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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2011-2012

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 19 octobre 2011

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

1. Souhaits de bienvenue à une délégation estonienne

2. Questions au Gouvernement

Fermeture de l’entreprise M-Real

M. François Loncle

3. Hommage à Marie Dedieu

M. François Fillon, Premier ministre

4. Questions au Gouvernement (suite)

Fermeture de l’entreprise M-Real (suite)

M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique

Réforme de la PAC

Mme Marianne Dubois

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire

Hôpital public

M. Daniel Paul

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Journée mondiale de l’accident vasculaire cérébral

M. Olivier Jardé

Mme Nora Berra, secrétaire d’État chargée de la santé

Attentat de Karachi

M. Bernard Cazeneuve

M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Chiffrage du programme du parti socialiste

M. Jérôme Chartier

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement

Licenciements "boursiers"

M. André Chassaigne

M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique

Campagne double pour les OPEX en Afghanistan

Mme Françoise Hostalier

M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Situation économique et financière de la France

M. Pierre-Alain Muet

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement

Fonds européen d’ajustement à la mondialisation

M. Alfred Trassy-Paillogues

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Situation économique et financière

M. Christian Eckert

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement

Statut des moniteurs de colonies de vacances

M. Pierre-Christophe Baguet

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Situation à Mayotte

M. Patrick Lebreton

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer

Annonces du Gouvernement concernant la TNT

M. Jean-Jacques Gaultier

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Refonte des critères de zonage

Mme Dominique Orliac

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire

Présidence de M. Marc Le Fur

5. Projet de loi de finances pour 2012 (suite)

Discussion générale (suite)

M. Charles de Courson

M. Jérôme Chartier

M. Pierre-Alain Muet

M. Jean-Claude Sandrier

M. Jean-Pierre Nicolas

M. Philippe Vigier

Mme Arlette Grosskost

M. Bernard Carayon

M. Gérard Bapt

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Jean-Claude Mathis

M. Marc Goua

M. Richard Mallié

M. Michel Diefenbacher

M. Alain Claeys

M. François Goulard

M. Jean-François Mancel

Mme Aurélie Filippetti

M. Yves Vandewalle

M. David Habib

M. Jean Proriol

M. Nicolas Dhuicq

Mme Annick Girardin

M. Michel Vergnier

M. Michel Heinrich

M. Yves Deniaud

M. Jean Mallot

M. Jacques Myard

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement

6. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Souhaits de bienvenue
à une délégation estonienne

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation du groupe d’amitié Estonie-France du Parlement de la République d’Estonie, conduite par son président, M. Tönis Lukas. (Mmes et MM. les députés ainsi que les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Fermeture de l’entreprise M-Real

M. le président. La parole est à M. François Loncle, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. François Loncle. Monsieur le président, permettez-moi tout d’abord, au nom de mon groupe et, je le pense, de l’Assemblée nationale tout entière, de rendre hommage à Marie Dedieu, décédée à la suite d’un enlèvement barbare. (Applaudissements sur tous les bancs.)

J’en viens à ma question.

Il y a quinze jours, ici même et dans ce cadre, j’interrogeais, j’alertais le Gouvernement sur la menace de fermeture de l’entreprise finlandaise M-Real de pâte à papier et de fabrication de papier, située à Alizay dans l’Eure. M. Éric Besson me répondait par des propos rassurants :

« On peut être raisonnablement optimiste sur l’avenir de ce site qui nous a beaucoup mobilisés depuis de nombreux mois. [...] Avec mon collègue Bruno Le Maire qui, lui aussi, est très impliqué sur ce dossier, nous sommes en contact avec les dirigeants de M-Real. Je vois mal comment ce groupe pourrait porter la responsabilité de la fermeture du site en refusant une offre. [...] Nous n’avons pas manqué de mettre ce groupe face à ses responsabilités ».

Or, hier, le groupe finlandais annonçait la fermeture brutale du site, alors que les négociations avec trois repreneurs potentiels étaient en cours et, on peut même dire, bien avancées. Aujourd’hui, 400 salariés et leurs familles, les élus du site et les représentants du personnel sont profondément choqués. Qu’allez-vous faire, monsieur le Premier ministre, en urgence, pour vous opposer à cette casse industrielle inacceptable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

3

Hommage à Marie Dedieu

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, avant qu’Éric Besson ne réponde à la question de M. Loncle, je voudrais dire à la représentation nationale que nous avons appris, il y a quelques heures, la mort de Marie Dedieu, retenue en otage en Somalie. Depuis plusieurs semaines, nous avions établi, par le biais d’un certain nombre d’intermédiaires, des contacts en vue de sa libération. Ce sont ces contacts qui nous ont annoncé son décès sans que nous puissions aujourd’hui en préciser ni la date ni les circonstances.

