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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Deuxième session extraordinaire de 2010-2011

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 7 septembre 2011

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

1. Questions au Gouvernement

Projet de loi de finances rectificative

M. Michel Vaxès

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement

Crise économique

M. Yvan Lachaud

M. François Fillon, Premier ministre

Situation économique et sociale

M. Jean-Marc Ayrault

M. François Fillon, Premier ministre

Avenir de la Libye

M. Yves Nicolin

M. François Fillon, Premier ministre

Politique fiscale

M. Pierre-Alain Muet

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

Règle d’or

Mme Marie-Christine Dalloz

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement

Dépendance

M. Jean-Luc Préel

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Plan de soutien à la Grèce

M. Nicolas Forissier

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

Emploi

Mme Monique Boulestin

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Rentrée scolaire

M. Éric Berdoati

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Secret des sources des journalistes

Mme Élisabeth Guigou

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration

Filière fruits et légumes

M. Bernard Reynès

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire

Rentrée scolaire

M. Yves Durand

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Amélioration des conditions de vie étudiante

M. Dino Cinieri

M. Laurent Wauquiez, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche

Report de la réforme de la dépendance

Mme Danièle Hoffman-Rispal

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Présidence de M. Marc Le Fur

2. Projet de loi de finances rectificative pour 2011 (suite)

Première partie (suite)

Article 1er C (suite)

Amendements nos 5, 2, 35, 125

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

M. Gilles Carrez, rapporteur général

Après l’article 1er C

Amendements nos 95, 168 rectifié, 136, 114

Rappel au règlement

M. Christian Eckert

Après l’article 1er C (suite)

Amendements nos 158, 159, 160, 12 rectifié, 75, 162, 163 rectifié, 4 rectifié, 11, 185 rectifié, 190 (sous-amendement), 191 (sous-amendement), 192 (sous-amendement), 155

Article 1er et état A

M. Daniel Garrigue

M. Pierre-Alain Muet

Amendement no 198

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement

Seconde partie

Article 1er bis et état B

M. Michel Voisin

M. Bernard Cazeneuve

M. Jean-Pierre Brard

Mme Valérie Pécresse, ministre

Article 2

M. François de Rugy

M. Henri Emmanuelli

M. Jean-Pierre Brard

M. Pierre-Alain Muet

Mme Marietta Karamanli

Amendements nos 47, 48, 49, 50, 51

Avant l’article 3

Amendements nos 124, 123, 97, 107, 111, 27 rectifié, 152

Article 3

M. François de Rugy

M. Jean-Marc Ayrault

M. Michel Liebgott

M. Jean Launay

M. Pierre-Alain Muet

M. Jean-Pierre Brard

M. Michel Vergnier

M. Thierry Benoit

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Jean Mallot

Amendements nos 3, 31, 74, 101, 116, 127, 128, 157, 69, 147

Après l’article 3

Amendement no 6

Article 4

Amendements nos 161, 146, 148, 149

Après l’article 4

Amendements nos 130 rectifié, 67, 169, 197 (sous-amendement)

Explications de vote

M. Pierre-Alain Muet, M. Jean-Pierre Brard, M. Thierry Benoit, M. Jérôme Chartier

Vote sur l’ensemble

3. Suite des travaux

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Projet de loi de finances rectificative

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Monsieur le Premier ministre, les mesures pour lesquelles vous nous avez convoqués sont l’aveu d’un formidable échec. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Door. Ça commence bien !

M. Michel Vaxès. Échec de la stratégie de sauvetage de la Grèce : plutôt que de chercher à responsabiliser les banques, vous persistez à vouloir faire payer la facture de la crise aux peuples en vous faisant les avocats de politiques d’austérité qui portent la menace d’une grave récession.

Échec de votre politique économique : vous nous expliquiez dès 2009 que nous étions en « sortie de crise » et, fin 2010, que la crise était déjà derrière nous. Aujourd’hui, chacun peut constater l’absence de croissance et la progression du chômage.

Alors que, désormais, plus de 8 millions de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté, les revenus des plus riches ne cessent d’augmenter. Les deux tiers de vos réductions d’impôts ont bénéficié aux 10 % des foyers les plus aisés. Les grandes entreprises et les foyers les plus favorisés ont bénéficié de 35 milliards d’euros de baisses d’impôts depuis 2002 et de 10 milliards depuis 2007. L’État doit désormais emprunter chaque année 45 milliards d’euros pour financer votre politique de cadeaux fiscaux.

Dans le même temps, l’entreprise Alstom, à laquelle vous avez consenti 66 millions d’euros de réduction d’impôts, annonce un plan de restructuration qui prévoit la suppression de 351 postes en France. Unilever qui, chaque année, prive l’État de 60 millions d’euros de recettes fiscales, a annoncé de son côté la fermeture de Fralib à Gémenos et la suppression de ses 182 emplois, bien que l’expertise comptable ait confirmé sa rentabilité et la pertinence du projet alternatif proposé par les salariés.

Quand allez-vous enfin prendre la mesure de l’inefficacité et du caractère ruineux des réformes que vous nous proposez ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, le Gouvernement mène aujourd’hui une action résolue pour réduire nos déficits publics et notre dette. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean Glavany. Ça se voit !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le plan anti-déficit présenté par le Premier ministre le 24 août dernier recherche l’efficacité en prévoyant à la fois la réduction du déficit et la protection de la croissance et de l’emploi. (Même mouvement.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C’est un échec !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ce plan recherche également l’équité. C’est pourquoi plus de 82 % des mesures envisagées seront financées grâce à un effort des grandes entreprises et des ménages les plus aisés. (« Mais non ! » sur de nombreux bancs du groupe GDR.)

Monsieur le député, les plus riches disposent – nous pouvons au moins nous retrouver sur ce point – de plus de revenus, de plus patrimoine, notamment immobilier ; c’est pourquoi le plan anti-déficit les fait payer trois fois (Protestations sur les bancs des groupes GDR et SRC), avec la hausse de la fiscalité sur les revenus du patrimoine, avec la hausse des plus-values sur l’immobilier et avec une contribution exceptionnelle de solidarité. (Mêmes mouvements.)

M. Jean-Paul Lecoq. N’importe quoi !

M. le président. Monsieur Lecoq, je vous en prie !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Notre plan est fondé sur une idée de justice et de bon sens. Tous les Français savent qu’ils devront consentir des efforts pour nous aider à réduire les déficits ; mais nous voulons que ceux qui ont plus contribuent plus. (Nouvelles protestations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. Michel Sapin. Ce n’est pas vrai !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Simplement, à aucun moment nous n’avons dit aux Français que c’était en taxant les riches que l’on réduirait le déficit à 3 % du PIB, parce que ce n’est pas la vérité ! (« Si ! » sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Nous n’utilisons pas les riches comme boucs émissaires, monsieur Vaxès ! (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Nous ne disons pas qu’il est inutile de réduire les dépenses parce que les riches paieront pour la diminution du déficit budgétaire, ou de l’assurance maladie. La politique du bouc émissaire n’est pas une politique pour la France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Crise économique

M. le président. La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Yvan Lachaud. Monsieur le Premier ministre, les Français entendent parler de la crise et la vivent. Les Français voient tous les jours, à la télévision, les cours de la Bourse qui dévissent. Les Français apprennent que des menaces pèsent sur l’Italie, sur l’Espagne. Les Français commencent à se poser de sérieuses questions sur la capacité de la Grèce à rembourser ses emprunts. Bref, les Français sont soucieux. Tout va-t-il si mal ? Que peut-il nous arriver, à nous, à nos enfants, à nos emplois ? Voilà ce qu’ils se disent, et nous disent tous les jours.

Monsieur le Premier ministre, vous avez eu le courage, avec le Président de la République, de nous proposer un plan de rigueur, que notre groupe a soutenu. Je veux d’ailleurs souligner que nos propositions – notamment les dernières, adoptées cette nuit, sur les plus-values immobilières – donnent, me semble-t-il, davantage de mesure et de justice sociale à ce plan. Les Français attendent que, dans cette tempête, le Gouvernement fixe le cap pour protéger notre souveraineté budgétaire.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous rassurer les Français sur la volonté du Gouvernement de réduire les déficits publics et de protéger notre pays face aux menaces qui pèsent sur lui, notamment en matière économique et financière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président Lachaud, nous avons connu cet été une amplification de la crise des dettes souveraines. Celle-ci tient d’abord aux délais de mise en œuvre des mesures annoncées le 21 juillet ; elle est liée aux incertitudes qui pesaient en particulier sur la position de l’Allemagne, en raison des recours qui avaient été déposés devant la Cour constitutionnelle, incertitudes qui ont été levées aujourd’hui ; la crise s’est également aggravée parce que la situation de l’économie américaine s’est dégradée et que le débat politique aux États-Unis a donné le sentiment, à tort ou à raison, aux opérateurs qu’une solution était difficile à trouver ; enfin, pour couronner le tout, la croissance s’est ralentie au deuxième trimestre dans l’ensemble des pays développés.

Face à cette situation, le Gouvernement français, sous l’autorité du Président de la République, a réagi. Nous avons commencé par organiser un sommet franco-allemand qui a permis de franchir une nouvelle étape en direction de la mise en place d’un vrai gouvernement économique de la zone euro. À tous ceux qui brandissent la solution des eurobonds comme solution miracle aux problèmes qui pèsent aujourd’hui sur les finances européennes, je voudrais rappeler que le gouvernement économique de la zone euro est le préalable à la mise en place de tout système de mutualisation des dettes et des risques pour les pays de la zone euro. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

À l’occasion de ce sommet franco-allemand, nous avons pris une décision très symbolique : la mise en œuvre, dans le cadre de la convergence fiscale, d’un impôt sur les sociétés commun à la France et à l’Allemagne. Et depuis quelques jours, les pays du Benelux proposent de rejoindre cette initiative.

Nous avons ensuite, sitôt que les chiffres de la croissance ont été connus, révisé les prévisions de croissance française. Nous les avons révisées de façon réaliste, sérieuse, et en même temps ambitieuse, en nous fixant un objectif de 1,75 % de croissance pour l’année 2012. Et naturellement, nous avons pris, pour 2011 et pour 2012, les décisions d’ajustement budgétaire correspondantes.

Tous ces ajustements, ceux dont vous discutez aujourd’hui comme ceux qui vous seront proposés dans le cadre du débat budgétaire sur le prochain projet de loi de finances et le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, s’inscrivent dans le cadre de la politique économique que conduit le Gouvernement. Celle-ci a déjà permis, avec la révision générale des politiques publiques, de réduire de 15 milliards les dépenses de l’État. Elle a permis, avec la suppression de près de 150 000 postes de fonctionnaires, d’engager le processus de réduction des dépenses publiques. Elle a permis, avec la réforme des retraites, de sécuriser notre système de protection sociale.

Aujourd’hui, monsieur le président Lachaud, les opérateurs considèrent que la France est l’un des dix pays qui ont la meilleure signature financière. C’est le fruit de la politique que nous avons conduite. C’est d’ailleurs un démenti à toutes les accusations outrancières portées par l’opposition. La vérité, c’est que cette confiance dans les finances publiques françaises est un bien précieux, un bien que nous devons, ensemble, protéger. C’est un bien qui n’est ni de gauche ni de droite. Et c’est l’honneur du Gouvernement, de la majorité, et, je l’espère, du Parlement tout entier, que de prendre les initiatives qui permettront de protéger les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Situation économique et sociale

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, les Français sont inquiets.

M. Charles de La Verpillière. Ce n’est pas vous qui allez les rassurer !

M. Jean-Marc Ayrault. Le sentiment général est que les crises se succèdent sans que la politique ait prise sur les événements. L’enjeu, pour nous tous, est de répondre à cette interrogation : qui dirige la France, l’Europe, le monde ? Les agences de notation, les marchés financiers, ou les gouvernements, par l’intermédiaire des peuples qui leur ont fait confiance ? Voilà la question que se posent aujourd’hui les Français.

Mais nous connaissons votre réponse. Vous utilisez la crise pour entraîner le pays vers encore plus de libéralisme, alors que ce sont précisément ses excès qui nous ont conduit à cette situation.

M. Dominique Dord. Baratin !

M. Jean-Marc Roubaud. C’est faux !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous utilisez la crise pour affaiblir l’État, rétrécir ses domaines d’intervention, dans la solidarité, la sécurité, l’éducation. Vous utilisez la crise pour taxer encore davantage les Français, tout en épargnant les plus riches.

Vous annoncez une modeste taxe sur les grandes fortunes, qui ne durera que jusqu’en 2013, tandis que vous doublez, à perpétuité, la taxe sur les mutuelles qui frappe tous les Français. Votre politique est si injuste, si indécente, que même les grands patrons français finissent par s’inquiéter de l’image qu’elle renvoie d’eux-mêmes.

M. Dominique Dord. Élevez-vous un peu !

M. Jean-Marc Ayrault. Il existe pourtant une autre voie, celle que nous proposons (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Franck Gilard. Vous nous faites rire !

M. Christian Vanneste. Ça va être beau !

M. Jean-Marc Ayrault. …qui allie initiative européenne de croissance, investissement industriel, innovation dans les secteurs d’avenir, transition énergétique, reconversion des filières, justice sociale et fiscale. Nous voulons un État stratège, un État qui protège.

La question aujourd’hui posée est simple : on continue ou on change ? Je vous le dis, monsieur le Premier ministre : une majorité de Français, nous allons choisir le changement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président Ayrault, ce débat, les Français vont le trancher. Et ils le trancheront sur la base des réalités.

M. Jean Glavany. D’un bilan !

M. François Fillon, Premier ministre. Les réalités, c’est que l’action du Gouvernement et de la majorité a bel et bien permis de protéger notre pays des attaques qui sont en train de mettre en grande difficulté une bonne part des pays européens.

Je le disais à l’instant en répondant à M. Lachaud, nous faisons partie des dix pays au monde dont les finances publiques bénéficient de la meilleure confiance des opérateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Si nous avons connu, comme tous les pays développés, comme les États-Unis, comme les autres pays européens, une forte augmentation de notre endettement depuis trente ans, c’est parce que nous n’avons pas suffisamment réagi à la compétition que nous imposaient inéluctablement les pays émergents. Nous n’avons pas suffisamment réformé notre organisation économique comme notre organisation sociale. Et ce manque de compétitivité, ce différentiel de compétitivité avec les pays émergents, nous l’avons financé par l’endettement. C’est une responsabilité collective : je n’ai pas besoin de rappeler ici le nombre des niches fiscales et sociales dont vous êtes responsables, et celles dont nous sommes responsables.

M. Marcel Rogemont. Cela fait dix ans que vous gouvernez !

M. François Fillon, Premier ministre. Depuis trente ans, dans tous les pays européens, qu’ils soient gouvernés par la gauche ou par la droite, l’endettement a crû.

Aujourd’hui, la question qui est posée, et particulièrement à l’opposition, ce n’est pas que vous renonciez à vos convictions, ce n’est pas que vous renonciez à la bataille électorale que vous avez engagée sur vos arguments ; c’est simplement que, dans une situation aussi périlleuse pour l’ensemble de l’Union européenne, pour l’ensemble des économies européennes, vous preniez quelques engagements qui montrent à l’ensemble de nos concitoyens, à nos voisins européens, aux opérateurs financiers qui nous prêtent aujourd’hui le moyen de financer notre dette, que la confiance dans les finances publiques françaises est une confiance dans la durée.

Pour ma part, je vous demande simplement deux choses : premièrement, renoncez, comme vous ne l’avez pas encore fait, à promettre que vous reviendrez sur la retraite à 60 ans (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC),…

M. Jean Glavany. Occupez-vous de votre politique, pas de notre programme !

M. François Fillon, Premier ministre. …parce c’est une promesse insensée et qui, dans le contexte économique et financier actuel, enlève une grande partie de la crédibilité dont vous pourriez vous prévaloir.

Deuxièmement, engagez avec nous le débat sur l’introduction dans la Constitution de règles qui permettraient de protéger nos concitoyens. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Glavany. Commencez par rétablir les règles que vous avez supprimées !

M. François Fillon, Premier ministre. Personne ne vous demande de dire oui au Gouvernement, sans discussion. Mais, au moins, montrez que vous êtes des hommes et des femmes ouverts au dialogue,…

M. Jean Glavany. La règle d’or sur la CADES, rétablissez-la !

M. François Fillon, Premier ministre. …en engageant avec nous ce débat, parce que c’est un débat fondamental pour assurer la crédibilité des finances publiques de notre pays dans la durée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Avenir de la Libye

M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Yves Nicolin. Monsieur le Premier ministre, alors que 6 660 000 jeunes Français scolarisés dans le premier degré ont fait lundi une rentrée scolaire dans la sérénité d’un pays en paix, près de 300 000 jeunes Libyens vont faire pour la première fois depuis quarante-deux ans leur rentrée scolaire dans un pays libéré de son dictateur.

Ces jeunes Libyens vont ainsi pouvoir découvrir des programmes scolaires expurgés de la propagande de leurs dirigeants.

Ces jeunes Libyens vont enfin, après quatre décennies d’oppression, redevenir des citoyens libres en actes, mais aussi et surtout en pensée.

Mes chers collègues, cette libération, les Libyens la doivent avant tout au courage de celles et de ceux qui, après la révolution de jasmin, ont bravé jusqu’aux derniers fidèles du colonel Kadhafi.

Mais cette libération, les Libyens savent aussi qu’ils la doivent au soutien sans faille de la France, et en particulier à la clairvoyance et à la détermination du Président de la République Nicolas Sarkozy. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Roland Muzeau. Le Grand Leader !

M. Yves Nicolin. C’est donc la France, un pays européen, qui a tendu la main aux nouvelles générations arabes. C’est la France qui, à l’ONU, a obtenu le feu vert à une action de soutien militaire pour éviter le bain de sang qui devait avoir lieu à Misrata. C’est la France encore qui, avec ses forces armées, a mené les actions aériennes. C’est la France toujours qui a reconnu la première le Conseil national de transition comme autorité légitime.

M. Pierre Gosnat. C’est aussi la France qui a accueilli Kadhafi !

M. Yves Nicolin. Grâce au Président de la République, grâce au gouvernement de François Fillon, à ses ministres des affaires étrangères, Alain Juppé, et de la défense, Gérard Longuet, grâce à nos diplomates et à nos militaires, nous pouvons être fiers de l’action qu’a menée notre pays en faveur de la libération du peuple libyen.

Mais la paix, la liberté et la démocratie sont à construire en Libye. Monsieur le Premier ministre, comment notre pays, et l’Europe comptent-ils s’impliquer dans cette nouvelle étape, et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, l’été ne nous a pas apporté beaucoup de bonnes nouvelles, mais il nous a apporté celle de la victoire des insurgés libyens et du peuple libyen contre la dictature.

M. Jean-Pierre Brard. Nicolas baisait la babouche du dictateur il n’y a pas si longtemps !

M. François Fillon, Premier ministre. Je voudrais ici rendre hommage à tous les combattants libyens, et nous savons qu’il y a eu beaucoup de pertes dans leurs rangs. Par leur courage et leur volonté, ils ont obtenu la chute du dictateur Kadhafi. Je voudrais associer à cet hommage les soldats français, et l’ensemble des pays de la coalition qui ont aussi pris des risques pour faire que le droit international soit respecté. (Applaudissements.)

Enfin, je voudrais remercier tous ceux qui, sur ces bancs, dans la majorité comme dans l’opposition, ont apporté leur soutien à l’initiative du Président de la République et du Gouvernement d’intervenir, en particulier pour sauver du massacre la ville de Benghazi, permettant ainsi à la rébellion de s’installer dans la durée, de s’armer et d’entreprendre la reconquête du pays.

Aujourd’hui, nous restons vigilants sur les quelques combats qui perdurent, et nous nous interrogeons sur le sort du colonel Kadhafi, dont nous souhaitons qu’il soit jugé, en Libye et par les juridictions internationales. Mais l’essentiel, maintenant, c’est d’aider le peuple libyen à organiser la transition vers la démocratie, la mise en place d’institutions respectueuses du droit international et du droit des personnes, et la reconstruction du pays.

C’est dans cet esprit que nous avons tenu à Paris, à l’initiative du Président de la République, une conférence qui a rassemblé plus de soixante pays. Nous avons décidé immédiatement le déblocage de 15 milliards de dollars d’avoirs libyens qui seront immédiatement mis à disposition du Conseil national de transition pour qu’il engage les dépenses nécessaires à la reconstruction. Nous avons passé un accord avec le CNT portant sur une coopération immédiate en matière de reconstruction d’écoles et de logements d’urgence.

M. Roland Muzeau. Et de pétrole !

M. François Fillon, Premier ministre. Le CNT s’est engagé sur un calendrier précis pour la mise en place de rendez-vous démocratiques et l’élection d’une assemblée constituante et nous serons très vigilants sur la mise en œuvre de ces engagements.

M. Jean-Pierre Brard. Quelle naïveté !

M. François Fillon, Premier ministre. Ce qui s’est passé en Libye, grâce au peuple libyen et grâce au soutien que nous lui avons apporté, permet aujourd’hui d’envisager des changements très profonds dans le monde arabo-musulman.

M. Roland Muzeau. En Arabie Saoudite ?

M. François Fillon, Premier ministre. La situation qui prévaut aujourd’hui en Syrie est inacceptable, et ce qui s’est passé en Libye devrait faire réfléchir le président Assad.

De la même façon, ce qui vient de se passer en Libye, notamment le fait que les Occidentaux aient été aux côtés des révolutionnaires libyens, doit permettre d’engager une discussion sur la résolution du problème israélo-palestinien dans un contexte qui n’est plus celui de l’affrontement Nord-Sud ni celui du choc des civilisations.

Tout cela, nous le devons au courage du peuple libyen, mais aussi à la clairvoyance du Président de la République et au courage des soldats français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Politique fiscale

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le Premier ministre, vous nous avez fait deux propositions, en réponse je vous en fais trois. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous proposez un plan de rigueur dans lequel vous inventez une multitude de nouveaux impôts : de nouvelles taxes sur la consommation, une nouvelle hausse de la CSG, une nouvelle hausse de la taxe sur les mutuelles.

Monsieur le Premier ministre, au lieu de créer ces nouveaux impôts qui vont peser sur la consommation, l’emploi et la croissance, supprimez les niches fiscales injustes et inefficaces, comme vous le proposent les rapports du Conseil des prélèvements obligatoires et de l’Inspection générale des finances !

Par ailleurs, vous dites que dans la situation actuelle, il faut faire contribuer les hauts revenus. Supprimez donc le cadeau scandaleux que vous avez fait au début de l’été avec la quasi-suppression de l’impôt sur la fortune, qui coûte 1,8 milliard à nos finances publiques. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Quant à la prétendue « règle d’or », qui peut croire qu’il suffirait d’inscrire dans notre Constitution une règle de papier pour réduire demain les déficits, quand votre majorité, en dix ans, a doublé la dette de la France et n’a respecté aucun des critères de bonne gestion, y compris ceux qu’elle avait elle-même fait voter ?

Enfin, vous nous présentez aujourd’hui un collectif budgétaire qui aggrave de 3,4 milliards le déficit de l’année 2011. Eh bien, commencez par supprimer cette aggravation du déficit ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous souhaitez un débat sur la réduction des déficits : nous y sommes prêts, car la réduction de la dette et des déficits, nous, nous l’avons faite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, vous soulevez trois points ; je vais mettre en lumière vos trois contradictions.

Vous posez une première question sur les niches fiscales. Il faut tout de même un culot d’acier pour le faire tout en dénonçant le plan proposé par le Gouvernement, qui a été voté par la représentation nationale dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques, qui s’inscrit dans une stratégie durable comportant un effort de 100 milliards d’euros sur les trois ans à venir pour nous amener à un niveau de déficit de 2 % du PIB en 2014, et qui s’appuie sur un effort déterminé de réduction des niches fiscales. Soyez cohérent : accompagnez la proposition du Gouvernement, ou alors effacez vous-même vos propositions de choc fiscal de 50 milliards et les déclarations de vos différents ténors qui appellent, à la tribune de la primaire socialiste, à la suppression des niches, et contestent le Gouvernement lorsqu’il propose de le faire.

Deuxième contradiction, portant sur la réforme fiscale, notamment sur l’ISF. C’est encore un mensonge, et cette addition de mensonges ne fera pas une vérité. Le bouclier a été supprimé, l’ISF a été aménagé, et c’est une réforme qui, en rythme de croisière, rapportera de l’argent à l’État. À cela s’ajoutent la mesure proposée par le Gouvernement sur les hauts revenus, l’augmentation des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, le débat sur les plus-values immobilières que nous avons eu avec Valérie Pécresse hier dans cette assemblée, ainsi que certaines propositions complémentaires, qui montrent bien que ce plan est équitable et qu’il fait porter sur les épaules de celles et ceux qui ont le plus de moyens l’effort de solidarité nécessaire en période de réduction de nos déficits.

Enfin, sur la règle d’or, je m’appuie sur les déclarations de M. Hollande : il nous a dit qu’il était d’accord pour l’instituer en 2013, il a salué M. Sarkozy et Mme Merkel pour en avoir parlé en 2012, il nous a dit qu’il était d’accord pour réduire les déficits, mais il nous dit : pas tout de suite, pas maintenant, plus tard ! À cela, je réponds : faites-le ici et maintenant, car c’est tout de suite qu’il faut agir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Règle d’or

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ma question s’adresse à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État.

M. Christian Eckert. Et du déficit !

Mme Marie-Christine Dalloz. « Il n’y a pas de meilleure manière de dissiper les incertitudes que d’élever au rang institutionnel le principe de stabilité budgétaire… (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Roland Muzeau. C’est une escroquerie !

M. Jean Glavany. Et la CADES, qu’en avez-vous fait ?

Mme Marie-Christine Dalloz. …pour affirmer devant le monde entier une réalité claire : nous sommes un pays qui rembourse ses dettes et il ne peut y avoir aucun doute à ce sujet ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Qui a fait cette déclaration ? Le porte-parole du groupe socialiste espagnol, José Antonio Alonso. Oui, les députés espagnols ont adopté le vendredi 2 septembre, à une écrasante majorité, l’inscription dans leur Constitution du principe de contrôle du déficit public et de stabilité budgétaire. Ce texte a été adopté par 316 voix pour et 5 contre. Le PSOE, parti majoritaire, et le Partido popular, principal parti d’opposition, ont su nouer un accord, dépassant ainsi leurs conflits partisans pour l’intérêt de leur pays.

Mme Marie-Josée Roig. Eh oui !

M. Jean Glavany. Parlons de la France !

Mme Marie-Christine Dalloz. Avec l’adoption de cette réforme, l’Espagne est le premier pays à répondre à l’appel lancé le 16 août dernier par la France et l’Allemagne, qui ont manifesté le souhait que dix-sept pays de l’Eurogroupe adoptent la règle d’or avant l’été 2012.

Hier, la Commission européenne a salué la décision de l’Espagne. C’est un signe de confiance et de maturité qu’affichent nos voisins ibériques.

M. Jean Mallot. Pourquoi n’allez-vous pas en Espagne, si c’est si bien ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Par ailleurs, le gouvernement italien a annoncé hier l’introduction dans sa constitution du principe de contrôle du déficit public et de stabilité budgétaire.

M. Jean Glavany. Mais vous, vous avez oublié la règle d’or de la CADES !

Mme Marie-Christine Dalloz. L’adoption de la règle d’or en France, dans la crise des dettes souveraines que nous traversons, est primordiale pour garantir notre avenir, notre croissance, mais aussi notre modèle social. Madame la ministre, que pensez-vous de cette nouvelle venant d’Espagne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Madame la députée, la détermination du Président de la République et du Gouvernement à faire adopter la règle d’or est sans faille. C’est une règle de vérité ; c’est dire aux Français quand et comment nous allons revenir à l’équilibre budgétaire.

M. Jean Glavany. Allez-y, faites-le si vous y croyez tant !

Mme Valérie Pécresse, ministre. La règle d’or, c’est aussi la responsabilité : c’est dire que notre objectif de réduction des déficits est intangible et c’est donner au Conseil constitutionnel les moyens de le contrôler.

M. Marcel Rogemont. Quand il y a de l’argent, pas besoin de règle d’or !

Mme Valérie Pécresse, ministre. La règle d’or, c’est enfin la protection des Français : c’est assurer à notre jeunesse qu’elle n’héritera pas de notre dette.

Je le dis aux députés de l’opposition : faites le choix de la vérité, de la responsabilité et de la protection des Français. Regardez ce qui se passe en Europe ! En Allemagne, en Espagne, en Italie, partout les socialistes européens font le choix de l’union nationale. Pourquoi leur tournez-vous le dos ? Écoutez ce que disent les Français : 80 % d’entre eux demandent une règle d’or. Pourquoi la leur refusez-vous ? Pourquoi cherchez-vous toujours des prétextes ? Avec vous, on a l’impression que c’est toujours trop tôt ou trop tard.

M. Jean Glavany. Mais allez-y !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il n’est jamais trop tôt ni trop tard quand il s’agit de l’intérêt général ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Dépendance

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Jean-Luc Préel. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

Le Gouvernement avait annoncé dès la rentrée 2010 une grande réforme de la dépendance avant la fin de l’année. Beaucoup de Français l’attendent.

M. Jean Mallot. C’est fichu !

M. Jean-Luc Préel. Ils attendent que l’on garantisse une prise en charge de qualité des personnes âgées dépendantes, que l’on mette fin à ce véritable parcours du combattant, que l’on accompagne mieux les familles et que l’on soulage les aidants.

Le coût pour les personnes en établissement est très important, avec un reste à charge sans commune mesure avec le niveau des retraites. Qui plus est, les conseils généraux sont étranglés par le coût de l’APA, qu’ils financent en grande partie.

Tout le monde attendait une grande réforme. Une société se juge d’ailleurs en partie au sort qu’elle réserve à ses anciens. Au souci de la dépendance, s’ajoute l’angoisse de ne pouvoir faire face à son financement. La solidarité nationale doit relever ce défi.

M. Jean Mallot. Curieusement, vous n’appelez pas à l’union nationale sur ce sujet !

M. Jean-Luc Préel. Or, madame la ministre, vous avez annoncé hier qu’aucun financement n’était prévu et que les réformes structurelles nécessaires seraient menées sans un centime supplémentaire.

Même si nous n’ignorons pas l’importance de la crise et le niveau de la dette, cette réforme pour le groupe Nouveau Centre est une urgence. Elle doit rester une priorité, même dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons. C’est ce que souhaitent les Français, au nom des principes de responsabilité, de justice sociale et de solidarité nationale.

Madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer que les attentes des Français ne seront pas déçues, conformément aux engagements du Gouvernement et du Président de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur le député, vous connaissez particulièrement bien le problème de la dépendance. Je le dis clairement : la réforme n’est pas abandonnée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Seules les mesures financières les plus lourdes ont été reportées, au nom du principe de responsabilité. L’effort financier massif en faveur des personnes âgées dépendantes va se poursuivre. D’ores et déjà, 25 milliards d’euros sont consacrés à leur prise en charge. Nous avons construit 7 500 nouvelles places en établissements pour personnes âgées dépendantes.

M. Jean-Paul Lecoq. Elles sont mal financées !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour cette année, la progression de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie médico-social a été de 3,80 %, soit 4,4 % pour les personnes âgées.

M. Jean-Paul Lecoq. C’est insuffisant !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cet effort va se poursuivre cette année : 400 millions d’euros d’argent frais seront consacrés aux personnes âgées dépendantes.

M. Michel Issindou. Et la réforme ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mais cette réforme ne se limitait pas à des mesures financières.

M. Jean Mallot. Vous parlez déjà à l’imparfait !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ce sont aussi des mesures d’organisation : accompagnement des personnes en sortie d’hospitalisation, politique menée par les agences régionales de santé, meilleure information des familles qui ont besoin d’être renseignées et rassurées, avec des indicateurs de qualité dans les EPAD, sans oublier un site internet pour améliorer cette information. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Nous allons répondre aux besoins criants des services à domicile dans le prochain PLFSS. C’est la raison pour laquelle j’ai confié à Mme Bérengère Poletti une étude sur ce sujet. Nous leur apporterons des moyens financiers et nous les aiderons à se restructurer.

