe d’un régime universel unique, à points ou à comptes notionnels, géré par les partenaires sociaux. Nous défendons cette idée depuis longtemps.

M. Maxime Gremetz. Ils en rêvent !

M. Jean-Luc Préel. En attendant d’aller vers ce régime universel géré par les partenaires sociaux, nous souhaitons avancer vers la convergence public-privé, laquelle doit reposer sur deux critères.

Le premier est le calcul de la pension. Nous en avons débattu il y a quelques instants : nous voulons aller vers la convergence des six mois et des vingt-cinq ans, en prenant en compte les primes, ce qui n’est pas le cas actuellement pour les fonctionnaires.

Le second critère est bien entendu un taux de cotisations unique pour pouvoir bénéficier de la même retraite.

Le texte du Gouvernement propose d’aller vers cette convergence mais le Nouveau Centre estime que le rythme retenu est un peu lent. Nous souhaitons la réaliser en cinq ans.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Le Gouvernement a pris une position mesurée. Il a évidemment le souci de la convergence – dans ce cadre-là, l’alignement des taux va dans la bonne direction – sur dix ans, parce qu’une augmentation de 0,26 % correspond à une augmentation moyenne de 6 euros par an. C’est pourquoi il est défavorable aux amendements.

(L'amendement n° 515 rectifié n'est pas adopté.)

(L'article 21 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Je tiens répondre à M. Tron, car il vient de proférer une contre-vérité. J’avais démonté par avance son argumentation mais, comme il ne m’a pas écouté, je vais la refaire en une phrase : l’augmentation moyenne ne sera pas de 6 euros par mois pour une rémunération moyenne ; elle sera de 6 euros la première année, de 12 euros la deuxième année, de 18 euros la suivante et ainsi de suite, de sorte qu’au bout des dix ans, ce sera 60 euros par mois c’est-à-dire 720 euros par an.

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Parfaitement d’accord.

M. le président. Nous en arrivons à une série d’amendements portant articles additionnels avant l’article 25.

Avant l'article 25

M. le président. La parole est à M. Régis Juanico pour défendre l’amendement n° 459.

M. Régis Juanico. Monsieur le président, si vous me le permettez, je défendrai en même temps les amendements nos 459, 460, 458 et 529, qui portent articles additionnels avant l’article 25, parce qu’ils définissent les critères de la pénibilité et le mécanisme de compensation de la pénibilité. Ce projet du groupe socialiste forme un tout cohérent et constitue un projet alternatif à celui du Gouvernement.

Évoquer le problème de la pénibilité au travail revient à se poser la question de savoir s’il est juste d’accorder des avantages spécifiques aux salariés, exposés, au cours de leur vie professionnelle, à des conditions de travail pénible, tout simplement, parce que ces salariés profitent de leur retraite moins longtemps que les autres et parce qu’ils bénéficient de leur retraite dans un état de santé plus dégradé que d’autres.

À cette question de savoir s’il faut accorder des avantages spécifiques pour ces salariés, la réponse du Gouvernement est non quand notre réponse est oui. En effet, nous sommes sans doute face à l’une des plus grandes injustices, l’une des plus grandes inégalités sociales dans notre pays : l’inégalité devant l’espérance de vie. Je rappelle en effet que l’écart de l’espérance de vie à trente-cinq ans entre un cadre et un ouvrier est de sept ans pour un homme, et qu’il est même de dix ans pour l’espérance de vie sans incapacité. C’est ce que les démographes appellent la double peine des ouvriers, lesquels vivent plus d’années en incapacité dans une vie plus courte. Il nous semble donc essentiel de proposer des avantages spécifiques pour ces salariés qui ont été soumis à des conditions de travail plus pénibles.

Le texte sur les retraites de 2010 intervient sept ans après les engagements - qu’il trahit - pris par François Fillon et par Xavier Bertrand, en 2003, dans la loi sur les retraites, dont vous étiez le rapporteur, monsieur le président.

M. Christian Paul. Il a la mémoire courte, M. Bertrand !

M. Régis Juanico. L’article 12 de la loi de 2003 prévoyait que, dans un délai de trois ans, les organisations syndicales et professionnelles représentatives au niveau national devaient s’engager dans une négociation interprofessionnelle sur la définition et sur la prise en compte de la pénibilité. En ne donnant pas corps à ces engagements, en n’offrant pas de débouchés à ces engagements, vous avez renoncé à une grande idée.

Les négociations n’ont pas abouti entre les partenaires sociaux entre 2005 et 2008, tout le monde le sait. Néanmoins ces derniers s’étaient mis d’accord sur des points importants : la définition de la pénibilité, les critères de pénibilité et les mesures relatives au volet prévention.

Certes, les discussions n’ont pas pu aboutir sur le volet de la réparation, ni sur celui de la compensation de la pénibilité au travail, ou, pour le dire plus simplement, sur la question des départs anticipés de retraite. Cependant, l’accord des partenaires sociaux concernant le volet prévention de la pénibilité au travail est un point fondamental.

Rien n’était prévu dans votre texte initial sur la question de la prévention. Sur notre insistance, mais aussi sous la pression du mouvement social, vous avez intégré à la dernière minute, un peu à la va-vite, une réforme des services de santé au travail – nous y reviendrons dans la discussion –, prévoyant la négociation d’accords de branche ou d’entreprises sur la prévention de la pénibilité et l’aménagement des fins de carrière, même s’il n’est question, pour le moment, que d’un fonds expérimental public. En revanche, vous ne proposez toujours rien sur la formation des managers, sur celle des chefs d’entreprise et des salariés, ni même sur le renforcement des CHSCT ou des documents uniques.

Par ailleurs un accord était intervenu entre les partenaires sociaux – c’est extrêmement important – sur les critères et les facteurs de pénibilité au travail qui sont au nombre de trois : les contraintes physiques – le port de charges lourdes notamment –, l’environnement de travail agressif – l’exposition aux produits chimiques, par exemple – ou les rythmes de travail contraignants : travail de nuit ou horaires décalés. Ces critères figurent bien dans le projet de loi et ces facteurs d’exposition seront consignés dans un carnet de santé au travail, mais on peut se demander à quoi servira celui-ci puisque le dispositif d’incapacité physique que vous proposez s’appuiera non pas sur la traçabilité des facteurs d’exposition tout au long de la carrière professionnelle des salariés, mais l’état de santé d’un salarié à l’instant T.

De même – et c’est fondamental – les partenaires sociaux s’étaient mis d’accord sur une définition de la pénibilité au travail. Cette définition est simple : la pénibilité au travail résulte de sollicitations physiques ou psychiques de certaines formes d’activité professionnelle qui laissent des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé des salariés et qui sont susceptibles d’influer sur l’espérance de vie. Vous vous êtes bien gardés d’inscrire cette définition dans le projet de loi, tout simplement parce que vous avez choisi de ne pas traiter la pénibilité au travail, notamment ses volets réparation ou compensation.

Pour finir, je tiens, en quelques mots, à tordre le cou à trois mensonges proférés par le Gouvernement depuis maintenant quelques semaines sur la question de la pénibilité.

D’abord, premier mensonge, on ne peut pas dire – je viens de le démontrer – qu’il y ait à proprement parler dans ce texte un volet pénibilité au travail, au sens de la compensation des inégalités des espérances de vie. Il contient seulement un volet relatif aux incapacités physiques permanentes, l’incapacité étant l’état d’un individu qui se trouve empêché d’exercer son activité du fait de la maladie ou de l’accident. Vous allez donc simplement procéder à une extension des mécanismes applicables pour les accidents du travail ou les maladies professionnelles. Or un tel dispositif sera limité : même avec un taux de 10 % d’incapacité, on parle de 30 000 salariés concernés, ce qui représente 5 % des 700 000 salariés qui partent à la retraite chaque année. On est donc très loin des 15 % ou 20 % de salariés qui sont effectivement confrontés à la pénibilité.

J’ajoute que si le mécanisme est applicable à ceux qui ont un taux d’incapacité de 20 %, tous les salariés dont le taux est situé entre 10 % et 20 % ne seront pas concernés. Il faudra qu’ils répondent à une double condition : ils devront apporter la preuve de leur exposition aux risques professionnels et il faudra, en plus, l’aval d’une commission pluridisciplinaire qui devra établir le lien de cause à effet entre l’incapacité et l’exposition aux facteurs de pénibilité. Il n’y aura donc pas d’automaticité.

Surtout, ce mécanisme d’incapacité est extrêmement restrictif et injuste dans la mesure où en seront exclus tous les salariés exposés au travail de nuit – 4 millions de personnes – et, plus grave encore, tous ceux exposés à des produits cancérigènes, notamment l’amiante, et ceux atteints de cancers professionnels. On sait en effet que ces salariés peuvent ressentir les effets de leur exposition à de tels risques des années après leur départ à la retraite.

M. Maxime Gremetz. Des dizaines d’années !

M. Régis Juanico. Vous ne prenez donc pas en compte la pénibilité à effet différé.

Deuxième mensonge : votre gouvernement serait le seul au monde à introduire la notion de pénibilité.

M. Maxime Gremetz. Oh là, là !

M. Régis Juanico. Lorsque vous vous êtes aperçu que c’était une énormité, vous en avez dit une autre. Vous avez prétendu que nous avions le système le plus avancé et le plus généreux d’Europe. C’est faux, et vous le savez très bien. Des dispositifs relatifs à la pénibilité existent déjà en Pologne : depuis 2009, soixante-quatre activités professionnelles et 270 000 salariés sont concernés par des mécanismes de départ anticipé ce qui n’est pas rien ! En Italie,…

Mme Valérie Rosso-Debord. Il n’y a aucun décret d’application !

M. Régis Juanico. …– même si votre ami Berlusconi n’a pas encore pris les décrets d’application – plus d’un million de salariés sont potentiellement concernés. Quant aux Pays-Bas, ils ont un mécanisme de pénibilité dans l’administration et ils sont en train de réfléchir à un projet de loi pour le secteur privé avec une liste de métiers pénibles, ce que vous ne faites pas. En Belgique, il existe un système permettant de partir à cinquante-huit ans et prenant en compte la durée d’activité dans les métiers dits lourds. Votre système n’est donc pas le plus avancé, et encore moins le plus généreux d’Europe.

Deux énormités, deux mensonges ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Daniel Boisserie. Il a raison ! Vous êtes des menteurs !

M. Régis Juanico. Enfin, dernier mensonge, vous nous dites que vous êtes le premier gouvernement dans l’histoire sociale de notre pays à avoir lié la question de la pénibilité à celle de la retraite. Or il existe au moins trois précédents. Nous avons cité le décret Stoléru de 1975 qui permettait aux travailleurs à la chaîne de partir plus tôt, le décret de 2000 de Martine Aubry relatif au dispositif CATS – cessation d’activité de certains travailleurs salariés – qui concerne les travailleurs à la chaîne, les travailleurs de nuit, et permet aussi de partir plus tôt. Je peux encore évoquer le mécanisme mis en place par le gouvernement en 1999 pour les travailleurs de l’amiante.

En conclusion, je souligne la cohérence de ces quatre amendements : définition, critères, mécanismes de compensation. Votre choix se tient, mais c’est celui d’une logique individuelle, médicalisée, étriquée de la pénibilité au travail. C’est ce que souhaitait le MEDEF. Le PS et, plus largement, les partis de gauche, les syndicats, ont une approche radicalement différente. Projet contre projet, nous vous proposons aujourd’hui une approche collective, une réelle prise en compte des facteurs d’exposition tout au long de la vie professionnelle et un système de majorations de durée d’assurance qui permettra aux salariés concernés de partir plus tôt à la retraite.

