Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2010-2011

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 8 mars 2011

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Élisabeth Guigou

. Immigration, intégration et nationalité

Discussion générale

M. Éric Diard

M. Roland Muzeau

M. Stéphane Demilly

M. Philippe Goujon

Mme Martine Billard

M. Étienne Pinte

M. Jean-Jacques Candelier

M. Michel Hunault

M. Christian Estrosi

M. Daniel Garrigue

M. Patrice Verchère

M. Richard Dell'Agnola

M. Philippe Meunier

M. Éric Ciotti

M. Olivier Dosne

M. Patrice Calméjane

Mme Françoise Hostalier

M. Dominique Tian

M. Christian Vanneste

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Élisabeth Guigou,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Immigration, intégration et nationalité

Suite de la discussion, en deuxième lecture,
d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (nos 3161, 3180).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de trois heures quarante-cinq minutes pour le groupe UMP, cinq heures dix minutes pour le groupe SRC, deux heures quarante-sept minutes pour le groupe GDR, deux heures quatre minutes pour le groupe Nouveau Centre et trente minutes pour les députés non inscrits.

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Éric Diard, premier orateur inscrit.

M. Éric Diard. Madame la présidente, monsieur le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, mes chers collègues, nous entamons la deuxième lecture du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. Ce texte avait suscité de nombreux débats lors de son premier passage à l’Assemblée, en octobre dernier, et les nombreuses avancées obtenues au cours des discussions l’avaient considérablement enrichi. Nos collègues sénateurs l’ont examiné il y a quelques semaines. Des modifications ont été apportées et la commission des lois de l’Assemblée est revenue sur certaines d’entre elles.

Tout d’abord, je tiens à rappeler que le projet de loi s’inscrit dans la continuité de la politique menée par le Gouvernement depuis 2002. L’immigration est un sujet complexe avec un principe clé : il s’agit de rechercher l’intégration des étrangers en situation légale et de lutter contre l’immigration illégale.

Les flux migratoires ont changé et il est indispensable de trouver des réponses législatives adaptées aux nouvelles problématiques. La France a le droit de choisir, comme tous les pays du monde, qui elle veut et qui elle peut accueillir sur son territoire : nous ne demandons ni plus ni moins que l’application de la règle qui prévaut dans tous les pays.

Tout étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d’origine, sauf situation particulière, notamment sur les plans humanitaire, politique, sanitaire ou social, qui exige un examen individualisé de la demande. Un étranger accueilli légalement sur notre territoire a, pour l’essentiel, les mêmes droits économiques et sociaux que les Français. La France entend mener une politique migratoire non seulement humaine et fidèle à sa tradition d’accueil, mais aussi ferme dans sa lutte contre l’immigration clandestine.

Contrairement à ce qui a souvent été dénoncé par l’opposition, ce texte est nécessaire, tout d’abord pour transposer trois directives européennes, ensuite pour répondre à une évolution de la société.

Le présent projet s’inscrit dans la logique européenne en permettant la transposition de trois directives européennes, participant ainsi à la construction progressive d’une politique européenne de l’immigration et de l’asile, complément de l’espace de libre circulation issu des accords de Schengen. Ces trois textes ont une incidence sur le droit national : la directive « sanctions » renforce l’arsenal juridique destiné à lutter contre le travail illégal d’étrangers sans titre de séjour ; la directive « carte bleue européenne » conduit à créer un nouveau titre de séjour sans remettre en cause les principales règles de l’admission au séjour des travailleurs salariés ; enfin, la directive « retour » impose d’adapter le droit national en raison d’une nouvelle approche du droit de l’éloignement des étrangers.

Nos voisins européens mènent des politiques d’immigration en phase avec le droit européen et la France doit impérativement s’y conformer en transposant ces directives. Je tiens, à ce titre, à rappeler que le texte transcrit dans notre droit une partie du pacte européen sur l’immigration et l’asile que le Gouvernement avait fait adopter lors de la présidence française de l’Union européenne et je rappelle que nos partenaires s’étaient prononcés à l’unanimité en sa faveur.

La société change et évolue. Nous ne pouvons que le constater avec les révolutions qui se déroulent actuellement en Afrique du Nord. Il est nécessaire de repenser la politique d’immigration pour s’adapter aux nouvelles donnes sociales. Les flux migratoires ont changé et il est indispensable de trouver des réponses législatives adaptées aux nouvelles problématiques.

Voilà donc tout l’enjeu de ce texte : adapter la législation en vigueur aux évolutions sociétales et s’inscrire dans la continuité de la politique menée en matière d’immigration.

Je tiens à saluer l’implication et le travail du rapporteur Claude Goasguen. De manière plus générale, je remercie l’ensemble des parlementaires du groupe UMP qui portent ce projet de toutes leurs convictions. Il s’agit d’une deuxième lecture et je vous demande, chers collègues de l’opposition, de ne pas faire d’obstruction et de participer à ce débat de manière claire et intelligible afin de parvenir à un texte utile et équilibré.

Nous devons nous attacher à revenir sur certaines décisions prises par le Sénat.

S’agissant de la réforme du contentieux judiciaire pour l’expulsion des sans-papiers, la mesure approuvée en première lecture par les députés prévoyait de retarder l’intervention, en rétention, du juge des libertés et de la détention à cinq jours au lieu de deux actuellement. Elle visait à une meilleure efficacité des procédures d’éloignement puisque, actuellement, moins de 30 % des sans-papiers placés en rétention sont finalement reconduits aux frontières. La commission des lois de l’Assemblée nationale a rétabli la modification procédurale rejetée par le Sénat.

De même, le Sénat a supprimé la pénalisation des « mariages gris », définis comme « fondés sur une tromperie volontaire ». Les sénateurs ont en effet choisi d’intégrer le fait de « dissimuler ses intentions à son conjoint » dans la législation sur les mariages frauduleux ou blancs et de conserver l’actuelle échelle des peines de cinq ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, contre sept ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende votés initialement par les députés. La commission est revenue sur cette disposition.

J’en viens aux conditions de délivrance d’un titre de séjour accordé à un étranger malade. Cette disposition a été supprimée par le Sénat puis réintégrée par la commission des lois de l’Assemblée. L’article 17 ter, introduit par l’Assemblée en première lecture, conditionne la délivrance d’un titre de séjour accordé à un étranger malade à l’inexistence de soins appropriés dans l’État d’origine. Cette disposition fait suite à une jurisprudence du Conseil d’État qui adopte – le rapporteur l’a rappelé – une interprétation très extensive de la notion d’accès aux soins. Cette jurisprudence faisait en effet peser sur le système de santé français une obligation déraisonnable, ouvrant un droit au séjour potentiel à tout étranger ressortissant d’un pays ne bénéficiant pas d’un système d’assurance social comparable au nôtre.

L’article 17 ter visait donc à mieux encadrer les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire accordée en raison de l’état de santé en reprenant dans la loi l’interprétation initiale de cette disposition par le Conseil d’État. Il est essentiel d’encadrer strictement les conditions de délivrance d’un titre de séjour accordé à un étranger malade et la suppression de cette disposition par nos collègues sénateurs n’est pas justifiée.

Le texte voté par l’Assemblée en octobre dernier était complet, utile et équilibré. Il est indispensable de voter un projet fidèle à la politique menée par le Gouvernement et cohérent avec la réalité de la société. Ce texte constitue une étape supplémentaire fondamentale et contient les outils nécessaires à la réalisation des objectifs fixés en matière d’immigration.

Il s’agit d’enclencher une politique crédible et efficace. Le projet de loi met en place une politique d’immigration ferme mais généreuse. Ferme car, comme tous les autres pays, la France a le droit d’accueillir sur son territoire qui elle veut, mais elle doit aussi lutter contre les filières clandestines. Une politique généreuse, ensuite, car notre pays reste une terre d’accueil et en est fier. Le grand projet de ce texte est donc de proposer un nouveau modèle pour l’immigration sur le territoire national, dans la continuité de la politique gouvernementale, tout en s’adaptant aux évolutions européennes et sociétales. La France respecte les immigrés par sa tradition d’accueil et d’intégration, et, dans le même temps, lutte fermement contre l’immigration irrégulière.

Mes chers collègues, je ne peux que souhaiter une discussion efficace et des débats intéressants sur un sujet aussi important et sensible que l’immigration. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Je rappelle que la présente discussion s’inscrit dans le cadre du temps programmé, mais j’en profite pour souligner que M. Diard a parfaitement respecté le temps de parole indicatif donné.

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Bravo !

M. Christian Jacob. Quel professionnalisme !

M. Roland Muzeau. Son temps de parole est bien la seule chose qu’il respecte ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.) J’ai bien le droit de taquiner M. Diard ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi s’inscrit dans la droite ligne de la politique migratoire initiée en 2002 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, et se résume en deux mots : méfiance et stigmatisation.

Ouvertement présenté comme un instrument au service de la lutte contre l’insécurité, ce texte entend principalement faciliter le renvoi des étrangers en situation irrégulière. Il relaie l’amalgame démagogique entre immigration et insécurité. Sous couvert de transposer des directives européennes, il durcit et modifie en profondeur le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA.

Comme le note très justement le collectif Uni(e)s contre une immigration jetable, « il ne s’agit pas d’une réforme banale de la réglementation relative aux étrangers, mais d’un tournant à la faveur duquel la France instaure des régimes d’exception permanents à l’encontre des étrangers et renonce au principe d’égalité des êtres humains inscrit dans la Constitution et dans tous les textes internationaux qui, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, se sont efforcés d’interdire le racisme d’État. »

Avant de revenir sur les principales dispositions de ce projet de loi, je ne peux manquer ici de dénoncer l’attitude de la France et de l’Union européenne agitant le spectre d’une invasion de migrants consécutive aux révolutions arabes. Lors de son allocution du 27 février, le Président Nicolas Sarkozy, crispé sur les conséquences qu’il juge potentiellement catastrophiques du « printemps des peuples arabes », a évoqué des flux migratoires pouvant devenir « incontrôlables ». Dès votre prise de fonction, lundi 1er mars, vous-même, monsieur le ministre, avez pressé l’Union européenne de se mobiliser davantage contre les clandestins, en déclarant qu’il était nécessaire, « face à des bouleversements de nature historique », de « lutter contre l’immigration irrégulière ».

Le Premier ministre, quant à lui, avait annoncé : « Avec les autres pays européens, nous ferons preuve d’une très grande fermeté à l’égard de l’immigration illégale ».

Comment ne pas être pour le moins étonné que la patrie des droits de l’homme, qui se targue d’avoir une tradition d’accueil, se préoccupe essentiellement de se barricader contre l’afflux de migrants potentiels plutôt que de soutenir les peuples qui luttent pour la liberté et la démocratie ?

Cela est d’autant plus étonnant que, sur le terrain, du côté des associations, on constate l’absence de mouvements massifs. Qu’il vienne du Haut commissariat des nations unies pour les réfugiés, dans le camp de transit à la frontière entre la Libye et la Tunisie, ou de l’Organisation internationale pour les migrations, l’OIM, le constat est le même : « La majorité absolue des gens qui transitent ici n’ont qu’un souci: rentrer chez eux. [...] Ils n’ont même pas de quoi se payer à manger. Alors, se payer le passage vers l’Europe, c’est irréaliste. »

« On a eu connaissance d’aucune autre traversée ces derniers temps. C’est minime comparé à l’afflux de réfugiés observés en Egypte et en Tunisie», indique Jemini Pandya, porte-parole de l’OIM.

En résumé, alors qu’un vent de liberté souffle dans le monde arabe, la France et, plus largement, l’Union européenne, se présentent comme un continent agressé qui doit défendre ses frontières contre les migrants. Nous ne pouvons accepter cette vision d’une Europe qui se présente comme un monde libre, mais dans une prison fermée de l’intérieur.

Pour terminer sur ce point, le porte parole de l’OIM affirme que « ceux qui crient au loup, qui agitent des épouvantails, sont irresponsables. Ce type de discours sert à ériger des barrières encore plus hautes et a pour conséquence de nourrir la xénophobie en Europe ».

Mais n’est-ce pas là votre dessein ? À la lecture du projet de loi, et vu le rétablissement en commission des lois de plusieurs mesures phares supprimées par le Sénat, on peut légitimement se poser la question.

Ce projet de loi, nous l’avons dit en première lecture, a pour objet la maîtrise autoritaire de l’immigration avec, d’une part, le renforcement du concept de l’immigration choisie, symbolisé par la fameuse carte bleue européenne, et, d’autre part, la multiplication des dispositions restrictives et répressives à l’encontre de tout étranger, depuis son arrivée en France jusqu’à son expulsion.

En effet, tout d’abord, vous entendez refouler « plus facilement » les étrangers en créant une fiction juridique : les zones d’attente dites « sac à dos ». Elles permettraient de considérer que, bien que se trouvant en France, les étrangers seraient juridiquement à sa bordure, en train d’y pénétrer. Cette fiction juridique a pour objet essentiel de faciliter le refoulement, chacun l’aura compris. En effet, en l’absence de zone d’attente clairement identifiable, les éventuels étrangers demandeurs d’asile seront privés de tout accès effectif à leurs droits : pas d’avocat, pas d’interprète, pas d’association, pas de moyens matériels – fax, téléphone. Loin de tout regard, il sera plus aisé de renvoyer les étrangers sans même étudier leurs demandes d’asile.

Cette mesure est grave, car elle empêchera les intéressés de faire valoir leur éventuelle qualité de réfugiés, assouplira considérablement les règles en matière de notification des droits de ces derniers, et restreindra les pouvoirs du juge des libertés et de la détention.

Dans la continuité, vous avez méthodiquement instauré une méfiance généralisée envers les étrangers, qu’ils soient ressortissants européens – sanction des abus du droit au court séjour qui vise implicitement les Roms –, qu’ils soient en voie de régularisation – remise en cause du droit au séjour pour les étrangers gravement malades –, titulaires d’un titre de séjour – pénalisation des mariages gris, durcissement des conditions pour le renouvellement de la carte de séjour –, ou postulants à l’acquisition de la nationalité française : contrôle de l’assimilation. Un contrôle fait par qui ? Par un agent de l’État ? Par une commission, à travers la signature « symbolique » d’une charte des droits et devoirs aux contours pour le moins flous ?

Bien entendu, nous retrouvons aussi, en cette deuxième lecture, malgré les événements de tout à l’heure, la trop fameuse disposition étendant la déchéance de nationalité aux Français d’origine étrangère auteurs d’un crime ou de violences volontaires contre un dépositaire de l’autorité publique qui incarne l’État et l’ordre public. Cette disposition avait été heureusement supprimée par le Sénat.

Cette mesure particulièrement grave et discriminatoire distinguant selon leur origine deux catégories de Français, ceux ayant acquis la nationalité – les « Français de papier » – et ceux qui l’auront toujours eue en raison de leur naissance – les « Français de souche » –, a suscité et suscite encore des réactions vives de la part de juristes.

« À infractions très graves, sanctions très lourdes, soit », nous dit le professeur Guy Carcassonne. « Toutefois », précise ce sceptique de l’extension de la déchéance de nationalité aux infractions de droit commun, « la déchéance de nationalité ne peut pas être une sanction nécessaire au sens de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme ». Le professeur de droit constitutionnel Dominique Rousseau, lui aussi opposé à ce que la déchéance de nationalité soit utilisée comme un instrument de politique pénale, est catégorique : cette mesure se heurte à la Constitution. Je le cite : « La seule manière de faire rentrer dans le droit le discours de Nicolas Sarkozy à Grenoble est de remettre en cause le principe de l’égalité de tous les Français devant la loi, sans aucune distinction de leur origine, ce qui reviendrait à supprimer ou modifier l’article 1er de la Constitution. »

« Priver une personne de sa nationalité, c’est comme la priver de son nom. C’est impossible, ça touche à l’intime », poursuit-il.

M. Christian Vanneste. Et si elle a deux nationalités ? Ce n’est pas la même chose ! Cette disposition ne vise que le cas de double nationalité !

Mme Martine Billard. Parmi les « Français de souche » aussi, certains peuvent avoir la double nationalité ! Française et américaine, par exemple.

M. Roland Muzeau. Et c’est là aussi, probablement, la raison qui vous a conduit, ce matin, à huis clos, à revenir en arrière, et c’est heureux.

Et ce professeur de s’inquiéter fort justement des intentions réelles du Gouvernement : « remplacer les principes de 1789 par d’autres principes ? Mais lesquels ? Sinon, c’est un effet d’annonce. »

Cette majorité, en échec politiquement, a été jusqu’à chercher dans le discours de l’extrême droite des symboles, fussent-ils intenables juridiquement, dommageables à la cohésion nationale. « Ce qui compte, en effet », déclarait l’ex-rapporteur du texte, récompensé depuis et fait ministre, M. Mariani, « c’est que les dispositions que nous voulons prendre sont logiques et parfaitement comprises par la population. »

Nous nous sommes opposés à cette disposition nauséabonde, ciblant et instrumentalisant une fois encore les étrangers pour draguer les voix de l’extrême droite, et que le Gouvernement a cru bon de devoir rétablir en commission des lois à l’occasion de cette deuxième lecture.

Refusant, dans un premier temps, d’entendre la voix de ceux qui, au sein même de la majorité, exprimaient leur scepticisme sur la politique sécuritaire et plus particulièrement sur la déchéance de nationalité, le Gouvernement, en restant ferme sur cette mesure, a encouragé les ultras de sa majorité à aller plus loin encore dans les possibilités de déchéance de nationalité. Et pourquoi ne pas viser, comme l’a proposé notre collègue Estrosi, les multirécidivistes condamnés à des crimes ou délits passibles de plus de trois ans de prison ?

Face au risque d’un énième couac divisant davantage encore la famille UMP-Nouveau Centre, le Gouvernement, en appelant à l’unité, est aujourd’hui contraint de reculer sur cette question de la déchéance de nationalité.

M. Christian Jacob. Occupez-vous de votre famille à vous !

M. Roland Muzeau. Le ministre de l’immigration a avoué que cette mesure était « uniquement symbolique ». Pour autant, l’idée n’est pas enterrée, « cette question devant être plutôt abordée dans le cadre de la mission d’information sur le droit de la nationalité », nous a-t-on dit tout à l’heure. Nous ne sommes pas dupes de cette pirouette destinée à vous refaire une virginité…

M. Jean-Jacques Candelier. Et ils en ont besoin !

M. Roland Muzeau. …sur un texte dont nombre de dispositions restent inacceptables, s’agissant notamment du contentieux de l’éloignement des sans-papiers.

