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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 31 mars 2009

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Rudy Salles

1. Protection de la création sur Internet

Discussion des articles (suite)

Article 2 (suite)

Amendements nos 273, 52, 183 (sous-amendement), 184 (sous-amendement), 205 (sous-amendement), 500 (sous-amendement)

Mme Christine Albanel, ministre de la culture

Amendement no 184 (sous-amendement)

Rappel au règlement

M. Patrick Bloche

Suspension et reprise de la séance

Rappels au règlement

M. Patrick Bloche

Mme Martine Billard

Article 2 (suite)

Amendement no 182 rectifié (sous-amendement)

Rappel au règlement

M. François Brottes

Article 2 (suite)

Amendements nos 274 (sous-amendement), 501 (sous-amendement), 291 (sous-amendement), 185 (sous-amendement), 290 (sous-amendement)

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 292 (sous-amendement), 502 (sous-amendement), 275 rectifié (sous-amendement), 293 rectifié (sous-amendement), 503 (sous-amendement), 260, 261, 379

Rappels au règlement

M. Christian Paul

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois

Suspension et reprise de la séance

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Brard

Article 2 (suite)

Amendements nos 262, 380 rectifié

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Rudy Salles,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Protection de la création sur Internet

Suite de la discussion d'un projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet (nos 1240, 1486, 1481, 1504).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 273 à l’article 2.

Article 2 (suite)

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour pour présenter l’amendement n° 273.

M. Jean Dionis du Séjour. J’associe volontiers M. Bloche à la défense de mon amendement : il en avait présenté un semblable, qui a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.

Afin que les personnes faisant l’objet des mesures prévues aux articles L. 331-24 à L. 331-29 du code de la propriété intellectuelle, c'est-à-dire les personnes qui recevront des messages électroniques et des lettres avec accusé de réception de la part de la HADOPI, puissent obtenir toutes les informations nécessaires, mon amendement prévoit que cette Haute Autorité mettra à leur disposition un numéro d’appel téléphonique, les appels étant facturés à l’abonné au prix d’un appel local.

Il s’agit d’une mesure minimale mais, élémentaire, elle est aussi de bon sens. Madame la ministre, les centristes soutiennent le mécanisme de détection que vous défendez pour ce qui concerne l’envoi de messages et de lettres avec accusé de réception – pour le reste, on verra ! Toutefois, ce mécanisme est loin d’être parfait et vous aurez à gérer un important taux de réclamations et d’erreurs. Or la création d’un centre d’appel de la Haute Autorité constituerait un commencement de traitement de ces erreurs. Il serait totalement contre-productif de laisser les abonnés se retourner vers leurs fournisseurs d’accès. Le système que nous proposons constituerait, en quelque sorte, le premier élément d’une gestion du mécanisme de détection.

Avec 10 000 messages et 3 000 lettres avec accusé de réception envoyés chaque jour, nous avons à l’évidence affaire à des procédures de masse pour lesquelles les taux d’erreurs envisagés se situeraient entre 20 et 30 %. Il faudra bien gérer les contestations. Le numéro d’appel dont nous proposons la création est un moyen de le faire.

M. le président. La parole est à M. Franck Riester, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République pour donner l’avis de la commission.

M. Franck Riester, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république. Comme Jean Dionis du Séjour, je souhaite que la Haute Autorité ait un lien avec les titulaires des accès Internet, et que les internautes puissent entrer en contact de la façon la plus facile possible avec elle. Précisément, il s’agit d’un des éléments majeurs de l’amendement n° 52 que nous devons examiner immédiatement après l’amendement n° 273.

M. Patrick Bloche. Mais non !

M. Franck Riester, rapporteur. Cet amendement donnera satisfaction aux demandes de M. Dionis ; il précisera même, de façon plus large que l’amendement n° 273, les diverses modalités selon lesquelles on pourra entrer en relation avec la Haute Autorité.

M. le président. La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Comme vient de le dire le rapporteur, l’amendement n° 52 reprend l’idée de M. Dionis du Séjour, à laquelle nous sommes favorables.

Je suggère donc à Jean Dionis du Séjour de retirer son amendement au bénéfice de l’amendement n° 52.

M. le président. Monsieur Dionis du Séjour, que répondez-vous à la commission et au Gouvernement qui vous demandent de retirer votre amendement ?

Mme Martine Billard. Mais l’amendement n° 273 n’est pas du tout satisfait !

M. Jean Dionis du Séjour. En ce début de séance, j’aurais vraiment envie d’être agréable à Mme la ministre, mais en lisant rapidement l’amendement n° 52, je n’y retrouve pas les ingrédients de l’amendement n° 273.

Madame la ministre, je suis au désespoir de ne pouvoir vous être agréable, mais je maintiens mon amendement.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Pour ma part, je ne partage pas le désespoir de Jean Dionis du Séjour car mon objectif n’est pas d’être agréable à la ministre ou au rapporteur,…

M. Philippe Gosselin et Mme Françoise Guégot. Cela, on le savait !

M. Patrick Bloche. …mais simplement de dire notre opposition à ce texte.

Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche a l’ambition d’éviter de créer une fracture bien inutile entre nos concitoyens. Nous voulons éviter d’opposer les créateurs et les internautes ; en un mot, les artistes et leur public. Madame la ministre, puisque vous prétendez, bien injustement d’ailleurs, que votre dispositif est pédagogique et dissuasif, le moins que vous puissiez faire, c’est bien d’accepter l’amendement de Jean Dionis du Séjour !

Un amendement semblable du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche n’a pas franchi l’obstacle de l’article 40 de la Constitution. À l’attention des nombreux internautes qui nous regardent, je précise que cette disposition de la Constitution rend irrecevable les amendements créant ou aggravant une charge publique. Pour notre part, nous souhaitions que le centre d’appel dispose d’un numéro gratuit, une sorte de numéro vert.

Il semble tout de même bien normal que les internautes qui s’interrogent puissent obtenir un minimum d’informations sur le dispositif que vous mettez en place, pour peu que ce dernier soit réellement dissuasif et pédagogique – ce que nous contestons. Puisque, lors de la réception d’un premier mail d’avertissement, il n’est prévu aucune procédure contradictoire, quoi de plus simple que de passer un coup de téléphone pour interroger la Haute Autorité ? S’il y avait erreur – et nous avons été nombreux à signaler qu’en la matière le risque était important –, cela éviterait que naissent des contentieux inutiles qui se poursuivraient lors de l’étape de la lettre recommandée, puis lors d’une éventuelle suspension de l’abonnement à Internet.

Nous voulions un centre d’appel gratuit mais, dans le contexte contraint dans lequel nous travaillons, nous nous contenterions de la création d’un centre d’appel téléphonique payant – au prix d’un appel local – prévue par l’amendement de M. Dionis du Séjour. Cette possibilité d’un contact direct est en tout cas une nécessité !

L’amendement n° 273 permet d’introduire dans le dispositif de la médiation et du dialogue.

M. Jean Dionis du Séjour. Exactement !

M. Patrick Bloche. Il permet de donner une bonne information sur les missions de la HADOPI. Compte tenu du nombre d’erreurs possibles – au moins un tiers d’erreurs selon nos estimations –, cet amendement évitera surtout des contentieux inutiles. Il faut que nous puissions prévenir plutôt que guérir.

M. Jean Dionis du Séjour. La ministre va se ranger à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. J’avais également déposé un amendement similaire devant la commission des affaires culturelles.

En proposant la création d’un numéro vert, je n’avais pas été aussi astucieuse que M. Dionis. Comme en témoigne le rapport pour avis de la commission des affaires culturelles, la rapporteure m’a répondu : « Je suis favorable au principe de cet amendement. Mais je crois qu’une telle disposition a un coût. L’amendement pourrait donc être déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. » Mon amendement avait ensuite été adopté. Il y avait donc bien un accord sur le fond, même si aujourd’hui, parce que M. Dionis du Séjour a habilement contourné l’obstacle de l’article 40 – je retiens la leçon pour la prochaine fois –, c’est son seul amendement qui est appelé en séance publique.

Monsieur le rapporteur, nous avons déjà eu ce débat lors de l’examen de l’alinéa 56 de l’article 2, relatif à la transmission des coordonnées téléphoniques de l’abonné. J’avais tenu à préciser que le fournisseur d’accès ne devait donner à la commission de protection des droits que celles qui correspondent à la connexion Internet. Or vous avez rejeté cet amendement en nous expliquant avec un bel enthousiasme qu’il était important que la commission dispose de l’ensemble des coordonnées téléphoniques de l’abonné pour permettre un dialogue constructif avec ce dernier lorsqu’il est mis en cause. Selon vous, cela devait éviter certaines erreurs, par exemple dans le cas où l’abonné mis en cause ne serait pas celui qui a téléchargé, ou dans le cas où son adresse IP aurait été relevée par erreur.

M. Franck Riester, rapporteur. Tout cela est dans l’amendement suivant !

Mme Martine Billard. Monsieur le rapporteur, depuis tout à l’heure, vous nous parlez de l’amendement n° 52, mais ce dispositif ne s’y trouve pas.

Je lis vos amendements de très près – d’autant que vous oubliez parfois de les défendre dans leur intégralité – et j’ai constaté que celui-ci ne réglait pas totalement les problèmes que soulevaient les amendements déclarés irrecevables au titre de l’article 40, non plus que ceux traités par l’amendement n° 273.

Par ailleurs, je vous fais observer, monsieur le rapporteur, qu’en adoptant l’amendement de notre collègue du Nouveau Centre, nous réduirions les dépenses de l’État, en tout cas celles de la HADOPI, puisque le prix de la communication serait à la charge de l’abonné.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Il s’agit d’un amendement intéressant. Encore une fois, les sept membres de la HADOPI devront être de véritables surhommes pour gérer les réclamations, en plus des 1 000 suspensions et des 10 000 avertissements quotidiens. Mais passons. La question qui se pose est celle du financement du dispositif : la facturation de l’appel à l’abonné au prix d’un appel local permet-elle de contourner l’article 40 ? En tout cas, c’est une solution qui a ses mérites. Si l’on veut réduire les contentieux et favoriser la médiation, il faut en effet que l’abonné puisse prendre facilement contact avec la HADOPI ; cela évitera bien des déboires.

(L'amendement n° 273 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 52, qui fait l'objet de plusieurs sous-amendements.

La parole est à M. Franck Riester.

M. Franck Riester, rapporteur. L’amendement n° 52 vise à renforcer le principal volet du projet de loi, c’est-à-dire son volet pédagogique. La commission des lois a en effet souhaité compléter le texte adopté par le Sénat en précisant les éléments d’information qui devront figurer dans les e-mails d’avertissement adressés par la HADOPI aux internautes.

Jusqu’à présent, il était prévu que les recommandations adressées par la Haute Autorité informent les titulaires d’un abonnement à Internet que le téléchargement illégal est répréhensible et que ceux qui s’y livrent s’exposent à des sanctions. Nous proposons que ces recommandations informent également l’abonné sur l’offre légale de contenus culturels en ligne, qu’elles insistent sur la possibilité de s’équiper de logiciels de sécurisation pour protéger son accès Internet et qu’elles indiquent la date et l’heure du téléchargement illégal.

Par ailleurs, nous souhaitons que l’abonné puisse également, s’il en fait la demande expresse auprès de la HADOPI, connaître le contenu de l’œuvre qui a été téléchargée illégalement. Nous ne voulons pas que ce contenu apparaisse dans l’avertissement, car cela pourrait créer des problèmes importants dans les familles, par exemple s’il s’agit d’un contenu pornographique.

M. Patrick Bloche. Quelle hypocrisie !

M. Franck Riester, rapporteur. C’était une préoccupation de nos collègues sénateurs, et il est important que nous en tenions compte.

Enfin, j’ajoute à l’attention de M. Dionis du Séjour et de M. Tardy que les coordonnées de la HADOPI, y compris ses coordonnées téléphoniques, seront bien mentionnées dans les recommandations envoyées aux internautes, afin que ceux-ci puissent entrer en contact avec la Haute Autorité et lui faire part d’observations ou avoir des échanges sur d’éventuels différends ou incompréhensions. En effet, nous sommes soucieux, madame Billard, de créer des liens et de susciter des discussions entre les titulaires d’accès Internet et la HADOPI.

Encore une fois, il s’agit de faire de la prévention en expliquant que le téléchargement illégal est réprimé par la loi – et nous pouvons, me semble-t-il, nous accorder sur la nécessité de faire respecter la loi. Par ailleurs – et c’est le deuxième objectif majeur du projet de loi –, nous tenons à informer les internautes de l’existence d’une offre légale, qui leur permet de consommer des biens culturels sur Internet tout en rémunérant les créateurs, les auteurs et tous les acteurs de la filière.

Cet amendement présente l’avantage d’accroître l’efficacité de ces informations, en faisant en sorte qu’elles soient communiquées lors de la phase pédagogique du processus, c’est-à-dire dans le cadre des recommandations.

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 183.

Je vais donner la parole à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, en lui demandant de bien vouloir défendre également le sous-amendement n° 184.

M. Bernard Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Volontiers, monsieur le président. Ces deux sous-amendements relèvent de la même logique, puisqu’ils visent tous deux à garantir la présomption d’innocence, en substituant au mot : « constituant » les mots : « susceptibles de constituer ». En effet, au terme de la procédure contradictoire devant la HADOPI, il peut s’avérer que les faits qui motivent la procédure ne constituent pas un manquement.

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 205.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Les deux sous-amendements précédents ont le mérite de remédier au problème que j’ai soulevé cet après-midi, à savoir qu’il n’y a aucun moyen de s’assurer que l’abonné aura bien pris connaissance des messages d’avertissement qui lui auront été adressés.

J’en viens à mon sous-amendement n° 205. L’amendement n° 52 dispose que la commission de protection des droits, quand elle est saisie d’un manquement, « peut » envoyer à l’abonné un courrier électronique, ce qui signifie qu’elle peut ne pas le faire. Il est donc permis de se demander selon quels critères sera prise la décision d’envoyer ou non un tel courrier. En outre, si la Haute Autorité pouvait décider de l’opportunité des poursuites et procéder à un classement sans suite, elle bénéficierait des mêmes pouvoirs que le parquet et le siège. Or cela me paraît contestable. Il nous faut donc avoir un débat sur ce point.

En tout état de cause, si nous voulons que le dispositif soit efficace, il faut qu’un grand nombre d’avertissements soient envoyés et que tous les internautes soient traités de la même manière, en sorte que les petits téléchargeurs n’aient pas l’illusion de pouvoir échapper au radar. La commission de protection des droits doit donc adresser systématiquement un courrier électronique dès qu’un manquement lui est signalé. Tel est l’objet de ce sous-amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 183 ?

M. Franck Riester, rapporteur. La commission a repoussé ce sous-amendement. Toutefois, après avoir écouté les arguments de M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, j’y suis plutôt favorable, à titre personnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Sagesse.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Voilà un sous-amendement de bon sens ! Puisque nous sommes au cœur du dispositif qui permettra à la HADOPI d’interpeller un certain nombre d’internautes – je rappelle les chiffres qui nous ont été communiqués : 10 000 messages d’avertissement, 3 000 recommandations et 1 000 suspensions par jour –, nous cherchons à faire respecter les principes fondamentaux du droit, notamment les droits de la défense, c’est-à-dire la garantie d’une procédure contradictoire et le respect de la présomption d’innocence. C’est bien le moins que l’on puisse faire, dès lors que l’internaute ne pourra pas contester les e-mails d’avertissement qui lui seront adressés.

À cet égard, le sous-amendement de la commission des affaires économiques – auquel le rapporteur a donné, à titre personnel, un avis timidement favorable, la ministre s’en remettant à la sagesse de l’Assemblée – est le bienvenu. En effet, puisque – ce qui est insensé, voire inacceptable – la charge de la preuve incombe de fait à l’abonné, tous les internautes étant ainsi suspects, le moins que l’on puisse faire est de tenter d’introduire dans le texte des éléments liés au respect de la présomption d’innocence. Si ce sous-amendement est adopté, l’internaute ne sera plus considéré comme coupable a priori.

Par ailleurs, il me paraît indispensable que le rapporteur ou la ministre nous éclairent sur la recommandation relative à la nécessité pour l’internaute de sécuriser son accès à Internet. Nous craignons en effet que l’on s’oriente ainsi vers un contrôle d’usage, un logiciel mouchard surveillant en permanence l’activité d’un poste client pour analyser ce qui est écouté, regardé, lu et vérifier si cela correspond à un dictionnaire d’œuvres protégées. Quid des internautes qui téléchargent légalement des œuvres protégées ? Comment ce logiciel pourra-t-il s’assurer de la licéité des données ?

Il n’est que temps que vous nous apportiez des précisions sur ces outils de sécurisation. En tout état de cause, il nous paraît nécessaire de limiter les possibilités de tels outils, afin de ne pas instaurer un système intrusif et incompatible avec la législation en vigueur sur le respect de la vie privée. En effet, si ces mouchards filtrants étaient consacrés dans ce texte de loi, cela aurait de lourdes conséquences pour les auteurs et utilisateurs de logiciels libres, qui seraient de nouveau les victimes d’une discrimination absolument inacceptable.

Puisque vous faites référence à des systèmes de sécurisation des connexions, monsieur le rapporteur, vous devez répondre à ces questions.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Selon moi, ce sous-amendement reconnaît surtout implicitement qu’il n’existe aucun lien certain entre une adresse IP et l’abonné à la connexion à Internet. En effet, si vous étiez certains d’identifier la personne qui a téléchargé illégalement à partir de l’adresse IP qui a servi au téléchargement, vous ne seriez pas obligés d’apporter une telle précision.

Je rappelle la procédure mise en œuvre. Les ayants droit vont relever sur le réseau Internet, par l’intermédiaire de sociétés privées, les adresses IP utilisées pour télécharger des œuvres comportant une signature – principalement sur les réseaux peer to peer – et identifier ainsi les ordinateurs susceptibles de contenir ces œuvres. Or ces sociétés ne vérifieront pas que l’adresse IP correspond bien à un ordinateur dont le disque dur contient réellement l’œuvre en question. La procédure choisie ne permet donc pas d’apporter la preuve du téléchargement sur un ordinateur donné.

Dès lors, le délit n’est pas constitué par le fait de télécharger illégalement, mais par le manquement à l’article L. 336-3, qui oblige l’internaute à sécuriser sa connexion à Internet. Or je ne vois pas très bien comment on pourra prouver un tel manquement, à moins de s’introduire dans le disque dur de l’abonné. Certes, vous avez indiqué, madame la ministre – et cela a fait beaucoup rire l’ensemble des internautes – que l’abonné pourrait envoyer son disque dur. Mais, plus sérieusement, à moins que la police ne se rende au domicile de l’internaute concerné, il n’est pas possible de vérifier si celui-ci a manqué à l’obligation de protéger sa connexion.

En revanche, on peut craindre qu’à terme, les ordinateurs ne soient vendus équipés d’un dispositif pouvant être activé à distance et destiné à surveiller l’ensemble des disques durs des ordinateurs connectés sur le réseau.

En fait, c’est la seule solution technique qui puisse garantir contre ce que vous introduisez dans la loi, à savoir, non pas le délit de téléchargement illégal, mais un délit de non-protection de sa connexion Internet. Sans doute est-il un peu difficile de reconnaître que ce qui est prévu à terme, c’est en fait le flicage de tous les ordinateurs connectés au réseau Internet – ce qui justifie ce recul consistant à considérer que les manquements signalés par la HADOPI ne sont que présumés –, mais je ne vois dans cette proposition de rectification que la marque d’une pure hypocrisie.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Il est permis de penser que l’attitude consistant à recourir sans cesse à la même rhétorique procède également d’une certaine hypocrisie. Je rappelle que ce texte a des vertus pédagogiques, et c’est cet aspect du projet de loi que nous voulons mettre en avant. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Valérie Rosso-Debord. Eh oui !

M. Philippe Gosselin. Vous cherchez en permanence à inverser la charge de la preuve, mais c’est justement parce que nous estimons que ce texte est porteur de vertus pédagogiques que nous ne voyons aucun inconvénient à ce que le sous-amendement n° 183 remplace les mots « constituant un manquement » par les mots « susceptibles de constituer un manquement », ce qui introduit la notion de présomption.

M. Patrick Roy. Qu’est-ce que l’UMP connaît à la pédagogie ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Sans doute plus que vous !

M. Philippe Gosselin. Il ne s’agit pas de donner dans la caricature, en laissant penser qu’en chaque internaute se cache un dangereux criminel. C’est vous, au contraire, qui cherchez à criminaliser les choses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(Le sous-amendement n° 183 est adopté.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 205 ?

M. Franck Riester, rapporteur. C’est assez incroyable, mais force est de constater qu’avec cet amendement, M. Tardy propose de durcir le texte !

M. Patrick Bloche. Quelle malhonnêteté ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Franck Riester, rapporteur. Contrairement à ce que vous affirmez régulièrement, monsieur Bloche, je suis honnête, et je pourrai le démontrer si vous me laissez m’exprimer. Le sous-amendement n° 205 de M. Tardy a pour conséquence de supprimer le caractère facultatif de l’envoi par la HADOPI d’un e-mail d’avertissement au titulaire de l’accès Internet qui aurait téléchargé illégalement.