Bien évidemment, cela a un coût. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez décidé, vous, de créer un dispositif qui ne vous coûte pas un euro puisque vous reportez la charge des 550 millions d’euros sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Ce sont donc les cotisations patronales qui paieront. Nous l’avons chiffré dans notre projet : 5 milliards d’euros est le coût à payer pour remédier à l’une des plus grandes injustices sociales dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Je suis extrêmement surpris par la violence des propos qui viennent d’être tenus (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) et par l’utilisation du mot mensonge. J’ai cette particularité de représenter, avec d’autres, l’Assemblée nationale au Conseil de l’Europe à Strasbourg où je fais partie de la commission des affaires sociales. Quand je pose des questions sur le problème de la pénibilité, je suis fier de la politique que nous mettons en place en la matière. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. – Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Comparer est extrêmement difficile. Nous sommes là pour avancer, pas pour faire projet contre projet.

Pour prendre l’exemple de l’Italie, je souligne que si une loi sur la pénibilité a bien été votée il y a quelques années, les décrets ne sont toujours pas sortis. Quant aux Pays-Bas, ils ont instauré une politique d’inaptitude au travail temporaire : le critère est supprimé au bout de trois ou quatre ans et les gens peuvent recommencer à travailler. Il est donc très difficile de comparer ce qui se fait dans différents pays. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Maxime Gremetz. Sauf quand cela vous arrange !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Nous l’avons bien vu tout à l’heure sur un autre sujet avec l’Allemagne. On ne peut pas dire que nous ne faisons pas d’efforts. Ce texte contient un chapitre particulier consacré à la pénibilité et je tiens à rappeler qu’en 2003, dans le cadre de la loi Fillon, nous avons déjà abordé ce problème…

M. Christian Paul. Pour quel résultat ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. …à travers le dispositif « carrières longues ». Ce processus fonctionne. Vous avez vous-mêmes demandé qu’il soit prolongé, et nous l’avons déjà renouvelé une fois dans la loi précédente. Cette fois nous l’étendons en agissant à la fois sur le critère de l’âge et sur celui des catégories de personnes.

S’agissant de ces quatre amendements, la définition de la pénibilité est extrêmement complexe car des éléments subjectifs entrent en ligne de compte, mais ce n’est pas l’essentiel, même si c’est un problème important. Ce qui compte, c’est la question des critères qui a été abordée entre 2005 et 2008 dans les discussions entre les partenaires sociaux pour aboutir à trois axes que vous connaissez bien : les contraintes physiques marquées, l’environnement physique agressif et certains rythmes de travail. Tout cela vous allez le retrouver dans quelques instants à l’article 25. Quant aux déclinaisons, à savoir les détails de ces critères, l’article 25 précise qu’elles seront déterminées par décret.

Telle est la réponse que je peux vous apporter. La politique sociale, j’insiste sur ce point, ce n’est pas de la politique politicienne. Tous ensemble, nous devons être fiers de ce que nous allons faire dans notre pays.

M. Jean-Pierre Brard. Tous ensemble le 23 septembre !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Je rappelle enfin qu’une personne n’est pas nécessairement inapte au travail au motif qu’elle est inapte à son travail. Notre honneur c’est de lui trouver un autre travail qui soit compatible avec ses capacités physiques ou psychiques.

M. Maxime Gremetz. N’exagérez pas !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. C’est un moment important, parce que nous sommes en train de créer un droit social nouveau. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Il s’agit d’un acquis social nouveau que nous mettons sur la table à l’occasion de cette réforme des retraites. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Maxime Gremetz. Soyez modeste !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Ce gouvernement et cette majorité acceptent de prendre en compte la pénibilité pour le calcul des retraites.

M. Pierre Gosnat. C’est le contraire !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Cela n’existe dans aucun autre pays d’Europe. L’Italie a eu l’intention de le faire, mais n’est pas passée aux actes. La Belgique et les Pays-Bas y réfléchissent. Quant à la Pologne, elle est en train de sortir du dispositif de préretraite pour inaptitude qu’elle avait créé. La France est en train de mettre en place un dispositif liant l’usure physique prématurée d’un salarié à sa retraite, ce qui n’avait jamais été fait, et nous pouvons en être fiers.

M. Pierre Gosnat. C’est le contraire que vous faites ! Vous cassez la reconnaissance des métiers pénibles !

M. Roland Muzeau. Commencez par améliorer les conditions de travail !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Ce que nous voulons d’abord, c’est prévenir la pénibilité, car c’est la meilleure façon de lutter contre. Sur le plan humain, il est d’ailleurs assez curieux de placer la réparation au premier plan, comme si l’on pouvait accepter qu’un salarié soit soumis à pénibilité, sans poser d’abord la question de la prévention qui est la marque de fabrique de ce texte. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Nous avons ainsi introduit des dispositifs relatifs à la médecine du travail. Nous redéfinissons les missions des services de santé au travail. Nous élargissons leur composition, notamment en tenant compte du fait que les médecins du travail ne sont pas les seuls à intervenir…

M. Pierre Gosnat. Les avez-vous consultés ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. ...et que leur mission ne se limite pas à faire passer des visites médicales. C’est bien plus que cela. Ces services procèdent à l’étude des postes dans l’entreprise avec des ergonomes, des toxicologues, des psychologues. Tout cela a fait l’objet d’une concertation extrêmement approfondie avec l’ensemble des partenaires sociaux depuis maintenant deux ans…

M. Maxime Gremetz. Mais non ! Ils ne sont pas d’accord et vous le savez bien !

M. Éric Woerth, ministre du travail. …et avec la profession de médecins du travail.

M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas vrai !

M. le président. Monsieur Gremetz !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Le Gouvernement intègre à ce texte une réforme de la médecine du travail qui permettra une meilleure traçabilité grâce à une révision des documents dans lesquels elle est indiquée – le dossier médical et les fiches d’exposition – et des missions de services de santé au travail. Cette réforme était très attendue par l’ensemble du corps médical du travail.

Dans ce texte, nous instaurons une sanction – 1 % de la masse salariale – pour les entreprises qui n’auraient pas signé des accords de prévention sur la pénibilité. Nous allons d’ailleurs déposer un amendement au Sénat sur le suivi post-professionnel de certains risques, notamment le travail de nuit.

Mme Martine Billard. Et pourquoi ne le déposez-vous pas maintenant ?

M. Pierre Gosnat. C’est comme aux Galeries Lafayette : il se passe toujours quelque chose !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Nous aurons ainsi un dispositif complet sur la prévention.

Les CATS dont vous avez parlé, monsieur Juanico, n’ont jamais été ciblés sur la pénibilité. Les banques ont d’ailleurs signé des accords CATS. Ils constituent tout simplement des accords de préretraite.

Dans le domaine de la pénibilité, il faut aussi parler des carrières longues, car les deux se confondent souvent.

Ainsi 150 000 à 160 000 salariés partiront à soixante ans en retraite parce qu’ils ont commencé tôt à travailler – il y a souvent un recouvrement entre les tâches pénibles et le fait de commencer tôt – ou parce qu’ils font partie des quelque 30 000 salariés concernés par le passage du taux d’incapacité requis de 20 % à 10 %, ou encore parce qu’ils appartiennent aux catégories dites « actives » de fonctionnaires.

Le choix du Gouvernement sur la pénibilité est d’abord de pouvoir l’objectiver et la mesurer, sinon on tomberait très vite dans une injustice totale. Pourquoi mon voisin partirait-il à soixante ans et moi à soixante-deux s’il n’y a pas de critère très précis de mesure de cette pénibilité ? En la matière nous avons évolué puisque nous avons déposé un amendement qui ramène de 20 % à 10 % le taux d’incapacité.

Mme Martine Billard. C’est faux ! Vous mentez !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Avec un taux d’incapacité à 10 %, on touche 30 000 salariés. C’est une vision individuelle et mesurable de la pénibilité.

M. Pierre Gosnat. Ce sont les métiers qu’il faut viser, pas les individus !

M. Roland Muzeau. C’est incroyable !

M. Christian Hutin. N’importe quoi !

M. Pierre Gosnat. Celui qui n’aura pas d’argent pour aller voir le médecin n’aura pas de retraite. C’est discriminatoire !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Ce sont les facteurs de pénibilité qui ont été recensés par les partenaires sociaux après la discussion mise en œuvre par Xavier Bertrand que nous intégrons.

M. Pierre Gosnat. Mais non ! Il faudra en apporter la preuve !

M. le président. Du calme, mes chers collègues !

M. Éric Woerth, ministre du travail. C’est pour cela que le Président de la République a pris cette décision in fine, qui intègre une grande partie de la population ouvrière, et aussi une partie de la population féminine.

Mme Martine Billard. Mensonges !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Par exemple, le secteur de l’agroalimentaire, si cher à Pierre Méhaignerie, est couvert par ces critères. Ainsi, une ouvrière qui souffre d’un syndrome carpien à cause de gestes répétés, ce qui arrive très souvent dans le domaine de l’agroalimentaire, sera concernée avec le taux de 10 %, elle ne l’était pas à 20 %.

M. Maxime Gremetz. C’est une honte !

M. Pierre Gosnat. Ce sont les métiers qu’il faut prendre en compte, pas les cas individuels !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Dans le domaine de la grande distribution, une caissière touchée par une tendinite due à des postures ou à des gestes répétés pourra partir à soixante ans grâce à ce dispositif de retraite pour pénibilité.

Chez les hommes, dans les métiers du bâtiment par exemple, un carreleur qui a des difficultés de genoux n’était pas touché avec le seuil de 20 % ; il le sera avec le seuil de 10 %.

Ce sont donc des réponses concrètes, objectives, qui n’existent pas dans la plupart des autres pays, et que nous mettons en œuvre.

M. Pierre Gosnat. La France n’a pas à s’aligner sur les autres pays !

M. Éric Woerth, ministre du travail. C’est donc une population ouvrière, fragilisée par des expositions à des tâches difficiles qui sera concernée.

S’agissant de la pénibilité différée, nous présenterons un sous-amendement à l’amendement déposé par Pierre Méhaignerie afin de favoriser les accords de branche ou des accords d’entreprise qui permettront de définir la fin d’une carrière ou son aménagement en dehors des cessations totales d’activité, car dans ce cas, il s’agirait de la préretraite.

M. Maxime Gremetz. Il n’y aura jamais de tels accords, et vous le savez bien ! Le MEDEF est très content de votre projet.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Ces accords permettront, si vous avez été exposé à des facteurs de pénibilité, d’avoir un aménagement de fin de carrière comme le tutorat, ou de passer à 50 % payés à 70 %, tout type de mesures de cette nature qui existent déjà dans un certain nombre de grandes entreprises.

M. Pierre Gosnat. On en a l’exemple avec l’amiante : il faut démontrer que l’on y a été exposé, mais personne n’en est capable !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Ces mesures doivent être élargies à l’ensemble des branches et aux petites et moyennes entreprises. Nous allons en discuter et nous mettrons en place un fonds expérimental qui permettra, avec de l’argent public, d’inciter les entreprises à aller plus loin.

M. Maxime Gremetz. Même Les Echos titre : « Le patronat est soulagé » ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Monsieur Gremetz !

M. Éric Woerth, ministre du travail. D’ailleurs, dans la plupart des grandes entreprises, je pense par exemple à Rhodia qui a poussé les choses relativement loin, mais aussi à Alstom et à bien d’autres, existent des dispositifs de cette nature, et nous voulons les élargir.

M. Régis Juanico. Ils prévoient des départs anticipés ; il y a une petite différence !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Je pense qu’ainsi nous pouvons être fiers de ce que nous faisons dans le domaine de la pénibilité. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Maxime Gremetz. C’est une horreur !

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Nous avons pris en compte les effets différés et les effets immédiats ; nous avons lié cela à la retraite. Il s’agira d’un système juste, mesurable, qui apportera beaucoup à la retraite des salariés français. Il concernera 30 000 personnes grâce au choix du taux de 10 %, 90 000 en ce qui concerne les carrières longues, et 30 000 à 40 000 personnes dans la fonction publique.

