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Assemblée nationale

Commission élargie

Commission Élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des lois constitutionnelles,
de la législation et de l’administration générale de la République

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mercredi 26 octobre 2011

Présidence de M. Jérôme Cahuzac,
président de la Commission des finances,
et de M. Jean-Luc Warsmann,
président de la Commission des lois

La réunion de la Commission élargie commence à neuf heures.

projet de loi de finances pour 2012

Relations avec les collectivités territoriales Avances aux collectivités territoriales

M. le président Jérôme Cahuzac. Monsieur le ministre chargé des collectivités territoriales, le président de la commission des lois, M. Jean-Luc Warsmann, et moi-même sommes heureux de vous accueillir.

Nous sommes réunis en commission élargie pour vous entendre présenter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales »pour 2012. Comme vous le savez, la procédure de la commission élargie est destinée à permettre, entre le Gouvernement et les députés, des échanges aussi vivants que possible. Elle fait cette année l’objet d’une nouvelle organisation, résultant des conclusions du groupe de travail présidé par le président de l’Assemblée nationale. Pour la discussion de la présente mission, un temps global de trois heures a été fixé, les rapporteurs et les porte-parole des groupes disposant chacun de cinq minutes cependant que les autres auteurs de questions devront se limiter à deux minutes.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Monsieur le ministre, je suis très heureux de vous souhaiter la bienvenue au nom de la Commission des lois, avec laquelle vous avez noué d’excellentes relations de travail. Notre Commission est particulièrement attentive aux crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », en raison de la situation extrêmement tendue des finances publiques et des difficultés éprouvées par les collectivités locales pour accéder au crédit.

Au cours des dernières mois, la Commission des lois a travaillé à deux sujets d’une grande actualité. Le premier est bien sûr la recherche d’économies – nous souhaitons parvenir enfin à limiter les doublons, ces services développés concurremment par plusieurs collectivités territoriales et qui sont financés par les mêmes contribuables – et la lutte contre des dépenses dont l’utilité ne convainc pas entièrement. Dans le rapport intitulé « Finances publiques : La France au pied du mur » qu’elle a publié en 2009, la Commission s’est ainsi intéressée aux dépenses de communication.

Elle est d’autre part très soucieuse de simplifier le droit. La complexité des normes coûte très cher aux collectivités territoriales. Nous sommes déjà parvenus à en alléger ou supprimer quelques-unes. Je rends hommage au travail approfondi de la Commission consultative d'évaluation des normes, présidée par Alain Lambert, et je salue l’engagement de notre rapporteur des lois de simplification du droit, Étienne Blanc, et de Pierre Morel-A-L'Huissier, qui vient d'être chargé d’une mission sur la simplification de normes qui pèsent parfois jusqu’à la caricature sur les territoires ruraux.

M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales. Le projet de loi de finances est marqué par un effort sans précédent de maîtrise des dépenses publiques, afin de ramener le déficit budgétaire de l'État à 4,5 % du PIB en 2012 – sachant que le taux de croissance prévu peut être revu à la baisse. Cet objectif oblige tous les acteurs publics à prendre part à l’effort, et les collectivités territoriales sont invitées à y contribuer pour 200 millions d'euros.

L'effort de péréquation au sein de la dotation globale de fonctionnement (DGF) continuera toutefois de progresser. La répartition des dotations de péréquation s’effectuera à partir de la nouvelle définition du potentiel financier, qui tient compte des ressources fiscales des collectivités territoriales telles qu’elles se présentent après la suppression de la taxe professionnelle. Afin d'éviter des variations trop brutales dans les attributions de ces dotations, j'ai souhaité que la loi de finances intègre des systèmes de garantie pour les différentes dotations de péréquation communales et intercommunales. Ainsi, la durée des garanties de sortie pour la dotation de solidarité urbaine (DSU), pour les premières fractions de la dotation de solidarité rurale (DSR) et pour la dotation nationale de péréquation (DNP) est portée à trois ans pour les communes qui cessent d'y être éligibles. En outre, les variations de DNP et de DSR ne pourront être inférieures à 90 % ni supérieures à 120 % du montant perçu l'année précédente. Comme vous le savez, les communes éligibles à la DSU bénéficient déjà d'une garantie de non-baisse.

La répartition doit enfin tenir compte de l'augmentation de la population et, surtout, de la couverture et de la rationalisation en cours de la carte intercommunale.

Le développement de la dotation d'intercommunalité a été provisionné à hauteur de 90 millions d’euros. Là encore, j'ai souhaité introduire des éléments de stabilisation : la dotation d'intercommunalité d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) qui ne change pas de catégorie ne pourra évoluer que dans les limites d’une fourchette comprise entre 90 % et 120 % du montant perçu l'année précédente.

La DSU devrait progresser d'au moins 60 millions d’euros l'an prochain, soit de 4,6 %. La progression de la DSR sera également de 4,6 %, soit de 39 millions d’euros. Le total des dotations de péréquation communale devrait donc dépasser trois milliards d'euros.

Ces augmentations, auxquelles s'ajouteront celle de la dotation de base, qui est fonction de la croissance démographique, et de la dotation d'intercommunalité, seront financées par trois types d'ajustement : un nouvel écrêtement du complément de garantie des communes, qui variera comme l'an dernier en fonction du potentiel fiscal, pour 140 millions d’euros ; l’écrêtement de la dotation de compensation et de la compensation « part salaires » de la dotation forfaitaire des communes, pour 100 millions ; une baisse des variables d'ajustement.

Toutes les communes dont le potentiel fiscal est inférieur à 0,9 fois celui de leur strate démographique verront leur complément de garantie maintenu. Pour les autres, il sera écrêté dans la limite de 6 %.

J'ai souhaité que le Comité des finances locales puisse pourvoir à d'autres équilibres. En particulier si, comme l'an dernier, la provision inscrite pour la dotation d'intercommunalité n'est pas entièrement consommée, il pourra réduire les prélèvements effectués sur le complément de garantie.

La péréquation horizontale connaîtra un développement sans précédent. Le fonds de péréquation des recettes fiscales intercommunales et communales (FPIC) redistribuera, dès l'an prochain, 250 millions d’euros ; au terme d’une montée en charge progressive, ce montant atteindra un milliard d'euros en 2015. Le prélèvement sera fait sur la base d'un potentiel financier agrégé – il intégrera toutes les ressources communales et intercommunales du territoire considéré – et élargi : il intégrera quelques recettes fiscales supplémentaires.

Pour plus d’équité, il se fera par strates. Ainsi, les petites communes ou intercommunalités bénéficieront davantage de ces moyens que les grandes. J’ajoute que ne pas procéder par strates aurait pour conséquence que de très fortes contributions seraient demandées aux grands collectivités, ce qui entraînerait le risque d’une remise en cause du dispositif lui-même.

M. Bernard Carayon, rapporteur spécial de la Commission des finances pour la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et pour le compte spécial « Avances aux collectivités territoriales ». La mission « Relations avec les collectivités territoriales » du budget général ne retrace qu'une petite partie des concours consentis par l'État à ces dernières. Empruntant des canaux multiples, l'effort total est supérieur à 50 milliards d'euros par an, soit 2,5 % du produit intérieur brut, et contribue au financement de l'ensemble des collectivités territoriales.

Même corrigée des effets des transferts de compétences, la dépense locale – 228,5 milliards d'euros, soit 20 % des dépenses d'administration publique – pèse sur les comptes publics et son évolution, sur les trente dernières années, a été plus rapide que celle du taux de croissance de notre économie.

Ce dynamisme de la dépense locale, dans le contexte de crise aiguë de la dette européenne, justifie que les collectivités territoriales soient associées à l'effort de maîtrise des dépenses de l'État engagé par le Président de la République et le Gouvernement depuis le début de la législature. C'est pourquoi le Parlement a décidé, à compter du budget triennal 2011-2013, la stabilisation en valeur des concours financiers de l'État aux collectivités locales, hors fonds de compensation de la TVA et hors compensation de la réforme de la taxe professionnelle. Cette décision donne suite à l'une des propositions avancées par Gilles Carrez et Michel Thénault dans leur rapport de 2010 sur la dépense locale. Ils faisaient valoir que la stabilisation du montant des concours de l'État aux collectivités se justifierait non seulement par la nécessité de maîtriser les dépenses de l'État mais aussi par l'effet inflationniste du niveau des recettes sur les dépenses.

Étant donné ce gel en valeur des concours de l'État, les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » connaissent une évolution excessivement contrainte, qui se combine avec la nature particulière des dotations financées. Définis par la loi, les critères d'éligibilité et d'indexation de ces dotations ne laissent aucune marge de manœuvre aux gestionnaires des programmes. Il n’est donc pas surprenant que les crédits de la mission soient presque intégralement reconduits en 2012. Ils s'élèveraient ainsi à 2 556 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 2 515 millions d'euros en crédits de paiement.

La répartition entre les quatre programmes de la mission est relativement déséquilibrée : les programmes 119, 120 et 121, qui retracent les dotations versées aux différents échelons locaux concentrent 2,22 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,18 milliards d'euros en crédits de paiement. Le programme 122, hétérogène, agrège d'une part des crédits versés à diverses collectivités au titre de la dotation générale de décentralisation ou d'aides exceptionnelles, pour 334 millions d'euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, et, d'autre part, les crédits finançant certaines dépenses de support de la direction générale des collectivités locales, à hauteur de 1,9 million d'euros.

On voit que, pour ces crédits, l'essentiel réside dans l'analyse du contexte macroéconomique et fiscal dans lequel évolueront en 2012 les concours aux collectivités territoriales. Gageons que nos collectivités sauront prendre leur part dans l'effort de redressement des finances publiques.

J’ai, monsieur le ministre, trois questions à vous poser.

Île-de-France exceptée, les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, dont seul le volet « communes défavorisées » a été maintenu en 2011 pour un montant de 449,7 millions d'euros, constituent l'unique mécanisme de péréquation horizontal communal en vigueur. Quel sera leur avenir à mesure que montera en charge le fonds de péréquation des recettes fiscales intercommunales et communales (FPIC) créé par l'article 58 du présent projet ?

Les bases du FPIC avaient été jetées l'an dernier par l'article 125 de la loi de finances. Il était prévu que l'EPCI reverse au moins 50 % des sommes distribuées par le fonds à ses communes membres et que le montant de ces reversements puisse être déterminé à la majorité qualifiée, selon des critères librement fixés. En dépit de quelques imprécisions, ce dispositif avait le mérite d'encourager la négociation au niveau local plutôt que de s'en remettre à une répartition strictement proportionnelle déterminée par la loi. Le Gouvernement accepterait-il d’assouplir ce dispositif afin d’encourager la conclusion d'accords locaux, au sein des EPCI, pour organiser la redistribution entre communes membres ?