En ce qui concerne les départements, je note que nous avons créé un fonds d’aide de 150 millions qui est loin d’être consommé. Faut-il y voir le fruit de meilleurs résultats financiers des départements, grâce à l’augmentation de 35 % des droits de mutation à titre onéreux ? Je vous laisse procéder à l’analyse. En ce qui concerne, nous poursuivons la réforme de la dépendance. (Applaudissements sur certains bancs du groupe UMP.)

Plan de soutien à la Grèce

M. le président. La parole est à M. Nicolas Forissier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Nicolas Forissier. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, la période estivale a été marquée par la crise des dettes souveraines et n’a épargné ni les États-Unis, ni certains États européens qui ont fait l’objet d’attaques sur les marchés.

Alors que la nervosité gagnait un certain nombre d’acteurs économiques et financiers, le Président de la République, le Premier ministre, vous-même et le Gouvernement avez réagi avec célérité, précision et volonté. D’une part, en prenant immédiatement un certain nombre de mesures permettant de respecter nos engagements européens en matière de finances publiques – il est évidemment essentiel que la crédibilité de la France quant au respect de ses engagements ne puisse être mise en doute. D’autre part, en prenant des initiatives fortes, avec l’Allemagne de Mme Merkel, pour répondre concrètement aux enjeux essentiels pour l’avenir de l’euro. Je veux à nouveau insister sur le rôle essentiel et décisif joué par Nicolas Sarkozy (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) comme s’accordent à le dire l’ensemble des experts et observateurs internationaux.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Eh oui !

M. Nicolas Forissier. Il faut dire les choses telles qu’elles sont, chers collègues.

Nous sommes réunis pour adopter le plan de soutien à la Grèce, tel qu’il a été décidé le 21 juillet dernier par les chefs d’État et de gouvernement. Ce n’est au demeurant pas ce plan qui est coûteux, c’est l’absence de plan qui aurait été préjudiciable à la zone euro et donc à chacun de nos compatriotes.

Agir pour la Grèce, c’est aussi agir pour tous les Français. Vous avez rappelé hier, monsieur le ministre, que la France était le premier pays européen à mettre en œuvre cette procédure d’adoption. D’autres pays sont plus lents. Un certain nombre de tensions subsistent sur les marchés.

M. Jean Mallot. La question !

M. Nicolas Forissier. Ce vendredi, la France accueillera le G7 des ministres des finances. Pouvez-nous indiquer, monsieur le ministre, quelles sont les initiatives que la France entend continuer à porter pour assurer l’avenir de la zone euro, la stabilité des marchés financiers, la croissance et l’emploi d’une façon générale comme dans notre pays ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Vous avez eu raison, monsieur le député, de mettre en lumière le rôle décisif joué par le Président de la République (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) le 21 juillet dernier, entraînant l’ensemble de nos partenaires européens, et d’insister sur la coordination du couple franco-allemand dans la mise en œuvre des propositions techniques et politiques opérationnelles pour stabiliser la zone euro.

M. Jean-Pierre Brard. Vous le remboursez du banquet de ce midi ? Ce n’est pas nécessaire de dire merci à chaque fois !

M. François Baroin, ministre. La France et l’Allemagne représentant plus de 50 % de la richesse européenne, il est naturel et normal qu’ils soient un élément moteur dans les conditions de définition de cet accord.

Pour mémoire, je rappelle que cet accord confie les moyens nécessaires à un Fonds européen quelque les États apportent des garanties au lieu de se prêter les uns aux autres. Il permet d’intervenir, de stabiliser la zone et de protéger les pays sous programme de soutien – nous pensons à la Grèce, à l’Irlande et au Portugal – et ceux qui sont menacés par des attaques de spéculation.

Vous m’interrogez sur la programmation du G7 des ministres des finances qui doit avoir lieu d’ici à la fin de la semaine. C’est en effet une semaine importante. Il ne s’agit pas de nier la réalité : nous la regardons en face. Nous sommes également attentifs à ce qui s’est passé aux États-Unis, à savoir les conséquences de la dégradation de la note américaine. Nous regardons avec beaucoup d’attention le calendrier, afin d’appliquer le plus rapidement possible les accords du 21 juillet.

C’est la raison pour laquelle la France a souhaité être aux avant-postes de ce calendrier. Nous attendons bien évidemment, demain, l’intervention du président Obama. Vous savez que la Banque centrale européenne s’inscrit dans la perspective d’une communication qui sera utile pour apporter les éléments de stabilité de la zone euro. Le G7 « Finances » mettra en perspective l’ensemble de ces éléments pour adresser des messages de confiance auxquels nous croyons fortement pour la zone euro et des messages qui prépareront aussi la perspective du G20 pour avoir une croissance forte, durable et équilibrée. Telle est la réponse globale attendue cette semaine et dans les semaines à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Emploi

M. le président. La parole est à Mme Monique Boulestin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et. divers gauche.

Mme Monique Boulestin. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

En ces temps difficiles, le moins que l’on puisse dire est que l’emploi n’est décidément pas la priorité de votre Gouvernement ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Précarisation des salariés et remise en cause des droits du travail sont les conséquences directes de votre politique.

M. Alain Gest. Démagogie !

Mme Monique Boulestin. Depuis des mois, nous assistons à l’augmentation du chômage, des emplois précaires, du temps partiel.

Quelques chiffres : le taux de chômage s’élève aujourd’hui en France à près de 10 % de la population active. (« Hélas ! » sur les bancs du groupe SRC.)

En 2009, 250 000 emplois ont été perdus et, pour le seul mois de juillet 2011, on dénombre 36 000 chômeurs supplémentaires. Le chômage a augmenté de plus de 27 % entre juin 2008 et fin 2010. Près de 25 % des jeunes sont aujourd’hui au chômage !

La croissance est au plus bas, mais au lieu de relancer la consommation et de soutenir le pouvoir d’achat des ménages, vous mettez en place un plan de rigueur qui touche principalement les classes populaires et moyennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yves Censi. Vous n’avez rien compris !

Mme Monique Boulestin. Vous refusez d’admettre qu’une autre voie est possible. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pourtant, nous ne cessons de vous présenter des propositions pour relancer la croissance et l’emploi. (Même mouvement.)

Parmi les mesures proposées, je n’en citerai qu’une car elle est emblématique : la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Cela rapporterait 4,5 milliards d’euros qui pourraient être réinvestis dans un véritable retour à l’emploi, alors qu’aujourd’hui cette mesure crée, de fait, du chômage…

M. Jean-Marc Roubaud. C’est faux !

Mme Monique Boulestin. …sans réel bénéfice pour ceux qui réalisent des heures supplémentaires.

Monsieur le Premier ministre, comment comptez-vous stopper cette spirale infernale ? Les Français attendent une vraie politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Madame la députée, si on veut donner de la force à sa question, on ne raconte pas n’importe quoi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. On donne plutôt de la force à sa réponse !

M. Xavier Bertrand, ministre. Le taux de chômage en France ne se situe pas à 10 %, mais – et c’est encore trop – à 9,1 %. Ce n’est pas moi qui le dis. Ces chiffres n’émanent pas du ministère, mais du Bureau international du travail, et n’ont jamais été remis en question.

M. Michel Sapin. Mais ils sont très insatisfaisants !

M. Xavier Bertrand, ministre. Deuxièmement, depuis fin 2009, le chômage a reculé dans notre pays.

M. Michel Sapin. Ah oui ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Il s’établit aujourd’hui, je le répète, à 9,1 %.

M. Michel Sapin. Le nombre de chômeurs ne cesse d’augmenter !

M. Xavier Bertrand, ministre. Par ailleurs, depuis le début de l’année, on assiste à des créations d’emplois. Comme vous le savez, la masse salariale est en augmentation. Ce sont des faits précis. C’est pourquoi nous maintenons notre objectif de passer, dans un premier temps, sous de la barre des 9 %. Pour cela, il y a plusieurs façons de faire. Vous pouvez vous cantonner dans la critique permanente, mais vous pouvez aussi prendre vos responsabilités là où vous êtes en situation de le faire !

M. Bernard Roman. L’emploi relève de votre responsabilité ! C’est votre politique économique qui est en cause !

M. Xavier Bertrand, ministre. Madame la députée, vous êtes élue de la Haute-Vienne. Votre département pourrait cofinancer des contrats aidés plutôt que de laisser les demandeurs d’emploi au RSA ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Nous avons fixé un objectif de 10 % : or, 6 % seulement trouvent une place dans le département de la Haute-Vienne, alors que cela coûterait moins cher au département de cofinancer les contrats aidés avec l’État.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre. D’autre part, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut développer l’apprentissage. Vous y êtes favorable, dites-vous. Alors pourquoi votre région, le Limousin, refuse-t-elle de signer un contrat d’objectifs et de moyens, alors qu’elle a 25 % d’apprentis de moins que ne le souhaite l’État ?

Si vous voulez être crédible, soyez moins dans la critique, et agissez davantage là où vous êtes aux responsabilités ! Nous ferons ainsi reculer le chômage davantage encore ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Rentrée scolaire

M. le président. La parole est à M. Éric Berdoati, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Éric Berdoati. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, 12 millions d’élèves ont fait leur rentrée scolaire dans notre pays lundi dernier. Près d’un million d’enseignants, de personnels d’éducation, de personnels administratifs et de personnels de direction étaient présents pour les encadrer. Contrairement à ce qu’affirment avec malice depuis des mois nos collègues socialistes, verts et communistes, le taux d’encadrement des élèves pour cette rentrée 2011 est supérieur à ce qu’il était il y a vingt ans.

Voilà, chers collègues, la vérité sur la politique menée depuis 2007 par le Gouvernement et amplement soutenue par notre majorité. Il faut le dire et le répéter aux Français qui nous regardent et qui nous écoutent : le budget de l’éducation nationale est en progression de 1, 6 %. Avec 61 milliards d’euros, c’est le premier poste budgétaire de l’État.

M. Michel Vergnier. Heureusement !

M. Éric Berdoati. Monsieur le ministre, pour cette rentrée, vous avez clairement fixé les objectifs à atteindre : faire de la maîtrise des savoirs fondamentaux une priorité absolue et donner dans le même temps à chaque jeune les moyens de construire son parcours de formation pour former ainsi une élite plus nombreuse et plus diverse. Désormais, 70 % d’une classe d’âge est présente au sein des lycées. Cette réussite qu’est l’école pour tous est maintenant confrontée à l’enjeu de la qualité et de l’attention portée à chacun.

Plusieurs réformes sont en cours, mais je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous donniez à la représentation nationale des informations plus spécifiques sur la réforme du lycée. Lundi matin, les élèves du lycée Alexandre-Dumas de Saint-Cloud ont eu la surprise de vous accueillir (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.) aux côtés de leurs enseignants et de leur excellent proviseur, M. Garry. L’échange a été constructif. Pourriez-vous préciser, monsieur le ministre, l’importance de cette réforme ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Mesdames, messieurs les députés, en cette semaine de rentrée scolaire, je voudrais tout d’abord rendre hommage aux 850 000 enseignants, aux 150 000 personnels administratifs ou d’encadrement de l’éducation nationale qui ont permis d’accueillir 12 millions d’élèves dans de bonnes conditions. Si la rentrée s’est bien déroulée, c’est bien grâce à leur professionnalisme.

Vous l’avez rappelé, l’éducation nationale est confrontée au défi le plus difficile mais sans doute le plus passionnant de son histoire : accueillir l’ensemble des enfants de France en faisant en sorte qu’il y ait une solution pour chacun d’entre eux. Nous accueillons 100 % des enfants au collège, 71 % au lycée et notre impératif désormais est de faire en sorte qu’à la sortie du système éducatif, tous aient droit à une solution individuelle. Le défi que nous avons à relever est donc celui de la personnalisation. Toutes les nouveautés de cette rentrée sont guidées par cette idée.

S’agissant de la réforme du lycée, nous mettons en place un accompagnement personnalisé de deux heures par semaine – déjà effectif en classe de première – destiné à la fois aux élèves qui ont des facilités, afin de développer leur potentiel, et à ceux qui ont des difficultés, afin de leur apporter un soutien scolaire. Nous entreprenons aussi une rénovation de la filière technologique, notamment dans la section sciences et techniques de l’industrie, afin de diversifier les voies d’accès à l’excellence : là encore, c’est un signal de personnalisation. La création de 10 000 places en internat d’excellence offre la capacité nouvelle d’accueillir des enfants issus de milieux défavorisés en leur apportant davantage pour qu’ils réussissent grâce à l’école. Ajoutons l’accueil de 13 000 enfants handicapés supplémentaires en milieu ordinaire, qui repose sur un effort considérable mené là encore au titre de la personnalisation des parcours.

Personnaliser, c’est aussi faire confiance aux acteurs locaux en leur donnant davantage d’autonomie dans le recrutement, dans les orientations pédagogiques, comme c’est le cas dans 300 collègues.

En cette rentrée, comme vous le voyez, monsieur le député, nous sommes totalement mobilisés pour relever ce défi de la personnalisation, le défi de l’économie de la connaissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et quelques bancs du groupe NC.)

Secret des sources des journalistes

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Élisabeth Guigou. Monsieur le Premier ministre, il y a un an, le 14 septembre 2010, je vous ai interrogé sur l’enquête menée par les services secrets qui visaient les appels téléphoniques de plusieurs journalistes du quotidien Le Monde s’intéressant à l’affaire Bettencourt. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Franck Gilard. Et Mitterrand ?

Mme Élisabeth Guigou. Je vous avais demandé si les règles légales qui encadrent l’usage des écoutes téléphoniques et des factures détaillées avaient bien été respectées.

Deux ministres avaient répondu. Le ministre de l’intérieur avait affirmé qu’il n’y avait pas eu d’écoutes, sans donner de précisions sur le contrôle des factures détaillées, les fadettes, elles aussi soumises à des autorisations précises. Quant au porte-parole du Gouvernement, M. Chatel, il avait répondu à Aurélie Filippetti que le Gouvernement n’avait jamais porté atteinte à la protection des sources.

M. Jean-Paul Anciaux. Vous êtes payée par Le Monde ou quoi ?

Mme Élisabeth Guigou. Il aura fallu un an et l’enquête d’une juge d’instruction indépendante pour apprendre que les deux ministres ont menti à la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.) Selon Le Monde, l’enquête établit que deux lois essentielles de notre République ont été violées : la loi sur la liberté de la presse de 1881 renforcée par la loi du 10 janvier 2010, qui protège les sources des journalistes, et la loi du 10 juillet 1991 qui soumet à autorisation du Premier ministre et de la Commission nationale de contrôle indépendante, la consultation des fadettes et les écoutes téléphoniques.

Si c’est le cas, les services de l’État ont détourné leur mission d’intérêt général pour protéger les intérêts privés de personnalités du Gouvernement ou de l’Élysée citées dans l’affaire Bettencourt.

Si ces faits sont prouvés, nous sommes devant une affaire d’État. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Patrick Balkany. Vous n’avez pas honte ?

M. Franck Gilard. Et s’ils ne le sont pas, vous vous excuserez ?

Mme Élisabeth Guigou. Je vous pose trois questions :

Les services de l’État se sont-ils procuré les factures téléphoniques détaillées des journalistes sans y être légalement autorisés ?

Le Gouvernement a-t-il donné l’ordre de procéder à des recherches sur les factures détaillées des journalistes ?

Allez-vous autoriser M. Guéant, ministre de l’intérieur aujourd’hui, secrétaire général de l’Élysée il y a un an, qui vient de reconnaître qu’il y a eu des repérages téléphoniques, à être auditionné par la commission des lois ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Mesdames, messieurs les députés, je voudrais tout d’abord rappeler les faits. Chacun se souvient que la presse, lors de l’été 2010, a publié le contenu de procédures judiciaires couvertes par le secret de l’instruction.

M. Jacques Myard. Scandaleux !

M. Claude Guéant, ministre. Sur le fondement de renseignements qui lui étaient parvenus, la direction centrale du renseignement intérieur a estimé qu’un membre d’un cabinet ministériel pouvait à l’origine de ces fuites. Une vérification de communications téléphoniques a alors été entreprise.

M. Christian Bataille. Un « repérage » !

M. François Hollande. Et avec quelles autorisations ?

M. Claude Guéant, ministre. Et les résultats de cette vérification ont été communiqués au procureur de la République. Je dis bien « vérification » des communications téléphoniques, c’est-à-dire vérification de l’existence de communications. En aucun cas il ne s’est agi d’écoutes. Aucune conversation n’a été enregistrée, aucune conversation n’a été entendue.

M. Patrick Balkany. Pas comme du temps de Mitterrand !

M. Claude Guéant, ministre. À ceux qui ont la mémoire courte, je rappellerai que tel n’a pas toujours été le cas dans l’histoire de notre République. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Entre 1983 et 1986, près de 3 000 conversations téléphoniques concernant cent cinquante personnes avaient été enregistrées par la cellule dite de l’Élysée. (Huées sur les bancs du groupe UMP.)

M. Éric Raoult. Qu’en dites-vous, madame Guigou ?

M. Claude Guéant, ministre. À la suite de l’enquête de la DCRI, une plainte a été déposée pour non-respect de la loi relative à la protection des sources des journalistes.

Je dis, très simplement mais très solennellement, qu’il appartient à la justice de dire si l’enquête a été respectueuse du droit ou non.

Mme Annick Lepetit. Tout de même !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Enfin ! Ce serait une bonne chose !

M. Claude Guéant, ministre. Faisons confiance à la justice. Des procès sont instruits dans la presse ou à coup de communiqués. Les insinuations deviennent des vérités et les questions, des certitudes définitives. C’est grave pour le fonctionnement de notre démocratie.

M. Patrick Bloche. C’est vous qui êtes grave !

M. Claude Guéant, ministre. Encore une fois, faisons confiance à la justice ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Filière fruits et légumes

M. le président. La parole est à M. Bernard Reynès, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Reynès. Monsieur le ministre de l’agriculture, la filière fruits et légumes s’effondre : 30 % des exploitations risquent de mettre la clef sous la porte dans les prochains jours.

Ce secteur, et je pèse mes mots, est menacé de disparition. Or la France, nous en sommes tous d’accord, est un magnifique pays, mais, sans les agriculteurs, qui entretiendrait nos paysages ? De plus, notre indépendance alimentaire est en jeu, alors que nous avons les meilleurs produits au monde.

Enfin, le secteur des fruits et légumes contribue, à hauteur de 2,5 milliards d’euros, au déficit de notre balance commerciale. Notre compétitivité s’est effondrée à cause des distorsions de concurrence, même à l’intérieur de l’Union européenne.

Vous devez aujourd’hui, monsieur le ministre, sauver les trésoreries : sans des mesures fortes et immédiates, ce secteur s’écroulera définitivement. Nous connaissons les conséquences que cela aurait sur l’emploi.

Mon rapport préconise la mise en place de la TVA anti-délocalisation à titre expérimental dans le secteur de l’agriculture, le plus touché par les distorsions de concurrence.

Il faut entamer rapidement le chantier de l’harmonisation salariale et sociale par le haut avec nos partenaires européens, ainsi que celui de la préférence communautaire.

Enfin, et dès janvier 2012 – vous vous y étiez engagé, monsieur le Premier ministre, au congrès de la FNSEA –, il faut alléger les cotisations sociales sur le travail permanent, comme l’avaient demandé avec moi Charles de Courson et Jean Dionis du Séjour.

Seule une baisse d’un euro du coût horaire du travail permanent serait significative. Elle peut être financée par une taxe sur les boissons gazeuses à sucre ajouté ou édulcoré qui bénéficient d’une TVA à 5,5 % alors que ce ne sont pas vraiment des produits issus de l’agriculture.

N’est-ce pas là le prix de la solidarité des industriels de l’agroalimentaire vis-à-vis des producteurs, et pour la grande distribution l’occasion de diminuer les marges inconsidérées imposées aux paysans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, le secteur des fruits et légumes a connu, c’est vrai, un été difficile, mais cela fait des années qu’il connaît une crise structurelle.

M. le Premier ministre et moi-même avons donc voulu annoncer aujourd’hui un plan d’action de 25 millions d’euros, qui vise à répondre aux difficultés conjoncturelles mais aussi structurelles de ce secteur. Je sais que vous suivez ces problèmes avec beaucoup d’attention, comme tous les députés ici présents – je voudrais en particulier citer le président du groupe d’études sur les fruits et légumes Jacques Remiller.

Ce plan prévoit un soutien conjoncturel de 15 millions d’euros pour aider les entreprises les plus en difficulté à faire face à la situation qu’elles ont connue cet été, et depuis plusieurs mois. Il prévoit surtout un soutien structurel, afin d’accompagner les exploitations et de leur permettre de se restructurer. Notre pays compte 280 organisations de producteurs de fruits et légumes : c’est intenable si nous voulons mieux commercialiser et mieux valoriser nos productions.

Les relations intérieures à la filière – entre les producteurs, les transformateurs, les distributeurs – ne fonctionnent pas assez bien. Nous voulons plus de transparence sur les marges, afin de redonner aux producteurs de la valeur ajoutée.

Enfin, le coût du travail reste trop élevé par rapport à celui de nos voisins européens. M. le Premier ministre a décidé une exonération totale de charges sur le travail occasionnel ; sur la base de votre rapport, nous allons maintenant nous pencher sur la question du travail permanent dans l’agriculture, afin d’alléger son coût. Notre objectif est de réduire celui-ci d’un euro par heure environ au 1er janvier 2012.

M. Yves Fromion. Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. Tout cela, enfin, ne servira à rien sans une vraie régulation européenne des marchés. Mon homologue espagnole et moi-même avons demandé à la Commission européenne de mettre en place cette régulation, afin de valoriser les produits européens, d’aider à la commercialisation de ces produits, et de mettre en place des fonds de mutualisation qui permettent à la Commission européenne de répondre présent en cas de crise économique, comme elle l’a fait cet été.

Mettre en place la régulation, cela veut dire aussi mettre autant de zèle à défendre les producteurs européens que la Commission en met à défendre le libre-échange et la libre concurrence. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Rentrée scolaire

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Yves Durand. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, nous ne pouvons que vous féliciter pour vos talents d’illusionniste ! Mais votre autosatisfaction coutumière – nous venons encore d’en avoir un exemple – ne peut cacher que nous vivons à nouveau une rentrée scolaire de sacrifices.

Depuis quatre ans, les inégalités scolaires n’ont cessé de se creuser ; votre action, c’est de donner moins à ceux qui ont moins. Il est temps de rétablir une véritable mixité par le rétablissement d’une carte scolaire juste et efficace.

Depuis quatre ans, l’échec scolaire s’est aggravé. Nicolas Sarkozy s’était engagé à faire tomber à 5 % le nombre d’élèves en échec à l’entrée en sixième. En 2011, ils sont plus de 25 % à ne pas maîtriser les fondamentaux à la fin du CM2, contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le ministre.

Faute de moyens, une grande partie des établissements n’applique pas le soutien personnalisé dont vous faites pourtant la pierre angulaire de votre politique.

Vous vantez les mérites d’une école maternelle que tout le monde nous envie. Mais depuis quatre ans, vous en avez fait la première victime de votre politique de suppression de postes. Alors que la scolarisation précoce est essentielle pour faciliter l’apprentissage de la lecture, vous avez fait chuter la scolarisation de 35 % en 2000 à 13 % à peine aujourd’hui. Il est temps de bâtir un véritable service public de la petite enfance, avec l’accueil dès deux ans.

M. Jean-Marc Roubaud. C’est du blabla !

M. Yves Durand. Quant aux jeunes enseignants, vous les contraignez à payer eux-mêmes leur formation en vous obstinant à prétendre que leur métier ne s’apprend pas. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le ministre, les Français aiment leur école mais condamnent ce que vous en faites. Ils refusent le cynisme avec lequel vous vous apprêtez à lui infliger une nouvelle saignée de 14 000 postes à la rentrée prochaine.

Il est temps de refonder l’école en proposant à la nation un nouveau pacte éducatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. En vous écoutant, monsieur le député, je me disais qu’il y avait une grande différence entre nous. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe SRC.) Vous n’avez qu’une seule préoccupation : l’obligation de moyens. Nous nous préoccupons, nous, de l’obligation de résultats ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous êtes enfermé, monsieur le député, dans une idéologie des moyens ; vous ne cessez de demander des postes supplémentaires, des moyens supplémentaires. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Quand j’écoute vos candidats à la candidature aux élections présidentielles, je m’inquiète profondément : dans quel monde vivent-ils, à réclamer des postes supplémentaires pour la rentrée 2012 ?

Cette politique des moyens menée depuis trente ans a-t-elle obtenu des résultats ? Vous le savez très bien, les moyens par élève ont augmenté de 80 % depuis 1980 ; vous le savez très bien, en cette rentrée, il y a 35 000 professeurs de plus qu’il y a vingt ans, alors qu’il y a 500 000 élèves de moins. Parmi les élèves des pays développés, les enfants français sont ceux qui vont le plus à l’école.

Cette stratégie a-t-elle permis d’obtenir de meilleurs résultats ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.) Malheureusement, la réponse est non, monsieur le député !

Pouvez-vous vous réjouir du fait que la France, cinquième puissance économique mondiale, se situe entre la vingt-deuxième et la vingt-sixième place dans les classements internationaux, dans les comparaisons internationales des systèmes éducatifs ?

MM. Michel Issindou, Régis Juanico et Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous êtes au pouvoir depuis dix ans !

M. Luc Chatel, ministre. Ce qui nous intéresse, nous, ce sont les résultats.

M. Christian Bataille. Justement, les voilà, vos résultats !

M. Luc Chatel, ministre. Nous voulons personnaliser, et faire plus pour les élèves qui sont en difficulté.

Je constate que cette politique commence à porter ses fruits. Regardez les évaluations de CE1 : les élèves sont en progrès cette année de trois points dans la connaissance du français par rapport à l’année dernière. Les candidats au baccalauréat professionnel sont également en progrès.

Cette politique finira par payer, parce que l’avenir, c’est la personnalisation des moyens, et non la quantité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Amélioration des conditions de vie étudiante

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dino Cinieri. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche et j’y associe mon collègue ligérien Paul Salen.

Monsieur le ministre, la rentrée, vous le savez, approche à grands pas pour les étudiants, avec toutes les dépenses qu’elle induit : frais d’inscription, de transport, sans oublier la recherche d’un logement dont on sait le coût élevé. Au fil des ans, le logement est devenu le poste principal de dépenses des étudiants, représentant en moyenne 50 % de leur budget annuel.

C’est un sujet particulièrement sensible pour les étudiants et leurs familles, notamment ceux des classes moyennes : je vois bien dans mon département de La Loire qu’elles y consacrent un budget très important.

Dans ce contexte, les mesures que vous avez prises cet été concernant les conditions de vie étudiantes viennent à point nommé. Le 29 août, confirmant une promesse du Président de la République, vous avez annoncé le versement d’un dixième mois de bourse. Enfin, il y a seulement quelques jours, vous avez dévoilé des mesures concernant le logement étudiant, tant sur la construction de nouveaux logements dans la continuité du plan Anciaux, que sur la réduction du coût du logement dans les budgets de nos étudiants.

Nous pouvons tous en témoigner dans cet hémicycle, l’amélioration des conditions de vie étudiante est une condition essentielle de la réussite de nos jeunes. Car si nous comprenons tous la nécessité de mieux gérer nos dépenses publiques, nous ne pourrons le faire au détriment de notre jeunesse.

La France doit préserver la richesse et la qualité de son enseignement supérieur, elle doit continuer à croire et à investir dans sa jeunesse, dans la recherche, faire en sorte que ses étudiants soient dans les meilleures conditions possibles pour réussir leurs études et construire leur projet professionnel.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, pourriez-vous nous détailler les mesures que vous avez prises récemment, ainsi que les modalités de leur mise en œuvre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Laurent Wauquiez, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, l’amélioration des conditions d’études est notre priorité dans cette rentrée universitaire. Faire des études dans l’enseignement supérieur a un coût. Ce n’est pas évident à financer pour les familles, à plus forte raison pour les familles des classes moyennes et modestes.

Nous avons donc essayé de travailler dans deux directions.

Premièrement, pour la première fois, les étudiants percevront cette année dix mois de bourse. L’enseignement supérieur a changé : on étudie désormais à l’université pendant dix mois. Or nous ne versions que neuf mois de bourse ; et surtout, nous n’étions pas présents au moment de la rentrée. Cette année, grâce au versement de ce dixième mois – c’était un engagement fort du Président de la République –, ce sont près de 600 000 étudiants que nous aidons à financer leur entrée dans l’enseignement supérieur et, du coup, à accéder à l’ascenseur social.

La seconde direction concerne le logement dont vous avez rappelé l’action du député Jean-Paul Anciaux en la matière. Vous le savez bien en tant qu’élu du département de La Loire, le logement est le principal poste de dépenses pour nos étudiants. Nous avons donc essayé de construire un dispositif qui ne coûtera rien à l’État dans la mesure où il est entièrement financé par un investissement des banques et de la Caisse des dépôts et consignations. Il repose sur une idée de bon sens : par le biais d’un fonds, nous allons avancer le mois de garanties qui est demandé à nos étudiants. Ce sont ainsi 500 à 600 euros qui seront économisés sur le coût de la rentrée. Par ailleurs, ce fonds se portera caution solidaire pour les étudiants dont les familles ne peuvent pas le faire.

Ce dispositif sera expérimenté sur l’académie de Lyon et Saint-Étienne et sur celle de Lille. Si la réussite est au rendez-vous, l’objectif est de pouvoir l’étendre dès 2012.

En matière de jeunesse, on entend beaucoup de beaux discours, et notamment dans l’opposition.

M. Michel Issindou. Eh oui !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Ici, il ne s’agit pas de paroles, mais d’actes concrets dès cette année. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Report de la réforme de la dépendance

M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Monsieur le président, ma question s’adressait à M. le Premier ministre qui vient de quitter l’hémicycle.

Depuis 2007, la majorité promet aux Français la mise en place d’un cinquième risque visant à améliorer la prise en charge de l’autonomie de nos aînés.

Le Président de la République déclarait il y a seulement sept mois : « Ceux qui me conseillent d’attendre devraient se pencher sur les difficultés inextricables et si douloureuses dans lesquelles sont plongées tant de familles. »

Malheureusement, ceux qui conseillaient d’attendre ont, depuis ce discours d’apparence volontaire, convaincu notre si versatile Président. En effet, le Premier ministre déclarait le 24 août dernier ce que beaucoup craignaient, à savoir un report de cette réforme. Sa décision serait motivée par la crise financière mondiale et par la volonté de ne pas légiférer dans l’urgence.

Madame la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, la réponse que vous venez de donner à M. Préel ne m’a pas convaincue. Vous avez mis en place, il y a six mois, des groupes de travail qui ont fourni des rapports. Peut-être ne voyez-vous pas que le secteur de l’aide aux personnes âgées, sans parler des personnes en situation de handicap, représente un formidable réservoir d’emplois. Peut-être estimez-vous que quatre années constituent un délai trop court pour écrire un projet de loi dont on nous avait dit qu’il serait l’un des grands chantiers du quinquennat.

Comment justifiez-vous aujourd’hui de décevoir les milliers de familles de nos concitoyens qui supportent la montée de leur reste à charge et l’insuffisance des moyens humains ?

Comment le justifier quand l’effort nécessaire pour mener une réforme digne de ce nom est estimé à 4 milliards d’euros, une somme que vous avez déjà gaspillée en baissant la TVA dans la restauration et l’imposition au titre de l’ISF ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Madame la députée, vous avez raison d’appeler l’attention de l’Assemblée nationale sur les difficultés rencontrées par les personnes âgées dépendantes, sujet que vous connaissez particulièrement bien.

Pour l’instant, nous avons renoncé aux mesures financières les plus coûteuses. Mais l’effort financier en direction des personnes âgées dépendantes sera poursuivi et vous aurez l’occasion de vous en rendre compte à travers l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous allons présenter avec Valérie Pécresse.

L’effort est déjà massif : avec près de 27 milliards, la France est le pays qui consacre le plus d’argent aux personnes âgées dépendantes. Nous avons augmenté de 75 % les crédits en direction des personnes âgées dépendantes depuis le début du quinquennat de Nicolas Sarkozy. 7 500 places nouvelles en EPAD sont construites chaque année. Cette année, nous vous proposerons à nouveau au minimum une progression de l’ONDAM médico-social de 3,8 %, ce qui représente une augmentation de 4,4 % des crédits en direction des personnes âgées dépendantes, soit 400 millions d’euros d’argent frais.