M. Lionel Tardy. C’est ça, votre conception de la prévention ?

M. Franck Riester, rapporteur. Le texte exige qu’il y ait eu, avant toute sanction, au moins deux avertissements. Il laisse à la HADOPI la possibilité de juger, en fonction de l’importance du téléchargement illégal, de l’opportunité d’envoyer ou non à l’internaute concerné une recommandation entrant dans le cadre de la riposte graduée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Bloche. C’est à la gueule du client !

M. Franck Riester, rapporteur. Pas du tout ! La décision est prise par une autorité administrative composée de trois magistrats indépendants. Pourquoi obliger la HADOPI à envoyer un e-mail d’avertissement, alors qu’il est évident que toute sanction devra avoir été précédée d’un premier avertissement par e-mail, puis d’un deuxième, accompagné d’une lettre recommandée ? Alors que le texte laisse une certaine souplesse à la HADOPI, le sous-amendement de M. Tardy aurait bien pour effet de durcir le dispositif proposé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Le Gouvernement est également défavorable à ce sous-amendement, afin que le dispositif conserve une certaine souplesse, rendue nécessaire par le fait que la Haute Autorité pourra être saisie de plusieurs milliers de cas de manquements par jour. Pour donner toute son efficacité au message pédagogique que nous souhaitons adresser aux internautes, il faut que la Haute Autorité envoie un nombre suffisant de messages.

M. Lionel Tardy. Vous parlez d’une pédagogie !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Toutefois, tous les cas qui lui seront soumis ne nécessiteront pas forcément l’envoi d’un avertissement. Il ne faut pas durcir inutilement ce texte.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Madame la ministre, il faut vous habituer à l’idée que nous soyons très attentifs à vos paroles et puissions faire preuve d’un peu de mémoire.

M. Philippe Gosselin. Une mémoire d’éléphant socialiste !

M. Christian Paul. Au demeurant, ce à quoi nous souhaitons nous référer ne remonte pas à très loin : il s’agit de propos que vous avez tenus hier soir. Comme le Journal officiel peut en témoigner, vous avez dit, au cours de l’une des brèves réponses que vous réserviez à nos questions argumentées, que la recommandation serait automatique, puisque effectuée par un système robotisé.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Non, je n’ai pas dit ça !

M. Christian Paul. Si, vous l’avez dit !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. J’ai parlé d’un traitement automatique, ce qui n’est pas la même chose !

M. Christian Paul. Il faudra que vous nous expliquiez comment la Haute Autorité va discriminer les cas qui lui seront soumis, dès lors que la détection sera automatique ; c’est seulement dans l’éventualité d’une sanction qu’une forme d’instruction sera confiée aux contractuels publics de la HADOPI, eux-mêmes alertés par les sociétés de police privées qui vont écumer Internet.

Il apparaît ce soir que la cathédrale informatique que vous voudriez édifier est très fragile. Après nous avoir dit que les actes devaient être présumés, et non considérés constitués dès le départ, vous précisez que la recommandation n’est pas envoyée de façon systématique. M. Tardy a raison de souhaiter que le dispositif prévu se traduise par une procédure très précise : on ne peut se satisfaire d’un système dont on ne sait pas vraiment s’il est automatique ou facultatif. Mais, s’il est facultatif, il est nécessaire de préciser à qui reviendra la tâche d’effectuer le tri, et selon quels critères.

M. Lionel Tardy. Exactement !

M. Christian Paul. Verra-t-on des « bataillons de petites mains » faire le tri entre ce qui mérite un mail vengeur de la part de la HADOPI et ce qui peut bénéficier d’une sorte de tolérance ? On peut d’ailleurs se demander quel jugement les ayants droit vont porter sur la discrimination effectuée parmi les différents dossiers.

Pour résumer, mes chers collègues, nous sommes en pleine impréparation. À chaque article et à chaque amendement, le Gouvernement donne l’impression d’improviser sa réponse, comme s’il découvrait seulement l’immensité des difficultés pratiques que l’application de ce texte va entraîner.

M. Philippe Gosselin. Pas du tout !

Mme Valérie Rosso-Debord. C’est vous qui improvisez vos questions !

M. Christian Paul. Cette tendance à improviser s’est manifestée de manière particulièrement évidente dans les réponses que vous avez faites au sujet de l’amendement précédent, madame la ministre – de même que dans celles adressées à M. Tardy par le rapporteur.

M. Franck Riester, rapporteur. Il ne peut y avoir de critères dans un système automatisé !

M. Christian Paul. Il faut que vous nous précisiez si vous avez prévu un système automatisé ne permettant pas facilement une intervention humaine, ou au contraire un système ouvert à ce type d’intervention. Dans cette dernière hypothèse, je suggère à M. le rapporteur d’aller constater in situ, et dès les premières semaines, la manière dont la loi sera appliquée.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Au-delà du débat sur la riposte graduée, qui est une autre question que nous aurons l’occasion d’évoquer ultérieurement, je maintiens que si nous voulons faire de la prévention, il faut favoriser les e-mails d’avertissement en les rendant obligatoires. S’ils ne le sont pas – ce à quoi s’ajoute le fait que tous les e-mails adressés par la HADOPI ne parviendront pas forcément à leur destinataire, comme on l’a dit tout à l’heure –, il est à craindre que le premier contact de l’abonné avec la Haute Autorité ne consiste en la réception d’une lettre recommandée. Pour ma part, il me paraît préférable que ce premier contact se fasse sous la forme d’un e-mail, même si cette solution présente certains inconvénients. Peut-être l’exigence de l’envoi systématique d’un e-mail constitue-t-elle un durcissement du dispositif, mais cette exigence me paraît nécessaire dès lors que l’on parle de prévention et de pédagogie, la réception d’une lettre recommandée sans avertissement préalable ne constituant pas, en la matière, un signal adéquat.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. La conception de la pédagogie que défendent le Gouvernement et la commission est pour le moins surprenante : c’est à la tête du client ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Vous allez bientôt nous dire que c’est un délit de faciès ! Allons, soyez raisonnable !

Mme Martine Billard. C’est, en tout cas, un délit d’adresse IP. Si la loi poursuit un objectif pédagogique en cherchant à décourager 90 % des internautes pratiquant le téléchargement illégal de continuer, elle ne pourra l’atteindre qu’à la condition que les personnes concernées soient prévenues du caractère délictueux de leur comportement.

Madame la ministre, puisque vous semblez apprécier les comparaisons entre les internautes et les automobilistes, que diriez-vous d’une opération de contrôle effectuée par la police à un feu rouge, lors de laquelle seuls quelques contrevenants seraient verbalisés, les autres n’étant pas inquiétés ? Tous les conducteurs qui franchissent un feu rouge en présence des forces de l’ordre doivent être arrêtés – cela vaut mieux pour la sécurité routière – et non quelques-uns au hasard, car il s’agirait alors d’une rupture d’égalité devant la loi ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je ne vois pas comment vous allez pouvoir défendre devant le Conseil constitutionnel le fait que l’envoi d’e-mails par la HADOPI, avertissant les internautes qu’ils ont commis un manquement à l’obligation de sécurisation de la ligne, ne sera pas systématique.

Peut-être le critère pour l’envoi d’un e-mail d’avertissement résidera-t-il dans le nombre de téléchargements effectués, mais dans ce cas il aurait fallu le préciser dans la loi. Or, cela ne figure pas dans le texte.

M. Christian Paul. C’est gravissime !

Mme Martine Billard. Le Gouvernement a encore la possibilité d’introduire un sous-amendement pour autoriser une telle modulation. À défaut, ce texte est contraire à l’objectif que vous dites poursuivre et introduit une rupture d’égalité devant la loi – ce qui, vous en conviendrez, ne saurait être pris à la légère.

(Le sous-amendement n° 205 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 500.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Ce sous-amendement reprend le fond de cinq des amendements que le groupe GDR avait défendus en commission des affaires culturelles, en donnant notamment la possibilité de s’adresser à la commission de protection des droits par lettre ou courrier électronique – ce qui n’était pas prévu au départ –, en ouvrant aux internautes de bonne foi la faculté d’introduire des objections à une mise en cause, et en visant à une synthèse entre protection des droits de l’internaute mis en cause et maîtrise des éléments d’information caractérisant le manquement, tels que la date et l’heure.

Il y a eu un débat sur ce dernier point, le fait que l’internaute puisse demander des précisions sur l’infraction qui lui est reprochée pouvant être considéré comme un juste milieu entre la protection de la vie privée de l’utilisateur et son droit à disposer de telles précisions. Je pense notamment à un amendement, proposé par des sénateurs Verts, qui prend en compte le cas d’adolescents mineurs qui auraient visité des sites à caractère non répréhensible, mais dont la mention révélerait une orientation sexuelle que leurs parents pourraient avoir du mal à accepter. La rédaction que vous proposez, monsieur le rapporteur, constitue donc peut-être un bon compromis.

Cela étant, certains des amendements que nous avions proposés n’ont pas été adoptés, et nous avons dû les déposer à nouveau, sous la forme de sous-amendements. Tel est le cas du sous-amendement n° 500, qui vise à supprimer, à la fin de la première phrase de l’alinéa 2 de l’article 2, les mots : « et par l’intermédiaire de la personne dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne ayant conclu un contrat avec l’abonné » – c’est-à-dire le fournisseur d’accès. En effet, madame la ministre, je vous ai interrogée à plusieurs reprises, hier soir, afin que vous nous précisiez qui serait chargé d’envoyer les mails d’avertissement : les fournisseurs d’accès ou la commission de protection des droits ? Vous m’avez répondu que ce serait cette dernière. Or, l’amendement du rapporteur précise que ce sera la commission de protection des droits, mais par l’intermédiaire du fournisseur d’accès ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Paul. Quel pot au noir !

Mme Martine Billard. Si vous ne m’avez, certes, rien dit de faux hier soir, vos propos étaient entachés d’une contrevérité par omission ! Il faudrait tout de même que l’on puisse savoir qui, de la commission de protection des droits ou des fournisseurs d’accès, sera chargé d’envoyer les messages d’avertissement.

M. Christian Paul. C’est de l’improvisation !

Mme Martine Billard. Tel que c’est écrit dans le texte, c’est aux fournisseurs d’accès qu’incombera cette mission. Je ne doute pas qu’ils apprécieront comme il se doit cette annonce qui ne correspond pas aux engagements qu’ils avaient reçus, et qui va se traduire par un coût à leur charge – mais je ne pleurerai certainement pas sur leur sort.

Reconnaissez en tout cas, madame la ministre, qu’entre ce que vous m’avez répondu hier soir et ce qui est contenu dans l’amendement du rapporteur, il y a une sacrée différence !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. La commission est défavorable au sous-amendement n° 500. Il est évident que le mail va être envoyé par les fournisseurs d’accès à Internet. C’est la HADOPI qui prendra la décision d’envoyer mais cela passera physiquement par les tuyaux du FAI.

Mme Martine Billard. Ce n’est pas le problème !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. C’est effectivement la HADOPI qui enverra le mail, sous son timbre, mais cela passera par les tuyaux du FAI. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il n’y a pas de surprise dans l’affaire.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Que les mails transitent par les FAI va de soi. Par quel autre canal pourraient-ils bien transiter ? Mais il y a un vrai problème de circuit à organiser. La question est de savoir si c’est la HADOPI qui enverra le mail sous son timbre, avec son IP d’origine, ou si c’est le FAI qui sera chargé de le faire au nom de la HADOPI. Ce n’est pas la même chose. On parle non pas des tuyaux mais de l’origine du mail. Il faut préciser ce point extrêmement important.

Il apparaît que vous avez délibérément trompé le grand public, les FAI, qui n’avaient pas tout à fait compris ce que vous venez de nous expliquer, et les artistes. Je le rappelle puisqu’il y a beaucoup de monde dans les tribunes ce soir : la présente loi ne va pas se substituer à la loi DADVSI, les deux vont se cumuler. Le dispositif de riposte graduée que vous aviez présenté comme une mesure de bon sens et d’apaisement ne l’est absolument pas car le système se complexifie au fur et à mesure qu’on avance dans l’examen des articles.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Sur les tuyaux, nous sommes tous d’accord. On voit mal d’ailleurs comment le mail pourrait être envoyé autrement…

M. Jean-Louis Gagnaire. Par pigeon voyageur !

Mme Martine Billard. Le problème est ailleurs. Il est évident, en effet, que la réaction de l’internaute sera différente selon que le mail qu’il recevra apparaîtra comme étant envoyé par la commission de protection des droits ou par son fournisseur d’accès à Internet. Pour les antispams, la différence aussi est de taille.

C’est ce qui avait motivé ma question à Mme la ministre, hier. Pour ce qui est des tuyaux, un enfant de cinq ans sait que le tuyau est forcément celui du FAI. Il n’y en a pas d’autre possible.

M. Philippe Gosselin. Quelle condescendance !

Mme Martine Billard. Il est normal, à l’Assemblée nationale, d’attendre des réponses précises. La question l’est tout autant : qui est l’expéditeur, la commission de protection des droits, la HADOPI ou le FAI ? Cela aura des conséquences sur la façon dont ce sera perçu par l’internaute et ce n’est pas indifférent au regard des protections qu’il aura installées. Il ne faut pas que le message puisse être détourné.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Franck Riester, rapporteur. Chers collègues, il faudrait savoir : vous souhaitez parfois qu’on soit plus précis, et d’autres fois qu’on ne le soit pas.

Madame Billard, avec votre sous-amendement n° 500, vous souhaitez, à la première phrase de l’alinéa 2, supprimer les mots : « et par l’intermédiaire de la personne dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne ayant conclu un contrat avec l’abonné ». Mais en même temps vous nous demandez qui envoie le mail.

Reprenons la première phrase de l’amendement n° 52 : « Lorsqu’elle est saisie de faits constituant un manquement à l’obligation définie à l’article L. 336-3, la commission de protection des droits – je rappelle que c’est la commission qui gère les sanctions au sein de la HADOPI – peut envoyer à l’abonné, sous son timbre et pour son compte, par la voie électronique et par l’intermédiaire de la personne dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne ayant conclu un contrat avec l’abonné, … » Cette phrase est d’une clarté totale et vise précisément à lever toute ambiguïté. Je ne sais même pas pourquoi on parle de cela !

M. Philippe Gosselin. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. On ne parle jamais du coût de cette mesure. Je vais donc apporter quelques précisions sur ce point, pour éclairer l’Assemblée.

À vous entendre, ce texte met à la charge des FAI d’importantes tâches : l’identification des adresses IP, la transmission des messages électroniques d’avertissement, la mise en œuvre de la suspension d’accès à Internet ou de la restriction du débit. De nombreux chiffres circulent estimant à plusieurs millions d’euros au moins ces coûts.

À cet égard, je vais vous donner une information qui va changer les débats. Le Conseil constitutionnel a clairement posé dans sa décision n° 2000-441 DC du 28 décembre 2000 que :

« Considérant que, s’il est loisible au législateur, dans le respect des libertés constitutionnellement garanties, d’imposer aux opérateurs de réseaux de télécommunication de mettre en place et de faire fonctionner les dispositifs techniques permettant les interceptions justifiées par les nécessités de la sécurité publique, le concours ainsi apporté à la sauvegarde de l’ordre public, dans l’intérêt général de la population, est étranger à l’exploitation des réseaux de télécommunication ; que les dépenses en résultant ne sauraient dès lors, en raison de leur nature, incomber directement aux opérateurs. »

Nous sommes exactement dans ce cas de figure.

M. Patrick Bloche. En effet !

M. Lionel Tardy. Si nous n’accordons pas une compensation aux FAI, le dispositif ne passera pas le cap de l’examen par le Conseil constitutionnel.

On se bat pour savoir qui va envoyer mais, moi, j’aimerais bien savoir qui va payer.

M. Christian Paul. Et combien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Le code des postes et télécommunications prévoit déjà la possibilité de compenser les coûts. En outre, cela a été clairement pris en compte dans les accords de l’Élysée. Je le rappelle, ces accords ont été signés par tous les fournisseurs d’accès à Internet et sans grande difficulté. Ils savaient très bien qu’ils auraient en effet à entrer dans le processus d’identification des adresses IP et à fournir certaines prestations. Ce point ne doit donc pas vous préoccuper d’autant qu’envoyer des mails n’est pas spécialement ruineux.

(Le sous-amendement n° 500 n’est pas adopté.)

M. le président. Le sous-amendement n° 184 a déjà été présenté par M. Gérard.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Sagesse.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Ce sous-amendement est l’occasion de souligner, une fois de plus, l’extrême improvisation qui accompagne la discussion de ce texte. Les réponses que vient de faire Mme la ministre à notre collègue Tardy l’illustrent d’une façon fracassante.

Madame la ministre, ce que vous persistez à appeler les accords de l’Élysée mais que les FAI, nous le savons, regrettent fort aujourd’hui – nombre d’entre eux l’ont d’ailleurs dit publiquement –,…

M. Franck Riester, rapporteur. Ils doivent assumer !

M. Christian Paul.… ces « accords », donc, ont été signés à un moment où l’on ne pouvait pas imaginer une seconde l’extrême complexité du système que vous voulez mettre en place, et la charge qu’il allait représenter. Les chiffres qui circulent sur le coût qu’aura l’application de la loi pour les fournisseurs d’accès sont de l’ordre de plusieurs dizaines de millions d’euros – ce que vous confirmerez certainement, monsieur Riester.

J’en tire deux conclusions. La première est que les fournisseurs d’accès peuvent être amenés assez vite à dire que, cas de force majeure, les accords de l’Élysée ne prévoyaient pas des dépenses pharaoniques et technologiques de cette ampleur. Ils demanderont donc une compensation. La seconde, c’est que ces dizaines de millions d’euros auraient été infiniment mieux utilisés si on les avait consacrés à aider la création et à favoriser la migration vers les nouveaux modèles économiques que chacun souhaite, plutôt qu’à envoyer 10 000 recommandations par jour et à opérer 1 000 coupures quotidiennes, pour reprendre vos chiffres.

Ces conclusions devraient être partagées avant de voter cette loi. On nous parle de 60 ou 70 millions d’euros. C’est considérable ! Comment pouvez-vous penser, madame la ministre, qu’en approuvant du bout des lèvres et le pistolet sur la tempe les accords de l’Élysée, les fournisseurs d’accès aient eu le sentiment qu’ils allaient vous faire un chèque de 60 ou 70 millions d’euros ? Ou bien on arrête les frais tout de suite, ce qui serait la sagesse, ou bien cela va se terminer par une ponction supplémentaire sur le budget du ministère de la culture qui n’a vraiment pas besoin de cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Un mot sur les coûts, monsieur Paul. Si l’on prend comme base les 17,2 millions d’abonnements à haut débit comptabilisés en France en 2009, et le coût moyen de ces abonnements – un peu moins de 30 euros –, on obtient un revenu global tiré des abonnements de 6,171 milliards, soit 18,5 milliards sur trois ans. Or, dans la pire hypothèse, toujours sur trois ans, la totalité de ce qu’on pourra demander aux FAI – encore une fois, tout cela était sur la table depuis le début et les discussions à ce propos se sont déroulées dans le meilleur climat, y compris s’agissant de la suspension et du découplage « triple play » – se montera à 64,2 millions d’euros. Cela représente 0,34 % des 18,5 milliards. Au cas où ce serait répercuté sur le prix de l’abonnement individuel, celui-ci n’en serait augmenté que de 10 centimes par mois.

Tous ces chiffres sont à mettre en relation avec les effets du piratage sur les industries culturelles, car c’est de cela qu’il est question. Je rappelle qu’il y a 450 000 films piratés par jour, soit autant que d’entrées en salle.

M. Patrick Bloche. Quel est le film le plus piraté ? Bienvenu chez les Ch’tis. Quel film a été vu par le plus grand nombre de spectateurs en salle ? Bienvenue chez les Ch’tis !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Eh oui, monsieur Bloche ! Demandez à Jacques Fansten, à Alain Corneau, qui est présent ce soir, à Jean-Jacques Annaud, et à tous les cinéastes qui sont ici ce soir et qui vous écoutent avec surprise et consternation, ce qu’ils en pensent ! Il faut comparer tous les chiffres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Bloche. Je demande la parole !

M. le président. Monsieur Bloche, lorsque la ministre répond à vos questions, cela ne vous donne pas un droit de tirage pour reprendre à nouveau la parole. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Telle n’est pas la procédure.

M. Patrick Bloche. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

Je vous rappelle, monsieur Bloche, qu’un rappel au règlement s’adresse au président, et non au Gouvernement.

M. Patrick Bloche. Ce rappel au règlement n’a pas de rapport direct avec la façon dont vous assumez votre présidence, que je ne conteste pas. J’ai souhaité répondre à la ministre, mais vous avez estimé que vous n’aviez pas à me donner la parole. C’est votre droit : je ne le conteste d’aucune façon.

Mon rappel au règlement porte sur les réponses que la ministre vient enfin de nous faire sur le financement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Monsieur le président, ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Patrick Bloche. Je proteste contre ce qui vient de se passer. Nous légiférons ici en parlementaires libres. Nous n’avons aucun mandat impératif : c’est inscrit dans la Constitution. Je trouve donc intolérable que la ministre, pour appuyer sa démonstration, se soit tournée vers la tribune, faisant appel à des réalisateurs connus pour nous impressionner. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Eh bien, cela ne nous impressionne pas ! Une seule chose nous motive ici : l’intérêt général. Nous souhaitons réconcilier les artistes et les internautes ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Vous vous y prenez très mal !