C’est donc aujourd’hui la preuve que la réforme des retraites en France est une réforme juste et adaptée. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Nous voterons les amendements nos 459, 266 et 460 proposant de définir législativement deux types de pénibilité du travail : la pénibilité vécue au travail, à l’origine d’usure physique ou psychique et d’incapacité pendant la vie active ; et la pénibilité en raison d’exposition professionnelle pesant sur l’espérance de vie, sans incapacité, ou sur la qualité de la vie au grand âge, comme l’a recommandé Yves Struillou dans son rapport de 2003 au conseil d’orientation des retraites. Ce rapport définit également les trois types de critères d’exposition à la pénibilité qui font aujourd’hui consensus parmi les organisations syndicales : contrainte physique marquée, environnement agressif et rythme de travail contraignant.

Un de nos amendements fait également référence à ces critères. Certes, ces notions ne sont pas aisées à approcher et ces définitions sont perfectibles. Pourquoi, par exemple, ne pas considérer que les facteurs psychosociaux représentent un quatrième type de pénibilité ? Certes, nous aurions souhaité que le débat que nous engageons sur la pénibilité soit déconnecté de celui des retraites, que l’on traite du travail, de ses conditions et de son organisation délétère pour la santé des salariés, et que ce sujet soit abordé dans le cadre plus global de la prévention des risques professionnels, et de la réparation due aux victimes.

Par ailleurs, nous savons aussi que le sujet de la pénibilité n’est pas le problème du MEDEF, lequel en est parfois encore à nier les conséquences de la pénibilité du travail, pourtant mesurables sur la santé des salariés, sur leur espérance de vie en bonne santé, sur leur vieillissement prématuré.

La loi Fillon de 2003 avait invité les partenaires sociaux à négocier sur la définition et la prise en compte de la pénibilité, mais la partie patronale exigeait que le salarié ait travaillé quarante ans, qu’il soit âgé de cinquante-huit ans, qu’il ait accumulé trente années de travail pénible, et dix ans durant lesquels il aurait subi au moins les trois critères retenus. Cette définition étroite ne permettait même pas d’approcher la situation d’un ouvrier du bâtiment ayant pourtant travaillé trente ans exposé aux produits toxiques, au bruit, à des températures extrêmes, à des intempéries et aux vibrations. Cette négociation, qui butait par ailleurs sur les critères médicaux et le financement du dispositif de compensation éventuel sous forme de cessation anticipée d’activité, a évidemment échouée.

Que de temps perdu depuis le rapport Struillou de 2003, celui de Gérard Lasfargues de 2005 sur les départs en retraite et travaux pénibles ou, plus récemment encore, celui de notre collègue Jean-Frédéric Poisson sur la pénibilité, reconnaissant la nécessité d’ouvrir à certains travailleurs, même s’ils ne sont ni malades ni déclarés inaptes au travail, un dispositif de retraite anticipée !

Quelle hypocrisie de la part du Gouvernement qui affiche un dispositif pénibilité qu’il prétent unique en Europe alors qu’il n’est rien d’autre qu’un système d’invalidité bis sur la base de critères médicaux, comme le souhaitait le MEDEF.

Le législateur doit reprendre la main pour inciter à la prévention, définir un système de reconnaissance de la pénibilité du travail constituant une vraie réparation à l’égard des salariés exposés à certaines conditions de travail. Ces amendements sont un premier pas vers cette exigence, c’est pourquoi nous les soutenons. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Nous sommes face à deux approches totalement différentes, qui opposent deux cohérences : celle du projet soutenu par le Gouvernement et celle que nous proposons.

Lorsqu’on nous interroge sur la contradiction que certains voudraient relever entre le maintien du nombre d’annuités, y compris résultant de la réforme de 2003, et la retraite à soixante ans, la réponse est évidemment dans une approche totalement différente de la pénibilité dans sa définition et dans son amplitude. L’idée d’une réforme juste est que les ouvriers et les employés, ceux qui ont aujourd’hui les carrières professionnelles les plus difficiles, puissent partir à soixante ans et à taux plein. Cela part d’un constat que vous ne pouvez pas ignorer, celui de la différence d’espérance de vie.

Nous avons déjà abordé cette question dans des conditions qui ne me paraissent pas satisfaisantes - je les qualifie même d’inquiétantes - et en nous fondant sur les travaux de l’INED sur la différence d’espérance de vie. Je rappelle en effet que l’espérance de vie à trente-cinq ans pour un ouvrier est de vingt-quatre ans, alors qu’elle est de trente-quatre ans pour un cadre supérieur. Cela veut dire qu’il y a dix ans de différence d’espérance de vie en bonne santé entre un ouvrier et un cadre supérieur.

Lorsque nous avons abordé cette question, M. Leonetti a eu des propos…

M. Régis Juanico. Étranges !

M. Alain Vidalies. …d’un autre âge. Il a ainsi souligné que le bâtiment était aussi le secteur où l’on trouvait le plus de fumeurs. Cela rappelle ceux qui s’opposaient à l’institution des congés payés, parce qu’ils ne voulaient pas que les ouvriers aillent au bistrot ! Il est extraordinaire d’entendre cela en 2010, dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Pourtant ces propos ont été tenus il y a deux jours.

Si l’on ne retient pas ces explications du XIX° siècle, c’est qu’il y a aujourd’hui une réalité, que vous partagez d’ailleurs, puisqu’en 2003, lorsque l’on discutait la réforme précédente, la réponse par la pénibilité était partagée, et nous avions demandé aux organisations syndicales et patronales de négocier.

Cette négociation a échoué, et vous arrivez aujourd’hui avec un texte qui comporte une définition de la pénibilité, renvoie aux maladies professionnelles au sens de la sécurité sociale, et indique, dans sa dernière version que toute personne ayant 10 % d’incapacité constatée à ce titre-là pourra non pas bénéficier d’un avantage supplémentaire, car ce n’est pas une grande avancée, mais sera moins pénalisée que les autres, c’est-à-dire que vous lui permettrez de partir à la retraite à soixante ans. Selon vous, cela bénéficiera à 30 000 personnes avec le nouveau taux de 10 %.

À cet égard, je veux vous poser une question un peu technique, mais à laquelle il paraît nécessaire de répondre à ce stade de notre débat.

Votre texte vise les maladies professionnelles au sens de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale. Or les maladies professionnelles sont divisées en deux groupes : celles inscrites sur un tableau, et celles qui sont retenues hors tableau par les médecins. La première question est donc de savoir si vous ne visez que les maladies professionnelles prévues au tableau, ou si quelqu’un qui aurait eu une autre maladie en conséquence de son travail, pourra être pris en considération.

Je pose cette question parce qu’il y a un léger problème d’articulation dans le code. J’ose espérer que vous n’avez pas écarté définitivement les maladies professionnelles non inscrites au tableau. Si vous prenez en compte l’ensemble des maladies professionnelles, je vous rappelle que la différence entre celles qui sont dans le tableau et celles qui n’y figurent pas est que pour être retenues les deuxièmes doivent avoir provoqué une incapacité minimale de 25 % ; c’est la définition du code. Vous avez donc là un petit problème de cohérence. Il vous appartiendra d’y répondre, puisque ces questions vont évidemment être posées pour connaître le périmètre exact de la mesure, et pour savoir comment vous n’arrivez qu’à 30 000 bénéficiaires.

Au-delà, sur le fond, lorsque le COR s’est saisi des travaux sur la pénibilité que vous avez voulus par la loi de 2003, il a travaillé sur une définition. Celle qui a été donnée résulte des travaux d’Yves Struillou qui définit la pénibilité comme les expositions qui réduisent l’espérance de vie, sans incapacité, des travailleurs, c’est-à-dire la durée de vie en bonne santé. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.) C’est exactement le contraire de ce que vous avez finalement retenu dans votre texte de loi.

Ensuite, le professeur Lasfargues a été chargé d’expertiser la mise en œuvre des conclusions des travaux de M. Struillou. Il a présenté au COR un rapport que celui-ci a, dans son ensemble, avalisé et on ne se souvient pas que le rapporteur, M. Jacquat, membre du COR, ait alors émis d’autre préconisations ou demandé que l’on revienne sur la définition de M. Struillou ou sur les conclusions de M. Lasfargues.

M. Pascal Terrasse. Au contraire, il a voté avec nous.

M. Alain Vidalies. Il a, à l’époque avalisé ces définitions, comme la totalité des membres du COR.

Dans ce rapport, le professeur Lasfargues écrit : « La mise en place d’un dispositif de bonification ou de cessation anticipée d’activité pour les travailleurs soumis à ce type de conditions de travail pénibles au long de leur vie active nous semble justifié, qu’il y ait ou non des effets présents sur la santé. » Il poursuit : « A partir de ces constatations, pour la plupart des travaux pénibles indiqués dans le rapport, il semble en fait préférable de fixer par la négociation sociale des durées d’exposition ouvrant droit à bonification ou de fixer un temps de bonification par année de travail dans une telle situation de pénibilité. »

Nos amendements et les propositions qui figurent, depuis le début, dans le contre-projet des socialistes, s’appuient totalement sur les conclusions établies dans le cadre de la réforme de 2003 et avalisées par tous les membres du COR.

Elles l’ont aussi été, d’une certaine façon, par vous-même, monsieur le ministre. En effet, il y a quelques semaines, intervenant devant la convention réunie par l’UMP sur la réforme des retraites, vous avez indiqué : « Cette réponse est la reconnaissance de la pénibilité et nous allons l’intégrer dans la réforme. Nous nous appuierons sur la définition des partenaires sociaux, qui ont privilégié l’approche par les facteurs d’exposition, qui est la seule possible. »

M. Éric Woerth, ministre du travail. C’est ce que nous faisons.

M. Alain Vidalies. Vous n’aviez pas expliqué à ce moment-là comment on allait passer de la pénibilité à l’incapacité. Jamais vous ne l’avez dit. Vous vous êtes mis en totale contradiction avec tous les travaux qui faisaient consensus, non pas parce que vous auriez changé d’approche ou de convictions, mais parce que votre réforme est une réforme comptable. Lorsque vous avez examiné ce qu’était la réalité de la pénibilité et voulu prendre en compte ces travaux, vous avez cherché combien de personnes avaient été exposées à ces facteurs de risques et pour lesquelles il faudrait maintenir la retraite à soixante ans. Vous avez alors découvert que ce n’était pas 30 000 personnes par an ; vous avez découvert la réalité de la vie des ouvriers et des employés.

S’agissant du travail atypique, 3 700 000 salariés déclarent travailler de nuit ; pour l’exposition aux produits toxiques, ce sont 1 700 000 personnes ! Nous sommes bien loin du traitement homéopathique que vous proposez, uniquement pour ceux qui seraient déjà atteints.

Vous avez donc renoncé, mais si vous aviez le droit de renoncer au motif que cela aurait coûté trop cher – même si, bien sûr, nous n’aurions pas été d’accord – ce qui est terrible, c’est que vous continuez à prétendre que vous faites une grande réforme sociale. Or cette réalité, qui transparaît dans les rapports de M. Lasfargues et de M. Struyou, vous n’allez pas la changer : elle existe. M. Jacquat le savait parfaitement, M. Poisson l’a écrit dans son rapport. Vous avez renoncé, car votre seule ligne de conduite c’est, d’une part, de prendre l’argent du fonds de réserve des retraites ; d’autre part, de réaliser le maximum d’économies dans un minimum de temps, donc de passer à la retraite à soixante-deux ans en permettant au moins de gens possible de prendre leur retraite à soixante ans. Ces gens-là, ce sont des ouvriers, surtout des ouvriers qui ont supporté pendant leur vie des conditions de travail difficiles, qui ont souffert et dont l’espérance de vie en bonne santé a été réduite.

