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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2010-2011

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mardi 7 décembre 2010

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Le Fur

1. Projet de loi de finances rectificative pour 2010

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mme Françoise Briand, rapporteure pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Motion de rejet préalable

M. Pierre-Alain Muet

M. Jean-Pierre Brard, M. Christian Eckert, M. Charles de Courson, M. Michel Diefenbacher

Motion de renvoi en commission

M. Jean-Pierre Brard

M. Pierre-Alain Muet, M. Jean-Claude Sandrier, M. Charles de Courson, M. Michel Diefenbacher

Discussion générale

M. Thierry Carcenac

M. Jean-Claude Sandrier

M. Charles de Courson

M. Michel Bouvard

M. Jean-Pierre Balligand

M. Daniel Garrigue

M. Marc Goua

Mme Annick Lepetit

M. Henri Nayrou

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Projet de loi de finances rectificative pour 2010

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2010 (nos 2944, 2998, 2990).

La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, j’ai l’honneur de vous présenter le traditionnel projet de loi de finances rectificative de fin d’année.

Il s’agit de la quatrième loi de finances rectificative pour l’année 2010. Je vous rappelle que les trois précédentes étaient celles du 9 mars 2010, relative essentiellement aux investissements d’avenir, du 7 mai 2010, sur l’aide à la Grèce, et du 7 juin 2010 sur la mise en place du Fonds de stabilisation financière de l’Union européenne.

Le projet de loi de finances rectificative procède à un certain nombre d’ajustements concernant l’équilibre du budget de l’État. Ils prennent acte du respect de nos objectifs en matière de dépense et de nos prévisions de recettes.

En 2010, la norme de dépense est respectée et le solde budgétaire marque une légère amélioration depuis nos dernières prévisions. Nous respectons la norme de dépense : les dépenses évolueront bien selon la norme « zéro volume » fixée cette année. Notre engagement de maîtrise des dépenses est confirmé : nous respectons le plafond de dépenses fixé à 352,3 milliards d’euros. L’évolution favorable de la charge des intérêts de la dette permet de compenser les besoins accrus pour les politiques de l’emploi et de la solidarité.

De même, les recettes pour 2010 sont en ligne avec les dernières prévisions que nous avons exposées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011 – tant les recettes fiscales, qui s’élèveront à 255 milliards d’euros, que les recettes non fiscales.

Par conséquent, le déficit budgétaire est globalement conforme à nos prévisions et même en légère amélioration puisqu’il s’établirait à 149,7 milliards d’euros en exécution contre 152 milliards d’euros prévus dans la dernière loi de finances rectificative. Ceci est essentiellement le fait de la réévaluation du coût pour l’État de la réforme de la taxe professionnelle en 2010, sans incidence sur le coût de cette réforme en rythme de croisière.

Ce projet de loi de finances rectificative permet également d’apurer les dettes de l’État vis-à-vis de la sécurité sociale, clarifiant de cette façon leurs relations financières. Un effort important a déjà été réalisé puisque cette dette s’élevait à 7 milliards d’euros à la fin de l’année 2006. La mobilisation des excédents du « panier » de recettes affecté à la sécurité sociale en compensation des allégements généraux de charges, à hauteur de 1,4 milliard d’euros, permet d’apurer le montant résiduel de la dette constaté à la fin de l’année 2009.

À partir du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, le passage à un régime où le « panier » est définitivement affecté à la sécurité sociale s’effectue donc sur des bases assainies. Il s’agit d’une disposition importante du collectif que j’ai l’honneur de vous présenter.

Nous avons en outre entendu l’appel des départements en difficulté financière. Dans la lignée du rapport Jamet, nous souhaitons leur apporter une solution pragmatique pour la construction de leurs budgets pour 2010 et 2011. Le Gouvernement a donc décidé la mise en place d’un mécanisme exceptionnel de soutien aux départements en difficulté, doté de 150 millions d’euros et financé par redéploiement à partir de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et du fonds national des solidarités actives.

Nous avons bien évidemment calibré ces redéploiements de façon à ne pas déséquilibrer les actions menées par ces deux organismes.

Premièrement, nous créons tout d’abord un fonds de soutien aux départements en difficulté, à hauteur de 75 millions d’euros, géré par la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie pour le compte de l’État. Précisément, face au poids croissant de l’allocation personnalisée pour l’autonomie, il s’agit d’apporter une aide exceptionnelle aux départements les plus exposés à la dépense d’APA, sur la base de critères objectifs. Les crédits du fonds de soutien seront répartis entre les départements les plus exposés en fonction des trois critères suivants : la part des personnes âgées de plus de soixante-quinze ans ; le rapport entre le revenu moyen par habitant de l’ensemble des départements et le revenu par habitant de chaque département – le revenu pris en considération est par conséquent le dernier revenu imposable connu – ; enfin, le potentiel fiscal des départements. La solidité et la pertinence de ces trois ratios ne me semblent pas devoir être remises en cause.

Nous compléterons cette aide par une enveloppe de soutien conventionnel d’un montant de 75 millions d’euros gagés par la mobilisation de crédits non versés au Fonds national des solidarités actives, en raison d’une montée en charge du RSA « activité » plus modérée que celle initialement prévue.

Il était nécessaire de répondre de façon immédiate et opérationnelle à la préoccupation actuelle de nombreux élus concernant certains départements en difficulté. Reste que cet effort exceptionnel devra être suivi d’une action plus structurelle.

Face à 1’effet de ciseaux entre recettes et dépenses des départements, il est en effet nécessaire, d’une part, de rationaliser l’action des départements, comme le suggère le rapport Jamet, et, d’autre part, de revoir notre action en faveur de la dépendance et son mode de financement. C’est l’objet de la réforme de la dépendance que nous engagerons l’année prochaine.

Nous avons souhaité, par le volet fiscal de ce projet de loi de finances rectificative pour 2010, poursuivre notre action réformatrice, selon les quatre orientations suivantes : la modernisation de la fiscalité foncière des entreprises, l’encouragement de comportements favorables à l’environnement, le renforcement de l’attractivité de la France en réformant le régime fiscal des sociétés de personnes et la simplification des procédures fiscales et douanières.

La modernisation de la fiscalité foncière des entreprises suppose deux dispositifs principaux. Il s’agit d’abord de réviser les valeurs locatives foncières des entreprises – « Enfin ! », diront certains avec raison. Nous avons préparé cette révision – très attendue et maintes fois repoussée – en concertation avec les associations d’élus et les entreprises. Elle permettra de rétablir, à terme, l’équité dans l’impôt foncier des entreprises, à produit constant.

Notre idée est de conduire une expérimentation en 2011 dans cinq départements – l’Hérault, le Pas-de-Calais, le Bas-Rhin, Paris et la Haute-Vienne – en vue d’une généralisation des travaux en 2012 et d’une traduction dans les bases d’imposition en 2014.

Les valeurs locatives des entreprises seront désormais assises sur des valeurs calculées à partir des loyers réellement constatés, révisées automatiquement chaque année. La réforme est limitée à ce stade aux locaux commerciaux et aux locaux professionnels des professions libérales qui sont les plus obsolètes et concentrent donc la plupart des contentieux.

Le second dispositif pour la modernisation de la fiscalité foncière des entreprises permet la simplification des taxes d’urbanisme – tous les élus locaux ici présents le savent. À compter de 2012, deux taxes, si vous adoptez cette mesure, seront substituées à quinze des dix-sept prélèvements existants. Une taxe d’aménagement, à vocation budgétaire, reconstituera l’essentiel du produit des anciennes taxes, avec une part communale et une part départementale, dont les taux demeureront fixés par délibération des collectivités. Ensuite, un versement pour sous-densité, visant à lutter contre l’étalement urbain, sera instauré sur délibération des communes, mais de façon obligatoire dans celles dont les projets d’équipements sont importants. Annoncée dans le projet de loi Grenelle 2, cette réforme est le résultat d’une longue concertation avec les élus locaux et les professionnels.

Le dernier point de cette modernisation fiscale concerne les mesures de financement du Grand Paris, qui sera assuré par une majoration et une refonte de la taxe sur les bureaux, la création d’une taxe spéciale d’équipement additionnelle à la taxe foncière en Île-de-France et une révision du versement transport.

La deuxième orientation du volet fiscal de ce projet de loi de finances rectificative consiste à encourager les comportements favorables à l’environnement. En premier lieu, le barème du malus automobile sera durci à compter de 2012. Ensuite, la taxe générale sur les activités polluantes sur les émissions d’oxyde d’azote sera majorée afin de respecter les prescriptions communautaires. Enfin, le cadre législatif permettant la mise en place de l’écotaxe sur les poids lourds sera adapté aux exigences opérationnelles révélées à l’occasion des appels d’offres très complexes.

La troisième orientation vise à renforcer l’attractivité de la France en réformant le régime fiscal des sociétés de personnes. Il s’agit de passer d’un régime dit de translucidité, spécifique à la France,…

M. Jean-Pierre Brard. Mais qui sont donc les linguistes du ministère du budget ?

M. François Baroin, ministre. …aux termes duquel l’impôt est calculé au niveau de la société, à un régime dit de transparence rationalisée – pardon pour le caractère quelque peu technocratique de cette présentation –, où l’impôt serait calculé au niveau de chaque associé. Une forme de lutte est engagée à travers cette réforme des sociétés de personnes contre l’optimisation fiscale pour les particuliers et pour la partie entrepreneuriale.

Cette réforme, attendue depuis plusieurs années – voilà au moins quatre ans que nous en discutons –, permet de supprimer tant les frottements fiscaux que les opportunités d’évasion fiscale qui naissent, en interne et à l’international, des conflits de qualification entre États. Compte tenu de la complexité du dispositif, je le précise dès à présent, monsieur le rapporteur général, le Gouvernement n’est pas opposé à procéder par étapes – nous y reviendrons au cours de l’examen des amendements que vous avez déposés.

Nous tenons enfin, par ce texte – et c’est là notre quatrième orientation réformatrice –, à simplifier les procédures fiscales et douanières.

En ce qui concerne les modalités de déclaration de l’impôt, nous prévoyons : la possibilité de centraliser les montants de TVA due au niveau du groupe ; la simplification du calcul du seuil de chiffre d’affaires pour les auto-entrepreneurs ; la suppression de l’exigence de dépôt de la déclaration d’impôt sur le revenu d’une personne dans les six mois suivant son décès ; l’extension de la dispense de cautionnement pour les opérations de dédouanement à l’entrée sur le territoire national.

Des mesures techniques doivent également contribuer à cette simplification. Nous souhaitons ainsi moderniser le régime fiscal et social des plans d’épargne logement. Il s’agit de recentrer le PEL sur son objectif premier de financement de l’acquisition d’un logement. Le taux de rémunération des nouveaux PEL, si vous l’approuvez, sera fixé annuellement en fonction des conditions de marché et les intérêts des nouveaux PEL seront soumis aux contributions sociales au fil de l’eau. Le droit à prime, quant à lui, sera subordonné au fait de contracter un véritable prêt et cette prime sera « verdie ».

Nous souhaitons ensuite harmoniser les procédures de recouvrement forcé, pour traduire dans la législation la fusion entre l'ancienne direction générale des impôts et l'ancienne direction générale de la comptabilité publique au sein de la direction générale des finances publiques.

Enfin, nous voulons mettre en conformité avec la norme communautaire certaines dispositions en matière de TVA. Il s'agit notamment de la suppression du taux réduit pour les prestations d'aide juridictionnelle et de la fiscalité des produits du tabac, essentiellement la suppression du prix seuil et la réforme des mesures encadrant l'introduction de produits du tabac en France.

Sur ce dernier point, je précise qu'il n'est pas question d'accepter la libre circulation du tabac, compte tenu des enjeux de santé publique que représente la lutte contre le tabagisme.

M. Jean-Pierre Brard. Très bien !

M. François Baroin, ministre. Voilà, mesdames, messieurs les députés, les grands traits de ce collectif budgétaire. Nous avons suivi la tradition du collectif de fin d'année, qui veut que celui-ci comprenne des mesures techniques. Au-delà cependant, ce projet de loi de finances rectificative traduit de véritables réformes.

Ce projet de loi, dont nous allons débattre et que vous allez certainement amender, nous permettra de compléter utilement le projet de loi de finances.

Si vous me le permettez, monsieur le président, je voudrais remercier l’Assemblée, le rapporteur général et le président de la commission des finances d’avoir bien voulu accepter que nous commencions l’examen de ce projet de loi ce soir. Vous le savez, j’étais cet après-midi au Sénat, pour la seconde délibération sollicitée par le Gouvernement et pour le vote solennel du projet de loi de finances. Par respect pour vous, compte tenu de nos travaux en commun, je souhaitais évidemment être à vos côtés de bout en bout durant la discussion de ce projet de loi de finances rectificative. Je vous remercie de votre compréhension. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous serez avec nous jusqu’à la seconde délibération ! Mais y a-t-il un stock suffisant de feuilles roses ?

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le ministre, je voudrais tout d’abord vous remercier, parce que nous sommes très sensibles à l’attention que vous avez manifestée envers notre assemblée en refusant que l’on commençât l’examen de ce texte en fin d’après-midi, et donc en votre absence. Nous avons pris un peu de retard, puisque nous ne commençons qu’à vingt et une heures trente, mais nous le faisons en votre présence, et je vous en remercie.

M. Jean-Pierre Brard. Il n’est pas rancunier, le rapporteur général ! Il a oublié les feuilles roses qui sont arrivées avant le vote du PLF !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’y viendrai tout à l’heure, monsieur Brard.

Je suis très heureux de pouvoir exprimer devant M. le ministre des comptes publics une certaine inquiétude concernant ceux-ci. Ce collectif de fin d’année est vraiment très emblématique, mes chers collègues, des difficultés qui sont les nôtres, et en particulier de cette fragilité de nos comptes publics. Il doit nous inciter à une très grande prudence sur toutes les décisions d’ordre budgétaire ou fiscal que nous serons conduits à prendre durant les prochains mois.

Le premier point que je voudrais souligner, c’est l’extraordinaire rigidité des dépenses de l’État. J’en prendrai plusieurs exemples.

Les dépenses de personnel : chacun pourrait croire qu’avec le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite, la masse salariale est maîtrisée. Pas du tout. Dans ce collectif, on est conduit à ajouter plus de 500 millions de crédits pour financer les dépenses de personnels en activité. Cela est dû, c’est vrai, au fait que les prévisions du nombre de départs en retraite ont été surestimées. Mais il y a aussi, monsieur le ministre, un point sur lequel il faut absolument que vous et vos services prêtiez attention : on constate, s’agissant des mesures catégorielles, un dépassement très important par rapport à la règle du retour à 50 %. Je me demande s’il ne s’est pas passé la chose suivante : les ministères ont calculé leurs dépenses catégorielles en fonction de prévisions de départs en retraite qui ne se sont pas réalisées ; et pourtant, les mesures catégorielles sont restées. Le président de la commission des finances et moi-même avions commandé à la Cour des comptes une étude extrêmement intéressante qui avait confirmé nos inquiétudes. C’était il y a deux mois. Sur cet aspect particulier, je pense que nous allons demander à la Cour des comptes de poursuivre son travail. Mais il faut que, de votre côté, vous regardiez les choses de près. Nous devons d’ailleurs rencontrer prochainement le ministre chargé de la fonction publique.

Et puis, il y a toutes les questions liées aux mesures de restructuration, d’indemnisation. Je pense en particulier au secteur de la défense.

Le résultat est que notre masse salariale, malgré le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite, continue d’augmenter.

Le deuxième exemple, ce sont toutes les dépenses d’intervention. Il s’agit notamment de toutes celles qui figurent au titre de la mission « Travail et emploi » : les contrats aidés ; les exonérations de charges sociales, en particulier les exonérations ciblées. Il s’agit également des dépenses de solidarité, par exemple l’allocation adulte handicapé. Il s’agit encore, dans le cadre de la mission « Ville et logement », des dépenses d’hébergement.

Certes, ce sont là des crédits évaluatifs, mais les dépassements de crédits sur ces différents postes représentent 3 milliards d’euros. C’est une somme absolument colossale !

Comment ces 3 milliards d’euros sont-ils financés afin de rester dans l’épure de la règle du « zéro valeur » qui s’applique au budget dans son ensemble ? Miracle – mais les miracles, en général, ne se répètent pas, hélas –, nous constatons en cette fin d’année 2,2 milliards d’économies sur les intérêts financiers, sur les intérêts de la dette : en somme, plus on s’endette et moins cela coûte en intérêts ! Je vous le demande, cela peut-il durer ? À l’évidence, non. Déjà l’an dernier, nous avons financé les dépassements de crédits avec 3 milliards d’économies sur la dette. Cette année, nous avons 2,2 milliards d’économies sur la dette. Et pour arriver à 3 milliards, nous avons 500 millions d’économies sur le prélèvement de l’Union européenne – et il est sûr que cela ne se reproduira pas l’an prochain, en tout cas pas dans deux ans –, ainsi que quelques centaines de millions du prélèvement sur recettes au profit des collectivités locales.

Les dépassements de crédits sont quasiment structurels, et vont donc se reproduire, si l’on ne fait rien. Et ils sont financés, d’une façon exceptionnelle, par des économies qui, elles, ne peuvent pas se reproduire. Voilà pourquoi nous devons être extrêmement vigilants, monsieur le ministre.

Le deuxième aspect sur lequel je veux insister, c’est celui des recettes. Là aussi, ce collectif de fin d’année est éloquent. En effet, sur nos grandes recettes, nous nous apercevons hélas que, malgré une croissance supérieure à la prévision initiale – qui était de 0,6 %, et nous terminons l’année autour de 1,5 ou 1,6 % –, il n’y a pas de redressement significatif des recettes fiscales.

Entrons dans le détail. S’agissant de l’impôt sur le revenu, pourquoi est-on obligé de constater une baisse des recettes de 1,2 milliard ? Tout simplement, monsieur le ministre, parce que les dépenses fiscales, telles des termites, ont miné l’assiette de l’impôt sur le revenu. Par exemple, la prévision touchant les dépenses occasionnées par les crédits d’impôt s’est révélée inférieure de 1,8 milliard à la réalité. Vous assistiez ce matin à la même réunion que moi autour du Premier ministre : vous savez donc qu’au sein de ces 1,8 milliard, il y a 900 millions sur les seuls panneaux photovoltaïques, et alors même que 90 % de ces derniers ont été importés de Chine.

Je voudrais vous dire, monsieur le ministre – et sur ce point je vous renvoie au compte rendu de la commission des finances – que notre mise en garde contre ces dérapages ne date pas d’il y a quinze jours ou deux mois. Dès l’automne 2007, à la suite de l’audition du ministre compétent, nous avions dit : attention, il faut prendre au plus vite les arrêtés, nous sommes en train de créer une véritable bulle, et nous ne pourrons plus faire face. Aujourd’hui, la bulle est là, et nous sommes obligés de prendre des mesures particulièrement douloureuses, parce que très brutales.

L’exemple de ce qui s’est passé pour les recettes de TVA est lui aussi très intéressant. Lorsque, en mars dernier, il a fallu aider la Grèce,…

M. Jean-Pierre Brard. L’aider ? La plumer, plutôt !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …on a inscrit – parce que c’était commode, et il faut dire que la croissance repartait – 900 millions d’euros de recettes de TVA supplémentaires. Or, que faisons-nous, une fois arrivés au collectif ? Nous supprimons 600 millions de ces 900 millions. Autrement dit, la TVA ne rapporte pas autant qu’on l’avait prévu il y a à peine quelques mois. Faut-il voir là l’effet de telle baisse de TVA ? Vous corrigez la véritable hémorragie de TVA sur les offres d’abonnement triple play. Sur ce point, c’est fait. Mais je voudrais vous mettre en garde : si nous ne protégeons pas avec la dernière énergie la TVA, c’est la première recette de l’État qui va s’effriter.

S’agissant des recettes tirées de l’impôt sur les sociétés, on pouvait espérer un rebond. Malheureusement, on risque d’enregistrer, sur les recettes brutes, une moins-value de 360 millions d’euros par rapport aux prévisions. Ce sont là, du moins, les chiffres de votre ministère.

