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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Deuxième session extraordinaire de 2009-2010

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 9 septembre 2010

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Le Fur

1. Réforme des retraites

Rappel au règlement

M. Christian Paul

Discussion des articles (suite)

Article 1er (suite)

Amendement no 222

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Mme Valérie Rosso-Debord

Rappels au règlement

M. Pierre Gosnat

M. Gaëtan Gorce

Article 1er (suite)

Amendements nos 223, 328, 309, 224, 338, 77, 81, 315, 565, 310, 590, 709, 573, 342, 560, 724 (sous-amendement), 732 rectifié, 744 (sous-amendement)

Après l’article 1er

Amendements nos 6, 289, 734, 33, 53, 166 rectifié, 705, 492, 504, 503, 706, 249 rectifié

Article 2

M. Alfred Marie-Jeanne

Amendement no 226

Article 3

M. Jean-Luc Préel

M. Patrice Verchère

M. Jean-René Marsac

Amendements nos 251, 238, 319, 168, 239, 318, 126, 142, 320, 240, 128, 143, 241, 493 rectifié, 76, 227

Après l’article 3

Amendements nos 10, 708, 707

Article 3 bis

Amendements nos 91, 92

Articles 3 ter et 3 quater

Article 3 quinquies

Amendements nos 509, 389, 514

Après l’article 3 quinquies

Amendements nos 285, 469, 335, 144

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Le Fur

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Réforme des retraites

Suite de la discussion, après engagement de la discussion accélérée, d'un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant réforme des retraites (nos 2760, 2770, 2768, 2 767).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de treize heures dix minutes pour le groupe UMP dont 198 amendements restent en discussion, seize heures treize minutes pour le groupe SRC dont 142 amendements restent en discussion, quatre heures vingt-quatre minutes pour le groupe GDR dont 120 amendements restent en discussion, quatre heures cinquante-sept minutes pour le groupe Nouveau Centre dont 48 amendements restent en discussion et trente-cinq minutes pour les députés non-inscrits, dont sept amendements sont encore en discussion.

M. Christian Paul. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Monsieur le président, ce rappel au règlement que je fais au nom du groupe socialiste a directement trait, vous le comprendrez très vite, au déroulement de nos travaux : je voulais me faire l’écho, au sein de notre assemblée, de la position exprimée ce matin par le Parlement européen, demandant au Parlement français de cesser les expulsions de Roms. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales. Cela n’a rien à voir !

M. Christian Paul. Si, monsieur le rapporteur, et je vais vous expliquer quel est le rapport avec le texte.

Personne au sein de notre assemblée n’ignore les difficultés historiques que rencontre cette communauté. Nous sommes nombreux sur tous nos bancs et au-delà de notre hémicycle à nous en être émus ; de nombreuses autorités politiques, morales et spirituelles se sont également exprimées pour marquer leur désaccord profond avec cette véritable chasse aux Roms organisée dans notre pays pendant tout l’été. C’est une honte et un véritable scandale. La position prise aujourd’hui par le Parlement européen est pour notre pays une réponse méritée pour tous ceux qui ont initié cette politique.

M. le président. Monsieur Christian Paul, je vous prie de bien vouloir conclure.

M. Henri Emmanuelli. On a tout de même le droit de parler, à l’Assemblée !

M. Christian Paul. Notre rapporteur m’interroge sur le rapport avec le texte dont nous débattons : c’est tout simplement que nous avons la conviction que cette politique a été mise en œuvre pour faire diversion, compte tenu des affaires qui empoisonnent la vie publique et ont déréglé notre démocratie depuis plusieurs mois – je veux parler de l’affaire Woerth-Bettencourt. Voilà pourquoi je souhaitais porter à la connaissance de l’Assemblée nationale cette décision qui fait honneur au Parlement européen.

M. Denis Jacquat, rapporteur. C’est une psychose obsessionnelle !

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles s’arrêtant à l’amendement n° 222 à l’article 1er.

Article 1er (suite)

M. le président. L’amendement n° 222 est défendu.

La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail de la solidarité et de la fonction publique, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Avis défavorable

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le président, nous nous sommes arrêtés ce matin sur un amendement n° 732 rectifié, mis de côté par la présidence, qui traite des polypensionnés, autrement dit d’un véritable débat de fond. Pourquoi ne l’avez-vous pas appelé ?

M. le président. C’est tout simplement que l’amendement n° 732 rectifié a été déplacé, mon cher collègue. Nous le retrouverons un peu plus loin, à la fin de l’article 1er.

La parole est à Mme Valérie Rosso-Debord.

Mme Valérie Rosso-Debord. Monsieur le président, je demande une suspension de séance d’un quart d’heure pour réunir mon groupe. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Roland Muzeau. Ils sont minoritaires ! Sans doute au Fouquet’s !

Mme Martine Billard. C’est une honte !

M. Jean-Pierre Brard. C’est Waterloo avant Canossa !

M. le président. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinq, est reprise à quinze heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

M. Pierre Gosnat. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Pierre Gosnat.

M. Pierre Gosnat. Chacun comprendra le bien-fondé de notre réaction. On nous impose une procédure accélérée pour l’examen du projet de loi sur les retraites…

Mme Laurence Dumont. C’est déjà un scandale !

M. Pierre Gosnat. …et que constatons-nous ? Une grande partie des discussions se déroule ailleurs et les décisions se prennent à l’Élysée. Qui plus est, nos collègues de la majorité ne parviennent pas à se discipliner – ou à se mobiliser, allez savoir – afin que le débat puisse s’engager dans des conditions correctes. Quoi qu’il en soit, cela confirme le mépris dans lequel est tenu le Parlement.

Cette absence de mobilisation, mesdames et messieurs les députés de la majorité, me semble traduire un réel embarras…

Mme Marie-Christine Dalloz. Certainement pas !

M. Pierre Gosnat. …probablement lié au mouvement populaire qui s’est manifesté à Paris et ailleurs, peut-être même dans vos circonscriptions, – j’ai noté que les syndicats ont lancé une invitation à venir vous voir la semaine prochaine dans vos circonscriptions. Je comprends que vous soyez gênés mais, tout de même, ayez le respecte le travail parlementaire, soyez présents pour que nous puissions avancer dans le cadre de cette procédure accélérée : vous nous faites perdre du temps ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.- Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58.

Je n’aurai pas, monsieur le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, la cruauté de faire remarquer que le problème démographique ne se pose pas seulement pour nos retraites : Il semble que l’UMP soit également touchée (Sourires), puisque nous sommes manifestement obligés d’attendre que ses députés veuillent bien, par leur présence, manifester leur soutien au projet dans cet hémicycle afin que nous puissions commencer nos débats. Nous pourrions tenter une interprétation politique…

M. Christian Paul. Psychanalytique !

M. Gaëtan Gorce. …car je ne peux imaginer que leur absence s’explique par des raisons physiques, gastronomiques ou simplement liées aux loisirs que peut offrir une semaine à Paris. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons le sentiment que votre majorité a du mal à se mobiliser sur ce texte…

M. Christian Paul. Ils se croient encore en vacances !

M. Gaëtan Gorce. …comme elle a du mal à se mobiliser sur les propositions du Président de la République.

S’il y a une conclusion à tirer de cette absence – et c’est une conclusion que l’on pourrait faire figurer dans nos débats à défaut de l’inscrire dans la loi –, c’est que vous avez manifestement choisi, par le texte que vous défendez et la manière dont vous le faites, de fixer la date de prise légale de la retraite pour les députés UMP à 2012. Après tout, c’est une anticipation qui nous convient assez bien. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Roatta. Prétentieux !

Article 1er (suite)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

S’agit-il d’un rappel au règlement ?

M. Jean-Marc Ayrault. Non, monsieur le président : je profite seulement de ce moment, dans le cadre du petit droit accordé aux présidents de groupe de parler hors du temps global – dans une certaine limite évidemment –, pour faire un point d’étape au moment où nous entamons le troisième jour du débat sur les retraites.

Visiblement, les députés de la majorité peinent à se mobiliser. Nous venons d’en avoir un exemple à l’instant avec cette demande de suspension de séance. Pourtant, et cette matinée l’a montré, ce débat n’est pas sans intérêt. Progressivement, se dessinent deux projets sur lesquels les Français sont amenés à réfléchir : François Fillon lui-même a eu l’honnêteté hier – cela fut long, mais il l’a fait – de reconnaître en répondant à ma question qu’il y avait bien un débat « projet contre projet ». Voilà le premier acquis de cette discussion.

M. Christian Paul. C’est la vérité.

M. Jean-Marc Ayrault. Acquis si bien établi que les députés de la majorité réservent désormais leurs principales interventions pour dénigrer le projet du parti socialiste plutôt que de défendre le bien-fondé de leur propre réforme.

M. Christian Paul. C’est un progrès !

M. Jean-Marc Ayrault. Au premier rang de leurs critiques, la sempiternelle rengaine sur les socialistes, maniaques de la taxe…

Mme Isabelle Vasseur. C’est vrai !

M. Jean-Marc Ayrault. …champions du monde des impôts…

Mme Isabelle Vasseur. C’est encore vrai !

M. Pascal Clément. Tout à fait vrai !

M. Jean-Marc Ayrault. …derniers spoliateurs du monde libre. M. Copé, qui court après la présidence de l’UMP, a même osé cette belle attaque, toute en nuances, expliquant que la gauche, avec sa réforme, conduirait la France à la ruine !

M. Yves Bur. C’est évident !

M. Pascal Terrasse. Vous nous y avez déjà menés, à la ruine !

M. Jean-Marc Ayrault. Quelle est la vérité, mes chers collègues ? Là est bien le deuxième acquis de notre débat : oui, il y a bien deux façons de financer la survie de notre système de retraite par répartition.

Mme Isabelle Vasseur. La nôtre et la vôtre !

M. Arnaud Robinet. La façon réaliste et la façon irréaliste !

M. Yves Bur. Par l’augmentation des impôts que vous proposez !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous savons que notre système est en danger et qu’il a besoin de financements à hauteur de 45 milliards d’euros à l’horizon 2025. Tout le débat que nous avons avec vous porte sur la façon de trouver des recettes qui permettront de remettre le régime d’assurance vieillesse à l’équilibre. Que propose le Gouvernement ? De financer l’essentiel de son projet par le relèvement de deux bornes d’âge, celui du droit à la retraite à 60 ans et celui du départ sans décote à 65 ans. Cette mesure est tout simplement un nouvel impôt prélevé sur les Français, et pas n’importe quels Français. Pas les salariés qui, de toute façon, n’auraient pas atteint les 41,5 annuités à 60 ans, pas davantage ceux qui ont eu des carrières complètes et qui ne seraient jamais contraints d’atteindre 67 ans pour partir. Non, votre nouvel impôt pèsera sur celles et ceux qui vont devoir surcotiser au-delà des 41,5 annuités ; ceux qui ont commencé tôt, ceux qui ont des carrières pénibles, ceux qui ont l’espérance de vie la plus faible. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Votre nouvel impôt pèsera sur les Français qui ont eu des carrières hachées, qui ont connu le chômage. Il pèsera sur les femmes qui ont interrompu leur carrière pour élever leurs enfants, sur les épouses d’artisans ou d’agriculteurs. Ces salariés précaires devront attendre 67 ans pour atteindre le taux plein. Nombre d’entre eux et d’entre elles devront liquider leurs droits avant cet âge et accepter de se voir verser une pension réduite : j’en viens à me demander si tel n’est pas le calcul du ministre du travail et du Gouvernement… Votre nouvel impôt pèsera sur ces 60 % de Françaises et de Français de plus de cinquante-cinq ans qui ont perdu leur emploi et qui ne parviennent pas à retrouver du travail. Il leur faudra choisir entre attendre, parfois plus d’une décennie, ou accepter une baisse de leur pension. Ce calcul cynique, vous vous en cachez à peine, puisque lorsque nous prévoyons de ramener vers le travail 800 000 seniors en dix ans, vous jugez la perspective irréaliste !

Mme Isabelle Vasseur. Tout à fait !

M. Jean-Marc Ayrault. J’entends déjà le ministre du travail nous répondre que tout a été fait pour les carrières longues et la pénibilité et que, selon lui, il ne s’agit que des traditionnelles fariboles de l’opposition.

Pourtant, si c’était vrai, comment pourrait-il, dans le même temps, expliquer que 50 % de sa réforme est financée par les mesures d’âge ? Pour notre part, nous n’admettons pas que ce soit les actifs plus pauvres qui paient les retraites de tous. Or c’est précisément la logique de votre réforme.

Le troisième acquis du débat découle de votre aveu de ce matin, monsieur le ministre : vous l’avez enfin reconnu, même si vous avez esquissé une première réponse en commission au mois de juillet dernier, mais les Français n’en avaient pas entendu parler puisque la majorité et le président de la commission des affaires sociales avaient refusé que les réunions soient publiques. Il a fallu attendre la séance de ce matin. La vérité, c’est que les mesures prises aujourd’hui ne sont pas commandées par les seules questions démographiques, soldées avec le passage de 150 à 166 trimestres de cotisations entre 1982 et 2020. Tout cela est d’ores et déjà décidé. Non, la réforme d’aujourd’hui, et mes collègues l’ont brillamment démontré ce matin, sont, selon vous, liée à la crise. Eh bien, nous n’acceptons pas que vous présentiez la facture de la crise financière à celles et ceux qui en sont les premières victimes, par le chômage notamment, la précarisation, la diminution de leurs revenus et que, dans le même temps, vous préserviez, comme d’habitude depuis le début du quinquennat, celles et ceux qui se sont rendus complices ou responsables : le dernier avatar de l’affaire Tapie et ses 210 millions montre une fois de plus que ce gouvernement est bien le gouvernement des riches. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.- Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Robinet. Ah non, Tapie, c’est dans votre gouvernement qu’il était !

M. Patrice Verchère. Et Pierre Bergé ?

M. Jean-Marc Ayrault. Le quatrième acquis de cette discussion – et cela aussi, il a fallu que vous le reconnaissiez –, c’est que votre réforme n’est pas financée au-delà de 2018. Et puisque vous excluez tout prélèvement réel sur le capital, cela signifie que de nouveaux reculs de l’âge légal sont d’ores et déjà programmés ; mais comme pour les impôts nouveaux, cela est passé sous silence ou partiellement dévoilé par M. Baroin. Tout est soigneusement camouflé jusqu’à ce que la réalité vous rattrape. Le mensonge étant la pratique gouvernementale, il ne peut pas durer indéfiniment : il finit bien par être dévoilé. C’est du reste ce qui est en train de se passer à l’Assemblée nationale, ce qui montre bien que le travail des députés de l’opposition et du groupe socialiste en particulier est utile pour les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le ministre, l’échec de votre réforme de 2003 nous conduit à la réforme d’aujourd’hui. Je le dis avant que François Fillon s’exprime. Il avait pris des engagements, il avait dit que l’on ne reviendrait pas sur les choses essentielles. Je m’en souviens ; nous étions présents dans l’hémicycle. Aujourd’hui, c’est un échec. Je ne sais pas si, ce soir, il le reconnaîtra à la télévision ; quoi qu’il en soit, je le dis d’ores et déjà : l’échec de votre réforme de 2003 nous conduit à la réforme profondément injuste d’aujourd’hui. L’échec de celle d’aujourd’hui conduira forcément à une autre réforme, encore plus douloureuse. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Robinet. Vous ne risquez pas d’échouer puisque vous ne faites rien !

M. Jean-Marc Ayrault. Et si vous êtes alors aux responsabilités, nous savons déjà quelle sera votre réponse : un nouveau recul de l’âge légal et la paupérisation d’une partie des Français, de ceux qui arriveront alors à la retraite. C’est pour cela, au-delà de ce débat, de cette confrontation, de cette bataille, de cette mobilisation populaire qui doit, je l’espère, vous faire reculer, qu’il est grand temps de proposer au pays une autre voie : celle que nous préparons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rosso-Debord.

Mme Valérie Rosso-Debord. Je souhaite rassurer nos collègues socialistes et communistes.

M. Christian Paul. Cela sera difficile !

Mme Valérie Rosso-Debord. L’unité de la majorité présidentielle n’est pas de façade. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Elle ne se balade pas entre Washington, Lille et La Rochelle ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.- « Très bien » sur les bancs du groupe UMP.)

L’unité de la majorité présidentielle ne se balade pas entre 60, 61 ou 62 ans. L’unité de la majorité, c’est 62 ans. Nous, nous savons ce que nous voulons. Nous ne sommes pas obligés de reculer quand M. Hamon vitupère.

M. Henri Emmanuelli. À vous écouter, on se dit qu’il n’est pas le seul…

Mme Valérie Rosso-Debord. Nous ne sommes pas obligés de demander à M. Strauss-Kahn quelle est sa position. Nous ne sommes pas obligés de faire des congrès pour avoir des motions qui nous permettent d’aboutir à l’unité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.- Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christophe Sirugue. Ça, c’est sûr : chez vous, pas besoin de congrès, seule compte la voix du chef !

M. Jean Mallot. Cela descend d’en haut !

Mme Valérie Rosso-Debord. Nous, nous sommes ici ! Nous avons repoussé vos deux motions de procédure de façon magistrale ! Nous sommes nombreux et nous savons ce que nous voulons. C’est clair. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Quant aux carrières longues et aux ouvriers qui partaient après quarante-trois ou quarante-quatre annuités, qu’avez-vous fait pour eux ? Jamais rien !

M. Jean Mallot. Si, la retraite à 60 ans !

Mme Valérie Rosso-Debord. En 1983, quand vous avez abaissé l’âge de la retraite à 60 ans, qu’avez-vous fait pour les ouvriers ?

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Rien ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Valérie Rosso-Debord. Strictement rien ! Les communistes exigeaient que les ouvriers puissent partir plus tôt… (Brouhaha.)

M. le président. Mes chers collègues, écoutez-vous les uns les autres !

Mme Valérie Rosso-Debord. Mais qui a permis aux ouvriers de le faire ?

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Nous, pas eux ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Valérie Rosso-Debord. C’est cette majorité, c’est le gouvernement de l’époque, c’est celui qui est aujourd’hui Premier ministre !

Je trouve assez insupportable de vous entendre vous gausser de quelque chose qui n’existe pas. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Paul. C’est vous qu’il est assez insupportable d’entendre !

Mme Valérie Rosso-Debord. En effet, qui défend aujourd’hui les personnes en difficulté ? C’est nous ! Qui tient compte de la pénibilité, pour la première fois dans l’histoire du droit social ?

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Nous !

Mme Valérie Rosso-Debord. C’est nous ! Qui va voter ces mesures ?

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Nous !

Mme Valérie Rosso-Debord. C’est nous ! Qui a voté les mesures sur les carrières longues ?

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Nous !

Mme Valérie Rosso-Debord. C’est nous !

Mme Laurence Dumont. Alors pourquoi les gens sont-ils dans la rue, à votre avis ?

Mme Valérie Rosso-Debord. Nous allons maintenant pouvoir poursuivre ce débat, qui oppose une majorité solide, unie et sincère à l’insincérité de ceux qui tiennent leurs règles, leurs lois et leur doctrine de personnes qui ne siègent même pas dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Pierre Brard. Mme Rosso-Debord a raison ! Elle défend les pauvres : Tapie, par exemple !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le président du groupe socialiste, hier, Martine Aubry s’est à nouveau exprimée à propos des retraites. Que propose-t-elle, au fond ? Que l’on maintienne l’âge de départ à la retraite à 60 ans, mais avec une décote. (Approbations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Robinet. Exactement !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Qu’est-ce que cela signifie ? Une super-décote, une super-baisse des pensions, pour une super-injustice ? Est-ce cela que vous souhaitez ? Car c’est bien cela que vous proposez, en réalité.

Mme Laurence Dumont. C’est bientôt fini, ces mensonges ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Vous dites que vous ne comprenez pas que tel ou tel travailleur participe au financement des retraites. Mais il est bien naturel que les actifs contribuent à financer les retraites !

Mme Laurence Dumont. Et pourquoi pas les revenus du capital ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. C’est cela, notre système par répartition : il n’y a pas d’un côté des actifs qui y participent et, de l’autre, des actifs qui n’y participent pas.

M. Pierre Gosnat. Tout le monde n’y participe pas de la même façon, monsieur le ministre !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Tout le monde y participe en fonction de ses moyens, et le système comporte aussi une part de solidarité payée par tous les Français. C’est ainsi qu’il faut procéder, et c’est ainsi que l’on préservera notre système de retraite.

Vous nous dites que vous avez un projet : certes, mais c’est un projet fiscal, ce n’est pas un projet de réforme des retraites. (Approbations sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Laurence Dumont. Cela fait six mois que vous répétez la même chose !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Qui plus est, ce projet fiscal n’est pas financé ; on l’a montré hier. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) J’en suis désolé, mais c’est parfaitement clair.

Ainsi, vous voulez augmenter l’impôt sur les sociétés payé par les banques : c’est une proposition tout à fait intéressante, à ceci près qu’il faudrait l’augmenter de 70 % ! Vous souhaitez taxer les stock-options…

Mme Laurence Dumont. Absolument !

M. Éric Woerth, ministre du travail. …et je vous comprends fort bien ; du reste, contrairement à vous lorsque vous étiez au pouvoir, nous, nous l’avons fait et nous allons même renforcer le dispositif. Mais vous, vous voulez les taxer au niveau même du montant des stock-options distribuées aujourd’hui en France !

Vous voulez accroître l’emploi des seniors : nous sommes d’accord ; du reste, il est en train d’augmenter. Mais vous prétendez réunir ainsi six milliards d’euros supplémentaires, monsieur Ayrault. Où les trouvez-vous, ces 6 milliards d’euros ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce n’est pas sérieux ! Ces recettes sont fantaisistes. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Marc Ayrault. Et les vôtres ?

M. Henri Emmanuelli. C’est vous qui êtes un fantaisiste !

M. Christophe Sirugue. Pour vous, les recettes, ce sont les salariés !

Mme Laurence Dumont. Le Premier ministre lui-même l’a reconnu !

M. Éric Woerth, ministre du travail. C’est vrai, monsieur Ayrault : les réformes socialistes des retraites ne connaissent pas l’échec… parce qu’il n’y a pas de réformes socialistes des retraites ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine – sur votre amendement n° 222, ma chère collègue ?

Mme Marisol Touraine. Ce pourrait être plutôt un rappel au règlement, monsieur le président.

M. le président. Si votre intervention traite du fond du texte, elle sera décomptée du temps de parole de votre groupe : il ne peut s’agir d’un rappel au règlement, mais bien d’une défense d’amendement.

Mme Marisol Touraine. Nous abordons évidemment le débat de fond et, manifestement, la majorité est gênée. Au demeurant, la tonalité des propos de Mme Rosso-Debord le prouve : au lieu de répondre au fond, au lieu de débattre du projet, elle préfère manier la formule, pour ne pas dire l’invective.

Mme Valérie Rosso-Debord. Pour moi, tout va bien : je n’éprouve aucune gêne !

Mme Marisol Touraine. Revenons aux propos du ministre, qui montrent bien l’ambiguïté de la position gouvernementale.

Monsieur le ministre, vous avez fini par répéter ce matin ce que vous nous aviez également dit en commission : si nous sommes obligés de discuter de votre projet de loi, ce serait à cause de la crise.

Pourtant, tout au long des derniers mois, comme vous le faites aujourd’hui dans vos interventions télévisées, vous avez essayé de convaincre les Français du fait que s’ils devraient tous travailler plus longtemps, en particulier ceux qui ont commencé le plus tôt, c’est en raison de réalités démographiques inévitables. Ainsi, vous dites, vous écrivez, vous répétez sur tous les tons qu’à une crise ou à un défi démographique, il faut répondre par des mesures démographiques. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Valérie Rosso-Debord. C’est d’une logique imparable !

Mme Marisol Touraine. Puis, tout à coup, surgit la vérité : le projet que nous examinons aujourd’hui n’a pas grand-chose à voir avec des mesures démographiques. La raison en est simple : comme nous vous l’avons dit à plusieurs reprises depuis que nous avons commencé de débattre, les réalités démographiques n’ont évidemment pas changé au cours des dernières années,…

M. Jacques Domergue. Mais si !

Mme Marisol Touraine. …et singulièrement depuis votre réforme de 2003, censée tout résoudre « à 100 % » - selon les termes mêmes de M. Fillon – d’ici à 2020.

Ce que vous nous expliquez, monsieur le ministre, c’est que, depuis la réforme de 2003, la crise aurait entraîné un déficit de 45 milliards d’euros pour les années à venir. Autrement dit, les 45 milliards que vous demandez aux Français de sortir de leur poche ou d’apporter par leur travail seraient le résultat de la crise. Le seul problème, c’est que ce discours est contredit par toutes les analyses économiques, par tous les rapports publiés par la Cour des comptes depuis plusieurs années et par les chiffres disponibles. Dès 2005, vos prédécesseurs avaient à nouveau plongé le régime vieillesse dans le déficit.

En fait, vous demandez aux Français de payer – car travailler plus longtemps, cela revient à payer – pour compenser l’incurie de votre gestion gouvernementale avant la crise et depuis.

M. Yves Censi. C’est un non-sens !

Mme Marisol Touraine. Ensuite, je voudrais mettre à mal une bonne fois pour toutes – du moins je l’espère – votre discours sur le matraquage fiscal,…

M. Yves Bur. Cela vous gêne, n’est-ce pas ?

Mme Marisol Touraine. …qui n’est plus du tout crédible aujourd’hui, d’autant que vous vous demandez vous-mêmes, au sein du Gouvernement et de la majorité, si vous allez augmenter tel impôt, supprimer telle niche ou prélever un peu de CRDS, et comment vous pourriez recourir à des prélèvements invisibles pour les Français !

La vérité, la voici : vous ne passerez pas ! Du reste, vous avez déjà annoncé à la Commission européenne une hausse de deux points des prélèvements obligatoires d’ici à 2011. Il ne s’agit donc pas de savoir s’il y aura ou non des prélèvements obligatoires supplémentaires, mais de savoir qui va contribuer, qui va payer pour financer vos déficits.

M. Henri Emmanuelli. Incroyable !

Mme Marisol Touraine. Ce que nous disons, nous, c’est qu’une partie de l’effort doit effectivement être consenti par les salariés au travers de mesures démographiques, mais que ces mesures, qui font sentir leurs effets à long terme, ne doivent pas être appliquées uniformément à tous les Français, et qu’il faut tenir compte de leurs conditions de travail et de la pénibilité.

Cela n’a rien à voir avec un taux abaissé, décoté, ou avec une pension au rabais, contrairement à ce que vous sous-entendez, monsieur le ministre. Il s’agit tout simplement de prendre en considération les réalités sociales, la dureté du monde du travail et la diversité des parcours professionnels.

Mais nous avons conscience que cet effort ne suffira pas, et c’est ce qui explique que votre réforme ne soit pas bouclée ; car pour la boucler, il faut jouer, selon nous, sur deux leviers. Tout d’abord sur celui des prélèvements complémentaires, et on ne voit pas pourquoi les revenus du capital y échapperaient. Mais notre réforme ne s’y réduit pas, contrairement à ce que vous prétendez : ces prélèvements ne représenteraient que la moitié de l’effort demandé. Aucune réforme ne peut évidemment être financée à long terme si l’on n’investit pas massivement dans l’emploi et si les seniors ne reprennent pas le chemin du travail.

