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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session extraordinaire de 2010-2011

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 5 juillet 2011

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Catherine Vautrin

1. Questions au Gouvernement

Affaire Asia Bibi

M. Claude Leteurtre

M. Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

La flotille de Gaza

M. Patrick Braouezec

M. Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

Rapport sur les rythmes scolaires

Mme Marguerite Lamour

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Retraites

M. Régis Juanico

Mme Nadine Morano, ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle

Aide aux vacances pour les plus modestes

Mme Pascale Got

Mme Claude Greff, secrétaire d’État chargée de la famille

Priorités de la présidence polonaise de l'Union européenne

M. Frédéric Reiss

M. Jean Leonetti, ministre chargé des affaires européennes

Centrale de Fessenheim

M. Francis Hillmeyer

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement

Hébergement d’urgence

M. Daniel Vaillant

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement

Poursuite de l’effort pour la rénovation urbaine

M. Gérard Hamel

M. Maurice Leroy, ministre de la ville

Logement social

M. Alain Rousset

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement

Campus d’excellence dans le cadre du grand emprunt

M. Jean-Philippe Maurer

M. Laurent Wauquiez, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche

Dette grecque

Mme Marietta Karamanli

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

Accompagnement des soldats blessés en Afghanistan

M. Yves Fromion

M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Suppression de concours dans l’éducation nationale

Mme Marie-Lou Marcel

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Assouplissement des normes handicap

M. Paul Jeanneteau

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

2. Organisation de la médecine du travail

Explications de vote

Mme Anny Poursinoff, M. Francis Vercamer, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Alain Vidalies

Vote sur l’ensemble

Présidence de M. Jean-Pierre Balligand

3. Projet de loi de finances rectificative pour 2011

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, rapporteur de la commission mixte paritaire

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission mixte paritaire

Motion de rejet préalable

Mme Anny Poursinoff

M. Christian Eckert, M. Jean-François Mancel

Discussion générale

M. Pierre-Alain Muet

M. Roland Muzeau

M. Yves Censi

M. Christian Eckert

M. Yves Vandewalle

M. Charles de Courson

Mme Valérie Pécresse, ministre

Texte de la commission mixte paritaire

Amendements nos 5 rectifié, 4, 1, 2, 3

Explications de vote

M. Pierre-Alain Muet, M. Charles de Courson

Vote sur l’ensemble

4. Régulation du système de distribution de la presse

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mme Michèle Tabarot, présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

Discussion générale

M. Michel Herbillon

5. Modification de l'ordre du jour

6. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Affaire Asia Bibi

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Claude Leteurtre. Ma question, à laquelle j’associe François Rochebloine et l’ensemble du groupe Nouveau Centre, s’adresse à M. Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération auprès du ministre des affaires étrangères.

Je voudrais, monsieur le ministre, vous parler d’une femme condamnée à mort par pendaison en novembre 2010 dans son pays, le Pakistan. Elle s’appelle Asia Bibi. Elle a quarante ans et quatre enfants. Quel crime a-t-elle commis ? Catholique, elle a puisé avec son gobelet de l’eau dans un puits. Aussitôt, elle a été accusée de l’avoir souillé ; parce qu’elle n’a pas renié sa foi, elle a été accusée de blasphème et jetée en prison.

Depuis 1986, date de publication de la loi sur le blasphème, plus de mille condamnations ont été prononcées contre des Pakistanais de toutes religions. Des voix se sont élevées au Pakistan pour défendre Asia Bibi et demander une réforme de cette loi sur le blasphème : celle du gouverneur du Pendjab – il a été assassiné le 4 janvier 2011 ; celle du ministre fédéral des minorités religieuses – lui aussi a été assassiné, le 2 mars dernier.

Asia Bibi attend son jugement en appel. Mais quel que soit le résultat, elle ne peut plus vivre dans son pays. Elle risque d’y être assassinée, en prison ou après sa libération. Cette affaire n’est pas le conflit d’une religion contre une autre. Elle illustre un drame, celui d’une loi qui bafoue les droits fondamentaux et qui n’est pas digne de ce grand pays.

Il s’agit non pas d’ingérence, mais de défense des droits de l’homme. Monsieur le ministre, il y a urgence. Nous ne pouvons pas dire que nous ne savons pas. Le groupe Nouveau Centre vous demande quelles initiatives vous comptez prendre pour sauver Asia Bibi. (Applaudissements sur les bancs des groupe NC et UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération.

M. Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération. Monsieur le député, je voudrais tout d’abord vous présenter les excuses d’Alain Juppé, qui est en ce moment même à Barcelone pour l’investiture du secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée.

Les autorités françaises partagent naturellement votre préoccupation concernant la situation de Mme Asia Bibi. Comme vous l’avez rappelée, cette Pakistanaise chrétienne a été condamnée à mort pour blasphème au mois de novembre dernier. Cette affaire illustre de manière dramatique les risques d’atteintes aux libertés fondamentales contenues dans le délit de blasphème, qui heurte les valeurs les plus universelles.

En effet, la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international sur les droits civils et politiques garantissent le droit de manifester sa religion et celui d’exprimer ses opinions sans être inquiété. Je rappelle à l’Assemblée nationale que le Pakistan a ratifié le Pacte international sur les droits civils et politiques en 2010 et qu’un tel engagement international n’est pas compatible avec le maintien du délit de blasphème dans le corpus juridique pakistanais.

Nous avons aussi condamné l’assassinat des deux personnalités pakistanaises dont vous avez parlé. Les plus hautes autorités françaises sont totalement mobilisées sur la situation de Mme Asia Bibi. Le Président de la République, dès le 7 janvier, a dénoncé cette condamnation dans les termes les plus fermes. Le ministre des affaires étrangères et européennes s’est également mobilisé dès l’annonce de cette condamnation, en particulier en soutenant la démarche effectuée à Islamabad par la délégation de l’Union européenne. Alain Juppé, lors d’un entretien avec le Premier ministre pakistanais le 3 mai dernier lui a fait part de la vive préoccupation des autorités françaises. Nous continuons inlassablement nos actions pour sauver Mme Asia Bibi. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

La flotille de Gaza

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Patrick Braouezec. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre, absent cet après-midi.

La flottille organisée par le mouvement de solidarité internationale avec le peuple palestinien s’est préparée pendant plus d’un an pour aller briser le blocus illégal de la bande de Gaza qui dure depuis quatre ans. Notre collègue Jean-Paul Lecoq en faisait partie.

Elle est aujourd’hui bloquée dans le port du Pirée par les autorités grecques qui, répondant aux injonctions de l’État israélien, se transforment en police des mers et censeurs de la solidarité internationale.

Certains des membres de cette flottille de l’espoir et du droit à la dignité pour les Palestiniens ont été arrêtés, d’autres sont en grève de la faim, mais tous attendent que les pressions, exercées par l’État d’Israël au nom du respect de sa souveraineté et qui externalise ainsi sa politique violatrice des droits sur le territoire européen, soient levées.

Cet événement vient s’ajouter à de nombreux autres qui montrent que certains pays de la communauté internationale font fi du cadre normatif des Nations unies et préfèrent déréguler et déstructurer le droit international et le droit humanitaire pour mieux dominer les autres.

Au lieu de répondre à ses obligations et à ses responsabilités pour que le blocus de Gaza et l’occupation illégale que subit la Palestine depuis soixante-trois ans cessent et pour qu’il soit mis fin à l’impunité dont bénéficient de nombreux responsables israéliens, l’État français préfère se soumettre aux diktats de ce même État.

Un bateau, le Dignité, a atteint les eaux internationales et continue vers Gaza avec, à son bord, douze citoyens français. En se mobilisant ainsi, ceux-ci font face à la passivité du Gouvernement, qui n’assume pas ses obligations. Le Gouvernement doit tout faire pour que l’horreur du 31 mai 2010 à bord du Mavi Marmara ne se reproduise pas, tout en assurant leur droit à la libre circulation.

Quand le Gouvernement prendra-t-il enfin ses responsabilités et pèsera-t-il sur l’obligation du respect des droits du peuple palestinien ?

Mme la présidente. Merci de conclure.

M. Patrick Braouezec. Quand interviendra-t-il sur l’occupation illégale de la Palestine ? Quand décidera-t-il enfin la reconnaissance effective de l’État palestinien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération.

M. Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération. Monsieur le député, la France a déjà eu plusieurs fois l’occasion, à l’instar de nombreux autres pays et du secrétaire général des Nations unies, de décourager publiquement les équipages des navires à destination de Gaza, parce que, justement, les événements de l’année dernière ont montré les risques de confrontation qui sont liés à ces initiatives.

M. Jean-Paul Lecoq. C’est un manque de courage de la part du gouvernement français !

M. Henri de Raincourt, ministre. Les services du ministère des affaires étrangères ont reçu les organisateurs de cette campagne Un bateau français pour Gaza, afin de leur faire part de ce message de vive voix.

L’aide humanitaire à destination de Gaza doit transiter par voie terrestre. Il s’agit aujourd’hui du moyen le plus efficace pour venir en aide à la population qui en a besoin. C’est dans ce contexte, monsieur le député, que les autorités grecques ont pris la décision de chercher à retenir les navires de la flottille.

Notre appel à la responsabilité ne change rien à notre position sur le blocus de Gaza, qui doit être levé.

Mme Marie-George Buffet. Rien ne bouge !

M. Jean-Paul Lecoq. Il ne se passe rien depuis quatre ans !

M. Henri de Raincourt, ministre. Alain Juppé a d’ailleurs expressément rappelé aux autorités israéliennes lors de son déplacement au début du mois de juin qu’il était crucial qu’elles favorisent l’acheminement de l’aide internationale. Les projets de développement et de reconstruction menés par les Nations unies doivent également pouvoir être menés sans obstacle.

M. Jean-Paul Lecoq. Lâcheté gouvernementale !

M. Henri de Raincourt, ministre. Je veux enfin vous dire que la France est présente dans la bande de Gaza puisque, en soutien à la population civile, 30 % de notre aide bilatérale aux Palestiniens lui est destinée et que nous menons des projets très importants de développement.

M. Jean-Paul Lecoq. Vous deviez reconstruire l’hôpital de Gaza, cela fait quatre ans et demi qu’on attend !

Rapport sur les rythmes scolaires

Mme la présidente. La parole est à Mme Marguerite Lamour, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Marguerite Lamour. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, ma question concerne les rythmes scolaires.

Depuis la parution du rapport remis, en 2010, par les membres de l’académie de médecine, sur les conséquences du rythme scolaire actuel, un débat sur l’aménagement du temps scolaire a été engagé.

Ce lundi 4 juillet, le comité de pilotage de la conférence nationale sur les rythmes scolaires, installé par vos soins il y a un an, vous a remis ses conclusions. Ce comité avait été instauré pour rechercher des solutions afin d’améliorer les capacités de l’apprentissage de l’enfant et son bien-être.

Selon le rapport de 2010, le rythme scolaire actuel serait en décalage par rapport au rythme chronobiologique de l’enfant. Ce dernier devrait disposer de 180 à 200 jours scolaires par an. Or, depuis la mise en place de la semaine de quatre jours, les heures de cours s’étaleraient sur 144 jours.

Le comité de pilotage a estimé que la journée scolaire était trop fatigante pour les élèves, notamment pour les raisons suivantes : pause méridienne trop courte, déséquilibre entre les trimestres – le premier étant trop long et le troisième quasiment inexistant –, volume de devoirs trop important alourdissant une journée déjà bien longue.

Par ailleurs, on sait qu’une majorité de Français sont favorables à une modification du rythme scolaire, même si cela aura des conséquences sur l’organisation de la vie familiale.

Il est, à nos yeux, indispensable d’avoir une réelle volonté, pour ne pas dire le courage, de placer l’intérêt de l’enfant au cœur de nos préoccupations. Je souhaite, monsieur le ministre, connaître les suites que vous allez donner à ce rapport et les décisions que vous prendrez en conséquence. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Madame la députée, vous avez très bien résumé la question puisque les jeunes Français sont ceux qui comptabilisent le plus d’heures de cours sur l’ensemble de l’année, répartis sur le plus petit nombre de journées d’école. Cela se traduit par une fatigue plus importante qui a été constatée par de nombreux rapports et plusieurs chronobiologistes.

Vous l’avez dit, madame la députée, le comité de pilotage de la conférence nationale sur les rythmes scolaires me remettait hier son rapport. C’est le fruit d’une année de travail. Un travail sans précédent, inédit par son ampleur et par l’indépendance d’esprit dans lequel il a été mené, avec des experts du système éducatif, des chronobiologistes, des représentants des collectivités territoriales et du Parlement. L’objectif est de repenser le rythme de l’école, pour l’adapter aux rythmes de la société et pour faire mieux réussir les élèves.

À partir des propositions qui m’ont été faites, je souhaite maintenant engager la discussion avec les responsables de l’école, ceux qui n’étaient pas dans le comité et qui sont concernés au premier abord, je pense évidemment aux représentants des enseignants et aux fédérations de parents d’élèves.

Et puis, nous aurons un certain nombre de décisions importantes à prendre. Je souhaite aller vite sur un certain nombre de chantiers et que, dès la rentrée 2013, pour l’année 2013-2014, nous puissions repenser l’organisation du temps scolaire, avec un meilleur équilibre sur l’ensemble de l’année et une réflexion sur les vacances. Mais ce travail devra se faire en concertation avec les acteurs concernés. Notamment, nous devrons examiner les conséquences sur certaines activités économiques, en particulier l’activité touristique. Je recevrai les professionnels du tourisme pour évoquer ce sujet avec eux.

En tout cas, la priorité, vous l’avez rappelé, c’est la plus grande efficacité du système éducatif pour permettre une meilleure réussite aux enfants et mieux concilier le temps de la société et le temps de l’école. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Retraites

M. le président. La parole est à M. Régis Juanico, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Régis Juanico. Ma question s’adresse au ministre du travail.

Monsieur le ministre, jusqu'où irez-vous dans la régression sociale et les mauvais coups portés aux salariés ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Ce matin, contre l’avis des syndicats et avec l’appui du MEDEF, vous venez d'annoncer pour les générations nées à partir de 1955 l'allongement de la durée de cotisation à 41,5 ans pour obtenir une retraite à taux plein. Cette décision intervient quelques jours seulement après l'entrée en vigueur de la loi repoussant l’âge légal de départ à la retraite et la disparition d'un acquis social historique : la retraite à soixante ans.

Les Français vont devoir cotiser trois mois de plus – 166 trimestres – et attendre quatre mois supplémentaires après soixante ans pour pouvoir partir à la retraite. Les salariés les plus modestes, les femmes, les jeunes vont payer au prix fort le cumul de ces deux mesures injustes.

Lors de la présentation de votre réforme en juin 2010, le Gouvernement évoquait un passage à 41,5 ans de la durée de cotisation, mais à l'horizon 2020. Vous avez donc trompé les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Ce n'est pas la première fois : vous avez déjà menti sur l'allocation équivalent retraite pour les 30 000 demandeurs d'emploi de moins de soixante ans qui ont suffisamment cotisé mais n'ont pas atteint l'âge légal ; vous vous étiez engagé à reconduire ce dispositif, vous l'avez supprimé. Vous avez également menti sur la pénibilité au travail, en publiant un décret d'application restrictif, qui concernera très peu de salariés ; ceux qui ont une incapacité physique entre 10 et 20 % devront prouver devant une commission qu'ils ont été exposés à des risques professionnels pendant dix-sept ans… un véritable parcours du combattant.

Le Président de la République nous a expliqué qu'avec sa réforme le problème des retraites était réglé. En fait, rien n'est réglé, la réforme est injuste, financée à 92 % par les salariés. Elle n’est pas viable, et vous annoncez déjà un nouveau train de mesures dès 2013.

Si la gauche l’emporte l’an prochain, nous reviendrons sur toutes ces injustices ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Alors, monsieur le ministre, ma question est simple : sur les retraites, quand allez-vous cesser d'abuser les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadine Morano, ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle.

Mme Nadine Morano, ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle. Monsieur le député, permettez-moi tout d’abord d’excuser Xavier Bertrand, retenu au Sénat pour l’examen d’un texte.

Ce que je retiens de vos propos, c’est que le parti socialiste oscille entre démagogie, mensonges, angoisse et irresponsabilité ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Je ne sens pas de gêne dans vos propos, et pourtant il y aurait de quoi ! N’étiez-vous pas gêné, quand certains de nos concitoyens, après avoir cotisé 44 ans, devaient attendre l’âge de soixante ans pour partir à la retraite ? Or qui a mis en place le dispositif des carrières longues ? C’est cette majorité et le gouvernement de François Fillon ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Lemasle. Répondez à la question !

Mme Nadine Morano, ministre. Sans doute avez-vous la mémoire courte, monsieur le député, car vous n’avez procédé à aucune réforme des retraites dans notre pays. En 1993, vous n’avez pas voté la réforme portée par Édouard Balladur ; en 1997, vous aviez promis à nos concitoyens que, de retour aux affaires, vous reviendriez sur la réforme : ce ne fut pas le cas ! (« La question ! la question ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Nous ne faisons qu’appliquez strictement la loi. La vérité est que nous avons sauvé le système de retraites des Français. C’est une vérité qui vous dérange, car vous n’avez jamais eu le courage de prendre en compte les évolutions démographiques, la progression de l’espérance de vie, pour mener à bien la réforme des retraites. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Il vous reste, dans l’état de division où se trouve votre groupe, à méditer la phrase qu’a prononcée Manuel Valls, le 28 juin dernier à la télévision : « C’est pas vrai qu’on reviendra sur la réforme des retraites ; il faudra un langage de courage. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Aide aux vacances pour les plus modestes

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Got, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Pascale Got. Ma question s’adresse au ministre de l’économie. Monsieur le ministre, le temps des vacances est là. Généralement, ce temps est un formidable réservoir d'énergie sociale. Sauf avec vous, car le nombre de Français devant renoncer à partir en vacances, faute d'un pouvoir d'achat suffisant, augmente : trois millions de plus cette année, soit quasiment un Français sur deux qui reste chez lui

Signe de votre politique globale à deux vitesses, le sacrifice se répète toujours chez les mêmes, y compris pour les vacances. Ce sont encore les classes moyennes, mais aussi les enfants qui sont pénalisés. C'est une véritable régression sociale.

Après avoir suggéré aux Français de prendre leur vélo pour pallier la montée des prix des carburants, après leur avoir dit d'aller chercher leur panier des pauvres dans les grandes surfaces, après leur avoir expliqué que l'augmentation du SMIC n'était pas possible mais qu'en revanche la baisse des impôts pour les plus riches était nécessaire, allez-vous les obliger à faire l'impasse sur leurs vacances et à rester chez eux pour économiser… et mieux payer les hausses de prix que vous leur imposerez cet été ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Claude Greff, secrétaire d’État chargée de la famille.

Mme Claude Greff, secrétaire d’État chargée de la famille. Madame la députée Claude Got, en période estivale, au moment où chacune et chacun d’entre nous souhaite partir en congé, beaucoup de concitoyens ne pourront malheureusement pas se le permettre. Ce sont les familles et les enfants qui vont en souffrir, car ne pas pouvoir partir en vacances est une inégalité criante, qui se voit et qui se sait. 45 à 47 % des Français ne pourront pas partir cet été, soit près de trois millions d’enfants de quatre à seize ans.

Je me dois néanmoins de vous rappeler que les financements de l’aide aux vacances de la branche famille sont gérés par les caisses d’allocations familiales. Les CAF ont une longue pratique d’intervention en matière de vacances et de loisirs ; elles ont toujours consacré des montants importants à l’aide aux vacances, ainsi qu’aux loisirs de proximité. Au total, les dépenses globales affectées au temps libre s’élevaient à près d’un milliard d’euros en 2009, soit près de 23,8 % des dépenses globales d’action sociale. La majorité des dépenses concerne les enfants et les jeunes, pour 93,5 % ; le montant consacré aux loisirs et aux vacances en famille s’élève à 6,5 %, avec près de 61 millions d’euros en 2010.

Enfin, à l’occasion de l’assemblée générale de l’Union nationale des associations familiales, le 25 juin dernier, Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, a proposé d’augmenter l’effort financier en faveur des vacances familiales pour les familles défavorisées.

De nombreuses familles modestes et pauvres ont besoin d’être aidées, pour pouvoir se retrouver et resserrer les liens. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Lefait. Baratin !

Mme Claude Greff, secrétaire d’État. L’importance de cet enjeu justifie aujourd’hui que nous allions plus loin. Nos concitoyens attendent que nous apportions des réponses concrètes. C’est ce que je m’efforcerai de faire au sein de mon ministère. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Priorités de la présidence polonaise
de l'Union européenne

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Frédéric Reiss. Ma question s'adresse à M. Jean Leonetti, ministre chargé des affaires européennes.

La Pologne vient de prendre, depuis le 1er juillet, la présidence de l'Union européenne dans un contexte difficile de crise financière, économique et politique.

Le peuple polonais, en pleine croissance, a globalement une vision plutôt optimiste des capacités de l'Union européenne à surmonter les problèmes actuels et ils sont nombreux.

La Pologne, certes, n'est pas membre de la zone euro, mais elle devra faire preuve de vigilance sur le dossier épineux de la crise grecque.

On peut aussi s'interroger sur la manière de remettre les Européens au coeur du marché unique dont nous célèbrerons le vingtième anniversaire en 2012.

Depuis la catastrophe de Fukushima se pose également la question de la sécurité nucléaire et de la politique énergétique de l'Europe.

Enfin, n'oublions pas les conséquences du printemps arabe sur l'espace Schengen et la libre circulation des personnes et des biens.

Monsieur le ministre, vous étiez à Strasbourg hier et ce matin pour vous plonger dans le bain du Parlement européen. Quelles initiatives allez-vous prendre pour accompagner la Pologne qui promet une grande présidence de l'Union européenne ? Quelle est votre feuille de route pour aller dans le sens d'une Europe qui protège et non qui inquiète, selon le souhait du Président de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Leonetti, ministre chargé des affaires européennes.

M. Jean Leonetti, ministre chargé des affaires européennes. Monsieur Frédéric Reiss, vous qui êtes un élu du Bas-Rhin et un fervent partisan de l’Europe, vous m’interrogez sur la position de la France sous la présidence polonaise qui débute.

Rappelons le contexte dans lequel intervient cette présidence. En 2007, le Président de la République a remis en perspective le projet européen, qui était en panne, grâce au traité de Lisbonne. Par la suite, la présidence française a été saluée comme un succès. Aujourd’hui, la France est à l’initiative, vous l’avez dit, d’une Europe qui protège notre économie, par un plan de relance intérieure et la défense de notre monnaie, qui protège notre agriculture et nos territoires que nous défendrons lors des prochaines négociations, qui défend nos frontières grâce à un renforcement du dispositif de contrôle de l’immigration illégale, adopté à l’initiative du Président de la République, qui protège, enfin, notre identité culturelle. Pour nous, l’Europe n’est pas seulement une économie, un marché, ou un espace financier. Ce sont des valeurs, une certaine idée de la démocratie et de la liberté, une certaine idée de l’Homme.

La ville de Strasbourg dans laquelle je me suis rendu hier incarne parfaitement l’ensemble de ces valeurs.

Nos concitoyens veulent une Europe qui nous protège, ambitieuse, concrète. Cette Europe concrète, c’est notre objectif. Vous le voyez, monsieur le député, l’action du Gouvernement s’inscrit dans la continuité. Nous voulons plus d’Europe car nous savons que cela signifie plus de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Centrale de Fessenheim

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Hillmeyer, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Francis Hillmeyer. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’industrie.

L'Autorité de sûreté nucléaire a estimé lundi que le réacteur n° l de la centrale nucléaire de Fessenheim pouvait être exploité pendant dix ans, soit jusqu'en 2021.

Cette autorisation de prolongement de l’exploitation est assortie du respect par EDF d'une quarantaine de prescriptions techniques, dont certaines sont lourdes, tel que le renforcement avant le 30 juin 2013 du radier, la dalle de béton sur laquelle a été construit le réacteur afin d'augmenter sa résistance au corium en cas d'accident grave avec percement de la cuve – mesure par ailleurs demandée avant la catastrophe de Fukushima.

Ce chantier sans précédent est techniquement très délicat dans une zone où l'irradiation est forte. À cela s’ajoute l'obligation d'installer une « source froide » alternative au canal d'Alsace, de manière à compenser le manque d'eau éventuel.

Or, de l'aveu même du président de l’Autorité de sûreté nucléaire, le coût des travaux exigés n'a pas été pris en compte pour rendre cet avis favorable – ce n’est d’ailleurs pas son rôle.

Cette première série de mesures va imposer un budget plus que conséquent alors même que le rapport définitif sur les « stress test » post-Fukushima demandés par l'Union européenne et le Gouvernement ne sera connu qu'à l'automne.