Mme Dedieu avait soixante-six ans, elle était atteinte d’un cancer et elle était tétraplégique. C’est dire l’humanité de ceux qui l’ont kidnappée et qui ont refusé, alors que nous les avions fait parvenir par quatre canaux différents, les médicaments qui auraient peut-être pu la sauver.

Au nom du Gouvernement, je veux exprimer ma profonde émotion et ma solidarité à sa famille, à ses proches. Je veux dire aussi l’indignation qui est la nôtre devant cet acte de cruauté, de barbarie qui devra faire l’objet des sanctions les plus exemplaires.

Je veux enfin dire que nous continuons à nous mobiliser pour obtenir la libération de nos compatriotes qui sont retenus en otage, au Sahel, en Somalie ou au Yémen. Je mesure, à l’occasion du drame qui vient de frapper la famille de Mme Dedieu, l’angoisse des autres familles et je sais que la représentation nationale tout entière est à leurs côtés et aux côtés du Gouvernement dans cette épreuve. (Applaudissements sur tous les bancs.)

4

Questions au Gouvernement (suite)

Fermeture de l’entreprise M-Real (suite)

M. le président. La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, pour répondre à la question de M. François Loncle.

M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique. Monsieur le député, vous avez fait une présentation exacte de la situation de l’entreprise M-Real. Il y a quinze jours, répondant à votre question, je vous ai effectivement dit que l’Agence française des investissements industriels avait fait un très gros travail et trouvé un certain nombre de repreneurs potentiels qui nous paraissaient, et nous paraissent toujours, sérieux.

Malheureusement, M-Real, a décidé, hier, de rompre les négociations et d’annoncer dans le même temps une fermeture qui affecte et indigne les 310 salariés concernés.

Il n’est pas question d’en rester là. Il y a des choses que nous ne pouvons pas faire, vous le savez : nous ne pouvons pas imposer un repreneur à une entreprise. En revanche, nous pouvons, vous l’avez rappelé, mettre la société face à ses responsabilités, lui dire qu’il n’est pas possible qu’elle ferme un site alors même qu’elle a des repreneurs. La préfète de l’Eure va, dans les heures qui viennent, prendre une initiative de médiation entre les repreneurs et la société M-Real. Mon collègue Bruno Le Maire, qui est très impliqué dans ce dossier, y participera ainsi que tous les représentants du ministère de l’industrie et moi-même. J’espère pouvoir, dans quelques jours, vous donner de meilleures nouvelles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Réforme de la PAC

M. le président. La parole est à Mme Marianne Dubois, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Marianne Dubois. Ma question s’adresse à M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture.

La Commission européenne a présenté le 12 octobre dernier sa proposition législative sur la politique agricole commune pour les années 2014 à 2020. Si cette proposition met un coup d’arrêt à une longue période de démantèlement progressif des outils de régulation, elle s’avère décevante sur bien des points, notamment le renforcement du pouvoir de négociation des producteurs ou la préservation des outils de maîtrise de la production dans certains secteurs : je pense en particulier au régime des droits de plantation.

L’actualité récente, marquée en particulier par d’importantes tensions autour du coût de l’alimentation animale, montre combien il est important de doter notre continent d’instruments d’encadrement des marchés agricoles plus efficaces et plus réactifs. II y va de notre capacité à préserver l’avenir de notre agriculture et le revenu de nos agriculteurs.

Monsieur le ministre, vous avez fait du thème de la régulation un axe central de votre action au niveau européen comme international. Dès décembre 2009, vous réunissiez à Paris vingt-deux ministres de l’agriculture européens autour d’un appel en faveur d’une PAC forte. Dans le prolongement de cette réunion, vous avez arrêté avec votre homologue allemande, Ilse Aigner, une position commune qui a contribué à replacer le thème de la régulation au cœur du débat européen sur la future PAC.

Grâce au succès du G20 agricole de juin dernier, que vous avez organisé sous l’autorité du Président de la République, vous avez montré que la nécessité de lutter contre une volatilité excessive du prix des matières premières agricoles faisait désormais consensus au-delà même des frontières de l’Europe.