Vous le voyez, notre projet est équilibré ; il repose sur trois pôles : des mesures démographiques, des prélèvements complémentaires et une stratégie pour l’emploi. Vous, en revanche, vous êtes monomaniaques…

M. Yves Bur. Mais vous, vous êtes parfaite !

Mme Marisol Touraine. Vous ne suivez qu’un seul axe : les mesures démographiques, le relèvement de l’âge. Vous voulez cibler ceux qui ont commencé à travailler jeunes, les plus modestes. C’est vous qui êtes idéologues (Rires sur quelques bancs du groupe UMP), c’est vous qui faites du matraquage, du matraquage social : c’est vous qui niez la vérité et qui refusez d’envisager qu’un autre projet soit possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yves Censi. Bla, bla, bla ! Vous n’avez plus rien à dire !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Nous devons mener jusqu’à son terme cet échange, qui est au cœur du problème. Les propos mêmes de M. Woerth me conduisent à intervenir.

Les mesures démographiques que Marisol Touraine vient d’évoquer ont déjà été prises et acceptées, puisqu’elles figuraient dans le projet de 2003.

M. Dominique Dord et Mme Marie-Christine Dalloz. Projet que vous avez combattu !

M. Jean-Marc Ayrault. Notre projet s’appuie quant à lui sur deux piliers principaux et complémentaires : d’une part, dégager de nouvelles recettes, ce qui est indispensable sauf à pénaliser les salariés comme vous êtes en train de le faire ; d’autre part, privilégier une politique de l’emploi, car sans cette politique, sans recettes régulières de cotisations, vous pouvez toujours continuer de creuser des trous, vous n’en sortirez jamais !

La politique de l’emploi – et non pas seulement de l’emploi des seniors, même si celui-ci en fait évidemment partie – est donc l’un des axes de notre réponse à la crise de notre système de retraite.

Sur la recherche de recettes nouvelles, je veux vous répondre, monsieur Woerth. L’augmentation des prélèvements sociaux sur les bonus et les stock-options que nous proposons en relèverait le taux de 5 à 38 %. Certains des députés de votre majorité s’en sont émus, et vous avec eux. Nous ne faisons pourtant que reprendre les propositions formulées par la Cour des comptes lorsque le président n’en était pas encore Didier Migaud, mais Philippe Seguin, auquel nous avons tous rendu hommage lors de sa disparition. Voilà une proposition concrète, dont j’ai compris que vous la contestiez.

Nous proposons également de relever de 4 à 20 % le forfait appliqué à l’intéressement et à la participation, qui sont en réalité des salaires différés. Cet effort mettrait surtout à contribution les plus hauts revenus, les détenteurs de portefeuilles. Monsieur le président Méhaignerie, dans le PLFSS pour 2010, le Gouvernement avait doublé ce forfait, le relevant de 2 à 4 %. À l’époque, aucun membre de la majorité ne s’était plaint d’un prétendu effet de cette mesure sur le pouvoir d’achat.

Nous voulons que l’on applique la CSG aux revenus du capital qui en sont actuellement exonérés, en maintenant l’exonération des livrets d’épargne et des plus-values réalisées lors de la vente de la résidence principale. Qui, dans cet hémicycle, osera défendre l’idée qu’il faudrait taxer le travail, mais dispenser les revenus du capital de toute contribution ? Voilà une question concrète et précise, monsieur Woerth.

Cessez de caricaturer nos propositions en nous traitant de fiscalistes à tous crins. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Bur et Mme Valérie Rosso-Debord. Assumez, monsieur Ayrault !

M. Henri Emmanuelli. Nous, nous assumons ; mais le ministre n’assume pas, lui ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Marc Ayrault. Dites-nous simplement si vous êtes d’accord avec ces trois propositions concrètes, et, si vous ne l’êtes pas, dites-nous pourquoi.

Nous souhaitons que soit remise en cause la défiscalisation des plus-values sur les cessions de filiales, cadeau fiscal de vingt milliards d’euros par an accordé aux entreprises à l’initiative de M. Copé lorsqu’il était ministre du budget. J’aimerais connaître votre avis sur ce point précis. Qu’en pensez-vous, monsieur le président de la commission des affaires sociales ? Êtes-vous d’accord avec nous, oui ou non ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Voilà qui est concret !

Vous nous mettez en garde contre les délocalisations d’entreprises et de sièges sociaux. Mais, dans cette hypothèse, une action est possible, celle que nous réclamons depuis des mois, voire des années, et que nous demandons encore plus fortement depuis la crise financière : je veux parler de la lutte contre les paradis fiscaux. Vous en étiez devenu un croisé, monsieur Woerth, lorsque vous étiez ministre du budget. Qu’avez-vous fait depuis lors ? Avez-vous oublié cette grande cause ?

M. Jean-Pierre Brard. N’est pas Godefroi de Bouillon qui veut !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous proposons d’augmenter de 0,5 % la taxation sur la valeur ajoutée instaurée à la suite de la suppression de la taxe professionnelle, de 1,5 à 2,2 %, en exonérant les petites et moyennes entreprises. Croyez-vous que nous exagérions, que ces mesures soient irréalistes, injustes ? Non !

M. Arnaud Robinet. Et combien ça rapporte ?

M. Jean-Marc Ayrault. On a voulu caricaturer les propositions que nous avons formulées pour trouver des recettes nouvelles. Je démontre donc, point par point, leur teneur concrète, afin de dire à ceux qui suivent nos débats que le cinquième acquis – j’en ai cité quatre tout à l’heure – est bien notre divergence profonde quant à la conception de la justice fiscale et sociale.

M. Christian Paul. De la justice tout court !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous m’avez répondu dans la première partie de votre intervention, monsieur le ministre. Je le répète : vous êtes bien le ministre des riches, et vous continuez à le montrer à chaque heure qui passe.

M. Christian Paul. Et le parti des riches, le voilà, en face de nous !

M. Jean-Marc Ayrault. Il y a bien un autre projet, celui des socialistes, et, à chaque heure qui passe, les Français qui hésitaient encore se convainquent davantage que c’est vers nous qu’il faut se tourner pour trouver la solution à ce problème, pour faire ce choix de société. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Puisque nous sommes au cœur du débat, eh bien débattons.

Personne n’a dit que vous ne faisiez pas de propositions. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Simplement, ne me dites pas que je caricature votre projet alors que vous passez votre temps à caricaturer notre réforme. Pardonnez-nous si nous sommes un peu critiques à l’égard de vos propositions. Je pense que c’est un jeu normal…

M. Christian Paul. On n’est pas là pour jouer !

M. Éric Woerth, ministre du travail. … pour une majorité et une opposition que de discuter.

M. Jean-Marc Ayrault. Vous ne discutez pas !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Votre réforme est une réforme miracle : elle repose sur des recettes qui n’existent pas et vous le savez très bien.

Prenons les stock-options, sujet intéressant. Nous avons au fil du temps renforcé la fiscalité et les cotisations sociales du côté des employeurs comme du côté des salariés qui touchent ces stock-options.

M. Pascal Terrasse. Notre projet ne concerne pas seulement les stock-options !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Vous prévoyez des recettes à hauteur de 2 milliards d’euros, ce qui correspond au montant total des stock-options distribuées en France chaque année ! À un moment donné, il faut bien se demander comment vous comptez faire, car certaines choses semblent un peu difficiles à réaliser.

Vous dites encore qu’il suffit que l’emploi augmente pour que les cotisations augmentent et que cela résoudra une bonne partie du problème des retraites. Nous en sommes bien d’accord : nous menons du reste une politique active de l’emploi, c’est le moins que l’on puisse dire. Les derniers résultats viennent encore de le prouver.

M. Pierre Gosnat. Ils sont controversés !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Il y a eu une crise, ne l’oubliez pas ! Nous avons consacré des heures de débat dans cet hémicycle à son impact social et économique.

Nous avons bien évidemment l’intention d’augmenter l’emploi, de diminuer le chômage, d’augmenter les salaires, de lutter contre la pauvreté, de faire en sorte que les salaires augmentent. Tout cela contribue à accroître des ressources des régimes de retraite à travers les cotisations sociales. Mais fonder un projet uniquement sur l’augmentation de l’emploi des seniors et en escompter 6 milliards d’euros de ressources pour les régimes de retraite, ce n’est pas autre chose que de la fausse monnaie ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Laurence Dumont. Prenez garde au vocabulaire que vous employez !

M. Henri Emmanuelli. Quelle caricature ! C’est vous, la fausse monnaie, pas nous !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Nombre de vos propositions concernent les classes moyennes or vous affectez directement leur pouvoir d’achat.

M. Jean Mallot. Et en reculant de deux ans l’âge de la retraite, vous ne croyez pas que vous touchez au pouvoir d’achat des Français !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Vous prélevez 3 milliards d’euros supplémentaires sur l’intéressement et la participation, ce qui entraîne une baisse du pouvoir d’achat pour 5,4 milliards de salariés. Est-ce que c’est cela que vous voulez ?

Vous prévoyez d’augmenter de 0,1 point chaque année les cotisations salariales. Ce n’est pas une baisse de pouvoir peut-être ? De la même manière, augmenter la CSG sur les produits du capital, c’est toucher nombre de petits épargnants, qui verront baisser leur pouvoir d’achat.

Certes, toutes ces mesures sont possibles ; encore faut-il les assumer !

Quant à cette niche enfin, qui porte le nom d’un député célèbre, je vous rappelle qu’elle a été créée à la suite du rapport d’un député socialiste qui a clairement montré que la compétitivité du pays était affectée par la mesure fiscale en question. Il n’y a plus dans aucun pays d’imposition des plus-values à long terme sur les cessions de titres d’entreprises : sinon, il est très facile pour les entreprises et les holdings de se délocaliser et l’assiette fiscale disparaît.

Il est facile de trouver des milliards comme vous le faites, à ceci près que ces milliards n’existent pas. Et l’on ne peut pas fonder le financement d’un système de retraite sur des milliards qui n’existent pas ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse, dont le temps de parole sera évidemment décompté, comme pour les orateurs précédents – exception faite du président Ayrault, bien sûr.

M. Pascal Terrasse. À croire que pour M. Woerth, les millions d’euros défiscalisés issus des mesures que son gouvernement a prises n’existent pas – pas plus que les quelques dizaines de millions d’euros restitués à Mme Bettencourt. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Valérie Rosso-Debord. C’est minable !

M. Bruno Le Roux. Faux-monnayeurs, vrais collecteurs !

M. Pascal Terrasse. M. le ministre nous a appris ce matin que la réforme qu’il nous proposait avait finalement pour but de régler non plus des problèmes démographiques, mais des problèmes liés à la crise. Il a enfin avoué que son problème principal était les deux années de crise que vient de subir notre pays : il va falloir, dit-il, trouver 40 milliards d’euros pour équilibrer nos régimes de retraite.

Malheureusement, la réforme qu’il propose est hémiplégique : pour l’essentiel, elle repose sur des mesures d’âge. Pour notre part, comme Marisol Touraine et Jean-Marc Ayrault l’ont rappelé, nous faisons des propositions très concrètes d’un point de vue financier, que vous stigmatisez.

S’agissant des droits de cession, M. Woerth prétend que c’est de l’argent virtuel. Pourquoi alors la Cour des comptes elle-même estime-t-elle que plusieurs milliards d’euros échapperaient au fisc français de cette manière ? Où est donc cet argent ? Le ministre prétend que si les plus-values étaient fiscalisées, les entreprises les délocaliseraient à Bruxelles ou Amsterdam. Dois-je rappeler, monsieur le ministre, que vous tenez le même discours à propos de l’ISF. Or les expatriés fiscaux ne reviennent pas malgré toutes les mesures que vous avez prises.

Nous considérons qu’il faut revenir sur l’ensemble de ces dispositifs, comme Jean-Marc Ayrault l’a souligné.

J’en viens aux mesures sur les taxes sociales que nous avons présentées. M. le ministre, reprenant les explications de M. de Courson hier,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Excellente démonstration !

M. Pascal Terrasse. …a estimé que la taxe sur les stock-options serait virtuelle puisque sa recette, que nous estimons à 2,5 milliards, serait égale au montant de son assiette. C’est totalement méconnaître le projet des socialistes : ces 2,5 milliards résulteraient des stock-options, mais également de toute une série de produits non actuellement soumis à la fiscalité sociale, notamment les parachutes dorés, l’intéressement et la participation. Le Gouvernement persiste dans un mensonge permanent en laissant croire aux Français que notre projet ne serait pas financé. C’est tout le contraire.

En réalité, votre projet est financé à crédit, car vous allez prendre l’argent mis de côté grâce aux socialistes dans le fonds de réserve des retraites. Mais lorsque vous aurez épuisé ses ressources,…

M. Yves Bur. On sera à l’équilibre !

M. Pascal Terrasse. …il ne vous restera plus qu’à vendre Versailles ! En 2012, il nous faudra donc revenir sur cette réforme pour la financer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Monsieur le ministre, le débat qui a lieu cet après-midi nous permet de clarifier de façon extrêmement précise la ligne de partage qui nous sépare.

M. Pascal Clément. Il faut arrêter ! Tout cela ne sert à rien, monsieur le président !

M. Christian Paul. Elle ne sépare pas un projet qui serait démographique, le vôtre, et un projet qui serait fiscal, le nôtre. Non, cette ligne de partage passe entre un projet qui est solidaire, le nôtre, et un projet qui ne l’est pas, le vôtre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Censi. Sophismes !

M. Christian Paul. Cela a été clairement dit par les orateurs socialistes depuis plusieurs jours.

M. Pascal Clément. Ce n’est pas pour cela que c’est vrai !

M. Christian Paul. Je vous renvoie également à la tribune signée par quelques-uns des meilleurs économistes français et par des syndicalistes.

M. Pascal Clément. Tous de gauche ! Vous n’apportez rien au débat, vous nous faites perdre notre temps !

M. Yves Nicolin. Lisez Le Monde de cet après-midi !

M. Christian Paul. À l’avenir, le modèle de financement des retraites continuera de faire appel à la contribution des salariés et des entreprises mais il se fondera sur des contributions solidaires pour lesquelles il faut trouver des assiettes justes, efficaces et dynamiques. C’est ce que nous proposons, monsieur le ministre.

C’est la raison pour laquelle nous souhaitons tourner la page et nous éloigner de la vision qui est la vôtre, selon laquelle les prélèvements seraient impossibles à envisager. Selon vous, ce serait aux salariés et aux entreprises de contribuer par les cotisations ou par les mesures d’âge.

Pour notre part, nous considérons que la solidarité passe par des prélèvements. En d’autres temps, ce fut la CSG, que vous n’avez d’ailleurs pas abolie. Aujourd’hui, nous proposons non pas un grand impôt progressif mais des prélèvements très ciblés en direction des Français les plus fortunés – choix totalement caricaturé hier par Charles de Courson –. qui consistent à relever la fiscalité sur les stock-options mais aussi sur les bonus et les parachutes dorés. Passer le taux de prélèvement de 5 % à 38 %, oui, c’est un choix fiscal, mais un choix fiscal de solidarité nationale. Il en va de même pour la mesure concernant la CSG sur les revenus du capital, dont nous prenons soin de continuer à exonérer les contribuables les plus modestes, notamment ceux qui font appel au livret d’épargne. Enfin, nous proposons ce qui, nous l’avons bien compris, constitue pour vous un tabou : une contribution qui doit faire appel aux profits des banques pour qui la crise est loin. Sans aller vers des surtaxes confiscatoires, nous pouvons, avec l’économie financière, trouver une façon d’équilibrer de façon solidaire nos régimes de retraite.

C’est une direction vers laquelle vous ne voulez pas aller. Nous sommes donc bien projet contre projet : un projet solidaire en opposition à un projet que nous qualifierions volontiers d’irresponsable. La suite des débats le démontrera.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur le président, puisque nous débattons des projets, je rappelle qu’il existe un troisième projet (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP) déposé par le groupe des députés communistes et du parti de gauche sous forme de proposition de loi, dont vous pouvez prendre connaissance tout à loisir.

Elle prévoit des mesures de financement qui ne sont pas fondées sur la fiscalité. Nous sommes attachés aux contributions sociales, contrairement au Gouvernement et à l’UMP qui passent leur temps les truffer d’exonérations et d’exemptions.

Nous souhaitons – je vous renvoie à l’article 2 de notre proposition de loi – qu’au sein des entreprises, le partage entre capital et travail soit rééquilibré en faveur du travail. Les entreprises doivent être amenées à transférer leurs bénéfices davantage vers le financement du travail et les investissements plutôt que vers les dividendes, le plus souvent utilisés à des fins spéculatives.

Il s’agit d’un projet alternatif qui a un sens.

Nous proposons aussi de taxer les entreprises qui utilisent abusivement le temps partiel contraint. Vous insistez, monsieur le ministre, sur le fait que les pensions de retraite des femmes sont liées aux inégalités dont elles font l’objet pendant leurs carrières professionnelles. Or le temps partiel contraint concerne dans une très large proportion – 80 % – des femmes. Vous le voyez, nos mesures sont préventives et ne portent pas atteinte à la compétitivité des entreprises.

Je tenais à rappeler nos propositions afin que ceux de nos concitoyens qui suivent nos travaux ne croient pas que seuls deux projets sont en débat pendant l’examen de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Le président Ayrault, qui vient de partir, m’a posé une question ; j’entends y répondre.

Il a parlé de faire payer le capital. Beau slogan, qui fait toujours son effet dans les assemblées générales !

M. Patrick Braouezec. Ce serait surtout une belle réalité !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Je poserai seulement trois questions au groupe socialiste.

Premièrement, à quel moment la part du capital a-t-elle le plus augmenté dans la valeur ajoutée ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Du temps de la gauche !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Entre 1983 et 1986, années pendant lesquelles la part du travail dans la valeur ajoutée a le plus baissé. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ce ne sont que des questions, mais vous ne les acceptez pas !

Deuxièmement, quelle est la situation de la France pour ce qui est de la part respective du capital et du travail dans la valeur ajoutée ? La France est le pays européen où la part du travail dans la valeur ajoutée est la plus importante et la plus stable.

Troisième question : dans quel pays d’Europe la part du capital a-t-elle le plus augmenté ces quatre dernières années ? En Allemagne, pour redresser l’économie et l’emploi.

Sortons des slogans pour aborder les faits et établir les comparaisons.

M. Patrick Roy. Giscard n’est plus président !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Ne faisons pas comme si la France était un pays isolé entouré de barbelés en ignorant totalement les réalités vécues par nos voisins européens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Finalement, ces heures de débat, même si elles ne sont pas assez nombreuses du fait du temps programmé, permettent d’avancer.

Il y a quelques semaines, vous nous expliquiez que nous n’avions pas de projet ; aujourd’hui, M. le ministre reconnaît que nous en avons un.

Il y a quelques semaines, vous nous expliquiez que toutes les mesures que vous proposez étaient nécessaires pour des raisons démographiques ; ce matin, M. le ministre a concédé qu’il fallait faire payer à l’ensemble des Français le coût de la crise.

Il ne vous reste plus qu’à reconnaître que l’échéance de 2012 totalement aléatoire… Et pour preuve : vous avez donné rendez-vous en 2014. Or vous savez pertinemment que, dès lors que vous aurez fait main basse sur le Fonds de réserve des retraites, le problème du financement des retraites sera cruellement à nouveau posé.

Les mesures que vous avez engagées en 2003 auraient dû permettre de résoudre la problématique démographique des retraites.

Mme Marisol Touraine. Absolument !

M. Christophe Sirugue. Aujourd’hui, si nous sommes confrontés à un problème de financement, c’est à cause de votre gestion économique, puisque vous avez creusé les déficits année après année, plaçant notre pays en grande difficulté financière.

Lorsque j’entends Mme Rosso-Debord nous expliquer qu’avec ce Gouvernement tout va bien, je me demande alors pourquoi les Français sont dans la rue, je me demande pourquoi, la semaine prochaine, ils vont venir vous rendre visite dans vos permanences, je me demande pourquoi ils seraient aussi sourds, je me demande pourquoi ils ne comprendraient rien tandis que vous auriez la vérité révélée !

M. Yves Censi. Ce que vous dites est complètement débile !

M. Christophe Sirugue. Ce qui est vrai, c’est qu’avec vos amendements qui visent à développer la capitalisation, vous êtes en train de remettre en cause le principe même du régime de retraite par répartition en le fragilisant dans la tête de nos concitoyens, et particulièrement chez les plus jeunes générations.

M. Dominique Dord. On peut vraiment dire n’importe quoi dans cette assemblée !

M. Yves Nicolin. Quel baratin !

M. Christophe Sirugue. Il est totalement inutile de nous proposer des échéances comme celle de 2018, il est totalement inutile de nous proposer cette forme de supercherie. En tout cas, vous n’aurez pas à la refaire parce qu’il y aura une autre majorité dans ce pays.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Non, il n’y aura pas d’autre majorité dans ce pays !

M. Christophe Sirugue. Le problème reste posé : vos mesures n’assurent pas le financement des retraites, et c’est bien ce qui est le plus grave aujourd’hui.

M. Dominique Dord. Vous devriez l’applaudir, mes chers collèges de l’opposition !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. En fait, depuis une heure, nous avons entamé une nouvelle discussion générale. Mais comme nous sommes dans le cadre de la procédure du temps législatif programmé, ce n’est pas dramatique et cela ne prolongera pas d’autant les débats.

Notre régime de retraite est en péril et il nous revient de le sauvegarder. C’est ce à quoi s’attelle le Gouvernement. Il est important de sauver notre régime de retraite pour les futurs retraités, mais aussi pour les jeunes qui cotisent aujourd’hui et qui ont l’impression qu’ils n’auront pas de retraite demain.

Chacun sait qu’il existe des problèmes démographiques…

M. Roland Muzeau. Et alors ? Ce n’est pas un problème, mais une chance !

M. Jean-Luc Préel. ...liés au « papy boom » et à l’augmentation de l’espérance de vie.

Lorsque j’avais participé, à l’époque, au nom de l’UDF, aux réformes précédentes d’Édouard Balladur et François Fillon, j’avais déjà indiqué que ces réformes étaient indispensables mais qu’elles ne résoudraient pas les problèmes sur le long terme car elles étaient, hélas ! incomplètes. Force est maintenant de le constater. Voilà pourquoi il faut prendre aujourd’hui des mesures démographiques.

Bien entendu, la crise joue un rôle, comme le précise l’exposé des motifs du projet de loi, et comme l’a reconnu ce matin Éric Woerth. Les travaux du COR, que personne ne conteste aujourd’hui, montrent qu’il manquerait, pour 2020, 48 milliards d’euros environ. Il est donc plus que jamais nécessaire de prendre des mesures permettant de sauvegarder les retraites et compenser cette somme.

La réforme qui nous est proposée est indispensable, mais je ne suis pas sûr qu’elle soit équilibrée financièrement ni qu’elle permette d’améliorer la solidarité que nous souhaitons en faveur des polypensionnés et des veuves. Aussi devrions-nous probablement augmenter les prélèvements.

J’ai entendu dire que le parti socialiste avait un projet. Mais, hier, Charles de Courson a démonté avec brio…

M. Patrick Roy. Non !

M. Pascal Terrasse. Il n’a rien démontré du tout !

M. Jean-Luc Préel. Si !

...toutes les mesures montrant que ce projet, tel qu’il est proposé, n’est ni financé ni finançable.

J’entends que l’UMP a un projet, de même que le PS, le parti communiste et sans doute le NPA. Je rappellerai que le Nouveau Centre en a un aussi.

M. Pascal Terrasse. C’est quoi le Nouveau Centre ?

M. Jean-Luc Préel. C’est nous ! (Sourires sur divers bancs.)

Mme Valérie Rosso-Debord. C’est quoi le parti socialiste ?

M. Pascal Terrasse. C’est le résultat des élections régionales !

M. Jean-Luc Préel. Nous avons un rôle important à jouer dans le cadre du pluralisme.

Comme j’ai eu l’occasion de le dire, nous souhaitons une réforme systémique allant vers un régime par points ou par comptes notionnels, géré par les partenaires sociaux. C'est un vrai projet. Par ailleurs, je crois que nous sommes les seuls à demander l’extinction des régimes spéciaux. J’aimerais vous entendre sur ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)

(L'amendement n° 222 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 223.

La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. En présentant cet amendement, je ne résiste pas au plaisir de faire trois observations.

Premièrement, Mme Rosso-Debord a demandé tout à l'heure ce que nous avions fait pour les ouvriers.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Rien !

M. Jean Mallot. Nous avons fait tout simplement la retraite à 60 ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pascal Clément. Et vous en êtes fier ?

M. Jean Mallot. Deuxièmement, je dois dire que j’ai passé un bon moment – et je ne suis pas le seul – en entendant tout à l'heure M. Woerth nous parler de fausse monnaie et de paradis fiscaux. Ai-je besoin de faire la deuxième phrase ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. C’est facile !

Mme Valérie Rosso-Debord. Attention au dérapage !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce n’est pas surprenant de la part de M. Mallot !

M. Jean Mallot. Je me retiens !

Troisième observation : vous contestez nos ressources et la manière dont nous finançons notre contre-plan. Mais j’ai bien observé, hier et ce matin encore, que vous nous avez expliqué que vous alliez boucler le financement de votre plan en transférant des cotisations chômage sur l’assurance vieillesse. Si ce n’est pas une ressource hypothétique, il va falloir nous l’expliquer !

L’amendement n° 223 pose à nouveau la question de l’horizon de la réforme. L’alinéa 14 de ce fameux article 1er révèle, à n’en pas douter, le désarroi du Gouvernement qui se rend bien compte qu’un problème se posera après 2018. Une fois que vous aurez tout mangé, il faudra trouver des ressources. Vous bottez en touche en saisissant le Conseil d’orientation des retraites.

Pour notre part, nous pensons qu’il faut se préoccuper de l’équilibre des régimes de retraite à plus long terme, c’est-à-dire à l’horizon 2025.

M. Yves Bur. Toujours plus tard !

M. Jean Mallot. Je vois que M. Bur suit mes paroles avec beaucoup d’intérêt et je l’en remercie !

Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier pour votre bel élan de sincérité de ce matin : les trois millions de manifestants d’avant-hier y seront sûrement très sensibles. Vous nous avez clairement expliqué, en répondant ce matin à nos arguments, qu’en réalité votre projet n’est pas fait pour construire un plan destiné à sauver les retraites par répartition : il s’agit bel et bien d’un plan de rigueur.

Ce matin, vous avez présenté la facture de la crise aux victimes de la crise de deux façons.

Si l’on fait l’addition de ce qu’a coûté aux finances publiques le paquet fiscal de l’été 2007, on doit approcher les 34 milliards – je parle sous le contrôle de Pierre-Alain Muet. En « mangeant » dès aujourd’hui le Fonds de réserve des retraites qui s’élève à 34 milliards, vous allez solder le passif du paquet fiscal. Et, pour l’avenir, vous décalez l’âge de départ à la retraite de deux ans. Autrement dit, pendant deux ans, vous ne paierez pas les retraites. C’est aussi bête que cela… Vous faites de la trésorerie, et c’est de cette manière que vous rétablissez les équilibres.