Voilà pourquoi votre discours sur la pénibilité est inacceptable. Vous aviez le droit de changer d’avis et c’est ce que vous avez fait mais ne continuez pas à parler de pénibilité : vous avez trahi l’esprit même de la négociation sur la pénibilité et des travaux du COR. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. J’avoue que je suis particulièrement colère (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.). Il n’y en a pas beaucoup ici qui savent ce que c’est que le travail dans une entreprise. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.). Il n’y en a pas beaucoup qui savent ce que c’est que de faire les trois huit, en changeant de poste toutes les semaines ; il n’y en a pas beaucoup qui savent ce que sont les cadences, pas beaucoup qui savent comment on travaille à la chaleur, comment en travaille avec l’amiante.

Je le dis parce que je vous entends parler de pénibilité quand des millions de femmes et d’hommes, souvent les plus exploités, travaillent dans des conditions impossibles et sacrifient leur santé. Vous le ne voyez donc pas ? Et vous demandez aux patrons de leur octroyer 600 millions, pas plus ! Moi, je pense aux salariés de la zone industrielle d’Amiens, qui travaillent dans ces conditions ; à ceux de Continental par exemple. Vous n’osez pas me regarder, monsieur le ministre, quand je parle d’eux, (Protestations sur les bancs du groupe UMP) car vous n’êtes jamais allé les voir ; vous avez laissé fermer l’entreprise ! Et vous nous faites un cours sur la pénibilité ?

M. Arnaud Robinet. Quel rapport ?

M. Maxime Gremetz. D’ailleurs, regardez la réaction du patronat. Le MEDEF est soulagé : on ne va pas payer plus de 600 millions pour la pénibilité, et on va pouvoir continuer à faire ce qu’on veut ! Le MEDEF vous soutient donc totalement. Or, d’expérience, je sais que, quand c’est bon pour le MEDEF, ce n’est pas jamais bon pour les salariés !

Sur la pénibilité, monsieur le ministre, vous avez tort de ne pas lire les rapports faits par vos propres services, comme ceux la DARES. Vous n’avez pas encore répondu, sans doute parce que vous n’avez pas lu cette étude de la DARES menée en 2008 et publiée récemment qui, selon la presse a « jeté un pavé dans la mare ». Je vous la cite donc : Les employeurs considèrent les salariés comme âgés à partir de cinquante-huit ans et demi en moyenne. »

M. Éric Woerth, ministre du travail. Par rapport à l’étude précédente, on a gagné trois ans.

M. Maxime Gremetz. Ce sont les effets du travail de nuit, des trois huit, du travail du dimanche ! Et vous prétendez qu’on fait un beau cadeau à ces travailleurs.

Monsieur le ministre, je suis moi-même amianté. Je ne suis pas en incapacité mais j’ai des copains qui meurent chaque jour. La maladie on l’a, mais comme elle ne se déclare pas, on peut continuer à travailler exposé à l’amiante, cela ne relève pas de la pénibilité ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Il faut donc mourir pour qu’on reconnaisse que c’était pénible et qu’on nous donne une couronne, monsieur le ministre. C’est honteux !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Vous devez connaître le dispositif amiante !

M. Maxime Gremetz. C’est honteux, je vous le dis ! Et vous venez nous faire un cours !

Vous êtes pourtant bien placé pour savoir qu’en Picardie, la plupart des entreprises sont des entreprises de production, et dans lesquelles les ouvriers travaillent à la chaîne et font les trois huit ou les quatre huit (Murmures sur les bancs du groupe UMP), le dimanche, le week-end, les femmes comme les hommes. Vous le savez ou non ? Vous venez nous dire que ce sont de bonnes dispositions pour 30 000 salariés mais, en Picardie, il y en a déjà plus de 30 000 qui méritent qu’on reconnaisse la pénibilité de leur travail.

M. Yves Bur. Il y a le dispositif « carrières longues » pour partir plus tôt.

M. Maxime Gremetz. Il existe bien une définition de la pénibilité, mais vous préférez vous en tenir à des cas individuels. Les patrons trouvent cela chouette : ils avaient peur qu’il y ait une règle collective qui s’applique. Pas du tout : on crée une commission et l’on examinera les dossiers ; il faudra se faire reconnaître 10 % de handicap. Pour les patrons, ce seront 600 millions pour le handicap. Quand on a 33 milliards d’exonérations sur les cotisations patronales, on peut y aller !

Pourtant des rapports, des études, ont donné une définition précise de la pénibilité. Puisque vous n’avez pas lu cette définition, monsieur le ministre, je vous la donne. Cela concerne tout salarié soumis à des conditions de travail qui nécessitent des efforts physiques tels que la manutention, le port de charges ou des postures pénibles ; qui soumettent le salarié à un environnement agressif : chaleur, intempéries, exposition à des substances toxiques – et cela fait bien plus que 30 000 salariés ; qui le soumettent à des contraintes de rythme de travail ou à des horaires atypiques tel que le travail de nuit, les horaires en alternance, un travail à la chaîne ou un travail sous cadences ; et qui entraînent une diminution de son espérance de vie sans incapacité.

C’est pourquoi nous proposons que tous ceux-là bénéficient, dans des conditions fixées par décret, d’un abaissement des conditions d’âge prévues par le premier alinéa de l’article L 351-1 du code de la sécurité sociale, égal à la différence entre leur espérance de vie sans incapacité et la moyenne nationale de l’espérance de vie sans incapacité.

Les juristes qui ont élaboré ces dispositions ont tenu compte du fait que ces salariés ont dix ans d’espérance de vie de moins que les cadres supérieurs. Et ils n’auraient pas le droit à une retraite anticipée ?

Enfin, monsieur le ministre, je vous le demande très clairement : que deviendront ceux qui, actuellement, doivent bénéficier de la retraite anticipée dans le cadre du plan amiante ?

M. Christian Hutin. C’est une vraie question.

M. Maxime Gremetz. Ce plan, nous l’avons fait, mais, avec les nouvelles dispositions, que devient le plan amiante ? Il est remis en cause. Il faut répondre sur ce point. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, votre intervention, c’était tromperie à tous les étages et vous vous obstinez.

D’abord, un taux d’incapacité n’a rien à voir avec la pénibilité. Cela relève de dispositions spécifiques qui existent déjà. Bien des médecins l’ont montré et d’autres intervenants l’ont rappelé.

Monsieur le ministre, vous n’arrêtez pas de répéter partout depuis une semaine que vous avez réduit de 20 à 10 % le taux d’incapacité nécessaire pour que la pénibilité soit prise en compte : c’est un mensonge !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Pourquoi ?

Mme Martine Billard. Vous essayez de tromper les médias, et vous y êtes plutôt parvenu jusqu’à maintenant, mais je le répète : c’est un mensonge !

Vous n’avez pas ramené le taux en question de 20 à 10 % ; vous avez créé un autre dispositif qui ne prévoit aucune automaticité pour les salariés frappés d’une d’incapacité inférieure à 20 %. Ces derniers devront en effet apporter la preuve qu’ils ont été soumis durant une période donnée – que nous ne connaissons pas et qui sera fixée par décret – à des critères de pénibilité que nous ne connaissons pas plus. Il leur faudra démontrer qu’il existe un lien entre leurs conditions de travail et leur état de santé. Comment voulez-vous des salariés qui ont passé toute leur vie professionnelle en étant exposés à des facteurs de pénibilité puissent aujourd’hui en présenter les preuves ?

Monsieur le ministre, comment prouve-t-on, par exemple, que l’on a été exposé à des éthers de glycol quand on a été câbleuse dans une entreprise d’électronique ? Personnellement, j’ai travaillé à la SNECMA : je ne me vois pas obtenir de l’entreprise un certificat attestant que j’ai été exposée à ces substances chimiques.

M. Éric Woerth, ministre du travail. En effet, c’est compliqué !

Mme Martine Billard. Aucune câbleuse n’obtiendra un tel certificat, alors qu’il a bien été démontré que l’exposition aux éthers de glycol a des conséquences sur la santé. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Je le répète : vous mentez ! Vous mentez quand vous affirmez que ces mesures concernent plus de 100 000 personnes, car le dispositif lié aux carrières longues n’a rien à voir avec ce problème.

En fait, aujourd’hui, la pénibilité s’aggrave, mais seulement pour les ouvriers. Alors que, en 1984, 73 % des ouvriers étaient postés debout, cela concerne désormais 84,5 % des ouvriers qualifiés ; en 1984, 37,9 % des ouvriers non qualifiés portaient et déplaçaient des charges lourdes ; ils sont 64,4 % aujourd’hui, soit quasiment le double. Je pourrais encore citer le cas des vibrations ; pour tous les facteurs la tendance est la même : les conditions de travail se sont aggravées.

Votre discours et celui de nombreuses personnes qui prétendent connaître la situation du monde du travail consiste à prétendre qu’il n’y a plus d’ouvriers et que les conditions de travail se sont améliorées. C’est l’inverse qui est vrai : il y a toujours des ouvriers et leurs conditions de travail se détériorent.

Votre dispositif est un mensonge de bout en bout. Il concernera peut-être 10 000 travailleurs, mais ce n’est qu’une goutte d’eau par rapport à l’océan de tous ceux qui ont eu des conditions de travail pénibles. Avec votre amendement et le passage de 20 à 10 % vous ne concédez rien de plus que des micro-miettes. Je connais les difficultés rencontrées aujourd’hui pour faire reconnaître les troubles musculo-squelettiques comme maladie professionnelle ; je souhaite bon courage aux travailleurs qui, demain, dans le cadre que vous instaurez, voudront faire reconnaître leur droit à partir plus tôt à la retraite. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur le ministre, il me semble qu’il aurait été préférable que vous nous proposiez un texte sur les conditions de travail et la prévention des maladies professionnels indépendamment de celui sur les retraites.

Actuellement, on a le sentiment que la pénibilité est née hier. Qu’ont donc fait, avant nous, nos amis de gauche ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) La pénibilité n’est pas née d’aujourd’hui. Elle a toujours existé, même si je pense, contrairement à ce que j’ai entendu dire qu’elle a diminué depuis le début du siècle dernier.

L’important est de travailler en commun pour améliorer les conditions de travail, pour faire diminuer la pénibilité et pour que progresse l’espérance de vie de ceux qui ont des métiers pénibles.

M. Pierre Gosnat. Vous ne savez pas de quoi vous parlez !

M. Francis Vercamer. Les amendements déposés par l’opposition ne sont même pas au niveau du premier plan « Santé au travail » qui couvrait la période 2005 à 2009. M. Gérard Larcher, alors ministre délégué au travail, avait travaillé sur les risques psychosociaux, sur les troubles musculo-squelettiques ou encore sur les risques différés, sujet sur lequel je ne trouve rien dans vos amendements. Vous êtes en deçà ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.- Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Régis Juanico. Où sont les risques psychosociaux dans le projet de loi ?

M. Francis Vercamer. Vous êtes à des années lumières de traiter le problème de la pénibilité. Vous comprendrez que le groupe Nouveau Centre ne vote pas en faveur de vos amendements.

M. Juanico a affirmé que les socialistes étaient pour l’approche collective. Or l’approche collective est celle qui consiste à créer des régimes spéciaux ; c’est celle qui a mené au siècle dernier à la création de régimes dérogatoires qui existent encore aujourd’hui alors que la pénibilité a diminué dans certains métiers (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Ce n’est donc certainement pas cela qu’il faut faire.

M. Pierre Gosnat. Pour vous le bouclier fiscal est un très bon régime spécial !

M. Francis Vercamer. Bien sûr, il faut une approche individuelle, mais aussi un système de branche, à condition que les entreprises, et non le régime des retraites, fixent elles-mêmes les conditions d’une cessation anticipée d’activité. Je proposerai cette solution dans un amendement.

Mme Billard affirme que, récemment, la pénibilité a augmenté fortement. Il y a quelques heures, un orateur socialiste faisait remarquer que la France avait la meilleure productivité au monde depuis la mise en place des trente-cinq heures. Il ne faut pas vous étonner que les salariés aient des problèmes : vous avez adopté les trente-cinq heures pendant lesquelles on doit faire autant de travail qu’en trente-neuf ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Il ne faut pas vous étonner que les gens soient plus fatigués aujourd’hui et que les risques psychosociaux soient plus élevés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Gosnat. Cela ne vole pas haut !