M. Henri Emmanuelli. C’est faux !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit également des mesures destinées aux services à domicile car ils sont particulièrement en difficulté, avec une aide à leur restructuration.

Enfin, nous allons continuer la réforme car elle comporte des mesures de réorganisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

2

Projet de loi de finances rectificative pour 2011 (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2011 (nos 3713, 3717, 3718).

Première partie (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant aux amendements de suppression de l’article 1er C.

Article 1er C (suite)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 5, 2, 35 et 125.

Dans la mesure où nous avons eu ce débat avant le déjeuner, je pense que nous pouvons aller vite en ce qui concerne le vote de ces amendements.

L’amendement n° 5 a été déposé par le rapporteur général et plusieurs de ses collègues.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l’amendement n° 2.

M. Jean-Pierre Brard. Je veux bien aller vite, monsieur le président, mais cela dépendra surtout du ministre, dont j’attends des réponses pertinentes.

Le Gouvernement a commis une erreur, à tout le moins une faute d’appréciation, en proposant d’augmenter la TVA sur les parcs à thème. Nous en avons longuement discuté ce matin : il s’agit d’abroger le présent article.

Je souhaite, monsieur le ministre, qui avez une culture classique, livrer à votre réflexion une citation. Mme Lagarde a reconnu un jour qu’elle n’avait jamais lu une ligne de Marx. Je sais que vous en avez lu un petit bout. Aujourd’hui, je vous renvoie à Joseph Stiglitz, qui n’est pas un gauchiste mais a néanmoins quelque expérience dans son domaine. Écoutez bien ce qu’il dit : « L’austérité mène au désastre. Nous savons depuis la Grande Dépression des années trente que ce n’est pas ce qu’il faut faire. » Pour que vous puissiez poursuivre votre réflexion lors des longues soirées de solitude, je vous invite à lire son ouvrage le Triomphe de la cupidité. C’est tout un programme, et vous y retrouverez certainement plusieurs de vos fréquentations !

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli, pour soutenir l’amendement n° 35.

M. Hervé Novelli. J’ai déposé cet amendement de suppression en tant qu’ancien secrétaire d’État du tourisme,…

M. Jean-Pierre Brard. Un secrétaire d’État regretté ! Je me demande pourquoi on ne l’a plus !

M. Hervé Novelli. …et il a été adopté par la commission des finances à une majorité extraordinaire. Au-delà de tous les aléas politiciens qui ont entouré mon amendement, je voulais faire toucher du doigt à nos collègues combien l’activité touristique est très importante pour notre pays. Je voulais aussi leur montrer que les habitudes des touristes ont changé, car le raccourcissement et le fractionnement des périodes de vacances font que de plus en plus nombreux sont ceux qui préfèrent passer trois jours dans une région en organisant leur séjour autour de la fréquentation d’un parc. C’est donc l’émergence d’une activité très importante qui aurait été handicapée par le renchérissement du droit d’entrée dans les parcs à thème. Après l’adoption de l’amendement par la commission des finances, j’attends, bien sûr, la position du Gouvernement. On me dit qu’il serait prêt à tenir compte de la position unanime de la commission,…

M. Dominique Baert. Il n’a pas vraiment le choix !

M. Hervé Novelli. …et je sais qu’il a l’intention de transférer cette taxation vers une autre activité touristique. Aussi, je pose la question : y a-t-il un ennemi du tourisme au Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Vous n’y allez pas par quatre chemins !

M. Jean Mallot. Ne serait-ce pas M. Lefebvre ?

M. Hervé Novelli. Dès qu’une taxe sur les activités touristiques est supprimée, on s’empresse de taxer une autre activité du même secteur. Peut-être aurait-on pu élargir le champ de vision, ce qui aurait évité de stigmatiser inutilement une activité très importante pour notre pays. En tout cas, je l’ai compris ainsi quand, en charge de ce secrétariat d’État, je me suis vu fixer un certain nombre d’orientations visant à affirmer notre ambition touristique.

Je constate que de mauvais signaux sont parfois envoyés, mais j’attends les arguments du Gouvernement.

M. le président. L’amendement n° 125 est défendu.

La parole est à M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les députés, tout a été dit sur cette question, et les positions des uns et des autres largement éventées. Monsieur Novelli, vous savez l’estime que j’ai pour vous, je l’ai affirmée en de nombreuses occasions lorsque j’étais parlementaire de la majorité et vous au Gouvernement. Ce n’est pas parce que les rôles sont inversés que le Gouvernement ne soutient plus le tourisme et que vous êtes désormais dans l’opposition.

M. Hervé Novelli. Pas encore ! (Sourires.)

M. François Baroin, ministre. L’équilibre de nos positions est plus subtil que cela, vous le savez.

Je veux rendre hommage à votre action au Gouvernement en faveur d’un tourisme qui porte haut et fort les couleurs d’un savoir-faire à la française, mais aussi du développement d’une industrie de main-d’œuvre forte pourvoyeuse de devises, puisque nous sommes la première destination au monde. Rien dans les mesures de ce plan, dont je rappelle tout de même qu’il vise à atteindre les objectifs intangibles de réduction des déficits, n’est de nature à mettre en cause les impulsions et les initiatives destinées à protéger le pouvoir d’achat et à assurer la compétitivité de notre économie dans toutes ses filières et tous ses secteurs.

La problématique de la TVA à taux réduit ne concerne pas que les hôtels. On aurait pu en débattre pour les parcs d’exposition, par exemple, et vous auriez été fondé, en votre qualité précédente, à dire que la relever ne serait pas une bonne idée, car cela altérerait la cohérence territoriale et aurait un mauvais impact économique sur nos territoires. La problématique aurait également pu être posée, comme je l’ai lu ici ou là, s’agissant de la restauration, ou encore des forains puisqu’ils bénéficient exactement du même dispositif. Dans la liste des activités soumises à la TVA à taux réduit, les choix qui ont été faits sont calibrés et équilibrés.

Le débat est derrière nous ; la commission des finances, appuyée par une large partie de vos collègues, a soutenu ces amendements de suppression. Je n’ai pas considéré que ce débat était à la hauteur des enjeux, mais l’histoire est terminée, elle est derrière nous, et le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

M. Dominique Baert. Je l’avais bien dit !

M. François Baroin, ministre. S’agissant du financement de remplacement, je remercie la majorité d’avoir toujours été au rendez-vous de la responsabilité et de l’exigence pour faire en sorte que les mesures d’économies accompagnées et additionnelles puissent atteindre les montants nécessaires à la réduction de nos déficits. C’est un objectif partagé. La substitution qu’elle a proposée s’inscrit dans le champ voulu par le rapporteur général puisque la compensation porte, elle aussi, sur un taux réduit de TVA. L’initiative n’est pas gouvernementale, et je remercie la représentation nationale, en particulier la majorité, d’avoir été à l’origine de cette contre-proposition. Pour des raisons techniques, le Gouvernement l’a reprise, mais j’espère que nous l’accompagnerons tous ensemble, exécutif et majorité réunis.

M. Michel Vergnier. C’est très habile !

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Ces amendements de suppression ont été acceptés par la commission des finances.

(Les amendements identiques nos 5, 2, 35 et 125 sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’article 1er C est supprimé et l’amendement n° 20 n’a plus d’objet.

Après l’article 1er C

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 95.

La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Jean-Paul Chanteguet. Nous parlons beaucoup des niches fiscales et de la suppression de certaines d’entre elles. Je rappelle que, l’année dernière, les niches fiscales vertes ont été rabotées de 10 %, voire de 50 % pour celles qui concernent les équipements photovoltaïques. Cependant, on n’évoque pas les niches fiscales grises, qui sont défavorables à l’environnement et qui, selon un rapport du Sénat, représentaient en 2009 plus de 5 milliards d’euros.

Cet amendement vise donc à supprimer l’exonération de taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers dont bénéficient jusqu’à présent les carburéacteurs, qui représente une dépense fiscale de plus de 1,3 milliard d’euros, pour les seuls vols intérieurs. Cette exonération, mise en place en 1928, a, depuis lors, largement perdu sa justification, d’autant que le transport aérien représente le mode de déplacement le plus polluant en matière d’effet de serre.

Cette suppression s’inscrit dans le cadre des réflexions communautaires sur la remise en cause des exonérations accordées au transport aérien. Elle est une réponse directe à la demande exprimée, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, de rétablir le vrai coût du transport aérien, notamment avec une taxe sur le kérosène des vols domestiques concurrents du train.

En limitant la fin de l’exonération aux vols intérieurs, cet amendement propose une disposition immédiatement applicable quelle que soit l’avancée des négociations internationales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable. M. Chanteguet en a fourni lui-même la raison puisqu’il a dit que cette question se pose dans le cadre communautaire, ce que je ne peux que confirmer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Monsieur le rapporteur général, c’est toujours ce qu’on nous répond, mais c’est faux.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ah non !

M. François de Rugy. Je rappelle que, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, vous avez pris des engagements. Je sais bien que cela ne vous dit plus grand-chose et que vous avez même dû complètement oublier ce que c’était depuis que le Président de la République a dit : « L’environnement, ça commence à bien faire ».

Nous, nous avons pris au sérieux le Grenelle de l’environnement. Il a été négocié par les associations et par les professionnels et, dans ses conclusions, il était écrit noir sur blanc que serait taxé le kérosène sur les vols intérieurs en concurrence avec le TGV – il y en a un certain nombre dans notre pays. La portée de cet engagement était très limitée, dans le même esprit que l’amendement de notre collègue Chanteguet que nous soutenons à 100 %. Une telle mesure n’a donc rien à voir avec une quelconque démarche communautaire ; elle peut être prise dès demain en France métropolitaine. Cela permettrait de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’État tout en ayant un intérêt écologique. Je ne vois donc vraiment pas ce qui vous empêche de donner un avis favorable, sauf si, encore une fois, vous voulez favoriser un mode de transport qui, de surcroît, est le moins utilisé par nos compatriotes.

M. le président. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Je partage l’argumentation développée par Jean-Paul Chanteguet et François de Rugy. Monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, vous nous faites souvent le reproche de ne pas présenter de propositions. Pour le coup, en voilà une concrète : 1,3 milliard, ce n’est pas rien à l’aune de l’ensemble des dispositions de ce projet de loi de finances rectificative !

Nous avons la capacité de présenter et nous présentons des propositions concrètes. On ne peut pas les évacuer d’un revers de main au fil de la discussion ! Nous reposerons ce problème en temps voulu.

(L’amendement n° 95 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 168 rectifié.

La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. C’est un amendement dont chacun pourra apprécier la construction soignée.

Tout d’abord, il prévoit de majorer l’impôt sur les sociétés à hauteur de 40 % pour les compagnies transformant le pétrole brut ou distribuant le carburant lorsqu’elles auront réalisé, au sens de l’article 209 du code général des impôts, une augmentation de leurs bénéfices de 20 %. Cette disposition a évidemment pour but de limiter la hausse du prix des carburants, qui touche l’ensemble de nos concitoyens, et de contenir l’augmentation des profits des compagnies pétrolières. Je vous rappelle que Total, bénéfice mondial consolidé ou pas, ne paye pas d’impôt sur les sociétés en France alors qu’elle réalise un bénéfice de 14 milliards d’euros.

Ensuite, l’amendement propose qu’elles puissent récupérer une partie de cet impôt supplémentaire, dans la limite de 25 %, si elles provisionnent pour développer la recherche dans les énergies renouvelables ou les moyens modaux alternatifs au transport routier.

C’est un amendement de bon sens qui, dans cette situation difficile que le Gouvernement a créée, ne peut que rapporter à l’État, provoquer une baisse du prix des carburants et éventuellement, si les compagnies pétrolières ne veulent pas payer la surtaxe, favoriser le développement des nouvelles énergies et des transports alternatifs multimodaux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. Je rappelle à M. Eckert que nous avons créé une contribution exceptionnelle du secteur pétrolier, y compris de Total, de 163 millions d’euros dans le collectif du mois de juin.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Monsieur le rapporteur général, la contribution exceptionnelle de Total existe certes, mais, au regard des montants en termes d’impôts non payés et de bénéfices accumulés par cette société depuis plusieurs années,…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pas chez nous !

M. Jean Launay. …au regard aussi des 12 milliards d’euros de ce collectif budgétaire, votre réponse est un peu courte. Avec cet amendement, nous sommes au croisement de la fiscalité écologique et de la morale en matière d’impôt sur les sociétés. Il aurait mérité que lui soient consacrés un meilleur débat et plus de temps pour vraiment approfondir ces questions. Encore une fois, vous voyez que nous ne sommes pas à court de moyens pour réorienter le budget dans le sens d’une plus grande morale publique et d’une plus grande efficacité économique.

(L’amendement n° 168 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 136 et 114, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir l’amendement n° 136.

M. Daniel Paul. Les processus de libéralisation et les progrès technologiques en matière de télécommunication ont contribué à augmenter le volume et la vitesse des transactions. Parallèlement, la volatilité s’est considérablement renforcée : beaucoup de placements sont désormais à court terme, conformément à la vision court-termiste qui préside à l’activité des marchés. La spéculation prend des proportions inquiétantes et la sphère financière connaît un double processus d’autonomisation et de virtualisation. Les sinistres financiers qui frappent actuellement les États européens les uns après les autres sont en grande partie dus à ces mouvements rapides où l’on vend et revend en toute hâte des titres ou des devises que l’on vient d’acheter.

La seule mesure véritablement efficace pour lutter contre cette volatilité des capitaux, synonyme de misère sociale et de désindustrialisation, est l’instauration d’une taxe sur ces transactions à court terme.

Cet amendement vous offre la possibilité de mettre en œuvre immédiatement une taxe Tobin au taux modeste de 0,08 %, qui ne devrait pas effaroucher le moindre trader et qui devrait intéresser le ministre de l’économie que vous êtes.

Comme le dit Tobin lui-même, il faut de toute urgence « placer des grains de sable dans les rouages de la spéculation. »

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour présenter l’amendement n° 114.

M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement est à la fois un amendement d’appel et de rappel. Nous avons déposé avec nos collègues du SPD, dans nos deux parlements, une résolution demandant à nos gouvernements respectifs de déposer le plus vite possible une procédure mettant en œuvre une taxe sur les transactions financières, si possible à l’échelle de l’Europe, sinon à celle de l’Eurogroupe ou, à défaut, à celle d’un groupe de pays pionniers, comme le permettent les coopérations renforcées.

Au vu de toutes les réflexions développées au cours des deux dernières années sur la taxation de l’ensemble des transactions financières, notamment au Parlement européen, nous savons très bien que le taux pertinent se situe autour de 0,05 %. Ce taux nuit très peu aux transactions effectives qui correspondent au commerce international et au fonctionnement normal de l’économie mais décourage énormément les produits spéculatifs, notamment tous les produits dérivés qui ont de forts effets de levier.

Nous déposons cet amendement pour rappeler qu’il est urgent d’avancer sur ce sujet sans attendre que l’Europe entière avance. Nous savons très bien que cela ne se fera pas immédiatement à l’échelle de l’Europe, mais peut-être, et difficilement, à l’échelle de la zone euro.

Cela aurait tout à fait un sens pour un ensemble de pays autour de la France et de l’Allemagne, puisque c’est un sujet consensuel – je rappelle que la résolution a été adoptée à la quasi-unanimité de cette assemblée –, pour une raison très simple : les transactions financières qui seraient découragées et qui quitteraient nos pays seraient, pour l’essentiel, des transactions spéculatives donc nuisibles. Au total, les pays pionniers dans ce domaine s’en porteraient plutôt mieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable sur ces amendements bien connus, pour les raisons déjà évoquées lors des examens du précédent collectif et de la loi de finances initiale, au cours des derniers mois.

M. Jérôme Lambert. Depuis, rien n’a changé bien sûr !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. On peut dire, monsieur le rapporteur général et monsieur le ministre, que vous traitez le sujet rapidement. Enfin, il se passe quand même un certain nombre de choses ! Sans revenir dessus, je vous ferai remarquer que, depuis la crise de 2008, il y a eu six G 20 et qu’aucune mesure de régulation sérieuse n’a été prise vis-à-vis des acteurs financiers. Ni sur les CDS sur les titres souverains, ni sur les ventes à terme de certains titres financiers, ni sur la réglementation du secteur bancaire entre banques de dépôts et banques d’affaires, rien n’a été fait. Sur les paradis fiscaux, on nous a gentiment promenés et cela continue plus fort qu’avant.

Or une résolution a été votée, y compris par vous, au mois de juin. Je ne vous demande pas de reprendre toute la séquence, monsieur le ministre, et de répondre sur tous les sujets que je viens d’évoquer. Mais pourriez-vous nous dire si, oui ou non, le Gouvernement a l’intention de faire voter ce texte qui a été adopté par l’ensemble des parlementaires ici présents ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 114, je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Henri Emmanuelli a fort bien rappelé qu’une résolution avait été adoptée et nous aimerions que vous nous donniez une date, un échéancier, monsieur le ministre de l’économie ou madame la ministre du budget. C’est bien beau de nous promener, pour reprendre l’expression de mon collègue, de mois en mois. Ce n’est jamais le moment, si on écoute le rapporteur général qui est à court d’argumentation. C’est donc le premier point : il nous faut une date.

Deuxième point : vous avez sans doute vu que les États-Unis s’apprêtent à adopter des mesures contre la spéculation haute fréquence, celle qui consiste à échanger des milliards en allant jusqu’à rapprocher les salles de marché des banques pour gagner la nanoseconde qui fera passer avec un meilleur algorithme devant les autres. Cette spéculation haute fréquence ne rapporte rien à l’économie réelle, rien du tout ! Une taxe sur les transactions financières serait un bon outil pour faire disparaître cette gangrène qui aspire certains fonds dans des spirales dont on ne sait plus très bien où elles commencent mais dont on voit à peu près bien où elles finissent.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Je suis quand même un peu surpris, car je crois avoir entendu, au lendemain du dernier sommet franco-allemand du mois d’août, affirmer que toutes les modalités d’un projet de taxe sur les transactions financières seraient présentées avant le mois de septembre. Nous y sommes et nous n’avons rien vu venir.

Rappelons que cette taxe n’est tout de même pas un gadget. Elle présente deux intérêts. Le premier est financier, car, même si son taux est très faible, une telle taxe peut finir par procurer des ressources relativement importantes quand elle s’applique à des opérations qui se renouvellent à un rythme quelquefois quotidien. Surtout, elle permet une traçabilité et une connaissance des opérations qui sont ainsi conduites.

J’attire l’attention sur un point : l’enregistrement de toute une partie des opérations qui se font actuellement de gré à gré et qui échappent à tout contrôle. Pour que l’on puisse suivre ces opérations, il faut modifier la directive européenne sur les marchés financiers, la directive MIFID. Malheureusement, je constate que le projet de révision de la directive MIFID n’a même pas encore été présenté à ce jour.

Il est urgent que l’on avance sur ce dossier qui est extrêmement important si l’on veut lutter avec efficacité contre la spéculation. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous allons passer au vote des amendements…

M. Christian Eckert. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Monsieur le ministre, je suis surpris que vous ne daigniez pas répondre à des questions précises.

Notre assemblée a voté, à l’unanimité je crois, une résolution qui demandait au Gouvernement de mettre en œuvre cette disposition dont on lit, ici ou là, qu’elle figure parmi les priorités du Président de la République et de la Chancelière allemande.

Je ne peux pas admettre que vous ne répondiez pas et que vous ne nous donniez pas ne serait-ce qu’une ébauche de calendrier et un engagement plus clair que les discours extrêmement réduits que vous faites ici devant la représentation nationale.

Il ne s’agit pas d’une petite affaire, nous l’avons dit. Une telle taxe peut dissuader la spéculation haute fréquence et, en outre, procurer un rapport financier très significatif se chiffrant en dizaines de milliards d’euros – ce n’est quand même pas rien –, même si le taux est fixé à 0,05 %.

Monsieur le président, soit le ministre daigne nous répondre sur cette question précise, soit je demanderai une suspension de séance au nom de mon groupe.

Après l’article 1er C (suite)

M. le président. Nous allons d’abord procéder au vote sur ces deux amendements, en commençant par le vote à main levée sur l’amendement n° 136. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n° 136 n’est pas adopté.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’amendement n° 114.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 206

Nombre de suffrages exprimés 205

Majorité absolue 103

(L’amendement n° 114 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. Ce n’est pas la peine de s’énerver. Je n’avais pas compris qu’il y avait une pression aussi exigeante sur un calendrier que vous connaissez et sur lequel j’ai déjà exprimé la position du Gouvernement.

M. Henri Emmanuelli. Vous ne répondez à rien !

M. François Baroin, ministre. Il n’y a pas matière à interruption ou à incident de séance.

Il est faux de dire, monsieur Emmanuelli, que rien n’a été fait sur cette problématique de la régulation financière, de la mise en œuvre d’un cadre pour créer des éléments de protection et pour éviter les dérapages que nous avons connus et qui ont entraîné – votre analyse est exacte – une bonne partie de la crise 2008-2009.

Plusieurs rendez-vous du G 20 ont eu lieu. Ces sommets ont montré la coordination entre les pays dits avancés et les puissances émergentes qui, en réalité, sont désormais des puissances économiques en tant que telles et avec lesquelles nous discutons au même niveau de responsabilité.

L’un des enjeux de la présidence française du G 20 qui aura lieu à Cannes, début novembre, est de décliner dans les textes nationaux toutes les mesures qui ont été prises au niveau international sur la régulation financière.

S’agissant des paradis fiscaux, il y a eu des avancées importantes, significatives. Nous allons poursuivre. Mon ministère tient à votre disposition tout ce qui s’est fait dans le monde à la suite des différents G 20 qui ont traité de cette question.

S’agissant des dérivés, nous avons mis à l’ordre du jour la possibilité de décliner ce que les Américains ont mis en place au niveau de l’État fédéral – le Dodd-Frank Act –, et nous souhaitons, avec la Commission européenne, proposer des directives sous l’égide de Michel Barnier. Il s’agit de mettre en place des éléments de régulation concernant les agences de notation et des dispositifs d’encadrement des produits dérivés.

Il est incontestable qu’une réflexion est actuellement en cours…

M. Christian Eckert. Une réflexion !

M. Jean Mallot. Un groupe de travail !

M. François Baroin, ministre. …et qu’elle est partagée par beaucoup d’acteurs,…

M. Christian Eckert. Ils rigolent tous !

M. François Baroin, ministre. …afin d’engager une initiative collective au moment du G 20 de Cannes sur cette problématique des dérivés et des produits spéculatifs. Cela ne représente pas quelques dizaines de milliards. En réalité, ce sont 700 000 milliards de dollars qui circulent dans le monde

M. Henri Emmanuelli. Douze ans de PIB mondial !

M. François Baroin, ministre. Oui, c’est à peu près cela. Le PIB international, c’est entre 70 000 et 90 000 milliards de dollars ; on est aujourd’hui à 700 000 milliards de dollars pour ces produits dérivés. Et nous avons les mêmes interrogations, car ce n’est pas une affaire de politique droite-gauche mais un constat d’évidence : nous ne voulons pas laisser faire et se reproduire ce qui a entraîné une partie de l’économie mondiale dans une large récession.

Voilà pour le bloc « régulation financière ». Nous avons des éléments sur la table et nous discutons avec nos partenaires.

M. Christian Eckert. Et pendant que vous discutez, le PIB tourne !

M. François Baroin, ministre. Je me suis moi-même rendu en Chine aux côtés du Président de la République, je suis allé au Brésil quelques heures plus tard pour discuter avec mon homologue brésilien. Nous discutons de toutes ces problématiques pour essayer de maîtriser l’ensemble.

À l’ordre du jour de cette présidence française, il y a des discussions sur la croissance durable et équilibrée qui intègrent les problématiques de liquidités mais également de monnaie.

Cela nous amène directement au deuxième thème : le système monétaire international avec la problématique de la monnaie chinoise et l’éventuelle évolution à terme d’un sentier d’intégration de ces grandes monnaies qui représentent désormais de grandes économies dans le panier des droits de tirage spéciaux.

Monsieur Eckert, je ne vous oublie pas dans ma réponse, que j’espère considérée comme respectueuse – c’est bien la moindre des choses – tout en précisant que mon silence n’était pas une mauvaise manière mais une volonté d’aller à l’essentiel du texte qui nous rassemble. Comme M. Emmanuelli, vous avez soulevé le point particulier de la taxe sur les transactions financières.

Nous avons deux calendriers synchrones et deux sujets de discussion sur deux périmètres parallèles mais qui vont trouver leur coordination. L’un est l’impulsion donnée par le Président français et la Chancelière allemande à l’échelle de la zone euro pour proposer, sur la base d’un axe franco-allemand, à nos partenaires et à la Commission, les modalités d’une taxe sur les transactions financières. L’idée étant évidemment qu’elle s’applique dans les vingt-sept pays de l’Union européenne et pas uniquement dans les dix-sept pays de la zone euro.

M. Henri Emmanuelli. Quand ?

M. François Baroin, ministre. Le calendrier est connu : nous souhaitons aboutir pour 2013.

M. Christian Eckert. Vous plaisantez ?

M. Henri Emmanuelli. Nous serons morts !

M. Yves Censi. Mais non, vous serez toujours là !

M. François Baroin, ministre. Nous discutons avec nos homologues allemands sur l’assiette, le taux, l’opérateur chargé de prélever cette taxe, et son affectation – le budget de la Commission ou les budgets nationaux ? Tout cela est actuellement en discussion. Nous souhaitons, au tout début de l’automne, formuler des propositions complémentaires de celles portées par la Commission.

Cette taxe sur les transactions financières fait aussi partie des points à l’ordre du jour de la présidence française du G 20. Ce serait nier la réalité de ne pas dire que cette question ne fait pas consensus notamment du côté des Anglo-Saxons.

M. Henri Emmanuelli. Ils ne sont pas dans l’euro !

M. François Baroin, ministre. Nous allons poursuivre nos discussions, puisque nous aurons l’occasion de l’évoquer avec les ministres des finances du G 7, puis à Washington lors des assemblées générales du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, puis lors du G 20 finances dans le courant du mois d’octobre.

La détermination de la France est connue de tous, de même que celle d’une partie des pays de la zone euro, notamment l’Allemagne. Nous devons poursuivre ce travail de conviction qui finira bien par se traduire dans les faits, même si nous avons encore du chemin à parcourir.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 158.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, qui défendra peut-être également les deux amendements suivants, nos 159 et 160, inspirés par la même logique.

M. Jean-Pierre Brard. Ce sera difficile, monsieur le président, car, vous le savez, nous travaillons collectivement et nous nous partageons la réflexion et la défense des amendements.

Daniel Garrigue me permettra d’exprimer ma surprise à propos de la candeur dont il fait preuve malgré toute son expérience. Il ne fallait évidemment rien attendre des démonstrations publiques ostentatoires de Nicolas Sarkozy et de sa collègue Angela Merkel de Germanie : rien n’en est sorti en ce qui concerne les transactions financières, en dépit de ce que vient d’affirmer M. le ministre. Ce n’est pas un petit taux de rien du tout qui y changera quoi que ce soit. Si l’on veut empêcher ou dissuader des mouvements erratiques, violents, rapides, il faut un taux relativement fort.

Pour en venir à la défense de l’amendement n° 158, je rappelle que les banques réalisent des bénéfices gigantesques. Ainsi, la Société générale, qui vient de se faire accrocher, a engrangé près de 4 milliards d’euros de bénéfices, et la BNP près de 8 milliards d’euros, au titre de l’année 2010. Si ces banques empochent de si gros bénéfices, c’est parce qu’elles consacrent la majeure partie de leur activité à la banque dite d’investissement, c’est-à-dire qu’elles s’adonnent à la spéculation et à la destruction de notre économie réelle, au détriment de leur activité première, le service de leurs clients.

Pour supprimer fortement l’intérêt des banquiers à spéculer et contribuer au financement du budget de la nation, nous proposons la création d’une contribution d’un montant de 25 % des bénéfices réalisés par les banques d’investissement. De toute façon, dans le moyen terme, ce qu’il faut, c’est séparer les activités de banque d’affaires et de banque de dépôt.

(L’amendement n° 158, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 159.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Plutôt à M. Muzeau, monsieur le président !

M. le président. Pour la bonne forme, il aurait fallu que M. Muzeau soit également signataire de cet amendement. Mais soit. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Chacun le sait – même si c’est pour l’avoir découvert tardivement –, les patrons des banques perçoivent des rémunérations souvent hors du commun. Ainsi, Baudouin Prot, patron de BNP Paribas, a touché 2,6 millions d’euros en 2010, et Frédéric Oudéa, patron de la Société générale – qui fait beaucoup parler d’elle en ce moment –, parvient à dépasser ce montant, en étant payé près de 2,9 millions d’euros. Qu’est-ce qui justifie de tels salaires et que quelqu’un perçoive plus de deux cents fois le SMIC ? Rien, strictement rien, et encore moins si l’on se rappelle certains résultats des banques en question. Comment des banques qui versent des salaires aussi considérables osent-elles promouvoir des plans sociaux et des suppressions d’emplois dans tels ou tels secteurs de leur activité, et infliger à leur personnel des politiques salariales tant contestées ?

Pour lutter contre ces rémunérations irrationnelles et faire davantage participer les banques au budget de l’État, mes amis et moi-même proposons donc qu’une banque acquitte une contribution d’un montant égal à dix fois les dix plus grosses rémunérations pratiquées dans l’entreprise.

(L’amendement n° 159, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 160.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, si vous permettez, vous confondez vitesse et précipitation. Je comprends que vous vouliez aller vite, mais vous voyez bien que vous faites le jeu du ministre qui ne veut pas répondre sur tout. Or tout le monde a dénoncé les marges excessives des banquiers. Nous faisons la preuve que, malgré la situation de crise, jamais ils n’ont gagné autant, puisque les profits ont encore augmenté par rapport à l’année dernière. Plus ça va mal pour les autres, plus les moutons sont tondus avec efficacité !

Les mêmes causes engendrant les mêmes effets, vous contribuez vous-même à encourager de nouvelles ruptures dans le fonctionnement du système financier et bancaire. Les banques versent chaque année des sommes faramineuses à leurs meilleurs mercenaires, les fameux traders. Ces personnes sont payées chaque jour pour spéculer, comme on joue au Monopoly. J’ai récemment visité une salle de marché avec des collègues de la commission des finances : nous avons eu l’impression d’être dans une sorte de casino où l’on joue, en famille, au jeu de Monopoly. Ils y prennent même un certain plaisir. Mme Bachelot n’est plus là, mais je pense que c’est une forme d’addiction qui devrait être soignée. Le problème, c’est que ce jeu entraîne des dégâts qui ne sont pas supportés par ceux qui jouent, mais par ceux qui ont confié leurs intérêts à ces banques. Ces jeux débouchent sur la dette des États européens, sur les plans de licenciement annoncés dans les entreprises ou sur l’envol du cours des matières premières.

En 2010, ce sont 3 milliards d’euros qui ont été attribués à ces vautours de la finance, selon le rapport de Michel Camdessus – lequel n’a certes pas employé l’expression « vautour de la finance », mais a dénoncé cette situation. Pour que cessent ces pratiques, nous vous proposons de créer une taxe d’un montant de 50 % reposant sur le total des bonus versés aux traders.

(L’amendement n° 160, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 12 rectifié.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Cet amendement est défendu.

(L’amendement n° 12 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 75, 162, 163 rectifié et 4 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 75 et 162 sont identiques.

La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n° 75.

M. François de Rugy. Il s’agit de remettre en question le taux réduit de TVA dans la restauration. Nul n’ignore que cette mesure a coûté très cher, entre 2,5 et 3 milliards d’euros.

M. Hervé Novelli. Moins cher que les 35 heures !

M. François de Rugy. Les résultats qui devaient s’ensuivre, en matière économique et sociale, n’ont pas été au rendez-vous. D’après les chiffres connus, la baisse des prix est de l’ordre de 2 %, alors qu’elle aurait pu aller jusqu’à près de 15 % : on est donc très loin du compte.

Mais c’est surtout un problème de logique qui se pose. La majorité a fini par abandonner cette absurdité qui consistait à relever la TVA sur les parcs à thème, dispositif complètement incohérent avec ce que vous aviez fait pour la restauration. Mais comment pouvez-vous imaginer faire ce genre de cadeaux fiscaux ? Tout le monde se réjouit que la TVA soit à 5,5 % plutôt qu’à 19,6 %, mais pourquoi seulement dans la restauration ? La mesure pourrait être étendue à tous les secteurs. Cette fuite en avant fiscale et budgétaire est complètement irresponsable.