Fessenheim résistera-t-elle aux scénarios catastrophes qui doivent être étudiés dans ce cadre ?

L'inquiétude est vive en Alsace. Mise en service en 1977, Fessenheim est en effet la doyenne des installations nucléaires françaises et elle se situe dans une zone à sismicité avérée.

Monsieur le Ministre, n'est-il pas totalement utopique de mettre bout à bout toutes les dépenses prévisibles pour améliorer la sécurité de cette centrale juste pour dix ans, alors même que cet important budget pourrait être mieux utilisé pour les énergies d'avenir ? Cette question ne concerne pas le seul site de Fessenheim et pose le problème du futur énergétique de notre pays et de la place du nucléaire dans les prochaines années. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur Francis Hillmeyer, soyons clairs, aucune décision n’a été prise, aujourd’hui, de prolonger la centrale de Fessenheim. Nous avons pris connaissance, François Baroin, Éric Besson et moi-même, de l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire rendu sur le prolongement du réacteur n° 1.

L’Autorité de sûreté nucléaire considère qu’il est possible de prolonger de dix ans l’exploitation de ce réacteur sous la réserve de plusieurs prescriptions, les deux principales étant le renforcement du radier qui est, en quelque sorte, le plancher en béton de la centrale, plus fin à Fessenheim qu’ailleurs, et la création d’un captage d’eau alternatif aux captages dans le canal d’Alsace.

Cet avis n’intègre pas les enseignements à tirer de la catastrophe de Fukushima. Le Premier ministre a lancé un audit sur toutes nos centrales nucléaires, dont les conclusions ne sont pas encore connues à ce jour. C’est seulement à l’issue de cet audit que le Gouvernement rendra sa décision.

L’avis de l’autorité de sûreté nucléaire est important. Il n’est qu’une étape. Il pose un certain nombre de prescriptions indispensables mais il ne vaut ni quitus, ni décision gouvernementale, laquelle, je le répète, ne sera rendue qu’à l’issue de la publication de l’audit, après le mois de novembre prochain.

Au-delà du cas particulier de Fessenheim se pose aujourd’hui la question de la part du nucléaire dans notre mix énergétique. Avec le Grenelle de l’environnement, nous organisons un rééquilibrage en faveur des énergies renouvelables mais il faut qu’elles soient créatrices d’emplois en France. Le 11 juillet, nous lancerons l’appel d’offres sur l’éolien en mer, cet été l’appel d’offres sur le photovoltaïque de haute technologie, sur les toitures, sur les fermes solaires. Un nucléaire sûr, plus d’efficacité énergétique, et le développement des énergies renouvelables sont les trois piliers de notre politique énergétique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Hébergement d’urgence

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Vaillant, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Daniel Vaillant. Ma question s’adressait également à M. le Premier ministre.

Paris et les départements de première couronne concentrent un nombre croissant de personnes en situation de grande précarité, sans abri ou mal logées.

Au nom de la solidarité nationale, il est, je vous le rappelle, de la responsabilité de l’État de mettre à l’abri toute personne en errance sur l’ensemble de notre territoire, car ce problème se pose partout en France.

Les présidents des trois conseils généraux de Paris, du Val-de-Marne, de Seine-Saint-Denis, ainsi que le président de la région Île-de-France ont récemment dénoncé le fait que l’État n’assurait plus cette obligation.

M. Jean-Marc Roubaud. Faux !

M. Daniel Vaillant. Nous assistons actuellement à des fermetures massives de places d’hébergement d’urgence : il y aura 5 000 places en moins d’ici à la fin 2011 dans ces trois départements, et en particulier un établissement à Paris, dédié aux femmes.

En outre, la diminution des budgets alloués aux associations d’aide aux sans-abri est inquiétante ! Déjà beaucoup de personnes s’adressent aux services hospitaliers, qui sont débordés, au détriment de la santé publique.

Monsieur le Premier ministre, cette situation est indigne. Des familles avec enfants se retrouvent à la rue ou sont ballottées d’hôtels en hôtels, toujours plus éloignés des écoles qu’elles fréquentent.

Par ailleurs, les élus de terrain que nous sommes déplorent des occupations de l’espace public par des campements, des marchés de la misère, qui posent de plus en plus de problèmes. L’ordre public est mis à mal.

Le préfet de région a estimé les besoins d’hébergement et de logements accessibles aux familles sans abri à 13 000 places et vous en supprimez 5 000 !

Monsieur le Premier ministre, même des députés de votre majorité s’inquiètent de cette politique désastreuse, comme MM. Pinte et Richard qui dénoncent 41 millions d’euros de baisse de crédits : 41 millions d’euros en moins pour les plus pauvres d’un côté, 2 milliards d’euros de cadeaux fiscaux aux plus riches de l’autre ! (« C’est faux ! » et protestations sur les bancs du groupe UMP. –Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Quand, monsieur le Premier ministre, reviendrez-vous sur cette politique et quand rétablirez-vous les crédits d’urgence dédiés aux associations, au SAMU social et au 115 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement. Monsieur Vaillant, votre question sur l’hébergement et le logement, notamment en Île-de-France, me permet de dénoncer les contrevérités professées depuis quelques jours par les élus du parti socialiste et de faire une nécessaire mise au point.

L’État se désengage, selon vous. Dois-je vous rappeler qu’en 2007, il y avait en France 90 000 places d’hébergement ?

M. Lucien Degauchy. M. Vaillant a la mémoire courte !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Il y en a aujourd’hui 115 000, soit une augmentation de 30 % (« Où ? » sur les bancs du groupe SRC.) En Île-de-France, on est passé de 26 000 en 2007 à 43 000 places aujourd’hui, soit 65 % d’augmentation !

Quant aux places d’hôtel, quand vous étiez ministre, en 2000, on en offrait en Île-de-France 600 chaque soir. Il y en a, en 2011, 12 900, soit 600 de plus que l’an dernier. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

En Île-de-France, notamment à Paris, vous m’indiquez qu’il y 4 500 places d’hébergement, et notamment d’hôtel, en moins. C’est vrai. Mais vous oubliez de dire que, parallèlement, nous avons créé 4 500 places d’intermédiation locative en plus. La politique de ce gouvernement, c’est en effet de réduire le nombre de places en hôtel, qui sont une solution indigne, pour conduire les sans-abri vers le logement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Poursuite de l’effort pour la rénovation urbaine

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Hamel, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Gérard Hamel. Ma question s’adresse à Maurice Leroy, ministre de la ville.

Monsieur le ministre, vous pouvez en témoigner, le Programme national de rénovation urbaine mis en oeuvre depuis 2003 est unanimement salué. La rénovation urbaine, c’est en effet une révolution pour près de quatre millions d’habitants de 500 quartiers en difficulté, dont les conditions de vie ont changé radicalement grâce à près de 42 milliards d’euros de travaux.

D’après un récent sondage, 74 % des habitants affirment que le PNRU leur donne « confiance dans la capacité des pouvoirs publics à agir efficacement pour améliorer la vie des gens ». Le travail que nous avons commencé doit se poursuivre. Tous les maires le savent, les habitants le réclament ! Notre pays a besoin que démarre au plus vite l’acte II de la rénovation urbaine.

Monsieur le ministre, à l’occasion de la quatrième édition des Journées nationales d’échanges de la rénovation urbaine, que l’ANRU a organisées les 14 et 15 juin derniers et auxquelles de nombreux députés ont participé, vous avez livré votre approche d’un deuxième plan national de rénovation urbaine. Pouvez-vous nous indiquer le processus et le calendrier que votre ministère entend adopter pour mettre en œuvre ce PNRU 2 ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Leroy, ministre de la ville.

M. Maurice Leroy, ministre de la ville. D’abord, monsieur Hamel, je tiens à saluer l’énergie que vous déployez en tant que président de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC), afin d’accompagner avec succès les projets de rénovation engagés par les maires, leurs équipes municipales et leurs chefs de projet dans 485 quartiers.

Les élus présents aux journées d’études de la rénovation urbaine il y a quelques jours ont confirmé ce succès. Et vous le rappelez avec raison, 70 % des habitants des quartiers en rénovation plébiscitent le Programme national de rénovation urbaine. Aussi, lors du conseil interministériel des villes du 18 février dernier, le Premier ministre François Fillon m’a mandaté pour réfléchir à une nouvelle étape de ce que, sur tous les bancs, nous appelons le plan national de rénovation urbaine. Je compte m’inspirer des propositions de François Goulard et François Pupponi dans leur excellent rapport.

Ma méthode est de pratiquer la consultation et la concertation avec toutes les associations nationales d’élus représentatives. J’ai commencé ce travail avec l’Association des maires de France et l’Assemblée des départements de France. Nous nous inspirons des expériences menées dans le cadre du premier programme de rénovation urbaine. Fort de ces consultations, dès cet automne, je ferai des propositions au Premier ministre.

M. Marcel Rogemont. Avec quel financement ?

M. Maurice Leroy, ministre. Avec les financements dont je me réjouis comme Nathalie Kosciusko-Morizet et Benoist Apparu, ceux d’Action Logement : l’apport de 12 milliards d’euros permet de générer 43 milliards ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. François Goulard. Bravo !

Logement social

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Rousset, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Alain Rousset. Ma question s’adresse à M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement. J’en profite pour remercier M. Leroy, le ministre de la ville, d’avoir bien voulu supprimer la part des régions dans la rénovation du logement social : en l’état actuel du budget des régions, cela leur permettra de faire une grosse économie.

Nous partageons tous l’idée que la construction de logements sociaux constitue à la fois une réponse concrète à la crise du logement, un outil de relance économique et une opportunité d’engager notre pays sur la voie du développement durable. Mais je constate – et vous me pardonnerez de troubler ainsi un concert de louanges – que les chiffres qui nous sont présentés par les offices HLM ne correspondent pas à ceux qui viennent d’être avancés.

Monsieur le secrétaire d’État, est-il exact que les objectifs de production de logements sociaux soient passés, entre 2010 et 2011, de 130 500 à 119 000 ? Est-il exact que, pour les PLAI, les prêts locatifs aidés d’intégration, qui concernent les personnes les plus modestes, cette diminution ait atteint les 18 % ? Est-il exact que sur la même période, les dotations en volume en faveur du logement social soient passées de 624 millions d’euros à 473 millions d’euros ? Est-il exact encore que la vente de 7 000 logements HLM demandée par l’État n’est pas compensée alors que le prélèvement sur les organismes HLM au profit de l’État s’élève à 245 millions d’euros ?

Cela fait beaucoup de questions et j’en ajoute une dernière qui me tient beaucoup à cœur.

M. Richard Mallié. Vous n’avez le droit qu’à une seule question ! (Sourires.)

M. Alain Rousset. Elle porte sur la préservation des dispositifs de défiscalisation. Le coût pour l’État d’un dispositif Scellier est quatre fois supérieur au coût de la construction d’un logement social via le PLAI, alors même que le prix des loyers du logement social est deux fois moins élevé que celui du Scellier. Vous vous expliquerez devant les offices HLM !

Monsieur le secrétaire d’État, confirmez-vous ce bilan ou l’infirmez-vous ?

Mme la présidente. La parole est à M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement. Monsieur Rousset, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, nous défendons un bilan exemplaire en matière de logement social. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Nous avons financé 120 000 logements sociaux en 2009, et 131 000 en 2010. Depuis 2005, nous finançons en moyenne 100 000 logements sociaux par an.

M. Alain Rousset. Donc, vous avez réglé le problème !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Je vous rappelle que lorsque le parti socialiste était au pouvoir, il y avait en moyenne 50 000 logements sociaux par an. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Voilà la vérité ! Les chiffres parlent pour nous.

Nous allons poursuivre dans cette voie. Avec Nathalie Kosciusko-Morizet, nous avons décidé de financer 120 000 logements sociaux pour l’année 2011.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quel logement social ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Nous les finançons avec l’ensemble des partenaires. Il n’est pas question d’opposer les collectivités locales et l’État, ou les partenaires sociaux, le 1 % logement et tous ceux qui contribuent au financement du logement social. Ensemble, partenaires sociaux, bailleurs sociaux, collectivités locales et État, nous réussissons à obtenir ces résultats, en Aquitaine comme ailleurs. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quelle est la part de l’État ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Vous voulez opposer l’investissement locatif, le Scellier, et le logement social. Mais une politique du logement digne de ce nom doit pousser à l’accession à la propriété, c’est ce que nous faisons. Cette politique doit permettre de construire plus de logements sociaux, c’est ce que nous faisons. Ce doit être aussi une politique qui pousse l’investissement locatif.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ce n’est pas la question !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Scellier, ce n’est pas du logement social !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Si nous avons réussi à redresser nos comptes en matière de logement, c’est aussi parce qu’il y a eu le Scellier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Campus d’excellence dans le cadre du grand emprunt

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Philippe Maurer, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Philippe Maurer. Monsieur le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, les universités de Strasbourg et de Bordeaux ainsi que le pôle Paris sciences et lettres sont les trois premiers pôles initiative d’excellence universitaires et de recherche retenus au titre du grand emprunt pour être dotés de moyens importants visant à leur donner un rayonnement mondial. Tels sont les résultats concrets du grand emprunt, synonyme de notre volontarisme politique au plus fort de la crise mondiale.

Je me félicite et je vous félicite de cette excellente nouvelle pour ces trois pôles universitaires français, et notamment pour la ville de Strasbourg. Cette décision lui conférera le statut de grande capitale universitaire, reconnue à travers le monde. Ainsi, le campus universitaire de Strasbourg, avec plus de 42 000 étudiants, devrait bénéficier d’un capital de 930 millions d’euros pour réaliser ce projet de grande envergure, en partenariat avec le CNRS et l’INSERM. Ce capital va permettre à l’université de Strasbourg de renforcer considérablement son attractivité internationale auprès des chercheurs et des étudiants et de s’affirmer comme un acteur majeur de la coopération franco-allemande.

Avec le Parlement européen, la Cour européenne des droits de l’homme, le TGV Est européen, ce grand projet universitaire de renommée mondiale va aussi permettre de conforter Strasbourg comme capitale européenne. Ce projet d’envergure va également générer un développement économique exceptionnel et renforcer ainsi l’attractivité économique de notre territoire.

Ces trois premiers pôles d’excellence sont l’avant-garde des pôles pluridisciplinaires universitaires de rang mondial que nous allons faire émerger. Monsieur le ministre, je souhaite que vous nous présentiez les perspectives de ces pôles d’excellence universitaires qui vont faire de la France un territoire d’avenir pour notre jeunesse et nous placer à l’avant-garde de l’innovation et le la recherche. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Wauquiez, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Laurent Wauquiez, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Philippe Maurer, jamais un gouvernement n’a autant investi dans la recherche et dans l’enseignement supérieur. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Ce choix a été porté par le Président de la République et le Premier ministre, et vous me permettrez de rendre hommage à Valérie Pécresse qui, avec l’énergie et la détermination qu’on lui connaît, a porté cette politique pendant quatre ans. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) C’est un honneur de lui succéder.

Après le plan Campus, après les laboratoires d’excellence, après l’équipement de nos laboratoires universitaires, la décision a été prise de soutenir des pôles d’excellence. L’objectif est simple : nous voulons doter notre pays de pôles d’excellence capables d’être en compétition avec Princeton, Harvard, ou les meilleures universités chinoises.

Ce plan a été doté de 7,7 milliards d’euros dans le cadre des dépenses d’avenir. Les noms de trois lauréats ont été annoncés hier : l’université de Strasbourg, Paris sciences et lettres, le pôle de recherche et d’enseignement supérieur de Bordeaux. Ces trois pôles universitaires ont bénéficié des réformes que nous avons initiées : ils se sont transformés et ils ont totalement revu leurs conditions de fonctionnement.

Prenons l’exemple de Strasbourg : nous y soutiendrons le laboratoire de biologie moléculaire qui mène des recherches sur des nouveaux médicaments que le corps humain absorbera plus facilement. Nous allons travailler sur la réfection du campus universitaire afin d’améliorer les conditions dans lesquels les étudiants suivent leur cursus. Nous allons aussi travailler sur la mise en place d’un pôle européen, en partenariat avec Karlsruhe et Fribourg, qui permettra de hisser la France au premier rang européen et mondial.

Nous appliquons dans tous les cas la même méthode qui vise à améliorer la situation de nos étudiants en même temps que celle de la recherche. En la matière, la France est au premier rang mondial mais elle doit conserver cette place malgré la concurrence actuelle. Cette méthode permet aussi de travailler avec l’entreprise.

Cette majorité soutient la France des étudiants ; cette majorité soutient la France qui innove et qui crée. Laissons les corporatismes et l’immobilisme à d’autres ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Dette grecque

Mme la présidente. La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Marietta Karamanli. Monsieur le ministre,…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Lequel ?

Mme la présidente. Mes chers collègues, seule Mme Karamanli a la parole !

Mme Marietta Karamanli. …après la grave crise financière qui a touché le monde entier il y a maintenant trois ans, la crise de l’endettement public ne faiblit pas, depuis dix-huit mois, dans plusieurs États européens. Selon l’idée qui a prédominé jusqu’ici, si un pays très endetté se soumet à une discipline budgétaire, les taux d’intérêt sur les marchés redeviendront supportables et l’accès à un crédit moins cher sera possible. Mais l’effet paradoxal est que la dette vient à échéance avant les réformes, ce qui renforce la demande, de la part des marchés, de mesures plus dures vis-à-vis des États.

En 2010, le taux d’intérêt appliqué à la Grèce était supérieur de cinq points à celui de l’Allemagne ; aujourd’hui, il lui est supérieur de quatorze points. La Grèce, l’Irlande, le Portugal sont actuellement en situation de récession grave et aucune mesure ne dessine un chemin de retour vers la croissance. L’on ne peut s’en tenir uniquement à des mesures restrictives ; pensons aussi à la dignité des peuples.

Au nom du principe selon lequel chaque État doit rester seul responsable de ses dettes, la crise dure. Il est temps qu’une nouvelle période s’ouvre. D’une part, d’autres mécanismes de régulation sont nécessaires : il s’agit, non pas de payer la dette des autres États, mais de faire baisser les taux d’intérêt exorbitants qu’ils paient. D’autre part, les États en crise doivent pouvoir bénéficier de fonds européens structurels et de garanties, afin de préparer l’avenir et de relancer la croissance dont nous bénéficierons également.

Monsieur le ministre de l’économie, quelles sont les initiatives que vous comptez prendre pour sortir de la crise de confiance, de l’insécurité financière et économique dans laquelle l’Europe et notre monnaie vivent aujourd’hui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Madame la députée, un mot d’abord de ce qui s’est passé la semaine dernière. Les autorités grecques, notamment la représentation nationale, ont pris, avec courage et détermination, des mesures difficiles, mais responsables au regard de l’idée qu’elles se font de leur souveraineté. Au reste, on mesure combien la tension sur les dettes souveraines relève d’une problématique de souveraineté nationale pour la conduite des politiques publiques au service de la population des pays concernés.

Au cours d’une réunion téléphonique, samedi dernier, les ministres des finances européens ont dressé un état des lieux et pris acte de l’engagement de la représentation nationale grecque. Nous avons donc décidé d’assurer la cinquième tranche du décaissement, à hauteur de 12 milliards – Union européenne et Fonds monétaire international –, comme cela était prévu dans le cadre du programme de soutien établi conjointement par l’Europe et le FMI aux côtés de la Grèce l’an dernier.

M. Jean-Pierre Brard. C’est un régime minceur, pour les Grecs !

M. François Baroin, ministre. Nous travaillons dès à présent sur un deuxième programme de soutien et d’accompagnement, dont vous connaissez les modalités et les enjeux. La position française, que nous défendrons au cours des prochaines semaines, est invariable. Nous ne voulons pas et nous n’accepterons pas de défaut de paiement – c’est-à-dire une restructuration de la dette –, nous souhaitons évidemment que tout cela se fasse en lien avec la Banque centrale européenne et nous désirons que l’importance de l’implication des créanciers privés, essentiellement du dispositif bancaire, aux côtés des États, dans le cadre de la gestion de la tension de la dette grecque, se fasse sur la base d’un volontariat.

C’est sur cette feuille de route que nous allons travailler. Je me rendrai jeudi en Allemagne, afin d’en discuter avec Wolfgang Schaüble. Dès la semaine prochaine, des réunions se tiendront avec l’eurogroupe pour discuter de ces modalités. Le rendez-vous est fixé pour la sortie de l’été, dans le courant du mois de septembre.

Enfin, je souhaiterais vous faire prendre la mesure des avancées qu’a permises le Conseil européen de juin dernier. Nous avons en effet décidé une facilité européenne qui peut s’élever jusqu’à 440 milliards. C’est un gage de stabilité, un signal aux marchés et un message rassurant pour les populations. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Lemasle. Ce n’est absolument pas rassurant pour les populations !

Accompagnement des soldats blessés en Afghanistan

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Fromion, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Yves Fromion. Monsieur le ministre de la défense et des anciens combattants, tous ceux qui ont pu visiter nos militaires très gravement blessés en Afghanistan, notamment à l’hôpital militaire de Percy, ont pu constater l’exceptionnelle qualité de la prise en charge thérapeutique dont ils bénéficient : nous pouvons rendre un hommage unanime au corps médical militaire.

Parallèlement à cette prise en charge médicale, nos grands blessés et leurs familles bénéficient d’un accompagnement social de proximité assuré par la cellule d’aide aux blessés de l’armée de terre, dont je veux saluer le dévouement et l’esprit de solidarité exemplaires. Néanmoins, l’ensemble du dispositif, dont la qualité est soulignée par les blessés eux-mêmes, présente une faiblesse au niveau de l’accueil des familles.

On sait que la prise en charge de nos grands blessés s’inscrit inévitablement dans une perspective de moyen ou de long terme. Or, il est difficile aujourd’hui d’offrir aux familles des conditions d’accueil satisfaisantes à proximité de l’hôpital militaire de Percy. Pourtant, la présence de leur famille est essentielle pour aider nos blessés à supporter les épreuves qu’ils endurent et à se rétablir.

Un projet de construction d’un immeuble adapté sur l’emprise de l’hôpital de Percy a été étudié. Mais, bien qu’aucun réel obstacle ne soit apparu, ce dossier n’avance pas. Je vous demande donc de faire aboutir cette opération, afin que nos grands blessés et leurs familles bénéficient de ce que la République peut faire de mieux pour leur exprimer sa reconnaissance pour le sacrifice immense qu’ils ont consenti. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants.

M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants. Cher Yves Fromion, votre question est absolument pertinente, dans la mesure où la solidité d’une troupe est fonction de la solidarité dont elle a la certitude de pouvoir bénéficier lorsque viendra l’épreuve. Celle-ci est venue, ces cinq dernières années, pour plus de 200 combattants, victimes de blessures graves entraînant notamment des amputations.

L’hôpital de Percy, notamment son service d’orthopédie, est devenu un centre d’accueil majeur. Le travail effectué est admirable. Il honore le service de santé des armées et permet de reconstituer de jeunes combattants qui, lorsque leur chef d’état-major les visite en ma compagnie, lui demandent le plus souvent si leur unité pourra les reprendre.

Les familles apportent un soutien indispensable. Nous avons réglé partiellement le problème avec l’association Terre fraternité et l’institution de gestion sociale des armées. Des appartements loués sont ainsi mis à leur disposition au-delà des trois premières semaines, qui sont prises en charge par l’armée. Toutefois, les soins orthopédiques demandent du temps et le soutien des familles est non seulement une garantie de solidarité affective, mais aussi une contribution à la reconstruction de ces jeunes combattants. C’est la raison pour laquelle le projet de construire des logements à Percy a été examiné. Ce projet n’a pas été encore mis en œuvre parce qu’il nous fallait avoir la certitude que Percy seul deviendrait le principal centre. Aujourd’hui, nous sommes en mesure de considérer que la construction de cette maison familiale de cinq logements sera assurée, et je forme le vœu que nous n’ayons plus l’usage de ce bâtiment. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Suppression de concours dans l’éducation nationale

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Marie-Lou Marcel. Ma question, à laquelle j’associe mes collègues Martine Faure et Martine Martinel, s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.

Monsieur le ministre, année après année, mois après mois, semaine après semaine, on assiste à une véritable casse de l’éducation nationale. Vous introduisez au sein de celle-ci les règles de l’entreprise privée et vous précarisez toujours plus son personnel. Vous lancez des campagnes de recrutement, via Pôle Emploi, à grand renfort de communication, au moment même où vous supprimez 16 000 postes d’enseignants pour la rentrée 2011 ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous avez sabordé la formation des maîtres après le concours, plaçant des milliers de jeunes enseignants dans des conditions épouvantables pour exercer leur métier. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Allons, mes chers collègues !

Mme Marie-Lou Marcel. De moins en moins d’enseignants recrutés, de moins en moins d’enseignants formés, voilà pourquoi, monsieur le ministre, vous rendez ce secteur de moins en moins attractif pour nos jeunes diplômés !