(L'amendement n° 459 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 266 et 460, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Anny Poursinoff pour soutenir l’amendement n° 266.

Mme Anny Poursinoff. Le ministre a déjà donné son avis, je sais donc qu’il est opposé à mon amendement. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

Cela donne une preuve supplémentaire de l’attitude antisociale de ce gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous voulez faire croire que pénibilité et incapacité sont une même chose ; vous voulez tromper le monde.

Rien ne va changer pour les personnes qui subissent des conditions de travail difficiles. Vous voulez nous faire croire que « demain, on rasera gratis »,…

MM. Guy Lefrand. Ça, c’est vous !

Mme Anny Poursinoff. …et qu’on améliorera les conditions de travail. Si c’était si facile, cela se saurait ; si le patronat avait vraiment voulu le faire, rien ne l’en empêchait.

On pouvait inscrire des critères de pénibilité dans la loi tout en progressant pour améliorer les conditions de travail au sein des instances compétentes. On nous annonce un avenir merveilleux : la médecine du travail sera réformée, les salariés ne seront plus exposés aux substances toxiques, ils ne seront plus irradiés, il n’y aura plus de problème de travail de nuit… Nous savons pertinemment que tout cela est faux : c’est du baratin pour endormir le monde et personne, même les journaux, n’y croit plus.

Le minimum aurait été de proposer des critères de pénibilité. On prétend qu’ils sont difficiles à déterminer. Ce n’est tout de même pas compliqué de savoir que le travail de nuit est pénible, que le port de charges lourdes est pénible, que l’exposition aux pesticides est cancérigène et réduit l’espérance de vie : il n’y a pas besoin de commander des milliers d’études. Ces critères existent, vous n’avez tout simplement pas voulu les inscrire dans ce texte.

Vous confirmez ainsi que vous ne cherchez pas à mener une politique sociale avec cette réforme, et que vous travaillez toujours au bénéfice du patronat. Le MEDEF donne d’ailleurs l’impression de beaucoup se réjouir de vos choix : on comprend pourquoi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. L’amendement n° 460 a déjà été défendu par M. Juanico.

(Les amendements nos 266 et 460, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. M. Régis Juanico a déjà présenté les amendements nos 458 et 529.

(Les amendements nos 458 et 529, repoussés par la commission et le Gouvernemen,t et successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. Gaëtan Gorce. Je demande la parole pour un rappel au èglement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce pour un rappel au règlement.

M. Gaëtan Gorce. Il s’agit d’un rappel au règlement sur la base de l’article 58 du règlement.

C’est la première fois que je vois un ministre du travail demander à plusieurs reprises la parole pour répondre à l’opposition et à la majorité, et un président de l’Assemblée nationale la lui refuser.

Je le regrette d’autant plus que nous n’ayons pas pu entendre les explications du ministre selon lequel la question du travail est une question centrale. Cela est particulièrement vrai aujourd’hui pour la majorité car elle a, tout comme le Président de la République, un problème avec le travail. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

En effet ce dernier avait placé la question du travail au cœur de sa campagne présidentielle pour finalement échouer sur tous les terrains, celui de l’emploi comme celui de la revalorisation des salaires. (Mêmes mouvements.)

Aujourd’hui, étant donné les limites dans lequel il encadre le dispositif que vous nous présentez, il échouera sur la pénibilité. Nous y reviendrons, mais il est regrettable que le ministre n’ait pas eu au moins la chance de s’expliquer, même si c’est pour justifier un projet indéfendable.

M. le président. Monsieur Gorce, j’apprécie les reproches que vous adressez à la présidence. Il me semble que le ministre est assez grand pour demander la parole quand il le souhaite, d’autant que le Gouvernement peut s’exprimer quand il le veut.

La parole est à M. le ministre. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Éric Woerth, ministre du travail. Que l’opposition ne s’impatiente pas : nous sommes en plein dans le sujet.

M. le président. Et puis vous aurez l’occasion de répondre aux trente orateurs inscrits sur l’article.

M. Éric Woerth, ministre du travail. La position du Gouvernement est opérationnelle. On peut faire de grands discours sur la pénibilité mais il faut que les mesures prises puissent effectivement s’appliquer sur le terrain. Si tous les salariés français devaient entrer dans un dispositif relevant de la pénibilité, ce dernier n’aurait plus aucun sens.

M. Pierre Gosnat. Personne n’a jamais demandé ça ! Vous caricaturez !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Il faut bien que des critères permettent de définir exactement la pénibilité et ses conséquences.

Notre dispositif est équilibré. Il est indispensable que tout ce qui a été fait en matière d’amélioration des conditions de travail – dieu sait combien la France a progressé en la matière depuis dix ou quinze ans – soit également intégré. Un équilibre entre l’exposition aux facteurs de pénibilité et le constat de celle-ci devrait être trouvé. Il fallait aussi que le dispositif soit juste.

À partir du moment où il y a des avantages, d’une certaine façon, à avoir été exposé à un métier pénible. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR)…

Mme Martine Billard et M. Maxime Gremetz. C’est scandaleux !

M. le président. Du calme mes chers collègues.

M. Pierre Gosnat. Des avantages à la pénibilité !

M. Éric Woerth, ministre du travail. En général, les salariés ont eu une compensation durant le travail et il y aura une compensation au moment de la retraite. Il est normal que l’on puisse se poser la question par rapport à ceux qui n’ont pas cette compensation. Les effets sont-ils mesurables ? Peut-on les prouver ? Sont-ils traçables ou pas ? Dans le cas contraire, il y aurait une terrible injustice à l’égard de tous les autres salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur Vidalies, les maladies professionnelles sont bien celles qui sont inscrites au tableau des maladies professionnelles et celles qui sont reconnues par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Le rapport du professeur Lasfargues considérait qu’il fallait aller plus loin dans la reconnaissance du lien entre l’exposition à un risque et ses conséquences physiques. Nous avons prévu dans le projet de loi la mise en place d’un comité scientifique car, même si beaucoup a été fait, il reste encore énormément de travail sur ce sujet. Certains facteurs d’exposition doivent encore être liés avec certitude à l’usure physique des salariés. Si nous voulons prendre aussi en compte les effets différés au fur et à mesure de leur apparition, il faut que le comité scientifique puisse travailler.

En ce qui concerne le rapport de M. Poisson, on peut tout d’abord regretter que votre ancien collègue ne soit plus là. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme Martine Billard. Il a été bien remplacé !

M. Éric Woerth, ministre du travail. En tout cas, je constate que l’opposition dit aujourd’hui le plus grand bien de ce rapport alors qu’il fut un temps où elle le qualifiait de rapport du MEDEF ; il faudrait choisir. Vous avez la mémoire un peu courte.

Les risques psychosociaux doivent être traités dans le cadre de l’amélioration des conditions de travail. Il n’y a pas de raison d’établir un lien avec la retraite, il ne faut pas tout confondre. Nous travaillons sur le lien risques, pénibilité et retraite, et sur rien d’autre.

M. Maxime Gremetz. Et l’espérance de vie ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. En matière de prévention, nous devons, évidemment, aller encore plus loin.

Par ailleurs, nous ne modifions aucunement l’accès au dispositif de cessation anticipée d’activité pour les salariés qui ont été exposés à l’amiante. Ne laissez pas entendre le contraire, monsieur Gremetz. Le dispositif amiante reste évidemment en l’état et est maintenu.

Plusieurs études ont été réalisées par la DARES. Celle que vous citez, monsieur Gremetz, concerne les seniors.

M. Pierre Gosnat. Non, les maladies professionnelles !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Ce qui est intéressant, ce n’est pas tant l’âge où l’on considère qu’un travailleur est âgé, que l’évolution observée entre deux études : alors que la précédente étude de la DARES montrait que les employeurs considéraient qu’un travailleur était âgé à cinquante-cinq ans, aujourd’hui, ils le considèrent âgé à partir de cinquante-huit ans et demi. C’est encore trop peu mais cela dénote une évolution culturelle sur la place des seniors dans l’entreprise.

M. Maxime Gremetz. Les seniors sont usés !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Le dispositif du Gouvernement est, d’abord, opérationnel. En effet, il ne suffit pas de tenir des discours sur la pénibilité. Encore faut-il intégrer un système de pénibilité et, surtout, de retraite pour cause de pénibilité. Il est ensuite équilibré et juste. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mme Marisol Touraine. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Je vous rappelle, madame Touraine, que vous êtes le premier orateur inscrit sur l’article 25.

Mme Marisol Touraine. Je veux répondre à M. le ministre, après les propos étonnants que nous venons d’entendre.

M. le président. Vous avez donc la parole.

Mme Marisol Touraine. Quel avantage y a-t-il, monsieur le ministre, à être exposé à des facteurs de pénibilité, à travailler de nuit ou à faire les trois huit ou les quatre huit ? Tout à l’heure, lorsque M. Gremetz a parlé des quatre huit, on a entendu des ricanements s’élever des bancs de la majorité. Pourtant, un tel système d’organisation du travail existe.

Quel avantage y a-t-il, monsieur le ministre, à être exposé à des produits chimiques, à des produits cancérigènes ou encore à porter des charges lourdes pendant des mois, des années, parfois tout au long de sa carrière professionnelle ?

Vraiment, nous ne comprenons pas la démarche du Gouvernement.

Pourquoi la retraite à soixante ans a-t-elle été instituée, monsieur Vercamer, sinon pour tenir compte de la pénibilité et donner un avantage à ceux qui ont travaillé dans des conditions difficiles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Denis Jacquat, rapporteur. Ce n’est pas vrai, elle était accordée à tout le monde !

Mme Marisol Touraine. Je vous encourage, ainsi que vos collègues de la majorité, à lire les écrits que M. Pierre Laroque a rédigés à la fin de sa vie, à la fin des années quatre-vingts, et dans lesquels il revient sur les conditions de la naissance de la sécurité sociale.

Il précise que, s’il a fallu fixer l’âge de départ à la retraite à soixante-cinq ans, qu’il considère comme un âge très tardif, c’est uniquement parce que la France sortait de la guerre dans un état très affaibli. Rendant compte de la loi de 1975 dont nous avons parlé, il estime heureux que des mécanismes dérogatoires aient été mis en place pour prendre en compte la pénibilité du travail et que certaines catégories de la population aient pu bénéficier d’un départ à la retraite à soixante ans. Pourtant M. Pierre Laroque n’avait rien d’un socialiste. C’est pourquoi nous ne parvenons pas à comprendre votre attitude.

En commission comme ici, M. le ministre a reconnu qu’il y avait deux manières de prendre en compte la pénibilité, fondées sur deux approches différentes des situations sociales difficiles : une approche individualisée et médicalisée, limitée au maximum pour des raisons financières, et une approche tendant à prendre en compte l’espérance de vie de certaines catégories de salariée, approche à laquelle vous avez renoncée. Cela est d’autant plus étonnant que vous présentez votre projet comme répondant à l’évolution de la démographie.

Si vous ne prenez pas en compte la pénibilité de certains métiers, vous devriez au moins prendre en considération la question de l’espérance de vie. Or vous prenez prétexte de l’allongement de celle-ci pour relever l’âge légal de départ à la retraite, sans tenir compte des différences existant en la matière. Il y a des dizaines, voire des centaines d’études sur le sujet, monsieur le ministre. Tout le monde sait qu’il existe dix ans d’écart entre l’espérance de vie en bonne santé d’un cadre et celle d’un ouvrier. C’est pourquoi nous prônons une modulation de la durée de cotisation des salariés.

Il s’agit d’une question de fond, qui aurait mérité un grand débat politique et social.