Dès lors, nous considérons que, dans la période difficile que nous traversons, vous pourriez, pour tenter de réduire le déficit, reconnaître l’une de vos erreurs. Vous avez commencé à le faire dans certains domaines, pourquoi ne pas le faire dans celui-ci ? J’ai vu que, cet été, le Président de la République, en déplacement dans le Sud de la France, s’est enorgueilli d’avoir tenu une promesse de Jacques Chirac. Je croyais pourtant qu’il était pour la rupture avec Jacques Chirac : il aurait pu considérer qu’il n’avait pas à tenir une promesse qu’il n’avait pas faite lui-même. Tout cela est assez pitoyable. Ce sont les finances publiques – et, en définitive, les Français – qui vont en payer le prix.

Je me souviens d’une étude sur les clients des restaurants réalisée par Bercy pour l’un de vos prédécesseurs, monsieur le ministre. Elle indiquait très bien que, socialement parlant, une telle mesure profitait en réalité, si les prix baissaient, à une toute petite part de la population française.

M. Alain Gest. Un peu lourdingue, le raisonnement !

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour défendre l’amendement n° 162.

M. Daniel Paul. La Cour des comptes s’est montrée plus que sévère avec la loi de juillet 2009 qui établissait le taux réduit de TVA pour les ventes à consommer sur place, estimant que la réforme a eu « un impact limité » sur l’emploi pour un coût très élevé. En effet, ce cadeau aux restaurateurs coûte à l’État 3,2 milliards d’euros – c’est l’une des grosses niches du budget.

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est plus une niche, c’est un chenil ! (Sourires.)

M. Daniel Paul. En contrepartie, l’État attendait qu’une baisse des prix profite au consommateur, mais, par la voix de Mathieu Plane, l’OFCE indique que la baisse de la TVA ne représente que 600 millions d’euros d’économies pour les consommateurs. Ce n’est déjà pas si mal, me direz-vous, mais c’est loin de la somme qui était attendue et qui avait été promise dans les négociations menées, à l’époque, par un autre ministre chargé des PME, de l’artisanat et, donc, de la restauration : on avait alors parlé de 1,2 milliard d’euros.

Ajoutons que nous examinerons bientôt les mesures que vous nous préparez concernant les mutuelles santé. Nous en arriverons à cette aberration, que les mutuelles santé seront beaucoup plus taxées que la restauration à consommer sur place.

Après avoir mené une politique de privilèges et de soumission au marché, vous feignez de l’éteindre en prenant à la gorge les Français qui subissent déjà des privations. La solution, monsieur le ministre, c’est de revenir sur ces cadeaux que vous n’avez cessé d’octroyer depuis 2002, et plus particulièrement depuis 2007. Même si cette idée vous horripile, l’intérêt général devrait primer sur ces intérêts particuliers que vous défendez. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. Christian Jacob. Comme c’était fastidieux !

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir l’amendement n° 163 rectifié.

M. Jean-Paul Lecoq. Comme celui de notre collègue Garrigue, notre amendement a pour objet d’instaurer un taux de TVA intermédiaire à hauteur de 12 %, à l’instar de ce que préconisait le Conseil des prélèvements obligatoires. Nous proposons d’appliquer cette mesure au secteur de la restauration pour les ventes à consommer sur place, en laissant ouverte la possibilité d’y soumettre d’autres activités.

Nous croyons utile d’ouvrir ce débat. En ce qui concerne le secteur de la restauration, un taux de TVA intermédiaire aurait pour avantage de revenir sur la mesure brutale et inefficace de baisse de la TVA qui représente un coût exorbitant pour les finances publiques, sans toutefois remettre en cause les mesures d’aide dont bénéficiaient antérieurement les entreprises du secteur. Nous voudrions connaître le point de vue de l’État et l’état de la réflexion du ministre et du rapporteur général sur la mise en place de ce taux intermédiaire, dont il faudrait, en tout état de cause, que nous puissions au moins débattre à l’occasion du futur projet de loi de finances.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue, pour défendre l’amendement n° 4 rectifié.

M. Daniel Garrigue. En intervenant sur l’article, j’ai rappelé ce matin que la directive européenne sur la TVA permet d’avoir deux taux réduits de TVA, et non pas un seul, comme c’est aujourd’hui le cas en France. J’ai également rappelé que les éléments soumis au taux réduit actuel forment un ensemble très composite, certains ayant une vocation purement sociale – tel l’hébergement des personnes âgées –, d’autres ayant une vocation purement économique – je pense au marché des œuvres d’art –, d’autres enfin ayant une vocation économique et sociale – comme la rénovation dans le bâtiment. Or il est évident que, dans un souci de justice et de meilleur rendement de l’impôt, il vaudrait mieux redistribuer l’ensemble de ces éléments entre deux taux réduits, comme cela se fait chez certains de nos partenaires européens.

L’amendement n° 4 rectifié vise précisément à instaurer un second taux réduit de TVA de 12 %, et à l’appliquer à la restauration, aux importations d’œuvres d’art et d’objets de collection ainsi qu’à certaines sommes versées aux entraîneurs de chevaux de course lorsqu’ils sont propriétaires de ces derniers. J’ai d’ailleurs noté ce matin la présence, au sein de l’hémicycle, d’un fort lobby de défense des chevaux de course.

Dans un double souci de rétablissement des finances publiques et de rétablissement de la justice fiscale, il serait bon d’adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable aux quatre amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Je ne partage pas du tout l’avis de mes collègues. Je pense que la baisse de la TVA dans le secteur de la restauration a été très utile.

M. Roland Muzeau. Utile à qui ?

M. Daniel Fasquelle. Je veux simplement attirer votre attention sur un phénomène qui vous a peut-être échappé : la crise économique. Certes, il était prévu de créer des emplois, mais considérons l’ensemble des emplois qui ont été préservés (Exclamations sur les bancs du groupe GDR) et des établissements qui ont pu passer le cap de la crise grâce à ce dispositif. Ça, c’est du concret ! C’est le député de terrain qui vous parle, celui qui discute avec des restaurateurs qui ont pu préserver des emplois et leurs établissements grâce à la baisse de la TVA.

La baisse des prix et l’aspect social de la mesure sont aussi une réalité, et vous ne pouvez pas occulter tout cela.

Je pense qu’il serait donc extrêmement néfaste de revenir aujourd’hui sur la baisse de la TVA applicable à la restauration.

M. Roland Muzeau. Vous êtes irresponsable !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Marcon.

M. Jean-Pierre Marcon. Je peux comprendre, mes chers collègues, la position d’un certain nombre d’entre vous, qui voyez dans le relèvement du taux de la TVA un bon moyen de récupérer des recettes supplémentaires. Cette position comptable est tout à fait honorable. Ce point de vue jouit d’ailleurs d’une certaine popularité, car le public a considéré que le taux réduit de TVA devait avoir pour seul effet de baisser les prix. Or ce n’était pas l’objectif principal. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Alain Gest. Exactement !

M. Jean-Pierre Marcon. Je veux donc vous convaincre que la hausse de la TVA que vous préconisez serait une véritable erreur économique et sociale, et vous demander d’être beaucoup plus pondérés. Vous parlez d’un cadeau fiscal fait à quelques entreprises, mais cette mesure a permis de mettre un terme à une période de faillites nombreuses – 18 000 selon l’INSEE – et s’est traduite par la sauvegarde de 60 000 emplois et la création de 50 000 emplois.

M. Roland Muzeau. Et pourquoi pas 150 000, 200 000 même !

M. Jean-Pierre Marcon. C’est l’INSEE qui le dit, ce n’est pas moi. La restauration est l’un des seuls secteurs à avoir créé de l’emploi depuis la fin de la crise.

Le « cadeau » a valorisé une profession pénible, et je sais de quoi je parle.

M. Jean Mallot. Pouvez-vous nous rappeler la définition du conflit d’intérêt ?

M. Jean-Pierre Marcon. Travailler dans ce secteur, ce n’est pas simple du tout, et il fallait bien que l’on fasse quelque chose pour les salariés qui travaillent dans tous les établissements de restauration. Les salaires ont augmenté de 5,5 %,…

M. Henri Emmanuelli. C’est faux !

M. Jean-Pierre Marcon. …une prime de 500 euros et deux jours de congés supplémentaires ont été accordés au personnel. De même, l’adhésion à une mutuelle est devenue obligatoire.

Un cadeau fiscal, dites-vous ? Les recettes fiscales et sociales sont, au total, supérieures à ce qu’elles étaient auparavant.

Élu d’un milieu rural,…

M. Jean-Paul Bacquet. Et surtout de la chambre de commerce !

M. Jean-Pierre Marcon. …je sais que la décision prise en 2009 s’est concrétisée par le maintien, en zone rurale, d’un certain nombre d’établissements qui allaient s’arrêter, car leurs propriétaires n’avaient pas les moyens de transmettre leur entreprise ni de se mettre aux normes de sécurité, de faire des travaux. On a pu les sauver !

Je suis un peu surpris que les conséquences sociales de la baisse de la TVA ne soient pas mieux reconnues par les membres de l’opposition.

M. Roland Muzeau. Ça ne vaut pas 3,5 milliards d’euros !

M. Jean-Pierre Marcon. On a enfin reconnu la valeur de ceux qui travaillent dans ce secteur. N’arrêtons donc pas cette dynamique économique et sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. L’argument le plus incroyable me paraît être celui des emplois préservés. Mon cher collègue, voyez le nombre de secteurs où des emplois ont été détruits, et pas par 50 000 ou 60 000 mais par centaines de milliers. Qu’avez-vous donc fait pour ces emplois ?

Je me suis livré à un petit calcul. Admettons, même si je doute des chiffres que vous avancez, que 100 000 emplois ont été préservés ou créés. Cela veut dire que chacun aura coûté 25 000 euros par an ! Vous rendez-vous compte ? Si c’était le cas, ce ne seraient plus des emplois aidés mais des emplois sous perfusion, avec une aide d’un montant équivalent à deux SMIC. C’est complètement délirant !

M. Hervé Novelli. Le calcul est faux !

M. François de Rugy. Vous savez très bien que l’argument n’est pas valable. Vous aviez une clientèle électorale, et M. Bertrand qui, à l’époque, était secrétaire général de l’UMP, a vendu la mèche en faisant éditer une carte postale ainsi libellée : « Adhérez à l’UMP qui vous a donné la TVA à 5,5 % ! »

M. Yves Censi. Escroc !

M. François de Rugy. Je l’ai vue dans des restaurants, certains même dans le quartier de l’Assemblée nationale !

M. Hervé Novelli. Zéro !

M. François de Rugy. Voilà la réalité ! Il faut en finir, car on ne peut à la fois prétendre lutter contre les niches fiscales et en créer de nouvelles.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. J’entends bien les arguments de notre collègue. Il fallait, c’est vrai, faire quelque chose pour la restauration, notamment parce que la différence entre la restauration dont le taux de TVA était déjà à 5,5 % et celle qui était assujettie au taux de 19,6 % était intenable. En outre, les conditions étaient telles que la baisse de la TVA ne pouvait qu’apporter une bouffée d’oxygène à la restauration.

Le problème – je l’avais dit en tant que rapporteur de la commission des affaires européennes sur la réforme de la TVA –, c’est que nous avons voulu baisser ce taux jusqu’à 5,5 %. Or cela a un coût vraiment prohibitif pour les finances publiques dans une période où l’on ne peut pas se permettre de telles pertes.

Il ne s’agit pas, aujourd’hui, de viser spécifiquement la restauration, mais, si nous voulons rétablir les équilibres budgétaires dans ce pays, il faut jouer sur les dépenses et avoir aussi le courage de prendre, en matière de recettes, qu’elles proviennent de l’impôt sur le revenu, de la TVA, des niches fiscales ou de l’imposition du capital, des mesures ayant un rendement fiscal et empreintes d’un esprit de justice. Si nous ne faisons pas cela, je vous le dis, jamais nous ne nous sortirons de la situation dans laquelle nous nous enfonçons chaque mois un peu plus. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

(Les amendements identiques nos 75 et 162 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements nos 163 rectifié et 4 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 11.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. J’ai bien entendu l’appel du Gouvernement aux parlementaires de trouver de nouvelles économies.

Nous venons de débattre largement de la TVA réduite pour la restauration. Cette mesure a donné de l’oxygène à tout un secteur et a eu des effets bénéfiques. Ce qui me gêne, en revanche, c’est que l’on n’a aucune possibilité de sanctionner ceux qui ne respecteraient pas les engagements pris en contrepartie. Certains ont joué le jeu, d’autres pas, on a pu s’en rendre compte cet été.

Plutôt que tout ou rien, je propose une voie médiane : accorder le bénéfice de la TVA réduite aux seuls titulaires du titre de maître restaurateur. Ce label, créé en 2007, est accordé aux restaurateurs qui dirigent eux-mêmes leur établissement, qui sont eux-mêmes en cuisine et qui la supervisent personnellement. Autre condition importante qui joue beaucoup sur l’emploi, les maîtres restaurateurs doivent réaliser les plats dans leur cuisine : pas question de se contenter d’assembler et de réchauffer des plats surgelés produits ailleurs. Enfin, des règles minimales sont imposées en ce qui concerne l’accueil du public.

Je propose donc de réserver la TVA à taux réduit à la restauration de qualité, attestée par un label obtenu après évaluation par un organisme indépendant et qui peut – c’est cela qui importe – être retiré en cas de manquement. Ainsi aurons-nous un outil, dont nous pourrons éventuellement élargir le champ, qui fixe de manière claire et contractuelle les obligations contreparties de l’important effort budgétaire que représente le taux réduit de TVA.

(L’amendement n° 11, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 185 rectifié, qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n° 185 rectifié.

M. François Baroin, ministre. Nous avons déjà présenté cet amendement lorsque nous avons répondu à propos de la TVA sur les parcs à thème. Je rappelle donc simplement que le rapporteur général, fort intelligemment, a cherché, dans le champ d’application de la TVA réduite, quelle mesure de même nature pouvait compenser le rejet par la commission des finances, sous l’impulsion de M. Novelli, de l’augmentation de la TVA sur les parcs à thème.

Ce n’était pas l’idée initiale du Gouvernement mais cela ne le choque pas, d’autant que le produit de la mesure proposée serait conforme aux objectifs qui étaient visés. Un consensus semble s’être dégagé sur les modalités de cette taxe de 2 % perçue sur le chiffre d’affaires relatif aux chambres qui coûtent plus de 200 euros par nuit ; l’impact sera donc de quatre euros par nuitée. Même en intégrant les dispositifs de pourboire, les objectifs visés ne sont donc pas hors d’atteinte.

Cette proposition semble, en outre, plus raisonnable et plus responsable que la proposition antérieure d’une taxation au taux de 14 %. Elle est aussi adaptée aux prestations proposées par ce genre d’établissement.

Pour des raisons exclusivement techniques de calendrier, le Gouvernement s’est retrouvé dans l’obligation de déposer et de signer cet amendement qui est en fait d’initiative parlementaire, fruit de débats approfondis au sein de la commission des finances.

M. le président. Les sous-amendements nos 190, 191 et 192 obéissant à la même logique, je suggère que M. Brard puisse les soutenir ensemble.

M. Jean-Pierre Brard. Oui, vous les avez parfaitement lus, monsieur le président. Je voudrais vous faire visiter les hôtels de luxe dont, si vous êtes comme moi, vous n’avez pas forcément l’habitude, à la différence de certains de nos collègues, qui, visiblement, défendent quelque chose qu’ils connaissent bien.

Nous nous sommes livrés à un petit exercice et avons calculé, grâce à une règle de trois, le montant d’une taxe de 14 % assise sur le chiffre d’affaires relatif aux prestations d’hébergement dans les hôtels de luxe.

Prenons l’exemple d’une nuit au Fouquet’s. Par exemple, vous avez passé une soirée électorale dans cet établissement et, ayant un peu abusé des bons vins qui vous furent servis, vous avez besoin de vous reposer un peu. Si vous optez pour une suite Supérieure, il vous en coûtera 87 euros de plus qu’auparavant, c’est-à-dire 709 euros au lieu de 622 euros. Si la suite Supérieure ne vous convient pas et que vous optez pour la suite Deluxe, il vous en coûtera 255 euros de plus, ce qui porte le prix de la nuitée à 2 081 euros, contre 1 826 euros auparavant.

Si, par hasard, votre voisin de chambre fait du bruit, que vous voulez changer de palace et que vous allez au Plaza Athénée profiter de sa suite Prestige, cela vous en coûtera 560 euros de plus. Le tarif de la nuitée sera donc de 4 560 euros, contre 4 000 euros.

M. le président. Nous avons compris.

M. Jean-Pierre Brard. Je suis étonné, monsieur le président, que vous n’accordiez pas plus d’intérêt à cela,…

M. le président. Si, si, monsieur Brard, je vous écoute avec la plus grande attention !

M. Jean-Pierre Brard. …car, en Bretagne, si vous avez des gens peu fréquentables qui viennent de chez le camarade Poutine, vous n’avez pas de palaces de ce niveau.

Monsieur le président, souhaitez-vous que je défende les deux autres sous-amendements ?

M. le président. Ne sont-ils pas défendus ?

M. Jean-Pierre Brard. Pas du tout, monsieur le président !

M. le président. Allez-y.

M. Jean-Pierre Brard. Je serai plus bref, en prenant un nouvel exemple.

Lorsque nos exilés fiscaux, comme Johnny Hallyday ou Alain Delon, décident de revenir à Paris pour bénéficier, par exemple, de notre excellent système de santé, ils ne descendent pas au Formule 1 qui se trouve à côté de ma bonne ville de Montreuil mais plutôt au Ritz. Trouvez-vous excessif que ceux qui peuvent payer la modique somme de 1 680 euros pour une nuit dans une suite Executive de 57 mètres carrés au Ritz paient 568 euros de plus afin de contribuer au redressement financier du pays auquel ils se sont soustraits ?

Enfin, j’illustrerai le troisième sous-amendement avec des exemples de résidents étrangers, auxquels l’un de nos collègues a fait allusion. Ce matin, j’entendais gémir sur France Inter le propriétaire de l’hôtel Meurice : la taxe sur les hôtels de luxe, disait-il, allait ruiner son établissement. Je rappelle que cet hôtel est si prestigieux qu’il fut, hélas ! choisi par la Gestapo pour y établir son quartier général. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je reconnais que son propriétaire actuel n’en est pas responsable. Prenons le cas, du cheikh Tamim bin Hamad Al Thani, du Qatar, qui, j’en suis sûr, adore l’hôtel Meurice : il lui en coûtera 320 euros supplémentaires pour la suite Prestige qui valait auparavant 4 000 euros la nuit.

M. Yves Censi. Et Marchais, il allait où, en Roumanie ?

M. Jean-Pierre Brard. Madame la ministre, monsieur le ministre, considérez-vous que la taxe de 8 % prévue par mon sous-amendement empêchera cet éminent personnage de profiter de l’hôtellerie de luxe parisienne alors qu’il vient, en l’espace de deux mois, de dépenser 50 millions d’euros pour racheter 70 % des parts du Paris Saint-Germain et de dilapider 85 millions d’euros pour acheter, comme du temps de la traite, Pastore, Ménès, Gameiro et Sirigu ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable aux sous-amendements.

Quant à l’amendement gouvernemental, il me semble constituer une mesure de substitution avisée…

M. Roland Muzeau. Homéopathique !

M. François de Rugy. Du bricolage !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …à celle de l’augmentation de la TVA sur les parcs d’attraction.

Je ferai une suggestion, monsieur le ministre : cette taxe va ressembler à ce que l’on pourrait appeler une « taxe de séjour nationale ». Puisqu’il existe déjà une taxe de séjour dans notre pays, je me demande si, à l’avenir, dans un souci de simplification, il ne faudrait pas réfléchir à la fusion des deux dispositifs.

M. Christian Jacob. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Dans la fiscalité locale, il y a souvent un partage, des droits de mutation, par exemple : une part va à l’État, une autre à la commune, une autre encore au département. On pourrait imaginer une sorte de taxe additionnelle de séjour dont une fraction irait à l’État, le reste allant à la collectivité locale concernée. Pour cette mesure qui me paraît parfaitement légitime et qui, me semble-t-il, ne mettra pas en péril l’économie générale de l’hôtellerie et du tourisme en étant limitée à 2 %, il faut rechercher avant tout la simplicité pour les hôteliers.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable aux sous-amendements, je prie M. Brard de m’en excuser.

M. Jean-Pierre Brard. Il faut argumenter, monsieur le ministre.

M. François Baroin, ministre. C’est très simple : vos sous-amendements ne correspondent ni à l’objectif ni à la méthode ni au souhait du Gouvernement. Voilà pourquoi j’émets un avis défavorable.

En revanche, je trouve de la cohérence aux développements du rapporteur général. La taxe de séjour est, en effet, un élément qui permet aux collectivités locales – essentiellement les établissements publics de coopération intercommunale – de prélever un montant sur les personnes qui paient la chambre pour financer des opérations touristiques, en général de l’office du tourisme, et de valoriser le développement des territoires par des politiques de communication. Souvent, ce prélèvement est simple. En l’occurrence, vous avez raison, monsieur le rapporteur général, nous sommes dans l’esprit d’une taxe de séjour nationale portant sur des gammes de prestations d’un niveau relativement élevé. Si cette mesure est de nature à simplifier la tâche des hôteliers, ce que je pense à la lumière de mon expérience locale, nous pourrions, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances, réfléchir, avec Valérie Pécresse, à des éléments de simplification et d’harmonisation. Nous avons quelques semaines pour travailler ensemble sur ce point. (« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli.

M. Jean-Pierre Brard. Le défenseur des riches !

Mme Catherine Vautrin. Caricature !

M. Hervé Novelli. Madame et monsieur les ministres, je ne répéterai pas ce que j’ai dit ce matin, mais ce n’est pas un bon signal envoyé aux activités touristiques de notre pays. On ne peut guère dire le contraire puisque vous remplacez une taxe qui avait été supprimée par la commission des finances par une autre taxe sur des activités touristiques différentes. Je ne m’en réjouis pas.

Je rappelle à notre majorité et à l’ensemble des députés dans cet hémicycle qu’une loi dite « tourisme », votée il y a un an et demi, a instauré une nouvelle classification hôtelière en créant la cinquième étoile. Ce n’est pas pour loger les riches, monsieur Brard, mais simplement pour donner à notre pays une équivalence de qualité par rapport aux grands pays touristiques qui nous entourent. La fréquentation de ces hôtels haut de gamme est assurée à 40 % par ce que l’on appelle le tourisme d’affaires.

M. Jean-Pierre Brard. Ils ne paient pas sur leurs deniers personnels !

M. Hervé Novelli. Aussi, c’est prendre quelques libertés que d’assimiler la fréquentation touristique à des riches qui viendraient passer des vacances dans ces hôtels. Fort heureusement, il y a, à Paris et dans la région parisienne, des hôtels susceptibles d’accueillir le tourisme d’affaires, qui nous assure une fréquentation et un classement de nos foires, salons et congrès dont nous avons particulièrement besoin en termes de rentrées de devises.

M. Yves Censi. C’est vrai !

M. Hervé Novelli. Je demande donc que l’on relativise et que l’on retrace le cadre d’une activité économique très importante.

M. le président. Il faut conclure.

M. Hervé Novelli. En général, monsieur le président, je n’abuse pas de mon temps de parole, mais je pense connaître suffisamment bien ce secteur pour pouvoir apporter un éclairage au Gouvernement.

M. le président. Personne n’en doute, monsieur Novelli !

M. Hervé Novelli. En deux jours, le Gouvernement a changé de position, peut-être parce que ses inspirateurs parlementaires ont changé d’amendement. Quoi qu’il en soit, nous avons eu deux amendements gouvernementaux. Le premier stigmatisait, inutilement de mon point de vue, la classification hôtelière puisqu’il faisait démarrer la taxe à partir de la quatrième étoile. Aujourd’hui, le nouvel amendement instaure cette taxe de 2 % sur les chambres dont le prix de la nuitée est supérieur ou égal à 200 euros.

Une telle mesure comporte des inconvénients. Fixer un niveau suscite la réaction naturelle de chercher à le contourner. J’appelle l’attention de la représentation nationale sur les nouvelles pratiques hôtelières. Le plus souvent, le prix de la chambre s’accompagne d’un certain nombre de prestations annexes et, très souvent, les hôtels font des promotions sur les prix des chambres pour se rattraper sur les prestations annexes. Il s’agit d’une pratique usuelle.

J’apprécie la proposition du ministre, mais je souhaite qu’il y ait une clause de revoyure pour la loi de finances de 2012 afin d’éviter les contournements auxquels cet amendement pourrait donner lieu.

Paraphrasant Clemenceau – dont la citation exacte est la suivante : « Le Gouvernement sème des fonctionnaires et le contribuable récolte des impôts » –, je dirai que lorsqu’on sème des taxes, on récolte des fonctionnaires. Eh bien, en semant des impôts, nous risquons de récolter des fonctionnaires pour contrôler ce qui sera incontrôlable !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline. Je remercie le ministre, car il a répondu à nos interrogations sur cette nouvelle taxe et sur la nécessité d’une évaluation, d’une simplification et d’une meilleure approche de ce qui ne doit pas être un signal négatif pour tout ce que nos collègues ont souligné : une industrie française de niveau international.

Monsieur Brard, au-delà d’une approche tristement anecdotique, j’aimerais que vous ayez une lecture économique et sociale de l’existence, en France, d’établissements trois et quatre étoiles. Sachez que ces établissements, là où ils sont, sont souvent les premiers employeurs de nos communes, et c’est le cas chez moi. Puisque vous avez cité Le Fouquet’s, je tiens à vous dire que nous avons la chance d’avoir un groupe français de rang international. Ils ne sont pas nombreux et ils portent de la manière la plus qualitative les intérêts et le rayonnement de la France dans un contexte de concurrence exacerbée.

C’est un sujet très sérieux. Nous sommes d’accord sur les objectifs de résultat que se fixe la France, ainsi que sur le fait de préserver la croissance. Puisque cette mesure n’était pas prévue initialement, je vous demande, monsieur le ministre, de nous donner un peu de temps pour évaluer l’impact de cette mesure et, si possible, sa simplification, comme l’a suggéré tout à l’heure le rapporteur général. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Je regrette, moi aussi, la présentation anecdotique, voire démagogique, qui a été faite de l’hôtellerie haut de gamme française, dont nous avons besoin. Cette hôtellerie doit investir énormément pour rester en permanence attractive pour ses clients. Elle représente des employeurs importants dans nos communes et joue un rôle de locomotive pour les destinations touristiques. Beaucoup de destinations ont besoin d’un ou de plusieurs grands hôtels phares pour attirer l’attention sur elles et sur les autres hôtels. Par ailleurs, nos hôtels haut de gamme sont confrontés à une compétition internationale de plus en plus vive.

J’étais réticent à l’idée d’une taxation nouvelle sur nos hôtels qui ont, au contraire, besoin d’être soutenus et encouragés, compte tenu des investissements qu’ils doivent faire et des personnels qu’ils emploient. J’étais, en outre, hostile à une taxe sur les étoiles, car nous avons besoin aujourd’hui de tirer le classement vers le haut. Je me réjouis, mais pas complètement, de cette évolution car, d’un point de vue technique, ces dispositions me semblent devoir encore faire l’objet d’une réflexion. La mesure visant à instaurer une taxe de 2 % sur les nuitées dès 200 euros sera difficile à mettre en œuvre.

Enfin, monsieur le ministre, serait-il possible de repousser l’application de ce texte au 1er janvier 2012…

M. Roland Muzeau. Ou à la saint-glinglin !

M. Daniel Fasquelle. …pour nous laisser le temps de la réflexion ?

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je suis, pour ma part, satisfait de l’évolution de cette mesure. Nous sommes partis d’une taxe initialement prévue sur le chiffre d’affaires et, pour le coup, pénalisante pour l’investissement. Or il s’agit d’un secteur dont les besoins d’investissement sont importants. On sait ce que vont coûter les travaux de mise aux normes qui changent régulièrement – trop régulièrement. Cela suppose une vigilance de l’État à ce niveau. Cette taxe récupérable est modeste au regard du coût des séjours. Elle est donc parfaitement justifiée en raison de la solidarité qu’il faut montrer dans une période difficile. Nous avons évité l’écueil d’une taxe qui aurait été antiéconomique. Bien entendu, il faut que les conditions d’application et de mise en œuvre soient facilitées le plus possible.

J’ai entendu Gilles Carrez parler d’une harmonisation avec la taxe de séjour. C’est un exercice un peu plus délicat qu’il n’y paraît, car ce sont les collectivités territoriales qui en décident, ou pas, la mise en œuvre. Or la taxe que nous créons est applicable sur tout le territoire. Nous avons le temps d’y réfléchir afin de simplifier les formalités pour les hôteliers.

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Je ne reviendrai pas sur le propos caricatural de M. Brard, car nous en avons l’habitude ! Il le fait toujours avec un grand talent, mais cela reste tout de même caricatural.

M. Jean-Pierre Brard. Je pourrais aussi parler du Negresco ! (Sourires.)

M. Rudy Salles. Pour la Côte d’Azur, qui est une importante région touristique, l’hôtellerie de luxe représente 60 % du chiffre d’affaires et, en termes d’emplois, elle a un très fort impact. Voilà pourquoi j’appuie la demande d’étude d’impact de Nicole Ameline. Il me semble très important que nous puissions faire, l’an prochain, le point sur les effets éventuellement négatifs que cette taxe pourrait avoir sur l’hôtellerie. Nous ne saurions pérenniser une mesure qui ne serait pas adaptée à une activité très importante dans notre pays, puisque nous sommes le premier pays touristique au monde.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas moi qui donne dans la caricature, c’est Mme Ameline et notre éminent collègue Rudy Salles. Nous, nous ne proposons pas d’envoyer tout le monde dans des hôtels Formule 1 ! Nous disons que les clients dont il est question ont les moyens.

M. Yves Censi. Pourquoi les critiquer puisqu’ils dépensent leur argent en France ?

M. Jean-Pierre Brard. Pour reprendre l’exemple du cheikh du Qatar, le voyez-vous compter ses piécettes à la réception de l’hôtel pour savoir si cela va lui coûter un peu plus ou un peu moins ? Je pourrais raconter à Rudy Salles une anecdote qui concerne Le Negresco. (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.) Les gens qui viennent de Moscou et qui sortent des billets de 500 euros de leur poche, croyez-vous vraiment que cela leur pèse de payer un peu plus ? Bien sûr que non !

M. Yves Censi. Les personnes qui viennent de Moscou, cela vous rappelle quelque chose.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Novelli, nous sommes, nous aussi, très favorables à la classification des hôtels, parce qu’elle permet de mieux identifier ceux qui sont dans le haut de gamme et qui peuvent payer. Comme vous l’avez fort justement souligné, 40 % des utilisateurs relèvent de l’hôtellerie d’affaire, si l’on peut dire, c’est-à-dire qu’ils ne paient pas eux-mêmes.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Allez jusqu’au bout et dites que cela facilite les contrôles fiscaux.

M. Jean-Pierre Brard. Nous ne sommes pas contre les contrôles fiscaux, vous le savez bien, monsieur le président de la commission des finances, au contraire. Et pour le coup, je serais pour qu’on contrôle à la fois les clients et ceux qui les logent, en attendant qu’ils soient logés ailleurs pour certains.

M. Yves Censi. Place du colonel Fabien ?

M. Jean-Pierre Brard. J’ai constaté que M. Novelli avait reçu tout à l’heure le soutien déterminé non seulement du député-maire du Touquet – il a des circonstances atténuantes –, mais également de Christian Jacob, lequel, je m’en rends compte, ne soutient pas les fermiers de la Brie ou de la Beauce, contrairement à ce que nous pourrions penser, mais plutôt les fermiers généraux. (Sourires.)

