Accueil > Union européenne > Commission des affaires européennes > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires européennes

mardi 6 octobre 2009

16 h 15

Compte rendu n° 118

Présidence de M. Pierre Lequiller Président

I. Audition de M. Pierre Lellouche, Secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes (ouverte à la presse)

II. Examen de textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

Mardi 6 octobre 2009 à 16 h 15

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission

La séance est ouverte à seize heures quinze.

I. Audition de M. Pierre Lellouche, Secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes (ouverte à la presse)

Le Président Pierre Lequiller. Je vous remercie, M. le Ministre, de bien vouloir revenir devant notre Commission des affaires européennes. Beaucoup d’événements importants sont intervenus depuis notre dernière audition : les élections en Allemagne, au Portugal, en Grèce, le référendum irlandais et, enfin, le G20 de Pittsburgh. Cette nouvelle audition sera donc très utile. Nous pouvons tous nous réjouir ici du vote irlandais. Le « oui » l’a largement emporté avec 67 % des suffrages et un taux de participation de 59 %, soit 6 points de plus que lors du précédent référendum. J’attribue notamment ces résultats à l’addendum que nous avons attaché au traité afin de rassurer nos amis irlandais ainsi qu’aux effets de la crise économique et financière qui sont dévastateurs en Irlande. A présent, comment se présentent, M. le Ministre, la signature du Président polonais et celle du Président tchèque ? Quel sera le calendrier suivi pour désigner le Président du Conseil européen, le Haut représentant pour les affaires étrangères et établir le Service européen pour l’action extérieure ? Hier, nous avons déposé, avec M. Michel Herbillon, un amendement aux contributions de la COSAC afin que le traité soit ratifié le plus rapidement possible, amendement qui a été adopté à l’unanimité.

Quelles seront les suites données au G20 de Pittsburgh ? Quelles avancées attendre en matière d’énergie et de climat, en perspective de la conférence de Copenhague ? Enfin, vous avez exposé des idées nouvelles sur le couple franco-allemand, notamment s’agissant de la politique industrielle, sujet sur lequel M. Jacques Myard avait réalisé un rapport. Nous aimerions que vous puissiez préciser les priorités que vous avez évoquées à ce propos.

M. Pierre Lellouche, Secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes. Il est tout à fait naturel que je me mette à votre disposition pour aborder ces questions très importantes. Je tiens d’ailleurs à saluer les travaux des parlementaires, à l’Assemblée nationale et au Sénat, ainsi qu’à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

Le traité de Lisbonne crée des droits nouveaux pour les parlements nationaux : droit d’information, droit de saisine de la Cour de justice des communautés européennes ou encore contrôle de subsidiarité. Grâce à cette dernière procédure, les parlements nationaux vont pouvoir s’opposer à un texte. Je vous adresserai des éléments juridiques précis sur la mise en œuvre pratique de ces nouvelles dispositions.

Je souhaite aborder un deuxième sujet : la question de la sous-consommation des crédits européens dans nos collectivités locales. La députée européenne Sophie Briard Auconie et le Président Pierre Lequiller ont été nommés parlementaires en mission pour étudier ce problème. Nous risquons de perdre en effet beaucoup d’argent. Nous avons un solde contributeur net annuel de 5 milliards d’euros au budget communautaire et plus de 1,5 milliard d’euros devrait actuellement nous revenir en moyenne annuelle au titre des fonds structurels. Il appartient à chacun d’entre vous de suivre cette question au sein de vos collectivités respectives. Il faut impérativement se mobiliser. Nous avons pu débloquer la semaine dernière 59 millions d’euros pour un projet de haut débit en région parisienne et j’ai demandé à la Commission, en liaison avec le Préfet de région, qu’elle augmente le financement communautaire sur le programme opérationnel FEDER de la région Poitou-Charentes. Le rôle de la Banque européenne d’investissement doit être également être souligné. La BEI a ainsi prêté 500 millions d’euros à la Ville de Paris.

Troisième sujet : les politiques transfrontalières. Six millions de Français sont concernés et rencontrent toujours des problèmes d’équipements publics, d’accès aux soins, etc. Nous devons développer une politique nationale de gestion de nos frontières. Il est important d’associer les parlementaires à ce travail.