M. Patrick Bloche. C’est ça, l’intérêt général, et c’est ainsi que nous sauverons l’exception culturelle française ! Il nous faut trouver un nouveau mode de rémunération des artistes, mais votre projet de loi ne leur rapportera pas un euro.

Compte tenu du comportement de la ministre, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

(Le sous-amendement n° 184 est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures trente, est reprise à vingt-deux heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je souhaite faire un rappel au règlement sur le fondement de l’article 58, alinéa 2, au sujet du déroulement de nos débats.

L’opposition parlementaire n’a qu’un souci : rassembler les artistes et les internautes.

Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Ça ne se voit pas !

M. Patrick Bloche. Défendre le droit d’auteur, ce n’est pas opposer les artistes à leur public. Il y a dans les tribunes, pour suivre nos débats, des réalisateurs de grand talent, que nous admirons, et des internautes. Nous refusons que ce projet de loi les oppose les uns aux autres et qu’il divise nos concitoyens. Nous refusons surtout que l’on abuse les créateurs de notre pays avec ce projet de loi présenté comme la solution miracle, prétendument pédagogique.

M. le président. Monsieur Bloche, nous ne sommes plus dans un rappel au règlement mais dans le débat de fond. Vous faites un usage abusif du rappel au règlement, ce qui n’est pas acceptable.

M. Patrick Bloche. J’en termine, monsieur le président, en disant que ce projet de loi est inutile, inefficace et que c’est un pari perdu d’avance, puisque son application est techniquement impossible.

Nous souhaitons que nos débats se déroulent dans de bonnes conditions. Nous n’avons que rarement demandé des suspensions de séance, et nos amendements ne sont en aucun cas de l’obstruction.

M. Patrice Martin-Lalande. C’est un progrès par rapport à la loi sur l’audiovisuel !

M. Patrick Bloche. Nous refusons donc le procès qui nous est fait de défendre des positions qui iraient contre les intérêts des artistes, tout simplement parce que nous nous opposons au projet de loi. Notre rôle au contraire, dans cet hémicycle, est de défendre la création et la rémunération de la création dans les années à venir. Pour cela, nous sommes les seuls à avoir proposé de vraies solutions. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Monsieur Bloche, vous venez de faire un rappel au règlement sur la base de l’article 58-2. Je vais donc vous le lire : « Si, manifestement, son intervention – en l’occurrence, la vôtre – n’a aucun rapport avec le Règlement ou le déroulement de la séance, ou si elle tend à remettre en question l’ordre du jour fixé, le Président lui retire la parole. » Vous ne vous êtes pas fondé sur le bon alinéa.

M. Jean Mallot. Il s’agissait d’un lapsus !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je souhaite faire un rappel au règlement sur la base de l’article 58, alinéa 1, au sujet de la sérénité de nos débats.

Nous souhaitons en effet travailler dans la sérénité, sans faire d’obstruction, pour améliorer la loi, là où c’est possible. Cela n’a rien à voir avec un clivage entre majorité et opposition, puisque les lignes de divergence traversent les groupes.

En tant que législateurs, nous voulons éviter de produire une loi mal écrite et inutilisable, ce qui fut le cas avec la loi DADVSI. Il est de notre responsabilité de députés de défendre nos amendements et de faire en sorte que nous aboutissions à une loi qui ne soit pas inutilisable et ne subisse pas la censure du Conseil constitutionnel, pour rupture du principe d’égalité.

M. le président. Madame Billard, votre intervention était un rappel au règlement, mais vous parlez d’« améliorer » la loi, en usant d’un terme éminemment subjectif. Ici, nous essayons de modifier la loi. Chacun voit midi à sa porte : là où vous voyez des améliorations, la majorité est d’un avis contraire. Ainsi va la vie politique dans cet hémicycle. L’expression « modifier la loi » serait donc plus appropriée, car elle est objective et correspond à ce que doit être un rappel au règlement. Parler d’amélioration, c’est déjà parler du fond.

M. François Brottes. Il s’agit de modifier pour améliorer, pas pour dégrader !

Article 2 (suite)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour soutenir l’amendement n° 182 rectifié.

M. Bernard Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Ce sous-amendement tend à insérer, après la première phrase du deuxième alinéa de l’amendement, la phrase suivante : « La recommandation précise le contenu d’au moins une œuvre ayant fait l’objet du manquement présumé. »

J’y attache beaucoup d’importance et vais m’en expliquer. Il s’agit de respecter pleinement le principe du contradictoire, en permettant à l’internaute qui recevrait un courriel d’avertissement ou une lettre recommandée de savoir ce qu’on lui reproche. Il est normal en effet qu’il soit informé de l’œuvre qu’on lui reproche d’avoir téléchargée illégalement, non seulement par respect du principe du contradictoire, comme je l’ai dit, mais aussi parce que c’est un élément essentiel du dialogue qui va pouvoir ensuite s’engager entre lui et la HADOPI ou, plus précisément, la commission de protection des droits.

Cela permettra à la personne visée par la procédure de faire valoir sa bonne foi en vérifiant si, éventuellement, un membre de son entourage n’a pas profité de son accès à Internet pour effectuer un téléchargement illégal. Cela permettra aussi à la commission de protection des droits, le cas échéant, de renoncer à poursuivre la procédure.

Question subsidiaire : faut-il imposer à la commission de protection des droits l’obligation de préciser à l’internaute l’ensemble des œuvres qu’il aurait pu illégalement télécharger ? Ce serait sans doute idéal, mais je ne suis pas convaincu par cette solution techniquement peu réaliste. C’est la raison pour laquelle, après débat en commission, je préconise que la commission de protection des droits précise le contenu d’au moins une œuvre ayant fait l’objet d’un manquement, à charge pour elle d’apprécier laquelle il convient de mentionner, afin de respecter la vie privée.

Ce sous-amendement adopté par la commission est donc un sous-amendement d’équilibre. Il me semble non seulement essentiel au bon fonctionnement de la procédure instituée par ce texte, mais surtout nécessaire pour donner une meilleure crédibilité au dialogue entre les internautes et la HADOPI. Nous expérimentons une nouvelle procédure : faisons en sorte qu’elle inspire la plus grande confiance possible.

Je présente donc ce sous-amendement avec conviction.

M. Philippe Gosselin. Excellente pédagogie !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. On peut partager l’avis de notre collègue Bernard Gérard sur la nécessité d’une bonne information des internautes – je l’ai dit en présentant l’amendement n° 52, nous avons nous-mêmes voulu renforcer cette information en demandant que soient précisées la date et l’heure du téléchargement illégal.

Mais nous avons voulu un équilibre plus… équilibré (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) – un équilibre meilleur que celui proposé par le Sénat : la Haute Assemblée avait supprimé toute information par souci de protéger l’intimité et de ne pas susciter des discussions dans les familles sur, par exemple, l’orientation sexuelle d’un enfant. Mme Billard a évoqué ce point tout à l’heure.

L’amendement n° 52 nous semble plus respectueux de l’intimité en proposant que les internautes puissent obtenir le titre de l’œuvre téléchargée, mais seulement au prix d’une démarche expresse auprès de la HADOPI, et non de façon automatique. Nous respectons ainsi un bon équilibre entre l’information de l’internaute et le respect de l’intimité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Même avis.

Je comprends fort bien le souci exprimé par M. Bernard Gérard, mais il me semble que l’amendement du rapporteur répond à cette préoccupation, puisqu’il précise que les recommandations doivent mentionner la date et l’heure du téléchargement illégal, et que les abonnés peuvent, s’ils en font la demande, obtenir des précisions sur les œuvres piratées.

Le texte avait été, au Sénat, modifié par un amendement issu du groupe socialiste qui prévoyait que la recommandation ne mentionne pas le titre des œuvres. La proposition du rapporteur va dans le bon sens : on sait bien que l’abonné peut être non pas le pirate, mais un tiers – son conjoint ou son enfant, par exemple. Il vaut donc mieux donner certaines garanties de discrétion, tout en laissant la possibilité de demander les titres.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Bernard Gérard, rapporteur pour avis. Avec tout le respect que je vous dois, madame la ministre, je dirai que nous sommes en face de deux logiques très différentes. Vous proposez qu’il y ait demande de l’internaute. Je crois au contraire que, si l’on veut véritablement respecter le principe du contradictoire et les droits de la défense, il faut donner un droit. Et ce droit ne peut pas se diviser.

Je le dis avec toute la courtoisie que je dois à mes collègues, mais aussi avec beaucoup de solennité et de fermeté : ce sous-amendement procède d’une autre logique et je reste convaincu qu’il est raisonnable et qu’il faut l’accepter.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis. Monsieur le rapporteur pour avis, permettez-moi de vous dire que vous êtes en contradiction avec vous-même. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Lionel Tardy. Très bien !

Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis. Vous venez de déclarer que vous voulez donner un droit supplémentaire à l’abonné. Mais ce droit, il l’a déjà dans l’amendement très bien rédigé par le rapporteur – que nous avions d’ailleurs voté en commission.

Vous parlez de procédure contradictoire. Laissez à l’abonné le soin de juger de quel droit il veut user ! Vous voulez lui imposer un droit dont il ne veut peut-être pas, parce il conduirait à violer sa vie privée.

Notre amendement protège infiniment mieux la vie privée de l’abonné : s’il en fait la demande, il pourra connaître le nom de l’œuvre incriminée ; il peut aussi ne pas faire cette demande – peut-être parce qu’il connaît déjà ce nom, peut-être par égard pour ses proches – et cette information ne lui sera pas imposée.

L’amendement voté par la commission des affaires culturelles et repris par la commission des lois protège donc infiniment mieux les abonnés. Ils ont ce droit, mais ils peuvent choisir de l’utiliser – ou non.

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Laissez M. Roy s’exprimer.

M. Patrick Roy. Monsieur le président, vous êtes témoin que l’on m’empêche de parler. C’est un comportement tout à fait intolérable ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Richard Mallié. Vous êtes une référence en la matière !

M. Patrick Roy. Je voudrais réagir au sous-amendement de M. Gérard et redire qu’en ce qui nous concerne – nous le rappelons sans cesse –, nous voulons vraiment réconcilier internautes et créateurs. Nous ne pensons pas une seule seconde qu’il y ait antagonisme entre les uns et les autres !

L’interpellation pour le moins curieuse de Mme la ministre, prenant à témoin le public qui ne peut pas s’exprimer, est significative de cette volonté d’influencer le vote de certains députés.

Ce texte, on le voit, est improvisé ; il est « amateur ». On le constate dans les démonstrations des uns et des autres : il sera intenable, techniquement impraticable. Pourtant vous vous y accrochez, quitte à user d’expressions aussi curieuses qu’un « équilibre plus équilibré » : voilà qui montre le caractère imprécis de la préparation.

M. Patrice Calméjane. Ce n’est pas gentil pour les sénateurs socialistes !

M. Patrick Roy. On pourrait penser que cet amendement va dans le bon sens, mais on voit que, s’il était voté, cela alourdirait encore les compétences, et donc les charges, de la HADOPI. Pour notre part, nous laisserons la majorité discuter toute seule.

Techniquement, il sera impossible à la Haute Autorité de mener à bien la mission que vous lui confiez. Mais, après tout, pourquoi pas ? Cela permettra de préparer un autre texte : celui que nous appelons de nos vœux, et qui réconciliera enfin création et Internet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous, centristes, souhaitons aussi réconcilier internautes, industries culturelles et télécommunication.

La démarche suivie a permis de faire dialoguer le monde des télécommunications et celui des industries culturelles ; mais l’une des lacunes des accords de l’Élysée est d’avoir laissé de côté les représentants des consommateurs et des internautes. Ne les oublions pas : ils sont partie prenante de ces débats.

Nous, centristes, regrettons l’absence de Nathalie Kosciusko-Morizet aux côtés de Mme la ministre : sa place était ici. Ses déclarations selon lesquelles elle se situe dans l’après-HADOPI ne contribuent pas à décontracter le débat.

M. Jean Mallot. Et voilà les OGM numériques !

M. Jean Dionis du Séjour. Il aurait également été heureux que Luc Chatel, secrétaire d’État à la consommation, soit présent.

Sur le problème posé ici, ouvrons les yeux : il y aura des erreurs et des contestations, de deux types.

D’une part, certains contesteront avoir téléchargé l’œuvre, et contesteront le rapprochement qui aura été fait par les ayants droit de la signature du fichier protégé avec l’empreinte du fichier arrivé chez eux. Il faut leur donner la possibilité de comparer les œuvres arrivées chez eux et les œuvres protégées : c’est pour cela que je voterai l’amendement Gérard. Cela permettra de réduire la première cause des contestations.

D’autre part, il y aura, on le sait, des erreurs sur l’identification des adresses IP – et elles seront en nombre ! Là aussi, il faut donner à voir les données. Si vous voulez faire fonctionner ce système, il faut vous doter des moyens d’instruire les réclamations de manière sérieuse.

Pour le rapprochement de la signature des fichiers, comme pour l’identification de l’adresse IP, vous devez donc faire apparaître les données. C’est pourquoi nous voterons le sous-amendement n° 182 rectifié, ainsi que l’excellent amendement n° 274.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 182.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l’Assemblée est consultée par assis et levé.)

M. le président. Je compte beaucoup moins de votes favorables que tout à l’heure : dès que l’on demande un effort supplémentaire…

(Le sous-amendement n° 182 rectifié n’est pas adopté.)

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Les socialistes sont fatigués !

M. François Brottes. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Mon rappel au règlement vise à expliquer pourquoi le groupe socialiste ne s’est pas levé lors du vote. C’est en quelque sorte une explication de vote…

M. le président. Monsieur Brottes, il n’y a pas d’explications de vote sur un sous-amendement !

M. François Brottes. Je serai extrêmement bref, monsieur le président.

M. le président. En tant que président de séance, il est vrai que j’aimerais savoir pourquoi vous avez levé la main, et pourquoi vous ne vous êtes pas levés.

M. François Brottes. Nous avons assisté à un débat très intéressant. Il y a trois rapporteurs sur ce texte. Le rapporteur au fond nous expliquait les difficultés qu’il y avait à identifier le rôle des enfants et celui des parents : je me disais qu’ils étaient en train de nous jouer Trois rapporteurs et un couffin. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mes collègues et moi-même remarquons en réalité une certaine émulation, voire une certaine jubilation dans la majorité lorsqu’il s’agit de s’occuper de la vie privée des Français, de la vie intime de nos concitoyens : nous n’avons pas voulu participer à cela.

M. le président. Monsieur Brottes, j’ai vu les mains se lever mais ensuite je n’ai pas vu les corps se lever. Je n’ai pas bien compris ce changement. Dont acte.

Article 2 (suite)

M. le président. Je suis maintenant saisi de deux sous-amendements identiques, nos 274 et 501.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour soutenir l’amendement n° 274.

M. Jean Dionis du Séjour. Revenons au mécanisme de détection : les ayants droit – ou plutôt des gens qui travaillent pour eux – vont surveiller le trafic sur le Net et rapprocher les signatures de fichiers protégés des empreintes des fichiers qui transitent. C’est ce rapprochement qui leur permettra de dire qu’il y a téléchargement illégal.

Encore une fois, ce rapprochement est susceptible d’erreurs – nous sommes un certain nombre à pouvoir le dire. Dès lors, la moindre des choses est de permettre à l’internaute de contester, donc de lui donner les éléments pour ce faire.

Les éléments de contestation sont l’identité de la personne qui surveille – société d’ayants droit ou personnes assermentées –, la date et l’heure de la surveillance, le rapprochement entre la signature du fichier protégé et l’empreinte du fichier qui transite, et enfin l’adresse IP. Sans ces éléments, la faute ne peut pas être instruite.

Veut-on vraiment donner de la transparence ? Nous, centristes, nous la réclamons, car le mécanisme de détection est ici loin d’être parfait.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir le sous-amendement n°501.

Mme Martine Billard. Il est très important, dans ce débat, de ne pas opposer les uns aux autres.

M. Franck Riester, rapporteur. C’est pourtant ce que vous voulez faire avec votre sous-amendement.

Mme Martine Billard. Mais non, monsieur le rapporteur.

Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis. Mais si !

Mme Martine Billard. De même qu’il importe que les internautes respectent les droits d’auteur, il faut que les auteurs comprennent les problèmes techniques d’Internet. Partout où on a tenté de mettre en place ce type de dispositif, c'est-à-dire de mettre face à face l’adresse IP et le supposé internaute qui aurait téléchargé illégalement, on s’est rendu compte qu’il y avait environ un tiers d’erreurs. Car s’il existe des téléchargements illicites, il existe également beaucoup de piratages d’adresses IP que la technologie actuelle ne sait pas empêcher. Je l’ai déjà dit à Mme la ministre, on ne peut pas inventer des contre-logiciels qui évitent ce genre de situation.

Je crois qu’il est important de bien comprendre tous les éléments du débat si l’on veut éviter des affrontements qui n’ont pas lieu d’être. Je rappelle que beaucoup d’auteurs sont internautes et que beaucoup d’internautes sont des auteurs. Ils sont bien placés pour cerner les problèmes.

Il faut obliger à plus de rigueur dans l’incrimination des personnes qui peuvent avoir commis ou non l’infraction de téléchargement illicite. En effet, je le répète, la détection d’une adresse IP susceptible d’accueillir une œuvre de manière illégale ne prouve pas que l’œuvre en cause est effectivement sur l’ordinateur correspondant à cette adresse IP.

M. Jean Mallot. Exactement !

Mme Martine Billard. Tant qu’on ne peut pas lever cette incohérence entre adresse IP et ordinateur, on doit permettre au titulaire de l’abonnement mis en cause, fût-ce plusieurs fois, de dire qu’il s’agit d’une dénonciation abusive. Les internautes qui n’utilisent pas la messagerie de leur fournisseur d’accès ne recevront pas les mails d’avertissement. Ils verront arriver la lettre recommandée, du moins on l’espère – car certaines personnes qui n’ont pas qu’Internet comme source de difficulté dans la vie n’ouvrent pas leurs lettres recommandées (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis. On ne fait rien alors ?

Mme Martine Billard. Je sais que vous considérez que c’est scandaleux mais cela fait aussi partie de la réalité quotidienne en France.

Mme Isabelle Vasseur. Que fait-on alors ?

M. Philippe Gosselin. C’est vrai pour tous les recommandés !

Mme Martine Billard. C’est la réalité aujourd’hui pour beaucoup de familles qui subissent des difficultés financières. Ce n’est pas une turpitude, c’est une réalité sociale, tout simplement. Demandez à Emmaüs, à ATD Quart Monde et vous verrez. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Des internautes peuvent se retrouver avec une coupure de connexion alors qu’ils ne sont vraiment pour rien dans ce dont on les accuse. Il me paraît normal de leur donner le droit de contester ceux qui les ont accusés afin qu’ils puissent démontrer qu’ils ne sont pas responsables. Tant que les sociétés d’ayants droit ou ceux qui travaillent pour eux ne pratiqueront pas avec plus de méthode et de rigueur, il faut offrir cette possibilité aux internautes. Cela pourrait réduire, à terme, le nombre des erreurs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Madame Billard, l’esprit du dispositif que nous mettons en place consiste précisément à ne pas opposer les uns aux autres. Comme Mme la ministre l’a rappelé plusieurs fois, ce qui fait sa spécificité par rapport à d’autres systèmes de réponses graduées, c’est que nous interposons entre les ayants droit, les FAI et les internautes, l’autorité administrative indépendante, la HADOPI, qui sera justement chargée de veiller à ce que les sociétés qui ont vocation à identifier les adresses IP d’où l’on télécharge illégalement travaillent correctement, en respectant tous les protocoles prévus par la HADOPI et validés par la CNIL. Ce sera vers cette autorité administrative indépendante que les internautes pourront se tourner s’ils estiment que leur sanction ou leur recommandation n’est pas valable.

Le dispositif que nous proposons me semble bon : il est public, composé de magistrats indépendants qui veilleront à ce que les procédures soient justes et à ce que les internautes aient tous le droit éventuel de contester la sanction ou la recommandation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Même avis. Il est bien que les ayants droit ne connaissent pas le nom des internautes et que la HADOPI joue un rôle d’écran et soit précisément l’organisme auquel on peut avoir recours. J’ajoute que le nombre des personnes morales, c'est-à-dire les sociétés d’auteurs et l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle, est très faible.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Chers collègues, nous allons voter cet amendement, considérant que chaque fois que nous pourrons par nos suffrages apporter, par petites touches, un peu de transparence, un peu de droit…

M. Patrick Roy. Un peu d’humanité !

M. Christian Paul. …dans cette boîte noire opaque que sera très vite la HADOPI, nous devons le faire.

Mais nous avons quand même le sentiment, en écoutant les rapporteurs approuver cet amendement, qu’au fond d’eux-mêmes, ils craignent vraiment que cette loi n’ait pour conséquences, à la fois, l’injustice et la paralysie du système, du fait de l’arbitraire de la décision. Si, comme Martine Billard le soulignait tout à l’heure, 20 ou 30 % des dix mille recommandations qui seront envoyées par jour sont potentiellement erronées, le risque de contentieux sera très important. Le dispositif sera pollué par des formes de contournement et de détournement.