Dans ce processus funeste, la mastérisation aura été l’une des étapes fondatrices pour casser le statut d’enseignant ! Elle n’est en réalité qu’un prétexte pour ouvrir la voie à un recrutement à deux vitesses : d’une part, un recrutement sur concours ; d’autre part, un recrutement par voie contractuelle, hors statut de fonctionnaire.

Aujourd’hui, une nouvelle étape est franchie avec le rapport Grosperrin. Votre logique s’y voit poussée à l’extrême, avec la remise en cause du statut de fonctionnaire des enseignants et la suppression des concours nationaux, à commencer par le CAPES. Ainsi, demain, les enseignants seraient recrutés directement par les établissements et après-demain, ils le seraient avec un statut de contractuel !

C’est pourquoi, monsieur le ministre, comme l’ensemble de la communauté éducative, très choquée par ces annonces, je vous demande votre avis sur ce rapport et l’utilisation que vous comptez en faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Madame la députée, je m’étonne que vous m’interrogiez sur un rapport parlementaire rédigé à l’initiative de votre commission et qui sera présenté demain à la commission des affaires culturelles et de l’éducation. En vertu de la séparation des pouvoirs, les commissions sont libres de proposer des évolutions du système éducatif et je suis respectueux de ce droit du Parlement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Richard Mallié et M. Yves Censi. Très bien !

M. Luc Chatel, ministre. Je me dois de rétablir la vérité sur un certain nombre de points que vous ne cessez de caricaturer au sujet du recrutement des enseignants.

Premièrement, il est exact que nous lançons une campagne de recrutement, car nous souhaitons recruter les meilleurs talents pour l’éducation nationale. Cette année, contrairement à ce que vous affirmez, l’éducation nationale, premier employeur de France, est aussi le premier recruteur, avec 17 000 personnes embauchées ! Et contrairement à ce que vous indiquez, 80 % de ces recrutements correspondent à des postes de titulaires. Ce sont donc des fonctionnaires qui, tout au long de leur vie, exerceront le métier d’enseignant.

Madame la députée, nous avons souhaité élever le niveau de formation initiale de nos enseignants et, pour cela, nous recrutons aujourd’hui au niveau master, alors qu’on entrait auparavant à l’IUFM avec une licence. Il est normal que, mécaniquement, il y ait moins de candidats au niveau master qu’il n’y en avait au niveau licence.

M. Yves Nicolin. Très bien !

M. Luc Chatel, ministre. Deuxièmement, vous comparez ce qui n’est pas comparable, à savoir les chiffres des années 2009 et 2010. En effet, il y a eu deux concours en 2010, puisqu’il s’agissait d’une année de transition, et la même cohorte a pu se présenter deux fois au concours durant cette année. Assez de caricature ! Nous investissons dans la formation des enseignants en élevant le niveau de formation initiale et nous recrutons 17 000 personnes, dont 80 % de titulaires, parce que nous voulons les meilleurs pour l’éducation nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Assouplissement des normes handicap

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Jeanneteau, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Paul Jeanneteau. Ma question s’adresse à Mme Roselyne Bachelot, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

Madame la ministre, la semaine dernière, le Sénat a adopté, en deuxième lecture, la proposition de loi du sénateur Paul Blanc tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées. En tant que rapporteur de cette proposition de loi à l’Assemblée nationale, je me réjouis de ce vote. En effet, le texte propose des mesures techniques visant à améliorer le fonctionnement des MDPH et des dispositifs destinés à améliorer l’évaluation et l’attribution des droits et prestations des personnes handicapées ; par ailleurs, il précise la gouvernance des politiques en faveur de l’emploi des personnes handicapées.

Lors de l’examen du texte à l’Assemblée, en février dernier, des dispositions concernant l’accessibilité des bâtiments ont été adoptées. Ainsi, l’article 14 bis prévoit que des mesures de substitution peuvent être prises lorsque le maître d’œuvre apporte la preuve qu’il est techniquement impossible de mettre en accessibilité un bâtiment. Quant à l’article 14 ter, il crée un régime d’exception très encadré pour les logements destinés à l’occupation temporaire ou saisonnière, dont la gestion et l’entretien sont assurés de façon permanente.

Or, depuis quelques jours, l’Association des Paralysés de France mène une campagne, largement relayée dans les médias, appelant « à résister à cette proposition de loi qui déroge à la liberté de circuler ». Aussi, madame la ministre, pourriez-vous indiquer à la représentation nationale quelles sont les conséquences concrètes de ces dispositions pour les personnes handicapées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur le député, il faut se réjouir des avancées substantielles que va représenter, pour les personnes en situation de handicap, l’adoption de la proposition de loi de M. Paul Blanc, dont on connaît le militantisme en faveur du handicap. Je veux également vous remercier, monsieur Jeanneteau, pour l’implication dont vous avez fait preuve à défendre ce texte.

La secrétaire d’État Marie-Anne Montchamp et moi-même avons été particulièrement vigilantes à faire en sorte que ce texte marque des avancées substantielles. Vous avez parlé du fonctionnement des MDPH et des avancées en termes de droits des personnes handicapées. Le Président de la République a rappelé, lors de la dernière conférence nationale du handicap, que l’échéance de 2015 – à laquelle Marie-Anne Montchamp, qui a porté ce texte, est particulièrement attachée – n’était pas négociable.

L’Association des paralysés de France a manifesté de l’inquiétude sur deux points. Premièrement, jusqu’à présent, en cas d’impossibilité d’appliquer des normes, on appliquait des mesures de dérogation. Désormais, avec l’article 14 bis de la proposition de loi, il s’agira de mesures de substitution, prises lorsque le promoteur apportera la preuve de l’impossibilité technique de mise en œuvre des normes d’accessibilité, après validation par la commission départementale d’accessibilité – dont on connaît la position particulièrement rigoureuse.

Deuxièmement, en ce qui concerne le logement temporaire, on avait vendu une fausse promesse aux personnes en situation de handicap, dans la mesure où l’exigence d’accessibilité se limitait aux parties communes – les logements restant, eux, adaptables. Imaginez-vous quelqu’un arriver dans une résidence de vacances pour une semaine et convoquer un maçon, un plombier et un électricien ? Désormais, il est garanti un certain pourcentage de logements accessibles.

Voilà pourquoi Marie-Anne Montchamp et moi-même avons appuyé ce texte, qui constitue une véritable avancée pour les personnes handicapées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

2

Organisation de la médecine du travail

Vote solennel

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble de la proposition de loi relative à l’organisation de la médecine du travail (nos 3120, 3529).

Explications de vote

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Anny Poursinoff pour le groupe GDR.

Mme Anny Poursinoff. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État chargée de la santé, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de revenir à la réponse que m’avait faite, le 30 juin dernier, M. Xavier Bertrand.

Derrière la « valorisation du travail » qu’il évoquait, nous ne mettons ni les mêmes valeurs ni les mêmes enjeux. L’humain n’est pas un capital inépuisable ; je voudrais qu’il soit clair que, au cours de ce débat sur l’organisation de la médecine du travail, les écologistes ont insisté sur l’utilité sociale du travail et sur l’importance du bien-être au travail, mais aussi sur la nécessité d’une meilleure implication des salariés, ce qui n’est pas possible s’ils sont utilisés comme des pions interchangeables au gré des fantaisies de la DRH. Ainsi, dans certains hôpitaux, on ne prend pas en considération le travail d’équipe, qui permet pourtant de nouer des liens de confiance sur le long terme.

Plus généralement, aujourd’hui, la pénibilité est parfois moins manifeste, plus diffuse : ainsi, les conditions et la durée des transports ont des conséquences économiques, sociales et sanitaires. En Île-de-France, les salariés effectuent chaque jour des trajets interminables, debout dans des TER bondés, ou bien coincés dans des embouteillages. L’épuisement est réel, mais on sait bien que le chantage à la délocalisation ou à la fermeture de l’entreprise si les performances ne sont pas atteintes forcent les salariés à accepter l’inacceptable.

Le seul rempart demeure le médecin du travail. Pourtant, notre rapporteur, M. Guy Lefrand, aime à décrire ce médecin comme enfermé dans sa tour d’ivoire. Là encore, j’ai bien peur qu’il y ait une erreur. Est-ce là une façon d’attaquer indirectement le statut particulier du médecin et le secret professionnel ? Est-ce son indépendance qui déplaît à la majorité ?

M. Guy Lefrand, rapporteur de la commission des affaires sociales. C’est une attaque purement gratuite !

Mme Anny Poursinoff. Ce n’est pas le médecin du travail qui est enfermé dans sa tour d’ivoire, mais bien le Gouvernement ! En effet, vous restez aveugles à la réalité des conditions de travail qui se dégradent, aux dépressions et aux suicides liés au travail.

La différence d’espérance de vie entre un manœuvre et un cadre est d’environ huit ans. Il faut se poser la question des effets de votre action sur cette triste réalité, qui sera encore renforcée par la réforme des retraites, qui pénalise encore et toujours les mêmes personnes.

Ce n’est pas le médecin du travail qu’il faut combattre, mais les risques psychosociaux, la pénibilité et leurs effets sur l’espérance de vie. Une véritable politique publique de santé au travail doit accorder toute sa place à la prévention, et se donner les moyens de ses ambitions.

Je ne reviendrai pas sur la situation dramatique d’un numerus clausus trop restrictif, qui organise la pénurie de médecins.

Le développement des maladies professionnelles nous rappelle aussi qu’il convient d’éviter tout conflit d’intérêts et de mener une politique de prévention à long terme. Le scandale de l’amiante en témoigne ; le développement des cancers et des maladies chroniques liés à l’utilisation de substances nocives nous rappelle encore combien il est impératif de garantir la force et l’indépendance de la médecine du travail.

L’organisation d’équipes pluridisciplinaires pourrait être intéressante ; mais elles devraient nécessairement être coordonnées par un médecin, et le statut des membres de l’équipe devrait être identique à celui du médecin du travail. Ce n’est pas votre choix.

Vous préférez stigmatiser les consommateurs de drogue et d’alcool – alors que la loi interdit déjà la consommation d’alcool sur les lieux de travail – plutôt que de tenter d’éviter de futurs scandales : je pense aux futures victimes des produits radioactifs et des produits toxiques, en particulier les pesticides ; je pense aux effets futurs des nanotechnologies, de la laine de verre, de la poussière de bois.

M. Guy Lefrand, rapporteur. Nous aussi, nous y pensons.

Mme Anny Poursinoff. Votre application laxiste du principe de précaution tend à dévoyer ce concept lui-même. Cela se fera aux dépens de la santé.

L’ensemble des salariés, des employeurs et toute la société doivent comprendre qu’une médecine du travail forte et indépendante est bénéfique pour toutes et tous, et à tous les niveaux, social, économique et sanitaire. Il est primordial de placer la santé au travail au centre de nos préoccupations ; le juge l’a bien compris, et il faut s’en féliciter, car le Gouvernement est encore trop loin de cette prise de conscience. L’investissement en faveur de la santé est un investissement positif à long terme.

Mes chers collègues, les organisations de médecins du travail dénoncent cette proposition de loi, qui, sans rien régler des problèmes rencontrés aujourd’hui, affaiblit une organisation qui devrait au contraire être renforcée. Les députés écologistes, comme l’ensemble du groupe GDR, voteront donc contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Francis Vercamer. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte que nous allons adopter cet après-midi témoigne de la volonté d’adapter l’organisation de la médecine du travail aux enjeux de la santé en milieu professionnel.

L’émergence de nouveaux risques tels que les risques psychosociaux, ceux liés aux produits cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques, ou les troubles musculo-squelettiques, impose en effet d’affirmer l’importance des médecins du travail, et plus largement le rôle des services de santé au travail, dans le domaine de la prévention.

Parmi les avancées que comporte cette proposition de loi, il faut d’abord mentionner l’élargissement des missions des services de santé : conseil, suivi, surveillance de l’état de santé, prévention. Ces missions s’exercent en complément de celles exercées par le médecin du travail, dont l’objectif est toujours d’éviter l’altération de la santé des travailleurs. Nous avons proposé que la prévention de la désinsertion sociale et professionnelle – nous pensons notamment aux seniors – complète ces missions.

La proposition de loi précise également les conditions d’exercice de ces missions, qui sont effectuées dans le cadre d’une équipe pluridisciplinaire au sein de laquelle le médecin du travail, dont l’indépendance est garantie, conserve un rôle central.

Le groupe Nouveau Centre regrette que les garanties d’indépendance dont bénéficie le médecin du travail n’aient pas été étendues, comme nous le proposions, à toute l’équipe pluridisciplinaire, de manière à ce que celle-ci puisse exercer ses missions dans la sérénité.

En dépit des dispositions de ce texte, la question de la démographie médicale demeure posée : 55 % des médecins du travail ont plus de 55 ans, et 80 % d’entre eux partiront à la retraite d’ici à dix ans.

Pour pallier la chute massive des effectifs qui s’annonce, nous proposons d’encourager le développement de passerelles entre médecine de ville et médecine du travail en facilitant les reconversions professionnelles de médecins en exercice vers la santé au travail. Nous avons pris bonne note, madame la secrétaire d’État, de l’engagement pris par le Gouvernement de prévoir des mesures en ce sens, vers la fin de l’année, dans le cadre des décrets d’application de la loi Hôpital, patients, santé, territoires.

Par ailleurs, nous estimons que, pour ce qui est de la gouvernance du conseil d’administration des services de santé au travail, ce texte est parvenu à une solution équilibrée.

M. Guy Lefrand, rapporteur. Très bien !

M. Francis Vercamer. La répartition des pouvoirs entre un président issu du collège employeur et un trésorier issu du collège salarié, dans un conseil d’administration paritaire, nous semble de nature à concilier responsabilité pénale de l’employeur en matière de protection des salariés et dialogue entre partenaires sociaux. La prédominance des représentants des salariés au sein de la commission de contrôle contribue aussi à l’équilibre recherché.

Sur notre proposition, le texte mentionne désormais que les priorités des services de santé au travail tiennent compte des orientations du plan national « santé au travail » et de ses déclinaisons régionales, afin que l’architecture de la santé au travail soit clairement établie.

Nous regrettons néanmoins qu’une dimension plus territoriale de l’organisation des services de santé au travail, dans le cadre d’un schéma régional concerté, n’ait pas été davantage recherchée et qu’elle ne puisse pas faire l’objet d’une expérimentation.

Pourtant, convaincu que ce texte comporte des avancées notables qui redonneront à la médecine du travail une capacité d’action indispensable pour relever les nouveaux défis de la santé au travail, le groupe Nouveau Centre apportera son soutien à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Mme la présidente. Le scrutin public sur l’ensemble de la proposition de loi est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe UMP.

Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, plusieurs constats incitent aujourd’hui à réformer l’organisation de la santé au travail.

Le nombre d’accidents du travail diminue, mais le nombre de maladies professionnelles, dont 80 % sont des troubles musculo-squelettiques, augmente. Mais les ressources sont limitées, car le nombre de médecins du travail diminue, et le temps pour effectuer des interventions de prévention sur le lieu de travail leur manque souvent.

Il est donc indispensable d’apporter une réponse à la pénibilité afin de réduire le risque de maladies professionnelles, notamment en améliorant les dispositifs de santé au travail.

De plus, après la réforme des retraites, qui allonge de deux années la durée d’activité, le maintien dans l’emploi, en particulier des seniors, constitue un objectif majeur.

La question de la pénibilité et celle des services de santé au travail sont donc indissociables.

Cette réforme vise à remettre la santé au travail au cœur des préoccupations de l’entreprise. Pour cela, elle définit d’abord les missions des services de santé au travail, afin de prendre en considération les nouvelles formes d’organisation du travail et de relever les défis de la prévention en milieu de travail ; pour cela, de véritables services de prévention de proximité sont nécessaires.

Elle généralise ensuite les équipes pluridisciplinaires, coordonnées par un médecin du travail et associant des spécialistes et des techniciens.

Elle vise également à mieux couvrir tous les salariés, notamment les salariés intérimaires qui ne l’étaient pas jusqu’à présent.

Elle prend en considération la démographie médicale : 75 % des médecins du travail ont déjà atteint leur cinquantième anniversaire.

Elle vise à mieux prévenir la désinsertion professionnelle en cas d’inaptitude : les salariés déclarés inaptes doivent pouvoir se reconvertir.

Elle renforce également l’indépendance des médecins du travail. Le texte y consacre un article entier.

Enfin, elle aménage le paritarisme au sein des services de santé au travail interentreprises.

La médecine du travail doit évoluer et se moderniser pour répondre à de nouveaux défis. C’est tout l’enjeu de ce texte tant attendu. Pour toutes ces raisons, les députés du groupe UMP voteront la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe SRC.

M. Alain Vidalies. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pour beaucoup de salariés, les changements dans l’organisation du travail se traduisent de plus en plus par l’intensification des tâches et l’individualisation.

De plus en plus isolés, les salariés se voient assigner des objectifs souvent inatteignables. C’est là une évolution du mode de management des ressources humaines qui entraîne aujourd’hui malheureusement beaucoup de conséquences chiffrées, notamment dans le domaine des risques psychosociaux qui connaissent une explosion. Cette évolution, il faut bien dire que la droite y a contribué avec des mesures concernant les heures supplémentaires. Outre que nous ne sommes pas d’accord avec leur intérêt économique, leurs conséquences sur la santé des salariés n’ont jamais été soulevées au cours du débat sur la médecine du travail, alors qu’elles devraient en être le cœur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. Alain Vidalies. La France a toujours fait le choix d’une médecine du travail spécifique. Nous y sommes attachés, comme nous sommes attachés à son indépendance. En même temps, nous devons poser un regard lucide sur sa situation : d’une part, sa démographie, qui reflète le manque d’attractivité du métier – mais c’est à ceux qui sont aux responsabilités d’y remédier ; d’autre part, son organisation qui n’a pas permis d’éviter de graves difficultés, telle la catastrophe sanitaire de l’amiante.

Nous étions d’accord sur la nécessité d’une réforme qui devait apporter des solutions au problème de la démographie – mais force est de constater qu’aucune proposition n’a été faite par le Gouvernement –, faire le choix de la pluridisciplinarité, avec lequel sommes d’accord, et revenir sur la gouvernance des services de santé au travail.

Le débat au Sénat avait permis une petite avancée sur la réforme de la gouvernance en prévoyant un système paritaire avec présidence alternée entre employeurs et salariés. Or, pour l’UMP de l’Assemblée nationale, cette petite avancée, c’était encore trop. Résultat, nous avons aujourd’hui un texte qui promeut le paritarisme avec présidence permanente des employeurs. C’est donc une régression.

Puisqu’il n’y a aucune avancée, aucune proposition nouvelle, et que ses amendements, notamment sur les rôles du CHSCT, ont tous été refusés, le groupe socialiste votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble de la proposition de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 458

Nombre de suffrages exprimés 456

Majorité absolue 229

(La proposition de loi est adoptée.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Balligand.)

Présidence de M. Jean-Pierre Balligand,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Projet de loi de finances rectificative pour 2011

Discussion du texte de la commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2011 (n° 3607).

La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, rapporteur de la commission mixte paritaire. Madame la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, permettez-moi de vous dire à quel point nous sommes heureux de vous accueillir en tant que ministre chargée des comptes publics. Nous nous réjouissons à l’avance de préparer avec vous le dernier budget de la législature.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2011 comportait soixante-deux articles. Le Sénat a adopté trente-deux articles dans les mêmes termes que l’Assemblée, il en a ajouté dix-neuf et supprimé cinq. Sur les quarante-quatre articles encore en discussion, nous sommes parvenus, avec nos collègues sénateurs, à un accord sur quarante-deux articles et nous en avons supprimé deux. La commission mixte paritaire a abouti, et je m’en réjouis.

La réforme de l’ISF était le cœur du projet de loi de finances rectificative, et nous avons apporté quelques améliorations à l’équilibre général du dispositif. Il s’agissait de supprimer le bouclier fiscal qui rapporte 700 millions d’euros et d’alléger le barème de l’ISF, et de compenser cette perte par tout un ensemble de mesures, comme la suppression des abattements de droits de mutation liés à l’âge du donateur, le retour à un rapport fiscal décennal de dix ans, la création d’une exit tax sur les plus-values latentes et d’une taxe sur les résidences secondaires des non-résidents.

En première lecture, l’Assemblée a souhaité maintenir les abattements pour mesure d’âge dans un seul cas, celui de la transmission d’entreprises familiales. Le sujet de la bonne transmission des entreprises dans notre pays est essentiel et constitue un fil directeur pour la commission des finances. Il nous est apparu utile de conserver cette incitation d’un abattement de 50 %, dès lors que la donation se fait par un donateur de moins de soixante-dix ans et sous réserve que la transmission se fasse en pleine propriété.

Nous avons également souhaité lisser les effets du retour à un rapport fiscal décennal, afin que l’on ne puisse dire en aucun cas qu’il pouvait y avoir rétroactivité, la commission des finances ayant horreur de toute forme de rétroactivité fiscale, même de la « petite rétroactivité » comme l’on dit. Cette mesure est financée par une augmentation des droits de partage.

Par ailleurs, nous avons instauré l’obligation de déclarer les dons manuels au plus tard un mois après le décès du donateur.

Le Sénat a supprimé la taxe sur les résidences secondaires des non-résidents, que notre Assemblée avait votée malgré quelques interrogations, notamment sur sa compatibilité avec la réglementation européenne.

Le Sénat a adopté une mesure que nous avions votée en commission des finances mais qui n’avait pas pu franchir l’hémicycle, à savoir la coordination de l’augmentation de 5 points de la taxation des très grosses successions sur l’assurance-vie. L’assurance-vie sert de vecteur à des successions mais n’est taxée qu’à hauteur de 20 %. Le Sénat a donc porté cette taxe à 25 %, et je m’en réjouis.

Le Sénat a repris notre idée d’utiliser la taxe sur les droits de partage pour compenser le manque à gagner, en la portant à 2,5 %.

Vous le voyez, nos positions étaient très voisines en commission mixte paritaire. Nous avons validé les votes des deux chambres tout en prévoyant que la taxe sur les droits de partage n’entre en vigueur que le 1er janvier prochain.

M. Christian Eckert. Cette augmentation est scandaleuse !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur Eckert, il ne faudrait pas pénaliser les partages qui sont d’ores et déjà réglés chez le notaire mais en attente d’homologation chez le juge.

Nous avons adopté la proposition du Sénat qui souhaitait un lissage un peu moins avantageux que ce qui avait été voté à l’Assemblée. J’insiste sur le fait que nous sommes parvenus à un équilibre rigoureux entre les baisses de recettes et les recettes de substitution car nous n’avons pas le droit de financer des réformes fiscales par le déficit, et donc par la dette.

M. Pierre-Alain Muet. C’est loupé !

M. Marc Goua. C’est ce que vous faites depuis dix ans !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les réformes fiscales doivent s’autofinancer, et c’est le cas dans ce collectif.

M. Christian Eckert. Non, il manque 700 millions d’euros !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En dehors de la réforme de l’ISF, la commission mixte paritaire a confirmé plusieurs décisions du Sénat.

D’abord, elle a confirmé la diminution de 1 % à 0,9 % pour 2012 et 2013 du plafond de la cotisation des collectivités territoriales au Centre national de la fonction publique territoriale. En effet, celui-ci dispose aujourd’hui d’un fonds de trésorerie très important. Il est donc normal que les collectivités locales employeurs bénéficient d’une petite réduction de cotisation pour éponger ce fonds de roulement.

De même, nous avons suivi nos collègues du Sénat sur un dossier dont vous aurez à connaître et qui concerne les crédits budgétaires de la justice. En effet, la Haute Assemblée a souhaité que l’on transfère 5 millions d’euros en augmentation des frais de justice, notamment pour indemniser les entreprises chargées de la géolocalisation des téléphones portables, sujet extrêmement important pour faire aboutir les enquêtes. Cette somme a été prise sur les dépenses de fonctionnement de l’administration centrale. Je me tourne vers M. Yves Deniaud qui préside le Conseil national de l’immobilier pour lui dire que nous sommes persuadés que le ministère de la justice pourrait faire des économies considérables s’il acceptait enfin de regrouper ses services. La commission des finances est très vigilante sur ce sujet. Madame la ministre, il est possible de réaliser beaucoup d’économies dans le domaine de la gestion de l’immobilier de l’État.

M. Yves Deniaud. En effet !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons suivi le Sénat sur l’expérimentation des contrats de partenariat concernant les SDIS.

En revanche, nous ne l’avons pas suivi sur l’assouplissement des pactes Dutreil, car nous considérons qu’il faut conserver le cumul de conditions, en termes de droits de vote et en termes de droits financiers.