Peut-être allez-vous nous rassurer dans quelques instants, mais les prévisions sur le cinquième acompte ne sont pas si optimistes que cela.

Vous le voyez, nous devons être extrêmement vigilants quant à la protection de nos recettes. J’observe en cette fin d’année – même si le Gouvernement n’y est pour rien, puisque c’est une conséquence de la décision du Conseil constitutionnel – que le coût de la réforme de la taxe professionnelle est supérieur à ce que nous avait indiqué Mme Lagarde il y a un an : la différence, en chiffres bruts, est entre 2,5 et 3 milliards. Je souhaite d’ailleurs, monsieur le ministre, que vous nous donniez rapidement un état précis, parce que j’ai dû reconstituer cette évaluation à partir de vos chiffres. Je me suis peut-être trompé, mais si tel était le cas, je souhaiterais le savoir rapidement.

J’ai parlé des dépenses, puis des recettes. J’en viens maintenant au déficit. Vous venez de nous dire, monsieur le ministre, qu’il était en diminution. En effet, il diminue par rapport à la prévision, qui était de 3 milliards. Mais cette diminution est-elle due à des recettes pérennes ? Pas du tout. Elle est due à des recettes exceptionnelles : un prélèvement d’un peu plus d’1 milliard d’euros négocié au forceps avec la Caisse des dépôts ; une amende que nous devions payer cette année et que nous ne paierons que l’an prochain : une autre qui, à l’inverse, devait être perçue l’an prochain et qui le sera cette année. Voilà comment nous en arrivons à cette diminution de 3 milliards.

M. Pierre-Alain Muet. Quel réquisitoire !

M. Jean-Pierre Brard. C’est Fouquier-Tinville !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous dites, à juste titre, monsieur le ministre, que la baisse du déficit en 2011 est une baisse historique. Il passera en effet de 149 à 90 milliards d’euros, soit une baisse de 60 milliards. Mais il faut souligner que le grand emprunt, dont le montant a été de 35 milliards, ne se renouvellera pas l’an prochain, pas plus que le surcoût temporaire de la taxe professionnelle, lequel s’est élevé 4 milliards. Les mesures de relance, qui se sont établies à 6 milliards, prendront également fin l’an prochain. Cela représente donc 45 milliards. Par conséquent, dans cette baisse de 60 milliards de notre déficit budgétaire, l’effort réel n’est que de 15 milliards. C’est un effort certes remarquable, mais il faut le comparer à l’engagement que nous avons pris vis-à-vis de nos partenaires européens pour 2011 et 2012 : ramener le déficit de 6 à 4,5 ou 4,6 % du PIB, ce sera quand même beaucoup plus difficile !

En outre, chacun d’entre nous a présent à l’esprit ce qui se passe actuellement en Allemagne. D’après les données que m’a fournies il y a quelques jours la Cour des comptes, qui a engagé un travail sur la convergence et qui est en contact régulier avec son homologue allemande, il semblerait que dès 2010, le déficit public allemand soit compris entre 3 et 4 %. Il semble même qu’il soit plus proche de 3 % que de 4 %. Pas en 2011 ! En 2010 !

Or nos conditions d’emprunt, qui sont jusqu’à présent excellentes, le sont parce que depuis une quinzaine d’années, notre trajectoire n’a jamais divergé de celle de l’Allemagne. Il faut être très attentif à ce qui se passerait si nous commencions à diverger.

Je ne voudrais pas que ma description de ce budget apparaisse trop pessimiste, car il contient de très bonnes choses. Mais si j’ai insisté sur ces points, c’est pour vous dire dans quel esprit la commission des finances travaille. Et je pense pouvoir associer mes collègues de l’opposition. Nous travaillons dans le souci de protéger nos comptes publics, à commencer par les recettes. Et par exemple, sur l’article 12, qui concerne la réforme des sociétés de personne, nous allons vous proposer de n’adopter qu’une partie de l’article, celle dont on est sûr qu’elle ne va pas grever les recettes de l’État, et de ne pas adopter – ou seulement plus tard, après étude d’impact, quand nous aurons tous les éléments – la partie qui risque de conduire à une multiplication d’optimisations fiscales.

Je voudrais terminer, monsieur le ministre, par quelques questions de méthode.

Ce collectif, ainsi que la loi de finances, sont de plus en plus difficiles à traiter pour notre assemblée. Le conseil des ministres qui approuve la loi de finances se tient de plus en plus tard, et nos délais sont donc très brefs. Nous n’avions pas terminé l’examen de la loi de finances ici même que le conseil des ministres approuvait le collectif.

Nous n’avons eu que deux semaines pour étudier ce collectif qui comporte, outre les différentes mesures que l’on retrouve chaque fin d’année, une série de réformes fiscales d’envergure : réforme des sociétés de personnes, réforme des taxes d’urbanisme, engagement d’une réforme attendue depuis vingt ans, la réforme des valeurs locatives. Je tiens d’ailleurs à vous féliciter, ainsi que vos services, pour la qualité de l’approche sur cette question.

M. François Baroin, ministre. Merci.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais nous ne disposons pas du temps nécessaire pour faire le travail d’investigation et d’approfondissement qui devrait être le nôtre.

Ceci nous conduit à nous interroger sur l’équilibre entre les deux chambres. Monsieur le ministre, vous étiez attendu à seize heures, mais vous n’avez pu arriver qu’à vingt et une heures trente, parce que vous vous êtes livré au difficile exercice de la seconde délibération, au Sénat.

M. Jean-Pierre Brard. Ça recommence !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’ai eu la curiosité de comparer la seconde délibération au Sénat d’il y a deux heures avec celle que nous avons vécue ici même il y a quinze jours. C’est très intéressant.

Prenons trois exemples : sur les crédits, le FISAC, nos collègues de l’Assemblée nationale avaient déplacé 27 millions d’euros. Le Gouvernement a demandé une seconde délibération pour revenir à son propre texte. Au Sénat, ils n’ont déplacé que 21 millions d’euros. Il n’y a pas eu de seconde délibération au Sénat, tant mieux pour eux.

M. Jean-Pierre Brard. On privilégie le Sénat !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. S’agissant d’un sujet qui vous est cher, nous avons connu une seconde délibération sur la défiscalisation des biocarburants à l’Assemblée nationale.

M. Charles de Courson. C’est important, monsieur le rapporteur général !

M. François Baroin, ministre. Je vais quand même devoir l’avaler.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur de Courson, je connais votre amour pour l’équilibre des comptes publics, 500 millions d’euros de plus de dépense fiscale en 2012, ce n’est pas une bonne nouvelle.

Et puis, je garde le mieux pour la fin, nous n’avions pas compris la seconde délibération demandée sur une mesure qui vous apportait 140 millions d’euros de recette. Cette mesure se fondait sur une analyse incontestable. Pourtant, le Gouvernement persistait à faire appliquer aux groupes intégrés fiscalement et qui, selon l’article 21 de ce collectif budgétaire, seront également considérés de façon unitaire pour payer la TVA, une application filiale par filiale du barème de la cotisation valeur ajoutée.

À nouveau, la commission des finances a adopté unanimement cet amendement. Mais je l’annonce au président de la commission des finances qui n’est pas encore au courant : cet amendement vient de passer au Sénat ! Eux, ils n’ont pas eu de seconde délibération sur ce sujet.

M. Jean-Pierre Brard. C’est de la discrimination, il faut saisir la HALDE !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je sais, monsieur le ministre, que vous faites tous les efforts. Nous sommes à vos côtés, nous avons fait un travail on ne peut plus responsable sur ces lois de finances, en cherchant tous les moyens pour baisser le déficit. Je souhaite que, dans le cadre des amendements qui seront discutés sur ce collectif et qui sont inspirés par le même souci de protéger nos comptes publics, nous n’ayons pas droit à une seconde délibération. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Briand, rapporteure de la commission de la défense nationale et des forces armées, saisie pour avis.

Mme Françoise Briand, rapporteure pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Il me revient de présenter cinq articles du projet de loi de finances rectificative qui concernent la défense.

Les articles 6, 8 et 11 traitent de l'évolution budgétaire de la mission « Défense » et de l'état d'avancement des projets liés aux recettes exceptionnelles. Les articles 39 et 40 permettent quant à eux de continuer deux projets inscrits dans la loi de programmation militaire : la privatisation de la SNPE et la poursuite du programme A400M.

En matière budgétaire, l'article 6 augmente les crédits de la mission « Défense » de 387 millions d'euros, notamment pour financer les opérations extérieures. Bien que nous l'ayons progressivement augmentée, la dotation initiale ne suffit toujours pas à couvrir l'ensemble des besoins. En gestion, la défense doit gager ses crédits d'équipement : en 2010, ce sont ainsi quelque 218 millions d'euros de crédits de paiement qui ont été prélevés sur le programme 146. Ces crédits doivent être rétablis en loi de finances rectificative. Les années précédentes, la correction ne se faisait pas, ce qui revenait donc à annuler les crédits gagés.

La LPM a mis fin à cette pratique en prévoyant un abondement interministériel. Ce système a été mis en œuvre pour la première fois en 2009 ; il est reconduit en 2010, la défense obtenant une compensation intégrale. Les 218 millions d'euros gagés par le décret d'avance sont donc bien rétablis. C'est une avancée majeure et nous devons nous en réjouir.

Si la situation s’est normalisée, c'est aussi parce que la défense est arrivée à maintenir le surcoût OPEX au même niveau que l'armée dernière, soit 867 millions d'euros. Cette stabilisation est due au désengagement sur de nombreux théâtres comme au Tchad ou dans les Balkans. Pourtant, le théâtre afghan coûte toujours plus cher, empêchant une diminution des dépenses globales.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est plus du théâtre, c’est de la tragédie.

Mme Françoise Briand, rapporteure pour avis. À titre de comparaison, le coût unitaire d'un soldat engagé en Afghanistan est de 122 000 euros par an alors qu'il n'est que de 66 000 euros au Liban.

Concernant les recettes exceptionnelles, il n'a pas été possible de respecter le calendrier initial, ni pour la vente des emprises, ni pour la cession des fréquences. L'article 11 ajuste les recettes des comptes d'affectation spéciale en conséquence. Il ne s'agit pas d'annulations au sens strict mais plutôt d'un décalage : les recettes sont bien réelles, elles n'interviendront que plus tard. En attendant, le ministère a obtenu des mesures compensatoires, notamment avec l'autorisation de consommation de reports de crédits.

Les articles 39 et 40 du projet concernent quant à eux la SNPE et l'A400M.

Depuis l'autorisation de privatisation accordée par la loi de programmation militaire, les négociations ont abouti entre la SNPE et Safran qui veut acheter la SNPE-ME, ses filiales majoritaires et ses participations dans Roxel et Regulus. L'objectif de Safran est de poursuivre l'activité pour constituer un pôle français unique dans le domaine de la propulsion solide. Il n'est nullement question d'une réorganisation de la filière ou de la fermeture de sites.

La plupart des emprises concernées par cette cession sont des sites pyrotechniques fortement pollués. L'État ne peut se dédouaner de ses obligations environnementales en tant qu'exploitant historique. Safran ne peut pas non plus accepter de reprendre gratuitement ce passif environnemental et les risques associés.

Safran souhaitant continuer l'activité actuelle, les coûts de dépollution ne sont que potentiels. Il ne faudra engager de telles opérations que si l'environnement réglementaire change drastiquement ou si la France renonce à la propulsion solide, c'est-à-dire si nous abandonnons les missiles balistiques et les programmes spatiaux, ce qui ne me semble pas très réaliste.

Pour couvrir ce risque éventuel, la SNPE a accordé une garantie à Safran : si Safran est contraint de dépolluer, la SNPE paiera, dans la limite de 216 millions d'euros. Je précise que cette garantie ne pourra pas être mise en œuvre si Safran décide de réorganiser ses unités.

La SNPE devrait conserver en trésorerie une somme correspondant à cette garantie, ce qui n'est pas pertinent en termes de gestion des entreprises publiques. Pour éviter cette charge de trésorerie inutile, l'article 39 prévoit que l'État accorde une garantie de 216 millions d'euros à la SNPE. La société ne pourra la faire jouer que si Safran fait jouer sa propre garantie.

Ce mécanisme est pertinent et raisonnable. Pertinent, car il évite d'immobiliser inutilement des sommes conséquentes sur le compte de la SNPE. Raisonnable, car la garantie est limitée à 216 millions d'euros et uniquement jusqu'au 1er janvier 2052. Au-delà de cette date, on peut en effet considérer que la responsabilité historique de l'État s'efface devant la responsabilité de l'exploitant.

L'article 40 met en place un autre système de garantie pour assurer le financement de l’A400M. Le 5 mars dernier, les clients et EADS sont parvenus à un accord qui prévoit, outre l'augmentation de 10 % du coût du programme et le renoncement aux pénalités de retard, que les États accordent à l'industriel une avance remboursable de 1,5 milliard d'euros appelée export levy facility. Comme l'a indiqué le délégué général pour l'armement devant la commission de la défense, cette avance sera remboursée sur l’export : à chaque appareil vendu, EADS reversera une somme, ce versement augmentant au fur et à mesure de l'avancement des exportations.

La France pourrait accorder cette avance remboursable sur ses fonds propres et la transformer en dépense budgétaire. Ce ne serait cependant pas satisfaisant car cela reviendrait à inscrire dans le budget de l'État une dépense qui n'en est pas une puisqu'il s'agit d'une avance remboursable. Par ailleurs, certains de nos partenaires, comme l'Allemagne, préfèrent recourir à un intermédiaire pour ce type d'opérations. La France a donc demandé à la Caisse des dépôts et consignations d'intervenir : la Caisse va avancer 417 millions d'euros à EADS et percevra les remboursements d'ici le 1er janvier 2041.

La Caisse n'étant pas partie prenante au contrat, elle n'a pas à supporter le risque d'un tel projet. L'article 40 prévoit donc que l'État garantit à la CDC le remboursement de l'avance. En couvrant le risque de l'exportation, la France marque sa confiance dans le programme et envoie un signal positif très fort à tous les clients potentiels. La prise de risque est mesurée car les hypothèses sous-jacentes sont très raisonnables, avec une estimation de 250 à 300 appareils exportés.

Le projet de loi de finances rectificative respecte donc parfaitement les grands axes de la programmation militaire, montrant bien que la défense reste un domaine stratégique qui doit être préservé, même en période de crise.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à suivre l'avis favorable de la commission de la défense et à adopter ces cinq articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Le monde entier bruisse des difficultés budgétaires des pays, les médias ne rapportent que l’aggravation des déficits publics, et il n’est pas de semaine sans que l’on apprenne la réunion au sommet, bien sûr en urgence, de chefs d’État ou de gouvernement, à tout le moins de ministres de l’économie et des finances des principaux pays de la planète.

Nous allons, d’une certaine manière, traiter de ces sujets. Nous sommes un mardi soir, et je vous engage à regarder les bancs clairsemés de cet hémicycle et à constater, comme moi, qu’il y a un vrai décalage entre ce qui, manifestement, fait l’actualité en France, en Europe et dans le monde depuis de nombreuses semaines, et le souci que beaucoup de nos collègues semblent en avoir. Nous devons pourtant en débattre dans le lieu naturel pour cela, c’est-à-dire l’Assemblée nationale.

M. Jean-Pierre Balligand. C’est consternant !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Je ne fais pas cette remarque pour condamner les collègues qui sont absents, mais plutôt pour m’interroger sur les raisons de leur absence.

Ces collègues ont travaillé ces derniers mois, en commission et en séance, au cours de débats très honnêtes, souvent passionnés, en tout cas sincères, dans l’hémicycle entre les uns et les autres. Mais lorsqu’ils parviennent à un vote majoritaire, parfois consensuel à défaut d’être unanime, ces votes et ce travail sont balayés d’un revers de main par la décision d’un collaborateur de Matignon, estimant que ces heures de débat valent finalement moins que cinq minutes de réflexion d’un individu solitaire mais bien placé dans l’appareil d’État. Comment s’étonner que ces collègues estiment qu’il ne sert à rien de venir débattre de ces sujets dans l’hémicycle ?

Monsieur le ministre, je vois dans la faible présence des députés au sein de cet hémicycle une probable conséquence de la deuxième délibération avec vote bloqué que, à la demande du Premier ministre, vous avez loyalement présentée, même si, comme nous le savons, vous n’aviez pas vous-même l’intention de requérir des arbitrages contre les votes consensuels du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Pierre Balligand. Nos collègues de la majorité pourraient applaudir aussi !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Avant d’aborder ce projet de loi de finances rectificative, je dirai quelques mots des décrets d’avance, notamment du dernier que nous avons examiné – donnant, sur l’une de ses dispositions, un avis défavorable et circonstancié. Le budget prévu pour la prise à bail par le ministère de la justice d’un bâtiment situé en périphérie n’avait rien à faire dans un décret d’avance : d’une part, il n’avait rien d’urgent ; d’autre part, sur le fond, la mesure n’était pas acceptable – comme l’a d’ailleurs rappelé le rapporteur spécial Yves Deniaud.

Outre ces 200 millions d’euros, des crédits supplémentaires étaient destinés, comme l’a dit le rapporteur général, à abonder les crédits d’État afin d’assumer une masse salariale non maîtrisée. Le décret d’avance parle de 930 millions d’euros, mais le rapporteur général soustrait de cette somme – à juste titre – un certain nombre de budgets. Au total, cette année, la masse salariale n’aura donc pas été maîtrisée pour un montant de l’ordre de 600 millions d’euros. Ceux qui pourraient s’en étonner devraient lire le rapport de la Cour des comptes sur l’évolution de la masse salariale de l’État : ils constateraient, comme nous qui, à la commission des finances, avons lu ce rapport avec attention, que le défaut de maîtrise s’explique facilement. L’économie brute de la mesure phare du quinquennat en matière de masse salariale – je veux parler du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite – s’élevait à un milliard d’euros, dont il était prévu de rendre la moitié aux fonctionnaires restant en place, pour rendre hommage, en quelque sorte, au gain de productivité consenti par ces derniers. En réalité, l’économie brute est de 800 millions d’euros, sur lesquels 400 millions d’euros sont restitués aux fonctionnaires. Le restant étant rogné par 300 millions d’euros d’heures supplémentaires rendus nécessaires par l’obligation de continuité du service public – qu’il faut bien assurer, nonobstant le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux –, l’économie réalisée se limite à 100 millions d’euros. J’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que la loi de finances pluriannuelle que nous avons votée prévoit bien une économie de 500 millions d’euros, et non de 100 millions d’euros. Au bout de trois ans, il manquera donc plus d’un milliard d’euros !

En ce qui concerne la loi de finances rectificative elle-même, le rapporteur général a été parfaitement explicite. S’il est vrai que le déficit budgétaire s’améliore, passant de 152 milliards d’euros à 149,7 milliards d’euros, cette amélioration ne doit absolument rien à des mesures de politique publique décidées et mises en œuvre par le Gouvernement. En réalité, elle résulte essentiellement de la baisse des taux d’intérêt, et marginalement – pour 100 millions d’euros – de la baisse de la contribution de la France au budget de l’Union européenne.

Qu’il faille attendre des événements indépendants de la volonté politique française pour obtenir une diminution du déficit budgétaire n’a rien de réjouissant : dans ces conditions, les choses risquent de devenir très difficiles dès l’année prochaine, d’autant plus que l’évolution des recettes cette année n’a pas l’ampleur que l’on pouvait espérer. Là encore, je souscris aux chiffres donnés par le rapporteur général. La TVA a rapporté 600 millions d’euros de moins que ce qui avait été annoncé par la loi de finances rectificative du mois d’avril ; l’impôt sur le revenu a rapporté, à ma connaissance, 1,4 milliard d’euros – et non 1,2 milliard d’euros, monsieur le rapporteur général ; quant à l’impôt sur les sociétés, je crois qu’il a rapporté 160 millions d’euros de moins que ce qui était prévu.