Autre objectif majeur de ce projet de loi : faciliter et rendre effective l’expulsion des étrangers. La méthode est simple, il s’agit de diminuer les droits des étrangers placés en centre de rétention. Pour ce faire, il est prévu une mise à l’écart des juges des libertés et de la détention, conjuguée au rétrécissement de leur pouvoir ainsi qu’à un allongement de la durée d’enfermement, laquelle pourra aller jusqu’à quarante-cinq jours !

La manœuvre est claire : sous couvert d’éviter une rétention irrégulière car fondée sur un acte administratif illégal, il s’agirait de permettre au juge administratif de statuer, a priori plus rapidement, sur la légalité de la mesure d’éloignement. Ainsi, le juge des libertés et de la détention ne serait pas le juge le plus urgent à saisir, puisqu’il peut examiner non pas la légalité de l’acte administratif, mais uniquement la procédure, de l’interpellation à la rétention. En effet, l’étranger placé en rétention, très souvent après vingt-quatre ou quarante-huit heures de garde à vue, ne sera présenté devant le JLD que cinq jours après le début de son placement, soit, bien souvent, sept jours après avoir été privé de sa liberté d’aller et venir. Or le JLD est le seul garant des conditions d’interpellation et de rétention.

L’objectif semble bien être de parvenir à reconduire l’étranger hors des frontières le plus rapidement possible, avant son passage devant un magistrat judiciaire ! Un magistrat qui vous fait peur, car vous ne pouvez ignorer les interpellations déloyales, les détournements de la procédure de garde à vue, ainsi que les violations fréquentes des dispositions du code de procédure pénale.

Enfin, vous allez encore plus loin que ces expulsions indignes en créant une véritable mesure de « bannissement » de l’Europe ! L’administration aura ainsi la possibilité d’assortir presque systématiquement une mesure d’éloignement d’une interdiction de retour, applicable sur l’ensemble du territoire européen.

Au final, ce projet de loi s’inscrit parfaitement dans la lignée du discours présidentiel de Grenoble du 31 juillet dernier, en poursuivant une logique sécuritaire et en stigmatisant les étrangers.

Pourtant, dois-je vous rappeler que le Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale s’est officiellement inquiété de ces orientations.

M. Christian Vanneste. Il y a un Libyen, dans ce comité ! La vérité est que c’est un cartel des dictatures !

M. Roland Muzeau. De même, le rapporteur de la session, Pierre-Richard Prosper, constatait « une recrudescence » des actes racistes en France et l’absence d’une « vraie volonté politique » pour les combattre.

Oui, le texte que vous nous soumettez est dangereux et honteux. Au cours de son examen, nous proposerons de nouveau la suppression des articles les plus néfastes.

Nous aurions pu le considérer comme inamendable, mais nous avons choisi de démonter pied à pied sa logique, qui est celle de la destruction de la cohésion nationale, alimentant l’extrême droite dans une visée étroitement politicienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Demilly.

M. Stéphane Demilly. Immigration, intégration et nationalité : il y a ainsi, pour tout projet de loi et quel que soit son contenu, des intitulés qui d’eux-mêmes suffisent à déchaîner, de part et d’autre de notre spectre politique, l’orage des anathèmes et autres caricatures.

C’est un fait, l’immigration est un sujet qui exacerbe les clivages et qui appelle le plus souvent la posture politicienne. On vient encore de le constater à l’instant. Pour notre part, au groupe Nouveau Centre, nous pensons que seuls l’honnêteté intellectuelle et l’esprit de responsabilité sont de nature à faire aboutir l’examen en deuxième lecture de ce projet de loi.

Au premier rang des caricatures, il y a celle, fomentée par la gauche, d’une France qui aurait fermé ses portes à l’étranger pour tourner le dos à sa tradition pluriséculaire d’accueil des réfugiés. Une France qui se serait brutalement muée en une véritable forteresse et dont ce projet de loi ne chercherait finalement qu’à calfeutrer les failles.

Et pourtant, mes chers collègues, les chiffres démentent cette caricature puisque, chaque année, plus de 180 000 titres de long séjour sont délivrés par les autorités de notre pays qui reste donc fidèle à son histoire en se plaçant sur le podium mondial de l’accueil des réfugiés. Permettez-moi de le rappeler en préambule.

La rupture, s’il en est une, est venue, en 2007, de la volonté de lier plus étroitement la question de l’immigration à celle de l’intégration. Le rééquilibrage de notre politique d’accueil au profit d’une immigration à caractère professionnel s’inscrit dans le sens de cette nouvelle orientation.

Le pendant de cette orientation « immigration professionnelle-intégration », c’est une grande vigilance et une grande fermeté en ce qui concerne l’immigration irrégulière, et notamment vis-à-vis de ceux qui l’exploitent à des fins mercantiles.

Nous le savons tous ici, derrière la détresse indéniable de certains étrangers en situation irrégulière, il y a ces véritables trafiquants d’êtres humains que sont aujourd’hui les passeurs qui s’enrichissent de la misère humaine, qui n’hésitent pas à envoyer des migrants risquer la mort en Méditerranée ou ailleurs, et qui seraient, mes chers collègues, les premiers à profiter d’une politique laxiste en termes de régularisation des étrangers sans titre.

Cela étant dit, pourquoi discuter de ce qui s’apparente bien à un énième projet de loi sur cette question ?

Le premier élément de réponse tient à ce qui constitue aussi à nos yeux le principal apport de ce texte. En effet, depuis l’adoption, en novembre 2007, de la loi relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, c’est une véritable révolution qui s’est opérée en termes de politique migratoire avec la montée en puissance, sur cette question, de l’Union européenne.

Dès lors que les frontières intérieures étaient abolies au sein de l’Union, toute gestion à la seule échelle nationale des flux migratoires était purement et simplement condamnée à l’échec. De fait, l’Europe souffrait, tant dans l’organisation de l’immigration légale que dans la lutte contre les réseaux clandestins, d’un manque criant de cohérence qui ne pouvait qu’amener de l’eau au moulin de tout ce que notre classe politique compte d’eurosceptiques.

Pourtant, et nous n’avions eu de cesse de le déplorer, de longues années ont dû passer pour qu’à force de vaines incantations à la solidarité entre États membres, les esprits évoluent et que l’Europe se dote enfin, en la matière, d’une véritable stratégie commune.

Dans la foulée du Pacte européen pour l’immigration et l’asile, adopté sous présidence française à l’unanimité des États membres, les institutions communautaires, Parlement et Conseil, ont adopté, entre décembre 2008 et juin 2009, trois directives.

Ces directives dénommées respectivement « retour », « carte bleue européenne » et « sanctions » constituent aujourd’hui l’embryon d’une politique commune en matière d’accueil des étrangers qualifiés, de lutte contre le travail illégal et de reconduite des migrants en situation irrégulière. Permettez du reste aux centristes, comme à tous ceux qui croient en l’avenir politique de la construction européenne, de s’en réjouir.

Dans une Europe bien trop souvent freinée par son obsession du consensus, où le technique prend trop souvent le pas sur le politique, la discussion de la directive « retour », qui n’a pas été épargnée par les caricatures, a néanmoins fait figure d’heureuse exception en plaçant les travaux du Parlement européen au cœur de l’attention citoyenne.

Le premier objet du projet de loi concerne la nécessaire transposition de ces trois directives, l’exercice ne se limitant pas à une simple traduction. En effet, si ces textes fixent bien des standards au niveau communautaire, ils n’en laissent pas moins une large marge d’appréciation aux États. Les débats en première lecture l’ont montré et cet examen en deuxième lecture en apportera sans doute une nouvelle fois la preuve.

Au-delà de ces directives, le second objet de ce projet de loi est de compléter et de parfaire notre droit de l’entrée et du séjour des étrangers. Certains événements récents – je pense en particulier à l’arrivée d’une centaine de migrants au mois de janvier dernier en Corse-du-Sud – ont en effet révélé des incohérences surprenantes au sein de notre code de l’entrée, du séjour des étrangers et du droit d’asile. Il est apparu à cette occasion qu’un migrant entrant en France par un point de passage régulier a moins de droits à faire valoir que celui qui s’échoue sur une plage.

L’autre adaptation majeure de notre droit de l’entrée et du séjour des étrangers tient à la nécessaire clarification des rôles entre juge administratif et juge judiciaire. Je ne reviendrai pas sur les obstacles constitutionnels à l’unification pure et simple de ce contentieux au profit de l’un ou l’autre de nos ordres de juridictions, mais je veux souligner combien l’imbrication extrême, et souvent paradoxale, de ce contentieux nuit à l’efficacité et, par là même, à la crédibilité de l’action publique.

En l’état, le projet de loi a le mérite de clarifier les rôles de chacun en donnant au juge administratif la mission d’intervenir le premier pour examiner la légalité de la mesure de rétention, le juge judiciaire intervenant pour sa part après un délai de cinq jours afin de veiller au respect de la liberté individuelle du migrant placé en rétention. Là encore, il s’agit à nos yeux d’une simplification souhaitable que nous réclamions dès 2007.

Au terme de la première lecture, députés et sénateurs ont d’ores et déjà apporté leur soutien à ce qui constitue l’architecture générale de ce projet de loi. Mais si les divergences entre nos assemblées sont rares, elles n’en sont pas moins fortes et lourdement symboliques.

Il en va ainsi notamment, mes chers collègues, de ce qui constitue sous certains aspects la grande affaire de ce projet de loi, je pense bien évidemment à l’opportunité d’une extension de la procédure de déchéance de la nationalité française aux criminels qui auront attenté à la vie d’un membre de nos forces de l’ordre ou plus largement d’une personne dépositaire de l’autorité publique.

Supprimée à une large majorité par le Sénat, cette disposition avait néanmoins été réintroduite dans le texte à l’initiative du Gouvernement lors de son examen par la commission des lois de notre assemblée.

M. Roland Muzeau. Coupable et responsable, les deux à la fois !

M. Stéphane Demilly. S’il est un point qui ne doit souffrir d’aucune ambiguïté, et qui doit tous ici nous rassembler, c’est bien celui-ci que je vais énoncer maintenant : la République a le devoir de soutenir et de protéger les membres de nos forces de l’ordre et plus largement l’ensemble des dépositaires de l’autorité publique lorsque ceux-ci se trouvent physiquement menacés. Elle a le devoir de poursuivre et de réprimer, et ce avec la plus grande sévérité, les criminels qui attentent à la vie d’un policier, d’un gendarme, d’un juge ou d’un préfet.

Y a-t-il pour autant vraiment lieu d’aborder cette question au détour d’un texte dont le principal objet tient à l’organisation de notre politique d’immigration ? Faut-il vraiment lier sur ce point le droit pénal au droit de la nationalité, quitte à verser dans une certaine confusion et quitte à activer certains réflexes dangereux ?

En réalité, et derrière la charge symbolique qu’on lui prête, la disposition que notre commission avait fait le choix de réintroduire à l’article 3 bis de ce projet était pour le moins inopportune et je me réjouis que vous en ayez pris conscience quelques heures avant le début de notre débat. En effet, une telle disposition aurait eu pour première conséquence de créer une inégalité de traitement entre les auteurs de crimes français et… les auteurs de crimes français. Ce n’est pas une erreur de lecture. La loi aurait ainsi introduit la subtilité du « Français de toujours » et du « Français de pas toujours », du « Français en CDI » et du « Français en période d’essai », du « Français d’origine contrôlé » et du Français « made out of France » qui a encore l’emballage sur le dos et qui pourrait repartir d’où il vient. Permettez-moi de vous le dire très spontanément : c’était du grand n’importe quoi !

Cette disposition était très choquante, car elle introduisait dans notre droit fondé sur l’égalité une différenciation inutile, malsaine et sujette à d’infinis contentieux ! L’autre inégalité de traitement eut été une distinction étonnante entre ceux qui ont une double nationalité et ceux qui ont la seule nationalité française. Dans la mesure où le droit international empêche les États de faire de leurs propres citoyens des apatrides, seul un binational ou un multinational pouvait être concerné par ces nouvelles procédures. Bref, mes chers collègues, on était sur le point de créer une sorte de hiérarchie entre les meurtriers, selon qu’ils seraient ou non nés Français.

Ce qui nous était proposé, c’était ni plus ni moins d’accréditer, et de traduire dans notre droit, l’idée selon laquelle il existe en France une différence définitive et ineffaçable entre les fils naturels et les enfants adoptifs de la République, et ce bien que l’article 1er de notre Constitution dispose, en toutes lettres, que la République assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, et ce sans distinction d’origine.

Mme Françoise Hostalier. Bravo !

M. Stéphane Demilly. Dans sa décision de juillet 1996, par laquelle il avait validé, compte tenu de l’extrême gravité des faits en question, la possibilité de déchoir de leur nationalité des Français naturalisés puis condamnés pour des faits de terrorisme, le Conseil constitutionnel nous avait déjà alerté en nous indiquant : « les personnes ayant acquis la nationalité française et celles auxquelles la nationalité française a été attribuée à leur naissance se trouvent, juridiquement, dans la même situation ».

Mais au-delà des termes strictement juridiques de ce débat, c’est une question fondamentalement politique qui nous est posée : voulons-nous accréditer et faire progresser cette thèse d’une naturalisation qui ne serait au fond qu’une admission provisoire, et en tout état de cause révocable, dans la communauté nationale, ou croyons-nous vraiment en nos propres discours lorsque nous parlons de l’acquisition de la nationalité française comme d’un acte fort et symbolique, comme l’aboutissement d’un parcours d’intégration réussi ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Si seulement c’était le cas !

M. Stéphane Demilly. Pour notre part, mes chers collègues, cette disposition ne cadrait pas avec notre projet politique, elle ne cadrait pas avec la vision que nous avons de notre pacte républicain, et c’est pourquoi, avec d’autres, les députés du Nouveau Centre ont proposé la suppression pure et simple de cet article 3 bis.

Pour conclure, je rappellerai que ce dont notre pays a besoin aujourd’hui, ce n’est pas d’un énième débat sur la supposée peur de l’étranger, celle-ci n’a pas sa place dans notre histoire. Ce dont notre pays a besoin, mes chers collègues, c’est d’une politique d’accueil juste mais ferme et cohérente avec celle de nos partenaires européens, qui bénéficie aussi d’une assise juridique plus claire, plus simple et plus prévisible.

Mme Françoise Hostalier. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Comment pourrions-nous être aveugles au point d’ignorer l’actualité internationale, tout particulièrement au sud de la Méditerranée, face aux côtes européennes ? Celle-ci nous dicte de persévérer dans la voie de la politique d’immigration choisie, menée depuis 2007, et de renforcer encore nos dispositifs protecteurs, notamment en rétablissant dans ce texte plusieurs mesures essentielles adoptées en première lecture, voire en allant au-delà.

Comme l’a rappelé avec lucidité et hauteur de vue le Président de la République, le 27 février dernier, les révolutions arabes en cours ouvrent une ère nouvelle dans nos relations avec ces pays. Notre devoir est clairement d’accompagner, de soutenir, d’aider les peuples qui ont choisi d’être libres, car s’ils devaient retomber sous la férule de dictatures pires encore que les précédentes, cela aurait des conséquences dramatiques sur des flux migratoires devenus incontrôlables.

France terre d’accueil, mais aussi France terre d’intégration, et donc d’immigration choisie, sous peine de mettre en péril notre cohésion nationale. Oui pour accueillir aussi bien que nous le pouvons les étrangers qui remplissent les conditions que nous avons fixées. Mais en contrepartie, il nous appartient de lutter plus efficacement encore contre l’immigration irrégulière qui porte atteinte à notre capacité d’accueil.

Par conséquent, si nous nous félicitons de la mise en œuvre de la « carte bleue européenne », afin d’attirer les étrangers hautement qualifiés, comme des nouvelles facilités de séjour pour les mineurs étrangers isolés qui, moyennant quelques garanties ajoutées par notre rapporteur, régleront des situations inextricables, nous devons nous assurer que le dispositif conserve un caractère exceptionnel et n’ouvre pas la voie à de possibles abus.

Dans le même esprit, la création des zones d’attente temporaires comble une lacune de notre droit, afin d’éviter que ne se reproduisent les difficultés dues au débarquement de 123 Kurdes sur une plage de Corse-du-Sud, en janvier 2010. Ce nouveau régime, délesté de ses deux modifications sénatoriales comme le propose le rapporteur, est plus qu’opportun pour prévenir, sur ce point, les conséquences des événements d’Afrique du Nord. Déjà 436 clandestins ont été arrêtés dans les Alpes maritimes en février, trois fois plus qu’en février 2009, comme vous avez pu le constater vous-même sur place, monsieur le ministre.

En matière d’éloignement, s’il faut saluer le fait que l’obligation de quitter le territoire français devienne la mesure d’éloignement de droit commun et qu’elle puisse s’accompagner d’une interdiction de retour sur le territoire français, il est tout aussi indispensable de préserver l’effectivité des procédures, que ce soit en prolongeant de quarante-huit heures à cinq jours la durée de rétention administrative décidée par le préfet avant l’intervention du juge judiciaire ou en encadrant le séjour des ressortissants de l’Union européenne.

Faut-il le rappeler, la libre circulation au sein de l’Union n’est pas synonyme de liberté d’installation, encore moins de liberté de troubler l’ordre public, comme en cas d’actes répétés de vols ou de mendicité agressive, fléaux endémiques dans le métro et dans certains quartiers de la capitale.

Notre système de santé n’a pas davantage vocation à supporter une obligation aussi déraisonnable que celle résultant du revirement jurisprudentiel du Conseil d’État. La délivrance d’un titre de séjour à un étranger malade doit être conditionnée à l’inexistence de soins appropriés dans son pays d’origine, et les fraudes doivent être sévèrement réprimées.

Nul n’a un droit absolu à séjourner sur le territoire français, pas plus qu’à en obtenir la nationalité. Être français, c’est avoir des droits mais aussi des devoirs envers la communauté nationale. Il est donc bienvenu que l’assimilation des étrangers naturalisés se manifeste à travers une adhésion concrète au pacte républicain, symbolisée par la signature d’une charte, validée par le Sénat.