L'Assemblée nationale a créé au mois de juin une Commission d'enquête sur les emprunts dits toxiques souscrits par les collectivités locales. Le Gouvernement estimait à l'époque à 7 milliards d'euros l'encours de produits structurés toxiques ; selon la Cour des comptes, il serait plutôt compris entre 10 et 12 milliards d'euros. Pour une estimation plus précise de cet encours, un recensement paraît indispensable. L'obligation de présenter, à compter de 2011, en annexe des documents budgétaires, la structure de la dette de chaque collectivité locale suivant la classification retenue dans la charte de bonne conduite a été prévue par circulaire ; elle fournit désormais le cadre qui faisait jusqu'ici défaut pour réaliser un suivi statistique. Vos services ont-ils lancé un recensement en exploitant ces annexes comptables ? Quand les données seront-elles disponibles ? Quels sont les premiers éléments à votre disposition ?

M. Manuel Aeschlimann, rapporteur pour avis de la Commission des lois. La France s'est engagée depuis deux ans dans une politique de consolidation budgétaire visant à redresser les finances publiques. Pour la seconde année consécutive, les collectivités territoriales vont participer à cet effort en voyant les transferts consentis par l'État en leur faveur stabilisé au niveau atteint en 2010. Elles seront donc doublement touchées par la crise : par la baisse en volume de leur dotation et par les risques de raréfaction du crédit nécessaire à leurs investissements. Mais elles seront aussi plus solidaires, grâce à un développement de la péréquation.

Le gel triennal des transferts de l'Etat prévu par la loi de programmation des finances publiques ne s'applique pas qu'aux seuls 2,56 milliards que représentent les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » : les autres concours de l'État seront de même strictement reconduits par rapport à l'année précédente.

À l'occasion de l'examen des recettes en séance publique, vendredi dernier, un effort supplémentaire de 200 millions a été voté par notre assemblée afin de permettre au budget d'atteindre les objectifs de redressement fixés par la loi de programmation des finances publiques de 2010. L'effort financier de l'État en faveur des collectivités territoriales sera donc en très légère baisse nominale mais en baisse nette en valeur réelle, à proportion de l'inflation prévue en 2012, soit 1,7 %.

Monsieur le ministre, les collectivités devront donc consentir un effort supplémentaire de 200 millions d'euros, afin que les finances publiques puissent suivre le chemin du retour à l'équilibre qui a été tracé. Pouvez-vous leur garantir une clause de « retour à meilleure fortune », notamment si le produit des amendes, majoré en août et amélioré par le passage au procès-verbal électronique, est supérieur aux prévisions ?

Par ailleurs, la crise bancaire a profondément affecté le financement des collectivités territoriales, dont beaucoup, on le sait, ont souscrit des emprunts structurés pouvant se révéler à terme toxiques. Quelles mesures le Gouvernement pourrait-il prendre en faveur de celles qui sont le plus en difficulté ?

Outre cela, les collectivités territoriales connaissent des difficultés de financement de leurs investissements. La Caisse des dépôts vient de débloquer une enveloppe d'urgence de 3 milliards d'euros, mais les spécialistes estiment à 7 milliards d'euros les besoins non satisfaits. Face au risque de contraction du crédit, que compte faire le Gouvernement ?

Grâce à ce projet de budget pour 2012, les collectivités territoriales seront solidaires, à un double titre : vis-à-vis des autres acteurs publics, en se voyant appliquer le même effort budgétaire ; entre elles, au bénéfice des collectivités les plus fragiles, par péréquation. Mais l'efficacité péréquatrice des dotations de l'État déclinant depuis le début des années 2000, le projet de loi de finances prévoit le passage d'une péréquation essentiellement verticale, c'est-à-dire assurée par l'État, à une péréquation horizontale généralisée qui amènera les collectivités les plus riches à soutenir les collectivités les plus pauvres. Est ainsi instauré un fonds de péréquation des recettes intercommunales et communales de 250 millions d'euros. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que les montants alloués à la péréquation ne seront pas touchés par les mesures d'économies supplémentaires, de manière que les collectivités les plus en difficulté ne supportent pas le plus gros de l'effort supplémentaire demandé ?

Face à la crise, les collectivités territoriales ont fait preuve d'une très grande prudence, dans un effort de maîtrise de leurs finances. Cependant, la « maladie de la norme » et ses conséquences financières continuent de grever les budgets locaux. Pourriez-vous préciser comment le Gouvernement associera le Parlement, et en particulier notre Commission des lois, à ce chantier ? Compte-t-il inscrire la proposition de loi déposée par M. Éric Doligé à l'ordre du jour du Sénat ?

Dans un contexte de redressement des finances publiques, le projet de budget qui nous est soumis permettra, au prix d'un effort important des collectivités territoriales, de reconduire en 2012 l'essentiel des concours financiers accordés par l'État, tout en jetant les bases d'un nouvelle entraide entre nos territoires. C'est pourquoi j'inviterai tout à l’heure la Commission des lois à adopter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » pour 2012.

M. le président Jérôme Cahuzac. La parole est aux porte-parole des groupes.

M. Charles de La Verpillière. Le projet de budget des collectivités territoriales a été élaboré dans un contexte particulier. Outre que la crise appelle un effort de maîtrise de la dépense publique et que cette obligation s’impose aussi à elles, nous allons entrer dans la troisième année d’application de la réforme des collectivités territoriales et de la réforme de la taxe professionnelle. Cette dernière a suscité bien des rumeurs dont les collectivités se sont inquiétées, souvent à tort ; aussi est-il bon de montrer, par ce projet de budget, qu’il existe une cohérence dans les choix.

Dans ce contexte, la stabilisation en valeur des concours financiers de l'État aux collectivités locales, décidée à la suite de la conférence sur le déficit de 2010, nous paraît cohérente. Elle s’applique à une enveloppe normée de 50,6 milliards d’euros au sein de laquelle la DGF est elle-même sanctuarisée.

On notera que, même stabilisé, le projet de budget permet des évolutions positives. Ainsi la « clause de revoyure » prévue pour l’évaluation de la dépense de RSA supportée par les départements permettra de réévaluer de 43,3 millions d’euros, de manière pérenne, la compensation qui leur est versée à ce titre. À cela s’ajoutera une mesure ponctuelle : le versement de 54,9 millions d’euros au titre de la compensation de la dépense de RSA pour les années 2009 à 2011.

D’autre part, le Gouvernement reconduit pour la sixième année consécutive le fonds de mobilisation départementale pour l’insertion, doté de 500 millions d’euros. Depuis sa création, un effort cumulé de 3,5 milliards d’euros aura donc été fait, au-delà du droit à compensation du RMI.

Enfin, le Gouvernement accroît son effort en faveur des territoires les plus fragiles par le biais de la DSU et de la DSR, et il renforce la péréquation horizontale.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera les crédits de cette mission.

M. Olivier Dussopt. L’examen des crédits des collectivités territoriales a lieu en effet dans un contexte particulier. Il vient après le débat de la semaine dernière sur le projet relatif à la banque Dexia, projet qui ne laisse pas d’inquiéter les élus locaux car ils perdent, ou peuvent craindre de perdre, un interlocuteur privilégié. Le moment est également celui où l’on peut redouter que les accords de Bâle III ne restreignent l’accès des collectivités au crédit. Cet examen intervient, enfin, dans une situation économique et financière qui contraint aujourd’hui même à un sommet européen dont nul n’est en mesure de prévoir l’issue.

Dans ce contexte, le projet de budget que vous nous présentez nous paraît inadapté. Vous reconduisez pour une année supplémentaire le gel des dotations ; ce gel de quelque 50 milliards aura de graves conséquences sur le pouvoir d’agir et d’investir des collectivités. Même en se fondant sur les prévisions de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) en matière d’inflation, plus optimistes que celles du rapporteur pour avis, et donc en retenant un taux de 1,2 %, on se rend compte que par ce gel vous privez les collectivités de près de 500 millions en euros constants par rapport à l’année dernière. Comme s’ajoutent à cela l’évolution des exonérations de compensation – qui prive les collectivités de plus de 220 millions d’euros – et le fait qu’au titre des missions nouvelles la DGF n’augmente que de 64 millions d’euros – soit 0,2 %, un taux inférieur à l’inflation –, la perte cumulée de pouvoir d’agir des collectivités est au total, sur une base d’inflation optimiste donc, de plus de 720 millions d’euros ; notre collègue Jean-Pierre Balligand a eu l’occasion de le souligner.

En diminuant de la sorte les ressources des collectivités, vous réduisez leur capacité d’épargne et donc d’investissement. Pourtant, dans la situation économique que nous connaissons, leur rôle d’investisseur devrait être encouragé, comme cela avait été fait par le versement anticipé du FCTVA, et non bridé par le gel des dotations.

Le deuxième point que je souhaite aborder – avant, sans doute, plusieurs de mes collègues – est la péréquation. D’une part, le montant des crédits qui y sont consacrés ne nous paraît pas encore suffisant. D’autre part, on est fondé à s’interroger sur la montée en puissance du dispositif. Enfin, le système de strates que vous proposez ne convient pas à certaines collectivités, en particulier aux petites villes centres de quelques dizaines de milliers d’habitants, puisque le potentiel fiscal qui sert de référence n’est pas du tout le même selon qu’une commune compte moins de 10 000 ou 20 000 habitants ou plus de 200 000 habitants. À cause de la distorsion qui en résulte, ces collectivités risquent d’être doublement pénalisées : celles qui tiraient des recettes importantes et dynamiques de la taxe professionnelle et de l’industrie perdront cet avantage sans que la péréquation leur assure une compensation suffisante. Jean-Pierre Balligand y reviendra certainement.

En outre, comme le montrent plusieurs amendements – mais ce n’est pas une critique –, dans ce domaine, on progresse par tâtonnements, les situations sont complexes et les cas particuliers plus nombreux qu’on ne l’imagine. Je songe notamment au cas des collectivités dont le tissu économique est très industriel. Dès lors, l’incertitude demeure quant à la situation bancaire des collectivités au cours des années à venir, quant au devenir de leurs emprunts toxiques et quant au dynamisme de leurs ressources, donc quant à leur capacité à investir.

Chaque année, nous entendons dire que les collectivités doivent prendre part à l’effort de redressement des comptes publics. Cette année comme les précédentes, nous répondons qu’elles assurent plus de 70 % de l’investissement public, qu’elles sont responsables de moins de 9 % de la dette publique totale et que cette dette est gagée sur des immobilisations puisqu’à la différence de l’État, elles ne peuvent pas emprunter pour financer leur fonctionnement. Elles devraient donc être considérées comme des partenaires de la relance économique plutôt que comme les boucs émissaires de la crise de la dette.

Pour toutes ces raisons, le groupe SRC ne votera pas les crédits de cette mission.

M. Michel Hunault. Les deux rapporteurs ont évoqué le problème de l’accès au crédit des collectivités locales, partenaires indispensables à l’investissement public, surtout en période de récession économique. Pour l’heure, la Caisse des dépôts a formulé plusieurs propositions sous l’égide de l’État afin de leur venir en aide, mais il me paraît indispensable de créer une banque des collectivités locales.

M. le président Jérôme Cahuzac. Monsieur le ministre, avant de vous redonner la parole pour répondre aux questions, j’aimerais vous interroger à mon tour sur deux points.

