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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Troisième séance du jeudi 13 juin 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Sandrine Mazetier

1. Débat sur l’application de l’interdiction des rémunérations en numéraire dans les cabinets ministériels depuis 2002

M. Alain Tourret

Mme Marie-Anne Chapdelaine

M. Olivier Marleix

Mme Véronique Massonneau

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Sandrine Mazetier
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Débat sur l’application de l’interdiction
des rémunérations en numéraire
dans les cabinets ministériels depuis 2002

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur l’application de l’interdiction des rémunérations en numéraire dans les cabinets ministériels depuis 2002.

La parole est à M. Alain Tourret, premier orateur inscrit.

M. Alain Tourret. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, de tout temps ou presque, des primes ont été versées en liquide aux ministres – cela remonte à La Reynie, sous Louis XIV –, à leurs cabinets ministériels, de même qu’à de nombreux fonctionnaires relevant du ministère de l’intérieur. Ces primes, jadis, permettaient également de faire des dons particuliers à des journalistes pour qu’ils écrivent des articles intéressants.

M. Thierry Solère. Ce n’était pas comme ça à l’époque de Mitterrand ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Tourret. Le Premier ministre disposait de ces fonds en application d’une loi du 27 avril 1946 et d’un décret du 19 novembre 1947. Avant 2002, c’est-à-dire avant la suppression de cette ligne budgétaire, des crédits étaient ouverts et des dépenses nettes imputées au chapitre 37-91 du budget de l’État. Les crédits initiaux s’élevaient à environ 65 millions d’euros, auxquels s’ajoutaient des ouvertures de crédits en cours d’exercice opérées par décrets de répartition à partir du chapitre 37-95 du budget des charges communes pour des dépenses dites accidentelles, pour une valeur moyenne de 12 millions d’euros. La part du chapitre 37-91 s’élevait à environ 10 % du total des dépenses des services généraux du Premier ministre. La nomenclature de ce chapitre comportait trois lignes budgétaires : l’article 10, paragraphe 10, correspondait aux fonds spéciaux du Gouvernement ; l’article 20 se rapportait à deux lignes budgétaires, principalement aux fonds spéciaux à destination particulière, à savoir les dépenses de la DGSE.

En tant que rapporteur du budget de la fonction publique, j’avais attiré de manière répétée l’attention du Gouvernement sur la nécessité de supprimer ces fonds contraires à la morale républicaine, et en juillet 2001, un rapport fut confié par M. le Premier ministre, Lionel Jospin, au Premier président de la Cour des comptes, M. Logerot. Ce rapport permit d’établir que 3,66 millions d’euros étaient attribués à la Présidence de la République, 300 000 euros au ministère des affaires étrangères, 9,2 millions d’euros au fonctionnement de l’Hôtel-Matignon, 7,93 millions d’euros à l’ensemble des ministères. Ainsi que le relevait le Premier président Logerot, 20 millions d’euros étaient affectés à des dépenses de rémunération ou de fonctionnement et ne se rattachaient ni à des impératifs de sécurité intérieure ou extérieure de l’État, ni même à des interventions particulières assimilables à des actes de gouvernement.

Les retraits en espèces sur le compte de la banque de France portaient sur 11,6 millions d’euros, mis à la disposition des cabinets ministériels. Aucune règle n’était établie quant à la forme et au contenu de la comptabilité tenue par les personnes habilitées à disposer des fonds. Le Premier ministre donnait, certes, un quitus annuel et au moment de son départ. Les pièces justificatives étaient alors détruites.

L’utilisation de ces fonds était hors du champ des contrôles externes, aussi bien celui de la Cour des comptes que celui du Parlement. Mais il est vrai que les crédits affectés à la DGSE faisaient l’objet d’un contrôle exercé par une commission instituée par le décret du 19 novembre 1947. En fait, la protection et le secret dont bénéficiaient les opérations liées à la sécurité couvraient également la totalité des dépenses sur fonds spéciaux, donc des dépenses de fonctionnement des services du Premier ministre et des cabinets ministériels.

Selon le rapport de 2001, la distribution des rémunérations complémentaires non déclarées à l’administration fiscale et ne supportant pas les prélèvements sociaux du fait de leur versement en espèces provenait des comptes des fonds spéciaux. Elle n’apparaissait plus seulement comme un privilège anachronique mais toléré, elle constituait une irrégularité choquante dès lors qu’il s’agissait de compléments de rémunération versés à des agents publics sur fonds publics, en dehors de toute règle, en dehors de tout contrôle. Leur dissimulation, selon le Premier président de la Cour des comptes, était d’autant moins admissible que les sujétions supportées par les membres des cabinets ministériels et par les personnels qui leur apportaient leur concours étaient bien réelles – nous en sommes d’accord –, qu’il s’agisse de la charge de travail immense ou des contraintes de calendrier ou d’horaires, mais elles méritaient d’autant plus d’être compensées en toute clarté.

De surcroît, ces fonds permettaient d’alimenter des campagnes électorales, des partis politiques en dehors de toute réglementation, la presse ou éventuellement tout menu plaisir.

Les différents rapports sur le sujet proposèrent deux solutions : d’une part, le maintien des fonds spéciaux pour l’action de protection de la sécurité intérieure et extérieure de l’État – c’est ce qui se passe encore actuellement – et, d’autre part, le reclassement dans le budget ordinaire de l’État de tous les autres crédits. Il était urgent de mettre fin à la pratique des versements en espèces qui permettaient à leurs bénéficiaires, pour des montants qui pouvaient être élevés, de faire échapper à l’impôt sur le revenu et aux cotisations sociales une part de leurs rémunérations accessoires.

Il fut donc décidé de transférer les montants en espèces sur des lignes budgétaires déjà ouvertes au titre des indemnités de cabinet. L’un des arguments avancés pour justifier la commodité offerte par le système des versements en espèces était la nécessité d’un maximum de souplesse et de rapidité dans l’emploi des moyens mis à la disposition des ministres. Les procédures d’ordonnancement et de paiement des dépenses publiques apparaissaient comme trop lourdes. Mais c’est oublier l’institution des régies d’avances telles que les organisent le décret du 20 juillet 1992 et l’instruction du 29 juin 1993 : le régisseur peut en effet, en vertu de ces textes, effectuer paiements par chèque, virements – ou même versement en numéraire pour certaines catégories de dépenses courantes.

L’usage des fonds spéciaux sera donc supprimé par le gouvernement de Lionel Jospin et une commission de vérification instituée par l’article 154 de la loi de finances pour 2002. Tout semblait clair, mes chers collègues : depuis 2002, on n’entendait plus parler de fonds versés en espèces, qu’il s’agisse des ministres ou de leurs collaborateurs.

Tout semblait clair, disais-je, jusqu’à ces dernières semaines, jusqu’à ce que des enquêteurs découvrent des montants en espèces très importants au domicile de M. Claude Guéant. Il fut directeur de cabinet du ministre de l’intérieur, M. Sarkozy, en 2002, avant de devenir secrétaire général de l’Élysée, puis lui-même ministre de l’intérieur.

Il s’agissait, à l’époque, de savoir si la campagne de M. Sarkozy avait été financée par des fonds libyens. On se rappelle le rôle essentiel joué par M. Guéant lors de la libération des infirmières bulgares, condamnées à mort et détenues par le régime de M. Khadafi. Il fut ainsi découvert, d’une part, un compte sur lequel avaient été versés 500 000 euros, et, d’autre part, des factures précisant que des paiements avaient été faits en espèces.