Vous présenterez demain à Luxembourg, devant le Conseil des ministres de l’agriculture, le détail de la position de la France sur la proposition législative de la Commission européenne. Pouvez-vous présenter à la représentation nationale les grandes lignes de cette position et nous éclairer sur l’équilibre des forces au sein du Conseil concernant cette négociation essentielle pour l’avenir de notre agriculture ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire. Madame la députée, il y a deux ans, la Commission européenne proposait une réduction du budget de la politique agricole commune comprise entre 30 % et 40 %, soit 30 % à 40 % d’aides en moins pour les agriculteurs français. Aujourd’hui, après deux ans de négociation, la Commission a accepté la proposition française de négocier sur la base du maintien du budget de la politique agricole commune à l’euro près. C’est une première victoire que nous avons remportée.

Il y a deux ans, la Commission européenne était engagée dans le démantèlement de tous les instruments de régulation de marché et dans une libéralisation totale des marchés agricoles qui aurait conduit à la ruine de milliers d’agriculteurs, en France comme dans le reste de l’Europe. Aujourd’hui, la base de négociation, c’est une régulation des marchés agricoles qui doit protéger nos paysans et nos exploitations.

Il reste toutefois du chemin à parcourir, notamment dans deux directions où nous avançons main dans la main avec l’Allemagne puisque, pour la première fois dans l’histoire de la politique agricole commune, nous négocions sur la base d’une position commune entre Paris et Berlin, qui renforce nos propres intérêts et nos propres convictions.

La première direction est celle de la régulation. Nous voulons une vraie régulation des marchés agricoles et les propositions de la Commission ne sont pas suffisantes sur ce point. Il n’est pas question, par exemple, que nous acceptions la libéralisation des droits de plantation viticoles. Nous voulons leur maintien, synonyme de qualité pour les vins français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

La deuxième direction dans laquelle nous devons avancer est celle du verdissement de la politique commune. Oui, à un verdissement de la politique agricole, oui à un verdissement intelligent, mais non à plus d’administration, non à plus de complexité et non à la stigmatisation des paysans français. Nous ne gagnerons la bataille de l’environnement et de l’agriculture que si nous sommes aussi reconnaissants aux agriculteurs du travail qu’ils font en faveur de l’environnement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Hôpital public

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Daniel Paul. Monsieur le ministre de la santé, le groupe hospitalier du Havre est confronté, comme tous les hôpitaux de France, à une insuffisance de ses moyens financiers, avec un déficit de 3,7 millions d’euros à la fin de 2010 dont tout confirme qu’il va encore s’aggraver. Cette situation se traduit par une réduction du nombre d’emplois, passés de 3 677 en 2007 à 3 502 en 2011.

Les restructurations se font à marche forcée pour parvenir coûte que coûte à un retour à l’équilibre. Ainsi, le regroupement sur un seul site des soins de suite et de réadaptation de gériatrie a conduit à supprimer dix-sept postes dans cette seule spécialité, créant une situation intenable pour les personnels, qui voient se dégrader à la fois leurs conditions de travail et la prise en charge des personnes âgées dépendantes.

Or vous voulez étendre la T2A aux EHPAD en 2013.

M. François Goulard. C’est faux !

M. Daniel Paul. On sait combien ce dispositif a creusé le déficit des hôpitaux publics et dégradé la prise en charge des patients. En l’état actuel des choses, ce serait 2 millions d’euros de déficit supplémentaire, synonyme d’une nouvelle réduction des moyens au détriment des personnes âgées.

Il est temps, monsieur le ministre, d’arrêter la casse de l’hôpital public. Il est temps de cesser de croire au dogme libéral de la réduction des dépenses. Il est temps d’augmenter les recettes de la sécurité sociale en faisant enfin cotiser les revenus du capital au même niveau que les revenus du travail. Il est temps de cesser de vouloir appliquer une convergence tarifaire avec l’hospitalisation privée, laquelle n’est pas soumise aux mêmes contraintes, en particulier en ce qui concerne les honoraires médicaux.