En ce qui concerne l’Île-de-France – sujet qui vous intéresse tout particulièrement, madame la ministre –, nous n’avons pas suivi nos collègues du Sénat qui souhaitaient prélever des fonds sur la Société du Grand Paris pour amortir le lissage de l’augmentation de la taxe sur les créations de bureaux qui va au budget régional. En contrepartie, nous avons adopté un amendement auquel je tiens beaucoup et qui prouve que l’État souhaite avoir des relations très constructives et transparentes avec la région Île-de-France, qui, vous le savez, ne pouvait pas utiliser la disposition du Grenelle de l’environnement sur la modulation de TIPP, ce qui était regrettable compte tenu des investissements très importants qu’elle doit faire, en matière de transport, avec le projet du Grand Paris. Avec cet amendement, cette modulation pourra être utilisée.

La CMP a rétabli le texte de l’Assemblée qui avait été proposé par Victorin Lurel et qui prévoit l’instauration d’un FIP outre-mer ouvert aux contribuables ultramarins à compter de l’imposition des revenus 2011.

Nous sommes parvenus à convaincre nos collègues sénateurs sur un sujet qui intéresse au premier chef le ministre du budget, puisqu’il concerne l’encadrement des effectifs des autorités publiques indépendantes.

Mme Martine Aurillac. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Après les effectifs de l’État, puis des opérateurs de l’État, c’est au tour des effectifs des autorités publiques indépendantes d’être encadrés.

Enfin, la commission mixte paritaire est parvenue à un compromis sur deux articles.

Le premier concerne le Fonds national des solidarités actives. Mme Fabienne Keller avait fait adopter au Sénat un amendement déplaçant 200 millions d’euros du Fonds de solidarité active vers les contrats aidés. Or il nous est apparu que cette somme était beaucoup trop importante. C’est pourquoi nous l’avons réduite à 25 millions d’euros pour faciliter la création de nouveaux emplois aidés, notamment des postes d’assistants auprès des directeurs d’école, car les besoins sont réels.

Le second article concerne l’éligibilité au Madelin et à l’ISF-PME. Depuis cette année, il n’était plus possible de bénéficier de ce type d’investissement dès lors que l’entreprise ne comptait pas deux salariés au moins. Or cette condition était très difficile à remplir pour des entreprises qui démarrent. Nous nous sommes mis d’accord pour que cette condition ne soit nécessaire qu’au terme de la clôture du second exercice. C’est, je crois, une position raisonnable.

En conclusion, madame la ministre, je tiens à saluer la qualité du travail accompli avec le Gouvernement. Nous avons eu des relations très constructives et très confiantes avec le cabinet de votre prédécesseur.

Je remercie tous les collègues qui ont été très présents. Les débats ont été très riches. Je rappelle que nous avons siégé ici toute la nuit du vendredi 10 juin et jusqu’au samedi matin sept heures.

Je remercie également les présidents de séance qui ont fort bien présidé, notamment vous, monsieur Balligand.

Je remercie enfin la presse qui a rendu compte de nos travaux et l’ensemble des personnels de l’Assemblée nationale.

Dans ces conditions, la commission vous invite à voter l’ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2011, compte tenu des amendements de coordination du Gouvernement, qui prouvent que le Gouvernement reconnaît la qualité du travail effectué par la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi avant tout de vous dire que c’est un honneur de représenter aujourd’hui le Gouvernement pour ce débat qui vient clore une discussion parlementaire forte et stimulante. Une fois encore, la commission des finances aura engagé un dialogue exigeant et constructif avec le Gouvernement et ce sera un privilège, mesdames et messieurs les députés, que de le poursuivre avec vous tout au long des mois qui viennent.

D’emblée, je souhaite rendre hommage à Christine Lagarde et à François Baroin qui ont défendu ce projet de loi de finances rectificative avec l’énergie et la force de conviction qui les caractérisent. Cette réforme de la fiscalité du patrimoine que nous parachevons aujourd’hui leur doit également beaucoup. Je tenais à le souligner.

Vous le savez, cette réforme est d’abord le fruit d’un travail collectif : vous aviez l’un comme l’autre, monsieur le président, monsieur le rapporteur général, appelé à maintes reprises l’attention du Gouvernement sur la nécessité de s’y engager. Aussi François Baroin a-t-il souhaité associer les parlementaires à sa conception de la réforme par l’intermédiaire d’un groupe de travail qui y a d’emblée apporté son empreinte.

Vos débats, mesdames et messieurs les députés, ont permis d’améliorer encore le texte qui vous était soumis. Je sais que, avec François Baroin, vous avez eu dans cet hémicycle des discussions souvent animées, parfois vives, mais toujours fécondes – je tiens là encore à vous en remercier.

Cet après-midi, nous allons parachever une réforme qui modifiera profondément le visage de notre fiscalité du patrimoine, une fiscalité qui sera désormais plus juste, plus simple et plus efficace sur le plan économique.

Cette réforme repose sur un principe des plus clairs : la taxation de la détention du patrimoine sera allégée, particulièrement pour les contribuables se situant à la lisière de l’impôt de solidarité sur la fortune.

M. Roland Muzeau. Tu parles d’une lisière !

Mme Valérie Pécresse, ministre. En contrepartie, nous renforcerons l’imposition de la transmission des patrimoines les plus importants. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Notre fiscalité sera donc plus juste. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Roland Muzeau. Les riches seront plus riches !

M. Henri Emmanuelli. Mme Pécresse commence bien !

Mme Valérie Pécresse, ministre. L’impôt de solidarité sur la fortune est en effet recentré sur les patrimoines les plus importants. Cette réforme sera plus efficace, car cette taxation sera significative sans s’apparenter pour autant à une spoliation qui nuirait non seulement à l’équité de notre système fiscal, mais aussi à la compétitivité de notre pays.

M. Roland Muzeau. Les amis du Fouquet’s se portent en effet très bien !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Enfin, cette réforme est marquée du sceau de la simplification…

M. Roland Muzeau. C’est sûr, il y a 300 000 personnes qui ne paieront plus rien !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …puisqu’elle verra s’alléger très nettement les formalités auxquelles seront soumis les contribuables.

Je suis heureuse de constater que le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire s’inscrit lui aussi dans ces trois axes que le Président de la République avait lui-même défini pour cette réforme qu’il a voulue et lancée. (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Henri Emmanuelli. Quel génie !

M. Roland Muzeau. Quel leader ! Kim Il-Sarkozy !

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est la raison pour laquelle je ne présenterai, lors de cette discussion, que des amendements de nature technique, destinés à tirer les conséquences du vote du Parlement.

M. Christian Eckert. Sept cents millions d’euros de déficit, c’est technique ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Comme le souhaitait le Président de la République, le texte que vous avez adopté permettra de rénover en profondeur l’ISF et, en conséquence, de supprimer le bouclier fiscal.

Ce dernier avait en effet été conçu pour limiter les effets pervers de l’ISF.

M. Roland Muzeau. C’est le Gouvernement qui est pervers !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous connaissez parfaitement ces effets. Je rappellerai donc simplement que son assiette et son taux rendaient cet impôt très sensible à la hausse des prix de l’immobilier, ce qui conduisait à faire entrer dans le champ de l’ISF des foyers dont la résidence principale constituait l’essentiel du patrimoine. De même, le barème actuel aboutissait dans les faits à taxer de manière excessive des actifs dont le rendement était faible. Quant aux modalités de déclaration, elles étaient trop complexes et faisaient naître une très forte insécurité.

Ces effets pervers, je tiens à le souligner, ont été reconnus par tous les gouvernements, qu’ils soient de droite ou de gauche.

M. Roland Muzeau. Parlez pour vous !

M. Henri Emmanuelli. Occupez-vous donc de la droite !

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est la raison pour laquelle nous avons tous cherché, année après année, à les corriger à la marge. Dès 1989, le principe d’un plafonnement en fonction du revenu avait été retenu.

M. Henri Emmanuelli. Et Alain Juppé, qu’a-t-il fait ensuite ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est dans cet esprit, mais sous une forme plus aboutie, qu’a été créé puis étendu le bouclier fiscal garantissant que nul n’aurait à payer plus de 50 % de son revenu en impôts directs.

M. Christian Eckert. C’est faux !

M. Henri Emmanuelli. Vous avez oublié Juppé !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je tiens à souligner qu’en 2007 nous avons eu le courage d’apporter une réponse, certes imparfaite mais pragmatique, à l’éternelle question des effets pervers de l’ISF.

Aujourd’hui, sous l’impulsion du Président de la République, nous optons pour une réforme plus profonde de l’imposition sur le patrimoine.

L’esprit qui nous anime reste par conséquent le même : nous croyons fermement au principe de justice fiscale, mais nous allons pour notre part jusqu’au bout de ce principe. Nous sommes convaincus qu’un système fiscal est juste quand il taxe plus fortement les hauts patrimoines. Mais nous savons aussi qu’un impôt qui devient confiscatoire perd toute légitimité. La justice et la spoliation ne peuvent faire bon ménage. Notre devoir revient donc à trouver un équilibre entre la nécessaire progressivité de notre système d’imposition, qui doit taxer plus ceux qui gagnent plus, et le respect du travail et de la propriété de chacun.

C’est pourquoi nous vous avons proposé de refondre notre fiscalité du patrimoine et de supprimer le bouclier fiscal, tout en prévoyant un dispositif spécial à destination des ménages modestes qui en bénéficiaient : ceux-ci entreront en effet dans le champ d’un plafonnement particulier de la taxe foncière.

De même, le relèvement de 800 000 à 1,3 million d’euros du seuil d’assujettissement à l’ISF permettra d’exclure tous les foyers dont le patrimoine se situait à la limite du champ d’imposition : l’élévation des prix de l’immobilier ne suffira donc plus à rendre un foyer redevable de l’ISF. Là encore, nous apportons des réponses pragmatiques à de nombreux Français qui craignaient de payer fiscalement pour une hausse de la valeur de leur résidence principale, laquelle hausse ne faisait qu’augmenter de manière virtuelle leur patrimoine.

M. Christian Eckert. Il existe donc, selon vous, des riches virtuels !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Quant au barème de l’impôt de solidarité sur la fortune, il sera profondément simplifié. Désormais, il n’y aura plus que deux taux d’imposition : le premier sera de 0,25 % du patrimoine net quand la valeur de ce dernier est comprise entre 1,3 million et 3 millions d’euros. Au-delà de 3 millions d’euros, le taux applicable sera de 0,50 %.

Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, l’ISF sera considérablement simplifié.

M. Henri Emmanuelli. En effet !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous passons de six taux à seulement deux, ce qui limitera les effets de seuil et rendra l’impôt beaucoup plus prévisible pour les contribuables eux-mêmes.

M. Roland Muzeau. Contribuables dont vous divisez le nombre par deux !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il s’agit là aussi d’une véritable avancée.

Mme Marie-George Buffet. Merci pour eux !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Un impôt fondé sur des principes compréhensibles, un impôt plus prévisible, est un impôt plus légitime et mieux accepté.

M. Roland Muzeau. Caviar pour tout le monde !

Mme Valérie Pécresse, ministre. En matière de fiscalité plus encore que dans toute autre, nous avons tout à y gagner.

M. Roland Muzeau. C’est vrai : vous avez tout à y gagner !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je sais que, sur certains bancs, on attache peu d’importance à cette question.

M. Henri Emmanuelli. Vous devriez avoir honte d’affirmer cela !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je crois que c’est une erreur : oui, la solidarité fiscale est une exigence ; oui, l’imposition des patrimoines les plus importants est une nécessité sociale.

Au moment même où le redressement de nos finances publiques s’impose comme un impératif absolu, nous avons tous le devoir de contribuer à la réduction des déficits en fonction de nos facultés. Mais tous les contribuables, quel que soit leur niveau de revenu ou de patrimoine, ont aussi le droit de savoir combien ils devront payer et pourquoi. C’est la moindre des choses.

Pour notre part, nous avons fait des choix clairs : nous préférons taxer la transmission plutôt que la détention. La réforme de l’ISF sera donc financée grâce à une taxation plus importante des donations et des successions pour les hauts patrimoines.

Ainsi la réforme issue du compromis trouvé en CMP propose-t-elle d’abord d’augmenter de cinq points les tarifs applicables aux deux dernières tranches du barème d’imposition des successions et donations consenties en ligne directe ; ensuite de supprimer les réductions de droits de donation accordés en fonction de l’âge du donateur. À l’initiative de la commission des finances, cette réduction continuera à s’appliquer dans une hypothèse : lorsque le donateur transmet avant l’âge de soixante-dix ans les titres de son entreprise en pleine propriété dans le cadre d’un engagement de conservation pour permettre la transmission des entreprises,…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …enfin, d’augmenter de six à dix ans le délai de rappel des donations. Ce régime a été aménagé, à l’initiative de l’Assemblée, suivie par la commission mixte paritaire, afin d’instituer une entrée progressive des donations antérieures dans le mécanisme du rapport fiscal décennal.

Je soulignerai pour finir que ce projet de loi étend également le champ de la solidarité par l’impôt, en luttant contre un certain nombre des pratiques que l’on qualifiait, pudiquement, d’optimisation fiscale.

M. Henri Emmanuelli. Il en reste, du travail !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je pense en particulier à l’exit tax que nous venons de créer et qui permet de priver les exilés fiscaux du bénéfice de leur expatriation, en les taxant comme s’ils n’avaient jamais quitté la France. En pratique, les plus-values – virtuelles – constatées lors du transfert de domicile hors de notre pays seront bel et bien imposées.

M. Pierre-Alain Muet. Il faut oser le dire !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Permettez-moi d’y insister : là aussi, il s’agit d’une avancée considérable en direction d’une plus grande équité de notre système d’imposition. Oui, la France se doit d’offrir un environnement fiscal compétitif. Mais être compétitif, c’est aussi nous donner les mêmes armes que nos voisins européens pour lutter contre le zapping fiscal, qui conduit certains à profiter ici et là des dispositifs les plus attractifs et à mettre en concurrence les cadres nationaux.

Sur ce point également, mesdames et messieurs les députés, je salue la très grande qualité de nos débats qui ont permis d’affiner et de renforcer le dispositif que nous vous proposions. Là aussi, le Gouvernement prend donc acte du texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.

J’aborde enfin, dans le même esprit, les autres dispositions de ce collectif et le Gouvernement respectera donc très largement les choix du Parlement. J’en mentionnerai deux particulièrement significatifs.

Je pense d’abord à l’affectation, dès cette année, à la région Île-de-France du produit de la TIPP « Grenelle ». Vous le savez, il s’agit de compenser les pertes de recettes liées au lissage de la redevance sur les créations de bureaux, une disposition adoptée à l’initiative de votre rapporteur général et du député Yves Vandewalle afin d’éviter des variations d’imposition trop fortes pour certains contribuables.

Afin de compenser cette perte de recettes, le Sénat a proposé d’attribuer à la région capitale une partie du produit de la taxe sur les locaux à usage de bureaux. Le Gouvernement s’est déclaré favorable à cette solution qui permettait de ne pas augmenter le poids global des prélèvements obligatoires mais d’en modifier simplement l’affectation.

La CMP, quant à elle, a souhaité aller plus loin et donner à la région Île-de-France la possibilité de disposer dès cette année de ce que l’on appelle la TIPP « Grenelle »,…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Tout à fait !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …autrement dit de la possibilité d’augmenter la fiscalité sur l’essence. Je ne vous cache pas qu’il s’agit d’une décision lourde : elle peut avoir un impact direct sur les prix à la pompe et survient, au bas mot, avec deux ans d’avance sur le calendrier qui, dans le cadre du protocole d’accord sur le Grand Paris, avait été envisagé par l’État et la région.

M. Christian Eckert. Il ne nous reste plus qu’à circuler à vélo !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Néanmoins, le dispositif que vous avez retenu présente des garanties significatives, puisqu’il prévoit que les ressources supplémentaires dont disposera la région ne pourront être utilisées que pour investir dans l’amélioration du réseau de transports francilien. C’est, nous le savons tous, une priorité absolue pour les millions d’hommes et de femmes qui les empruntent chaque jour. Aussi le Gouvernement a-t-il décidé de s’en remettre à la sagesse du Parlement sur ce point. Nous veillerons néanmoins à ce que les engagements gravés dans ce collectif soient bel et bien tenus.

Le second point que je souhaite aborder concerne le report au 1er janvier 2012 de l’entrée en vigueur du relèvement du droit de partage.

M. Christian Eckert. Vous avez dit : partage ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Là encore, je comprends le choix de la CMP, qui a préféré décaler la date d’effet de ce nouveau régime : vous avez eu le souci de ne pas perturber les partages d’ores et déjà engagés, que ce soit à l’occasion d’un divorce ou d’une succession, et de ne pas changer les règles en cours d’année.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission mixte paritaire. Nous pouvons divorcer dès cette année !

Mme Valérie Pécresse, ministre. J’ai bien reçu le message de la commission des finances, monsieur Cahuzac. Là encore, je m’en remettrai donc à la sagesse du Parlement.

M. Henri Emmanuelli. Il s’agit d’un impôt ecclésiastique !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je me dois néanmoins de souligner que cette entrée en vigueur différée se traduira par une perte de recettes de 148 millions d’euros pour l’État en 2011 : l’amendement proposé par le Gouvernement à l’article d’équilibre se fera donc le miroir fidèle de cette décision, ainsi que de quelques autres.

Les autres amendements du Gouvernement apportés sur le texte de la CMP sont de nature rédactionnelle ou destinés à lever les gages sur les mesures votées par le Parlement en ce qui concerne l’extension du crédit d’impôt sur les fonds d’investissement de proximité dans les départements d’outre-mer à l’ensemble des contribuables résidant en France ou en ce qui concerne le FNSA.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, vous le voyez, les débats parlementaires ont permis d’enrichir…

M. Christian Eckert. D’enrichir quelques-uns, oui !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …et d’améliorer un texte qui, dans sa rédaction actuelle, me paraît pouvoir réunir un large consensus, du moins sur les bancs de la majorité.

Le Gouvernement s’en remet donc très largement au texte issu de la commission mixte paritaire et vous demande de l’adopter avec quelques amendements qui ne feront que tirer les conséquences du compromis trouvé entre les deux chambres du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission mixte paritaire.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a quelques mois, c’est une « réforme de la fiscalité du patrimoine » qui nous était annoncée par le Président de la République. Et c’est d’ailleurs toujours avec cette terminologie, madame la ministre, que vous nous présentez la lecture de cette réforme après la CMP.

S’agit-il vraiment d’une réforme de la fiscalité du patrimoine ? On peut en douter, puisque le volume réformé ne dépasse pas les 4 milliards d’euros. Certes, c’est beaucoup, mais rappelons que la fiscalité du patrimoine rapporte, tout compris, 56 milliards d’euros par an. Prétendre qu’une réforme qui ne porte que sur 4 milliards d’euros est une réforme de la fiscalité du patrimoine est peut-être…

M. Pierre-Alain Muet. Abusif !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission mixte paritaire. …excessivement ambitieux, pour ne pas dire inexact.

C’est en réalité une réforme très limitée qui nous est présentée, une réforme dont le seul but – nous le savons tous et le nier serait insincère – était d’en finir avec une disposition fiscale adoptée pendant l’été 2007 : le bouclier fiscal. En compensation de sa suppression, l’ISF fait l’objet d’une réforme, qui n’est pas sa suppression pure et simple, comme l’espéraient certains de nos collègues de la majorité, mais son adaptation à un contexte politique un peu nouveau. Cela aura au moins pour conséquence d’ancrer très durablement et très profondément l’ISF dans notre droit fiscal. Je ne suis pas sûr que cela correspondait à la volonté d’au moins une partie de la représentation nationale, si cela ne gêne en rien une autre partie.

Il ne s’agit donc pas d’une réforme de la fiscalité du patrimoine, mais d’une réforme très limitée de la fiscalité d’une partie du patrimoine. Au fond, cette réforme ne mériterait pas grande exégèse si elle ne violait des principes que vous-même, madame la ministre, au nom du Gouvernement, avez toujours défendus, de même que le rapporteur général et nombre de nos collègues de la majorité.

En effet, cette réforme se devait d’être à la fois équilibrée et juste : équilibrée financièrement, pour mettre fin à une pratique qui a voulu que toutes les réformes fiscales proposées au Parlement depuis 2007 aient été financées à crédit, c’est-à-dire par l’endettement ; et juste, ce qui veut dire que ceux qui bénéficiaient du bouclier fiscal devaient, d’une manière ou d’une autre, en compensation de sa suppression, contribuer au financement des pertes fiscales occasionnées par la réforme de l’ISF. Cet exercice aurait pu apparaître simple a priori : il n’aurait pas dû être très difficile de faire en sorte qu’une réforme très limitée de la fiscalité du patrimoine soit à la fois équilibrée et juste. Pourtant, je le crains, elle n’est ni équilibrée ni juste.

Elle n’est pas équilibrée, d’abord, parce que, en 2012 et en 2013, l’abandon du bouclier fiscal n’est que d’affichage. Il produira encore ses effets, et l’année prochaine et dans deux ans. L’année prochaine, il en coûtera encore 500 millions d’euros à l’État. Dans deux ans, il en coûtera encore 200 millions. Ni ces 500 millions en 2012, ni ces 200 millions en 2013 ne sont compensés en quoi que ce soit. Ne serait-ce qu’à ce titre, cette réforme n’est donc pas équilibrée.

Sans doute, vous pourriez répondre que la réforme sera équilibrée en 2014, une fois le bouclier fiscal définitivement supprimé. Mais, au déséquilibre temporaire, dû au fait que le bouclier fiscal continuera à produire ses effets, s’ajoutera alors un déséquilibre structurel. En effet, la modification du régime de reprise des successions ou des donations – c’est-à-dire l’essentiel de la recette – est supposée avoir un rendement dont beaucoup de parlementaires doutent. Et leurs doutes me semblent étayés par le passé, c’est-à-dire par l’expérience. C’est par la loi de finances rectificative en 2006 que le délai de reprise fut allongé de six à dix ans. À l’époque, le Gouvernement et sa majorité estimaient que le coût pour les finances de l’État serait de 40 millions d’euros. En faisant le chemin inverse, c’est-à-dire en repassant de dix à six ans, le gain serait, d’après vous, madame la ministre, de 450 millions d’euros. Il est un peu étrange, ne trouvez-vous pas, que le même chemin, selon qu’il est fait dans un sens ou dans l’autre, coûte 40 millions d’euros, puis en rapporte 450. Soit les 40 millions d’euros étaient largement sous-estimés – ce fut évidemment le cas –, soit les 450 millions d’euros sont évidemment surestimés, et peu doutent que tel soit aussi le cas. Car vous supposez que, avec une telle modification du régime de reprise, les comportements resteront inchangés. C’est en fait méconnaître la fiscalité, notamment celle du patrimoine, et en particulier celle des successions, que de croire que personne, aucun foyer, jamais, dans ce pays, ne modifie ses comportements quand de telles réformes interviennent. On peut douter très fortement du montant de cette recette de 450 millions d’euros. Mais seul l’avenir nous départagera. À tout le moins, nos doutes sont aussi légitimes que peu contestables, et plus encore lorsqu’on rappelle ce qu’était le coût estimé pour l’État quand il s’était agi de faire passer le délai de reprise de six à dix ans.

Il est également à craindre que cette réforme ne soit pas équilibrée, car votre estimation du produit de l’exit tax repose sur des hypothèses dont il est peu vraisemblable qu’elles seront, chaque fois et toujours, réunies. Il faut, je vous le rappelle, mes chers collègues, pour que le rendement de l’exit tax annoncé par le Gouvernement soit celui constaté, que les personnes concernées vendent au bout de cinq ans, et pas au-delà. Car au-delà, chers collègues de la majorité, à la suite de dispositions que vous avez votées, et jusqu’alors refusé d’abroger, la plus-value de cession est abattue d’un tiers par année de détention au-delà de cinq ans, ce qui veut dire que, au bout de huit ans, il n’y a plus d’assiette. Monter le taux peut toujours permettre un effet d’affichage en matière de recettes, mais, si l’assiette n’est plus là, on peut monter le taux, y compris à l’infini, le produit n’en sera pas majoré d’autant.

Or cette exit tax repose sur l’idée que tous ceux qui voudraient partir consulteraient des conseillers fiscaux incompétents au point de recommander à leurs clients de vendre au bout de cinq ans, et non pas d’attendre huit ans pour ce faire, et donc d’être exonérés de toute taxation de plus-value. Il peut se trouver des avocats fiscalistes ignorant cette subtilité. Il est douteux que tous ceux qui voudront s’exiler s’adressent à ceux qui ignoreraient ces notions pourtant élémentaires.

M. Henri Emmanuelli. C’est une taxe pour les cruches !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission mixte paritaire. Il faudra, dans le même temps, satisfaire à un critère de résidence : tout le monde devra partir pour la Belgique. Il est vrai que c’est une terre d’émigration fiscale plutôt prisée, mais pas exclusive. Le système que vous imaginez, madame la ministre, et que vous nous proposez en dernière lecture après que l’Assemblée et le Sénat se sont prononcés, ce système-là ne marche pas pour d’autres pays d’exils fiscaux.