Il s’agit donc bel et bien d’un plan de rigueur destiné à camoufler et solder, au moins jusqu’en 2012, la gabegie dont vous avez fait preuve. Voilà pourquoi nous pensons qu’il faut voter contre ce texte et qu’il faut proposer un contre-projet qui regarde à l’horizon 2025 et au-delà, ce que les Français ont bien compris puisqu’ils sont 62 % à demander que le mouvement social de mardi dernier se poursuive. Nous sommes à leurs côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L'amendement n° 223, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 328 de M. Decool est défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Le Conseil d’orientation des retraites donne souvent lieu à des confusions. Le COR fait des analyses, pose les termes du débat, mais il n’a pas vocation à faire des propositions de réforme. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Défavorable.

M. Jean-Pierre Decool. Je le retire.

(L'amendement n° 328 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 309.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Il est défendu.

(L'amendement n° 309, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 224.

La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Monsieur le ministre, votre projet de réforme n’inspire vraiment pas une très grande confiance.

Faire de ce projet la réforme du quinquennat et nous dire que vous réglez le problème jusqu’en 2018, c’est du jamais deux sans trois... On a connu un projet en 1993, un autre en 2003. Vous nous refaites le même coup qu’en 2003 en nous assurant un retour à l’équilibre dans huit ans. Mais c’est relativement facile puisque vous prenez les réserves des Français que nous avons patiemment accumulées afin de passer le pic démographique de 2020.

M. Patrick Roy. C’est un hold-up !

M. Michel Issindou. Mais que se passera-t-il en 2018 si vous n’avez pas plus de courage ? Vous nous reprochez de fiscaliser. Mais des ressources sont nécessaires pour financer durablement les retraites. En 2018, vous nous expliquerez que 62 ans, cela ne suffit pas et qu’il faudra travailler au-delà de cet âge.

Notre projet est courageux car, contrairement à vous, nous ne disons pas aux Français qu’on pourra rétablir l’équilibre sans trouver des ressources. Je ne les détaillerai pas, car cela a déjà été suffisamment fait. Il s’agit de vraies recettes prises sur le capital. Nous demandons aussi aux salariés des efforts sur les cotisations salariales et patronales. Les Français peuvent comprendre qu’en augmentant un peu leurs cotisations ils sauvent leur système de retraite. Mais comment expliquer aux jeunes qui ne descendent pas dans la rue parce qu’ils n’ont peut-être pas vraiment conscience de l’âge de leur retraite…

M. Yves Bur. Les jeunes ont parfaitement compris !

M. Michel Issindou. ...qu’ils peuvent être tranquilles puisqu’on a résolu le problème jusqu’en 2018 et que, pour la suite, il suffira de quelques rendez-vous dans le cadre ce comité de pilotage qui trouvera sûrement de très bonnes solutions ?

En tout cas, votre réforme n’est ni faite, ni à faire. Elle est à reprendre dans sa totalité. Heureusement, nous serons là pour la refaire en 2012 !

M. Christian Paul. Très bien !

M. Yves Bur. On aura des retraités fauchés !

M. le président. Monsieur Roy, je crois que vous souhaitiez vous exprimer. D’habitude, vous n’hésitez pas… (Sourires.)

M. Patrick Roy. Monsieur le président, j’ai le plus grand respect, vous le savez, de la règle républicaine dans cet hémicycle.

Mme Valérie Rosso-Debord. Première nouvelle !

M. le président. Chacun en est parfaitement conscient ! (Sourires.)

Vous avez la parole, monsieur Roy.

M. Patrick Roy. À voir M. le ministre ainsi effondré sur son siège et à court d’arguments pour répondre aux deux précédents orateurs du groupe socialiste, on a le sentiment, sur cette question comme sur d’autres, que c’est vraiment la panique…

M. Yves Censi. Avec vous, c’est le cirque !

Mme Valérie Rosso-Debord. Quel bouffon !

M. Patrick Roy. En 2003, on nous avait annoncé que la réforme allait tout changer, tout stabiliser, tout régler. Quelques années plus tard, devant ce gouffre et cet échec dramatique, on nous ressort les mêmes arguments en jurant que tout sera réglé en 2018. En refusant cet amendement et le précédent, vous montrez combien vous réglez la politique avec des mesures de panique, d’urgence, à courte vue : vous espérez seulement sauver les meubles pour 2012.

Ce n’est pas notre cas : nous voulons vraiment instaurer un système pérenne. Je vous appelle donc à la raison et vous invite à revoir votre projet pour mieux considérer le nôtre. Ce serait un bon premier signe, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre : acceptez cet amendement, défendu avec brio.

M. le président. La parole est à M. Dominique Dord.

M. Dominique Dord. Je m’exprimerai brièvement, en tant que président du conseil de surveillance du fonds de solidarité vieillesse,…

M. Jean Mallot. Pas en tant que trésorier en tout cas ! (Sourires.)

M. Dominique Dord. …à propos du fonds de réserve des retraites.

M. Jean Mallot. Attention aux conflits d’intérêt !

M. Dominique Dord. Vous vous glorifiez, mes chers collègues socialistes, d’avoir participé à la création de ce fonds de réserve des retraites. Fort bien. En réalité, il y a tromperie sur la marchandise.

M. Patrick Roy. Pas du tout !

M. Dominique Dord. Vous avez constitué ce « tas » que représente le fonds de réserve des retraites comme le sapeur Camember : en laissant se creuser dans le même temps des trous,…

M. Christophe Sirugue. C’est faux !

M. Dominique Dord. …en particulier celui du fonds de solidarité vieillesse dont j’ai l’honneur de présider le conseil de surveillance.

Votre fonds de réserve des retraites, c’est un fonds en trompe-l’œil. Vous êtes bel et bien les sapeurs Camember du déficit public. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Pascal Clément. Très juste !

M. Pascal Terrasse. Le FRR était équilibré jusqu’en 2004 !

M. Dominique Dord. Non seulement vous vous glorifiez de l’avoir créé mais vous en faites aujourd’hui une sorte de vache sacrée, par principe intouchable.

MM. Christophe Sirugue et Pascal Terrasse. Et vous, vous en avez fait une vache à lait !

M. Dominique Dord. Ce faisant, vous êtes pathétiques, en totale contradiction avec ce que devraient être vos convictions : comme nous l’a très bien expliqué en commission le responsable de sa gestion, le fonds de réserve des retraites est aujourd’hui affecté par la crise financière et la baisse de valeur des capitaux dans lesquels il est placé. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Laurence Dumont. Autrement dit, il faut le siphonner !

M. Dominique Dord. Ainsi, vous défendez le fonds de réserve des retraites alors même qu’il est soumis aux aléas du marché, ce qui devrait tout de même vous interpeller ; et dans le même temps, pour couvrir les déficits sociaux, notamment celui du fonds de solidarité vieillesse, vous ne voyez aucune objection à ce qu’on trouve des financements sur ces mêmes marchés, soumis aux conditions de ceux qui prêtent de l’argent, et vous laissez faire.

Non seulement vous n’avez rien créé du tout, sauf un fonds en trompe-l’œil, mais vous tentez de préserver une vache sacrée soumise aux horribles aléas des fluctuations des capitaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. M. Dord rappelle que, forts des chiffres montrant le déséquilibre qui allait affecter le système de retraite que vous préconisez, nous avions tenté de trouver de véritables solutions pour parvenir à le sauver.

M. Yves Bur. Mais non !

M. Bruno Le Roux. Pourquoi le plan du Gouvernement porte-t-il en germe la disparition du système de retraite par répartition ? Nous pensions à l’époque que le déséquilibre s’accentuant, il fallait trouver de nouvelles ressources : d’où la création du fonds de réserve des retraites par le gouvernement Jospin, et que vous avez cessé d’alimenter.

Nous souhaitons aujourd’hui trouver des ressources qui n’exonèrent ni les salariés ni les entreprises d’un nécessaire effort mais qui trouvent aussi leur origine ailleurs.

Mme Valérie Rosso-Debord. N’importe quoi !

M. Bruno Le Roux. Je vois bien votre jeu,…

M. Dominique Dord. Ce n’est pas un jeu !

M. Bruno Le Roux. …qui consiste à faire croire qu’il n’est d’autre solution que de faire porter l’effort sur les salariés.

M. Dominique Dord. Ce n’est pas un jeu !

M. Bruno Le Roux. Si, pour vous, c’est un jeu ! Cest la disparition du système de retraite par répartition que vous programmez ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Robinet. C’est faux !

M. Bruno Le Roux. Vous ne demandez d’efforts qu’aux salariés ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. Écoutons-nous mutuellement, mes chers collègues !

M. Bruno Le Roux. Alors que l’équilibre pour 2018 n’est même pas assuré, les efforts que vous demandez aux salariés ne profiteront qu’aux nantis, et vous inviterez ces mêmes salariés, qui n’en pourront plus, à passer à un autre système ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Dord. C’est honteux ! Vous vous moquez du monde !

M. Bruno Le Roux. En proposant d’aller chercher les ressources ailleurs, notre projet garantit l’équilibre du système, alors qu’en faisant porter l’effort sur les seuls salariés, vous les condamnez demain à ne plus vouloir supporter les augmentations pour enfin leur proposer, j’y insiste, de passer à un autre système. (Rumeur persistante sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Dord. Vous n’avez pas le droit de dire cela !

M. Christian Paul. Si, il a le droit !

M. Bruno Le Roux. Voilà toute la différence entre nos projets.

Nous préconisons, nous, une juste répartition de l’effort.

Mme Marie-Christine Dalloz. Baratin !

M. Bruno Le Roux. Il y a donc, d’un côté, le projet de ceux qui souhaitent demain en finir avec le système des retraites par répartition – et c’est bien ce que votre réforme porte en germe car c’est toujours aux mêmes que vous demandez de contribuer – et, de l’autre côté, ceux qui veulent sauver un système.

Nous avons dépisté votre défense des nantis, monsieur Dord ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Dominique Dord. C’est honteux !

M. Christian Paul. C’est une réalité !

M. le président. Mes chers collègues, gardons le sens de la mesure, s’il vous plaît !

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je vous ai observés et écoutés attentivement depuis mardi dernier. Je suis atterrée qu’en ce jeudi nous n’ayons pas encore abordé l’examen d’amendements techniques, ni vraiment parlé du sujet sur lequel les Français attendent de nous des réponses concrètes.

Depuis mardi, on nous assène des vérités…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ah, vous le reconnaissez !

Mme Marie-Christine Dalloz. …qui ne sont que des contrevérités, sinon carrément des mensonges.

M. Roland Muzeau. Non, ce sont bien des vérités !

M. Jacques Desallangre. Paroles, madame Dalloz, paroles !

Mme Marie-Christine Dalloz. Quand j’entends dire que la réforme que nous proposons vise à enterrer le régime des retraites par répartition,…

M. Jacques Desallangre et M. Roland Muzeau. Eh oui !

Mme Marie-Christine Dalloz. …je réponds : non ! Les Français ne sont pas dupes.

Mme Martine Billard. En effet : ils ne vous croient pas !

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous ne pouvez pas rester crédibles avec de tels arguments.

Un amendement communiste adopté à l’unanimité au début de nos débats rappelle que le pacte républicain comporte le grand principe de la retraite par répartition. Soyons donc sérieux et cessons de raconter tout et n’importe quoi. Il me paraît important qu’un jour vous deveniez crédibles.

M. Bruno Le Roux. C’est beau comme une déclaration de Woerth devant les policiers !

Mme Marie-Christine Dalloz. M. le ministre observait que, dans le projet socialiste, les recettes prévues au titre des stock-options équivalaient à l’intégralité des stock-options versées en France,…

M. Yves Censi. Voilà une vérité ! Ce sont des faits !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce à quoi un de vos collègues a immédiatement répondu qu’il y avait d’autres recettes envisageables. On entend souvent parler dans les transports des marchandises tombées du camion ; vous, vous avez des recettes qui tombent du ciel. Tant mieux pour vous, mais si vous vous imaginez que les Français croient votre projet crédible, vous les prenez vraiment pour de grands naïfs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

Mme Marisol Touraine. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Je suis étonnée, madame Dalloz, que vous souhaitiez un débat technique : y a-t-il plus politique que le débat sur l’avenir de nos retraites ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. C’est une question de politique sociale !

Mme Marisol Touraine. Y a-t-il plus politique comme choix de société que le choix entre système par répartition et système par capitalisation ?

M. Patrick Ollier. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. le président. Ce n’est rappel au règlement et cette intervention sera donc décomptée du temps de parole de votre groupe, madame Touraine ; mais je vous en prie, continuez.

Mme Marisol Touraine. Vous voyez, chers collègues de la majorité, que vous ne voulez pas discuter ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Nous vous écoutons, madame Touraine !

M. Yves Nicolin. Soyons politiques, madame Touraine, respectons le règlement !

Mme Marisol Touraine. Le président tranchera sur le fait de savoir si je ne respecte pas le règlement.

M. le président. Vous avez en tout cas la parole, madame Touraine !

Mme Marisol Touraine. Merci, monsieur le président, mais à en juger par l’agitation sur les bancs de la majorité, j’en conclus qu’elle n’est pas prête à débattre.

Parlons de nos amendements, si vous le voulez, mais il me semble que c’est le ministre qui a relancé la discussion politique en avançant que le déficit né de la crise justifiait la réforme. Nous avons donc été amenés à réengager un débat pour comprendre pourquoi on nous présentait cette réforme. Contrairement à vous, je ne considère pas que ce débat doit n’être que technique.

M. Yves Censi. Il l’est aussi !

Mme Marisol Touraine. À travers nos amendements, nous ne cherchons qu’à éclairer les Français sur les choix des uns et des autres ; il n’y a de notre part que volonté d’échange, de débat,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Et de polémique !

Mme Marisol Touraine. …et nous souhaitons pouvoir avancer.

Et si vous nous faites remarquer que nous sommes déjà jeudi, madame Dalloz, c’est parce que vous voulez enfermer le débat dans le calendrier le plus restreint possible. Et pourtant, au regard de l’ampleur des enjeux, au regard de l’ampleur de la manifestation, au regard de l’ampleur du sujet et des attentes des Français, nous ne sommes tout de même pas à quelques heures près !

M. Henri Emmanuelli. Qu’ils aillent le faire au Sénat, leur timing… Nous ne sommes pas en Corée du Nord !

(L’amendement n° 224 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet, pour soutenir l’amendement n° 338.

M. Jean Mallot. Voyons s’il est technique…

M. Arnaud Robinet. Avant d’en venir à mon amendement, je rappellerai que le fonds de réserve des retraites, cette vache sacrée pour la gauche, comme l’a si bien dit notre collègue Dominique Dord, était à l’époque financé par les privatisations, notamment celle de France Télécom et par les différentes ouvertures de capital menées par le gouvernement Jospin.

M. Yves Nicolin. Très juste !

M. Dominique Dord. Du capitalisme sauvage ! (Sourires.)

M. Arnaud Robinet. J’imagine les propos que tiendrait le parti socialiste si de telles mesures avaient été annoncées par le Gouvernement actuel… (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très juste !

M. Arnaud Robinet. Cela dit, par souci de cohérence avec nos débats de ce matin – à l’opposé de l’incohérence dont fait preuve parti socialiste sur ce sujet pourtant essentiel pour l’avenir des Français depuis quelques mois et en particulier depuis l’ouverture du débat au Parlement –, nous retirons l’amendement n° 338.

Mme Valérie Rosso-Debord. Très bien !

M. Jean Mallot. Voilà qui était très technique !

(L’amendement n° 338 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste, pour soutenir l’amendement n° 77.

M. Christian Vanneste. J’ignore si cet amendement est technique ou politique ; en tout cas il concerne la famille, sujet éminemment politique, mais qui peut être résolu de manière technique. Il vise à souligner le rôle essentiel des familles dans la solution du problème des retraites.

Le 26 novembre 2008, le Conseil d’orientation des retraites a formulé des propositions sur les majorations familiales des retraites. Il s’agissait là d’un véritable contresens car si les cotisations versées par une génération servent bien à payer les pensions des générations précédentes à la retraite, c’est l’investissement dans l’éducation des enfants d’une génération qui sera vraiment utile au financement des retraites de cette génération. Voilà comment se pose le problème démographique.

Alfred Sauvy résumait fort bien cette question.

Mme Martine Billard. Alfred Sauvy ? Il s’est complètement planté !

M. Christian Vanneste. Selon lui, chaque génération doit payer elle-même ses retraites non par les cotisations, comme certains l’imaginent, mais par sa descendance.

Ainsi, un couple exerçant une profession intermédiaire qui a élevé un seul enfant aura investi deux fois moins dans la génération à venir que la retraite qu’il percevra. Un couple exerçant lui aussi une profession intermédiaire mais qui aura élevé quatre enfants subira en revanche une perte de 25 % entre son investissement et sa retraite alors que son effort permettra à la génération de ses enfants de payer le double de cotisations vieillesse. Il y a là manifestement une injustice qu’il faut prendre en considération.

Le rapport que je demande au COR par le biais du présent amendement aura donc pour but d’établir un tableau précis de la situation des droits des assurés en fonction de leur investissement dans la génération à venir, afin de pouvoir y introduire plus d’équité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Avis défavorable.

Je répète que le COR, composé de personnes provenant de différents horizons, établit des constats et ne formule pas de propositions. L’année dernière, une importante étude, M. Vanneste l’a rappelé, a été réalisée sur les avantages conjugaux et familiaux. D’autres travaux de ce genre continueront d’être menées – leur qualité n’a jamais été mise en cause. Au vu de leurs résultats, il nous reviendra de prendre des décisions.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Le COR définit d’ordinaire lui-même son programme de travail. Il est arrivé que dans le cadre d’un PLFSS, si mes souvenirs sont bons, on lui demande un rapport sur les régimes notionnels ; cela s’explique par l’ampleur de l’enjeu.

Le COR s’est déjà saisi des questions sur les avantages familiaux et avait remis un rapport en 2008, actualisé en 2010. Si les membres du COR, parmi lesquels figurent, du reste, des parlementaires, souhaitent qu’on lance une étude sur les sujets que vous évoquez, monsieur Vanneste – et ils sont légitimes –, il revient au seul COR d’en décider.

Je vous serai donc reconnaissant de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Monsieur le ministre, je reviens sur la distinction entre le technique et le politique : mon amendement est très politique. Il s’agit simplement de faire en sorte que l’on souligne le rôle de l’investissement familial dans la préparation des retraites, ce qui n’est pas une mince affaire. Que le COR, organisme indépendant, soit allé dans un sens inverse, appelle de notre part une prise de responsabilité : qu’il tienne compte des modèles de projection précisément indiqués dans mon amendement et qu’il en mesure les conséquences en termes d’investissement familial.

Cette demande étant donc très politique, nous devons exercer notre responsabilité. La réponse du COR peut certes me décevoir d’un point de vue technique. Je maintiens néanmoins symboliquement mon amendement pour bien marquer cette volonté politique.

(L’amendement n° 77 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 81.

La parole est àChristian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Cet amendement est un peu une réponse aux propos du rapporteur et du ministre sur les compétences du COR et sur la nécessité de distinguer à tout prix l’instance qui fournit des analyses et celle qui formule des propositions. Je ne vois pas du tout l’intérêt d’une telle séparation, qui aboutit finalement à créer un « machin » totalement extérieur aux véritables détenteurs de la légitimité, à savoir les élus,…

M. Roland Muzeau. Mais non ! Les détenteurs de la légitimité, c’est Sarkozy et Guéant !

M. Christian Vanneste. …auquel il reviendrait de donner des orientations.

Le Gouvernement a marqué sa volonté – et M. le ministre, qui fut il y a peu chargé du budget, le sait bien – de réduire le nombre des multiples instances créées pour répondre à des problèmes divers et chargées de missions de régulation, de médiation, de conseil, ou encore d’observation. C’est dans cet esprit que nous travaillons, avec René Dosière, sur le regroupement de certaines autorités administratives. Cela s’est traduit, année après année, par la suppression d’une série d’instances consultatives ou délibératives, dont le nombre est passé, excusez du peu, de 799 à 719 de 2009 à 2010. Leur nombre demeure toutefois considérable, et si l’efficacité de ces observatoires, notamment dans le domaine de la prévision, n’est pas toujours au rendez-vous, leur coût de fonctionnement, lui, est bien réel.

Dans le cas présent, le texte s’appuie déjà sur le COR et sur l’observatoire de la pénibilité ; voilà que l’on nous crée en plus un comité de pilotage… Il serait plus conforme à la logique d’économie de structures et d’économie tout court, d’inclure ce comité de pilotage dans le COR, dont les missions, plus larges, incluent également l’appréciation des régimes de retraite, en application de l’article L. 114-2 du code de la sécurité sociale : il serait parfaitement logique que le COR, siégeant annuellement en formation de comité de pilotage, fasse des propositions à partir de ses propres travaux. Le représentant de l’État et les personnalités qualifiées membres du comité de pilotage seraient également, bien sûr, membres du COR, et les deux instances auraient un seul et même président.

Ce dispositif, défini par un décret, permettrait une même logistique d’organisation, gage d’économies, mais aussi de cohérence des propositions. Je citais tout à l’heure l’orientation fixée par le COR à travers ses observations sur la famille. C’est un sujet sur lequel il pourrait présenter des propositions. Ce serait déjà beaucoup plus clair.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Nous en avons déjà longuement parlé. Nous distinguons le COR et le comité de pilotage. D’un côté, des études sont présentées, de l’autre, des propositions faites au Gouvernement. Les deux choses doivent être séparées. Nous l’avons acté et la commission a voté en ce sens. Par conséquent, cher ami Vanneste, l’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Même avis.

(L’amendement n° 81 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 315.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Notre amendement tend à proposer une répartition des sièges au sein de ce Comité de pilotage des régimes de retraite.

La rédaction proposée pour l’article 1er renvoie à un décret de l’exécutif pour décider de la composition et des modalités d’organisation de ce comité. Pourquoi ne pas entrer directement dans le vif du sujet ? Pourquoi ne pas laisser ces prérogatives au législateur ? Pourquoi ne pas proposer une composition dès l’avant-projet de loi, alors même que l’exposé des motifs précisait que le comité devait associer « très largement les partenaires sociaux » ?

Conformément à cette exigence, la composition que nous proposons est très proche de celle du COR. Elle a néanmoins le mérite d’être plus pluraliste, puisque les syndicats y seront mieux représentés qu’ils ne le sont au COR. Nous proposons également de ne pas y intégrer de personnalités dites « qualifiées ». Celles-ci sont en effet nommées par l’exécutif et choisies le plus souvent en fonction de leur degré de connivence idéologique avec le pouvoir en place.

En proposant une telle composition, nous voulons également insister sur le fait que ce comité de pilotage des régimes de retraite est ce qu’on appelle un doublon. Il semble n’être créé que pour se substituer au COR à moyen terme. C’est d’autant plus patent que le comité de pilotage des régimes de retraite reprend la majorité des attributions du COR, notamment celle de faire des propositions au Gouvernement sur la situation financière des régimes et les moyens de parvenir à l’équilibre.

Il est donc nécessaire pour les législateurs que nous sommes d’entrer dans le détail de la composition de ce comité, afin d’assurer un minimum de représentativité et de garantir la présence juste et suffisante de représentants des salariés et des assurés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. La composition du comité de pilotage relève clairement du domaine réglementaire. Ajoutons que si cet amendement était adopté, il faudrait à l’évidence modifier la loi à chaque évolution du paysage syndical. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Même avis.

(L’amendement n° 315 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 565.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Je voudrais, en présentant tranquillement cet amendement, désamorcer d’éventuelles critiques. La commission a, fort louablement, demandé à ce que des parlementaires soient membres du comité de pilotage, ce qui n’était pas prévu initialement. Tout le monde a apprécié cette demande qui émanait de toutes les sensibilités. C’est ainsi qu’il a été prévu qu’un membre de chaque groupe de l’Assemblée et du Sénat soit présent au sein de ce comité.

A priori séduisante, cette proposition, avec le recul, présente un désavantage : elle crée un déséquilibre entre le nombre de représentants du Sénat et de l’Assemblée nationale. Or, l’usage veut que, dans des comités de ce type où des parlementaires siègent, il y ait autant de députés que de sénateurs. En particulier, l’article 28 du règlement de l’Assemblée prévoit que les nominations au sein de tels organismes « ont lieu en s’efforçant de reproduire la configuration politique de l’Assemblée ». Je rappelle incidemment que dans le COR, dont nous avons longuement parlé cet après-midi, il y a autant de membres du Sénat que de l’Assemblée nationale.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Très favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Je comprends le raisonnement de notre rapporteur. Mais comme il l’a fait remarquer lui-même, il n’était pas prévu, dans le texte initial, que des députés et des sénateurs siègent au sein du Comité de pilotage. La commission, dans un premier temps, a adopté un amendement prévoyant que des parlementaires des deux assemblées puissent y siéger. Un sous-amendement, que j’avais d’ailleurs présenté en accord avec un autre groupe minoritaire, proposait que l’ensemble des groupes puissent être représentés, dans un souci de pluralisme.

Faisant partie de ce que l’on appelle aujourd’hui un groupe minoritaire – qui a bien sûr pour ambition de devenir un jour majoritaire (Sourires) –,…

Mme Martine Billard. L’espoir fait vivre !

M. Jean-Luc Préel. …nous souhaiterions pouvoir être assurés d’être représentés dans ce comité de pilotage.

(L’amendement n° 565 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 310.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Il est défendu.

(L’amendement n° 310, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 590.

La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Le Gouvernement avait initialement exclu les partenaires sociaux de la composition du Comité de pilotage. La commission des affaires sociales les y a inclus. C’est là un enrichissement, qu’il convient de compléter en associant clairement l’ensemble des organisations représentatives, notamment les professions libérales et les professions agricoles.

(L’amendement n° 590, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 709.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Défendu.

(L’amendement n° 709, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 573.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Avec cet amendement, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche veulent insister sur l’idée qu’en matière d’organisation du droit à la retraite après un travail pénible, il importe de s’appuyer sur le critère de l’espérance de vie en bonne santé et non sur la seule notion d’espérance de vie.

Le dispositif actuellement retenu par le Gouvernement écarte ainsi deux types de pénibilité dont les effets sur la santé sont différés. C’est le cas des métiers exercés dans un environnement agressif ou concernés par des rythmes de travail pénibles. Le choix du critère de l’espérance de vie ne permet pas d’assurer aux salariés concernés par les métiers pénibles la capacité de vivre une retraite en pleine santé, comme les autres salariés.

Il faut rappeler, à cet égard, que l’espérance de vie en bonne santé progresse deux fois moins vite que l’espérance de vie.

Tout le monde ici sait que l’espérance de vie d’un ouvrier est inférieure de sept ans à celle d’un cadre. Mais savez-vous aussi, mes chers collègues, que les ouvriers sont frappés d’une sorte de double peine ? En effet, selon une étude de l’Institut national des études démographiques, « au sein d’une vie plus courte, ils passent aussi plus de temps que la moyenne en situation d’incapacité. Les professions manuelles en général sont particulièrement touchées par les limitations fonctionnelles physiques ou sensorielles qui concernent plus de 60 % des années à vivre après 60 ans. »

On le voit, en ce qui concerne la question de la pénibilité, le seul critère de l’espérance de vie ne permet pas de saisir la totalité des phénomènes : il est partiel et partial.

