Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2011-2012

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du lundi 19 décembre 2011

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Catherine Vautrin

1. Renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

M. Arnaud Robinet, rapporteur de la commission des affaires sociales

Discussion générale

Mme Jacqueline Fraysse

M. Guy Lefrand

Mme Catherine Lemorton

M. Jean-Luc Préel

M. Gérard Bapt

Mme Anny Poursinoff

M. Xavier Bertrand, ministre

Texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture

Explications de vote et vote sur l’ensemble

M. Guy Lefrand, Mme Catherine Lemorton

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Renforcement de la sécurité sanitaire
du médicament et des produits de santé

Lecture définitive

Mme la présidente. M. le Président a reçu de M. le Premier ministre une lettre demandant à l’Assemblée de statuer définitivement, en application de l’article 45, alinéa 4, de la Constitution, sur le projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (nos 4072, 4075).

En conséquence, l’ordre du jour appelle la discussion de ce projet de loi en lecture définitive.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt et une heures trente, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, votre assemblée est invitée à statuer définitivement sur le projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.

Je l’ai dit à maintes reprises, ce n’est pas un texte comme les autres, c’est un projet de loi vital pour l’avenir de notre système de santé. Ce texte refonde en effet le système de sécurité sanitaire pour concilier la sécurité des patients et l’accès aux progrès thérapeutiques. Ici comme au Sénat, nous avons longuement, très longuement, et c’est normal, discuté ce projet de loi. Les échanges que nous avons eus ont permis de proposer, à la fin de la première lecture à l’Assemblée, un texte que je qualifierais d’équilibré et juste. D’ailleurs, je veux souligner l’attitude du groupe socialiste, qui n’a pas voté contre ce texte, en son temps.

Les points de divergence qui se sont révélés après la première lecture au Sénat n’ont pu être aplanis par la CMP et, à la suite de l’échec de celle-ci et du rejet de ce texte la semaine dernière par le Sénat, le Gouvernement vous demande de vous prononcer sur le dernier texte que vous avez adopté, le 23 novembre.

Je ne peux que regretter le refus final de la Haute assemblée.

M. Guy Lefrand. Nous aussi !

M. Guy Malherbe. S’il n’y avait que sur ce texte !

M. Xavier Bertrand, ministre. Voilà encore un point sur lequel nous sommes d’accord, monsieur Lefrand.

Je voudrais revenir sur certains points du projet de loi.

L’article 22, qui crée un groupement d’intérêt public destiné à réaliser des études de vigilance et d’épidémiologie impliquant les produits de santé, suscite de nombreuses interrogations chez Mme Lemorton, qui craint notamment une redondance avec l’Institut des données sanitaires. Qu’est-ce que l’IDS et à quoi sert-il ? Prévu par la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, certains ici s’en souviennent, l’IDS est un GIP qui a été installé au printemps 2007. Il a pour mission de renforcer le partage et l’échange de données entre assurance maladie obligatoire et assurance maladie complémentaire, pour contribuer à améliorer la gestion du risque maladie et de la couverture complémentaire. Il doit aussi veiller à la cohérence et à la qualité des systèmes d’information de ses membres, qui sont les acteurs, publics comme privés, du système de santé.

La création du GIP prévue à l’article 22 répond à un besoin très différent, puisqu’elle doit permettre de réaliser des études avec un objectif sanitaire, en s’appuyant sur les expertises épidémiologiques en matière de produits de santé et sur la très bonne connaissance du potentiel des données de l’assurance maladie. Nous avons vu à quel point, avec le dossier du Mediator ou celui de l’Actos, il était indispensable de pouvoir réaliser ces études au sein de la sphère publique. Au vu de la finalité de ces études, vous conviendrez que ce sont bien l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et la Caisse nationale d’assurance maladie qui sont intéressées au premier chef. Je n’oublie pas, bien sûr, la Haute Autorité de santé et l’Institut de veille sanitaire.

Avec la création de ce GIP, le but est non pas d’accumuler les structures en millefeuilles, mais tout simplement de se donner les moyens d’une réelle et incontestable expertise publique en matière de pharmacovigilance et de pharmacoépidémiologie. Je souhaite, madame la députée, que cette précision vous aide à comprendre la nécessité d’une telle structure et, surtout, à admettre son absence de redondance.

Certains prétendent que le renvoi à des textes réglementaires vide en grande partie le projet de loi de sa portée. Franchement ! Vous connaissez mieux que moi, mesdames et messieurs les députés, les articles 34 et 37 de la Constitution, qui définissent respectivement le domaine de la loi et celui du règlement. Peut-être certains ici sont-ils gênés par le texte même du projet de loi, mais ce n’est pas la répartition entre les décrets et la loi qui modifie en quoi que ce soit la force de ce texte. Certaines dispositions, parce qu’elles doivent figurer dans un décret, ne peuvent pas figurer dans la loi, voilà tout. Ce n’est pas un refus de ma part de les élever au niveau de la loi, c’est tout simplement que je ne veux pas contrevenir aux règles juridiques en vigueur dans notre pays. D’ailleurs, vous le savez, les débats parlementaires ont aussi une valeur juridique. Et nous avons été suffisamment clairs et exhaustifs sur le sujet pour qu’aucune méprise ne soit possible.

M. Guy Malherbe. Bien sûr !

M. Xavier Bertrand, ministre. En outre, j’associerai le rapporteur et les personnes qui le souhaiteront, non pas seulement à la concertation avant la publication des décrets mais également à leur élaboration, pour bien montrer qu’ils s’inscriront dans le droit fil de ce texte.

M. Guy Malherbe. Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre. Ce texte répond à une obligation de résultat, pas de moyens. L’obligation de résultat, c’est qu’il y ait un avant et un après. Certaines revues prétendent qu’il n’y aura peut-être pas un avant et un après, mais nous n’avons pas attendu la loi pour agir, pour qu’il y ait un avant et un après. Ce fut notamment le cas s’agissant de l’Actos, ou d’autres médicaments.

M. Guy Malherbe. Bien sûr !

M. Xavier Bertrand, ministre. Les changements sont en cours, parce que c’est l’intérêt des patients, pas pour faire plaisir au ministre. Par exemple, la déclaration des avantages devra intervenir, je le répète, dès le premier euro. Voilà sur quelle base seront rédigés les décrets.

De même, je l’ai annoncé dès le 15 janvier dernier, pour qu’un médicament soit admis au remboursement, les essais cliniques devront être réalisés contre comparateurs actifs lorsqu’ils existent. La revue Prescrire nous reproche de ne pas l’avoir précisé dans la loi. Mais c’est normal, puisqu’il s’agit d’une disposition d’ordre réglementaire. Et de toute façon, c’est une pratique qui va s’imposer. Vous connaissez les règles européennes, et je pourrais vous parler longuement, si vous le souhaitiez, des réformes qui sont à entreprendre au niveau européen.

Mme Catherine Lemorton. Ça, c’est sûr !

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous prêchez un convaincu, madame Lemorton. Je ne voudrais pas une fois de plus exprimer mon accord avec vous, parce que je vais finir par vous compromettre (Sourires),…

M. Guy Malherbe. Attention !

M. Xavier Bertrand, ministre. …mais il est clair que la sécurité du médicament et des produits de santé n’est pas un problème franco-français.

M. Guy Malherbe. Surtout pas !

M. Xavier Bertrand, ministre. Des changements en profondeur doivent intervenir au niveau européen.

Pour en revenir au texte, il y a des dispositions qui doivent être prises par voie réglementaire parce que si elles figuraient dans la loi, cela perdrait toute solidité juridique. Le recours à un décret ne sert d’ailleurs qu’à définir avec précision, en envisageant toutes les situations possibles, la mise en œuvre pratique de cette mesure. Ne nous trompons pas de débat.

Le régime de responsabilité, la charge de la preuve ou bien encore les actions de groupe ne sont pas des questions taboues, mais il s’agit de réformes d’une telle ampleur qu’elles ne peuvent pas être menées au détour d’un amendement sur un texte dont ce n’est pas l’objet. D’ailleurs, quelle action de groupe aurait pu aboutir aussi rapidement que le texte voté à l’unanimité de cette assemblée – ce dont je tiens à vous remercier –, pour mettre en œuvre le fonds d’indemnisation des victimes du Mediator ?

J’en viens à la question de l’expérimentation d’une visite médiale collective à l’hôpital, le fameux article 19.

La rédaction du projet de loi qui vous est soumise ne me satisfait pas. Vous allez me dire : perseverare diabolicum ? Je persévère. Cela ne me satisfait pas, car je continue à croire que nous ne pouvons pas conserver la visite médicale telle qu’elle existe. La faute n’en revient pas aux visiteurs médicaux, mais aux pratiques de l’industrie qui leur a donné des consignes. Je crois que ce sujet mérite une réforme en profondeur plus importante.

La visite médicale doit profondément évoluer, les professionnels en sont conscients, et il y a une responsabilité des entreprises pour accompagner l’évolution de la profession. Ce n’est pas le scandale du Mediator qui façonne l’évolution de la visite médicale, celle-ci a commencé depuis bien longtemps, notamment avec les fusions entre différentes sociétés – les effectifs n’ont cessé de fondre de par le monde, et pas seulement en France. Mais ce que je veux, c’est que, lorsqu’un délégué médical hospitalier vient présenter son portefeuille de médicaments et de dispositifs médicaux, il le fasse devant plusieurs professionnels de santé. Ce ne doit pas être une idée aussi folle que cela puisque, aujourd’hui, c’est à peu près ce qui se passe dans 30 à 40 % des cas. Je pense que c’était la meilleure voie pour avancer. Les activités de suivi de l’utilisation des produits de santé pourraient, en revanche, se faire dans un cadre individuel. J’ai conscience que, dans les hôpitaux locaux, l’organisation d’une visite collective peut sembler compliquée mais, pour moi, plusieurs, ça commence à deux. Voilà mon sentiment.