S’agissant du traité de Lisbonne, j’ai souligné dans votre hémicycle l’action constante et déterminée du Président de la République en faveur du traité. Dès août 2008, il s’est engagé à Dublin pour demander un second référendum. La présidence française a ensuite pu dégager les garanties politiques susceptibles de rassurer nos amis irlandais et d’apaiser le débat, permettant d’éviter que certains sujets ne soient instrumentalisés. La campagne a été brève et l’ensemble des forces politiques et syndicales irlandaises se sont mobilisées. Ce pays connaît un recul de la croissance de 10 % en 2009, un taux de chômage de 12 % et son déficit public atteint 13 %. La sortie de ces difficultés ne pouvait s’envisager qu’au sein de l’Union. Je tiens à féliciter les Irlandais pour ce vote qui est également une grande victoire pour l’Union. Ainsi, la totalité des peuples ou des parlements de l’Union ont ratifié le traité. S’agissant du dépôt des instruments de ratification, nous devons faire face à deux problèmes de procédure, l’un en Pologne (où le dépôt des instruments devrait intervenir très rapidement) et l’autre en République tchèque où la situation est beaucoup plus complexe. En effet, dix-sept sénateurs tchèques ont déposé un second recours devant la Cour constitutionnelle, qui s’était prononcée précédemment en faveur du traité. Nous saurons vers la mi-octobre dans quel délai une décision juridictionnelle est susceptible d’intervenir et de débloquer la situation.

Les négociations pour les nominations n’ont pas encore commencé, du fait de la campagne électorale en Allemagne et des incertitudes sur le traité applicable. En outre, c’est le Président de la République qui décidera des nominations pour la France et je ne connais pas sa décision. La suite des opérations permettra d’achever un processus entamé il y a 15 ans, qui s’est révélé destructeur. Cet automne ne s’annonce pas mauvais pour l’Europe ; le président de la Commission européenne a été confirmé à une large majorité, l’élection allemande est parvenue à un résultat clair et le G20 a été un vrai succès. Les progrès obtenus, directement issus de la lettre du Président Nicolas Sarkozy et de Mme Angela Merkel, à laquelle s’est rallié M. Gordon Brown, conduisent à des pistes de réformes sérieuses, par exemple pour le FMI.

Nous sommes à présent en mesure de rentrer dans le vif des politiques à engager avec nos partenaires européens, en particulier la politique industrielle, la défense, l’environnement ou les questions énergétiques, sans oublier l’UPM (Union pour la Méditerranée), importante pour les relations Nord-Sud. J’ai noté l’intérêt de mes interlocuteurs allemands pour ces différents sujets, conscients qu’ils n’arriveront pas seuls à gérer ces problèmes. J’insiste également sur le rendez-vous du 9 novembre, anniversaire de la chute du mur et de la réunification allemande. Cette date, avec celle du 11 novembre, est hautement symbolique et a une importance politique majeure. Ce programme de travail est enthousiasmant et mobilisateur.

M. Michel Herbillon. Je remercie le Président Pierre Lequiller d’avoir pris l’initiative de ces rencontres régulières qui autorisent une discussion libre. Je voudrais faire part de ma préoccupation sur la pédagogie relative au traité de Lisbonne, qui s’impose à présent. Il va falloir expliquer à nos concitoyens le rôle respectif des institutions mises en place.

Je remarque également qu’au-delà du choix des personnes leur nom sera important car elles participeront à la mise en place des institutions. Nous savons que les pratiques, qui ont une très grande importance, dépendront en partie des choix qui seront faits à ce propos. Je suis préoccupé du rôle respectif, et de l’articulation, des quatre pôles qui seront l’incarnation du traité de Lisbonne – président du Conseil européen, président de la Commission, présidence tournante des Etats membres, qui demeure, et Haut représentant pour la politique étrangère.