Le principe le plus fondamental du droit à la retraite est de permettre l’épanouissement de chacun après une vie de travail. Pour respecter cette exigence, il convient de s’appuyer sur le critère de l’espérance de vie en bonne santé afin d’assurer l’égalité de tous en la matière.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Tout en comprenant parfaitement le sens de cet amendement, j’avoue que le terme « en bonne santé » me gêne. Pourquoi pas « en excellente santé » ? Peut-être faudrait-il retenir l’expression « sans problème de santé avéré » : la bonne santé, c’est l’absence évidente de tout problème de santé… Ce point de vue est d’ailleurs celui de la commission, qui a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Je rejoins l’avis de la commission. L’intention de cet amendement est très louable, mais il est très difficile de dire ce qu’est la bonne santé. Les études sur le sujet ne manquent pas et les chiffres que vous avez cités, monsieur Desallangre, ne correspondent pas à ceux que l’on retrouve dans les travaux d’autres organismes – la DARES ou l’INSEE, par exemple – ou encore dans les comparaisons internationales. Mieux vaut en rester à la notion très claire d’espérance de vie.

(L’amendement n° 573 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 342.

La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Il est défendu.

(L’amendement n° 342, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 560, qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 724.

La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. La commission des affaires sociales m’a fait le plaisir d’intégrer dans le texte l’observatoire des pénibilités.

Celui-ci est destiné, d’une part, à prévenir l’usure des salariés pendant la période de travail puisqu’il fera partie du Conseil d’orientation sur les conditions de travail chargé de proposer des améliorations dans ce domaine et, d’autre part, de proposer au Comité de pilotage des régimes de retraite des dispositions visant à prendre en compte la pénibilité dans la fixation de l’âge de départ en retraite.

Il m’a paru important d’ajouter aux missions de cet observatoire la prise en compte des maladies à effet différé qui sont un véritable fléau pour les salariés. Certains travailleurs, qui ont passé leur vie de salarié en bonne santé, tombent malheureusement malades une fois arrivés à l’âge de la retraite et ne peuvent profiter pleinement de celle-ci.

Mon amendement va un peu dans le sens de celui déposé par le groupe GDR concernant l’espérance de vie en bonne santé mais, dans le cas du mien, c’est l’observatoire des pénibilités qui fera des propositions pour prendre en compte les maladies à effet différé.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour défendre le sous-amendement n° 724.

M. Jean-Luc Préel. Ce sous-amendement propose une réécriture de l’amendement n° 560 pour éviter de répéter deux fois les termes figurant à la fin du paragraphe précédent.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. L’amendement de M. Vercamer a été longuement discuté en commission. Il aborde le problème des maladies à effet différé, dont il est de plus en plus question. Une prise de conscience nationale a lieu sur ce sujet et la commission a adopté cet amendement à l’unanimité.

Le sous-amendement de M. Préel n’a pas été examiné par la commission mais, comme il consiste en une amélioration rédactionnelle, j’y suis très favorable.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la fonction publique.

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique. Le Gouvernement est favorable à l’amendement déposé par M. Vercamer avec les réserves qu’il a exprimées. Le sous-amendement de M. Préel est de nature à y répondre. Donc avis favorable.

(Le sous-amendement n° 724 est adopté.)

(L'amendement n° 560, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 732 rectifié du Gouvernement, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 744.

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du travail. C’est un des amendements que j’ai présentés hier en commission : il concerne les polypensionnés. Afin de poursuivre la discussion sur ce sujet, le Gouvernement souhaite remettre au Parlement un rapport avant le 31 décembre 2011 – l’idée a été retenue en commission cette date au 1er octobre 2011. Ce rapport permettra de faire une comparaison très précise des diverses situations. Le Président de la République nous a demandé en juillet dernier de continuer à réfléchir à ce sujet, ce que nous avons fait tout au long de l’été en liaison avec les partenaires sociaux. En creusant la question, l’on s’aperçoit qu’un polypensionné a souvent intérêt à cette situation : les règles des différents régimes sont telles que l’on a tout avantage, au fond, à avoir passé une partie de sa vie professionnelle sous un régime et une autre partie sous un autre.

Quoi qu’il en soit, nous souhaitons continuer à travailler sur ce sujet. Nous ferons certes des propositions, notamment en ce qui concerne les titulaires sans droits, mais sur la question générale des polypensionnés, nous proposons de vous remettre un rapport en 2011, afin de poursuivre le débat entre le Gouvernement et le Parlement.

M. Roland Muzeau. Toujours demain !

M. Henri Emmanuelli. Toujours plus tard !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. La commission a accepté cet amendement, qui va nous permettre de disposer de tous les éléments concernant la problématique complexe des polypensionnés. Toutefois, sur l’initiative de Jean-Luc Préel, la commission propose la rectification suivante : remplacer la date du 31 décembre 2011 par celle du 1er octobre 2011.

M. le président. Mme Billard va présenter le sous-amendement n° 744 puis le ministre donnera l’avis du Gouvernement.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Il nous a été annoncé que le Gouvernement proposait des avancées sur la question de la pénibilité – nous y reviendrons – et sur celle des polypensionnés. Avec cet amendement, on peut dire qu’il avance… mais seulement dans le nombre de rapports. Il est quelque peu surprenant que le Gouvernement présente un amendement visant à ce que lui-même dépose un rapport devant le Parlement. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) C’est certainement une grande avancée médiatique !

Sur le fond, monsieur le ministre, un document de travail du COR du 10 juin 2009 – ce n’est tout de même pas si vieux –, très complet, démontre les avantages et les inconvénients du système actuel des polypensions. Vous venez de nous expliquer que la question n’était pas simple, que l’on ne pouvait pas avancer trop vite parce qu’un certain nombre de polypensionnés tirent avantage des dispositifs existants. Quand le verre est à moitié plein à moitié vide, vous prenez toujours ce qui vous arrange, pas la moitié qui vous dérange. Celle qui vous dérange, que le document du COR démontre très bien, c’est que beaucoup de travailleurs ayant droit à plusieurs pensions vont être désavantagés lorsqu’ils vont liquider leur retraite. Je rappelle que 38 % des retraités étaient polypensionnés en 2004, et le pourcentage continue d’augmenter.

L’article 3 de la loi de 2003 prévoyait un traitement équitable au regard des régimes divers et variés dont pouvaient relever les pensionnés. Sept années ont passé : on avance sur cette question à une allure d’escargot. Je rappelle que le mécanisme de proratisation entre régimes retient vingt-cinq salaires annuels, mais rarement les vingt-cinq meilleurs. En plus, la proratisation ne s’applique pas entre un régime aligné et un régime qui ne l’est pas. Les polypensionnés sont alors défavorisés. Selon le COR, un alignement sur le régime général représenterait pour eux un gain annuel moyen de 410 euros. Lorsqu’on a une pension de retraite inférieure à 1 000 euros, c’est tout de même particulièrement intéressant. Vous avez su, en restreignant l’accès au minimum contributif, régler rapidement le problème des polypensionnés susceptibles d’en profiter un peu abusivement lorsqu’ils avaient une retraite assez élevée dans un autre régime. Par contre, quand il s’agit de résoudre le problème de ceux qui cumulent des pensions de misère, on attend toujours.

J’en viens à notre sous-amendement. Nous demandons que le rapport précise les différences de situation entre les femmes et les hommes. En effet, à force de faire des rapports sur des moyennes, les femmes sont ignorées et toujours les dernières servies. À cet égard, vous nous avez expliqué qu’il n’y avait plus de problème. Je vais donc vous répondre sur plusieurs points.

En fait, les écarts de salaires entre hommes et femmes ont cessé de diminuer depuis le milieu des années quatre-vingt-dix parce que le taux d’emploi équivalent temps plein des femmes n’augmente plus à cause du temps partiel imposé, mais aussi et surtout parce que la majoration de durée d’assurance pour enfant a été abaissée dans la fonction publique – de 8,7 à 7,9 trimestres en trois ans en raison de votre réforme.

Vous êtes assez doué pour réécrire les réalités. Comme vous pensez qu’aucun député n’aura le temps d’aller vérifier,…

M. Denis Jacquat, rapporteur. Mais non !

Mme Martine Billard. …vous vous dites, monsieur le ministre : « Affirmons ! On va pouvoir tromper l’opinion publique. » Ainsi, vous avez repris ce qu’avait montré le COR s’agissant de la convergence du nombre de trimestres ouvrant droit à une pension de retraite. Son sixième rapport, en 2008, consacré aux droits familiaux et conjugaux, indique clairement qu’en 2001, les générations de femmes nées en 1942 avaient un écart de vingt-huit trimestres par rapport aux hommes, les générations nées en 1958, un écart de 4,3 trimestres, et celles nées en 1970, un écart d’un trimestre. Vous en avez conclu qu’il n’y avait plus d’écart. Mais tirer de ces chiffres une telle conclusion est scandaleux parce que les femmes nées en 1970 n’avaient que trente et un ans en 2001, et qu’il est donc impossible d’estimer quel sera l’écart en nombre de trimestres au moment de liquider leur pension. Les femmes ayant des enfants de plus en plus tard, l’impact des congés maternité ne peut être encore pris en compte à cet âge. Monsieur le ministre, j’ose le dire publiquement : vous mentez sciemment. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. Roland Muzeau. Très juste !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement no 744 ?

M. Roland Muzeau. Essayez de ne pas mentir, vous, sur les inégalités hommes-femmes en matière de retraite ! Dites la vérité !

Mme Martine Billard. D’où l’intérêt de mon amendement !

M. Denis Jacquat, rapporteur. La commission n’a pas examiné ce sous-amendement, mais, à titre personnel, je trouve que c’est une excellente idée, car il enrichit l’amendement proposé par le Gouvernement. Je remarque toujours l’esprit constructif de Mme Billard – parfois quelque peu « alternatif ». La commission a émis un avis favorable à l’amendement du Gouvernement ; j’émets un avis extrêmement favorable au sous-amendement de Mme Billard. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Merci, madame, pour ce travail d’enrichissement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Je suis favorable au sous-amendement. Madame Billard, nous avons lu, vous et moi, le même rapport du COR. Les choses devraient donc être claires. J’ai toujours indiqué que l’on voyait bien, heureusement, un écart se réduire au fur et à mesure entre le nombre de trimestres des hommes et celui des femmes. La chronique des écarts entre les générations de femmes nées dans les années quarante et celles nées dans les années 1966-1970 montre qu’il y a deux trimestres d’écart pour les femmes nées en 1960-1962, et un trimestre d’écart pour les femmes nées en 1966, hors majoration de la durée d’assurance.

Mme Martine Billard. Vous recommencez ! Cela ne veut rien dire !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Par ailleurs, la DRESS a montré que des projections sont tout à fait possibles en la matière, des études ont porté sur l’évolution du nombre de trimestres validés dans trente ou quarante ans.

Il y a évidemment un écart pour les femmes nées avant les années soixante. Cela étant, aujourd’hui, pour les femmes nées à partir de 1965-1966, on ne peut plus parler d’écart de trimestres mais d’un trimestre d’écart. Avec les majorations de durée d’assurance – deux ans par enfant –, qui sont bien légitimes, les femmes partiront à la retraite avec des trimestres plus nombreux que les hommes. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme Catherine Coutelle. Ce n’est pas vrai !

Mme Martine Billard. Vous mentez !

M. Éric Woerth, ministre du travail. C’est la tendance qui se dessine aujourd’hui alors qu’auparavant, on était dans la tendance contraire.

Madame Billard, un certain nombre de femmes travaillent en effet à temps partiel, mais vous savez bien que tous les temps partiels ne sont pas subis.

Mme Catherine Coutelle. La majorité, monsieur le ministre !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Il y a des personnes qui souhaitent s’arrêter le mercredi ou un autre jour, c’est leur vie. Je ne peux pas laisser dire que tout le temps partiel est subi. Je vous rappelle que dans le régime général existe une règle qui vaut aussi pour les régimes complémentaires : le travail à mi-temps permet de valider une année complète.

Mme Martine Billard. Encore faut-il pouvoir travailler à mi-temps ! En-dessous, ce n’est pas possible.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Si vous travaillez une demi-année au SMIC horaire, vous validez une année complète au SMIC. C’est très important de le rappeler. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme Martine Billard. À quinze heures, ce n’est pas le cas !

M. le président. Êtes-vous favorable, monsieur le ministre, à la rectification de date proposée par la commission ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Oui, monsieur le président.

M. le président. En conséquence, les mots : « Avant le 31 décembre 2011 », sont remplacés par les mots : « Avant le 1er octobre 201l ».

La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Je vais commencer en démystifiant les annonces mensongères du Président de la République qu’illustre cet amendement gouvernemental.

Les grands médias nationaux nous ont dit hier que le Président aurait demandé au ministre de rédiger des amendements qui résoudraient tout : les problèmes des carrières longues, de la pénibilité et des polypensionnés. Je lis la déclaration du Président de la République : « L’équité commande aussi de traiter la question des polypensionnés. Je souhaite qu’on arrête en particulier de pénaliser ceux qui accomplissent leur carrière pour partie dans le public et pour partie dans le privé. Sur ces bases, je demande avec le Premier ministre à Éric Woerth de présenter dans les meilleurs délais au Parlement les amendements du Gouvernement. » Il demande donc au Gouvernement de résoudre ce problème. Or la réponse du Gouvernement, c’est de renvoyer à un rapport.

M. Roland Muzeau. Eh oui !

M. Pascal Terrasse. Comme par hasard, le rapport devra être rendu à la fin 2011, ce qui veut dire que, dans le meilleur des cas, il sera possible de l’examiner lors d’un PLFSS à la fin 2012 pour une application au mieux en 2013.

Monsieur le ministre, vous êtes en train de nous raconter des balivernes ! S’agissant des polypensionnés, nous disposons déjà de tous les éléments sur ce sujet : je vous invite évidemment à rechercher ce que nous avons écrit au sein du Conseil d’orientation des retraites, mais il y a aussi un communiqué officiel du Médiateur de la République qui date de juillet 2010 et qui a mis en évidence les problèmes actuels liés aux polypensionnés, notamment le fait que le salaire annuel moyen – le SAN –, issu des lois Balladur, pénalise les personnes qui sont passées d’un régime à un autre. Cette pénalisation peut porter sur 30 % des revenus de retraite. Il est vrai que certains peuvent aussi y gagner. On connaît les catégories qui gagnent et aussi celles qui perdent. La CFDT, la CGT, Force ouvrière et nombre d’autres organisations syndicales ont considéré qu’il y avait là une injustice flagrante. Vous vous étiez engagé à régler ce problème. Or vous nous proposez un rapport qui n’a pas de sens. On voit bien, cela commence à être dit de partout, que cet amendement a été rédigé à la va-vite. On sait très bien qu’il n’a pas été écrit par vous, mais par M. Soubie. La meilleure des choses serait donc que le conseiller social de l’Élysée explique devant la commission des affaires sociales ce qu’il souhaite réellement. Entre l’intervention du Président de la République que je viens de lire et l’amendement que vous nous avez présenté hier tardivement, il y a un abîme.

Il est donc honteux de laisser croire dans les médias que le problème des polypensionnés sera réglé à travers cet amendement. Vous créez un énième groupe de travail alors que nous avons toutes les informations qui nous permettraient de régler ce problème ici et maintenant. Ce que je dis vaut aussi évidemment pour le problème des carrières longues et pour celui de la pénibilité. Vous êtes en train d’amuser la galerie, la représentation nationale et, pire, les Français. On ne vous croit plus ! C’est bien ce qui pose problème dans ce débat, car nous aurions souhaité une véritable concertation, une véritable négociation. Ni l’une ni l’autre n’est possible avec vous, monsieur le ministre !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très juste !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Les polypensionnés soulèvent un réel problème, qu’il nous faut résoudre. Nous en avons tous conscience.

Première remarque : un régime universel à points ou à comptes notionnels réglerait le problème.

M. Éric Woerth, ministre du travail. En effet.

M. Jean-Luc Préel. Je regrette que l’on ne se soit pas engagé dans cette voie. À cet égard, j’ai regretté que M. Robinet, responsable retraites au sein de l’UMP, ait retiré l’amendement qu’il avait co-signé avec Xavier Bertrand, car il allait vers ce type de régime. Je l’aurais voté avec beaucoup de satisfaction. Je ne pouvais que me réjouir de voir les responsables de l’UMP en faveur d’une telle réforme.

J’aurais évidemment souhaité que le problème des polypensionnés soit réglé dans ce projet de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) C’était possible. Vous nous proposez un rapport. Dont acte. Mais je souligne que nombre de polypensionnés ont des retraites minorées, le COR l’a montré de manière extrêmement claire. Vous nous avez indiqué hier, monsieur le ministre, que certains d’entre eux y perdraient si l’on prenait en compte les vingt-cinq meilleures années. Mais, pour les pensions de réversion, il y a plusieurs modes de calcul et l’on prend le plus favorable.

M. Pascal Terrasse. Bien sûr !

M. Jean-Luc Préel. Rien n’empêcherait d’appliquer le mode de calcul le plus favorable aux retraités qui seraient pénalisés par celui basé sur les vingt-cinq meilleures années.

M. Pascal Terrasse. Absolument !

M. Jean-Luc Préel. Le deuxième problème à résoudre, sur lequel vous allez revenir tout à l’heure, concerne les personnes qui ont passé quinze ans dans la fonction publique sans avoir de droits.

Mme Valérie Rosso-Debord. Les sans droits !

M. Jean-Luc Préel. Ce problème des éventuels perdants va être pris en compte et j’espère que vous allez pouvoir le régler.

Vous proposiez un rapport à remettre au Parlement avant le 31 décembre et vous avez bien voulu accepter mon sous-amendement fixant la date au 1er octobre. Pourquoi cette date ? Si l’on reporte d’un an – ce que je regrette – cela permettrait de prendre les mesures nécessaires pour résoudre ce problème des polypensionnés l’année prochaine, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale.

M. Pascal Terrasse. C’est maintenant qu’il faut le faire ; vous avez tous les éléments !

M. Jean-Luc Préel. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous vous engagiez…

Monsieur le rapporteur, si vous pouviez laisser le ministre écouter…

M. Christophe Sirugue. Il n’écoute rien !

M. le président. Vous avez la parole, M. Préel.

M. Jean-Luc Préel. Monsieur le ministre, j’aimerais que vous puissiez vous engager à proposer l’année prochaine, dans la loi de financement, les mesures consécutives au rapport que vous déposerez le 1er octobre.

M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Dans cette assemblée, certains pratiquent parfois le double langage.

Monsieur le ministre, le 22 juillet après-midi, pendant les travaux de la commission, nous avions déposé plusieurs amendements – dont l’un avec Martine Billard – vous demandant des rapports parce que nous ne pouvions pas franchir le fameux article 40. Ce dernier nous interdisant de faire passer des solutions concrètes, nous tentions ainsi de faire évoluer le débat, d’avoir une discussion politique et non pas seulement technique, comme le disait tout à l’heure l’une de nos collègues de l’UMP.

Monsieur le ministre, vous m’aviez alors répondu : « Enfin, franchement, proposer des rapports ! » Or c’était à peu près notre seul moyen de faire passer quelques idées au cours de ce débat. Voilà un premier mensonge : les rapports seraient inutiles, sauf ceux du Gouvernement qui travaille pourtant sur ces questions depuis plusieurs mois.

La question des polypensionnés a été soulevée depuis des années, y compris par notre rapporteur, et ici même en 2003. À présent, il faudrait attendre un nouveau rapport ! Dans le même temps, le ministre nous expose la situation complexe des polypensionnés, en citant des cas très précis, comme il l’a fait hier soir encore en commission. Si le ministre peut nous donner des cas précis de complexité, c’est qu’il dispose des éléments nécessaires et que nous n’avons pas besoin de ce rapport. Allons donc plus vite de manière à résoudre la question des polypensionnés.

M. le président. La parole est à Mme Pascale Crozon.

Mme Pascale Crozon. M. le rapporteur a estimé que Martine Billard avait eu une excellente idée en proposant ce sous-amendement. Je voudrais simplement rappeler qu’à la Délégation du droit des femmes, nous demandons depuis très longtemps des études d’impact conduisant à un rapport sur les dossiers importants. Cela permettrait de faire avancer la cause des femmes dans cette assemblée.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Tout à fait ! Et c’est le Sénat qui l’a demandé, pas nous !

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Je voudrais revenir sur cette histoire de rapport et sur les propos du Président de la République qui, en conseil des ministres, a dit : « l’équité commande aussi de traiter la question des polypensionnés. »

Votre réponse, monsieur le ministre, c’est un rapport. Après d’autres collègues, je vous rappelle que le rapport est l’outil des parlementaires qui, contraints par le couperet de l’article 40, n’ont pas d’autres solutions.

Vous avez fait un choix : la procédure accélérée. Aujourd’hui, pour les polypensionnés, vous nous proposez un rapport pour le 31 décembre 2011. Il s’agit d’une totale supercherie ; vous n’avez aucune proposition et aucune volonté de faire avancer ce dossier des polypensionnés.

M. Pascal Terrasse. C’est du verbiage, de l’incontinence verbale !

Mme Frédérique Massat. D’autant que ce rapport – lisons bien – devra faire le point sur « la situation de ces assurés » ! Il n’est même pas prévu que ce rapport fasse des propositions ; il s’agit de faire un constat.

Je rappelle qu’en 2009, la France compte plus de six millions de polypensionnés. Sur les 700 000 personnes qui ont pris leur retraite en 2009, 50 % sont des polypensionnés. Nous savons pertinemment que la mobilité professionnelle s’amplifiant, le nombre de polypensionnés va augmenter. Votre proposition revient à reporter le problème à plus tard alors que des solutions existent.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. J’ai l’impression que l’opposition – en tout cas le parti socialiste – nous fait le même coup que sur la pénibilité. Après la pénibilité, le parti socialiste s’intéresse aux polypensionnés et tout à l’heure ce sera aux carrières longues.

Lorsque la gauche était au pouvoir, elle avait la possibilité d’agir sans attendre que la majorité actuelle propose de véritables avancées sociales avec cette réforme des retraites. Au lieu de créer le Fonds de réserve des retraites, que vous sacralisez maintenant, il aurait peut-être mieux valu aborder ces véritables sujets qui seraient à présent réglés.

M. Henri Emmanuelli. Cela fait huit ans que vous êtes au pouvoir !

M. Arnaud Robinet. S’il vous plaît, que ce soit sur la pénibilité, les carrières longues ou les polypensionnés, arrêtez de vous offusquer à chaque fois et de critiquer toutes ces avancées sociales que nous montrent le Président de la République, le Gouvernement et le ministre Éric Woerth. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Dord. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. D’abord, je voudrais dire à notre collègue Robinet qu’il va devoir arrêter de sortir toujours cet argument. Cela fait huit ans que vous avez la majorité à l’Assemblée nationale et au Sénat, et que le Gouvernement est de votre sensibilité politique. S’il y a des problèmes, vous avez au moins une petite part de responsabilité !

M. Arnaud Robinet. Nous avons le mérite d’aborder le sujet !

M. Patrick Ollier. Et vous auriez pu le faire avant !

M. François de Rugy. Huit ans, c’est peut-être court à l’échelle de l’histoire mais, au Gouvernement, cela permet de faire des choses. Si vous n’avez pas réglé ces problèmes en huit ans, c’est bien votre responsabilité.

Cela étant, je reviens sur l’amendement du Gouvernement. Je voudrais dénoncer cette méthode et prendre les Français à témoin, à la faveur de ces débats.

Premier épisode : monsieur Woerth, vous avez préféré quitter les bancs de cette assemblée pour aller vous exprimer sur TF1, où vous avez eu juste le droit de dire que M. Sarkozy annoncerait des choses le lendemain. C’est d’une utilité évidente pour tout le monde. Par les temps qui courent, le rôle d’un ministre est vraiment réduit à peu de chose.

Deuxième épisode : M. Sarkozy annonce les mesures au conseil des ministres, mélangeant ce qui est déjà dans le projet et ce qui va être ajouté.

M. Dominique Dord. C’était pour les mettre en perspectives !

M. François de Rugy. Interrogé sur le sujet, j’ai été amené à dire qu’on aurait bien du mal à jouer aux sept différences entre les deux versions de votre projet, avant et après le conseil des ministres.

Troisième épisode : les amendements qui nous sont présentés. Que constatons-nous ? Comme d’habitude, M. Sarkozy a bombé le torse sur le mode : vous allez voir ce que vous allez voir sur les polypensionnés ; nous allons prendre des mesures. Qu’en est-il ? Un rapport au Parlement qui, cerise sur le gâteau, sera remis à la fin de 2011, c’est-à-dire que l’on n’agira pas avant les élections de 2012 !

Proposer un rapport dans un amendement, d’autres collègues l’ont dit avant moi, c’est une technique d’amendement de repli : les parlementaires l’utilisent quand ils savent que vous aller refuser l’un de leur amendement ou y opposer l’article 40. Dans ce cas-là, nous demandons un rapport, qui n’est d’ailleurs jamais remis par le Gouvernement. Si ce sujet connaît la même fin, c’est bien embêtant pour les polypensionnés qui ont un réel problème.

Dans le fond, c’est toujours le même problème sur lequel j’insiste depuis le début. Votre philosophie diffère de la nôtre sur le fond mais aussi sur la façon de faire. Vous refusez de négocier avec les partenaires sociaux, sachant pourtant qu’un tel sujet nécessite une négociation. La discussion sur les amendements vient encore de montrer que vous refusez aussi d’évoluer vers une réforme systémique. Que faites-vous ? Vous proposez des mesures d’affichage. Dans le cas des polypensionnés, le simple affichage est la remise d’un rapport.

Franchement, vous ne devriez pas vous leurrer très longtemps parce que cela ne va pas tromper grand monde. Dans quinze jours, les manifestants défileront de nouveau, conscients de la supercherie à laquelle vous vous êtes livrés au conseil des ministres et maintenant au Parlement.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. La question des polypensionnés est en débat depuis qu’une réforme des retraites est annoncée et d’une manière assez permanente depuis des années parce qu’il s’agit d’une injustice importante. Même après une carrière professionnelle normale et totale, des gens sont pénalisés, du seul fait d’avoir été affiliés à des régimes différents, pour des raisons qui tiennent au mode de calcul de leurs droits à pension.

Je m’inquiète un peu – même si cela ne me désespère pas – de l’état de l’UMP quand j’entends le responsable des retraites de ce parti nous demander pourquoi nous n’avions pas changé ces choses-là. Nous ne les avons pas changées parce que cette situation résulte à 90 % d’une décision prise en 1993 : le passage des dix aux vingt-cinq meilleures années. Précédemment, l’affaire était de peu d’importance.

C’est le changement d’assiette qui a posé problème dans le calcul des pensions, une décision que vous avez prise et qui a commencé à produire ses effets d’une manière très importante à partir des années 2003-2004. C’est maintenant que des gens qui font liquider leur pension sont concernés par la montée en charge de la réforme Balladur et des vingt-cinq dernières années.

Que le responsable de l’UMP sur les retraites en soit à ce niveau de confusion pour l’appréciation, cela m’inquiète pour l’état du parti majoritaire.

M. Dominique Dord. C’est sympa ! (Sourires)

M. Alain Vidalies. Nous devrions nous dire qu’il y avait une réponse à apporter.

Parfois nous débattons du marché du travail et je voudrais souligner une anomalie. Monsieur le ministre, mesdames et messieurs de la majorité, les polypensionnés sont finalement des gens dont la carrière correspond à votre idéal, en tout cas aux contraintes dont vous nous parlez sur le marché du travail : ils ont changé d’emploi.