Reconnaissez que vous avez renié, pour des raisons financières et comptables, à la fois vos engagements de 2003 (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP), ceux que vous aviez pris au cours de la négociation sociale qui a eu lieu entre 2005 et 2008 et l’engagement de M. Xavier Bertrand de présenter rapidement, après l’échec des négociations, une loi au Parlement pour prendre en compte la pénibilité dans le travail. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Ce faisant, vous avez trahi les engagements de vos prédécesseurs, qui étaient pourtant du même bord que vous, et vous avez raté la grande occasion qui s’offrait à vous de faire avancer de manière significative le droit social dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Denis Jacquat, rapporteur. C’est faux !

M. le président. Je vous redonne la parole, mais vous aurez l’occasion, monsieur le ministre, de répondre aux nombreux orateurs inscrits sur l’article 25.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Je sais, monsieur le président, mais je préfère répondre maintenant. Cela m’évitera de le faire plus tard.

La question de l’espérance de vie est très importante mais il existe beaucoup de différences en la matière : entre les hommes et les femmes, entre les régions, entre les ouvrières et les hommes cadres, et je pourrais en citer bien d’autres. Ce n’est donc pas une bonne approche ; d’ailleurs, elle n’a été choisie dans aucun autre pays.

M. Pierre Gosnat. Il y a des dominantes quand même !

M. Éric Woerth, ministre du travail. M. Pierre Laroque mettait en garde contre le fait que l’abaissement de l’âge de la retraite serait une erreur économique et sociale. On ne peut être plus clair.

Lorsque vous avez institué la retraite à soixante ans pour tout le monde, cela n’avait rien à voir avec la pénibilité, sinon avec la pénibilité du travail, qui est différente de la pénibilité au travail.

M. Régis Juanico. Regardez comment sont les travailleurs à soixante ans !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Le dispositif que nous mettons en place prend en compte la pénibilité au travail et en tient compte dans la retraite.

La pénibilité donne droit à des compensations. Le travail de nuit, par exemple, est mieux rémunéré.

M. Pierre Gosnat. Vous parlez des « avantages » de la pénibilité ! Ce n’est pas pareil !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Les syndicats contestent cet aspect et font valoir que les salariés sont astreints conte leur gré à des travaux pénibles par des incitations financières.

M. Pierre Gosnat. Cela dépend des métiers !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Il y a toujours une compensation de la pénibilité.

M. Christian Eckert. Quel cynisme !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Ce n’est pas moi qui le dit, ce sont les organisations syndicales : la pénibilité donne droit, par exemple, à des primes ou à des rattrapages. Ces compensations relèvent des conditions de travail. Il y a ensuite les dispositifs de retraite, dont nous débattons présentement, et la prévention, qui doit évidemment être renforcée.

Je remarque que je n’ai pas entendu parler de projet du parti socialiste sur la pénibilité. Celui-ci a simplement indiqué vouloir y consacrer 5 milliards d’euros, sans dire comment ni pour quoi ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Régis Juanico. C’est l’objet de nos amendements !

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58 de notre règlement.

C’est la première fois que je vois l’opposition obligée de défendre les droits du Gouvernement. Alors que le ministre souhaite s’exprimer, vous lui dites, monsieur le président, que ce n’est pas souhaitable.

Votre façon d’organiser les débats me surprend, si bien qu’il me paraîtrait bon d’ajouter à la liste des métiers pénibles, définis par le texte de loi, celui de président de l’Assemblée nationale. (Sourires) Quant à celui de ministre, nous l’avons déjà classé parmi les métiers pénibles réclamant une cessation d’activité anticipée. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. A cette heure et à ce stade de notre débat, nous devons, pour la crédibilité de nos travaux, être extrêmement précis.

Monsieur le ministre, je vous rends hommage et vous remercie de répondre à nos interventions. C’est une bonne habitude que vous êtes en train de prendre, et je souhaite que vous la conserviez. Je vais, à ce titre, vous donner l’occasion de préciser encore votre position.

Tout à l’heure, M. Alain Vidalies a soulevé une difficulté juridique à laquelle vous risquez d’être confronté lorsque vous devrez publier des textes d’application, si par malheur ce texte était voté.

Si j’ai bien compris, sont considérées comme maladies professionnelles, d’une part, des maladies inscrites dans un tableau conférant à celles-ci une présomption d’imputabilité à un travail et, d’autre part, selon le quatrième alinéa de l’article L. 461-1 du code du travail, des maladies entraînant une incapacité de 25 %. Ce taux, fixé par l’article R. 461-8 du même code, me paraît difficilement conciliable avec celui de 10 % concédé par le Président Sarkozy, dans un geste de bienveillance, à la suite des manifestations du mardi 7 septembre, qui ont fait descendre dans la rue quelque trois millions de personnes.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, être plus précis à ce sujet ? Votre réponse à M. Vidalies était un peu elliptique.

M. Éric Woerth, ministre du travail. J’ai déjà répondu.

Reprise de la discussion

M. le président. Nous arrivons à l’article 25.

Article 25

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Avant de m’exprimer sur l’article 25, je veux formuler deux remarques préalables.

Premièrement, si l’âge de la retraite a été abaissé à soixante ans, ce n’était pas pour les métiers pénibles. Il s’agit d’une mesure générale s’appliquant à l’ensemble de la population. Je ne vois pas pourquoi l’opposition associe cette mesure à la pénibilité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Exactement !

M. Jean-Luc Préel. Deuxièmement, les comptes notionnels présentant l’immense avantage de prendre en compte la durée de vie prévue, donc l’espérance de vie et, partant, une partie de la pénibilité, j’attends avec impatience la mise en œuvre d’une réforme allant dans ce sens.

Avec l’article 25, nous abordons la question de la pénibilité et, plus particulièrement, celle du dossier médical en santé au travail.

La pénibilité est un problème majeur qu’il nous faut d’autant plus traiter que nous proposons de prolonger de deux ans la durée nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein sans décote. Comme M. Francis Vercamer y a déjà insisté à plusieurs reprises et comme vous venez également de le rappeler, monsieur le ministre, c’est d’abord pendant la période de travail que ce problème doit être pris en compte, avec la ferme volonté de le prévenir.

La prévention comporte à la fois des mesures générales et des mesures individuelles liées à la santé de la personne salariée. Nous sommes, en effet, tous inégaux devant la maladie en raison de caractères individuels particuliers, de données génétiques propres à chacun, de comportements spécifiques et de capacités différentes à résister au stress, à s’adapter à un nouvel environnement et à supporter les contraintes. La plupart des maladies sont aujourd’hui considérées comme relevant de caractères multifactoriels.

M. Maxime Gremetz. N’importe quoi !

M. Jean-Luc Préel. C’est la réalité, monsieur Gremetz !

M. Régis Juanico. C’est de l’enfumage !

M. Jean-Luc Préel. La plupart des maladies, y compris le cancer, ont des origines multifactorielles. Si vous ne le savez pas, renseignez-vous. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Le dossier médical en santé au travail est donc essentiel. Certes, il en existe déjà un, mais chacun reconnaît qu’il présente des insuffisances, notamment en matière de traçabilité des expositions professionnelles, laquelle est très incomplète aujourd’hui, et des effets différés. Ce carnet devra donc contenir les informations relatives à l’état de santé du salarié. Ce sera sa vocation première. Il sera couvert pas le secret professionnel, le secret médical, et ne pourra être transmis à l’employeur. Il serait donc logique que le dossier médical personnel, le fameux DMP qui a connu quelques problèmes de mise en œuvre, puisse être communiqué au médecin du travail, ce qui n’est pas possible actuellement, le médecin du travail étant considéré par certains comme suspect, incapable de préserver le secret professionnel, ce que je trouve tout à fait anormal.

Le carnet de santé au travail devra mentionner les informations relatives aux conséquences des expositions aux produits, aux bruits, de l’adaptation aux postes.

Ce document retraçant les expositions aux facteurs de risque sera donc essentiel, mais sa bonne tenue exigera une médecine du travail de qualité, avec des professionnels nombreux et disponibles. Or, aujourd’hui, nous nourrissons quelques inquiétudes sur la démographie des médecins du travail. De nombreux départs à la retraite sont prévus et les postes proposés à l’examen classant national ne permettent pas d’assurer la relève.

Une réforme de la médecine du travail est nécessaire, qui devra revoir les missions des médecins. Celle que vous nous proposez comporte des mesures nouvelles. Il est essentiel de maintenir, voire d’améliorer la qualité de la médecine du travail, de renforcer l’indépendance vis-à-vis de l’employeur, en confortant le secret médical, indispensable pour maintenir la confiance entre le salarié et le médecin du travail. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Gosnat. Ce n’est pas glorieux !

M. Jean-Luc Préel. Merci pour vos appréciations sympathiques !

M. Christian Paul. Et encore, on se modère !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Le groupe Nouveau Centre aurait préféré que la prévention de la pénibilité fasse l’objet d’une réflexion indépendante d’un texte sur les retraites. La pénibilité, en effet, c’est d’abord la pénibilité au travail et, M. le ministre l’a indiqué, elle peut être compensée par d’autres moyens. Il est également possible de faire de la prévention dans l’entreprise, afin de diminuer la pénibilité par différents moyens.

Il était donc important, pour le groupe Nouveau Centre, que l’on puisse travailler sur cette pénibilité en dehors d’un texte sur les retraites qui, bien évidemment, n’en compense qu’une partie. C’est ce qui, à mon avis, explique le dialogue de sourds auquel nous avons assisté tout à l’heure, la gauche voulant compenser intégralement la pénibilité, alors que, de l’autre côté de l’hémicycle, on estime que la pénibilité doit être reconnue, mais qu’elle ne doit pas forcément être compensée par un départ anticipé à la retraite.

Il me paraît important de rappeler que la prévention de la pénibilité en entreprise est de la responsabilité de l’employeur. Plusieurs amendements gouvernementaux tendent à réformer le système de santé au travail. La médecine du travail est là pour prévenir, donner des conseils, essayer d’améliorer les conditions de travail, mais, en aucun cas, elle n’est responsable de la mise en œuvre de ces mesures de réparation ou d’amélioration des conditions de travail.

Par ailleurs, le texte qui nous est présenté traite de la pénibilité dans le cadre des retraites. Le Gouvernement propose de prendre l’incapacité de travail à partir de 10 %. C’est une avancée sociale très forte, mais qui laisse de côté toute la réflexion autour des risques psychosociaux, c’est-à-dire des maladies psychiques qui pourraient provenir de la pression psychologique au travail, et les maladies différées. Je reconnais que ces deux thèmes sont très difficilement mesurables pour être comptabilisés dans la réforme des retraites. C’est pourquoi le Nouveau Centre aurait préféré que l’on travaille sur la pénibilité en général, que l’on examine toutes les formes de pénibilité, tous les risques pour le salarié, que l’on étudie la manière d’améliorer les conditions de travail en entreprise, et que l’on s’occupe ensuite de les compenser dans le cadre de la retraite.

On n’est évidemment pas obligé de compenser la totalité de la pénibilité dans le cadre de ce texte. Cela pourra être fait dans le temps, en fonction de l’amélioration des connaissances scientifiques et des analyses qui auront été effectuées par l’observatoire de la pénibilité que vous avez introduit à l’article 1er.

L’article 25 traite de la traçabilité de la pénibilité dans le parcours professionnel. Il est important qu’elle reste confidentielle et il serait inconcevable que des documents retraçant la vie professionnelle et, surtout, l’exposition à des produits dangereux ou des postures particulières occasionnant des troubles musculo-squelettiques, soient visibles par un employeur au moment de l’embauche et empêchent un demandeur d’emploi de retrouver un travail par une forme de discrimination à la santé. Nous avons déposé un amendement proposant que ce carnet reste un document médical confidentiel, et ne circule pas entre toutes les mains.

J’en viens au service de santé au travail.

L’amendement déposé en dernière minute par le Gouvernement reprend divers amendements que j’avais moi-même présentés sur les missions du service de santé au travail, qui devait comporter la traçabilité de la pénibilité. Le Gouvernement a repris également l’exigence de pluridisciplinarité, car il est évident que le service de santé au travail est composé non seulement de médecins, mais de diverses professions médicales ou paramédicales.