Cela montre que les recettes sont loin d’avoir eu l’élasticité à la croissance que l’on attendait. Dans le document transmis par les autorités françaises aux autorités communautaires et dans la loi de finances pluriannuelle que nous avons votée, les hypothèses économiques font état d’une élasticité des recettes à la croissance de 2 – qui n’est pas celle que nous constatons aujourd’hui pour 2010. En conséquence, la trajectoire de retour à l’équilibre des finances publiques définie par le Gouvernement dans la loi de finances pluriannuelle que nous avons votée serait d’ores et déjà obsolète.

Dans ces conditions, il faudra des recettes supplémentaires, mais lesquelles ? Comme nous le savons, le choix politique qui a été fait ne consiste pas à refuser l’augmentation des prélèvements obligatoires, mais simplement à affirmer que les prélèvements obligatoires n’augmenteront pas. Comme vous le savez, monsieur le ministre, il est expressément prévu, dans les documents budgétaires que vous avez validés, que les prélèvements obligatoires augmentent d’un point de PIB en 2011. Si les recettes sont moindres que celles prévues quand la croissance revient et si les mesures d’économies sont nettement inférieures à celles annoncées, quelles mesures envisagez-vous de prendre l’année prochaine pour respecter la trajectoire de retour à l’équilibre des finances publiques, dont chacun sait bien qu’elle ne pourra être respectée en l’état actuel des choses ?

La raison de la situation actuelle est connue. Ce ne sont pas les réformes mises en œuvre qui sont en cause, mais le fait de ne pas avoir prévu leur financement ! La réforme de la taxe professionnelle, financée du premier au dernier euro par de l’endettement, coûtera sans doute, je le crains, plus cher que ce qui a été annoncé. Nous aurons peut-être tout à l’heure l’explication des chiffres contenus dans le rapport du rapporteur général, que j’invite chacun de nos collègues à lire. Pour ma part, je pense que ces chiffres sont exacts : la taxe professionnelle ne coûtera pas 7,3 milliards d’euros cette année, comme indiqué dans le projet de loi de finances rectificative, mais 8,9 milliards d’euros – et 2 ou 3 milliards d’euros de plus l’année prochaine.

L’honnêteté intellectuelle commande d’indiquer que ce coût s’explique en grande partie par la censure par le Conseil constitutionnel de la taxe carbone et de la taxe de 6 % sur les bénéfices non commerciaux, que notre assemblée avait votées. Cependant, la responsabilité de la situation ne saurait être imputée intégralement à la décision du Conseil constitutionnel : cette décision étant maintenant ancienne, le Gouvernement disposait de suffisamment de temps pour proposer au Parlement des recettes de substitution. On sait qu’il fut décidé d’accepter cette censure et de ne pas compenser le manque de recettes. Pire, alors que les entreprises devaient acquitter une taxe carbone pour un montant de 1,9 milliard d’euros, lorsque l’on a tenté, comme la raison le commande, de consolider au niveau de la société de tête la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, il a fallu que le Gouvernement refuse, au moyen d’une deuxième délibération, une recette supplémentaire de l’ordre de 150 millions d’euros que le Parlement avait pourtant votée de manière consensuelle.

On le voit, si chacun s’accorde à reconnaître la gravité du diagnostic, les avis divergent sur la façon de traiter les difficultés. Ainsi, en ce qui concerne les auto-entrepreneurs, un article de cette loi de finances rectificative met un terme à la proratisation de l’activité, c’est-à-dire du chiffre d’affaires des auto-entrepreneurs. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il est évident que cet article va donner lieu à des abus, en particulier à une augmentation de la concurrence déloyale exercée au détriment des artisans dûment inscrits au registre des métiers, titulaires des assurances requises pour exercer leur profession et payant des cotisations à cet effet. Comment ne pas voir que le slogan destiné à convaincre les candidats à l’obtention de ce statut qu’ils ne paieront pas le moindre euro de taxe ni d’impôt oblige le Gouvernement à prendre des décisions en urgence ? Nous examinions cette loi de finances rectificative en commission des finances lorsque nous avons pris connaissance d’une dépêche de l’AFP nous informant que le nouveau ministre chargé du commerce et de l’artisanat avait promis aux auto-entrepreneurs que cette exonération vaudrait pour les trois années à venir, sans la moindre estimation du manque à gagner pour les finances de l’État et celles de la protection sociale.

Ce n’est pas sérieux ! On ne peut, d’un côté, s’inquiéter de la gravité de la situation de nos finances publiques et, de l’autre, prendre des décisions ne faisant l’objet d’aucun chiffrage – comme c’est le cas également au sujet de la réforme du droit des sociétés de personnes, le document budgétaire reconnaissant l’impact de ce dispositif tout en l’estimant impossible à chiffrer. Comment affirmer que l’on veut protéger les recettes et, dans le même temps, manifester une telle désinvolture à l’égard de celles-ci ?

Pour conclure, je dirai que cette loi de finances rectificative est tristement révélatrice du décalage patent entre les propos tenus par les autorités légitimes de notre pays sur ce qu’il conviendrait de faire, et la réalité de la situation financière, économique et budgétaire de la France. Quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, nous ne pouvons que souhaiter que les marchés continuent à avoir confiance en la signature de notre pays. Notre dette est détenue à 70 % par des étrangers non résidents. Je ne crois pas que des lois de finances rectificatives de cette nature, marquées par l’imprécision et l’approximation, soient de nature à rassurer les marchés. Il est à craindre que ceux-ci ne s’aperçoivent un jour de la réalité de notre situation. Le coût à payer serait alors extrêmement élevé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Pierre Brard. Très bien !

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la première raison de cette motion de rejet préalable, ce sont les conditions dans lesquelles nous examinons ce texte. Je pense que si le rapporteur général est cohérent avec l’introduction de son rapport, il va voter avec nous cette motion de rejet préalable. Il exprime en effet, dans l’introduction de son rapport, ce que nous avons tous ressenti ici lorsque ce texte nous a été présenté par le ministre en commission. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Il est en effet choquant d’examiner un projet de loi de finances rectificative pour 2010, déposé avant même que soit terminé le débat en première lecture du projet de loi de finances initiale pour 2011. Comme le dit le rapporteur, « non seulement les textes financiers ne bénéficient pas des délais accordés aux autres textes par le nouveau règlement de l’Assemblée, mais leur examen doit être réalisé dans des conditions de plus en plus contraintes ». Le présent texte prévoit plusieurs réformes lourdes – la fiscalité des sociétés de personnes, la fiscalité de l’urbanisme, la révision des valeurs locatives foncières des locaux professionnels – que notre assemblée ne peut pas examiner de façon sereine.

Présenter, dans ce collectif budgétaire de fin d’année, des mesures comme cet article 12 concernant les sociétés de personnes, comportant 14 pages, 370 alinéas et seulement quelques lignes d’exposé des motifs,…

M. Christian Eckert. Tout à fait ! Une quinzaine de lignes !

M. Pierre-Alain Muet. …ce n’est pas sérieux, surtout quand on nous dit qu’il était depuis quatre ans dans les cartons de Bercy ! Cet article aurait dû figurer dans le PLF ou, mieux, dans un projet de loi spécifique. Ce n’est pas le cas, ce qui traduit, une fois de plus, la désinvolture avec laquelle le Gouvernement traite le travail des parlementaires.

La deuxième raison tient, elle aussi, à la méthode. Est totalement absent de ce collectif ce qui devrait normalement figurer dans un collectif de fin d’année : une analyse de la situation économique et budgétaire de cette année. Est-il acceptable, mes chers collègues, de ne consacrer que quelques lignes à la situation économique de notre pays dans la situation actuelle ? Heureusement, là encore, le rapporteur général a essayé, dans son rapport, de pallier la carence du Gouvernement sur ce sujet.

Il est vrai que la méthode est un concept peu familier du Président de la République : le Gouvernement doit suivre les méandres, les revirements, les annonces désordonnées d’un Président qui confond l’agitation et la réforme.

M. Jean-Pierre Brard. C’est Gribouille, le talent en moins !

M. Pierre-Alain Muet. En 2007 déjà, lors du débat sur la loi TEPA, j’avais eu l’occasion de dire que, si le Gouvernement respectait davantage le travail parlementaire, cela ne corrigerait certes pas l’injustice de la politique suivie, mais permettrait au moins à notre assemblée de travailler plus efficacement.

Comment résumer l’année 2010 ? Un déficit de l’État de 148,5 milliards, supérieur à ce qui avait été prévu en loi de finances initiale – 117,4 milliards – alors pourtant que la croissance a été moins défavorable que cela n’avait été envisagé il y a un peu plus d’un an : 1,5 % au lieu de 0,75 %. Il est vrai qu’entre-temps, le Président a inventé un Grand emprunt de 35 milliards d’euros…

Quant au cadeau fiscal aux entreprises résultant de la réforme de la TP, si le ressaut de 2010 est moindre qu’initialement prévu, le coût à terme est beaucoup plus lourd pour les finances publiques : 7 milliards environ au lieu des 3,9 milliards annoncés. La taxe carbone, qui devait être mise en œuvre en contrepartie, a en effet disparu, entérinant là encore le discours présidentiel selon lequel l’écologie, cela commence à bien faire ! Ce coût pourrait même être beaucoup plus élevé en réalité car le choix de l’année de référence, 2009, surestime le montant des dégrèvements payés avant la réforme. Là encore, la question est posée de façon pertinente dans le rapport.

Enfin, le déficit de 2010 serait beaucoup plus élevé s’il n’était réduit par des recettes discrétionnaires : un prélèvement d’un milliard sur la Caisse des dépôts, des remboursements anticipés de 2 milliards des prêts aux constructeurs automobiles, etc. Sans ces recettes, le déficit s’élèverait à 152,2 milliards, c’est-à-dire qu’il serait supérieur à la dernière prévision de déficit associé au PLF.

Ces mouvements financiers sont tels que lorsqu’on regarde la décomposition du solde des administrations publiques au sens de Maastricht – seul concept qui soit comparable à l’échelle internationale –, le phénomène le plus marquant de l’année 2010 est un gonflement exceptionnel de l’excédent des ODAC : 2,1 points de PIB, alors qu’il est quasiment à l’équilibre habituellement. Là encore, le Grand emprunt de 35 milliards en explique une partie, mais une partie seulement. Peut-être pourrez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur ce point.

Un déficit voisin de 150 milliards, c’est la moitié des dépenses du budget général de l’État. Et, comme le rappelle le rapport de la Cour des comptes, un tiers seulement de ce déficit abyssal résulte de la crise. Le reste – 100 milliards – est la conséquence d’une politique qui a laissé continuellement dériver les déficits dans une période de croissance, en pratiquant notamment 70 milliards d’allégements d’impôts à crédit.

La première conséquence de cette situation, c’est une dette qui aura doublé en dix ans, passant, selon vos propres prévisions, de 900 milliards d’euros en juin 2002 à 1 800 milliards d’euros en juin 2012. Les seuls intérêts de cette dette représenteront, à partir de 2012, 55 milliards chaque année, c’est-à-dire le deuxième budget de l’État, juste après la mission Éducation.

La deuxième conséquence, c’est le budget d’austérité pour 2011 dont nous avons débattu en première lecture, il y a quelques semaines, avec ses 10 milliards d’impôts supplémentaires et des coupes massives dans les dépenses. Ce budget aura un effet fortement dépressif l’an prochain. Le paradoxe, c’est qu’en dehors des hausses d’impôts, il comporte peu de mesures durables puisque la plupart des dispositions réduisant le déficit pour 2011 sont des fusils à un coup.

En tout cas, le PLF et ce collectif permettent à l’État de se défausser d’une partie de ses responsabilités financières sur les collectivités locales. Il le fait en gelant les dotations aux collectivités et en ne finançant pas des dépenses qu’il a mises à leur charge, des dépenses de solidarité générale, qui augmentent fortement.

Ne pas indexer les dotations sur l’inflation et la croissance est profondément choquant. Elles ont en effet remplacé des impôts qui augmentaient précisément comme la croissance économique et l’inflation. À une époque où l’État réduisait ses déficits, entre 1997 et 2002, il indexait également les dotations des collectivités locales sur l’inflation et la moitié de la croissance. En n’agissant plus ainsi, l’État fait porter la réduction des déficits sur les collectivités, qui ne sont pourtant en rien concernées par la dérive des déficits et de la dette. Je rappelle que la dette des collectivités locales est restée stable depuis trente ans – autour de 8 % du PIB – alors que celle de l’État a explosé, passant, au cours de la même période, de 20 % à plus de 60 %.

Nous avons donc, d’un côté, un État-cigale, qui baisse les impôts, qui laisse dériver les déficits dont le poids pèsera sur les générations futures, et, de l’autre, des collectivités locales-fourmis, bien obligées d’ajuster leurs comptes puisqu’elles ne s’endettent que pour investir.

Si la cigale et les fourmis étaient indépendantes, la cigale serait bien obligée de mettre de l’ordre dans ses finances en augmentant ses impôts ou en réduisant ses dépenses. Bref, l’État ne pourrait pas se permettre de faire ce qu’il fait depuis huit ans, à savoir laisser dériver les déficits.

Mais contrairement à la fable de La Fontaine, la cigale a un pouvoir considérable. Elle a progressivement remplacé les ressources des collectivités par des dotations qu’elle maîtrise et elle leur impose des dépenses de solidarité nationale dont elle est seule à maîtriser le financement. Alors quand la cigale doit réduire ses déficits, elle trouve une façon simple de se défausser de cette responsabilité : réduire les dotations et ne pas ajuster les compensations aux dépenses effectives des collectivités. Et l’État le fait avec d’autant plus de désinvolture qu’il sait bien que les collectivités locales sont obligées, elles, d’appliquer la vertu dont lui seul s’exonère.

Voilà comment aujourd’hui les collectivités locales sont conduites à augmenter leurs impôts ou à réduire leurs interventions pour financer la « débauche » de l’État ! Cette politique, c’est le vice qui se finance sur le dos de la vertu.

Quand l’État était vertueux et réduisait ses déficits – entre 1997 et 2002 –, il indexait également les dotations des collectivités sur l’inflation et la moitié de la croissance. Il a continué pendant quelques années, jusqu’en 2007 pour l’enveloppe normée et jusqu’en 2008 pour la DGF. Puis, ne pouvant plus faire face à ses fins de mois, il a commencé à ne plus l’indexer que sur l’inflation, puis sur la moitié de l’inflation et, enfin, à ne plus l’indexer du tout.

S’y ajoute une réforme, que j’avais qualifiée d’imbécile et qui, en tout cas, n’est guère intelligente, celle de la taxe professionnelle, qui a d’abord consisté, après un long détour par une valeur ajoutée qu’on ne sait pas mesurer pour les groupes au niveau local, à réinventer la taxe professionnelle d’origine avec la conséquence supplémentaire de réduire le lien fiscal entre les collectivités et les entreprises industrielles, au point que beaucoup de collectivités hésiteront à accueillir des industries lourdes. Avec la réforme de la taxe professionnelle, le Gouvernement a inventé la première baisse d’impôt qui pourrait pousser les entreprises à la délocalisation.

Le fonds de soutien aux départements de 150 millions d’euros créé à l’article 34 n’est pas à la hauteur des contraintes qui pèsent sur les départements. Aujourd’hui, l’écart entre le montant des compensations versées aux départements au titre des trois allocations – RSA, allocation personnalisée d’autonomie, prestation de compensation du handicap – et le montant des dépenses réellement réalisées est tel qu’il met en péril l’équilibre financier d’un grand nombre de budgets départementaux.

Cet écart est estimé pour 2010 à 5,2 milliards d’euros pour l’ensemble des conseils généraux. Il n’est plus en mesure aujourd’hui d’être « absorbé » par nombre de départements, a fortiori avec la réforme de la fiscalité locale de 2010 qui limite leur autonomie fiscale.

Le rapporteur le reconnaît d’ailleurs dans son rapport : « Les dispositions prises aujourd’hui – les 150 millions – ne sont clairement pas à l’échelle du problème. La péréquation ne peut que mettre un peu d’huile dans les rouages ; au rythme actuel, un certain nombre de départements ne passeront pas l’année 2012. »

On peut d’ailleurs se demander si cette situation des départements ne viole pas le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.

C’est pourquoi, suivant en cela les propositions de l’ADF, nous proposerons la création d’un fonds exceptionnel de péréquation de la compensation des allocations individuelles de solidarité départementales qui interviendrait en complément du Fonds de mobilisation départemental pour l’insertion. Ce fonds serait constitué de deux parts : 60 % affectés à la compensation et 40 % à la péréquation. Cette compensation d’un milliard n’est certes pas à la hauteur des pertes subies, mais elle est indispensable si l’on veut éviter des catastrophes.

Il en est de même pour les régions. Depuis la réforme de la TP, les recettes fiscales sont remplacées par des quasi-dotations et les seules recettes fiscales restant aux régions sont non pérennes, régressives et aucunement en rapport avec leurs compétences. En outre, avec le gel des dotations de l’État, les régions ne disposent aujourd’hui d’aucune marge de manœuvre pour assurer leurs missions de service public, à l’heure même où elles sont sollicitées au titre des investissements d’avenir par le Gouvernement.

C’est particulièrement le cas dans le domaine des transports. La commission des finances a adopté notre amendement proposant de porter de 0,55 à 0,85 % le taux du versement transport dans les agglomérations de moins de 100 000 habitants. En cohérence avec cette mesure, il nous paraît indispensable d’autoriser les régions à voter un taux additionnel maximal de 0,2 % au versement transport pour le financement des trains express régionaux. En effet, les transports infrarégionaux servent de manière croissante au trajet entre le domicile et le travail et le phénomène va s’amplifier à l’avenir puisque le cadencement leur donne le statut de trains hors agglomération et de Tram en agglomération.

Comme le souligne le rapporteur général…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous avez décidément d’excellentes lectures, monsieur Muet ! (Sourires.)

M. Pierre-Alain Muet. Je lis toujours attentivement les rapports du rapporteur général.

Voici donc ce qu’a dit M. Carrez dans la discussion que nous avons eu en commission : « Il est inévitable que la question de leur financement par le versement transport soit un jour posée, d’autant que les régions sont appelées à rencontrer des problèmes de financement de leurs infrastructures de transport. » Eh bien, disons-le : la question se pose clairement aujourd’hui et il serait grand temps d’y répondre !

J’en viens à l’article 15, qui concerne les mesures de financement du Grand Paris. Or nous sommes encore en pleine incertitude sur ce dossier.

D’une part, nous discutons du PLFR alors que les sénateurs examinaient encore cet après-midi le projet de loi de finances pour 2011 et qu’ils ont prévu d’affecter une partie de la fiscalité créée en faveur de la société du Grand Paris au financement de l’ANRU.

D’autre part, le débat public sur le réseau de transport créé par la loi sur le Grand Paris se poursuit encore. Personne ne peut aujourd’hui préjuger de ce que sera ce réseau, sa faisabilité, ses équipements, son tracé, son coût ou encore ses opérateurs.

Contrairement aux déclarations faites début septembre par Michel Mercier, alors ministre de l’aménagement du territoire, l’engagement d’inscrire 4 milliards d’euros au budget rectificatif pour 2010, afin de financer la construction de la double boucle, n’a pas été respecté.

Créer dès maintenant une nouvelle taxe payée par les Franciliens et affectée directement à la Société du Grand Paris n’a pas de sens étant donné que le débat public ne sera pas terminé et que l’on ne saura toujours pas quelle forme prendra le futur réseau de transport.

Au lieu de mutualiser le financement, comme le préconise le rapport Carrez, l’article 15 affecte cette nouvelle taxe, ainsi que l’augmentation du produit de la taxe sur les bureaux en Île-de-France, uniquement à la Société du Grand Paris. Le rapporteur général a indiqué en commission qu’il proposerait un certain nombre d’amendements afin que la région parisienne bénéficie de financements supplémentaires pour améliorer le plan de mobilisation pour les transports. Je l’ai noté attentivement.