Je n’ai pas été suivi, et même si je dois, j’entends bien, respecter la position prise par le pouvoir législatif, je chercherai d’autres formules pour faire évoluer la visite médicale en profondeur. Je suis déterminé. Même si je dois tenir compte du vote, et devrais-je être le seul à y croire, je continuerai à avancer sur cette voie.

Mesdames, messieurs les députés, c’est une réforme d’ampleur qui est proposée, une réforme qui trouve sa source, et c’est bien dommage, dans un scandale quasiment sans précédent dans l’histoire du médicament. Il a été dénoncé par plusieurs personnalités. J’ai parlé bien souvent d’Irène Frachon, terriblement courageuse, et du docteur Chiche. Je sais que Gérard Bapt a lui aussi été très actif, en tant que parlementaire mais aussi dans une autre fonction. Jean-Pierre Door également s’est particulièrement engagé dans ce débat. Les parlementaires ont été présents, comme le président de la commission, Pierre Méhaignerie, ou encore le rapporteur, Arnaud Robinet, qui a cherché à construire une réforme à la fois ambitieuse et équilibrée.

Cette réforme est capable, je crois, de redonner aux Français davantage confiance dans le système du médicament. Nous serons, avec Nora Berra, particulièrement attentifs à sa mise en œuvre effective. Monsieur le président de la commission, ce n’est pas à moi de fixer l’ordre du jour de qui que ce soit et encore moins d’une commission parlementaire, mais, si vous le souhaitez, je suis prêt à venir devant votre commission dès le début de l’année prochaine pour vous dire comment se fera l’articulation entre la dimension européenne de la réforme, la mise en œuvre réglementaire, la réorganisation de l’Agence nationale de sécurité du médicament et les autres dossiers qui n’ont pas forcément de vocation ni législative ni réglementaire, pour pouvoir vous montrer tout l’ensemble.

M. Guy Malherbe. Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre. Je suis prêt à venir devant vous dès le début de l’année, afin de vous montrer qu’il ne s’agit pas pour moi de penser que l’on peut fermer ce dossier au motif que le texte a été voté.

De la même façon, je souhaite, les choses sont à prévoir dès maintenant, que dans deux ou trois ans, à l’initiative soit du Parlement, soit de l’IGAS, un contrôle complet soit effectué sur la mise en application de ce texte. Certaines personnes toujours en fonction doivent comprendre que c’est à une révolution sans précédent qu’il faut parvenir pour réussir la Conférence.

Je voudrais souligner que Dominique Maraninchi s’est engagé avec beaucoup de courage dans sa mission – c’est entre autres pour cela qu’il a été choisi – et dire à tous les personnels de l’Agence nationale de sécurité du médicament que cette réforme n’est pas tournée contre eux. Je sais qu’ils ont pour la plupart toujours accompli leur mission, mais ils doivent désormais accompagner la mise en œuvre de la loi de la République et soutenir Dominique Maraninchi dans sa mission. Ce dernier a toujours été prompt à réagir, notamment lorsqu’il a été publiquement interpellé, par exemple par Gérard Bapt, et il n’a pas hésité à prendre ses responsabilités lorsque, dans un autre dossier, la question des liens ou des conflits d’intérêts lui a été posée. Je veux ici l’en féliciter.

Cette loi ne doit pas et ne peut pas être l’otage de certaines prises de position, ou de certaines postures. Je remercie ici les parlementaires, où qu’ils siègent, qui, en faisant abstraction des clivages politiques, se sont profondément engagés sur ce dossier, sans jamais hésiter à reconnaître, quand c’était le cas, que les choses allaient dans le bon sens. Il me semble que cette loi est une loi protectrice pour les patients et qu’elle est nécessaire au rétablissement de la confiance dans le médicament. Si nous voulons garantir l’excellence de notre système de santé, synonyme de sécurité et de progrès thérapeutiques pour les patients, nous devons vouloir qu’elle soit votée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Robinet, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Arnaud Robinet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de la discussion de ce texte relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.

Je tiens d’abord à saluer la réactivité et la détermination du Gouvernement suite à l’affaire du Mediator. Après ce terrible drame humain, les Français attendaient une réforme ambitieuse de notre système sanitaire, pour plus de transparence, plus de confiance et plus d’efficacité. C’est ce que propose ce projet de loi que j’ai eu l’honneur de rapporter.

Permettez-moi aussi de rendre hommage au travail de mes collègues, toute tendances confondues. Au-delà de certains désaccords, nous avons su, au cours des débats, nous entendre pour enrichir ce projet de loi.

Je rappellerai en quelques mots les apports des deux assemblées – je dis les deux assemblées, car nous avons repris certaines dispositions adoptées par le Sénat, lorsqu’elles nous ont semblé utiles. Ces apports s’organisent autour de trois piliers : la transparence des décisions de nos instances ; la pharmacovigilance et la sécurité des produits de santé ; enfin, l’information et la formation des professionnels.

En matière de transparence des décisions, nous avons étendu la déclaration obligatoire des liens d’intérêts directs ou indirects aux cinq ans précédant la prise de fonction de l’expert, ainsi qu’à ses proches. Nous avons également accru le contrôle du Parlement sur cette question, en prévoyant l’audition des dirigeants des instances sanitaires. Nous avons, enfin, imposé l’enregistrement et la publication intégrale des commissions et conseils de toutes ces instances. C’est un effort sans précédent.

À l’article 2, nous instaurons un véritable Sunshine Act à la française, avec la publication des conventions signées entre tous les professionnels, y compris les étudiants, les médias, les certificateurs de logiciels, et l’industrie pharmaceutique. C’est une petite révolution culturelle, qu’il convient de saluer.

Autre point important : la création d’une nouvelle agence, avec des moyens renforcés, une fonction de police du médicament clairement identifiée par nos concitoyens et une véritable indépendance financière. C’est une grande avancée. Sur le même article, nous avons conservé les ajouts du Sénat relatifs à la sanction de la publicité non autorisée pour les dispositifs médicaux in vitro, ainsi que ceux relatifs aux manquements des grossistes répartiteurs à leurs obligations de service public.

Nous pouvons aussi saluer, à l’article 5, une avancée en matière de démocratie sanitaire, avec l’intégration dans le conseil d’administration de la nouvelle agence des associations de patients et des professionnels de santé. Nous avons par ailleurs acté le fait que les industriels en seraient désormais absents.

Deuxième pilier de ce projet de loi : la sécurité des patients et la pharmacovigilance. Là aussi, ce texte marque de réels progrès. La nouvelle agence pourra désormais demander à tout moment des études d’efficacité ou de sécurité sur un médicament, et il sera possible de le retirer du marché ou d’en interdire la prescription et la délivrance en cas de doute sur sa balance bénéfices-risques.

Notons aussi que notre système de pharmacovigilance sera renforcé avec l’article 7, et l’engagement de tous les professionnels dans la remontée des informations du terrain.

Je me réjouis également que notre assemblée ait, à l’article 9 bis, conditionné le remboursement des médicaments à la réalisation d’essais cliniques contre des stratégies thérapeutiques, lorsqu’elles existent. Ce sera, dès 2012, un outil au service de la sécurité sanitaire de nos concitoyens.

Autre avancée importante, nous avons, à l’article 15, souhaité conserver un équilibre entre sécurité des patients et accès aux progrès thérapeutiques. Il fallait limiter l’usage abusif des autorisations temporaires d’utilisation ; nous l’avons fait en les subordonnant, sauf cas exceptionnel, à une demande d’ATU de cohorte ou d’AMM. Il est évident que cela ne remettra pas en cause l’accès aux traitements innovants.

Quant aux réformes de la responsabilité sans faute des fabricants de médicaments, du régime de la preuve et des actions de groupe, introduites par le Sénat, nous n’y sommes pas défavorables, mais elles méritent un texte spécifique et plus large, qui couvre tous les domaines et pas seulement celui de la santé. Il serait irresponsable, voire dangereux, de les adopter sans plus d’expertise, à l’occasion de ce projet.

Enfin, la création du nouveau groupement d’intérêt public, prévue à l’article 22, constitue à mon sens une innovation très heureuse. Je sais qu’elle suscite des interrogations sur certains bancs, et nous aurons, je crois, l’occasion d’en discuter encore ce soir. Néanmoins, par sa composition restreinte et entièrement publique, et par la réunion en une seule main d’une triple compétence de réalisation d’études, de lancement d’appels d’offres et d’autorisation d’accès au SNIIR-AM, le nouveau groupement constituera, j’en suis persuadé, un élément fondamental du renouveau du système de sécurité sanitaire dans notre pays.

Dernier volet de ce projet, et non des moindres, la formation et l’accès à l’information. S’agissant de la publicité des entreprises pharmaceutiques en matière de vaccins, qui fait l’objet de l’article 18, nous avons, à juste titre me semble-t-il, écarté l’interdiction pure et simple souhaitée par le Sénat et par nos collègues de l’opposition. Un régime d’autorisation encadrée apparaît en effet plus adapté, eu égard notamment aux impératifs de prévention.

J’ajouterai, toujours s’agissant de l’article 18, que l’instauration d’un contrôle a priori pour la publicité destinée aux professionnels de santé représente une avancée majeure, qu’il convient de saluer.