M. Claude Guéant lui-même – je reprends ses termes – précisa que ces espèces avaient été obtenues par la vente de deux tableaux d’un Hollandais, au demeurant inconnu des spécialistes,…

M. Olivier Marleix. Pas du tout !

M. Alain Tourret. …et par des primes qui, selon lui, n’étaient pas déclarées de toute éternité et qui lui auraient été versées en tant que membre d’un cabinet ministériel entre 2002 et 2004. Il est exact que M. Guéant a également appartenu au cabinet de M. Charles Pasqua en 1994 et en 1995.

M. Olivier Marleix. Et bien d’autres avant !

M. Alain Tourret. Or, s’il était d’usage de toucher des primes non déclarées en 1994 et 1995, cela était totalement interdit depuis 2002.

M. le ministre de l’intérieur a donc saisi l’inspection générale de l’administration et l’inspection générale de la police nationale, les chargeant, le 2 mai 2013, d’un rapport sur les frais d’enquête et de surveillance. Il leur était demandé de vérifier si, depuis le 1er janvier 2002, date d’entrée en vigueur de la réforme des primes des cabinets ministériels décidée par le Premier ministre de l’époque, une fraction des frais d’enquête et de surveillance de la police nationale aurait pu être utilisée à d’autres fins que celles pour lesquelles elles ont été créées.

Le ministre, M. Manuel Valls, demandait également de vérifier les conditions dans lesquelles les instructions données par le directeur général de la police nationale fin 2012 étaient mises en œuvre, s’agissant notamment de leur usage, des règles d’engagement et de traçabilité de leur emploi vis-à-vis de la hiérarchie opérationnelle. Il était enfin demandé de faire des recommandations sur l’usage légitime des frais d’enquête et de surveillance.

Le rapport, signé par M. Larangé, inspecteur général de l’administration, Mme Cagé, inspectrice, M. Loiseau, inspecteur général de la police nationale, et M. Georgeon, commissaire principal, a été remis au ministre de l’intérieur cette semaine, très exactement le 10 juin 2013.

Qu’en ressort-il ? Premièrement, les archives du cabinet de la direction générale de la police nationale relatives aux frais d’enquête et de surveillance ont disparu. Elles ont été détruites pour la période comprise entre 2002 et 2007,…

M. Olivier Marleix. Et avant !

M. Alain Tourret. …autrement dit, pendant la période où M. Guéant dirigeait le cabinet du ministre de l’intérieur, M. Sarkozy.

M. Olivier Marleix. Sous Vaillant et Bergougnoux aussi !

M. Alain Tourret. Nul ne sait à quelle date ces archives ont été détruites. Nul ne sait qui a donné l’ordre de les détruire. Nul ne sait qui a exécuté cet ordre. Je me réfère au rapport de l’inspection générale.

Deuxièmement, la mission d’enquête a dû se contenter d’entendre, pour la période comprise entre 2002 et 2007, compte tenu de la disparition des archives correspondant à cette période,…

M. Olivier Marleix. Et avant !

M. Alain Tourret. Avant 2002, ce n’était pas interdit ; ça l’est depuis : c’est tout le problème. Avant 2002, le principe qui s’appliquait était celui de la destruction ; depuis 2002, c’est celui de la non-destruction.

M. Olivier Marleix. Elles n’ont jamais existé à son époque !

M. Alain Tourret. Peut-être avez-vous détruit toutes les archives quand vous étiez au Gouvernement, monsieur. Quoi qu’il en soit, les règles sont les suivantes : depuis 2002, il est interdit de détruire les archives et d’utiliser des fonds secrets…

M. Olivier Marleix. Avant aussi !

M. Alain Tourret. Avant c’était possible, toléré.

Mme la présidente. Monsieur Marleix, vous aurez la parole tout à l’heure, pour quinze minutes, voire plus si vous le souhaitez.

M. Alain Tourret. Vous vous expliquerez sur ce point. Vous appartenez à une famille qui a eu des responsabilités gouvernementales. On verra l’utilisation qu’elle a pu faire de ces fonds.

M. Olivier Marleix. C’est une mise en cause personnelle !

M. Alain Tourret. Pendant la période, disais-je, où M. Guéant dirigeait le cabinet du ministre de l’intérieur, M. Sarkozy, les archives ont été détruites.

Les quatre enquêteurs désignés par l’inspection générale de l’administration et l’inspection générale de la police nationale ont entendu très exactement quarante et une personnes, c’est-à-dire tous les principaux responsables de la police nationale et du ministère de l’intérieur entre 2002 et 2007.

Il a pu être établi que les frais d’enquête et de surveillance de la police avaient été utilisés à d’autres fins que celles pour lesquelles elles ont été créées. En effet, selon les instructions de la direction générale de la police nationale, les frais ne peuvent être utilisés que pour les missions suivantes : recueil de renseignements et rémunération d’informateurs ; acquisition de matériels ou mise à disposition de moyens d’investigation ; défraiement de fonctionnaires actifs dans le cadre de leurs missions d’investigation ; remise d’une gratification exceptionnelle à des fonctionnaires ayant accompli leur mission dans des conditions particulièrement difficiles, voire dangereuses.

Selon les témoignages recueillis par la mission, des versements de la DGPN vers le cabinet du ministre de l’intérieur, de l’ordre de 10 000 euros mensuels, ont été remis au directeur de cabinet du ministre entre l’été 2002 et l’été 2004. Ainsi, 240 000 euros ont été remis en espèces par M. Michel Gaudin, directeur général de la police nationale…

M. Olivier Marleix. Invention !

M. Alain Tourret. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est un rapport officiel.

M. Olivier Marleix. 240 000 euros ? Jamais !

M. Alain Tourret. Pardon, 10 000 euros par mois entre l’été 2002 et l’été 2004, soit pendant vingt-quatre mois, cela fait 240 000 euros ! Je n’y peux rien.

M. Olivier Marleix. Pas vingt-quatre mois, c’est faux !

M. Alain Tourret. Ces 240 000 euros ont donc été remis en espèces par M. Michel Gaudin, directeur général de la police nationale, au directeur de cabinet du ministre de l’intérieur, M. Claude Guéant. Qu’on le veuille ou non, c’est la vérité telle qu’elle apparaît dans ce rapport.

Une telle pratique fut, comble de l’ironie, condamnée le 3 février 1998 par Claude Guéant lui-même.

Nul ne sait actuellement si les 240 000 euros détournés de leur fonction originelle ont été pour tout ou partie retenus par M. Guéant ou remis à des tiers. Certains évoquent des personnels du service de protection, qui pourtant touchent des indemnités particulières de sujétion.

Quelle serait dès lors l’origine des fonds en espèces qui ont permis les achats découverts par les enquêteurs dans l’affaire des fonds libyens ? De deux choses l’une : soit ces fonds, remis par la direction générale de la police nationale à M. Guéant, ont permis à ce dernier d’effectuer les achats dont on a parlé, soit ils ne l’ont pas permis. Se pose en effet la question de savoir comment ces achats ont été financés, puisqu’il apparaît qu’ils ont été effectués en espèces.

Le moins que l’on puisse dire est que tout cela est particulièrement glauque. Il serait bien étonnant que nous n’en sachions pas davantage dans les jours qui viennent. L’histoire s’accélère très vite, mes chers collègues.