Vous appelez à la flexibilité du marché du travail, à la mobilité professionnelle. Or la mobilité professionnelle est sanctionnée par des difficultés de retraite pour les polypensionnés dont nous parlons aujourd’hui.

M. Jean-René Marsac. Et voilà !

M. Alain Vidalies. N’est-ce pas un dossier prioritaire auquel il fallait apporter une réponse ?

On nous explique que la réponse est complexe – je le conçois – parce que les modes de calcul aboutissent, dans certains cas, à pénaliser des gens et, dans beaucoup d’autres cas, à réparer une injustice.

Comme le souligne M. Préel, on connaît depuis longtemps un problème qui obéit exactement à la même logique et pour les mêmes raisons : le calcul des pensions de réversion. Une règle unique s’appliquant à des régimes différents, on aboutit à des résultats différents en matière de pensions de réversion.

Depuis longtemps et sans être remis en question, le législateur a instauré le double calcul. La pension de réversion est calculée selon les deux méthodes possibles et c’est le résultat le plus favorable qui est retenu.

Sur un dossier où nous étions tous d’accord, était-il extravagant d’initier cette méthode, partant du principe que personne ne devait être pénalisé et qu’il nous fallait réparer une injustice ? Pour les cas signalés par M. le ministre, qui existent et pour lesquels ce système serait pénalisant, il suffisait de rétablir les gens dans leurs droits.

Voilà la réponse que l’on attendait. S’il s’agissait véritablement de réparer une injustice pour respecter ce qu’est la réalité du marché du travail actuellement et pour prendre en compte les conséquences de la réforme de 1993, alors c’était un dossier prioritaire.

Votre solution est tout à fait dérisoire. Alors que vous aviez annoncé à plusieurs reprises que sur ce dossier-là vous feriez des avancées, vous n’avez fait aucune proposition et n’avez pas eu le moindre contact avec les organisations syndicales pendant l’été. Nous en arrivons à cette solution piteuse – excusez-moi, mais aucun autre qualificatif ne me vient à l’esprit – d’un rapport que le Gouvernement se donne à lui-même.

Franchement, sur ce sujet comme sur les autres, vous n’êtes pas au rendez-vous et vous ne répondez pas aux aspirations des Français, notamment de ceux qui manifestaient dans la rue. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rosso-Debord.

Mme Valérie Rosso-Debord. M. Vidalies a raison : la question des retraites des polypensionnés est importante. Par contre, je ne le suis pas quand il dit que rien n’est fait. Nous verrons, notamment, dans un amendement ultérieur, que le dispositif propose une solution pour les personnes ayant travaillé moins de quinze années dans la fonction publique. Vous pourriez, monsieur Vidalies, donner acte de ces avancées, qui sont loin d’être neutres.

Par ailleurs, l’enfer étant toujours pavé de bonnes intentions, ne trouvez-vous pas plus raisonnable d’attendre de trouver une solution permettant à chacun d’être traité au mieux de ses intérêts que de prendre immédiatement une décision risquant d’entraîner des difficultés ? Nous pensons, quant à nous, parce que nous sommes des gens raisonnables, que cette manière de procéder est bien meilleure.

M. Pascal Terrasse. C’est une question de transfert financier entre caisses. Nous savons faire !

Mme Valérie Rosso-Debord. Enfin, nous avons tenu compte de la remarque de M. Préel hier en commission : le rapport sera publié avant le 1er octobre, ce qui permettra de l’inscrire dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

Donc nous répondons à la question de façon à la fois sereine, raisonnable et responsable.

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Je tiens à faire remarquer à M. Robinet, qui aime à rappeler l’histoire, que beaucoup d’eau a coulé depuis le temps où la gauche était au pouvoir.

M. Dominique Dord. Sans jeu de mot ?

M. Patrick Roy. Les membres de la majorité qui ne cessent, comme lui, de nous demander « Qu’aviez-vous fait ? », « Qu’auriez-vous fait ? » oublient que cela fait huit ans qu’ils sont aux commandes. Ce sont donc les constats de votre propre échec qui éclatent aux yeux de la population aujourd’hui. Nous les imputer est à la fois énervant, injuste et inefficace au plan politique. D’ailleurs, vos arguments vous desservent terriblement. Les retours que j’ai de la population sont terrifiants de ce point de vue. C’est pourquoi je vous conseille de cesser de les utiliser.

M. Dominique Dord. Arrêtons d’énerver M. Roy !

M. Patrick Roy. Dites à vos amis qui sont aux commandes, monsieur Robinet, d’éviter ces grandes déclarations. Elles ne sont d’ailleurs même plus ministérielles, au point que l’on se demande à quoi servent aujourd’hui les ministres, sans parler de l’épisode piteux où l’on a vu un ministre quitter discrètement l’hémicycle avant la fin de la séance pour aller sur TF1 annoncer que le Président parlerait le lendemain. Il y a là une dérive républicaine tout à fait navrante.

Mme Valérie Rosso-Debord. Que faites-vous de la démocratie ? Vous êtes jaloux ?

M. Patrick Roy. Vos annonces triomphales d’hier se réduisent aujourd’hui à celle d’un rapport. Quand j’ai dit, en réponse aux questions pressantes des nombreux polypensionnés de ma circonscription, qu’il était prévu de faire un rapport, je peux vous dire qu’ils étaient fous de joie !

M. Dominique Dord. Voilà une intervention décisive !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Il ne faut pas caricaturer les choses, monsieur Roy. La question des retraites des polypensionnés est sérieuse.

La mesure prévue pour les titulaires sans droits, évoquée par Mme Valérie Rosso-Debord, est très importante parce qu’elle permet de clarifier les choses entre les régimes publics et les régimes privés. Les quelque 20 000 ou 30 000 personnes qui quittent chaque année le secteur public sans avoir quinze ans d’activité, non seulement se voient rebasculées dans le secteur privé, mais doivent, en plus, payer les cotisations qu’elles n’y ont pas payées. C’est difficile à comprendre et à admettre pour les personnes concernées. C’est pourquoi le Gouvernement a prévu d’agir.

Quand on regarde de près la situation des polypensionnés – et on doit continuer à le faire, et avec les régimes, ce qui est toute la difficulté –, on s’aperçoit que deux tiers d’entre eux ont intérêt, selon les règles actuelles, à être polypensionnés. Si vous changez les règles, ces personnes deviendront perdantes, notamment celles qui ont des petites retraites, pour la simple raison qu’en général, les polypensionnés accumulant les trimestres, ils ont un coefficient supérieur à un. Or dans un seul régime, ils restent à un.

Quand vous regardez les situations par déciles de revenus, vous vous apercevez que ce sont les revenus les plus modestes qui seraient les plus touchés si l’on harmonisait les règles de calcul des pensions entre les régimes alignés. Il faut donc faire très attention à ce que l’on fait, d’autant que le nombre de personnes concernées est important, le nombre de carrières conjointes ou cumulées ne cessant d’augmenter : après avoir été artisan, une personne peut devenir salariée ou travailler dans un secteur dépendant de la MSA. C’est pourquoi tout cela doit être regardé dans le détail afin de ne pas faire d’erreurs.

M. Préel a raison : la meilleure des solutions serait d’avoir un régime universel au lieu d’essayer d’harmoniser les différentes règles. Mais nous n’en sommes pas là. Sans fermer la porte à une évolution en ce sens, le Gouvernement recommande la plus grande attention quand on regarde l’ensemble de nos régimes.

La réforme de 2003 a, de ce point de vue, constitué une grande évolution puisqu’elle a proratisé le temps passé dans chaque régime. Cette réforme, à laquelle, mesdames, messieurs de l’opposition, vous vous référez sans arrêt alors que vous ne l’avez pas votée,…

Mme Martine Billard. Il faut encore l’améliorer !

M. Roland Muzeau. Nous avons voté les carrières longues.

M. Éric Woerth, ministre du travail. …octroie, comme vous l’avez souligné, un avantage très important aux polypensionnés, comme aux travailleurs ayant des carrières longues.

Ce débat est un signal que nous donnons à l’Assemblée que nous allons poursuivre le travail sur un sujet extrêmement complexe, dont la complexité même sert les intérêts des retraités.

(Le sous-amendement n° 744 est adopté.)

(L’amendement n° 732, deuxième rectification, sous-amendé, est adopté.)

(L’article 1er, amendé, est adopté.)

Après l’article 1er

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 6, portant article additionnel après l’article 1er.

La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Le présent amendement vise à instituer un « rendez-vous assurance maladie 2013 » à l’instar des « rendez-vous retraite ». Cela me paraîtrait utile compte tenu des problèmes rencontrés par l’assurance maladie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. La commission n’a pas retenu cet amendement, car elle a voulu rester dans le cadre des retraites. Mais, sensible à la proposition de M. Tian, elle souhaite pouvoir l’examiner dans un autre contexte, notamment lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, M. Raoul Briet ayant récemment rendu un rapport sur ce sujet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Ma réponse est de même nature que celle de la commission. Nous ne souhaitons pas qu’un amendement concernant la maladie interfère dans un débat sur les retraites.

Nous sommes favorables sur le principe au rendez-vous proposé. Mais, comme il existe plusieurs documents publics permettant d’avoir des informations précises sur le sujet, il faudra qu’il soit une véritable valeur ajoutée.

(L’amendement n° 6 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 289.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Il est défendu.

(L’amendement n° 289, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 734.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Le projet de loi portant réforme des retraites permet d’atteindre l’objectif d’un rééquilibrage des régimes de retraite à l’horizon 2018. Cet équilibre suppose que certains régimes connaîtront progressivement un retour à une situation excédentaire tandis que d’autres seront plus durablement confrontés au déficit. Dès lors, il est légitime, lorsque cette situation apparaîtra, de s’interroger sur un éventuel transfert de recettes ou de charges entre régimes.

Dans ce but, le présent amendement prévoit que le Gouvernement informera le Parlement sur les transferts nécessaires au sein des régimes de retraite et, plus généralement, de la protection sociale afin de contribuer à l’équilibre des régimes de retraite.

Cet amendement, assez logique, va dans la droite ligne des compensations qui existent entre les différents régimes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Cet amendement permettra, en 2014, de faire le point sur les évolutions de chaque régime dont les dynamiques démographiques et financières sont différentes. La commission l’a jugé très utile et a donc émis un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Suite à l’intervention de M. Cahuzac hier sur l’approche de la présente réforme et le fait que nous ne disposons pas aujourd’hui d’informations sur l’état de chacun des régimes puisque l’équilibre que vous dites réaliser porte sur l’ensemble des régimes, y compris les régimes complémentaires, je souhaite poser une question très précise au Gouvernement sur le travail qu’il a réalisé jusqu’à présent et une problématique qui n’est pas souvent évoquée.

La réforme devrait conduire les régimes complémentaires à faire des économies et donc l’ARRCO et l’AGIRC, régimes qui sont de la responsabilité des partenaires sociaux, à dégager un excédent. J’ai cru lire qu’il n’était pas prévu d’utiliser ces économies induites par la réforme pour des mesures de répartition et de justice – certaines viennent d’ailleurs d’être écartées – mais que le patronat avait envisagé de profiter de l’aubaine pour diminuer la cotisation employeurs sur les régimes de retraite complémentaire.

Il me paraît assez difficile de poursuivre notre débat sans que soit abordée cette question et sans demander au Gouvernement, qui se demande à lui-même un nouveau rapport, de donner des informations, si possible maintenant, sur l’état des négociations avec les partenaires sociaux.

La question n’est pas anecdotique. Lorsque, en 1981, nous avons modifié l’âge de la retraite, nous avons été confrontés à cette difficulté et il s’est passé un certain temps avant qu’il y ait cohérence entre les régimes complémentaires et la retraite à 60 ans. C’est la même problématique – mais inversée – qui se présente à nous aujourd’hui. À l’époque, les régimes complémentaires ne voulaient pas s’aligner, car cela devait leur coûter plus cher et qu’il fallait des cotisations supplémentaires. Aujourd’hui, avec cette réforme, vous leur offrez une aubaine. Il ne me semble pas que, dans un mouvement de solidarité, ils aient décidé de financer globalement la réforme, au contraire. C’est d’ailleurs ce qui pouvait arriver de pire : certains vont profiter d’une réforme que nous considérons comme très injuste – dont chacun, en tout cas, peut admettre qu’elle va demander des efforts importants – pour réaliser des économies substantielles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bonne question !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Nous affinons ces éléments. Ils figurent dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale année après année. En fait, c’est la même logique que pour ce que l’on appelle le « swap », le transfert UNEDIC chômage-retraite. À partir du moment où, de toute façon, ce sont les mêmes qui paient, on peut s’interroger sur les excédents et les déficits. C’est pour examiner cela que le Gouvernement fixe un rendez-vous en 2014. Jusqu’en 2014, les régimes seront plutôt en déficit, puis certains reviendront à l’équilibre. Nous ferons le point à ce moment-là et nous verrons ce que cela donne, pour faire en sorte que la situation soit aussi bonne que possible, notamment pour le solde de la CNAV. Occupons-nous d’abord de l’équilibre général de la réforme, après quoi, le moment venu, en 2014, en fonction de la nature des différents régimes, en fonction des plus et des moins, nous aurons à nous poser cette question.

(L’amendement n° 734 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 33.

La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Cet amendement est défendu.

(L’amendement n° 33, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 53, 166 rectifié, 705 et 492, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Daniel Garrigue, pour soutenir l’amendement n° 53.

M. Daniel Garrigue. L’objet essentiel de ce projet de loi est de sauvegarder le système de retraite par répartition…

M. Patrick Braouezec. En apparence !

M. Daniel Garrigue. …auquel les Français sont profondément attachés. Mais nos concitoyens expriment aussi le souhait d’une plus grande égalité en matière de retraite et d’une plus grande liberté dans la conduite de leur activité professionnelle. On sait que, dans certains pays voisins, notamment en Europe du Nord, se sont développés des systèmes de retraite par points et par comptes notionnels qui permettent peut-être de répondre plus facilement à ces attentes.

M. Roland Muzeau. Ah non !

M. Daniel Garrigue. Le Conseil d’orientation des retraites a présenté, au mois de janvier, un rapport qui a en partie défriché la question, faisant ressortir tout l’intérêt de ces formules. Nous souhaiterions que l’on aille bien au-delà du rapport présenté par le Conseil d’orientation des retraites et que l’on étudie de manière approfondie les conditions dans lesquelles on pourrait adapter nos régimes de retraite, les contraintes techniques et financières de cette évolution, ses exigences et ses conséquences.

La commission des affaires sociales n’a pas souhaité reprendre cet amendement, qui avait été adopté par la commission des finances, laquelle a pourtant quelque légitimité à souhaiter que cette étude soit poursuivie sur le plan technique et financier.

M. le président. La parole est à M. François Bayrou, pour défendre l’amendement n° 166 rectifié.

M. François Bayrou. Tous ces amendements ont un même objet : faire en sorte que l’Assemblée nationale dégage un horizon et choisisse un marqueur pour l’évolution ultérieure de nos régimes de retraite. On l’a souvent rappelé depuis le début de cette discussion, nous sommes plusieurs à avoir vécu la réforme de 1993 et celle de 2003. Nous débattons aujourd’hui de celle de 2010. Ces réformes ont un point commun. En dépit des débats passionnés qu’elles ont suscités, aucune n’a été, aucune ne sera suffisante. Le texte que nous examinons aujourd’hui a beau assurer que l’équilibre sera atteint en 2018, je suis prêt à prendre le pari – le compte rendu en fera foi – qu’il n’y aura pas d’équilibre en 2018, car, pour l’instant, la réforme n’a pas les financements nécessaires.

Nous sommes plusieurs à défendre, depuis longtemps – pour ma part depuis le début des années 2000, lors de la campagne présidentielle de 2002, avant même celle de 2007 –, une proposition visant à faire évoluer nos régimes de retraite, si éclatés et déséquilibrés, vers un régime unique. Je constate que cette idée d’un régime de retraite universel qui, au début, était très minoritaire – Jean-Luc Préel ne dira pas le contraire –, est de plus en plus soutenue : elle l’est, par exemple, par la CFDT, par diverses personnalités au sein de l’UMP, par diverses personnalités au sein du PS. Thomas Piketty, en particulier, a dit sur le sujet des choses que je trouve très justes. Le ministre lui-même a déclaré ici que c’était la seule solution pour l’avenir. Cette idée qui est de plus en plus fédératrice mérite d’être retenue par la représentation nationale pour devenir un objectif de l’action publique.

J’ajoute – et Daniel Garrigue vient de le dire – que c’est la seule manière de permettre à chaque salarié, à chaque travailleur indépendant, à chaque agent de la fonction publique de prendre en mains son destin professionnel et son destin de retraite par une retraite à la carte. Ce régime unique, individualisé, qui offrirait à tous les salariés une information en temps réel, ce régime par points ou par comptes notionnels – je ne veux pas m’attarder sur les nuances entre les deux systèmes, mais les spécialistes les connaissent bien – serait géré par les partenaires sociaux, comme cela s’est fait dans un certain nombre de pays scandinaves ou latins, après un temps de latence à définir – dix ans en Suède, trente-sept ans en Italie, on peut imaginer entre les deux toute une gamme d’interventions possibles.

Si la représentation nationale retenait cette idée, si nous nous fixions un horizon pour mettre enfin en place un système durablement équilibré et souple, adapté à chacun des salariés ou des travailleurs, nous pourrions enfin sortir de ce perpétuel recommencement, qui fait que les réformes ne suffisent jamais et ne correspondent pas à la volonté de souplesse des Français.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour défendre les amendements nos 705 et 492.

M. Jean-Luc Préel. Je ne voudrais pas trop vous lasser, car j’ai déjà eu l’occasion, à plusieurs reprises, de parler de ces deux amendements. Après avoir reproché au Gouvernement de faire des rapports, voilà que nous lui en demandons. Vous savez que c’est, pour les parlementaires, une façon de contourner l’article 40. Il s’agit d’une idée qui avance doucement. François Bayrou vient de le rappeler, je l’ai défendue depuis longtemps, d’abord au nom de l’UDF. Au moment de la réforme Balladur et de la réforme Fillon, c’était une proposition essentielle. Je constate cependant qu’elle évolue, notamment avec les comptes notionnels, qui introduisent un élément nouveau.

Monsieur le ministre, nous en avons parlé à plusieurs reprises et je vous ai entendu tout à l’heure : si j’ai bien compris, vous n’êtes pas opposé au principe d’un régime unique, sachant que cela permettrait de résoudre une grande partie des problèmes. Je regrette bien entendu que cela ne soit pas l’objet de cette réforme, qui se veut pourtant importante, voire définitive.

Nous avons examiné, ce matin et cet après-midi, deux amendements de Xavier Bertrand et d’Arnaud Robinet, responsables du dossier des retraites à l’UMP : ils prouvent que, au niveau national, l’UMP est favorable à une évolution vers le régime par points ou par comptes notionnels. Daniel Garrigue vient de présenter le même principe, soutenu par des personnalités telles que MM. Grand ou Goulard, ce qui semble correspondre à un courant de l’UMP – si « courant » est bien le mot qui convient en l’espèce. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Roland Muzeau. Il y a le courant Copé et le courant Bertrand !

Mme Catherine Coutelle. Un régime de retraite par courant !

M. Jean-Luc Préel. C’est donc une idée qui avance et progresse. Dans quelque temps, peut-être, nous y arriverons.

Pourquoi aller vers un régime unique ? Il s’agit, bien entendu, d’une question d’équité. Nous avons aujourd’hui 30 000 régimes de base ou complémentaires, avec des taux de cotisation variables, des niveaux de prestations différents, une prise en compte de six mois ou de vingt-cinq années. Ce serait une véritable évolution que d’aller vers l’équité.

Par rapport à un simple régime par points, les comptes notionnels ont l’avantage de prendre en compte la durée de vie estimée. C’est donc une façon comme une autre de répondre, au moins partiellement, au problème de la pénibilité.

Mais il est un autre élément auquel, au nom du Nouveau Centre, je suis très attaché : ce régime unique doit être géré par les partenaires sociaux. Ceux-ci gèrent déjà l’UNEDIC et les régimes complémentaires, et ils ont montré qu’ils savent être responsables. Puisque la retraite est liée au travail, avec des cotisations salariales et patronales, je souhaiterais que les partenaires sociaux gèrent réellement ce régime unique.

Enfin, je voudrais faire une remarque qui n’a pas de rapport direct avec ce qui précède : tout le monde ici dit que nous sommes très attachés à la retraite par répartition, système dans lequel les actifs paient pour les retraités. Cependant, je sens une évolution vers la fiscalité, avec des impôts et des taxes affectées à la retraite. C’est aller vers l’étatisation…

M. Christian Paul. Voyons !

M. Jean-Luc Préel. …et ce n’est plus la retraite par répartition. Puisse chacun d’entre nous en prendre conscience.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. La CMP du projet de loi de financement de la sécurité sociale 2009 a demandé au Comité d’orientation des retraites un rapport qui indique que, dans le cadre d’une réforme systémique, les effets apparaissent entre le temps de la mise et place et dix à quinze ans. Or notre problème aujourd’hui, c’est le financement de notre système de retraite par répartition. C’est une question de court terme. Nous devons donc faire une réforme paramétrique, et non systémique. Il est vrai – nous en avons longuement parlé aujourd’hui et précédemment – qu’une réforme systémique entraînerait une simplification dans la compréhension des systèmes de retraite. Certains considèrent que cela permettrait un réel rapprochement entre les Français. Toutefois, aujourd’hui, l’objectif premier de la réforme, c’est le financement. La commission a donc donné un avis défavorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Le sujet est évidemment très complexe, très difficile. Le Gouvernement et moi-même partageons l’opinion selon laquelle il faut continuer à y réfléchir. Ne pas le faire serait d’ailleurs une erreur. D’autres systèmes existent, dans d’autres pays, dont les identités, les cultures et les habitudes sociales respectives ont justifié des adaptations.

Il faut donc évidemment continuer à y réfléchir, et je sais, monsieur Préel, que vous défendez cette idée depuis longtemps. Au contraire d’un système caractérisé par trente-huit caisses, un régime universel dans lequel tous les salariés, indépendants, paysans et professions libérales seraient soumis à des règles communes serait évidemment plus simple.

Le Gouvernement partage d’ailleurs ce souci de convergence. Il a ainsi inscrit de la convergence çà et là dans le projet de loi : entre public et privé, entre régimes.

Cependant, ce texte répond à un besoin urgent de réforme d’un régime dont, à cause de la crise, les déficits ont pris vingt ans d’avance en termes de pourcentage du PIB. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai parlé de la crise ce matin ; il n’y a pas de nouveauté dans mon propos et cela figure même dans l’exposé des motifs de la loi. Il fallait agir, dans le cadre du système qui est aujourd’hui le nôtre, en modifiant son fonctionnement, en l’améliorant, en protégeant les retraites à venir des Français.

On doit évidemment continuer à réfléchir, et le Gouvernement ne ferme pas la porte à la réflexion. Cela dit, intégrer ce que vous proposez au texte examiné aujourd’hui, en prévoyant quasiment la mise en œuvre, pour reprendre les termes souvent employés, d’un tel changement de système reviendrait tout simplement à fragiliser la réforme que nous examinons, à la rendre moins compréhensible des Français, alors qu’un sujet aussi compliqué et aussi sensible – chacun se dit : « ma retraite », « la retraite de mes enfants » – nécessite beaucoup de pédagogie. Il importe hautement de pouvoir répondre clairement aux questions posées, sans compliquer les choses, en envisageant la possibilité d’autres systèmes. Si nous le faisions, nous inspirerions davantage d’inquiétude que de confiance.

Cela dit, nous – le Conseil d’orientation des retraites, le comité de pilotage, le Gouvernement, le Parlement – devons évidemment continuer à réfléchir à ce sujet, indépendamment de ce texte.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je ne comprends pas très bien la réponse de M. le rapporteur et M. le ministre à ces amendements.

Il ne s’agit pourtant pas, si j’ai bien compris, de choisir un nouveau système, il s’agit seulement de faire en sorte qu’un rapport soit remis au Parlement. Ce n’est tout de même pas un acte politique d’une force et d’une portée extraordinaires ! Le Gouvernement a d’ailleurs lui-même déposé un amendement tendant à faire en sorte de remettre lui-même un rapport, nouveauté qu’un collègue a justement relevée.

Il ne s’agit pas de prendre parti par avance en faveur d’une certaine réforme des retraites, d’un certain régime, le régime par points ou par comptes notionnels. Pour ma part, je ne m’adonne pas à l’idolâtrie de la Suède, qui, paraît-il, était à une certaine époque le modèle de certains. Je constate simplement qu’une telle réforme y a été menée et, c’est indéniable, qu’elle a donné des résultats.

Comme je ne manque jamais de le redire, je pense que chaque pays doit trouver sa propre voie, son nouveau système, fondé sur un nouveau compromis. Je crois effectivement que c’est indispensable pour refonder le pacte de solidarité intergénérationnel, car c’est de cela qu’il s’agit. À défaut, nous nous bornons à des replâtrages successifs du système actuel, qui maintiennent jusqu’à ses inégalités.

Je ne crois pas que le régime par points ou par comptes notionnels soit une recette miracle : des questions de financement se poseront toujours. Je crois en revanche utile de progresser sur la voie de la clarté, de la transparence, de l’universalité et, non pas de l’équité – terme employé par un collègue – mais de l’égalité de traitement entre tous les Français, qu’ils soient salariés ou non, qu’ils travaillent dans le secteur public ou dans le secteur privé.

Mme Marie-Christine Dalloz. Oh, cela va faire des dégâts !

M. François de Rugy. Il s’agit de trouver un système qui permette enfin de prendre en compte de façon honnête la pénibilité, non de la manière – particulièrement choquante – dont vous, Gouvernement et majorité, l’envisagez au travers de l’incapacité. Un système par points ou par comptes notionnels faciliterait effectivement la mise en œuvre de bonifications de nature à permettre une telle prise en compte et, également, à régler la question des polypensionnés.

J’estime donc qu’il serait intéressant de montrer que nous nous préparons non à des replâtrages mais à une évolution systémique, qu’il ne s’agit pas d’une question de droite ou de gauche, mais d’une question à propos de laquelle des sensibilités diverses existent dans toutes les familles politiques et parmi les forces syndicales. Par exemple, la CFDT défend l’idée d’une telle évolution, au contraire d’autres syndicats ; il serait intéressant d’en discuter avec eux.

Sur la forme, un amendement prévoyant le simple dépôt d’un rapport avant 2012 me paraît pertinent. Le débat s’en trouverait éclairé avant le choix majeur d’une majorité ou d’une autre, d’une alternance ou non par les Français. Ainsi le Parlement ferait-il œuvre utile. Il ne s’agit pas de préjuger d’une évolution ou d’une autre, il s’agit simplement de permettre des avancées dans le débat, dans la démocratie sociale et politique.

Ce n’est pas votre choix, et je ne suis malheureusement pas étonné, monsieur le ministre du travail, de votre avis défavorable. C’est cependant bien dommage, puisque la refondation d’un système suppose des données partagées et une négociation entre tous les acteurs.

M. le président. La parole est à M. François Bayrou.

M. François Bayrou. Comme François de Rugy vient très justement de le rappeler – ce serait drôle si ce n’était un peu triste –, nous avons tout à l’heure débattu d’un amendement déposé par le Gouvernement par lequel celui-ci se demandait à lui-même de faire un rapport devant la représentation nationale !