C’est pourquoi la vigilance s’impose quant à la sincérité des procédés d’acquisition de la nationalité. Chacun sait que, par exemple, certaines personnes sont abusées par un conjoint étranger dénué de toute intention matrimoniale réelle. C’est pourquoi, en première lecture, avec notre collègue Claude Greff, nous avions fait adopter un amendement renforçant les sanctions contre les mariages gris. Les escroqueries aux sentiments doivent être frappées de sanctions plus lourdes encore que les mariages de complaisance. C’est ce que propose notre rapporteur.

Enfin, quand on accède à la nationalité française, on s’engage à être fidèle aux valeurs de la France, à respecter ses symboles. Dès lors et alors même que la déchéance de nationalité, constante de tous les droits, a été déclarée conforme à la Constitution en 1996, …

M. Roland Muzeau. Vous n’avez plus le droit d’en parler ! C’est fini ! Vous n’étiez pas à l’UMP ce matin ?

M. Philippe Goujon. Merci de ne pas me censurer, mon cher collègue.

…dès lors qu’elle n’est pas une mesure complémentaire d’aggravation de la peine, obéissant à des motifs propres ; dès lors qu’elle ne rendra personne apatride, que sa rédaction correspondait à la conception restrictive du Conseil constitutionnel selon les propositions – premières, si je puis dire – de notre rapporteur,…

M. Roland Muzeau. Elles sont caduques !

M. Philippe Goujon. …– je partage pleinement la conception de la nationalité de Claude Goasguen, acte de gouvernement, et pas seulement lié au droit des personnes – je regrette, avec un certain nombre de mes collègues, que la déchéance de nationalité ne puisse être étendue, comme prévu, à l’encontre de ceux qui, dans un délai de dix ans après l’avoir acquise, porteraient atteinte à la vie d’une personne dépositaire de l’autorité publique.

Je m’inquiète aussi du signal négatif envoyé aux forces de l’ordre, après la réforme difficile de la garde à vue, et quelques jours après la tentative d’assassinat commise sur un policier à Noisiel. J’entends bien que cette question sera reprise dans le cadre de la mission d’information sur le droit de la nationalité menée par notre rapporteur – c’est un minimum, mais je lui fais confiance. J’attends surtout qu’elle entre dans notre droit positif.

Monsieur le ministre, en dehors de ce renoncement, ce projet de loi est juste et équilibré. En transcrivant dans notre droit national trois directives, il nous permet de respecter nos engagements et de poser le premier acte d’une politique européenne de l’immigration, d’autant que, sous l’impulsion de Brice Hortefeux, c’est notre pays qui, en 2008, fut l’initiateur du pacte sur l’immigration et sur l’asile. Avec ce texte, forte de sa tradition d’hospitalité, la France reste une terre d’accueil de l’immigration, tout en demeurant une terre d’intégration. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous discutons aujourd’hui en deuxième lecture du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, et vous avez trouvé de nouveaux arguments pour justifier ce texte. Aujourd’hui, l’afflux soudain de migrants rendrait ce texte nécessaire ; une situation exceptionnelle, selon votre expression, monsieur le ministre. Vous êtes tellement obnubilés par les questions d’immigration que vous avez perdu toute capacité d’analyse des événements. Ainsi, votre première réaction par rapport à la fantastique vague de démocratie dans les pays du Maghreb et du Machrek n’est pas de vous émerveiller de ce mouvement courageux des peuples pour la démocratie ; vous agitez la peur des migrations.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Cela n’a rien à voir !

Mme Martine Billard. C’est ainsi que M. Goasguen, rapporteur de la commission des lois, a osé dire au début de son intervention : « La situation s’est considérablement dégradée ».

M. Claude Goasguen, rapporteur. Sur le plan de l’immigration, c’est sûr !

Mme Martine Billard. Voilà le regard que vous portez sur la chute de dictatures corrompues. C’est significatif ! Nous, nous nous félicitons de la chute de ces régimes dictatoriaux et corrompus.

Le débat que nous allons avoir sur ce texte n’aura pas simplement pour but de démontrer le caractère nauséabond de votre politique. Après la gestion catastrophique de la politique étrangère dans une période aussi importante que celle des révolutions citoyennes, après le remaniement ministériel et après le discours de Nicolas Sarkozy au Puy-en-Velay, ce débat sera aussi celui de l’image de la France. La France n’est pas un pays qui tolère que l’on attise les haines, ni pour des raisons politiciennes et électorales ni pour aucune autre raison. Elle est encore moins un pays qui accepte que des politiques xénophobes soient conduites, en son nom, par son propre gouvernement, tournant ainsi le dos au pacte républicain.

C’est pourtant ce qu’a fait Nicolas Sarkozy dans son discours du Puy-en- Velay. Il tourne le dos ouvertement au principe de laïcité lorsqu’il tente une nouvelle fois d’assimiler l’identité de la France à l’identité chrétienne, réduite d’ailleurs au catholicisme. Il attise la haine et la différence de l’autre en excluant de fait tous ceux qui ne s’y reconnaissent pas.

M. Jean Proriol. Ce que vous dites est faux !

Mme Martine Billard. Il ferait mieux de se souvenir que notre identité se fonde sur des principes d’égalité et de séparation de l’Église et de l’État, principes qui ne sont pas négociables. La question qui nous est posée est de savoir si nous acceptons que la France soit le pays du rejet et de la haine ou celui qui prend exemple sur le souffle de liberté et de fraternité des peuples arabes.

En revenant sur un certain nombre de dispositions du texte, les sénateurs ont d’ailleurs a été plus sages que les députés de droite n’ont su l’être en première lecture. Ils ont repoussé l’extension de la déchéance de nationalité. Ils sont revenus sur les mesures concernant le droit de séjour des étrangers malades. Ils ont introduit des facilités de démarches pour le renouvellement des cartes d’identité des personnes nées à l’étranger. Ils avaient même cassé l’augmentation des peines encourues pour un mariage blanc. Mais la commission des lois de l’Assemblée est revenue systématiquement sur toutes les dispositions positives votées par les sénateurs, y compris les éléments relatifs à la saisine du juge des libertés et de la détention.

M. Philippe Goujon. Heureusement !

Mme Martine Billard. Aujourd’hui, un étranger en rétention dans un centre comparaît devant le juge des libertés et de la détention au bout de quarante-huit heures, avant qu’il ne soit statué sur sa libération. La commission des lois a accepté de nouveau la disposition repoussée par le Sénat qui écarte la décision du juge des libertés en reportant son intervention à cinq jours. Avec ce délai, le juge administratif interviendra avant le juge des libertés pour décider de la légalité de la mesure d’expulsion, avant que l’on ait statué sur la légalité de sa rétention.

Vous avez aussi renforcé une nouvelle fois, de façon absurde et grotesque, la condamnation des mariages blancs, repoussant à sept ans de prison et 30 000 euros d’amende les peines encourues, alors qu’il faudrait abroger ce dispositif.

D’abord, celui-ci est d’une qualité juridique tout à fait douteuse. On se demande bien comment les autorités vont pouvoir prouver qu’il y a eu « escroquerie aux sentiments ». La logique de l’article reflète bien votre idéologie. Il fait peser sur les étrangers cette idée de présomption de fraude et de tentative de tricherie permanente. Au final, cela revient à en faire un délit plus grave que celui de recel, par exemple, et plus grave que la détention du produit ou du résultat d’un crime. Vous en faites une peine équivalente à celle de l’ex-dictateur du Panama, Noriega, que le tribunal correctionnel de Paris a condamné à sept ans de prison, mais lui c’était pour le blanchiment de l’argent de la drogue !

Quant à la déchéance de nationalité, non seulement il s’agit au départ d’une mesure absurde à usage politicien, mais vous avez même été tentés d’en étendre encore le périmètre aux délinquants condamnés trois fois à la prison. Cette mesure, quel qu’en soit le périmètre, aurait créé une nationalité à deux vitesses. Il est parfaitement scandaleux de prétendre mettre en tel système en place. Démagogique, il est par ailleurs parfaitement contraire à la Constitution qui stipule, dans son article 1er, que tous les Français sont égaux devant la loi quelle que soit leur origine. En effet, la déchéance de nationalité propose de classer les personnes entre « Français de souche » et « Français d’origine étrangère », rompant ainsi avec la logique d’égalité et créant des « Français en sursis ».

Enfin, l’instauration de cette double peine est contraire à la Convention du Conseil de l’Europe que la France a signée, qui interdit la déchéance de nationalité pour des motifs de droit pénal général.

La commission des lois a également rétabli les mesures à l’encontre des sans-papiers souffrant d’une pathologie grave. Cela fait des années que vous essayez de revenir sur les dispositions existantes. Le texte revient ainsi sur la possibilité de régularisation des sans-papiers malades. Il remet également en cause la disposition introduite en 1997 qui interdit l’éloignement des personnes gravement malades. Il s’agit là d’un recul considérable qui va encore plus loin que ce que la loi prévoyait initialement, qui est très éloigné de ce que proposent les directives européennes et condamne de fait des milliers de personnes à une mort certaine. En remplaçant l’idée d’accessibilité par la notion de disponibilité des soins, vous renvoyez les étrangers résidant habituellement en France à une profonde inégalité. Les soins sont formellement disponibles partout dans le monde, sans qu’il soit pour autant possible de se faire soigner ou de se payer les traitements. Combinée à la réforme de l’AME, une telle disposition nous expose à de graves problèmes de santé publique. Les microbes n’ont que faire des frontières ou de savoir si le porteur a des papiers en règle. Il relève de la santé publique, si ce n’est de l’intérêt général, de soigner ces personnes. Toutes les associations se sont alarmées de cette mesure, qui est par ailleurs tout à fait contraire, encore une fois, à vos engagements. Je me souviens des débats en première lecture, notamment des engagements du Plan national de lutte contre le sida.

Au final, vous créez un véritable régime d’exception pour les immigrés. À vouloir sans cesse détourner l’attention des causes du chômage et de la précarité, vous cassez durablement le tissu social. Vous feriez mieux de vous occuper de tous ceux qui cherchent à échapper à l’impôt, plutôt que des migrants qui cherchent simplement à fuir la misère et la pauvreté.

Si le sujet n’avait pas été aussi grave, on aurait presque pu ironiser lorsque le Président de la République a déclaré au Puy-en-Velay que « ce sont ceux qui contribuent à toute la chaîne de solidarité qui participent de l’image et de l’identité de la France ». C’est pourtant le même Gouvernement qui n’hésite pas à engager des poursuites contre celles et ceux qui viennent en aide aux personnes fuyant la misère, les guerres et les violences en tout genre.

Au final, ce quatrième texte en sept ans est celui qui souffle sur les braises du Front national, celui du racisme libéré, celui qui légitime l’idée que l’immigration serait coupable de tous les dégâts causés par les politiques libérales, depuis trop longtemps maintenant. À décomplexer ce sentiment, vous embourbez la France dans une scandaleuse image d’elle-même. C’est ainsi que Mme Brunel, députée UMP, n’hésite pas à emboîter le pas au Front national en proposant de remettre les immigrés dans les bateaux, quand Marine Le Pen propose de les repousser dans les eaux internationales. Comment peut-on oublier toute humanité au point de renvoyer consciemment à la mort des êtres humains qui ne sont coupables que de rechercher une vie meilleure ?

Votre panique à la perspective de perdre les élections vous amène aux surenchères les plus sinistres au point d’en être prisonniers et de ne plus pouvoir vous démarquer du Front national. À quoi bon ? N’avez-vous pas appris depuis le temps que les électeurs racistes préfèrent l’original à la copie, le Front national à l’UMP ? Malheureusement, la situation actuelle risque de nous donner raison avec un seul point positif : vous faire perdre les élections de 2012 et nous les faire gagner. Nous refusons globalement ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. Claude Goasguen, rapporteur. C’est cynique !

Mme Martine Billard. C’est vous qui êtes cyniques ! Des peuples se battent contre des dictateurs et tout ce que vous trouvez à dire c’est que cela va faire des immigrés en plus !

Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Nos collègues sénateurs ont fait montre, me semble-t-il, d’une plus grande sagesse lors de l’examen du texte devant la Haute assemblée. Les propos outranciers et caricaturaux tenus ici n’ont pas été repris au Palais du Luxembourg. Pour la sérénité du débat, les sénateurs ont montré un exemple que nous devrions suivre lors de cette deuxième lecture.

Je n’ai pu, pour ma part, que m’en réjouir puisqu’un certain nombre des amendements que j’ai défendus en première lecture y ont reçu un écho favorable. Ma satisfaction – relative néanmoins, car d’autres dispositions que j’ai combattues ont été, hélas, maintenues – aura été de courte durée, mais je le confesse, mes illusions étaient, somme toute, modestes.

La commission des lois de l’Assemblée nationale s’est ainsi empressée, en deuxième lecture, de rétablir des mesures que j’avais dénoncées, soutenu en cela par d’autres collègues. Dois-je préciser que tous n’étaient pas de l’opposition, loin s’en faut ?

Mme Sandrine Mazetier. Absolument !

M. Étienne Pinte. Je rappelle ainsi que, rien que pour le groupe UMP en première lecture, près de quarante de nos collègues n’ont pas apporté leur soutien à ce texte, auxquels il y a lieu d’ajouter une dizaine de députés du Nouveau Centre et non inscrits.

Des mesures emblématiques telles que la prétendue lutte contre les « mariages gris » – quelle malheureuse appellation ! –, la déchéance de la nationalité « revue et corrigée » ou encore les articles qui visent les Roms, sans oublier le triste sort réservé aux étrangers malades, sont autant de dispositions que je ne saurais accepter. Permettez-moi, sur cette dernière question – je m’adresse à notre rapporteur –, de dénoncer ici les fantasmes suscités par l’aide médicale d’État, lesquels ne résistent pas à la moindre étude sérieuse. J’en veux pour preuve le tout récent rapport de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances. Non, le « tourisme médical » n’est pas répandu. Non, les soins de confort ne sont pas monnaie courante. Ce n’est pas moi qui le dis, mais bel et bien les deux inspections mandatées par notre Gouvernement.

M. Jean-Patrick Gille. C’est vrai !

M. Étienne Pinte. Je forme le vœu qu’en seconde lecture, la mobilisation contre des orientations ou en tout cas certaines d’entre elles, très contestables de mon point de vue, ne faiblisse pas.

C’est vrai, nous en avons parlé et nous en reparlerons encore, le vent de révolte, qui souffle aujourd’hui dans des régions qui nous sont proches géographiquement et historiquement et les inexorables migrations vers l’Europe, notamment vers l’Italie et la France, qui en découlent d’ores et déjà et en découleront demain, ne doivent pas nous rendre plus « frileux », plus « fermés » que nous ne le sommes déjà.

Ce ne sont pas, à mes yeux, des mesures « d’affichage » politique, au travers des cinq lois que nous avons déjà votées en huit ans, qui ont permis hier permettent aujourd’hui et permettront demain de relever le défi d’un monde ouvert. Soyons, au contraire, innovants. Permettez-moi de vous faire quelques propositions, monsieur le ministre. Pourquoi ne travaillerions-nous pas, par exemple, sur les modalités d’une migration circulaire telles que votre prédécesseur les avait envisagées pour la Tunisie ? Lors de notre séjour en Tunisie il y a quelques jours avec Mme Lagarde, le Premier ministre tunisien a sollicité le maintien de ces dispositions envisagées par M. Hortefeux.

Par ailleurs, beaucoup de pays de l’Union européenne vivent des évolutions démographiques catastrophiques – je pense à la Suède et à l’Allemagne. Aujourd’hui, l’Allemagne a besoin de 200 000 migrants par an pour poursuivre sa croissance et son développement économique. Pourquoi ne pourrait-elle pas venir en aide à nos amis tunisiens confrontés à des difficultés en matière d’emploi et de formation ? (Rires sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Tâchons d’être lucides, intelligents et solidaires. Essayons de construire un monde meilleur qui soit constitué non pas uniquement de barrières et de murs, mais d’entraide et de partage. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme Françoise Hostalier. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l’abandon de certains reculs dans le droit des étrangers lors de l’examen du projet de loi au Sénat, nous voici revenus à la case départ, après le passage du texte en commission des lois.

Pour commencer, je voudrais revenir sur la question de la déchéance de nationalité. Supprimer cette disposition n’efface pas pour autant le discours de Grenoble, véritable honte pour la République. Aux termes de l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Nous n’avons pas de différence à faire entre Français naturalisés et Français nés français.

Par ailleurs, en ce qui concerne l’acquisition de la nationalité, la vérification de la maîtrise de la langue française n’est pas une solution. Quels moyens mettons-nous en œuvre pour offrir la possibilité aux immigrants non francophones d’acquérir facilement et rapidement la maîtrise de notre langue ? Non seulement notre pays, tout comme l’Union européenne, se referme sur lui-même, mais ceux que nous accueillons sont pour vous des sous-citoyens, comme le montre la suspicion permanente et systématique que vous voulez instaurer à propos des « mariages gris », triste appellation.

Inhumaine est la suppression du séjour pour soins dans le cas de la disponibilité d’un traitement dans le pays d’origine. En effet, le caractère disponible ou non d’un traitement n’a aucune valeur. Ce qui compte, c’est la possibilité d’accès réelle à ce traitement ! Or dans de nombreux pays, comme en France d’ailleurs, tout le monde n’a pas accès à un traitement, même s’il existe ! Et à l’étranger, lorsque ces traitements sont disponibles, ce sont des médicaments d’ancienne génération, moins efficaces et comportant plus d’effets secondaires indésirables. Avec ce texte, des personnes vont courir le risque d’être condamnées par défaut de soins.

L’autre cas de figure serait celui où les malades choisiraient de vivre en France de manière clandestine. Le fait de ne pas pouvoir se soigner correctement entraînera alors l’aggravation de la maladie, ce qui aura des répercussions catastrophiques. Plus on traite tard, plus l’addition est lourde, n’en déplaise à ceux qui souhaitent, par ce stratagème, alléger les dépenses publiques de l’AME – aide médicale d’État. Sa restriction serait un crime et un danger pour la santé publique. Les virus et les microbes ne se préoccupent pas de la nationalité des malades, les députés UMP, oui !