Alors, monsieur le ministre, allez-vous donner à l’hôpital public les moyens de faire face à ses missions ? Allez-vous renoncer à appliquer la T2A aux EHPAD en 2013 ? Allez-vous faire cotiser les revenus du capital au même niveau que ceux du travail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Monsieur le député, c’est aux hôpitaux locaux et non aux EHPAD que la T2A sera appliquée en 2013. Il ne faut pas croire tout ce que vous pouvez entendre ou lire. Par ailleurs, je tiens à vous indiquer que certains hôpitaux locaux sont même prêts à expérimenter cette tarification dès l’année 2012.

Quant à l’hôpital public, les moyens qui lui seront accordés dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 seront en hausse de 2 milliards par rapport au budget pour 2011.

Pour ce qui est du centre hospitalier du Havre – j’ai eu l’occasion d’en parler avec le maire du Havre, Édouard Philippe, dans son bureau le 22 février dernier –, il faut savoir que le PETscan a été mis en service en septembre grâce à des financements de l’État et que le pôle mère-enfant a bénéficié d’un financement de l’État de 25 millions d’euros.

À partir de 2008, l’hôpital du Havre a mis en place un plan de retour à l’équilibre qui lui permettra à l’avenir de disposer d’une meilleure visibilité.

M. Daniel Paul. Le retour à l’équilibre est impossible !

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous parlez des effectifs. Sachez qu’à l’hôpital public ils ont augmenté de 100 000 personnes, et n’oubliez pas que le dispositif du « un sur deux » ne s’applique pas dans la fonction publique hospitalière, car nous savons pertinemment que des réorganisations sont nécessaires pour améliorer le fonctionnement des établissements.

Enfin, l’hôpital du Havre a encore des projets. J’aurai l’occasion dans les semaines qui viennent de recevoir Édouard Philippe pour lui exposer la manière dont nous allons financer la partie du plan « Hôpital 2012 » qui concerne les systèmes d’information, important projet.

Vous le voyez, rien ne sert de tenir des discours catastrophistes. L’hôpital public, nous y tenons. Nous sommes en train de le moderniser dans l’intérêt des patients. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Journée mondiale
de l’accident vasculaire cérébral

M. le président. La parole est à M. Olivier Jardé, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Olivier Jardé. Le groupe Nouveau Centre s’associe à l’hommage qui vient d’être rendu à Marie Dedieu.

Ma question, à laquelle se joint mon collègue Stéphane Demilly, s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée de la santé. Aujourd’hui, nous commémorons la journée mondiale de l’accident vasculaire cérébral. L’AVC est une source de grande souffrance : souffrance pour les patients, mais aussi pour les familles, qui voient leur père, leur mère ou leur conjoint diminué.

En France, sur 150 000 accidents vasculaires cérébraux par an, on compte malheureusement 50 000 morts et 50 000 malades souffrant de séquelles d’hémiplégie plus ou moins importantes, mais on compte aussi – fait tout à fait nouveau – 50 000 guérisons totales.

Or, les Français ne sont pas égaux face à ce risque, du fait de leur état de santé, mais aussi en fonction du lieu où ils vivent. En Picardie, le risque de séquelle est malheureusement de 58 %, quand il est de 40 % dans la région toulousaine.

S’il faut renforcer la prévention, c’est-à-dire la lutte contre la sédentarité, l’hypertension artérielle, l’obésité, le diabète, il faut donc aussi favoriser la mise en place de réseaux efficaces pour une prise en charge rapide et spécialisée.

Madame la secrétaire d’État, quelles mesures comptez-vous prendre pour que soient mieux enseignés les premiers signes, si importants, pour renforcer la prévention et pour qu’une prise en charge rapide, efficace, spécialisée améliore les taux de guérison ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nora Berra, secrétaire d’État chargée de la santé.

Mme Nora Berra, secrétaire d’État chargée de la santé. Monsieur le député, la France s’est, vous le savez, dotée d’un plan AVC pour la période allant de 2010 à 2014. Ses objectifs sont clairs : réduire l’incidence des AVC, avec une meilleure information et une meilleure prévention ; améliorer la prise en charge des patients en les traitant dans les meilleurs délais, afin de limiter au maximum les complications les plus graves.

Nous avons donc travaillé sur deux campagnes de sensibilisation : la première, qui visait les populations à risque, s’est déroulée au mois de mai dernier ; la seconde se déroulera à partir du 31 octobre prochain et s’adressera plutôt au grand public, sur le thème de l’hypertension : surveiller sa tension, c’est protéger son cerveau. Le budget de cette campagne s’élève à près de 300 000 euros.