M. Robert Lecou. Enfin, le paquet institutionnel existe, mais deux sujets m’inquiètent : l’agriculture et le paquet énergie-climat. Nos agriculteurs sont particulièrement anxieux du niveau des cours des produits alimentaires et de la position de la Commissaire à l’agriculture. Je m’interroge sur notre capacité à influencer la Commission. S’agissant de l’adoption du paquet énergie-climat, comment va se présenter l’Europe dans les négociations à venir. Enfin, où en est-on de l’Union pour la Méditerranée ?

M. Daniel Garrigue. Je me réjouis également du résultat du vote irlandais, qui constitue paradoxalement une conséquence heureuse de la crise économique, car celle-ci a contribué à faire prendre conscience aux Irlandais de certains enjeux.

Ma première question porte sur la question du nucléaire en Europe. Le Président américain Barack Obama a annoncé que les Etats-Unis renonçaient au bouclier anti-missiles pour lequel des installations étaient prévues en République tchèque et en Pologne. Il était déjà très regrettable que les Européens ne se soient pas fait entendre lors de l’annonce de la décision initiale. Je m’étonne qu’ils ne se soient pas non plus exprimés lors de cette annonce.

Ma deuxième question est liée à la crise du secteur du lait. Le ministre de l’Agriculture, M. Bruno Le Maire, vient d’annoncer le projet d’un cadrage budgétaire européen pour traiter ce problème. La Commissaire en charge de l’agriculture, Mme Mariann Fischer-Boel, affirmait que l’insuffisance de moyens budgétaires au niveau européen empêchait de résoudre cette crise. Allons-nous réviser notre vision du budget européen ?

Enfin, s’agissant du problème de la sous-consommation des crédits européens par nos collectivités locales, j’estime que cette situation est liée au fait que nous n’avons plus d’actions d’aménagement du territoire. Nous n’avons plus de projets à présenter.

M. Daniel Fasquelle. La sous-consommation des fonds européens est effectivement un vrai problème ; elle est due surtout au fait que la mécanique communautaire conduisant à l’octroi de ces fonds est horriblement compliquée, d’autant que viennent s’y ajouter des procédures lourdes et complexes également au niveau national. Ces procédures sont à repenser entièrement.

En ce qui concerne la situation des agriculteurs, il faut souligner que la Politique agricole commune a évolué en partie en raison de concessions faites par l’Europe au niveau international, dans le cadre des négociations de l’OMC, concessions que l’on n’aurait peut-être pas dû faire. La France devra être très attentive au choix du futur Commissaire européen chargé du commerce extérieur, car les titulaires de cette fonction ont souvent eu une vision trop libérale des échanges.

J’aimerais enfin attirer l’attention sur la situation difficile des marins-pêcheurs. La politique commune de la pêche marche sur la tête, elle conduit à des situations dramatiques et aberrantes, liées notamment au décalage entre les constats des scientifiques et ceux des marins-pêcheurs eux-mêmes sur l’état des stocks.

Le Président Pierre Lequiller. S’agissant du domaine agricole, notre collègue Hervé Gaymard présentera lors de notre prochaine réunion une communication sur la situation du secteur laitier, et notre commission auditionnera le 21 octobre le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche.

M. Didier Quentin. Je rejoins les propos de Daniel Fasquelle en ce qui concerne la pêche, cette politique de l’Union nuit à la popularité de l’Europe dans l’opinion.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur la somme dont vous êtes parvenu à obtenir le déblocage au profit de la région Poitou-Charentes ? Quelles solutions préconisez-vous pour améliorer la préparation des dossiers de financements européens, notamment dans les DOM-TOM ?

En ce qui concerne les réticences du Président Vaclav Klaus, la crainte qu’il ne cherche à retarder sa signature jusqu’à une éventuelle victoire électorale des Conservateurs britanniques est-elle fondée ?

M. le Secrétaire d’Etat. Au sujet des questions transfrontalières, je vous indique que je souhaite lancer rapidement une réflexion d’ensemble.

M. Didier Quentin, pour répondre à vos préoccupations sur les difficultés des collectivités locales, sachez que je suis à la disposition de celles-ci lorsqu’elles ont des projets qui se heurtent à des blocages au niveau de la Commission européenne. Je suis par exemple intervenu récemment en faveur de la révision du programme opérationnel FEDER de la région Poitou-Charentes, à la demande du préfet de région ; je suis également intervenu en faveur du département des Hauts-de-Seine, à la demande du président du conseil général.