Cette fois, il s’agit de tout autre chose, il s’agit d’une évolution dont tout le monde, ou du moins une part importante de tous les courants démocratiques du pays, pressent qu’elle est nécessaire. On aura d’ailleurs noté, après avoir entendu Jean-Luc Préel, Daniel Garrigue et moi-même, des changements très importants chez des personnalités et des observateurs qui, jusqu’à présent, n’étaient pas du tout acquis à cette idée.

À mes yeux, pareille réflexion s’impose de surcroît au motif que, si l’on fait le choix d’une telle réforme, touchant à l’architecture du système, l’unifiant et le rendant plus équilibré et plus juste, sa mise en œuvre nécessite non pas un big bang mais une transition longue. Tel fut le cas en Suède, où la transition fut de dix ou douze ans.

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Quinze ans !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Dix à quinze ans, effectivement !

M. François Bayrou. Cela a également été le cas en Italie, où la transition a duré trente-sept ans. Tout le monde sait donc que cela prend du temps.

Par conséquent, le moins que l’on puisse faire est d’avoir l’extraordinaire audace d’envisager qu’un rapport soit présenté à la représentation nationale d’ici à un an. Cela ne devrait tout de même pas bouleverser les sentiments de ceux qui siègent sur ces bancs. Tout le monde sait que l’on devra s’acheminer vers cela ou, du moins, que la question se pose, et que cela demande une transition. Osons, au minimum, demander un rapport !

Je voudrais donc que le rapporteur et le Gouvernement envisagent d’accepter courageusement que nous réfléchissions à une solution dont tout le monde, sur tous les bancs, pressent qu’elle sera nécessaire.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Je voudrais répondre tant à François de Rugy qu’à François Bayrou.

Il est parfaitement clair qu’un long moment de réflexion est nécessaire avant la mise en œuvre, dans un délai se comptant forcément en années, d’une réforme systémique. Personne ne peut contester – je ne le fais d’ailleurs pas, car ce ne serait pas conforme à mon point de vue – l’intérêt qu’il peut y avoir à anticiper les choses et à disposer d’un rapport.

Je formulerai cependant deux remarques.

Tout d’abord, il n’est pas forcément très cohérent d’introduire dans un texte de pérennisation de l’actuel système de retraite,…

M. François de Rugy. De replâtrage !

M. Georges Tron, secrétaire d’État. …avec les difficultés que l’on connaît et quelles que soient nos opinions sur la réforme, un dispositif d’une autre nature que le système dans lequel nous nous situons.

M. François Bayrou. C’est une blague !

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Je vais donc vous faire une seconde blague, monsieur Bayrou, pour que vous puissiez rire encore.

Puisque vous parliez de la saisine du Gouvernement par le Gouvernement, je vous suggère de saisir – c’est une pratique très courante à laquelle j’ai moi-même recouru plusieurs fois – soit la MECSS, soit, plus généralement, la commission des affaires sociales, et de commencer à travailler, au sein du Parlement, à une telle réforme. Toute une série de réformes ont d’ailleurs été mises en place à la suite de rapports émis par la MEC en commission des finances ou la MECSS en commission des affaires sociales. Non seulement cela permettrait d’éviter le problème que je viens d’évoquer mais, en outre, cela offrirait une base de travail au Parlement.

M. Christian Paul. Vous êtes un donneur de leçons !

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Beaucoup de Français aspirent à une plus grande maîtrise de leur parcours d’activité. C’est vrai en matière de formation et d’emploi, c’est également vrai en matière de protection sociale, notamment de retraite. On le constate avec les difficultés rencontrées au moment de liquider leur retraite par ceux qui sont passés par plusieurs régimes différents, ou lors du passage d’un régime à l’autre au cours d’un parcours professionnel. Il me semble que, même si nous n’allons pas jusqu’à une réforme systémique, poursuivre des études sur les concepts de retraite par points ou par comptes notionnels pourra nous aider considérablement à trouver des solutions et des passerelles appropriées. Refuser de telles études qui ne remettent pas en cause l’objet fondamental du projet de loi serait, au contraire, à mon avis, une erreur.

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Ce débat est extrêmement éclairant. Il fait effectivement apparaître une vérité : il n’y a qu’un seul projet, celui du Gouvernement, qui répond à un problème, celui de la crise, comme l’a justement dit le ministre. La loi de 2003 était une loi à plus long terme, dont les effets prévus se sont précipités en raison de la crise, d’où l’actuel projet de loi, qui présente un caractère conjoncturel.

Face à ce projet, on ne trouve qu’un certain nombre de propositions suicidaires, notamment l’augmentation des prélèvements obligatoires. Or pourquoi rencontrons-nous des problèmes, sinon à cause du chômage ? Si nous perdons en compétitivité, nous ne ferons qu’aggraver le chômage, et nous serons encore plus loin de résoudre le problème des retraites. Écartons donc très rapidement les solutions prônées par le parti socialiste, qui sont évidemment des cache-misère.

Le véritable problème est aujourd’hui celui des ouvriers. Vous, socialistes, avez déjà assassiné à deux reprises le monde ouvrier : vous l’avez fait en 1981, vous avez récidivé en 1997, avec les 35 heures.

M. Christian Paul. Ce discours n’a pas pris à Tourcoing !

M. François de Rugy. Qu’avez-vous fait contre les délocalisations depuis huit ans ? Rien !

M. Christian Vanneste. Si nous voulons sauver l’industrie et le monde ouvrier, auquel je suis très attaché (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), il faut résoudre le problème conjoncturel, tout en sachant que nous devrons nous revoir. À ce propos, je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État.

Bien évidemment, il faut être clair vis-à-vis de la population.

M. Jean Mallot. Ah, vous êtes clair, vous !

M. Christian Vanneste. Nous prenons aujourd’hui des mesures appelées à être corrigées à terme. Il faut le dire : nous prenons des dispositions aujourd’hui indispensables mais qui devront un jour être revues.

C’est là qu’intervient l’excellente idée du compte notionnel, à laquelle il faut songer dès à présent. L’exercice du compte notionnel à la suédoise…

M. Roland Muzeau. …est une catastrophe !

M. Christian Vanneste. …repose sur une double liberté : celle du cotisant futur retraité, qui pourra choisir le moment de son départ en retraite ; celle de la collectivité, qui ne peut distribuer de l’argent virtuel, qui ne peut distribuer de l’argent qu’en fonction de la réalité économique. Or le système suédois tient compte à la fois de la situation personnelle et de la situation de la collectivité, qui permet ou non d’assurer les retraites d’une génération.

Autrement dit, aujourd’hui, nous faisons un choix indispensable mais, demain, nous ferons un choix qui pourra, lui, être définitif.

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Je suis consterné par les propos que je viens d’entendre.

M. Jean Mallot. Même l’UMP est consternée !

M. Patrick Roy. Certes, monsieur Vanneste, je ne suis pas surpris, car je connais vos positions. Mais de là à entendre un parlementaire dire que la gauche a assassiné le monde ouvrier !

M. Christian Vanneste. C’est pourtant vrai ! Qu’avez-vous fait ? Il n’y a plus d’usines !

M. Patrick Roy. Un peu de décence ! On connaît vos choix politiques ! Vous privilégiez uniquement les riches, voire les très riches. Vous êtes d’accord lorsqu’il s’agit de rembourser 30 millions à Mme Bettencourt, alors que, partout en France, des millions de Français, que vous ignorez, eux, ont faim et froid !

Votre camp ne veut que protéger les riches, et ce projet en est la preuve. Laissez donc à la gauche le soin de réparer les injustices que vous créez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Valérie Rosso-Debord et M. Paul Jeanneteau. Avec Ségolène Royal !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. S’agissant des comptes notionnels, je reconnais la force des arguments. Mais, au cours des trente-deux auditions auxquelles nous avons procédé, j’ai été très surpris de constater les nombreuses réserves des organisations que nous avons écoutées.

Toutefois, je reprends les suggestions qui ont été faites et je crois que la MECSS peut fort bien étudier ce que pourraient être, pour l’avenir et la jeune génération, les comptes notionnels. Cela aurait le mérite de répondre à un souci de justice.

M. François Bayrou. Très bien !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Cher François Bayrou, la commission des affaires sociales va se saisir de la question. Cela étant, j’ai assisté à toutes les auditions et j’ai été très surpris de constater les réserves, que je ne partageais pas, des organisations.

En ce qui concerne les ouvriers, je ne doute pas de votre sincérité à tous. Mais si les intentions comptent, les résultats aussi. Or à observer ceux des cinquante dernières années pour savoir qui a apporté le plus aux ouvriers dans la société française, il y a, d’un côté comme de l’autre, beaucoup de leçons à tirer ! Si une catégorie, un secteur ou un parti prétend qu’il a, mieux que les autres, défendu les ouvriers,…

Mme Marie-Jo Zimmermann. C’est fatigant !

M. François de Rugy. La retraite à 62 ans, c’est un mauvais coup !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. …je lui recommande la modestie. Dans ce cas, je serais prêt à un débat sur le modèle social.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Absolument !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Quant à la retraite à 60 ans, je constate qu’il a tout de même fallu attendre 2003 et la réforme de François Fillon pour faire en sorte que les ouvriers, qui travaillaient quarante-quatre ou quarante-cinq ans, puissent partir.

M. Roland Muzeau. C’est la seule bonne chose !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Je vous remercie, monsieur Muzeau, de le reconnaître !

Mme Marie-Jo Zimmermann. C’est une disposition très importante !

M. Roland Muzeau. Nous avions déposé une proposition de loi qui a été rejetée !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. C’est en effet un élément extrêmement important. C’est pourquoi j’estime que les ouvriers n’ont pas, dans la société française, la place qu’ils devraient avoir. Lorsque je vois aujourd’hui à quel point il est difficile d’orienter des jeunes vers l’industrie, j’estime qu’un débat de fond serait loin d’être caricatural. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Il est bon que soit dit publiquement dans cet hémicycle que beaucoup de partisans d’un changement de système de retraite s’agitent, écrivent, publient, militent pour qu’il en soit ainsi et que l’on en finisse avec le système de retraite par répartition solidaire et intergénérationnel, ce que n’est pas le système des comptes notionnels. Le président Méhaignerie a eu raison de rappeler que, lors des auditions, si certains faisaient preuve de scepticisme, d’autres donnaient des arguments forts sur les dangers d’un tel système.

Nombre d’entre vous ont évoqué le cas de la Suède. Si l’État suédois n’était pas massivement intervenu en injectant beaucoup d’argent en 2008, dès le début de la crise, puis en 2009, les retraités suédois auraient tous été ruinés. La situation qui prévaut dans d’autres pays anglo-saxons où existent des systèmes analogues a toujours conduit aux mêmes difficultés. J’imagine, bien sûr, que ce n’est pas ce que souhaitent ceux qui viennent de s’exprimer. Cela étant, le danger sera celui-ci et les risques seront ceux-là.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François Bayrou.

M. François Bayrou. Il y a du vrai dans ce que vient de dire M. Muzeau. Il y a des inconvénients potentiels du système par comptes notionnels. Ces inconvénients sont corrigeables et ils l’ont été dans certains pays. C’est pourquoi j’ai moi-même écrit dans mon amendement que ce régime devait être « fondé sur le principe de répartition » et je suis prêt à accepter un sous-amendement ajoutant qu’il doit être « solidaire et intergénérationnel ».

Pour répondre à Pierre Méhaignerie, une chose est de dire que le Parlement présentera un rapport, une autre est d’entendre l’exécutif, dans sa responsabilité, sur l’idée qu’il se fait de l’évolution de l’architecture de notre système de retraites. C’est pourquoi, bien que le Gouvernement et la commission y soient défavorables, nous souhaitons ardemment avoir un rapport sur ce sujet avant un an. Cela n’empêche pas que la MECSS fasse elle-même son propre choix ou mène sa propre réflexion. Mais la réflexion menée par l’exécutif, en sortant des généralités, est essentielle pour la représentation nationale.

(L’amendement n° 53 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 166 rectifié n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 705 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 492 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 504.

La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Dans la réforme telle qu’elle est présentée, la notion d’équité est très importante. Avec cet amendement, je voudrais prolonger cette notion en incluant les dix-huit régimes spéciaux qui, aujourd’hui, ne sont pas concernés par le texte que vous nous proposez, alors que nombre de nos concitoyens considèrent que cette réforme inclut ces régimes.

La réforme des régimes spéciaux, entrée en vigueur en juillet 2008, prévoit une augmentation progressive des durées de cotisation desdits régimes pour les aligner sur celles du privé et de la fonction publique ; elle instaure des décotes et des surcotes et elle indexe le montant des pensions sur l’inflation. Le mode de calcul de la pension, quant à lui, est le même que dans la fonction publique, à savoir que l’on tient compte des six derniers mois de salaire, contre les vingt-cinq meilleures années dans le privé et que le taux de liquidation des pensions est de 75 %, contre 50 % dans le privé. Sur ce point, malheureusement, rien n’est dit dans la réforme qui nous est proposée.

Plus inquiétant encore en matière de régimes spéciaux, en 2010, malgré la réforme, les subventions d’équilibre versées par le budget de l’État, essentiellement celles de la SNCF et de la RATP, augmenteront de 10,6 % pour atteindre 5,7 milliards d’euros sur les 57 milliards que coûte à l’État la retraite de l’ensemble de ses agents.

Pour 300 000 cheminots retraités, la subvention d’équilibre atteint plus de 3 milliards d’euros et 527 millions pour les 44 000 agents de la RATP. Il y a fort à parier que, dans les années à venir, le besoin de financement de ces régimes continuera à progresser, si bien que les dotations de l’État seront évidemment appelées à augmenter.

Pour essayer de mettre en place, sans attendre, un dispositif, je vous propose, avec cet amendement, d’inclure les régimes spéciaux dans la réforme, ce qui ne serait que justice et permettrait également de répondre à l’inquiétude des manifestants. Lors des manifestations de mardi dernier, j’ai lu des slogans très intéressants sur des pancartes. Les agents bénéficiant de régimes spéciaux, qui étaient nombreux à manifester – je pense à nos amis de la SNCF ou de la RATP – réclamaient, eux, l’équité. Voilà qui devrait vous encourager à voter l’amendement que je vous propose !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. S’agissant des régimes spéciaux, une réforme très importante a été menée en 2008, rapprochant ceux-ci du droit commun. Le présent projet prévoit que les bénéficiaires des régimes spéciaux seront concernés par la réforme, comme tous les autres salariés.

Cet amendement présente aussi un point extrêmement important dont on parle beaucoup et sur lequel on se pose des questions. La clarté existe aussi au niveau du Parlement : je veux parler du régime de retraite des parlementaires. Je partage l’objectif de nos collègues, un mot doit guider notre action : l’exemplarité. Il est, bien sûr, inenvisageable que les parlementaires restent à l’écart de cette grande réforme.

C’est pourquoi le bureau de l’Assemblée a constitué en son sein un groupe de travail qui s’est déjà réuni à plusieurs reprises et devrait rendre ses conclusions au début du mois prochain – je parle sous le contrôle de l’un de ses vice-présidents.

Cela étant, la commission émet un avis défavorable à cet amendement.

(L’amendement n° 504, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 503 et 706, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour soutenir l’amendement n° 503.

M. Nicolas Perruchot. Le sort de l’amendement précédent était malheureusement prévisible et je le regrette. J’espère que nous serons capables, les uns et les autres, d’expliquer dans nos circonscriptions, dans quelques semaines, pourquoi nous n’avons pas inclus les régimes de la SNCF ou de la RATP dans cette réforme.

Mme Valérie Rosso-Debord. Ils sont inclus !

M. Nicolas Perruchot. Mais soyez-en certains, nous prendrons le temps de l’expliquer ! D’autant que, a priori, ce que l’on préserve pour les uns et pour les autres…

Mme Valérie Rosso-Debord. Non, ils sont également concernés !

M. Nicolas Perruchot. …qui sont des avantages exorbitants, ne les empêche pas de continuer à manifester. Il y aura une nouvelle manifestation le 23 septembre et j’encourage mes collègues de l’UMP à compter le nombre de bataillons concernés par les régimes spéciaux qui participeront à ces manifs !

M. Roland Muzeau. C’est dingue !

M. Nicolas Perruchot. Monsieur Muzeau, ne soyez pas agacé !

M. Roland Muzeau. Bien sûr que cela m’agace !

M. Nicolas Perruchot. Sinon, nous aurons le sentiment que, plutôt qu’un représentant du peuple, vous êtes celui des régimes spéciaux ! Ce serait ennuyeux pour vous, car ici, au Parlement, nous avons beaucoup d’estime pour ce que vous faites !

M. Jacques Desallangre. Allez donc vous faire embaucher à la SNCF !

M. Nicolas Perruchot. Notre amendement n° 503 va dans le même sens que le précédent et vise à ce que nous ayons un rapport sur la question des régimes spéciaux. Je viens de rappeler les éléments budgétaires, qui sont importants : près de 5,7 milliards d’euros supplémentaires consacrés par l’État pour payer les pensions de ses agents. J’estime qu’une telle somme mérite que l’on se penche sur la question et je souhaite qu’un rapport soit remis au Parlement à l’automne prochain.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Cet amendement va dans le même sens.

Le rapporteur a dit que les régimes spéciaux étaient réformés. Ils l’ont été à la marge et nous sommes loin de l’équité et du régime unique général.

Nous défendons, je l’ai dit à de nombreuses reprises depuis le début du débat, l’idée d’un régime unique et universel. Dans cet esprit, nous souhaitons la mise en extinction des régimes spéciaux. Hier, Charles de Courson l’a expliqué très clairement, la mise en extinction ne veut pas dire la suppression…

M. Roland Muzeau. Et le bouclier fiscal ? Et les 30 millions donnés à Liliane Bettencourt ?

M. Jean-Luc Préel. Cela n’a rien à voir ! (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

M. Roland Muzeau. Non, il vaut mieux taper sur les plus pauvres !

M. Jean-Luc Préel. Mme Bettencourt ne bénéficie pas d’un régime spécial, que je sache ! Pas en termes de retraite ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

M. Jean-Claude Sandrier. Le bouclier fiscal est un régime spécial !

M. le président. Poursuivez, monsieur Préel.

M. Jean-Luc Préel. Il est très rare que je crie ou que j’injurie mes collègues. J’essaie de m’exprimer calmement sur des problèmes techniques.

Comme l’a montré hier Charles de Courson, nous ne souhaitons pas la suppression complète et immédiate des régimes spéciaux, mais leur mise en extinction. Autrement dit, ceux qui bénéficient aujourd’hui des régimes spéciaux de la RATP ou de la SNCF continueront à en bénéficier.

Les nouveaux entrants seraient affiliés au régime unique et je ne vois pas en quoi vous pourriez être contre le principe. Ils seraient traités comme tous les Français, au même régime, avec le même taux de cotisation, le même niveau de prestations et la même durée prise en compte pour le calcul de la pension. Je ne vois pas qui pourrait être contre ce principe.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. Cependant, je tiens à préciser que les régimes de retraite de la SNCF et de la RATP entrent dans le cadre des régimes spéciaux. Il suffit de se reporter à l’article 20 du petit opuscule qui nous a été distribué. Comme je l’ai précédemment expliqué, la loi a été votée plus tard. Il y a une latéralisation dans le temps. Mais tous les régimes seront concernés par la réforme.

M. Jean-Luc Préel. Mais ce n’est pas le régime universel !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Je ferai la même réponse que le rapporteur. Les régimes spéciaux entrent dans le cadre de la réforme. Tous les Français apporteront leur contribution. Comme cela a été expliqué à de multiples reprises, il y a simplement un décalage dans le temps. Les régimes spéciaux ont été réformés en 2007-2008 par Xavier Bertrand. Le calendrier de cette bonne réforme se déroule conformément aux garanties et aux engagements pris. Le calendrier de l’actuelle réforme s’appliquera après. Des engagements ont toutefois été pris lors de la réforme des régimes spéciaux. Le Gouvernement entend évidemment les respecter. Les choses sont claires. Les régimes spéciaux sont concernés, ce qui est normal, puisque cet effort est demandé à tous les Français.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rosso-Debord.

Mme Valérie Rosso-Debord. Il est également important que la signature de l’État en 2008 ait un suivi et que, dans ces conditions, le dispositif mis en place par Xavier Bertrand, alors ministre, puisse trouver une continuation. En tout état de cause, les deux ans supplémentaires seront également mis en place à effet différé.

Vous parlez également du régime de retraite spécifique des parlementaires. Vous savez très bien, mon cher collègue, qu’au nom de la séparation des pouvoirs, on ne peut saisir l’exécutif de cette décision. En revanche, le Bureau de l’Assemblée nationale a été saisi par le président de l’Assemblée nationale de cette question d’importance. Le groupe UMP, par l’intermédiaire de son président, Jean-François Copé, a fait savoir qu’en ce qui le concernait, il était tout à fait favorable à ce que les nouvelles dispositions soient applicables à l’ensemble des députés.

(L’amendement n° 503 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 706 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 249 rectifié.

La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Notre amendement porte sur les indemnités de retraite versées aux parlementaires et aux membres du Gouvernement et sur le cumul des différentes indemnités. Ce n’est pas le même amendement que ceux précédemment présentés par des collègues qui ont fait un amalgame, s’agissant des régimes spéciaux. Je ne méconnais évidemment pas la séparation des pouvoirs. Il ne s’agit donc pas de demander au Gouvernement de se prononcer sur un amendement traitant du régime des parlementaires. Je reconnais aussi que l’enjeu financier est évidemment très faible par rapport à celui des retraites. Toutefois, le symbole est important.

Les Français ont été extrêmement choqués par ce qu’ils ont appris. En effet, on leur a caché la pratique en vogue au Gouvernement depuis 2007. Un certain nombre de ministres cumulaient alors leur indemnité de ministre – fortement revalorisée, rappelons-le, au cours de la précédente législature puisque, si j’ai bonne mémoire, elle s’élevait aux alentours de 10 000 euros au minimum par mois pour un secrétaire d’État –, avec une retraite de parlementaire, de député ou de sénateur. De surcroît, la loi ayant été modifiée, un ministre élu en début de législature député ou sénateur, peut de nouveau siéger à l’Assemblée nationale ou au Sénat s’il vient à quitter le Gouvernement. Nous mesurons à quel point certains ont pu profiter des failles de la législation, ce qui est insupportable.

J’espère que l’Assemblée nationale saura prendre ses responsabilités. Le bureau de l’Assemblée, d’ailleurs sous la pression d’un certain nombre de débats externes, a pris les siennes. Je souhaite que ses conclusions aillent dans le sens d’un alignement sur le régime général. Nous plaiderons en tout cas, pour notre part, dans ce sens. Demeure toutefois la question des membres du Gouvernement. Je pense qu’en la matière, le principe numéro un est la transparence qui, nous le voyons bien, n’existe pas spontanément. Principe numéro deux : de nouvelles règles doivent être établies. Le plus simple serait bien évidemment l’alignement sur les conditions du régime général et l’interdiction par la loi de tout cumul des indemnités de ministre avec une retraite venant d’un autre mandat. Il en va également d’autres mandats d’élu local.

Nous sommes contraints de nous limiter à demander la présentation d’un rapport, sous peine de voir notre amendement tomber sous le couperet de l’article 40. Je vous demande donc de bien vouloir adopter cet amendement, ce qui prouverait que le Parlement veut avancer dans la voie de la transparence et de la réforme.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. J’ai parlé, voilà quelques instants, des retraites des parlementaires. Dans un premier temps, notre collègue a évoqué certains us et coutumes qui n’existent plus, puisqu’il y a eu la régularisation de certains versements occultes. Cela a été fait dans la plus grande clarté. Si j’ai bonne mémoire, c’est Lionel Jospin qui a, en son temps, mis de l’ordre à ce niveau et nous étions alors totalement d’accord.

S’agissant du point qui vient d’être évoqué, je rappelle que, sous la présidence de Bernard Accoyer, une réflexion est menée par le bureau de l’Assemblée nationale. Le sujet qui vient d’être soulevé entre, je le pense, dans les attributions de ce dernier, qui établira des règles. Attendons ses conclusions. Nous sommes, comme je l’ai dit tout à l’heure, pour l’exemplarité. Nous n’avons rien à cacher à ce propos.

Je suis, par conséquent, défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. L’idée de M. de Rugy est intéressante, mais pourquoi limiter le cumul aux membres du Gouvernement ? Si ce rapport est accepté par notre assemblée, les présidents de conseils régionaux doivent être également concernés. Ce sont de gros exécutifs, des ministres régionaux en quelque sorte. Je crois qu’il serait utile qu’on puisse aussi faire la transparence…

M. Roland Muzeau. Parlez-en à Maurice Leroy !

M. Nicolas Perruchot. Pourquoi vous agacez-vous, monsieur Muzeau ? Nous devons pouvoir faire la transparence au niveau des présidents de conseils régionaux et généraux, qui cumulent parfois un exécutif très important avec d’autres fonctions et parfois même des activités liées à la fonction publique. Il conviendrait, dans ce cadre, de sous-amender cet amendement, mon cher collègue.

M. Roland Muzeau. Et les bonus ? Et les retraites-chapeaux ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. C’est un sujet important que j’ai mis sur la table dès le mois d’avril ou mai. Concernant les membres du Gouvernement, le Premier ministre a demandé que les ministres, anciens parlementaires, ne cotisent plus à la caisse de retraite des parlementaires, comme c’était la tradition depuis bien longtemps, mais uniquement à l’IRCANTEC dont ils relèvent. Ils se mettent évidemment en règle avec cette demande du Premier ministre. Le régime des parlementaires relève, quant à lui, du bureau de l’Assemblée et de ses règles de fonctionnement. Je pense aussi qu’il convient d’évoluer en la matière. J’ai demandé à plusieurs reprises aux parlementaires de s’en saisir et de modifier leur régime de retraite.

(L’amendement n° 249 rectifié n’est pas adopté.)

Article 2

M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, inscrit sur l’article.

M. Alfred Marie-Jeanne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mon objectif n’est pas de jeter systématiquement de l’huile sur le feu. En revanche, quoi qu’on dise ou qu’on pense, il en a manqué dans les rouages de la concertation, car, si je ne m’abuse, personne n’a, en fait, contesté le bien-fondé d’un débat de fond sur la réforme des retraites. Plusieurs logiques et les choix qui en découlaient étaient possibles. Hélas ! la rigidité et le parti pris l’ont emporté dès le départ. Là, réside l’erreur originelle. Ensuite, la procédure hyper accélérée imposée a ajouté au risque de voir la réforme en partie bâclée. Enfin, le principe de base rappelé en exergue du projet de loi précise bien que le modèle par répartition est fondé sur la solidarité, qui est donc le pilier, le poto mitan, comme on dit en Martinique. La solidarité serait un vain mot, si les revenus les plus conséquents n’étaient sollicités qu’à la marge après les largesses octroyées.