Puisqu’il s’agit de la semaine de contrôle de l’action gouvernementale, il m’appartient de faire les observations suivantes sur l’action du Gouvernement dans l’utilisation des espèces et des numéraires dans les cabinets ministériels depuis 2002.

Premièrement, selon le rapport dont j’ai eu connaissance, nul n’a mis en cause le Gouvernement depuis 2012 sur l’utilisation d’espèces dans les cabinets ministériels, en particulier par le ministre de l’intérieur. Je lui en donne acte et je m’en félicite.

Deuxièmement, le ministère de l’intérieur a aussitôt diligenté une enquête confiée à l’IGA et à l’IGPN, dès qu’il a appris que des fonds en espèces avaient été détournés de leur attribution réglementaire. Il a agi rapidement et avec justesse.

Troisièmement, les frais d’enquête et de surveillance sont à l’évidence indispensables pour la rémunération d’informateurs et pour le recueil de renseignements dans le respect de l’article 15-1 de la loi du 21 janvier 1995 et de l’arrêté du 20 janvier 2006. Des comptes rendus réguliers devraient alors être remis, chacun l’admettra, à la DGPN, et les archives être strictement sauvegardées.

Reste le problème posé par la distraction de 240 000 euros, en contravention avec toutes les règles existantes. Il s’agit, à l’évidence, si cela est établi, d’un détournement de fonds publics. Le ministre de l’intérieur, M. Sarkozy, connaissait-il le versement de ces enveloppes et leur utilisation par son plus proche collaborateur, son directeur de cabinet, dont les rapports avec lui étaient, nous le savons tous, fusionnels ?

Si ces fonds ont été redistribués à des tiers, quelle est l’origine de ceux qui ont été découverts au domicile de M. Guéant ? Toutes les hypothèses sont possibles, tant les casquettes de M. Guéant étaient nombreuses. Dans l’affaire Tapie, le Gouvernement a décidé, de manière exemplaire, de se constituer partie civile, de demander l’annulation de la procédure d’arbitrage et le remboursement des fonds versés. Or, l’on retrouve le nom de M. Guéant dans cette affaire.

Monsieur le ministre, le Gouvernement qui, par son ministre de l’intérieur, a saisi M. le procureur de la République, décidera-t-il de se constituer partie civile à l’encontre de M. Guéant ? En tout cas, demandera-t-il le remboursement des fonds ainsi détournés des missions essentielles pour lesquelles ils étaient prévus, à savoir la sécurité de l’État et des personnes ? Ce remboursement est une exigence morale au moment où nous étudions la loi sur la transparence de la vie publique. Dans cette affaire malheureuse, monsieur le ministre, j’attends votre réponse. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.)

M. Olivier Marleix. Applaudissez Fouquier-Tinville !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat, organisé à l’initiative du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, se nourrit de l’actualité politique récente.

En préambule, j’aimerais rappeler que nous pensions avoir laissé derrière nous, en 2002, les enveloppes et autres fonds secrets. Pour mémoire, la pratique généralisée de ces compléments de salaires échappant à tout contrôle et à toute fiscalité avait été normalisée par le gouvernement Jospin en 2001. La traçabilité de ces fonds spéciaux était une nécessité démocratique.

Comme le notait François Logerot, Premier président de la Cour des comptes en 2001, « il apparaissait que les dérogations aux règles budgétaires et comptables qui caractérisent le régime des fonds spéciaux, excédaient ce qui apparaissait strictement nécessaire. » Les rémunérations complémentaires non déclarées et non soumises aux prélèvements sociaux constituaient, selon ses termes, « une irrégularité choquante » d’autant moins admissible qu’elle concernait les serviteurs de l’État. Les rémunérations en numéraire des membres des ministères ont donc été interdites afin que nul ne suspecte plus les services de l’État de dissimulation ou de malversation.

Pourtant, nous apprenons qu’entre 2002 et 2004 au moins, les collaborateurs du ministre de l’intérieur de l’époque bénéficiaient d’une remise d’enveloppes issues des fonds attribués aux frais d’enquête et de surveillance.

L’enquête commandée le 2 mai par M. le ministre de l’intérieur à l’inspection générale de l’administration et à l’inspection générale de la police nationale a ainsi confirmé que les fonds alloués à la DGPN avaient été versés au directeur de cabinet en place à hauteur de 10 000 euros par mois sur une période de deux ans.

Je rappellerai les mots de celui qui fut en 2002 le supérieur direct de M. Guéant en qualité de ministre de l’intérieur : « Voler la sécurité sociale, c’est trahir la confiance de tous les Français et porter un coup terrible à la belle idée, nécessaire, de la solidarité nationale. » Une fois n’est pas coutume, je souscris entièrement à ces propos tenus par Nicolas Sarkozy dans son célèbre discours de Bordeaux sur la fraude sociale.

M. Olivier Marleix. Très bien !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. J’y souscris d’autant plus que, si je comprends bien sa pensée et son propos, à cette indignation s’ajoute probablement, en ce moment même, le sentiment d’avoir été trahi par un de ses proches collaborateurs.

En effet, selon la mission confiée à l’IGA et l’IGPN, les sommes en liquide auraient servi à compléter les indemnités de sujétion particulière des collaborateurs du ministère de l’intérieur. À l’insu de sa hiérarchie, M. Claude Guéant aurait donc, par le versement non déclaré d’enveloppes, transgressé la loi, volé la sécurité sociale et trahit la confiance de tous les Français. Le débat est ouvert sur la vraisemblance de cette hypothèse ; nous devons laisser à la justice le soin d’examiner en toute impartialité les tenants et aboutissants de cette affaire. Il convient de rappeler, ici, la présomption d’innocence ; en tout cas, nul ne peut se substituer au pouvoir judiciaire.

M. Olivier Marleix. M. Tourret le peut !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Pour notre part, nous rappelons toujours ce principe.

Il est ici question de la transparence des rémunérations et de l’utilisation des fonds spéciaux autorisés, en l’occurrence, l’enveloppe attribuée aux frais d’enquêtes et de surveillance. Ces fameux FES sont censés être traçables et, surtout, ils ne doivent en aucun cas servir à une quelconque rémunération défiscalisée. La note les encadrant à l’époque des faits, datée du 3 février 1998, précise qu’en aucun cas ces crédits ne doivent être considérés comme un régime indemnitaire. Ils doivent exclusivement servir dans le cadre de la résolution d’enquêtes nécessitant un engagement financier particulier.

Dans la droite ligne de ce que le gouvernement Jospin avait accompli, nous poursuivons et nous poursuivrons cet effort de traçabilité des fonds publics et de lutte contre des pratiques non respectueuses du droit, dans nos rangs comme dans les rangs de nos adversaires politiques.

Il apparaît, si j’en crois les conclusions de la mission d’enquête, qu’il n’existe à l’heure actuelle aucune traçabilité de l’utilisation de ces fonds ni aucune norme d’archivage ou de classement.

Les récentes déclarations de Claude Guéant expliquant qu’il n’était pas d’usage de déclarer ces rémunérations suscitent des interrogations. L’usage et la coutume ne sont pas la loi, et cette confusion est dommageable à triple titre : politiquement, car elle est susceptible – dans un amalgame facile et connu – de discréditer la parole des élus ; juridiquement, parce que la loi est enfreinte ; moralement, parce que le devoir d’équité et de transparence des rémunérations est susceptible d’être battu en brèche.

C’est encore une fois la légitimité de l’action publique qui souffrira de ces révélations.