On comprend que de nombreuses associations de lutte contre le sida se soient prononcées contre cette disposition en raison des problèmes qu’elle entraînerait à la fois en France et dans le pays d’origine. Avec cette politique de courte vue, ce n’est rien de moins qu’un coup de pouce à l’épidémie que vous donnez.

Dans le même chapitre des traitements inhumains, je ne m’étendrai pas sur les centres de rétention,…

M. Philippe Goujon. C’est la gauche qui les a mis en place !

M. Jean-Jacques Candelier. …qui sont de véritables univers carcéraux destinés à des non-criminels dont la seule faute aura été de naître au mauvais endroit.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Allons ! N’importe quoi.

M. Jean-Jacques Candelier. La majorité et le Gouvernement proposent des moyens renforcés et étendus seulement pour la partie du monde judiciaire qui met en application l’expulsion de toujours plus d’hommes et de femmes, ainsi que de leurs enfants, dans des conditions toujours plus expéditives et plus brutales, indignes de notre République. Quand la justice a pour fonction de renvoyer un certain nombre d’hommes et de femmes en dehors de nos frontières, alors vous la respectez et la dotez de moyens suffisants !

La commission des lois a également rétabli les mesures visant à réduire le rôle du juge des libertés et de la détention. En France, nous sommes censés appliquer le principe de la séparation des pouvoirs. S’il y a, comme l’estime le Gouvernement, trop de libérations, c’est qu’il y a des décisions de justice. Ces décisions sont fondées sur notre droit, fruit de la délibération politique, et sont le fait d’une autorité constitutionnelle indépendante, l’autorité judiciaire. C’est tout cela que vous remettez en cause ! En fait, s’il y a, comme vous le pensez, trop de libérations, ce n’est pas parce qu’il y a trop de laxisme ; c’est parce que trop de gens se retrouvent devant un juge alors qu’ils n’auraient jamais dû l’être !

Ajoutons que la généralisation de l’obligation de quitter le territoire français sans délai permettra, une fois encore, de restreindre le droit des étrangers à contester la décision prise par l’administration à leur encontre. La personne de nationalité étrangère ne disposera plus que d’un délai de quarante-huit heures pour introduire un recours lui-même complexe et nécessitant les conseils de spécialistes.

Ce projet de loi complexifie sciemment la défense des personnes étrangères. C’est un recul de l’État de droit et du droit à une juste défense. Au fond, vous assimilez la question de l’immigration à celle de la sécurité publique, du chômage ou de la « dérive des comptes publics et sociaux ».

Vous dites vouloir régler le problème de l’immigration. C’est la sixième loi – si j’ai bien fait le compte – sur le sujet en neuf ans... J’en conclus que votre politique est non seulement inhumaine et xénophobe, mais aussi inefficace ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Elle s’inscrit dans le droit-fil des déclarations du chef de l’État, qui ne voit dans les révolutions arabes qu’un « risque migratoire » alors qu’il faudrait saluer et encourager sans réserve les mouvements des peuples pour la démocratie et la liberté.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Justement !

M. Jean-Jacques Candelier. Face à l’action répressive persistante et aux violations des droits humains fondamentaux, on en oublie la vraie question : pourquoi notre pays peut-il apparaître à ces immigrés comme un refuge ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Ce qu’il est !

M. Jean-Jacques Candelier. Il faudrait respecter le droit d’asile, qui est une considération élémentaire d’humanité et une obligation internationale de la France, au lieu de le mettre à mal ! Les migrants fuient des situations économiques dramatiques, mon cher collègue, la pauvreté extrême, des guerres, des pressions incessantes sur eux, leur famille, leur travail.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Et la démocratie !

M. Jean-Jacques Candelier. Tout cela est dû aux déséquilibres régionaux et internationaux auxquels la France contribue activement.

Sans aucune considération pour le droit à l’autodétermination et à la liberté des peuples, la France envoie ses armées aux quatre coins du monde – 4 000 hommes en Afghanistan. Il est par exemple injustifiable de renvoyer, comme cela se fait aujourd’hui, des immigrés afghans dans un pays dans lequel nous faisons la guerre.

La France protège, y compris par la force, ses « intérêts économiques » comme l’exploitation par Areva ou Bolloré des mines d’or ou des plantations en Afrique. C’est l’entreprise française Total qui exploite le pétrole en Libye. Une intervention militaire contre Kadhafi viserait-elle à protéger le peuple libyen ou le pétrole libyen ?

C’est l’économie capitaliste mondialisée, avec le concours de gouvernements comme celui de la France, qui contribue à l’organisation d’un monde invivable pour la majorité de ses habitants. À partir du moment où nous ouvrons des brèches dans nos valeurs et notre droit, celles-ci ne pourront que s’agrandir. Qui peut dire où cela nous mènera ?

Stigmatiser les étrangers et, de manière plus générale, les immigrés se retournera bientôt contre toute notre société, contre tous nos concitoyens. Cela risque de nous entraîner dans un gouffre. Contrairement à ce que vous voulez nous faire croire, les frontières, les barrières, les murs existent moins entre les cultures et les religions qu’entre les riches et les pauvres. Un Malien riche sera toujours le bienvenu en France. Nous n’avons pas vu de riches étrangers arrêtés à leur travail, raflés aux sorties des écoles ou chargés dans des charters. Les seuls contre qui se dirige votre politique répressive sont ceux qui sont venus pour sauver leur vie ou en trouver une meilleure, et à qui on refuse cette possibilité.

Vous êtes les chantres de la liberté de circulation mondiale des capitaux, mais pas des hommes : une liberté à géométrie variable qui démontre que vous placez l’humain après l’argent ! C’est le cas dans la Constitution européenne, rebaptisée traité de Lisbonne, que vous avez ratifiée contre l’avis du peuple français.

Je prendrai aussi l’exemple du renouvellement de l’accord d’association entre l’Union européenne et la Tunisie. Les dirigeants européens font mine de s’inquiéter de « l’invasion » de Tunisiens sur nos côtes. Mais lisons ce qu’ils proposent aux malheureux Tunisiens. L’article 1er de cet accord d’association énonce 1’objectif général de « fixer les conditions de la libéralisation progressive des échanges des biens, des services et des capitaux ». L’article 11 prévoit l’élimination graduelle de tous les droits de douane. L’article 34 prévoit la libre circulation des capitaux concernant les investissements directs en Tunisie et le rapatriement du produit de ces investissements et de tous les bénéfices en découlant.

En clair, cet accord d’association est un pillage pur et simple de l’économie tunisienne, un outil de l’impérialisme européen qui a amené à la privatisation de la plupart des entreprises publiques du pays, au contrôle de ces entreprises par les multinationales en facilitant la corruption.

Il faut bien comprendre que l’internationalisme des travailleurs ne s’oppose pas au patriotisme. Parce qu’il n’aspire qu’au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, le vrai patriotisme s’oppose au colonialisme, au capitalisme, au supranationalisme impérialiste, ainsi qu’à leurs instruments idéologiques : les défouloirs du racisme et de la xénophobie !

Je me souviens également de l’examen de la proposition de loi de nos collègues du groupe SRC, examinée en juin dernier, qui visait à supprimer les conditions de nationalité restreignant injustement 1’accès des travailleurs étrangers non communautaires à certaines professions libérales ou privées. À diplôme égal, un étranger devrait pouvoir être embauché comme n’importe qui.

M. Richard Dell'Agnola. Et les règles de la fonction publique ?

M. Jean-Jacques Candelier. J’avais été marqué par les arguments de la droite dans cet hémicycle, d’autant qu’au Sénat, elle avait voté le texte.

Sur le fond, admettre des discriminations en vertu de la nationalité revient à cautionner 1’idée de préférence nationale chère au Front national ! Regardez ce que donnent les sondages !

Mme Martine Billard. Très juste !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’exprimerai mon point de vue personnel, Stéphane Demilly s’étant exprimé au nom de mon groupe.

Nous sommes réunis en seconde lecture pour examiner ce projet de loi qui vise avant tout – M. le rapporteur a eu raison de le préciser – à transposer trois directives de l’Union européenne : la directive « retour » du 16 décembre 2008, la directive « carte bleue européenne » du 25 mai 2009 et, enfin, la directive « sanctions » du 18 juin 2009.

Au-delà de son objet précis, le projet de loi embrasse toutes les problématiques liées à l’immigration. Je voudrais revenir sur un principe qui me paraît fondamental, qui ne saurait être remis en cause, celui de la promotion de l’immigration choisie et de l’ardente nécessité d’intégrer des étrangers entrés légalement sur le territoire national, et qui va de pair avec une lutte contre toutes les formes d’immigration irrégulière. L’un ne peut aller sans l’autre. M. Mamère lui-même a tout à l’heure reconnu le droit pour un État de réguler l’immigration. Il n’y a pas d’alternative. La régularisation massive préconisée par certains a montré ses limites et a conduit les pays qui l’ont pratiquée dans l’impasse. Il faut instaurer des règles compatibles avec notre exigence et notre idéal républicain.

L’idée de ce projet de loi, à savoir l’adhésion aux valeurs essentielles de notre République, doit être validée dans son principe à travers la signature de la charte non seulement des droits, mais aussi des devoirs du citoyen français à l’occasion de l’acquisition de la nationalité. Par conséquent, il faut une corrélation étroite entre l’entrée de nouveaux ressortissants dans la communauté nationale, dont nous devons faire une source d’enrichissement pour la communauté nationale tout entière, et l’adhésion indispensable aux valeurs qui cimentent le fonctionnement même de notre République.

Permettez-moi d’ailleurs, monsieur le ministre, d’émettre le souhait que le contenu de cette charte soit étendu à tous nos jeunes compatriotes.

Ce projet de loi a aussi pour mérite de rappeler un objectif à certaines entreprises – et non des moindres puisqu’il s’agit de celles qui sont cotées – : mettre en œuvre les mesures susceptibles de lutter contre les discriminations et donc de favoriser les diversités.

Nous devons mettre en avant la philosophie des précédents textes adoptés par notre assemblée et sur lesquels nos concitoyens sont particulièrement vigilants : la recherche d’une meilleure intégration de nos compatriotes issus de l’immigration et en situation régulière.

Quant à la directive « carte bleue européenne », elle contient des dispositions qui semblent plus jamais nécessaires pour lutter contre le travail illégal et le travail dissimulé. Pour l’essentiel, ce projet de loi tend vers l’équilibre qui est à rechercher entre la promotion de l’immigration choisie – et donc l’intégration – et la fermeté contre l’immigration irrégulière.

Rapporteur des lois contre la corruption et le blanchiment pour cette assemblée, je ne peux ignorer l’absolue nécessité de lutter contre ces formes modernes d’esclavage et ces filières de travailleurs clandestins, exploités au mépris de toute dignité humaine, au profit d’employeurs peu scrupuleux. On oublie souvent cet aspect du projet de loi, que vous avez rappelé tout à l’heure, monsieur le ministre.

M. Philippe Goujon. C’est vrai !

M. Michel Hunault. Ce projet de loi vise aussi à renforcer les exigences requises des candidats au séjour et à la nationalité française et prévoit des sanctions accrues envers les mariages frauduleux. Des éléments positifs devraient nous rassembler, sur tous les bancs de cet hémicycle. Je pense à la mesure permettant à des étrangers entrés en France comme scientifiques, sous couvert d’un visa de long séjour valant titre de séjour, de bénéficier d’une carte de séjour pluriannuelle à l’expiration de ce visa.

Citons aussi l’assouplissement des conditions de résidence des conjoints des titulaires de la carte « salarié en mission », lesquels pourront bénéficier de l’octroi de plein droit d’une carte « vie privée et familiale ». Tout cela va renforcer l’attractivité de la carte de résident pour contribution économique.

Entre autres améliorations, citons encore la reconnaissance du décès du conjoint français comme exception au motif de rupture de la vie commune pour le non-renouvellement des titres de séjour. Dois-je rappeler qu’à ce jour, la mort de l’époux peut entraîner le non-renouvellement de ce titre ?

Je crois qu’il n’était pas superflu de rappeler quelques-unes des améliorations contenues dans ce projet de loi. Monsieur le ministre, j’appartiens à un groupe parlementaire qui n’a pas manqué de soulever deux interrogations auxquelles vous avez répondu tout à l’heure, ainsi que la commission.

L’une portait sur l’article 3 bis qui permettait de déchoir de sa nationalité un individu condamné pour avoir tué une personne dépositaire de l’autorité publique. Si je me réjouis du compromis trouvé en commission, je pense qu’il faut réaffirmer une exigence : faire preuve de la plus grande fermeté à l’égard de ceux qui s’en prennent aux dépositaires d’une autorité publique. Monsieur le ministre, il y a quelques jours, vous vous êtes rendu au chevet de ce gendarme qui se trouve entre la vie et la mort à l’heure où nous parlons. Notre assemblée doit aussi être intransigeante pour conforter ces milliers d’hommes et de femmes qui vouent leur vie au service de la République pour assumer cette fonction régalienne essentielle qu’est la sécurité. Ils paient un lourd tribut. Si je me réjouis du retrait de cette disposition, je pense que le problème reste posé et qu’il nous faudra y apporter des réponses.

Notre seconde interrogation portait sur l’article 17 ter, lequel a aussi fait l’objet de plusieurs questions de M. Mamère. Monsieur le ministre, vous avez répondu qu’il y avait un accès aux soins pour les étrangers malades et que ce droit était accordé aux étrangers en situation irrégulière. C’est bien de le rappeler, parce qu’aux dires de certains, ce droit n’existerait pas. Pour autant, il faut parvenir à un équilibre et veiller à lutter contre les abus, notamment par la création du guichet unique et par la clarification du titre de séjour pour les étrangers malades, deux mesures qui apporteront des réponses à ces légitimes interrogations.

Pour conclure, monsieur le ministre, je dirai qu’il est nécessaire de lutter contre l’immigration clandestine. C’est à chaque État d’organiser et de réguler l’immigration et nous le faisons dans le cadre d’une transposition de textes européens. Mercredi dernier, dans cet hémicycle, nous avons eu un débat sur les rapports entre la France et le continent africain. Nombre d’orateurs sont intervenus sur les événements qui se déroulent aux Maghreb et qui nous interpellent tous. La France a un rôle primordial à jouer. Lors de ce débat, nous avons envisagé divers moyens d’améliorer le développement de ces pays. En effet, la première manière de faire baisser l’immigration, c’est de contribuer au développement de ces pays qui connaissent la misère.

À cette tribune, mercredi, j’évoquais notamment la nécessité de trouver des outils financiers. La Banque européenne pour la reconstruction et le développement avait été créée pour financer les pays d’Europe centrale. L’Union européenne n’aurait-elle pas intérêt à créer une institution financière spécifique ? Le Président de la République a eu l’idée de lancer l’Union pour la Méditerranée. Tout cela contribuera à orienter l’argent public vers l’éducation et le développement. Ce sera aussi une contribution active à la lutte contre l’immigration clandestine. Il faut également améliorer la délivrance de visas aux étudiants qui viennent étudier dans nos pays.

Monsieur le ministre, voilà quelques réflexions d’un député qui vous apporte un soutien exigeant puisque subordonné à notre attachement aux valeurs essentielles du pacte républicain dont la gauche n’a pas le monopole et qui animent l’esprit de ce texte. Je vous remercie de votre attention.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi, en deuxième lecture, intervient à un moment où beaucoup d’inquiétudes se font jour en matière d’immigration. En ce moment, l’Italie et par répercussion la France connaissent une vague d’immigration importante liée aux révolutions des peuples d’Afrique du Nord qui aspirent légitimement à plus de démocratie.

M. Jean Mallot. Réjouissons-nous de la démocratisation en Afrique du Nord !

M. Christian Estrosi. Depuis début février, le nombre de migrants tunisiens en situation illégale a été multiplié par dix à la frontière italienne. Monsieur le ministre, je tiens personnellement à vous remercier d’avoir fait le déplacement la semaine dernière…

M. Jean Mallot. Le ministre se déplace pour repousser les hordes d’envahisseurs !

M. Christian Estrosi. …pour dresser les constats, adresser un message aux autorités italiennes et prendre toutes les initiatives nécessaires pour faire face à cette situation.

Il fallait éviter deux écueils. Le premier, c’est la position irresponsable – et malheureusement encore dominante au parti socialiste – consistant à dire qu’il faut accueillir tous ceux qui le souhaitent.

M. Jean Mallot. Eh allons donc ! C’est nous qui avons déclenché les événements en Tunisie et en Libye ! Nous touchons le degré zéro de la pensée !

M. Christian Estrosi. Cela est dangereux parce que nous ne pouvons plus nous permettre d’accueillir dignement une immigration dont on ne sait pas où elle s’arrêterait.

Second écueil : se contenter de dire qu’on ne souhaite plus d’immigration sans dire qu’il faut de la coopération. C’est ce que fait le Front national qui souhaite reconstruire une ligne Maginot qui n’a aucun sens.

Le Gouvernement a choisi la bonne voie en estimant que la quête de la jeunesse de ces peuples, c’est le développement chez eux, pas le visa pour venir chez nous.

M. Jean Mallot. On peut dire que c’est une réussite !

M. Christian Estrosi. En ce même moment, l’opposition tente de nous dire que nous en avons trop fait en matière d’immigration. Pour ma part, j’ai plutôt tendance à penser que nous n’en avons pas fait assez. À cet égard, je sais l’espoir que représente votre nomination, monsieur le ministre, vous qui êtes celui qui, sans nul doute, connaît le mieux la maison que vous avez maintenant l’honneur de diriger.

M. Jean Mallot. Il la dirigeait déjà, mais pas du même endroit !

M. Christian Estrosi. Ce moment, c’est surtout celui où nous ne devons pas nous dire : « Il y a des inquiétudes ; nous ne devons surtout plus parler d’immigration. » Ces inquiétudes signifient que nous devons encore plus agir.

Agir, c’est l’ambition du texte que nous examinons qui résume bien les deux piliers de la politique menée par la France en matière d’immigration depuis 2007.

Mme Catherine Lemorton. Le texte avait prévu les révolutions !