Cela dit, je voudrais rappeler un certain nombre de problèmes qui restent toujours en suspens à ce jour en Martinique. Permettez que je revienne sur une question posée en avril 2009 au ministre de l’agriculture de l’époque, Michel Barnier, à qui je signalais que, pour des raisons diverses, les retraités agricoles ont des revenus n’atteignant même pas le minimum vieillesse. Le ministre a confirmé qu’en effet, dans les départements d’outre-mer, il n’y avait pas jusqu’ici de régime spécifique pour les retraités agricoles. Ne pas prendre en compte, comme je l’avais demandé, le sort de ces personnes qui ont tant bossé, qui ont été tant exposées aux produits toxiques – je n’en dis pas plus – est un comble ! Elles ne bénéficient pas d’une affiliation à la Mutuelle sociale agricole. Cela explique que la retraite complémentaire instituée pour les salariés relevant de la MSA, et prise en 1975, n’a jamais été étendue à la Martinique. Je renouvelle, là aussi, la prise en compte de cette demande.

En outre, je rappellerai le cas des marins pêcheurs qui relèvent, il est vrai, d’un régime spécial. Ils doivent cotiser vingt-cinq années pour une retraite à taux plein. Cela peut paraître, de prime abord, alléchant. Mais, là encore, du fait du manque de cotisations suffisantes, leurs pensions n’atteignent pas le minimum vieillesse. Je demande une nouvelle fois que cette catégorie ne soit pas écartée du champ de la réforme.

Enfin, il est une mesure qui avait été reconnue comme très pertinente à l’époque et qui a été supprimée en 2007 : le congé solidarité. Cette mesure avait un rapport concret avec le départ à la retraite. Chaque départ en préretraite était subordonné à l’embauche d’un salarié de moins de trente ans. De 2002 à 2006, toujours à la Martinique, plus de 1 200 personnes ont bénéficié de la mesure, dont la moitié concernait les préretraites et l’autre moitié l’embauche. Le moment n’est-il pas propice pour remettre sur le tapis cette mesure qui ferait d’une pierre deux coups ? Nous réitérons, là encore, notre demande, monsieur le ministre, en espérant qu’elle sera prise en compte aujourd’hui dans le cadre de cette réforme.

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement n° 226.

M. Christophe Sirugue. Ce pourrait être un simple amendement de cohérence, s’appuyant sur l’argumentation que nous avons développée à propos du comité de pilotage. En fait, il a surtout pour objectif de faire préciser par le ministre le processus de décision concernant notamment la correction du taux de revalorisation.

Jusqu’à présent, et par dérogation à la loi existante, une conférence présidée par les ministres chargés de la sécurité sociale, de la fonction publique et du budget, et réunissant les organisations syndicales et professionnelles représentatives, pouvait proposer au Parlement une correction au taux de revalorisation de l’année suivante. Or, dans la rédaction actuelle de l’article, il n’est plus fait état d’une telle possibilité.

Vous comprenez donc combien, alors que le Parlement est de moins en moins considéré – et je ne reviens pas sur les conditions de notre débat, sur le fait que les éléments nouveaux sont annoncés d’abord à la télévision, ni sur le fait que nous avons des délais de plus en plus courts, en commission, pour discuter des amendements –, nous avons besoin d’être rassurés.

C’est donc, certes, un amendement de suppression de l’article, mais il a aussi pour objectif de permettre au ministre de nous préciser le processus de décision de l’évolution du taux d’une année sur l’autre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. La conférence dont vous parlez s’est réunie une fois depuis 2007. Ce qui compte, c’est d’être opérationnel. Avec le comité de pilotage, auquel participeront les partenaires sociaux, nous sommes sûrs d’être efficaces. La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Le processus est assez simple. Nous proposons que la commission soit remplacée par le comité de pilotage des retraites, qui se réunira une fois par an. Les pensions seront revalorisées à partir du 1er avril, de façon automatique, sur la base de l’inflation de l’année précédente, telle que calculée par l’INSEE. Jusqu’à présent, c’était plus compliqué : il fallait faire une prévision car nous n’avions pas encore le chiffre définitif.

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Aura-t-on toujours le même processus dans le cadre de la discussion du PLFSS ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Lors de l’examen du PLFSS, il est trop tôt pour avoir le chiffre exact de l’inflation de l’année, et il n’y aura donc qu’une prévision. Au 1er avril, nous aurons le chiffre définitif donné par l’INSEE et c’est alors qu’aura lieu la revalorisation.

(L’amendement n° 226 n’est pas adopté.)

(L’article 2 est adopté.)

Article 3

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, inscrit sur l’article 3.

M. Jean-Luc Préel. L’article 3 prévoit d’améliorer le droit à l’information des assurés, ce qui est évidemment très important.

Ce droit a été institué par la loi de 2003, prévoyant la fourniture tous les cinq ans d’un relevé de situation individuelle et, à 55 ans, d’une estimation indicative globale du montant de la pension à partir de 55 ans. Le GIP Info-retraite assure cette mission.

Nous disposons de trente-huit régimes de retraite, aux règles disparates en termes de taux de cotisation et de droits. En raison d’une grande mobilité géographique et professionnelle, les retraités dépendent souvent de plusieurs régimes : 42 % d’entre eux dépendent de deux régimes, 31 % de trois régimes, 15 % de quatre, ce qui démontre la nécessité de régler le problème du calcul de la pension des polypensionnés.

L’idéal que le Nouveau Centre défend est l’évolution vers un régime universel, mais, d’ici là, chacun mérite une information en temps réel sur ses droits acquis. C’est pourquoi nous défendons l’idée d’un dossier de retraite informatisé, consultable par internet. Ce dossier serait alimenté chaque année par chacun des régimes de base et complémentaires.

L’article 3 propose une amélioration de l’information, mais il nous semble nécessaire d’aller plus loin et de mettre en œuvre ce dossier de retraite informatisé géré par le GIP Info-retraite, en espérant que cela ira plus vite que pour le dossier médical personnel !

M. Jean Mallot. Judicieuse référence !

M. le président. La parole est à M. Patrice Verchère.

M. Patrice Verchère. L’information des assurés et la simplification des démarches sont indiscutablement un moyen de redonner confiance aux jeunes et, plus généralement, aux actifs dans le régime de retraite.

Toutefois, donner des informations sur les systèmes de retraite par répartition, notamment sur les règles d’acquisition de droits à pension et l’incidence sur ces derniers des événements susceptibles d’affecter la carrière, créer un point d’étape retraite à 45 ans, permettre l’accès en ligne des relevés de carrière, tout cela aura un impact certain sur la charge de travail et suppose donc des moyens adéquats.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que les services des différents régimes de retraite seront en mesure de répondre aux sollicitations des assurés ?

M. le président. La parole est à M. Jean-René Marsac.

M. Jean-René Marsac. L’article 3 comporte de bonnes choses en matière d’information des assurés sur les divers régimes de retraite, et pourra être complété par les amendements que nous proposerons tout à l’heure, mais il révèle aussi, en creux, les énormes faiblesses de votre texte.

En effet, que pourra dire votre préposé à l’information aux personnes qui auront cumulé des années durant de petits contrats sans arriver à décrocher un contrat durable, à celles qui travaillent moins d’un mi-temps depuis des années sans pouvoir donc valider leurs trimestres, à tous ceux et à toutes celles qui subissent le temps partiel, souvent séquencé en plusieurs missions étalées dans la journée, sans possibilité réelle de compléter leur fiche de paie, à tous ceux et à toutes celles qui, au-delà de 45 ou 50 ans, ne retrouvent plus d’emploi stable, et à bien d’autres encore que les aléas de la vie économique et sociale ont rejetés aux marges du système de l’emploi durable et de la protection sociale ?

Votre préposé à l’information devra les informer, dit le texte, sur les dispositifs leur permettant d’améliorer le montant futur de leur pension de retraite, mais de quoi disposera, dans ses tiroirs, ce malheureux préposé ? De minuscules mesurettes et de plates excuses : « Je suis désolé, madame, monsieur, mais, pour vous, je n’ai rien de mieux. »

En effet, vous savez très bien que, faute d’une véritable politique de l’emploi, qui irait à contre-courant de la précarisation que veulent imposer aujourd’hui les puissances économiques et financières, votre réforme ne fera qu’accroître la pauvreté de toutes ces catégories de personnes.

Votre réforme de 2003 a échoué, faute d’une politique forte en matière d’emplois. Celle d’aujourd’hui, non adossée à un plan de lutte contre la précarité, crée un toboggan vers la pauvreté pour des millions de chômeurs, de précaires et de salariés à temps partiel, dont le nombre ne cesse de grossir, et vous le savez parfaitement.

Vous renforcez sciemment la pauvreté, alors que vous ne cessez de protéger les grandes fortunes. Ne venez pas dans quelques années faire mine de découvrir les problèmes quand le nombre de retraités bénéficiant seulement du minimum vieillesse aura totalement explosé.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n° 251.

M. François de Rugy. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. C’est une précision utile, qui a été acceptée par la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Favorable.

Nous avons d’autre part vérifié, monsieur Verchère, avec les services de la CNAV, que ce qui leur est demandé sera possible. Il y aura bien sûr quelques entretiens supplémentaires, mais tout le monde ne viendra pas. Il est très important qu’il y ait un processus d’information extrêmement clair et que la CNAV se tienne à la disposition du public. C’est d’ailleurs souvent du temps gagné par la suite.

(L’amendement n° 251 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Massat, pour soutenir l’amendement n° 238.

Mme Frédérique Massat. Développer l’information des salariés sur leurs droits à la retraite est certes une bonne chose, mais votre texte, monsieur le ministre, ne va pas assez loin.

Comme nous le constatons en matière de parcours professionnel, les salariés de notre pays ignorent la plupart du temps quels sont leurs droits. La complexité du système est telle qu’il est parfois difficile de s’y retrouver.

Par ailleurs, la nature même du marché du travail rend désormais les trajectoires professionnelles aléatoires et mouvementées. Carrières en pointillé, temps partiel, périodes plus ou moins longues de chômage modifient la constitution des droits à la retraite des salariés.

Il est donc indispensable qu’ils puissent obtenir, et cela vaut en particulier pour les polypensionnés, une information détaillée et régulière sur leur situation et, naturellement, une information sur la législation en cours.

Nul n’ignore en effet qu’une retraite se prépare et s’anticipe. Pour ce faire, il faut avoir une idée du montant de sa future pension, d’où l’importance cruciale de l’information. C’est pourquoi l’amendement que nous vous proposons vise à compléter le droit à l’information.

Il nous semble essentiel d’informer les salariés chaque fois qu’une modification d’ordre législatif, réglementaire ou conventionnel intervient, car chaque réforme apporte son lot de changements, dont les conséquences modifient la donne sur le montant des pensions et sur les conditions d’ouverture des droits à la retraite.

Comme pour la formation professionnelle, les bénéficiaires du droit à l’information sur la retraite ne seront pas ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire les salariés les plus précaires et les plus fragilisés.

Si nous insistons sur cet aspect, c’est parce que nous considérons que le droit à l’information des salariés est un élément central du dispositif de retraite choisie que nous proposons dans notre projet.

Bien informé, le salarié est maître de sa carrière professionnelle et donc de sa retraite, et c’est en toute connaissance de cause qu’il peut décider de prolonger sa carrière ou de partir à la retraite.

Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, vous avez objecté en commission que cette information générale était d’ores et déjà assurée par le site internet du GIP Info-retraite, mais tous les territoires, malheureusement, ne sont pas couverts par le haut débit. Je peux en témoigner, étant élue d’un territoire de montagne, en Ariège. Si les assurés comptent uniquement sur le site internet du GIP pour avoir des informations sur leur retraite, ils vont attendre un certain nombre d’années. Il y a par ailleurs des personnes qui n’ont pas toutes les facilités pour avoir un outil informatique à leur disposition ou, simplement, le maîtriser, d’où l’intérêt d’adopter notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. C’est ici même, il y a quelques années, que nous avons décidé de mettre en place une information sur la retraite, en nous fondant sur des expériences étrangères, en particulier celle de l’Allemagne, et la CNAV le faisait au niveau national. Une information individualisée est beaucoup plus intéressante pour les personnes concernées qu’une information générale, qui serait beaucoup plus coûteuse par ailleurs.

Il faut savoir aussi que le GIP Info-retraite est un organisme qui repose sur les caisses, qui a peu de personnel et qui est efficace. Le personnel a été formé et répond fort bien aux questions, dans un domaine extrêmement complexe qui plus est.

Vous avez insisté sur le problème d’internet, et vous avez parfaitement raison sur ce point. Il y a d’une part des problèmes géographiques, et on a parfois, en outre, des difficultés, à un certain âge, pour manier l’informatique.

Le problème des retraites est, je l’ai dit, extrêmement complexe. Le GIP Info-retraite aiguille les demandes d’information vers les caisses, et ce sont elles qui traitent les dossiers, sachant que chaque retraité a un parcours professionnel totalement différent d’un autre. On donne des explications aux intéressés, et des estimations leur sont fournies régulièrement. Cela existe depuis la loi Fillon de 2003, et c’est nous-mêmes, à l’Assemblée nationale, qui avons demandé récemment que l’on passe du papier à internet, car nous pensons à l’avenir.

Nous sommes actuellement en phase de transition. Il faut s’adapter, pour l’avenir ; vous avez, madame, parfaitement raison, mais le système marche et il ne convient pas de le modifier pour le moment. J’émets donc un avis défavorable.

(L’amendement n° 238, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n° 319.

M. Jean-Pierre Decool. Il est défendu.

(L’amendement n° 319, repoussé par la commission et le Gouvernement, est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 168 et 239.

La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n° 168.

M. François de Rugy. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement n° 239.

Mme Marietta Karamanli. Pour prolonger les propos de ma collègue, je dois rappeler que les Français touchant de petits bouts de retraite, de deux ou trois régimes différents, sont nombreux. Cette situation résulte de la mobilité professionnelle, nombre de salariés étant amenés à connaître au cours de leur carrière différents secteurs professionnels, différents emplois, dans le privé ou le public, et cela risque d’être encore plus vrai demain, compte tenu de la flexibilité accrue du travail. La bonne réponse n’est donc pas d’uniformiser l’âge légal de départ à la retraite en le repoussant, comme le veut le Gouvernement.

Ainsi que nous, socialistes, le répétons depuis mardi, la volonté de réformer sans chercher à régler le problème au fond a de quoi étonner. Sans doute s’explique-t-elle par le souhait du Gouvernement de voir partir à la retraite des personnes qui n’auront pas cotisé tous les trimestres nécessaires et qui percevront ainsi des pensions réduites. Elle est probablement motivée aussi par le fait qu’elle débouchera, pour les plus aisés, sur des financements individualisés, à la plus grande satisfaction du lobby des institutions financières et bancaires.

Une autre solution aurait été de prévoir davantage d’harmonisation et de simplification, tout en respectant le choix des salariés. C’est l’idée que nous défendons par cet amendement, qui tend à instaurer une obligation d’information et rend également obligatoire l’entretien prévu par la loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Lorsque nous en avons discuté en commission, j’étais personnellement favorable à l’idée d’obligation, mais il m’a été rappelé que nous étions un pays de liberté et que cet entretien devait donc rester une faculté. Je me suis donc soumis à la majorité. Toutefois, nous avons suggéré – et cela a été accepté – que le bulletin individuel de situation que chacun recevra à l’âge de quarante-cinq ans mentionne expressément que la personne peut bénéficier, si elle le souhaite, d’un entretien individuel. La demande est donc satisfaite. J’émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Même avis. Il n’est pas nécessaire que le rendez-vous soit obligatoire ; ce qui compte, c’est que les personnes qui souhaitent une information – et elles seront, j’imagine, de plus en plus nombreuses – puissent l’obtenir.

(Les amendements identiques nos 168 et 239 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n° 318.

M. Jean-Pierre Decool. Cet amendement vise à étendre les possibilités d’information des assurés aux conditions de départ à la retraite de l’entreprise, ainsi qu’aux possibilités de cumul d’un emploi et d’une retraite.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. La possibilité de donner des informations relatives à la prolongation d’activité est déjà prévue. Notre collègue de l’opposition en a également parlé tout à l’heure. Puisque, sur tous les bancs, à gauche comme à droite, on souhaite prévoir une meilleure information sur ce droit, je ne peux que donner un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Pourquoi pas ? Il peut être en effet important d’informer le salarié, à un moment donné, informer le salarié qu’il pourra cumuler un emploi et une retraite. Avis favorable.

(L’amendement n° 318 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n° 126.

M. Jean-Pierre Decool. Dans l’énumération faite à l’alinéa 4, il est important de ne pas oublier les cas de la maladie, de l’accident et de la maladie professionnelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. C’est très bien dit. Avis favorable.

(L’amendement n° 126, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir l’amendement n° 142.

M. Roland Muzeau. Nous proposons de supprimer la fin de l’alinéa 4, car nous considérons qu’il ne faut pas permettre la valorisation ou la publicité déguisée en faveur des régimes de retraite par capitalisation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Le droit à l’information doit être le plus complet possible. Il n’y aurait aucune logique à faire le point avec l’assuré sur ses droits à la retraite sans lui indiquer les moyens dont il dispose pour les améliorer, tels que l’épargne retraite, le rachat de trimestres d’études ou encore la surcotisation pour les femmes travaillant à temps partiel. J’émets donc un avis défavorable.

M. Roland Muzeau. On peut aussi jouer au poker en direct !

M. Denis Jacquat, rapporteur. En effet, ce n’est plus interdit, depuis peu, dans notre pays, mais cela n’a rien à voir avec les retraites. (Sourires.)

M. Roland Muzeau. Est-ce bien sûr ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Défavorable. Il faut donner au salarié toutes les informations dont il a besoin dans le cadre du droit. Nous n’allons pas faire le tri entre de bons droits et d’autres qui ne le seraient pas ; l’information doit être complète.

(L’amendement n° 142 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n° 320.

M. Jean-Pierre Decool. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Il s’agit d’un point très important, auquel les caisses sont attachées. L’entretien individuel à quarante-cinq ans a pour objet d’informer et non de conseiller, car il ne faudrait pas que, par la suite, des personnes reprochent aux personnels des caisses de leur avoir conseillé telle ou telle orientation et se plaignent de ne pas avoir, à cause de cela, la retraite qu’elles auraient souhaitée. Il faut faire très attention à cela et protéger le personnel contre les risques juridiques. Avis défavorable.

(L’amendement n° 320, repoussé par le Gouvernement, est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, pour soutenir l’amendement n° 240.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Nous pourrions peut-être parvenir à un consensus sur l’inquiétude des Français face aux montants de leurs retraites futures. Nos concitoyens connaissent le montant de leurs cotisations, qui figure sur les fiches de salaire, mais ne savent pas quelle retraite ils percevront.

Si l’information générale, écrite ou informatisée, s’est améliorée depuis deux ou trois ans et s’améliorera sans doute encore avec ce texte, nous pourrions aller un peu plus loin que ce que prévoit l’alinéa 4, s’agissant de l’entretien individuel. Avoir une personne en face de soi permet toujours de comprendre plus facilement que si l’on reçoit un simple relevé informatique. Pourquoi ne prévoir un entretien qu’à partir de quarante-cinq ans ? Et pourquoi cet entretien n’aurait-il lieu que tous les cinq ans ? Une personne peut en éprouver le besoin plus souvent, par exemple dans le cas où elle doit changer de carrière professionnelle. Il serait donc bon que l’intéressé puisse bénéficier de cet entretien à sa demande. Tel est l’objet de l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Mme Hoffman-Rispal est toujours très vigilante en matière d’information, et je partage sa préoccupation. Cependant, il faut faire très attention : outre le problème de coût qui résulterait de l’embauche de personnel ad hoc, il y a celui de sa formation.

Nous sommes pour le moment en montée en puissance, et les choses fonctionnent bien. Je propose donc de continuer à observer l’évolution du dispositif ; si nous constations des déficits d’information, nous pourrions alors revoir le problème. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Un rendez-vous est prévu tous les cinq ans à partir de quarante-cinq ans ; c’est déjà un processus très suivi. Si quelqu’un a besoin d’une information spécifique sur sa retraite, il peut toujours prendre rendez-vous avec sa caisse, cela ne pose aucun problème.

(L’amendement n° 240 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n° 128.

M. Jean-Pierre Decool. Il est défendu.

(L’amendement n° 128, repoussé par la commission et le Gouvernement, est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir l’amendement n° 143.

M. Roland Muzeau. Il est défendu.

(L’amendement n° 143, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 241 et 493 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour soutenir l’amendement n° 241.

Mme Gisèle Biémouret. Cet amendement a pour objet de garantir une information régulière et complète. Vous avez dit, monsieur le ministre, que tous les salariés ne se rendraient pas à ces entretiens. L’important est d’informer ceux qui ont eu les carrières les plus compliquées, les plus précarisées, les plus morcelées. Si une information annuelle était obligatoire, ces salariés seraient renseignés beaucoup plus régulièrement sur leur situation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir l’amendement n° 493 rectifié.

M. Jean-Luc Préel. Il s’agit de permettre une information régulière et complète en temps réel, consultable sur internet, par le biais d’un dossier informatisé alimenté régulièrement par l’ensemble des régimes. Ainsi, chacun de nos concitoyens pourrait connaître le montant de ses droits à tout moment de sa carrière. Cet amendement offrant lisibilité et transparence est particulièrement moderne.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Je rejoins tout à fait les deux orateurs sur le fond mais, comme je l’ai écrit dans un rapport en 2008, nous devons suivre le modèle allemand, qui offre une estimation très tôt et assure une assez bonne information annuelle. C’est toutefois plus difficile à mettre en œuvre en France, car nous n’avons pas comme en Allemagne un régime par points, mais un système nettement plus fragmenté.

En ce qui concerne l’information annuelle, la mise en ligne du relevé de situation individuelle que prévoit cet article a vocation à se transformer en récapitulatif actualisé tous les ans. Le GIP Info-retraite travaille à l’élaboration d’un portail commun qui offrira bientôt à tous les assurés une estimation annuelle. Il s’agit d’une prouesse technique qui n’est malheureusement pas encore au point.

Enfin, s’agissant de l’estimation globale à quarante-cinq ans, nous y avions pensé, et les régimes y travaillent ; cependant, la CNAV nous a indiqué qu’il était trop tôt pour proposer un calcul fiable, d’autant que la législation peut être amenée à évoluer. C’est pourquoi la commission a repoussé ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Le Gouvernement n’est pas favorable à l’amendement n° 241, car il existe déjà un relevé individuel de situation, fourni tous les cinq ans à partir de quarante-cinq ans. Les choses ont été bien précisées, par ailleurs, sur l’estimation indicative globale. Je pense qu’un tel surplus d’information est inutile. Trop d’information tue l’information.

M. Préel, quant à lui, a satisfaction en ce qui concerne le GIP Info-retraite, puisque figure dans les objectifs de celui-ci la mise en ligne de la situation de chaque salarié. Si l’on demande son relevé, on peut aujourd’hui le recevoir par courrier ; demain ce sera possible par Internet.

(L’amendement n° 241 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 493 rectifié est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste, pour soutenir l’amendement n° 76.

M. Christian Vanneste. Cet amendement vise à améliorer encore l’information des personnes qui divorcent sur leurs droits à pension. Dans les faits, cette disposition vise plus particulièrement les épouses, et répond une fois encore au principe d’égalité entre les hommes et les femmes.

Compte tenu de la complexité des calculs il n’est pas fait, pour le moment, de simulation des droits à la retraite pour les assurés de moins de cinquante-huit ans. Seuls sont retracés les trimestres validés ou les points acquis. Mais cela ne permet pas de calculer le montant de la retraite probable.

Le projet de loi permet certes une information tous les cinq ans à partir de quarante-cinq ans, comme vient de le rappeler M. le ministre, mais il nous semble souhaitable que l’information soit obligatoire dès lors qu’une procédure de divorce ou de séparation de corps est engagée, quel que soit l’âge des intéressées, afin qu’elles mesurent la situation qui résultera de leurs décisions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Monsieur Vanneste, votre proposition est tout à fait louable. Je tiens cependant à rappeler que chaque assuré peut, à tout moment de sa vie, demander des renseignements sur sa situation personnelle. Il n’est donc pas utile de prévoir une disposition spécifique, puisque c’est déjà possible.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Je comprends parfaitement votre intention, monsieur le député, mais il est très difficile de pratiquer une estimation de pension pour quelqu’un qui divorce, par exemple, à trente-cinq ans : tout au plus peut-on faire des projections, mais quel sera, ensuite, le salaire de référence au cours de la vie professionnelle ultérieure ? Si le divorce est prononcé relativement tard, c’est évidemment plus facile.

Par ailleurs, le juge, lorsqu’il fixe le montant de la prestation compensatoire, tient souvent compte des droits à pension des personnes ayant décidé de divorcer.

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Vous imaginez bien que je n’ai pas inventé cet amendement en me levant le matin. (Sourires.) Je l’ai déposé car les associations de défense des droits des femmes sont très attentives à la situation des femmes divorcées, qui ne sont souvent pas en état d’envisager sereinement l’avenir. Ce sont souvent les femmes, en effet, qui sont les plus défavorisées lorsqu’un divorce se produit.

En créant une obligation, on crée aussi une aide psychologique et juridique, qui me paraît indispensable. Je faisais allusion tout à l’heure aux comptes notionnels en Suède. Les Suédois sont informés, tous les ans, par lettre, sur leur future retraite. Nous devrions parvenir à faire la même chose. Ce n’est pas encore le cas, mais, lorsqu’un coup dur se produit, il serait bon que ce soit prévu. Ce n’est pas une demande exorbitante.

(L’amendement n° 76 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 227.

La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Cet amendement vise à développer la procédure contradictoire avant tout contentieux pour un assuré souhaitant contester l’estimation de ses droits à la retraite.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Nous sortons du droit à l’information. La commission pense que les caisses n’ont pas à jouer le rôle de conseil. Avis défavorable.

(L’amendement n° 227, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 3, amendé, est adopté.)

Après l’article 3

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 3.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 10.

M. Dominique Tian. Cet amendement traite des règles de représentativité. Je trouve étonnant qu’une personne puisse siéger dans un conseil d’administration de régime de retraite sans être elle-même affiliée à ce même régime.

M. Roland Muzeau. Il faudrait surtout arrêter de donner des jetons de présence aux patrons du CAC 40 qui siègent dans plusieurs conseils d’administration !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. La commission a rejeté l’amendement, car la présence des organisations syndicales dans les conseils d’administration est non seulement légitime, mais indispensable.

(L’amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 708 et 707, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour les soutenir.

M. Jean-Luc Préel. J’ai pris note que les différentes caisses de retraites travaillaient à la mise en place d’un dossier informatisé, qui reprendrait l’ensemble des données. J’espère que cela se fera rapidement. Je retire donc les deux amendements.

(Les amendements nos 708 et 707 sont retirés.)

Article 3 bis

M. le président. La parole est à M. Pierre Morange, pour soutenir l’amendement n° 91 à l’article 3 bis.

M. Pierre Morange. L’amendement vise explicitement les régimes de retraite complémentaire – ARGIC, ARCCO et IRCANTEC – et les régimes additionnels privés et publics qu’il est nécessaire d’inclure dans l’extension du répertoire national commun. Cela fait suite à mes travaux visant à interconnecter les fichiers des 1 750 organismes sanitaires et sociaux, et s’inscrit parfaitement dans la philosophie de l’article 3 que nous venons de voter.

L’objectif est d’améliorer les prestations rendues aux assurés, de rationaliser les coûts d’exploitation de ces différents régimes et de rendre ainsi plus efficace la lutte contre la fraude aux prestations sociales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. L’amendement venant de la commission des finances, je souhaite, monsieur le président, avec votre autorisation, que M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de cette commission, s’exprime d’abord.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La commission des finances a souhaité étendre le champ du répertoire national commun de la protection sociale, création de 2006, qui permet l’échange de données.