Quant à la prise en charge, il faut qu’elle soit aussi efficace et aussi rapide que possible, c’est-à-dire qu’elle intervienne dans la demi-heure qui suit l’accident, quel que soit le lieu où se trouve le patient. Pour cela, nous voulons d’abord renforcer, ou créer, des unités neuro-vasculaires, avec l’objectif de 740 unités sur le territoire français en 2014 – c’est d’ailleurs ce que proposait votre rapport. Depuis le début du plan, le nombre de ces unités a augmenté de 40 %, et celui des patients accueillis de 25 %.

Nous voulons d’autre part renforcer la télémédecine, qui permet un meilleur diagnostic et une meilleure prise en charge, sur l’ensemble du territoire ; nous disposons pour cela d’un budget de 11 millions d’euros.

Si des disparités régionales existent encore, nous mettons, vous le voyez, tout en œuvre pour les réduire et offrir une égale qualité de prise en charge à tous les patients sur l’ensemble du territoire. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Attentat de Karachi

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeneuve, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Bernard Cazeneuve. Monsieur le ministre de la défense, les victimes de l’attentat de Karachi mènent, depuis de nombreuses années, un combat courageux pour que toute la lumière soit faite sur les causes de l’attentat qui a frappé les leurs cruellement le 8 mai 2002.

Je veux saluer les victimes présentes dans les tribunes de cet hémicycle et leur dire notre profond respect pour la dignité dont elles ont fait montre dans l’épreuve qu’elles traversent depuis bientôt dix ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je voudrais, monsieur le ministre, insister plus particulièrement sur deux des demandes formulées par les familles.

La première concerne le secret de la défense nationale. Les parties civiles ont en effet, par une question prioritaire de constitutionnalité, pointé la contradiction qui peut exister entre le droit à un procès juste et équitable, principe intangible reconnu par la Cour européenne des droits de l’homme, et l’évocation régulière, par l’État, du secret de la défense nationale face à des juges qui veulent mener leurs investigations et pouvoir instruire jusqu’au bout.

La Cour de cassation a reconnu la pertinence de cette question et l’a transmise au Conseil constitutionnel, qui doit prochainement indiquer s’il considère comme conformes à la Constitution les récentes dispositions adoptées par la majorité qui étendent le secret de la défense nationale, notamment à des lieux.

La deuxième demande concerne la protection statutaire, qui permet à des ressortissants de votre ministère qui ont subi des préjudices de disposer de l’aide du ministère pour le financement de leurs frais de justice lorsqu’ils demandent réparation. Cette protection statutaire, offerte aux blessés, ne l’est pas aux ayants droit des disparus. Êtes-vous prêt à ouvrir la protection statutaire aux ayants droit ? S’il fallait pour cela une modification législative, êtes-vous prêt à profiter de cette session pour l’effectuer, afin de permettre que justice soit faite ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants.

M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants. Monsieur le député, je sais votre engagement auprès des victimes directes et des ayants droit des victimes du terrible attentat du 8 mai 2002, afin de les aider à connaître la vérité et à obtenir la justice, comme nous le souhaitons tous dans cet hémicycle, et comme le Gouvernement le souhaite profondément. C’est votre engagement, c’est le nôtre.

Fort de mes convictions républicaines, j’ai le bonheur d’exercer mes responsabilités en respectant le droit. Le droit commande au ministre qui a le pouvoir de lever la contrainte du secret défense de prendre l’avis de la Commission nationale du secret de la défense nationale, composée de trois magistrats issus des trois grandes institutions et de deux parlementaires, l’un de l’opposition et l’autre de la majorité. L’honneur du ministère de la défense est d’avoir toujours respecté les décisions de cette Commission nationale : c’est vrai de mon antéprédécesseur Hervé Morin, de M. le ministre d’État Alain Juppé, ici présent, et de moi-même.

Les parties ont, par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité, saisi le Conseil constitutionnel. Celui-ci se prononcera, je puis vous l’annoncer, le 10 novembre. Naturellement, cette décision aura l’autorité du droit, et naturellement, nous la mettrons en œuvre.

Sur le second sujet que vous avez évoqué, le Gouvernement souhaite que le Parlement l’aide. En effet, vous avez tout à fait raison, les agents publics sont protégés, mais pas leurs ayants droit.