MM. Daniel Garrigue et Daniel Fasquelle, la mission que le Gouvernement a confiée, à ma demande, à Mme Sophie Briard Auconie et au Président Pierre Lequiller vise à trouver des solutions pour éliminer les obstacles auxquels se heurtent les collectivités locales en matière de fonds structurels. L’enjeu est de parvenir à des mécanismes simples à utiliser pour constituer les dossiers.

Mon inquiétude est grande au sujet de la sous-utilisation des crédits des fonds structurels par certains départements d’outre-mer. Le retard important qui a été pris entraîne le risque d’un dégagement d’office par la Commission européenne, alors même que ces collectivités ont particulièrement besoin de financements. J’ai alerté le Premier ministre de ce risque. Ma fonction m’amène en effet fréquemment à jouer le rôle de signal d’alarme ou d’aiguillon sur différents sujets.

M. Michel Herbillon a raison de dire que le choix des personnes occupant les postes de responsabilité au niveau européen aura une influence importante sur l’évolution future des postes concernés et de l’Union. Ce choix relève des chefs d’Etat et je ne peux donc pas vous donner d’éléments sur ce qu’ils décideront.

La Commission européenne a décidé de supprimer les quotas laitiers à partir de 2015. La France et l’Allemagne ont réussi à réunir une majorité qualifiée qui a obtenu que soit examinée la possibilité d’un système de régulation des marchés.

Les négociations internationales sur le climat sont très difficiles, mais les positions commencent à évoluer positivement. Par les objectifs qu’elle s’est fixés et les positions qu’elle a adoptées, l’Union européenne se place comme leader dans la lutte contre le changement climatique, alors même que ses niveaux d’émissions de gaz à effet de serre sont inférieurs à ceux des autres acteurs. L’enjeu pour Copenhague est d’entraîner les Etats-Unis et la Chine, principaux émetteurs de gaz à effet de serre, afin qu’ils acceptent des objectifs d’émissions contraignants. Les prochaines échéances européennes, qui permettront de finaliser la position que l’Union défendra à Copenhague, sont le Conseil Ecofin du 20 octobre, le Conseil environnement du 21 octobre et le Conseil européen des 29 et 30 octobre.

Je ne suis pas surpris par l’annulation des accords bilatéraux conclus par la République tchèque et la Pologne avec les Etats-Unis sur la défense anti-missiles. En effet, le Président Obama souhaite signer un accord avec la Russie sur les armes offensives avant la fin de l’année et un tel accord ne pourrait être obtenu si les systèmes de défense anti-missiles étaient mis en œuvre. Ces systèmes ne concernaient pas la protection de l’Europe mais celle des Etats-Unis. Ils découlaient d’accords bilatéraux et n’impliquaient pas l’Union européenne. L’annonce de cette annulation a été mal accueillie en République tchèque et en Pologne car ces deux pays cherchaient à ancrer la garantie américaine. Ce faisant, les Etats-Unis permettent à l’Europe de la défense de progresser.

Les menaces vis-à-vis de l’Europe venues d’Asie centrale ou du grand Moyen-Orient ne disparaissent pas pour autant. La définition des parts respectives que doivent représenter les moyens offensifs, la défense active et la défense passive est un vrai sujet européen. Le Président de la République a souligné dans son discours de Cherbourg en mars 2008 que la dissuasion nucléaire française prenait en compte la dimension européenne. Nous disposons de moyens technologiques variés, avec la veille satellitaire sur les lancements de missiles, les systèmes d’interception. Encore faut-il déterminer nos besoins et débattre de ces questions sous un angle politique.

Je pense que l’attitude des conservateurs britanniques, que je connais bien, s’explique par le fait que les partis politiques qui sont restés longtemps dans l’opposition ont tendance à s’isoler. La gauche britannique a été anti-européenne, la droite française a été divisée sur le traité de Maastricht, la gauche également sur la constitution européenne. Il faut être patients et conscients que le Royaume-Uni n’a pas intérêt à s’isoler de l’Europe, tant au plan économique qu’au plan stratégique.