Enfin, une troisième condition est posée. Admettons que le candidat au départ oublie qu’il peut s’exonérer de toute taxation et vende au bout de cinq ans ; admettons qu’il oublie qu’il existe d’autres terres d’asile que la Belgique, qui, naturellement, seraient très accueillantes pour cet exilé potentiel ; il faudrait encore que celui-ci n’ait jamais connu, que ce soit dans les années précédentes, dans les années à venir ou dans l’année en cours, de moins-value boursière. Or il est rare, madame la ministre, que, sur une période donnée, il n’y ait pas, à l’occasion, quelques moins-values boursières, lesquelles s’imputent sur le système que vous nous proposez.

Le rendement ne sera donc évidemment pas d’un peu moins de 200 millions d’euros, comme on pourrait tous légitimement l’espérer. Je ne veux pas dire qu’il sera nul, mais il ne sera certainement pas du niveau escompté.

Troisième raison pour laquelle cette réforme n’est évidemment pas équilibrée : le dynamisme des recettes que vous imaginez pour qu’elles se substituent à celles que vous supprimez. Le rapport de notre collègue Gilles Carrez l’a parfaitement expliqué, la progression des recettes des procédures fiscales que vous nous proposez dans ce texte n’a rigoureusement rien à voir avec celles que vous décidez d’abroger et qu’elles doivent remplacer – en tendance, et donc au-delà du déficit partiel dû aux effets rémanents du bouclier fiscal. En tendance, donc, cette réforme n’est pas davantage équilibrée.

Il est une quatrième raison qui fait douter de l’équilibre de cette réforme : comme il fallait absolument que les chiffres tombent rond, une méthode a été utilisée pour estimer le produit de l’ISF si la réforme n’intervenait pas, et une autre méthode l’a été pour calculer le produit de l’ISF une fois la réforme votée. Ces deux méthodes ne sont pas comparables, puisque l’une oublie d’intégrer le produit du contrôle fiscal, quand l’autre l’intègre très largement, et peut-être même au-delà du raisonnable.

Ces quatre raisons, à elles seules, le prouvent, cette réforme n’est pas équilibrée, alors même qu’elle a coûté beaucoup de travail et de réflexion. À cet égard, vous avez précisé, pour vous en féliciter, que le Parlement avait été largement associé à l’élaboration de cette réforme. Madame la ministre, je me permets de vous rappeler que, si des parlementaires ont été associés à cette réforme, prétendre que le Parlement le fut relève d’un abus de langage, ou d’une vision peut-être tronquée de ce qu’est le Parlement, car les seuls parlementaires qui furent associés à la préparation de ce projet appartenaient tous à la majorité, aucun à l’opposition. Prétendre, dès lors, que le Parlement fut associé me semble traduire une vision pour le moins partisane de ce qu’est la représentation nationale,…

M. Richard Mallié. Oh !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission mixte paritaire. …même si je comprends l’amertume, ou les regrets, de notre collègue Mallié,…

M. Richard Mallié. Je n’ai aucun regret !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission mixte paritaire. …qui rêve de ne voir dans cet hémicycle que des députés UMP. Avouez, cher collègue, que si tel était le cas, vous vous ennuieriez probablement beaucoup plus qu’actuellement.

Cette réforme n’est pas équilibrée. Elle n’est pas non plus juste, je le crains. L’affichage était pourtant fortement affirmé : personne ne devait financer cette réforme, mis à part celles et ceux qui soit profitaient du bouclier fiscal, soit acquittaient l’ISF. Or, madame la ministre, il a suffi que neuf sénateurs représentant les Français de l’étranger aillent voir le Président de la République pour qu’une des recettes principales censées financer cette réforme, respectant les critères que je viens d’énoncer – la taxation sur les résidences secondaires –, trépasse, et qu’un amendement sénatorial soit adopté, avec l’accord du Gouvernement.

Comme il fallait malgré tout que cette réforme conserve l’apparence de l’équilibre, une recette de substitution a donc été imaginée, qui est une augmentation de plus de 100 % des droits de partage. Mes chers collègues de la majorité, vous qui craignez la taxation des uns et des autres, vous qui accusez souvent un camp de faire preuve d’une grande imagination en matière de taxation, vous vous apprêtez à voter une augmentation de plus de 100 % des droits de partage, qui ne s’appliquent pas aux seuls foyers qui bénéficient du bouclier fiscal, ni aux seuls qui acquittaient ou acquitteront l’ISF. Ils s’appliquent à tous les Français, car le divorce est une procédure républicaine, qui ne fait pas le tri entre les ménages selon qu’ils acquittent ou non l’ISF. Bref, si vous maintenez l’affirmation selon laquelle cette réforme n’est financée que par ceux qui acquittent l’ISF, cela veut dire que, selon vous, ne vont désormais divorcer que ceux qui acquittent l’ISF, sans qu’il y ait là pour vous, je l’imagine, une relation de cause à effet. Vous voyez quel ressort comique cette affirmation pourrait receler s’il ne s’agissait de textes financiers, et si d’aucuns souhaitaient malgré tout se laisser aller à cet humour-là.

C’est donc une réforme de la fiscalité du patrimoine étriquée, particulièrement partielle, qui ne concerne que 2 % des contribuables et 4 milliards d’euros quand le produit global de cette fiscalité est, je le répète, de 56 milliards d’euros. En réalité, pour l’essentiel, rien n’est fait. Rien n’est fait de ce qui aurait dû être fait, notamment pas l’alignement de la fiscalité du travail sur celle du capital. Avec cette réforme, la fiscalité du capital reste incomparablement plus favorable que celle du travail. Reconnaissez, madame la ministre, que, pour une majorité, un gouvernement et un Président de la République qui avaient décidé de revaloriser la valeur travail, terminer la mandature en reconnaissant le fait que la fiscalité du capital reste nettement plus favorable que celle du travail n’est peut-être pas la preuve la plus éclatante que les engagements qui furent pris ont été respectés.

Cette réforme de la fiscalité du patrimoine est donc tout à fait partielle, étriquée, et néanmoins non équilibrée car non financée, et en tout cas injuste – je viens d’indiquer qui la paierait. De surcroît, vous avez décidé que les foyers assujettis à l’ISF bénéficieraient d’un surplus de 150 euros par enfant à charge et par an. Il n’y a décidément pas de petits profits, mes chers collègues ! Des foyers disposant d’un patrimoine d’au moins 1,3 million d’euros, si ce n’est de plusieurs millions d’euros, vont donc bénéficier, madame la ministre, grâce à votre majorité et à vos choix, d’un avantage supplémentaire de 150 euros par enfant. J’ignore s’ils y seront sensibles. Je constate que la dépense est de 20 millions d’euros. Selon moi, elle aurait pu être utilisée à beaucoup plus juste, et peut-être beaucoup plus utile.

Cette réforme sera finalement tout à fait emblématique de ce qu’aura été l’attitude du Gouvernement et de sa majorité en matière fiscale : des réformes faites à crédit, des réformes injustes, des réformes sur lesquelles, quelle que soit la majorité issue des urnes l’année prochaine, il faudra revenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à Mme Anny Poursinoff.

Mme Anny Poursinoff. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, allons-nous aujourd’hui ajouter une ligne à la liste déjà trop longue des réformes injustes menées par le Gouvernement ? Ce projet de loi de finances rectificative symbolise parfaitement l’inconstance, si ce n’est l’incompétence, de la majorité en matière de fiscalité.

Cela fait désormais neuf longues années que vous êtes au pouvoir et vous présentez tous les trois ans une nouvelle doctrine budgétaire et fiscale. Chaque fois, vous assénez des vérités de manière péremptoire, mais elles se heurtent à la réalité objective. Vous persévérez dans votre méthode des soi-disant grands projets, grandes réformes, aux résultats minimes, voire négatifs.

Chaque fois que vous proposez vos nouveaux modèles de fiscalité, cela se fait sans la réflexion ni la discussion préalables qui s’imposerait pourtant naturellement.

Il est temps d’ouvrir les yeux sur la réalité économique et sociétale de l’État que vous êtes censés gouverner. Il est temps de sortir de la seule volonté des grandes entreprises et des grands patrons. Il est temps de sortir des petits arrangements entre amis. Alors que nos concitoyens réclament, à juste titre, une plus grande justice sociale et fiscale, vous leur répondez par un pied de nez d’une hypocrisie absolue.

Le bouclier fiscal va être supprimé. Grande annonce ! Les Français peuvent se réjouir. Le Gouvernement a enfin pris conscience de son erreur et des conséquences désastreuses que la loi TEPA a pu avoir sur l’équilibre de nos finances publiques ainsi que sur l’accroissement des inégalités entre les citoyens.

Lors de la première lecture de ce texte, Mme Lagarde, nouvelle directrice générale du FMI, avait évoqué, à propos de cette suppression, une « réforme utile ». S’il est bien un point sur lequel nous la rejoignons, c’est bien celui-ci. Mais comment n’avez-vous pas pu voir à quel point ce bouclier fiscal était une réforme inutile dès 2007 ?

Il est vrai, au vu notamment du dernier projet de loi de règlement des comptes de 2010, que les prévisions ne sont pas votre fort. Votre domaine de prédilection semble plutôt se trouver dans les projets de loi injustes et inefficaces. Il faut même avouer que, en la matière, vous excellez !

C’est bien la raison pour laquelle vous avez décidé de coupler la suppression de la mesure phare de la loi dite du « paquet fiscal » avec celle annoncée, par Nicolas Sarkozy lui-même, de l’impôt de solidarité sur la fortune. Vous l’avez comparé avec l’impôt allemand sur le patrimoine, en mettant en parallèle leur obsolescence. Le seul caractère obsolète de l’ISF réside en réalité dans le fait qu’il n’est pas assez injuste comparé à vos différentes mesures, et qu’il jure ainsi dans le paysage. Notre collègue socialiste Pierre-Alain Muet le soulignait à juste titre.

Alors que nous vivons une période délicate où les salaires stagnent, voire baissent, on s’attendrait à un peu plus de justice fiscale. Cette loi de finances rectificative va dans le sens inverse.

Votre réforme fiscale ne va faire qu’empirer la situation financière de la France. Le déficit ne cesse de croître, et la dette publique suit la même évolution. Il devient nécessaire de contrecarrer cette progression plus que dangereuse. Pourtant, le Gouvernement et la majorité ne trouvent rien de mieux que de supprimer une partie des recettes de l’État provenant de l’ISF. Lors de la discussion générale du 6 juin dernier, certains collègues de l’UMP avaient applaudi sa réforme sous prétexte qu’il rapportait trop. De même, le rapporteur général semble en vouloir à cet impôt, qu’il qualifie pourtant de plus dynamique que les recettes qui vont lui être substituées. Je sais que M. Carrez répondrait que c’est la raison pour laquelle il faut conserver l’ISF. Mais ce projet de loi de finances rectificative sonne surtout comme la chronique d’une mort annoncée pour cet impôt.

Alors qu’il s’agit d’un des rares impôts contribuant à un semblant de justice fiscale, vous le dénaturez et lui faites perdre son essence même.

Nous, députés écologistes, l’avons rappelé en première lecture : les mots ont un sens. C’est d’ailleurs en cela que l’on comprend l’intérêt, l’essence de cette taxe. « Impôt de solidarité sur la fortune », cela signifie que les classes les plus aisées se voient plus imposées que les plus défavorisées. C’est une logique fiscale que prônent les écologistes.

Apparemment, le Gouvernement et la majorité ont choisi une nouvelle voie : celle de l’imposition régressive. Plus on est riche, plus on est protégé. Cela contribue à creuser les inégalités entre nos concitoyens, et c’est cela qu’il faut combattre.

Mais vous avez fait le choix des cadeaux fiscaux, pour ne pas dire électoraux. L’exemple de Mme Liliane Bettencourt est particulièrement frappant. Grâce à cette réforme fiscale, l’administratrice de L’Oréal paiera moins d’impôts en 2012 qu’en 2010, c’est-à-dire 10 millions contre 40 l’an passé ! Cet écart énorme s’explique par le délai de mise en œuvre de l’abrogation du bouclier fiscal, qui ne sera totalement effective qu’en 2014. Or la réforme de l’ISF sera beaucoup plus rapide. Avec un nouveau taux d’imposition de 0,5 % – contre 1,8 % auparavant –, Mme Bettencourt ne sera imposée qu’à hauteur de 4 % de ses revenus effectifs. Difficile de voir en cela l’exemple de la justice fiscale que M. Baroin revendiquait pour cette loi de finances rectificative !

Au-delà de l’exemple individuel, l’évolution des recettes de l’ISF démontre qu’il s’agit d’un véritable cadeau. Elles passeraient en effet de 4,1 milliards d’euros à 1,8. Les quelque 1 900 foyers détenant un patrimoine de plus de 17 millions, qui déclarent en moyenne 35 millions de patrimoine taxable, verraient leur ISF baisser en moyenne de 370 000 euros. Bercy a publié des statistiques montrant qu’ils bénéficiaient depuis 2007 d’un bouclier fiscal moyen de 210 000 euros, qui sera supprimé. Au total, la réforme leur ferait donc gagner 160 000 euros supplémentaires par foyer.

M. Christian Eckert. C.Q.F.D. !

Mme Anny Poursinoff. Le 28 avril dernier, l’INSEE a publié un rapport démontrant que le niveau de vie des personnes les plus modestes n’augmente plus, alors que celui des plus aisées continue sa progression. En parallèle, les revenus du patrimoine des familles aisées ont augmenté de 11 % par an, accroissant la différence entre les plus riches et les plus pauvres.

Un tel constat devrait encourager le Gouvernement et le Parlement à lutter contre ces inégalités. Pourtant, au lieu de les réduire, ce projet de loi de finances les renforce !

Il est vrai que, en 2007, Mme Lagarde craignait une fuite des citoyens les plus riches. Il fallait donc les rassurer, leur donner envie de rester en France, quitte à passer outre au principe d’égalité entre les Français. Mais qu’elle se rassure : la France se situe au troisième rang mondial, derrière les États-Unis et le Japon, pour le nombre de millionnaires. Nous sommes donc au premier rang européen. C’est la preuve que les hauts revenus n’ont pas déserté la France à cause de l’ISF. Il faut rétablir la vérité : cet impôt n’appauvrit pas la France. Au contraire, c’est sa quasi-suppression qui va l’appauvrir, en réduisant ses recettes fiscales.

Ces dernières années, la valeur et les revenus du patrimoine ont progressé plus que les salaires. Il nous paraît donc tout à fait juste que soit imposée une contribution sur le patrimoine, qui reste minime au regard du budget de l’État.

Mais, selon le président Sarkozy, il est nécessaire de supprimer ou de réduire l’ISF car « la France est le seul pays à avoir un impôt sur le patrimoine ». Cet argument fallacieux s’ajoute à celui qui avait accompagné la mise en place du bouclier fiscal. À l’époque, le chef de l’État avait cité l’Allemagne comme exemple à suivre. Ainsi, la majorité ne suit l’exemple de nos voisins d’outre-Rhin que quand ça l’arrange. Les députés écologistes auraient pourtant d’autres initiatives allemandes récentes à vous proposer, et elles vont revenir rapidement dans les débats, au vu de la décision de prolonger la centrale nucléaire de Fessenheim.

Il est totalement erroné d’affirmer que nous sommes le seul pays à être taxé sur le patrimoine. Dans la majorité des États, il existe des impôts assis sur le patrimoine des ménages, notamment le patrimoine immobilier, sous la forme de taxes foncières qui s’avèrent beaucoup plus lourdes que l’ISF. Ainsi, en France, la taxe foncière rapporte 15 milliards d’euros et l’ISF 4 milliards. Aux États-Unis et en Grande-Bretagne, cela correspondrait à environ 25 milliards.

Bien qu’il comporte des imperfections, l’ISF est un impôt plus juste et plus efficace que les taxes foncières issues du XIXe siècle.

M. Richard Mallié. Elles sont votées par qui, les taxes foncières ?

Mme Anny Poursinoff. Il est plus juste, car il permet la déduction des dettes : ainsi, le patrimoine taxable d’un citoyen possédant un appartement de 1 million d’euros, mais ayant souscrit à un emprunt de 800 000 euros, n’est que de 200 000 euros. Il ne paiera jamais d’ISF. Seule la taxe foncière sera la même que pour quelqu’un n’ayant pas d’emprunt.

Il est plus juste également, car il se fonde sur les valeurs du marché, qui sont les mêmes pour tous, contrairement aux taxes foncières qui génèrent des inégalités injustifiables entre les contribuables, suivant la commune ou le quartier d’habitation.

M. Cahuzac, président de la commission des finances, qualifiait à juste titre ce projet de loi de finances rectificative de bricolage non nécessaire. Quitte à réformer la fiscalité, ce n’est pas à l’ISF qu’il faut s’attaquer, mais aux taxes foncières.

Mais, surtout, il devient urgent, au vu de la situation critique dans laquelle nous nous trouvons en matière de déficit et de dette publique, de réformer le système beaucoup plus en profondeur, afin d’instaurer une vraie justice fiscale et sociale. C’est le socle du projet fiscal que les écologistes défendront lors des prochaines échéances électorales. Il est plus que temps de recouvrer un système fiscal qui ne crée pas d’inégalités.

Car, outre le cadeau qui est fait aux plus riches, cette réforme va avoir des conséquences financières dramatiques pour certains, et particulièrement pour les femmes divorcées. En effet, pour compenser le manque à gagner fiscal dû à l’allégement de l’impôt sur les grandes fortunes, ce texte prévoit le doublement du droit de partage, la taxe prélevée quand un conjoint rachète la part du logement de l’autre, notamment en cas de divorce. Ainsi ce droit passerait de 1,1 % à 2,5 %. Avec 130 000 divorces annuels, la manne budgétaire peut être extrêmement avantageuse, prévue à 323 millions d’euros par an. Le problème est qu’elle est socialement ciblée : selon le ministère de la justice, 57 % des couples qui divorcent ont des enfants mineurs, et, dans 75 % des cas, la garde revient à la mère, qui a alors la volonté de conserver le logement familial.

Avec l’envolée des prix de l’immobilier, cette volonté peut être ruineuse. Par exemple, un appartement acheté en commun il y a une dizaine d’années pour 300 000 euros peut aujourd’hui en valoir le double, soit 600 000 euros. Pour racheter sa part, l’acheteur ou l’acheteuse devra désormais payer 15 000 euros au lieu de 6 600 auparavant. Ce sont, encore une fois, les femmes qui seront majoritairement pénalisées par cette mesure. C’est donc bien une nouvelle inégalité que crée le Gouvernement, qui, en la matière, fait décidément preuve d’un grand talent.

C’est pour toutes ces raisons que les députés écologistes et l’ensemble du groupe de la Gauche démocrate et républicaine refusent de voter ce texte et vous invitent à voter la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe SRC.

M. Christian Eckert. Le groupe SRC votera la motion de rejet préalable qu’a brillamment défendue notre collègue. Finalement, ce que, avec ses mots justes, elle nous a expliqué, c’est que, dans un pays qui souffre, vous soignez les gens en bonne santé.

J’ai été choqué d’entendre Mme la ministre parler de « richesses virtuelles ».

Mme Valérie Pécresse, ministre. Plus-values virtuelles !

M. Christian Eckert. Il y a peut-être, dans notre pays, des gens qui, d’après vous, sont virtuellement riches, mais la pauvreté est bien réelle.

Vous avez défendu ceux qui seraient spoliés parce que, possédant un patrimoine supérieur au seuil précédent fixé à 800 000 euros, ils seraient mis à contribution. Mais chacun sait que, pour la résidence principale, l’actif taxable subit un abattement de 30 %, ce qui veut dire que l’on n’est taxé que lorsque la valeur de la résidence principale est de 1,13 million d’euros. Est déduit de cette assiette l’ensemble des dettes grevant ce patrimoine, ce qui veut dire que ceux que vous qualifiez de virtuellement riches sont peu nombreux.

Après l’adoption de ce texte, pour être taxé, il faudra être propriétaire d’une résidence principale dont la valeur, emprunt déduit, dépassera 1,85 million d’euros. Telle est, en effet, la valeur nette dont il faudra disposer pour atteindre le seuil de 1,3 million.

Pour ces raisons, parmi d’autres sur lesquelles nous reviendrons au cours de la discussion générale, notamment la question des droits de partage, le groupe SRC votera la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Mancel, pour le groupe UMP.

M. Jean-François Mancel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe UMP votera contre cette motion de rejet, ce qui n’étonnera vraisemblablement personne. La réforme de l’impôt sur la fortune est courageuse, puisque nous allons la mener à bien à peine un an avant les échéances présidentielles et législatives.

Par ailleurs, l’opposition est excessivement déçue, car elle espérait que nous allions supprimer l’ISF, ce qui lui aurait permis de nous accuser de tous les maux.

Dans le droit fil de ce que Mme la ministre a suggéré tout à l’heure, nous avons simplement considéré que ceux qui disposent d’un patrimoine et de revenus plus importants doivent payer plus d’impôts.

En revanche, la fiscalité ne doit jamais être confiscatoire, et c’est pour éviter cela que nous avons fait cette réforme. Sur ce point, ce qui nous oppose est très clair. Vous êtes les champions de la fiscalité.

M. Pierre-Alain Muet. Et vous les champions du déficit et de la dette !

M. Jean-François Mancel. Il suffit de considérer les propositions de vos candidats aux prochaines élections pour s’apercevoir que vous vous apprêtez à prélever des dizaines de milliards de recettes supplémentaires sur le dos de tous les contribuables français, et vraisemblablement sur les classes moyennes.

Telles sont les raisons pour lesquelles l’UMP votera contre la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire clôt un long débat sur la fiscalité du patrimoine. Je voudrais d’abord revenir sur le fond du sujet. En 2007, la majorité a commencé la législature par la réforme du bouclier fiscal, expliquant à longueur de discours qu’il s’agissait d’éviter qu’un contribuable travaille plus d’un jour sur deux pour l’État. Depuis, nous avons tous pu vérifier qu’il était strictement impossible d’être concerné par le bouclier fiscal avec les seuls revenus du travail. En réalité, ce dispositif concernait presque exclusivement les 10 000 redevables de l’ISF dont le patrimoine s’élève à plusieurs millions d’euros.

À un moment où les revenus du patrimoine explosent, où les salaires stagnent, où un quart des salariés connaît une baisse de pouvoir d’achat, où la fiscalité pèse deux fois plus sur les revenus du travail que sur ceux du capital, la seule réforme juste de la fiscalité du patrimoine aurait consisté simplement en la suppression pure et simple du bouclier fiscal, dont il a été partout démontré qu’il ne servait qu’à exonérer les plus fortunés de tout effort de solidarité sans le moindre impact sur l’exil fiscal.

Vous supprimez le bouclier, dont le coût s’élevait à 700 millions d’euros, pour faire un nouveau cadeau fiscal aux plus fortunés de nos concitoyens. Il s’agit cette fois de 2 milliards d’euros…

M. Christian Eckert. Tous les ans !

M. Pierre-Alain Muet. …au bénéfice des 560 000 Français dont le patrimoine est égal ou supérieur à 1 million d’euros, soit près de 2 % de la population, alors que la moitié des Français a un patrimoine inférieur à 100 000 euros.

Sur ces 560 000 contribuables, les 10 000 bénéficiaires du bouclier fiscal auront peut-être une compensation. Pour certains, ce sera le cas, pour d’autres ce sera moins, mais une chose est certaine : pour les 550 000 qui ne faisaient pas appel au bouclier fiscal et qui payaient l’ISF, c’est tout bénéfice. C’est pour ceux-là un cadeau fiscal pur et simple.

Quand on connaît la situation de notre pays, madame la ministre, finir la législature, comme vous l’avez commencé, par un cadeau pour les plus riches, c’est réellement indécent.

En outre, pour certains, en 2012-2013, ce sera un double bonus. Ils bénéficieront du chèque remis au titre du bouclier fiscal, en même temps que de la baisse de l’ISF. Mais vous avez tellement honte de cette réforme que, au lieu de leur adresser directement le chèque du bouclier fiscal, vous allez faire ce qui ne se faisait pas avec le bouclier fiscal : autoriser les plus riches à autoliquider leur impôt, c’est-à-dire à déduire eux-mêmes de leur ISF le montant du chèque du bouclier fiscal. C’est une façon de cacher une réforme profondément scandaleuse.

Et que dire de ce qui a été ajouté au texte au cours des débats ? La CMP a conservé l’allégement de 300 euros par enfant au lieu des 150 euros.

M. Christian Eckert. Quelle honte !

M. Pierre-Alain Muet. Or 300 euros, c’est le montant de l’allocation de rentrée scolaire, ou près des trois quarts d’un mois d’un RSA socle. Mais, pour les plus riches, il n’y a pas de petits cadeaux.