M. Jean Mallot. MAM avait anticipé !

M. Christian Estrosi. Cette politique repose, d’une part, sur le renforcement de l’accueil et de l’intégration des ressortissants étrangers entrant et vivant en France, grâce notamment à la mise en place d’une carte bleue européenne dont il faut nous féliciter et, d’autre part, sur la lutte contre l’immigration irrégulière qui porte atteinte à la capacité d’intégration de la France, grâce notamment aux nouvelles sanctions prévues pour les marchands de sommeil.

Du reste, considérant les flux migratoires que nous connaissons depuis quelques jours, il était urgent que nous en venions à cette deuxième lecture. Comme vous l’avez rappelé tout à l’heure, monsieur le ministre, celle-ci nous permettra d’adopter définitivement la transposition de la directive « retour » et de prendre les initiatives nécessaires

Pour améliorer encore ce texte, j’ai souhaité déposer une dizaine d’amendements cosignés par plus de cinquante collègues et qui ont un double objectif.

Premier objectif : avoir une connaissance réelle et objective des flux migratoires en termes quantitatifs, en réactivant et en redéfinissant les missions de l’Observatoire statistique de l’immigration – crée en 2004, rattaché au Haut conseil à l’intégration et actuellement en sommeil – afin de disposer d’un rapport public annuel sur les flux migratoires. Il s’agit de nous doter, en quelque sorte, d’un véritable outil statistique.

Second objectif : mieux encadrer l’aide au retour volontaire. Il s’agit ici d’inscrire dans la loi le fait qu’un étranger ne pourra bénéficier qu’une seule fois de l’aide au retour pour rentrer dans son pays d’origine. Le Gouvernement a créé le fichier biométrique OSCAR qui permet de vérifier cela, mais il est nécessaire d’inscrire ce principe dans la loi.

En effet, que se passe-t-il actuellement, sachant que l’aide au retour est fixée à 2 000 euros pour un célibataire et à 3 500 euros  pour un couple? Dans de multiples situations, des volontaires au retour bénéficient de la prime accordée, reviennent chez nous, redemandent une aide au retour et ainsi de suite. Ces situations sont inacceptables. C’est pourquoi je souhaite que soit inscrit dans la loi le principe qui nous permettra d’y mettre un terme.

Concernant l’aide médicale d’État que vous avez très justement évoquée, monsieur le ministre, je souhaite aussi que l’on mette un coup d’arrêt aux abus qui choquent les Français auxquels on demande de plus en plus d’efforts. J’avais proposé pour cela un amendement qui malheureusement a été refusé au titre de l’article 40. Il visait à simplifier la procédure de demande d’aide médicale d’État en faisant de la mairie le seul et l’unique lieu de dépôt des dossiers.

Mme Catherine Lemorton. À la mairie de Nice, ça promettait !

M. Jean Mallot. Le refus automatique !

M. Christian Estrosi. Tout comme vous, monsieur le ministre, je considère que l’instauration d’un guichet unique est le seul moyen de déceler les demandes multiples, et d’endiguer les fraudes dans ce domaine.

J’étais également, je le dis très clairement et sans aucune provocation,…

M. Jean Mallot. On peut vous faire confiance ! Ce n’est pas votre genre !

M. Christian Estrosi. …favorable à l’extension de la déchéance de la nationalité non seulement pour les délinquants qui intenteraient à la vie des forces de l’ordre mais aussi pour les multirécidivistes. Comme Philippe Goujon, je pense très sincèrement que reculer sur ce sujet, après l’adoption en première lecture du texte relatif à la garde à vue, n’est pas le meilleur signal à adresser à nos amis policiers. En effet, la déchéance de la nationalité doit pouvoir s’appliquer aux récidivistes déjà condamnés trois fois pour un crime ou un délit passible de plus de trois ans d’emprisonnement. Il ne s'agit pas, comme je l'ai lu ici où là, de faire de la surenchère.

M. Jean Mallot. Non, ce n’est pas votre genre !

Mme Sandrine Mazetier. Vous n’êtes pas loin de vouloir rétablir la peine de mort !

M. Christian Estrosi. II s'agit d'envoyer un message fort aux multirécidivistes : la nationalité française se mérite et n'est pas un droit acquis. Si je suis d'accord pour que la déchéance de la nationalité soit utilisée avec parcimonie, j'estime que quelqu'un qui, à trois reprises, a été condamné à des peines de prison importantes n'est pas digne de garder la nationalité française.

Mme Martine Billard. Il est Français en CDD, en quelque sorte !

M. Christian Estrosi. Qui peut prétendre que Youssouf Fofana, meurtrier d'Ilan Halimi, franco-ivoirien, qui a été condamné cinq fois entre 2000 et 2003 pour vols, violences volontaires, deux braquages et agression d'un policier avant de torturer le petit Enis, en 2006, ne méritait pas d'être déchu de la nationalité française ?

Mme Martine Billard. Il a été condamné !

M. Jean Mallot. Vous mélangez les dossiers. Cela n’a rien à voir !

M. Christian Estrosi. J'ai bien compris que cette question importante serait examinée dans le cadre de la mission d'information sur la nationalité. Je suivrai le choix du Gouvernement et je prendrai toute ma part à ce débat.

Monsieur le ministre, les attentes des Français en matière de lutte contre l'immigration clandestine sont grandes. Ce sujet était même au cœur de l'élection présidentielle de 2007. Beaucoup d’initiatives ont déjà été prises. Je connais votre volonté de continuer à relever des défis importants afin de rassurer l’ensemble de nos concitoyens.

M. Jean Mallot. Vous allez rassurer ?

M. Christian Estrosi. En vous apportant tout mon soutien aujourd’hui, je veux vous remercier des initiatives que vous proposerez au Parlement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jean Mallot. Si vous continuez comme cela, Marine Le Pen a de beaux jours devant elle !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous discutons ce soir appartient, comme la LOPPSI 2 que nous examinions il y a quelques semaines et comme le projet de loi sur les personnes faisant l’objet de soins psychiatriques, dont nous débattrons la semaine prochaine, à une nouvelle catégorie de textes que l’on pourrait désigner sous la dénomination générique de projets de loi portant diverses dispositions d’ordre sécuritaire alliant tout à la fois une qualité juridique incertaine et une volonté trop visible de jouer sur les réflexes de peur.

M. Jean Mallot. Excellent !

M. Daniel Garrigue. Nous avons besoin, c’est vrai, d’une politique d’immigration, laquelle exige, c’est évident, une action de régulation devant allier la stabilité, la recherche d’un minimum de consensus, la continuité dans l’application qu’en font les administrations, en ne donnant pas le sentiment, comme cela est actuellement trop fréquent, d’un règlement au cas par cas. Cette politique doit être conduite le plus possible à l’échelle de l’Europe, parce que nous sommes dans un espace commun, en particulier celui de Schengen, caractérisé par la libre circulation des hommes et des femmes. Un aspect positif de ce texte est de comporter la transposition de trois directives européennes sur l’immigration, même si l’on peut discuter certaines de leurs dispositions.

Mais, comme nous l’avions déjà dénoncé lors de la première lecture, ce texte comporte aussi des dispositions qui rompent avec les valeurs et les principes de la République,…

M. Jean Mallot. Eh oui !

M. Daniel Garrigue. …avec l’idée que nous nous faisons de la cause de l’homme,…

M. Jean Mallot. Il a raison !

M. Daniel Garrigue. …avec l’image que nous avons de la France et que nous voulons qu’elle garde à l’extérieur.

M. Jean Mallot. Très bien !

M. Daniel Garrigue. C’est le cas de la déchéance de nationalité. Il aura fallu, monsieur le ministre, qu’après le Sénat, une part toujours plus forte de la majorité exprime à l’Assemblée nationale son malaise et son désaveu pour que vous consentiez à retirer cette disposition.

M. Jean Mallot. Enfin !

M. Daniel Garrigue. C’est le cas des dispositions relatives à la prise en charge des étrangers malades. J’en ai discuté avec un certain nombre de médecins. Vous avez raison de souligner que la jurisprudence du Conseil d’État exigeant que l’accès à des soins dans le pays d’origine ait un caractère effectif est récente, puisqu’elle date d’avril 2010, mais elle n’a fait, pour l’essentiel, que confirmer la pratique existante qui relevait de la simple humanité.

M. Jean Mallot. Eh oui !

M. Daniel Garrigue. J’ai appartenu, monsieur le ministre, à une majorité qui était fière d’avoir créé le SAMU social.

M. Jean Mallot. Très bien !

M. Daniel Garrigue. Je n’en retrouve pas le reflet dans le texte que vous nous proposez.

M. Michel Hunault. Il n’est pas supprimé !

M. Daniel Garrigue. C’est le cas encore de l’extension de deux à cinq jours du délai à l’expiration duquel le juge des libertés et de la détention doit être saisi à compter de la décision de placement en rétention. Nombre de mes collègues ont d’ores et déjà rappelé l’article 66 de la Constitution et les arrêts du Conseil constitutionnel selon lesquels « la liberté ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ». Mais, comme l’avait souligné l’un de nos collègues, c’est votre volonté constante que de vouloir écarter le juge judiciaire.

M. Jean Mallot. Eh oui !

M. Daniel Garrigue. C’est le cas de beaucoup d’autres dispositions qui vont au-delà des directives européennes – comme l’interdiction de retour – et dont on a souvent le sentiment qu’elles sont surtout destinées à répondre à certaines peurs, celles qui s’expriment de plus en plus sur le Web dans l’anonymat de messages sordides qui nous rappellent chaque jour le temps des dénonciations.

M. Jean Mallot. Voilà !

M. Daniel Garrigue. Monsieur le ministre, la politique de l’immigration doit être beaucoup plus complète. Elle doit comporter, c’est vrai, des instruments de prévention et de répression, mais elle doit être aussi une politique de mobilisation de tous les acteurs dans les domaines de l’éducation, de l’économique et du social et elle doit s’accompagner, en direction des pays du Sud, d’une politique volontaire à laquelle l’actualité devrait donner une portée singulière.

C’est cette politique que nous ne trouvons pas dans ce texte, que vous défendez ce soir après M. Besson. C’est ce qui me conduira à la rejeter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Verchère.

M. Patrice Verchère. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous entamons aujourd'hui la seconde lecture du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. Celui-ci porte sur quatre priorités : l'amélioration de l'intégration des étrangers en séjour légal dans notre pays ; l'amélioration du contrôle aux frontières et de certaines dispositions relatives au séjour ; le renforcement de la lutte contre l'immigration irrégulière par une importante réforme des procédures et du contentieux de l'éloignement ; la promotion de l'immigration professionnelle et le renforcement de la lutte contre l'emploi d'étrangers en situation irrégulière.

Ce texte répond également à des exigences communautaires qui nous obligent à transposer en droit français trois directives de la Commission européenne : la directive « sanction », la directive « carte bleue européenne » et la directive « retour ».

Si le Sénat a marqué son accord avec les grandes orientations de ce projet de loi, on peut toutefois regretter que, sur un certain nombre de points, nos collègues sénateurs aient décidé de s'éloigner de dispositions importantes que nous avions adoptées en première lecture.

Conformément à la volonté du Président de la République, l'Assemblée nationale avait étendu la procédure de déchéance de nationalité de l'article 25 du code civil aux personnes naturalisées depuis moins de dix ans ayant attenté à la vie des dépositaires de l'autorité publique.

Contrairement au voeu des sénateurs, le 16 février dernier, la commission des lois de notre assemblée est revenue, grâce à un amendement du Gouvernement, sur l'article 3 bis en réintroduisant la liste des personnes à l’encontre desquelles les faits commis peuvent justifier la déchéance de nationalité. Malheureusement, suite à un amendement cosigné par soixante-huit de nos collègues, le Gouvernement a finalement renoncé à étendre la déchéance de nationalité aux auteurs de certains crimes graves. Nous sommes un certain nombre à penser que le maintien de ce dispositif aurait été un message fort envoyé à nos compatriotes, conformément au discours de Grenoble du Président de la République. Ce sont ces raisons qui m'amèneront à voter contre l'amendement de suppression.

Le Sénat avait introduit une présomption de nationalité pour tous les titulaires de carte nationale d'identité ou de passeport français et une opposabilité des informations figurant sur ces titres à l'administration, à charge pour elle d'apporter la preuve contraire. Notre commission des lois a, là encore, fort heureusement estimé que la disposition retenue par les sénateurs présentait de sérieux risques de dévoiement.

Enfin, la commission des lois a réintroduit l'article 75 quater qui avait été supprimé, de manière incompréhensible, par les sénateurs, pourtant représentants des élus locaux. Cet article donnera aux maires la base légale pour assurer le respect des symboles républicains lors des mariages.

En première lecture, j'ai fait partie des députés – notamment du collectif de la droite populaire – ayant proposé – malheureusement sans succès jusqu’à maintenant, mais nous ne désespérons pas d'aboutir dans les prochaines heures – un amendement visant à remettre en cause l'acquisition automatique de la nationalité pour les enfants nés de parents étrangers sur le sol français.

En effet, en reconnaissant d'office la nationalité française à toute personne née sur le sol français de parents étrangers, la législation actuelle ne permet pas à cette personne d'exprimer librement et pleinement sa volonté d'appartenir à la nation.

Mme Catherine Lemorton. C’est la fin de la République !

M. Patrice Verchère. Monsieur le ministre, pourquoi cette automaticité ne pourrait-elle pas être mise en cause ? Pourquoi empêcher les personnes nées sur le sol français de parents étrangers de manifester leur volonté d'acquérir la nationalité française ? Une telle manifestation de volonté favoriserait à n'en pas douter l'intégration de ces jeunes. Elle confirmerait leur appartenance à notre République.

M. Jean Mallot. On va les mettre en stage chez vous !

M. Patrice Verchère. Ce qui fait la nation française, c'est le désir de lui appartenir. Cela passe, à notre sens, par le consentement des personnes qui la composent ou souhaitent en faire partie. Qu'y a-t-il de choquant ? C'est une démarche tellement simple et, en même temps, tellement symbolique que l'on ne peut qu'y être favorable. J'espère que dans votre grande sagesse, monsieur le ministre, vous nous suivrez le moment venu.

Lors de votre déplacement à Nice vous avez, à juste titre, rappelé que « face aux turbulences qui embrasent un certain nombre de pays du sud de la Méditerranée », le gouvernement français avait deux obligations : « accompagner le mouvement de marche vers la démocratie et la liberté » tout en faisant en sorte « que nous ne soyons pas submergés par une vague d'immigration ».

M. Jean Mallot. « Submergés » ! C’est incroyable d’entendre des choses pareilles !

M. Patrice Verchère. Je partage totalement votre point de vue : notre pays ne saurait accepter l'afflux d'immigrés prenant prétexte d'événements politiques pour venir s'établir en France en toute illégalité, alors même que leurs pays s'ouvrent à la liberté et à la démocratie.

Contrairement à ce que prétend l'opposition, la France reste un pays d'accueil. Chaque année, elle tend la main à plusieurs milliers de migrants légaux. Mais elle ne peut accueillir toute la misère du monde.

Monsieur le ministre, nous le savons, vous avez à gérer une situation difficile. Nous pensons que vous êtes, par votre expérience, l’homme de la situation.

M. Jean Mallot. Cela fait longtemps qu’il l’est !

M. Patrice Verchère. Nous comptons sur vous. De votre côté, vous pouvez compter sur le soutien de nombreux parlementaires, notamment du collectif de la droite populaire. Mais il est vrai que, pour vous donner les moyens d’agir et d’être efficace, il est urgent de voter ce projet de loi, afin de donner aux policiers et aux magistrats les outils juridiques adéquats pour répondre à l’afflux d’immigrés sur le territoire national, ainsi qu’à l’inquiétude qui se fait jour chez nos compatriotes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Dell'Agnola.

M. Richard Dell'Agnola. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, le projet de loi sur l'immigration, l'intégration…

Mme Catherine Lemorton. Ou, plutôt, la désintégration !

M. Richard Dell'Agnola. …et la nationalité revient devant notre assemblée en deuxième lecture. Ce projet précise, fixe et consolide la politique des flux migratoires en transposant les directives européennes.

M. Jean Mallot. Jusque-là, ça va !

M. Richard Dell'Agnola. Ce projet rend plus claires les conditions pour favoriser l'intégration et l'assimilation. Toutefois, des échecs sont constatés et la bonne intégration dans notre pays n'est pas toujours la règle. Nous sommes conscients que c'est un parcours qui peut être très difficile.

M. Jean Mallot. C’est pourquoi il faut le rendre encore plus difficile !

M. Richard Dell'Agnola. C'est la raison pour laquelle ce projet contient des dispositions coercitives et d'éloignement.

Se pose également la question des ressortissants étrangers qui ont enfreint les règles de la République et qui ont été condamnés. C'est cette situation que je voudrais évoquer ici. Nos établissements pénitentiaires comptent 66 900 détenus, pour une capacité de 54 000 places. Le nombre des ressortissants étrangers incarcérés atteint presque 12 000. Ce constat, établi depuis de nombreuses années, fait apparaître une distorsion importante entre le nombre de détenus et la capacité de nos prisons. Cette surpopulation pénale est constante depuis longtemps, malgré les programmes de constructions successifs.

M. Jean Mallot. Incroyable ! Les immigrés prennent non seulement nos boulots, mais également nos places de prison !

Mme Catherine Lemorton. Il faut leur construire des hôtels !

M. Richard Dell'Agnola. C’est une question lancinante. Par ailleurs, nous déplorons régulièrement la difficulté d'application des décisions de justice : on dénombrait 100 000 peines de prison non purgées au 31 décembre 2010. À un tel niveau, cela met en cause l'idée même de justice. Or, il existe des conventions judiciaires qui permettent le transfèrement des détenus pour qu’ils purgent leur peine dans leur pays d'origine.

La France a signé des conventions avec la plupart des pays d'Europe, d'Afrique et d'Amérique. Ces conventions fonctionnent, bien sûr, dans les deux sens et l'actualité nous le rappelle à intervalles réguliers, quand des Français sont détenus à l'étranger. C'est le cas en ce moment avec l’incarcération au Mexique de Florence Cassez dont nous souhaitons le transfèrement pour qu'elle puisse purger sa peine dans notre pays, comme le permet la convention signée entre la France et le Mexique.