M. Henri Emmanuelli. Jacob y a pris goût !

M. le président. La parole est à M. Dominique Baert.

M. Dominique Baert. On gagne souvent à regarder les documents que fournit le Gouvernement, car on nous a menti. On nous a expliqué que cette taxe sur les nuitées dans les grands hôtels était créée pour compenser le recul sur la TVA des parcs à thème. Or on peut lire, dans le document récapitulatif des recettes qui vient de nous être communiqué sous la forme d’un amendement gouvernemental, que l’on minore les recettes attendues de la suppression de la TVA à taux réduit applicable aux droits d’entrée dans les parcs à thème, qui étaient de 13 millions, puisque la taxe instituée sur les nuits d’hôtel ne rapporte que 8 millions. Alors qu’on nous avait dit que l’une compensait l’autre, on creuse un écart de 5 millions entre la disposition qui a disparu et celle qui est introduite. Monsieur le ministre, confirmez-vous cet écart ? Auquel cas, cela voudrait dire qu’on nous aurait menti.

M. Henri Emmanuelli. Oh !

(Les sous-amendements n°s 190, 191 et 192, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n° 185 rectifié est adopté.)

M. Henri Emmanuelli. Je suis contre, je soutiens l’hôtellerie à Deauville. (Sourires.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 155.

La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Après avoir évoqué les personnes qui ont les moyens de fréquenter l’hôtellerie de luxe, je voudrais évoquer les personnes qui, à l’autre bout de l’échelle, sont redevables de l’aide médicale d’État. Je voudrais revenir, toujours dans le but de chercher des économies, sur le prix du timbre qui a été fixé.

Plusieurs rapports, celui présenté par l’IGAS et l’IGF et celui que j’ai eu à commettre avec notre collègue Goasguen, ont démontré que ce droit de timbre coûtait, au bout du compte, malheureusement plus cher à l’ensemble des contribuables et à la solidarité nationale.

M. Michel Bouvard. Il faut l’augmenter alors ?

M. Christophe Sirugue. D’abord parce qu’il a fallu s’organiser pour prélever ces 30 euros, ensuite et surtout parce que les bénéficiaires de l’AME ne vont plus se faire soigner lorsque cela sera nécessaire mais lorsque, malheureusement, leurs conditions de santé seront particulièrement dégradées. Cela coûtera, de fait, plus cher à l’ensemble de celles et ceux qui ont à financer ce dispositif à travers la sécurité sociale.

L’amendement n° 155 a pour objectif de supprimer ce droit de timbre de 30 euros et de permettre ainsi de faire des économies.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. Nous sommes quand même tous préoccupés par l’envolée des dépenses de l’aide médicale d’État.

M. Michel Bouvard. Tout à fait.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Elles ont pratiquement été multipliées par dix au cours des dix dernières années et le nombre des bénéficiaires a été multiplié par trois. Il faut absolument mettre en place des moyens de régulation. C’est ce que nous avons fait avec cette sorte de franchise, de forfait, et je pense qu’il n’y a aucune raison de revenir dessus.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Je pense que M. le rapporteur n’a lu ni le rapport de l’IGAS ni celui que j’ai publié avec M. Goasguen puisque les deux montrent que les augmentations de dépenses de l’AME sont liées, pour une part, à la nouvelle tarification mise en place dans les hôpitaux, pour une autre part, malheureusement, à l’augmentation de pathologies qui posent aujourd’hui de gros problèmes.

Je le répète, l’instauration de ce timbre fait qu’aujourd’hui des bénéficiaires de l’AME ne vont plus se faire soigner au moment où cela coûte le moins cher mais attendent de devoir se rendre aux urgences, dans des conditions sanitaires particulièrement graves, et je ne parle pas des maladies contagieuses. Au bout du compte, la démonstration de ces deux rapports est très claire : le risque que cela coûte beaucoup plus cher à la solidarité nationale est bien réel.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Tout le monde se souvient dans quelles conditions cette disposition a été votée lors de la discussion du budget de la santé à l’automne dernier. En entendant le rapporteur général, je me rends compte que la droite n’a pas changé d’état d’esprit. On avait agi à, l’époque, vous vous en souvenez, sous couvert d’arguments fondés sur le mensonge et la calomnie puisque le rapport de l’IGAS avait été tout simplement camouflé et qu’un certain nombre de données calomnieuses et fausses avaient été utilisées pour étayer l’argumentaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Bouvard. Vous oubliez les travaux de la MECCS.

M. Jean Mallot. C’est une réalité, ce n’est pas la peine de mentir, les rapports des parlementaires donnent la réalité des choses : deux et deux font quatre, c’est ainsi. (Exclamation sur les bancs du groupe UMP.) Je vois que la droite n’a pas renoncé à l’état d’esprit qui était le sien ce jour-là de chasser sur les terres du Front national. (Protestations sur les mêmes bancs.)

Ma seconde observation a trait à la manière dont nous légiférons. Tout le monde aura remarqué que nous passons beaucoup de temps à rédiger des rapports, le Conseil d’État, nous-mêmes, pour essayer de simplifier la loi, de la ramener dans son champ, décrit par l’article 34 de la Constitution. Or vous avez réussi, mesdames, messieurs de l’UMP, le tour de force d’inscrire dans la loi non seulement l’instauration d’un droit annuel pour bénéficier de la prestation, mais même de fixer le montant de ce droit : 30 euros. C’est-à-dire que si vous vouliez porter ce montant à 29 ou à 31 euros, il faudrait rien moins que modifier la loi. C’est ridicule !

(L’amendement n° 155 n’est pas adopté.)

Article 1er et état A

M. le président. Sur l’article 1er, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Je voudrais revenir brièvement sur la question de la règle d’or.

Madame la ministre, vous avez, pendant la séance des questions au Gouvernement, parlé avec ferveur de la règle d’or. Or je pense que la règle d’or pose beaucoup de questions.

Je rappelle qu’il existe une règle, celle du pacte de stabilité et de croissance, et que cette règle fait consensus.

Mme Catherine Coutelle. Absolument !

M. Daniel Garrigue. Le Gouvernement lui-même, c’est là un des paradoxes dans lequel nous sommes, se donne pour objectif de revenir aux 3 % en 2013, c’est-à-dire qu’il vise les objectifs du pacte de stabilité et de croissance, pacte dont je rappelle qu’il résulte d’un traité et qu’il a donc force de loi.

Que va-t-il se passer si nous adoptons, demain, la règle d’or ? Nous allons introduire dans la Constitution une règle qui sera en concurrence directe avec le pacte de stabilité et de croissance. En effet, ce n’est pas la même règle.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Oh !

M. Daniel Garrigue. Je sais pourquoi je dis cela.

M. Jean Mallot. Il a raison.

M. Daniel Garrigue. Laquelle de ces deux règles primera l’autre ? La règle d’or, tout simplement parce que la Constitution prime sur le traité. Tant que la Constitution n’a pas été modifiée pour introduire les dispositions d’un traité, c’est la disposition constitutionnelle qui l’emporte.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Oui.

M. Daniel Garrigue. Cela veut dire qu’en réalité, à travers l’introduction de la règle d’or, nous sommes en fait en train de renationaliser les critères budgétaires européens.

Vous dites à l’opposition de regarder ce que fait M. Zapatero en Espagne, et à la majorité de regarder ce que fait M. Berlusconi en Italie. En réalité, si on adopte la règle d’or dans les différents pays européens, selon des règles qui ne seront pas les mêmes – en France, par exemple, son contrôle sera soumis au Conseil constitutionnel, je ne suis pas sûr qu’il en soit de même dans les autres États –, on va purement et simplement vers un démantèlement du pacte de stabilité et de croissance, c’est-à-dire d’un des outils qui ont assuré la stabilité et la force de l’Union européenne depuis des années. Que va devenir, par exemple, le semestre européen que nous avons voté si nous adoptons la règle d’or ?

Je crois qu’il y a là une contradiction inacceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je partage complètement ce que vient de dire notre collègue Garrigue. Nous avons deux règles qui ont une valeur supra constitutionnelle partout en Europe, ce sont les critères de Maastricht. Ce sont des règles qui ont un sens. Il y a une relation entre les 3 % de déficit et les 60 % de dette. Si l’on veut éviter l’augmentation continue de la dette et éviter que celle-ci ne dépasse, dans des conditions de croissance relativement moyennes, les 60 % de la richesse nationale, il faut que nos déficits soient inférieurs à 3 %.

Le paradoxe, c’est que, aujourd’hui, pour des raisons en grande partie politiciennes, vous nous proposez une règle d’or qui n’a aucun sens, qui est une règle de papier. Comment oser nous proposer cette règle quand votre majorité, quelques mois à peine après être revenue au pouvoir, a fait repasser la dette au-delà des 60 % ? Je rappelle que la première fois où la France a dépassé le critère de 60 %, c’est au dernier trimestre du gouvernement Juppé. Nous, nous l’avons réduit à 58 % – c’est la situation dans laquelle nous vous avons laissé la dette de la France. Trois mois après votre arrivée, vous repassiez les 60 % et depuis, ce n’est jamais redescendu en dessous. Quant au critère des 3 % de déficit, en dix ans de majorité, vous ne l’aurez pas respecté durant sept années.

Alors, oui, mon collègue Garrigue a raison, nous avons des critères de bonne gestion, il n’y en a pas besoin d’autres, il faut simplement les respecter. Et je trouve quand même paradoxal que le Gouvernement qui n’en a respecté aucun se permette de vouloir inscrire une règle qui n’a aucun sens dans la Constitution. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 198.

La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Avant de vous présenter le traditionnel amendement d’équilibre, je voudrais répondre aux inquiétudes qui se sont exprimées sur ces bancs à propos de la règle d’or.

Vous avez raison, monsieur Garrigue, deux règles de vertu budgétaire s’imposeront à nous si nous inscrivons la règle d’or dans la Constitution,

M. Christophe Sirugue. C’est mal parti !

M. Henri Emmanuelli. Vous savez très bien que cela ne passera pas.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais, contrairement à vous, je ne crois pas que nous ayons trop de règles de vertu budgétaire.

M. Henri Emmanuelli. Ah ça non !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je crois même que nous n’en avons pas assez. Ce diagnostic est d’ailleurs celui que font tous les pays européens aujourd’hui, que ce soit, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie.

M. Pierre-Alain Muet. Mais non !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il n’y a pas de contradiction entre ces deux règles. Qui peut le plus peut le moins : on peut à la fois respecter les impératifs du pacte de stabilité, aux termes desquels nous devons être en dessous de 3 % de déficit et en dessous de 60 % de dettes, et en même temps avoir pour objectif, non pas de rester à 3 % de déficit, mais de revenir au strict équilibre budgétaire et nous désendetter pour revenir d’ailleurs à 60 % de la richesse nationale en endettement.

M. Henri Emmanuelli. Vous ne l’avez pas fait.

M. Pierre-Alain Muet. Vous ne le faites pas cette année.

Mme Valérie Pécresse, ministre. De toute façon, les deux vont dans le même sens. Elles font converger. Comme l’a dit fort judicieusement le président Cahuzac hier, ce n’est pas à 3 % de déficit qu’on se désendette, c’est à un niveau nettement inférieur.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. À 2,2 %.

Mme Valérie Pécresse, ministre. On se désendette à un petit peu au-dessus de 2 % de déficit. Cela veut dire qu’on commencera à se désendetter en 2014.

Je vous rappelle qu’il existe des pays en Europe qui ont des soldes budgétaires positifs, ce n’est pas une fatalité que de vivre toujours au-dessus de ses moyens. Si on se fixe cet objectif d’équilibre budgétaire, c’est pour se désendetter, en tout cas en termes relatifs à la richesse nationale, et pour que notre trajectoire de dette passe de 85 % à 60 %, donc pour respecter le deuxième critère du pacte de stabilité européen. Donc 3 % de déficit et 60 % de dettes, ce n’est absolument pas incompatible avec l’idée que nous aurions des trajectoires de réduction des déficits et d’équilibre budgétaire qui seraient contrôlées par le Conseil constitutionnel. Vous le savez d’ailleurs, monsieur Garrigue, nous ne pourrions pas avoir un traité qui serait contraire à la Constitution. Par définition, ces règles d’or sont compatibles, puisqu’elles sont adoptées dans d’autres pays de la zone euro.

M. Jean Mallot. C’est un peu confus quand même. La chute n’était pas formidable.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Pour en revenir à l’article d’équilibre, je voudrais vous rappeler l’objectif de ce collectif : il s’agissait de prendre sans délai des mesures qui nous permettent d’atteindre à coup sûr notre objectif intangible de déficit à 5,7 % de la richesse nationale cette année.

Les mesures que vous venez d’adopter représentent un milliard d’euros de recettes publiques supplémentaires dès 2011 et 6,2 milliards en 2012, c’est-à-dire un peu plus de la moitié de l’effort global annoncé par le Premier ministre le 24 août dernier.

Nos débats ont permis de trouver un grand nombre de points d’accord sur des sujets importants et de faire évoluer le texte du Gouvernement dans le bon sens, sans modifier l’équilibre global du projet qui vous a été présenté – ce point est essentiel. Cet équilibre…

M. Jean Mallot. Il s’agit plutôt d’un déséquilibre !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …repose à la fois sur la préservation de la croissance et de l’emploi et sur l’équité fiscale. Les parlementaires et le Gouvernement ont fait preuve à mon sens d’une remarquable coresponsabilité. Je salue le travail effectué par tous et, singulièrement, par la commission des finances et l’ensemble des parlementaires qui siègent dans cet hémicycle depuis deux jours.

Je commencerai, puisque tel est l’objet de cet amendement, par détailler l’impact des différents amendements adoptés sur l’équilibre budgétaire de l’État, avant de préciser leurs conséquences sur l’ensemble des administrations publiques en 2011 et 2012.

L’amendement tire en effet les conséquences des votes intervenus au cours de l’examen de la première partie de ce collectif. Il s’agit de tenir compte de cinq séries de mesures.

Les amendements n° 181 rectifié, 182 rectifié et 78 ajustent la réforme du régime de l’imposition des plus-values de cession de biens immobiliers. Ces modifications procèdent au report de l’entrée en vigueur au 1er février 2012 de la réforme et à l’allongement à trente ans de la durée de détention pour le calcul des abattements sur les plus-values. Par ailleurs, l’amendement n° 78 fait désormais obligation de faire enregistrer par un notaire les cessions de parts de SCI ayant des immeubles en France, réalisées à l’étranger.

M. Henri Emmanuelli. C’est une très bonne mesure, mais c’est la seule !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ces modifications minorent globalement les recettes de l’État de 109 millions en 2011 et de 123 millions en 2012.

L’amendement n° 180 anticipe en 2011 la mise en œuvre de l’augmentation de la quote-part pour frais et charges relative aux plus-values de cession des titres de participation des entreprises qui avait été annoncée par le Premier ministre le 24 août pour 2012. Cette anticipation améliore les recettes d’impôt sur les sociétés de 170 millions d’euros dès 2011. Je rappelle qu’il est prévu que le rendement de cette mesure s’élève à 250 millions en année pleine. C’est le montant attendu pour 2012.

L’amendement n° 102 abroge, dès 2011, le régime du bénéfice mondial consolidé pour un rendement estimé à 150 millions en 2011, et 200 millions en 2012.

L’amendement n° 5 supprime la hausse proposée de la TVA applicable aux droits d’entrée dans les parcs à thème, ce qui engendre une diminution des recettes de 13 millions en 2011 – ce chiffre répond à une question qui a été posée précédemment –, et de 90 millions en 2012.

L’abandon de cette mesure est compensé par la création, par l’amendement n° 185, d’une taxe de 2 % sur les prestations d’hébergement en hôtels dépassant un prix de 200 euros par nuitée, pour 8 millions en 2011 et 96 millions en 2012.

Au total, les recettes de l’État sont revues à la hausse de 206 millions en 2011 et de 83 millions en 2012. Le déficit prévisionnel de l’État pour 2011 est par conséquent ramené de 95,7 à 95,5 milliards d’euros.

Au-delà de leur impact sur les recettes de l’État, les mesures adoptées par votre assemblée ont également des conséquences sur celles d’autres administrations publiques, sur celles de la sécurité sociale et, dans une moindre mesure, sur celles des collectivités territoriales, en raison, principalement, des modifications apportées au régime d’imposition des plus-values. Au total, les aménagements apportés diminuent les recettes de la sécurité sociale et des collectivités locales de 71 millions en 2011 et de 61 millions en 2012, sans compter les éventuels changements de comportement des propriétaires de biens immobiliers. L’accélération des cessions de biens pourrait en effet se traduire par une hausse des droits de mutation à titre onéreux qui profiterait directement aux collectivités territoriales. Toutefois, nous ne pouvons tenir compte de cet élément, qui nécessiterait une anticipation que nous ne savons pas faire.

Ainsi, pour la totalité des administrations publiques, l’ensemble des votes intervenus lors de l’examen de la première partie de ce projet de loi de finances rectificative ne modifie qu’à la marge le rendement des mesures que le Gouvernement avait proposées. Elle l’améliore de 135 millions en 2011 et de 22 millions en régime de croisière, à compter de 2012.

Nous sommes donc parfaitement dans la ligne des objectifs fixés par le Premier ministre le 24 août 2011 pour nous permettre de tenir nos engagements en matière de réduction de nos déficits. Je m’en félicite.

Je me réjouis du travail effectué avec la commission des finances et avec la majorité. Nous avons discuté de façon approfondie des propositions du Gouvernement sans pour autant nous détourner de ces objectifs intangibles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Comme Mme la ministre, je me réjouis que l’exercice de compensation auquel nous nous sommes livrés ait été d’une rigueur absolue. Nous parvenons même, si j’ose dire, à surcompenser.

Surtout, nous parvenons à dégager plus de 200 millions d’euros de recettes supplémentaires pour le budget de l’État dès 2011, ce qui est fondamental tant l’exécution du budget 2011 est capitale pour notre pays, nous ne le répéterons jamais assez.

Je remercie aussi le Gouvernement d’avoir accepté de suivre les propositions de la commission des finances en faveur d’une inflexion vers une meilleure protection du produit de l’impôt sur les sociétés. Une partie de l’effort qui n’est pas demandé aux ménages est reportée sur l’impôt sur les sociétés, notamment celui des très grands groupes – je pense à la suppression du bénéfice mondial consolidé et à l’anticipation dès 2012 de la majoration de la quote-part. La commission des finances travaille depuis plusieurs années sur ce sujet et ses membres sont unanimes à considérer qu’il faut protéger notre impôt sur les sociétés.

De surcroît, ce type de compensation s’inscrit parfaitement dans le problème que traite ce collectif budgétaire : l’érosion des recettes de l’impôt sur les sociétés par rapport aux prévisions. Vous évaluez cette moins-value à 3 milliards d’euros.

Finalement, tant en termes comptables qu’en termes de qualité de nos comptes, nous pouvons dire que nous procédons à une compensation parfaitement équilibrée.

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Je ne comptais pas prendre la parole, mais Mme la ministre a répété l’argumentaire sur règle d’or qu’elle a développé tout au long de l’été, en prenant pour cible les partis de l’opposition qui n’en veulent pas.

Madame la ministre, nous n’avons pas oublié la mascarade de la loi organique sur la CADES.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. En effet !

M. Henri Emmanuelli. Vous nous aviez fait voter une loi interdisant l’allongement de la durée d’amortissement, pour nous expliquer, l’année suivante, qu’il fallait adopter une autre loi organique afin de défaire la précédente que nous n’étions pas en mesure de respecter !

Je me souviens des mots très durs de M. Warsmann pour qualifier la méthode du Gouvernement. Je n’oserais pas les reprendre à mon compte…

M. Roland Muzeau. Il était très fâché !

M. Henri Emmanuelli. Il avait même démissionné de son poste de rapporteur.

Vous comprendrez que ceux qui ont vécu ce genre de gesticulations ne soient pas disposés à donner une seconde fois.

M. Jean Mallot. C’est la crédibilité zéro !

M. Henri Emmanuelli. Au-delà de ce souvenir désagréable, je veux vous citer les propos tenus cet été par M. Van Rompuy à propos de la règle d’or. Après avoir considéré que l’important était bien de faire des économies, il a ajouté : « En fait, les gouvernements n’ont pas besoin de cette règle, ils peuvent le faire sans une disposition constitutionnelle. » C’est exactement ce que nous vous répétons depuis plusieurs mois.

Madame la ministre, arrêtez ! Vous savez parfaitement que le Président de la République ne réunira pas le Congrès parce qu’il n’a aucune chance de faire passer cette règle d’or. Il serait totalement irresponsable de sa part, et de la vôtre, de faire une telle démonstration sous le regard des opérateurs étrangers. Si vous cherchez un truc, il faudra en trouver un autre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. La Constitution, c’est l’État de droit. Or, madame la ministre, dans un État de droit, nous ne pouvons pas voir deux règles parallèles coexister.

À vrai dire, il ne s’agit pas vraiment de règles parallèles. En effet, nous avons d’un côté le pacte européen de stabilité et de croissance, qui fixe des règles s’appuyant sur deux outils essentiels : la Banque centrale européenne et le semestre européen qui est, en fait, le fameux gouvernement économique européen dont nous parlons depuis tant d’années. Si nous voulions véritablement renforcer la gouvernance économique européenne, il faudrait muscler le semestre européen. D’un autre côté, nous avons votre règle d’or, soumise au contrôle, purement national, du Conseil constitutionnel.

Ces deux règles ne peuvent pas coexister car la règle d’or, une fois adoptée, aura la priorité puisque la Constitution l’emporte sur les traités. Le pacte de stabilité et de croissance perdra en conséquence toute valeur, et le fait que les Italiens, les Espagnols ou, demain, d’autres encore instituent leur propre règle d’or n’aura pour effet que de le démanteler. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Peut-être est-ce à dessein. Pour ma part, j’estime, en tout cas, qu’il faut combattre cette tentative avec la plus grande fermeté. (Mêmes mouvements.)

(L’amendement n° 198 est adopté.)

(L’article 1er et l’état A annexé, amendés, sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2011.

(L’ensemble de la première partie est adopté.)

Seconde partie

M. le président. Nous en venons à la seconde partie du projet de loi de finances rectificative pour 2011.

Article 1er bis et état B

M. le président. Sur l’article 1er bis et l’état B annexé, la parole est à M. Michel Voisin.

M. Michel Voisin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’interviens au nom de la commission de la défense et de son président Guy Teissier.

Je veux avant tout saluer les soldats français où qu’ils soient dans le monde. Leur action pour notre pays doit être reconnue et saluée. L’un d’entre eux est tombé ce matin en Afghanistan ; nous honorons sa mémoire. La liste des morts continue de s’allonger.

Nous tenions à intervenir sur l’article modifiant les crédits dévolus aux différentes missions du budget, pour appeler l’attention sur la situation particulière de la défense. Nous venons tout juste de clôturer les universités d’été de la défense à Rennes, où les enjeux financiers ont occupé une place importante. En conclusion de nos travaux, le ministre Gérard Longuet nous a donné plusieurs informations sur les derniers arbitrages et je souhaiterais, madame la ministre, que vous puissiez les confirmer et les préciser.

Il me semble qu’il faut tout d’abord rappeler que la défense opère depuis 2008 un effort exceptionnel, non égalé par les autres ministères.

Cet effort s’est traduit par la suppression de 54 000 postes, par une réorganisation territoriale de très grande ampleur et par une rationalisation importante des fonctions de soutien. Dans le même temps, nos armées sont de plus en plus sollicitées pour des opérations extérieures. Je voudrais d’ailleurs saluer le professionnalisme et le courage de nos soldats qui risquent leur vie au quotidien pour remplir les missions que nous leur confions.

Alors que le budget est déjà tendu, le projet de loi de finances rectificative annule 225 millions d’euros – budget des anciens combattants compris –, ce qui représente près de la moitié du total des annulations. Cette baisse porte principalement sur les dépenses d’équipement.

S’agit-il d’une annulation définitive ou seulement d’un report ? Quels sont les programmes concernés ? Quelles seront les conséquences opérationnelles et industrielles de cette opération ?

Gérard Longuet nous a indiqué que le ministère de la défense n’aurait pas d’effort supplémentaire à consentir d’ici à la fin de l’année. Or il va falloir trouver de nouveaux crédits pour couvrir le surcoût des opérations extérieures qui pourraient dépasser un milliard d’euros cette année.

La loi de programmation militaire prévoyait que l’écart entre le montant réel et la dotation initiale serait désormais financé par un abondement interministériel. Le ministre de la défense nous a confirmé que ce principe, que nous croyions définitivement acquis, serait bien maintenu en 2011. Pouvez-vous nous indiquer à quel moment cet abondement sera effectué ? Il ne faudrait pas, en effet, que les crédits soient mis à la disposition du ministère trop tardivement, faute de quoi il pourrait être difficile de les consommer, ce qui augmenterait encore les reports quand nous nous efforçons de les limiter.

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeneuve.

M. Bernard Cazeneuve. Je reprendrai certaines questions posées à l’instant par notre collègue Voisin, reprenant lui-même celles évoquées par François Cornut-Gentille au cours de la discussion générale, et qui n’ont toujours pas fait l’objet d’une réponse précise de la part du Gouvernement.

On constate que le cadre général dans lequel s’inscrit le budget de la mission « Défense » est de plus en plus contraint pour trois raisons.

D’abord, les recettes exceptionnelles qui devaient abonder le budget de la défense, évaluées pour la durée complète de la programmation à 3,7 milliards d’euros et, pour cette année, à 800 millions, ne sont pas prévues.

Nous notons ensuite que le ministère de la défense a fait l’objet d’une taxation des plus lourdes de la part du Gouvernement à l’occasion des précédentes régulations budgétaires puisque, l’an dernier, il a été décidé, pour la période 2009-2013, de l’amputer à hauteur de 3,7 milliards. Or, comme on ne peut compter sur les recettes exceptionnelles pour compenser cette perte, l’équation devient impossible à résoudre.

Enfin, on a indiqué à plusieurs reprises que les surcoûts liés aux opérations extérieures étaient assez significatifs. Le projet de loi de finances initiale avait prévu que leur seraient affectés 630 millions ; or, à la fin de l’exercice budgétaire, ces opérations auront coûté plus d’un milliard. Selon quelles modalités va-t-on payer la différence ?

Il a souvent été indiqué que la réserve ministérielle serait mobilisée – c’est en tout cas ce que souhaitait le ministère de la défense pour que les surcoûts ne soient pas imputés sur son seul budget. Or, comme le ministre du budget a pu donner des réponses contradictoires, quelle est la réalité ? Quelle part du surcoût de 600 millions sera acquittée par le ministère de la défense et quelle part le sera par la réserve interministérielle ?

Je reprends à mon compte, pour finir, la question de Michel Voisin : puisque cette situation va conduire à des arbitrages sur les équipements, lesquels seront concernés et quels sont les programmes que le Gouvernement a dans le collimateur ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Vous allez en apprendre des choses, madame la ministre, dans votre nouveau métier, pendant l’examen de cette loi de finances rectificative… (Sourires.)

L’article 2 prévoit d’annuler 434 millions d’euros de crédits pour gager l’ouverture de crédits décidée en juillet dernier afin de payer les conséquences des frasques liées à l’affaire des frégates de Taïwan. Nous ne pouvons que protester contre cette décision de faire payer à l’ensemble des ministères la facture de cette affaire de corruption. Certes, le ministère de la défense en prendra la moitié à sa charge mais est-il normal de ponctionner les crédits de l’enseignement supérieur et de la recherche de 47 millions, ceux des transports de 22 millions, ceux des anciens combattants – alors que vous continuez à refuser de reconnaître leurs droits aux anciens d’Algérie –, ceux de l’éducation nationale – pourtant sinistrée – de 10 millions, et ceux de la politique de la ville ?

Je ne saurais passer sous silence d’autres suppressions, bien plus terribles sur le plan symbolique : comment osez-vous prélever 824 000 euros sur les crédits prévus pour l’indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale ? C’est incroyable !

Vous ne disposez par ailleurs pas des crédits suffisants pour la police et la gendarmerie alors qu’on manque d’effectifs mais vous prélevez néanmoins sur le budget de la police et celui de la gendarmerie un demi-million d’euros.

Le ministère de la défense a annoncé qu’il en irait de même concernant le coût des opérations militaires en Libye, évalué à 313 millions. Nous confirmez-vous, madame Pécresse, monsieur Baroin, que, d’une manière ou d’une autre, vous allez à nouveau présenter l’écuelle pour récupérer cette somme ?

Nous ne saurions en tout cas cautionner ces bricolages indignes, surtout quand ils portent sur des lignes budgétaires comme celle que je viens de mentionner. Nous ne nous trouvons pas à la limite de l’indécence, mais en plein dedans !

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Pour répondre à l’ensemble des questions posées depuis l’intervention de François Cornut-Gentille au cours de la discussion générale, et en particulier à celle concernant les 460 millions d’euros liés aux frégates de Taïwan, je rappellerai que le présent texte vise à compenser cette somme, qui n’est d’ailleurs plus que de 434 millions, et à couvrir l’appel de garanties nécessaires dans le contexte du contrat des ventes de frégates à la marine de Taïwan.

M. Henri Emmanuelli. Bravo !

M. Jean-Pierre Brard. Voilà ce que c’est que d’indisposer nos amis de Pékin !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ne revenons pas, monsieur Brard, sur les responsabilités des uns et des autres dans cette affaire ! (Murmures.)

Les ministères contribueront de manière proportionnelle au montant des crédits actuellement mis en réserve, à l’exception des missions « Aide publique au développement », « Culture », « Pouvoirs publics » et « Contrôle et conseil de l’État ». Le ministère de l’agriculture ne sera pas non plus concerné, puisqu’il autofinance le plan sécheresse. Quant à la répartition par programmes, elle a été ajustée par les ministères concernés aux contraintes de gestion déjà connues.

Dans ce contexte, la contribution du ministère de la défense a été forfaitairement augmentée – 230 millions au lieu de 190. Les annulations n’ont toutefois pas été uniformes, mais ciblées, et concernent des programmes qui ne financent pas les opérations extérieures, ainsi que, notamment, les crédits immobiliers du programme 212 : « Soutien de la politique de la défense ».

Certes, nous savons que le budget des opérations extérieures sera dépassé. Ces dépassements sont liés au fait que la France a assumé son rôle dans le monde en intervenant notamment aux côtés des peuples arabes mus par des aspirations démocratiques, comme ce fut le cas en Libye.

M. Jean-Pierre Brard. Cela après avoir baisé les babouches de Kadhafi !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous nous félicitons de cette intervention en Libye. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Françoise Hostalier. Très bien !

M. Henri Emmanuelli. Attendez la suite avant d’applaudir !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il n’est évidemment pas question que ces opérations extérieures soient financées par le seul budget du ministère de la défense. Comme l’a précisé Gérard Longuet, nous procéderons à une taxation interministérielle et nous ne ferons pas contribuer le ministère de la défense au-delà des 230 millions d’euros prévus pour le remboursement des frégates de Taïwan. Ma réponse est donc claire.

Pour finir, je rends à mon tour un hommage solennel à nos soldats. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

(L’article 1er bis et l’état B sont adoptés.)

Article 2

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, inscrit sur l’article 2.

M. François de Rugy. L’article 2 nous permet de passer quelques instants sur l’objet initial du projet de loi de finances rectificative : tirer les conséquences du sommet du 21 juillet dernier visant notamment à soutenir la Grèce et à tenter d’éviter l’incendie qui menace la zone euro. Ce sommet vaut mieux que rien mais, selon nous, la question de la dette grecque est malheureusement loin d’être réglé et sans doute faudra-t-il discuter un jour ou l’autre de sa restructuration.

Se pose par ailleurs le problème de la permanence d’une sorte de souverainisme budgétaire et fiscal au sein d’une zone euro contrainte peu à peu à la coresponsabilité. Ainsi, si nous agissons en faveur de la Grèce, c’est parce que nous nous sentons coresponsables d’une situation dont nous aurons à payer les conséquences si nous ne faisons rien. Il convient néanmoins de veiller au principe du « donnant-donnant » comme nous l’avions préconisé vis-à-vis de l’Irlande que nous ne pouvons continuer de soutenir si ce pays persiste à pratiquer, au sein de l’Union, avec un très faible taux d’impôt sur les sociétés, ce qui s’apparente à du dumping fiscal.

En outre, François Fillon, au cours de la séquence des questions au Gouvernement de cet après-midi, a déclaré que la création d’eurobonds, consistant en l’émission d’une dette commune à tous les États de l’union monétaire sans qu’on puisse plus distinguer les emprunts État par État, sera la conséquence du gouvernement économique de l’Union et non l’inverse. Cette annonce est plutôt inquiétante car elle signifie que nous ne sommes pas près de voir naître ces eurobonds.