Nous travaillons activement sur l’Union pour la Méditerranée. La France fera des propositions avant la fin de sa coprésidence en juillet 2010.

M. Philippe Armand-Martin. Si je me félicite, comme chacun d’entre nous, du résultat du referendum irlandais, force est de regretter que, comme d’habitude, les peuples ne prennent conscience de ce que leur apporte l’Europe que dans les moments difficiles, sans apprécier dans les bons moments tout ce que leur prospérité doit à l’Union. C’est un défi important : quels moyens mettre en œuvre pour que nos concitoyens voient en l’Europe autre chose qu’une bouée de sauvetage par gros temps ?

Mme Marietta Karamanli. Les trois Etats du Bénélux ont récemment présenté aux institutions européennes une note commune relative à la mise en œuvre du traité de Lisbonne en relevant notamment qu’à leurs yeux, le futur président du Conseil européen devra non seulement avoir démontré précédemment un profond engagement en faveur de l’intégration européenne mais aussi avoir acquis une connaissance affûtée dans l’ensemble des domaines décisifs où intervient l’Union, ce qui exclut sans doute les ressortissants d’Etats ne participant pas à toutes les politiques européennes. Ces critères vous paraissent-ils pertinents ?

En outre, je souhaiterais vous interroger sur les divers projets de taxation des transactions financières internationales, soit pour abonder un fonds de régulation des crises selon le projet franco-allemand auquel, semble-t-il, le Premier ministre britannique a prêté une oreille attentive, soit afin de contribuer au financement des efforts environnementaux que l’on souhaite voir souscrire aux pays en développement, selon la proposition soutenue le 3 septembre dernier par le Parlement européen.

M. Christophe Caresche. Je salue la nouvelle impulsion que la France donne à sa relation stratégique avec l’Allemagne, dont témoigne notamment un de vos récents articles parus dans la presse. Ce souci, que j’estime légitime et important, contraste néanmoins avec les premiers pas du Président de la République aux lendemains de son élection, qui semblait alors vouloir sortir de l’exclusivité du couple moteur de la construction européenne en faisant notamment une plus large place au Royaume-Uni. Cette politique avait d’ailleurs porté quelques fruits à l’automne 2008, permettant de poser les premiers contre-feux à la panique financière. Quelles raisons motivent ce changement de cap ? Est-ce le réalisme, ou la perspective de plus en plus solide de l’arrivée au pouvoir de conservateurs eurosceptiques à Londres ?

M. Jean Gaubert. Je veux d’abord insister sur l’importance décisive du choix des nouveaux commissaires. Nous verrons à cette occasion si les bonnes intentions généreusement prodiguées sur la régulation et sur la relance économique seront suivies de quelques perspectives tangibles de réalisation. Je suis en effet convaincu que le profil des personnalités qui se verront confier les portefeuilles du commerce extérieur, de la concurrence, du marché intérieur, de l’agriculture et de la pêche en diront plus long que tous les beaux discours.

Dans un même esprit, après les engagements optimistes du G20, nous attendons aujourd’hui du concret sur le front de la régulation bancaire ou des paradis fiscaux. Le récent transfert d’un fonds spéculatif bien connu de Londres à Genève n’incite par exemple guère à la confiance sur ce dernier sujet.

M. Hervé Gaymard. Il me semble en effet qu’il est désormais temps de trancher sur de réelles ambiguïtés européennes.

Je pense en premier lieu à la politique industrielle. Sur les trois questions décisives qui la conditionnent, la localisation des centres de décision et, par conséquent, le degré de concentration accepté dans le marché commun, la tarification de l’énergie, en particulier de l’électricité, et l’effort nécessaire en matière de recherche et développement, les progrès passent inéluctablement par le dépassement de la controverse entre les partisans d’une Europe simple zone de libre échange et ceux qui veulent mettre en place une vraie politique industrielle commune. Cette erreur de parallaxe atteint jusqu’au couple franco-allemand, dont les intérêts économiques et commerciaux tendent concrètement à diverger de plus en plus frontalement.