Certains membres de la commission des affaires sociales s’étaient inquiétés de la sécurité de cette base de données. Elle est conforme, en tous points, à la loi « Informatique et libertés ».

Je suis favorable à cet amendement, qui précise la rédaction concernant les régimes complémentaires. Il couvre également les régimes additionnels du champ public, qui ne l’avaient pas été par l’amendement qu’a adopté la commission des finances. Il me paraît donc plus performant. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. La commission des affaires sociales, saisie au fond, est favorable à cet amendement.

(L’amendement n° 91, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Morange, pour soutenir l’amendement n° 92.

M. Pierre Morange. Il relève de la même philosophie que le précédent. Il a vocation à favoriser l’interconnexion avec le centre de liaisons européennes et internationales de sécurité sociale afin de vérifier, notamment pour la facturation des soins effectués dans un pays étranger, que le bénéficiaire est bien affilié à un régime de sécurité sociale français.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission saisie au fond ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Favorable également.

(L’amendement n° 92, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 3 bis, amendé, est adopté.)

Articles 3 ter et 3 quater

(Les articles 3 ter et 3 quater sont successivement adoptés.)

Article 3 quinquies

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n° 509 à l’article 3 quinquies.

M. Jean-Pierre Decool. Cet article ouvre aux retraités dont les pensions de base ou complémentaires obligatoires sont servies de façon trimestrielle ou à échoir la possibilité de demander à percevoir leur pension mensuellement.

C’est une mesure bienvenue de simplification pour les retraités, tout particulièrement ceux qui perçoivent de faibles montants de pensions, car le versement trimestriel ne correspond pas au rythme de nombreuses dépenses réglées mensuellement – loyer, abonnements, etc.

Elle supposera toutefois une adaptation importante des outils des caisses de retraite concernées, qui n’ont été conçus que pour un paiement trimestriel. Afin de tenir compte de ces contraintes de gestion, le présent amendement fixe un délai de transition suffisant en ouvrant le droit d’option à partir du 1er janvier 2013.

Je proposerai aussi tout à l’heure, par l’amendement n 514, que l’option pour un paiement mensuel, une fois prononcée, ne puisse être révoquée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. La commission des finances a voulu simplifier la vie des retraités, notamment des plus modestes, en permettant que des pensions versées trimestriellement le soient mensuellement.

Seront concernés, naturellement, les régimes à échoir et non les régimes échus, afin d’éviter de créer de nouveaux problèmes de trésorerie.

Nous avons pris contact avec l’AGIRC et l’ARRCO, comme ce fut sans doute le cas de notre collègue Decool. Elles sont favorables à la mesure, mais ne sont pas capables de la mettre en œuvre avant le 1er janvier 2013.

La commission des finances est également favorable à l’amendement n° 514, aux termes duquel le choix du pensionné est irréversible.

M. le président. Quel est l’avis de la commission saisie au fond ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Favorable aux amendements nos 509 et 514.

(L’amendement n° 509, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n° 389.

M. Jean-Pierre Decool. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable, car cela représenterait une lourde charge pour les retraites complémentaires.

(L’amendement n° 389, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 514, déjà évoqué par M. Jean-Pierre Decool, sur lequel la commission des affaires sociales et la commission des finances se sont prononcées favorablement.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Le choix du pensionné doit être irréversible. Le caractère irrévocable est important, pour que les choses soient simples. En effet, si quelqu’un pouvait revenir sur sa décision, cela entraînerait beaucoup d’erreurs.

(L’amendement n° 514 est adopté.)

(L’article 3 quinquies, amendé, est adopté.)

Après l’article 3 quinquies

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 3 quinquies.

La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n° 285.

M. Jean-Pierre Decool. Il est défendu.

(L’amendement n° 285, repoussé par la commission et le Gouvernement, est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n° 469.

M. Jean-Pierre Decool. Il est défendu.

(L’amendement n° 469, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 335 et 144, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Xavier Bertrand, pour soutenir l’amendement n° 335.

M. Xavier Bertrand. L’article 40 veille ! C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement.

Nous souhaitons que soit modifiée, dans notre pays, la date de versement des pensions du régime général. Elles sont aujourd’hui mises en paiement le 8 du mois. Cela signifie que, dans le meilleur des cas, les personnes concernées disposent des sommes sur leurs comptes le 10 ou le 11. Or les loyers et les échéances d’emprunts, en particulier, sont généralement à acquitter en début de mois.

La proposition que je formule n’est guère relayée dans les cénacles, mais elle fait écho à ce que l’entend sur le terrain. Je soutiens cette idée depuis longtemps, mais on m’a toujours fait valoir qu’elle était impossible à mettre en œuvre. En fait, c’est possible, mais cela représente un coût, et c’est là qu’intervient l’article 40, qui nous a empêchés de présenter un amendement modifiant la date de versement des pensions. En outre, une telle modification relève davantage du domaine réglementaire que législatif.

Cela étant, nous demandons au Gouvernement de donner un signal. Il faudra sans doute relever le plafond d’engagement de l’ACOSS : nous aurons, en effet, besoin d’emprunter davantage en début de mois pour pouvoir mettre les pensions en paiement. Selon moi, en effet, il n’est pas question de solliciter les cotisations des entreprises plus tôt. Ce serait une erreur.

Le coût réel de la mesure est de l’ordre de 60 à 80 millions d’euros, une fois et une seule. Cette somme est modérée par rapport au changement qu’elle représentera pour les personnes concernées.

Mme Laurence Dumont. Trois ans de bouclier fiscal !

M. Xavier Bertrand. Qu’est-ce que cela change, me demanderont certains, si le versement s’effectue plus tôt ? Énormément de choses. C’est une question de bon sens, et je n’accepte pas que l’on puisse me dire que ce n’est pas possible. Je ne me suis pas engagé en politique pour m’entendre dire cela.

Au cœur de la crise, nous avions davantage de difficultés pour emprunter. Nos capacités d’emprunt sont aujourd’hui beaucoup plus élevées. En adoptant cet amendement demandant la présentation d’un rapport qui ne devra pas être renvoyé aux calendes grecques, nous satisferons une demande de bon sens, une demande populaire, à savoir le versement des pensions de retraite au premier du mois. Les Français disposeront ainsi de leur pension de retraite à partir du 3 ou du 4 au plus tard. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour présenter l’amendement n° 144.

M. Alfred Marie-Jeanne. Mon amendement va dans le même sens que celui de M. Bertrand.

Permettez-moi d’en donner lecture : « Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2010, un rapport sur les modalités permettant d’avancer plus tôt dans le mois la date de mise en paiement des pensions de retraite du régime général de la sécurité sociale. »

Depuis un décret du 28 janvier 1986 et l’arrêté du 11 août 1986, le paiement des pensions de retraite du régime général de la sécurité sociale s’effectue mensuellement. Ainsi les retraités du régime général, de la fonction publique, du régime social des indépendants et de la mutualité sociale agricole bénéficient du paiement mensuel de leurs pensions. Avec la mensualisation, ces pensions sont mises en paiement le huitième jour du mois suivant celui au titre duquel elles sont dues.

Ce versement à une date tardive n’est pas sans provoquer de grandes difficultés, surtout pour les titulaires des pensions les plus modestes qui doivent supporter les coûts des découverts bancaires. Il est aussi à l’origine de nombreuses situations de surendettement, à la Martinique notamment. Il est de plus en plus difficile pour ces pensionnés de supporter un décalage si important entre le moment où ils perçoivent leur pension et les diverses échéances auxquelles ils doivent faire face et qui tombent, elles, au début du mois. Les retraités réunionnais, particulièrement ceux qui vivent avec le minimum vieillesse, doivent souvent patienter jusqu’au 15 du mois pour recevoir leur pension. Est-ce vraiment à eux de supporter les contraintes techniques que l’on nous oppose constamment pour justifier cette situation ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Comme Xavier Bertrand vient de le faire remarquer, cette demande est ancienne. Le sujet, il est vrai, est complexe sur le plan technique et non négligeable au plan financier.

Mme Laurence Dumont. Et le bouclier fiscal ? On ne vous demande pas grand-chose !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Il s’agit cependant d’une réelle avancée pour les bénéficiaires de faibles pensions.

La commission a émis un avis favorable à l’amendement de M. Bertrand, plus précis que celui de M. Marie-Jeanne. J’espère que nous le voterons tous.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Je reconnais la persévérance de M. Bertrand, qui défend depuis longtemps l’idée de verser les pensions au début du mois et non le 8. Il nous reste à clarifier la question du coût de sa proposition.

Nous sommes d’accord pour présenter un rapport avant le 30 juin 2011 sur les conditions exactes de mise en œuvre de cette mesure et sur son coût, ce qui permettra de prendre ensuite une décision. En adoptant l’amendement de M. Bertrand, je pense que nous satisferons également M. Marie-Jeanne.

Mme Laurence Dumont. Et vice-versa !

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Je voudrais indiquer qu’il s’agit d’une excellente démarche,…

Mme Isabelle Vasseur. Merci !

Mme Marisol Touraine. …si toutefois elle aboutit à avancer dès aujourd’hui la date du versement des retraites.

M. Christian Paul. Oui, pas aux calendes grecques !

Mme Marisol Touraine. Nous sommes tous d’accord sur le fond. Faciliter la vie des retraités est important.

M. Patrick Ollier. Merci l’UMP !

Mme Marisol Touraine. Verser les pensions le 10 du mois arrange les caisses de l’État, mais n’est pas en phase avec le rythme de la vie de nos concitoyens.

Nous allons jusqu’à préférer la rédaction de l’amendement de M. Bertrand. (Sourires.) Cela étant, il ne s’agit que de la remise d’un rapport. Vous ne vous engagez donc à rien d’excessif, monsieur le ministre actuel des affaires sociales ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.) Dissocier les deux amendements ne se justifie pas pour autant : qui peut le plus, peut le moins, et vous pourriez vous engager à un effort plus important.

Vous avez déclaré, monsieur Bertrand, que vous ne faisiez pas de la politique pour vous entendre répondre : « C’est impossible. » Que ne vous êtes-vous appliqué cette belle formule au moment où vous étiez ministre des affaires sociales, en charge du versement des retraites ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Vous passez votre temps à nous expliquer que nous, socialistes, nous ne faisons rien, que nous n’avons rien fait et que nous ne sommes pas capables de faire autre chose que de prendre des engagements pour l’avenir.

M. Yves Bur. C’est vrai !

Mme Marisol Touraine. Mais vous, qu’avez-vous fait ? Vous avez été ministre bien après que la gauche a quitté le pouvoir. Vous étiez en charge de ce dossier il y a encore un an et demi, et vous n’avez rien fait. Or voilà que, maintenant que vous n’êtes plus ministre, vous demandez un rapport !

M. Christian Vanneste. Il n’est jamais trop tard pour bien faire !

Mme Marisol Touraine. C’est pour le moins étonnant de votre part, même si nous sommes d’accord avec votre démarche.

M. Sébastien Huyghe. Et alors ? Pourquoi tant de haine ?

Mme Marisol Touraine. Nous sommes d’accord avec votre proposition, et sommes même d’avis de la mettre en œuvre le plus rapidement possible. Faisons-le ! Il ne s’agit pas de gravir l’Himalaya ! Mais, de grâce, un peu d’humilité dans le recours aux grandes formules sur le sens de la politique, alors que vous étiez en charge d’un ministère il y a peu de temps et en capacité d’agir !

M. Arnaud Robinet. C’est parler pour ne rien dire !

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. À mon tour de soutenir les amendements de mes collègues !

Je souhaite interpeller l’actuel ministre du travail – pas l’ancien, ni le peut-être futur, même si l’on entend parler de chassés-croisés… (Sourires.)

C’est en faisant une tournée avec l’UMP que M. Bertrand a découvert qu’il y avait des Français qui avaient du mal à payer leur loyer et leurs factures en début de mois parce qu’ils ne disposent de leur pension que le 8 ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Nicolin et Mme Valérie Rosso-Debord. Il n’a pas dit cela !

M. François de Rugy. C’est bien la peine d’être en politique depuis tant d’années pour s’apercevoir seulement maintenant de cette situation !

M. Yves Nicolin. Vous êtes sourd de l’oreille droite !

M. François de Rugy. Il serait temps d’être un peu plus au contact de vos concitoyens ! (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yanick Paternotte. Quelle élégance !

M. François de Rugy. Mais passons, et parlons du fond.

M. le président. Oui, parlons du fond de l’amendement.

M. François de Rugy. Ne craignez-vous pas, mes chers collègues, de vous couvrir de ridicule en votant un amendement qui a pour simple et seul objet la présentation d’un rapport ?

Je suppose d’ailleurs, monsieur Bertrand, que vous l’avez déjà rédigé, puisque vous nous avez indiqué que la mesure coûterait entre 60 et 80 millions d’euros et qu’il était envisageable de la mettre en œuvre par la voie réglementaire si le Gouvernement en décidait ainsi.

Pourquoi, monsieur le ministre, ne vous engagez-vous pas à la mettre en œuvre dans les mois qui viennent, plutôt que de vous contenter de présenter un rapport l’année prochaine ? S’en tenir à un rapport qui ne sera présenté que dans un an, c’est se couvrir de ridicule devant la France entière et, au premier chef, devant les retraités qui ont de petites pensions et qui ont du mal à payer leurs factures et leur loyer en début de mois à cause de ce décalage.

Sur un autre sujet, vous avez tout à l’heure, refusé l’idée d’un dépôt d’un rapport, et vous l’accepteriez en cette matière ? Vous connaissez les tenants et les aboutissants : vous êtes donc en mesure de nous dire, dès maintenant, si c’est oui ou non ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. M. Bertrand a fait un bel effort de volontarisme politique, mais il n’est pas allé jusqu’au bout ! Le Gouvernement, tout en lui donnant raison, ne va pas lui non plus jusqu’au bout de la logique qui nous aurait peut-être permis de connaître, dans ce débat extrêmement difficile où nous sommes en désaccord sur l’essentiel, un petit moment de grâce où nous aurions pu nous mettre d’accord sur une façon d’améliorer la vie quotidienne de millions de retraités.

Nous souhaitons sous-amender l’un ou l’autre de ces deux amendements et demander non la remise d’un rapport avant le 31 décembre 2010, mais l’application à cette date du calendrier de versement des retraites que propose M. Bertrand.

Le dialogue entre M. Bertrand et M. Woerth est pour le moins surréaliste – non pour les raisons que l’on pourrait imaginer, mais pour une raison très concrète. M. Bertrand a été ministre des affaires sociales. Il a visiblement fait chiffrer par ses experts le coût de cette mesure. Nous ne sommes donc pas dans le brouillard. Au moins sur cet aspect, nous n’avons pas besoin d’une étude d’impact, et les chiffres qu’il nous a indiqués sont tout à fait crédibles.

M. Woerth est aujourd’hui ministre. Il peut également faire chiffrer la mesure, et l’on s’apercevra alors qu’elle est à portée de main. Cela suppose que le Gouvernement lève le gage et que se dégage une véritable convergence au sein de l’hémicycle.

À ne pas le faire, vous perdriez collectivement une occasion d’être utile dans ce débat qui, par ailleurs, est porteur de beaucoup de mauvaises nouvelles pour les Français. Au nom du groupe socialiste et de l’ensemble des collègues de l’opposition – M. Marie-Jeanne notamment –, nous pourrions proposer un sous-amendement afin qu’une nouvelle date de versement des pensions soit opérationnelle au 31 décembre 2010.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rosso-Debord.

Mme Valérie Rosso-Debord. Je m’étonne du mauvais procès qui est fait à M. Xavier Bertrand et au ministre.

M. Christian Paul. Au contraire, on leur tend la main !

Mme Valérie Rosso-Debord. C’est à croire que vous êtes déçus de n’avoir pas eu la bonne idée de déposer un amendement identique au nôtre, contrairement à vos collègues du groupe communiste !

Mme Martine Billard et M. Roland Muzeau. Du groupe GDR !

Mme Valérie Rosso-Debord. En effet. Excusez-moi.

Vous souhaitez donc vous rattraper en déposant un sous-amendement pour que les socialistes soient associés à cette bonne mesure et montrent ainsi qu’ils ont pensé aux petites gens dont ils parlent beaucoup, mais qu’ils ne doivent pas rencontrer si fréquemment que cela ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Force est de constater que vous n’avez déposé aucun amendement sur ce sujet, monsieur Paul. Vous n’y avez pas pensé, contrairement à Xavier Bertrand ou à Mme Bello !

Si vous voulez vraiment vous rattraper, votez l’amendement de Xavier Bertrand !

M. Patrick Ollier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand.

M. Xavier Bertrand. Il n’est pas forcément douloureux, madame Touraine, de voter ensemble, de façon consensuelle, un amendement, et je préfère retenir les propos de M. Paul ou de M. de Rugy.

J’ai été ministre du travail et de la solidarité de mai 2007 à janvier 2009. Le précédent rendez-vous sur les retraites, nous l’avons eu en 2008, et nous avons alors décidé le passage de quarante ans à quarante et un an. À ce moment-là, la crise financière battait son plein, et nous n’étions pas en mesure de lever sur les marchés les 12 à 14 milliards d’euros de financements supplémentaires nécessaires. Voilà pourquoi nous n’avons pu appliquer cette mesure.

En outre, même quand on est ministre, il faut se battre pour obtenir les vrais chiffres. Ainsi, on m’a d’abord parlé de 12 à 14 milliards d’euros, ce qui était impossible. On a ensuite évoqué le chiffre de 300 millions d’euros. Finalement, en faisant chiffrer la mesure et en croisant les résultats obtenus, on s’aperçoit que le coût réel est – en une fois et une seule – de 60 à 80 millions d’euros.

M. Christian Paul. C’est un peu inquiétant !

M. Xavier Bertrand. Il n’était donc pas possible de faire le nécessaire à l’époque, même en croyant aux vertus du volontarisme. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Monsieur Paul, on ne peut sous-amender cet amendement, car cela poserait un problème juridique. Si l’amendement est ainsi rédigé, c’est pour une double et bonne raison : l’article 40 et le pouvoir réglementaire. (Mêmes mouvements.)

Mme Martine Billard. Tiens donc !

M. Xavier Bertrand. Je prends donc l’engagement accepté par M. le ministre,…

M. Christian Paul. C’est imprudent et précaire !

M. Xavier Bertrand. …mais, si ce rapport peut être remis avant l’échéance prévue, et si le Gouvernement s’engage à appliquer la mesure le plus tôt possible, je serai, comme vous, le plus heureux des parlementaires.

M. Christian Paul. C’est un peu naïf !

M. Xavier Bertrand. Et si nous parvenons, à un moment donné, à nous retrouver sur ce type de sujets, ce sera une bonne nouvelle pour tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. En ce qui concerne une éventuelle rectification de l’amendement, monsieur Paul, je n’ai été saisi d’aucun document écrit.

M. Yves Nicolin. Eh non : ils n’y avaient pas pensé !

M. le président. Par ailleurs, vous pouvez éventuellement demander que soit modifiée la date de remise du rapport, mais vous ne pouvez pas vous dispenser du rapport en transformant entièrement l’amendement. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Si le mot « rapport » disparaît, il ne s’agit plus d’une rectification de l’amendement !

Je vous invite donc à rédiger rapidement le texte que vous proposez, car nous allons passer au vote.

M. Christian Paul. Si vous le permettez, monsieur le président, on pourrait considérer que, puisque la question semble avoir déjà été bien instruite, le rapport peut être remis avant le 31 octobre 2010.

On pourrait en outre ajouter à la fin de l’amendement les mots : « afin que ces dispositifs soient opérationnels au 31 décembre de la même année ».

M. Sébastien Huyghe. C’est du bricolage !

M. Christian Paul. Cela laisserait le temps de prendre les dispositions financières nécessaires dans le cadre du PLFSS.

Nous ferions ainsi preuve de cohérence par rapport à la procédure en vigueur aujourd’hui. Surtout, monsieur Bertrand, l’amendement ne serait plus platonique, virtuel, soumis à la précarité des engagements du Gouvernement actuel, mais serait gravé dans le marbre : ce serait une sortie par le haut, pour tous.

M. Roland Muzeau. Même en Alsace, monsieur Bur !

M. le président. La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur. Devant une si belle unanimité, et puisque M. Bertrand nous indique que la mesure est presque chiffrée, je serais favorable à ce que le rapport nous soit remis le 15 octobre prochain (Exclamations et rires sur divers bancs), ce qui permettrait d’appliquer la mesure dans le cadre du PLFSS.

De deux choses l’une : ou le chiffrage est en effet presque bouclé, auquel cas il ne reste plus qu’à passer aux actes ; ou il ne l’est pas, et, dans ce cas, qu’on nous le démontre ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Qu’en dites-vous, monsieur Bertrand ?

M. Xavier Bertrand. Je suis d’accord avec la rectification proposée. (Exclamations sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. Mes chers collègues, je le répète, il est possible de modifier la date, mais on ne peut évidemment pas faire de cet amendement un moyen de contourner l’article 40.

M. Christian Paul. Sauf si le Gouvernement l’accepte !

M. le président. En ce qui concerne l’échéance, sur proposition de M. Bur et avec l’accord de M. Bertrand, auteur de l’amendement,…

M. Patrick Ollier. Nous sommes d’accord avec M. Bur !

M. le président. …nous pourrions nous rejoindre sur la date du 15 octobre 2010. (Approbations sur divers bancs.)

La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Sans vouloir creuser un fossé infranchissable entre M. Bertrand et M. Woerth, je crois que le Gouvernement s’honorerait, à ce stade du débat, de levant le gage afin de rendre la disposition opérationnelle dès le 31 décembre de cette année. (« Il n’y a pas de gage ! » sur les bancs du groupe UMP.) Tout le monde en serait ravi.

M. le président. Monsieur Paul, il s’agit d’un problème de procédure. Cet amendement n’est pas gagé : il s’agit d’un rapport. On ne gage pas une dépense supplémentaire, on peut éventuellement gager une réduction de recettes. Il n’est pas question de gage.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il y a un règlement, monsieur Paul !

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Monsieur le président, je m’adresse au ministre pour lui demander de prendre cet engagement. Le rapport n’est pas en cause : c’est très bien de faire un rapport, cela permet d’éclairer la décision publique. Mais il nous paraît à tous essentiel que l’application de la mesure soit renvoyée seulement au 31 décembre 2010, et non aux calendes grecques.

M. Sébastien Huyghe et Mme Valérie Rosso-Debord. Au PLFSS pour 2011 !

M. Christian Paul. Si le Gouvernement n’est pas d’accord, qu’il le dise ; mais s’il en est d’accord, qu’il en fasse part à la représentation nationale. Cela vaudra engagement, nous y reviendrons lors du PLFSS, et nous aurons fait œuvre utile : Mme Rosso-Debord retrouvera le sourire ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Deux observations, pour rendre le sourire à Mme Rosso-Debord.

Mme Valérie Rosso-Debord. Elle ne le perd jamais ! (Sourires.)

Mme Marisol Touraine. Vous avez raison, monsieur le président : sur le principe, d’un point de vue juridique, aucun doute n’est possible. En revanche, une question d’ordre politique se pose : le ministre est-il prêt à s’engager, à faire comme s’il levait le gage ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Valérie Rosso-Debord. Il ne peut pas le lever, il n’y en a pas !

Mme Marisol Touraine. Peut-il s’engager – nous n’avons pas entendu ce mot – à ce que le PLFSS pour 2011 comporte une disposition permettant de traduire en actes les bonnes intentions des parlementaires ici présents – qui ne se réduisent pas à de bonnes intentions ?

M. Sébastien Huyghe. C’est du bricolage !

Mme Marisol Touraine. Car cet engagement, dont on se fait l’écho d’un banc à l’autre, n’a pas encore été repris par le Gouvernement.

D’autre part, j’ai été frappée par une phrase de M. Bertrand : on lui a initialement indiqué, disait-il, que la disposition coûterait 14 milliards d’euros. Est-ce le ministre des comptes publics de l’époque qui vous a transmis cette information, monsieur Bertrand ? (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Laurence Dumont. Insolente !

M. le président. Que les choses soient bien claires, mes chers collègues : il n’y a pas de gage. Il s’agit d’un rapport, et le Gouvernement a donné très clairement son avis sur ce rapport.

M. Christian Paul. Nous n’avons pas compris ce que voulait le Gouvernement !

M. le président. Je note qu’à la demande de différents groupes, l’amendement 335 est rectifié afin de modifier la date de remise du rapport, qui devient le 15 octobre 2010, puisque telle est la date qui vous convient, mes chers collègues, ainsi qu’à l’auteur de l’amendement.

M. Christian Paul. Et ensuite ?

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Roland Muzeau. Je me félicite de la réactivité de nos institutions et de nos services. Demander un rapport pour demain matin : voilà qui est formidable ! On n’avait jamais fait une chose pareille. Cela nous ravit, et nous allons voter l’amendement rectifié.

Je rappelle simplement que le présent projet sera peut-être voté mercredi prochain, puis qu’il ira un de ces quatre matins au Sénat (Sourires) ; ensuite, il y aura une CMP, et vous aurez trois jours pour vous vous mettre d’accord. Voilà un bel exemple de rapidité !

M. Yves Nicolin. C’était votre meilleure intervention ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vais donc mettre aux voix l’amendement rectifié… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et le ministre ? Quelle est sa position ?

M. Roland Muzeau. Il est effondré !

M. le président. La parole est à M. le ministre. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Éric Woerth, ministre du travail. Pour une fois que je suis réclamé par la gauche, cela me fait chaud au cœur ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe UMP.) J’observe que je le dois à Xavier Bertrand. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Mais ne vous inquiétez pas, cela ne durera pas : je suis sûr que nous allons reprendre le cours normal de nos relations…

En ce qui concerne l’amendement de Xavier Bertrand, je suis d’accord avec la rectification proposée. Nous pouvons essayer de remettre le rapport pour le 15 octobre prochain. Ce sera moins simple qu’il n’y paraît (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR), car on a vu que les chiffres fournis étaient très variables. Mais si la représentation nationale souhaite que nous lui transmettions pour le 15 octobre des éléments qui permettront éventuellement de prendre des décisions par la suite, je suis naturellement d’accord. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Paul. Et sur l’application du dispositif ?

(L’amendement n° 335, tel qu’il vient d’être rectifié, est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Champagne !

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 144 tombe.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul – pour saluer cet unanimisme inattendu, mon cher collègue ?

M. Christian Paul. Rassurez-vous – ou inquiétez-vous : ce n’était qu’une parenthèse, mais une parenthèse utile pour les Français, raison pour laquelle nous avons très volontiers voté l’amendement.

M. Yves Nicolin. En courant derrière nous, tout de même !

M. Christian Paul. Cela étant, et malgré ce que vous avez dit, monsieur le président, je ne suis pas sûr que nous ayons parfaitement saisi la portée des engagements du ministre, en particulier leur portée calendaire.

Monsieur le ministre, je vous demande donc solennellement de vous engager sur l’application de la mesure avec la même clarté que sur le rapport proprement dit. À défaut – je le regrette pour M. Bertrand –, cet amendement très consensuel resterait purement platonique.

M. Sébastien Huyghe. C’est écrit dans la loi !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est un rapport !

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)