Nous sommes pour notre part favorables à cette façon européenne – qui ne serait donc plus étatique – de gérer la dette. Et, à l’inverse du Gouvernement, nous considérons qu’en nous engageant dans cette logique de création d’eurobonds, nous forcerons le fonctionnement de la zone euro à changer. Il y a quelques semaines, sur le perron du palais de l’Élysée, l’annonce par le Président de la République, en compagnie d’Angela Merkel, que la gouvernance européenne de la zone euro consisterait en la réunion d’un sommet des chefs d’État et de gouvernement tous les six mois, le tout piloté par M. Van Rompuy, est un terrible aveu d’impuissance, de faiblesse, puisqu’il ne s’agit, en somme, que de répliquer le fonctionnement actuel, inefficace, de l’Union !

Déjà, les chefs d’État et de gouvernement se retrouvent à intervalles réguliers sans parvenir à se mettre d’accord. Ils en sont réduits à choisir une personne représentant le plus petit dénominateur commun entre eux – en l’occurrence M. Van Rompuy qui n’a vraiment pas brillé par son action pour régler les problèmes de la zone euro depuis qu’il est censé être le président de l’Union européenne.

Il est donc très inquiétant, j’y insiste, de constater que la position de la France, exprimée par le Président de la République aux côtés de la chancelière allemande, se résume à ce que je viens d’exposer.

Même si les nouvelles modalités d’intervention du Fonds européen de stabilité financière prévues par l’article 2 peuvent paraître quelque peu techniques, je souhaitais saisir cette occasion pour évoquer la gouvernance économique européenne, du reste improprement désignée ainsi puisqu’il s’agit en fait du fonctionnement de la zone euro au sein de l’Union européenne. On ne pourra pas continuer d’avoir une monnaie unique sans avoir de politiques coordonnées en matière économique et, plus encore, en matière budgétaire et fiscale, comme le montre la crise de la dette.

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Monsieur le ministre, conscients de notre responsabilité qui consiste à manifester notre solidarité avec la Grèce, nous n’allons pas voter contre cet article.

J’émets néanmoins des doutes très forts sur la manière dont vous entendez vous y prendre. Si les acteurs financiers sont aussi désorientés sur les marchés et si le comportement de ces marchés est aussi erratique, c’est sans doute pour des raisons d’intérêts, mais c’est aussi parce qu’ils ont quelque difficulté à croire que le scénario écrit le 21 juillet soit applicable.

Voyez dans quelle situation se trouve aujourd’hui la Grèce : le volume de sa décroissance, le montant de ses dettes, les taux qui sont proposés sur les marchés. Vendredi dernier, une obligation à un an se négociait à 84 %, mes chers collègues. À un an, à 84 % ! À deux ans, à 50 %. À dix ans, à plus de 15 %. Et l’on ne sait plus quel est le niveau de la décroissance de ce pays. C’était 5 % la semaine dernière. On parle aujourd’hui de 8 %. Par conséquent, à l’évidence, le scénario n’est pas bon.

Je n’en conclus pas qu’il faille abandonner toute tentative, mais je pense que ce qui est fait n’est pas à la hauteur. Dans ces conditions, nous allons quand même avoir quelque difficulté à rassurer. Il est évident qu’une partie de la dette grecque – et je n’irai pas plus loin, par esprit de responsabilité – doit être prise en charge. Doit-elle l’être par le Fonds européen ? Doit-elle l’être par d’autres moyens ? La question est posée. Mais continuer à expliquer à des acteurs incrédules que les choses seront possibles ne calmera pas la tempête.

Deuxième point, beaucoup plus ponctuel, monsieur le ministre : lorsque nous avons examiné la question en commission, il nous a été dit que les banques, dans le cadre de ce plan du 21 juillet, allaient participer à hauteur de 21 %. J’ai posé la question de savoir si c’était avant ou après impôt. M. le rapporteur général a eu la gentillesse de me répondre : avant impôt. Et j’ai demandé quel allait être l’impact sur l’impôt sur les sociétés. On m’a répondu : un peu plus de 800 millions d’euros.

Cela appelle deux remarques. Je pense qu’il faut dire la vérité aux Français. Il ne faut pas leur dire que les banques vont contribuer pour 21 % alors que cela leur coûtera 14 %. Cela, il serait bon que la direction du Trésor l’acte, et qu’elle cesse de prendre les parlementaires pour des analphabètes.

M. le président. Veuillez conclure, cher collègue.

M. Henri Emmanuelli. Deuxièmement, monsieur le président, on nous a parlé tout à l’heure d’équilibre. Je voudrais simplement faire remarquer que si ce qui m’a été dit est vrai, ce que nous avons fait pour les économies de 2011 est, aux quatre cinquièmes, déjà engagé par cette dépense impromptue de 800 millions, ou plus exactement, par ce manque à gagner de 800 millions sur l’impôt sur les sociétés. Mme Pécresse nous disait tout à l’heure : « C’est l’article d’équilibre. » Je suis en droit de dire que c’est faux, qu’on nous ment, et que ce qui a été fait depuis ce matin a été fait pour rien. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, tout à l’heure, votre collègue, Mme Pécresse, ne m’a pas répondu sur le prélèvement destiné à financer les crédits de l’indemnisation des victimes des persécutions antisémites durant la dernière guerre. Elle a botté en touche, ou plutôt elle a ignoré la question. Ce n’est pas convenable. C’est un sujet trop grave, symboliquement, pour qu’on le balaie d’un revers de main.

J’en viens à cet article 2. « L’austérité mène au désastre. L’Europe a besoin de solidarité et d’empathie, pas d’une austérité qui va faire bondir le chômage et amener la dépression. » Cette phrase du prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz est valable à Rome, à Paris, à Madrid, à Lisbonne, à Dublin comme à Athènes.

À qui profite ce que vous appelez une « aide à la Grèce » ? Sûrement pas au peuple hellène, auquel nous devons tant et qui crie famine, mais bien aux banques qui s’engraissent avec des taux d’intérêts supérieurs à 15 %. Et même, très supérieurs. D’après les chiffres qui étaient annoncés hier, on est autour de 50 %, sans compter ce que vient de dire notre collègue Henri Emmanuelli.

Hier, monsieur Baroin, vous nous parliez dans l’hémicycle de « solidarité avec le peuple grec ». Nous avons des échos du débat au Parlement grec. À l’évidence, une partie des Grecs ne veulent pas de votre solidarité au tarif où vous la facturez. Et M. Papandréou ne parle pas au nom de tout le peuple grec. Votre « solidarité », c’est celle d’une récession de 5 %, d’une baisse des salaires généralisée de 15 %, de la vente des services publics et du patrimoine. Les Allemands avaient même proposé que les Grecs vendent leurs îles. Venant d’eux, c’était particulièrement indigne, alors qu’ils n’ont pas réglé leur dette de sang de la Seconde Guerre mondiale.

Une vraie solidarité avec le peuple grec consisterait : à autoriser la BCE à financer directement les États pour sortir de l’oppressante étreinte des marchés financiers ; à restructurer massivement la dette grecque, dans des conditions banales ; à constituer une agence publique de notation, dont les critères de fonctionnement soient transparents et qui soit caractérisée par un pluralisme idéologique. Enfin, il faut interdire à nos banques françaises de spéculer sur la dette grecque. Il est inconcevable que la BNP possède 5 milliards d’euros de dette grecque, la Société générale 2,5 milliards, et même que la Banque postale se voie contrainte de provisionner 158 millions d’euros de pertes dans ses comptes en raison d’investissements spéculatifs hasardeux. Tout cela contribue à mettre le peuple grec à genoux.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Nous nous abstiendrons sur cet article 2, parce que nous souhaitons que les décisions du Conseil européen soient rapidement exécutées. Mais en même temps, nous savons très bien qu’elles sont insuffisantes. Et la crise qui s’est déroulée tout au long de l’été montre bien quelles leçons doivent être tirées.

Que se passera-t-il le jour – dont, malheureusement, nous ne sommes pas très loin – où la spéculation atteindra un des grands pays ? Nous savons très bien que le Fonds européen de stabilité financière n’est pas à la hauteur des enjeux. Il faut aller plus loin. La question des eurobonds, celle de la mutualisation de la dette, est posée par un certain nombre de partis, y compris chez nos collègues allemands. Le SPD est sur la même position que le parti socialiste, sur ce sujet. C’est une question qu’il faut se poser dès maintenant, car on sait très bien que, si nous ne faisons rien, nous ne serons pas à la hauteur de la prochaine crise.

Dans cette crise, les gouvernements, les politiques, courent après les marchés. Si l’on veut inverser les choses, si l’on veut que la politique reprenne le pas sur les marchés et sur les agences de notation, il faut anticiper ce qui va se passer. Anticiper, c’est mettre en place une mutualisation des dettes. Et il y a suffisamment de travaux intelligents qui ont été faits. Je pense notamment à ceux de l’institut Bruegel, qui présentent en outre l’intérêt d’être transpartisans. Ils ont montré que cela permettrait non seulement de créer, ce qui est normal dans une union monétaire, un grand marché de la dette, à côté d’une banque centrale, mais aussi, si l’on admet la mutualisation jusqu’à 60 % du PIB, d’imposer une contrainte au-delà de 60 %, pour que les pays européens respectent ce critère. Cette contrainte n’existe pas aujourd’hui.

C’est là une question qui doit être posée. Ce qui est étonnant, d’ailleurs, c’est que l’union monétaire ait pu fonctionner, pendant des années et des années, avec des taux d’intérêt qui ont convergé vers des niveaux très bas, ceux des taux allemands, alors même qu’il n’y avait aucun mécanisme de solidarité au sein de cette union. Dans une crise, dans une tempête, on ne peut pas rester sans mécanisme de solidarité. Il y a urgence à avancer sur ce sujet. Il y en a d’autres, mais je crois que nous avons eu l’occasion d’en parler. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. J’irai dans le même sens.

Il y a deux ans, lorsque j’ai rencontré le vice-Premier ministre du gouvernement grec, qui venait d’être désigné par la nouvelle assemblée, il m’avait dit : « Nous sommes tombés dans un trou noir. » Depuis, la situation s’est aggravée. La Grèce est traitée comme le serait une personne endettée à qui ses créanciers font payer, de plus en plus, une prime de risque, en augmentant à chaque échéance le coût du crédit. Les réformes qui lui sont demandées aujourd’hui ne peuvent produire immédiatement des effets – en tout cas pas les effets souhaités. On peut aussi noter que ce qui a été prêté a aussi servi à acheter, en Europe.

Malheureusement, le plan qui est aujourd’hui proposé est un plan à court terme. En juillet dernier, j’étais en Grèce. Le plan a été perçu comme une bouffée d’oxygène, à la fois par le Gouvernement et par l’ensemble du peuple. Aujourd’hui, il n’est déjà plus suffisant. Certaines agences de notation menacent même de ranger en catégorie spéculative d’éventuelles obligations communes européennes, garanties par l’ensemble des pays de la zone.

C’est donc un problème que l’on peut dire systémique. Il affecte toute l’Union, il exige une solution durable et à grande échelle, mais il ne reçoit qu’un traitement d’appoint.

D’autres mesures auraient été nécessaires, et le restent. Comme le dit Jacques Delors, il faut aller vers un système interétatique de gestion de la dette des États, un système plus grand, plus fort que les marchés. La dette pourrait aussi être gérée de façon mutualisée, comme vient de le dire Pierre-Alain Muet : une partie de la dette ferait l’objet d’émissions d’obligations européennes, ce qui soustrairait la dette à la spéculation mais pas au remboursement. C’est important.

Parallèlement, la BCE pourrait aussi financer des investissements d’avenir. Aucun investissement n’est prévu à ce jour. Des fonds européens structurels pourraient être calibrés pour aider les États en difficulté et assurer un minimum de croissance. Au-delà des restrictions, c’est l’absence de mesures pour l’avenir qui inquiète le peuple grec. Si l’on n’investit plus, on ne prépare plus l’avenir.

Malheureusement, toutes ces mesures ne figurent pas dans votre plan, ni dans les engagements pris par les dirigeants européens. Nous ne pouvons que le regretter. C’est pour cette raison que nous nous abstiendrons.

M. le président. Les amendements nos 47 à 51 de M. le rapporteur général sont rédactionnels.

(Les amendements nos 47, 48, 49, 50 et 51, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 2, amendé, est adopté.)

Avant l’article 3

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 124 et 123, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Les auteurs de l’amendement n° 124 et de l’amendement de repli n° 123, au premier rang desquels Hervé Morin, le président Lachaud et Charles de Courson, souhaitent rappeler ce pour quoi le groupe centriste a constamment plaidé : les contribuables les plus aisés doivent pouvoir participer à l’effort de solidarité nationale.

Cet amendement s’inscrit dans une logique de convergence fiscale, notamment franco-allemande.

En l’état actuel du droit, le prélèvement forfaitaire libératoire constitue une optimisation fiscale pour les contribuables dont le taux marginal d’imposition correspond à la dernière tranche du barème d’imposition. En conséquence, les revenus du travail sont davantage fiscalisés que la plupart des revenus du patrimoine.

Il est proposé de majorer de quatre points le taux forfaitaire libératoire, pour ne pas aggraver l’écart d’imposition entre les revenus du travail et certains revenus du patrimoine.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Comme je l’ai indiqué hier à propos d’amendements similaires, la commission a considéré que ces amendements étaient tout à fait intéressants et importants, mais ils ont été renvoyés au débat qui aura lieu d’ici quelques semaines dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2012.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Même avis.

(L’amendement n° 124 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 123 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l’amendement n° 97

M. Pierre-Alain Muet. Il s’agit de plafonner la niche fiscale qui concerne les emplois à domicile. Bien sûr, nous sommes favorables à ce dispositif. C’est même nous qui l’avions instauré. Mais nous avions mis un plafond beaucoup plus raisonnable que celui qui existe actuellement, et qui est de 15 000 euros, voire davantage dans certains cas. Nous proposons de le ramener à 7 000 euros.

(L’amendement n° 97, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l’amendement n° 107.

M. Pierre-Alain Muet. Là, nous touchons vraiment à un sujet très important. Si vous voulez des recettes, il y a une solution très simple, qui consiste à plafonner globalement les niches. Vous me direz qu’elles le sont. Oui, elles le sont : à 18 000 euros, plus 6 % du revenu. C’est tout à fait considérable. Nous considérons qu’un plafond beaucoup plus bas est nécessaire. Nous proposons de le fixer à 10 000 euros.

Si vous plafonnez globalement les niches, l’imposition sera raisonnable, et vous empêcherez qu’elles soient utilisées à des fins d’optimisation fiscale, ce qui n’était pas leur vocation initiale.

(L’amendement 107, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l’amendement n° 111.

M. Pierre-Alain Muet. Vous vous souvenez sans doute du long débat que nous avons eu sur les plus-values immobilières. Au cours de ce débat, certains ont soulevé une vraie question : est-il juste d’imposer les plus-values à un taux constant dès lors que lorsque l’on a des revenus relativement modestes, on a droit à une imposition plus faible ? Après tout, une plus-value est un revenu qui s’ajoute à d’autres revenus.

La loi de finances pour 2004 a mis en place, pour les plus-values immobilières, un prélèvement forfaitaire qui était de 16 %, et qui est passé à 19 %. Une bonne partie des plus-values mobilières, quant à elles, ne sont pas imposables. La justice fiscale, c’est de soumettre les plus-values mobilières et immobilières au barème de l’imposition sur le revenu, c’est-à-dire au droit commun et non pas à une imposition proportionnelle à 19 %. C’est ce que nous proposons.

(L’amendement n° 111, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 27 rectifié de M. Michel Bouvard tombe.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet pour défendre l’amendement n° 152.

M. Pierre-Alain Muet. Il est défendu.

(L’amendement n° 152, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 3

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, inscrit sur l’article 3.

M. François de Rugy. J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer à plusieurs reprises cet article au cours de ce débat. Parmi l’ensemble de ces mesures, cet article est vraiment un scandale absolu. Vous vous attaquez une nouvelle fois aux mutuelles et aux cotisations sur les mutuelles. Je voudrais rappeler un chiffre incontestable, donné par le président de la Mutualité française : entre 2008 et 2012, les cotisations auront augmenté de 125 euros en moyenne, et plus de la moitié de cette hausse provient de la répercussion des taxes, qui sont passées de 13 à 76 euros, soit plus de 60 euros d’augmentation du fait de vos mesures. Et vous doublez maintenant la taxe sur les contrats de mutuelles !

Or, vous le savez sans doute, faute de quoi il serait temps d’en prendre conscience, le tarif des mutuelles est un facteur extrêmement important de la décision d’y souscrire ou non ; 14 % des chômeurs qui n’ont pas de couverture complémentaire, 8,5 % des ouvriers non qualifiés, et même 3,7 % des cadres.

Si l’on considère le taux d’effort, les choses sont très claires : pour les ménages les plus pauvres, il représente 8 % des revenus, quand il ne représente que 2 % pour les ménages aux revenus plus importants. Le fait de porter la taxe de 3,5 % à 7 % aura un effet désastreux sur la couverture maladie complémentaire de la population. Monsieur le ministre, je regrette que vous préfériez bavarder lorsque l’on aborde ces sujets qui ne vous concernent pas tellement (Protestations sur les bancs du groupe UMP), mais les Français, eux, sont concernés, et ils en ont vraiment assez de cette politique de taxation sur les mutuelles que vous avez appliquée à plusieurs reprises.

Cette mesure a un effet caché : il existe une aide financée par un fonds pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle. Or, les seuls contributeurs à ce fonds, ce sont les mutuelles. Elles devront donc, à cause de votre taxe, payer deux fois, et répercuter ce surcoût sur les contrats, donc sur les assurés sociaux. L’ensemble des salariés, des retraités, des demandeurs d’emploi vont être touchés. C’est même pour cela que vous le faites, car vous savez que vous tenez là une recette captive, sans évasion fiscale possible : les assurés sociaux ne vont pas déménager à l’étranger à cause d’une hausse des taxes, comme peuvent le faire les gros patrimoines ou les grosses fortunes. Ils subiront bel et bien cette hausse, et vous aurez une recette pour boucher les trous que vous avez créés avec des mesures injustes dans d’autres domaines.

M. Pascal Clément. Ah, ces gauchistes !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Cet article est au cœur de l’injustice du plan dit de rigueur du gouvernement Fillon. Nous avons entendu une grande leçon de responsabilité de sa part tout à l’heure, mais j’ai été frappé du fait que, lorsqu’il a présenté ce plan à la télévision, il a soigneusement évité de parler de cette mesure. Ce sont les journalistes, quelques heures après, qui, faisant leur travail, ont mis en évidence cette disposition mettant en pièces l’argumentaire du Premier ministre selon lequel l’effort serait équitablement réparti, les plus riches se voyant imposer l’effort maximum. Chacun sait qu’il n’en est rien et que l’effort provisoire demandé aux plus fortunés est dérisoire au regard de tous les cadeaux fiscaux qui leur ont été faits, notamment la diminution de l’impôt sur la fortune.

M. Pascal Clément. Nous sommes le seul pays d’Europe à avoir un tel impôt !

M. Jean-Marc Ayrault. Avec la différence qui existe entre la fiscalité sur le travail et la fiscalité sur le patrimoine, ils sont de toute façon largement gagnants.

M. Pascal Clément. Vous êtes nuls !

M. Jean-Marc Ayrault. Mais tout le monde sait très bien que l’impôt payé par Mme Bettencourt est de 15 %, tandis que l’impôt payé par un cadre, qui n’a pas d’autre revenu que celui de son travail, est de 30 %. Voilà la réalité de la fiscalité française !

M. Pascal Clément. Vous êtes des jaloux !

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur Clément, vous êtes ancien ministre de la justice, mais surtout pas de la justice sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

J’ai été frappé par le côté presque ridicule de l’université d’été de l’UMP à Marseille. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous étiez sens dessus dessous comme si l’impôt sur les parcs d’attraction, notamment sur le Futuroscope et le Puy du Fou, qui sont par ailleurs de très bons parcs, était la chose essentielle. Vous avez amusé la galerie pour faire oublier ce qui pénalise les classes populaires et les classes moyennes, c’est-à-dire la taxation supplémentaire pour les mutuelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je pense aux députés UMP qui, comme nous, reviennent dans leurs circonscriptions et entendent un certain nombre de critiques. Parmi ces critiques, vous devez entendre celle relatives aux promesses non tenues du « président du pouvoir d’achat ». C’est le pouvoir d’achat des classes populaires et des classes moyennes qui est directement atteint, c’est la majorité des Français qui est directement pénalisée.

Et elle est également pénalisée, comme vient de le dire François de Rugy, pour l’accès aux soins. Nous connaissons tous, dans nos permanences, sur tous les bancs de cet hémicycle, des personnes qui nous disent avoir du mal à accéder aux soins parce qu’ils n’ont pas les moyens de se payer une mutuelle. Parfois, les centres communaux d’action sociale interviennent pour aider certaines familles éloignées des soins. C’est aussi une question de santé publique, de droit à l’accès aux soins, et c’est là une double pénalité pour le pouvoir d’achat et pour la santé.

Je vous demande, mesdames et messieurs de la majorité, d’avoir le courage de dire, comme vous avez su le faire en modifiant quelques taxes, que cette mesure est une faute politique, et de retirer cet article ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. En prolongement des propos de M. Jean-Marc Ayrault, je voudrais dire qu’on peut comprendre, à un moment ou à un autre, que l’esprit de solidarité fasse appel aux plus fortunés. Il faut faire preuve de solidarité, et faire payer, non pas les « riches » en tant que tels, mais ceux qui en ont les moyens, parce qu’ils se trouvent être détenteurs d’un patrimoine ou d’un revenu important.

Mais nous sommes ici dans une situation tout à fait différente : il s’agit de taxer des gens qui n’ont rien demandé, qui sont victimes parce qu’à un moment ou à un autre de leur existence, ils tombent malades, ou qu’ils sont confrontés à une situation pénible dans leur travail. Nous savons les risques, y compris psychosociaux, que comportent certains métiers. Je suis originaire d’une région dans laquelle les mineurs de fer et de charbon ont payé un lourd tribut à l’édification d’une industrie nationale, et il est particulièrement choquant d’imaginer que ceux-là mêmes qui sont déjà victimes, parce que leurs conditions de travail ont été terribles, vont subir une double peine. Ils vont devoir payer parce qu’ils sont malades du fait de leur activité professionnelle.

De la même manière, je pourrais évoquer le dossier de l’amiante. Ceux qui sont atteints de maladies résultant de l’exposition à l’amiante ne l’ont pas demandé. Nous sommes finalement dans une situation où ceux qui ont une génétique qui n’est peut-être pas favorable, et qui de surcroît ont rencontré des conditions de travail défavorables, vont devoir payer une deuxième fois pour leur santé. C’est profondément immoral.

C’est d’autant plus immoral que, nous le savons, l’espérance de vie moyenne d’un cadre est de sept ans supérieure à celle d’un ouvrier. Nous devrions plutôt nous employer à réduire cet écart qu’à l’accentuer. Or cette mesure va forcément l’accentuer, puisque la principale action que l’on puisse mener est une action de prévention, par un système de sécurité sociale tel qu’on l’avait imaginé en 1946, et amélioré par les mutuelles. Aujourd’hui, le système de 1946 est en train d’être démantelé, et nous allons porter atteinte, par ce doublement de la taxation, au système complémentaire. C’est dire à quel point ce système est inique et à quel point nous portons là une attaque définitive au système de santé français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Tout à l’heure, lors de la séance des questions au Gouvernement, le Premier ministre nous disait que les Français trancheraient « sur la base des réalités ».

Alors que nous achevons les débats sur la deuxième loi de finances rectificative de l’année, il est temps de nous poser la question de la « réalité » qui résulte de ces travaux. La réalité, c’est l’aggravation du déficit de l’État de 3,4 milliards d’euros. Ce sont les mesures que Christian Eckert qualifiait de rideau de fumée, et que j’appellerai plutôt, pour ma part, des trompe-l’œil : un doigt d’augmentation de la fiscalité du patrimoine, mais qui suit la quasi-suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune dans la première loi de finances rectificative. C’est enfin cette taxe spéciale sur les conventions d’assurance. Voilà la réalité de votre politique et des choix injustes que vous faites.

Le doublement de la taxe sur les mutuelles, d’application immédiate, produira 1,1 milliard d’euros de recettes en année pleine, et pèsera sur les contrats d’assurance-maladie facultatifs ou obligatoires, souscrits de manière individuelle ou collective, qui ont la caractéristique d’être qualifiés de « solidaires et responsables ». Cette taxation, vous l’avez instituée dans la loi de finances pour 2011 au taux de 3,5 %, et vous récidivez aussitôt après en relevant le taux à 7 %.

Je crois que la justification tirée du fait que 90 % des contrats complémentaires santé sont aujourd’hui « solidaires et responsables » n’est pas un bon argument. Aujourd’hui, la réalité, c’est l’affaiblissement de la sécurité sociale, et l’accroissement de son déficit. Sous prétexte de ces déficits, alors même que sous le gouvernement Jospin nous avions retrouvé l’équilibre de la sécurité sociale, vous avez déjà procédé à de nombreux déremboursements de médicaments.

Vous fragilisez également l’accès aux soins, le président Ayrault vient de le dire. Cette mesure est injuste, car elle frappe avant tout les ménages modestes : il est vrai qu’ils ont le tort d’être les plus nombreux.

Rappelons pour terminer que le rapport de l’inspection générale des finances relatif aux niches fiscales et sociales, souvent évoqué ces deux derniers jours, avait attribué à ce dispositif fiscal une note maximale et préconisé de le maintenir. Il y a donc bien lieu de supprimer l’article 3.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. M. Launay vient de citer le rapport de l’inspection générale des finances. Celui-ci indique clairement que ce dispositif a été particulièrement efficace et qu’il convient de le préserver. Or, après avoir commandé un rapport qui vous propose la suppression de très nombreuses niches fiscales inefficaces ou injustes, la seule mesure que vous prenez consiste à mettre un des dispositifs dont toutes les institutions que vous avez interrogées reconnaissent l’efficacité ! Comme le disent les représentants de la mutualité, ce n’est pas en empêchant les plus modestes de se soigner que vous réduirez la dette de notre pays. C’est la réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Sur le fond, vous remettez en cause le droit à la santé. Comme le disait  Jean-Marc Ayrault, nos collègues de l’UMP vont aussi dans leur circonscription. Mais j’en viens à me demander s’ils n’achètent pasun postiche ou un masque pour aller passer le week-end chez eux et aborder leurs électeurs sans risque…

M. Claude Goasguen. Venez chez nous !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Goasguen, je reconnais que vous, vous n’avez pas ce genre de problème pour fréquenter des archiduchesses qui peuplent votre circonscription.

M. Claude Goasguen. Chez vous, l’archiduchesse, c’est Voynet ?

M. Jean-Pierre Brard. Elle est chez nous provisoirement. Et si vous voulez, on peut vous la prêter. (Sourires.) Mais revenons à notre sujet, dont vous essayez avec acharnement de me détourner.

En fin de compte, vous avez une politique très cohérente : vous remettez en cause systématiquement le droit à la santé. Nos compatriotes, les études le montrent, ont de plus en plus de difficulté à se soigner, du fait non seulement de la réduction des moyens octroyés à l’hôpital public, mais également de l’augmentation des forfaits hospitaliers, du déremboursement des médicaments ou de l’abaissement du taux de remboursement. Vous poussez de plus en plus les gens vers des assurances complémentaires que vous renchérissez. Tant et si bien qu’à défaut de pouvoir se soigner, les gens sont finalement obligés d’aller à l’hôpital. Il y a ici suffisamment de médecins pour le savoir : ainsi Bernard Debré, dont personne ne peut mettre en cause l’éthique – il vient d’écrire sur le sujet un ouvrage dont je vous recommande la lecture – aura, je pense, du mal à voter cette mesure.

M. Henri Emmanuelli. Il ne va pas voter cela !

M. François de Rugy. Vous êtes bien optimiste !

M. Jean-Pierre Brard. Lorsque les gens sont gravement malades, disais-je, ils finissent par aller à l’hôpital. Or vous savez qu’à ce moment-là le traitement des pathologies est infiniment plus coûteux, non seulement pour l’hôpital public, mais aussi pour les familles.

Par ailleurs, vous ne nous empêcherez pas de penser qu’en mettant en cause les mutuelles vous manifestez une inclination certaine vers les groupes d’assurances banals, que vous voulez privilégier.

M. Alain Gest. Mais non !

M. Jean-Pierre Brard. Mais si ! Cela vous gêne lorsque l’on vous présente le miroir dans lequel vous vous voyez comme vous êtes vraiment. Je comprends que cela vous effraie parfois.

Monsieur le ministre, non seulement nous ne pouvons pas vous suivre, mais nous appellerons tous les adhérents des mutuelles à la résistance et nous souhaitons que les mutuelles emboîtent le pas de leurs adhérents et ne se contentent pas d’appliquer les directives gouvernementales.

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier. Monsieur le ministre, ne soyez pas étonné que de nombreuses voix s’élèvent contre cette mesure. Franchement, qui a bien pu vous souffler cette idée ? Comment avez-vous pu inventer cela ?

Le mouvement mutualiste vous a déjà fait part, l’année dernière, de tout le mal qu’il pensait de votre taxation de 3,5 %. Aujourd’hui, vous doublez le pourcentage. Avec qui avez-vous discuté ? Tous les gens des mutuelles que nous rencontrons nous assurent n’avoir jamais eu de concertation sur le sujet. Ils n’ont jamais vu personne à qui ils auraient pu expliquer les conséquences de ce qui était mis en place. Les conséquences seront lourdes : les mutuelles seront inévitablement obligées, à un moment ou un autre, de répercuter sur leurs adhérents l’augmentation que vous leur imposez. Elles n’ont pas de bas de laine, comme vous semblez le croire.

C’est donc bien le droit à la santé que vous attaquez pour ceux qui ont besoin de ces mutuelles pour se soigner. Je ne comprends pas. Vous taxez très légèrement les plus riches, à hauteur de 200 millions, et là, vous prenez 1,1 milliard ! Cela dépasse l’entendement. C’st à croire que vous ne rencontrez pas les mêmes personnes que nous ! Je ne vous accuse pas de regarder les gens comme nous les regardons. Mais très franchement, s’il y a une mesure injuste parmi toutes celles que vous avez prises, c’est bien celle-là !

Je vous demande moi aussi de renoncer à cette idée. Pensez aux gens qui ont besoin de se faire soigner, alors que cela devient de plus en plus difficile. Vous n’avez pas le droit de laisser cette mesure dans le projet de loi de finances rectificative. Vous devez la retirer.

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Des choses intéressantes ont été exprimées. Pour ma part, je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur cette mesure qui me préoccupe tout particulièrement. Nous devrons prendre une décision importante liée à une crise qui sévit en Europe et plus particulièrement en Grèce.

Je regrette que l’on nous propose dans le projet de loi de finances rectificative de relever la taxe sur les conventions d’assurances après nous avoir refusé une série de propositions que l’on nous promet d’examiner dans quelques semaines, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2012.

J’aurais voulu que l’on n’intervienne sur l’augmentation de la taxe sur les conventions d’assurances qu’en dernier recours – une solution de repli en quelque sorte. Nous savons que cela entraînera un effet immédiat sur la cotisation et le prix qu’acquitteront les bénéficiaires.

J’aurais voulu que l’on parle dans ce projet de loi de finances rectificative d’un coup de rabot général sur l’ensemble des niches, même si je reconnais que les marges de manœuvre du Gouvernement sont très étroites et l’exercice difficile.

J’aurais également voulu que l’on adopte certains amendements qui visaient à créer de nouvelles tranches d’impôt sur les hauts revenus. J’ai le sentiment, partagé, que l’on a du mal à aller chercher l’argent où il est. Loin de moi l’idée d’opposer les catégories sociales – ce n’est pas le sujet.