Dans le même esprit, il faut sortir des logiques cloisonnées qui animent aujourd’hui la politique commerciale de l’Union et sa politique de développement. Comme nous le montrerons avec ma collègue Mme Annick Girardin lorsque nous présenterons un rapport sur les relations entre les pays d’outre-mer et l’Europe, si nous voulons regagner le terrain affectif perdu dans les zones africaines, caraïbe et pacifique et retrouver une crédibilité perdue, nous devrons veiller à ce que les commissaires chargés de la politique commerciale et de l’aide au développement travaillent en commun et portent une forte ambition européenne.

M. François Calvet. Les problèmes transfrontaliers, et l’inexistence d’une politique française de gestion des frontières, sont en effet au cœur du sentiment ambivalent des peuples à l’égard de l’Europe. Je peux témoigner de l’expérience de la Cerdagne. L’hôpital ouvert aux patients de Font Romeu a certes bénéficié de 18,6 millions d’euros de crédits du FEDER. Pour autant, les difficultés et les tracasseries administratives à ces zones frontières restent extrêmement fortes. Je pense ainsi à la redoutable question de la nationalité à accorder aux enfants de parents français nés dans la maternité de Puigcerdá, en Espagne, à quelques kilomètres seulement de la frontière. Je partage donc pleinement votre souci d’avancer pour résoudre ces difficultés quotidiennes.

M. Jérôme Lambert. Au-delà des questions qui ont été posées sur les questions agricoles et industrielles, que j’approuve, je souhaite en évoquer quelques autres.

Des mesures comme une « taxe Tobin » pour financer la politique de l’environnement ou une taxe carbone sont-elles envisagées ?

Concernant le G20, les îles anglo-normandes ont-elles modifié leur législation financière ?

En matière de gestion des déficits et des politiques à mettre en œuvre, y a-t-il des divergences entre la France, dont le Président estime qu’il y a des bons et des mauvais déficits, et l’Allemagne ?

S’agissant des élargissements de l’Europe, où en est-on avec la Turquie, avec qui la Présidence suédoise veut ouvrir de nouveaux chapitres, avec la Croatie, qui a un différend avec la Slovénie, et avec l’Islande ?

M. le Secrétaire d’Etat. Concernant l’Irlande, les réponses données dans un referendum ne correspondent certes pas toujours avec la question posée, mais on ne peut pas dire que ce résultat positif est dû à la peur.

L’Islande a maintenant une dette égale à 11 fois son PIB et ses 350 000 habitants sont terriblement endettés. Je souhaite que les pratiques financières de ce pays soient apurées, en m’étonnant qu’aucune procédure judiciaire ne soit, à ma connaissance, en cours. Cette situation devrait faire partie des critères d’examen de la candidature de ce pays.

Le ministre des Affaires étrangères, M. Bernard Kouchner, s’est exprimé sur la taxe Tobin, qu’il n’a pas été possible d’évoquer au G20.

Celle-ci est différente du mécanisme d’inclusion carbone, qui existe déjà, qui fait partie des options qui ont été retenues dans le paquet énergie-climat, et qui est un moyen d’assurer une concurrence loyale dans les secteurs exposés à une très forte concurrence internationale.

Le Président de la République a bien souligné que la crise avait tout changé. Tout le monde est concerné, la France comme l’Allemagne, deux pays où la dette publique représente plus de 70 % du PIB. Certes, l’Allemagne a un déficit budgétaire moindre que la France, mais les Allemands ont bien conscience que la crise a très durement touché les deux pays, qui restent solidaires.

Il y a en effet des disparités de charges à l’intérieur de l’Europe et une politique transfrontalière reste à développer. Il est essentiel de ce point de vue que les élus expriment leurs souhaits en la matière.

Concernant l’élargissement à la Croatie, onze chapitres sont ouverts et le différend avec la Slovénie est en voie de règlement grâce aux efforts de la Présidence suédoise. Avec la Turquie, nous divergeons quant au but final, mais les discussions se poursuivent.