Enfin, que dire de l’article 24 sur les auto-entrepreneurs ? En supprimant le recours au prorata temporis pour calculer le seuil de chiffre d’affaires applicable aux auto-entrepreneurs, vous ouvrez la porte à des abus qui seront coûteux pour les finances publiques, d’autant que le secrétaire d’État chargé des PME a annoncé qu’ils seraient en outre exonérés des cotisations foncières des entreprises pendant trois ans. Il est temps de mettre un peu de rationalité dans ce statut dérogatoire des auto-entrepreneurs.

En conclusion, ce texte prolonge ce qui est une caractéristique de votre politique depuis trois ans et demi : la fuite en avant, avec une accumulation de propositions mal préparées, injustes et sans véritable concertation, notamment avec les collectivités locales qui sont les premières à en subir les conséquences.

Pour toutes ces raisons, le groupe SRC vous invite, mes chers collègues, à voter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Jean-Pierre Brard, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, monsieur le ministre, comme à son habitude Pierre-Alain Muet a fait un exposé très pédagogique et très convaincant. Il n’y a que les sourds qui ne l’entendent pas, ou bien ceux qui ont décidé de ne pas entendre.

En effet, comme le faisait remarquer le président de la commission tout à l’heure, on peut imaginer facilement la difficulté de la tâche pour nos collègues de la majorité qui sont obligés d’être là sans jamais avoir le droit de rien dire. (Sourires.) On imagine la démotivation que cela entraîne.

Pierre-Alain Muet a fort bien résumé à la fin de son propos ce qu’il faut penser de votre texte : des propositions mal préparées, a-t-il dit, injustes et sans concertation. Il faudrait ajouter à cela la protestation qui aurait dû être celle de l’UMP face aux conditions de préparation du PLFR.

Je ne veux pas être désagréable avec notre collègue Christian Jacob, mais Jean-François Copé, de son temps, n’aurait pas laissé faire cela ! (Rires.)

M. Philippe Boënnec. Occupez-vous donc de vos camarades !

M. Jean-Pierre Brard. Il aurait protesté et nous aurions eu droit à des suspensions de séance. Ma foi, monsieur Jacob, vous êtes bien complaisant.

M. Christian Jacob. Je suis un vrai gentil ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Trop gentil : on finit par vous prendre pour ce que vous n’êtes pas !

Pierre-Alain Muet l’a fort bien dit : il n’y a pas dans ce texte d’analyse de la situation économique et budgétaire. Pourquoi ? Parce que cela aurait conduit à relever la responsabilité du Gouvernement.

Aussi bien étiez-vous quasiment obligés de violenter l’Assemblée, de ne pas prendre de temps et de régler à l’esbroufe ce projet de loi de finances rectificative !

D’une certaine manière, monsieur le ministre, vous êtes un maestro de la planche à voile. Toutefois, si vous tenez debout sur la planche, vous ne savez pas où vous allez. Les vents vous poussent, ou plutôt les courants sous-marins. Mais là, ce n’est ni le Gulf Stream ni le Labrador ; c’est la main, identifiable quoique immergée, des spéculateurs qui provoquent tous ces mouvements financiers que vous n’êtes pas en mesure d’anticiper, que vous ne gérez pas, que vous avez décidé de ne pas encadrer.

Je crois que c’est Jérôme Cahuzac qui le disait tout à l’heure à propos des déficits : malgré vos objectifs, vous n’avez pas réussi à les endiguer du fait de votre renoncement à percevoir les justes cotisations, qu’elles soient fiscales ou sociales.

Vous êtes donc directement coupables de la difficulté dans laquelle nous sommes. Comme l’a fort bien dit Pierre-Alain Muet, d’après la Cour des comptes elle-même, qui n’est pourtant pas un temple de la révolution, vos politiques sont directement responsables des deux tiers du déficit, la crise stricto sensu n’étant responsable que pour un tiers.

Ainsi donc, nous voici avec ce nouveau projet de loi de finances rectificative, qui comporte un nombre d’articles invraisemblable, que nous allons examiner à la hussarde, ou plutôt que le Gouvernement veut faire adopter à la hussarde.

M. le président. Merci de conclure, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Mais il y a quand même une différence, monsieur le président : la garde impériale, elle, savait se battre, tandis que vous, vous ne savez faire que des génuflexions. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, au nom du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Christian Eckert. Monsieur le président, monsieur le ministre, vous ne vous étonnerez pas que le groupe SRC vote la motion de rejet préalable défendue par Pierre-Alain Muet.

Pourtant, quitte à vous surprendre, je vous dirai que ce ne sont pas ses propos qui m’ont convaincu, pas plus que ceux du président de la commission des finances : j’étais déjà convaincu après les propos du rapporteur général ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. C’est un honnête homme !

M. Christian Eckert. Mes chers collègues, c’est lui qui vous a montré la voie.

D’abord, il a souligné la qualité des travaux de notre commission. Effectivement, nous avons tous, en son sein, le souci de préserver les finances publiques.

Il a également souligné le mépris envers le travail des députés, en le comparant au respect manifesté pour le travail des sénateurs. Nous avons tous été choqués par la seconde délibération, il y a quelques semaines, sur la loi de finances pour 2011.

Et puis, il a souligné que la réduction du déficit – certes petite – par rapport aux prévisions était liée à des phénomènes que j’appellerais pour ma part conjoncturels, mais que la langue de bois conduit certains à nommer des « décisions discrétionnaires » : 1 milliard d’euros prélevé à la Caisse des dépôts, quelques reports de paiements, quelques anticipations de recettes et voilà, le tour est joué !

Il a souligné, bien avant Jérôme Cahuzac et Pierre-Alain Muet, le coût de la réforme de la taxe professionnelle, notamment ce trou béant laissé par l’annulation par le Conseil constitutionnel des bénéfices non commerciaux. Près de 800 millions d’euros ont ainsi disparu, mes chers collègues !

Je ne parle pas de la taxe carbone, qui pose peut-être des problèmes plus complexes à résoudre. En tout cas, l’imposition au titre de la taxe professionnelle des BNC a laissé un trou de 800 millions que vous auriez pu largement compenser en légiférant.

Beaucoup ont insisté – j’y reviens un instant – sur la pauvreté de la page 8 de votre texte. En effet, vous devez normalement rédiger, en accompagnement du collectif budgétaire, une présentation de la situation économique nationale dans le contexte international. Ici, on trouve quinze pauvres lignes qui se caractérisent par une langue de bois telle qu’on pourrait les retrouver à l’identique d’année en année.

Enfin, je souhaiterais, à l’image de ce qui a déjà été demandé, que l’on revienne sur cette affaire des auto-entrepreneurs. Nous en avons parlé en commission des finances ; le rapporteur général a, je crois, décidé de focaliser l’un de ses prochains rapports sur leur situation. Cela commence véritablement à bien faire : des problèmes se posent ; la situation n’est jamais évaluée ou quantifiée. On ne sait vraiment pas où l’on va.

Donc, malgré la qualité de l’exposé de Pierre-Alain Muet et de celui de Jérôme Cahuzac, ce ne sont pas eux qui nous ont convaincus : nous l’étions déjà par les propos de M. le rapporteur général, qui, avec beaucoup de lucidité, nous a montré la voie pour voter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, au nom du groupe Nouveau Centre.

M. Charles de Courson. Tout cela ne sert à rien ! Tous ces débats ne servent à rien, mes chers collègues, et cela est triste. Cette motion, l’opposition elle-même n’y croit pas. Nous avons déjà balayé tous vos arguments, donc nous voterons contre ! (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Vous avez eu au moins le mérite de la concision ! (Sourires.)

La parole est à M. Michel Diefenbacher, au nom du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Michel Diefenbacher. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne sais pas si j’arriverai à être aussi concis que mon collègue de Courson.

Je dirai simplement que, ce qui nous a frappés tout au long de l’exposé de notre collègue Pierre-Alain Muet – sur ces bancs de l’hémicycle, mais aussi sur ceux de l’opposition si j’en crois le visage de mes collègues –, c’est que nous l’avons connu plus brillant et convaincant. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Pierre Brard. Oh ! C’est désobligeant !

M. Michel Diefenbacher. S’il ne l’a pas été, c’est parce que, en réalité, il est embarrassé par cette argumentation qu’il devait présenter et qui est totalement indéfendable. Qu’est-ce qui pourrait justifier, en effet, que ce projet de loi de finances rectificative fasse l’objet d’une motion de rejet préalable ?

Ce texte est clair. La situation économique, je crois que chacun la connaît. Nous la suivons jour après jour,…

M. Jean-Claude Sandrier. Ce n’est pas vous qui la suivez, c’est elle qui vous suit ! Ce n’est pas la même chose.

M. Michel Diefenbacher. …tant elle nous préoccupe les uns et les autres, d’une manière tout à fait légitime.

Quant au projet du Gouvernement, il s’inscrit dans la logique où nous sommes maintenant : nous voulons faire en sorte de nous situer dans la sortie de crise, avec l’obligation que cela suppose d’assainir nos comptes, de maîtriser nos dépenses et de raboter les niches fiscales.

C’est cela que propose le texte ; c’est cela que nous devons regarder maintenant. Il est grand temps de passer à l’examen des articles et, par conséquent, le groupe UMP repoussera bien sûr cette motion de rejet préalable.

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, monsieur le ministre, je plaide pour ma part, à défaut de l’adoption de la motion de rejet préalable, pour le renvoi en commission du texte.

Vous venez d’entendre la déclaration touchante de notre collègue Charles-Amédée de Courson. Monsieur le ministre, vous êtes responsable de l’état psychologique dans lequel notre collègue se trouve ! (Rires.)

Vous l’avez plongé dans le désarroi, le fatalisme, qui pourraient le conduire au renoncement.

M. Jean-Pierre Nicolas. Il est parfaitement réaliste, au contraire !

M. Jean-Pierre Brard. Nous avons connu Charles-Amédée de Courson autrement déterminé et plein d’énergie, tandis que là, vous le plongez dans la déprime, qui risque de le conduire au cynisme.

M. Christian Jacob. Ne vous laissez pas aller !

M. Jean-Pierre Brard. Alors, de grâce, monsieur le ministre, n’allez pas dans ce sens et, mes chers collègues de l’UMP, ressaisissez-vous !

Cela a déjà été dit, mais j’y insiste : ce collectif budgétaire est indigeste. Plus précisément, ce sont les conditions dans lesquelles la représentation nationale est amenée à examiner ce quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2010 qui sont inacceptables.

Les orateurs qui m’ont précédé l’ont dit, je n’y reviens pas ; je n’insisterai même pas sur la seconde délibération, car M. le rapporteur général s’est félicité tout à l’heure de ce que vous avez été plus raisonnable au Sénat qu’à l’Assemblée nationale.

M. le rapporteur général, qui est un honnête homme, un homme rigoureux, qui travaille beaucoup, a tellement besoin de vous faire confiance ! (Sourires.) Dès qu’il voit un rayon de soleil, il croit qu’il fait beau. (Rires.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En ce moment, on voit peu de rayons de soleil. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Ce que vous avez accepté au Sénat ne fait pas oublier tout ce que vous avez effacé ici. Cela prouve simplement qu’il est possible de vous faire bouger, et que lorsque les parlementaires sont déterminés, ils sont même capables de vous faire reculer. Pour cela, il faut que les députés de la majorité ne soient pas de simples figurants porteurs de hallebarde, mais qu’ils soient prêts à défendre leurs convictions !

M. Jean-Pierre Nicolas. Nous sommes toujours prêts à défendre nos convictions !

M. Jean-Pierre Brard. C’est d’autant plus vrai que, comme cela a été dit, le ministre est in petto d’accord avec nous ! On lui fait jouer un rôle à contre-emploi : aidez plutôt le ministre à dire qu’il n’a pas pu résister à la pression des vaillants députés de l’UMP, qui enfin se font les porte-voix de leurs électeurs, complètement oubliés maintenant depuis trois ans et demi.

Dans ce projet de loi de finances rectificative, il n’y a évidemment pas d’étude d’impact. On en avait parlé, au moment de la révision constitutionnelle ; mais cela ne servait qu’à amuser les nigauds. Cela a bien fonctionné, d’ailleurs !

Le Palais Bourbon ne doit pas être la chambre d’enregistrement des oukases de l’Élysée, et encore moins de ce qui résulte des fantasmes et des foucades de la bande du Fouquet’s. Monsieur le ministre, je me sens le devoir de vous mettre en garde : à force de piétiner les droits du Parlement, votre majorité risque de refuser de vous suivre.

Lors des travaux en commission, tous les parlementaires ont déploré les conditions dans lesquelles ce texte nous a été soumis. M. Baroin, je le rappelle, avait été obligé de reconnaître que ce collectif budgétaire était – je le cite, car il manie très bien la langue française – « assez dense ». Quel sens de la litote !

Pour celles et ceux qui n’ont pas pu assister aux travaux de la commission, je me permets de vous rapporter la réponse de notre excellent collègue Gilles Carrez, que je veux citer, à l’imitation de mes prédécesseurs : « C’est peu dire, monsieur le ministre, que ce collectif est assez dense : il est d’une lourdeur exceptionnelle. Or vous nous le soumettez alors que nous n’avons pas même achevé l’examen du projet de loi de finances pour 2011, lui-même d’une lourdeur exceptionnelle et présenté en Conseil des ministres avec un décalage d’une semaine par rapport au calendrier habituel. »

Et Gilles Carrez de conclure : « Nos conditions de travail sont donc d’une difficulté considérable. » Si cela avait été connu au moment du débat sur les retraites, on voit que le travail de parlementaire aurait pu être ajouté à la liste des professions d’une pénibilité certaine ! (Rires.)

Ce projet de loi de finances rectificative est un véritable fourre-tout. Le Gouvernement souhaite que nous adoptions un texte de quarante-trois articles, qui traite à la fois du budget général, des collectivités territoriales, du Grand Paris, de l’attractivité du territoire, de l’accession à la propriété, de la fiscalité de l’urbanisme, de la fiscalité environnementale, de la lutte contre la fraude ou encore d’un accord bilatéral avec le territoire de Taïwan !

Sur ce dernier point, je dis dès maintenant que c’est un geste qui nuira incontestablement au dynamisme de nos relations avec la Chine populaire – à moins que ce ne soit le début de la justification d’un nouveau déplacement du Président de la République. Mais les Chinois commencent à être habitués aux humeurs changeantes du Président de la République, ce qui explique certainement le peu d’autorité qu’il a dans l’Empire du Milieu.

Mme Marie-Louise Fort. Le Président de la République est comme tout le monde, heureusement !

M. Jean-Pierre Nicolas. Les Chinois vous l’ont dit ?

M. Marc Joulaud. Vous vous égarez !

M. Jean-Pierre Brard. Je ne m’égare pas ; je souligne les limites du Président de la République – le pluriel est de rigueur.

M. Nicolas Dhuicq. Et où sont les limites du milieu ? (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Oh, pour les limites du milieu, il faut demander à nos collègues du Nouveau Centre : elles se trouvent en Polynésie, c’est là que se trouve le parti de rattachement de nos collègues du Nouveau Centre. (Rires.) Je ne suis pas sûr que vous le saviez, avant ce soir.

M. Christophe Guilloteau. Mais si.

M. Jean-Pierre Brard. Eh bien voilà : vous avez trouvé les limites du milieu. Il suffisait de les chercher : elles sont dans l’océan. (Rires.)

Mes chers collègues, la lutte contre la fraude et les paradis fiscaux font l’objet de deux articles cosmétiques de ce projet de loi de finances rectificative. Notre groupe a donc déposé une série d’amendements qui reprennent les propositions du groupe des vingt-quatre sénateurs et députés, propositions qualifiées par Nicolas Sarkozy lui-même d’« intéressantes ».

Mme Marie-Louise Fort. Il a raison.

M. Jean-Pierre Brard. Il a raison, bien sûr – mais il n’en a rien fait du tout, absolument rien ! Ce n’était qu’un alibi.

M. Christophe Guilloteau. Si ce sont les vôtres, il a eu raison de ne pas vous écouter !

M. Jean-Pierre Brard. Non, mon cher collègue, ce n’étaient pas les miennes, c’étaient celles du groupe tout entier : elles avaient été votées à l’unanimité des sénateurs et des députés. Nous y avions passé un certain nombre de réunions.

Il faut d’ailleurs rappeler qu’effrayés par les effets de la crise provoquée par leur système, nos collègues Marini et Arthuis étaient soudainement pris d’une fièvre très grave de réglementation ; il avait même fallu les mettre en garde contre la tentation d’une économie administrée à l’échelle de la planète tout entière. (Sourires.)

Ces propositions avaient été adoptées à l’unanimité, et le Président de la République n’en a évidemment rien fait.

Mme Marie-Louise Fort. Encore le président ! Vous devez être fan !

M. Nicolas Dhuicq. C’est un exégète. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Rappelez-vous, mes chers collègues, c’était juste avant le sommet du G20 à Pittsburgh : le Président de la République avait dit aux caméras de télévision… Le Président de la République voyant des caméras de télévision, c’est comme un homme d’Église voyant la Sainte Ampoule : il se met à genoux ! (Rires.) Je vois, mes chers collègues, que vous admirez les saintes reliques plus souvent que moi ; il est vrai que c’est la saison. (Rires.)

Il avait donc dit aux caméras : « Les paradis fiscaux, c’est fini ! » Eh bien, lisez le Parisien de ce matin, et vous verrez si c’est fini. Jamais, au grand jamais les paradis fiscaux n’ont autant prospéré. Et s’ils prospèrent, c’est grâce à de grands groupes, en particulier français. Et la liste publiée ce matin dans le Parisien n’est même pas complète !

Autant dire que ce qu’a dit le Président de la République ce soir-là ne servait qu’à amuser la galerie. Rien n’a été véritablement fait depuis.

Nous avons ainsi parlé, il y a environ deux ans, du Liechtenstein. En parle-t-on encore ? Et ces fameux comptes suisses, en parle-t-on encore ?

Mme Marie-Louise Fort. Il n’y en a plus ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Ma chère collègue, vous vous avancez un peu vite. (Sourires.) Une telle affirmation pourrait bien vous mettre en difficulté lorsque surviendra la prochaine affaire de comptes en Suisse.

M. Christophe Guilloteau. Ils votent bien, les Suisses. (Sourires sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Brard. Jusqu’à présent, la question n’est pas réglée, vous le savez comme moi.

Ce n’est pas le Parisien qui invente ces faits que je dénonce sur les paradis fiscaux : ces informations viennent d’un travail méticuleux du Comité catholique contre la faim et pour le développement.

M. Christophe Guilloteau. Vous lisez ça, vous ?

M. Jean-Pierre Brard. C’est le CCFD qui affirme que la lutte contre les paradis fiscaux est restée presque lettre morte depuis le début de la crise.

Cette liste des mesures contenues dans le projet de loi de finances rectificative n’est évidemment pas exhaustive. Mais nul besoin, nous le voyons tous, de laisser aux parlementaires le temps d’un examen attentif et d’une lecture critique : il s’agit de toute évidence de sujets plus insignifiants les uns que les autres.

Le comble, c’est l’article 12, déjà évoqué. Destiné à réformer le régime fiscal des sociétés de personnes, il ne compte pas moins de dix-huit pages et 370 alinéas ! Gilles Carrez l’a dit : c’est l’un des dispositifs les plus compliqués qu’il ait vus depuis qu’il est rapporteur général – et il l’est déjà depuis huit ans et demi ! (Sourires.)

Je ne dis pas cela en estimant que c’est trop long : après Didier Migaud, c’est vrai qu’il a su donner à cette fonction une incontestable épaisseur. (Sourires.)

Le simple fait qu’il formule cette opinion devrait, mes chers collègues, vous inciter à voter le renvoi en commission : on pourrait ainsi rendre ces dispositifs moins compliqués et se donner le temps de les comprendre.

Alors que le Parlement est censé examiner ce texte en quelques jours, le ministre nous a appris en commission que « les professionnels, ainsi que le Conseil d’État, y travaillent depuis 2006 ».