Premièrement, notre Assemblée a voté la semaine dernière une économie supplémentaire d’un milliard d’euros, à laquelle contribueront les collectivités locales, pour 200 millions d’euros, et les opérateurs, par un écrêtement général des taxes qui leur sont affectées. L’application de cette dernière mesure au Centre national du cinéma devait rapporter 70 millions d’euros. Or le Président de la République a déclaré lundi qu’il « n’assum[ait] pas » cette décision, et le CNC s’est réjoui de ce qu’il considère comme un arbitrage du chef de l’État l’exonérant de l’effort général. Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que le manque à gagner qui en résultera n’aura pas à être compensé par les collectivités locales ?

Deuxièmement, un moratoire sur les normes a été décidé par la Présidence de la République et a fait l’objet d’une circulaire du Premier ministre. Pourtant, depuis cette circulaire, à nombre de sessions égal, la Commission consultative d’évaluation des normes, présidée par notre ancien collègue Alain Lambert, a examiné en moyenne 14,6 dossiers par session, contre 14,3 auparavant. Comment comptez-vous faire appliquer la décision présidentielle et l’instruction du Premier ministre afin que le flux de normes ralentisse, à défaut de se tarir ?

M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales. Je ne reviens pas sur le cadre général, défini par les deux rapporteurs. Le jour est bien choisi pour le rappeler, un effort général s’impose si nous ne voulons pas compromettre davantage l’équilibre budgétaire de notre pays et de toute la zone euro.

M. le rapporteur spécial m’a interrogé sur l’articulation entre les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle et les nouveaux outils de la péréquation.

Une remarque générale, d’abord : on s’est interrogé sur l’éventualité d’une minoration, voire d’un abandon progressif de la péréquation verticale au profit de la péréquation horizontale. Rappelons quelques chiffres. La péréquation verticale qui profite au bloc communal représente plus de 3 milliards d’euros, alors que la nouvelle péréquation horizontale entre communes et intercommunalités ne dépassera pas 250 millions d’euros cette année. Même lorsqu’elle aura augmenté pour atteindre un milliard d’euros en 2015, le rapport sera encore de 1 à 3. La péréquation horizontale ne se développe donc pas au détriment de la péréquation verticale, qui demeure et qui continue de progresser.

Jusqu’à cette année, fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France (FSRIF) mis à part, les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) étaient le seul dispositif de péréquation horizontale au niveau communal. Ils procédaient à deux types de reversements : les reversements aux communes dites concernées par les établissements exceptionnels, qui ont été pris en compte dans la compensation de la taxe professionnelle ; les reversements aux communes dites défavorisées, les seuls dont ils s’occupent désormais. Les FDPTP sont dorénavant alimentés par un prélèvement sur les recettes de l’État à hauteur de 416 millions d’euros. Enfin, ces fonds sont très inégaux : outre que quatre départements n’en ont pas, les dotations varient, dans les autres, de 58 000 à quelque 30 millions d’euros !

Tout cela doit nous inciter à réfléchir à l’avenir des FDPTP au moment où le fonds de péréquation des recettes fiscales intercommunales et communales (FPIC) se développe. Comment articuler ces différents fonds de manière à accroître la péréquation – puisque tel est bien l’objectif, comme en attestent plusieurs de vos interventions – sans handicaper les donateurs ?

Votre deuxième question, monsieur le rapporteur spécial, concernait l’assouplissement du dispositif de redistribution des financements des EPCI entre les communes membres. Aux termes de la loi de finances pour 2011, le fonds de péréquation devait procéder au versement auprès des EPCI, eux-mêmes tenus de reverser ensuite aux communes membres au moins 50 % des sommes perçues selon des modalités que ces communes devaient approuver à la majorité qualifiée des deux tiers. L’article 58 du projet de loi de finances pour 2012 s’écarte de ce dispositif : le produit du FPIC revenant à un EPCI éligible est réparti entre celui-ci et ses communes membres au prorata de leurs ressources fiscales.

Cela étant, un EPCI et ses communes membres peuvent décider à la majorité qualifiée de répartir ce produit entre eux en fonction du coefficient d’intégration fiscale ; une fois déterminé le montant revenant à l’EPCI, le montant attribué aux communes est réparti entre elles au prorata de leurs ressources fiscales. En outre, un EPCI et ses communes membres peuvent décider à l’unanimité d’opter pour d’autres formes de reversement. La règle de l’unanimité est indispensable pour éviter que les ressources d’une commune ne soient partiellement amputées par un accord conclu contre son gré au niveau local. Une commune dont les ressources étaient particulièrement élevées, et sont désormais compensées, ne doit pas être dépouillée par les autres sans pouvoir faire valoir ses intérêts.

La troisième question posée par le rapporteur spécial portait sur l’accès au crédit et sur les emprunts toxiques. Je m’attarderai quelque peu sur ces points dans la mesure où ils ont fait l’objet de plusieurs interventions.

En ce qui concerne les emprunts toxiques, nous avons souhaité enrichir les annexes comptables des budgets des collectivités locales d’informations plus complètes sur la structure de leur endettement. En effet, la transparence financière ne peut que contribuer à résoudre ce problème complexe. J’y reviendrai plus en détail lors de mon audition par la Commission d’enquête de l’Assemblée – dont je salue le président –, audition qui aura lieu très prochainement.

Pour obtenir ces précisions, j’ai demandé aux préfets de recenser précisément les informations dont ils disposaient sur le sujet. Les préfectures doivent donc communiquer à la direction générale des collectivités locales (DGCL) un recensement des collectivités dont l’encours de dette inclut des produits dont le risque est classé au-delà de 4 ou de D par la charte de bonne conduite. Elles doivent en outre transmettre une copie de la nouvelle annexe permettant de classer cet encours en fonction de la typologie retenue par la charte.

Grâce à ce recensement, nous disposerons fin novembre de premiers éléments sur la composition de l’encours de la dette de chaque collectivité. D’autre part, nous pourrons identifier les collectivités ayant des lignes de crédit classées de 4 à 6 et de D à F dans la typologie Gissler. Cette dernière consolidation par les services préfectoraux et par la DGCL prendra plus de temps, mais elle permettra une intervention ciblée sur les collectivités les plus touchées. Cela étant, le recensement demeurera imparfait car les services constatent que les collectivités n’ont pas toujours fourni ou correctement rempli les annexes.

En outre, conformément à l’article 5 du projet de loi de finances rectificative adopté par la CMP, mes services établiront, à partir de ces données et des compléments que pourront leur apporter les documents budgétaires pour 2012, un rapport recensant les emprunts structurés contractés par les collectivités territoriales auprès des établissements de crédit, rapport qui sera remis au Parlement au plus tard le 1er juin 2012.

Enfin, compte tenu des difficultés rencontrées par certaines collectivités ayant souscrit de ces emprunts, j’ai demandé à Mme la ministre du budget le concours de ses services afin que le réseau local de la direction générale des finances publiques recense les produits hors charte Gissler indexés sur le franc suisse.

Vous le savez bien, nous n’en avons pas fini avec ce dossier, car les informations dont nous disposons sont encore insuffisantes. Jusqu’à présent, d’après les renseignements qui nous ont été fournis, nous avons évalué à quelque 7 milliards d’euros le montant des emprunts toxiques, mais la Cour des comptes parle quant à elle de 12 milliards. Nous attendons donc de ces recensements des informations complémentaires.

Voilà pour les mesures destinées à assurer l’avenir, mais que faire aujourd’hui ? La Commission d’enquête y réfléchit. Pour l’heure, nous avons décidé de prolonger la mission de l’inspecteur général Éric Gissler et nous suivons le dossier de près. À mon sens, il est difficile de définir une position générale : nous devons étudier au cas par cas la situation des collectivités les plus touchées.

Je songe à une collectivité importante dont le cas m’a été soumis récemment et dont l’encours de dette s’élève à 800 millions d’euros, dont 20 millions environ résultant d’un emprunt dit toxique. Celui-ci a été contracté de manière parfaitement calculée. En effet, au moment de sa souscription, il faisait gagner à cette collectivité environ 1 % par an par rapport à un emprunt non structuré, si bien qu’au bout de dix ans, même en cas d’évolution importante du taux, la situation devait être avantageuse ou, du moins, équilibrée. Aujourd’hui, deux tiers de l’encours résultent d’emprunts à taux fixe, un tiers d’emprunts à taux variable et 20 millions d’euros, je l’ai dit, d’un emprunt structuré ; au total, le taux moyen de remboursement est de 3,09 %. Étant donné cette répartition de sa dette, cette collectivité peut faire le nécessaire pour sortir le moment venu de l’emprunt structuré.

Il n’en va naturellement pas de même des collectivités de petite taille dont la dette résulte pour une part importante d’emprunts structurés, ni des collectivités plus grandes qui auraient réorganisé tout ou partie de leur dette en recourant à de tels emprunts. Nous devons donc prendre en compte cette diversité des situations.

Nous ne sommes pas favorables à la création d’une structure de défaisance. Mais je veux dire au nom du Gouvernement que nous ne pouvons qu’être particulièrement attentifs aux difficultés, parfois très graves, que rencontrent les collectivités. Je le rappelle devant les Commissions ici réunies, le Gouvernement souhaite que toutes les collectivités qui peuvent sortir des emprunts structurés le fassent, sans attendre comme le font certaines que les bonifications encore en vigueur n’aient plus cours.

M. Michel Bouvard. Voilà !

M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales. Je sais en effet que des propositions ont été formulées, dont le secret bancaire ne permet pas de parler plus clairement. Mais nous ne devons pas être confrontés demain à des problèmes qui pourraient être résolus dès à présent. Je le répéterai devant la Commission d’enquête.

Qu’en sera-t-il de l’accès au crédit d’ici à la fin de l’année et au cours des années à venir ? Je vais ici parler sous le contrôle du président du conseil de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et du président de l’Association des maires de France.

Avant et après les vacances d’été, pendant et après la suspension des travaux parlementaires, j’ai rencontré tous les responsables des grandes institutions bancaires qui travaillent avec les collectivités. À l’époque, Dexia n’était pas encore hors-jeu, si j’ose dire. Le besoin de financement non satisfait ou risquant de ne pas l’être était alors évalué à 1,5 à 2 milliards d’euros. Depuis lors, Dexia a connu le sort que vous savez ; elle n’honorera donc pas ses engagements pour 2011. De ce fait, le besoin de financement des collectivités territoriales d’ici à la fin de l’année peut désormais être raisonnablement évalué à 3 milliards d’euros.

Le Premier ministre a indiqué que ces 3 milliards d’euros seraient mis à disposition par la Caisse des dépôts selon le même principe qu’en 2008. Je renvoie à ce que disait à l’époque le président du conseil de surveillance de la CDC. La moitié de la somme serait directement mise à la disposition des collectivités par les directions régionales de la CDC ; l’autre moitié leur serait accessible sous forme de crédit bancaire, grâce à un appel d’offres qui devrait être lancé cette semaine.