M. le président. Merci, monsieur le ministre…

M. Gérard Longuet, ministre. Une loi de 2003 a ouvert des possibilités pour les ayants droit des sapeurs pompiers, gendarmes, policiers, préfets ; nous pouvons ensemble faire en sorte que les victimes du terrorisme soient également protégées. C’est un travail collectif. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

Chiffrage du programme du parti socialiste

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jérôme Chartier. Madame la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, hier l’agence Moody’s a annoncé, dans un communiqué, qu’elle lançait une période d’observation de trois mois de la situation française. Dans ce communiqué, l’agence donne un satisfecit à la France (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC) et confirme la bonne stratégie de notre pays pour réduire les déficits publics, confortant ainsi l’action du Gouvernement, sous la conduite du Premier ministre. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Bernard Roman. C’est affligeant !

M. Jérôme Chartier. Le même jour, sans raison particulière, la convention organisée par l’Union pour un mouvement populaire a annoncé le chiffrage du projet socialiste. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cette convention, qui a été bien suivie par mes collègues de l’opposition, a mis au jour de façon très objective (Rires sur les mêmes bancs) le montant des dépenses du projet socialiste, qui s’élève à 225 milliards d’euros. (Huées sur les bancs du groupe UMP.)

En principe, en face des dépenses, il y a des recettes. Mais, et c’est là que le bât blesse, de recettes nous n’en avons trouvé qu’à hauteur de 126 milliards d’euros. Bref, le compte n’y est pas puisqu’il manque 130 milliards. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Mallot. C’est vous qui ne savez pas compter !

M. Jérôme Chartier. Madame la ministre, vous qui êtes si consciente et si responsable (Rires sur les bancs du groupe SRC) face à la nécessité de réduire le déficit public, quand comptez-vous écrire à M. Hollande (Exclamations sur les mêmes bancs.) afin que, si d’aventure il était élu Président de la République en 2012, il s’engage dès maintenant à ne pas mettre en œuvre le projet du parti socialiste ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

Plusieurs députés du groupe SRC. C’est à nous de répondre, pas à Mme Pécresse !

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, oui le parti socialiste a un candidat et c’est une bonne nouvelle pour lui. Mais il a aussi un programme et c’est une mauvaise nouvelle pour tous les Français. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

C’est une mauvaise nouvelle parce que ce programme est une addition de dépenses irresponsables qui ne résoudront aucun des problèmes des Français et qui peuvent mettre en danger la crédibilité de la France. (Les protestations s’amplifient et couvrent la voix de Mme la ministre.)

M. Marcel Rogemont. Cette réponse est une pantalonnade !

Mme Valérie Pécresse, ministre. En voici quelques-unes : 60 000 créations de postes dans l’éducation nationale, ce qui représente 100 milliards d’euros sur quarante ans, sans compter le versement des retraites de ces fonctionnaires ; création de 300 000 emplois-jeunes pour un coût de 5 milliards d’euros sur cinq ans ; le contrat de génération qui s’élève, au bas mot, à 8 milliards ; l’allocation d’autonomie pour les jeunes pour un montant de 12 milliards.

M. Albert Facon et M. Michel Sapin. Allez-y, rajoutez-en encore !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Terra Nova, la fondation proche du parti socialiste !

Voilà pour les promesses. Et n’oublions pas l’augmentation de 50 % du budget de la culture, soit un milliard d’euros supplémentaire.

Mais il y a pire, il y a l’invraisemblable : le détricotage de toutes les réformes que ce gouvernement a conduites avec courage. (Bruit continu sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je vous en prie !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je n’en citerai qu’une : la réforme des retraites. L’abandon de la réforme des retraites coûterait immédiatement sa note de triple A à la France.

François Hollande veut être un candidat normal. Est-ce normal pour les socialistes de faire des promesses qu’ils savent qu’ils ne pourront pas financer ? Est-ce normal pour les socialistes de fuir la réalité au lieu de l’affronter ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Albert Facon. Allez-vous en !

Licenciements "boursiers"

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Monsieur le Premier ministre, notre pays compte 8,5 millions de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté. Quant aux demandeurs d’emplois, ils sont aujourd’hui bien au-dessus des 4 millions. Dans les deux cas, l’augmentation est constante.

Et tous, dans cet hémicycle, nous ne faisons que constater, chaque jour, des fermetures d’entreprise ou des suppressions d’emplois. La seule justification de ces désastres sociaux et humains est l’accroissement des profits pour le seul bénéfice des actionnaires et de dirigeants sans scrupules.

Quelques exemples complémentaires au cas déjà cité de M-Real.