Il ne s’agit donc pas d’un enfant trouvé, mais de l’aboutissement de quatre années de réflexion ! C’est toujours bien, monsieur le ministre, que les gens réfléchissent. Dois-je pourtant vous rappeler que la loi doit être votée par les représentants du peuple souverain…

M. Jean-Pierre Gorges. Il faut bien dire qu’il a raison.

M. Jean-Pierre Brard. …et non par des experts, si compétents soient-ils, fourbissant des textes pervers dans des soupentes de Bercy, ou par quelques hauts fonctionnaires idéologiquement inspirés et formatés, qui se retrouvent avec les représentants des lobbies puissants ou du MEDEF ?

En résumé, après avoir attendu pendant près de quatre ans, le Gouvernement demande au Parlement de légiférer dans l’urgence. Cette manière de fonctionner a au moins le mérite d’expliquer pourquoi les annonces tonitruantes du Président de la République n’ont jamais été suivies d’effet : cela fait moins de quatre ans qu’il occupe le trône républicain.

La moralisation du capitalisme sera donc encore au programme de la prochaine élection présidentielle.

Plus sérieusement, ce gouvernement n’a jamais eu l’intention de moraliser le capitalisme, ni à Toulon au mois de septembre 2008 lors de ce meeting de l’UMP où s’exprima le Président de la République, ni aujourd’hui dans les instances du G20, comme il n’a jamais souhaité faire preuve de davantage de respect envers le Parlement.

Car l’urgence, c’est la méthode de ce Gouvernement : légiférer dans l’urgence, mes chers collègues de la majorité, c’est légiférer sans résistance. Vous le savez bien, d’ailleurs : quand vous ne pouvez pas aller aussi vite que vous le voudriez, cela donne un mouvement social comme celui que l’on a connu pour les retraites. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi vous voulez vous mettre à l’abri des émotions du peuple français ! Je le conçois bien, mais vous avouerez avec moi que ce n’est ni très républicain, et ni très démocratique.

L’ennui, c’est que quand il y a vraiment une urgence, vous ne la voyez pas. Je parle évidemment de la troisième vague de la crise financière qui s’abat actuellement sur l’Europe. Cette urgence-là, vous ne l’avez pas vue ; vous ne pouvez pas la voir. Pourtant, dans leur manifeste, ceux qui s’intitulent les « économistes atterrés » décrivent très bien cette situation : « La crise a mis à nu le caractère dogmatique et infondé de la plupart des prétendues évidences répétées à satiété par les décideurs et leurs conseillers. Qu’il s’agisse de l’efficience et de la rationalité des marchés financiers, de la nécessité de couper dans les dépenses pour réduire la dette publique ou de renforcer le “pacte de stabilité”, il faut interroger ces fausses évidences et montrer la pluralité des choix possibles en matière de politique économique. D’autres choix sont possibles et souhaitables, à condition d’abord de desserrer l’étau imposé par l’industrie financière aux politiques publiques. »

Quand cesserez-vous enfin de faire confiance aux marchés financiers ? L’investisseur, qui vous est si cher, monsieur le ministre, ne réfléchit qu’à court terme, vous le savez bien. Or, à court terme, il est évident qu’il profite des divers plans d’aide puisque ceux-ci lui permettent de prêter de l’argent à des taux d’intérêt exorbitants. Mieux, ces prêts, il peut les accorder sans prendre le moindre risque puisqu’ils sont in fine garantis par les États. À moyen terme en revanche, plus personne ne pourra rembourser ces dettes artificielles et tout le monde sombrera – des écrits de Warren Buffet par exemple, qui ont été cités à cette tribune, le confirment. Et nous pouvons légitimement nous demander : après la Grèce, après l’Irlande, à qui le tour ? Encore qu’il ne soit pas besoin d’avoir beaucoup d’imagination pour savoir que les prochains pays s’appellent Portugal, Espagne, Italie, et, pourquoi pas, la France, comme l’a fait remarquer tout à l’heure M. Cahuzac.

Les dirigeants actuels de l’Union sont dépassés par la gravité de la situation. Qui peut encore croire leurs propos rassurants ? Devant l’ampleur des dégâts provoqués, ces dirigeants sentent que les risques vont déferler sur les privilèges de la classe dominante européenne.

Certes, monsieur le ministre, vous faites tout pour trouver grâce aux yeux de vos dieux, en sacrifiant sur leur autel les droits sociaux les plus chèrement acquis : les retraites, l’accès aux soins, l’assurance chômage, l’éducation ou encore la progression des salaires.

En revanche, lorsqu’il s’agit de demander une contrepartie de bon sens à l’Irlande, comme l’harmonisation progressive de son impôt sur les sociétés afin de mettre fin au dumping fiscal, les gouvernements européens et la banque mondiale manquent d’arguments. D’ailleurs, lors de son audition devant la commission d’enquête sur la spéculation la semaine dernière, Mme Lagarde, tirant certainement les enseignements de l’expérience qu’elle vit dans ses responsabilités ministérielles, a reconnu que la politique de dumping fiscal pour les sociétés telle qu’elle est pratiquée en Irlande posait problème. Elle ajoutait même que Allemands et Français considéraient qu’on ne pouvait pas aider les Irlandais à sortir de la situation dans laquelle ils se trouvent sans formuler des conditions quant à une nouvelle politique fiscale. Ainsi donc, nous aurions pu croire que le Gouvernement avait évolué dans ses positions. Mais, patatras, le Premier ministre se félicite de la position du Président de la République française, lequel ne veut pas remettre en cause la politique irlandaise de dumping fiscal qui, pourtant, nuit à tous les États : à l’Irlande elle-même, mais également à des États comme le nôtre qui ont été victimes de délocalisations à cause du miroir aux alouettes fiscal de la République irlandaise.

Afin de libérer le pouvoir politique de la tutelle des marchés financiers, il faut enfin envoyer un signal fort aux spéculateurs. Nous avons fait des propositions dès septembre 2008 qui n’ont pas été entendues. Pourtant, depuis, la réalité nous a donné raison, hélas.

Si l’on veut vraiment protéger la monnaie européenne contre les attaques spéculatives, il faut garantir un taux d’intérêt similaire, voire identique, à tous les États de la zone. Ce taux devrait évidemment être comparable à celui dont bénéficie l’Allemagne.

À l’échelle mondiale, des réponses volontaristes doivent être apportées à la domination désastreuse de la finance mondiale. Cela passe par une nouvelle répartition des richesses produites en réduisant la rémunération du capital et en augmentant la rémunération du travail, condition absolue pour sortir de la crise. Mais de cela, il n’est nullement question pour l’instant.

Pourtant, monsieur le ministre, il existe des tableaux très parlants. J’ai ici un tableau représentant les profits réalisés par le groupe Sanofi.

M. Philippe Meunier. Il y a des couleurs !

M. Jean-Pierre Brard. C’est très joli en effet.

M. le président. Monsieur Brard, l’usage de tels panneaux n’est pas du tout dans nos habitudes. Si je dis cela, ce n’est pas pour vous importuner ou pour gêner votre développement, c’est simplement parce que nous sommes comptables de nos propos devant l’ensemble de nos concitoyens. Les graphiques n’apparaissent pas dans les comptes rendus, ce qui nuit à la transparence de nos débats.

M. Jean-Pierre Brard. Comme je m’attendais à cette objection, j’ai amené la lettre que le président de l’Assemblée nationale m’a adressée à la suite de la dernière présentation de mes graphiques. Qu’écrit Bernard Accoyer dans sa lettre ?

« Par un courriel en date du 3 novembre 2010, vous avez souhaité connaître les dispositions du règlement qui interdisent aux députés d’illustrer leurs propos à l’aide de graphiques ou tout autre document pédagogique. » Le président a trouvé le mot juste – pédagogique – pour éclairer le débat, non pas pour vous éclairer, vous, chers collègues de l’UMP, puisque vous avez déjà décidé de ne pas bouger.

M. Guy Malherbe. Ça, c’est clair !

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes aussi mobiles que des bornes kilométriques. Je m’adresse aux gens qui nous regardent sur Internet.

Le président ajoute : « Certes, aucune disposition du règlement ne prohibe explicitement une telle pratique. Pourtant, cette interdiction relève d’une tradition que tous mes prédécesseurs et tous les présidents de séance se sont attachés à faire respecter. »

M. le président. C’est exactement ce que j’ai dit, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Nous ne sommes plus dans le droit romain qui est écrit, nous sommes dorénavant dans la tradition orale.

M. Nicolas Dhuicq. Britannique !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ou germanique.

M. Jean-Pierre Brard. Je poursuis la lecture du courrier : « Comme vous le savez, l’article 33 de la Constitution dispose que les séances font l’objet d’un compte rendu intégral des débats publié au Journal officiel. Le respect de cette règle constitutionnelle ne serait pas possible si les députés s’exprimaient autrement que par la parole. »

Erreur, mes chers collègues. Il se trouve que j’ai dans mon champ de contrôle comme rapporteur spécial les Journaux officiels et que je m’intéresse chaque année à la façon dont ils travaillent.

Mme Marie-Louise Fort. Quel rapport avec le texte ?

M. Jean-Pierre Brard. Je peux louer la compétence des gens qui travaillent aux Journaux officiels.

M. Christophe Guilloteau. C’est hors sujet !

M. Jean-Pierre Brard. L’interdiction qui me serait faite, et qui ne repose sur rien, ne peut même pas appeler à la rescousse le Journal officiel parce que les Journaux officiels, comme tous les journaux, sont capables de publier des graphiques.

Et puis, monsieur le président, d’une certaine manière, l’utilisation de graphiques s’apparente à la langue des signes. Voudriez-vous interdire la langue des signes qui accompagne la retransmission télévisée de nos débats ?

Vous avez été, si vous me permettez ce franglais, briefé sur l’utilisation possible que je pourrais faire de graphiques, mais vous voyez bien que la lettre du président ne m’empêche pas de présenter de tels documents et je vous invite à venir visiter les Journaux officiels pour vérifier leurs compétences.

Mme Marie-Louise Fort. Quel rapport ?

M. le président. Je répondrai bien volontiers à cette invitation, mon cher collègue, mais tous vos propos démontrent que vous n’avez pas besoin de béquilles pour vous exprimer, vous êtes parfaitement audible. Nous vous écoutons et buvons vos paroles avec le plus grand intérêt sans qu’il soit nécessaire de les accompagner de je ne sais quel graphique.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je ne partage pas votre point de vue. Je suis instituteur de formation.

M. Philippe Meunier. Les pauvres élèves !

M. Jean-Pierre Brard. Un instituteur ne saurait renoncer à aucun support pour faire progresser la compréhension.

M. le président. Sauf erreur de ma part, ici, vous n’avez pas affaire à des élèves, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Brard. Certes, mais la pédagogie que j’ai apprise sur les bancs de l’école normale d’instituteurs est transférable, quel que soit l’interlocuteur.

M. Philippe Meunier. La pédagogie que vous avez apprise à l’école du parti ?

M. Jean-Pierre Brard. Y compris à l’école du parti.

M. Christophe Guilloteau. Vous êtes de parti pris, vous !

M. Jean-Pierre Brard. Dans tous les cas en effet, on fait appel à l’intelligence et pour éveiller les ressources de l’intelligence de l’interlocuteur, tous les vecteurs doivent être utilisés.

Mme Sophie Primas. Oh !

M. Jean-Pierre Brard. Vous vous impatientez, chère collègue, mais je vous ferai remarquer que les députés sont libres de leurs propos.

M. Philippe Meunier. C’est à Moscou que vous avez appris cette pédagogie ?

M. Jean-Pierre Brard. À la différence de vous certainement, je ne suis allé à Moscou qu’en 1985 et heureusement que j’y suis allé à cette date parce que, après, c’était fini. (Sourires.)

M. Christophe Guilloteau. Avant, vous aviez été à Cuba !

M. Jean-Pierre Brard. Je reviens à mon propos.

Monsieur le président, je ne ferai pas un usage abusif des graphiques, même si j’en ai beaucoup à ma disposition. Je ne vous parlerai que de celui dont j’ai déjà commencé la présentation.

Sur ce graphique, la courbe des dividendes de Sanofi montre une progression de près de 50 % de 2006 à 2009. Et dans le même temps, on constate une réduction des effectifs salariés.

M. le président. Je préférais encore M. Muet qui avait oublié ses feuilles…

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, comme les élèves, les députés sont capables de tirer de mes propos la conclusion simple que plus les dividendes augmentent, plus l’emploi est réduit.

Si le président de l’Assemblée nationale a voulu m’interdire les graphiques, il est une chose qu’il n’a pas évoquée dans sa lettre, ce sont les photos.

Voici celle de M. Christopher Viehbacher, le P-DG de Sanofi. Il n’a touché qu’un salaire modeste d’un peu plus de 7 millions d’euros en 2009, soit une augmentation d’une année sur l’autre de 59 %, pendant que les salaires des salariés augmentaient de 1,2 % et que 3 000 postes étaient supprimés.

M. le président. Il va falloir conclure.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, j’aurais encore beaucoup de choses à dire, vous imaginez bien.

M. le président. Nul n’en doute.

M. Christophe Guilloteau. Surtout pas !

M. Jean-Pierre Brard. Mon cher collègue, vous avez peur des arguments comme de l’eau qui monte à Cherbourg et qui envahit les maisons. Vous vous demandez comment échapper à la puissance de l’argumentation. Et la seule solution que vous avez trouvée, c’est de me faire taire. Pourtant, ce que je dis est évident.

Fondamentalement, la crise a comme source l’inégalité de la répartition des fruits du travail dans le processus de création des richesses. Votre système donne de plus en plus d’argent aux actionnaires, de moins en moins aux salariés, qui n’ont que leur travail pour vivre, et c’est cette injuste répartition qui, d’un côté, limite la consommation et donc l’appel aux produits des entreprises et, de l’autre côté, favorise les privilèges et la spéculation. Comprendre l’économie politique n’est pas très compliqué et, je vais vous faire une confidence, vos électeurs risquent de le comprendre quand bien même vous voudriez leur taire la réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe SRC.

M. Pierre-Alain Muet. Le groupe SRC votera cette motion de renvoi en commission défendue avec brio, avec passion et surtout avec son humour légendaire par notre collègue Jean-Pierre Brard.

Il a commencé par nous rappeler les conditions dans lesquelles nous avons examiné ce texte. Je pense que les membres de la commission des finances présents ce soir se souviennent de la stupéfaction avec laquelle beaucoup d’entre nous, pas seulement à gauche, ont découvert ce texte – un texte compliqué, avec de nombreux articles, un vrai catalogue – alors même que nous n’avions pas terminé l’examen du projet de loi de finances.

Jean-Pierre Brard parle de fourre-tout. C’est vrai qu’à lire la liste de ces quarante-trois articles, où l’on trouve des mesures concernant aussi bien le grand Paris que la prévention de l’évasion fiscale dans les relations avec Taïwan, on s’interroge sur le fil directeur de ce texte et sur la logique qui sous-tend ce projet de loi de finances rectificative, avec une seule envie : le renvoyer en commission !

Comment en effet ne pas renvoyer en commission un texte qui comprend un article nécessitant quatorze pages d’explications et 370 alinéas pour réformer les sociétés de personne ? Car il n’y a que deux solutions : renvoyer le texte en commission ou supprimer cet article, puisque personne, malgré le talent du rapporteur général, n’a été capable d’appréhender sérieusement cette réforme.

En écoutant Jean-Pierre Brard évoquer la situation internationale, je ne peux que revenir aux propos de notre président, qui soulignait le fossé existant entre la situation de l’économie mondiale et de notre économie d’une part et les mesures contenues dans ce projet de loi de finances rectificatives ou dans le projet de loi de finances pour 2011, d’autre part.

Cette situation appellerait une politique subtile, qui permettrait à la fois de réduire les déficits et de relancer la croissance, ce qui ne peut se faire que d’une seule manière : en relançant les créations d’emploi. Or, il n’y a rien de la sorte ni dans le projet de loi de finances rectificative ni dans le PLF.

Et, lorsque Jean-Pierre Brard conclut en disant que l’une des raisons de la crise, c’est l’explosion des inégalités, il met le doigt sur un sujet que vous occultez, parce que vous êtes responsables de son aggravation ces dix dernières années. Pour toutes ces raisons, notre groupe votera la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe GDR.

M. Jean-Claude Sandrier. Le groupe GDR votera bien évidemment ce renvoi en commission, pour des raisons qui nous ont toutes été fournies par le rapporteur général !

Gilles Carrez a commencé son propos en exprimant son inquiétude, laquelle se traduit plutôt chez les membres de notre groupe par de la préoccupation. Je me suis néanmoins demandé s’il était le seul à être inquiet, avec la gauche rassemblée, ou si d’autres députés, à l’UMP, éprouvaient la même inquiétude. Selon moi, ils sont nombreux à être inquiets, sans forcément pouvoir l’exprimer. Il ne peut en effet en être autrement face à la situation que nous connaissons. Car, contrairement à ce que j’ai entendu, nous ne sommes pas en sortie de crise mais, malheureusement, à ses débuts.

Notre rapporteur général a ensuite comparé les dépenses fiscales à des termites, et la comparaison ne pouvait être mieux trouvée. Ce sont des termites qui rongent l’équilibre budgétaire ! J’ajouterai pour ma part que les vrais termites se trouvent sur les marchés financiers. Ce sont les dividendes extravagants qui ont crû ces dernières années. Il y a dix ans, les dividendes et les intérêts des banques représentaient 25 % de la valeur ajoutée des entreprises ; ils représentent aujourd’hui 36 % de cette même valeur ajoutée !

Gilles Carrez a enfin évoqué une diminution artificielle du déficit qui doit nous inquiéter, car elle se fonde sur des recettes exceptionnelles.

Une dernière raison de voter cette motion a été soulevée en commission, là encore par le rapporteur général lui-même, à savoir l’insuffisance du soutien aux départements. Selon lui, si ces derniers peuvent s’en sortir en 2011, la plupart n’en auront plus les moyens en 2012. Pour toutes ces raisons, ce texte doit être renvoyé en commission.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Charles de Courson. Je voudrais féliciter Jean-Pierre Brard qui a au moins le mérite de nous faire rire sur des matières rarement drôles.

M. Jean-Pierre Brard. Sauf lorsque c’est Charles-Amédée qui les traite !

M. Charles de Courson. D’autant, pour reprendre l’expression favorite de l’un de nos orateurs, que la situation n’est pas particulièrement rose.

Je voudrais cependant répondre au fond à son intervention, qui n’est qu’une relecture approximative du livre IV du Capital, lequel nous explique que les profits augmentent dans la valeur ajoutée – je traduis en termes modernes…

M. Jean-Pierre Brard. En termes vulgaires !

M. Charles de Courson. En effet, le grand capital, voulant lutter contre la baisse tendancielle du taux de profit, augmente la part de ses profits. (Rumeurs sur les bancs du groupe GDR.) Je ne sais si c’est votre cas, mais j’ai lu Le Capital, monsieur Brard, et j’ai du mérite, car franchement…

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez lu à l’envers !

M. Charles de Courson. Mais, monsieur Brard, avez-vous consulté les comptes de la nation pour vérifier vos affirmations ? Car elles sont fausses ! En France, la part des salaires dans la valeur ajoutée est stable sur ces dix dernières années. En revanche, elle a fortement baissé aux États-Unis et en Angleterre, et il y a sans doute une raison à ce que la crise ait touché en premier les États-Unis et qu’elle soit particulièrement violente outre-Manche.

La France, elle, ne correspond absolument pas au schéma de Karl Marx. C’est pour cela que nous voterons contre votre motion. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Diefenbacher, pour le groupe UMP.

M. Michel Diefenbacher. Je voudrais à mon tour rendre hommage au talent de Jean-Pierre Brard. Il n’est jamais facile de défendre une motion de renvoi en commission dans cet hémicycle, mais c’est encore plus difficile quand pour le faire on n’a aucun argument.