L’indispensable indépendance de la médecine du travail vis-à-vis de l’employeur doit être réintroduite dans le texte. Auteur, l’an dernier, d’un rapport sur le budget du travail, je me suis rendu compte, lors des auditions, que, lorsque tout le service de santé était intégré et salarié de l’entreprise, l’employeur pouvait exercer des pressions pour éviter de prendre en compte telle ou telle préconisation de la médecine du travail. Pour ne rien vous cacher, ce cas s’est notamment présenté à France Télécom, l’année dernière. Il est évident qu’il faut maintenir et renforcer cette indépendance, de manière que les préconisations de la médecine du travail, qu’elle soit intégrée à l’entreprise ou mutualisée, puissent permettre l’amélioration des conditions de travail et diminuer la pénibilité.

M. le président. La parole est à M. Paul Jeanneteau.

M. Paul Jeanneteau. Je me réjouis que le Gouvernement introduise dans ce texte la notion de pénibilité.

M. Jean Mallot. Mais non !

M. Paul Jeanneteau. C’est la première fois qu’un projet de loi sur les retraites prend en compte la pénibilité au travail. Il s’agit d’une avancée sociale majeure, d’autant que la pénibilité liée au travail sera jugée individuellement, au cas par cas, par des médecins.

M. Maxime Gremetz. Il faudra être handicapé pour en bénéficier !

M. Paul Jeanneteau. Il aurait été particulièrement injuste d’établir des critères généraux en ce domaine, car toutes les situations ne se ressemblent pas. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Maxime Gremetz. Il m’énerve !

M. Paul Jeanneteau. D’ailleurs, lors de leur audition par la commission des affaires sociales, les responsables professionnels ont tous insisté pour que certaines professions ne soient pas reconnues comme étant pénibles dans leur ensemble, par définition. Ces professions auraient en effet risqué d’être stigmatisées, ce qu’il convient à tout prix d’éviter, d’autant qu’un même métier peut être exercé de diverses manières selon les postes et les entreprises.

Lutter efficacement contre la pénibilité passe par une meilleure prévention. Pour cela, il faut qu’une cohérence entre les différents professionnels de santé s’établisse au profit du salarié. Des modalités d’échanges doivent être mises en place localement, selon les cas, entre le médecin du travail, le médecin traitant, le médecin spécialiste, le médecin conseil et les responsables de l’entreprise.

Par ailleurs, un bon accompagnement du salarié doit lui permettre d’évoluer au sein même de son entreprise en changeant de poste ou en adaptant son poste. Il s’agit de mettre en œuvre une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

M. Maxime Gremetz. C’est Walt Disney !

M. Paul Jeanneteau. Pour prévenir la pénibilité, il faut aussi en connaître les effets, notamment différés, et mesurer l’impact à long terme des expositions à certains facteurs de risques. Le comité scientifique que le Gouvernement propose d’instaurer a pour but d’apporter des réponses à ces questions complexes.

Retraite et pénibilité sont deux sujets intrinsèquement liés. Il est normal qu’un salarié ayant exercé un métier reconnu comme ayant eu des conséquences sur son état physique ou psychique parte à la retraite plus tôt. Il est aussi de notre devoir de législateurs de prendre les mesures nécessaires pour lutter contre ses causes – contraintes physiques marquées, environnements agressifs ou rythmes excessifs de travail – donc de traiter ces problèmes dans un texte spécifique.

La pénibilité au travail est un sujet majeur, profond, qui touche bon nombre de nos concitoyens. Je me réjouis que le Gouvernement souhaite faire évoluer notre environnement législatif afin d’apporter des réponses efficaces et concrètes, que ce soit par le renforcement du rôle des services de santé au travail en matière de prévention, ou par la création d’un fonds national destiné à contribuer aux actions mises en œuvre par les entreprises ou les branches en faveur des travailleurs ayant été exposés à des facteurs de pénibilité.

Ce sont autant de garanties qui attestent que le projet du Gouvernement souhaite prendre en compte la vie des salariés dans leur globalité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Une enquête de l’INSEE sur les différences sociales de mortalité avait conclu au constat suivant : l’espérance de vie à trente-cinq ans a augmenté pour toutes les catégories sociales, mais ce sont toujours les ouvriers qui vivent le moins longtemps, et les cadres et les professions intellectuelles supérieures qui ont l’espérance de vie la plus longue. Les écarts d’espérance de vie entre catégories socioprofessionnelles se sont même accrus chez les hommes, tandis qu’ils restaient stables chez les femmes : sept ans chez les hommes, trois ans pour les femmes.

Certes, on pourra d’abord objecter que cette inégalité dans l’espérance de vie entre les catégories socioprofessionnelles n’est pas due uniquement au travail, puisqu’elle existe également entre les sexes. Le mode de vie, les comportements sociaux et culturels, les addictions, les habitudes alimentaires jouent un rôle, comme l’a expliqué Jean Leonetti la semaine dernière. Néanmoins, ces causes extérieures au travail sont bien liées à la catégorie socioprofessionnelle dans laquelle vous place votre travail.

On pourra aussi faire remarquer que les personnes qui suivent des études supérieures entrent plus tard dans la vie active et en sortiront plus tard, ce qui est une forme d’équité.

Il n’en reste pas moins qu’une exigence d’équité devrait nous faire intégrer en partie cette inégalité dans l’espérance de vie, en reconnaissant l’existence des altérations de la santé pendant la retraite provoquées par la vie active. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe SRC.) Un système comme celui des comptes notionnels nous permettrait de le faire assez simplement en faisant varier le coefficient de conversion du montant du capital virtuel durant les séquences de la vie active dans tel ou tel type d’activité. Cela permettrait à certains de partir plus tôt avec l’assurance d’une retraite plus importante : ce serait une redistribution conforme à l’exigence d’équité. Je pense que, dans notre système, il serait bon également d’introduire cette exigence.

Bien sûr, on doit pour le moment circonscrire celle-ci assez étroitement au travail effectué et non à l’espérance de vie. Jean-Frédéric Poisson évoquait quatre causes possibles : horaires décalés, exposition à des substances toxiques, gestes répétitifs et exposition à des conditions extrêmes. Il proposait trois pistes de solution : départ anticipé, orientation vers d’autres activités, réduction progressive du temps de travail avec maintien du salaire. C’étaient des propositions réalistes. Celles que le Gouvernement a récemment formulées vont partiellement dans cette direction et enrichissent le texte qui nous est proposé.

L’article 25 envisage la possibilité du dossier médical ; c’est une bonne mesure. Je m’attacherai davantage, personnellement, à celle du tutorat, qui permet effectivement un passage de la vie active à la retraite. Je pense que cette mesure est de nature à traiter la question de la fatigue au travail et donc des conséquences de la pénibilité.

M. le président. La parole est à M. Guy Lefrand.

M. Guy Lefrand. Je veux tout d’abord remercier M. le ministre d’avoir ouvert la discussion sur la réforme de la santé au travail dans le cadre de ce projet de loi sur les retraites. Comment, en effet, évoquer la pénibilité et le maintien dans l’emploi des seniors sans s’interroger sur le fonctionnement des nombreux systèmes de santé au travail qui existent encore aujourd’hui dans notre pays ?

Je vous propose donc, rapidement, une analyse et une synthèse sur le sujet, en reprenant des éléments issus des auditions menées avec Jean-Frédéric Poisson sous l’égide de Jean-François Copé et des travaux que nous avons menés avec les professeurs de médecine du travail Alain Domont et Paul Frimat.

Le passage de l’époque de la médecine du travail à l’ère de la santé au travail ne doit, selon nous, ni faire table rase du passé en mésestimant certains acquis de la médecine du travail, ni pérenniser un système qui a montré ses limites, notamment dans la prévention des cancers professionnels – l’amiante, déjà évoquée, nous en fournit le meilleur exemple – et la prévention de la souffrance psychologique.

Un bref rappel historique va nous permettre d’appréhender la complexité des enjeux et la nécessité d’une démarche de synthèse entre santé individuelle et protection collective.

La loi du 11 octobre 1946 avait pour objectif d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail : « Le rôle du médecin du travail est exclusivement préventif. Il consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant leurs conditions d’hygiène au travail, les risques de contagion et leur état de santé.»

En réalité, en soixante ans, l’action médicale a surtout contribué à limiter certaines altérations mais n’a pu les éviter toutes. Ce dernier objectif n’a pu être atteint.

Dans ce contexte, le médecin du travail réalise des examens médicaux au titre de la surveillance de la santé des salariés et participe également à la surveillance des conditions de travail en menant des actions en milieu de travail au titre de son temps d’activité non clinique.

Ces textes assignent donc aux médecins un rôle non médical dans la prévention technique et ergonomique des altérations de la santé des travailleurs au travail. Seuls intervenants autrefois, ils doivent aujourd’hui partager ce domaine à part égale avec d’autres professionnels de la santé au travail – cela a été rappelé, notamment par notre collègue Vercamer –, ce qui peut expliquer certaines difficultés aujourd’hui rencontrées.

La surveillance de l’hygiène industrielle, instaurée par la loi à la fin des années quarante, correspondait à ce que l’on dénomme aujourd’hui la prévention primaire, c’est-à-dire à la maîtrise technique des risques professionnels et à l’organisation du travail.

Les surveillances de santé, également inscrites dans ce texte, avaient pour objectif la prévention médicale secondaire des maladies consécutives à des activités professionnelles réalisées dans un espace collectif. Ces surveillances biologiques et cliniques ciblaient ainsi les effets sanitaires consécutifs aux expositions à des risques professionnels plus ou moins maîtrisés.

Pour utiles et louables qu’ils soient, le dépistage, la démarche de soin et de réparation en aval des nuisances professionnelles ne peuvent seuls répondre à l’exigence de prévention de ces maladies. Ce dernier objectif, qui, avant la Seconde Guerre mondiale, était encore moins clairement exprimé qu’aujourd’hui, a conduit le législateur à inscrire dans la loi une action de prévention médico-technique spécifique, non exclusivement centrée sur le dépistage. L’action médicale a en effet été, dès 1947, réglementairement maintenue, dans des modalités proches de celles de la médecine d’usine d’avant-guerre. L’exercice du médecin du travail s’est vu malheureusement, au fil du temps, de plus en plus cantonné à la prévention médicale de l’indemnisation des maladies professionnelles. Le courant de pensée spécifique de l’époque laissait en effet croire que celles-ci pouvaient être prévenues par le contrôle de l’aptitude médicale au poste de travail. Ce dernier a bien évidemment été maintenu, et même renforcé en 1979.

Nous étions donc dans une démarche quasi-exclusivement juridico-réglementaire, qui s’est développée sans plus de considération pour les données médicales, qui changeaient au fil des progrès de la médecine.

C’est pourquoi, en 2010, la France n’arrive toujours pas à passer d’une politique médico-légale d’indemnisation, construite à partir de la fin du XIXe siècle, à une politique médico-professionnelle de santé au travail, qui devrait être en place depuis au moins vingt ans aujourd’hui.

En attestent notamment les atermoiements dans la transposition de la directive-cadre de juin 1989. Notre pays n’a toujours pas réussi sa mutation européenne. Nous sommes toujours loin d’être passés, comme il conviendrait, du « tout prévention tertiaire », à une démarche globale et équilibrée de santé au travail, qui impliquerait d’inverser les logiques d’action en milieu de travail, allant non plus de l’action tertiaire à l’action primaire, mais de l’action tertiaire à l’action primaire. Je pense que nous serons tous d’accord sur ce point : mieux vaut prévenir les maladies professionnelles que tenter d’en limiter ultérieurement les conséquences.