Le Président Pierre Lequiller. Merci beaucoup M. le Ministre. La Commission des affaires européennes a mis en œuvre le contrôle de subsidiarité avant même la ratification du traité de Lisbonne, avec la mise en place d’une équipe permanente – constituée de MM. Jérôme Lambert et Didier Quentin – à laquelle s’ajoute maintenant l’obligation pour chaque rapporteur compétent sur le fond d’examiner aussi cet aspect.

II. Examen de textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution

Sur proposition du Président Pierre Lequiller, la Commission a examiné des textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution.

Point B

Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a approuvé les textes suivants :

Ø Agriculture

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) n° 1290/2005, (CE) n° 247/2006 et (CE) n° 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) n° 1782/2003 (document E 4563) ;

- proposition de décision du Conseil autorisant la mise sur le marché de produits contenant du maïs génétiquement modifié MON 88017 (MON-88017-3), consistant en ce maïs ou produits à partir de celui-ci, en application du règlement (CE) n° 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil (document E 4726) ;

- proposition de décision du Conseil autorisant la mise sur le marché de produits contenant du maïs génétiquement modifié 59122xNK603 (DAS-59122-7xMON-00603-6), consistant en ce maïs ou produits à partir de celui-ci, en application du règlement (CE) n° 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil (document E 4744) ;

- proposition de décision du Conseil autorisant la mise sur le marché de produits contenant du maïs génétiquement modifié MON 89034 (MON-89Ø34-3), consistant en ce maïs ou produits à partir de celui-ci, en application du règlement (CE) n° 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil (document E 4745) ;

- projet de règlement de la Commission du modifiant l’annexe II du règlement (CE) n° 853/2004 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les informations sur la chaîne alimentaire que doivent obtenir les exploitants du secteur alimentaire gérant des abattoirs (document E 4768) ;

- projet de règlement de la Commission du portant dispositions d’application transitoires des règlements (CE) n° 853/2004, n° 854/2004 et n° 882/2004 du Parlement européen et du Conseil (texte présentant de l’intérêt pour l’EEE) (document E 4771).

Ø Commerce extérieur

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 733/2008 relatif aux conditions d’importation de produits agricoles originaires des pays tiers à la suite de l’accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl (document E 4547) ;

- recommandation de la Commission au Conseil visant à autoriser la Commission à entamer des négociations sur la conclusion d’un accord entre la Communauté européenne et le Canada élargissant le champ d’application de l’accord de coopération douanière et d’assistance mutuelle en matière douanière afin d’y inclure la coopération relative aux questions de sécurité (document E 4713) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la signature et à la conclusion d’un accord de partenariat volontaire entre la Communauté européenne et la République du Ghana concernant l’application des réglementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux de bois et produits dérivés vers la Communauté (document E 4762).

Ø Consommation et protection des consommateurs

- recommandation du Conseil visant à autoriser la Commission à engager des négociations avec les Etats-Unis d’Amérique en vue d’un accord sur la coopération et l’échange d’informations dans le domaine de la sécurité des produits de consommation (document E 4669) ;

- projet de décision de la Commission concernant les exigences de sécurité que doivent comporter les normes européennes relatives aux anneaux de bain, aux dispositifs d’aide au bain, aux baignoires et supports de bain pour nourrissons et enfants en bas âge, conformément à la directive 2001/95/CE du Parlement européen et du Conseil (document E 4693) ;

- projet de décision de la Commission concernant les exigences de sécurité que doivent comporter les normes européennes relatives aux dispositifs de blocage des fenêtres et des portes de balcon à l’épreuve des enfants, à monter soi-même, en application de la directive 2001/95/CE du Parlement européen et du Conseil (document E 4694).

Ø Espace de liberté, de sécurité et de justice

- décision relative à l’autorisation donnée à Europol d’engager des négociations avec l’ancienne République yougoslave de Macédoine en vue de la conclusion d’un accord de coopération opérationnelle (document E 4787) ;

- décision relative à l’autorisation donnée à Europol d’engager des négociations avec la Colombie en vue de la conclusion d’un accord de coopération opérationnelle (document E 4788).