Cela ne veut pas dire que nous n’ayons rien appris en l’écoutant, notamment sur l’usage de graphiques par les orateurs, leur restitution par les journaux officiels et la traduction de nos débats dans le langage des signes.

Mais sur les raisons qui justifieraient le renvoi de ce texte en commission : rien. Par conséquent, il est important maintenant que nous passions au texte lui-même. Nos débats se déroulent sous les yeux de tous ceux qui ont un rôle à jouer dans l’avenir de notre économie, qu’il s’agisse des consommateurs, des investisseurs ou des prêteurs. Nos propos sont donc d’importance et engagent notre pays. Nous devons aborder le débat avec sérieux et gravité, et entamer rapidement l’examen des articles. C’est pour cette raison que le groupe UMP rejettera, bien entendu, cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante, est reprise à vingt-trois heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Thierry Carcenac.

M. Thierry Carcenac. Monsieur le ministre, chers collègues, le débat sur la loi de finances rectificative pour 2010 nous permet d’évoquer à nouveau la situation des départements en difficulté financière, puisque le Gouvernement propose la création d’un fonds exceptionnel de soutien doté de 150 millions d’euros soit, d’une part, 75 millions prélevés sur la section IV de la CNSA et d’autre part, 75 millions provenant d’autres sources, à répartir.

Dans un contexte de crise économique où les ressources sont contraintes, les départements doivent faire face avec des moyens inadaptés au financement des transferts et extensions de compétences liés aux allocations de solidarité universelles que sont l’allocation personnalisée d’autonomie, la prestation de compensation du handicap et le revenu de solidarité active.

Votre majorité invoque les constats effectués par la commission consultative d’évaluation des charges, que je préside, pour affirmer que le Gouvernement respecte les principes de compensation des transferts de compétences selon des modalités que vous avez fait voter.

La commission consultative d’évaluation des charges ne peut donc que valider l’application de la loi votée et l’exactitude des montants payés par l’État à la date du transfert… C’est l’ambiguïté des compensations, si bien montrée par le rapport d’information sénatorial de MM. Krattinger et Duluard du 22 juin dernier au titre évocateur : « Les compensations des transferts de compétences : pistes pour des relations apaisées entre l’État et les collectivités territoriales ».

Il n’en reste pas moins que les dépenses d’action sociale ont explosé et que les ressources pour y faire face sont insuffisantes, comme M. Muet l’a rappelé. Vos choix ont déplacé la solidarité du plan national au plan local. Ainsi, le reste à charge net supporté par les conseils généraux va atteindre au titre des trois allocations que j’ai citées près de 5,4 milliards d’euros en fin d’année pour un coût total de près de 14 milliards d’euros.

Tous les observateurs objectifs reconnaissent cette situation, y compris les signataires des rapports commandés par M. le Président de la République. Il suffit de relire le rapport Carrez-Thenault pour s’en convaincre.

Les dépenses d’action sociale des départements ont plus que quadruplé de 1985 à 2008, passant de 6,3 milliards d’euros à 26,2 milliards d’euros avec une hausse moyenne de 6,3 % par an, selon la note de conjoncture la plus récente de Dexia.

Or les recettes affectées en compensation sont peu dynamiques, comme la TIPP, ou se sont brutalement effondrées en 2009 comme le produit des droits de mutation à titre onéreux, ce qui a fragilisé les départements les plus pauvres. Ceux-ci n’ont plus que le recours à la fiscalité locale pour assumer les dépenses obligatoires. Mais la réforme de cette dernière va limiter l’autonomie fiscale des départements, auxquels ne reste que la fixation des taux de la taxe sur le foncier bâti. Et les départements les plus fragiles ont déjà un taux d’effort fiscal supérieur à la moyenne nationale et, pour certains, égal ou supérieur au plafond légal de 2,5 fois le taux moyen national. Dès lors, ils n’ont plus de marge de manœuvre.

Par ailleurs, la participation de la CNSA diminue régulièrement. En 2010, elle ne couvre plus qu’à peine 29 % des dépenses de l’APA et nous nous orientons vers un taux de couverture inférieur pour 2011. Depuis 2008, de même, les dépenses pour la PCH augmentent plus rapidement que la compensation CNSA.

L’écart n’a fait que se creuser entre des dépenses dynamiques et des recettes qui stagnent et la conformité à la Constitution et à son article 72.2 résultant de la révision constitutionnelle de 2003 devient très aléatoire.

En effet, le Conseil constitutionnel a précisé la portée de cet article. Selon lui, même si l’équivalence entre les ressources accordées par l’État et les charges transférées devrait effectivement s’apprécier à la date du transfert, c’est sous réserve que ne soit pas dénaturé le principe de la libre administration des collectivités territoriales

Le principe de la compensation intégrale des charges transférées, tel qu’il est affirmé par l’article L. 1614-1-1 du code général des collectivités territoriales, n’est pas respecté puisque les ressources accordées aux départements sont insuffisantes pour couvrir les dépenses par un ensemble de dispositifs qui ne leur assurent plus les droits que leur reconnaît la Constitution.

C’est ce qui fait dire à nos collègues présidents de Conseil général que l’État à contracté une dette à leur égard.

Vous comprenez dès lors que nous demandons la compensation intégrale, certes contrôlée, mais durable des charges transférées, mais non la renationalisation des compétences transférées, car la gestion décentralisée a fait la preuve de son efficacité.

Le fonds départemental de mobilisation pour l’insertion maintenu pour 2011 à 500 millions d’euros et le fonds exceptionnel de 150 millions d’euros que vous proposez de créer ne sont pas à la hauteur des enjeux, même s’ils constituent une amorce de solution. Même le rapporteur général dans ses commentaires sur la loi de finances rectificative reconnaît, à la page 110 de son rapport, que « les dispositions prises aujourd’hui ne sont clairement pas à l’échelle du problème ».

Dès lors, monsieur le Ministre, quelles réponses concrètes entendez-vous apporter aux départements en difficulté financière ?

La lettre de M. le secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités locales du 15 septembre 2010 proposait que « si la collectivité et l’État en sont d’accord, un contrat de stabilisation sera passé qui comportera des mesures de soutien sous la forme d’avances remboursables ». Cette proposition n’est plus d’actualité et elle était de toute façon inacceptable. Dès lors j’ai trois questions à vous poser.

D’abord, quels sont les critères transparents que vous entendez retenir pour qualifier un département en difficulté, sans continuer à stigmatiser les collectivités territoriales qui seraient « dépensières » ?

Ensuite, comment seront répartis, et par qui, les 75 millions d’euros prévus dans la seconde part, provenant de différentes sources ? Seuls les 75 millions d’euros de la première part font l’objet de critères de répartition à l’article 34 de la LFR pour 2010.

Enfin, quand ces sommes seront-elles réparties ? De nombreux départements votent de plus en plus tardivement leur budget afin d’être fixés sur les dotations dans le cadre de la DGF réparties par le comité des finances locales en février, auxquelles s’ajoutent les dotations de péréquation horizontale décidées en LFI.

Il apparaîtrait donc opportun que la commission consultative d’évaluation des charges soit un lieu d’échanges et d’examen des choix gouvernementaux. En effet, cette commission, formation restreinte du comité des finances locales, est associée à la définition des modalités d’évaluation des accroissements et diminutions de charges résultant des transferts de compétences entre l’État et les collectivités territoriales. Elle peut également être consultée par le ministre de l’Intérieur et le ministre du budget sur les réclamations de ces collectivités.

Vous disposez par ailleurs, grâce à l’appui de vos services et de la direction générale des finances publiques, des éléments budgétaires suffisants pour apprécier la situation des départements en temps réel sans qu’il soit nécessaire de demander que nous transmettions à nouveau à tous les services de l’État les pièces comptables dont vous disposez déjà.

Tous les élus aspirent à des relations pacifiées entre l’État et les collectivités territoriales. Encore faut-il que l’État fasse le premier pas et ne jette pas l’opprobre sur les élus et leurs dépenses sociales, alors que pour les départements, ce sont des dépenses obligatoires. Leur situation diffère de celle des communes en difficulté qui reçoivent des subventions exceptionnelles d’équilibre, et pour lesquelles il existe des dispositions pour un retour à l’équilibre obligatoire des budgets : le contrôle de la chambre régionale des comptes et du préfet permettent d’assurer un suivi de ces subventions exceptionnelles sans que de nouvelles mesures soient mises en œuvre.

Enfin, la charte européenne de l’autonomie locale du 15 octobre 1985, approuvée par la France, prévoit notamment en son article 9.2 que « les ressources financières des collectivités locales doivent être proportionnées aux compétences prévues par la Constitution ou la loi ». Nous ne souhaitons pas en arriver à des contentieux. Nous essaierons donc de voir dans quelle mesure vous nous apporterez des réponses pour essayer de résoudre la situation ponctuelle des départements en difficulté. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le Président, monsieur le ministre, chers collègues, un bel échange a eu lieu tout à l’heure autour de Marx et de la baisse tendancielle du taux de profit. Je voudrais dire à notre collègue Charles de Courson…

M. Charles de Courson. Votre camarade !

M. Jean-Claude Sandrier. Pas encore, mais cela peut venir. Je lui confirme qu’il a bien lu Marx : la baisse tendancielle du taux de profit est une réalité et elle produit ses effets. J’ai toujours quelques chiffres à disposition qui me permettent de le faire. Selon le FMI et la Commission européenne, au cours de ces 25 dernières années, la part des salaires dans le PIB a diminué de 5,8 % dans les pays du G7, de 8,6 % en Europe et de 9,3 % en France. La baisse tendancielle du taux de profit produit donc bien ses effets sur la compression de la masse salariale tandis que, dans le même temps, la part des dividendes dans la valeur ajoutée a triplé.

Ainsi, pour l’instant, et jusqu’à preuve du contraire, Marx a encore raison.

Depuis le début de la crise, les projets de lois de finances rectificatives se succèdent sans jamais prendre à bras-le-corps les difficultés de nos concitoyens pour tenter d’y apporter des réponses, et sans jamais se préoccuper non plus d’opérer le changement de cap nécessaire au rétablissement de nos finances publiques.

Selon le collectif budgétaire, le déficit de l’État s’élève à 149,7 milliards d’euros. Vous vous faites fort d’expliquer qu’il est en retrait de 2,3 milliards par rapport à la prévision. Mais, comme vous le savez, notre rapporteur général a contesté cette analyse, expliquant, à juste titre, que ce collectif illustre en fait la difficulté du Gouvernement et de la majorité à réduire la dépense sous toutes ses formes, en particulier la dépense fiscale.

Car, comme le souligne le rapport de M. Gilles Carrez, le dérapage des avantages fiscaux permettant de réduire l’impôt sur le revenu a gonflé, cette année, de 1,8 milliard d’euros.

Mais c’est au premier chef l’irresponsabilité de votre politique d’allégement fiscal en faveur des entreprises qu’il faut dénoncer aujourd’hui avec vigueur. Il faudrait d’ailleurs parler, d’abord et avant tout, des grosses entreprises puisque nous savons parfaitement que celles qui appartiennent au CAC 40 ne paient que 8 % d’impôt sur les sociétés alors que le taux facial de cet impôt est de 33,3 %.

De plus, la réforme de la taxe professionnelle représente un coût considérable pour les finances de l’État. Avec la fin de la taxe professionnelle, l’État va devoir se passer de 7 milliards d’euros cette année, au lieu des 3,9 milliards initialement envisagés par le Gouvernement. Cette mesure n’aura pas plus d’efficacité économique que les cadeaux faits précédemment, et l’expérience nous apprend que, en la matière, nous avons affaire au tonneau des Danaïdes.

Ces nouveaux allégements fiscaux en direction des entreprises, qui devaient avoir pour contrepartie une taxe carbone, désormais passée aux oubliettes, privent l’État et les collectivités locales des moyens de fonctionner correctement, de rendre service à nos concitoyens, et de corriger les inégalités en faisant jouer à l’impôt un rôle redistributif.

Depuis 2007, vous avez fait le choix de tout sacrifier au sacro-saint principe de la compétitivité, quitte à imposer à l’ensemble des Français un régime d’austérité qui, à l’instar de ce qui se passe chez certains de nos voisins, risque de plonger un nombre sans cesse croissant de nos concitoyens dans le dénuement et qui plombe en réalité toute perspective de croissance. Quand les dirigeants de ce monde vont-ils se rendre compte qu’une telle concurrence devient triste et même ridicule et que selon la formule de Josef Stiglitz, « elle tourne au délire » – c’est un prix Nobel d’économie qui le dit, pas Jean-Claude Sandrier ?

Vous avez fait le choix d’une politique en faveur de la loi du fric, au détriment de l’intérêt général et de la satisfaction des besoins même les plus élémentaires de nos concitoyens à l’heure où huit millions d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté.

Nous sommes effectivement en plein délire puisque tandis que les marchés financiers dilapident des milliards dans la spéculation, vous n’avez qu’une idée en tête : vous cherchez à leur faire plaisir en baissant la dépense publique. C’est ubuesque !

Comme je l’expliquais lors de la présentation, jeudi dernier, de la proposition de loi des députés communistes, républicains et du parti de gauche visant l’instauration d’une fiscalité enfin « juste et efficace », vous n’avez pas pris la mesure de la crise du système capitaliste, la plus grave depuis quatre-vingts ans.

Écoutez donc ce que dit Warren Buffet ! Il est lucide, lui. Il a appelé à une forte augmentation de l’impôt payé par les grandes fortunes, non par philanthropie, mais parce qu’il voit tout simplement où risque d’aller le monde.

Selon un appel récent d’économistes du CNRS et de l’OFCE : « La crise économique et financière qui a ébranlé le monde en 2008 n’a pas affaibli la domination des schémas de pensée qui orientent la politique économique depuis trente ans. Le pouvoir de la finance n’est pas remis en cause, une forme de dictature des marchés s’impose partout ». Vous êtes à genoux devant elle.

Telle est la réalité. Nous en avons une illustration sous les yeux avec les épisodes grec et irlandais. Lisez donc l’excellent rapport demandé par l’ONU dans lequel vingt et un des plus grands économistes du monde ont examiné les causes de cette crise. Quelle est leur conclusion ? « La crise n’est pas un simple accident comme on n’en voit qu’une fois par siècle, quelque chose qui est seulement “arrivé” à l’économie, qu’on ne pouvait pas prévoir et encore moins éviter. Nous sommes convaincus qu’elle est due, au contraire, à l’action humaine : elle a été le résultat de fautes du secteur privé et de politiques mal orientées et vouées à l’échec des pouvoirs publics. »

En fait de politique mal orientée, votre politique fiscale pourrait faire figure d’exemple. Vous avez limité le coup de rabot sur les niches fiscales à la réduction d’avantages fiscaux qui bénéficiaient aux plus modestes et aux contribuables moyens, sans jamais vous attaquer, sinon à la marge, aux niches dont bénéficient les plus hauts revenus. Vous continuez cette politique dans ce collectif en faisant voter une réforme des PEL qui s’en prend à nouveau très clairement aux catégories moyennes.

Vous proposez, à l’article 12, de permettre aux sociétés de personnes de bénéficier des dispositifs dérogatoires qui ont été déclassés en 2006 et qui ne sont plus reconnus comme des dépenses fiscales applicables aux entreprises, mais dont le coût pour les finances publiques s’élève à 71,3 milliards d’euros en 2010 – je rappelle que selon la Cour des comptes, le total des niches fiscales et sociales s’élève à 172 milliards d’euros. Il s’agit d’une mesure proposée à la hussarde, qui aggravera le déficit de plusieurs milliards d’euros. Est-ce là une politique responsable ?

Est-ce être responsable que se trouver dans l’obligation de colmater ça et là les brèches ? C’est ce que vous faites avec les 150 millions d’euros d’aides aux départements en difficulté. Mais en serions-nous là si vous aviez eu le souci de la cohérence et si vous n’aviez pas simplement cherché à satisfaire l’appétit des marchés ? D’ailleurs, je l’ai déjà dit, cette somme ne suffira pas à assurer l’avenir de la plupart de nos départements.

Ce projet de loi de finances rectificative, comme votre loi de finances initiale, ne souligne pas seulement votre désarroi ; il montre votre incapacité foncière à conduire une politique fiscale qui puisse véritablement conjuguer justice et efficacité – à moins que ce ne soit une volonté délibérée de pressurer les couches populaires et moyennes pour mieux épargner les dividendes et autres revenus financiers de la classe la plus aisée, car vous croyez toujours, et il s’agit bien d’une croyance, que l’accroissement de leur fortune favorise l’économie. Warren Buffet vient pourtant de nous rappeler que cette logique nous avait menés dans le mur.

Dans ces conditions, vous comprenez que les députés communistes, républicains et du parti de gauche ne puissent pas voter un tel projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce quatrième collectif budgétaire au titre de l’année 2010 sera l’occasion pour moi, au nom du groupe Nouveau Centre, de dire une nouvelle fois l’urgence du rétablissement de nos comptes publics.

À ce titre, cette loi de finances rectificative comporte plusieurs motifs d’inquiétude concernant les dépenses mais aussi les recettes.

Du côté des dépenses, les économies réalisées sont temporaires. À hauteur de 3,1 milliards d’euros, elles gagent des dépenses supplémentaires qui sont reconductibles à hauteur de 3,3 milliards.

Le rapporteur général souligne en effet dans son rapport que les dépenses supplémentaires sont reconductibles. Il s’agit tout d’abord, pour 330 millions d’euros nets, soit 0,3 % de la masse salariale, du dérapage des dépenses de personnel. Cette dépense structurelle correspond à une moindre baisse des effectifs de 8 926 équivalents temps plein qui, selon le Gouvernement, s’explique par un dérapage de 4 655 postes pour l’éducation nationale et, dans ce même secteur, par des départs à la retraite qui seraient nettement inférieurs aux prévisions, soit 32 357 au lieu de 37 012. Il semble que ce dernier constat ne concerne pas uniquement l’éducation nationale.

Cette situation est donc liée au ralentissement des départs en retraite et à des mesures catégorielles dans la police, la justice et les finances.

D’après mon deuxième bureau,…

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas le KGB ?

M. Charles de Courson. …alors que 50 % des économies dues aux réductions d’effectifs devaient être recyclées en primes destinées aux fonctionnaires, le taux réel pour 2010 sera de 73 %.

Il est clair que nous ne pouvons pas tenir une masse salariale constante si nous ne prenons pas des mesures beaucoup plus dures que celles que nous avons adoptées jusqu’à présent. Il faudra probablement réduire le retour vers les primes aux fonctionnaires à 25 % ; il faudra réduire véritablement les effectifs et respecter les prévisions. Il faudra aussi cesser de contourner le plafonnement en faisant exploser les heures supplémentaires, comme cela a été le cas dans plusieurs ministères.

Le dérapage des dépenses d’intervention atteint 3,3 milliards d’euros, dont 2,5 pour les guichets sociaux avec 1,4 milliard d’euros pour la mission « Travail et emploi », et ce glissement n’est pas temporaire, et 0,4 milliard pour la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » – somme principalement consacrée à l’allocation aux adultes handicapés.

On constate également un dérapage important concernant la ville et le logement et, comme d’habitude, en matière de défense, un dérapage de 237 millions d’euros pour les opérations extérieures.

M. Nicolas Dhuicq. Eh oui !

M. Charles de Courson. Cette affaire est très ancienne : cela fait six ans que nous répétons qu’il faut doter les OPEX de 800 à 850 millions d’euros. Si nous ne le faisons pas, le dérapage se reproduira chaque année.

Le rapporteur général a montré que les économies n’étaient pour l’essentiel que des économies de constatation, non reconductibles en 2011. Sur 3,1 milliards d’euros d’économies, 2,2 milliards proviennent des intérêts de la dette, qui passent de 43 à 40,8 milliards, en estimation. En fait, cela s’explique par la baisse des taux des BTF, les bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté, et des emprunts liés aux dépenses d’avenir. Or tout le monde sait que le Gouvernement a fait l’hypothèse, dans le projet de loi de finances pour 2011, d’une remontée d’un point sur l’année des taux concernant les BTF. Les économies constatées sont donc temporaires.