Comme Patrick Bloche, je trouve assez affligeant que le Parlement français soit le théâtre, en 2009, de débats aussi détestables.

Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis. C’est vous qui les rendez détestables !

M. Bernard Gérard, rapporteur pour avis. Qu’y a-t-il de détestable dans ces débats ?

M. Christian Paul. En d’autres temps, les ministres de la culture avaient su faire voter à l’unanimité de l’Assemblée nationale une loi sur les droits d’auteur, parce qu’ils avaient réussi à réconcilier les intérêts et les points de vue.

Aujourd’hui, on s’emploie à dresser une frontière artificielle entre ceux qui représenteraient les internautes et ceux qui défendraient les intérêts des artistes. Cela ne sera jamais possible, madame la ministre, dans notre société. D’un côté, il y a des artistes auxquels il est sans doute, de leur point de vue au moins, fait violence ; de l’autre côté, il y a une société qui se rebelle devant la violence que votre loi va entraîner. Une violence contre l’autre. Voilà le paysage qui est en train de se dessiner. Cela n’est pas acceptable.

C’est la raison pour laquelle nous pensons que, comme cela a été dit par des personnes appartenant à tous les partis politiques, il faut déjà prévoir l’après-HADOPI, même si nous espérons encore que ce texte ne sera pas adopté. Il faut trouver des solutions parce que – je m’adresse notamment à ceux qui s’apprêtent à voter cette loi ou qui l’ont inspirée – le scénario est le même qu’il y a quatre ans : alors que les initiateurs de la loi DADVSI avaient parié sur sa réussite, on s’aperçoit qu’elle n’a pas engendré un euro pour la création. Aujourd’hui, c’est le même film.

Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis. Pas du tout !

M. Christian Paul. Cela ne changera rien aux problèmes de l’économie de la culture, cela ne ramènera pas un euro en faveur de la création. Madame la ministre, vous devriez avoir à cœur de dénouer ce malentendu historique plutôt que de lui rajouter une séquence supplémentaire.

M. le président. Monsieur Paul…

M. Christian Paul. Vous êtes, encore une fois, en train de faire perdre beaucoup d’années à la culture, à l’exception culturelle française. C’est pour cela que nous ne pouvons vous suivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Vous évoquez, monsieur Paul, un débat détestable. J’ai envie de vous dire : à qui la faute ? Vous voulez créer des frontières artificielles, vous cherchez à opposer les artistes aux internautes… Arrêtez !

M. Jean-Louis Gagnaire. Vous, vous voulez condamner des innocents !

M. Philippe Gosselin. Vous parlez de violence. Croyez-vous que ce n’est pas violent que de voler le droit des artistes à une juste rémunération ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Croyez-vous que ce n’est pas violent de considérer que le piratage est quelque chose de banal ? (Applaudissements sur les mêmes bancs.) C’est ça, la violence !

M. Christian Paul. Mais vos solutions sont fausses et inapplicables ! Vous dites la même chose depuis quatre ans, c’est long !

M. Philippe Gosselin. Depuis le début de cette discussion, vous reprenez la même antienne : « c’est anti-pédagogique, amoral, liberticide... »

M. Jean-Louis Gagnaire. Cela ne marchera pas !

M. Philippe Gosselin. Je le répète, les auteurs ont droit à une juste rémunération, et l’amendement n°52 a pour objet de montrer l’aspect pédagogique des choses. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Louis Gagnaire. Nous sommes d’accord !

M. Philippe Gosselin. Le jour où il n’y a plus de juste rémunération, il n’y a plus de création. Vous pourrez toujours demander de mettre des fonds au profit de la création artistique, ce ne seront que paroles creuses parce qu’il n’y aura plus de création artistique, parce qu’il n’y aura plus d’artiste tout simplement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Louis Gagnaire. C’est du vent !

(Les sous-amendements identiques nos 274 et 501 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n°291.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. M. Gosselin emploie la méthode Coué mais cela ne marche pas.

Mme Isabelle Vasseur. C’est la méthode Bloche !

M. Patrick Bloche. Rappelons-nous l’échec de la loi DADVSI il y a trois ans. Or ce qui nous frappe beaucoup dans ce débat, c’est…

M. Christian Paul. L’amnésie !

M. Patrick Bloche. …que l’on utilise pour HADOPI exactement les mêmes arguments que ceux qui ont été utilisés pour DADVSI.

Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis. Pas du tout ! DADVSI n’avait pas de volet dissuasion !

M. Patrick Bloche. Et DADVSI a été un échec tel…

M. Christian Paul. Un fiasco total !

M. Patrick Bloche. …que le Gouvernement n’a même pas osé l’évaluer dans les dix-huit mois après sa promulgation comme pourtant la loi le lui imposait.

À l’époque, nous avions dit que c’était un pari perdu d’avance. Eh bien, c’est exactement le même pari que vous faites aujourd’hui. Vous vous dites qu’avec votre loi, c'est-à-dire avec un dispositif prétendument pédagogique et dissuasif, de fait répressif, vous allez faire migrer massivement les internautes vers les offres commerciales. Vous comptez sur un bouleversement des usages, exactement comme pour DADVSI. Pour cette raison, HADOPI est un pari perdu d’avance. Et, pendant ce temps, le modèle économique bouge. Alors qu’il faudrait dès maintenant créer de nouveaux modes de rémunération pour les auteurs, pour les artistes, pour les ayants droit –…

Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis. Eh bien, trouvez-en !

M. Patrick Bloche. …c’est la raison pour laquelle nous avons proposé la contribution créative –, vous ne faites rien.

Quand, à l’automne dernier, vous avez décidé de taxer les fournisseurs d’accès à Internet et les opérateurs de télécoms, c'est-à-dire les possesseurs du tuyau, vous auriez dû restituer le montant de la taxe aux créateurs de contenu, c'est-à-dire à la création. Qu’avez-vous fait ? Vous avez décidé que cette taxation devait compenser le manque à gagner publicitaire de France Télévision. Les fournisseurs d’accès et les opérateurs de télécoms ne repasseront pas deux fois à la caisse !

Quand vous avez parlé des accords de l’Elysée et de la contribution financière des FAI, vous avez oublié de dire que les accords de l’Elysée dataient de novembre 2007, que la déclaration du Président de la République disant qu’il fallait supprimer la publicité à la télévision datait de janvier 2008 et que la loi que nous avons votée avec la taxation des FAI a été promulguée au mois de mars dernier. Les FAI, qui ont été taxés pour compenser le manque à gagner publicitaire de France Télévision, ne repasseront pas deux fois à la caisse.

Mme Martine Billard. Certes !

M. Patrick Bloche. Comme l’a relevé très justement M. Tardy, le Conseil constitutionnel leur donne raison pour ne pas prendre en charge des frais que le CGTI, organisme dépendant de Bercy, a estimés à au moins 70 millions d’euros.

Cela, vous vous êtes bien gardée de le dire, madame la ministre, pas plus que vous n’avez dit que ce seront les contribuables français qui supporteront cette gabegie financière qui ne rapportera pas un euro de plus à la création. Voilà la vérité, qu’il fallait dire à ce moment du débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Martine Billard. Très bien !

M. le président. Monsieur Bloche, ce n’est pas une critique mais, alors que je vous ai donné la parole pour présenter le sous-amendement n° 291, vous avez fait une belle tirade mais vous n’avez pas dit un mot du sous-amendement.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Eh oui !

M. François Brottes. Il fallait le resituer dans son contexte !

M. Christian Paul. Vous n’avez pas écouté M. Bloche, monsieur le président.

M. le président. Si, j’ai écouté très attentivement.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. C’est le même type de sous-amendement que tout à l’heure, cette fois-ci sur la possibilité laissée à l’autorité administrative indépendante d’envoyer ou non une lettre recommandée avec l’e-mail.

Pour qu’il y ait sanction, je rappelle qu’il faut bien qu’il y ait les deux étapes préalables : un premier avertissement par e-mail et un second accompagné d’une lettre recommandée. Mais si la HADOPI estime nécessaire, en fonction de critères, non subjectifs,…

M. Christian Paul. Lesquels ?

M. Franck Riester, rapporteur. …de critères qui peuvent d’ailleurs être mis en application d’une façon automatique, elle pourra ne pas envoyer de lettre recommandée.

M. Jean Mallot L’avis circonstancié du rapporteur prouve que les explications de M. Bloche étaient pertinentes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable. Tel qu’il est prévu par l’amendement, le processus, qui prévoit l’envoi de mails et d’une lettre recommandée, préalablement à la sanction, me paraît bon.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Je voudrais revenir sur les grandes envolées lyriques de M. Bloche.

M. le président. Le débat porte sur le sous-amendement n° 291, monsieur Tardy. Ne vous éloignez pas du sujet.

M. Lionel Tardy. Dans ce cas, je reprendrai la parole tout à l’heure, et je soutiens ce sous-amendement, car je considère moi aussi que l’envoi d’un recommandé est impératif.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, que je remercie également d’intervenir sur le sous-amendement.

M. Christian Paul. J’interviendrai exclusivement sur le sous-amendement, monsieur le président.

M. le président. Vous voyez que je veille à ce qu’il soit présenté !

M. Christian Paul. Il sera peut-être même voté. Sans doute certains collègues ont-ils déjà entendu ce que je vais dire, mais ceux qui viennent de nous rejoindre doivent l’entendre au moins une fois ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

L’amendement pose le problème de l’arbitraire de la Haute autorité. Il est intéressant de le relire, et plus encore d’écouter son auteur, M. Riester. Celui-ci nous explique qu’il faut défendre la liberté d’appréciation de l’HADOPI, qui pourra ou non envoyer une recommandation par mail aux internautes. Mais ce qu’il ne nous explique pas – alors que nous l’interrogeons inlassablement sur le sujet –, ce sont les critères en fonction desquels elle enverra au non ces mails d’injonction, dont le nombre pourrait atteindre 10 000 par jour, ce qui est considérable.

M. Patrick Roy. Oui !

M. Christian Paul. La loi pourrait prévoir une modulation. Sur quels critères le juge saisi se décidera-t-il, dès lors que la loi ne fixe aucun critère ? Sur le volume téléchargé ? Dans ce cas, que Mme la ministre nous réponde précisément en renvoyant au décret la détermination d’une sorte de zone de tolérance, puisque certains téléchargements erratiques pourraient être admis. Mais tant que nous n’avons aucune visibilité sur la manière dont travaillera la Haute autorité, le projet de loi est privé de socle. C’est pourquoi nous vous supplions, monsieur le rapporteur, d’éclairer la représentation nationale. L’HADOPI est-elle appelée à agir dans l’arbitraire le plus total ou considérez-vous que le législateur doit fixer la règle du jeu ?

(Le sous-amendement n° 291 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux sous-amendements, nos 185 et 290, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour soutenir l’amendement n° 185.

M. Bernard Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Ce sous-amendement, comme le sous-amendement n° 182 rectifié, qui a été appelé tout à l’heure, vise à renforcer le principe du contradictoire. Il propose que soient indiquées « les coordonnées téléphoniques, postales et électroniques, où le destinataire du message peut adresser des observations ». En effet, la mention « s’il le souhaite » paraît inutile dès lors que l’on veut favoriser le dialogue, dans le respect des droits de la défense.

Le sous-amendement a été adopté à l’unanimité par la commission des affaires économiques.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Avant de défendre le sous-amendement, je voudrais faire un rappel au règlement sur la base de l’article 58-3. Nous sommes amenés à poser au rapporteur et au Gouvernement des questions précises, qui appelleraient des réponses du même type. Mais les questions de M. Paul sont si pertinentes que le rapporteur a peut-être besoin d’un peu de temps pour préparer ses réponses. C’est la raison pour laquelle je demande cinq minutes de suspension de séance, afin qu’il puisse nous fournir les réponses que nous attendons.

M. le président. Vous ne présentez pas le sous-amendement n° 290, monsieur Bloche ?

M. Patrick Bloche. Je le ferai plus tard. N’allons pas trop vite.

Mme Marie-Christine Dalloz. M. Bloche aussi doit prendre le temps de construire son argumentation !

M. le président. Nous n’allons pas trop vite, monsieur Bloche. Je vous ai donné la parole pour soutenir votre sous-amendement, qui fait l’objet d’une discussion commune avec le sous-amendement n° 185, lequel vient d’être défendu. La suspension de séance interviendra ensuite. Il faut conserver un minimum de logique !

M. Patrick Bloche. Loin de nous l’idée de gêner la présidence ou de faire de l’obstruction. Nous ne souhaitons en aucune façon retarder le débat. Mais nous tenons à obtenir des réponses précises.

Le sous-amendement n° 290 porte sur l’amendement n° 52, que nous désapprouvons parce qu’il concrétise tout l’arbitraire de l’HADOPI, qui agira selon son bon vouloir. M. le rapporteur a protesté quand je lui ai dit qu’elle se déterminerait à la tête du client. Mais elle pourra envoyer un ou deux mails d’avertissement – ou non – et une recommandation qui pourra – ou non – être reçue par l’internaute. D’ailleurs, on ne vérifiera pas qu’il a pris connaissance de la lettre recommandée lui révélant les faits qui lui sont reprochés.

Plus grave encore, l’HADOPI pourra encore décider d’une sanction pour manquement à l’obligation de surveillance ou préférer – toujours à la tête du client – une simple injonction ou une transaction, qui amène à engager un dialogue avec l’internaute. Autant dire que l’arbitraire règne et que le principe essentiel d’égalité devant la loi est rompu. Sur ce point, nous saisirons le juge constitutionnel. Pour l’heure, grâce à ce sous-amendement n° 290, nous essayons dans la mesure du possible de corriger – j’évite le verbe « améliorer », de peur que le président ne me fasse remarquer qu’il est subjectif –…

M. le président. En effet !

M. Patrick Bloche. …le projet de loi, et de limiter les conséquences funestes de l’amendement n° 52.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux sous-amendements ?

M. Franck Riester, rapporteur. Dans un souci de cohérence avec le sous-amendement n° 182 rectifié, que l’Assemblée vient de rejeter, je ne peux émettre qu’un avis défavorable au sous-amendement n° 185, ainsi qu’au sous-amendement n° 290 qu’a présenté M. Bloche.

Cependant, la seconde partie du sous-amendement n° 185 est pratiquement satisfaite, puisque l’amendement n° 52 précise que les recommandations indiquent « les coordonnées téléphoniques, postales et électroniques où leur destinataire peut adresser, s’il le souhaite, des observations. »

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable, pour les raisons qu’a exposées M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Sur le fond, je suis gênée par certaines imprécisions. Les recommandations mentionneront la date et l’heure des faits reprochés. Malheureusement, en informatique, celles-ci ne sont pas toujours sûres. C’était le cas, par exemple, dans le procès de Guingamp, dans lequel un internaute était accusé – à tort – d’avoir porté sur un blog des propos malveillants. Si la divulgation directe des informations peut poser un problème dans une famille, il peut aussi arriver que la date et l’heure ne signifient rien, pour peu que l’horloge de l’ordinateur soit mal réglée.

Dans un tel projet de loi, il faut bien parler technique, puisque c’est sur cette base que certaines personnes seront poursuivies. Dès lors que les constatations techniques ne peuvent pas être certifiées, il convient d’être prudent : deux précautions valent mieux qu’une et la précision – sur l’heure, et sur l’œuvre que l’on reproche à l’internaute d’avoir abusivement téléchargée – peuvent l’amener à formuler des observations à la commission, comme le prévoit l’amendement n° 52. En cas de doute, je crains que l’internaute ne considère que, n’ayant commis aucune faute, il n’a pas à répondre. Or, dans un souci de pédagogie, nous devons prévoir toutes les cas.

L’utilisation constante du verbe pouvoir – la lettre recommandée « peut être envoyée » – s’explique peut-être par le fait que, tout en prévoyant de sanctionner les internautes individuels, le Gouvernement sait bien que ce sera le plus souvent impossible : dans les universités, les web-cafés, les entreprises,…

M. Christian Paul. Dans les parcs et jardins !

Mme Martine Billard. En effet ! Pour prendre un autre exemple, il sera impossible d’intervenir sur la connexion de quelqu’un qui exerce une profession médicale, car il n’est pas envisageable de priver de connexion d’un médecin dont le fils aura effectué un téléchargement en dehors des heures d’ouverture du cabinet.

M. Jean Mallot. C’est juste !

Mme Martine Billard. Dans bien des cas, même si l’on peut prouver qu’un téléchargement a été effectué sur un ordinateur, il ne sera pas possible d’intervenir. Autant d’inégalités devant la loi.

Finalement, on ne sanctionnera que les internautes qui auront effectué un téléchargement sur un ordinateur personnel ne servant qu’à leur usage propre. Or ceux-ci sont de moins en moins nombreux, puisque de plus en plus d’employeurs font pression sur leurs salariés pour qu’ils continuent à travailler chez eux. C’est d’ailleurs une position que la majorité défend dans certains débats sur le droit du travail, arguant que la limite entre les sphères personnelle et privée n’est pas très claire de nos jours, compte tenu du développement d’Internet.

(Le sous-amendement n° 185 n'est pas adopté, non plus que le sous-amendement n° 290.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente, est reprise à vingt-trois heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d'un sous-amendement n° 292.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Il paraît évident que les recommandations informant un internaute qu’il est présumé avoir été amené à faire un téléchargement dit illégal, et dont on lui fait reproche, doivent être motivées.

Si nous avons présenté ce sous-amendement, c’est tout simplement parce que l’HADOPI fonctionne selon des règles profondément arbitraires. Ce sera vraiment à la tête de l’internaute. On pourra adresser ou ne pas adresser un mail d’avertissement, une recommandation, décider d’une sanction ou d’une injonction.

M. Christian Paul. Sans aucun critère !

M. Patrick Bloche. Nous voulons réduire les éléments d’incertitude, l’aspect aléatoire que cela peut présenter pour l’internaute, et nous voulons que soient garantis un certain nombre de principes fondamentaux qui fondent notre État de droit.

L’internaute est interpellé et est en quelque sorte entraîné dans une procédure qui s’apparente évidemment à une procédure contentieuse. Oui, madame la ministre, les pouvoirs publics peuvent déléguer à une haute autorité administrative un pouvoir de sanction, mais à condition que les sanctions ne soient pas privatives de liberté. C’est la restriction qu’a apportée le Conseil constitutionnel. Or la sanction ultime, la suspension de l’abonnement à Internet, est privative de liberté, s’attaque à un droit fondamental.

Bref, nous sommes dans une matière suffisamment sérieuse pour que nous soyons garants à tout moment, en tant que législateurs, du fait que les droits de la défense, le droit à une procédure contradictoire, la présomption d’innocence, sont garantis.

C’est pour que la défense de l’internaute soit assurée dans les meilleures conditions que nous souhaitons que les recommandations soient motivées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Défavorable.

Il faut bien se rappeler que ces recommandations ne font pas grief. Ce sont des rappels à la loi. Connaître la date et l’heure du téléchargement illégal, pouvoir éventuellement demander à l’HADOPI quelles œuvres ont été téléchargées illégalement, cela nous paraît suffisant, il n’y a pas besoin de motiver davantage.

Ce que nous voulons, monsieur Paul, c’est qu’il y ait de la pédagogie. Nous voulons faire en sorte que le système soit le plus juste possible et nous voulons surtout qu’il ne soit pas systématisé, généralisé. C’est la raison pour laquelle il nous semble opportun de laisser l’HADOPI décider si elle envoie un e-mail ou une recommandation ou non. C’est tout de même incroyable que vous demandiez que tout le monde reçoive systématiquement un e-mail ou une lettre recommandée, sachant que, pour la sanction, il est bien sûr nécessaire de respecter les deux étapes, un premier avertissement et un second avec lettre recommandée.

Comment prendre la décision, sur quels critères ? C’est la commission de protection des droits de l’HADOPI, composée de magistrats, qui prendra la décision, en toute légitimité.

M. Jean-Pierre Brard. Il n’y a pas que les magistrats !

M. Franck Riester, rapporteur. Si, monsieur Brard. Dans la commission de protection des droits, il n’y a que trois magistrats. Ce sera à eux de déterminer les critères d’envoi des e-mails, ce ne sera pas à la tête du client. Les critères peuvent être automatiques, comme le type d’œuvres, le volume de téléchargement illégal, la taille de l’œuvre, sa nature, des films ou de la musique, par exemple, ou le fait qu’il s’agisse d’artistes indépendants.

Ce n’est pas un dispositif généralisé. Toute la force du projet de loi, c’est de laisser à l’HADOPI l’opportunité de pouvoir envoyer systématiquement ou pas des e-mails. Cela va vraiment dans le sens d’une plus grande souplesse du dispositif et de moins de surveillance généralisée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable, pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Monsieur le rapporteur, je ne reviendrai pas sur le caractère pédagogique de cette loi car la question n’est pas tant de savoir si c’est une loi pédagogique que si nous sommes d’accord sur la leçon qu’il faut diffuser en direction des internautes. Or nous avons un désaccord total sur le contenu de la leçon.

Il y a une faille juridique béante dans ce texte.

M. Patrick Roy. Il n’y en a pas qu’une !

M. Christian Paul. Oui, mais celle-ci est béante, et inquiétante, et c’est un élément intéressant à verser au dossier que nous constituons peu à peu sur les atteintes à l’État de droit. Vous êtes juriste, monsieur Gosselin, vous devriez y être sensible.

