Protéger la population des risques liés aux substances per- et polyfluoroalkylées : adoption d'une proposition de loi

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Commission du développement durable : Protéger la population des risques liés aux substances per- et polyfluoroalkylées

Mercredi 27 mars 2023, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné puis adopté la proposition de loi visant à protéger la population des risques liés aux substances per- et polyfluoroalkylées. Le texte sera débattu en séance publique le jeudi 4 avril dans le cadre de la journée réservée au groupe Ecologistes-NUPES. Nicolas Thierry (Ecolo-NUPES, Gironde) en est le rapporteur.

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Voir l’examen en commission

Les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) ou « polluants éternels » sont un ensemble de familles de substances chimiques qui regroupent chacune plusieurs combinaisons d’atomes et que l’on ne trouve pas à l’état naturel. Le nombre de PFAS est difficile à évaluer. Si l’OCDE a répertorié 4 700 substances, le rapporteur explique qu’il en existerait entre 10 000 et 12 000. Elles ont pour point commun d’avoir une chaîne d’atomes de carbone et de fluor qui leur confère des propriétés très recherchées notamment un caractère à la fois hydrophobe et lipophobe et une grande résistance à la chaleur. Ces matériaux sont ainsi déperlants, antiadhésifs ou imperméables, aux graisses notamment. Les poêles et casseroles traitées au téflon constituent un exemple emblématique de l’usage de PFAS.

On retrouve ainsi des PFAS dans de nombreux produits et donc dans de nombreux secteurs industriels : dans les emballages alimentaires, des vêtements, certains équipements de sport, les mousses anti-incendie, les produits phytosanitaires, les dispositifs médicaux, les produits de nettoyage, les ustensiles de cuisine, les produits cosmétiques, des matières utilisées pour les revêtements de surface, etc…

L’ensemble de ces substances se caractérise par la grande stabilité chimique et thermique de la chaîne carbonée. Cette stabilité ralentit la dégradation de ces substances dans l’environnement et facilite ainsi l’intégration des PFAS dans des milieux où ils ne devraient pas être présents : dans les sols, dans l’eau, dans l’air et dans les tissus organiques aussi bien des êtres humains que de la faune et de la flore.

Nicolas Thierry explique que depuis plusieurs décennies les PFAS sont détectés dans divers milieux, au niveau mondial, et à des niveaux de concentration élevés. Par effet de bioaccumulation et de bioamplification, ils ont été retrouvés dans divers tissus animaux et humains. Le rapporteur souligne ainsi que selon Santé Publique France, 100 % de la population française présenterait des traces de PFOA et de PFOS dans le corps.

Selon l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable, le principal mode d’exposition aux PFAS reste l’eau potable ou les aliments pollués, qui pourraient être contaminés par des ustensiles de cuisines, des emballages alimentaires ou par des sources résiduelles de PFAS dans l’environnement.

Le rapporteur s’alarme des « sérieux risques » et du « problème sanitaire d’une gravité et d’une portée inédite » que semblent représenter les PFAS : « altération de la fertilité, maladies thyroïdiennes, taux élevé de cholestérol, lésions au foie, cancer du rein et des testicules, réponse réduite aux vaccins ou faible poids à la naissance ».

Selon l’estimation fournie par les États membres de l’Union européenne qui ont déposés auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (Echa) une proposition de restriction de l’usage des PFAS en mars 2023, la quantité globale de PFAS émise à raison de produits nouvellement commercialisés dans l’Union était, en 2020, comprise entre 18 694 et 54 593 tonnes auxquelles s’ajoutent en stock 38 000 tonnes de gaz fluoré.

Le règlement européen POP, issu de la Convention de Stokholm, interdit certains PFAS (les PFOS depuis 2009, les PFOA depuis juillet 2020 et les PFHxS depuis juin 2022). Toutefois, les autres PFAS ne font pas l’objet de règlementation. Ils pourraient cependant faire l’objet de restrictions d’usage dans le cadre de la révision en cours du règlement REACH suite à une proposition de restriction visant spécifiquement les PFAS déposée par plusieurs États membres. Par ailleurs, la révision de la directive relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, transposée par l’ordonnance du 22 décembre 2022, élargit la recherche et la surveillance de certains PFAS dans l’eau potable.

Nicolas Thierry explique que la proposition de loi s’inscrit dans le cadre des travaux récents de la commission du développement durable : une table ronde sur les PFAS du 5 avril 2023 et l’examen de la proposition de loi de David Taupiac (LIOT, Gers) le 31 mai 2023 qui constituait « le premier texte soumis à la Représentation nationale sur les polluants éternels ». La proposition s’inscrit également dans la suite du rapport remis au Gouvernement le 4 janvier 2024 par Cyril Isaac-Cybille (Dem, Rhône) qui avait été chargé d’une mission temporaire sur les PFAS. Le député a présenté les conclusions de son rapport aux commissions des affaires sociales et du développement durable le 6 février 2024.

L’article 1er vise à réduire l’exposition de la population aux PFAS. Il introduit deux principales dispositions. Il vise, d’une part, à interdire dès le 1er juillet 2025 la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de certains produits contenant des PFAS (produit destiné à entrer en contact avec les denrées alimentaires, produits cosmétiques, fart, produits textiles), avant d’interdire tous les produits contenant des PFAS le 1er janvier 2027. L’article 1er vise, d’autre part, à étendre le champ du contrôle sanitaire de l’eau potable à toutes les substances PFAS connues.

Sur le premier point, en commission, les députés ont restreint le champ de l’interdiction de fabrication, d’importation et d’exportation des PFAS aux ustensiles de cuisine, aux cosmétiques, au fart et aux textiles d’habillement qui est, par ailleurs, reportée au 1er janvier 2026. Ils ont également restreint l’interdiction générale aux seuls textiles et ont reporté l’entrée en vigueur de la mesure au 1er janvier 2030 (CD85).

Sur le second point, les députés ont précisé que le décret encadrant la recherche des PFAS dans l’eau potable devrait fixer une liste non limitative de PFAS (CD69).

Enfin, les députés ont créé l’obligation pour le ministre chargé de la prévention des risques d’élaborer une carte publique, révisée chaque année, des sites ayant pu émettre ou émettant des PFAS (CD11).

En commission, les députés ont introduit un article additionnel interdisant les rejets industriels aqueux de PFAS par les installations classées IPCE (CD70).

L’article 2 introduit une redevance assise sur les rejets de PFAS dans l’eau.

Les députés ont introduit un article additionnel créant l’obligation pour les agences régionales de santé de présenter le niveau d’exposition des populations (CD16).