À cet égard, il est utile de préciser que ce n’est pas subir une double peine que de purger sa peine dans son pays d’origine. Qui peut penser que c’en serait une pour Florence Cassez ? La notion de double peine peut se concevoir si un individu a déjà purgé sa peine et se voit obligé, contre sa volonté, de retourner dans son pays d’origine.

L’application de ces conventions est délicate et il faut s’entourer de différentes précautions. Il convient, par exemple, de ne pas renvoyer un étranger dans un pays qui serait en guerre. On doit également tenir compte de la Convention européenne des droits de l’homme : le droit à la vie familiale interdirait ainsi le transfèrement. Il faut aussi respecter le principe de spécialité, qui doit conduire le détenu à purger sa peine dans son pays d’origine, sans risquer de s’en voir infliger une autre. Enfin, pour les courtes peines, le dispositif ne pourrait être actionné, car les autorités compétentes n’en auraient pas le temps.

Compte tenu de toutes ces contraintes, ces mesures de transfèrement ne pourraient concerner qu’un nombre limité de détenus. Cependant, quand on connaît le coût de construction des prisons, la lenteur des procédures et le temps qu’il faut pour qu’un établissement sorte de terre, on voit bien ce que notre système pénitentiaire aurait à y gagner. Le coût d’une place de prison étant de 129 000 euros, un établissement moyen de 650 places revient à 84 millions d’euros. Chaque fois que, dans le respect des conventions bilatérales, nous pourrions assurer le transfèrement de 650 détenus, ce serait donc un établissement de moins à construire pour l’État.

M. Jean Mallot. Et si on condamnait les étrangers à construire eux-mêmes leurs prisons ?

M. Richard Dell’Agnola. Lorsqu’il serait libéré dans son pays d’origine, un détenu ne pourrait pas récidiver sur notre territoire, contrairement à ce qui se passe parfois aujourd’hui.

Certes, les obstacles juridiques ne sont pas négligeables et les précautions à prendre sont nombreuses pour parvenir à traduire dans les faits le transfèrement de détenus étrangers vers leurs pays d’origine, comme le prévoient les conventions judiciaires internationales. Bien entendu, il ne faudra négliger aucune prescription tendant à protéger avant tout l’individu concerné, sous peine de remettre en cause l’économie même de ces accords. Néanmoins il y a là un gisement de coopération fécond.

Par ailleurs, cette piste nouvelle, qui s’ajoute à toutes les autres et aux alternatives à l’emprisonnement, pourrait soulager durablement l’institution pénitentiaire. Il appartient au Gouvernement, donc aux ministères concernés – de l’intérieur, de la justice et des affaires étrangères –, de se servir de cet outil de coopération dont l’intérêt est évident. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Meunier.

M. Philippe Meunier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, même si notre mandat n’est pas impératif, mon devoir m’oblige à vous rapporter ce que les Français, dont nous sommes les représentants, constatent et pensent, sans se soucier de l’opinion d’une pseudo-intelligentsia déconnectée des réalités.

Depuis plus de trente ans, la France subit, plus particulièrement dans la composition de sa population, un véritable choc. Nos compatriotes sont agressés par une immigration massive plus ou moins contrôlée en fonction des majorités successives. Ils sont agressés culturellement lorsqu’ils constatent la présence de plus en plus nombreuse de femmes voilées dans nos rues, dans nos universités et dans les commerces, pratique en contradiction avec notre culture et notre civilisation. Ils sont également agressés par des prescriptions religieuses de plus en plus pressantes, qui ne correspondent en rien à notre identité. Monsieur le ministre, trouvez-vous normal que les jeunes Français ne puissent plus manger de porc dans les cantines scolaires ? Les Français sont-ils condamnés à subir ces prescriptions religieuses ? Et croyez-vous que le corps social va continuer à les tolérer encore longtemps ?

Certains objecteront que, si nous connaissons une immigration aussi importante, c’est tout simplement parce que notre économie a besoin de bras. Abordons clairement le sujet. Il faudrait être aveugle pour ne pas se rendre compte que les emplois les plus pénibles sont occupés par les immigrés. Toutefois est-ce parce qu’ils sont pénibles ou parce qu’ils ne sont pas assez rémunérés ? Ne serait-il pas plus juste, dans une économie de marché que nous souhaitons humaniste, de rémunérer à sa juste valeur un travail difficile, plutôt que de recourir à une manœuvre immigrée, car bon marché, comme font certains employeurs motivés par la seule cupidité ?

Face à cette immigration massive, certains peuvent se rassurer lorsqu’ils voient défiler derrière les fenêtres de leur TGV une France rurale qui semble éternelle et apaisée. Cependant, si notre pays est d’essence rural, il s’urbanise très rapidement et l’histoire nous apprend que les révoltes et les révolutions commencent toujours par les villes, devenues aujourd’hui agglomérations. Dans les années 90, à Vaulx-en-Velin, dans le Rhône, nous avons déjà eu à faire face à des violences. En 2005, nous avons dû affronter des émeutes d’une importance sans précédent, et cet été, à Grenoble, il y a eu des tirs à balles réelles contre les forces de l’ordre. Quelle sera la prochaine étape ?

Nous sommes plusieurs, depuis des années, à tirer le signal d’alarme dans l’espoir d’éviter à notre pays un affrontement majeur entre des immigrés qui n’acceptent plus d’être utilisés par des employeurs cupides avec la complicité de la gauche (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC) et des Français qui ne veulent pas voir leur civilisation changée, pour ne pas dire bouleversée.

Monsieur Guéant, votre responsabilité de ministre de l’intérieur est grande. Sous la responsabilité du Premier ministre et du Président de la République, vous avez entre les mains la paix civile, donc l’avenir de la France. À ce sujet, il sera nécessaire, au cours de nos débats, d’informer très précisément la représentation nationale des évaluations que font vos services sur le nombre d’immigrés en situation régulière, d’immigrés en situation irrégulière, d’entrées et de sorties de ces flux migratoires, de reconduites aux frontières. En la matière, les Français veulent plus de résultats et ne comprennent pas que vos objectifs chiffrés soient bien en deçà de leurs attentes.

M. Jean Mallot. C’est pour cela que Brice Hortefeux a été viré !

M. Philippe Meunier. Enfin, il serait bon que vous nous informiez du pourcentage de mariages mixtes par rapport au nombre total des mariages.

Le projet de loi que vous présentez à l’Assemblée nationale va dans la bonne direction. Les députés membres du collectif de la droite populaire ont déposé divers amendements pour l’améliorer, dans l’intérêt du pays. Néanmoins nous sommes bien conscients que seul le projet présidentiel de 2012 et une nouvelle majorité nous permettront de mettre en œuvre des mesures plus efficaces, dont personne ne pourra contester qu’elles sont nécessaires et attendues par nos compatriotes. Nous pourrons alors réviser le code de la nationalité, pour limiter le droit du sol, restreindre les conditions du regroupement familial, lutter plus efficacement contre les fraudes aux aides sociales et les employeurs d’immigrés en situation irrégulière en alourdissant plus encore les sanctions, expulser les délinquants étrangers après qu’ils ont purgé leur peine, renforcer la loi sur le voile pour rappeler notre exigence d’égalité entre les hommes et les femmes présents sur notre territoire.

Forts de notre prochain projet présidentiel et de la confiance du peuple – s’il nous la renouvelle –, nous pourrons alors éviter l’aventure politique et son cortège de douleur et de souffrance à nos compatriotes et à tous ceux qui résident sur notre territoire national en respectant nos lois. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Madame la présidente, monsieur le ministre mes chers collègues, le projet de loi dont nous commençons l’examen en seconde lecture a pour ambition première de mieux combattre l’immigration clandestine sous toutes ses formes. Cet objectif est essentiel, car il se place au cœur du pacte républicain et solidifie l’indispensable cohésion sociale de la nation. Notre politique en la matière est claire : intégrer les immigrés en situation régulière et lutter sans concession contre l’immigration clandestine et ses filières d’exploitation de la détresse humaine.

Dans cette lutte implacable contre l’immigration irrégulière, se montrer hésitant ou faible – chers collègues de l’opposition –, c’est compromettre l’indispensable intégration, donc fragiliser l’ensemble de la société.

Ce texte prévoit la mise en œuvre de dispositifs équilibrés, que ce soit au niveau du régime de l’éloignement, avec la réorganisation du contentieux des sans-papiers en rétention, en matière de lutte contre le travail illégal – volet essentiel qui devrait tous nous réunir –, ou pour les sanctions en cas de fraude au mariage.

Ces outils seront d’autant plus nécessaires que le contexte international risque d’induire des conséquences majeures en termes d’immigration pour les pays d’Europe, plus particulièrement pour la France. En même temps qu’un puissant souffle d’espérance, les révolutions que vivent les pays arabes soulèvent la question du développement massif de flux migratoires nouveaux. Il ne s’agit pas d’agiter un quelconque chiffon rouge ou de soulever des peurs illusoires. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il s’agit d’analyser, avec clairvoyance – ce qui, une fois encore, n’est pas l’apanage de l’opposition –, la situation de manière concrète et lucide.

Du Maroc à l’Égypte, ce sont 2 à 3 millions de migrants clandestins qui attendent un passage vers le nord de la Méditerranée. La situation politique de ces pays va conduire à une accélération des trafics de clandestins de l’Afrique subsaharienne vers le Maghreb à travers le Sahara, et du Maghreb vers l’Europe via la Méditerranée.

M. Jean Mallot. Quand ils seront arrivés au Pôle Nord, on sera tranquille !

M. Éric Ciotti. Ne nous y trompons pas, cette pression s’exerce déjà sur l’Europe et sur notre pays en particulier. Dans le département frontalier des Alpes-Maritimes, il a été constaté, depuis quelques semaines, un afflux beaucoup plus important de Tunisiens entrés de manière irrégulière sur le sol français.

Alors que, en janvier 2011, il y avait eu 36 interpellations de personnes entrées en situation irrégulière à la frontière franco-italienne, entre le 14 et le 28 février, il y en a eu 311. Sur cette période, dans le seul département des Alpes-Maritimes, la non-transposition de la directive Retour a motivé l’annulation de 92 décisions de reconduite à la frontière.

Mme Sandrine Mazetier. À la frontière italienne ou à la frontière tunisienne ?

M. Éric Ciotti. À la frontière italienne.

Vous avez pu le constater, monsieur le ministre, lors de votre déplacement à Menton et à Nice vendredi dernier. Je vous félicite pour la détermination que vous avez manifestée à cette occasion. Votre appel à une réelle coopération entre l’Italie et la France, dans la ligne d’une politique d’immigration humaine et raisonnée, était à cet égard extrêmement opportun et, plus que jamais, s’avère indispensable.

Il faut que nous ayons une approche européenne de cette question. Cette volonté doit nous conduire à adopter une politique commune et cohérente dans chaque État-membre de l’Union. Les différentes politiques nationales d’immigration ayant des répercussions plus ou moins souhaitées sur les autres pays, il est devenu nécessaire que l’Europe se dote d’une politique commune de gestion des flux migratoires.

Nous devons donc adopter au plus tôt ce texte, qui crée de nouveaux outils de promotion de l’immigration professionnelle, de lutte contre l’immigration irrégulière et l’emploi d’étrangers sans titres légaux de séjour, en procédant à la transposition de trois directives européennes, qui créent un premier cadre juridique global et harmonisé pour une politique européenne de l’immigration.

Monsieur le ministre, j’appelle de mes vœux l’adoption de ce texte et souhaite qu’elle soit aussi rapide que possible. Le contexte international devrait conduire à un consensus républicain sur ces questions, pour ne pas laisser les extrêmes attiser les peurs. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J’espère que ce message sera entendu sur tous les bancs de l’hémicycle, même si les propos entendus du côté de l’opposition ne laissent que peu d’espoir à cet égard. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Dosne.

M. Olivier Dosne. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. Je tiens à souligner le courage que manifeste le Gouvernement en présentant ce grand projet, et je lui apporte mon plus vif soutien.

Toutefois, je tiens, mes chers collègues, à souligner qu’un point gagnerait, me semble-t-il, à être précisé.

Je souhaite que le Gouvernement prenne bien en compte l’importance de l’aide médicale d’État du point de vue de l’intégration et de la sécurité. L’AME est un dispositif de prise en charge des soins pour les étrangers en situation irrégulière résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois et disposant de ressources inférieures à un plafond identique à celui exigé pour bénéficier de la CMUC.

Il semble nécessaire que les documents donnant accès aux soins AME soient le plus possible sécurisés. Ainsi, les ordonnances délivrées par les médecins devraient être obligatoirement émises sur un papier filigrané, l’objectif étant que seuls ces documents sécurisés permettent l’accès aux soins. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ainsi, les professionnels de santé délivrant les soins ou les médicaments, tels que les pharmaciens, ne se verraient plus confrontés à des photocopies d’ordonnances douteuses. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Madame Lemorton, vous envisagez de manière bien particulière la gestion de l’argent de l’État ! L’argent de l’État, cela ne vous intéresse visiblement pas.

Mme Sandrine Mazetier. Au contraire !

Mme Catherine Lemorton. Améliorez la situation des hôpitaux !

M. Richard Dell'Agnola. On n’est pas sur un marché !

M. Olivier Dosne. Aujourd’hui, les bénéficiaires de l’AME ne présentent pas systématiquement une carte AME. Le plus souvent, ils présentent un simple document non sécurisé aux professionnels de santé.

Mme Catherine Lemorton. Vous ne savez pas de quoi vous parlez ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Olivier Dosne. Madame, je suis pharmacien, je sais très bien de quoi je parle. Sans doute n’exercez-vous pas le même métier que moi ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Lemorton. Effectivement, j’en doute !

M. Olivier Dosne. Ces attestations papier ne permettant pas un suivi précis des soins, on assiste parfois à un chevauchement de prescriptions de traitements coûteux ou encore à des trafics de médicaments, comme le subutex.

Par ailleurs, il serait bon de favoriser l’accès à une carte de type Vitale pour les bénéficiaires AME,…

M. Jean Mallot. Avec une photo en relief !

M. Olivier Dosne. …comme en ont déjà l’usage les bénéficiaires de la CMUC, afin de détecter plus facilement tout changement de statut et ainsi de permettre leur rattachement au dossier médical personnel, le DMP, qui facilite le partage d’informations entre les professionnels de santé en ville et à l’hôpital. Cela permettrait d’éviter accident et abus, voire fraudes, et de mieux prévenir les risques sanitaires.

Logiquement, en conséquence de ce dispositif, il faut donner aux professionnels de santé les moyens de détecter ce changement de statut des bénéficiaires de l’AME, en les dotant de logiciels plus performants et interactifs, tout simplement capables de lire ces cartes en temps réel.

La loi qui a créé en 1999 la couverture maladie universelle n’a pas été jusqu’à en faire bénéficier les étrangers en situation irrégulière.

M. Jean Mallot. On le savait !

M. Olivier Dosne. Cela a conduit à retenir un dispositif spécifique, financé sur les crédits budgétaires de l’État : l’AME. Ces évolutions législatives ont eu pour effet de stratifier la prise en charge médicale des étrangers. Les frontières entre ces dispositifs sont poreuses et la réglementation ou même les seules conditions d’application de cette réglementation conduisent à des transferts de charge d’un dispositif à l’autre.

Je soutiens à ce titre, l’amendement par lequel M. Goasguen propose l’instauration d’un guichet unique qui permette de diminuer les risques d’erreur d’identification et de doubles comptes. Ce dispositif permettra également, j’en suis certain, un meilleur suivi des bénéficiaires de l’AME, donc une diminution du risque sanitaire. Je souhaite rappeler ici le rôle prééminent des mairies qui, à mon sens, sont les seules capables d’attester du véritable lieu de résidence et de relayer ces informations vers un guichet unique. En raison de leur grande proximité, les mairies me semblent les mieux à même d’être les garantes de ce guichet unique.

M. Jean Mallot. Mme Montchamp sait-elle ce que vous dites ce soir ? Vous auriez dû lui faire lire votre discours avant de le prononcer !

M. Olivier Dosne. Enfin, j’invite le Gouvernement à être vigilant sur la tarification hospitalière. La forte progression des dépenses au titre de l’AME en 2009 et durant le premier semestre 2010 ne s’explique pas par une croissance massive du nombre de bénéficiaires, puisqu’il n’y a pas eu d’augmentation notable du nombre de consommateurs de soins. Il semblerait que cette progression soit tout simplement due à une très nette amélioration des mises en recouvrement lors du contrôle des droits par les hôpitaux. En effet, la hausse des dépenses AME est directement liée, comme l’a confirmé le rapport de novembre 2010 de l’inspection générale des affaires sociales, à une difficulté au niveau de la facturation hospitalière.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Absolument !

M. Olivier Dosne. Une tarification en groupes homogènes de séjour, applicable aux organismes d’assurance maladie, plutôt qu’en tarif journalier des prestations aurait entraîné, en 2009, une économie de 130 millions d’euros pour l’État.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Exact !

M. Olivier Dosne. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Calméjane.

M. Patrice Calméjane. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, examiné, révisé, ajusté après les débats au Sénat, ce projet de loi sur l’immigration revient devant notre assemblée en deuxième lecture.

Il est vrai que, depuis la première lecture, le contexte législatif a changé : nous n’avons plus le même rapporteur, et le ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire a été intégré au ministère de l’intérieur. Néanmoins, l’importance et le fond du dossier demeurent, et nous nous devons d’achever au plus vite la navette parlementaire de manière à respecter nos obligations communautaires.

Nombre de dispositions ont d’ores et déjà été adoptées par le Parlement. Des divergences subsistent toutefois sur trois sujets essentiellement. L’un d’entre eux retient particulièrement mon attention : le contentieux de l’éloignement.

Si l’économie générale de la directive Retour ne met pas en cause l’architecture générale de nos procédures d’éloignement, sa mise en œuvre nécessite néanmoins de l’adapter. Cela implique de nombreuses modifications du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Ce projet vise donc, comme nous avons pu le dire, à transposer le droit européen. Il me semble dès lors opportun, cohérent et judicieux de s’intéresser à ce que nos voisins européens font en matière d’immigration, d’intégration et de nationalité. Je souhaite tout particulièrement vous faire part, à l’occasion de ce débat, du traitement du sujet par l’Allemagne.