M. Philippe Gosselin. Je suis toujours sensible aux atteintes à l’État de droit en effet…

M. Patrick Bloche. Il ne faut pas voter la loi alors !

M. Philippe Gosselin. …mais ce n’est pas le cas en l’occurrence.

M. Christian Paul. La liste est longue. Quasiment à chaque amendement, il y a une pièce nouvelle à apporter au dossier.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Un peu de modestie !

M. Christian Paul. Il y a une vraie contradiction dans ce texte. C’est un système automatisé, Mme la ministre nous l’explique depuis hier avec beaucoup de fermeté, notamment pour nous faire comprendre que ce n’est pas un bataillon de fonctionnaires qui vont administrer ce système de détection. Cela veut donc dire que les recommandations seront envoyées sans passer par la case HADOPI.

M. Franck Riester, rapporteur. Mais si !

M. Christian Paul. Comment faire, monsieur le rapporteur ? Il y aura 10 000 recommandations par jour. C’est considérable, ce n’est pas traitable en dehors d’une procédure informatisée.

Ou bien c’est un envoi systématique dès lors qu’il y a à vos yeux un téléchargement illégal. Pourquoi pas ? C’est une option. Ou bien, comme vous semblez le dire, c’est plus souple, modulable, les situations sont interprétables. Dans ce cas, vous ne pouvez pas laisser l’HADOPI en liberté, il faut lui donner un cadre. Sinon, vous la laissez juge de l’opportunité des recommandations et donc, derrière, des poursuites et des sanctions, pouvoir qu’on ne peut laisser à une autorité administrative.

C’est en cela qu’il y a dans votre texte une faille béante qui met à mal toute la construction en défense que Mme Albanel et vous-même avez tenté de nous opposer. Il y a donc une vraie difficulté. Vous ne pouvez pas laisser l’HADOPI agir dans un total arbitraire.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je voudrais rebondir, monsieur le rapporteur, sur deux de vos observations qui me paraissent ô combien contestables.

Vous avez expliqué, pour refuser notre sous-amendement demandant la motivation des recommandations, que les recommandations ne faisaient pas grief. C’est un peu comme les mails d’avertissement, qui sont de petits mails innocents, des petits rappels pédagogiques, des petites piqûres dissuasives en quelque sorte.

Dans notre droit, les choses sont précises. Les décisions au fond doivent exclusivement s’appuyer sur des éléments de preuve sur lesquels les parties ont la possibilité de se faire entendre. Or, dans votre texte, les avertissements ou, dans le cas présent, les recommandations ne sont pas de simples rappels de la loi ou d’innocentes mesures pédagogiques comme vous essayez de nous le faire croire. Ils relèvent de la catégorie des actes administratifs qui vont produire par la suite des effets dans la sphère juridique des titulaires d’un accès à Internet.

Le mail d’avertissement comme la recommandation sont en eux-mêmes des étapes qui amèneront à la sanction future, c’est-à-dire à la suspension de l’abonnement. Ils doivent pouvoir faire l’objet d’une contestation par l’internaute. Les recommandations doivent donc être motivées pour permettre à l’internaute d’appuyer sa contestation.

Vous nous expliquez ensuite, monsieur le rapporteur, que c’est une grande chance que l’HADOPI puisse décider si elle envoie ou non un mail d’avertissement ou une recommandation, mais un tel aspect aléatoire n’est pas possible quand on écrit le droit. Le droit a des conséquences…

M. Christian Paul. Sur la vie des gens !

M. Patrick Bloche. …sur la vie privée et sur nos libertés individuelles. Le Conseil constitutionnel est très vigilant sur la manière dont des procédures et des sanctions peuvent être privatives de liberté, et c’est en ce sens que nous estimons qu’il y a rupture d’égalité.

Que l’HADOPI puisse choisir à discrétion, à la tête de l’internaute, entre une sanction de suspension de la connexion Internet assortie d’une interdiction de souscrire un autre abonnement et une procédure d’injonction dont la définition est une fois de plus particulièrement floue puisqu’elle vise à obliger l’internaute à prendre des mesures de nature à prévenir le renouvellement du manquement constaté et à rendre compte à la Haute autorité, le cas échéant sous astreinte, c’est incontestablement un élément d’arbitraire qui n’est pas acceptable.

(Le sous-amendement n° 292 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 502.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Ceux qui liront plus tard le compte rendu de nos débats verront à quel point le Gouvernement s’enfonce dans l’archaïsme.

Le rapporteur parle de pédagogie. Pour moi qui suis instituteur, c’est plutôt la pédagogie de la trique ou bien la bastonnade.

M. Philippe Gosselin. La modération de M. Brard nous manquait !

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas cela la pédagogie, monsieur Riester. En tout cas, des pédagogues comme vous, je n’en voudrais pas pour mes enfants parce que leur avenir serait largement compromis. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Isabelle Vasseur. Il ne faut pas exagérer !

M. Jean-Pierre Brard. Vous ne lui confieriez pas les vôtres non plus d’ailleurs ! (« Si ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Isabelle Vasseur. Plutôt deux fois qu’une !

M. Jean-Pierre Brard. Ce serait alors l’enfance en danger (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et vous seriez des parents indignes.

Le texte proposé par le rapporteur se substitue aux alinéas 69 à 74. Si on le lit méticuleusement, on s’aperçoit qu’il est encore plus liberticide.

Dans le précédent, la confidentialité est préservée, les recommandations motivées. Dans le nouveau texte, ces protections disparaissent, et l’on ajoute du facultatif : la commission peut adresser de nouvelles recommandations. À son gré, la commission protégera plus ou moins les utilisateurs. Ce n’est pas du tout recevable.

Le sous-amendement que je défends porte sur le cinquième alinéa de l’amendement, que je lis : « Le bien-fondé des recommandations adressées sur le fondement du présent article ne peut être contesté qu’à l’appui d’un recours dirigé contre une décision de sanction prononcée en application de l’article L. 331-25. » Si nous décodons cela, sans langue de bois, cela veut dire que vous ne respectez pas le principe du contradictoire, principe général du droit français. En outre, vous allez complètement à l’inverse de la jurisprudence européenne, puisque vous n’offrez pas de délai de recours. C’est complètement liberticide.

Tout à l’heure, monsieur le rapporteur vous avez trouvé le moyen de dire dans la même phrase : « Ce n’est pas à la tête du client, ce sera automatique, non un dispositif généralisé. » Je suis plutôt cartésien, et je n’aime pas qu’une chose dite soit contredite trois mots plus tard. Or vos propos sont totalement contradictoires, ce qui prouve que vous défendez un projet que vous n’avez pas le courage d’assumer.

M. Philippe Gosselin. Nous l’assumons très bien !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Ce que nous demandons, et que vous n’acceptez pas, monsieur le rapporteur, madame la ministre, c’est qu’il n’y ait pas d’exception au droit commun, qu’il n’y ait pas cette structure d’exception que constitue la HADOPI. Nous avons confiance en la justice de notre pays, non en ces structures d’exception que vous mettez en place et qui n’ont d’autre but que d’enfermer la liberté à laquelle nous sommes tant attachés dans notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Oui, vous êtes moins attachés à la liberté que nous, et vous le prouvez, ne vous en déplaise, par ce texte que vous défendez ! (Mêmes mouvements.)

M. Philippe Gosselin. Pour qui vous prenez-vous pour distribuer des bons points ?

Mme Françoise Hostalier. Cinéma !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Défavorable. L’internaute pourra former un recours devant le juge judiciaire à partir du moment où une sanction est prononcée. Les premières recommandations, quant à elles, ne font pas grief. Le délai de recours, comme le précise un amendement ultérieur, sera de sept jours. Tout sera très clair. Il est donc important de maintenir l’alinéa 5 de l’amendement.

Je confirme également que le choix de la HADOPI d’envoyer ou non une recommandation ne se fera pas à la tête du client, mais en fonction de critères précis, qui pourront être automatisés…

M. Patrick Braouezec. Lesquels !

M. Franck Riester, rapporteur. Ils seront définis par la HADOPI elle-même. La commission de protection des droits est composée de trois magistrats, qui ont toute autorité pour les définir.

M. Patrick Braouezec. Ces critères doivent être dans la loi !

M. Franck Riester, rapporteur. C’est la raison pour laquelle il n’y a pas de système généralisé d’envoi de mails et de recommandations. Où est le contresens ?

M. Patrick Braouezec. S’il y a des critères, c’est que c’est automatique ; ce que vous dites est contradictoire !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Le Sénat et l'amendement n° 52 de la commission des lois ont prévu la possibilité pour l’internaute d’envoyer des observations suite à la réception de mails et de lettres recommandées. Nous pensons qu’il ne faut pas aller plus loin. Les mails sont de simples rappels à la loi, de purs avertissements qui ne modifient en rien la situation juridique de l’abonné. Il n’y a donc aucune raison de les rendre susceptibles de recours.

En revanche, si le processus, après de multiples récidives, débouche sur une suspension, l’abonné pourra contester les recommandations à l’occasion du recours dirigé contre la sanction. Soit les avertissements débouchent sur une sanction et ils peuvent être contestés, soit ils n’ont aucune conséquence et il est alors inutile de compromettre la fluidité du dispositif en prévoyant un recours contre une simple mesure d’information, alors que des observations sont possibles.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, nous entendons vos explications de plus en plus embarrassées.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Elles ne le sont pas du tout !

M. Jean-Pierre Brard. Vous vous prenez les pieds dans le tapis. C’est un peu la brasse coulée. Comme dirait notre collègue Christian Paul, « l’échelle de Riester » est de plus en plus perturbée.

Monsieur le rapporteur, je vous parle de la commission et vous me répondez « internautes ». Je lis votre texte : « la commission peut », et vous me répondez : « l’internaute peut ». Pour essayer de vous en sortir, vous dites que ce sera automatisé et non à la tête du client. Si ce n’est pas à la tête du client, la machine automatique ne réfléchit pas, quant à elle, en termes de « peut » ou « ne peut pas », et il faut donc supprimer tout caractère facultatif.

M. Patrick Braouezec. Eh oui !

M. Jean-Pierre Brard. Sur ce point, vous n’êtes pas clairs, et ce délibérément, parce que vous voulez nous embrumer, ainsi que – et surtout – les internautes. Vous voulez dissimuler vos actes liberticides… (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous protestez parce que nous vous prenons les doigts dans le pot de confiture ! (Mêmes mouvements.) Et comme dirait Mme Billard, avec vous, ce n’est même pas de la confiture bio ; c’est de la confiture OGM ! (Rires sur divers bancs.) On en mourrait, autant avec la confiture qu’avec votre pratique d’Internet !

M. Philippe Gosselin. Rideau !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Le rapporteur nous dit que la HADOPI définira des critères. Or il est de tradition, lorsque le Parlement débat d’un texte de loi, que soient présentées au moins sommairement les dispositions de la partie réglementaire. Je considère que, s’ils ne sont pas à proprement parler dans la partie réglementaire, les critères définis par la HADOPI relèvent d’un raisonnement similaire. Le minimum serait que la représentation nationale soit éclairée sur ces critères, que nous sachions comment la Haute Autorité choisira à quels internautes elle enverra messages d’avertissement et lettre recommandée, et à qui elle coupera la connexion.

Monsieur le rapporteur, si vous souhaitez une procédure automatisée, il faudra que les critères le soient. En informatique, quand on crée un logiciel, ce n’est pas « peut-être » ni « oui mais non » ; c’est très précis, c’est un ou zéro, c’est du binaire. Si cela doit être écrit très précisément, je pense que l’Assemblée peut être à même d’en connaître. Il est tout de même invraisemblable que l’on nous fasse voter des dispositifs en nous disant : « Mesdames et messieurs les députés, circulez, il n’y a rien à voir : c’est la HADOPI qui décidera. »

M. Christian Paul. C’est en effet inacceptable !

M. Jean-Pierre Brard. Castrateur !

(Le sous-amendement n° 502 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux sous-amendements identiques, nos 275 rectifié et 293 rectifié.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour soutenir le sous-amendement n° 275 rectifié.

M. Jean Dionis du Séjour. Le texte ne permet de recours qu’en cas de suspension, et aucun dispositif d’accueil n’est prévu pour les internautes recevant des messages d’avertissement. Si un amendement précise qu’en cas de réclamation, quelques renseignements pourront être apportés, il n’y a pas de véritable dispositif d’accueil et de dialogue.

C’est une lacune qu’a pointée très tôt la Commission européenne, puisqu’elle notait en juin 2008, à propos du projet de loi initial : « Il serait important que, dès le premier message adressé à l’internaute soupçonné de s’être livré au piratage, celui-ci puisse lui-même faire l’objet d’un recours. »

L’amendement organise la possibilité et les modalités d’une contestation par l’internaute recevant une lettre avec accusé de réception. La Haute Autorité aura alors trente jours pour se justifier.

Je vois bien que vous n’êtes pas réceptifs à l’idée d’offrir la possibilité d’un recours à ceux qui reçoivent ces messages, ce qui est pourtant une demande de base des institutions européennes. Nous, Centristes, croyons que vous avez tort. La détection des fichiers contrevenants et des adresses IP n’est pas une science exacte. Le taux d’erreur en la matière est important. Nous le répéterons en boucle, parce que c’est la réalité.

Si vous n’organisez pas ce recours, le contentieux vous l’imposera. De quoi avez-vous peur ? Vous aurez à gérer le contentieux ; la jurisprudence vous imposera ce dialogue.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir le sous-amendement n° 293 rectifié.

M. Patrick Bloche. Ce sous-amendement vise à modifier la rédaction de l’alinéa 5 de l’amendement n° 52 du rapporteur. Nous essayons tant bien que mal de corriger ces mauvaises dispositions, et surtout, de manière acharnée mais aussi, nos amendements étant systématiquement rejetés, quelque peu désespérée, de mettre du contradictoire dans le dispositif, tout simplement pour assurer les droits de la défense.

Qu’y a-t-il de plus légitime à ce qu’un internaute puisse contester par courrier le bien-fondé d’une recommandation que lui envoie la Haute Autorité ? Quand les impôts écrivent à un administré au sujet de sa déclaration ou du paiement de son impôt, l’administration fiscale, contrairement, d’ailleurs, à sa réputation, lui est accessible : tout citoyen peut se rendre à la perception ou à la trésorerie générale, et s’il préfère écrire un courrier, il lui sera répondu. Pourquoi ce que fait l’administration, répondant à toute contestation d’administrés qui jugent infondés les reproches qui lui sont adressés, ne vaudrait pas aussi pour la HADOPI ?

D’autant plus que, comme l’a souligné très justement Mme Billard, nous sommes dans l’imprécision puisque l’on nous dit : « Mesdames, messieurs les députés, circulez, y a rien à voir. Il y aura des critères et, en plus, tout cela va fonctionner de manière automatique. » Mais on ne sait quels sont ces critères et, question automaticité aux résultats imprévisibles, le tirage du Loto, ce n’est rien à côté du fonctionnement de la HADOPI !

L’envoi des recommandations fait partie intégrante de la procédure de ripostes graduées, et il s’agit, je le répète, d’un acte administratif qui influe sur la situation juridique du titulaire de l’abonnement parce qu’il permettra plus tard le déclenchement de la sanction de suspension. C’est pourquoi nous voulons que la procédure soit contradictoire dès le premier avertissement.

Cet amendement se justifie d’autant plus que l’ampleur des envois, attestée par les chiffres donnés par Mme la ministre elle-même, soit 10 000 mails adressés par jour, 300 000 mails par mois, laisse envisager de nombreuses erreurs. Il vise donc à renforcer les droits de la défense de l’internaute incriminé en rendant obligatoire, en cas de contestation, la motivation par la HADOPI de ses accusations.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les deux sous-amendements identiques ?

M. Franck Riester, rapporteur. Avis défavorable. Je rappelle à M. Dionis du Séjour que les internautes recevront, à la réception de la recommandation, toutes les coordonnées nécessaires pour formuler les observations qu’ils estimeraient légitimes : coordonnées téléphoniques, Internet ou postales.

En outre, à partir du moment où les recommandations ne font pas grief,…

M. Patrick Bloche. Mais si, elles font grief puisqu’elles ont des conséquences juridiques !

M. Franck Riester, rapporteur. …il est tout à fait logique que le recours ne puisse être formé que s’il y a sanction et pas avant. Je rappelle qu’il n’y a pas d’automaticité de la sanction après la recommandation puisqu’il faudra deux recommandations, et encore une en cas de récidive de téléchargement illégal, pour aboutir éventuellement à une sanction. Il est donc inutile d’alourdir la procédure. Toutes les garanties du contradictoire figurent bien dans le projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Même avis que la commission, pour les raisons que j’ai déjà explicitées.

M. Jean-Pierre Brard. C’est un peu bref, madame la ministre !

(Les sous-amendements identiques nos 275 rectifié et 293 rectifié ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 503.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Ce sous-amendement vise à prévoir que la Haute Autorité efface de son système de traitement automatisé les données à caractère personnel portant sur les personnes faisant l’objet d’une procédure dès qu’elle constate la bonne foi de ladite personne quant à son absence de responsabilité pour les faits mis en cause à l’alinéa 1er du présent article.

En effet, depuis des heures, nous expliquons qu’il y aura des erreurs concernant les personnes incriminées, et cela n’est nié ni par Mme la ministre ni par les rapporteurs. M. le rapporteur de la commission des lois nous dit que ce n’est pas grave, qu’il s’agit seulement d’une recommandation, mais je rappelle que ces personnes seront tout de même fichées dès l’envoi du premier avertissement. Or il y a une multiplication des fichiers dans notre pays, la fiabilité de certains d’entre eux étant pour le moins discutable. Monsieur le président de la commission des lois, dans les deux premiers jours de nos débats sur ce texte de loi, j’avais rappelé que nous pouvions éprouver quelques doutes sur la fiabilité des fichiers, faisant référence au STIC.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Nous y travaillons !

Mme Martine Billard. Vous me répondez que votre commission travaille à la fiabilité et au nettoyage du STIC, mais c’est pourquoi il serait plus prudent de prévoir, dès maintenant, que les données des internautes incriminés à tort soient bien effacées du futur fichier de la HADOPI.

J’insiste sur ce point parce qu’avec le dispositif qui nous est proposé, il risque d’y avoir des mises en cause répétées. Un internaute qui prouvera une première fois que son adresse IP a été piratée, aura tout de même été fiché en tant que suspect. La HADOPI prendra en compte sa bonne foi, mais il faudrait être sûr de son effacement du fichier parce que sinon, en cas de repiratage, il risque d’être considéré comme récidiviste, du fait de l’automatisation des procédures. La réitération du piratage n’est en effet pas impossible puisqu’il arrive fréquemment que des ordinateurs soient piratés plusieurs fois, et sans que leurs utilisateurs s’en rendent compte. Son nom n’ayant pas été effacé du fichier après le premier avertissement, il recevra alors la lettre recommandée, puis, après un nouveau piratage, sera sanctionné par une suspension de sa connexion.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Avis défavorable puisque la personne concernée aura la possibilité de contester l’avertissement, puis de former un recours en cas de sanction. Si jamais celle-ci est reconnue illégitime, le titulaire de l’accès Internet sera effacé du fichier de la HADOPI.

Je précise qu’à l’issue de la période d’application de la sanction, la persone sera effacée du fichier HADOPI, et que la CNIL émettra régulièrement un avis sur les protocoles mis en œuvre pour la gestion dudit fichier.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Avis défavorable. J’ajoute à ce qu’a dit très justement le rapporteur que les modalités de rectification et d’effacement des données sont prévues par la loi « CNIL » de 1978, directement applicable en l’espèce. Je souligne que ce dispositif sera mis en œuvre sous le contrôle de la CNIL.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, les réponses que vous nous fournissez sont invraisemblables. Martine Billard propose, s’il est constaté que quelqu’un a été illégitimement soupçonné, que son nom soit retiré du fichier. Monsieur le rapporteur, vous nous dites : « Le nom sera retiré du fichier. » Mais nous, on vous propose de l’inscrire dans la loi parce qu’on vous connaît ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Pas de procès d’intention, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Après le fichier EDVIGE, il y aura, avec Mme Albanel, le fichier Christine ! (Sourires.) Ce fichier aura comme des relations de cousinage avec un lointain Fouché. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. Et vous, c’est avec Beria !

M. Jean-Pierre Brard. « Cachez ce sein que je ne saurais voir », semblez-vous dire, chers collègues de l’UMP ! Mais les références historiques vous sont douloureuses parce que nous mettons précisément le doigt là où ça fait mal, et nous arrachons ainsi votre masque : vous apparaissez liberticides !