Ø Pêche

- proposition de règlement du Conseil établissant un plan pluriannuel pour le stock occidental de chinchard commun et les pêcheries exploitant ce stock (document E 4442) ;

- proposition de règlement du Conseil établissant, pour 2010, les possibilités de pêche et les conditions associées applicables en mer Baltique pour certains stocks halieutiques et groupes de stocks halieutiques (document E 4731) ;

- proposition de décision du Conseil relative à l’établissement de la position de la Communauté à adopter au sein de la Commission des pêches de l’Atlantique du Nord-Est (document E 4766).

Ø Politique monétaire

- proposition de règlement du Conseil concernant l’authentification des pièces en euros et le traitement des pièces en euros impropres à la circulation (document E 4760).

Ø Questions budgétaires

- proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à la mobilisation du Fonds de solidarité de l’Union européenne (document E 4712).

Ø Transports

- projet de règlement (CE) de la Commission établissant des règles d’application pour la certification de navigabilité et environnementale des aéronefs et produits, pièces et équipements associés, ainsi que pour la certification des organismes de conception et de production (document E 4654) ;

- proposition de règlement de la Commission modifiant le règlement (CE) n° 300/2008 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les spécifications des programmes nationaux de contrôle de qualité dans le domaine de la sûreté de l’aviation civile (document E 4657) ;

- projet de règlement (CE) de la Commission fixant les critères permettant aux États membres de déroger aux normes de base communes en matière de sûreté de l’aviation civile et d’adopter d’autres mesures de sûreté (document E 4658) ;

- projet de directive de la Commission du modifiant la directive 2004/49/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les indicateurs de sécurité communs et les méthodes communes de calcul du coût des accidents (texte présentant de l’intérêt pour l’EEE) (document E 4659).

Accords tacites

En application de la procédure adoptée par la Commission les 23 septembre 2008 (textes antidumping), 29 octobre 2008 (virements de crédits), 28 janvier 2009 (projets de décisions de nominations, d’une part, et actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) concernant la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines nominations, d’autre part), celle-ci a approuvé tacitement les documents suivants :

- proposition de virement de crédits n° DEC25/2009 - Section III - Commission - du budget général 2009 (DNO) (document E 4686) ;

- proposition de virement de crédits n° DEC26/2009 à l’intérieur de la section III - Commission - du budget général pour 2009 (DNO) (document E 4687) ;

- proposition de virement de crédits n° DEC18/2009 - Section III - Commission - du budget général 2009 (DNO) (document E 4708) ;

- proposition de virement de crédits n° DEC28/2009 à l’intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l’exercice 2009 (DNO) (document E 4709) ;

- proposition de virement de crédits n° DEC31/2009 - Section III - Commission - du budget général pour l’exercice 2009 (DNO) (document E 4718) ;

- position commune 2004/694/PESC concernant de nouvelles mesures définies à l’appui d’une mise en œuvre effective du mandat du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) (document E 4749) ;

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 661/2008 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de nitrate d’ammonium originaire de Russie (document E 4775) ;

- décision du Conseil portant nomination d’un membre lituanien et d’un suppléant lituanien du Comité des régions (document E 4769) ;

- projet d’acte du Conseil portant renouvellement du mandat d’un directeur adjoint d’Europol (document E 4770).

La séance est levée à dix-sept heures trente-cinq.

*

* *

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mardi 6 octobre 2009 à 16 h 15

Présents. - M. Yves Bur, M. François Calvet, M. Christophe Caresche, M. Michel Diefenbacher, M. Daniel Fasquelle, M. Pierre Forgues, M. Jean Gaubert, M. Hervé Gaymard, Mme Annick Girardin, Mme Anne Grommerch, Mme Élisabeth Guigou, M. Michel Herbillon, Mme Marietta Karamanli, M. Jérôme Lambert, M. Robert Lecou, M. Philippe Armand Martin, M. Jean-Claude Mignon, M. Michel Piron, M. Didier Quentin, Mme Odile Saugues, M. André Schneider

Excusés. - M. Pierre Bourguignon, Mme Marylise Lebranchu, M. Philippe Tourtelier

Assistait également à la réunion. - M. Daniel Garrigue