En ce qui concerne les taux, il n’est pas question de demander à la CDC de prendre la place des banques auprès des collectivités, mais simplement de satisfaire leur besoin de financement d’ici à la fin de l’année. Nous n’oublions pas en effet que, comme plusieurs d’entre vous l’ont rappelé, les collectivités territoriales subviennent à plus de 70 % de l’investissement public : en période de crise, nous ne devons absolument pas freiner cet investissement en raréfiant leur accès au crédit.

Quant aux perspectives à moyen et long termes, il a été décidé à la suite du démantèlement de Dexia de créer une banque publique des collectivités territoriales, filiale de la CDC et de La Banque postale. J’espère que cette banque, qui sera créée au début de 2012 et qui devrait prendre le relais de Dexia, servira de modèle en la matière. Par ailleurs, je n’oublie pas, monsieur le président de l’Association des maires de France, le projet d’agence publique formé par les collectivités.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous m’avez notamment interrogé sur le produit des amendes et sur la possibilité de faire jouer une clause de retour à meilleure fortune. Le prélèvement sur les amendes de police a effectivement été conçu comme une mesure exceptionnelle et inscrit « en dur », à hauteur de 32,6 millions d’euros. Cela signifie clairement que si le produit de ce prélèvement est supérieur, du fait d’une augmentation du tarif des amendes ou du nombre d’amendes, les collectivités bénéficieront de ce surcroît de recettes.

Je pense vous avoir répondu sur les emprunts toxiques. Quant à la péréquation, la question devra être abordée différemment selon qu’elle concerne la région, le département ou le bloc communal. Nous avons veillé à limiter l’effet de l’économie de 200 millions d’euros, qui ne représente, je le rappelle, que 0,3 % du total des dotations de l’État aux collectivités territoriales.

Au niveau des communes, je l’ai dit, les dotations de péréquation devraient dépasser 3 milliards d’euros en 2012. La dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale augmenteront de 4,6 %. Les dispositifs de « DSU-cible » et de « DSR-cible » seront reconduits : la « DSU-cible » continuera d’être attribuée aux deux cent cinquante premières communes de plus de 10 000 habitants et aux trente communes de 5 000 à 10 000 habitants les plus fragiles. La dotation de développement urbain sera elle aussi reconduite.

Ce développement de la péréquation sera assuré par un écrêtement du complément de garantie de la dotation forfaitaire des communes et par un autre écrêtement de la compensation part salaire. Ainsi, tout en sanctuarisant le niveau de la dotation globale de fonctionnement, nous dégagerons les marges de manœuvre nécessaires à la péréquation.

J'ajoute que la péréquation horizontale va se renforcer significativement avec la mise en place du fonds de péréquation intercommunale et communale. Ainsi, alors que le niveau communal concentre les plus gros écarts de richesse entre les collectivités, les communes continueront de bénéficier d'une progression soutenue de la péréquation. Pour les départements, la reconduction de la DGF à son niveau de l'an dernier va nous conduire à amender l'article 53 de manière à introduire un dispositif comparable à celui qui existe pour la DGF des départements. Ainsi, le complément de garantie de la DGF des départements sera écrêté afin d'alimenter les deux dotations de péréquation – de fonctionnement minimal pour les départements ruraux et de péréquation urbaine pour les départements urbains.

Les départements bénéficieront, pour la deuxième année consécutive, d'une bonne redistribution au titre de la péréquation sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO). J’ai proposé que ces fonds soient modifiés pour créer une mise en réserve lorsque les ressources excèdent un certain seuil. La réserve pourrait être ultérieurement mobilisée en cas de baisse ou de ralentissement des rentrées de DMTO. Ces ressources sont en effet très fluctuantes d'une année à l'autre. Leur croissance, qui était de l’ordre de 35 % en 2010, devrait être encore très forte en 2011 – de l’ordre de 25 % –, mais elles devraient connaître en 2012 une baisse qu’il convient d’anticiper.

Pour les régions, la reconduction de la DGF à son niveau de l'an dernier nous conduira à amender également l'article 57 afin de reporter la réforme de la répartition de la dotation forfaitaire des régions. Concrètement, les niveaux de dotation seront reconduits l’an prochain et la réforme de la péréquation des régions sera menée en cohérence avec la mise en place du fonds de péréquation sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) des régions. La mise en cohérence de la CVAE interviendra également l'année prochaine pour les départements.

Le Gouvernement est conscient des difficultés que rencontrent de nombreux maires, notamment de communes rurales, face à l'avalanche de normes qu'on leur demande d'appliquer – il y en aurait 400 000 ! Très souvent cependant, ces normes sont instituées par la législation et nous avons tous contribué à leur production, considérant qu'il était plus sûr de les inscrire dans la loi que de les laisser aux décrets d'application – ce qui n'exclut évidemment pas le fait qu'un certain nombre soient de nature réglementaire.

La création de la Commission consultative d'évaluation des normes, installée en septembre 2008, a déjà permis de susciter, en particulier dans les ministères, une prise de conscience et une réflexion sur le sujet. Le moratoire instauré en 2010 par une circulaire du Premier ministre est effectif – le caractère nécessaire de chaque nouvelle norme est vérifié, notamment à Matignon –, mais le Parlement et le Gouvernement ne cessent pas pour autant de produire des normes, notamment en vue de l'application des lois. Ainsi, le Grenelle de l'environnement – que nous avons tous souhaité, certains textes ayant même été adoptés à l'unanimité – a été particulièrement productif en la matière et l’application de ces normes abondantes explique le nombre des saisines de la Commission consultative.

Le moratoire ne peut concerner les textes d'application de la loi – vous seriez les premiers à en faire reproche au Gouvernement – et la Commission consultative d'évaluation des normes n'a pas pour fonction de bloquer ces décrets, mais de veiller à ce qu'ils n'excèdent pas ce qui est nécessaire pour l'application des lois. C'est du reste dans cet esprit que les administrations travaillent avec cette Commission. Nous n’en devrons pas moins veiller, lorsque nous produisons un texte législatif comme dans ses déclinaisons réglementaires, à ne pas nous mettre en contradiction avec notre souhait de limiter le nombre des normes.

J'espère donc que la proposition de loi issue de la mission confiée au sénateur Éric Doligé viendra en examen, car elle contient des propositions très intéressantes et utiles, sur lesquelles nous pouvons largement nous retrouver pour tenter de simplifier la vie des élus locaux, notamment dans les petites communes. En attendant, le Président de la République a confié à quatre députés, sous la houlette de M. Pierre Morel-A-L’Huissier, une mission consacrée au volet réglementaire des normes, en vue de proposer rapidement la mise à l'écart ou l'adaptation de celles qu’il est le plus difficile de prendre en compte. Je serai particulièrement attentif à cette réflexion.

Monsieur de la Verpillière, vous avez rappelé que la stabilisation des concours de l'État à 50,6 milliards d'euros s'accompagne de la progression de certaines compensations, notamment pour le RSA. Nous devons également continuer à développer la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale, ainsi que la péréquation horizontale.

Monsieur Dussopt, je ne puis que souscrire à vos propos sur la situation des collectivités. Il est cependant difficile, dans la situation actuelle, de traiter de l'endettement de l'État sans évoquer celui des collectivités locales, même si leur part est très minime dans la dette – de l’ordre de 10 %.

M. le président Jérôme Cahuzac. En 2010, elles ne contribuaient que pour 0,1 % au déficit public.

M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales. Nul ne le conteste. Il n'en demeure pas moins que l'État doit emprunter les montants qu'il reverse aux collectivités : il ne serait pas raisonnable de nier qu'il existe un lien. Si l’on additionne les 280 milliards d'euros reversés du budget de l'État aux collectivités et les 220 milliards d'euros du budget cumulé de celles-ci, on obtient un total de 500 milliards d’euros : alors que, plus que jamais, notre pays est observé de l'extérieur, nous ne pouvons nous limiter à la moitié qui relève de l'État.

Il nous faut donc voir comment agir ensemble pour permettre aux collectivités et à l'État, c'est-à-dire à la nation, de continuer à bénéficier des meilleurs produits d'emprunt. La France rembourse chaque année 49 milliards d'euros au titre des intérêts de la dette. Sachant que ces intérêts sont calculés à un taux de 2 %, on devine ce qu'il adviendrait si nous devions emprunter à 4 %, voire à 5 ou 6 %. Il faut donc, je le répète, considérer l’ensemble des budgets en les agglomérant.

M. le président Jérôme Cahuzac. Pouvez-vous nous assurer au nom du Gouvernement que les collectivités locales ne se verront pas demander de financer de surcroît les 70 millions d’euros correspondant à la part du CNC – qui ne les paiera pas – sur le milliard d’euros d’économies demandées ?

M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales. Je n’ai aucune information qui me mettrait dans la situation de penser le contraire. En d'autres termes, rien ne me permet de penser qu'il pourrait en être autrement.

M. le président Jérôme Cahuzac. Mes chers collègues, M. le ministre est parfaitement sincère en indiquant qu'il n'a pas d'éléments lui permettant de savoir comment ces 70 millions d'euros seraient trouvés si la décision de la Présidence d'exonérer le CNC devait être confirmée.

M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales. Après m’en être entretenu hier encore avec le Premier ministre, il me semble difficile d'imaginer qu'on puisse encore toucher aux concours aux collectivités.

M. Guénhaël Huet. Le projet de budget que vous nous présentez est stable par rapport à l'an dernier sur les quatre programmes consacrés respectivement aux communes, aux départements, aux régions et aux concours spécifiques, ce qui est déjà une bonne chose compte tenu de l'impératif de maîtrise des finances publiques auquel nous sommes tous tenus.

Je poserai deux questions. Tout d’abord, les conditions d'éligibilité à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) – qui, je le rappelle, résulte de la fusion de la dotation globale d'équipement (DGE) et de la dotation de développement rural (DDR) – pourraient-elles tenir compte, au-delà des données de population et de richesse fiscale, des charges spécifiques que supportent les communes centres ?

Par ailleurs, est-il possible de dresser un premier bilan, même partiel, de l'état des compensations et péréquations versées aux communes et aux groupements de communes depuis la suppression de la taxe professionnelle ?

M. Jean-Michel Villaumé. L’effort supplémentaire de 200 millions d'euros demandé aux collectivités territoriales est une réelle atteinte au contrat pluriannuel conclu entre l'État et ces collectivités. Ce sont bien 200 millions d'euros de recettes qui sont soustraits à celles-ci, qui avaient déjà dû accepter le gel des concours financiers de l'État jusqu'en 2014, hors fonds de compensation de la TVA. Ce gel va donc se transformer en baisse.

Les départements et les régions, qui devaient récupérer 77 millions d'euros de plus en 2012 au titre de la dotation globale de fonctionnement, devront en faire le deuil. Quant aux communes, elles pensaient disposer de 30 millions d'euros supplémentaires au titre de la taxe sur les activités polluantes, mais ce ne sera pas le cas. La DGF, qui devait croître de 0,2 %, sera reconduite à son niveau de 2011 : l'économie sera prise directement sur le budget des collectivités. La dotation des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle sera gelée à son niveau de 2011. L'État va ainsi conserver dans ses caisses 38 millions d'euros.