Le sous-amendement qu’a défendu Mme Billard est très clair. Je vais le relire, non pas pour vous, madame la ministre, parce que vous avez débranché votre sonotone depuis longtemps, ni pour vous, mes chers collègues, puisque vous êtes là en sentinelles, muettes la plupart du temps, pour protéger une cause indéfendable. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je vais le relire, disais-je, pour les internautes qui nous regardent : Sont effacées du fichier de la Haute Autorité « les personnes faisant l’objet d’une procédure dès qu’elle constate la bonne foi de ladite personne quant à son absence de responsabilité pour les faits mis en cause au 1er alinéa du présent article. » Mais c’est ce dont vous ne voulez pas. Vous refusez d’effacer, vous refusez de prendre une décision claire qui serait inscrite dans la loi. Il faut que les gens qui nous regardent le sachent ! Il faut que vous apparaissiez pour ce que vous êtes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Depuis le temps, ils savent qui nous sommes ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Au risque de vous étonner, madame Billard, monsieur Paul, monsieur Brard,…

M. Jean-Pierre Brard. De vous, rien ne nous étonne !

M. Philippe Gosselin. Tant mieux en ce cas, mais vous, vous continuez à nous étonner – et plus que cela par moments. Cela étant, je vous annonce que nous partageons totalement, sur le fond, la motivation de l’amendement n° 503.

Madame Billard, vous avez évoqué l’excellent travail de notre président Warsmann. Sous sa présidence, il y a quelques jours à peine, le lundi 24 mars, la commission des lois a adopté le rapport d’information de Delphine Batho et de Jacques Alain Bénisti sur les fichiers de type STIC ; cinquante-sept propositions y sont formulées. Nous sommes évidemment très attachés à ce que le nettoyage soit fait dans les fichiers. Nous souscrivons donc totalement sur le fond, et sans ambiguïtés, à vos propos.

M. Jean-Pierre Brard et M. Christian Paul. Mais vous ne votez pas le sous-amendement !

M. Philippe Gosselin. Je ne le voterai pas parce qu’il est inutile. En effet, la loi de 1978 s’applique de plein droit au fichier qui sera ainsi constitué.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Eh oui !

M. Philippe Gosselin. Il y aura donc de plein droit disparition, le moment venu, des noms qui y figureraient à tort.

M. Jean-Pierre Brard. Il vaut mieux le répéter dans cette loi !

M. Philippe Gosselin. Je répète que vous avez raison sur le fond,…

M. Frédéric Lefebvre. Pour une fois ! (Sourires.)

M. Philippe Gosselin. …mais que, sur la forme, ce sous-amendement est sans objet.

Quant aux leçons que vous donnez, monsieur Brard, en évoquant Fouquier-Tinville, Fouché et je ne sais qui encore…

M. Jean-Pierre Brard. Vous confondez Fouché et Fouquier-Tinville !

M. Philippe Gosselin. Parce que vous êtes un grand procureur, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Fouquier-Tinville se serait occupé de vous ! (Sourires.)

M. Philippe Gosselin. Avec vous à ses côtés, je n’en doute pas ! Des têtes seraient tombées ! (Sourires.)

(Le sous-amendement n° 503 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 52, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements n°s 116, 172, 368, 180, 367, 7, 254, 369, 155, 370, 256, 157, 117, 371, 499, 8, 372, 373, 259, 118, 186, 258, 257, 119, 374, 9, 375, 376, 120 rectifié, 377, 10, 187 et 378 tombent. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Nous en venons à l’amendement n° 260.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le défendre.

M. Patrick Bloche. L’amendement ne m’a pas été distribué, monsieur le président.

M. le président. Ne l’avez-vous pas reçu par Internet ?

M. Jean-Pierre Brard. Il a été piraté ! (Sourires.)

Mme Martine Billard. Ce n’est pas possible, monsieur Brard, puisque nous n’avons pas le droit d’avoir accès à Internet dans l’hémicycle ! (Sourires.)

M. le président. C’est vrai, madame Billard.

M. Henri Nayrou. Pas encore !

M. le président. Mes chers collègues, à ceux qui n’auraient pas entendu, je signale que M. Nayrou, qui s’y connaît, vient de dire que nous aurons bientôt accès à Internet dans l’hémicycle. (« Ah ! Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Brard. On vous entend enfin, mes chers collègues de l’UMP !

Une députée du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Est-ce lié au vote de la loi, monsieur le président ?

M. le président. Non, madame la députée, cela n’a rien à voir avec la loi. C’est le fruit du travail, que soutient M. Nayrou, de la délégation chargée de l’informatique et des nouvelles technologies, délégation que je préside. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur Bloche, vous avez la parole.

M. Patrick Bloche. L’amendement n° 260 propose d’insérer un nouvel alinéa après l’alinéa 74. L’envoi des recommandations, nous l’avons expliqué à plusieurs reprises, fait partie intégrante de la procédure dite de riposte graduée. Il ne faut donc pas minimiser un tel envoi. Quand le rapporteur répète à l’envi que les recommandations ne font pas grief, je lui réponds que si car en tant qu’actes administratifs, elles ont des conséquences juridiques, notamment lorsqu’une sanction, en l’espèce une suspension de l’abonnement, est prise à l’encontre d’un internaute. Je rappelle que c’est l’envoi de ces recommandations qui va permettre le déclenchement de la sanction.

Nous considérons donc qu’il est inconcevable que la procédure ne soit pas soumise au principe du contradictoire dès l’envoi du premier avertissement, en raison notamment du nombre d’erreurs qui vont être provoquées par l’envoi massif de recommandations. À travers cet amendement, nous insistons sur ce point, peut-être lourdement mais il s’agit d’apporter des éléments essentiels à la garantie des droits de la défense et de la présomption d’innocence à laquelle a droit tout internaute. Ne pas chercher à garantir ces droits revient à considérer que tout internaute est un suspect en puissance, et il faudrait alors mettre tous les internautes à haut débit, soit 18 millions de personnes, dans un vaste fichier,…

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Mais non !

M. Patrick Bloche. …que l’on pourrait appeler le « Fichier des suspects en puissance ».

M. Jean-Pierre Brard. Ce serait le fichier Christine II ! (Sourires.)

M. Patrick Bloche. Il ne serait même pas nécessaire de réglementer sa connexion avec d’autres fichiers puisqu’il serait exhaustif.

En l’occurrence, je me permets de faire remarquer à M. Gosselin que si la loi de 1978 avait un caractère si automatique que cela, le texte ferait l’économie des dispositions prévues de l’alinéa nos 112 à 115 qui tendent à renvoyer à un décret tout ce qui concerne les données personnelles et le rôle joué par la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Pour notre part, nous estimons qu’en matière de protection des données personnelles, c’est la loi qui doit apporter les garanties auxquelles tous les citoyens ont droit, pour qu’il n’y ait pas deux poids deux mesures.

De ce fait, nous souhaitons renforcer les garanties de la défense de l’internaute incriminé, et obliger la HADOPI à motiver ses accusations. Nous considérons que si elle ne justifie pas du bien fondé de la mise en cause de l’internaute dans un délai de trente jours, sa recommandation sera frappée de nullité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Avis défavorable. C’est toujours le même débat. En plus, le fait de rajouter une réponse sous trente jours alourdirait vraiment le dispositif.

(L'amendement n° 260, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 261.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Après l’alinéa 74, nous souhaitons insérer l’alinéa suivant : « En cas de contestation d’une recommandation de la part de l’abonné, la Haute autorité est tenue de préciser l’ensemble des œuvres ou objets dont l’utilisation illicite a été constatée, ainsi que la date et l’heure de cet usage illicite. »

Nous souhaitons que l’internaute puisse avoir connaissance, de manière précise, des éléments de preuve tangibles et quasiment matériels qui fondent les accusations de la HADOPI. Il s’agit de compenser le mieux possible les multiples erreurs qui seront commises sur l’identité de la personne, et le fait que des abonnés pourront voir leur ligne utilisée illégalement par d’autres internautes. Si les abonnés veulent prouver un usage illicite de leur adresse IP, ils doivent pouvoir contester et démontrer qu’ils n’utilisaient pas leur ordinateur à l’heure ou le jour dit, ou qu’ils n’ont jamais téléchargé les œuvres mentionnées. C’est à ces seules conditions que les abonnés pourront se défendre contre les accusations de la HADOPI.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Cet amendement est satisfait par l’amendement n° 52 qui prévoit la mention de la date et de l’heure de l’usage illicite dans les recommandations, et la fourniture de la liste des œuvres téléchargées illégalement aux internautes qui en feront la demande. Je vous propose donc de retirer votre amendement, monsieur Bloche.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Avis défavorable. Il semble, en effet, que cet amendement soit satisfait par l’amendement n° 52 de la commission des lois. S’agissant des recours, il me semble que nous avons amplement répondu.

M. le président. Retirez-vous votre amendement, monsieur Bloche ?

M. Patrick Bloche. Non, je ne retire pas cet amendement. À chaque fois, le rapporteur prétend que nos amendements sont satisfaits, mais c’est lui-même qui l’est !

M. Philippe Gosselin. Cet amendement l’est réellement !

M. Patrick Bloche. Nous voudrions que nos amendements soient satisfaits, mais ce n’est malheureusement pas le cas. Tout à l’heure, lors de l’examen de l’amendement n° 52, vous avez évoqué la discrétion et le secret qui devaient entourer la procédure, afin de ne pas perturber les familles par l’envoi et le contenu des recommandations. Bref, il s’agit d’en dire le moins possible. Certes, quand on envoie 10 000 recommandations par jour, on ne peut pas être disert et s’étendre. Mais le jour venu, la coupure à l’abonnement Internet ne se fera pas dans la discrétion ou le secret des familles.

M. Christian Paul. Il y aura du sang sur les murs !

(L'amendement n° 261 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 379.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je crois aux vertus de la vraie pédagogie, pas à la méthode Riester. Deux choses n’ont pas été dites après l’intervention de M. Gosselin. Vous avez affirmé que vous étiez d’accord avec nous sur le fond, monsieur Gosselin. Quelle meilleure façon de confesser que vous étiez à court d’arguments ! Les personnes présentes auront été impressionnées de constater que, puisque vous êtes d’accord avec nous, vous refusez notre amendement.

M. Philippe Gosselin. Il était surabondant, sans nécessité !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, vous avez souligné que l’adoption de l’amendement n° 52 de la commission faisait tomber tous les amendements suivants. Les personnes qui nous regardent doivent savoir qu’il s’agit d’un subterfuge : il suffit de rédiger autrement un texte, dans un sens plus liberticide comme je l’ai montré, pour faire disparaître tous les autres amendements.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Ces propos sont scandaleux, monsieur le président ! Vous ne pouvez laisser dire cela !

M. Jean-Pierre Brard. Dans le cas particulier, ceux qui défendent les libertés sont privés de la présentation de trente-cinq amendements. Je tenais à le dire car si nous sommes habitués à cette pratique, les personnes qui nous regardent ne la comprennent pas forcément. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous ne voulez pas que l’on explique à nos concitoyens comment fonctionnent les institutions ?

Mme Laure de La Raudière. On se croirait au théâtre avec vous !

M. Jean-Pierre Brard. Avec vous, ce serait de la tragédie !

M. Christian Paul. Il y a du vaudeville dans l’air !

M. le président. Revenons à l’amendement.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. C’était un mensonge, monsieur le président !

M. Jean-Pierre Brard. Les alinéas nos 75 à 96 précisent les conditions de suspension de lignes Internet. Or, si cette mesure peut probablement satisfaire les majors pour lesquels vous êtes aux petits soins, ou les membres du Gouvernement dans leur logique revancharde sur la liberté que se sont octroyés les internautes, elle ne peut être la réponse à la carence en financement pour les artistes créateurs ou à l’éducation des citoyens au respect du travail des artistes.

Alors, à quoi sert-elle ? Cette mesure purement répressive ne trouve aucun fondement dans le réel, n’apporte aucune solution au problème du soutien à la création. Elle organise une exclusion sociale de la culture et de l’information, et institue une double peine pour l’internaute : plus de connexion mais paiement de l’abonnement. Encore une fois, elle est le fruit d’un manque de discernement sur la sécurisation des lignes, qui est quasiment impossible actuellement, comme cela a été excellemment démontré par Martine Billard.

Une fois la sanction prononcée, le seul recours des internautes sera de saisir la justice à leurs frais. Cela pourra prendre des mois pendant lesquels les citoyens supporteront les conséquences lourdes et injustes de cette décision, alors que beaucoup seront totalement innocents.

Que faire quand la coupure de la ligne intervient dans un foyer, privant ainsi toute une famille de sa connexion : la mère qui télétravaille, les enfants scolarisés qui se documentent et regardent la télé sur Internet ? On revient à la pédagogie Riester ! C’est la punition collective ! Elle est inacceptable, contraire aux principes du droit, et laisse à penser aux individus qu’ils peuvent être punis sans raison, sur simple envoi d’une lettre.

Pensez-vous réellement que les personnes sanctionnées, déjà grandes consommatrices de produits culturels légaux selon les études désormais connues de chacun, dépenseront encore plus d’argent en biens culturels ? Dans un contexte de crise, de montée du chômage, de baisse du pouvoir d’achat, où une grande partie des foyers a du mal à se loger, votre soutien aux velléités des majors ressemblerait presque à du racket. Aux pseudo-pirates, vous opposez de véritables corsaires.

M. Philippe Gosselin. C’est la galère !

M. Jean-Pierre Brard. Pire : il est prévu que les abonnés sanctionnés voient leur nom publié dans des journaux choisis par la HADOPI, à leurs frais. C’est une stigmatisation publique !

M. le président. Monsieur Brard, il faudrait conclure.

M. Jean-Pierre Brard. Dans ce cas, j’aimerais autant que soient publiés également les noms des actionnaires qui empochent les dividendes des entreprises qui licencient, des bénéficiaires du bouclier fiscal, des fraudeurs du fisc,…

M. Christian Paul. Très bien !

M. Jean-Pierre Brard. …de tous ceux qui ont réussi leur vie, comme dirait Séguela, et possèdent une Rolex.

Tout au long de ces débats, vous n’avez cessé d’insister sur la dimension pédagogique de la loi. Permettez-moi, madame la ministre, de m’interroger sur la pertinence de votre pédagogie, quand celle-ci consiste à couper les citoyens d’un accès au réseau Internet, et à les déconnecter d’un pan énorme du monde, de la culture et de l’information. Quelle didactique !

M. le président. Monsieur Brard, avant de demander l’avis de la commission sur votre amendement, il y a quelque chose que je ne peux pas vous laisser dire aux personnes présentes. À vous entendre, on a l’impression qu’un tour de passe-passe a fait tomber certains amendements.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas de votre fait !

M. le président. Ce n’est pas non plus ce qui s’est passé au Parlement. Que des amendements tombent, cela arrive depuis la création du Parlement, et sous toutes les majorités. L’amendement n° 52 a rédigé l’article d’une telle façon que les amendements prévus sont devenus sans objet. C’est arrivé ce soir, d’autres jours, sous d’autres majorités, d’une façon récurrente.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Ce n’est pas contraire aux libertés comme a prétendu M. Brard. Il s’agit d’un règlement de travail de tous les parlements démocratiques.

M. le président. Tout à fait !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. M. Brard a proféré un mensonge éhonté.

M. Jean-Pierre Brard. C’est une mise en cause personnelle !

M. Christian Paul. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Mon rappel se fonde sur l’article 58 alinéa 1 de notre règlement et vise à faire une observation sur le déroulement de nos travaux.

Au président de la commission des lois, dont désormais nous connaissons bien les indignations sélectives, je voudrais dire ceci : en tant que député, membre de cette assemblée, je suis extrêmement choqué, monsieur Warsmann, que vous vous leviez une seule fois de votre banc au cours des débats sur cette loi qui met en question des libertés essentielles, et pour faire la leçon aux députés de l’opposition.

Monsieur le président de la commission des lois, nous aimerions vous voir un peu plus présent au cours de ce débat, afin de préserver les libertés, les droits de la défense, l’état de droit. Avant vous, il y a eu des présidents de commission des lois de tous les partis – je pense à Pierre Mazeaud et à d’autres – qui auraient participé à ce débat, et pas seulement pour jouer les pères Fouettard.

M. Patrick Bloche. Il a raison !

M. Jean-Louis Gagnaire. Warsmann, provocateur !

M. le président. Avant de donner la parole au président de la commission des lois, je voudrais qu’on retrouve un peu de sérénité.

M. Christian Paul. Nous sommes provoqués par Jean-Luc Warsmann comme pendant la discussion sur la loi organique. C’est un boutefeu !

M. le président. Le président de la commission des lois va s’exprimer sereinement. Puis, la commission nous donnera son avis sur l’amendement n° 379.

La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. En un mot et très sereinement, monsieur le président : comme vous l’avez très bien dit, les amendements sont tombés en application d’un règlement qui existe dans tout parlement démocratique. Cela m’a profondément choqué d’entendre dire que les amendements avaient été effacés afin de porter atteinte à la liberté. Le mot liberticide a été prononcé. Pour le reste, je vais me retourner avec un sourire vers le groupe socialiste.

M. Patrick Bloche et M. Christian Paul. Où est le sourire ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Si un jour la liberté est menacée dans notre pays, j’espère qu’il y aura plus de quatre députés socialistes en séance pour la défendre dans l’hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Bloche. Je demande la parole pour un rappel au règlement !

M. le président. Non, monsieur Bloche !

M. Patrick Bloche. J’ai une délégation pour réunir immédiatement mon groupe, afin de répondre aux provocations du président de la commission des lois ! Je sais qu’il se contrefout des libertés publiques dans notre pays (Protestations sur les bancs du groupe UMP), mais qu’il ne vienne pas perturber et retarder les débats inutilement, et mettre en cause le groupe socialiste. Je demande à réunir mon groupe immédiatement, et donc une suspension de séance de dix minutes.

M. le président. J’ai appelé à la sérénité, monsieur Bloche, car je sentais les esprits s’échauffer ; tout le monde en rajoute, et vous aussi (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC), car il est un peu tard ; mais je suis sûr que chacun retrouvera son calme à mesure que la nuit avance.

Je suspendrai la séance pour quelques minutes après le vote de l’amendement n° 379 afin que nous puissions poursuivre le débat toute la nuit si nécessaire.

Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?

M. Franck Riester, rapporteur. Le projet de loi mise sur la pédagogie ; or une bonne pédagogie requiert un peu de dissuasion. C’est pourquoi la sanction est nécessaire ; en l’occurrence il s’agit de suspendre l’abonnement pour une durée qui peut aller de deux mois à un an.

M. Jean Dionis du Séjour. Pitié, arrêtez !

M. Franck Riester, rapporteur. La suppression des alinéas 75 à 96 serait tout à fait contraire à l’esprit du texte. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable également. Le texte prévoit un dispositif pédagogique, la sanction étant la dernière des étapes après l’e-mail d’avertissement et la lettre recommandée. Cette sanction est proportionnée ; une injonction à installer un logiciel pare-feu peut d’ailleurs en tenir lieu. Le système proposé me semble donc très équilibré.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Il y a eu un peu d’animation, ce qui nous aura sans doute réveillés, et c’est heureux : nous abordons, avec la coupure de l’abonnement, un débat qui exige que nous le soyons. Nous estimons que le destin du texte se joue ici. Je prends date avec d’autres collègues qui ont participé à l’examen du projet de loi dit « DADVSI » : si l’on maintient une telle sanction, on se dirige vers un deuxième naufrage législatif.

Nous pensons, au Nouveau Centre, qu’une sanction est nécessaire ; c’est pourquoi nous ne voterons ni les amendements de M. Brard ni certains autres, qui cependant ouvrent le débat. Nous soutiendrons en revanche l’amendement n° 190 de la commission des affaires économiques, qui prévoit de substituer une amende à la coupure de l’abonnement.

Nous devons prendre le temps d’expliquer pourquoi le choix proposé est mauvais. Il l’est d’abord sur le plan symbolique et politique : ne pas comprendre que, pour un nombre croissant de nos concitoyens, le téléphone mobile et l’accès à l’Internet sont devenus des arts de vivre, c’est avoir les oreilles un peu bouchées sur la société moderne.

Mais ce n’est pas tout. Considérez la somme des inconvénients d’un tel dispositif. En premier lieu, il est long et complexe à mettre en œuvre : les opérateurs parlent de douze à dix-huit mois au minimum, de sorte que les effets de la loi ne se feront sentir, une fois celle-ci promulguée, qu’en 2011.

M. Christian Paul. Et nous l’abolirons en 2012 !

M. Philippe Gosselin. Commencez par vous mettre d’accord au sein de votre parti !

M. Christian Paul. No pasarán !

M. Jean Dionis du Séjour. Deuxième inconvénient : la formule prévue est coûteuse – 70 millions d’euros – pour les finances publiques ; c’est le conseil général des technologies de l’information qui le dit.

En outre, contrairement à l’amende, la coupure de l’accès à l’Internet ne rapporterait pas le moindre euro aux créateurs et aux artistes. Elle peut aussi entraîner de graves problèmes pour les biens et la sécurité des personnes : en coupant l’Internet, on prive les usagers de leurs messageries et certaines familles de l’accès à des systèmes d’alerte ; ce point a été spécifiquement relevé par le conseil général des technologies de l’information.

Et ce n’est pas tout : la coupure de l’abonnement impose la constitution d’une liste noire d’internautes accessible à tous les opérateurs, inconvénient majeur pointé cette fois par la CNIL et par l’ARCEP.

Cette solution isole juridiquement la France : quelle meilleure preuve que le vote au Parlement européen ? Dans cette affaire, madame la ministre, c’est un peu comme avec le Titanic : bien que tout le monde signale au capitaine qu’il y a des icebergs sur la voie nord, celui-ci refuse de changer de cap. Combien vous ont signalé cette impasse juridique ? Le Parlement européen, votre homologue du Gouvernement allemand, la Nouvelle-Zélande ou encore la Grande-Bretagne. Franchement, cela fait beaucoup.