Je connais pourtant les qualités de M. Guéant, car il a été préfet de la région Bretagne, fonctions qu’il a exercées, avec une distinction et une compétence unanimement saluées. À l’instar de nombre de mes collègues, je suis choquée, choquée que ce grand serviteur de l’État ait, à l’époque, abandonné, de son propre aveu, la rigueur et l’exigence qui étaient les siennes. Reconnaissons-lui le mérite d’avoir avoué cette pratique et, semble-t-il, de la regretter.

Pour ma part, je m’interroge sur ce qui a pu pousser un homme honorable à considérer comme acceptable de soustraire à l’impôt, c’est-à-dire à la solidarité nationale, et à la collectivité des sommes devant servir à d’autres activités. Est-ce une faute individuelle ? Est-ce un système organisé ? Son supérieur hiérarchique en était-il informé et, si oui, qu’a-t-il fait ? Autant de questions auxquelles il est nécessaire de répondre, non pour stigmatiser, mais pour comprendre et mettre en place des mesures simples, efficaces et évaluables.

Il est de notre responsabilité d’assurer la transparence du fonctionnement de l’État, non par souci d’exemplarité, mais parce qu’il est normal que chaque citoyen puisse avoir connaissance de l’affectation des fonds qu’il nous confie par son vote et que nous utilisons en son nom. Nous nous attelons à restaurer la confiance des Français dans leurs institutions, et nous savons que ce n’est pas simple. C’est la raison pour laquelle il nous importe, aujourd’hui comme depuis le début de notre mandat, de persévérer dans la reconquête d’un honneur qui, s’il n’est pas perdu, s’est fortement écorné.

Sur le sujet qui nous préoccupe précisément, nous pouvons nous appuyer sur le contrôle de l’origine présumée de ces rémunérations et sur leur traçabilité. Les frais d’enquêtes et de surveillance doivent en effet, selon les préconisations de la mission, voir « leur périmètre […] restreint afin de ne couvrir que les cas d’utilisations strictement nécessaires » et, en outre, leur usage « devrait être encadré par un double dispositif de traçabilité et de contrôle ».

Par ailleurs, il apparaît nécessaire d’auditer les dispositifs de contrôle de ces frais, afin qu’ils soient utilisés comme le droit le permet et comme l’éthique l’exige.

Enfin, compte tenu du fait que, selon les rapporteurs, les conditions d’utilisation et les procédures de contrôle de ces fonds ont été considérées comme un outil de management, il importe d’aller au bout de la logique impulsée depuis le mois d’octobre 2012, en limitant strictement l’utilisation des frais d’enquête et de surveillance aux seuls besoins opérationnels des enquêtes et en excluant leur usage pour des gratifications.

Ce débat peut nous permettre de soutenir ces préconisations de bon sens. Il n’en demeure pas moins qu’il nous faut avoir la certitude que ce détournement d’usage et cette soustraction fiscale n’étaient pas un système généralisé mais résultaient d’une situation ponctuelle. Si tel n’était pas le cas, s’il apparaissait que le travail au noir était une organisation courante et assumée dans ce ministère et dans d’autres, il nous faudrait en tirer les conséquences logiques.

Monsieur le ministre, depuis un an, notre majorité travaille à rendre ce pays plus juste. Nous voulons agir sur les conditions non seulement matérielles, mais aussi – c’est indispensable – morales de l’existence de nos concitoyens afin de favoriser leur épanouissement.

Nous débattrons d’ailleurs lundi du projet de loi sur la transparence, qui nous permettra d’aller encore plus loin dans le contrôle et la moralisation de la vie politique. J’espère que la centaine de milliers d’amendements déposés par l’opposition ne visent pas à bloquer l’examen ce texte, qui permettrait d’allouer de nouveaux moyens à la traque de ce type de situations et, ainsi, d’éviter qu’elles ne se reproduisent.

Car l’égalité de tous, riches ou pauvres, puissants ou non, devant la loi et devant le droit doit être réelle, chacun de nos concitoyens devant considérer que la fraude est l’exception et non l’usage, quel que soit le rang qu’il occupe dans la société. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, monsieur l’accusateur public… Par cette interpellation, je veux évidemment souligner le caractère singulier des propos souvent calomnieux de notre collègue Alain Tourret, qui, je crois, enfreignent très directement l’article 71, alinéa 5, de notre règlement intérieur, lequel interdit toute mise en cause personnelle.

Ce débat, on l’a compris, a pour point de départ le fait qu’un ancien directeur de cabinet d’un ministre de l’intérieur a déclaré qu’il avait pu percevoir des primes en liquide entre 2002 et 2004. Cette information a paru invraisemblable à beaucoup qui, de bonne foi sans doute, se sont interrogés sur la subsistance de telles primes en liquide après 2002. Chacun a notamment à l’esprit l’élégante assertion de Mme Bachelot…

Qu’il me soit permis de rappeler que l’objet du scandale, à l’époque, il y a trois mois – époque lointaine –, qui valut à M. Guéant – pourquoi ne pas le citer ? – d’être jeté en pâture à l’opinion publique par une violation fort à propos du secret de l’instruction, c’était qu’il ait pu acheter une machine à laver et d’autres objets ménagers en payant en espèces, sommes présumées, selon des affirmations purement diffamatoires, provenir du financement occulte et exotique d’une campagne présidentielle en 2007.

On relève au passage ce qu’il y a de grotesque à imaginer que M. Guéant ait pu conserver des factures de ses achats en liquide s’il avait voulu dissimuler ces sommes ! Un seul journaliste, à ma connaissance, a relevé le caractère contradictoire de cette accusation grotesque.

Le point de départ de notre débat de ce jour, ce sont donc les déclarations même de M. Guéant, expliquant qu’il ne fallait pas fantasmer sur de prétendus financements libyens et que ses achats en liquide provenaient simplement de primes perçues au ministère de l’intérieur.

Je rappelle précisément les propos tenus par M. Guéant sur France 2 : « Cela vient des primes payées en liquide. Elles n’ont pas été déclarées car ce n’était pas l’usage. A posteriori, on s’est dit que c’était anormal. D’ailleurs ça a été modifié. » « Il y avait deux régimes », a précisé M. Guéant : « un régime général sur fonds dits secrets, auquel de façon générale il a été mis un terme en 2002, et, pour ce qui est du ministère de l’intérieur, il existait un régime spécifique de primes concernant des milliers de personnes. Quand vous avez plusieurs milliers de fonctionnaires qui bénéficient de ce système, vous ne le changez pas du jour au lendemain ».

Les propos de M. Guéant ont donc légitimement appelé vérification. C’est l’objet de notre débat, et du rapport commandé par M. le ministre de l’intérieur à l’inspection générale de la police nationale et à l’inspection générale de l’administration du ministère de l’intérieur.

Que dit le rapport des inspections générales ? Eh bien, il confirme, de façon très exacte, la version de M. Claude Guéant.

Oui, il existe bien au ministère de l’intérieur un régime de primes spécifiques baptisé « frais d’enquête et de surveillance » et versé en liquide à plusieurs centaines, voire plusieurs milliers, de fonctionnaires. Et, oui encore, si le ministère de l’intérieur a, comme tous les ministères, cessé le versement de primes en liquide spécifiques aux membres de cabinet au mois de janvier 2002, en revanche, le versement des frais d’enquête a continué longtemps après, et ces frais continuent d’être versés, au titre de pratiques diverses, à hauteur de près de dix millions d’euros par an.