Ce retrait de 200 millions d'euros aura pour effet immédiat, cela a été souligné, de freiner les investissements des collectivités, dont on sait pourtant le rôle vital dans l'économie, notamment locale. De fait, la baisse des recettes d'investissement en 2010 avait eu pour conséquence une chute de 8,3 % des investissements publics locaux. On peut en attendre des conséquences en cascade : la baisse des subventions d'équipement accordées par les départements et les régions a également une incidence sur les capacités d'investissement des communes et des intercommunalités. Ces marges vont donc continuer de se fragiliser en 2012.

Les finances des collectivités locales sont malheureusement devenues une variable d'ajustement. Donner des moyens financiers aux collectivités, c'est leur permettre d'investir, de créer des emplois et de renforcer les services publics de proximité et la solidarité. C'est faire le choix de la croissance.

Mme Marie-Lou Marcel. Les collectivités subissent de plein fouet les conséquences de la réforme des finances locales. Les régions, quant à elles, n'ont plus de levier fiscal. Les ressources de substitution à l'ancienne fiscalité ont une croissance nulle et le gel des dotations entraîne une baisse en euros constants.

Dans le cadre tout d'abord du programme 121, les montants de la dotation générale de décentralisation (DGD) pour 2012 sont identiques à ceux de 2011, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, ce qui représente bien une baisse en euros constants.

Dans la région Midi-Pyrénées, le différentiel des dépenses liées à la décentralisation de 2004 pour les formations sanitaires et sociales, pour le service régional de l'inventaire et pour le transfert des personnels techniciens, ouvriers et de services (TOS), initialement de 2 millions d'euros, s'élève pour la période de 2005 à 2011 à 121 millions d'euros – sans même parler des transports ni de la dotation régionale d'équipement scolaire (DRES), pour laquelle les investissements de la région sont sept fois supérieurs à la dotation.

Pour ce qui concerne le programme 122, le budget destiné en 2012 aux aides exceptionnelles aux collectivités territoriales accuse une baisse très nette par rapport à celui de 2011, tant en autorisations d’engagement qu'en crédits de paiement. Et l’écart ne s'explique pas seulement par la tempête Klaus.

Enfin, il serait intéressant de savoir quel était en 2011 le montant alloué aux communes minières, qui sera en 2012 de 0,3 million d’euros.

J'observe pour conclure qu'en période de crise, les collectivités, notamment les régions, subissent une double, voire une triple peine.

M. Jacques Alain Bénisti. Un fossé – c’est même un gouffre – continue de se creuser entre communes riches et communes pauvres. On ne peut plus continuer de vivre avec des écarts de richesse entre communes qui, pour prendre l’exemple de l’Île-de-France, dépendent de la plus ou moins grande proximité de la capitale, de la situation à l’ouest ou à l’est de Paris, ou encore de la présence de zones d’activités ou de logements sociaux.

En clair : on ne peut plus continuer à concentrer l'activité économique dans l'ouest francilien et le logement social à l'est sans envisager un mode de compensation équitable pour tous. Vous ne pouvez plus, monsieur le ministre, cautionner ces inégalités, cette injustice latente qui plane sur la région parisienne depuis des années. Le fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France (FSRIF), que vous avez évoqué, continue de diminuer et la DSU ne cesse pas non plus de se réduire depuis deux ou trois ans – notamment dans ma commune, qui présente pourtant le 43e potentiel fiscal sur 47 dans le département du Val-de-Marne.

Pouvez-vous nous assurer que le système de péréquation horizontale ou le nouvel indicateur de ressources communales intégré dans la loi de finances prendront enfin en compte le vrai potentiel fiscal et financier de chaque commune, assurant ainsi une juste répartition des richesses ?

M. François Pupponi. En matière de péréquation en Île-de-France, un travail important a été accompli par Paris Métropole, dont le bureau a trouvé un accord unanime sur la nécessité de réformer le fonds de solidarité des communes, disparu avec la réforme de la taxe professionnelle.

Je remercie la direction générale des collectivités locales (DGCL) d’avoir repris une grande partie des propositions de Paris Métropole, mais il reste encore à donner suite à la volonté fortement affirmée par Paris Métropole et par les grands financeurs de ce fonds – dont le montant passera de 180 à 250, voire 260 millions d’euros en 2015 – de concentrer le bénéfice de cette augmentation sur les communes d'Île-de-France les plus en difficulté. Un débat de techniciens est engagé pour savoir si la proposition de la DGCL, reprise dans le projet de loi de finances, va ou non dans ce sens et nous serons très attentifs à cette question. Des amendements seront d'ailleurs déposés à ce propos.

D’autre part, le projet de loi de finances ne permet pas de voir clairement comment sera financé le fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP).

Enfin, le fonctionnement du fonds national de péréquation laisse craindre que les communes pauvres des intercommunalités riches ne soient amenées à le financer alors qu’il n'a évidemment pas vocation à appauvrir encore ces communes.

Mme Sylvia Pinel. Le budget que vous nous proposez menace le rôle de premier plan que jouaient les collectivités locales dans le développement des territoires, dans le fonctionnement des services publics et dans le maintien du lien social. L'État continue en effet de se désengager en gelant leurs dotations. Ainsi, le fait que la dotation globale de fonctionnement n'augmente pas représente une perte de 77 millions d'euros. De même, la dotation des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle restera à son niveau de 2011, ce qui permettra à l'État de garder 38 millions d'euros dans ses caisses.

Ce manque considérable de ressources aura des conséquences catastrophiques pour nos collectivités locales, qui sont les vraies oubliées de ce budget. Comment pourront-elles, tout d'abord, assumer leurs missions obligatoires, alors que les régions sont soumises à des charges structurelles de plus en plus étendues, couvrant notamment les transports, les lycées et la formation professionnelle, et que les départements voient chaque année progresser, avec la précarité, leurs dépenses sociales, qui atteignent 6 milliards d'euros en 2011 ? Le gel de la dotation et la diminution des ressources se traduiront en outre par une nouvelle réduction des projets d'investissements publics, assurés aux trois quarts par les collectivités locales et dont il faut souligner l’importance en matière de développement économique et de soutien à la croissance, donc à l'emploi.

Alors même que la part de l'endettement public local dans la dette nationale n'a cessé de se réduire, les régions vont fatalement connaître un endettement plus important, qui devrait passer de 17 milliards d'euros en 2010 à 23 milliards d'euros en 2013. Parallèlement, l'accès au crédit devient plus difficile et les prêts consentis se raréfient. Selon quelles modalités et quel calendrier la Caisse des dépôts débloquera-t-elle le montant de 3 milliards d'euros annoncé par le Premier ministre ?

Dans ces conditions, il n'est pas acceptable d'imposer une contribution supplémentaire de 200 millions d'euros aux collectivités locales, alors qu'elles ne sont responsables que de 0,1 % du déficit public. Après la très critiquable réforme territoriale et fiscale, vous continuez de les étrangler !

M. Michel Heinrich. Ma question porte sur les taux moyens pondérés, notamment dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle.

En matière de fiscalité locale, le code général des impôts prévoit un lien entre les taux ménages selon le principe des taux moyens pondérés, afin d’éviter des disproportions entre la taxe d'habitation et la taxe foncière. C'est là une chose nécessaire. Toutefois, à la suite de la réforme de la taxe professionnelle transférant aux communes et aux EPCI la taxe d’habitation anciennement perçue par les conseils généraux, le mode de calcul des taux moyens pondérés n'a pas été modifié, ce qui peut avoir pour les contribuables des conséquences importantes.

En effet, lors de la création de nouveaux EPCI ou de la fusion d’EPCI existants – ce qui se produira inévitablement dans les prochains mois –, de nouveaux taux ménages devront être déterminés en stricte application des taux moyens pondérés, aboutissant ainsi à un transfert de la taxe d’habitation vers la taxe foncière.

À titre d'exemple, une communauté d'agglomération qui ne souhaite pas percevoir d'impôt ménages devrait pouvoir ne fixer lors de sa création qu’une taxe d’habitation égale à l’ancien taux départemental, sachant que, selon le principe de la contribution foncière unique – l’ancienne taxe professionnelle unique (TPU) –, ce taux départemental sera débasé des taux communaux. Or, l’application des taux moyens pondérés aboutira à un résultat tout autre. Une simulation portant sur le territoire de la future communauté d'agglomération d'Épinal pose bien les termes du problème : le taux de taxe d'habitation serait de 7,10 %, contre un taux attendu de 12,90 % correspondant à l'ancien taux départemental, et le taux de taxe foncière s’élèverait à 5,20 %, alors qu'il devrait être nul.

Bien que cette situation doive être financièrement neutre pour l’EPCI, elle pose deux problèmes majeurs : pour le contribuable tout d'abord, avec un transfert de fiscalité qui pénalisera les propriétaires fonciers, puis pour les communes membres des EPCI ayant une base de taxation supérieure aux bases de taxe d'habitation, dont les contribuables financeront alors davantage la nouvelle structure.

Sachant que de nombreux EPCI seront concernés par ce problème, est-il envisagé de modifier le dispositif ?

M. François Deluga. Un amendement voté cet été au Sénat, dans la précipitation et sur la base d'une analyse erronée, a amputé les capacités d'assurer la formation de 1,8 million de fonctionnaires territoriaux. Cet amendement tirait en effet des conclusions pour 2012 d’une analyse faite voilà quatre ans de la situation du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) – ce qui s’apparente à fonder le projet de budget que nous examinons sur les données financières de 2004 à 2008 !

Monsieur le ministre, je vous demande, pour sortir par le haut de cette situation ubuesque, de reprendre au nom du Gouvernement l'amendement que j'avais proposé et qui a été déclaré irrecevable. La suppression de 33,8 millions d’euros des crédits du CNFPT amènera en effet les collectivités à payer davantage qu’elles ne le faisaient antérieurement avec le prélèvement de 1 %. Elles ne pourront plus rembourser les frais de déplacement et feront certes des économies de fonctionnement, mais elles ne pourront pas assumer le droit à la formation qui fait partie du statut des fonctionnaires territoriaux et la loi de 2007 ne pourra plus s'appliquer.

Toutes les associations d'élus – Association des maires de France (AMF), Association des départements de France (ADF), Association des régions de France (ARF) et Assemblée des communautés de France (AdCF) – et tous les syndicats demandant le maintien du taux de cotisation à 1 %, mon amendement éviterait une situation conflictuelle. Du reste, le fait que 1,8 million de fonctionnaires se sentent floués ne saurait être sans conséquences l’année prochaine.

M. le président Jérôme Cahuzac. J’ai en effet dû censurer votre amendement au titre de l’article 40 de la Constitution.

M. Guy Malherbe. Les collectivités locales bénéficient de deux dispositifs financiers avantageux, mais qui contribuent, hélas, au déficit du budget de l'État.

Selon le premier de ces dispositifs, le produit des impôts voté par les assemblées locales leur est garanti : si l'État encaisse un montant supérieur au produit voté, il verse l'excédent à la collectivité ; s’il encaisse moins, les dégrèvements sont censés couvrir la perte. Dans tous les cas, le dispositif est avantageux pour les collectivités, qui ont une garantie de percevoir les recettes fiscales votées.