M. Maxime Gremetz. On s’endort !

M. Guy Lefrand. Chacun son tour de s’exprimer, monsieur Gremetz. Écoutez donc, vous allez apprendre des choses.

M. le président. Je vous en prie, poursuivez, cher collègue.

M. Guy Lefrand. C’est une véritable refondation de l’exercice de cette spécialité médicale qui s’impose. Peu d’éléments manquent encore pour aboutir, mais le point principal reste à traiter : celui de la nature et de la place de l’intervention en santé environnementale au travail.

Les modalités de l’exercice du médecin du travail, telles qu’elles se sont construites depuis une soixantaine d’années en entreprise, restent à auditer, non pas uniquement au plan quantitatif de la démographie médicale, cela a été fait, mais également au plan qualitatif, ce qui reste à faire.

À côté du rôle clinique, le rôle ergonomique du médecin du travail est également à discuter. Les difficultés de l’exercice de la médecine du travail sont, en effet, pour partie liées à une incompréhension de la place du médecin du travail dans la santé publique. C’est pourquoi la place de la médecine du travail dans la dynamique des soins et dans la recherche clinique est, à notre avis, à repenser.

De même, les futurs spécialistes devraient acquérir, lors de leur spécialisation, les outils nécessaires à l’action pluridisciplinaire en santé au travail ; jusqu’à présent, c’est loin d’être le cas.

Le retard accumulé par la France dans la mise en place d’une politique équilibrée de promotion de la santé des travailleurs au travail conforme à la directive de juin 1989 résulte de l’absence de gestion conjointe de ces deux problématiques de santé, individuelle et environnementale, traitées séparément alors qu’elles devraient l’être concomitamment. Il convient de tout faire pour que, à l’avenir, ces deux champs soient compris comme devant être abordés concomitamment.

Les difficultés que nous connaissons aujourd’hui, notamment dans la surveillance des risques professionnels par les médecins du travail, ne sont pas imputables qu’aux médecins, dont personne ne remet en cause la bonne volonté. Cependant, les modalités réglementaires d’organisation des surveillances médicales remontent à 1947, alors que celles qui imposent la présence du médecin sur les lieux de travail au titre du tiers temps ne datent que de 1979.

Cet aspect technico-ergonomique de la médecine du travail que l’on retrouve dans la santé au travail aurait plutôt dû nous conduire au recrutement de techniciens, d’ingénieurs, de toxicologues et autres, comme l’a tout à l’heure dit le ministre, dans les services médicaux du travail. Malheureusement, la mise en œuvre de cette seconde action, pourtant obligatoire, a été mal comprise et beaucoup moins stricte.

Si le médecin est indépendant et seul responsable de son activité clinique du fait de sa compétence médicale, son action ergonomique et de prévention technique, à laquelle il est souvent très insuffisamment préparé, s’inscrit au sein d’un travail d’équipe pluridisciplinaire. Nous sommes heureux des amendements qui seront présentés à ce sujet.

Enfin, les réformes du début des années 2000 ont principalement porté sur le calendrier des visites, mais ont laissé de côté toute vraie réflexion sur la pratique clinique du médecin et sur la place des médecins dans une politique de santé collective d’inspiration ergonomique.

Nous devons donc, nous, les politiques, redéfinir le rôle des médecins du travail dans la santé au travail, et les nécessaires coopérations médicales et non-médicales en entreprise.

Dans cette optique, nous vous proposerons plusieurs amendements qui visent, notamment, à permettre aux internes de médecine du travail de remplacer les médecins du travail, mais également des amendements relatifs à la profession d’infirmières en santé au travail.

Dans ce contexte, nous aborderons également la place relative de chacun des acteurs de la santé au travail dans la promotion de la santé. Cette réflexion devrait nous permettre de transposer plus valablement qu’actuellement, le principe d’égalité de tous devant le droit à la prévention des risques sanitaires et environnementaux.

Je vais insister quelques instants sur un dispositif qui distingue la prévention médicale des risques d’un côté et le contrôle des aptitudes et des droits médicaux de l’autre. Vous le verrez, c’est très intéressant, puisque certaines de ces actions ont été mises en place par les socialistes dans les années 1980.

Si la situation est confuse dans le secteur privé, un même médecin pouvant statuer dans un même avis tantôt sur l’aptitude médicale, tantôt sur la compatibilité du travail avec la promotion de la santé, tantôt sur ces deux points de vue mélangés, il n’en est réglementairement pas de même dans la fonction publique. En effet, depuis 1982, la médecine de prévention attend du médecin qu’il formule à l’issue des surveillances qu’il réalise, un unique avis sur la compatibilité du travail avec la promotion de la santé des agents. Il serait intéressant de considérer cela en relation avec la durée des visites.

Les médecins de prévention sont habilités depuis près de trente ans à proposer aux partenaires sociaux une modulation des surveillances médicales en fonction des risques, les agents non exposés à des risques particuliers n’ayant qu’une obligation quinquennale de visite.

Par ailleurs, les textes en vigueur dans la fonction publique de l’État depuis la réforme de l’exercice de la médecine agréée en 1986, confient à des médecins généralistes agréés par le ministère de la santé le contrôle des aptitudes médicales à l’exercice des fonctions postulées ; le contrôle des aptitudes en cours de carrière leur incombe également. Or les exigences de formation des médecins agréés sont aujourd’hui largement insuffisantes pour remplir au mieux leurs missions médicales. Ils ne sont en effet soumis à aucune exigence de qualification, ni pour le contrôle médical, ni pour le contrôle et la formulation des avis d’aptitude médicale, sauf, depuis 2005 – merci, la droite –, pour l’emploi des personnes handicapées.

Il faudrait, malgré tout, que tout le monde s’accorde pour faire comprendre à tous que la physiologie et la pathologie devraient transcender les statuts d’emploi. Nous pourrions aussi utilement nous interroger sur la santé au travail des non salariés.

Nous aurons l’occasion de revenir sur un amendement que nous avons déposé à la suite des auditions du groupe de travail de Jean-François Copé visant à prendre en charge plus de deux millions de personnes qui ne sont actuellement pas prises en charge et à les intégrer dans une nouvelle forme d’organisation, avec l’arrivée de médecins non-spécialistes de médecine du travail mais formés et volontaires, et après signature d’une convention avec un service de santé au travail. Ce que vous avez proposé en 1986 pour la fonction publique, nous le proposerons donc pour des travailleurs salariés qui n’ont aucune couverture, et en faisant même davantage : en mettant cela sous le contrôle d’un service de santé au travail.

Je n’en doute évidemment pas, mes chers collègues : suivant vos grands ancêtres – Laurent Fabius ou Henri Emmanuelli –, vous aurez à cœur de voter avec nous ces amendements qui renforcent le rôle du médecin généraliste dans la prise en charge de la santé au travail.

S’agissant de l’organisation de la santé au travail dans le milieu privé, nous proposons de rénover le paritarisme des conseils d’administration en créant un vrai paritarisme entre les représentants des employeurs et ceux des salariés. Il s’agit, pour nous, d’une avancée importante, rendue nécessaire par l’évolution qui pousse les salariés à prendre chaque jour davantage leur place dans la gestion de leur santé, mais cela n’exonère bien évidemment pas les employeurs de leur responsabilité vis-à-vis de leurs salariés.

Si nos amendements sont adoptés, les services de santé au travail auront donc désormais une double obligation de certification et de contractualisation.

Mes chers collègues, j’aimerais vous avoir convaincus, avec ces éléments de réflexion, de la nécessité d’une profonde rénovation de la santé au travail. Les améliorations que nous vous proposons devraient rassembler les députés siégeant sur tous les bancs de cette assemblée. Refondation, paritarisme renforcé, suivi de travailleurs aujourd’hui complètement ignorés, gouvernance rénovée sont effectivement les maîtres mots des amendements qui vont maintenant vous être soumis. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les femmes sont-elles soumises à des conditions de travail spécifiques ? Pour le savoir, je vous conseille la lecture des ouvrages d’Elsa Fayner, qui a beaucoup travaillé sur ce thème et qui nous donne par exemple le témoignage d’une infirmière : « à domicile, je fais beaucoup de manutention. Il faut lever les patients, sans aide ni matériel adapté. Une maison ne permet pas un tel équipement. Or, je suis seule et, parfois, les patients sont lourds. D’ailleurs, quand mon patient de 90 kg tombe, j’appelle les pompiers. »

Cette infirmière est infirmière libérale depuis trois ans. Auparavant, elle travaillait en clinique et imaginait que le travail à domicile serait moins pénible. Aujourd’hui, elle accumule les cervicalgies, les douleurs lombaires et dans les épaules. Elle poursuit : « J’ai des agacements dans les jambes quand j’essaie de m’endormir. Dès que je me couche, j’ai mal partout. Je me lève tôt, je finis tard, j’ai trop de charges et pas assez d’épaules. Je dépasse mes limites physiques et psychologiques. »

Les métiers exercés essentiellement par des femmes sont réputés moins fatigants physiquement, mais le cas de cette infirmière est-il unique ? Certainement pas.

Les femmes ont également d’autres spécificités, notamment en termes de secteurs d’emploi. En 2005, 86 % des emplois féminins se trouvaient ainsi dans le tertiaire, majoritairement dans la santé, l’éducation et l’action sociale, mais également dans les services aux particuliers ou aux entreprises et, dans une moindre mesure, dans le commerce et les administrations. Dans ces métiers, les tâches peuvent être physiquement pénibles – il faut porter des malades, travailler penchées pour faire le ménage, transporter des caisses et des palettes – mais elles ne sont pas forcément considérées comme telles, car elles n’entrent pas dans la définition habituelle de la pénibilité, issue du monde industriel.

Longtemps, les tâches infirmières n’ont pas été perçues comme comportant des risques. Il a fallu attendre les grèves de 1989 pour que les infirmières elles-mêmes déclarent majoritairement porter des charges lourdes.

De même, les expositions à certains produits chimiques nocifs dans la coiffure, le nettoyage ou dans certains établissements de santé, qui concernent majoritairement des femmes, ont été jusqu’à présent peu étudiées.

En outre, dans ces métiers dits « féminins », les contraintes psychosociales sont particulièrement prégnantes. Ce sont des activités qui limitent l’autonomie dans le travail, nécessitent souvent d’être en contact avec le public toute la journée et contraignent à des horaires difficilement compatibles avec les obligations familiales.

Enfin, ces métiers sont souvent solitaires, loin de toute activité collective, et considérés comme naturels pour les femmes. Il s’agit de métiers qui nécessitent apparemment attention, gestion des émotions et empathie, d’où le manque de prise en compte du stress, de la souffrance psychologique, des difficultés qu’il peut y avoir à accompagner des personnes dépendantes, à domicile, par exemple, et la quasi-absence de prévention des risques en la matière.

Monsieur le ministre, je ne dis pas que tout ce que je viens de mentionner doit être pris en compte au titre de la pénibilité. En revanche, vous revenez en la matière sur la loi votée en 2003, puisque, à l’époque, il avait été prévu de lancer une négociation avec les organisations syndicales, ce qui n’a jamais abouti. Vous avez changé de braquet, mais, en l’occurrence, nous ne sommes plus du tout sur les mêmes notions. Aujourd’hui, il est encore temps de définir des critères qui permettraient, notamment aux femmes, de partir plus tôt à la retraite et d’en profiter au maximum, dans les meilleures conditions physiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(Successivement appelés, les vingt-cinq autres orateurs des groupes SRC et GDR, inscrits sur l’article, renoncent à la parole.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rosso-Debord.

Mme Valérie Rosso-Debord. Monsieur le président, je demande une suspension de séance d’un quart d’heure. (Rires et vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La séance est suspendue.

Elle reprendra à deux heures vingt.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le mardi 14 septembre 2010 à deux heures cinq, est reprise à deux heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Compte tenu de l’heure, je vais lever la séance.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mardi 14 septembre 2010 à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite du projet de loi portant réforme des retraites.

La séance est levée.

(La séance est levée à deux heures vingt.)