Sur le fait que le cabinet du ministre de l’intérieur ait pu bénéficier de ces frais d’enquête après 2002, le rapport des inspections générales est très clair, reconnaissant que cela n’a existé, comme l’a dit M. Guéant, que de façon transitoire, « entre l’été 2002 et, au plus tard, l’été 2004 » – je cite là le rapport, page 19. Les additions de M. Tourret sont pure création, pure spéculation.

Le rapport indique très clairement qu’il s’agissait d’un tuilage, comme on dit en termes budgétaires, d’une transition, et il explique pourquoi : avant 2002, le cabinet du ministre de l’intérieur cumulait le régime des primes de cabinet en liquide de Matignon et le régime des frais d’enquête. Ainsi est-il précisé, page 19, qu’« avant l’entrée en vigueur de la réforme des primes de cabinet au 1er janvier 2002, une partie des crédits [de frais d’enquête] permettait de compléter l’enveloppe des “indemnités de cabinet” mise à disposition par le cabinet du Premier ministre ».

Cet extrait est très intéressant parce que, manifestement, les inspecteurs généraux ont, sur ce point, des informations plus précises que celles de M. Vaillant, qui a déclaré : « Je n’imagine pas que des frais de police aient servi au cabinet du ministre, ou alors ça aurait été une pratique nouvelle ». J’observe, cher collègue Tourret, que MM. Vaillant et Bergougnoux, alors directeur général de la police nationale, n’ont pas laissé grand-chose, en termes d’archives, à leur départ.

On peut imaginer – mais c’est une simple supposition de ma part – que c’était particulièrement le cas pour ceux des membres du cabinet qui venaient de la direction générale de la police nationale, qui exerçaient des fonctions en matière de police et qui demandaient juste le maintien des avantages acquis, a fortiori dans des fonctions au cabinet du ministre mais toujours opérationnelles en matière de sécurité, ce que vous omettez complètement dans votre raisonnement, cher collègue Tourret.

Ce qu’un passage du rapport, que vous avez sciemment totalement omis, explique très clairement, c’est que si ces versements de frais d’enquête ont perduré entre 2002 et 2004, c’est parce que, lorsque Matignon a supprimé les primes en argent liquide, il n’a compensé que la partie correspondant aux crédits provenant précédemment des fonds secrets de Matignon, et non les frais d’enquête dont les crédits étaient déjà gérés par le ministère de l’intérieur, ce qui est assez logique.

Je cite très scrupuleusement la page 19 de ce rapport, que vous n’avez évidemment pas citée, monsieur Tourret : « Il semble que la dotation initiale du ministère de l’intérieur au titre de l’indemnité pour sujétions particulières des cabinets ministériels ait été relativement sous-évaluée par rapport aux dotations en numéraire de la période précédente (indemnités mises à dispositions par le cabinet du Premier ministre et prélèvement sur les FES) et qu’elle ait été, pendant deux à trois ans, complétée par des versements en provenance des FES, à hauteur d’environ 10 000 euros par mois remis au directeur de cabinet ». Personne ne dit qu’il en est l’unique bénéficiaire.

Le rapport étaye cette explication de bon sens – loin des fantasmes que certains, au sein même de notre assemblée, se plaisent à diffuser – d’un tableau qui montre qu’effectivement, le ministère de l’intérieur n’avait été doté, en 2002, au titre des nouvelles primes de cabinet légales que de 434 783 euros, sa dotation annuelle moyenne sur dix ans étant d’environ 1,6 million d’euros par an. Il n’avait donc été doté qu’à hauteur d’un quart du besoin ! Le rattrapage se poursuivra progressivement, la dotation atteignant 939 000 euros en 2003, 1 million d’euros en 2004 et 1,3 million d’euros en 2005. Les frais d’enquête ont donc, de façon très temporaire, très transitoire, permis un tuilage budgétaire.

Et, tout naturellement, loin des fantasmes, l’usage des frais d’enquête disparaît en 2004, lorsque le ministère dispose d’une enveloppe de primes de cabinet correspondant au montant alloué avant 2002, soit environ 1,6 million d’euros – je crois que c’est toujours ce montant qui est alloué au cabinet du ministre de l’intérieur.

Non seulement le rapport des inspections générales accrédite, conforte, corrobore les déclarations de Claude Guéant, mais il nous en offre même une explication parfaitement claire pour qui, toutefois, veut bien se donner la peine de le lire pour y trouver les réponses aux questions qu’il se pose plutôt que de se délecter dans la calomnie. Comme l’a dit Condorcet, la vérité appartient à ceux qui la cherchent.

Si cela est clair, cela est-il légal pour autant ?

Ces frais d’enquête obéissent à un régime réglementaire relativement précis qui a été défini, à trois reprises, par décret : en 1926, en 1945 et, plus récemment, en 1993.

L’article 4 du décret du 15 juin 1926 définit les frais d’enquête et de sûreté générale comme « toutes les autres dépenses que celles entrant dans la catégorie des frais de missions que le fonctionnaire peut être appelé à engager pour l’exécution de la mission qui lui est confiée ».

Ceux qui contestent la légalité du versement d’une telle prime à des membres du cabinet du ministre de l’intérieur entre 2002 et 2004 doivent donc accepter d’en contester le versement à plusieurs centaines, voire milliers de fonctionnaires. Je le dis très clairement : ce n’est pas mon cas.

Et qui peut sérieusement, à part notre collègue Tourret, contester que le cabinet du ministre de l’intérieur de l’époque, et, singulièrement, son directeur, qui avait été choisi parce qu’il avait été un grand préfet – je remercie notre collègue socialiste de l’avoir rappelé – et un grand directeur général de la police nationale, aient été impliqués, de façon très opérationnelle, très personnelle, dans un grand nombre de dossiers d’enquête, comme la traque de l’assassin du préfet Érignac, suivie quotidiennement, en direct – les journaux s’en faisaient l’écho – par ledit cabinet, ou celle d’Antonio Ferrara ou l’identification des membres du groupe AZF ?

À l’assertion de Mme Bachelot, ce rapport, commandé par M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur, apporte aujourd’hui un double démenti, à qui, toutefois, veut bien se donner la peine de le lire.

Dernière question qui peut intéresser notre assemblée, et sur laquelle les avis seront sans doute partagés : un système de circulation d’argent liquide au sein des services de police est-il justifié, en 2012, dans notre pays ? Chacun a semblé s’étonner de découvrir ce système lorsque Claude Guéant en a parlé, la presse a relayé surtout les déclarations de ceux qui ont dit ne jamais en avoir entendu parler. C’est intéressant mais, étrangement, on a moins entendu ceux qui ont pratiqué et connu de près ce dispositif !

Peut-être, pourrez-vous, monsieur le ministre des relations avec le Parlement, nous éclairer, maintenant que le Gouvernement connaît ces primes, et nous dire combien de fonctionnaires au total en bénéficient ? J’attends votre réponse.

Une telle régie d’avances est-elle justifiée ? Notre réponse est oui. Nous devons l’assumer, car c’est nécessaire à l’exercice des missions de police, même s’il n’est pas interdit de rechercher une meilleure garantie de l’usage de ces fonds.

Le rapport de l’IGA et de l’IGPN est, à cet égard, instructif. Il donne ainsi des exemples de gestion rigoureuse, notamment celle de la DCRI, qui est si souvent l’objet de fantasmes, y compris sur nos bancs. L’IGPN elle-même – c’est assez savoureux – avoue dans ce rapport n’avoir tenu jusqu’en 2012 qu’une comptabilité pour le moins sommaire.