Le deuxième dispositif veut que ce produit voté soit versé tous les mois par douzième, ce qui apporte chaque fin de mois aux collectivités une trésorerie non négligeable et limite leurs besoins de lignes de trésorerie ou d'emprunt.

Si ces dispositifs sont avantageux pour les collectivités, ils pèsent en revanche sur l'exécution du budget de l'État et contribuent dans une proportion non négligeable au déficit de celui-ci. Cela est particulièrement clair pour le versement par douzièmes des recettes d’impôts locaux qui ne sont encaissés qu'à la fin de l'année. Ce dispositif se traduit pour l'État par un décalage entre les dépenses et les recettes, ainsi sans doute que par un écart entre les produits votés et les produits réellement encaissés.

Quels sont les montants en jeu ? Quels gains les collectivités territoriales tirent-elles de ce dispositif et quelles sont les conséquences pour l’exécution du budget de l’État ?

Je terminerai par une information, que vous confirmerez peut-être, monsieur le ministre. Le gouvernement espagnol interdit désormais aux collectivités territoriales d’emprunter à long terme. Madrid a sollicité une dérogation, qui lui a été refusée, et la capitale espagnole a dû vendre des biens immobiliers pour honorer sa dette.

M. Bernard Derosier. À propos des emprunts toxiques, vous avez longuement développé la thèse du Gouvernement, monsieur le ministre, et je vous en remercie, mais se posera à terme le problème de la solidarité de l’Etat avec les collectivités territoriales concernées.

Le Premier ministre lui-même a évoqué une sorte de gel du volet de la loi portant réforme des collectivités territoriales relatif à l’intercommunalité. Pouvez-vous nous confirmer ce gel et nous dire comment il se traduira sur le terrain ?

D’autre part, de quelle manière le Gouvernement entend-il s’associer à l’initiative du président du Sénat qui a récemment proposé d’organiser des états généraux des élus ?

Mme Marie-Josée Roig. Ce projet de loi de finances modifie le dispositif de péréquation territoriale. Les transferts de péréquation dite verticale, de l’État vers les collectivités, se doubleront, à compter de l’an prochain, d’un système de redistribution horizontale, des collectivités entre elles, à travers le fonds national de péréquation des recettes intercommunales et communales. C’est un dispositif utile, mais qui suscite quelques interrogations du fait de sa complexité et des disparités auxquelles il pourrait conduire.

En premier lieu, le niveau retenu est celui de l’intercommunalité et seul le critère de ressources est pris en compte. Or ce dernier peut se révéler défavorable à certaines villes-centres qui, comme Avignon, ont la particularité de disposer de moins de ressources fiscales que leur périphérie.

En second lieu, les contributions des communes aux prélèvements, en l’état de la rédaction du texte, sont adossées à des montants bruts par commune qui ne tiennent pas compte du nombre d’habitants, ce qui va fortement majorer les participations des communes de plus grande taille au sein des EPCI.

Enfin, la définition du prélèvement du nouveau fonds de péréquation ne tient pas suffisamment compte des charges liées à la centralité des communes. Ainsi, dans leur grande majorité, les agglomérations urbaines de plus de 100 000 habitants seraient contributrices à ce fonds sans être suffisamment bénéficiaires de ses attributions en retour. Le solde financier national s’établit au bénéfice des intercommunalités et villes isolées de moins de 20 000 habitants. Ce dispositif pourrait pénaliser les collectivités en position de centralité, les obligeant à relever encore leur taux d’imposition alors que leur périphérie profite de leurs équipements sans pour autant les financer. On pourrait y remédier en prenant mieux en compte, dans les critères de contribution au fonds, l’effort fiscal des collectivités et la part des logements sociaux au titre des charges de centralité.

M. Dominique Baert. Je veux souligner l’incohérence économique qu’il y a à priver les collectivités locales de 200 millions d’euros : cela risque de se traduire par un alourdissement de la fiscalité locale ou par un ralentissement des investissements, ce qui va à l’encontre d’une stratégie de croissance. Par ailleurs, nous souhaiterions avoir des informations sur les prélèvements et reversements qu’effectuera le fonds de péréquation.

Avec Claude Bartolone, j’ai déposé deux amendements visant à contenir très rapidement les effets des emprunts toxiques sur les budgets des collectivités locales. Le premier tend à plafonner le niveau des taux d’intérêt à deux fois le taux des obligations d’État dès lors que l’emprunt serait identifié comme toxique aux termes de la charte Gissler. Le second tend à dispenser les collectivités ayant souscrit de tels emprunts d’indemnités de remboursement anticipé, qui sont d’ailleurs souvent léonines. Les collectivités pourraient ainsi, dans le cadre d’une négociation avec les banquiers, régulariser ces emprunts en en contenant les risques et sans avoir à payer plus qu’elles ne feraient si ces emprunts allaient jusqu’à leur terme. Le Gouvernement envisage-t-il de donner un avis favorable à ces deux amendements ?

M. le président Jérôme Cahuzac. L’article 40 de la Constitution a été opposé à ces deux amendements. En effet, ni le fait de caper les intérêts ni l’interdiction de remboursement anticipé n’ont d’effet sur les finances de l’État. Ce sont deux cavaliers qui ne seront donc malheureusement pas examinés en séance.

M. Michel Diefenbacher. Ma question porte sur la péréquation, mais c’est surtout une question de principe. Les écarts de richesse sont importants entre les régions et entre les départements, mais surtout entre les communes. Et ces inégalités sont encore aggravées par la fiscalité directe locale. Dans une commune riche, la base fiscale étant large, les taux peuvent être bas, ce qui rend la commune attractive. À l’inverse, les communes pauvres, dont la base fiscale est étroite, ont des taux élevés, ce qui dissuade de s’y installer ou de continuer à y résider, et elles deviennent encore plus pauvres. Il faut donc une péréquation. Le problème, c’est que nous en avons deux : une verticale et une horizontale. Deux communes d’un niveau de richesse équivalent sont donc traitées différemment selon qu’elles bénéficient ou non de la dotation de solidarité urbaine ou de la dotation de solidarité rurale. Or la péréquation devrait consister à traiter différemment les communes selon leur niveau de richesse, et non pas selon la zone géographique dans laquelle elles se situent.

Ne faudrait-il pas profiter de la montée en puissance progressive de la péréquation horizontale pour harmoniser, voire pour unifier les critères de répartition de la péréquation horizontale et de la péréquation verticale ? Nous aurions ainsi un système plus simple, plus clair et probablement plus juste.

M. Jean-Pierre Balligand. Les collectivités sont aujourd’hui réellement en grave danger ! Leur contribution à l’investissement public n’est plus de 73 ou 75 % comme on le répète encore : elle est tombée en 2010 à 63 %. Cela ne présage rien de bon pour 2011 ! Il faut donc un changement radical car on est en train de tuer l’investissement public en France.

S’agissant de la péréquation, une solution aurait consisté à calculer le prélèvement de façon uniforme – sans donc distinguer entre les strates – en fonction du potentiel financier agrégé moyen national. C’était le pari que Marc Laffineur et moi-même avions fait dans le travail que nous avons effectué pour le compte de la Commission des finances. Mais ce n’est pas le scénario qui a été retenu. Je vais être très concret, car nous allons devoir nous prononcer sur ce point. Le potentiel financier moyen agrégé pour la strate de plus de 200 000 habitants est de plus de 1 200 euros par habitant alors qu’il est moitié moindre pour la strate de 1 à 10 000 habitants. Certes, dans la deuxième catégorie, certaines communes n’ont que peu de charges, voire pas du tout, parce qu’elles ont à peine une centaine d’habitants, mais d’autres, bien que ne comptant que de 2 000 à 8 000 habitants, supportent de très lourdes charges de centralité. Une vraie péréquation devrait s’opérer en fonction du potentiel financier moyen agrégé national, qui est légèrement supérieur à 900 euros. Je rappelle que le montant du fonds ne sera que de 250 millions, et même quand il atteindra un milliard, dans quatre ans, cela ne sera pas énorme eu égard à l’ensemble des recettes fiscales locales. Nous devrons tous prendre nos responsabilités lorsque nous nous prononcerons sur l’article 58.

M. Michel Bouvard. Jean-Pierre Balligand et moi-même avons veillé à ce qu’il y ait aussi des offres à taux fixe pour les collectivités dans l’enveloppe de 3 milliards.

Je voudrais revenir sur la péréquation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) pour les départements. Comme tous ici, je suis favorable à la péréquation et je comprends la nécessité de contribuer à l’effort général. Cela dit, 200 millions de moindre progression des ressources pour les collectivités, c’est infime, et nous devons être capables de supporter cet effort dans un contexte difficile – étant entendu qu’il ne faudrait pas aller au-delà l’année prochaine.

La péréquation s’opère en fonction du potentiel financier, ou fiscal, mais elle ne prend jamais en compte les écarts de charges entre les départements ou entre les communes. Aucune péréquation ne permet de faire jouer la solidarité nationale au profit des communes de montagne, par exemple, alors qu’elles ont à entretenir un nombre d’ouvrages d’art supérieur de 70 % à la moyenne. Lorsque l’on a institué l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, elles ont reçu une compensation inférieure à celle des autres au motif qu’elles avaient un potentiel financier plus important, et on va maintenant raboter leur surplus de ressources, toujours pour le même motif. On ne peut pas être « péréqué » par les deux bouts ! Il faudra bien un jour tenir compte des écarts de charges, sinon la péréquation ne sera pas juste. Tel est l’objet des amendements que je défendrai.

M. Jacques Valax. Ma question concerne le fonctionnement des collectivités territoriales, mais sous l’angle des conséquences qu’aura la politique du Gouvernement pour les artisans et les PME. Les collectivités sont des acteurs importants du développement économique. Elles ont été à l’origine de 75 % de l’activité des entreprises. Elles permettent aux artisans et PME de nos territoires de travailler. Or, elles sont aujourd’hui littéralement asphyxiées par la baisse des dotations, par l’augmentation des transferts et par les difficulté d’accès au crédit, et, puisqu’elles n’ont plus d’autonomie fiscale, leur seul recours est de réduire l’investissement – leur contribution serait déjà tombée à 63 %, vient de dire notre collègue Balligand. Cette contraction de la commande publique étrangle les PME, rétrécit comme peau de chagrin le carnet de commandes des artisans et contribue à accentuer la crise économique que subissent nos territoires.

J’ajoute un élément supplémentaire à ce triste tableau : le peu d’appels d’offres que nous lançons est capté par les grands groupes qui accaparent littéralement le peu de marchés aujourd’hui lancés. C’est donc tout le tissu économique des PME et des artisans et, par là même, le tissu social de nos territoires qui sont menacés par cette politique de rigueur extrême. L’austérité casse la croissance, nous le répétons tous les jours. Êtes-vous réellement conscient de la situation, monsieur le ministre ? Entendez-vous redonner aux collectivités tous leurs moyens d’action et toute leur autonomie financière et fiscale ?