Il faut ajouter 0,56 milliard d’euros d’économies sur le prélèvement européen, mais notre contribution au budget communautaire fait le yo-yo et ces économies, généralement temporaires, ne sont donc pas reconductibles.

Il reste 0,34 million d’économies sur le FCTVA qui s’explique par de moindres investissements que ceux prévus et par la compensation des pertes de base de la taxe professionnelle, autrement dit par des économies exceptionnelles.

Du côté des dépenses, la vérité c’est que nous dérapons d’à peu près 1 %.

Du côté des recettes, nous pouvons faire à peu près le même constat.

La baisse de 2,1 milliards d’euros des recettes fiscales par rapport aux prévisions figurant dans le dernier collectif est gagée par une hausse exceptionnelle de recette fiscale de 1,8 milliard d’euro. Cependant, ces recettes sont liées à la réforme de la taxe professionnelle et à une hausse exceptionnelle de 2,5 milliards des recettes non fiscales, obtenue principalement en raison de cinq opérations sur des recettes exceptionnelles non reconductibles.

Après « redressement », on peut donc conclure que la baisse constatée de 3,5 milliards d’euros du solde budgétaire par rapport au dernier collectif est, en fait, une hausse de l’ordre de 3 milliards. Mes chers collègues, voilà qui est inquiétant : nous ne tenons pas l’exécution du budget pour 2010, ou plutôt nous ne la tenons qu’en apparence.

Je souhaite maintenant aborder trois points concernant des dispositions figurant dans le collectif.

S’agissant, tout d’abord, de la fiscalité de l’urbanisme, vous avez raison, monsieur le ministre, de mettre en œuvre la fusion des dix-sept prélèvements au sein de la taxe d’aménagement. En revanche nous nous interrogeons sur la création d’un versement pour sous-densité, qui relève de la même logique que celle qui a présidé à la mise en œuvre du nouveau PTZ. Élu d’une zone en partie rurale, monsieur le ministre, vous savez bien quel est le sens du combat que mène une partie des penseurs de notre société contre l’implantation des maisons individuelles dans le monde rural et rurbain. Or, nos concitoyens demandent des maisons individuelles. Est-il raisonnable de contrer ce mouvement en créant une taxation de sous-densité ? Certes, les conseils municipaux ne seront pas obligés d’instaurer une telle taxe, mais ceux qui le feraient freineraient une évolution nécessaire.

Ensuite, vous avez raison d’engager la réforme des valeurs locatives. Celle-ci aurait dû être mise en œuvre en 1996 : tout le monde était d’accord ; hélas ! on a manqué de courage. Néanmoins, je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi ce dispositif expérimental, qui s’applique à cinq départements, ne porte pas sur l’ensemble de l’assiette. Nous disposons d’une base informatique qui comporte toutes les données au 1er janvier 1990 ; j’avais moi-même présidé les différentes commissions consacrées à ce sujet dans la Marne, et nous étions parvenus à un consensus total, toutes zones géographiques et toutes tendances confondues. Alors, pourquoi limiter la révision des bases locatives aux seuls locaux commerciaux et professionnels ?

Enfin, je veux dire quelques mots de notre fiscalité environnementale. Le texte comporte essentiellement trois mesures d’encouragement.

La première, qui consiste à durcir le barème du malus automobile à compter de 2012, est juste, mais n’est pas suffisante. En effet, le dispositif présente un déficit de 528 millions, alors qu’il avait été promis à l’Assemblée nationale que les bonus équilibreraient les malus. Nous avons donc déposé des amendements tendant à durcir davantage encore ce barème. En effet, dans l’état actuel des finances publiques, nous ne pouvons laisser perdurer un tel déficit ; il nous faut parvenir à l’équilibre.

La deuxième mesure vise à majorer la taxe générale sur les activités polluantes portant sur l’émission d’oxydes d’azote, afin de respecter les prescriptions communautaires. Là encore, il faut bien que nous nous mettions en conformité avec la réglementation européenne, mais prenons garde aux équilibres économiques.

La troisième mesure concerne l’adaptation, aux exigences opérationnelles révélées à l’occasion des appels d’offres, du cadre législatif permettant la mise en place de l’écotaxe sur les poids lourds. Là encore, soyons prudents, monsieur le ministre. En effet, nous attirons votre attention sur le caractère optionnel de cette taxe sur les départementales : le fait qu’elle puisse être appliquée uniquement sur une partie des départementales, voire sur aucune départementale, risque de provoquer de très importants détournements du trafic.

M. François Baroin, ministre. Je suis d’accord !

M. Charles de Courson. Quand bien même serait-elle appliquée sur des axes suffisamment nombreux, le problème se poserait alors sur les communales.

M. François Baroin, ministre. Nous allons avancer sur ce sujet au cours du débat !

M. Charles de Courson. Savez-vous que la plupart des transporteurs ont équipé leurs camions de petits ordinateurs destinés à optimiser les trajets en fonction du rapport temps-coût, le prix des péages étant bien évidemment pris en compte ? Je crains que cette mesure n’aboutisse à une véritable dégradation de la situation. Je l’ai constaté, dans mon département, et je crois que c’est le cas dans la plupart d’entre eux.

M. Nicolas Dhuicq. Tout à fait !

M. Charles de Courson. En conclusion, mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre aborde l’examen de ce projet de loi de finances rectificative pour 2010 avec lucidité et réalisme. Nous espérons, monsieur le ministre, que vous écouterez davantage la représentation nationale qu’à la fin du débat sur le projet de loi de finances initiale pour 2011,…

M. François Baroin, ministre. Je l’avais beaucoup écoutée, précisément !

M. Charles de Courson. …car il n’est pas bon de décourager les quelques parlementaires qui travaillent encore sur la loi de finances. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Michel Bouvard. Très juste !

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce quatrième collectif budgétaire est un texte de transition entre une année budgétaire 2010 encore marquée par les impératifs de la relance et le projet de loi de finances pour 2011, qui opère, nous l’espérons, un basculement vers le rétablissement progressif de nos comptes publics.

La crise et la politique de relance destinée à y répondre se traduisent dans le niveau du déficit prévu pour 2010 : 148,5 milliards d’euros – 107,7 hors les investissements d’avenir et les prêts consacrés à la Grèce. La politique de relance se traduit aussi, plus positivement, dans la réévaluation constante, tout au long de l’année, de notre taux de croissance. L’hypothèse initiale de 0,75 %, très conservatrice mais que d’aucuns jugeaient néanmoins surévaluée, a ainsi pu être révisée à 1,4 % et pourrait finalement avoisiner les 2 %. Cette amélioration de la conjoncture résulte notamment de l’action volontariste de soutien à la croissance par l’investissement menée par le Gouvernement au cours des deux dernières années. Cette action a permis de ramener, au fil des collectifs budgétaires, notre déficit prévisionnel, hors prêts à la Grèce et investissements d’avenir, de 117,4 à 107,7 milliards, notamment grâce à une amélioration des recettes fiscales de 3 milliards.

Ce constat positif doit cependant être nuancé. Les recettes ne retrouvent pas leur niveau antérieur à la crise. Quant à la réduction du déficit de 3,5 milliards supplémentaires inscrite au collectif, elle repose sur des éléments exceptionnels, et non sur le surplus de croissance. En effet, les 2,2 milliards d’économie sur la charge de la dette sont dus à l’amélioration des taux, consécutive aux tensions sur d’autres dettes souveraines, et ne sont pas reconductibles. L’accroissement du stock de dette est, du reste, en raison de sa « court-termisation », un élément de fragilité en cas de remontée des taux. Par ailleurs, le versement supplémentaire d’un milliard de la Caisse des dépôts et consignations est en partie lié à un effet de rattrapage, non récurrent.

Autre bonne nouvelle : pour la deuxième année consécutive, l’État respecte l’enveloppe de dépenses prévue pour l’année – 352,6 milliards – et la norme de progression « zéro volume ». Il faut, à cet égard, féliciter le Gouvernement d’avoir poursuivi la maîtrise des dépenses, dans un contexte difficile. Néanmoins, le montant du déficit final illustre bien la nécessité de passer à une norme plus contraignante et conforte le choix du passage à une nouvelle norme zéro, en valeur cette fois.

Dans une perspective similaire, le collectif conforte la normalisation des relations financières entre l’État et la sécurité sociale. L’an dernier, la troisième loi de finances rectificatives pour 2009 avait déjà ramené cette dette de 3,5 milliards à 1 milliard. La mobilisation à hauteur de 1,4 milliard des excédents du panier de recettes affecté à la sécurité sociale en compensation des allégements généraux de charges permet d’apurer ce montant résiduel. Je me réjouis que cet apurement des dettes de l’État améliore la situation de l’ACOSS et allège son besoin de trésorerie – estimé, dans le PLFSS pour 2011, à un maximum de 50,8 milliards, avec un plafond d’avances de trésorerie fixé à 58 milliards pour les cinq premiers mois de l’année et à 20 milliards ensuite. Ceci est particulièrement opportun au moment où la CDC, banquier de l’ACOSS, doit retrouver des marges de manœuvre pour ses investissements, notamment son entrée au capital de La Poste.

Au-delà de ces appréciations, le collectif permet de constater que des marges de progrès demeurent dans le budget de l’État – et je reprendrai, à ce sujet, certaines des observations formulées par Charles de Courson.

La première concerne le niveau de la dépense fiscale. En effet, le collectif acte une baisse de 1,2 milliard des recettes, qui s’explique essentiellement par un montant supplémentaire de 1,8 milliard des dépenses fiscales pesant sur l’impôt sur le revenu. Elle confirme l’importance des mesures de maîtrise des dépenses fiscales adoptées en loi de finances à la demande du Premier ministre, tant à travers la fixation d’un objectif de dépenses fiscales que des mesures accroissant l’encadrement des divers dispositifs existants. Cet effort devra être poursuivi à l’avenir, notamment grâce à un examen détaillé de chaque niche, effectué régulièrement, qui doit se substituer à la méthode empirique du rabot.

Ma deuxième remarque concerne la dynamique des dépenses de personnel de l’État. Malgré la rupture avec le passé que représente le non-renouvellement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, la masse salariale de l’État continue de croître. En effet, la Cour des comptes a démontré que le volume même des personnels, associé au cumul des règles de progression des salaires dans la fonction publique et de restitution aux fonctionnaires de la moitié de l’économie réalisée, amène mécaniquement à une poursuite de cette croissance, laquelle devrait être de 1 % en 2010 et encore de 0,6 % en 2011.

Ce phénomène, préoccupant en soi, est aggravé par trois paramètres. Tout d’abord, le nombre de départs en retraite s’avère inférieur à la prévision, ce dont le collectif tire les conséquences. Ensuite, cette situation entraîne automatiquement un surcoût des mesures ciblées de restitution, calculées en début d’année en fonction de départs qui n’ont pas tous été réalisés. Il est donc souhaitable que le budget de 2011 procède à un rebasage qui prenne en compte ces données. Enfin, certains ministères, et c’est le plus grave, pratiquent une restitution qui dépasse largement l’objectif de 50 % fixé par la loi, ce qui n’est pas acceptable dans le contexte actuel des finances publiques.

Les dépenses de personnel sont ainsi majorées de 532 millions. Certes, le coût des pensions est minoré en contrepartie de moindres départs, mais seulement de 200 millions. Faut-il rappeler que l’importance de la masse salariale de l’État – 82,1 milliards en loi de finances initiale pour 2010 – représente 31 % de son budget – 48,8 %, soit près de la moitié, si l’on y ajoute le compte des pensions ?

Ma troisième interrogation concerne la politique immobilière de l’État. Le sujet est connu depuis longtemps, monsieur le ministre ; il a été précisément décrit dans le rapport réalisé par votre collègue Georges Tron, en juillet 2005. Yves Deniaud, dans ses fonctions de président du Conseil de l’immobilier de l’État, assure un suivi scrupuleux de ce dossier, que nous devons saluer. Comme lui, je constate que, là aussi, il reste des marges de progrès. Ainsi, le décret d’avance du 17 novembre, que le Gouvernement nous demandera, par amendement, de ratifier, prévoit 232 millions d’euros pour la location d’un immeuble visant à regrouper les services centraux du ministère de la justice situés en dehors de l’hôtel de Bourvallais, place Vendôme. Or, il s’agit d’un ministère régalien, c’est-à-dire pérenne, au périmètre stable, dont les effectifs et l’organisation sont matures. Il aurait donc semblé judicieux que la chancellerie soit depuis longtemps propriétaire de ses locaux et qu’elle se dote au moins d’une stratégie immobilière. Cela éviterait les tergiversations actuelles, puisque nous apprenons qu’un immeuble serait finalement acheté, mais que ce ne serait pas le moins cher. L’avis du Conseil de l’immobilier de l’État semble peu pris en compte par les services de la chancellerie. Ainsi, non seulement on décourage les parlementaires qui travaillent sur ces questions, mais on rend un mauvais service à la nation.

S’agissant, par ailleurs, de la pratique des décrets d’avance, force est de constater que, malgré nos efforts, la LOLF n’a pas encore produit tous ses effets quant à la limitation de cette pratique, qui reste trop souvent un moyen d’ajustement des dotations budgétaires. Au total, les ouvertures et annulations de crédit en cours d’année atteignent des niveaux tout à fait exceptionnels en 2010 : 2,116 milliards en autorisations d’engagement et 1,846 milliard en crédits de paiement, soit le double, hors plan de relance, de l’année passée. Or, je rappelle qu’aux termes de l’article 13 de la LOLF, ces décrets ne peuvent servir qu’à financer des dépenses urgentes, dont le règlement est incompatible avec le calendrier d’examen d’une loi de finances. Il doit donc s’agir de dépenses imprévisibles.

L’urgence invoquée ne peut résulter d’une situation que le Gouvernement a lui-même créée. Dans le domaine de l’immobilier, que je viens d’évoquer, le relogement des services de la chancellerie ne relève manifestement pas d’une situation d’urgence. Il en est de même pour les OPEX et pour la plus grande partie des dépenses de personnel. Je n’entrerai pas dans le détail de ces mesures, d’autres l’ont fait avant moi.

Enfin, le présent collectif comporte plusieurs mesures nouvelles importantes : réforme de la fiscalité des sociétés de personnes, du plan d’épargne logement et des taxes d’urbanisme.

S’agissant du PEL, les dispositions prises, dont il faut se féliciter, doivent permettre de mettre un terme à la désaffection des épargnants pour ce produit, qui s’est traduite par une forte décollecte entre 2005 et 2009 de 22 %, soit 51 milliards d’euros. Outre que les mesures à l’origine de ces difficultés ont un coût pour l’État – 1,2 milliard en 2010 –, elles se sont traduites par une diminution de ressources pour les établissements bancaires. J’attire votre attention sur le fait que l’amélioration du dispositif, non seulement présente l’intérêt d’inciter les ménages à constituer une épargne destinée à la réalisation d’un projet immobilier, mais sera la bienvenue pour accompagner ces établissements dans la satisfaction des nouveaux ratios prudentiels dits de Bâle III. Cet aspect des choses mérite d'être souligné au moment où les établissements bancaires mettent en avant la problématique de la liquidité. J’ajoute que cela devrait nous inciter à évaluer précisément les ressources alternatives qui peuvent se dégager pour ces établissements au sujet de la centralisation de l’épargne réglementée.

La taxe d'aménagement, qui se substitue à la multitude de taxes d'urbanisme qui préexistaient, constitue une réforme attendue depuis longtemps, sans cesse remise et sur laquelle j'avais eu l'occasion d'intervenir à plusieurs reprises. Si elle est bienvenue, nous devons cependant prendre garde que la simplification du dispositif ne se traduise pas par des effets pervers comme la réduction de la marge de manœuvre des départements.

En conclusion, ce projet de loi de finances rectificative poursuit l'effort d'assainissement de nos comptes publics ; il modernise une partie de la fiscalité locale tout en simplifiant les procédures fiscales ; il marque malgré tout les progrès qui restent à faire et la nécessité d’une amélioration de la transparence budgétaire et des inscriptions en loi de finances initiale.

Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe UMP lui apportera son soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons le quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2010. Alors même qu'il comporte des dispositions fort nombreuses et, pour certaines d'entre elles, très lourdes, ce projet de loi n'apporte pas de solutions à la hauteur des enjeux qu'il prétend traiter.

C'est particulièrement vrai de la fiscalité locale. Alors que le groupe socialiste ne cesse de présenter un amendement pour lancer la révision générale des valeurs locatives, souvent avec le soutien du rapporteur général et de l'ensemble de la commission des finances, le Gouvernement et sa majorité s'y sont toujours opposés. Pour cela, le Gouvernement a systématiquement promis de s'atteler très rapidement à ce chantier essentiel pour réintroduire plus de justice dans notre fiscalité locale.

Or le dispositif qui nous est proposé aujourd'hui se concentre sur les locaux professionnels. Pour ceux-ci il ne se traduira par une incorporation dans les rôles qu'en 2014. En clair, le Gouvernement récoltera les fruits de son attitude dilatoire. Il peut repasser le mistigri de cette réforme à son successeur. Mais le pire n'est pas là.

Le pire est qu'une nouvelle fois, pour les ménages, l'horizon de la réforme s'éloigne encore. Le pire est que le Gouvernement se satisfasse de laisser perdurer encore, pour au moins plusieurs années, l'injustice des valeurs locatives foncières.

Les finances des collectivités : voilà un autre champ où le projet de loi de finances rectificative manifeste clairement le refus de l'État d'apporter des solutions à la hauteur des enjeux. De plus en plus de départements, malgré les réductions de dépenses auxquelles ils sont contraints, sont en situation financière délicate, voire préoccupante. Encore s'agit-il là d'un euphémisme. En commission, le rapporteur général a d'ailleurs cité une étude qui montre que cette situation est appelée à s'aggraver. La cause en est connue : c'est la volonté du Gouvernement de ne pas compenser correctement les compétences qu'il a fait le choix de transférer aux départements, notamment en matière sociale. Ainsi, pour le seul dispositif du RMI-RSA, le coût net des départements est passé entre 2004 à 2009, de 950 millions à 1,4 milliard d'euros, pour un total de 6,950 milliards.

Qu'a fait le Gouvernement ? Il a attendu. Puis, il a commandé le rapport Jamet. Puis, il a encore attendu. Il a ensuite prétendu que la péréquation pourrait régler le problème, alors que la péréquation, quoique nécessaire, n'est pas à la hauteur des enjeux. Puis, il a de nouveau attendu. Il a annoncé que les problèmes seraient réglés par la réforme du cinquième risque, alors même qu'aucune solution n'est, paraît-il, arrêtée dans ce domaine. Puis, il a encore une fois attendu. Dans ce PLFR, il présente un dispositif d'avances qui repose sur un prélèvement de 150 millions d’euros sur la CNSA et le FNSA. Voilà, on peut le dire, qui est se moquer du monde.

Ce mépris du Gouvernement transparaît également, quoique de manière différente, dans l'article 12 de ce projet de loi, relatif aux sociétés de personnes : dix-sept pages de dispositif, un tiers de page d'exposé des motifs, et une étude d'impact à l'avenant, qui ne comprend même pas une évaluation du coût budgétaire de la réforme, laquelle est pourtant, nous dit le Gouvernement, mûrie depuis 2006 !

L’article 12 est pourtant un véritable bouleversement de la fiscalité des sociétés de personnes, menée – c’est en tout cas ce qui est indiqué – au nom de l'attractivité du territoire. Si l'on voit mal comment cette réforme pourrait avoir un effet significatif sur cette fameuse attractivité du territoire, on comprend bien, en revanche, que l'évocation de cette attractivité renvoie en fait directement à une diminution très nette des ressources publiques. C'est tellement vrai que le rapporteur général du budget, dans un sentiment de culpabilité qui lui est bien personnel, a décidé de distinguer les sociétés de personnes assujetties à l'IR de celles assujetties à l'IS, pour ne travailler que sur les premières – c’est ce qui nous a été proposé en commission –, ce qui n'est peut-être pas, entre nous, le centre du propos du Gouvernement. Celui-ci semble en effet n'avoir d'autre objectif que l'allégement des impôts acquittés par les plus favorisés.