Oui, les fonctionnaires de police, dans leurs missions de surveillance et d’enquête, ont besoin de recourir à une régie qui leur permette d’agir sans délai et sans les contraintes de la comptabilité publique ! Alain Tourret, cher collègue, laissez-moi vous dire que cela ne me semble pas plus condamnable que le fait pour le maire d’une grande ville ou pour le président d’un conseil général ou régional de disposer d’une carte de crédit lui permettant de dépenser sans contrôle a priori des fonds de la collectivité locale.

On imagine mal, par exemple, qu’un fonctionnaire de police faisant une filature soit obligé d’aller chercher un bon à chaque fois qu’il doit sauter dans un taxi, ou – pire – avance l’argent de sa poche ! Cela a malheureusement pu être le cas à une certaine époque.

Je n’admets pas la légèreté avec laquelle M. Le Roux, président du groupe socialiste, a évoqué un remake du film Les Ripoux. De tels propos sont indignes, qu’ils s’adressent aux fonctionnaires du ministère de l’intérieur en général, ou à Claude Guéant en particulier. La calomnie, la rumeur, l’insinuation permanente ne pourront pas être pendant cinq ans une méthode de gouvernement. Les Français attendent du pouvoir en place qu’il règle leurs problèmes, pas qu’il règle ses comptes !

En fin de compte, ce rapport ne dit rien d’autre que ce que M. Guéant lui-même a dit dès le départ : il existe bel et bien un régime de primes en liquide, d’un montant de 10 millions d’euros, au ministère de l’intérieur. Je veux bien que l’on s’émeuve, aujourd’hui, dix ans après, que ces primes aient continué à bénéficier à quelques membres de cabinet pendant une situation transitoire ayant duré deux ans, probablement pour des raisons de marchandage budgétaire entre Matignon et le ministère de l’intérieur. Mais qu’il me soit permis de rappeler une chose : ceux qui ont exigé à partir de 2002 un système plus blanc que blanc avaient gouverné pendant cinq ans sous l’autorité de Lionel Jospin, au cœur d’un système plus gris !

Toute une génération d’hommes et de femmes politiques, dont certains exercent aujourd’hui de très hautes responsabilités, a été formée au cours des années 1980, dans des cabinets ministériels ou à la présidence de la République où circulait de l’argent non déclaré, sans que quiconque cherche pour autant à mettre en cause aujourd’hui leur probité personnelle. La réalité, mes chers collègues, est souvent beaucoup plus banale que ne voudraient ceux qui cherchent à exciter les passions populaires.

Certes, il peut y avoir le temps de l’emballement médiatique, qui est d’ailleurs parfois nécessaire à la manifestation de la vérité. Mais, dès lors que la vérité est connue de tous, comme elle l’est aujourd’hui grâce à ce rapport, acceptons-la pour ce qu’elle est, même si elle est banale : notre démocratie n’a rien à gagner à entretenir des fantasmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’exigence citoyenne de transparence, de probité et de décence dans les rémunérations du personnel politique, conçu au sens large, n’a sans doute jamais été aussi forte dans notre pays. Et, dans le même temps, jamais sans doute nos concitoyens n’ont été aussi dubitatifs, aussi peu confiants, devant les tentatives d’encadrer et de moraliser les rapports entre l’argent et la vie politique, et devant les mesures prises pour lutter contre les conflits d’intérêts.

Ces deux phénomènes, conjugués, sont potentiellement explosifs. Ils sapent en effet le pacte républicain qui est fondé sur la confiance entre les citoyens et leurs représentants. Cela doit nous amener à faire preuve de retenue et de précision dans nos prises de parole.

Nous ne sommes pas ici ce soir pour jeter l’anathème sur les collaborateurs ministériels, qui sont indispensables au bon fonctionnement de nos institutions, font preuve d’un engagement et de compétences la plupart du temps remarquables. Les errements et la légèreté avec laquelle quelques-uns d’entre eux se sont conduits par le passé ne doivent pas nous conduire à les clouer au pilori au cours de nos débats.

Nous ne sommes pas plus réunis ici pour répandre l’idée que la classe politique française serait, dans son ensemble, corrompue ou corruptible. Nous sommes réunis ici pour faire évoluer les pratiques, les comportements, au moyen de la loi et de la réglementation, afin que le soupçon recule et que les fautes commises soient poursuivies et sanctionnées. C’est dans cet esprit que les écologistes abordent ce débat : sans démagogie populiste, mais avec lucidité, et avec la volonté déterminée de mettre fin aux conflits d’intérêts, patents ou potentiels.

Notre discussion est inspirée – j’allais dire imposée – par des révélations qui révulsent nombre de nos compatriotes et les poussent à s’interroger. Ces révélations ont montré la persistance, entre 2002 et 2005, de versements en liquide au cabinet du ministre de l’intérieur de l’époque, à hauteur de 10 000 euros par mois et au titre de frais d’enquêtes et de surveillance. Cela a de quoi révolter.

Mais je ne crois pas qu’il soit utile, et encore moins fructueux, que notre assemblée se contente de commenter de tels faits. La justice en est saisie : qu’elle fasse son travail. L’administration en est consciente : qu’elle en tire les conséquences.

M. Alain Marleix. Très bien !

Mme Véronique Massonneau. Non, nous ne sommes pas réunis ici pour commenter, mais pour réparer. Nous devons préparer les mesures qui mettront fin aux dysfonctionnements constatés, et feront le jour sur d’autres sources de dysfonctionnements.

Notre débat, ce soir, ne peut donc pas être disjoint de l’examen des textes sur la moralisation de la vie politique que nous aborderons prochainement. Et en ces domaines, le maître mot des écologistes, notre boussole, c’est la transparence. La transparence n’est certes pas tout, mais elle est la condition de tout le reste, car la méfiance, voire la défiance, de nos concitoyens se nourrit de l’opacité. C’est par la transparence que nous commencerons à repriser le tissu républicain, distendu et usé par les trop nombreuses affaires qui rythment notre vie publique.

Lorsqu’on veut imposer une règle, pour être crédible, pour être légitime, il faut se l’appliquer à soi-même. La transparence doit porter sur la situation personnelle des élus, leur patrimoine, leurs revenus, l’utilisation qu’ils font de leurs frais de fonctionnement, l’identité de leurs collaborateurs, leur réserve parlementaire : nous avons déjà dit ce que nous en pensons. Nous nous sommes, pour notre part, appliqué ces règles à nous-mêmes. Lors de l’examen de ces textes en séance, les écologistes évoqueront à nouveau les points sur lesquels les travaux de la commission ont abouti à des reculs.

L’exigence de transparence doit s’appliquer aux élus, aux ministres, mais aussi – j’y viens – aux collaborateurs ministériels. Ce qu’il nous faut combattre, c’est l’opacité qui règne sur le nombre, la qualité, le passé professionnel des collaborateurs des ministres, mais aussi leurs parcours postérieurs à leurs fonctions au sein des cabinets ministériels. Il nous faut aussi combattre l’opacité – puisqu’on nous y invite ce soir – qui prévaut quant à leurs conditions de rémunération.

Je salue l’attitude du Gouvernement, et plus particulièrement celle du ministre de l’intérieur, qui ont commandé un rapport dès que des doutes sont apparus suite aux révélations sur le cas spécifique de Claude Guéant, afin de faire la lumière sur cette affaire singulière. Cette attitude tranche heureusement avec le passé. Les conditions de publication des informations sur la composition des cabinets ministériels et la rémunération de leurs membres ont également évolué vers plus de transparence. Bref, nous avançons dans notre quête de la transparence, mais nous ne sommes pas au bout du chemin !