M. Charles de Courson. À compter du 1er janvier 2012, l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales va s’appliquer et obliger les collectivités territoriales et leurs groupements à contribuer à hauteur de 20 % au moins à la part publique du financement. Mais comment cette disposition s’appliquera-t-elle aux parcs naturels et aux syndicats qui ne disposent pas de recettes propres ? Le Gouvernement est-il prêt à déposer un amendement autorisant des dérogations pour ce type de groupements ?

Vous avez utilisé la part variable de la dotation pour transfert de compensation d’exonération de la fiscalité directe locale et la dotation unique de compensation spécifique à la taxe professionnelle comme variables d’ajustement de l’enveloppe normée, pour la maintenir à zéro – position que je ne critique pas, bien au contraire. Mais un tel abattement va-t-il dans le sens de la justice ? Nous avions déposé un amendement prévoyant une exonération pour les communes dont le potentiel fiscal est inférieur à 0,75 % du potentiel fiscal moyen. Ne faudrait-il pas protéger les collectivités locales pauvres en faisant en sorte que l’abattement ne leur soit pas appliqué ?

S’agissant du financement des collectivités territoriales, vous avez annoncé une enveloppe de 3 milliards de la Caisse des dépôts d’ici à la fin de l’année, mais sera-t-elle suffisante en montant et en durée ? L’installation de la nouvelle banque des collectivités prendra des mois. Ne faudrait-il donc pas prévoir une suite à cette enveloppe ?

Je terminerai par une question indiscrète, monsieur le ministre. Avez-vous donné délégation de signature en matière d’approbation des normes ? Enfin, seriez-vous favorable à un avis conforme de la Commission consultative d’évaluation des normes ?

M. Claude Bartolone. Il n’est pas question pour les collectivités locales de s’exonérer de tout effort au moment où l’État doit en faire, mais on en demande aux départements sur des dépenses dont ils ne décident pas. L’année prochaine, l’écart entre les dépenses et les recettes s’agissant des prestations sociales obligatoires sera de l’ordre de 6 milliards d’euros. Il sera donc extrêmement difficile pour les départements de prendre en charge ce solde sans avoir à supprimer des services publics ou des emplois.

Lorsque la QPC a été déposée, l’avocat du Gouvernement, qui n’a pas dû faire sa plaidoirie sans en parler auparavant au secrétariat général du Gouvernement, a fait la réponse suivante à la demande de financement supplémentaire formulée par les départements : « Il n’y a aucune raison d’aider les départements. Ils n’ont qu’à cesser de financer la culture et le sport. ». Chacun appréciera…

Pour conclure, je ferai mienne la remarque de Michel Bouvard. Prendre en considération les ressources d’une collectivité sans tenir compte de ses charges peut conduire à des aberrations. J’ai ainsi été très heureux de constater que le département de la Seine-Saint-Denis était le vingt-troisième département le plus riche de France !

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Sera-t-il possible de financer sur la DETR, comme on le faisait sur la DDR, une partie des dépenses de fonctionnement des relais de services publics, dont le nombre sera porté par le ministre de l’aménagement du territoire, à ma demande, de 700 à 3 000 ?

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner quelques informations relatives aux solidarités supplémentaires ou acquises pour les petites communes rurales, et sur la dotation de fonctionnement minimale des départements ruraux ?

Enfin, dans le cadre de la mission qui m’a été confiée par le Président de la République, je n’ai pas l’intention de faire un énième rapport sur les normes administratives. Le politique ne pourrait-il pas reprendre la main sur l’administration ? Et la haute administration ne pourrait-elle pas se « ruraliser » un peu ?

M. Vincent Descoeur. Les fonds départementaux de péréquation des DMTO ont produit leurs premiers effets en 2011, à la plus grande satisfaction des départements bénéficiaires qui ont salué l’avènement longtemps attendu d’une péréquation horizontale les concernant. Je m’interroge toutefois sur la proposition de constituer un fonds de réserve pour faire face à de moins bonnes années. Je crains en effet, au vu des prévisions, que cela ne nous amène à constater un niveau de péréquation, c’est-à-dire un montant disponible, inférieur à celui constaté au cours de la première année – de l’ordre de 300 millions contre 440 millions l’an dernier. Or, force est de constater que, dans le même temps, ces départements bénéficiaires n’ont pas vu leur situation évoluer favorablement. Le fait même qu’ils bénéficient du fonds implique d’ailleurs qu’ils enregistrent des hausses de droits de mutation inférieures à la moyenne. L’effet de ciseaux dont ils souffrent, en raison de l’augmentation mécanique des dépenses obligatoires, n’a pu que s’accentuer.

Enfin, ces départements ont bénéficié en 2011 d’une enveloppe de 75 millions d’euros provenant d’un excédent de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, pour les aider à prendre en charge les dépenses de dépendance. Or rien ne nous assure qu’une telle mesure puisse être reconduite – et c’est un doux euphémisme ! Qu’envisage le Gouvernement pour l’année 2012 ? En effet, la réforme de la dépendance n’ayant pu être entreprise, la situation qui avait justifié ce concours particulier n’a pas évolué favorablement depuis.

M. Marc Goua. Comme 140 millions sont prélevés sur la dotation de garantie, l’augmentation de 0,2 % de la DGF est un trompe-l’œil. D’autre part, les dotations de l’ADEME subissent un coup de rabot au moment où les conclusions du Grenelle de l’environnement trouvent leur concrétisation. Enfin, deux chiffres témoignent des séquelles laissées par la réforme de la taxe professionnelle : vous avez été obligés d’ajouter 414 millions à la DCRTP, la dotation destinée à la compenser, cependant que les crédits du FCTVA baissent de 500 millions, ce qui témoigne déjà d’un ralentissement. Nous assistons donc à un transfert de charges au profit des entreprises et au détriment des collectivités.

M. Abdoulatifou Aly. Les dotations de l’État aux collectivités de Mayotte sont très inférieures à celles que perçoivent les communes et départements de métropole et les départements d’outre-mer. Maintenant que Mayotte est devenue département français et que l’égalité s’impose, quand la revalorisation interviendra-t-elle pour que ses collectivités soient traitées comme les autres ? Par ailleurs, qu’en est-il de la dotation générale de décentralisation de la région Mayotte ? La décentralisation est une réalité à Mayotte depuis 2004, mais jamais la Commission nationale d’évaluation des charges ni le Comité des finances locales ne se sont préoccupés de la compensation des charges transférées. Quand sera-t-il remédié à tous ces manquements ?

M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales. Sont éligibles à la DETR, monsieur Huet, les communes de moins de 20 000 habitants sous conditions de ressources. Ces conditions ne sont pas modifiées. En outre, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2011, nous avons revu les conditions d’éligibilité des EPCI afin de les élargir et de les simplifier. Toutes les intercommunalités de moins de 50 000 habitants et dont la ville-centre regroupe moins de 15 000 habitants sont désormais éligibles.

Quant à la taxe professionnelle, elle a été compensée, en 2010 par une compensation relais, en 2011 par le nouveau panier de recettes fiscales ainsi que par la dotation de compensation de la réforme, la DCRTP. En 2010, la compensation relais a représenté 1,1 milliard d’euros de plus que le produit de la taxe professionnelle de 2009. Pour 2011, nous sommes en train d’ajuster la DCRTP à hauteur de plus de 450 millions d’euros. En tout état de cause, la compensation intégrale est assurée au moyen des mécanismes de garantie individuelle des ressources.

J’en viens à la question de Michel Hunault concernant les 200 millions d’euros. Nous nous sommes efforcés de retenir les mesures dont l’impact sur les collectivités territoriales serait le plus limité. Nous avons stabilisé en valeur, au niveau prévu en loi de finances pour 2011, trois concours de l’État qui ne l’étaient pas jusqu’à présent : la DGF pour sa part départementale et régionale, la dotation qui alimente les fonds de péréquation de la taxe professionnelle et le produit des amendes. Cette stabilisation permet de réaliser une économie globale de 148 millions d’euros. Elle est cohérente avec la stabilisation présentée dès le projet de loi de finances de la DGF des communes et des principaux concours de l’État.

Les 52 millions d’économies restantes ont été obtenus en supprimant ou en mettant à zéro trois concours de l’État qui sont d’un montant limité : ainsi le fonds de concours « catastrophes naturelles » n’est pas doté cette année, compte tenu des excédents de ressources des années précédentes qui sont encore disponibles ; la dotation dite « taxe TGAP granulats » est supprimée avant d’entrer en vigueur en raison de difficultés techniques – je vous assure qu’il serait vraiment très compliqué de la mettre en œuvre – ; enfin, la compensation sur les jeux automatiques, dont le montant moyen par collectivité est très faible, est également supprimée – 9 millions d’euros au niveau national.

L’amendement relatif à la stabilisation en valeur de la DGF nécessite une coordination en deuxième partie.

À l’article 57, je proposerai de reconduire pour 2012 les montants individuels de la DGF des régions et de repousser à 2013 la réforme de la péréquation régionale. Celle-ci pourra alors être mise en œuvre en cohérence avec la mise en place du fonds de péréquation de la CVAE des régions.

À l’article 51, je proposerai d’alimenter les dotations de péréquation de la DGF des départements en opérant un écrêtement sur le complément de garantie de leur dotation forfaitaire. C’est tout simplement la transposition aux départements des principes déjà mis en œuvre pour les communes. Certains ont dit qu’il n’y aurait plus de péréquation sur la DGF, mais cette péréquation est maintenue, bien évidemment. Je rappelle qu’au niveau du bloc communal, la péréquation verticale porte toujours sur 3 milliards, avec une légère augmentation dans certains domaines.

Croyez-moi, je suis conscient des problèmes que les régions ont pour se financer. Je ne nie pas les difficultés que rencontrent les communes, les intercommunalités et les départements mais elles disposent, elles, de peu de ressources propres : 10 % en moyenne, dont une bonne partie, liée à la TIPP et aux décisions du Grenelle, a atteint son niveau plafond. Bien souvent, il ne reste que les ressources provenant de la carte grise. Les marges sont donc très faibles. Il faudra par conséquent s’attaquer à ce chantier.

Dans le programme 122, les aides exceptionnelles sont effectivement en baisse. Mais ce chapitre est alimenté notamment par la réserve parlementaire, qui se vote par amendement. Le montant en question ne pouvait donc apparaître dans le projet de loi de finances. Lorsque l’amendement sera adopté, les aides exceptionnelles retrouveront le niveau prévu.

Monsieur Bénisti, vous avez évoqué le fossé qui existe entre les communes pauvres et riches et, en particulier entre l’est et l’ouest franciliens. Et vous avez suggéré d’adopter une gamme d’indicateurs plus large, tenant compte non seulement des recettes mais aussi des dépenses liées à la centralité ou à la population. Nous nous efforçons précisément d’accroître le nombre des critères pris en compte.