Bref, il s’agit d’un très mauvais choix. J’invite nos collègues de la majorité à faire preuve de liberté et de réactivité, car tous les clignotants sont au rouge. Je tenais à faire ce préambule avant d’entrer dans le détail des dispositions.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Nous allons avoir, mes chers collègues, beaucoup d’occasions de nous dire quelques vérités s’agissant de l’impact de la coupure. À ce stade, je me bornerai à en évoquer deux conséquences très graves.

En premier lieu, je le dis avec gravité, je suis profondément choqué que ce soit la ministre de la culture qui propose une liste noire. Vous allez sans doute nous taxer d’exagération et nous dire que, si les libertés étaient en cause, cela se saurait. Reste que vous lancez une sorte de maccarthysme numérique, idée détestable dont je suis très attristé qu’elle vienne de la rue de Valois.

La seconde conséquence ne vous passionnera sans doute guère : dans notre pays et hors de nos frontières se développe un mouvement essentiel pour l’avenir de la civilisation numérique, le logiciel libre. Vous parliez tout à l’heure d’installer un pare-feu sur les ordinateurs. Or les contrôles d’usage que vous proposez, auxquels s’apparentent au fond les pare-feux pour les utilisateurs, reposent sur l’idée qu’une partie de l’ordinateur devient une terre d’accueil pour les fournisseurs de contenus. Une telle approche s’oppose frontalement aux principes du logiciel libre, selon lesquels chaque utilisateur doit avoir un contrôle intégral de son ordinateur.

M. le président. Merci, monsieur Paul…

M. Christian Paul. Nous avons eu, lors de l’examen du projet de loi « DADVSI », de tels débats de fond, avec l’interopérabilité. Les dispositifs d’espionnage à domicile – puisque c’est bien de cela qu’il s’agit –, qu’aucun internaute ne voudra abriter sur son ordinateur, mettent en cause les principes du logiciel libre. D’une façon générale, le présent texte piétine les lois élémentaires de l’Internet. En ce sens, il s’agit d’une bataille culturelle mais d’un débat détestable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je vous remercie, monsieur le président, pour votre mise au point de tout à l’heure, qui aura attiré l’attention des internautes sur le fonctionnement de notre assemblée. Je n’ai jamais dit qu’un tel subterfuge n’avait jamais été utilisé dans le passé pour faire tomber des amendements et empêcher la discussion ;…

M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas un subterfuge !

M. Jean-Pierre Brard. …mais cela ne le moralise pas pour autant. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Monsieur Brard, il ne s’agit pas d’un subterfuge. Ne relancez pas ce débat, qui est clos, car cela crée de la confusion.

M. Jean-Pierre Brard. Je vous propose, pendant la suspension, d’aller consulter le Littré : vous verrez que nous tomberons d’accord sur le sens des mots.

Par ailleurs, je remercie sincèrement le président Warsmann pour sa colère : il s’est rendu compte que le miroir que nous tendions montrait la vraie image de la politique gouvernementale. Que les internautes se reportent au texte, et seulement au texte ! On verra qui a raison.

Enfin, notre collègue Jean Dionis du Séjour – et Dieu sait qu’il est modéré – a dressé un réquisitoire accablant, dont, madame la ministre, vous ne tenez aucun compte.

M. Jean Dionis du Séjour. Attendez, on verra !

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes naïf, mon cher collègue.

Vous n’avez eu de cesse, madame la ministre, d’évoquer des dispositions adoptées à l’étranger. Or vous avez été contredite sur ce point ; on vous a même énuméré tous les pays qui ont fait marche arrière, et vous n’avez toujours pas été en mesure, à cette heure, de citer ceux où vos mesures répressives fonctionnaient.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous sommes seuls !

M. Christian Paul. Après l’exception, l’isolement culturel !

M. Jean-Pierre Brard. Pourquoi donc ne pas nous donner ces informations qui, peut-être, alimenteraient la discussion ? Le fond de l’affaire, c’est que votre objectif n’est pas, contrairement aux intentions affichées, de défendre la création mais de beurrer la tartine des majors. Comme ce n’est guère glorieux, vous tentez de le faire discrètement. Mais notre rôle, à nous, c’est de vous montrer telle que vous êtes.

M. le président. Je ne pourrai pas satisfaire la demande de parole de Mme Billard, car le groupe SRC souhaite se réunir d’urgence.

(L'amendement n° 379 n'est pas adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le mercredi 1er avril 2009 à zéro heure cinquante-cinq, est reprise à une heure cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je souhaitais brièvement vider le différend sémantique qui a surgi entre nous. La chose n’est pas négligeable, surtout dans ces temps où notre langue est tellement martyrisée. Qu’est-il écrit, dans le Littré, à l’article « Subterfuge » ? « Moyen détourné et artificieux pour se tirer d’embarras. » C’est tout à fait votre situation, monsieur le rapporteur. Un peu plus loin, on lit cette citation : « Tous ces petits subterfuges compromettaient la dignité de la couronne. » Je pense, madame la ministre, que cette phrase a été écrite en pensant à vous. Qui porte la couronne, aujourd’hui, et que vous représentez ici ? Certes, à l’époque, les rois n’avaient pas de ministres femmes : nous avons donc progressé.

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Ils n’avaient pas Internet, surtout ! (Rires.)

M. le président. Merci pour cette précision, monsieur Brard, mais permettez-moi de vous signaler, en toute amitié, que nous sommes complètement hors sujet, et que la définition du Littré ne correspond en rien à la situation du Parlement et à notre débat.

M. Christian Paul. Il n’a pas dit : « simulacre » ; il a dit : « subterfuge ».

Article 2 (suite)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 262.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. L’amendement n° 262 vise à supprimer les alinéas 75 à 83, ceux qui ont trait à la sanction.

Comment peut-on encore prétendre que ce texte, qui propose de suspendre l’abonnement à Internet pour une durée pouvant aller jusqu’à un an, est dissuasif et pédagogique ? Il est avant tout répressif. Internet est devenu, pour nos concitoyens, un indispensable outil de travail, d’information et de communication. Il est frappant de découvrir, à la lecture des mails que nous envoient les internautes qui suivent notre débat, les mille façons dont Internet s’est introduit dans leur vie. Pour des raisons d’économie, les pouvoirs publics eux-mêmes ont incité nos concitoyens à déclarer leurs impôts sur Internet, et ils sont de plus en plus nombreux à le faire. C’est un moyen de communiquer avec sa famille, par mail ou par webcam. C’est la possibilité de suivre des cours par correspondance. Dans certains cas, c’est la seule façon d’accéder à une formation ou de rechercher un emploi. C’est aussi, tout simplement, le moyen de travailler en envoyant des mails professionnels. Et c’est encore la possibilité d’inscrire son enfant dans son lycée. Je ne vais pas dresser un inventaire à la Prévert : on le sait, Internet tient désormais une place essentielle dans la vie de chacun d’entre nous.

D’ailleurs, aujourd’hui même, le ministre de l’éducation a rappelé quelle place il tenait à l’école et dans l’effort général pour que nos plus jeunes concitoyens accèdent aux nouvelles technologies. Ce sont d’ailleurs les termes mêmes du rapport Lambrinidis que le Parlement européen vient d’adopter à une très large majorité et qui pose que l’accès à Internet est un droit fondamental pour chacun de nos concitoyens, notamment en matière d’éducation.

Couper l’accès à Internet pour une durée pouvant atteindre une année peut donc avoir de très graves conséquences : c’est priver nos concitoyens de libertés essentielles. Non seulement ce texte est répressif, autorisant une sanction disproportionnée, mais il n’apporte aucune réponse à la vraie question, qui est celle de la juste rémunération des ayants droit à l’ère numérique.

Puisque vous avez à de nombreuses reprises évoqué l’Allemagne, madame la ministre, je voudrais vous citer le propos de la ministre de la justice allemande, Brigitte Zypries, qui s’est intéressée de près à la riposte graduée : « Je ne pense pas que la riposte graduée soit un schéma applicable à l’Allemagne ou même à l’Europe. Empêcher quelqu’un d’accéder à Internet me semble être une sanction complètement déraisonnable. Ce serait hautement problématique d’un point de vue à la fois constitutionnel et politique. Je suis sûre qu’une fois que les premières déconnexions se produiront en France, nous entendrons le tollé jusqu’à Berlin. » Y a-t-il meilleure condamnation d’un dispositif répressif dont nous répétons, une nouvelle fois, qu’il est à la fois dangereux pour nos libertés, inefficace et inutile ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Même avis défavorable que pour l’amendement n° 379.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable.

Puisqu’il est question de l’Allemagne, je précise qu’il y a, dans ce pays, quelque 50 000 contentieux en cours à propos du piratage. Je ne pense pas qu’on puisse considérer qu’il s’agit là d’une situation très enviable. Le ministre allemand de la culture a d’ailleurs approuvé les conclusions que j’ai présentées, en conseil des ministres européen, sur l’expérimentation et sur la défense du droit d’auteur.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Madame la ministre, les députés ne sont pas les seuls à vous mettre en garde contre les problèmes que va poser cette partie de la loi. Un institut fort connu, l’INRIA, spécialisé dans les recherches sur l’informatique et les processus automatiques, a publié une analyse du projet de loi. On ne peut la qualifier de prise de position idéologique, on ne peut l’accuser de méconnaître les problèmes. En voici les conclusions :

« Du point de vue scientifique et technologique et au regard de l’utilisation actuelle de l’Internet dans le monde, la restriction d’accès à Internet – telle que l’envisage le législateur – serait impossible à réaliser dans les faits. […]

« Il est impossible de supprimer totalement l’accès à Internet à un usager sans supprimer Internet lui-même, en raison de la multiplicité des points d’accès. […]

« La suspension de l’accès “individuel” à Internet suppose un dispositif de contrôle “individuel” des identités électroniques.

« L’application du dispositif prévu […] supposerait un système de contrôle électronique “individuel”, avec de sévères conséquences pour les libertés fondamentales, dépassant largement le contexte de la protection des œuvres artistiques. »

Vous le voyez, madame la ministre, nous ne sommes pas seuls à parler des atteintes aux libertés que contiennent certaines dispositions du texte.

Je poursuis la lecture : « La surveillance généralisée du réseau est techniquement possible. Mais elle irait à l’encontre des principes démocratiques, comme le rappelle un avis de la Commission européenne en novembre 2008. »

Et la conclusion est la suivante : « En conséquence, l’INRIA émet de sérieuses réserves sur la faisabilité scientifique et technologique de doter la HADOPI des pouvoirs de suspension d’accès à Internet prévus par le projet de loi. Outre l’impossibilité technique de restreindre l’accès à Internet dans un seul pays et les multiples voies de contournement des interdictions d’entrée sur le réseau, les évolutions de l’Internet du futur devraient rendre caduque l’identification électronique. Le dispositif envisagé par le législateur apparaît donc comme inapplicable au regard des propriétés intrinsèques de l’Internet. »

M. Jean Dionis du Séjour. C’est tout de même sévère !

Mme Martine Billard. Vous nous expliquez qu’il s’agit d’une loi pédagogique. Mais à en juger par l’analyse qu’en a faite l’INRIA, je crains que votre pédagogie ne soit quelque peu dépassée ! Il y a environ un siècle, le débat portant sur le socialisme dans un seul pays semblait totalement ésotérique et bizarre à certains. Mais j’ai l’impression qu’avec ce texte, vous avez essayé de moderniser ce débat en en faisant un débat sur Internet dans un seul pays. Et, de la même manière que le socialisme dans un seul pays était condamné, l’Internet dans un seul pays n’a aucune chance de fonctionner !

M. le président. La parole est à M. Alain Suguenot.

M. Alain Suguenot. Nous examinons la partie essentielle d’un texte de loi dont nous sommes quelques-uns à penser que nous pourrions le voter, à condition que soient garantis la sécurité juridique, la possibilité technique de l’appliquer, et surtout le respect que l’on doit aux internautes. Ceux-ci, en effet, ne doivent pas avoir moins de droits qu’un chauffard ayant renversé deux personnes sur le bord de la route, au regard du principe du contradictoire, du principe du dispositif et du recours au judiciaire.

Nous avons constaté certaines difficultés : ainsi, était-il nécessaire qu’il n’y ait pas d’internaute dans la HADOPI ? La présence de l’un d’entre eux aurait au moins démontré que le texte de loi pouvait être juste et qu’il permettait à toutes les parties d’intervenir.

Dans les accords de l’Élysée, personne n’avait écarté le recours au judiciaire. Cela n’avait pas été évoqué en tant que tel, mais si l’on voulait donner force à la loi, il fallait une garantie juridique, ne serait-ce que pour éviter le risque d’erreur et pour permettre des recours. Pour les parlementaires que nous sommes, cela semble être une garantie minimale si nous voulons éviter une désaffection des internautes de bonne foi. Ceux-ci pourraient ainsi bouder l’offre légale dès lors qu’on ne leur explique pas ce qui est interdit et ce qui ne l’est pas. Le remède risque d’être pire que le mal, en asséchant les moyens de la création.

Nous allons évoquer, à travers nos amendements, les difficultés auxquelles nous serons confrontés avec la riposte graduée. Il y a un point sur lequel nous sommes d’accord, même s’il a fait l’objet de quelques hésitations : comme vous l’avez souligné à propos des Etats-Unis notamment, on peut dissuader 90 % des internautes de télécharger illégalement par le simple envoi d’un premier avertissement, puis d’une lettre recommandée. Ainsi serait éliminé l’essentiel du préjudice causé aux personnes que nous voulons défendre – en particulier aux créateurs et aux auteurs. S’agissant des 10 % restants, tout le monde s’accorde à dire que l’on ne pourra jamais venir à bout de l’ingéniosité des cyberdélinquants, de la technique des newsgroups, des peer to peer cryptés ou du multiproxy.

C’est pourquoi la réponse graduée, telle qu’elle était déjà imaginée dans la loi DADVSI – c’était d’ailleurs le seul élément positif de cette loi, avant la censure de l’article 24 par le Conseil constitutionnel – se suffit à elle-même, sauf à considérer qu’il faut une sanction complémentaire qui ne peut être, selon moi, que judiciaire, pour offrir les meilleures garanties. Cela peut être une peine d’amende, ce qui permet de revenir, en cas d’erreur, sur la sanction et d’éviter les difficultés liées à l’insécurité juridique ou à l’impossibilité technique de la suspension, avec les effets que l’on peut craindre sur les libertés ou sur les discussions européennes.

Si, demain, ce texte se heurtait à une impossibilité technique ou juridique, du fait par exemple de la conclusion des discussions européennes, la loi serait non avenue. Or nous ne voudrions pas retomber alors dans la caricature qu’est la loi DADVSI, que nous sommes aujourd’hui unanimes à dénoncer, j’espère. Si nous voulons donner une chance à la réponse graduée, il faut faire preuve d’un peu d’ingéniosité, en adoptant des amendements indiquant que le recours au juge peut être nécessaire et en prévoyant, si on fait le choix de l’amende, la possibilité d’une peine complémentaire facultative, qui pourrait être la suspension en cas de récidive. A condition que l’absence d’erreur soit démontrée, on peut considérer que la sanction s’impose dans certaines circonstances. Encore faut-il éviter le risque lié à l’existence du triple play, et ne pas traiter différemment les citoyens selon leur lieu de résidence.

Vous dites que la suspension ne causera pas de préjudice puisque l’internaute pourra se rendre dans un cybercafé ou solliciter un voisin. Mais il y a deux France, dont l’une est rurale et n’a pas de cybercafés, d’où le risque de traiter différemment les citoyens qui vivent en ville et ceux qui vivent à la campagne et ne peuvent avoir accès à Internet. Cela constitue un élément de fragilité de ce texte : ce que vous proposez est sans doute possible à Paris, mais pas sur l’ensemble du territoire. Ce serait un traitement différencié du citoyen par rapport à la loi, et vous connaissez la sanction…

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, il vous faut maintenant entrer dans ce débat. Vous devez répondre aux questions que nous avons posées sur les six ou sept points qui ont été soulevés et qui constituent autant d’arguments décisifs contre la suspension. Nous allons reprendre ces arguments un par un.

D’abord, mettre en œuvre la suspension exigera du temps et un travail complexe. Le secteur des télécoms nous a indiqué qu’il serait impossible de généraliser le dispositif envisagé avant au moins un an. En effet, nombre de gens sont aujourd’hui en offre triple play et couper l’accès à Internet tout en maintenant la télévision et la téléphonie sur IP constitue une opération techniquement difficile à mettre au point.

Vous êtes devant un choix : soit vous commencez d’appliquer ce texte au plus tôt, mais il y aura alors rupture d’égalité devant la loi car vous vous heurterez à une impossibilité dans les régions non dégroupées, où un seul canal amène Internet, la télévision et le téléphone. Vous provoquerez ce qui a conduit le Conseil constitutionnel à censurer la loi DADVSI, à savoir la rupture d’égalité devant la sanction. Soit vous attendez tranquillement l’année 2011. Car nous sommes en train de légiférer en choisissant une solution qui, si nous voulons qu’elle soit constitutionnelle, ne sera pas applicable avant 2011 !

Mme Martine Billard. Au mieux !

M. Jean Dionis du Séjour. Madame la ministre, commençons le débat en essayant de répondre à cette question !

Mme Martine Billard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. En présentant notre amendement, Patrick Bloche a dit l’essentiel sur les dangers liés à cette sanction.

Cela étant, je demande à Mme la ministre de bien vouloir cesser de parler de piratage. C’est une façon très désagréable de diaboliser les internautes.

M. Philippe Gosselin. De quoi faut-il parler ? Appelons un chat un chat !

M. Christian Paul. C’est une impropriété juridique radicale, monsieur Gosselin ! Je ne vais tout de même pas aller chercher le Littré ! Peut-être, monsieur Brard, pouvez-vous tout de même chercher à la lettre « P », comme « piratage » ? Le piratage ou la piraterie relèvent du droit maritime. Ce sont des actes très graves de violence et de spoliation. Vous vous servez de ce mot pour diaboliser les actes de téléchargement.

M. Philippe Gosselin. Parlons de vol !

M. Christian Paul. Vous pouvez les juger illégaux, mais ne parlez pas de piratage ! C’est très insultant et cela n’a rien à faire dans ce débat. C’est une façon d’intimider les députés qui ne pensent pas comme vous, en proclamant à la cantonade qu’ils défendent des pirates, donc des délinquants. Dans ce cas, s’il s’agit d’un crime, restons-en à la loi DADVSI ! Si ce n’est ni un crime ni même un délit, puisque telle est la logique de votre aggiornamento, arrêtez de parler de piratageet nous aurons au moins un point d’accord dans ce débat.

Par ailleurs, je m’inquiète du silence du rapporteur sur le logiciel libre, car il ne s’agit pas d’une donnée mineure de notre débat. Si M. Vanneste était resté parmi nous, nous lui aurions rappelé les débats homériques qui nous ont opposés, lors de l’examen de la loi DADVSI, à propos des DRM qui portaient elles aussi atteinte au principe même du logiciel libre. Les moyens de sécurisation dont vous parlez, dispositifs qui vont en quelque sorte renvoyer l’information, empêcheront l’utilisation d’un certain nombre de protocoles et d’accès à des contenus. Vous allez violer – et c’est peut-être du piratage ! – la neutralité de la technologie, vous allez piétiner les principes du logiciel libre. Vous êtes des flibustiers de l’informatique contemporaine !

Je voudrais, monsieur le président, dire à tous nos collègues qu’ils seront dans la deuxième charrette. N’y voyez pas une menace ! Je m’explique. La première charrette était pour la CNIL, qui a été assassinée hier puisqu’on n’a pas voulu qu’elle participe à la HADOPI. La deuxième charrette sera pour l’ensemble des députés de la XIIIe législature, c’est-à-dire nous tous qui utilisons les logiciels libres. En effet, sur nos postes de travail à l’Assemblée nationale – c’est une belle conquête, que nous devons au président Debré ! –, nous sommes tous des utilisateurs de logiciels libres. Vous ne le savez peut-être pas – je ne parle pas pour vous, madame de La Raudière, qui êtes une spécialiste de ces questions, et c’est d’ailleurs pourquoi votre vote est très attendu –, mais c’est un fait.

La difficulté que tous les utilisateurs de logiciels libres vont connaître, vous allez y être confrontés ! Vous ne pourrez pas installer des moyens de sécurisation de votre connexion.

M. le président. Il va falloir conclure, monsieur Paul !

M. Christian Paul. Je termine, monsieur le président, et je vous prie d’avertir M. Accoyer qu’il risque fort de voir sa connexion coupée. Nous avons un très bon dispositif antispams à l’Assemblée nationale. Par conséquent, si vos ordinateurs sont utilisés pour des téléchargements par vous-mêmes, vos collaborateurs ou des visiteurs, vous ne recevrez pas de spams, mais vous ne pourrez pas non plus utiliser des moyens de sécurisation qui vous permettraient de prouver votre bonne foi à la HADOPI. M. Accoyer verra donc sa connexion coupée et nous serons tous dans la deuxième charrette des victimes de la HADOPI.