L’article 19, relatif à l’expérimentation de la visite médicale collective à l’hôpital, a fait l’objet de nombreux débats, monsieur le ministre. Les uns et les autres, sur tous les bancs, ont pu faire valoir des arguments sérieux. Nous avons finalement exclu du champ de ce dispositif les médicaments de réserve hospitalière, de prescription hospitalière et de prescription initiale hospitalière, ainsi que les dispositifs médicaux. Je rappelle qu’il s’agit d’un dispositif expérimental, qui fera l’objet d’une évaluation au bout d’un an. Il nous appartiendra, chers collègues, d’être attentifs, à l’issue de cette période, aux enseignements à tirer de cette expérimentation ainsi qu’aux possibilités de l’étendre et de la pérenniser. Je tiens également à souligner que d’autres dispositions sont prévues pour réduire l’importance de la visite médicale, notamment la possibilité pour le Comité économique des produits de santé, le CEPS, de fixer des objectifs annuels chiffrés d’évolution, et de sanctionner leur non-respect.

Je me réjouis également de la mise en place d’une véritable réglementation de la publicité pour les dispositifs médicaux, prévue à l’article 23. Elle constitue un progrès que nul ne peut nier.

Je n’entends pas être exhaustif ici, mais bien d’autres avancées pourraient être citées, auxquelles d’ailleurs nos collègues de l’opposition ont souvent apporté leur pierre.

Pour l’ensemble de ces raisons, et parce que je suis convaincu que ce texte équilibré et ambitieux pourra provoquer le véritable choc culturel dont notre système sanitaire avait besoin, je vous propose, chers collègues, d’adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, ce projet de loi sur le renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé parvient ce soir au bout de son odyssée législative. Que de chemin parcouru depuis un an, depuis qu’a éclaté au grand jour le scandale du Mediator et qu’a été révélée la pénétration des industriels du médicament au cœur des instances censées évaluer leurs produits ! Que de chemin parcouru pour revenir, au bout du compte, plus ou moins au même endroit ! Que de renoncements de la part du Gouvernement, et quel écart entre les propos fermes, presque guerriers, du ministre Xavier Bertrand promettant que dorénavant le doute allait profiter aux patients et le texte qui nous est présenté aujourd’hui ! La montagne, une fois de plus, a accouché d’une souris.

Ce n’est pas faute, de notre part et de celle de la nouvelle majorité de gauche au Sénat, d’avoir engagé la discussion sur ce projet de loi dans un esprit d’ouverture. Mais comment aurait-il pu en être autrement sur un sujet aussi grave et après une telle catastrophe sanitaire ?

À l’Assemblée nationale, puis au Sénat avec davantage de force, majorité oblige, nous avons fait des propositions pour améliorer ce texte. En commission mixte paritaire, nous avons fait des concessions en acceptant de sacrifier certaines de ces propositions pour en sauver d’autres, mais il n’y eut rien à faire.

Avec des trémolos dans la voix, M. Bertrand va répétant que, sur un tel sujet, le consensus est obligatoire, lui-même n’admettant pourtant aucune concession ou presque. Votre conception du consensus est à sens unique, monsieur le ministre : en réalité, pour vous, ce texte est à prendre ou à laisser… Permettez qu’on vous le laisse et, avec lui, la responsabilité des futurs drames et des futurs scandales qui ne manqueront pas de se produire de nouveau.

La faille fondamentale de notre système du médicament réside dans le fait qu’il ne cloisonne pas suffisamment les intérêts sanitaires, les intérêts industriels et les intérêts économiques des laboratoires, ceux-ci s’inscrivant dans le cadre d’une industrie pharmaceutique française puissante et, ajouterais-je, partiellement financée par la solidarité nationale.

Les décisions rendues pour des motifs sanitaires par l’Agence sanitaire des produits de santé, par la Haute Autorité de santé ou par le Conseil économique des produits de santé, qui forment la chaîne du médicament, sont parasitées par leurs conséquences sur le chiffre d’affaires des laboratoires.

Les enjeux, sanitaires, économiques et industriels sont trop imbriqués pour permettre une décision juste, et c’était bien l’objectif affiché de ce projet de loi que de trancher ce nœud gordien. Mais hélas, ce texte, loin de renvoyer les intérêts industriels et économiques dans leur sphère, entérine au contraire la présence de ces liens d’intérêts en les considérant comme inévitables. Permettez-moi de considérer qu’en l’occurrence, n’est inévitable que ce que l’on ne veut pas éviter.

Certes, ce texte apporte quelques améliorations au système existant. C’est le cas notamment de la transposition de la directive communautaire relative à la pharmacovigilance, ou encore de l’encadrement de la publicité sur les dispositifs médicamenteux.

Certes, vous avez même accepté certains de nos amendements, notamment celui visant à exclure les représentants de l’industrie pharmaceutique du conseil d’administration de la nouvelle Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, appelée à remplacer l’AFSSAPS. Il faut dire qu’il aurait été du plus mauvais effet, s’agissant d’un texte censé garantir l’indépendance de la nouvelle agence sanitaire vis-à-vis des industriels du médicament, de faire entrer ces derniers dans le conseil d’administration.

Pour autant, le compte n’y est pas, loin s’en faut. Je citerai trois exemples particulièrement éclairants. Le premier concerne les essais comparatifs préalables à l’inscription d’un produit sur la liste des médicaments remboursables. Si vous avez finalement accepté ces essais comparatifs, que vous annonciez en janvier dernier mais qui ne figuraient pas dans le projet de loi initial, c’est pour mieux en réduire la portée.

Ainsi, nous avions proposé que la comparaison se fasse « contre comparateurs actifs présentant le meilleur niveau de service médical rendu », formule claire et précise, immédiatement applicable, qui avait d’ailleurs été retenue par le Sénat. Vous avez préféré une comparaison « contre des stratégies thérapeutiques », formule particulièrement vague, qui laisse la porte ouverte aux interprétations les plus diverses, et donc à n’importe quoi.

M. Xavier Bertrand, ministre. Non, ce sont les DM.

Mme Jacqueline Fraysse. Vous avez, de surcroît, renvoyé à un décret le soin de fixer les conditions d’application de cet article.

Autre exemple, l’indépendance des experts : elle aurait dû être le pivot d’un projet de loi prétendant préserver la chaîne du médicament des influences économiques et industrielles. Car c’est bien par les experts que les laboratoires influencent les décisions de la Haute Autorité de santé et de l’agence sanitaire, comme l’a montré le scandale du Mediator et comme le montre, a contrario, la récente décision de la Haute Autorité de santé de revoir fortement à la baisse l’efficacité des médicaments anti-Alzheimer. Pour ce faire, la HAS s’est appuyée sur des experts totalement indépendants des firmes pharmaceutiques, ce qui a permis de battre en brèche une précédente évaluation de 2007.

Cela prouve, d’abord, qu’il existe des experts indépendants, et ensuite, que l’on n’a pas besoin d’aller les chercher « sur la planète Mars », contrairement à ce qu’affirme le ministre avec unepointe de mépris pour la recherche universitaire française, ce qui n’est pas acceptable.

Distinguer, comme vous le faites, entre liens d’intérêts et conflits d’intérêts pour admettre les premiers et proscrire les seconds est un jeu dangereux. Bien sûr, il n’y a pas obligatoirement conflit d’intérêts dès qu’il y a lien d’intérêts. Mais où placer le curseur ? Êtes-vous certain de pouvoir déterminer quand un simple lien d’intérêt, fût-il indirect – par exemple par conjoint interposé –, peut engendrer un conflit d’intérêts ? On voit bien que la frontière est ténue.

Le doute s’installe encore plus fortement sur vos intentions lorsque vous renoncez à la transparence totale, que vous annonciez pourtant il y a un an, en refusant de rendre publiques l’ensemble des conventions passées par les industriels du médicament ainsi que de centraliser ces informations sur un site internet unique, ou encore lorsque vous refusez d’interdire les pratiques d’hospitalité envers des étudiants en médecine.

Nous considérons au contraire que, pour restaurer la confiance dans la chaîne du médicament, il est nécessaire de rompre tous les liens entre ceuxqui produisent les médicaments et ceux qui les évaluent. Cela passe sans aucun doute par la création d’un corps d’experts indépendants, que vous persistez malheureusement à refuser.

Mon dernier exemple concerne les accidents médicamenteux et le droit des victimes.

Chaque année, les accidents médicamenteux causent 140 000 hospitalisations et sont responsables de 13 000 victimes. À titre de comparaison, l’insécurité routière fait moins de 4 000 victimes par an en France et la drogue moins de 300. Il faut donc bien mesurer que, si les médicaments soignent, ils peuvent également tuer, et dans de larges proportions. Nous sommes par conséquent face à un véritable problème de santé publique, mais également d’indemnisation des victimes.

C’est pourquoi je regrette que vous ayez refusé de renforcer le droit des victimes en rejetant nos amendements visant notamment à inscrire dans la loi la possibilité d’initier des actions de groupe. C’est compliqué, avez-vous dit à l’instant. Je ne vois pas en quoi. Je crois plutôt que vous ne les souhaitez pas, que même, comme les laboratoires sans doute, vous les redoutez.

M. Xavier Bertrand, ministre. Mais non !

Mme Jacqueline Fraysse. Finalement, la grande réforme promise n’est pas au rendez-vous. Nous en sommes même loin. Nous sommes loin, surtout, d’en avoir fini avec les conflits d’intérêts et les mélanges des genres.