Depuis que Lionel Jospin a décidé de mettre fin à la pratique détestable des fonds secrets, depuis que l’administration a précisé les conditions d’utilisation des frais d’enquête et de surveillance du ministère de l’intérieur, il n’y a plus de doute sur la conduite à tenir : tout versement en liquide non déclaré à des membres de cabinets ministériels est une aberration. De ce point de vue, j’aurais tendance à dire de manière un peu provocante que le versement de primes en liquide à des membres de cabinets ministériels ne se débat pas : il se combat.

Si notre débat, ce soir, consiste à s’envoyer à la figure des nombres ou des noms de conseillers ministériels, alors il ne servira à rien. Mais s’il permet de poser quelques questions qui nourriront nos prochains travaux législatifs, alors il sera utile. Il ne s’agit pas seulement de se demander qui est concerné, ni combien de collaborateurs compte un cabinet, ni à quelle hauteur ils sont rémunérés : il s’agit avant tout de savoir comment assurer l’indépendance de ces collaborateurs dans l’exercice de leurs fonctions, comment les mettre à l’abri des situations de conflits d’intérêts.

Nous avons tous appris récemment les assauts d’attention de l’industrie du tabac envers certains d’entre nous, mais également auprès de collaborateurs ministériels ou de hauts fonctionnaires. L’Assemblée et le Sénat ont imaginé des dispositifs, sans doute perfectibles, en matière de groupes d’intérêts : création de postes de déontologues, mise en place de conditions d’accès spécifiques, tenue d’un registre… Ne pourrait-on étendre cette logique aux services de l’État et aux collaborateurs ministériels ? Voilà une question qui méritera qu’on s’y arrête.

De même, à notre sens, la question des trajectoires professionnelles doit être réexaminée. Les dispositions actuellement en vigueur en matière de réorientation professionnelle à la sortie d’un cabinet ministériel sont-elles suffisantes ? Je ne le crois pas. Le débat que nos collègues ont décidé de provoquer ce soir est donc beaucoup plus vaste que la simple question qu’il est censé recouvrir. Il doit être permanent, et irriguer les travaux que nous mènerons lors des débats législatifs à venir.

Nous ne pouvons que nous réjouir de voir enfin ces questions sur la table. J’espère que le Gouvernement reprendra à son compte les deux pistes d’action que je viens d’évoquer : la réglementation des lobbys d’une part, et celle des trajectoires professionnelles des collaborateurs ministériels, d’autre part. Mais n’oublions pas une chose : le vrai rendez-vous, sur ces questions essentielles de transparence et de moralisation de notre vie politique, ce n’est pas ce débat. Le vrai rendez-vous, ce sera celui des modifications législatives que nous examinerons dès la semaine prochaine et qui devront prendre en compte la question des cabinets ministériels.

Le vrai rendez-vous, ce sera celui de l’action. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, RRDP et UMP.)

Mme la présidente. La dernière oratrice inscrite dans ce débat n’est pas présente dans l’hémicycle.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je dois avouer que ce débat me laisse un sentiment étrange : nous sommes quelque part entre ce film américain des années 1980, Retour vers le futur, de Robert Zemeckis, et Le Temps Retrouvé, dernier tome de la Recherche du temps perdu de Marcel Proust.

M. Paul Giacobbi. Très bien !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Par un étrange mécanisme, scientifique ou cérébral, nous voilà en effet revenus près de onze ans et demi en arrière, en cette séance du 14 novembre 2001 au cours de laquelle l’Assemblée nationale a décidé, en adoptant l’amendement n° 110 du Gouvernement, de mettre un terme à une pratique ancienne et archaïque : la rémunération des membres des cabinets ministériels au moyen de primes en liquide défiscalisées.

À l’époque, d’ailleurs, l’essentiel des discussions avait porté non sur la suppression de ces primes, mais sur les modalités du contrôle parlementaire de l’utilisation des fonds spéciaux liés à la sécurité intérieure et extérieure. Personne, bien sûr, n’avait défendu l’idée d’une rémunération en liquide des membres des cabinets ministériels. Personne ne l’a défendue et pourtant, jusqu’à Lionel Jospin, personne n’avait osé remettre en cause une pratique que Chateaubriand évoquait déjà au début du XIXe siècle.

M. Sylvain Berrios. Tout cela ne fait pas très spontané !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Pourtant, comme l’expliquait alors Florence Parly, secrétaire d’État au budget, « il serait vain de dresser la liste de tous ceux qui, ayant exercé des fonctions ministérielles, se sont en quelque sorte sentis mal à l’aise avec cette question. » Et de poursuivre : « La force de l’habitude, le poids de la coutume, les contraintes de circonstance ont conduit à ce que s’impose cette fin de non-recevoir : ça a toujours été comme ça !

« Mais la démocratie, notre République ne peuvent plus s’accommoder », disait-elle, « de ces mauvaises habitudes d’un autre âge, car elles portent toutes deux une exigence, qui consiste par principe à ne jamais s’en remettre à l’ordre des choses lorsqu’un simple regard suffit à s’étonner d’une situation. » Dans ce domaine comme dans bien d’autres, le gouvernement de Lionel Jospin n’a pas souhaité s’en remettre à l’ordre des choses.

Alain Tourret a évoqué les circonstances de l’époque. Je les rappellerai à mon tour.

Déjà, à l’époque, on s’était interrogé sur des paiements en argent liquide ; il s’agissait alors de billets d’avion ou d’autres achats. Lionel Jospin avait alors demandé à François Logerot, Premier président de la Cour des comptes, un rapport sur le régime des fonds spéciaux. Ce rapport était sans appel sur les rémunérations en argent liquide : « La distribution de rémunérations complémentaires non déclarées à l’administration fiscale et ne supportant pas les prélèvements sociaux, du fait qu’elles sont versées en espèces provenant des comptes de fonds spéciaux, n’apparaît plus seulement comme un privilège anachronique mais toléré ; elle constitue une irrégularité choquante dès lors qu’il s’agit de compléments de rémunérations versés à des agents publics sur fonds publics en dehors de toutes règles et de tous contrôles. »

Le Gouvernement avait alors fait siennes les conclusions du rapport et procédé à la budgétisation de l’ensemble des rémunérations des cabinets ministériels sur ce que l’on appelait à l’époque des chapitres et non des programmes – la LOLF n’étant pas encore en vigueur. Ainsi, à partir du 1er janvier 2002, plus aucune rémunération en liquide n’était versée aux membres de cabinets ministériels. Et le Gouvernement que je représente aujourd’hui respecte naturellement scrupuleusement cette interdiction si évidente qu’il est difficile d’imaginer qu’il en soit allé autrement un jour.

J’en viens maintenant au cas particulier du ministère de l’intérieur et, plus précisément, à la question des frais d’enquête et de surveillance sur lesquels je souhaite vous apporter des éléments utiles à la compréhension de tous. Je tiens, en premier lieu, à clarifier les choses. Il y a deux sujets bien distincts qu’il s’agit de ne pas confondre : d’une part, les frais d’enquête et de surveillance et, d’autre part, les primes de cabinet. Je m’arrêterai tout d’abord sur les frais d’enquête et de surveillance.