Cette réforme, à l’entrée, n’était financée qu’en apparence, et le compte que nous présentait votre prédécesseur, madame la ministre, était fictivement équilibré. Aujourd’hui, vous reconnaissez que ce n’est plus le cas, et vous ajoutez 700 millions de déficit. Mais ce déficit sera supérieur à cette somme. Lorsque vous êtes passé de dix à six ans pour le rappel des donations, vous avez évalué la mesure à 40 millions d’euros. Mais quand vous prenez le chemin inverse, en passant de six à dix ans, et en effaçant donc la mesure, les chiffres sont multipliés par dix, soit 450 millions d’euros. À qui ferez-vous croire cela ?

Ainsi, la plupart des mesures prises pour contrebalancer ce formidable cadeau de 2 milliards d’euros que représente la baisse de l’ISF sont surestimées, et le compte est loin d’y être.

Il est vrai que, pour certains impôts, vous n’hésitez pas. Vous supprimez la taxe sur les résidences secondaires des non-résidents, pour satisfaire les représentants des Français de l’étranger qui ont rendu visite au Président de la République, et vous la remplacez par une augmentation encore plus forte du droit de partage, qui était passé de 1,1 % à 2,2 % et que vous portez maintenant à 2,5. Vous êtes très attentifs quand il s’agit des plus fortunés, mais quand cela peut concerner tous les Français, vous n’hésitez pas à augmenter un impôt de 127 %.

Contrairement à ce que vous ne cessez de répéter, cette réforme n’est pas équilibrée. Parmi les redevables de l’ISF, on dénombre très exactement 98 % de gagnants – 550 000 sur 560 000. Telle est la réalité, et tout le reste n’est qu’habillage d’une réforme profondément injuste. Les droits de transmission ne concernent pas les mêmes générations, mais l’augmentation de 127 % des droits de partage peut concerner tous les Français.

Que vient faire, dans ce contexte, la diminution de la cotisation au Centre national de la fonction publique territoriale, ajoutée en commission mixte paritaire ? Nous avons entendu qu’un rapport de la Cour des comptes justifiait une telle mesure. Il concernait la période 2004-2008 qui n’a plus cours aujourd’hui. En 2009 et 2010, l’activité de formation du CNFPT augmente de 20 %, et le centre sera, cette année, juste à l’équilibre. Dans les années à venir, la faible hausse de l’assiette de la cotisation – 1,5 % par an – justifie pleinement le maintien de la cotisation actuelle.

Mes chers collègues, vous croyez que, grâce à cette réforme, vous en avez fini avec le bouclier fiscal. Mais ce chèque indécent de 2 milliards d’euros, que vous allez faire tous les ans aux plus riches, vous le traînerez comme un boulet, jusqu’au jour – proche, je l’espère –…

M. Richard Mallié. Vous y croyez ?

M. Pierre-Alain Muet. …où un gouvernement responsable rétablira la justice fiscale dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de la discussion d’un texte qui se voulait à l’origine annonciateur d’un grand « printemps fiscal », mais qui débouche en définitive, comme nous pouvions nous y attendre, sur un train de mesures dont le cynisme le dispute à l’inconséquence.

Vous supprimez le fameux bouclier fiscal, conçu pour mettre à l’abri de l’impôt la fortune des plus riches, pour mieux offrir aux millionnaires de nouveaux cadeaux fiscaux. Vous proposez en effet d’exonérer d’ISF 300 000 des quelque 560 000 redevables actuels. Quant à ceux qui continueront de l’acquitter, ils le feront désormais à des taux deux à trois fois moindres.

Ce tour de passe-passe d’un coût de 2 milliards d’euros pour les finances publiques aura pour conséquence que ceux qui étaient hier les principaux bénéficiaires du bouclier fiscal, ceux dont le patrimoine excède 17 millions d’euros, continueront à bénéficier des mêmes réductions d’impôt et d’un taux d’imposition réel dérisoire : 15 % seulement, très en deçà du taux marginal de l’impôt sur le revenu de 41 %.

Vous persistez dans la voie, que vous avez ouverte en 2002, d’une politique destinée à favoriser uniquement les détenteurs de patrimoine aux dépens de ceux qui ne vivent que du fruit de leur travail. Le résultat, c’est que, si la quasi-totalité des revenus du travail sont aujourd’hui soumis à l’impôt sur le revenu, plus de 80 % des revenus du capital y échappent.

Cette politique de cadeaux fiscaux a contribué à accroître les inégalités dans des proportions inouïes. Un exemple suffit à l’illustrer. Alors que 6,5 millions de nos concitoyens touchent désormais moins de 750 euros par mois, la fortune de Bernard Arnault, PDG de LVMH, représente à elle seule, selon le magazine Forbes, quelque 2,4 millions d’années de SMIC !

Votre politique économique et fiscale a eu pour autre conséquence de fragiliser nos finances publiques dans des proportions également inédites. La dette atteindra 86 % du PIB en 2012. Elle aura doublé durant les dix ans de votre gestion calamiteuse UMP-Nouveau Centre. Car c’est uniquement pour alléger toujours davantage les impôts des plus riches et satisfaire les marchés financiers que vous avez creusé les déficits.

Vous n’avez jamais été guidés, un seul instant, pendant toutes ces années, ni par le souci de l’intérêt général, ni par le souci de corriger par l’impôt les inégalités les plus flagrantes, ni même de permettre à l’État de disposer des marges de manœuvre nécessaires à l’accomplissement de ses missions.

Vous avez au contraire mis le pays à genoux et vous voulez faire aujourd’hui payer aux salariés, aux fonctionnaires, aux retraités et aux personnes privées d’emploi les conséquences de votre incurie, dont la forme extrême est celle qui se manifeste en Grèce aujourd’hui.

C’est au nom de cette rigueur appliquée à géométrie variable que vous allongez encore l’âge du départ à la retraite, avant même l’avis technique du COR demain matin. Et vous vous préparez à opérer de nouvelles coupes claires dans les crédits de ministères clefs, comme l’éducation ou l’emploi, à supprimer des dizaines de milliers d’emplois de fonctionnaires, alors que la Cour des comptes elle-même rappelle que votre seule mesure de baisse de la TVA pour la restauration représente huit années de politique de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

C’est sans doute portée par la même inspiration, la même morgue à l’égard de la fonction publique, que votre majorité a proposé par voie d’amendement de baisser le taux de la cotisation au Centre national de la fonction publique territoriale fixé à 1 % depuis 1987, à 0,9 % dès 2012. Cette mesure est inacceptable, car elle tire prétexte du maigre excédent conjoncturel dégagé par cet établissement public pour porter atteinte au droit à la formation professionnelle garanti aux fonctionnaires territoriaux. Pour les 1,8 million d’agents de la fonction publique territoriale, votre mesure va se traduire par la suppression de 40 000 journées de formation professionnelle.

Comme tant d’autres auparavant, cette mesure remettra en cause les années d'efforts entrepris pour améliorer la qualité du service public territorial.

Au risque d'entamer les perspectives de croissance, vous continuez de prêcher l’austérité, alors que nous ne pourrons – vous le savez fort bien – redresser nos finances publiques sans une refonte globale de notre fiscalité.

Il est intolérable que les PME soient davantage taxées que les grandes entreprises, que les plus fortunés acquittent un taux moyen d'imposition réel de 33 % par le jeu des niches fiscales, alors que ce taux est, pour la majorité de nos concitoyens, de 47 %.

La première priorité consisterait à supprimer les niches fiscales et sociales sans utilité économique. Des niches qui se sont développées au rythme de douze par an depuis 2005, et représentent plus de 75 milliards d'euros.

La seconde serait de rétablir une fiscalité juste et efficace, respectueuse du principe constitutionnel de progressivité, c'est-à-dire de la participation de chacun à l'impôt, à hauteur de ses facultés contributives.

Avec la mise en œuvre d'une modulation de la taxe d'apprentissage en fonction de la réalisation par les entreprises de leurs objectifs, vous avez fait subir une inflexion intéressante à votre politique fiscale dans le cadre de ce PLFR. Pour notre part, nous pensons que la généralisation des mécanismes de modulations est probablement une voie d'avenir, si l'on veut faire de la fiscalité un authentique instrument de pilotage de la politique économique et mettre en œuvre une autre répartition des richesses entre capital et travail.

Ce n'est pas la voie que vous avez choisie. Au terme de votre réforme, une chose est certaine : on gagnera toujours plus en France en héritant, en faisant de l’optimisation fiscale ou en achetant et revendant de l'immobilier – bref, en étant rentier –, qu'en travaillant pour produire des richesses socialement utiles.

Nous voterons contre les conclusions de la CMP, qui confirment l’enrichissement des plus fortunés. Le discours du Gouvernement et de la majorité est proprement révoltant et l’impudence des plus riches à l’égard des plus modestes, totalement inacceptable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Censi.

M. Yves Censi. Monsieur le président, permettez-moi tout d’abord d’adresser un salut très amical à Mme Valérie Pécresse, notre nouvelle ministre du budget.

La méthode qui a prévalu pour aboutir à la réforme a été exemplaire, cela mérite d’être souligné. Les parlementaires ont été associés, en amont, à l'élaboration du texte par le biais d’un groupe de travail autour de votre prédécesseur, madame la ministre. Il y a donc eu une vraie concertation et une volonté du Gouvernement d'associer les députés à cette réforme ambitieuse et indispensable. En huit mois, François Baroin a réussi à rassembler les points de vue qui s'exprimaient dans un débat qui revenait chaque année, et à faire émerger un ensemble cohérent respectant les attentes du Président de la République, représentant les Français, et de la majorité.

Cette réforme s'inscrit dans une cohérence d'ensemble. Pour retrouver le chemin de la croissance et de l'emploi, et face à l'ampleur de notre déficit public et de notre endettement, il convient de repenser l'ensemble de notre architecture fiscale, de simplifier et d'optimiser. Il s'agit de rendre les prélèvements plus efficaces et favorables à l'activité et à la croissance, afin de redonner de la simplicité et de la stabilité – elles font aujourd’hui cruellement défaut – à un système d'imposition devenu trop complexe.

Jean-François Mancel le rappelait, l'ISF est devenu un impôt confiscatoire, c'est-à-dire excessivement élevé, inéquitable, mais aussi contre-productif pour l’État, en raison des stratégies d’évitement qu’il induit. L’ISF est une incongruité inventée par les socialistes, qui consiste à faire payer un impôt sur la détention du patrimoine plutôt que sur les revenus du patrimoine. Le fait d’être propriétaire peut suffire pour devenir redevable de l’ISF.

Ainsi, depuis 1997, le nombre de redevables à l’ISF a été multiplié par quatre, en grande partie du seul fait de l’explosion de la valorisation de la résidence principale, liée à l’envolée des prix de l’immobilier.

Notre fiscalité du patrimoine était confiscatoire. En 1982, lorsque la gauche a inventé l'impôt sur les grandes fortunes – impôt symbole –, elle a fixé son taux marginal à 1,5 % alors que le rendement du capital était de 16,5 %, Gilles Carrez l’a rappelé. Aujourd'hui, le taux marginal de l'impôt de solidarité sur la fortune, créé en 1989, est à 1,8 %, alors que le rendement du capital est à 3,6 %. L'effort demandé est donc de 50 %, ce qui a justifié l’emploi du terme « spoliateur ». Ce caractère confiscatoire explique par ailleurs l'ensemble des dispositifs de plafonnement – du plafonnement Rocard au bouclier fiscal – qui lui ont été associés sous tous les gouvernements de gauche et de droite.

Concrètement, le texte voté prévoit la suppression dès 2011 de la première tranche de l'ISF, qui concerne les ménages possédant entre 800 000 et 1,3 million d'euros de patrimoine. Le seuil d'entrée à l'imposition sur la fortune sera fixé à 1,3 million d'euros de patrimoine, ce qui permettra à 300 000 foyers de ne plus payer l'ISF, alors qu'ils y étaient entrés sous le seul effet de la bulle immobilière.

M. Richard Mallié. Bulle virtuelle, qui plus est !

M. Yves Censi. En effet.

Cette mesure évitera également à 200 000 ménages, aujourd'hui au bord de l'ISF, d'y entrer dans les prochaines années.

M. Christian Eckert. Il faut les plaindre !

M. Yves Censi. Telle est la réalité.

Pour éviter les effets de seuils liés à la taxation au premier euro, un dispositif de décote est instauré. Ainsi, un lissage sera opéré pour les patrimoines nets taxables compris entre 1,3 million d'euros et 1,4 million d'euros, ainsi que pour les patrimoines nets taxables compris entre 3 millions d'euros et 3,2 millions d'euros, c'est-à-dire pour les patrimoines subissant une hausse de leur cotisation d'ISF.

S’agissant du financement, qui a suscité des réactions de la part de l’opposition, la réforme sera neutre pour les finances publiques…

M. Christian Eckert. Non.

M. Yves Censi. …et intégralement financée, conformément à la volonté du Président de la République et de notre majorité, qui souhaitaient que la fiscalité pèse davantage sur les flux du patrimoine que sur le stock : c’est un vrai choix politique, et c’est là que réside notre désaccord. Pour compenser la réforme, il a été décidé de mettre à contribution les détenteurs de hauts patrimoines par la modification de trois dispositions antérieures à la loi TEPA : les avancées de la loi TEPA ne sont donc pas globalement remises en cause.

En complément, le PLFR propose d'imposer les exilés fiscaux en créant une exit tax sur le modèle allemand. Cette taxe, qui entrera en vigueur dès cette année, sera assise sur les plus-values sur titres constatées lors du transfert de la résidence fiscale hors de France et exigibles en cas de cession des titres dans les huit années qui suivent. Ce nouveau dispositif sera dissuasif, car il prive l'exilé de tout avantage fiscal.

L’opposition n’a cessé de répéter, à la façon d’un mantra, que nous faisions des cadeaux aux riches. D'une part, la réforme est un paquet global équilibré et financé par les seuls contribuables de l'ISF : ceux qui paieront moins d'ISF paieront plus de droit de succession ou de donations. Il n'y a donc aucun allégement, mais seulement un transfert d'assiette : moins de taxation sur la détention, davantage sur la transmission. Cela permet d'avoir un système fiscal plus juste et économiquement plus efficace. D'autre part, au sein de la population assujettie à l'ISF, la réforme sera portée par les grandes fortunes qui bénéficient aujourd'hui pleinement du bouclier fiscal : les contribuables dont le patrimoine net taxable est supérieur à 16 millions d'euros et qui sont soumis au bouclier paient aujourd'hui 0,22 % en moyenne. Demain, ils paieront 0,5 %.

Durant l'examen du texte, la gauche n'a cessé d’égrainer des contrevérités. Mais répéter dix fois un mensonge n’en fait pas une vérité, mes chers collègues. Ces manœuvres nous ont fait perdre du temps. En aucun cas, elles n’ont contribué à enrichir un débat que la gauche refuse car il révèle l'échec qui est le sien : son incapacité à moderniser notre fiscalité. Elle l’a notamment montré lorsqu’elle était au pouvoir.

La France souffre d'une fiscalité lourde, complexe et vieillissante, qui pèse sur la compétitivité, les emplois et le pouvoir d'achat des Français. Il devenait nécessaire d'agir sur la structure même de cette fiscalité pour la rendre plus simple, plus juste et plus compétitive. Au final, la réforme de la fiscalité du patrimoine proposée par le Gouvernement n'est ni une réforme de circonstance, ni celle du grand soir fiscal : c’est une réforme équilibrée au service de l'intérêt général caractérisée par son pragmatisme. Elle propose plus de cohérence avec un barème allégé et simplifié, plus d'équité avec la suppression de la première tranche, plus de justice sociale avec la suppression du bouclier, plus de compétitivité avec un impôt plus lisible et dénué de mécanisme de plafonnement, incitant les gros contribuables à mieux investir leur capital et à soutenir la croissance économique, et, enfin, plus de convergence avec nos partenaires européens.

À l'heure de la crise mondiale des dettes publiques, la France fait la démonstration de son sens des responsabilités en mettant en œuvre une stratégie volontariste pour réduire son déficit. Je suis convaincu, mes chers collègues, que la puissance de la France en Europe sera assise sur sa capacité économique et financière. Que vaut aujourd’hui la voix de pays en chute libre, qui déstabilisent l’euro ? Rien, comparé à celle de la France ou de l’Allemagne, qui contribuent pour plus de la moitié au soutien européen à la Grèce.

Le PLFR est une belle démonstration d’ingéniosité et d’innovation de la part du Gouvernement et de la majorité pour trouver des mesures compétitives et propres à assurer à la France l’équilibre budgétaire qui lui permettra de rester debout, au tout premier rang des pays européens.

Le groupe UMP votera évidemment ce PLFR débattu avec une grande intelligence en commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Monsieur le ministre, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, un mot d’abord sur le contexte. Tous les Français paient la TVA. Environ la moitié d’entre eux, l’impôt sur le revenu.

M. Charles de Courson. Sauf ceux qui sont à l’étranger.

M. Christian Eckert. Moins de 2 % de nos concitoyens payaient l’ISF. C’est à ceux-là que vous avez décidé de vous adresser. La décision est pour le moins surprenante eu égard à l’injustice de notre régime fiscal.

M. Yves Vandewalle. Ce sont eux qui ont du patrimoine !

M. Christian Eckert. Soucieux de respecter mon temps de parole, je n’aborderai que trois points particuliers.

Votre réforme est « équilibrée », dites-vous. Vous n’avez que ce mot à la bouche. Or l’amendement du Gouvernement prenant en compte le coût des différentes mesures présente un déficit de 700 millions d’euros qui aggravent le déficit public. Votre conception de l’équilibre, mes chers collègues, est pour le moins surprenante et ne correspond pas du tout à la nôtre.

Ensuite, vous n’avez cessé de répéter que, seuls, ceux qui payaient l’ISF, bénéficieraient de son allégement. Et de tableaux en tableaux, vous essayez de le prouver. Ce n’est peut-être pas vrai concernant l’alourdissement de l’impôt sur les transmissions. Il y a, certes, des seuils à partir desquels il faut payer des droits de mutation. Mais il n’est pas du tout sûr que les droits de mutation qui seront un peu alourdis seront acquittés par les personnes en question.

En revanche, l’augmentation de six à dix ans du délai de reprise des donations nous interpelle. Tout d’abord, du fait du volume qu’elle représente : nous ne comprenons pas par quel tour de passe-passe on aboutirait à 450 millions de recettes aujourd’hui contre 40 millions en 2006.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les abattements !

M. Christian Eckert. Votre explication à propos des abattements ne justifie qu’une très petite partie du chemin parcouru, monsieur le rapporteur général, et vous le savez très bien.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La moitié du chemin !

M. Christian Eckert. Nous n’allons pas refaire le travail de commission après d’aussi longs débats.

De surcroît, nous assistons à un alourdissement du droit de partage – que vous n’avez pas évoqué ou si peu lors de votre intervention – qui affecte tous ceux qui doivent aujourd’hui s’acquitter de cette imposition, qui ne bénéficie d’aucun abattement, qui est exigible dès le premier euro lorsqu’un actif net est partagé, qu’il s’agisse des donations, des successions ou encore des divorces, lesquels représentent un tiers des cas, comme vous l’avez vous-même souligné lors de la commission mixte paritaire.

Les recettes de ce droit représentant 220 millions d’euros environ chaque année, comme vous l’avez indiqué, on peut estimer à environ 70 millions d’euros environ la part liée aux partages en cas de divorce. L’augmentation de 127,27 % à laquelle vous procédez – j’ai fait moi-même le calcul – entraînera donc une ponction supplémentaire de plus de 100 millions d’euros – 120 millions d’euros probablement – sur les divorces, dès le premier euro.

Mme Pascale Crozon. C’est honteux !

M. Christian Eckert. Tous les notaires le savent puisqu’ils ont vu leurs clients se précipiter pour régler les partages, notamment pour motif de divorce, avant que la loi n’entre en vigueur. Cela vous a d’ailleurs conduit, monsieur le rapporteur général, à proposer un amendement visant à différer l’application de cette mesure après le 1er janvier 2012. Tout le monde sait, en effet, qu’il aurait été matériellement impossible de l’appliquer, du fait d’un risque de rétroactivité.

C’est particulièrement injuste pour tous les foyers concernés par le droit de partage, notamment pour les femmes qui divorcent. Des exemples ont été donnés tout à l’heure : ce sont souvent elles qui, pour assumer la garde de leurs enfants, rachètent la part de l’actif liquidé lors du divorce. C’est une mesure d’une injustice flagrante qui contredit vos affirmations selon lesquelles seuls les redevables de l’ISF paieront la réforme.

M. Yves Censi. Vous ne croyez même pas à ce que vous dites !

M. Christian Eckert. Ceux qui vont payer y croiront, monsieur Censi !

J’en viens à mon dernier point, l’abaissement de la cotisation du Centre national de la fonction publique territoriale, dont la Cour des comptes avait pointé la gestion sous la présidence de M. Rossinot. Pourquoi a-t-il connu des excédents à une certaine époque ? Premièrement, son assiette a été élargie du fait des transferts de personnels dus à la décentralisation. Deuxièmement, le nombre d’heures de formation dispensées par le centre n’était sans doute pas à la hauteur du volume qu’il aurait dû assurer. Depuis, chacun le reconnaît, le centre a augmenté le nombre d’heures de formation de plus de 23 % et a procédé à des restructurations immobilières qui, si elles entraînent à court terme des dépenses supplémentaires, lui permettront d’asseoir ses méthodes de fonctionnement.

De plus, la présence de cette disposition dans un projet de loi de finances rectificative s’apparente à nos yeux à un cavalier législatif.

M. Roland Muzeau. Bien sûr !

M. Christian Eckert. Le Conseil constitutionnel pourrait être saisi à ce titre car cette mesure ne relève pas du domaine de la loi de finances tel qu’il est défini par l’article 34 de la loi organique du 1er août 2001 : elle ne constitue pas une imposition et ne concerne ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties, ni la comptabilité de l’État et j’en passe.

M. Pierre-Alain Muet. Absolument !

M. Christian Eckert. Pour ces trois motifs principaux, et en dehors des raisons liées aux principes qui nous séparent, nous ne voterons pas le texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Yves Vandewalle.

M. Yves Vandewalle. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi que nous allons voter est l'heureux aboutissement d'un débat de plusieurs années pour la suppression du bouclier fiscal…

M. Roland Muzeau. …que vous trouviez génial avant !

M. Yves Vandewalle. … et la réforme de l'ISF, budgétairement compensées, notamment par le relèvement des droits de succession des hauts patrimoines, mesure de justice sociale.

Il comprend aussi une disposition particulièrement pertinente : la modulation de la taxe d'apprentissage pour inciter les entreprises à embaucher des jeunes en apprentissage et faciliter leur insertion dans le monde du travail.

Cela dit, mon intervention a surtout pour but d'appeler votre attention, madame la ministre, sur les modifications introduites à la fin de l'année dernière dans le zonage et les tarifs de la redevance pour création de bureaux qui ont suscité, à juste titre, de vives réactions dans les entreprises et les organisations professionnelles.

En effet, à l'origine redevance d'aménagement du territoire, cette redevance a été transformée de facto en redevance de financement de l'amélioration du réseau de transports en commun de l'Île-de-France, devenant redevance de « déménagement du territoire ». Elle a en effet créé de graves déséquilibres au profit des zones où les loyers sont les plus élevés – pour lesquelles l’impact de la redevance est plus faible – ou des zones exonérées, en particulier dans l’est de Paris.

En première lecture, grâce à plusieurs amendements de notre assemblée, nous avons commencé à corriger les défauts de cette redevance par un lissage inscrit dans le texte qui nous est soumis aujourd'hui. Pour autant, tout n'est pas réglé et la question essentielle du zonage reste en suspens. Le préfet de région a été chargé de constituer un groupe de travail et j'y participerai volontiers, comme m’y a invité le rapporteur général lors de la première lecture. Cependant, le préfet de région conduira les travaux de ce groupe de travail en fonction des orientations fixées par le Gouvernement.

C'est pourquoi, madame la ministre, je souhaite soumettre à votre réflexion une autre méthode que le zonage administratif territorial car celui-ci est forcément arbitraire et crée des distorsions de concurrence. On pourrait le remplacer avantageusement par une taxe additionnelle sur les constructions, selon des modalités qui restent à étudier. J'espère que cette suggestion retiendra votre attention mais il va de soi qu’aujourd’hui, je voterai ce projet de loi qui fait faire à notre fiscalité un pas en avant dans le sens de l'efficacité et de la justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Roland Muzeau. Pour les plus riches !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire a eu à se prononcer sur plusieurs sujets indirectement liés à la réforme de la fiscalité du patrimoine puisque l'essentiel des dispositions, à savoir l'abrogation du bouclier fiscal et le réaménagement du barème de l'ISF, a été acté dès la première lecture par les deux chambres.