Je serais très attentif aux réponses du Gouvernement sur cette question. Je ne fais pas de chantage, mais mon vote final à titre personnel sera particulièrement conditionné à l’augmentation de la taxe sur les conventions d’assurances.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Dans sa présentation du projet de loi de finances rectificative, Mme Valérie Pécresse a indiqué que celui-ci portait à plus de 80 % sur ce qu’elle qualifie elle-même de « ménages aisés » et les entreprises, le solde, et pour 20 % sur les autres – autrement dit, j’imagine, sur les ménages plus modestes. Outre que cette classification, qui met d’un côté entreprises et ménages aisés et de l’autre le reste, ne me paraît pas forcément pertinente, le fait de ranger le produit de cette taxe dans la catégorie des taxes appliquées aux entreprises ne me paraît pas honnête. En effet, il n’y a pas de trésors cachés au sein de la mutualité et nous bénéficions de l’expérience de la précédente taxée votée par la majorité UMP l’année dernière en loi de finances initiale ? Nous avons constaté que cette taxe de 3,5 % sur les contrats de santé responsables était intégralement répercutée sur les mutualistes. Ce n’est donc pas une taxe sur les entreprises, mais bien une taxe sur les ménages – il faut appeler les choses par leur nom.

En un an, cette taxe sur les contrats de santé responsable aura été, en année pleine, de plus de 2 milliards d’euros – 3,5 % l’année dernière en loi de finances initiale et de nouveau 3,5 % cette année en loi de finances rectificative. Cela signifie qu’en un an, si cette disposition est votée, ces contrats de santé auront été taxés en année pleine à 2,2 milliards d’euros. C’est beaucoup, car nous savons que la cotisation au contrat de santé responsable est un élément très important dans les arbitrages que les ménages ont à faire. Pouvoir disposer d’une couverture complémentaire est essentiel et ne relève pas vraiment du libre arbitre. Se soigner peut être une nécessité non négociable lorsqu’il s’agit d’arbitrer dans la répartition du pouvoir d’achat d’un ménage En conséquence, ces ménages sont soumis à un choix difficile : ou bien accepter une amputation de leur pouvoir d’achat disponible – ce qui reste à consommer – ou bien, renoncer à la couverture santé complémentaire, avec les risques que cela fait courir à ceux qui prennent la décision et, le cas échéant, pour ceux dont ils ont la charge. Cette décision n’est donc pas mince. Dès 2011, si cette taxe est votée, elle aura un effet injuste, car, dès lors qu’elle s’applique aux échéances à venir ou aux nouveaux contrats à conclure, celles et ceux qui ont déjà acquitté en une fois la cotisation en 2011 ne seront pas frappés. Celles et ceux qui pour d’évidentes raisons de pouvoir d’achat, modeste ou faible, ont opté pour une cotisation mensuelle ou trimestrielle seront taxés. Autrement dit, ceux parmi les mutualistes qui seront frappées cette année seront ceux dont ont le pouvoir d’achat est le plus faible. Je ne suis pas sûr que cet élément ait été bien mesuré.

Enfin, puisqu’on parle de pouvoir d’achat, il est vrai que le pouvoir d’achat brut moyen a augmenté. D’ailleurs, certains de nos dirigeants s’en sont félicités récemment pour indiquer que la promesse du candidat Nicolas Sarkozy avait été tenue, à ceci près que cet indicateur ne tient pas compte de la démographie, ce qui le rend très contestable. Quand on tient compte de la démographie et que l’on s’intéresse au pouvoir d’achat moyen des ménages, on constate qu’il a baissé. Pire : le pouvoir d’achat qui demeure après l’arbitrage, c’est-à-dire après les dépenses obligatoires, baisse encore plus. L’INSEE sait parfaitement calculer cela.

Si donc cette mesure est votée, ce pouvoir d’achat-là – celui qui compte, qui permet aux ménages d’avoir le sentiment de plus ou moins maîtriser leur destin – se réduira d’autant plus cruellement que les ménages seront modestes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Nous reviendrons probablement sur ces débats à l’occasion du projet de loi sur le financement de la sécurité sociale pour 2012 ; pour l’heure, je me contenterai d’insister sur deux ou trois points.

Le Gouvernement persiste dans l’incohérence. Il veut relever la taxe sur les conventions d’assurance, mais sur certains contrats, les contrats dits solidaires et responsables. S ces derniers bénéficiaient d’un taux réduit, c’est parce qu’ils étaient censés être vertueux et encourager au respect du parcours de soins. J’en déduis que le Gouvernement renonce à poursuivre sa politique en matière d’assurance maladie et à encourager la vertu du respect du parcours de soins.

Tout cela se passe sur un fond de dérive de la prise en charge des patients par l’assurance maladie. Le régime obligatoire, sous l’effet des déremboursements, des franchises, des forfaits et d’un certain nombre d’autres mesures – en dehors de la prise en charge des affections de longue durée qui sont à 100 % – ne couvre plus les dépenses d’assurance maladie qu’à 55 %. C’est très faible. Le déport s’est fait progressivement sur les régimes complémentaires, et c’est sur ces régimes complémentaires que vous fondez maintenant pour traquer ceux que vous y avez enfermés.

M. Michel Vergnier. C’est vrai !

M. Jean Mallot. Le système devient encore plus injuste : non seulement vous pénalisez les plus faibles – cela a été parfaitement décrit par les orateurs précédents –, mais, deuxième incohérence, vous avez fait travailler l’Inspection générale des finances qui a rendu un rapport évaluant toutes les niches sociales et fiscales. Qu’en est-il de celle-ci ? Elle a reçu la note maximale : c’est un système d’encouragement au parcours de soins, c’est une niche sociale, fiscale en l’occurrence, et que l’inspection générale préconise de maintenir.

Pourquoi faites-vous travailler l’inspection générale des finances si vous ne tenez aucun compte de ses conclusions ?

Il n’y a pas vraiment de hasard et lorsque l’on se livre à quelques calculs, la cohérence de votre démarche apparaît. Pour la sécurité sociale, la mesure que vous proposez produira 80 millions d’euros en 2011, 1,1 milliard en 2012.

Je rappelle qu’il y a quelques mois, vous avez voté ici même une réduction de l’impôt de solidarité sur la fortune de 1,856 milliard d’euros. Vous allez me dire qu’à cette occasion, vous y avez « glissé » la disparition à terme du bouclier fiscal, soit 700 millions d’euros.

M. le président. Merci de conclure, monsieur Mallot.

M. Jean Mallot. La différence, monsieur le président, entre 1,8 milliard et 700 millions, c’est 1,1 milliard d’euros. Vous avez donné 1,1 milliard d’euros aux plus riches, que vous financerez globalement sur les finances publiques par la mesure que vous proposez ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous en venons à une série de cinq amendements identiques, nos 3, 31, 74, 101 et 116, tendant à supprimer l’article 3 et qui, de fait, ont déjà été défendus.

La parole est à M. Gérard Charasse, pour soutenir l’amendement n° 31.

M. Gérard Charasse. Si nous demandons la suppression de l’article 3, c’est parce que nous refusons le doublement de la taxe spéciale sur les complémentaires santé dont nous avons déjà longuement et bien parlé.

Cette mesure représenterait un surcoût de plus de 1 milliard d’euros pour les adhérents à une complémentaire santé ; cette hausse, totalement injuste sur le plan social, serait un frein évident à l’acquisition d’une complémentaire santé que les plus modestes ne ont déjà bien du mal à se payer. Cela va à l’encontre des objectifs de santé publique et contribuerait à aggraver les difficultés de santé de nombre de nos concitoyens.

Le montage de cette mesure est assez curieux : en fait, la hausse des tarifs conduira à un recours plus important à l’aide complémentaire santé financée par le fonds CMU, lui-même alimenté par une taxe sur les complémentaires santé… Autrement dit, on risque est de faire payer aux complémentaires santé le déficit à venir de ce fonds CMU davantage sollicité ! La boucle est bouclée.

Ajoutons que le Gouvernement n’a de cesse de compenser les reculs de la sécurité sociale par une sollicitation insupportable des mutuelles. Après avoir accordé des cadeaux de près de deux milliards d’euros en allégeant l’ISF, voilà que vous taxez de 1 milliard d’euros les complémentaires santé... C’est une fois de plus la preuve du caractère anti-social de votre politique fiscale anti-redistributive et tout à fait régressive.

Voilà pourquoi nous demandons la suppression de l’article 3.

M. le président. Je vous indique d’ores et déjà que, sur le vote de ces amendements identiques, je suis saisi par le groupe GDR et SRC d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir l’amendement n° 3.

J’avais cru comprendre qu’il avait été brillamment défendu par M. Brard…

M. Daniel Paul. Vous aviez zappé un peu rapidement, monsieur le président. (Sourires.)

Le 24 août dernier, le Gouvernement a annoncé un doublement de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance pour les contrats santé solidaires, les plus responsables et les plus solidaires – pas tous.

Nous la retrouvons à l’article 3, un an après le vote de l’assujettissement de ces contrats à la taxe spéciale sur les conventions d’assurance à hauteur de 3,5 %.

En proposant de doubler le taux de cette taxe et en le faisant passer à 7 %, vous allez porter un nouveau coup à l’ensemble de nos concitoyens car cette mesure aura un impact direct sur le coût des complémentaires santé.

Je rappelle à tous nos collègues ici présents, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent, que nous recevons régulièrement – en tout cas pour ce qui me concerne – des gens qui viennent nous dire qu’ils ne peuvent plus payer ni leur mutuelle ni leur complémentaire. Ils font chaque mois l’effort de souscrire une mutuelle, mais lorsqu’il leur faut faire face dans le même temps aux autres dépenses, c’est sur celle-là qu’ils peuvent être tentés de rogner.

À l’heure actuelle, 8 % des salariés n’ont pas de complémentaire. Craignez, monsieur le ministre, qu’avec votre choix, ils ne soient plus nombreux à y renoncer. Depuis 2008, vous avez multiplié par vingt le montant des taxes sur les complémentaires. Il sera passé de 277 millions d’euros à 3,5 milliards d’euros l’an prochain si votre mesure est adoptée.

M. Henri Emmanuelli. C’est une grossière erreur.

M. Daniel Paul. Pour accéder aux soins, – cet accès devenant pour vous un signe extérieur de richesse ! – l’ensemble des Français devra acquitter 1,1 milliard d’euros supplémentaire par an…

M. le président. Merci, monsieur Paul.

M. Daniel Paul. …quand vous prévoyez de ne taxer les plus hauts revenus qu’à hauteur de 200 millions.

M. le président. On a compris.

M. Daniel Paul. Cette décision est tout à fait révélatrice de vos choix politiques fondamentaux. Plagiant une phrase célèbre, je dirai que vous choisissez de faire payer le peuple car il est le plus nombreux.

Cela n’est pas acceptable et nous voterons bien sûr contre un tel article.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour présenter l’amendement n° 74.

M. François de Rugy. J’ai dit tout à l’heure à quel point l’article 3 était pour nous le scandale absolu de ce projet de loi.

M. Henri Emmanuelli. Vous ne pouvez pas faire cela, monsieur le ministre !

M. François de Rugy. La quasi-totalité des ménages a des contrats de couverture santé complémentaire. C’est sur les classes moyennes que vous décidez de faire porter l’effort. Les Français sauront ainsi quelles sont vos priorités lorsqu’il s’agit de les taxer.

M. Henri Emmanuelli. Monsieur le ministre, il s’agit des mutuelles, tout de même !

M. Jean-Paul Bacquet. Vous avez déjà instauré des franchises médicales !

M. François de Rugy. On mesure le décalage, le fossé entre le débat que nous avons eu hier, en pleine nuit – c’était pour vous bien pratique – sur les plus-values immobilières et celui que nous avons maintenant sur les complémentaires santé. Nous avons eu droit hier soir à un festival, que dis-je ? un feu d’artifice d’amendements, d’arguments tous plus contradictoires les uns que les autres. Le rapporteur général n’est-il pas allé jusqu’à parler de patrimoines détenus depuis la nuit des temps ? Quel terrible aveu !

À chaque fois qu’il s’agit de protéger les plus-values, vous savez vous mobiliser. Vous déposez des amendements – plus de trente – et y consacrez plusieurs heures de discussion. Et là, si nous n’étions pas présents aujourd’hui, vous feriez passer cette mesure en quelques minutes ! Je n’ai vu qu’un ou deux amendements de suppression émanant de la majorité.

Mes chers collègues de l’UMP, je vous invite à faire reculer le Gouvernement sur ce point – vos électeurs, j’en suis persuadé, vous en remercieraient – comme vous l’avez fait reculer, même si c’est moins glorieux, sur les plus-values immobilières ou la taxe sur les parcs à thèmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. L’amendement n° 101 est retiré et l’amendement n° 116 a été défendu.

Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements de suppression ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements de suppression.

Rappelons que tous les contrats d’assurance sont soumis à une taxe, la taxe spéciale sur les contrats d’assurances. Les contrats de responsabilité civile, par exemple, sont soumis à cette taxe tout comme les contrats incendie ou les contrats automobile.

M. Henri Emmanuelli. Et alors ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il y a quelques années, au moment de l’introduction des contrats d’assurance complémentaire santé, ceux qui, dans un premier temps étaient qualifiés de solidaires, puis de solidaires et responsables, …

M. Jean-Pierre Brard. Il faudra bientôt ajouter soutenables et durables !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …parce qu’assorties d’un certain nombre d’obligations en termes de remboursement, ont fait l’objet d’une exonération temporaire de cette taxe systématique sur les contrats d’assurance. Pourquoi une telle exonération temporaire ? Tout simplement, et c’est l’exemple même du but de l’incitation fiscale, pour permettre à ces contrats de se développer le plus rapidement possible.

M. Henri Emmanuelli. Et alors ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’objectif a été atteint dans la mesure où ces contrats dépassent désormais plus de 90 % du total des contrats d’assurance santé. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

L’incitation à généraliser ces contrats ayant fonctionné, il convenait d’y mettre un terme. Il a été décidé de le faire en deux étapes.

M. Daniel Paul. Vous avez décidé de le faire !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Dans le cadre de la loi de finances pour 2011, une première étape a consisté à rétablir un taux à 3,5 %. Cette fois-ci, il est proposé de passer à un taux définitif de 7 %.

M. Henri Emmanuelli. Scandaleux !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce taux est sensiblement inférieur au taux de la responsabilité civile, qui est à 9 %.

M. Daniel Paul. C’est plus que le taux de TVA sur la restauration !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Sans parler du taux en matière d’automobile, qui est à 18 %. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Christian Bataille. Ridicule !

M. le président. Seul le rapporteur général a la parole.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En même temps que le Gouvernement favorisait le développement de ce type de contrat, il s’est bien entendu posé la question des ménages non couverts par la CMU parce qu’ils dépassent le plafond de ressources, et qui peuvent avoir des problèmes pour acquitter leur complémentaire santé.

À partir de 2004, une aide aux complémentaires de santé a été mise en place, qui a depuis constamment progressé : aujourd’hui, 600 000 personnes en bénéficient.

M. Jean Mallot. Il y a bien une raison à cela !

M. Jean-Paul Lecoq. Liée à la situation actuelle.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ajoutons que le plafond de ressources a été systématiquement relevé. Aujourd’hui, il dépasse de 30 % le plafond au-delà duquel la CMU ne joue pas. Les montants de cette aide s’étagent selon l’âge de l’assuré, de 200 euros pour les vingt - trente-cinq ans, jusqu’à 500 euros au-delà de soixante ans.

Le prix moyen d’une complémentaire santé solidaire et responsable pour les personnes âgées, au-delà de soixante ans, est de 600 euros. La prise en charge représente 500 euros sur ces ces 600 euros.

Dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale – je me tourne vers Pierre Méhaignerie, le président de la commission sociale…

M. Henri Emmanuelli. …qui ne peut laisser faire cela !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …nous pourrons examiner de quelle manière recalibrer cette aide aux complémentaires santé s’il y a lieu de le faire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Monsieur Mallot, écoutons le rapporteur général !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous vous êtes largement exprimés, chers collègues, et nous vous avons écoutés de la façon la plus objective possible, ce qui n’a pas été votre cas. Laissez-moi exprimer mon point de vue.

M. Yves Censi. C’est la moindre des choses !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Au 1er janvier est intervenue cette augmentation de 3,5 %. Nous avons évidemment regardé de près pour savoir si elle avait été répercutée sur les contrats. Cela n’a pas été le cas. Pour autant, je ne dis pas que la nouvelle augmentation qui doit conduire au taux définitif de 7 % ne sera pas du tout répercutée. Mais il y a également des marges chez les assureurs, fussent-ils des mutualistes, il faut bien en être conscients.

M. Alain Gest. Bien sûr !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Lorsque nous débattrons de la loi de financement de la sécurité sociale, nous pourrons, s’il y a lieu, procéder à un ajustement de cette aide à l’acquisition de complémentaire de santé. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Dans ces conditions, je ne vois donc absolument aucune raison de revenir sur cette disposition.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, tout a été dit, chacun a pu s’exprimer, nous pouvons considérer que l’Assemblée est pleinement informée. Le rapporteur général a parfaitement développé les arguments avancés par le Gouvernement. Je voudrais simplement en ajouter deux ou trois, ce qui permettra d’apporter des réponses aux intervenants socialistes.

Certains ont affirmé que cette imposition ne constituait pas une niche et que son augmentation allait avoir des répercussions sur les plus fragiles, avec une augmentation des primes pour les ménages les plus modestes. Tout cela est faux !

Tout d’abord, il s’agit bel et bien d’une niche. Dès lors que 90 % des contrats relèvent de ce dispositif, il est évident qu’il y a là une dérogation au droit commun. La fiscalité diffère selon qu’il s’agit du secteur privé ou du secteur des mutuelles ou de l’économie sociale au sens large.

Nous avions déjà fait la moitié du chemin l’année dernière avec le passage du taux de 0 % à 3,5 %. J’étais alors ministre du budget : nous avions eu les mêmes débats avec les mêmes arguments. Aujourd’hui, nous pouvons constater que le cataclysme qu’annonçaient certains, relayant les inquiétudes de certains acteurs du secteur, n’a pas eu lieu.

Il n’y a pas d’états d’âme et d’interrogations à avoir sur le principe de cette mesure.

M. Jean-Paul Bacquet. Le renoncement aux soins touche 40 % des Français !

M. François Baroin, ministre. S’agissant des modalités, certains redoutent une répercussion sur les primes, dont pâtiraient les plus modestes.

Je me permets de rappeler que le Gouvernement vise une réduction du déficit public. Pour atteindre cet objectif, il doit proposer au Parlement des mesures et il faut bien en débattre et argumenter.

M. Daniel Vaillant. Attaquez-vous à d’autres niches fiscales ! A l’ISF !

M. François Baroin, ministre. Comme vous ne proposez pas d’alternative, en dehors de mesures qui provoqueraient des chocs fiscaux lourds qui casseraient la croissance,….

M. Jean Mallot. Vous avez refusé nos amendements !

M. François Baroin, ministre. ...nous soumettons au Parlement des propositions et nous en débattons sereinement.

Parallèlement, le Gouvernement mène des efforts sans précédent concernant le développement de la maîtrise des dépenses d’assurance maladie. Ainsi, en 2010, pour la première fois, l’ONDAM, fixé à 3 %, a été respecté et il sera à nouveau respecté cette année. Ces efforts permettent en contrepartie d’éviter aux complémentaires santé d’avoir à effectuer des remboursements supplémentaires.

En 2002, lorsque votre majorité était au pouvoir, mesdames, messieurs les députés socialistes, l’ONDAM avait augmenté de 7,2 %. Et quel a été le taux d’augmentation des primes ? 7,1 %. Nous voyons bien que l’augmentation des primes dépend de l’évolution des dépenses de l’assurance maladie et non pas des dispositifs fiscaux auxquels sont assujettis les contrats d’assurance solidaires.

J’en viens à mon troisième élément, pour conclure, afin que tout le monde soit bien informé des enjeux. Certains prétendent que cette augmentation d’imposition va frapper les plus modestes. C’est faux ! Ils sont protégés, notamment par la couverture maladie universelle. Plus de 4 millions de personnes disposent d’une complémentaire gratuite. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Le Gouvernement a mis en place au cours de cette législature des dispositifs d’accompagnement qui permettent à près de 700 000 personnes supplémentaires d’accéder à une couverture maladie et de se soigner dans les conditions les plus avantageuses possibles.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Le nombre de pauvres ne cesse d’augmenter !

M. François Baroin, ministre. Rappelons que la France est le pays qui offre le reste à charge le plus faible, soit 20 euros, contre 25 euros pour l’Allemagne et plus encore pour les autres pays de l’Union européenne.

M. Henri Emmanuelli. Pas les pays nordiques !

M. François Baroin, ministre. Oui, nous considérons que cette mesure est équitable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pascal Clément. Monsieur le président, vous ne pouvez pas accepter autant de demandes de parole !

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le ministre, j’estime que cette mesure est un parfait modèle d’injustice et d’inefficacité. Vous avez demandé un rapport sur les niches fiscales à vos propres services, en l’occurrence à l’inspection générale des finances. Qu’a-t-elle conclu ? Selon elle, il existe quelques dispositifs, peu nombreux, qui fonctionnent et figurent parmi eux celui qui régit les contrats solidaires et responsables, qui conduit les souscripteurs à respecter davantage des parcours de soins.

M. Yves Censi. C’est ce qu’a dit M. le rapporteur !

M. Pierre-Alain Muet. D’une certaine façon, ce dispositif permet donc de faire des économies en matière de santé, avec davantage d’importance donnée à la prévention. « Le maintien d’un régime privilégié avec un taux réduit de 3,5 %, écrit l’inspection des finances, est de nature à préserver un avantage sur les autres contrats moins encadrés, et en conséquence à ne pas affaiblir l’incitation qu’ils constituent sur le comportement des usagers ».

L’argument selon lequel il faut supprimer ce dispositif précisément parce qu’il a marché est d’une absurdité totale : cette suppression entraînera l’abandon des parcours de soins et le retour à des contrats qui ne seront ni solidaires ni responsables.

C’est donc inefficace et absurde. Quant à l’injustice, elle est criante. Ce n’est pas en empêchant les plus modestes de se soigner – car c’est bien cela qui va se passer –, que vous réduirez la dette de notre pays. C’est scandaleux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, rapporteur. Chers collègues, c’est votre majorité qui a créé les contrats de santé responsables qui se distinguaient des contrats de santé préalables par le fait que les mutuelles s’engageaient à ne pas rembourser les dépenses de santé exposées. Par cette politique, vous espériez, et vous l’avez en partie obtenu, une maîtrise des dépenses d’assurance maladie : le ministre lui-même vient de s’en féliciter.

En doublant la taxe dont font l’objet les contrats solidaires, en portant son taux à 7 %, tout en augmentant de deux points, jusqu’à 9 %, la taxe dont font l’objet les contrats de santé non solidaires, vous réduisez considérablement l’écart de taxation entre les deux types de contrats. Vous allez donc probablement amener des ménages à accepter une taxation supérieure sur leur contrat de santé complémentaire afin d’obtenir davantage de remboursements.

Je ne suis pas certain qu’en réduisant le différentiel de taxation entre les deux contrats – les uns visant, par une politique de remboursement dissuasive, une maîtrise des dépenses d’assurance maladie, les autres, évitant cet effet dissuasif, faisant la part du feu – vous pourrez réaliser vos objectifs en matière de dépenses d’assurance maladie. Je crois même que cette nouvelle taxation est totalement dissuasive au regard de ce que vous espérez en ce domaine.

Je suis étonné d’ailleurs que le projet de loi ne comprenne aucune étude d’impact en la matière.

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie. Chers collègues, je peux comprendre que l’article 3 suscite des réactions. Aux arguments déjà soulevés, j’en ajouterai trois autres.

Y aura-t-il répercussion sur les cotisations ? Avant de répondre oui, n’oublions pas que la prise en charge à 100 % des affections de longue durée de 1 million de personnes supplémentaires chaque année représente une économie de 500 millions d’euros pour les mutuelles.

M. Daniel Vaillant. C’est sordide, ce raisonnement !

M. Pierre Méhaignerie. Il faut donc l’intégrer, et savoir que la répercussion ne sera pas totale.

Par ailleurs, je tiens à dire que je déposerai moi-même un amendement, comme Thierry Benoît l’a souhaité, pour que l’aide aux complémentaires soit plus importante.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !

M. Pierre Méhaignerie. Cela portera ainsi à 5 millions le nombre de personnes exonérées de toute cotisation. Y a-t-il un autre pays en Europe qui soit dans cette situation ?

Enfin, dernier élément pour vous faire réfléchir,…

M. Bernard Debré. C’est difficile pour eux !

M. Pierre Méhaignerie. … je soulignerai que, au cours des vingt-cinq dernières années, la France a consacré 6,4 points supplémentaires de PIB à sa protection sociale quand dans les autres pays européens, cette augmentation n’a été que de 2,4 points en moyenne.

M. Yves Fromion. Voilà !

M. Pierre Méhaignerie. La Suède, qui a réformé son système de protection sociale, a même connu une diminution de 0,4 point de PIB.

M. Henri Emmanuelli. Oui, mais pour quel taux global ?

M. Pierre Méhaignerie. Si l’on ne veut pas aborder le problème du financement de la protection sociale alors que les dépenses sociales atteignent 640 milliards d’euros, c’est que l’on ne veut pas dire la vérité au pays ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Je comprends, chers collègues, que vous fassiez un triomphe à M. Méhaignerie, même s’il n’est pas aussi à l’aise dans ce genre de démonstration qu’il voudrait bien le faire croire. Je mesure à vos applaudissements toute l’étendue de votre gêne ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Fromion. C’est vraiment le triomphe de la mauvaise foi !

M. Henri Emmanuelli. Monsieur le ministre, en évoquant la sécurité sociale, vous n’avez pu vous empêcher de vous référer à 2002. C’est une obsession ! Rappelez-vous tout de même que la dernière fois que les comptes sociaux ont été en équilibre, c’était en 2001. Oui, en 2001 !

M. Alain Gest. Mais avec quel taux de croissance !

M. Henri Emmanuelli. N’allez donc pas invoquer des références qui, finalement, se retournent contre vous.

Vous affirmez que vous respectez l’ONDAM mais vous vous gardez bien d’indiquer le niveau du déficit cette année. Cela aurait été bien plus intéressant. Je ne suis pas un spécialiste de la question, mais j’ai remarqué que cela ne vous empêchait pas de vous livrer à quelques libéralités électorales. Je ne suis pas là pour les rappeler, vous les connaissez parfaitement.

Mais c’est l’argument de notre rapporteur général qui m’a poussé à demander la parole. D’ordinaire mieux inspiré, il a expliqué que le processus d’incitation ayant bien fonctionné, il fallait le supprimer.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est parfaitement logique : l’objectif est atteint !

M. Henri Emmanuelli. Monsieur Carrez, les bénéficiaires des mutuelles, ce sont les plus faibles et les classes moyennes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Fromion. Quelle démagogie !

M. Henri Emmanuelli. Ce sont aussi ceux qui paient déjà vos franchises. Vous les avez oubliés !

Parfois, je me demande si vous n’êtes pas suicidaires. Vous affirmez poursuivre un objectif d’équilibre : nous vous avons proposé tout au long de la journée des dispositifs qui auraient rapporté plusieurs milliards d’euros mais comme ils avaient l’inconvénient majeur à vos yeux de déplaire au CAC 40, vous les avez repoussés. Lorsqu’il s’agit de taper les mutuelles et leurs bénéficiaires, vous n’avez plus aucun d’état d’âme. De même que vous n’avez eu aucun d’état d’âme lorsqu’il a fallu fiscaliser les accidentés du travail : comme chacun sait, les gens font exprès d’avoir un accident du travail pour toucher des revenus…

Des droites, on en a connu, mais des comme celle-là, jamais ! J’espère que nous allons nous en débarrasser le plus vite possible. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements de suppression de l’article, nos 3, 31, 74 et 116.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 253

Nombre de suffrages exprimés 251

Majorité absolue 126

(Les amendements nos 3, 31, 74 et 116 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 127.

La parole est à M. Rudy Salles

M. Rudy Salles. La taxe sur les conventions d’assurance applicable aux contrats d’assurance maladie dits « solidaires et responsables » a doublé. Dès lors, le montant des prélèvements supportés par les contrats complémentaires santé augmentent de 13,5 %, ce qui est particulièrement élevé s’agissant de contrats visant à assurer au plus grand nombre un meilleur accès aux soins.

En outre, nous risquons de voir se développer des contrats non responsables au détriment des contrats responsables et solidaires, lesquels visent à favoriser la coordination avec l’assurance maladie.

Les conditions de vie des étudiants se dégradent. Selon plusieurs enquêtes, un quart d’entre eux disent rencontrer des difficultés, notamment pour ce qui des soins. Près de la moitié des étudiants vit avec moins de 400 euros par mois.

Pour limiter les effets négatifs de cette modification de taxation, il est donc proposé d’exonérer les contrats d’assurance maladie gérés par les mutuelles étudiantes de la hausse du taux de la TSCA.

Cet argumentaire vaut aussi pour l’amendement n° 128, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté l’amendement n° 127.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Monsieur le président, j’ai demandé la parole tout à l’heure mais vous n’avez pas souhaité me la donner. Je vous remercie de me laisser m’exprimer.

Je voulais répondre à M. le rapporteur général et à M. Méhaignerie qui ont ressorti leurs fausses solutions miracles, déjà évoquées par M. Carrez dans son rapport où il indique que le renforcement de la taxation sur les conventions d’assurance maladie solidaires devrait nous amener à adapter le crédit d’impôt que nous avons créé pour permettre aux ménages les plus modestes d’accéder aux complémentaires santé.

S’agissant de l’aide aux complémentaires santé, je veux préciser deux ou trois choses.

Pour commencer, cette aide n’est aucunement un crédit d’impôt. Elle est financée par le fonds de financement de la CMU.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En effet. Dont acte !

M. Jean Mallot. Donc, vous vous en souvenez maintenant, monsieur le rapporteur général, le fonds de financement de la CMU est financé par les complémentaires santé. Vous voulez donc créer une nouvelle taxe, un nouveau prélèvement, pour financer l’augmentation de la taxe que vous venez de faire voter.

(L’amendement n° 127 n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 128 vient d’être défendu.

(L’amendement n° 128, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Sur le vote de l’article 3, je suis saisi par les groupes GDR et SRC d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 157.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Pour être précis et concis, cet amendement vise à éviter que l’augmentation ne soit systématiquement répercutée sur les bénéficiaires des contrats.

Monsieur le ministre, vous voulez nous faire croire que cette mesure n’aura pas de conséquences. Mais la CMU complémentaire n’est attribuée qu’aux personnes dans l’extrême pauvreté, qui disposent de moins de 650 euros par mois ; l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé concerne à peine plus de personnes, puisqu’elle est ouverte à celles qui gagnent moins de 816 euros par mois.

Vous connaissez forcément, monsieur le ministre, parmi vos concitoyens de Troyes, des gens qui se trouvent dans cette situation. Imaginez comment on fait, avec 817 euros, pour faire face à ces charges !

(L’amendement n° 157, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 69 de M. Carrez est de coordination.

(L’amendement n° 69, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 147.

La parole est à M. Jean-Michel Fourgous.

M. Jean-Michel Fourgous. Il s’agit d’un amendement de précision… (Sourires sur les bancs du groupe GDR.)

M. Roland Muzeau. C’est une blague !

M. Jean-Pierre Brard. Avec Fourgous, je flaire le piège du MEDEF !

M. Jean-Michel Fourgous. …destiné à prendre en compte les contraintes des opérateurs qui mettent en place cette mesure. Serait-il possible de fixer la date d’entrée en vigueur au 1er octobre ? Quelle est la position du Gouvernement sur ce point ?

(L’amendement n° 147, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. Roland Muzeau. Il n’y a qu’à demander.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’article 3 tel qu’il a été amendé.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 216

Nombre de suffrages exprimés 214

Majorité absolue 108

(L’article 3, amendé, est adopté.)

Après l’article 3

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 6, portant article additionnel après l’article 3.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement traite d’un sujet récurrent dans les débats de la commission des finances : il s’agit de différer l’entrée en application de l’exonération totale des plus-values mobilières.

Il serait en effet contradictoire, alors que nous réduisons l’avantage fiscal sur les plus-values immobilières, d’ouvrir pour les plus-values mobilières un avantage fiscal qui pourrait coûter, au cours du temps, environ 800 millions, voire un milliard d’euros.