L’action des lobbies a été puissante. Et je ne crains pas d’affirmer que, sur ce sujet, notre assemblée légifère sous la pression des lobbies, que ce texte devait justement atténuer. Pour toutes ces raisons, nous confirmerons nos précédents votes contre ce projet de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Lefrand.

M. Guy Lefrand. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous voici enfin dans la dernière ligne droite du marathon de ce projet de loi portant sur la sécurité sanitaire du médicament et, ne l’oublions pas, des produits de santé.

L’histoire avait bien commencé. Tirant les conclusions du scandale du Médiator, le Gouvernement nous présentait dès le 1er août un texte qui constituait un vrai changement de paradigme.

Faisant suite à de nombreux travaux de qualité réalisés en amont – je pense en particulier aux assises du médicament, au rapport de l’IGAS, aux deux missions parlementaires –, le texte initial, même s’il était imparfait, visait à restaurer la confiance de nos concitoyens envers le monde du médicament.

Ce texte traduisait notamment la volonté de régler les problèmes de transparence en cas de liens d’intérêts, de gouvernance des produits de santé, de réintroduction du pouvoir de décision du politique face à une certaine forme, voire une forme certaine, de technocratie. Pour ma part, si je respecte profondément les « technologues », qui rendent le système efficient, je rejette les technocrates qui l’alourdissent et l’empêchent de fonctionner.

En fin de première lecture, l’adoption du projet à l’Assemblée semblait traduire un relatif accord entre la majorité, le Gouvernement et l’opposition. Ainsi plusieurs amendements socialistes avaient-ils été pris en compte, en particulier celui de Catherine Lemorton tendant à la création d’un portail public de données sur les maladies et leurs traitements.

Mme Catherine Lemorton. Mais cet amendement n’a pas été repris dans le texte !

M. Guy Lefrand. Les échanges, nombreux et fournis, avaient permis une réécriture partielle du texte, dans le cadre d’une coproduction législative bien comprise, après qu’ont été développées des notions aussi variées que l’opposition entre le lien d’intérêts et le conflit d’intérêts, la transparence du médicament à tous les stades – sa conception, son développement, sa dispensation et son suivi –, les rôles et prérogatives de la nouvelle agence du médicament, la place des ATU dans la prescription, ou encore le rôle des associations de patients dans le système de santé.

Malheureusement, la nouvelle majorité sénatoriale choisissait de faire de la politique politicienne plutôt que de travailler sur le fond du dossier, alors que les députés socialistes, eux, avaient travaillé sur le fond.

M. Jean Mallot. Et ils continuent à le faire.

M. Guy Lefrand. Ils continuent, en effet.

C’est un véritable catalogue de propositions insensées que nous ont présenté les sénateurs socialistes : confusion volontairement entretenue entre lien et conflit d’intérêts ; exclusion de facto de la participation des associations de patients au conseil d’administration, à tel point que certaines, comme le collectif interassociatif sur la santé, ont fait appel aux députés de la majorité pour revenir sur ces dispositions ; suppression dangereuse de la possibilité d’inscrire le nom de marque à côté de la DCI ; renouvellement annuel des ATU, ce qui nous aurait exposé à des risques majeurs de santé publique ; création d’actions de groupe si limitées dans leur champ d’application et si imprécises qu’elles auraient été de toute façon inexploitables.

C’est donc désormais à l’Assemblée nationale qu’il revient de jouer le rôle de sage, le Sénat étant malheureusement devenu une tribune politique, sans ambition de réflexion et de construction. La Haute assemblée mérite mieux que cela.

M. Jean Mallot. Parlez-nous du projet de loi, ce sera mieux.

M. Guy Lefrand. Aujourd’hui, après une nouvelle navette, qui a vu les sénateurs socialistes rejeter cette fois la totalité du texte, nous en arrivons à sa lecture définitive.

Si nous ne pouvons que regretter de n’avoir pu mener un débat constructif avec le Sénat, nous devons néanmoins répondre à l’attente de nos concitoyens quant à la sécurité des médicaments et des dispositifs médicaux, tant en termes de transparence que de gouvernance et de sécurité.

Nos collègues socialistes, qui ont beaucoup travaillé sur ce texte, ont reconnu il y a quelques jours, en commission, qu’il a été élaboré de manière constructive.

Pour notre part, nous considérons que ce texte est aujourd’hui plus équilibré qu’il ne l’était au départ, et qu’il répond au cahier des charges initial, sur la transparence et la sécurité.

Je n’avais pas prévu, monsieur le ministre, de revenir sur les débats qui ont eu lieu concernant les visiteurs médicaux et le fameux article 19. Il me semble important, même sous la VRépublique, surtout sous la VRépublique, où le Parlement n’a que des pouvoirs limités, que le choix des parlementaires, en particulier des députés, soit entendu et respecté. À quatre reprises, deux fois en commission, deux fois dans ce prestigieux hémicycle, les députés se sont prononcés en faveur d’une modération du texte initial sur la visite collective. Par quatre fois, à la quasi unanimité, nous avons choisi de permettre qu’on continue de présenter l’innovation à l’hôpital et de présenter les dispositifs médicaux. Le texte issu de nos débats est donc parfaitement équilibré.

Il est temps maintenant de voter définitivement ce texte, non pas que le travail soit terminé, mais afin qu’il puisse débuter. Je vous sais, monsieur le ministre, très attaché au « service après-vote ». Les députés qui ont participé aux débats sur ce projet de loi le sont tout autant, et travailleront à vos côtés afin de s’assurer que la phase réglementaire ne dénature pas les choix du législateur, y compris sur l’article 19. Vous pouvez compter sur nous pour vous accompagner dans le suivi de cette loi, puisque l’évaluation des lois est désormais une des prérogatives de l’Assemblée.

Nous voterons avec fierté – oui, avec fierté, et je pèse mes mots – ce projet de loi qui renforce la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Nous refusons de stigmatiser aucun des acteurs de la chaîne du médicament ; notre seul souci est de permettre à chacun d’eux de retrouver le rôle et la place qui doivent être les siens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, je tiens, dans un premier temps, en vertu de l’article L. 4113-13 du code de la santé publique, à déclarer que je n’ai aucun lien d’intérêts avec les acteurs que sont les institutions ou associations citées dans ce projet de loi. Mais j’ai des liens d’intérêts en tant que pharmacienne d’officine achetant des médicaments et les revendant.

Je me répète, direz-vous. Peut-être, mais c’est pour souligner qu’en matière de déclaration des liens d’intérêts, ce projet de loi ne comble pas un vide total. Voter la loi, c’est bien. La respecter, c’est beaucoup mieux, et je viens de vous le prouver.

Nous avons déjà évoqué, lors de nos précédentes discussions, les points qui, pour le groupe SRC, posaient problème. Je rappelle encore une fois que le texte adopté par le Sénat nous convenait, puisqu’il incluait les amendements que vous aviez rejetés et qu’il donnait corps à ce texte pour éviter une autre affaire du Mediator. C’est pourquoi, en première lecture, nous nous étions abstenus.

Le Gouvernement souhaitait, au lendemain de l’émotion, de l’effroi même, suscités par le scandale sanitaire du Mediator, s’emparer à bras-le-corps de la question de la sécurité sanitaire du médicament, afin que l’on ne revive plus jamais une telle situation. Pour cela, il a souhaité que les débats soient non partisans et consensuels. Nous partagions cette position.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Votez la loi, alors.

Mme Catherine Lemorton. Ce consensus s’était d’ailleurs manifesté en avril 2008 par le vote à l’unanimité des groupes politiques de l’Assemblée sur le rapport de la MECCS intitulé « Consommer moins, prescrire mieux ». Bien qu’avant-gardiste, ce rapport et ses préconisations – admises par tous à l’époque – étaient restés lettre morte, et il a fallu attendre le Mediator et ses victimes potentielles pour qu’il remonte à la surface. Le groupe SRC regrette l’attitude du Gouvernement face à ses propositions depuis plus de trois ans.

Mais à mon sens, le cœur du problème concerne l’article 22. Monsieur le ministre, votre intervention à ce sujet ne m’a pas satisfaite. Je suis intervenue à de nombreuses reprises pour démontrer l’incohérence du contenu de cet article, sans succès. Ignorée, méprisée par vous…

M. Xavier Bertrand, ministre. Ah non !

Mme Catherine Lemorton. …et par le Gouvernement sur ce point, je souhaiterais enfin avoir de véritables réponses à nos interrogations.

Cet article 22, négligé, qui a fait l’objet de peu de réponses de votre part, voté sans discussion en dépit de son importance, crée un groupement d’intérêt public sur les études en santé publique. Il bouleverse le fonctionnement des études de vigilance et d’épidémiologie ou, pour être plus précis et éviter ainsi les confusions et imprécisions dont le Gouvernement est coutumier, celui des études de pharmacovigilance et de pharmaco-épidémiologie. En effet le mot « vigilance » ainsi isolé ne veut rien dire : il s’applique d’ailleurs aussi bien à la route qu’au nucléaire.

Nous sommes donc dans le vif du sujet. Nous parlons de la vraie vie d’un médicament, celle qui se déroule une fois qu’il est commercialisé, prescrit à une large échelle, et consommé bien au-delà des essais cliniques réalisés avant l’octroi de l’AMM. C’est à ce moment que l’on prend réellement connaissance des effets secondaires, des nouvelles interactions médicamenteuses, des aléas thérapeutiques, d’éventuelles nouvelles contre-indications, mais aussi de nouvelles indications – ne soyons pas toujours négatifs. Bref, c’est là que l’on prend réellement connaissance du médicament. Il est essentiel, à ce moment, que soient mises à disposition l’ensemble des informations nécessaires venant de tous les acteurs de la vie du médicament.