M. Patrick Bloche. C’est vrai !

M. le président. Monsieur Paul, je suis précisément le président de la délégation chargée de ces questions. Il ne faut pas vous inquiéter : nous nous sommes encore réunis ce matin, et ce, en présence des représentants du groupe SRC. Tout s’est bien passé et nous n’avons aucune inquiétude sur ce point !

M. Christian Paul. Le site de l’Assemblée va exploser !

M. le président. Ne jouons pas les oiseaux de mauvais augure !

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. J’ai indiqué, dans la discussion générale, que je voterais ce texte, car il comporte un certain nombre de progrès. Mais je le voterai d’autant plus allègrement qu’il comprendra certaines améliorations permettant un système de sanction progressif, et donc plus en proportion avec l’infraction.

Il nous semble souhaitable de mettre en place un système d’amende applicable dès maintenant et, comme nous le proposerons avec Jean Dionis du Séjour dans les amendements qui vont venir, de ne mettre en œuvre la suspension qu’à partir du 1er janvier 2011, à condition que l’amende n’ait pas mis fin aux manquements et sous réserve d’eurocompatibilité, car nous savons que, de ce côté, rien n’est assuré – le vote du Parlement européen, hier, en a donné une indication supplémentaire.

Le projet qui nous est proposé instaure un dispositif progressif de mise en garde des auteurs de téléchargements illégaux, et chacun s’en félicite. Malheureusement, cette progressivité du volet prévention n’a pas son équivalent s’agissant de la sanction.

La faiblesse principale de ce texte réside dans le fait qu’une seule sanction a été prévue : la suspension. De plus, celle-ci ne pourra être mise en œuvre que dans douze à dix-huit mois, si l’on veut qu’elle soit techniquement applicable à l’ensemble du territoire national. Or cette mise en place aura un coût élevé – jusqu’à 70 millions d’euros –, étalé il est vrai sur trois ans. Les investissements en services et en aménagements de réseaux, s’ils n’étaient réalisés que dans deux ou trois ans, pourraient également servir à préparer la nouvelle forme de gestion de l’Internet, en différenciant selon la qualité de service.

Cette sanction est également fragile juridiquement, au regard du droit interne mais aussi du droit européen, ce qui constitue une hypothèque très lourde.

Par définition, toute amende touche les contrevenants sans tenir compte de leurs revenus. Il en est ainsi des amendes liées à la circulation, pour excès de vitesse ou stationnement incorrect. Toutefois, l’amende de première classe fixée à 38 euros crée, me semble-t-il, une inégalité assez limitée. Surtout, la suspension crée une inégalité tout aussi forte entre l’abonné qui fait un usage professionnel d’Internet et celui pour qui il ne s’agit que d’un moyen de divertissement ; entre le cas où elle touche un seul abonné et celui où elle concerne un groupe familial tout entier ou des colocataires étudiants par exemple ; entre l’abonné qui n’a accès à Internet qu’à son domicile et celui qui peut facilement trouver un accès à son bureau, dans un cybercafé ou dans un spot wifi voisin.

Madame la ministre, vous craignez que l’amende n’aboutisse à une sorte de licence paradoxale : elle permettrait de télécharger pour 38 euros à chaque constatation du défaut de surveillance.

M. Jean Dionis du Séjour. Mais cela n’a rien à voir !

M. Patrice Martin-Lalande. La réalité est très différente. En fait, l’amende s’ajouterait à la suspension, qui sanctionnerait rapidement le contrevenant en cas de récidive.

M. le président. Monsieur Martin-Lalande, merci de conclure !

M. Patrice Martin-Lalande. Par ailleurs, il me semble que, dans l’état actuel des textes, c’est plutôt la possibilité de télécharger illégalement sans aucune sanction pendant la première année et demie qui se rapproche d’une sorte de licence globale – et de licence à coût nul.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Les auteurs du projet de loi sont tellement convaincus que la suspension de l’abonnement à Internet pose des problèmes techniques qu’ils ont dû adapter les trois sanctions applicables.

La première des sanctions, la suspension de l’accès au service pour une durée d’un mois à un an, va de soi. Elle s’appliquera aisément, en tout cas dans les grandes villes. Mais les deux autres sanctions ?

Je voudrais notamment citer celle prévue par l’alinéa 77 de l’article 2, qui nous avait fait sourire en commission, car il est dit qu’il y aurait une application « en fonction de l’état de l’art ». Voilà une notion extraordinaire ! On prévoit en fait que, dans certains cas, il ne sera techniquement pas possible de suspendre l’abonnement. Mais qu’est-ce que « l’état de l’art » ? Nous sommes tout de même réunis ici pour faire des lois et des choix clairs. Ils ne peuvent pas reposer sur un « état de l’art » que nous ne savons pas définir.

L’alinéa 77 prévoit donc une sanction en ces termes : « En fonction de l’état de l’art, la limitation des services ou de l’accès à ces services, à condition que soit garantie la protection des œuvres et objets auxquels est attaché un droit d’auteur ou un droit voisin. » Je note qu’aucune limitation n’est prévue dans le temps et il s’agit à mon sens d’un lourd motif d’inconstitutionnalité. Par ailleurs, cette formulation, issue d’un amendement du Sénat, montre que les sénateurs ne savent pas si c’est possible mais souhaitent que cela soit juridiquement faisable si c’est techniquement possible. Bonne chance !

M. Jean Dionis du Séjour. Arrêtez tout !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Je veux tout d’abord rappeler l’absence de fiabilité technique dans la constitution des preuves contre les internautes. Madame la ministre, au fil du débat, vous n’avez pas démontré que les arguments techniques l’emportaient et qu’ils pouvaient constituer des preuves valides. Plus nous avancions dans nos discussions, moins nous étions rassurés par les moyens mis en œuvre.

La sécurité juridique est aussi en cause, avec des discriminations entre les internautes. Certains seront avertis et d’autres non, et nous ne savons pas sur quels critères. Est-ce sur la base du code postal ou de manière aléatoire ? La discrimination concernera aussi ceux qui ne recevraient pas les mails d’avertissement parce que des dispositifs antispams les auraient bloqués, ou encore ceux qui ne surveillent pas leurs proches autant qu’il le faudrait. Mais dans une société de liberté, faut-il demander à chacun de soupçonner ses proches ?

La suspension sera longue et complexe à mettre en œuvre. Vous sous-estimez l’importance du raccordement à Internet dans notre société. Patrick Bloche citait des « éléments de vie » qui passaient désormais nécessairement par Internet ; pour ma part, j’ai déjà évoqué l’exemple de la déclaration des revenus qui, pour se faire sur Internet, doit passer par un ordinateur personnel dont le disque dur comporte nécessairement un certificat spécifique.

M. Philippe Gosselin. On peut faire sa déclaration à partir de n’importe quel espace public numérisé !

M. Jean-Louis Gagnaire. Je ne crois pas que nos concitoyens le souhaitent !

M. Philippe Gosselin. Ils le font pourtant dans de nombreux départements !

M. Jean-Louis Gagnaire. Madame la ministre, vous allez sanctionner des internautes au hasard. Puisque vous aimez les comparaisons avec la sécurité routière, j’ai le sentiment que vous allez choisir les contrevenants à la jumelle plutôt qu’au radar fixe. Celui qui sera pris sera souvent le petit contrevenant qui n’a rien compris, tandis que vous laisserez passer les vrais délinquants qui pratiquent le piratage… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Gosselin. « Piratage » : vous dérapez !

M. Frédéric Lefebvre. Il faut une sanction !

M. Jean-Louis Gagnaire. Piratage ou piraterie : les véritables délinquants du net téléchargent ou copient de la musique qu’ils diffusent ensuite sur un certain nombre de supports. Nous sommes tous d’accord pour dire que cela n’est pas supportable, mais ce projet de loi ne traite pas de cette question.

M. le président. Monsieur Gagnaire, veuillez conclure !

M. Jean-Louis Gagnaire. Nous sommes à un moment crucial. Les sanctions que vous proposez sont une illusion. Elles sont graves, et tout ce que vous avez pu dire à l’opinion publique, madame la ministre, c’est de la foutaise. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Vous avez trompé tout le monde : les artistes, les internautes, mais aussi tous nos concitoyens qui ne comprennent pas toujours très bien où on va. La riposte graduée n’existe pas. En fait, le dispositif que vous proposez est extrêmement contraignant et liberticide.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Je veux bien que l’on n’appelle plus un chat un chat. La piraterie n’est donc plus de la piraterie. Peut-être, pour employer une circonlocution, faut-il parler d’un emprunt préjudiciable et involontaire mais malheureux au droit de la propriété intellectuelle ? Sans doute, mais l’expression est très longue, et je préfère dire « piraterie » ou « vol ». Il ne s’agit pas de stigmatiser la jeunesse et les internautes,…

M. Jean-Louis Gagnaire. Surtout pas !

M. Christian Paul. A peine !

M. Philippe Gosselin. …contrairement à ce que vous tentez de faire croire. Nous voulons simplement faire comprendre que le téléchargement illégal est tout simplement illégal. D’autres moyens existent, même si l’offre doit s’accroître et si les prix doivent baisser. Il y a des règles dans toute société, et il est bon de les rappeler et de les faire appliquer. Cela vaut pour Internet, même si l’on peut souhaiter une évolution de son modèle économique – sans doute évoluera-t-il effectivement.

Nul ne conteste à droite l’intérêt d’Internet. Personne à l’UMP ou au Nouveau Centre n’est contre Internet. Il s’agit d’un outil indispensable aujourd’hui, tout comme la voiture est indispensable en milieu rural. Pour autant, des sanctions existent qui peuvent parfois priver l’utilisateur de son véhicule. La situation est la même avec Internet, et il faudra s’adapter. Je ne vois pas pourquoi, dans un contexte équivalent, on n’appliquerait pas de règles.

L’amende de 38 euros constitue effectivement une licence globale un peu déguisée…

M. Jean Dionis du Séjour. Mais non !

M. Franck Riester, rapporteur. M. Gosselin a raison !

M. Philippe Gosselin. Tout le monde fera le calcul en estimant la probabilité d’avoir à payer…

M. Jean Dionis du Séjour. Cela n’a rien à voir !

M. Philippe Gosselin. Au contraire, car au final les internautes considéreront qu’il existe une sorte de droit de tirage.

Il faut en revenir à la pédagogie. Les sanctions prévues sont graduées : appliquons-les ! C’est la seule chose qui vaille et tout le reste n’est que littérature.

(L'amendement n° 262 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 380 rectifié.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. M. Gosselin vient de nous dire qu’il était attaché à certains mots, même s’ils ne sont pas reconnus par les meilleurs dictionnaires. Pour faire écho aux propos de M. Christian Paul qui soulignait qu’il était illégitime d’user de mots excessifs tels que « pirate », je vous donne la définition du Littré qui se rapproche le plus de ce dont nous débattons : « Pirate : Tout homme qui s’enrichit aux dépens d’autrui. » Ce ne sont tout de même pas les internautes qui s’enrichissent aux dépens d’autrui ?

Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis. Mais si !

M. Jean-Pierre Brard. Ce sont les majors qui s’enrichissent aux dépens d’autrui ; ce sont les fournisseurs d’accès, au détriment des créateurs et des artistes !

Madame Albanel, vous n’êtes pas seulement la ministre d’Internet, vous êtes aussi celle de la langue française et vous devez veiller à ce que les mots soient utilisés dans un sens qui se rapproche le plus possible de celui que retient le Littré.

L’alinéa 75 de l’article 2 du projet de loi précise que, « lorsqu’il est constaté que l’abonné a méconnu l’obligation définie à l’article L. 336-3 dans l’année suivant la réception d’une recommandation adressée par la commission de protection des droits et assortie d’une lettre remise contre signature ou de tout autre moyen propre à établir la preuve de la date d’envoi de cette recommandation et celle de sa réception par l’abonné, la commission peut » proposer des sanctions sous certaines conditions. Madame la ministre, vous voulez donc mettre sous surveillance pendant un an les internautes sur lesquels pèse une simple suspicion de comportement fautif – sachant, vous l’admettez, que nous ne parlons nullement du téléchargement, mais de l’absence de sécurisation de la connexion Internet. En l’absence de toute procédure contradictoire, mettre sous surveillance pendant une année entière des internautes qui, en l’état des techniques, sont dans l’incapacité d’apporter la preuve de leur innocence, n’est clairement pas acceptable.

C’est pourquoi nous proposons que ce délai d’un an soit ramené à un mois : un mois en ayant un mouchard en permanence chez soi, cela semble suffisant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Avis défavorable. Réduire à un mois le délai de latence pour le constat ou non d’une récidive n’est absolument pas adapté. Cela reviendrait en effet à priver la HADOPI d’une grande partie de ses moyens de sanction, et donc de dissuasion à l’égard des téléchargeurs illégaux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable. C’est un délai très court, surtout si on le compare au délai de trois ans applicable aux contraventions.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Il est très intéressant de constater à quel point vous êtes sévères et sans pitié envers les internautes. Savez-vous, monsieur le rapporteur, que M. Milhaud et les autres dirigeants de banques qui ont dispersé des milliards d’euros ne font même pas l’objet d’une enquête préliminaire ? Comme disait La Fontaine, « selon que vous serez puissant ou misérable,… »

Avec les personnes qui commettent des actes pour lesquels il n’y a tout de même pas de quoi fouetter un chat, vous êtes inexorables.

M. Franck Riester, rapporteur. Dites-le aux artistes !

M. Jean-Pierre Brard. Mais nous l’avons dit aux artistes, parce que nous, contrairement à vous, nous ne tenons pas un double discours. Le vôtre n’est d’ailleurs pas double, mais à multiples facettes.

Avec les gens modestes, disais-je, vous êtes intraitables, inexorables.

M. Philippe Gosselin. Mais pourquoi les internautes seraient-ils forcément modestes ?

M. Jean-Pierre Brard. En revanche, à ceux qui ont ruiné l’économie du pays, vous passez tout. Savez-vous comment on appelait cela autrefois, monsieur Riester ?

M. Franck Riester, rapporteur. Non.

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez des excuses, car vous êtes jeune. Eh bien, on appelait cela la politique de classe : la classe des privilégiés face à ceux qu’ils écrasent et au détriment desquels ils se sont enrichis, pour reprendre la définition du Littré que je citais tout à l’heure.

M. Frédéric Lefebvre. Merci, Maître Capelo !

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Chers collègues de la majorité, vous feriez bien de vous concentrer sur nos échanges. Je m’adresse en particulier au rapporteur qui, pour la troisième ou la quatrième fois depuis le début de la soirée, a parlé de récidive. Je m’étonne d’ailleurs que le président de la commission des lois n’ait pas relevé cette confusion juridique. Il est vrai que son indignation est sélective. Mais il pourrait dispenser à M. Riester un cours de rattrapage sur cette question.

En effet, pour qu’il y ait récidive, il faut qu’il y ait eu délit.

M. Alain Suguenot. Et condamnation !

M. Christian Paul. Or on nous a dit que les premiers manquements provoqueraient des recommandations, des mises en garde : bref que ce n’est pas très grave. La procédure est presque conviviale ! Vous avez d’ailleurs tenu à ce que l’HADOPI puisse disposer des numéros de téléphone des internautes pour pouvoir les appeler et faire de la pédagogie. Alors pourquoi les abonnés deviennent-ils tout à coup de dangereux récidivistes ?

Il faut choisir, monsieur Riester. Vous ne pouvez pas entretenir une telle confusion : non seulement vous embrouillez vos collègues, mais vous rendez extrêmement difficile le travail des juges, qui, tôt ou tard, devront appliquer ce texte et pour cela se pencher sur nos travaux préparatoires. Ou bien ces étapes successives visent à sanctionner des délits, et l’on peut parler de récidive ; ou bien ce n’est pas le cas, et vous devez cesser d’employer ce terme et faire en sorte de respecter le droit.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Je ne suis pas forcément d’accord avec M. Brard sur le délai d’un mois, mais je profite de cette occasion pour revenir sur l’idée selon laquelle l’amende serait une licence globale déguisée. Pardonnez-moi, monsieur Gosselin, mais cet argument est d’une pauvreté absolue, et je vais essayer de vous le démontrer. Tout d’abord, il peut y avoir autant d’amendes que de délits commis, alors qu’avec la licence globale, on ne paie qu’une fois. Ensuite, le système de l’amende – et vous le savez mieux que moi, puisque vous êtes juriste – est progressif : en cas de récidive, elle peut être plus importante.

En prétendant que l’amende équivaut à une licence globale, vous faites un amalgame. Tâchez d’être un peu plus rigoureux. Si c’est le seul argument que vous ayez trouvé pour défendre la suspension de l’accès à Internet, il est bien faible. En tout état de cause, je n’ai pas encore entendu le rapporteur ni la ministre contester les sept raisons pour lesquelles nous nous opposons à la suspension. À ce propos, je voudrais poser une question pratique : la suspension de l’accès à Internet inclut-elle l’accès à la messagerie ?

Mme Martine Billard. Ah !

M. Jean Dionis du Séjour. Je souhaiterais que l’on m’apporte une réponse précise. Le texte fait référence aux services de communication en ligne. Or je ne vois pas comment on pourrait couper l’accès à Internet sans supprimer l’accès à la messagerie, ce qui aurait de graves conséquences en termes de sécurité, car de nombreux systèmes d’alerte, notamment en télémédecine, utilisent le courrier électronique.

M. Frédéric Lefebvre. Il suffit de ne pas voler !

M. Christian Paul. Il faut couper la main aux voleurs : voilà la philosophie de M. Lefebvre !

M. Jean Dionis du Séjour. Par ailleurs, la loi LCEN distingue bien les services de communication au public en ligne et la messagerie, qui a un caractère strictement privé et personnel. Madame la ministre, allez-vous, oui ou non, couper l’accès à la messagerie ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Tout d’abord, je veux rappeler que la France est championne du monde en matière de piratage (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.).

M. Patrick Bloche. N’insultez pas les Français !

M. le président. Monsieur Bloche, s’il vous plaît.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Je n’insulte pas les Français. C’est une pratique, que vous l’appeliez piratage ou vol, dont pâtissent lourdement nos créateurs, et il faut le rappeler.

M. Patrick Bloche. C’est grotesque !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Il faut donc trouver les meilleurs moyens de combattre ce phénomène qui cause tant de dégâts, non pas aux majors, monsieur Brard, mais aux éditeurs de musique, notamment, dont 99 % sont des PME de moins de vingt salariés. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C’est absolument sûr !

Or la suspension est la solution à laquelle ont abouti l’ensemble des participants aux discussions interprofessionnelles, et il y a de puissantes raisons à cela.

M. Christian Paul. Ce ne sont pas les professions qui font la loi !

M. Patrick Bloche. Avec elle, si : c’est la ministre des lobbies !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. C’est en effet une sanction logique. Lorsque l’on fait un mauvais usage de son accès à Internet, la démarche qui consiste à suspendre ce dernier est très pédagogique. Certes, c’est incommode, puisque, cela a été dit, Internet est une commodité essentielle.

M. Patrick Bloche. Non, c’est un droit fondamental !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Mais ce n’est ni une liberté essentielle ni un droit fondamental.

M. Christian Paul. Vous piétinez le Parlement européen ; il vous le rendra bientôt !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Internet est très utile et nous sommes tous pour son développement dans notre vie quotidienne. Mais nous ne sommes pas obligés de télécharger illégalement des films ou des morceaux de musique.

Ainsi que nous l’avons rappelé dix fois – que dis-je, cent fois ! –, nous avons choisi un processus pédagogique, qui consiste à alerter les internautes et à leur faire prendre conscience qu’ils commettent un acte illégal.

M. Jean Dionis du Séjour. Mais pourquoi choisissez-vous la plus mauvaise solution ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. La suspension de l’accès à Internet a une véritable vertu pédagogique. Je rappelle, du reste, qu’elle est prévue dans tous les contrats d’abonnement à Internet, lesquels stipulent que l’accès au réseau peut être coupé si l’abonné ne paie pas ses factures. (Protestations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. Lionel Tardy et M. Alain Suguenot. Mais cela n’a rien à voir !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Cela n’a rien d’extraordinaire. Si vous commettez un délit, vous pouvez vous voir retirer votre permis de conduire, qui plus est sans avoir la possibilité d’utiliser une autre voiture que la vôtre, alors que vous aurez toujours la possibilité d’avoir accès à Internet ailleurs. Cela fait une énorme différence.

Quant à l’amende, je continue à dire qu’elle me choque beaucoup.

M. Christian Paul. Et l’accès à la messagerie ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. En effet, soit elle est insignifiante, auquel cas elle n’est nullement dissuasive et s’apparente à une licence globale ;…

M. Jean Dionis du Séjour, M. Lionel Tardy et M. Alain Suguenot. Mais non !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. …soit son montant est élevé et elle pénalisera très lourdement les jeunes, qui sont les plus concernés. De surcroît, elle les pénalisera différemment, selon que le contrevenant sera une personne aisée, qui peut avoir accès à d’autres ordinateurs, ou un étudiant, dans une chambre, qu’une amende lourde placerait dans une situation dramatique.

La suspension me paraît donc la bonne solution. Encore une fois, si Internet est une commodité essentielle, ce n’est pas une liberté essentielle ni un droit de l’homme. Il faut sortir de cette confusion et de cet amalgame. C’est une vision profondément erronée.

(L'amendement n° 380 rectifié n'est pas adopté.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 1er avril 2009, à une heure cinquante-cinq.)