L'article 12 n'en est pas la seule preuve. Souvenons-nous de la réforme de la taxe professionnelle de l'an dernier. À la suite de la décision du Conseil constitutionnel, nous avons tous dit ici, ainsi que toutes les associations d'élus ailleurs, qu'il était nécessaire de trouver des ressources fiscales pour compenser celles qui avaient disparu du fait de la décision du Conseil constitutionnel. Le Gouvernement a eu neuf mois pour travailler sur ce sujet et il n'a accouché d’aucune disposition. C'est le rapporteur général qui a dû trouver une solution « d'appoint » pour tenter de corriger la situation, en ouvrant la possibilité aux communes de définir une cotisation minimale foncière plus importante pour les entreprises réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 100 000 euros.

Pour revenir à l'article 12, nous sommes tous d'accord, en particulier à la commission des finances, pour considérer que le rendement de l'impôt sur les sociétés est trop faible au regard de son taux. La raison est simple : les dispositifs de niches qui permettent de réduire l'assiette sont trop nombreux. Et c'est précisément ce qu'on nous a proposé à nouveau, alors même que l'impact en matière d'attractivité du territoire n'est pas avéré.

Refus de corriger l'injustice de la fiscalité locale des ménages, refus de sortir vraiment les collectivités de l'asphyxie, mais au contraire nouveaux cadeaux pour les entreprises déjà les plus favorisées : non, décidément, ce projet de loi de finances rectificative n'est pas à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Monsieur le ministre, le paradoxe de ce collectif c’est qu’il ne comporte pas d’avancées véritables dans le sens de la réduction des déficits.

Pas d’avancées véritables, en effet, puisque, le rapporteur général et plusieurs autres orateurs l’ont souligné, la réduction apparente de 151 à 148,5 milliards d’euros n’a été obtenue qu’au prix de décisions parfaitement contestables, notamment le prélèvement d’un milliard d’euros sur les fonds d’épargne, contrairement à ce qui était prévu en loi de finances initiale et contrairement à l’ambition pourtant affichée de reconstitution de ces fonds, dont on connaît le rôle essentiel. Mais c’est surtout un piétinement paradoxal quand on sait l’objectif annoncé de réduction du déficit à 3 % du PIB d’ici 2013.

Je voudrais rappeler, monsieur le ministre, qu’en d’autres temps, on s’efforçait, dès l’année en cours, d’accomplir une partie du chemin nécessaire. Mais ce paradoxe n’est qu’apparent car il ne fait que démontrer une fois encore la fragilité de la stratégie que vous avez choisie. Nous sommes confrontés à des déficits sans précédent, dus pour partie, c’est vrai, à la crise, mais dus aussi aux facilités budgétaires que vous vous êtes accordées depuis 2007.

Face à cette situation, la vraie question est de savoir comment réduire ces déficits, comment revenir aux équilibres, sans casser toute chance de reprise de la croissance dans un pays où la demande est fortement liée aux stabilisateurs automatiques, c’est-à-dire aux dépenses publiques.

Dans un tel contexte, la stratégie logique de rétablissement de nos comptes devrait s’appuyer sur trois éléments.

D’abord, l’effort d’économie, à condition qu’il ne génère pas des dysfonctionnements excessifs.

Ensuite l’augmentation progressive des prélèvements à condition qu’elle s’inscrive dans un esprit de justice ; je note que la plupart de nos partenaires, notamment l’Allemagne, instituent une tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu des personnes physiques au moment où, sous couvert d’une réforme d’ensemble de la fiscalité, vous annoncez que cette solution est, par avance, écartée.

Enfin, la durée compatible avec cet effort.

Il est vrai que si nous avions engagé cet effort de prélèvement et si nous n’avions pas multiplié les réformes incertaines et coûteuses comme celle de la taxe professionnelle, nous aurions certainement gagné en crédibilité auprès de nos partenaires européens. L’effort, malheureusement très incertain, que vous prétendez imposer, en l’espace de trois ans, essentiellement par des économies, aurait pu, à travers un mix comportant bien sûr des économies, mais aussi un relèvement progressif des prélèvements dans le souci de favoriser la reprise de la croissance, s’étaler – je pense que nos partenaires l’auraient facilement accepté –, sur une durée de cinq ou sept années. À ce moment-là, nous aurions été beaucoup plus crédibles.

Monsieur le ministre, l’exemplarité que vous prétendez affirmer dans la réduction des déficits, c’est dans la lucidité et le courage d’une action durable que nous aurions dû choisir de l’engager. Ce quatrième collectif de l’année 2010 aurait alors pu être la première marche de cet effort. On ne peut donc qu’éprouver le plus grand scepticisme devant le dispositif que vous nous proposez.

M. le président. La parole est à M. Marc Goua.

M. Marc Goua. Tout d'abord, je souhaite revenir sur ce procédé peu commun qui consiste à présenter conjointement à la représentation nationale un collectif budgétaire et le projet de loi de finances pour 2011.

De plus, certaines dispositions prévues par ce projet de loi de finances rectificative ne semblent pas à leur place. Je pense à l'article 12 portant réforme du régime des sociétés de personnes : dix-huit pages, 370 alinéas qui ont nécessité quatre années d’études de la part des services de l'État, et au projet de réforme des bases fiscales professionnelles. La représentation nationale ne dispose, quant à elle, que de quelques jours pour étudier ces dispositifs, qui auraient dû faire l'objet d'un projet de loi distinct. C'est inacceptable !

Sur le fond, et comme à chaque discussion d'ordre budgétaire, nous avons déposé des amendements visant à rééquilibrer l'effort demandé aux Français, aux entreprises et à améliorer les finances publiques. Toutes ces propositions ont été balayées en commission, en attendant le « grand soir fiscal » promis pour juin prochain par le Président de la République.

Ce projet de loi témoigne des difficultés financières de l'État et acte un nouveau dérapage des finances publiques de l'ordre de trois milliards d'euros. Les effets de la crise et votre imprévoyance se font sentir et il vous faut maintenant abonder les crédits d'intervention de certaines missions.

La mission « Travail et Emploi » pour un montant de 478 millions s’agissant du financement des contrats aidés. Il y aura 130 000 contrats aidés en moins en 2011 ; pourtant la sortie de crise ne se fait pas encore sentir, loin de là.

La mission « Ville et Logement » pour un montant de 191 millions d'euros, afin de financer les places d’hébergement.

La mission « Solidarité et Intégration » enfin, pour un montant de 369 millions d'euros afin de financer l'allocation adulte handicapé.

Monsieur le ministre, ces dépenses sont contraintes, d’une part, par la crise économique et la situation du marché du logement et de l’hébergement et, d’autre part, par la nécessaire prise en charge de la solidarité à l'égard des personnes en situation de handicap.

Ces exemples ne sont pas exhaustifs et d'autres missions budgétaires devront être davantage dotées à l'avenir. Je pense notamment à l'aide accordée aux départements en difficulté, qui s'élève à 150 millions d'euros alors que les besoins sont estimés à un milliard d’euros. Il vous faudra donc trouver des recettes complémentaires, certains orateurs l’ont rappelé.

Ce budget assume également un dépassement de 335 millions d'euros des dépenses de personnel qui s'ajoute à une majoration de 600 millions d'euros. En effet, le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux n'empêche pas la masse salariale des personnels de l'État d'augmenter d’environ 1 % par an.

Malgré tout, et vous vous en félicitez, l'enveloppe globale des dépenses prévue en loi de finances initiale n'est pas dépassée et la norme « zéro volume » est respectée, grâce à quelques artifices. C’est d’abord une économie de 2,2 milliards d'euros par rapport à la dernière prévision d'intérêts de la dette. Mais cette situation ne durera pas éternellement car vous êtes sur des crédits exposés aux aléas du marché et la période exceptionnelle de taux bas risque de s’achever.

La limitation du dérapage est due aussi en partie à un versement de la Caisse des dépôts et consignations à hauteur de 1 milliard d'euros.

Par ailleurs, vous avez transféré 1,2 milliard du programme « Développement de l'économie numérique » sur les comptes spéciaux au titre des investissements relatifs aux investissements d'avenir, ce qui permet d'accroître artificiellement l'économie réalisée sur le budget général. Mais ce tour de passe-passe n'est pas suffisant. Et c'est un fusil à un coup !

Les recettes globales ne sont pas supérieures aux prévisions, en dépit d'une croissance du PIB aux alentours de 1,8 %. Le produit de l'impôt sur le revenu est inférieur de 1,4 milliard d'euros par rapport aux prévisions, résultat des multiples niches fiscales que vous avez créées et amplifiées au cours des dernières années. Les dispositions prévues dans le projet de loi de finances pour 2011 ne suffiront certainement pas à juguler ce phénomène.

Reflet des difficultés financières de notre pays, ce collectif introduit des dispositions complexes qui auraient mérité des conditions d'examen dignes et des simulations sérieuses par le biais de projets de loi spécifiques. Il corrige à la marge et ne fait que souligner les défis auxquels notre pays sera soumis au niveau budgétaire.

Les annonces par le Président de la République d'une profonde réforme fiscale ne sont, à cet égard, pas rassurantes si l'on en juge par les dogmes énoncés précédemment : bouclier fiscal, heures supplémentaires non chargées, TVA sur la restauration, et la volonté affichée de privilégier les plus favorisés au détriment des classes moyennes et de ceux qui sont le plus en difficulté.

On peut craindre que cette réforme renforce les inégalités et détériore de nouveau les comptes publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit.

Mme Annick Lepetit. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, mon propos concerne principalement les articles 15 et 16 consacrés aux transports en Île-de-France.

Je souhaite, monsieur le ministre, commencer par une remarque positive. L'article 16 propose une modernisation du zonage du versement transport francilien. Celui-ci date en effet de 1971 et ne prend donc pas en compte les quarante dernières années d'évolution économique et géographique de la région. Cependant, la solution présentée par le Gouvernement ne me satisfait pas totalement. Dans la pratique, une ville comme Neuilly-sur-Seine pourrait voir son taux baisser, tandis que celui en vigueur à Clichy-sous-Bois ou à Montfermeil augmenterait.

Pour obtenir un redécoupage plus juste, la commission présidée par Gilles Carrez proposait d'intégrer dans la zone intermédiaire l'ensemble de l'agglomération au sens de l'INSEE. Nous avons déposé un amendement allant dans ce sens, tout comme le rapporteur général. J'ai bon espoir, au vu de nos débats en commission, que l’Assemblée modifie le texte sur ce point. Il me semble également qu'une augmentation de toutes les tranches d'un dixième de point serait une bonne mesure, permettant de dégager des recettes sans accroître de manière trop forte l'imposition des entreprises ; nous aurons l'occasion d'en reparler au cours du débat.

En revanche, je serai beaucoup moins clémente envers l'esquisse du début de financement du Grand Paris que l'on trouve à l'article 15. Ce sujet est un peu l'Arlésienne. Les premières promesses remontent à la lettre de mission de Gilles Carrez, où le Premier ministre annonçait que des mesures nouvelles seraient traduites soit dans la loi de finances 2010, soit dans la loi Grand Paris. Il n'en fut rien.

Par la voix de Christian Blanc, puis de Michel Mercier, le Gouvernement s'engagea ensuite à inscrire dans ce projet de loi rectificative pour 2010 les fameux 4 premiers milliards d'euros, sur les 25 que coûterait la « double boucle ». Dans la continuité des promesses financières non tenues, ces milliards ne sont ici que vaguement évoqués dans un exposé des motifs.

De plus, la lecture du rapport confirme que l'État n'est pas pressé d'apporter ces fonds. M. Carrez a relevé que « le décaissement de cette dotation n'est pour l'heure pas prévu sur la durée du budget triennal ». Cela signifie que dans la même dans la loi de finances 2011-2014, votée par cette majorité en septembre dernier, le Gouvernement n'a pas prévu d'inscrire ces 4 milliards d'euros maintes fois promis.

Le financement du projet est une des grandes faiblesses du Grand Paris et ce, depuis le début. Le débat public conjoint « Arc Express - double boucle », qui se déroule actuellement, le prouve à chaque réunion. Celle consacrée spécifiquement au financement des deux projets a même été reportée, ce qui montre à quel point l'État est mal à l’aise sur ce sujet.

Dès lors, on peut s'interroger sur l'avenir de la Société du Grand Paris et sur la confiance que lui accorde l'État. Quand on tient réellement à un projet, on lui affecte des ressources claires et pérennes, ce qui n'a jamais été le cas ici. Ce n'est pas d'un nouveau conseiller en communication, permettez-moi de vous le dire, monsieur le ministre, qu’a besoin le Grand Paris, mais d'une parole fiable.

Ce flou est renforcé par l'incertitude qui plane sur la forme de la future rocade autour de Paris et sur le rapprochement qui pourrait intervenir avec le projet du STIF – syndicat des transports Île-de-France – ; aucune réponse n'a été apportée jusqu'à maintenant.

Cette incertitude vient s’ajouter au caractère trop précoce de l'article 15. À nos yeux, il n'est pas nécessaire d'affecter aujourd'hui de nouvelles ressources à la Société du Grand Paris, alors qu'elle ne les utilisera pas réellement avant 2013 ou 2014, si elle doit les utiliser un jour. Ce sentiment est d'ailleurs partagé par les sénateurs de votre majorité, monsieur le ministre, puisqu'ils ont voté, dans le projet de loi de finances pour 2011, l'affectation de ces ressources à l'ANRU plutôt qu'à la Société du Grand Paris. Je ne débattrai pas aujourd'hui de cette idée étrange consistant à prendre dans les caisses des transports pour alimenter celles, encore plus asséchées, du logement. Je note, par contre, que l'urgence d'alimenter financièrement la Société du Grand Paris ne semble pas plus évidente aux sénateurs de la majorité qu'aux députés de l'opposition.

C'est pourquoi nous proposons de réorienter ces ressources vers les besoins urgents des Franciliens, auxquels le STIF et la région sont les plus à même de répondre efficacement. Nous proposons aussi d'exclure la taxe d'habitation du champ de la taxe spécifique d'équipement. Au minimum, conditionnons sa mise en place à la refonte du mode de calcul de la taxe d'habitation, qui est reconnue par tous comme étant particulièrement injuste.

Le rapport Carrez était équilibré, et il l’est encore. (Sourires.) Il permettait de trouver les ressources nécessaires à l'investissement et au fonctionnement des transports en Île-de-France. En proposant un phasage des projets, il fixait comme priorité la réalisation du plan de mobilisation, porté par la région et les huit conseils généraux. Malheureusement, l'État ne reprend que quelques mesures de ce rapport et les oriente uniquement vers la Société du Grand Paris. Ceci est regrettable car, une fois encore, ce sont les usagers qui souffriront le plus de cette nouvelle perte de temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou. Je ne reviendrai pas sur des sujets plus généraux que généreux de ce projet de loi de finances rectificative, qui ont déjà été évoqués, pour cibler certains sujets, sans compter les sujets de mécontentement.

À l’article 14, j’aurai l’occasion de préciser les affectations de la nouvelle taxe d’aménagement qui met en péril les CAUE, les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement et à l’article 30, les inconvénients en termes de contrôle des trafics transfrontaliers que comporte la suppression du dispositif existant.

J’en viens au premier dossier important, celui de la solidarité avec les départements vulnérables. Il est clair que l’État est en difficulté financière et a tendance à se défausser sur les collectivités. Dans ce contexte, il est plus que jamais nécessaire d’assurer une péréquation efficiente au profit des départements à faibles revenus. Nous aurons l’occasion de défendre un amendement qui vise à créer un fonds exceptionnel de péréquation pour financer le revenu de solidarité active, l’allocation personnalisée d’autonomie et la prestation de compensation du handicap.

Vous faites des annonces et nous n’avons aucune certitude. Je prends l’exemple de mon département, l’Ariège. Le différentiel entre le montant des dépenses pour le conseil général et celui des compensations attribuées par l’État s’élève à 10 millions d’euros : 4,7 pour l’allocation personnalisée d’autonomie – APA –, 4 pour le revenu de solidarité active – RSA – et 1,2 pour la prestation de compensation du handicap – PCH.

Je ne ferai pas de commentaires sur l’APA pour la simple raison que ce sont les conseils généraux qui font les plans d’aide et qui en assument ainsi les coûts selon le bon vieux principe : celui qui commande la musique, paie les pipeaux. En revanche, le RSA est issu de textes législatifs voulus par le Gouvernement, votés par la majorité, avec des listes établies par l’État qui en fait aussi l’instruction et qui charge le conseil général d’en régler la note, qui plus est, au service extérieur de l’État, qu’est la CAF. Trouvez-vous cet enchaînement normal, monsieur le ministre ?

Sans vous ensevelir sous les chiffres, je précise que, pour notre budget 2010, 23 millions d’euros étaient prévus pour 4 900 bénéficiaires qui seront 5 700 au bout du compte, ce qui se soldera pour l’Ariège par un manque à percevoir de 4 millions d’euros.

De telles pratiques ne sont pas acceptables sur le principe ; elles sont insupportables pour le budget. Monsieur le ministre, je ne fais pas ici de politique, je parle de bon sens, de responsabilité et de solidarité. Ne désespérez pas certains territoires de notre République !

Autre dossier spécifique, celui de la suppression à la hussarde dimanche au Sénat du dispositif Demessine, qui visait à encourager la réalisation de résidences de tourisme dans les zones de revitalisation rurale par des mesures de défiscalisation. Ce vote est intervenu dans le cadre des articles non rattachés, mais je n’estime pas être hors sujet en évoquant ce problème.

Monsieur le ministre, monsieur le président Cahuzac, monsieur le rapporteur général, Gilles Carrez, vous n’ignorez pas le combat que je mène depuis deux ans avec Michel Bouvard pour moraliser la « Demessine », et cela pour plusieurs raisons.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. La pauvre ! (Sourires.)

M. Henri Nayrou. J’avais pointé les dérives du dispositif bien avant M. Marini et je m’étais évertué à vous convaincre que les particuliers – appelés aussi investisseurs puis devenus les victimes des pratiques souvent frauduleuses des promoteurs et des défaillances des gestionnaires – n’étaient pas des Bettencourt, des Pinault ou des Arnaud ! Dans mon département, je suis confronté à des situations personnelles dramatiques qui ne peuvent laisser personne insensible, quelles qu’aient été leurs motivations initiales de ces personnes. C’est bien pour cela, monsieur le ministre Baroin, que je vous ai interpellé en juin dernier pour assouplir la réglementation fiscale dans les cas où les biens immobiliers acquis au prix fort par emprunts obligatoires n’étaient ni achevés, ni loués, ni productifs. J’ai observé qu’une instruction de début novembre avait pris en compte un certain nombre de problèmes, mais ils sont loin d’être tous résolus.

Enfin, si j’avais tenté d’encadrer le dispositif en amont autour des promoteurs et des gestionnaires qui devraient être assujettis à des obligations morales et financières autrement plus coercitives que l’existant, c’était pour maintenir des investissements touristiques dans des zones déficitaires de ce point de vue. Puis-je vous demander s’il est normal dans notre République que ces incitations financières tiennent lieu désormais de politique d’aménagement du territoire ?

Monsieur le ministre, si vous actez la décision de nos collègues sénateurs de supprimer la loi Demessine pour lui substituer la loi Scellier- Bouvard, j’attends de votre part des engagements clairs et précis sur les conséquences dans les ZRR de l’absence de zonage, et des assurances immédiates pour que les particuliers ayant investi dans des opérations lancées auparavant et, hélas, non abouties, ne soient pas touchés fiscalement par la disparition du dispositif Demessine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mercredi 8 décembre à quinze heures :

Déclaration du Gouvernement préalable au Conseil européen et débat sur cette déclaration ; 

Création d'une commission d'enquête sur la situation de l'industrie ferroviaire en France ; 

Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2010.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 8 décembre 2010, à une heure.)