Tel est le but de l’IDS, l’Institut des données de santé, auquel le législateur a confié, par la loi du 13 août 2004, la mission « de veiller à la mise à disposition de ses membres, notamment la Haute autorité de santé, à des fins de gestion du risque maladie ou pour des préoccupations de santé publique des données issues des systèmes d’information de ses membres ».

M. Guy Lefrand. C’est vrai.

M. Jean Mallot. En effet !

M. Jean-Luc Préel. Cela ne marche pas vraiment !

Mme Catherine Lemorton. Le législateur a autorisé, dès 2007, des accès et des extractions de données du SNIIR-AM à des fins d’études et de recherches en santé publique. L’examen des accès et des extractions s’appuie sur une charte de déontologie et un comité d’experts. Il est ensuite soumis à l’autorisation de la CNIL. Cette démarche garantit la transparence des décisions et le respect de la pluralité des points de vue. Que voulez-vous de plus ?

À ce titre, la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, qui gère le SNIIR-AM par délégation du législateur, est membre de l’IDS, tout comme le ministère de la santé, la direction du budget, la MSA, le RSI, le CNSA, l’UNRS, l’UNPS, l’UNOCAM, le CISS, la FHF, la FEHAP, la FHP et UNICANCER. De fait, l’IDS rassemble un large panel d’acteurs, ce qui est, en soi, un gage de transparence et de surveillance mutuelle.

Face à cela, le Gouvernement fait savoir par la voix de M. Bertrand qu’il souhaite créer un organisme sanitaire à 100 % public. Cette réponse est en fait une vaste plaisanterie, quand on constate que, dans le domaine de la santé, la privatisation rampante gagne de plus en plus de terrain.

M. Jean Mallot. C’est vrai !

Mme Catherine Lemorton. Si l’on souhaite réellement aller au bout du raisonnement, permettons, par exemple, à la Mutualité, payeur aveugle de la prescription sauvage de Mediator, de savoir combien lui ont effectivement coûté trente ans de prescription. Ce serait intéressant.

Allons même plus loin : intégrons l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, puisqu’il a des missions de prévention et d’éducation à la santé. Pourquoi intégrer l’InVS, l’Institut de veille sanitaire, et pas l’INPES ? Monsieur le ministre, souvenez-vous que la prévention est incluse dans l’éducation thérapeutique et que pour les malades chroniques, trois piliers en sont le fondement : l’observance du patient à son traitement, l’accompagnement du patient et de son entourage, et la prévention quant au capital santé qui reste au patient.

Pourquoi vouloir à tout prix créer une nouvelle instance ? Cela dit, étant donné votre insistance à vouloir changer le nom de l’AFSSAPS en « Agence nationale de sécurité du médicament » – ce qui, à nouveau, ne veut strictement rien dire –, pour lui faire faire peau neuve, on comprend mieux vos raisonnements : mieux vaut changer le contenant quand l’essentiel, au fond, est dans le contenu.

Pour en revenir au contenu de l’article 22, ce GIP dépouille l’IDS d’une partie de ses compétences, alors que cet institut a rempli pleinement la mission qui lui a été confiée en 2004.

Avec ce projet d’article, une confusion totale va être créée entre institutions qui vont se surajouter. Je m’explique : la CNAM est déjà, comme je l’ai dit précédemment, membre de l’IDS, où elle dispose de 32 % des voix, et elle serait aussi membre de ce nouveau GIP qu’elle gérera complètement. Elle siégerait donc deux fois en ayant la possibilité, le cas échéant, d’avancer deux positions contradictoires. J’ajoute que l’argument de la pertinence de la CNAM en la matière n’est pas forcément recevable, puisqu’elle voit son rôle renforcé dans ce GIP alors même qu’elle n’a pas su anticiper l’affaire du Mediator. En effet, pendant de longues années, elle n’a eu aucune réaction face à la montée en puissance des prescriptions hors AMM, que tous les acteurs de terrain voyaient progresser.

M. Jean Mallot. C’est troublant !

Mme Catherine Lemorton. De la même façon, nous avons eu droit à une erreur de quelques millions d’euros dans son point sur la non substitution : d’abord estimé à 16 millions d’euros, le montant en question est passé à 19 millions d’euros après que la CNAM a reconnu une erreur de calcul. Mais, après tout, que représentent 3 millions d’euros en période de crise, au moment où le Gouvernement impose aux Français la rigueur et un régime de plus en plus drastique ?

La même question se pose quant à l’intérêt d’un groupement venant faire doublon avec ce qui existe déjà, mais sans la pluralité. Drôle de démocratie sanitaire !

La CNAM, qui est surtout un organisme payeur, ne dispose pas des outils nécessaires à l’accomplissement d’un tel travail d’étude en matière de santé publique. D’ailleurs, sa seule chaîne de traitement informatique prend plusieurs mois. Lancée en septembre 2011, l’enquête sur l’impact de la mention « non substituable » n’est toujours pas rendue publique et, dans les premières analyses qu’elle a transmises au Comité économique des produits de santé, elle oublie toute une partie de la population française, à savoir les sections locales mutualistes, c’est-à-dire, pour faire simple, la plupart des fonctionnaires.

Monsieur Bertrand, sécurité sanitaire ne rime pas avec doublon de compétences, à moins que vous ne souhaitiez devenir un as du millefeuille administratif. Mais je ne pense pas que ce soit le cas.

M. Jean Mallot. Il se débrouille tout de même pas mal !

Mme Catherine Lemorton. Ou à moins que vous ne souhaitiez faire un cadeau de Noël au directeur de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, qui, de fait, ferait une OPA sur les données de santé. Mais je ne peux pas le croire non plus.

M. Xavier Bertrand, ministre. Et vous avez raison de ne pas le croire !

Mme Catherine Lemorton. En revanche, renforcement de la sécurité sanitaire s’accorde avec représentation des usagers du système de soins, je pense notamment aux malades chroniques. Á ce sujet, vous comprendrez notre étonnement quand le collaborateur représentant M. Robinet, le rapporteure de ce projet de loi, a annoncé, lors d’un colloque qui se déroulait place Vendôme, que le prochain grand projet de loi en matière sanitaire concernera la démocratie sanitaire…

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Je ne me suis jamais rendu à un colloque place Vendôme !

Mme Catherine Lemorton. Je parle de votre représentant, qui s’exprimait en votre nom.

M. Xavier Bertrand, ministre. Ah bon ? Vous avez un représentant, monsieur Robinet ? (Sourires.)

M. Jean Mallot. Mais bien sûr, voyons. Les personnalités importantes ont un représentant.

Mme Catherine Lemorton. Mais dans le même temps, vous refusez la présence des représentants d’usagers au sein de votre fameux GIP, de même que vous avez refusé la présence des associations au sein de la Haute Autorité de santé.

Ce que disent vos représentants en votre absence est intéressant, monsieur le rapporteur.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Je n’ai pas de représentant ! Seule ma parole fait foi !

M. Guy Lefrand. M. Robinet aurait un cabinet noir ?

Mme Catherine Lemorton. Moi, je sais ce que j’ai entendu.

Mme la présidente. Madame Lemorton, je vous demande de bien vouloir conclure.

Mme Catherine Lemorton. Comprenez que nous soyons perdus. À défaut de défendre un projet de loi efficace, coordonnez au moins vos propos !

Je conclus en vous interrogeant clairement, monsieur le ministre. Il existe déjà un organisme pluriel, l’IDS. Pourquoi le Gouvernement veut-il lui retirer ses compétences avec tout ce que cela implique ? S’il y a des dysfonctionnements, pourquoi ne pas améliorer l’existant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Anny Poursinoff. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur l’excellent rapporteur, chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer en lecture définitive sur le projet loi renforçant la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Le Sénat ayant voté une motion de rejet, nous retrouvons donc le texte que nous avons voté en nouvelle lecture, sans possibilité de l’amender. Nous gagnons sans doute ainsi un peu de temps. Que le Sénat en soit remercié.

Qui ne reconnaît aujourd’hui la nécessité de renforcer la sécurité, de revoir la procédure, de lutter contre les conflits d’intérêt, de renforcer la pharmacovigilance, de prendre en compte les signalements et de revoir en permanence le critère essentiel que constitue le rapport entre bénéfice-risque.

Notre devoir est, aujourd’hui, de restaurer la confiance de nos concitoyens dans le médicament. En effet, nous l’avons rappelé à de nombreuses reprises, le médicament n’est pas un produit comme un autre.

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est vrai !

M. Jean-Luc Préel. Il a pour but de soigner, de guérir et si possible, notamment pour les vaccins, de prévenir les maladies. Nous savons que tout médicament efficace comporte des effets néfastes. C’est pourquoi, pour chacun, il convient d’évaluer régulièrement le rapport bénéfice-risque.

La confiance de nos concitoyens a été mise à mal depuis longtemps par des campagnes contre les vaccins ou pour une médecine dite naturelle. Elle a été ébranlée récemment par la gestion désastreuse de la grippe H1N1, par la publication d’une liste de soixante-dix-sept médicaments sous surveillance sans distinguer les nouveaux médicaments, et par le scandale du Mediator.

Ce scandale a démontré que si le laboratoire a, semble-t-il, comme l’indique l’IGAS, roulé tout le monde dans la farine, la chaîne du médicament, et notamment l’Agence des produits de santé, ne peut être exonérée d’une part de responsabilité.