Je n’occulte absolument pas la polémique qui a eu lieu mi-octobre, relative à la place des étrangers, qui avait été conclue de manière claire et nette par un constat d’échec du multiculturalisme allemand.

Angela Merkel a déclaré, comme un dirigeant français pourrait le dire, que l’Allemagne n’avait nul besoin d’une immigration « qui pèse sur le système social ». Néanmoins, et c’est surtout sur cela que je souhaite insister, l’Allemagne veut entretenir, si je puis dire, une immigration que nous pourrions qualifier d’utile, une immigration plus ou moins choisie, plus ou moins contrôlée, plus ou moins profitable, plus ou moins utilisable. Il n’est pas déplacé de parler ainsi en démocratie ; c’est respecter la volonté du peuple et des électeurs.

M. Philippe Vitel. Très bien !

M. Patrice Calméjane. Avant toute controverse, tout débat sur les qualificatifs que j’emploie, permettez-moi, mes chers collègues, de vous préciser que l’objectif de mon propos est de vous démontrer qu’il est nécessaire, pour des raisons historiques, économiques, sociales et, plus largement, nationales, mais aussi morales, de poser des règles claires et strictes en matière d’immigration dans notre pays.

Le travail, l’économie, l’emploi sont les secteurs de prédilection d’une immigration que l’on ne veut et que l’on ne peut que tolérer de manière sélective. Nous n’avons plus les moyens, qu’ils soient financiers ou moraux, d’une ouverture sans bornes de nos frontières. Un contrat de travail pourrait ainsi conditionner l’obtention du permis de séjour. Accorder un tel titre aux travailleurs qualifiés pour des postes particuliers et spécifiques serait une autre possibilité. Faciliter la venue de personnes qui viennent pour travailler à leur compte en France, sous condition d’un investissement minimal et de la création d’un certain nombre d’emplois, en serait une troisième.

Il nous faut, mes chers collègues, rendre notre territoire attractif à une immigration liée au travail, une immigration de fonctionnement, une immigration dynamique. On ne peut plus, je le répète, se permettre des extravagances sociales, onéreuses et unilatérales en matière d’accueil des étrangers.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Très juste !

M. Patrice Calméjane. Il nous faut défendre le schéma du travail contre un titre de séjour, de la main-d’œuvre contre des aides financières et des aides sociales. Nous devons être réalistes.

Il n’est déjà pas toujours évident pour une personne à la recherche d’un emploi d’accepter qu’un étranger puisse obtenir le poste à sa place et que les étrangers profitent d’avantages sociaux, d’aides et d’argent sans contrepartie. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

Cette vision est nationaliste et volontairement provocatrice, mais, en tant que représentant de la nation, il est important de souligner tout cela.

En somme, non seulement l’immigration a d’importantes conséquences économiques et financières, mais il est de notre devoir de protéger les Français, nos citoyens. Je ne plaide absolument pas pour une fermeture de nos frontières, et je ne plaide pas non plus contre les étrangers à proprement parler. J’affirme simplement qu’il est capital que nous retrouvions un équilibre, plus exactement, une plus juste égalité entre les Français nés en France et les Français d’adoption.

M. Philippe Vitel. Très bien !

M. Patrice Calméjane. Ce qui fait l’identité de la France, la richesse de la France, c’est aussi et avant tout, ne l’oublions pas, son tissage multiculturel, son ouverture et sa réputation de terre d’accueil.

Le travail est aussi gage d’intégration, pour le Français de souche comme pour le Français d’adoption.

De même, le renforcement des exigences d’intégration et d’assimilation pour l’accès à la nationalité est nécessaire. La Seine-Saint-Denis, mon département, a délivré en 2010 11 345 titres, soit 10 % des décrets de naturalisation délivrés sur l’ensemble de la France, alors que nous ne représentons que 2,4 % de la population française. Cela fait trente et une personnes naturalisées chaque jour dans le département !

J’ai assisté à plusieurs cérémonies de naturalisation. Il est vrai que, si certains manifestent un réel bonheur de devenir Français, pour d’autres, c’est simplement un passage obligé qui manque de solennité. La Marseillaise n’est même pas chantée, et de nombreuses personnes ont de réelles difficultés linguistiques qui, pour l’instant, ne sont pas prises en compte. Nous devons améliorer tout cela.

Je soutiens donc l’ensemble de ce texte, qui a tout son sens dans la période actuelle. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Jean Mallot. C’est la droite populaire qui applaudit !

M. Dominique Tian. Absolument, et de plus en plus populaire !

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Hostalier.

Mme Françoise Hostalier. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous arrivons au terme de la navette de cette loi qui, si elle doit, certes, se conformer à certaine figures imposées de transposition en droit français de textes européens, va parfois bien au-delà du minimum imposé.

Il est d’ailleurs surprenant de voir que, si la Commission européenne critique parfois la France au motif qu’elle serait trop restrictive en matière de droits, plus spécifiquement en ce qui concerne les droits des étrangers – je pense à l’affaire des Roms –, elle impose, à l’inverse, des mesures qui ne me semblent pas aller dans le sens des valeurs que nous portons.

M. Jean Mallot. Très bien !

Mme Françoise Hostalier. C’est pourquoi, je pense qu’il faut être clairs et fermes.

Il faut être clairs sur le socle des valeurs, celles qui ont fait notre histoire, celles qui, dans notre inconscient collectif, sont la France. Ces valeurs humanistes et généreuses,…

M. Christian Vanneste. Les valeurs chrétiennes !

Mme Françoise Hostalier. …qui portent haut la défense des droits de l’homme, celles qui sont sublimées dans les combats pour la liberté que l’on encourage aujourd’hui sur l’autre rive de la Méditerranée.

Ces valeurs là sont non négociables et non amendables !

M. Jean Mallot. Très bien !

Mme Françoise Hostalier. Or je crains qu’elles ne soient quelque peu bousculées par le projet de loi qui nous est soumis.

M. Jean-Pierre Dufau. Très juste !

Mme Françoise Hostalier. Il faut être fermes pour faire respecter ces valeurs, mais sans surenchères et sans populisme dégradant. C’est en rappelant clairement ce qu’est la citoyenneté et les obligations que donnent à chacun la liberté et la démocratie que nous créerons les outils d’une véritable intégration. C’est l’objet de plusieurs amendements qui vous seront soumis et qui concernent, par exemple, la solennité de l’acquisition de la nationalité française ou le parrainage républicain.

Nous devons donc être cohérents et responsables.

Oui, il y a un problème d’intégration pour certaines populations accueillies sur notre sol. Oui, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, il faut lutter contre l’immigration illégale, et ce surtout dans le souci de la protection des migrants soumis à la loi des passeurs peu scrupuleux et aux réseaux mafieux. Oui, il faut être fermes et ne pas céder un pouce de terrain sur le plan des valeurs qui fondent et cimentent notre société française, qui forment la trame de notre vivre ensemble.

Il ne faut cependant pas sombrer dans la démagogie et le clientélisme, qui nous éloignent de ces valeurs. Je pense notamment au débat lamentable qui a porté sur le mariage gris, et je déplore que les dispositions du projet de loi qui traitent de ce sujet aient été maintenues au Sénat.

En ce qui concerne la déchéance de nationalité, je me réjouis, monsieur le ministre, de votre décision et de celle du rapporteur d’y avoir renoncé. Être français n’est pas une situation à géométrie variable. Si l’État décerne à une personne étrangère la qualité de citoyen français, cette personne doit alors se conformer aux lois de notre pays, à toutes ses lois et rien qu’à ses lois, et il ne doit pas y avoir de loi d’exception pour des personnes qui seraient françaises en sursis.

Les cas de déchéance de la nationalité existent pour des situations de haute trahison et de forfaiture. Cela doit demeurer ainsi.

Pour ce qui est des crimes contre des représentants de l’État, plus particulièrement contre les représentants de l’ordre, le problème – vous le savez, monsieur le ministre – est plutôt que les sanctions prévues ne sont pas appliquées. Cela nous amène à un autre débat.

Pour conclure, je rappelle qu’un certain nombre d’amendements, auxquels je m’associe, vous seront proposés, qui vont uniquement dans le sens du respect des personnes et de leurs droits d’être humains dans le cadre des conventions internationales que la France a signées. Il ne s’agit pas, comme certains le prétendent, de favoriser l’immigration, voire l’immigration clandestine. Il s’agit simplement de rester fidèles à nos valeurs humanistes et j’espère vraiment, mes chers collègues, que vous y serez sensibles.

Cela dit, en l’état, je ne puis apporter mon soutien au texte qui nous est soumis. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Étienne Pinte. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour ma part, je voterai ce texte (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP) et je salue le sens des responsabilités de ce gouvernement…

M. Jean Mallot. Depuis le remaniement ou avant ?

M. Dominique Tian. …qui, par la présentation de ce projet de loi, répond à la nécessité de réviser la politique d’immigration de notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Je ne vous cacherai pas que, sur certains points, nous aurions pu adopter des mesures plus ambitieuses.

M. Richard Dell'Agnola. C’est clair !

M. Dominique Tian. J’avais proposé, par voie d’amendements, lesquels n’ont malheureusement pas passé le cap de la recevabilité financière, de prendre exemple sur la législation allemande en matière d’intégration. En Allemagne, en effet, pour les étrangers en situation régulière, la loi prévoit leur participation à un cours d’intégration qui porte non seulement sur la langue, mais aussi sur la connaissance de l’histoire, de la culture et de la société allemande. Il s’agit d’une formation de 645 heures, sanctionnée par un examen, qui s’adresse aussi bien aux nouveaux arrivants qu’aux étrangers vivant déjà sur place.

Le texte que nous examinons laisse le soin à un décret de déterminer le niveau et les modalités d’évaluation de la connaissance de notre langue par les candidats à la naturalisation. Monsieur le ministre, peut-on prévoir, par ce décret, une formation similaire à celle proposée par l’Allemagne, ainsi qu’un examen ?

M. Philippe Meunier. Ce serait bien !

M. Dominique Tian. Par un autre amendement qui, lui non plus, n’a pas passé le cap de la recevabilité financière, je demandais que la carte bleue européenne soit biométrique. L’intégration de caractéristiques biométriques établit en effet un lien fiable entre le titre de séjour et le détenteur du titre, améliorant ainsi la sécurité des documents. L’insertion d’identificateurs biométriques contribue sensiblement à la protection du titre de séjour contre une utilisation frauduleuse. Ce système, qui a déjà été mis en place par plusieurs pays de l’Union européenne, permet de lutter contre la contrefaçon et la falsification, et d’intensifier la lutte contre l’immigration et la résidence illégales. Nul ne doute qu’il s’agit d’une préoccupation constante du Gouvernement en matière de lutte contre la fraude.

J’en viens à un article qui fait polémique, à savoir l’article 17 ter qui tend à encadrer les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire en raison de l’état de santé.

Ayant déposé avec mon collègue Claude Goasguen plusieurs amendements à la loi de finances rectificative pour 2010 pour encadrer les soins accordés en application de l’aide médicale d’État – souvent avec le soutien du collectif de la droite populaire qui a mené un combat courageux à ce sujet (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) –, je ne peux que souscrire à l’esprit de cet article. Il me paraît sage, en effet, d’encadrer les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire. Cette disposition est conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

Je m’étais livré à l’époque à une comparaison en matière de couverture santé entre les titulaires de l’AME et les personnes à faibles revenus, en m’appuyant sur des sources officielles d’organismes sociaux. Pour avoir une couverture équivalente à celle de l’AME, un Français ou un étranger en situation régulière doit payer des cotisations. Pour un smicard, cela représente à peu près 2 000 euros par an. Pour un étranger, les soins sont prodigués à titre gratuit. Cela pose problème !

M. Philippe Vitel. Oui, c’est un scandale !

M. Philippe Meunier. Une injustice !

M. Dominique Tian. Surtout, ce système, jugé souvent trop généreux, et qui est en réalité le plus généreux du monde, provoque, chacun le sait, un appel évident à une immigration illégale et même à un nomadisme médical que l’IGAS a d’ailleurs souligné.

Mme Catherine Lemorton. C’est faux, archifaux !

M. Dominique Tian. J’avais évoqué, comme Claude Goasguen et comme mes collègues de la droite populaire, l’exemple de la procréation médicalement assistée pratiquée dans les hôpitaux parisiens. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Il est tout de même étrange de trouver quelqu’un qui vient pour des raisons politiques ou médicales bénéficier gratuitement de la procréation médicalement assistée ce qui, évidemment, est un détournement de la loi et de notre générosité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme Pascale Crozon. C’est tout à fait marginal !

M. Dominique Tian. C’est peut-être marginal, mais c’est un cas de fraude. Tout cela doit être contrôlé, et c’est ce que ce projet de loi permettra enfin.

Monsieur le ministre, votre texte vise à renforcer une politique migratoire responsable et, naturellement, je le voterai. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Mme Catherine Lemorton. Vous avez oublié les cures thermales et la chirurgie esthétique !

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat sur l’immigration éclaire la richesse des relations entre la politique et le temps. Certains considèrent que ce débat revient trop souvent. D’autres, mais souvent les mêmes, le soupçonnent d’intentions à court terme.

M. Jean Mallot. Et vous, à quelle catégorie appartenez-vous ?

M. Christian Vanneste. En fait, il faut y voir la preuve d’un cheminement propre à la démocratie, celle d’un pays porteur d’une tradition et d’une histoire, inventeur de valeurs universelles – n’est-ce pas, madame Hostalier ? – et intégré dans l’édifice européen toujours en construction, mais confronté à des problèmes nouveaux et, parfois, comme c’est le cas aujourd’hui, à une actualité brûlante, quelque part du côté de Lampedusa.

Dans ce cheminement, apparaissent de plus en plus les deux valeurs qui doivent fonder une politique républicaine, une politique française de l’immigration : la volonté et le contrat, c’est-à-dire l’accord des volontés. Ce sont celles qui s’affirment de plus en plus nettement dans les textes, singulièrement dans celui que nous étudions. L’immigration choisie définit la conception française. Elle a été proposée à l’Europe et acceptée par elle au travers du Pacte européen sur l’immigration et l’asile. Elle nous revient au travers de trois directives que nous complétons.

La France connaît un taux de natalité suffisant pour renouveler les générations. Ses besoins sont plus faibles que ceux de nombre de pays européens en termes d’immigration. Elle doit donc vouloir une immigration maîtrisée, fondée sur le travail, dans les secteurs en tension ou exigeant une forte qualification. Cette volonté d’accueillir des migrants doit tenir compte de nos capacités à le faire, en matière de logement ou d’éducation. Il faut aussi, bien sûr, qu’elle soit respectueuse de nos principes.

L’immigré qui veut venir en France doit accepter, lui aussi, les conséquences de ce qu’il veut. Il doit d’abord respecter les règles d’admission. Il doit ensuite observer les termes du contrat d’accueil et d’intégration.

M. Jean Mallot. Et ne pas être malade !

M. Christian Vanneste. Il doit enfin se conformer à la charte des droits et devoirs du citoyen français s’il demande et obtient la nationalité française.

Ces trois étapes, dont la troisième est possible, mais non nécessaire, s’appellent insertion, intégration, assimilation.

Respecter les règles, connaître les valeurs et la langue, appartenir à la communauté française en devenant citoyen correspondent à trois situations contractuelles, à trois accords de volonté entre la France et l’immigrant. Il est logique et il est juste que le refus de respecter les termes du contrat entraîne la rupture de celui-ci, l’obligation de quitter le territoire ou la déchéance de la nationalité pour ceux qui possèdent une autre nationalité, ce qui apparaît clairement comme un privilège par rapport à la majorité des Français que les adversaires de cette mesure semblent oublier.

Le principe d’une immigration contractuelle permet d’éviter le piège d’un fonctionnement mécanique et parfois absurde du droit. Le droit naturel, les principes universels du droit doivent être conformes à la raison. Celle-ci implique, bien sûr, la réciprocité. La double nationalité d’une personne qui reçoit une sorte de nationalité d’honneur en vertu des services rendus à un pays est raisonnable. La double nationalité de celui qui accomplit ses obligations militaires dans un autre pays, avec lequel un conflit ne serait pas exclu, n’obéit pas au principe de non-contradiction et insulte le bon sens.

Comme l’indique le rapport destiné à la première lecture, 13 % des étrangers naturalisés considèrent la nationalité comme une simple formalité de facilitation administrative. Cela montre que toute conception étroitement juridique passe à côté de l’essentiel, que les sociologues révèlent quand les juristes l’ignorent.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Très juste !

M. Christian Vanneste. C’est dans la mesure où le droit tiendra compte de la sociologie que nous pourrons trouver des solutions efficaces au problème de l’immigration.

Si le racisme est stupide, voire criminel, la distance culturelle existe bel et bien. Hugues Lagrange l’a montré dans Le déni des cultures. Si les sujets du droit paraissent interchangeables, les immigrés sont des hommes et des femmes, avec leurs différences…

M. Jean Mallot. Ah ! tout de même !

M. Christian Vanneste. …et il est légitime qu’un effort proportionnel soit fourni par le pays d’accueil, mais aussi par les personnes accueillies, afin qu’elles s’intègrent, voire qu’elles s’assimilent.

Il est également légitime que les difficultés rencontrées ou les impossibilités constatées conduisent à une remise en cause de l’accueil. L’apprentissage de la langue, le respect des valeurs sont essentiels. Toute société repose sur une double solidarité, celle qui tient à la complémentarité de ses membres définie par la division du travail, et celle qui tient à l’identité du groupe. L’immigration doit demeurer compatible avec cette double exigence : elle doit d’abord être fondée sur les besoins du marché du travail, non sur l’appel d’air de prestations sans contrepartie ni véritable nécessité. La France peut contribuer à améliorer le développement économique et social des pays dont sont originaires les immigrés. Elle n’a pas à suppléer sur son territoire la mauvaise gestion économique et sociale, voire la mauvaise gouvernance de ces pays. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

L’immigration ne doit pas non plus porter atteinte à l’identité nationale et aboutir, par exemple, comme le souligne Michèle Tribalat, dans Les Yeux grands fermés, à une déconstruction du récit national et des symboles nationaux, à une dénationalisation de la citoyenneté.