Le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, a saisi, le 2 mai 2013, l’inspection générale de l’administration, en lien avec l’inspection générale de la police nationale, afin que soient apportées des précisions en matière d’usage des frais d’enquête et de surveillance. Le rapport a été remis au ministre le lundi 10 juin et je me fonderai sur celui-ci pour vous répondre.

Permettez-moi de m’arrêter quelques instants sur la base juridique de ces frais d’enquête et de surveillance. Ils ont été institués par l’article 4 du décret du 15 juin 1926, complété par la loi du 9 mars 2004 concernant la rétribution des informateurs. Les modalités de règlement des crédits affectés à ces frais sont précisées par le décret du 5 novembre 1993 et les modalités de ces rétributions ont été précisées par un arrêté conjoint des ministres de l’intérieur, de la défense, de la justice et du budget, en date du 20 janvier 2006. Ces versements ne sont donc pas nouveaux, ils ne sont pas secrets et ils ont une base juridique à la fois législative et réglementaire, ainsi que budgétaire. Néanmoins, se pose la question légitime de leur usage.

Des instructions ont été données, au moins depuis 1994, concernant leur utilisation. Je peux ainsi vous citer la circulaire ministérielle du 14 février 1994 relative à la réforme des modalités de paiement des frais d’enquête et de surveillance, la circulaire ministérielle du 8 avril 1994 ou encore la note du directeur général de la police nationale du 3 février 1998 précisant les modalités de leur utilisation.

Ces fonds sont utiles. Il ne convient pas de les remettre en cause ici. Concrètement, ils sont destinés aux services de police dans un objectif d’efficacité et de discrétion dans leurs missions. Ils permettent notamment de recueillir des renseignements, de rémunérer des informateurs, d’acquérir du matériel ou de mettre à disposition des moyens d’investigation. Plus largement, ils visent à couvrir des frais ne pouvant être assurés dans le cadre des procédures administratives et comptables habituelles, que ce soit du fait de l’urgence ou de la confidentialité nécessaire. Tout le monde comprendra qu’un policier en filature ne peut payer le restaurant ou sa chambre d’hôtel avec la carte de crédit du ministère de l’intérieur.

Le rapport en question fait un certain nombre de recommandations concernant ces fonds. Manuel Valls a décidé, lundi, de les suivre toutes et de poursuivre ainsi le travail de rationalisation et de traçabilité engagé par le directeur général de la police nationale dès octobre dernier. Celui-ci, depuis la fin de l’année 2012 et dans le cadre de la notification des enveloppes pour 2013, a en effet mis en œuvre deux types d’action.

Tout d’abord, les règles d’utilisation ont été rappelées avec précision à chacun des directeurs et chefs de services actifs de la police nationale gestionnaires de ces frais ainsi qu’au préfet de police. Par ailleurs, par le biais d’une note relative au bilan d’exécution de l’utilisation des FES, le directeur général de la police nationale a mis en place un mécanisme de justification de l’emploi de ces crédits. Enfin, une note du directeur général de la police nationale a précisé que les dotations seront fixées par quadrimestre et non pour l’année globale, permettant ainsi des ajustements.

Le rapport de la mission préconise d’aller plus loin. Le ministre de l’intérieur a été clair : il a demandé à la direction générale de la police nationale de traduire dans les faits, et dans les meilleurs délais, l’ensemble des recommandations. En effet, sans remettre en cause l’utilité de ces fonds indispensables aux activités d’investigation, le ministre de l’intérieur s’est engagé à ce que soit mis définitivement un terme à certaines pratiques indemnitaires.

Je peux donc vous annoncer que l’usage des frais d’enquête et de surveillance sera strictement limité aux seuls besoins opérationnels. Les indemnisations ou gratifications versées aux fonctionnaires de police ne pourront être versées qu’à partir des crédits prévus à cet effet. Par ailleurs, la base juridique qui encadre l’usage des frais sera précisée. Enfin, un dispositif de traçabilité et de contrôle interne de l’usage des fonds sera mis en œuvre – il permettra un examen annuel mené sous le contrôle de l’inspection générale de la police nationale et de l’inspection générale de l’administration.

Comme vous pouvez le constater, la démarche engagée vise à assurer une meilleure traçabilité de ces fonds, un encadrement strict de leur usage et un contrôle rigoureux et périodique.

Pour ce qui concerne les primes de cabinet, l’argent liquide a été remplacé, depuis janvier 2002, par des virements du Trésor public. Le secret a laissé place à la transparence et aux déclarations fiscales.

Auparavant, au ministère de l’intérieur, les primes de cabinet, qui s’étendent aussi à l’ensemble du personnel travaillant pour le cabinet, avaient une double origine : les fonds issus de Matignon, d’une part, et les frais d’enquête et de surveillance, d’autre part.

À partir de janvier 2002, il n’y a plus eu de prélèvements sur les frais d’enquête. Les choses ont été clarifiées et il est établi que partout, y compris au ministère de l’intérieur, la réforme engagée par le Premier ministre s’appliquait.

Le rapport de l’IGA indique ainsi que le versement de ces fonds a cessé en janvier 2002, conformément aux nouvelles règles fixées par Matignon. Le rapport souligne que, « de janvier à mai 2002 puis à partir de l’été 2004 et jusqu’à aujourd’hui, les témoignages recueillis par la mission vont tous dans le même sens d’une absence de versements de la direction générale de la police nationale vers le cabinet du ministre de l’intérieur ».

Néanmoins, le rapport montre qu’après le changement de Gouvernement en mai 2002, le nouveau directeur de cabinet du ministre de l’intérieur s’est vu remettre des versements en provenance des frais d’enquête et de surveillance à hauteur de 10 000 euros par mois.

Sur ce point, bien que la mission constate l’absence d’archives détaillées, le rapport de l’IGA, en lien avec l’IGPN, est clair : « Les témoignages recueillis par la mission permettent de considérer qu’il y aurait eu des versements de la direction générale de la police nationale vers le cabinet du ministre de l’intérieur, de l’ordre de 10 000 euros mensuels remis au directeur de cabinet du ministre, à partir de l’été 2002 et au plus tard jusqu’à l’été 2004. [...]. »

M. Olivier Marleix. Le rapport indique pourquoi !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Par conséquent, des questions légitimes se posent concernant l’utilisation des frais d’enquête et de surveillance de l’été 2002 jusqu’à l’été 2004.

M. Olivier Marleix. Le rapport dit pour quelles raisons !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Mais vous comprendrez que c’est maintenant à Claude Guéant d’apporter des réponses, non au Gouvernement.

M. Olivier Marleix. Vous pourriez citer le rapport sur ce point !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Nous répondons ici à vos interrogations dans un esprit de responsabilité.

Ce débat n’a pas à se substituer au travail de la justice.

M. Olivier Marleix. Vous tronquez le rapport !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. À cet égard, le ministre de l’intérieur a décidé de transmettre l’intégralité du rapport au procureur de la République de Paris. Le débat sur une éventuelle constitution de partie civile est donc aujourd’hui prématuré. Attendons de voir quelles suites judiciaires le parquet entend donner ou non à ces éléments ; parquet auquel, je vous le rappelle, le Gouvernement ne donne aucune instruction ni au sujet de ce dossier ni au sujet d’aucun autre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Olivier Marleix. Est-ce bien le cas pour l’affaire Strauss-Kahn ?

Mme la présidente. Le débat est clos.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, lundi 17 juin à seize heures :

Discussion du projet de loi organique et du projet de loi relatif à la transparence de la vie publique.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-deux heures quarante.)