M. Guy Lefrand. C’est vrai.

M. Jean-Luc Préel. Il était donc nécessaire de la réformer.

Il convient de rendre confiance à nos concitoyens, de permettre de prendre en compte le rapport bénéfice-risque et de renforcer la pharmacovigilance. Mais il est tout aussi important de rendre confiance à l’industrie pharmaceutique. Beaucoup de laboratoires qui n’ont pas les mêmes méthodes que celui mis en cause dans l’affaire du Mediator ont été traumatisés par le scandale

Mais surtout, et je le rappelle régulièrement, nous avons besoin de l’industrie pharmaceutique pour trouver, demain, les médicaments qui permettront de traiter le cancer, les maladies orphelines et les maladies tropicales. Elle répondra même à la nécessité de disposer de nouveaux antibiotiques qui font malheureusement défaut aujourd’hui.

Nous avons créé, il y a quelques années, après les affaires du sang contaminé et de la vache folle, des agences pour faire appel à des experts et pour éloigner le politique des décisions. Il est, je crois, nécessaire de rappeler qu’au bout du compte, c’est vers le politique que l’on se retourne. C’est d’ailleurs la noblesse du politique que d’assumer sa responsabilité en se fondant, bien entendu, sur les travaux des experts.

Ce projet de loi, monsieur le ministre, est donc nécessaire. Il est bienvenu, équilibré.

M. Jean Mallot. Monsieur Préel, n’en faites pas trop : cela va se voir !

M. Jean-Luc Préel. Certes, il sera complété par de nombreux décrets, mais nous vous faisons confiance pour qu’ils respectent l’esprit du texte, notamment en ce qui concerne la visite médicale collective. Sur ce sujet, monsieur le ministre, j’ai compris que vous aviez une certaine tendance à vouloir revenir sur le vote, alors que la volonté des parlementaires s’est clairement exprimée deux fois en commission et deux fois en séance publique, comme le soulignait Guy Lefrand tout à l’heure.

Le projet de loi change le nom de l’agence. Pourquoi pas ? Il s’agit de montrer qu’une page est tournée.

Nous avons une réelle difficulté car les autorisations de mise sur le marché sont souvent accordées par l’agence européenne. Nous devons, bien sûr, en tenir compte, ainsi que des directives européennes, mais cela ne doit pas nous empêcher de veiller à la sécurité des produits de santé et de protéger la santé de nos concitoyens.

Ce projet de loi tente de régler le problème difficile des conflits d’intérêts et d’assurer la transparence et la publicité des réunions et des décisions. C’est très bien. Toutefois, il ne faut pas confondre les liens d’intérêt et les conflits d’intérêt, même si la distinction entre les deux peut parfois être ténue.

Lors de l’étude du médicament, au moment de la recherche et des études cliniques, au niveau de l’agence et au niveau de la commission de la transparence, nous devons faire appel aux experts, et si possible aux plus compétents.

Dans certains domaines spécialisés, les experts compétents ne sont pas légion. Il serait inepte de faire appel à un expert incompétent. Qu’un expert ayant participé à des études financées par l’industriel fabriquant le médicament étudié ne puisse participer aux discussions et voter lors des réunions de l’agence, c’est, bien entendu, juste et nécessaire. Mais qu’en est-il de l’expert qui a travaillé pour un laboratoire concurrent ? J’ai posé cette question à plusieurs reprises : on ne m’a jamais répondu. J’estime que cet expert est tout aussi impliqué que celui qui a travaillé pour le laboratoire.

M. Jean Mallot. C’est le conflit d’intérêts négatif.

M. Jean-Luc Préel. Ne devrait-il pas le déclarer ?

Enfin, nous savons tous que les liens d’intérêt ne sont pas uniquement financiers. Ils peuvent être amicaux, d’école de pensée et de nombreux autres ordres encore.

Certains souhaitent la création d’un corps d’expert interne à l’Agence. L’idée est intéressante, mais ces experts ne peuvent être omniscients. Par conséquent, il demeure essentiel de faire appel à des experts externes, compétents, consciencieux et indépendants.

L’application du texte va cependant être difficile. Il y a quelques jours, je crois que quarante experts du groupe de travail sur les antibiotiques ont démissionné, le professeur Maraninchi ayant refusé de publier ses recommandations. Il semble que, de son côté, l’agence américaine prévoie d’alléger la réglementation, ayant de grandes difficultés à trouver des experts compétents sans liens d’intérêts. De plus, la nomination des préfigurateurs, avec notamment une erreur emblématique, remise en cause par le ministre en séance, risque de fragiliser l’autorité du directeur de l’Agence. Nous le constatons : l’application de ce texte ne sera pas simple.

Dans notre système de santé, nous avons actuellement trop de structures, trop d’agences. Selon moi, le projet de loi aurait dû prévoir la fusion de la commission AMM avec la commission de la transparence dépendant de la Haute Autorité de santé. En effet, étudier le bénéfice-risque ne peut se faire sans prendre en compte le service médical rendu, et vice versa. La HAS aurait donc pu chapeauter l’ensemble.

Les études ne devraient plus se faire contre placebo, ce qui n’a plus de sens, mais versus le médicament le plus efficace pour l’indication. De même, les études post-AMM devraient être systématiques. Le projet de loi avance dans ce sens, mais sans doute insuffisamment.

Réformer la pharmacovigilance est bien sûr essentiel. C’est la clé de la sécurité sanitaire du médicament. Elle doit être revue au niveau de la déclaration, de l’étude et des conséquences. La déclaration de l’effet néfaste ou inattendu doit pouvoir être effectuée par toute personne en ayant connaissance. Cette déclaration doit être simplifiée. Beaucoup de professionnels ne font pas de signalement parce que les démarches et les formulaires sont encore trop complexes.

Ce signalement doit être effectué auprès de l’industriel, directement et par l’intermédiaire des visiteurs médicaux, et auprès de l’administration, notamment des conseils régionaux de pharmacovigilance, dont les moyens humains et financiers doivent être renforcés – vous vous êtes d’ailleurs prononcé en ce sens, monsieur le ministre –, ainsi que l’a clairement démontré la mission parlementaire sur le Mediator.

Encore faut-il que le médicament soit prescrit à bon escient. Et c’est tout le problème de la formation initiale et continue des professionnels. La formation initiale des médecins doit être revue, en renforçant notamment la formation en pharmacologie et à la thérapeutique, qui est aujourd’hui très insuffisante. Quant à la formation continue, devenue le DPC, elle doit être obligatoire, évaluée, indépendante et financée.

La visite médicale joue aujourd’hui un rôle important. Les visiteurs sont des professionnels, rémunérés, en partie au pourcentage, par le laboratoire, qui sont chargés de vanter les produits de ce dernier. Quoi de plus naturel pour un laboratoire que d’essayer de vendre son produit, surtout lorsqu’il est persuadé qu’il est bon ? La charte de la visite tente de régler le problème éthique que peut poser cette pratique ; il reste à contrôler son application. L’organisation d’une visite collective à l’hôpital est une idée intéressante, monsieur le ministre. Du reste, ce type de visite existe déjà. Toutefois, sa généralisation sera délicate et me laisse dubitatif. Qu’en sera-t-il, en effet, dans les petits hôpitaux, pour les spécialités au nombre de professionnels limités : ORL, ophtalmologie, stomatologie ? Certes, j’ai compris qu’une visite collective pouvait ne concerner que deux médecins. Mais ne pourrait-on prévoir que ces réunions d’information se déroulent devant la commission médicament de la CME, charge à son président d’informer les praticiens de l’hôpital ? Enfin, si la prescription doit être aidée par des logiciels de prescription en DCI, ceux-ci doivent être validés et certifiés par la HAS.

Tout à l’heure, un débat a porté sur le nouveau GIP, qui serait, selon Mme Lemorton, un doublon du GIP de l’Institut des données de santé. Le fait est qu’actuellement, les données de santé sont insuffisamment transmises : M. Babusiaux rame, depuis plusieurs années, pour essayer d’obtenir qu’elles le soient véritablement. Je rappelle que, pour ma part, j’avais souhaité, en 2004, la création d’un « INSEE de la santé » régionalisé, chargé de recueillir l’ensemble de ces données, de les retraiter et de les transmettre à tous ceux qui le souhaiteraient. J’espère que nous y viendrons un jour, car cela me paraît nécessaire.

Il convient de restaurer la confiance de nos concitoyens dans le médicament. Il était donc nécessaire de revoir toute la chaîne du médicament, en évitant les conflits d’intérêt, en prenant en compte le rapport bénéfice-risque et en renforçant la pharmacovigilance. Ce projet de loi équilibré devrait renforcer la sécurité sanitaire du médicament. C’est pourquoi, le groupe Nouveau Centre le votera, comme il l’a fait en nouvelle lecture, tout en rappelant qu’il ne résout pas tout, que son application sera sans doute délicate et qu’il faudra peut-être le revoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici parvenus à la phase finale de cette première étape du renforcement de la pharmacovigilance. Pour autant, contrairement à ce qu’indiquait M. le rapporteur, nous ne pouvons pas considérer que nous sommes entrés dans l’ère du post-Mediator.

Dans un entretien paru dans Le Monde de cet après-midi, le nouveau directeur général de l’AFSSAPS pose les fondements de son action, lesquels me paraissent tout à fait sains, puisqu’il déclare vouloir lutter contre les conflits d’intérêts des experts avec l’industrie pharmaceutique, estimant qu’« il doit exister une barrière totale entre le régulateur et l’industrie ». À ce propos, je dois dire à notre collègue Préel que je ne suis pas du tout d’accord avec lui sur la façon dont l’AFSSAPS a mis en œuvre, avant même l’entrée en vigueur de la loi, sa réforme interne : pour ma part, je soutiens tout à fait la démarche engagée par le nouveau directeur de l’Agence.