Aussi les débats en CMP se sont-ils concentrés sur des thèmes aussi variés et polémiques que le droit de partage, la contribution de 1 % du CNFPT ou le Fonds national des solidarités actives pour lequel j'ai moi-même suggéré un amendement de compromis, adopté par la commission après un sous-amendement du rapporteur général, qui porte à 25 millions d'euros la ponction opérée sur le fonds en faveur des contrats aidés.

Ces quelques dispositions ne doivent cependant pas nous faire perdre de vue l'essentiel du projet de loi de finances rectificative, sur lequel j’aimerais faire cinq observations principales.

Premièrement, le groupe Nouveau Centre a enfin été entendu pour ce qui est de la suppression du bouclier fiscal.

Nous n'avions eu de cesse, depuis juillet 2007, de dénoncer ce droit à restitution et de proposer la réforme, puis la suppression, de ce qui était devenu une hérésie fiscale.

M. Marcel Rogemont. Les socialistes sont aussi pour quelque chose dans cette suppression, non ?

M. Charles de Courson. Le bouclier était contraire à la notion même de justice fiscale ; il n'avait pas atteint son but économique, qui était de faire revenir les exilés fiscaux et de freiner les départs ; pire, il coûtait de plus en plus cher au budget de l'État, pas moins de 680 millions d'euros en 2010.

Le bouclier fiscal a été abrogé par la représentation nationale à l'unanimité. Nous ne pouvons que nous en satisfaire et nous en féliciter.

M. Nicolas Perruchot. En effet !

M. Charles de Courson. Deuxièmement, l'ISF connaît pour l'heure un aménagement raisonnable. Cette question est tranchée : elle est politique, et le groupe Nouveau Centre a soutenu une réforme équilibrée de l'ISF. Toutefois, il est clair, mes chers collègues, qu'à terme, nous ne pourrons faire l'économie d'une réflexion sur l'opportunité de cet impôt, qui a été supprimé dans la quasi-totalité des pays d'Europe, y compris ceux qui sont dirigés par des gouvernements socialistes.

M. Yves Vandewalle. En effet !

M. Charles de Courson. Troisièmement, le groupe Nouveau Centre émet un regret : en cette période de difficultés sociales et de disette budgétaire, le Gouvernement n'a pas accueilli favorablement notre proposition de taxer les hauts revenus. Il nous semblait pourtant juste, dans un texte concernant la fiscalité du patrimoine, de taxer ces revenus très élevés, issus majoritairement du patrimoine. En effet, il est choquant que certains revenus du capital soient moins taxés que les revenus du travail. Nous proposions de corriger cette anomalie en supprimant progressivement la taxation forfaitaire d'une partie des revenus du patrimoine.

J'observe que les récentes déclarations du ministre du travail vont dans le bon sens même si la solution la plus juste et la plus durable ne peut être que l'instauration d'une tranche marginale de l'impôt sur le revenu au taux de 45 % au-delà de 300 000 euros de revenus pour un couple. D'abord, elle obéirait à la logique de convergence fiscale franco-allemande, un peu oubliée dans le cadre de cette loi de finances rectificative, après tous les travaux menés par la Cour des comptes et par la commission des finances. Ensuite, elle satisferait l'exigence d'équité fiscale : il est normal que les contribuables les plus aisés participent à l'effort de solidarité nationale, d’autant que les foyers concernés ne seraient que de 60 000 sur un total de 29 millions. Ne rêvez d’ailleurs pas, chers collègues de gauche : cette mesure ne rapporterait pas beaucoup, de 300 millions à 350 millions d’euros, ce qui n’a rien de considérable. Ce serait toutefois un geste à l’égard de l’ensemble de notre peuple, à même de montrer qu’en cette période difficile, la solidarité s’impose y compris à ceux qui ont les revenus les plus élevés.

Mais nous reprendrons cette discussion dans le cadre de la discussion, certainement plus torride que celle de ce soir, de la loi de finances initiale pour 2012. Le groupe Nouveau Centre a toujours été constant dans ces propositions et nous proposerons à nouveau cette disposition. Je sais d’ailleurs qu’au sein du groupe UMP, une partie de nos collègues partagent nos analyses sur cette question.

Quatrièmement, le Gouvernement a demandé à notre assemblée, qui l’a accepté, de voter l'inscription au budget de 460 millions d'euros destinés à régler à l'État chinois de Taiwan une partie du montant des pots-de-vin versés dans le cadre de la vente des fameuses vedettes. Le Gouvernement a laissé entendre qu'il chercherait à récupérer cette somme auprès des bénéficiaires des pots-de-vin. Rappelons que le contrat de vente des vedettes ne comprenait aucune clause relative aux FCE, frais commerciaux exceptionnels, à traduire par « pots de vin » et que ces sommes ont donc été versées à tort. Nous savons quel a été l’un des intermédiaires, le fameux M. Wang, dont le compte en Suisse, sur lequel étaient déposés 500 millions de dollars, a été bloqué. Il serait intéressant que dans votre réponse, madame la ministre, vous nous confirmiez si l’intention du Gouvernement est bien de récupérer ces sommes. Je compte sur vous pour faire œuvre de fermeté en matière de lutte contre la corruption.

En dernier lieu, j’aimerais évoquer un élément qui ne fera sans doute pas plaisir à certains : nous nous apprêtons à voter un projet de loi de finances rectificative qui aggrave de 1,2 milliard le déficit du budget général. Je dis bien 1,2 milliard et non pas 715 millions, somme correspondant au solde général. Nous savons que l’industrie automobile a remboursé 2 milliards de prêts et que, sur cette somme, 1,5 milliard ont été consacrés à la nouvelle tranche de prêts à la Grèce. Les 500 millions restants sont une recette au sens budgétaire mais pas au sens du traité de Maastricht. Au regard des critères européens, notre déficit s’est bien dégradé de 1,2 milliard. J’attire votre attention, madame la ministre, sur l’interprétation que ne manqueront pas de faire les marchés de ce léger dérapage. Cela implique que d’ici à la fin de l’année, le Gouvernement, qui s’y est engagé, ponctionne sur ce qui reste de la réserve de 7 milliards afin d’annuler toute une série de crédits ce qui permettra de revenir à zéro en exécution. Madame la jeune ministre du budget, pouvez-vous nous confirmer les propos de votre prédécesseur qui m’avait dit : « Monsieur de Courson, je m’y engage, il y aura une annulation de 1,2 milliard d’ici à la fin de l’année ».

M. Roland Muzeau. Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent !

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre votera en faveur de ce projet de loi de finances rectificative pour 2011, avec la ferme intention de reprendre le combat pour plus d'équité et de justice fiscales à l'occasion des débats relatifs au budget pour 2012. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur le président, je répondrai de manière globale aux interventions de MM. Cahuzac et Eckert, de Mme Poursinoff et de MM. Muet et Muzeau, qui traitaient des mêmes thématiques.

La première de ces thématiques, messieurs, madame, est le refrain que vous avez entonné une fois de plus, alors qu’on l’avait déjà beaucoup entendu au cours des débats : celui du cadeau que nous ferions, selon vous, aux plus riches. C’est faux ; nous l’avons dit et démontré. Notre objectif est d’éviter un impôt confiscatoire aux ménages que seule la hausse des prix de l’immobilier a soumis à l’ISF. Il s’agit d’un impératif de justice.

Je le répète, le montant global acquitté par les redevables de l’ISF reste inchangé. En effet, ce qui est payé en moins au titre de la détention de patrimoine le sera en plus au titre de sa transmission. Où est le cadeau ? Pour les deux tiers des détenteurs des plus hauts revenus, qui sont à la tranche marginale de l’ISF, c’est-à-dire ceux dont le patrimoine excède 16 millions d’euros, l’ISF sera plus que doublé. Est-ce vraiment un cadeau ?

Je m’arrête là, car il s’agit de positions de principe dont vous ne voulez pas démordre et qui ne reposent guère sur des arguments.

Deuxièmement, la réforme ne serait pas équilibrée. Il ne faut pas dire de contrevérités : cette réforme est parfaitement équilibrée, puisque l’allégement de la fiscalité sur la détention est compensé, je l’ai dit, par l’accroissement de la fiscalité sur la transmission et par les dispositifs de lutte contre l’optimisation fiscale.

Au demeurant, je m’étonne que vous contestiez la légitimité de l’exit tax : celle-ci nous permettra de mettre enfin la main sur des capacités contributives qui, jusqu’alors, nous échappaient, puisque certains contribuables n’hésitaient pas à quitter notre territoire pour réaliser leurs plus-values ailleurs.

La réforme est juste. Elle est financée par les contribuables auxquels elle s’applique : ceux qui sont redevables de l’ISF.

Mme Pascale Crozon. Ce ne sont pas les mêmes !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Quant au droit de partage, vous l’admettrez, le taux de 1,1 % était extrêmement faible.

Monsieur Censi, je vous remercie du soutien que vous apportez, quant au fond, à la réforme, à la préparation de laquelle vous avez activement participé. Je profite de cette occasion pour remercier tous les parlementaires de la majorité qui se sont pleinement engagés dans cette rénovation de la fiscalité du patrimoine. Je suis convaincue que cette manière d’associer en amont les parlementaires a été décisive. C’est une question de méthode, et nous nous en souviendrons.

M. Richard Mallié. Très bien !

Mme Valérie Pécresse, ministre. J’espère en effet que nous continuerons ainsi.

M. Yves Censi. Nous sommes confiants !

Mme Valérie Pécresse, ministre. J’ai bien entendu que M. Vandewalle était satisfait du lissage de la hausse de la redevance pour création de bureaux, mais aussi qu’il s’inquiétait de l’augmentation de la taxe sur les locaux à usage de bureaux, en particulier de son effet sur les loyers.

À ce propos, je rappelle que les tarifs n’avaient pas été actualisés depuis 1999 ; quant au zonage, il a été revu pour intégrer les zones de fort développement, liées notamment, vous le savez, au futur réseau du Grand Paris. Ce qui n’est pas illogique, puisque cette taxe est précisément destinée à financer le Grand Paris.

Je précise en outre que la taxe sur les locaux à usage de bureaux est déductible du bénéfice imposable et ne représente que 2 à 4 % des loyers.

Je note, monsieur Vandewalle, que vous participerez au groupe de travail sur le sujet, comme François Baroin vous y a invité. Je suis sûre que vous y trouverez des solutions.

Monsieur de Courson, s’agissant de la taxation des très hauts revenus, nous allons créer un groupe de travail sur les revenus exceptionnels. Nous en reparlerons avec les parlementaires ; il s’agit, là encore, d’une question de méthode. Cette réforme est évidemment distincte de la réforme de la fiscalité du patrimoine.

En ce qui concerne les 460 millions d’euros qui seront versés à Taiwan, le Gouvernement fera tout, bien sûr, pour récupérer les sommes que nous sommes, pour l’heure, obligés de verser.

Quant à la suite de mon action, sachez qu’elle prolongera parfaitement celle de mon prédécesseur. Tous ses engagements seront donc honorés. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président. Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.

Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d’abord appeler l’Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisi.

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n° 5 rectifié à l’article 7 bis A.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai en même temps les cinq amendements du Gouvernement.

M. le président. Je vous en prie, madame la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je l’ai dit, ces amendements ne portent pas sur des questions de fond, mais tendent uniquement à tirer les conséquences des modifications au projet de loi de finances rectificative qui sont intervenues en commission mixte paritaire.

Les amendements n°s 4 et 2, aux articles 7 quinquies et 17 quater, sont deux amendements techniques visant à lever le gage.

L’amendement n° 5 rectifié et l’amendement n° 3 corrigent deux erreurs matérielles.

Premièrement, l’article 7 bis A modifie certaines dispositions de la loi de 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, lesquelles viennent d’être remplacées par des dispositions du code de l’énergie. Il fallait donc rectifier cet article ; tel est le sens de l’amendement n° 5 rectifié.

Deuxièmement, à l’article 18, relatif à l’imposition des plus-values latentes lors du transfert par les contribuables de leur domicile fiscal hors de France – ou exit tax –, l’amendement n° 3 tend uniquement à supprimer une redondance à l’alinéa 20.

Enfin, le traditionnel amendement à l’article d’équilibre – ici l’amendement n° 1 – résulte uniquement des conséquences des modifications intervenues en CMP sur l’équilibre budgétaire. Pour mémoire, ces modifications portent sur deux points. D’une part, le report de l’entrée en vigueur au 1er janvier 2012 de la majoration du taux du droit de partage. D’autre part, le niveau de la réaffectation partielle en 2011 des recettes fiscales du FNSA vers le budget général.

À l’issue de l’examen de ce projet de loi de finances rectificative, le déficit prévisionnel de l’État en 2011 est porté à 92,3 milliards d’euros, ce qui représente une dégradation de 0,7 milliard par rapport à la loi de finances initiale pour 2011.

Je rappelle que cette dégradation est essentiellement liée à des opérations exceptionnelles.

Il s’agit, pour les recettes, d’une perte de 245 millions d’euros qui résulte des débats parlementaires et s’explique, pour 186 millions d’euros, par la généralisation de l’auto-imputation du bouclier fiscal sur l’ISF dès 2011. Celle-ci se traduit par un simple décalage temporel dans la perception des recettes de l’État : l’effet négatif en 2011 sera intégralement compensé par une amélioration à due concurrence des recettes en 2012.

Quant aux dépenses, la hausse de 460 millions d’euros des dépenses de l’État s’explique par une majoration du programme « Appels en garantie de l’État », laquelle résulte d’une décision de la cour d’appel de Paris au sujet de l’affaire des frégates de Taiwan – nous venons d’en parler. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Roland Muzeau. Les fameuses frégates !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je rappelle que l’affaire remonte à 1991 ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 5 rectifié ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Favorable.

M. le président. Nous allons procéder au vote.

(Il est procédé au vote à main levée.)

M. le président. Le résultat du vote à main levée étant douteux, nous allons procéder à un vote par assis et levés. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

(L’amendement n° 5 rectifié est adopté.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 4 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit d’une levée de gage. Avis favorable.

(L’amendement n° 4 est adopté.)

(L’amendement n° 1, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 2 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit à nouveau d’une levée de gage : avis favorable.

(L’amendement n° 2 est adopté.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 3 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement, rédactionnel, appelle néanmoins un bref commentaire.

Il s’agit d’un amendement à l’article 18, lequel crée, vous vous en souvenez, la fameuse exit tax. En première lecture, nous avions eu à ce propos un débat très technique vers cinq heures du matin. Plusieurs amendements que j’avais déposés avaient alors été repoussés par le Gouvernement.

Le présent amendement a été à nouveau présenté au Sénat, puis retiré par le rapporteur général du Sénat à la demande instante du ministre, pour revenir aujourd’hui devant notre assemblée.

Je ne peux qu’émettre un avis favorable à cet amendement, car il est absolument indispensable. Cela étant, madame la ministre, nous serons obligés de réécrire cet article à l’automne, car il comporte plusieurs angles morts que l’on n’a pu supprimer. (Exclamations sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)

M. Roland Muzeau. Des cadavres dans le placard ?

M. Hervé Morin. Et tout cela est censé accroître la sécurité juridique !

M. le président. Monsieur Morin, s’il vous plaît !

(L’amendement n° 3 est adopté.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe SRC.

M. Pierre-Alain Muet. Cette réforme est profondément choquante. Vous supprimez 700 millions d’euros de bouclier fiscal et vous faites, en contrepartie, 2 milliards d’euros de cadeaux aux contribuables qui acquittent l’ISF. Ces derniers sont 560 000. Parmi eux, 10 000 font appel au bouclier fiscal. Pour eux, l’un compensera peut-être l’autre. Mais pour les 550 000 autres, c’est un cadeau pur et simple – et pas un petit cadeau : il peut atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros, voire, pour certains, un million d’euros.

Vous croyez vous être débarrassés du boulet qu’était le bouclier fiscal. Mais je vous le dis : cette réforme indécente – un cadeau fiscal aux plus fortunés de nos concitoyens –, vous la traînerez jusqu’au bout, jusqu’à ce qu’un gouvernement plus respectueux de la justice sociale et fiscale l’abolisse ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Richard Mallié. On ne vous a pas attendus !

M. Camille de Rocca Serra. Ce ne sera pas vous !

M. le président. Pour le groupe Nouveau Centre, la parole est à M. Charles de Courson. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Mes chers collègues, laissez les porte-parole des groupes s’exprimer !

M. Philippe Vigier. N’y a-t-il que M. Muet qui ait le droit de s’exprimer ?

M. Charles de Courson. Le point central de ce projet de loi de finances rectificative était l’abrogation du bouclier fiscal. Je ne comprends donc pas nos collègues de l’opposition : vous l’avez votée avec nous, cette abrogation !

Deuxièmement, vous ne voulez pas de la suppression de l’ISF. Or l’ISF est-il supprimé ? Non : il est réformé. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Troisièmement, comment a-t-on financé la réforme ? Vous oubliez de le dire, monsieur Muet : en augmentant les droits de succession sur les deux dernières tranches. La dernière tranche est à quelque 16 millions d’euros ! Peut-on encore dire que ce ne sont pas les gens les plus riches, en termes de patrimoine, qui paient la réforme ? Soyons sérieux ! On peut être pour cette réforme, on peut être contre ; mais il ne faut pas dire des contrevérités. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Nous voterons en faveur de ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par les amendements qui viennent d’être adoptés.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

4

Régulation du système
de distribution de la presse

Discussion d’une proposition de loi
adoptée par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la régulation du système de distribution de la presse (nos 3399, 3601).

La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, le marchand de journaux est un acteur du lien social ; il anime un lieu de sociabilité et de rencontres irremplaçable.

Un kiosque qui ouvre ou qui renaît, c’est un nouvel espace et une chance pour l’exercice de la démocratie. Vous l’aurez compris, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui revêt à mes yeux une signification culturelle et politique non négligeable : à l’ère de l’« entre-soi », souvent analysé par les travaux des sociologues, c’est un signal fort en faveur de la culture de l’écrit, de la proximité, qui doivent pouvoir garder toute leur place face à l’avènement de ce que certains appellent une « société des écrans ».

Vous examinez, mesdames, messieurs les députés, une proposition de loi sur un sujet qui est au cœur des préoccupations des professionnels de la presse et des pouvoirs publics : l’amélioration du système de distribution de la presse écrite dans notre pays, qui doit redonner la vitalité indispensable à un réseau de vente au service d’une offre pluraliste et diversifiée.

Malgré le développement récent de nouveaux modes de diffusion de l’information sur des supports numériques, la presse n’a pas abandonné – loin de là – le support papier. Il demeure un support essentiel de diffusion des idées et des opinions auprès de chacun de nos concitoyens, notamment ceux qui n’ont pas accès à internet, ou tous ceux qui restent très attachés au support physique. La matérialité du papier pose la question de la viabilité économique de sa distribution. Vous le savez, celle-ci est encore en grande difficulté malgré les efforts conjugués de l’État et de la profession.

Le recul des ventes de la presse réalisées par les diffuseurs de presse en 2010 est particulièrement préoccupant. Pour prendre un exemple, les ventes au numéro de la presse quotidienne ont reculé de plus de 8 % en 2010 ; en 2009, la diminution avait été de 5,3 %. Cette forte baisse s’explique non seulement par la disparition de nombreux titres de presse, touchés de plein fouet par la crise – trente-sept ont disparu en 2010 –, mais aussi par la diminution du nombre comme de l’activité des points de vente de la presse au numéro, plus particulièrement les points de vente spécialisés.

Après s’être redressé en 2009, le réseau des points de vente a enregistré à nouveau un solde négatif de 455 en 2010. Ce recul se conjugue malheureusement à une tendance à l’appauvrissement de l’offre, puisque les créations se sont surtout concentrées sur les points de vente complémentaires à offre réduite, dont le volume d’affaires représente en moyenne un dixième de celui d’un vendeur spécialisé.

Globalement, l’activité du réseau de la vente est en diminution de plus de 6 % toutes messageries confondues, avec un décrochage de près de 8 % pour les quotidiens et un fléchissement de 4,4 % pour les magazines. Le recul persistant des ventes ne fait ainsi qu’ajouter à des difficultés inhérentes au système français.

Les origines de ces difficultés ont été examinées dans le détail à l’occasion des états généraux de la presse écrite. Elles sont essentiellement liées à un déséquilibre dans la répartition de la valeur entre les différents niveaux de la chaîne de distribution : messageries de presse, dépositaires régionaux, diffuseurs.

Comme j’ai souvent eu l’occasion de le rappeler à la profession, nous nous attachons à poursuivre une politique volontariste en faveur des diffuseurs de presse, dont le développement reste une des conditions prioritaires du redressement des ventes de la presse. Je prendrai pour exemple le soutien exceptionnel de l’État aux diffuseurs spécialisés, que mes services s’apprêtent à reconduire. Ou encore le plan de développement des kiosques, commerce culturel de proximité par excellence, puissant outil en faveur du lien social, qui a conduit à la signature, le 22 mars dernier, d’une convention entre le ministère de la culture et de la communication, le Conseil supérieur des messageries de presse et l’Association des maires de France. Son objectif est de parvenir à la création en France de 300 nouveaux kiosques en trois ans, pour une progression d’environ 40 %.

La revalorisation du métier de diffuseur reste l’objectif prioritaire du Gouvernement. Ce dernier est au cœur de la relation que les éditeurs de presse entretiennent avec leurs lecteurs. Son rôle dans ce lien si singulier, dans ce véritable pacte de lecture entre la presse et ses lecteurs, ne peut être envisagé indépendamment de la question de la distribution de la presse dans son ensemble.

La modernisation de la distribution de la presse vendue au numéro et son indispensable régulation s’inscrivent dans le cadre du système coopératif instauré par la loi Bichet du 2 avril 1947. Ce fut l’un des grands chantiers des états généraux de la presse écrite qui se sont tenus d’octobre 2008 à janvier 2009.

En clôturant les états généraux le 23 janvier 2009, le Président de la République s’est prononcé en faveur d’une réforme ambitieuse de l’instance de régulation. Cette dernière devait se traduire dans la révision de sa composition, de ses compétences et le renforcement de son indépendance. Il a alors demandé à M. Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence, de lui remettre des propositions dans ce sens.

Dans son rapport, Bruno Lasserre recommandait la création d’une autorité administrative indépendante sous la forme d’un collège resserré de cinq membres, seul cadre adapté permettant selon lui d’exercer à la fois une mission de régulation sectorielle efficace et une mission de règlement des différends non contestable.

Dans le schéma préconisé, les membres du collège n’avaient aucun lien avec les intérêts du secteur. Les professionnels ne devaient intervenir qu’au sein de commissions consultatives statutaires et de groupes de travail pour préparer les décisions de l’instance collégiale. Le choix d’une autorité administrative indépendante traduisait clairement un ancrage de la régulation dans la sphère publique, indépendante à la fois de l’État et des entreprises concernés par la régulation. Si ce choix représentait une réelle innovation pour le secteur de la distribution de la presse, il ne l’était pas au regard du mode de régulation adopté dans des secteurs aussi différents que l’audiovisuel à travers le Conseil supérieur de l’audiovisuel, les télécommunications et les postes à travers l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’énergie à travers la Commission de régulation de l’énergie, ou les marchés financiers à travers l’Autorité des marchés financiers.

La profession dans son ensemble a cependant exprimé ses réticences à l’égard de ce mode de régulation. Elle l’estimait susceptible de déstabiliser un secteur déjà fragilisé. Elle le considérait comme un frein dans la mise en œuvre des réformes importantes engagées par la profession sous l’égide du Conseil supérieur des messageries de presse à l’issue des états généraux de la presse écrite.

Selon la profession, la régulation du secteur par une seule autorité administrative indépendante dans laquelle le pouvoir de décision et l’expertise échapperaient aux éditeurs ne constituerait pas la meilleure réponse face aux évolutions, qu’elle considère pourtant indispensables, du système coopératif de distribution de la presse et de son réseau.

Sous l’égide du ministère de la culture et de la communication, la concertation s’est donc poursuivie entre les éditeurs et le Conseil supérieur des messageries de presse afin de définir une voie médiane, une position équilibrée, tenant compte à la fois des recommandations du Livre vert des états généraux de la presse écrite et des préconisations du rapport de M. Bruno Lasserre.

Cette voie médiane de régulation du secteur est plus sage et plus respectueuse des équilibres qui ont été à l’origine du développement de la presse ces cinquante dernières années, en contribuant à l’irrigation des quotidiens et des magazines d’information sur l’ensemble du territoire. C’est cette voie que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat s’est proposée de suivre dans la proposition de loi relative à la régulation du système de distribution de la presse présentée par son président, M. Jacques Legendre. C’est également de cette solution que vous allez débattre aujourd’hui.