En réponse à un amendement du même type présenté par M. le président de la commission des finances, Mme Pécresse s’est engagée à faire des propositions sur ce point dans le cadre de la loi de finances pour 2012, afin de mieux calibrer ce dispositif.

Je suis prêt à retirer cet amendement, à condition que le Gouvernement s’engage de façon tout à fait ferme et certaine à avancer sur ce sujet dans la loi de finances pour 2012.

M. Jean-Pierre Brard. Attention, le ministre a des racines gasconnes ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Sinon, vous pouvez compter sur nous pour différer l’application de cette mesure.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Je tiens naturellement à rassurer M. le rapporteur général : nous en avons discuté ; il n’y a aucun doute sur le bien-fondé de cette réflexion. Nous considérons simplement qu’elle trouvera mieux sa place dans un projet de loi de finances que dans ce collectif budgétaire, qui n’est destiné à traiter que l’urgence grecque et l’ajustement des perspectives de croissance.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je retire l’amendement, mais je compte fermement sur un débat en loi de finances !

(L’amendement n° 6 est retiré.)

Article 4

M. le président. Sur l’article 4, je suis saisi d’un amendement n° 161.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le ministre, enfin un article qui va – timidement – dans le sens de ce que nous défendons depuis de nombreuses années : le groupe GDR propose en effet de taxer au même niveau les revenus du travail et ceux du capital.

Actuellement, le taux moyen de prélèvement sur les revenus du travail se situe aux alentours de 40 %, alors que le taux moyen de prélèvement sur les revenus du capital est inférieur de vingt-cinq points.

L’article 4 va dans le sens que nous défendons, mais bien timidement : l’évaluation préalable du Gouvernement reconnaît clairement que cette augmentation de 1,2 point du taux du prélèvement social sur les revenus du patrimoine est peu significative, car « son rendement net est (…) peu modifié ».

Fidèle à votre idéologie, le Gouvernement démontre une fois de plus sa prudence, voire sa réticence, lorsqu’il s’agit de taxer les privilégiés.

Nous vous proposons de relever le taux de prélèvement social à 9,9 %, afin de porter à 20 % le taux global des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, au lieu de 12,3 % comme c’est aujourd’hui le cas dans le code général des impôts.

(L’amendement n° 161, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 146.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Il est défendu.

(L’amendement n° 146, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 148 et 149, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

M. Jean-Michel Fourgous. Il s’agit là encore d’amendements de précision, visant à fixer la date d’entrée en vigueur de la mesure au 1er octobre.

Une brève remarque à nos grands amis socialistes, qui se plaisent à relever nos erreurs de prévision. Je me souviens avoir vu ici, en 1993, un budget dans lequel les socialistes avaient prévu un taux de croissance de 2,7 % ; et la cinquième puissance économique mondiale que nous sommes a fini à moins 1 % !

M. Henri Emmanuelli. C’est zéro, ce que vous dites !

M. Jean-Michel Fourgous. Je dis cela pour illustrer le sérieux des prévisions budgétaires de nos collègues socialistes ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je voudrais vérifier un point très important, monsieur Fourgous : vous avez évoqué la date du 1er octobre, or les amendements, tels qu’ils sont rédigés, mentionnent le 1er novembre. Je ne peux donner un avis favorable que pour la date du 1er octobre.

M. Jean-Michel Fourgous. Je confirme qu’il s’agit bien de la date du 1er octobre.

M. le président. Les amendements nos 148 et 149 sont donc ainsi rectifiés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Avis favorable aux deux amendements, tels qu’ils viennent d’être rectifiés.

(L’amendement n° 148, tel qu’il vient d’être rectifié, est adopté.)

(L’amendement n° 149, tel qu’il vient d’être rectifié, est adopté.)

(L’article 4, amendé, est adopté.)

Après l’article 4

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 130 rectifié, portant article additionnel après l’article 4.

La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Afin que le secteur financier contribue à l’effort collectif, nous proposons de mettre en place une taxe sur les transactions financières.

Nous pouvons considérer que sa mise en place est acquise : le Parlement européen, représentant les peuples d’Europe, en a adopté le principe.

Cette ressource devra être affectée aux États membres, conformément aux efforts de chacun pour le financement du budget européen, ce qui pour la France apporterait une recette, selon le taux retenu, de 8,5 à 17 milliards d’euros. Cela permettrait de réduire d’autant dès 2012 le déficit français.

(L’amendement n° 130 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 67.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Cet amendement porte sur les charges attachées au travail – ou grevant le travail, c’est selon. C’est un sujet fréquent de débat entre nous.

On le sait à propos des salaires : les cotisations salariales de l’entreprise sont de 28,4 %, et celles du salarié de 15,5 %, soit une charge globale attachée au travail, ou grevant le travail, de 43,9 %.

Si l’on examine maintenant les charges attachées aux stock-options ou aux attributions gratuites d’actions, on s’aperçoit qu’elles sont moitié moindres : l’entreprise est taxée à 14 %, et le salarié à 8 %, soit 22 % en tout.

Or, on le sait bien, les attributions gratuites d’action et les stock-options sont des moyens de rémunération autres que le salaire, mais ce sont bien en réalité des moyens de rémunération.

Augmenter la taxation due par l’entreprise comme celle due par le salarié pour les attributions gratuites d’actions comme pour les stock-options permettrait peut-être d’aligner, ce que je crois nécessaire, la fiscalité du travail et la fiscalité du capital.

Par cet amendement, je propose donc de faire passer la taxation à la charge de l’entreprise de 14 à 19 %, et celle à la charge du salarié de 8 à 13 %, pour un total de 32 %.

La différence de dix points qui demeurerait est en fait liée à la CSG, à la CRDS et à d’autres prélèvements sociaux : les 43,9 % dont je parlais tout à l’heure comprennent la CSG et la CRDS, alors que mes calculs concernant les attributions gratuites d’actions et les stock-options ne les comprenaient pas.

Le signal ne serait pas mauvais, si la représentation nationale choisissait d’aligner la taxation des attributions gratuites d’actions et des stock-options sur celle des salaires, au lieu d’en rester à ce rapport de un à deux.

Je n’ignore pas l’origine législative de cette taxation particulièrement favorable aux stock-options et attributions d’actions. Mais on sait aussi comment ces décisions ont été dévoyées, puisque certains dirigeants de grandes entreprises dont la rémunération fixe salariale est déjà très confortable perçoivent par ce biais des rémunérations complémentaires tout à fait considérables, indécentes par les temps qui courent.

Taxer stock-options et attributions gratuites d’actions me paraîtrait donc une bonne chose : outre que cela apporterait à l’État quelques recettes supplémentaires – je n’ai pas pu le chiffrer mais ces recettes existeraient à coup sûr – cela enverrait un signal de justice et d’équité dans l’effort demandé aux Français, ce qui ne pourrait être qu’apprécié.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n’a pas retenu l’amendement proposé par le président.

M. Henri Emmanuelli. Elle a eu tort !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Lorsque l’on considère à la fois la partie fiscale et la partie sociale, qu’il s’agisse des attributions gratuites d’actions ou des stock-options, nous atteignons aujourd’hui des taux de prélèvement considérables.

Pour les actions gratuites, le taux global – fiscal et social – est aujourd’hui de 43,5 %, au titre de la plus-value d’acquisition, c’est-à-dire la différence entre zéro et le montant de l’action. Le salarié s’en acquitte lorsqu’il revend l’action.

Pour les stock-options, comme vous le savez, la fiscalité varie suivant la durée de détention ; elle est au minimum de 31,5 % et au maximum de 53,5 %.

J’ajoute que s’agissant de la partie fiscale, le taux établi dans le cadre de la loi de 2001 relative aux nouvelles régulations fiscales n’a pas changé. En revanche, le forfait social a été augmenté, notamment dans le cadre de la réforme des retraites, ainsi que les prélèvements sociaux dont le taux est passé à 13,5 %. Nous sommes donc parvenus à un niveau de taxation plus que significatif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. Monsieur le rapporteur général, nous ne parlons pas de la même chose.

Je ne conteste pas ce qu’est devenue la taxation des plus-values de cessions. Elle a été relevée par votre majorité, ce qui est tout à fait légitime. Je vous parle de l’attribution d’actions gratuites ou de stock-options qui constituent de plus en plus pour les cadres supérieurs ou les hauts dirigeants un élément de leur rémunération et non de la plus-value qu’ils réaliseront quand ils vendront leurs actions, une fois le délai auquel ils se sont engagés échu, Prétendre que, dans la mesure où la plus-value est taxée, il ne faut pas taxer l’attribution revient à considérer, toutes choses égales par ailleurs, que dès lors qu’un salaire est chargé lorsqu’il est délivré, son attributaire ne devrait plus avoir à payer d’impôt dessus… Ce n’est pas parce que la plus-value est taxée que ces actions et stock-options qui constituent un élément de rémunération ne doivent pas supporter des charges à l’image des salaires.

Le dispositif que je propose est progressif. Il ne s’agit pas d’appliquer strictement à l’attribution d’actions ou de stock-options le taux de cotisations et charges sociales auquel sont soumis les salaires, mais ce chemin doit être fait.

Prenons un exemple. Pour un salaire de 100 000 euros, l’entreprise paiera 28 000 euros de charges patronales et le salarié 7 500 euros de cotisations salariales ainsi que 8 000 euros de prélèvements sociaux. Il percevra donc 84 500 euros. S’il s’agit d’une attribution d’actions, l’entreprise paiera 14 000 euros et le salarié 8 000 euros de contributions salariales. Il touchera donc 92 000 euros. Autrement dit, il vaut mieux être rémunéré en attribution gratuite d’actions qu’en salaire. Voulez-vous vraiment que le système perdure ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n° 67 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 169, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 197.

La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Afin de poursuivre la lutte contre l’évasion fiscale, nous proposons de mettre en place une convention fiscale entre la France et la Suisse afin de taxer les revenus des Français placés en Suisse.

Cette mesure répond à une exigence d’équité fiscale et rapporterait près de 1 milliard d’euros sur la base des deux conventions signées avec l’Allemagne et le Royaume-Uni.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a adopté cet amendement important.

La question est posée de savoir si nous devons utiliser la même procédure que celle que viennent d’adopter les Allemands et les Britanniques pour le traitement fiscal des avoirs détenus par leurs nationaux en Suisse. Si le secret bancaire a parfois pu être contourné en ayant recours à des fichiers, il persiste et le problème demeure entier. La négociation qui a abouti avec l’Allemagne et le Royaume-Uni a consisté pour les Suisses, en contrepartie du maintien du secret bancaire, à prélever un montant de l’ordre de 25 % sur les revenus de ces avoirs et à le reverser aux pays intéressés. Pour l’Allemagne, cela représente un montant compris entre 1 et 2 milliards chaque année. D’après les évaluations que nous avons pu faire, un tel système pourrait rapporter à la France entre 800 millions et 1 milliard d’euros, ce qui est loin d’être négligeable, et 1 milliard d’euros au titre d’un rattrapage. Au vu des difficultés budgétaires que nous rencontrons actuellement, une négociation de ce genre avec la Suisse pourrait présenter un intérêt.

Comme le sujet est complexe, il nous a paru utile que le Gouvernement remette au Parlement un rapport non d’ici au 1er novembre, comme le prévoit l’amendement présenté par M. Benoit, mais d’ici au 1er décembre, comme le propose mon sous-amendement.

Le ministre nous a indiqué hier qu’il organisait des réunions d’information avec son collègue allemand sur ce sujet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Nous avons effectivement évoqué ce sujet en commission des finances ; il n’a rien de médiocre et l’administration fiscale comme l’ensemble du pôle de Bercy y sont très attentifs, tant au niveau de ses implications en termes de relations internationales que dans le suivi de l’application stricte des principes qui fondent, pour une large part, notre doctrine fiscale : le non-anonymat, le caractère déclaratif et le princie de l’impôt. Nous ne sommes pas opposés, par principe, à la discussion avec la Suisse ou d’autres États ; c’est ce que nous avons déjà fait avec le Lichtenstein dans le respect des principes républicains que j’évoquais à l’instant. Mais nous souhaitons travailler sur une base solide.

J’ai demandé à mon homologue allemand de me détailler les attendus de l’accord établi entre l’Allemagne et la Suisse. Nous n’avons pas encore obtenu ces éléments, la réunion ayant eu lieu il y a une quinzaine de jours seulement. Une fois que nous en disposerons, nous apprécierons le degré de compatibilité entre le respect absolu des principes républicains que j’évoquais et le dispositif contractuel régissant l’accord intervenu entre l’Allemagne et la Suisse. S’il apparaît qu’un papier-calque peut être établi et que nos principes sont respectés, je ne vois aucune objection à vous tenir informés du suivi de cette affaire. De toute façon, nous serions appelés à venir devant la représentation pour la contractualisation d’un accord signé au niveau international.

Mais si d’aventure il survenait des difficultés, liées notamment au non-respect des principes fondamentaux que j’évoquais, ce qui pourrait créer des précédents ou, pire, s’apparenter à une amnistie fiscale,…

M. Jean Mallot. Le mot est lâché !

M. François Baroin, ministre. …le Gouvernement le rejetterai avec force, quel que soit le petit bénéfice budgétaire que nous pourrions en tirer par ailleurs.

Bien évidemment, nous souhaitons que le calendrier soit le plus court possible afin d’avancer. Nous sommes donc d’accord sur le fond, et je suis à la disposition de la commission des finances, mais il m’est difficile d’affirmer que nous serons prêts le 1er décembre.

Cela dit, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée. Vous l’aurez compris, je ne peux pas vous donner une réponse plus favorable à ce stade, puisque nous en sommes au tout début du processus de discussion.

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, je me souviens des discussions que nous avons eues à propos des paradis fiscaux. On allait voir ce qu’on allait voir, on allait y instaurer la transparence, en tout cas mettre à bas le secret bancaire. Rappelons à ce propos que le Parlement européen a voté l’interdiction du secret fiscal, décision passée totalement inaperçue.

Or que nous proposez-vous ? de troquer la volonté d’obtenir de ces paradis fiscaux où les transactions financières sont aussi importantes qu’avant la crise, contre une sorte d’institutionnalisation de la fraude fiscale. Non seulement on renonce à la transparence, mais de surcroît on se demande s’il ne faudrait pas créer un mécanisme, la taxation forfaitaire, qui encouragerait les gens à frauder ! Il suffirait d’aller en Suisse s’enquérir du montant de la taxation forfaitaire : ceux qui seraient en dessous n’auraient pas besoin d’y aller, mais tous ceux dont le niveau de taxation serait supérieur y auraient éminemment intérêt…

Monsieur le ministre, je vous préviens que nous nous battrons sur un tel sujet, y compris juridiquement, car vous en avez déjà assez fait en direction des possesseurs d’argent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, le sujet n’est pas médiocre. Il est même essentiel s’agissant de la morale. Je vous sens flageolant…

M. Henri Emmanuelli. Il est tenté !

M. Jean-Pierre Brard. …et quelque peu incité par certains membres de la commission. Le simple fait que M. Fourgous sourie est un test, pour ne pas dire un stress test !

Vous avez parlé de principes ; je vous sens prêt à vous asseoir dessus. Vous avez parlé de papier-calque ; or vous savez bien qu’il en existe de toutes sortes, plus ou moins transparents ou opaques. Les Suisses nous pillent,…

M. Henri Emmanuelli. Le Luxembourg aussi !

M. Jean-Pierre Brard. …ils trahissent l’esprit de Guillaume Tell.

Voyez tous ces gens qui disposent d’un passeport français,…

M. Franck Gilard. Voilà un vrai sujet !

M. Jean-Pierre Brard. …qui prétendent l’être alors qu’ils vont se vendre aux Suisses pour un plat de lentilles, puisqu’on peut négocier l’impôt que l’on acquitte dans ce pays, en se soustrayant du coup à l’impôt sur le territoire national. Vous qui allez chercher des exemples à l’étranger à chaque fois que cela vous arrange, inspirez-vous pour une fois des États-Unis : tout citoyen américain doit y payer l’impôt ; faute de quoi, lorsqu’il rentre sur le territoire américain, il se voit offrir une paire de bracelets, reliés par une chaîne ! Il ne faut pas céder sur ces sujets face à un État hypocrite comme la Confédération helvétique.

M. Michel Bouvard. On ne peut pas dire cela !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Bouvard, je sais que, en tant que frontalier, vous êtes amené à rencontrer vos partenaires de l’autre côté de la frontière, mais cela ne change rien au fait qu’ils soient immoraux !

Quant à vous, monsieur le ministre, vous vous inspirez des Allemands dont on connaît les pratiques parfois douteuses, y compris avec le Lichtenstein, et des Anglais qui ont des paradis fiscaux sur leur territoire : autant dire que ce ne sont pas des références. Quant à la Suisse, c’est une maison de tolérance !

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Ce qui est en cause à travers cette affaire du système Rubik, c’est toute la différence qu’il y a en matière d’information sur les placements à l’étranger, entre l’information automatique qui permettrait de connaître effectivement les placements réalisés par nos ressortissants dans les autres pays, et l’information sur demande dont on connaît, malgré les efforts de l’OCDE, toutes les imperfections : il faut généralement fournir les coordonnées de la banque, souvent même celles du compte car nombre de pays, et je crois que c’est le cas de la Suisse, n’ont pas de système centralisé permettant de connaître l’ensemble des comptes existants.

La directive « Épargne », qui prévoyait l’information automatique, a constitué une grande avancée au sein de l’Union européenne. Malheureusement, un certain nombre de pays, et notamment le Luxembourg, s’y sont soustraits et ont proposé comme alternative, en principe temporaire, un système de prélèvement à la source qui les dispense de fournir aux États partenaires les informations qui leur sont demandées.

Le système Rubik n’est ni plus ni moins que la tentative de systématisation à l’échelle internationale de la solution retenue, en principe à titre temporaire, par le Luxembourg.

S’engager dans cette direction, ce serait renoncer définitivement à une rigoureuse application de la directive « Épargne » et entrer dans un système qui va totalement à l’encontre de tout ce qui a été affirmé lors des réunions du G20 à la suite de la crise financière. Ce serait une formidable régression.

(Le sous-amendement n° 197 est adopté.)

(L’amendement n° 169, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi de finances rectificative pour 2011.

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble de ce projet de loi auraient lieu immédiatement après l’examen des articles en discussion.

Je fais d’ores et déjà annoncer le scrutin dans l’enceinte de l’Assemblée.

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Le plan de rigueur proposé, le second de François Fillon, n’est pas la facture de la crise mais celle de votre politique, une politique qui, en quatre ans, a laissé exploser la dette et le chômage et creusé le déficit extérieur dans des proportions abyssales.

Vous qui aimez tant vous référer à l’Allemagne, monsieur le ministre, regardez simplement ce qui se passe chez notre voisin, et vous comprendrez que cette situation est le résultat de votre politique. L’Allemagne n’a pas de déficit commercial : elle a un excédent extérieur considérable. Elle n’a pas augmenté son chômage : elle l’a au contraire réduit. Elle n’a pas non plus laissé les déficits budgétaires se creuser puisqu’elle les avait diminués avant la crise et qu’ils sont aujourd’hui au-dessous de 3 %.

Dans ce plan, au lieu de supprimer des niches injustes et inefficaces, comme vous y invitent les rapports tels que celui de l’inspection générale des finances, que vous avez commandés sans en tirer le moindre profit, vous inventez de nouveaux impôts. Votre majorité s’est d’ailleurs livrée tout le week-end à un véritable concours Lépine de la fiscalité ! Vous inventez des impôts sur la consommation, vous augmentez la CSG et vous venez une fois de plus – nous en avons discuté il y a quelques instants seulement – d’augmenter la scandaleuse taxe sur les mutuelles.

Votre politique pèsera sur le revenu des ménages et la consommation et cassera un peu plus la croissance. De plan de rigueur en plan de rigueur, vous enfoncez la France dans une croissance toujours plus faible, sans aucun résultat en termes de réduction des déficits.

M. Jean Mallot. C’est vrai !

M. Pierre-Alain Muet. Cette politique qui consiste à sacrifier la croissance et l’emploi au prétexte de réduire les déficits est une impasse. Jamais les déficits n’ont été réduits dans un grand pays sans que la maîtrise des dépenses soit combinée avec une stimulation de la croissance et de l’emploi. C’est ce que proposent les socialistes.

Nous affirmons que, pour réduire les déficits, un plan complet est nécessaire. Il convient certes de réduire le déficit des finances publiques, mais aussi le déficit d’emploi et le déficit de compétitivité. Pour cela, il faut une politique complète, non une politique absurde comme celle que vous conduisez.

L’injustice de votre politique est flagrante. Vous déclarez que les mesures nouvelles de ce plan concerneront les plus riches, avec 200 millions de contributions temporaires sur les plus hauts revenus, mais vous oubliez le 1,8 milliard de cadeaux fiscaux consenti en juillet aux 500 000 Français les plus fortunés ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.) Il suffisait pourtant d’annuler ce dispositif, qui n’est d’ailleurs pas encore en place, pour trouver des recettes à la hauteur des déficits.

Non seulement votre plan est injuste, mais il laisse dériver les déficits. Vous nous présentez un collectif budgétaire qui ajoute 3,4 milliards de déficit à celui du précédent collectif et 4 milliards par rapport à la loi de finances initiale. À qui ferez-vous donc croire qu’il suffit d’inscrire dans la Constitution des règles de papier pour réduire les déficits, quand tout le monde sait que les déficits ne se produisent pas au moment de la loi de finances initiale, pour laquelle il est donc inutile de prévoir de nouvelles règles, mais entre la loi de finances initiale et la loi de règlement ? Vous le démontrez encore aujourd’hui !

Votre politique de réduction des déficits est une incantation. Votre politique économique est injuste, inefficace, incohérente. Votre êtes parvenus à réunir les trois « i » de l’inefficacité, de l’injustice et de l’incohérence ! Naturellement, le groupe socialiste votera contre ce plan. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Nous arrivons, monsieur le ministre, au terme de nos débats, et je crois vous entendre ajouter « Enfin ! ». Tout ce que vous nous avez présenté est l’esprit même de votre politique.

Rappelez-vous ce que promettait Nicolas Sarkozy – avant même que vous deveniez un sarkozyste acharné – pendant la campagne présidentielle. Il disait vouloir réduire la pauvreté, l’exclusion et la précarité en rétablissant le plein-emploi. Ensuite, à peine installé rue du Faubourg Saint-Honoré, il a fixé au Gouvernement l’objectif de réduire d’au moins un tiers en cinq ans la pauvreté dans notre pays. Dans une entreprise, des salariés qui auraient si mal accompli leur tâche auraient été remerciés, mais vous et vos collègues êtes toujours au Gouvernement !

Un rapport de l’INSEE de mardi dernier, accablant pour vous, nous apprend que 8,2 millions de personnes vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Selon l’Observatoire de la pauvreté, ce chiffre a augmenté de 9 %, depuis 2002. Cela signifie que 13,5 % de la population, soit un Français sur huit, dispose de moins de 954 euros par mois pour vivre. Savez-vous ce que cela représente de difficultés à joindre les deux bouts, à donner à manger à ses enfants ?

Le nombre de demandeurs d’emploi a encore augmenté le mois dernier, avec 24 300 inscrits supplémentaires, pour s’établir, toutes catégories confondues, à quatre millions cent vingt-huit mille chômeurs. C’est un des plus mauvais chiffres depuis février 2000.

Pendant la même période, les riches se sont gavés ; ou plutôt, vous les avez gavés ! Un rapport de l’INSEE de juin 2011 montre que le dixième le plus aisé de la population, c’est-à-dire vos amis, les très, très riches, les Marc Ladreit de Lacharrière, les Lagardère, les Bettencourt, pour ne citer qu’eux, disposaient en 2003 de 23,4 % des revenus totaux des ménages. En 2008, ils ont encore plus – 24,3 % –, malgré la crise !

Vous n’avez cessé de les choyer, en les couvrant affectueusement de cadeaux fiscaux, tels que le bouclier ou la réforme de l’ISF. Voilà la réalité de votre politique de classe : toujours moins pour la majorité des Français, toujours plus pour une petite minorité, les repus, les pansus, les nantis et les privilégiés…

M. Pascal Clément. Le grand soir est proche ! C’est la lutte finale ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Brard. Ne vous en faites pas, monsieur Clément, le grand soir, nous y pensons, et vous êtes sur la liste ! (Rires.)

Le choix de l’austérité qui est le vôtre en réponse au spectre de la dette est celui de la soumission au marché.

M. Yves Nicolin. Quel baratin !

M. Jean-Pierre Brard. L’austérité, c’est le nivellement par le bas de notre pays. Nicolas Sarkozy lui-même, le 22 juin 2009, devant le Congrès, affirmait : « Je ne ferai pas la politique de la rigueur parce que la politique de la rigueur a toujours échoué ».

Pourtant, vous avez arbitré en faveur de mesures qui impactent directement le portefeuille de la majorité de nos concitoyens, lesquels subissent le chômage : 12 milliards d’euros d’économies en deux ans, sans vous attaquer aux causes du déficit…

M. le président. Merci, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, puisque vous m’y incitez, je ne tiendrai pas l’intégralité de mon propos (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) et je me contenterai d’une recommandation. Monsieur le ministre, vous qui fûtes gaulliste et avez troqué votre fidélité au bénéfice d’Alain Minc,…

M. Jean-Luc Reitzer. Nous sommes toujours gaullistes !

M. Jean-Pierre Brard. …je vous recommande de relire les mémoires du général,…

M. Jean-Luc Reitzer. C’est la meilleure ! Tout le monde est gaulliste !

M. Jean-Pierre Brard. …et particulièrement ce passage : « L’œuvre économique commande directement le destin national et engage à tout instant les rapports sociaux. Cela implique donc une impulsion, une harmonisation des règles qui ne sauraient procéder que de l’État. »

M. Jean-Luc Reitzer. Vive de Gaulle !

M. Jean-Pierre Brard. Oui, mes chers collègues : qui ne sauraient procéder que de l’État, et non des banquiers, des spéculateurs et des profiteurs ! (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Pour toutes ces raisons, le groupe GDR votera contre l’ensemble du texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur d’expliquer le vote du groupe Nouveau centre.

Je tiens tout d’abord à saluer l’initiative gouvernementale de réajustement du déficit, qui a demandé des mesures certes difficiles mais que nous pensons nécessaires en ces temps de ralentissement économique mondial.

Le groupe Nouveau centre approuve, avec quelques réserves, le volet fiscal mais regrette l’absence de dispositions relatives à la diminution des dépenses publiques.

M. Roland Muzeau. Le Nouveau centre, c’est la première porte à droite !

M. Henri Emmanuelli. À la soupe !

M. Thierry Benoit. Concernant les plus-values immobilières, notre groupe est satisfait du compromis qui a finalement été trouvé, à savoir la mise en place, à compter du 1er février 2012, d’un système d’abattement progressif. Cependant, nous aurions souhaité que la durée d’imposition soit plus courte.

M. Jean-Pierre Balligand. Comme d’habitude !

M. Thierry Benoit. Le maintien à un taux réduit de la TVA applicable au droit d’entrée dans les parcs à thème est conforme à notre exigence d’équité fiscale.

Nous approuvons le principe d’une taxation des hôtels de luxe mais nous émettons une réserve quant à la compatibilité de cette mesure avec le droit communautaire.

En ce qui concerne la taxe sur les conventions d’assurance, les centristes proposaient d’exonérer de sa hausse les citoyens les plus modestes ainsi que les étudiants. En effet, une telle mesure ne devrait pas concerner des contrats visant précisément à assurer au plus grand nombre un meilleur accès aux soins. Nous regrettons que le Gouvernement n’ait pas retenu cette proposition. Par conséquent, nous l’invitons vivement à en débattre dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Autre mesure phare de ce plan de rigueur : la suppression du bénéfice mondial consolidé. Le groupe Nouveau centre ne pouvait pas concevoir que, dans un contexte de réduction du déficit public, un régime devenu inutile, selon la Cour des comptes, et coûteux pour l’État puisse être maintenu.

Enfin, nous ne contestons pas la mesure d’aménagement des mécanismes de report en avant et en arrière des déficits, qui répond à une logique de convergence franco-allemande, chère aux centristes, et qui permettra de rapprocher le régime français des pratiques en vigueur au sein de l’Union européenne.

J’ajoute néanmoins que cette réforme aurait pu être approfondie par davantage d’harmonisation de l’impôt sur les sociétés. Notre proposition à ce sujet consistait à instaurer un taux plancher minimum fixé à 15 % de cet impôt.

Par nos propositions, nous avons souhaité, tout au long de ce débat, adresser un message de justice sociale à nos concitoyens.

M. Roland Muzeau. C’est loupé !

M. Thierry Benoit. Les mesures fiscales qui ont été adoptées ont su apporter des améliorations en ce sens. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Roland Muzeau. Le Nouveau centre se couche !

M. Jean-Paul Lecoq. Il faut des actes !

M. le président. Mes chers collègues, un peu de silence !

M. Thierry Benoit. Néanmoins, compte tenu de la gravité de la situation, nous estimons que ces mesures devraient être amplifiées, notamment avec la signature d’une convention franco-suisse.

Ces mesures devraient également être adaptées afin de les rendre socialement plus justes, en harmonisant la fiscalité du travail et celle du patrimoine, et en faisant participer davantage les hauts revenus à l’effort de sortie de crise.

Je parlerai enfin des mesures relatives au plan de sauvetage de la Grèce. La question est de savoir si ce plan sera à la hauteur de la situation préoccupante de ce pays.

M. Jean-Pierre Brard. C’est déjà réglé !

M. Thierry Benoit. Nous regrettons que seule une contribution volontaire des banques soit prévue. Nous proposions de subordonner la garantie accordée par l’État à un accord signé par les établissements financiers sur l’aménagement de la dette grecque. En effet, il est choquant que l’effort pèse uniquement sur les contribuables.

Enfin, nous considérons que le problème de la crise des dettes souveraines devra faire l’objet d’une réforme de grande ampleur favorable à la création d’un fédéralisme au sein de la zone euro.

Les centristes appellent les responsables européens à mettre en place une véritable gouvernance économique européenne par une harmonisation des politiques fiscale, budgétaire, économique et sociale des pays de la zone euro.

En conclusion, le groupe Nouveau centre ne s’opposera pas à ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Roland Muzeau. Voilà de la dialectique !

M. Jean-Paul Lecoq. Quel talent !

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe UMP.

M. Jérôme Chartier. Mes chers collègues, je ferai court. (« Ah ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je ferai court parce que l’on a bien débattu pendant deux jours et que l’on s’est tout dit.

M. Jean-Pierre Brard. Ça n’a servi à rien !

M. Jérôme Chartier. L’opposition nous a expliqué pourquoi elle soutenait le projet d’aider la Grèce tout en annonçant qu’elle allait voter contre le projet de loi qui vise à aider la Grèce ; l’opposition nous a expliqué que, bien sûr, elle voulait poursuivre la stratégie de réduction du déficit, mais en proposant comme alternative à nos propositions concrètes des solutions de boutiquiers. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Oui, chers collègues de l’opposition, c’est vrai, on s’est tout dit !

Mais laissez-moi ajouter ceci : le groupe majoritaire, qui bien évidemment va voter en faveur de ce projet de loi de finances rectificative, le fera non seulement par conviction mais aussi par ambition. Il n’a qu’un seul regret : que l’opposition continue, jour après jour, à manquer tous ses rendez-vous avec l’histoire !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais avec quelle histoire, monsieur Chartier ?

M. Jérôme Chartier. Elle manque le rendez-vous avec la Grèce, elle manque le rendez-vous avec la réduction des déficits, et puis, elle l’a dit à plusieurs reprises, celui avec la règle d’or. Voilà l’opposition qui souhaite être au rendez-vous de la France en 2012 ! Laissez-moi vous dire qu’elle a encore beaucoup de chemin à faire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)

M. Henri Emmanuelli. Ne vous en faites pas Chartier, on arrive !

Vote sur l’ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 266

Nombre de suffrages exprimés 260

Majorité absolue 131

(Le projet de loi est adopté.)

3

Suite des travaux

M. le président. L’assemblée a achevé l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2011, qui va désormais être transmis au Sénat.

Au vu des travaux de celui-ci, il appartiendra à M. le président :

Soit de convoquer l’Assemblée pour poursuivre la discussion de ce texte ;

Soit de prendre acte de la clôture de la session extraordinaire par avis publié au Journal officiel.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures trente.)