Monsieur le ministre, la lutte contre les conflits d’intérêts et le renforcement de la transparence dans le fonctionnement de l’Agence du médicament sont les principaux mérites du texte. Certes, comme vient de le dire Mme Lemorton, nous aurions souhaité obtenir un certain nombre d’améliorations sur des points très précis, notamment en ce qui concerne les possibles conflits d’intérêts liés à l’intervention de l’industrie dans la formation initiale des médecins,…

M. Jean Mallot. Ce serait mieux !

M. Gérard Bapt. …qu’elle prenne la forme d’une aide directe aux étudiants ou de l’organisation par des laboratoires, à la demande de certaines universités, de la préparation des étudiants aux examens classants nationaux. Néanmoins, il nous faut reconnaître un certain nombre d’acquis.

Mon premier regret, monsieur le ministre, vous le connaissez : cette réforme ne comporte pas un volet consacré à l’enseignement supérieur et à la recherche. S’agissant de la recherche, vous avez récemment modifié la structure du Centre national de gestion des essais de produits de santé, le CENGEPS. Son financement, assuré par une taxe – dont le produit est de l’ordre de 10 millions d’euros – sur le chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique, passait en effet par l’AFSSAPS. Depuis la réforme – heureuse – de cette dernière, ce financement transite par le budget de votre ministère, notamment celui géré par le directeur général de la santé. Or, la participation du LEEM dans le CENGEPS s’élève à 49 % et cet organisme ne compte, à ma connaissance, aucun représentant de l’État, mais un certain nombre de représentants d’organismes interrégionaux de recherche clinique, qui n’apportent aucune garantie d’objectivité quant à la façon dont ces crédits sont consacrés à la recherche clinique. Aussi me semble-t-il, monsieur le ministre, que ceux-ci soient directement affectés aux programmes hospitaliers de recherches cliniques, qu’ils soient gérés par les hôpitaux, et non plus par des organismes où l’industrie reste prépondérante.

Mon second regret concerne le sort des victimes. Vous avez refusé les actions de groupe, au prétexte qu’elles ne seraient pas opérantes dans le domaine de la santé. À ce propos, vous avez cité, tout à l’heure, le cas de l’Actos. Je salue l’action de l’Agence du médicament, qui a retiré ce médicament du marché français, mais ce retrait reste suspendu à la décision européenne.

M. Xavier Bertrand, ministre. La position française ne changera pas !

M. Gérard Bapt. Je nourris donc les plus grandes craintes à ce sujet, car les décisions de l’Agence européenne sont souvent surprenantes en ce qui concerne le sort de certains médicaments. Toujours est-il qu’aux États-Unis, l’Actos fait déjà l’objet de 13 000 plaintes de victimes. Combien, chez nous ? Ce médicament a pourtant également fait des victimes en France. Voilà pourquoi, monsieur le ministre, je regrette que la possibilité de mener des actions de groupe n’ait pas été retenue.

J’ajoute qu’il aurait été possible d’apporter des modifications à la transposition, en 1998, de la directive de juillet 1985, sans se heurter aux prétendus obstacles que représenterait la complexité de la création d’une action de groupe à la française. Je pense notamment au fait qu’un laboratoire puisse s’exonérer de toute responsabilité en cas de défectuosité d’un médicament lorsque l’effet indésirable est mentionné sur la notice, ou lorsqu’il n’était pas connu au moment de la mise sur le marché. Après tout, Servier pourrait dire que c’était le cas pour le Mediator ou l’Isoméride.

Par ailleurs, et c’est une coïncidence que certains jugeront peut-être malheureuse – ce n’est pas mon avis –, il se trouve qu’à plusieurs reprises, lorsque nous nous sommes réunis pour discuter de ce texte, un grand quotidien du matin nous a apporté des révélations. Aujourd’hui, ces révélations concernent un ancien directeur de l’évaluation de l’Agence du médicament, le professeur Alexandre, qui était également président du Comité européen du médicament.

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous le savions. C’était dans le rapport de l’IGAS !

M. Gérard Bapt. Nous apprenons en effet que le professeur Alexandre a quitté son poste en 2001 pour passer dans le secteur privé et qu’entre cette date et 2009, il a reçu une rémunération de 1,2 million d’euros de la part du laboratoire Servier – soit 150 000 euros par an en moyenne – pour donner des conseils sur un certain nombre de médicaments produits par ce laboratoire, notamment, au hasard, le Vastarel et le Protelos.

M. Jean Mallot. On en apprend de belles !

M. Gérard Bapt. Ce type de comportements est inadmissible et je souhaiterais que vous indiquiez, monsieur le ministre, si la Commission nationale de déontologie a été saisie lorsque le professeur Alexandre est passé dans le privé, en 2001.

M. Xavier Bertrand, ministre. En 2001, cela m’étonnerait !

M. Gérard Bapt. La commission existait.

M. Xavier Bertrand, ministre. En 2001 ?

Mme la présidente. Je vous prie de conclure, monsieur Bapt.

M. Gérard Bapt. Si elle a été saisie, quelles furent ses conclusions ? Si elle ne l’a pas été, le professeur Alexandre est justiciable de prise illégale d’intérêts et, aux termes de l’article 432 du code pénal, il encourt deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. Monsieur le ministre, vous devez nous apporter tous les éclaircissements nécessaires sur cette affaire et, le cas échéant, prendre l’initiative de poursuites contre le professeur Alexandre.

Mme la présidente. Merci, monsieur Bapt.

M. Gérard Bapt. Permettez-moi de conclure, madame la présidente.

Mme la présidente. Votre temps de parole est épuisé, mon cher collègue.

M. Gérard Bapt. Mais je sais la sollicitude que vous pouvez témoigner aux modestes députés qui siègent ce soir. (Sourires.)

Mme la présidente. Le règlement est le même pour tout le monde, monsieur Bapt. Veuillez conclure, je vous prie.

M. Gérard Bapt. M. le ministre a rendu hommage, et il a eu raison, non seulement au docteur Frachon, mais aussi au docteur Chiche, ce cardiologue marseillais, qui avait, le premier, signalé une valvulopathie sous benfluorex.

M. Xavier Bertrand, ministre. Et que l’on a tenté d’intimider !

M. Gérard Bapt. Eh bien, il faut savoir que sa notification avait été biaisée par le service d’évaluation que dirigeait alors le professeur Alexandre : on l’avait fait passer du caractère probable au caractère douteux. Si l’on veut véritablement rendre hommage à ce lanceur d’alerte que fut le docteur Chiche, il faut faire toute la lumière sur ce conflit d’intérêts, notamment sur les conditions dans lesquelles le professeur Alexandre est passé dans l’industrie privée en 2001. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anny Poursinoff.

Mme Anny Poursinoff. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’ai, tout d’abord, une pensée pour les victimes des scandales sanitaires et pour leurs proches. Je pense non seulement au Mediator et à ses trop nombreuses victimes, qui sont à l’origine de ce projet de loi, mais aussi au récent scandale lié aux prothèses mammaires PIP, qui seraient à l’origine de cancers du sein : 30 000 femmes risquent d’être concernées parce qu’un gel de silicone à usage industriel et non médical a été utilisé. Des vies humaines ont été sacrifiées au profit d’intérêts financiers. Cela est inacceptable et nous rappelle que nos politiques de santé publique ne doivent faire aucune concession aux intérêts privés. Je le répète : la santé publique ne doit jamais être sacrifiée au profit d’intérêts économiques.

Ce principe aurait dû guider les rédacteurs du projet de loi. Hélas, il n’en est rien. L’actualité récente en témoigne. Alors que ce texte était toujours en discussion, vous vous apprêtiez, monsieur le ministre, à parrainer un colloque…

M. Xavier Bertrand, ministre. Même pas !

Mme Anny Poursinoff. …financé par deux grands laboratoires pharmaceutiques, afin de mieux connaître la position de ces lobbies sur la sécurité sanitaire. Heureusement, après l’intervention d’Hélène Frachon, lanceuse d’alerte dont vous avez salué le talent tout à l’heure, vous avez annulé votre participation et les responsables des agences sanitaires ont fait de même.

M. Xavier Bertrand, ministre. Soyez précise !

Mme Anny Poursinoff. Vous en conviendrez, trop de mauvaises habitudes ont été prises pour que nous en restions à une fausse réforme, hélas conforme à la politique d’affichage de l’UMP. Pour donner de l’ambition à ce texte, les parlementaires de gauche et les écologistes vous ont fait de nombreuses propositions, en vain. Aujourd’hui, la déception est grande.

En conditionnant la portée de nombreux articles à des mesures réglementaires et en multipliant les dérogations, vous avez ouvert des brèches dans lesquelles l’industrie pharmaceutique ne manquera pas de s’engouffrer. Ici comme au Sénat, vous avez rejeté les principales propositions des parlementaires de gauche et des écologistes, qui visaient tout simplement à instaurer des règles plus fermes en matière de publicité et de contrôle des liens d’intérêts et à prévoir des sanctions dissuasives.

Votre refus d’engager une réflexion approfondie sur la visite médicale est une autre illustration de votre politique de la porte ouverte aux laboratoires privés. Vous avez même ajouté des dérogations à celles prévues pour les médicaments concernés par la visite collective, dont vous avez également exclu les dispositifs médicaux.

Et rien sur la mise en place d’une formation continue et indépendante des médecins.