Être soi-même est une condition nécessaire pour échanger avec autrui. Seul un pays sûr de lui peut contribuer au développement des autres. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, avant de tenter de répondre à chacun des orateurs, je tiens à remercier l’ensemble des députés qui ont pris la parole, souvent avec conviction. Leurs interventions me permettront de préciser les intentions du Gouvernement, voire de rétablir la vérité par rapport à certaines informations erronées qui ont pu être communiquées.

Le constat que nous nous trouvons dans une situation historique dans l’ensemble du monde méditerranéen a été rappelé par plusieurs orateurs. Je remercie ceux d’entre eux qui ont souligné ce fait, pris du champ et ainsi remis dans cette perspective l’examen du projet de loi, comme ont pu le faire Éric Diard, Philippe Goujon et Etienne Pinte.

Quant à Christian Estrosi, il a été entendu.

M. Jean-Pierre Dufau. Il a été entendu, mais il n’est plus là pour vous entendre !

M. Jean Mallot. Il est parti se coucher !

M. Claude Guéant, ministre. Ce projet de loi vise à l’efficacité républicaine, c’est-à-dire à ce que les lois déjà votées par le Parlement de la République puissent être effectivement appliquées : efficacité quand il s’agit d’augmenter la durée maximale de rétention administrative, efficacité encore lorsqu’il s’agit de réorganiser le contentieux de l’éloignement, efficacité toujours lorsqu’il s’agit de définir un régime de rétention administrative adapté aux problématiques d’éloignement des personnes coupables d’actes terroristes.

À cet égard, et contrairement à ce qui a pu être dit ce soir, il ne s’agit pas de présumés terroristes, mais de personnes condamnées pour actes de terrorisme.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Absolument !

Mme Sandrine Mazetier. Et qui ont purgé leur peine !

M. Claude Guéant, ministre. Je vous rappelle qu’en 2003, nous avons pris l’initiative de réformer notre système migratoire pour faire face à la crise rencontrée à l’époque par la procédure du droit d’asile.

En 2003 et en 2007, nous avons pris l’initiative de mettre fin à l’inconditionnalité du regroupement familial en réduisant effectivement le nombre de personnes bénéficiant de cette forme d’immigration.

En 2006, nous avons encore pris l’initiative d’amorcer le tournant de la promotion d’une immigration professionnelle et qualifiée, et je remercie Michel Hunault d’avoir souligné les effets bénéfiques de ces réformes.

Nous sommes devant vous, aujourd’hui, pour assumer cette responsabilité. Si j’ai bien entendu les orateurs de gauche, il faudrait ouvrir les frontières et laisser entrer à tout va et sans contrôle les étrangers d’où qu’ils viennent. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Lemorton. Vous avez mal entendu ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Vitel. C’est une version résumée !

M. Claude Guéant, ministre. Dans le même mouvement, bien sûr, on dit qu’il faut de la régulation, mais on ne s’en donne pas les moyens !

M. Michel Hunault. Très bien !

M. Claude Guéant, ministre. Telle n’est pas notre politique ! Il y a une grande différence entre la position du Gouvernement et de la majorité, d’une part, et la position de la gauche, d’autre part.

M. Jean Mallot. Hortefeux aussi disait n’importe quoi, mais il le disait au moins avec le sourire !

M. Claude Guéant, ministre. Nous tenons à rester fidèles à la tradition d’accueil de la France qui n’est pas un pays fermé ; nous souhaitons bien recevoir ceux que nous voulons accueillir mais nous ne désirons pas héberger ceux qui viennent chez nous irrégulièrement. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M.  Muzeau a qualifié les zones d’attente, dont la création est permise par le projet de loi, de zones d’attente « sac à dos ».

M. Philippe Meunier. Il n’est plus là !

M. Claude Guéant, ministre. L’expression est imagée, mais trompeuse. Je tiens à lui apporter deux précisions.

D’abord ce dispositif est prévu pour des circonstances précises, lorsqu’un groupe d’au moins dix étrangers vient d’arriver en France, en dehors d’un point de passage frontalier, et de manière inopinée.

M. Jean Mallot. C’est comme les Auvergnats d’Hortefeux !

M. Claude Guéant, ministre. Et, je le dis avec force…

M. Jean Mallot. Eh oui, avec force !

M. Claude Guéant, ministre. Attendez la suite au lieu de préjuger !

Je le dis donc avec force : ce dispositif envisage l’ensemble des droits ouverts aux migrants : droit d’asile, bien sûr, et droit de recourir à un avocat. Je le dis avec force parce que ce qui a été affirmé ce soir est à l’inverse de ce qui est porté par le texte.

Mme Sandrine Mazetier. On verra lorsque l’on examinera les premiers articles du texte !

M. Claude Guéant, ministre. Nous avançons selon un principe clair : l’étranger en situation irrégulière est reconduit, l’étranger en situation régulière est accueilli. Ce texte est indispensable pour tenir ce cap et apporter des réponses concrètes aux difficultés que nous rencontrons quotidiennement dans notre politique de lutte contre l’immigration clandestine, politique définie par les lois votées par le Parlement. C’est une attente de nos compatriotes, mais aussi de nos forces de sécurité dont j’ai pu mesurer, vendredi dernier dans les Alpes-Maritimes aux côtés d’Éric Ciotti, l’abnégation et la constance pour réguler les phénomènes migratoires à la frontière avec l’Italie.

Je tiens à répondre à plusieurs interventions touchant au droit de la nationalité.

À cet égard je salue d’abord M. le rapporteur Claude Goasguen pour son intervention sur ce sujet complexe et délicat et pour sa fine connaissance de ces questions. Je tiens aussi à rendre hommage aux travaux en cours au sein de votre assemblée sur les évolutions à apporter à notre droit de la nationalité. Votre mission d’information, dont je précise qu’elle est, comme vous le savez, multipartite…

Mme Sandrine Mazetier. Ce n’est pas vous qui en avez décidé !

M. Claude Guéant, ministre. Considérant les moqueries que vous adressez à ses travaux, je tenais à le préciser !

Mme Sandrine Mazetier. Le groupe UMP était totalement absent !

M. Claude Guéant, ministre. Cette mission est présidée par Manuel Valls et Claude Goasguen en est le rapporteur. Elle doit rendre ses conclusions d’ici au mois d’avril, donc très prochainement.

Mesdames, messieurs les députés, je ne souhaite pas, dans ce texte, préempter les propositions que vous énoncerez, afin de modifier notre code de la nationalité. Les occasions de discussions transpartisanes sur ces questions sont suffisamment rares pour que le Gouvernement y porte un profond respect et les écoute avec attention. Dans cet esprit, je comprends la volonté de certains députés du groupe UMP que j’ai rencontrés ce matin. Je pense, par exemple, à M. Verchère et à M. Meunier. Beaucoup sont membres de la mission d’information sur le droit de la nationalité.

Mme Sandrine Mazetier. On ne les y voit pas souvent !

M. Claude Guéant, ministre. Je vous assure que le Gouvernement portera la plus grande attention aux propositions de cette mission.

J’en viens à la défense du principe d’assimilation.

Je tiens d’abord à rappeler, dans cette assemblée, l’attachement du Gouvernement à ce principe qui couronne une intégration réussie, comme l’a précédemment rappelé Philippe Goujon. Ainsi que Christian Vanneste l’a souligné, je demeure persuadé que l’assimilation est le résultat d’un parcours d’intégration réussi, d’un accord des volontés, pour reprendre les mots qui ont été exprimés, entre l’étranger qui souhaite devenir français et la France acceptant ou souhaitant qu’il le devienne.

M. Jean-Pierre Dufau. C’est faux !

M. Claude Guéant, ministre. Cette assimilation passe évidemment par l’adhésion et l’attachement à nos valeurs, à nos symboles : la Marseillaise, la Marianne, notre devise républicaine. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Vanneste. Et le drapeau !

M. Claude Guéant, ministre. Tout à fait ! Ces symboles, que plusieurs d’entre vous ont cités, ont, aux yeux du Gouvernement, tout leur prix.

Mme Sandrine Mazetier. Et le groupe UMP qui a reçu Zemmour à l’Assemblée nationale ! C’est la liberté, l’égalité et la fraternité ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Écoutez le ministre, chers collègues !

M. Claude Guéant, ministre. Cette assimilation est systématiquement vérifiée au cours d’un entretien qui se déroule dans chaque préfecture contrairement à ce que vous avez affirmé, madame Mazetier !

Monsieur Hunault, vous demandez que la charte des droits et devoirs du citoyen soit remise à tous nos jeunes compatriotes. Je vous confirme qu’il en sera ainsi, puisque l’article 3 du projet de loi prévoit que cette charte sera remise à l’occasion de la journée Défense et citoyenneté.

Mme Sandrine Mazetier. Sur une proposition socialiste !

M. Claude Guéant, ministre. À celui qui souhaite devenir français, la France demande plus qu’un simple engagement de s’intégrer. Elle vérifie que l’adhésion à son nouveau pays est réelle. Toutes les personnes étrangères résidant en France n’ont pas vocation à devenir citoyen français et l’accès à la naturalisation doit être une démarche éclairée, réfléchie et consentie. Le Gouvernement est très attaché à ce concept crucial d’assimilation. Il ne souhaite pas que le code civil s’en détache. « Intégration, donc multiculturalisme » vous en revendiquez le souhait ; je vous en laisse la paternité ! (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Sandrine Mazetier. L’intégration figure dans le titre du projet de loi que vous défendez, monsieur le ministre !

M. Claude Guéant, ministre. Il y a aussi de l’intégration !

M. Jean-Pierre Dufau. L’assimilation ? Il faut renier ses origines, c’est n’importe quoi !

M. Claude Guéant, ministre. Concernant la déchéance de la nationalité, le Gouvernement a choisi une position marquée par le réalisme. Il a constaté que cette mesure fondée et largement admise en Europe comme au sein de notre opinion publique faisait obstacle à l’adoption rapide de ce projet de loi. Le Premier ministre et votre rapporteur ont estimé que cette question ne pouvait pas être examinée en dehors de la mission d’information présidée par Manuel Valls, Claude Goasguen en étant le rapporteur. En conséquence, j’émettrai, au nom du Gouvernement, un avis favorable à l’amendement de suppression de l’article 3 bis présenté par votre rapporteur.

M. Christophe Guilloteau. C’est dommage, monsieur le ministre. Pourtant, vous aviez bien commencé !

M. Claude Guéant, ministre. Attendez la suite ! (Sourires.)

Je remercie M. le député Michel Hunault et l’ensemble de ses collègues du groupe du Nouveau Centre d’avoir compris notre volonté d’aboutir, dans un souci de pragmatisme et d’efficacité, au vote définitif de ce projet de loi, afin de disposer rapidement des instruments dont nous avons besoin pour lutter efficacement contre l’immigration irrégulière.

Il convient justement de parler de l’efficacité. Les Français attendent de nous plus d’efficacité dans la mise en œuvre de nos procédures d’éloignement.

Mme Sandrine Mazetier. Les Français attendent de l’efficacité dans tout !

M. Claude Guéant, ministre. Je tiens à remercier les députés Éric Diard et Philippe Goujon qui ont encouragé le Gouvernement en ce sens. Oui, il est indispensable de préserver l’effectivité des procédures, comme l’a souligné Philippe Goujon. Contrairement à ce que soutiennent Mme Mazetier, M. Golberg et M. Muzeau, rien n’indique que notre réforme est juridiquement contestable.

M. Jean-Pierre Dufau. Ni le contraire !

Mme Sandrine Mazetier. Lisez le rapport du Sénat, monsieur le ministre !

M. Claude Guéant, ministre. Écoutez au moins les arguments, cela vous permettra de vous faire une opinion plus établie !

Le Conseil constitutionnel a effectivement validé le principe d’une intervention du juge des libertés et de la détention au bout de quarante-huit heures et, à l’inverse, n’a pas admis que ce délai puisse être de sept jours. Cependant il n’a pas fixé de bornes plus précises. En tout état de cause, rien n’indique qu’il s’opposerait à une durée de cinq jours.

M. Jean Mallot. On verra !

M. Claude Guéant, ministre. M. Muzeau a critiqué la réorganisation du contentieux de l’éloignement, les interventions respectives du juge administratif et du juge judiciaire. Or la réforme ne vise, en fait, qu’à remettre ce contentieux à l’endroit, comme l’a souligné Stéphane Demilly. D’abord, c’est simple : le juge administratif contrôle la légalité de la mesure d’éloignement ; ensuite, le juge judiciaire contrôle la mesure de privation de liberté, conséquence de cette décision d’éloignement.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Cela paraît logique !

M. Claude Guéant, ministre. Il n’y a là que de la logique juridique. Il n’y a aucune remise en cause de l’office et de la responsabilité propre du juge judiciaire.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Très bien !

M. Claude Guéant, ministre. Je rappelle d’ailleurs que le recours devant le juge administratif suspend l’exécution de la mesure d’éloignement. Un étranger ne peut donc pas être éloigné dans le délai des cinq jours, s’il a saisi le juge administratif, contrairement à ce qui a été indiqué tout à l’heure. Vous aurez sûrement et, je l’espère, compris – mais je m’adresse à M. Mamère qui n’est pas là – que nous ne souhaitons stigmatiser personne.

M. Jean Mallot. C’est réussi !

M. Claude Guéant, ministre. Nous voulons simplement appliquer le droit, ce droit que nous reconnaissent, comme ils se le reconnaissent à eux-mêmes, tous nos partenaires européens : celui de maîtriser et de réguler l’immigration.

Enfin, le texte que nous examinons aujourd’hui renforce, outre l’efficacité de nos procédures d’éloignement, le principe de justice.

J’en veux d’abord pour preuve que le projet, là encore contrairement à ce qui a été dit, ne modifie en rien les droits des personnes étrangères malades qui reçoivent un titre de séjour en raison de leur état de santé. Messieurs les députés Étienne Pinte et Michel Hunault, je vous le dis : le Gouvernement veut seulement conserver l’état du droit qui a existé de 1998 à 2010, avant un revirement jurisprudentiel du Conseil d’État.

Nous souhaitons que les étrangers atteints d’une maladie suffisamment grave et pour lesquels le traitement est indisponible dans leur pays d’origine puissent continuer à être soignés en France. En revanche l’assurance maladie ne doit pas financer les carences des systèmes de sécurité sociale étrangers. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Votre assemblée avait précisé ce point lors de la première lecture et le Gouvernement désire conserver cette rédaction, considérant qu’il s’agit d’un juste équilibre. Je remercie MM. les députés Éric Diard et Dominique Tian de l’avoir rappelé.

J’en veux, ensuite, pour preuve que le projet de loi organise l’attribution de l’aide médicale d’État en créant un guichet unique au sein des caisses primaires d’assurance maladie, mais il ne s’agit, en aucune façon, de remettre en cause le principe de l’aide médicale d’État…

Mme Catherine Lemorton. Et cela ne va pas les stigmatiser !

M. Jean Mallot. Il restera le principe ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude Guéant, ministre. …contrairement encore à ce qui a été dit, notamment par Mme Billard. Il s’agit de renforcer les contrôles sur les sommes dépensées, comme M. Dosne vient de le rappeler dans un exposé très documenté.

Par ailleurs, sur la question très spécifique du transfèrement des étrangers condamnés en France posée par M. Dell’Agnola, il n’y a pas là à débattre davantage. Nous appliquons le droit existant dans le respect de nos traités bilatéraux. Nous ne faisons ni plus ni moins et nous devons effectivement continuer dans cette voie.

Enfin, vous préconisez, monsieur Pinte, de renouer avec les principes d’une migration circulaire dont mon prédécesseur avait évoqué l’intérêt. À cet égard, l’accord franco-tunisien de 2008 favorise largement la délivrance de visas avec l’instauration des visas de court séjour à entrées multiples pour de nombreuses catégories de personnes et facilite l’obtention de titres de séjour professionnels pour les salariés en mission ou les étudiants. Les objectifs sont très ambitieux, puisqu’ils sont de 9 000 titres par an.

Cet accord s’accompagne d’un important dispositif de développement solidaire en faveur des centres de formation professionnelle dans des secteurs stratégiques de l’économie tunisienne et en accompagnement de projets avec des collectivités locales. J’ajoute simplement un élément : pour que ce type d’accord, qui présente effectivement un grand intérêt, soit totalement opérationnel, la partie partenaire doit jouer le jeu, donc accepter la reconnaissance de ses propres ressortissants, et, lorsque le besoin s’en fait sentir ou lorsqu’ils le souhaitent, les reconduire dans leur pays d’origine.

Telles sont, madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, les précisions que je tenais à vous apporter en conclusion de cette discussion générale. Tous ces débats doivent être replacés dans un contexte européen, comme vous avez été nombreux à le rappeler. Avec ce projet de loi, le Gouvernement souhaite, vous l’aurez compris, apporter des réponses concrètes, opérationnelles, efficaces et pragmatiques aux défis auxquels est aujourd’hui confrontée notre politique d’immigration.

Ces défis sont renforcés, plusieurs d’entre vous l’ont souligné, par la conjoncture internationale et, à cet égard, je tiens, avec un brin de solennité, à réaffirmer la position du Gouvernement puisque beaucoup de propos erronées ont été tenus à ce sujet.

Sans ambiguïté aucune, le Gouvernement soutient l’émancipation démocratique des peuples qui ont choisi cette voie.

M. Jean Mallot. À minuit et quart, on y vient ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Cela a déjà été dit !

M. Claude Guéant, ministre. Une conclusion est aussi une apothéose !

Sans ambiguïté, le Gouvernement soutient la recherche par ces peuples d’un modèle de développement économique qui permettra leur épanouissement, et c’est du reste à l’initiative du Président de la République française qu’un conseil européen exceptionnel se tiendra le 11 mars précisément pour définir les soutiens que l’Union européenne tout entière peut apporter à ces peuples, dans les domaines de l’évolution démocratique, du cheminement vers les libertés publiques et individuelles, du développement économique.

Cela étant – je le dis aussi avec solennité – le Gouvernement français ne considère pas que l’accès à la liberté doive se traduire par un supplément d’immigration sur notre sol. (Applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Michel Hunault. Très bien !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 9 mars 2011, à zéro heure quinze.)