Elle associe étroitement un collège professionnel, le Conseil supérieur des messageries de presse rénové, et une autorité administrative indépendante, en donnant une définition précise des missions et des compétences de chacun. Elle entend répondre au souhait de la profession de conserver son indispensable expertise sur la régulation de la distribution de la presse. Elle entend aussi répondre à la nécessité d’un contrôle objectif des décisions de l’instance professionnelle et d’un arbitrage des différends par une autorité indépendante.

Le Sénat est ainsi parvenu à un texte équilibré, à l’issue d’une large concertation qui a permis à tous les acteurs du secteur de faire valoir leurs positions. Je tiens à rendre hommage à la commission des affaires culturelles et de l’éducation de votre assemblée qui a œuvré pour que cette recherche d’équilibre puisse être approuvée également à l’Assemblée nationale, dans les termes votés par le Sénat. Cette proposition de vote conforme révèle le souci du Parlement de voir cette nouvelle organisation de la distribution de la presse entrer en application dès que possible, sans risquer d’être repoussée par le calendrier des différentes échéances politiques et électorales qui approchent.

Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les députés, j’apporte mon plein soutien à cette démarche en vue d’une meilleure régulation du système de distribution de la presse.

M. Marcel Rogemont. Le contraire aurait été surprenant !

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Et j’y attache une importance toute particulière.

M. Éric Berdoati. Tant mieux !

M. Frédéric Mitterrand, ministre. À travers une régulation plus efficace de la vente au numéro, nous parviendrons à poser les bases d’une adaptation de la chaîne de distribution aux nouveaux enjeux de l’économie numérique et de l’information en temps réel.

Le contexte de la distribution de la presse a évolué très sensiblement ces dernières semaines. Les perspectives actuellement débattues rendent d’autant plus indispensable la mise en place d’un cadre juridique rénové, solide, qui garantisse que ces évolutions soient conformes aux principes fondamentaux de la loi Bichet auxquels nous sommes tous attachés. Rien en effet, dans cette proposition, ne remet en cause les fondements de la loi, qui proclame que « La diffusion de la presse imprimée est libre » et qui confère aux éditeurs la maîtrise de la distribution de leurs journaux et publications dans le cadre de règles démocratiques et impartiales et d’une équité de traitement garante du pluralisme de l’information.

Le CSMP, lors de son assemblée générale du 18 mai 2011, a validé la proposition de sa commission des bonnes pratiques professionnelles visant à abandonner progressivement la rémunération ad valorem des dépositaires de presse en adoptant un barème en unités d’œuvres, notamment pour les missions logistiques et de transport. Cette nouvelle règle de calcul de la rémunération des dépositaires, qui me paraît davantage conforme à la réalité du travail de ces professionnels, nécessite d’abroger les dispositions de l’article 11 de la loi du 27 janvier 1987, ce qui est prévu dans la proposition de loi. Le Parlement accompagne ainsi la réorganisation du secteur, qui a besoin de revaloriser les métiers à chaque maillon de la chaîne de distribution.

Par ailleurs, l’assemblée générale de Presstalis, qui a eu lieu le 30 juin dernier, a marqué un tournant décisif pour le premier distributeur de presse en France. L’opérateur historique Lagardère, qui détenait 49 % du capital, officialise son départ annoncé depuis la fin du mois de mai. Ce sont désormais les éditeurs de presse qui assurent la gouvernance de l’entreprise via leurs deux coopératives : celle des magazines, 75 % du capital, et celle des quotidiens, 25 %, proportionnellement au chiffre d’affaires apporté à la messagerie. Dans ce nouveau cadre, le CSMP devra jouer pleinement son rôle d’instance professionnelle de régulation.

Dans cette période de remise en cause des équilibres qui ont régi le secteur durant plusieurs décennies, l’ensemble des professionnels de la presse, des messageries jusqu’aux diffuseurs en passant par les dépositaires, ont besoin d’un outil de référence solide sur lequel s’appuyer.

Mesdames, messieurs les députés, dans le cadre de cette proposition de loi, c’est un juste milieu que je vous invite à suivre et considérer. À mes yeux, ce n’est ni un acte de faiblesse ni une preuve d’indécision vis-à-vis d’un secteur qui doit mobiliser toute notre attention. C’est, au contraire, la recherche d’une décision d’équilibre et de clairvoyance, qui conforte les conditions d’un traitement équitable des publications, préserve le principe d’une péréquation des coûts en renforçant les conditions de mise en œuvre de principes qui garantissent une égalité de traitement dans le respect du pluralisme de la presse et au bénéfice de ses lecteurs. C’est une décision qui ménage donc les grands héritages démocratiques issus de la Libération et qui garantit le développement économique et les voies de l’avenir pour la distribution de la presse, médium essentiel, s’il en est, pour le débat et la démocratie dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise, après son adoption en première lecture par le Sénat, le 5 mai dernier, a pour objet de réformer la gouvernance de notre système coopératif de distribution de la presse vendue au numéro.

Pourquoi une telle réforme ? Parce que ce système subit une crise autant structurelle, avec le développement rapide de nouveaux médias et l’érosion du lectorat, que conjoncturelle, avec le ralentissement économique général depuis 2009, au point que Presstalis, notre principale messagerie de presse, a frôlé récemment le dépôt de bilan.

Notre système coopératif de distribution de la presse a été établi à la Libération, en vue d’assurer l’impartialité de la distribution des journaux sans laquelle il n’y a pas de véritable liberté de la presse. Mais, revers de la médaille, les règles actuelles ne lui ont pas permis de s’adapter aux nouveaux défis de la presse écrite, qui doit regagner en attractivité auprès des lecteurs.

Permettre à ce système d’évoluer dans le respect des valeurs coopératives qui garantissent sa neutralité, voilà l’objectif poursuivi par ce texte dont je souhaite vous présenter en quelques mots les enjeux et les dispositions.

Cette proposition de loi part d’un constat simple : le mode de régulation de notre système de distribution de la presse ne permet pas aux acteurs de mener les réformes nécessaires pour assurer sa pérennité. Dans le cadre des états généraux de la presse écrite, tous les acteurs se sont accordés sur ce constat. Personne ne souhaite le statu quo – je me tourne vers certains bancs.

Il faut dire quelques mots de notre système coopératif de distribution de la presse car il constitue une spécificité française dont nous pouvons tous être fiers sur l’ensemble de ces bancs, monsieur Rogemont. Il a été établi par la loi du 2 avril 1947, dite loi Bichet, qui a établi quatre principes fondamentaux :

Premièrement, la diffusion de la presse est libre, l’article 1er de la loi affirme le droit pour tout éditeur d’assurer lui-même la distribution de ses propres titres ;

Deuxièmement, si un éditeur renonce à distribuer lui-même un de ses titres, il ne peut en confier la diffusion qu’à une coopérative de messageries de presse ;

Troisièmement, tous les acteurs sont tenus à une stricte obligation d’impartialité dans le traitement des titres, quels que soient leur orientation ou leur tirage – cela vaut pour les messageries de presse qui assurent les transports à longue distance, pour les grossistes dits « dépositaires » et pour les 30 000 diffuseurs qui tiennent des points de vente ;

Enfin, les messageries sont soumises au contrôle comptable d’un Conseil supérieur des messageries de presse chargé de veiller à l’application de la loi Bichet et investi d’un droit de veto sur les décisions des messageries qui altéreraient leur équilibre financier ou leur caractère coopératif. Ce CSMP essaie aujourd’hui d’assurer la régulation du secteur dans la mesure de ses moyens.

Ces principes, qui constituent le titre Ier de la loi Bichet, nul ne les remet en cause. Je tiens à le dire ici très solennellement : il n’est pas question d’y porter quelque atteinte ou quelque coup de canif que ce soit.

M. Michel Herbillon. Absolument !

M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur. Il y a sur ce sujet un accord complet entre l’auteur de la proposition de loi, M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture du Sénat, le Gouvernement et le rapporteur du Sénat, M. David Assouline, membre du groupe socialiste. Quand l’opposition et la majorité peuvent travailler ensemble dans l’intérêt général, je crois que cela mérite d’être salué comme il se doit.

M. Éric Berdoati. Bravo !

M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur. En revanche, c’est la gouvernance du système qui mérite d’être renforcée et c’est là notre responsabilité.

En effet, depuis les états généraux de la presse écrite et dans le cadre d’une concertation nourrie par un rapport du président de l’Autorité de la concurrence, M. Bruno Lasserre, sur la réforme du CSMP, les acteurs ont eux-mêmes identifié les défaillances du système de distribution de la presse et proposé des mesures propres à y remédier.

La principale de ces insuffisances tient au fait qu’il n’y a pas de véritable régulation du secteur faute pour le CSMP de disposer d’un pouvoir réglementaire. Prenons un exemple : tous les acteurs s’accordent à déplorer le fait que le droit pour tous les titres à être diffusés partout a pour conséquence un encombrement du linéaire qui décourage le client et des masses d’invendus qui découragent les diffuseurs. Lorsqu’il s’agit de la presse d’information politique et générale nécessaire à l’éclairage du citoyen, ce n’est qu’un moindre mal mais, s’il s’agit de publications moins vitales pour la vie démocratique, c’est regrettable.

Le CSMP a expérimenté avec succès de nouvelles règles d’assortiment des titres et de plafonnement des quantités servis aux points de vente. Pourtant, cette initiative ne peut pas être généralisée parce que les règles établies par le CSMP n’ont pas de force contraignante.

Partant de ce constat, la stratégie qui sous-tend cette proposition de loi est la suivante : renforcer la régulation du secteur sans modifier les principes fondamentaux de la loi Bichet pour permettre au système d’évoluer dans le respect de ses valeurs coopératives.

En effet – je tiens à le répéter –, le texte ne modifie pas le titre Ier de la loi Bichet, qui établit ces principes fondamentaux. Il ne réforme que les titres II et III de cette loi, qui concernent sa gouvernance.

À cette fin, le texte réforme l’architecture institutionnelle de la régulation de notre système coopératif de distribution de la presse. L’architecture proposée constitue une synthèse entre deux schémas envisageables. Le premier est un schéma d’autorégulation du secteur, dans lequel l’essentiel du pouvoir est confié aux acteurs eux-mêmes. C’est le modèle choisi par le législateur en 1947 pour le CSMP. Si une telle organisation a l’avantage de favoriser l’implication des acteurs dans la régulation du secteur, en revanche, cette gouvernance est nécessairement faible, car il n’est pas possible de conférer un pouvoir réglementaire à une instance professionnelle dont les membres ne sont pas impartiaux.

C’est pourquoi, dans son rapport sur la réforme du CSMP, le président de l’Autorité de la concurrence proposait de confier l’essentiel du pouvoir à une autorité administrative véritablement indépendante. Les acteurs du secteur n’auraient alors plus été représentés qu’au sein de commissions thématiques consultatives.

L’économie générale du texte qui nous est soumis constitue une voie médiane entre ces deux modèles. En effet, il est proposé de rénover le CSMP pour en faire une véritable instance professionnelle. Sa composition sera resserrée, afin de le rendre plus réactif, et recentrée sur les acteurs du système. Le CSMP ne comprendra donc plus de représentants ni de l’État – leur place n’est pas dans une instance professionnelle – ni des sociétés de transport.

Ainsi rénové, le CSMP sera investi d’une fonction générale de régulation sectorielle. Cela recouvre deux types de missions : d’une part, le règlement des différends survenant entre les acteurs du système et, d’autre part, la fixation de normes professionnelles.

Le texte institue donc une procédure de médiation par le CSMP, obligatoire avant tout contentieux. Il énumère également les prérogatives non contentieuses du CSMP : celui-ci sera chargé de fixer les rémunérations des agents de la vente, de les agréer, de fixer des normes professionnelles et de contrôler l’équilibre financier et le caractère coopératif des messageries.

Pour donner force exécutoire aux décisions du CSMP, le texte instaure une autorité administrative indépendante, l’Autorité de régulation de la distribution de la presse – l’ARDP – composée simplement de trois magistrats.

Le texte définit très précisément l’articulation entre le CSMP et cette ARDP, de façon à ce que le CSMP ait toujours l’initiative de ses décisions et que l’ARDP n’intervienne qu’en aval. Le CSMP ne sera donc nullement mis sous tutelle.

Voilà, mes chers collègues, les principales orientations de ce texte. Loin de remettre en cause le caractère coopératif et impartial de notre système de distribution de la presse, il vise à en garantir la pérennité, en donnant au système les moyens de faire face à la crise de la presse écrite.

Je veux en conclusion souligner l’urgence qui s’attache à la mise en œuvre de cette réforme. Notre collègue Marcel Rogemont pourra en témoigner : lors des auditions que nous avons menées ensemble, la très grande majorité des acteurs ont insisté, comme vous, monsieur le ministre, sur cette urgence, au point que ceux qui trouvaient telle ou telle partie encore perfectible nous ont déclaré préférer voir la loi entrer en vigueur dans les semaines à venir plutôt que d’attendre la fin d’une navette parlementaire, que notre ordre du jour chargé rendra assurément longue et incertaine. C’est pour ces raisons que votre commission vous recommande d’adopter ce texte sans modification. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Tabarot, présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mme Michèle Tabarot, présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre assemblée est aujourd’hui appelée à apporter sa contribution à la rénovation d’un dispositif issu des principes posés au lendemain de la Libération, pour garantir une distribution de la presse qui ne privilégie ni n’écarte aucun titre, permettant ainsi à nos concitoyens de bénéficier sur l’ensemble du territoire du même accès à l’ensemble des journaux et magazines, quel que soit le poids économique de ces derniers.

La proposition de loi ne remet bien évidemment pas en cause le système de distribution. Les modifications proposées visent essentiellement à accompagner les évolutions en cours dans le secteur. En tout état de cause, le consensus s’est établi autour des mesures qui sont proposées à notre approbation.

Je voudrais à cet égard saluer l’implication des acteurs de la distribution de la presse, qui ont su mener en leur sein une réflexion constructive. Qu’il me soit permis également de remercier tout particulièrement notre rapporteur, qui a dû s’emparer de ce texte dans des délais très courts,…

M. Michel Françaix et M. Michel Herbillon. Trop courts !

Mme Michèle Tabarot, présidente de la commission des affaires culturelles. …nous contraignant à travailler dans une certaine urgence, ce qui n’est jamais souhaitable pour la qualité des travaux.

Pour autant, grâce à la diligence de notre rapporteur, toutes les parties prenantes ont pu être consultées, et nous avons organisé à la commission des affaires culturelles une table ronde réunissant les deux opérateurs de messageries ainsi que le Conseil supérieur des messageries de presse.

J’en retiens tout d’abord que, deux ans après la publication du Livre vert des états généraux de la presse, une intense réflexion a permis de proposer une architecture de régulation équilibrée et qui répond aux préoccupations des acteurs du secteur.

M. Marcel Rogemont. Deux ans d’attente !

Mme Michèle Tabarot, présidente de la commission des affaires culturelles. Je ne reviendrai pas sur le détail de cette architecture, qui se traduit par la coexistence de deux instances : d’une part, un organisme professionnel rénové, le Conseil supérieur des messageries de presse ; d’autre part, une nouvelle autorité de régulation, dont l’indépendance est garantie.

Cette réflexion sur la distribution de la presse nous impose un certains nombre de devoirs. En premier lieu, celui que nous avons tous de maintenir dans leur intégrité les trois principes que nous héritons du législateur de 1947 : la liberté de la diffusion de la presse, la maîtrise par les éditeurs de la distribution de leurs titres et l’égalité de traitement entre tous les titres dans l’accès au système coopératif de distribution.

Je souhaite rappeler que rien dans la proposition de loi ne remet en cause ni n’est susceptible de remettre en cause ces principes. Je forme le vœu que les inquiétudes qui ont pu s’exprimer sur ce point au sein de la profession ou sur certains des bancs de notre assemblée puissent être levées de manière définitive.

La préservation de ces principes n’interdit pas de prendre en considération, de manière objective, la situation économique du secteur. J’ai notamment été sollicitée par beaucoup de nos collègues sur les questions relatives aux dépositaires et aux kiosquiers, qui sont un véritable enjeu d’aménagement du territoire en même temps que de vitalité démocratique.

M. Michel Herbillon. Absolument !

Mme Michèle Tabarot, présidente de la commission des affaires culturelles. Il faut impérativement soutenir et amplifier les mesures prises à la suite des états généraux, dont l’objectif est à la fois de redonner à la distribution de la presse son équilibre économique et de garantir une présence au contact des lecteurs.

Pour conclure, je souhaiterais revenir sur les enjeux. Il est nécessaire aujourd’hui de garder à l’esprit l’intérêt collectif que représente un système qui mutualise les ressources et les moyens pour assurer aux journaux et magazines les meilleures conditions de coûts et de vente. Ce n’est pas un marché comme un autre ; nos débats montrent que cette conviction est partagée.

Au-delà, nous aurons à cœur, au sein de la commission des affaires culturelles, de poursuivre nos efforts en faveur de la presse écrite en prenant en compte les défis qu’elle affronte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Herbillon.

M. Michel Herbillon. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, la loi Bichet du 2 avril 1947 est, avec la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, le texte qui pose les grandes règles régissant le secteur de la presse.

Cette loi contient, dans son titre Ier, les principes fondamentaux gouvernant le système de distribution de la presse depuis l’après-guerre. Ces principes font l’unanimité, et il n’est pas question de les remettre en cause. Derrière ces principes se trouvent des enjeux constitutionnels de premier ordre tels que la garantie du libre accès des citoyens à l’information ou encore la pluralité de l’offre.

Pour autant, cette loi ne suffit plus à régir efficacement les rapports des différents intervenants de la distribution de la presse. J’ajoute même que, pour garantir l’effectivité des principes posés par la loi Bichet, celle-ci doit être réformée.

Lors des débats en commission, mes collègues de l’opposition ont raillé la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui pour examen, sous le prétexte qu’elle serait une dénaturation des principes posés par la loi Bichet. Je ne partage pas leur jugement. Les problèmes récurrents constatés aujourd’hui dans le secteur de la presse sont autant de raisons de réformer cette loi.

Rappelons-le, le principe de la loi Bichet est de promouvoir un système de distribution de la presse coopératif entre les différents acteurs : les messageries pour le niveau l, les dépositaires pour le niveau II et les diffuseurs pour le niveau III. Ce système coopératif est aujourd’hui déficient. À cause de cela, l’accès des citoyens à l’information risque de ne pas être assuré avec régularité. Comment pourrait-on alors ne pas partager l’objectif de la proposition de loi qui nous est présentée, objectif qui est ni plus ni moins de revenir à un système coopératif efficace ?

La présente proposition de loi permettra de mettre fin rapidement aux blocages répétés. Elle propose à cet effet une refonte de la gouvernance du système de distribution de la presse, qui sera désormais bicéphale. En dépit de ce changement, il s’agit bien d’une évolution et non d’une révolution. Les principes fondamentaux de la loi Bichet ne sont pas remis en cause.

Le Conseil supérieur des messageries de presse est d’ailleurs maintenu. Ses pouvoirs sont renforcés. Il prend désormais des décisions à portée normative. Avancée majeure : le CSMP devra mener une procédure de conciliation obligatoire en cas de différends intervenant dans le secteur de la distribution, avant toute action contentieuse.

Le CSMP est rénové, constitué de vingt membres, exclusivement des représentants des professionnels de la distribution, composition qui reflète les forces en présence. Le dispositif de régulation de la loi Bichet étant fondé sur les éditeurs, ceux-ci y occupent une place importante, aux côtés des messageries de presse. La représentation de l’État est allégée puisque assurée par un commissaire au Gouvernement siégeant avec voix consultative uniquement, et celle des transporteurs est supprimée : on en fait ainsi une véritable instance professionnelle.

Pour asseoir sa légitimité et parer à toute mise en cause de ses décisions, le texte prévoit la mise en place d’une Autorité de régulation de la distribution de la presse, qui sera impartiale et extérieure. Son rôle sera de donner force exécutoire aux décisions normatives prises par le CSMP. Elle interviendra également pour régler les conflits, dans le cas où aucune solution à l’amiable et aucune conciliation n’auront pu être trouvées dans le cadre d’un différend devant le CSMP. Elle aura donc une fonction contentieuse, d’ailleurs susceptible de recours.

Composée de trois membres issus du Conseil d’État, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes, autorité indépendante, elle apportera toutes les garanties nécessaires pour veiller à la légitimité et à la bonne mise en œuvre des décisions actées par le CSMP.

Les pouvoirs normatifs du CSMP sont larges, ce qui rend nécessaire l’intervention d’une autorité de régulation – de validation, pourrions-nous dire – extérieure et impartiale. Le CSMP pourra, par exemple, déterminer les conditions de rémunération des agents de vente ; il pourra également réguler l’organisation et le fonctionnement du réseau, autant d’enjeux stratégiques qui justifient l’intervention d’une autorité indépendante pour veiller à ce que le caractère coopératif du CSMP soit bien respecté.

En outre, afin d’apporter encore davantage de garanties, l’Autorité aura la faculté d’émettre des avis sur la qualité du contrôle comptable des messageries exercé par le CSMP d’abord, sur l’évolution des conditions tarifaires des messageries de presse ensuite. Cela permettra d’éviter toute accusation d’ententes ou de pratiques concertées, car cette évaluation n’est plus désormais entre les seules mains du CSMP.

Les messageries de presse demeurent libres de fixer leurs tarifs comme elles l’entendent, dans le strict respect du droit du commerce et de la concurrence, mais elles devront le faire dans le respect du système coopératif qui prévaut depuis l’entrée en vigueur de la loi Bichet.

Certains arguent qu’il s’agit là d’une mise sous tutelle du CSMP par l’Autorité de régulation. C’est faux ! La volonté du législateur était avant tout de veiller à ce que les petits distributeurs, dépositaires et diffuseurs de presse, en minorité au sein du CSMP, ne se voient pas imposer de manière injustifiée des décisions par les éditeurs et les messageries de presse, largement majoritaires au sein du CSMP. De fait, l’Autorité de régulation agit comme un organe de contrôle, chargé de rappeler au CSMP sa nature coopérative. Cette structure permettra d’assurer un meilleur fonctionnement du secteur, car les décisions seront désormais empreintes d’une légitimité absolue.

Ce mécanisme bicéphale n'est d'ailleurs pas une bizarrerie, d'autres systèmes de régulation utilisant avec efficacité ce type de gouvernance. Songeons au Centre national du cinéma et de l’image animée qui s'appuie également sur le médiateur du cinéma.

Mes chers collègues, ce texte est attendu avec une grande impatience par la profession. Rappelons-le, il traduit les réformes urgentes préconisées par les états généraux de la presse écrite. Il est, en outre, le fruit d'un travail approfondi s'inspirant des travaux de M. Lasserre et de la mission de l’inspection des finances, relative à la situation de Presstalis.

Ce texte est une nouvelle fois l'occasion de marquer notre soutien à un secteur, la presse écrite, qui est à un tournant historique majeur. Nous devons tout faire pour l’accompagner dans ses mutations profondes.

Au-delà de ce texte, nous devons poursuivre l'effort que nous avons engagé avec les états généraux de la presse écrite. Nous devons faire le bilan des mesures que nous avons votées et des aides que nous avons consenties. Certaines semblent d'ores et déjà avoir rencontré un franc succès, à l'instar de l'aide au portage, qui se développe et dont l'allocation budgétaire mérite d'être pérennisée.

Nous devrons aussi continuer à agir en faveur de la revalorisation du métier des diffuseurs de presse, c'est-à-dire les marchands de journaux et les kiosquiers.

Il convient enfin de s'interroger sur notre stratégie d'accompagnement des médias vis-à-vis du numérique qui engendre des bouleversements structurels durables dans le secteur de la presse. Les récentes évolutions technologiques nous imposent d'évaluer la pertinence de cette stratégie et de nous interroger sur les évolutions nécessaires de notre législation.

Mes chers collègues, vous l'aurez compris, je souhaite attirer votre attention sur le nécessaire débat que nous devrons avoir sur l'accompagnement des aides que nous donnerons à la presse écrite.

Le débat que nous avons aujourd'hui, relatif à la presse, n'est qu'une étape qui se poursuivra à la rentrée parlementaire, sans doute à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances.

Comme l’a fait notre excellent rapporteur, je vous appelle à mon tour, mes chers collègues, à adresser un signe fort de notre soutien à ce secteur – la presse – en votant ce texte. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Éric Berdoati. Bravo !

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Modification de l'ordre du jour

M. le président. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement une lettre l'informant que l'ordre du jour des mercredi 6 et jeudi 7 juillet est ainsi modifié :

Le mercredi 6 juillet, est inscrite la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi portant réforme de l'hôpital, qui sera le dernier point de l'ordre du jour ;

La discussion de la proposition de loi relative à la protection de l'identité ne débutera que le jeudi 7 juillet.

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Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion de la proposition de loi relative à la régulation du système de distribution de la presse ;

Discussion de la proposition de loi relative au patrimoine monumental de l’État.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)