En ce qui concerne le renforcement des droits des victimes, ce texte est, là aussi, plus que décevant. Vous avez repoussé la proposition du Sénat de renforcer la responsabilité du fabricant du fait d’un produit défectueux, et vous êtes également opposés aux actions collectives des victimes. M. Lefrand nous dit que l’amendement était trop imprécis, mais rien ne vous empêchait de l’améliorer ! En réalité, vous refusez les actions de groupe !

M. Guy Lefrand. Allons !

Mme Anny Poursinoff. M. le ministre affirme que les fonds d’indemnisation sont efficaces, alors qu’ils ont montré leurs limites, comme l’actualité en témoigne. Ainsi, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante demande aujourd’hui aux victimes de rembourser une partie des indemnités qu’elles ont perçues. Cette attitude est inadmissible ! Ce sont les responsables des catastrophes sanitaires qu’il faut faire payer, et non les victimes ! Ne nous trompons pas de coupables !

Ce texte avait pour vocation de mieux protéger les victimes et d’empêcher tout nouveau scandale sanitaire : c’est un échec. La majorité présidentielle a préféré se cantonner à un socle minimal, bien en deçà des attentes citoyennes. Cette loi n’est qu’un habillage marketing de l’ancien système. Une fois encore, les écologistes ne peuvent que vous faire part de leur indignation et de leur opposition à cette fausse réforme.

Davantage de transparence et d’éthique pour que la santé publique et les droits des patients soient placés au centre du dispositif, voilà ce que nous demandons. Cette loi, qui aurait dû redonner confiance en notre système de santé, est un rendez-vous manqué. Nous le déplorons.

M. Jean Mallot. Très bien !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Sans doute certains orateurs n’ont-ils pas eu le temps de corriger, après avoir entendu mon propos liminaire, le texte des interventions qu’ils avaient préparées, car j’avais évoqué certaines des questions qu’ils ont soulevées. Si cela peut se comprendre, je veux quand même apporter une précision à M. Bapt au sujet de ce qui s’est passé en 2001 avec M. Alexandre.

Si l’on en croit une journaliste qui, sur le dossier qui nous intéresse, a fait preuve d’un vrai sens de l’investigation pour apporter des éléments éclairants, en l’occurrence Anne Jouan, du Figaro, il semblerait – je le dis au conditionnel, mais je le dis tout de même – que la commission de déontologie ne se soit pas réunie parce que M. Alexandre n’avait pas déclaré, lorsqu’il a quitté ses fonctions publiques, quelles seraient ses futures activités – ce qui signifie que l’AFSAPPS n’a pas été bien curieuse.

Je vais voir ce qu’il est juridiquement possible de faire – notamment qui serait fondé à intenter une action –, en espérant que les faits ne soient pas touchés par la prescription. Je précise que ce n’est pas la première fois que l’on parle de M. Alexandre. Son nom était déjà cité dans le rapport de l’IGAS, en des termes qui montraient bien qu’il y avait effectivement un sujet.

En tout état de cause, le cas de M. Alexandre – comme d’autres sans doute – montre bien que, même si des textes existaient, ils n’ont pas été appliqués à la lettre. Quels que soient les textes que l’on vote et les changements qu’ils induisent, ce sont donc bien les comportements et les contrôles internes qu’il faut modifier en profondeur, afin que celui qui ne met pas en œuvre toutes les procédures prévues voie sa responsabilité engagée. Je le dis à Dominique Maraninchi. On le sait, les contrôles internes de l’AFSSAPS n’ont pas fonctionné. La loi dont nous disposons maintenant va certes plus loin, en matière de contrôles sur les déclarations d’intérêt, que tout ce qui existait précédemment : c’est vraiment le Sunshine Act à la française. Mais nous devrons nous montrer intransigeants dans la mise en œuvre de cette loi, notamment sur les sanctions.

Dans la mesure où les déclarations seront publiques, les journalistes ne devront pas attendre qu’une affaire soit mise au jour pour s’y intéresser. C’est précisément la transparence et la publicité de ces déclarations qui doit permettre le changement des comportements ! Je sais d’expérience qu’une bonne loi est une loi qui change en profondeur les comportements des hommes et des femmes qui, par le passé, s’étaient habitués à un système moins contraignant.

Pour ce qui est de M. Alexandre, je vais procéder à des vérifications et je reviendrai devant la représentation nationale pour vous dire exactement ce qu’il est possible de faire.

Texte adopté par l’Assemblée nationale
en nouvelle lecture

Mme la présidente. J’appelle maintenant, conformément au troisième alinéa de l’article 114 du règlement, le projet de loi dans le texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Explications de vote et vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Guy Lefrand, pour le groupe UMP.

M. Guy Lefrand. Mes explications de vote seront brèves, madame la présidente, puisque nous en sommes à la troisième lecture de ce texte. Comme l’a dit M. le ministre, avec ce projet de loi, le Gouvernement a parfaitement répondu, sur le fond comme sur la forme, à ce qui constituait un scandale sanitaire majeur.

Les parlementaires, en particulier les députés, ont, toutes tendances confondues, largement participé à l’amélioration de ce projet de loi. Si nous n’avons pas toujours été d’accord avec le Gouvernement, nous approuvons cependant les éléments les plus importants du texte – la transparence, la sécurité, la réforme de la gouvernance – et le groupe UMP votera donc ce projet de loi sans réserves et avec fierté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour le groupe SRC.

Mme Catherine Lemorton. Puisque je dispose de cinq minutes, je commencerai par les points positifs de ce texte, à savoir la révision quinquennale de tous les médicaments sur le marché ainsi que la création d’une « base médicaments » – sur ce dernier point, je précise à M. Lefrand qu’il ne s’agit pas d’un portail, mais d’une base de données sur les médicaments où il n’est absolument pas question des maladies.

M. Guy Lefrand. Dont acte !

Mme Catherine Lemorton. La déclaration des liens d’intérêts constitue également une avancée, ainsi que les tests cliniques contre comparateurs, que nous appelions de nos vœux – bien que la rédaction actuelle du texte restreigne singulièrement la portée du dispositif, comme l’a souligné l’une de nos collègues du groupe GDR.

J’en viens maintenant à ce qui n’est pas satisfaisant, à commencer par le fait que les liens d’intérêts ne seront examinés qu’à partir du moment où la personne concernée fait une déclaration à ce sujet, c’est-à-dire à son initiative. Certes, un décret en Conseil d’État fixera les conditions dans lesquelles une commission éthique, mise en place au sein de chaque agence, contrôlera la véracité et l’actualité des informations délivrées dans la déclaration d’intérêts – je vous laisse juges de l’efficacité que peut avoir un tel dispositif.

Je ne reviendrai pas sur la formation initiale et le développement professionnel continu, le DPC, que le ministre voulait le plus éloignés possible de l’industrie pharmaceutique, ce qui est très loin d’être le cas.

Je ne reviendrai pas sur les sanctions pénales, notamment l’amende de 45 000 euros à la charge des industries pharmaceutiques omettant sciemment de rendre publiques les conventions signées avec les professionnels de santé – une somme restée inchangée en dépit de nos réclamations portant sur le fait qu’elle n’est pas du tout en proportion avec les enjeux financiers des faits qu’elle est censée sanctionner.

Je ne reviendrai pas non plus sur la suppression, votée par le Sénat, de la publicité relative aux campagnes de vaccination, faite à l’initiative des firmes pharmaceutiques.

M. Richard Mallié. Vous entendra-t-on un jour dire du bien de quelque chose, madame Lemorton ?

Mme Catherine Lemorton. Pour notre part, nous sommes choqués par ce procédé et estimons que les campagnes de vaccination doivent être lancées par l’État sous l’égide de l’INPES, et par personne d’autre.

M. Jean Mallot. Absolument !

Mme Catherine Lemorton. Pour ce qui est de l’article 7, je pense qu’il fera rire des générations de juristes, dans les décennies et les siècles à venir. Comment pouvez-vous faire figurer parmi les motifs de retrait, le fait que « le médicament est nocif » ? S’il est nocif, pourquoi était-il sur le marché ? Deuxième motif de retrait : « le médicament ne permet pas d’obtenir de résultats thérapeutiques ». À quoi servent donc les tests cliniques avant l’AMM ? On me répond que ces motifs constituent la traduction littérale de la législation européenne : c’est tout bonnement ridicule !

Enfin, les actions de groupe n’apparaissent toujours pas dans la législation, alors même que de très nombreux patients sont victimes d’accidents thérapeutiques graves après avoir pris des médicaments prescrits par leur médecin – auquel ils étaient, de fait, soumis par un lien de subordination dans le cadre de la relation médecin-patient. Le médecin peut avoir agi en conscience – le ^problème n’est pas là –, mais tout patient victime d’un médicament doit avoir droit à réparation.

Pour toutes ces raisons, et d’autres encore, nous ne voterons pas ce texte. Quant aux critiques émises sur celui qu’avait voté le Sénat, je ne les partage pas. Bien qu’il soit passé à gauche, ce qui vous déplaît, le Sénat est tout à fait respectable. Il avait, en l’occurrence, fait avancer ce texte dans le bon sens. Nous avions donné une deuxième chance au texte en nous abstenant, mais vous avez préféré refuser les améliorations du Sénat. Nous attendrons mai 2012 pour améliorer ce texte comme il le mérite. Pour l’heure, nous voterons contre.

M. Gérard Bapt et M. Jean Mallot. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi tel qu’il résulte du texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, demain, mardi 20 décembre à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi autorisant l’accord France-Panama sur les doubles impositions ;

Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances rectificative pour 2011 ;

Discussion du projet de loi organique et du projet de loi portant application de l’article 11 de la Constitution.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-deux heures cinquante-cinq.)