Cela me conduit à revenir sur les péréquations verticale et horizontale. Nous ne pouvons les considérer isolément : il faudra surveiller l’évolution des deux, en parallèle, faute de quoi nous nous exposerions à des effets induits inverses de ceux que nous recherchons, en particulier pour les communes dites riches. Celles-ci sont déjà taxées parce qu’elles ne perçoivent pas autant que les communes dites pauvres, mais redeviennent contributrices au travers de la péréquation horizontale. Vous l’aurez remarqué, la DSU et la DSR augmenteront toutes deux de 4,6 %, contre 6,2 % l’année précédente. Certes, elles doivent progresser mais on ne peut indéfiniment recevoir moins et donner plus. Cela ne signifie pas que Paris ou Neuilly vont devenir pauvres brutalement, mais il y a là un risque auquel nous devons être attentifs.

Faut-il ou non prendre en compte les strates ? Monsieur Balligand, avec les strates, les petites communes ou intercommunalités de moins de 10 000 et de moins de 20 000 habitants sont bénéficiaires. Sans les strates, elles le seraient plus encore. Tant mieux, me direz-vous. Mais, dans ces conditions, seraient seules contributrices les collectivités de plus de 100 000 ou de 200 000 habitants. Dès lors, des collectivités moyennes de 50 000 habitants, par exemple, ne seraient plus « ponctionnées ». Or des communes de cette taille ne sont pas forcément pauvres. Il ne me paraîtrait pas normal que des strates entières soient ainsi exonérées. Nous avons eu le souci d’anticiper mais si l’on nous propose une autre solution qui permette de tenir sur la durée, nous l’examinerons.

Monsieur Bénisti, vous avez également évoqué une baisse de DSU ou de DGF dans votre commune. Globalement, la DSU continue d’augmenter et la DGF est sanctuarisée. Mais des variations peuvent intervenir, par exemple si la population a baissé dans la commune, ce qui peut arriver quand des changements de structure familiale entraînent une baisse de la densité par appartement.

Monsieur Pupponi, je confirme que le Gouvernement s’est très largement inspiré des travaux effectués par Paris Métropole. Nous n’avons pas cherché à imposer une solution comme si nous savions mieux que d’autres. Vous l’avez indiqué, la péréquation au travers du FSRIF va déjà augmenter de façon sensible ; or on va y ajouter la péréquation nationale. Nous nous efforçons de limiter l’impact total de la fiscalité pour ne pas ponctionner plus de 15 %.

Vous avez rappelé par ailleurs que le fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle alimentait le fonds de compensation des nuisances aéroportuaires. Je vous confirme que nous ne remettons pas en cause le fonds de péréquation même si nous ne l’augmentons pas, et que nous toucherons pas non plus au fonds de compensation.

Madame Pinel, nous souhaiterions tous que les collectivités puissent continuer à disposer de plus de moyens tant en fonctionnement qu’en investissement. Mais, dans la situation actuelle, il ne suffit pas de dire : « il faudrait que ». Je rappelle que, bien que les recettes de l’État aient baissé de 20 %, le Gouvernement n’a pas diminué les dotations aux collectivités. Le niveau en est resté stable. Certes, au regard de l’augmentation du coût de la vie, ce n’est pas satisfaisant pour les collectivités. Mais gardez à l’esprit qu’une simple hausse de 2 % des taux d’emprunt de l’État aurait des conséquences majeures pour tous. Réaliser une économie globale d’un milliard aujourd’hui nous permettra peut-être d’éviter demain des dizaines de milliards de dépense. Il me paraît légitime que les collectivités participent à cet effort collectif.

En ce qui concerne les régions, je ne peux que répéter que nous devrons travailler à améliorer leur financement. Je suis conscient qu’elles ont des dépenses importantes à assumer, par exemple en matière de transport ferroviaire. Il faut éviter qu’elles n’aient à reporter des investissements indispensables.

Monsieur Heinrich, votre question était très technique. Je vous propose donc, si vous en êtes d’accord, de vous faire parvenir la réponse par écrit.

Monsieur Deluga, j’ai bien compris que le président du CNFPT ne souhaitait pas cette modification du taux de cotisation, qui a été ramené de 1 % à 0,9 %. Cela étant, le Centre, en tout cas aujourd’hui, a encore les moyens de fonctionner, même si nous savons que ceux-ci vont être mis à mal par les besoins de formation des quelque 1,8 million de fonctionnaires qui en relèvent. Nous reprendrons ce dossier car nous ne pourrons maintenir indéfiniment le taux à ce niveau. Mais il n’appartient pas au ministre des collectivités territoriales de revenir sur une décision qui a été entérinée.

Monsieur Malherbe, pour la tarification des prêts, on part en principe du taux du livret d’épargne populaire plus 135 points, ce qui revient au même que le taux du livret A plus 180 points. Pour les index, il y a quatre propositions : le taux du livret A, celui de l’inflation, l’Euribor et le taux fixe, ce dernier étant plus élevé pour prendre en compte le risque. Quant à la durée des emprunts, elle serait de deux à quinze ans.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur ce qui allait se passer jusqu’à la fin de l’exercice 2011. L’enveloppe de trois milliards d’euros répond à cette préoccupation. En janvier 2012, les banques traditionnellement partenaires des collectivités territoriales prendront le relais et n’auront pas de problème pour répondre aux demandes dans la mesure où nous serons en début d’année. Ensuite, nous disposerons de la nouvelle banque des collectivités.

Vous nous dites, monsieur le président Derosier, que le Premier ministre aurait annoncé un gel de la réforme de l’intercommunalité. Je le répète, il n’y a pas de gel de la réforme. Elle pourra être mise en œuvre dès le 1er janvier 2012 dès lors que le schéma départemental aura été adopté dans un très large consensus – l’Association des communautés de France, qui représente les intercommunalités, souhaite qu’il en soit ainsi – mais, lorsque cela ne sera pas le cas, la loi nous permet de reporter au-delà du 31 décembre.

Le président du Sénat a suggéré de tenir des états généraux des élus. J’ai indiqué récemment devant l’Assemblée des départements de France que le Gouvernement entendait travailler avec les élus et leurs associations sur différents chantiers.

Mme Roig est revenue sur la question de la péréquation horizontale et sur les dépenses spécifiques aux villes-centres. Toute généralisation impose des désagréments car chaque cas est particulier. En organisant une péréquation horizontale tout en conservant la péréquation verticale, nous allons essayer de nous rapprocher le plus possible de l’équité. Je l’ai dit, j’admets qu’il faut remettre l’ouvrage sur le métier et, sans doute, aller plus loin, mais il faut veiller à ne pas compliquer le système à l’extrême au risque de le rendre ingérable. Plus nous introduirons de paramètres et plus nous prendrons ce risque. Nous avons essayé de tenir compte des particularités les plus générales par strates ou par catégories avec le souci d’aller le plus loin possible dans la péréquation. Je comprends qu’on puisse souhaiter fonctionner sans les strates mais, dans ce cas, on ne pourrait pas prendre pas en compte les effets de centralité. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi de les garder.

Monsieur Baert, je ne reviendrai pas sur les 200 millions d’euros. Quant aux simulations, nous les avons envoyées à tous ceux qui étaient concernés.

M. le président Jérôme Cahuzac. Le rapporteur général et moi-même avons envoyé hier un courrier, signé de nous deux, à chaque président de groupe.

M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales. M. Diefenbacher a insisté sur l’accroissement des inégalités entre régions, départements et communes du fait de la fiscalité. J’ai moi aussi un sentiment d’insatisfaction même si je trouve que nous allons dans la bonne direction. C’est un sujet de fond qui devra être examiné au sein du Comité des finances locales ou faire l’objet d’un travail en coproduction entre le Parlement, les associations et le Gouvernement. Il faut que nous parvenions à être plus en phase avec les réalités du terrain et avec les spécificités de chaque type de collectivité sans pour autant tout remettre en cause.

M. le président Bouvard s’est dit favorable à la péréquation mais considère qu’on ne pourra pas aller très loin si l’on ne prend pas en compte les différences de charges. Je partage son avis. C’est précisément l’une des raisons pour laquelle je n’ai pas voulu augmenter trop la DSU et la DSR.

Je suis sensible à vos propos, monsieur Bouvard. Il est vrai que certaines communes de montagne – qui disposent de ressources spécifiques, comme la taxe sur les remontées mécaniques qui leur assure peut-être un petit pécule – doivent aussi faire face à des charges spécifiques. Il en va de même pour les communes dotées d’un casino et qui doivent gérer la clientèle de ces établissements... (Sourires.)

Monsieur Valax, nous savons qu’il faut garder un espace pour les artisans et pour les PME. C’est la raison pour laquelle avons souhaité maintenir globalement les reversements de l’État aux collectivités. Je rappelle les chiffres : 98 milliards en 2010, 99 milliards en 2011, 100 milliards environ en 2012. Ce n’est certes pas le Pérou mais l’augmentation sera tout de même de deux milliards en deux ans.

Monsieur de Courson, on va s’occuper des 20 % sur les parcs naturels : je l’ai dit au cours de leur assemblée générale qui s’est tenue très récemment à Saverne, dans le pays de la Petite-Pierre. Quant à la délégation de signature, vous le savez mieux que personne, on ne peut en donner pour les décrets.

Monsieur Bartolone, vous avez soulevé un réel problème, que j’ai d’ailleurs évoqué dernièrement devant le Comité des finances locales : nous n’avons pas de lieu où débattre des décisions souhaitées par l’État. Les collectivités n’ont pas voix au chapitre. Président d’un conseil général, je réagissais toujours très mal lorsque j’apprenais par le chef des pompiers que le ministre de l’intérieur avait fixé de nouvelles conditions de recrutement et d’avancement. Je considérais qu’il aurait été utile d’associer très en amont les présidents de conseils généraux à cette décision. Nous nous efforçons de le faire aujourd’hui. Mais les modalités d’association méritent effectivement d’être améliorées. Il y a là un vrai travail d’approfondissement de la décentralisation.

Pierre Morel-A-L’Huissier, oui, on peut financer du fonctionnement sur la DETR, notamment pour le lancement de projets : c’est acquis depuis la loi de finances pour 2011.

Pourquoi constituer une réserve sur les DMTO ? L’an dernier, avec l’écrêtement, le montant du fonds de péréquation s’établissait à 440 millions d’euros. L’augmentation devrait être de 25 % en 2011. Sur 7 milliards, cela nous donnerait un surplus de fiscalité de 1,7 ou 1,8 milliard. Le fonds de péréquation serait donc à nouveau relativement important : de 400 à 500 millions d’euros. Mais le risque de fluctuation des DMTO sera grand en 2012. Il serait bon dès lors de réserver une partie de la somme pour permettre des lissages ultérieurs. Les départements fragiles auront peut-être peu de ressources dans les années à venir.

Monsieur Goua, l’ADEME ne relève pas du champ d’intervention de mon ministère.

S’agissant de Mayotte, je vous propose de vous répondre par écrit, monsieur Abdoulatifou Aly.

M. le président Jérôme Cahuzac. Nous vous savons gré, monsieur le ministre, d’avoir tenu à répondre aussi précisément à chacun.

La réunion de la commission élargie s’achève à onze heures trente.

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