À Thiers et Monistrol en Auvergne, un groupe indien devient propriétaire de la société métallurgique Precitum, et laisse à l’abandon les deux sites pour cause de rentabilité insuffisante : 210 salariés en perdition ; que leur dites-vous ?

À Riom, dans le Puy-de-Dôme, Cooper Sécurité décide de délocaliser en Roumanie 80 % de l’activité de sa filiale Luminox, alors que cette entreprise a réalisé, en 2010, 8,7 millions d’euros de bénéfice : 21 salariés sacrifiés ; que leur dites-vous ?

Je pourrais rappeler aussi la lutte des salariés de la Fonderie du Poitou, dans la Vienne : 480 familles dans l’angoisse du lendemain ; que leur dites-vous ?

Mme Delphine Batho. Très bien !

M. André Chassaigne. Je citerai encore le combat, dans les Bouches-du-Rhône, des 182 salariés de Fralib – Thé de l’Éléphant – contre Unilever, qui a fait le choix de délocaliser pour mieux gaver ses actionnaires. Que leur dites-vous…

De nombreux députés du groupe SRC. Rien !

M. André Chassaigne. …alors qu’ils sont en ce moment même devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence avec leur projet alternatif pour que soit annulé le plan qui les condamne ?

Ma question est donc simple : que dites-vous à toutes ces familles victimes des seuls intérêts financiers ou plutôt, monsieur le Premier ministre, que faites-vous ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. Albert Facon. Rien !

M. le président. La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique.

M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique. Monsieur Chassaigne, l’industrie française, comme toute l’industrie européenne, connaît à la fois des restructurations et des créations. Vous avez cité un certain nombre de dossiers sur lesquels vous savez personnellement que l’État est extrêmement mobilisé. Je ne peux les reprendre un par un dans les deux minutes qui me sont imparties, mais j’ai eu l’occasion de m’en expliquer ces dernières semaines.

Je veux vous dire à quel point notre politique industrielle est claire. Elle a permis de baisser les charges qui pèsent sur l’industrie – je pense notamment aux taxes professionnelles –, de soutenir l’innovation et son financement – je pense aux actions d’OSÉO, du Fonds stratégique d’investissement, aux investissements d’avenir qui mobilisent 17 milliards d’euros en faveur de l’innovation. Tout cela, monsieur Chassaigne, commence à porter ses fruits. (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Vous connaissez les résultats d’un certain nombre d’entreprises, qu’il s’agisse de PMI ou de grands groupes qui remportent des marchés à l’export. Je pense à Alstom, à Airbus, à l’Oréal.

M. Henri Emmanuelli. L’Oréal ?

M. Éric Besson, ministre. Oui, l’Oréal et beaucoup d’autres !

Pour la première fois depuis vingt-cinq ans, l’industrie a créé un peu plus d’emplois qu’elle n’en a détruits. Le solde est stabilisé, voire légèrement positif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Depuis le début de l’année, la production industrielle a augmenté de 4 %. C’est plus que l’économie en général.

Enfin, chaque jour, ce sont 360 créations ou agrandissements d’usines dont bénéficient nos territoires.

Vous le voyez, monsieur le député, la situation de notre industrie mérite un diagnostic nuancé. Nous avons des faiblesses, mais nous avons aussi des forces, que nous essayons d’accroître avec beaucoup de détermination. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Campagne double pour les OPEX en Afghanistan

M. le président. La parole est à Mme Françoise Hostalier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Françoise Hostalier. Ma question s’adresse à M. le ministre de la défense et des anciens combattants et j’y associe notre collègue Jean-Paul Anciaux, avec qui j’ai suivi un stage d’immersion (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR) au sein des forces de la gendarmerie engagées en Afghanistan.

La France est engagée sur de nombreux théâtres extérieurs. Près de 30 000 militaires évoluent hors de notre territoire, dont environ 10 000 sont impliqués dans des actions de maintien de la paix, de formation active ou de défense à part entière. C’est le cas en Afghanistan, en Libye, au Soudan, en Côte d’Ivoire ou encore dans les Balkans.

Sur chacun de ces théâtres, les forces françaises sont particulièrement appréciées pour leur armement, leurs méthodes, et surtout pour leur courage et leur professionnalisme.

Vous le savez mieux que quiconque, monsieur le ministre, nos militaires conduisent de façon exemplaire chacune de leurs actions, ce qui nous vaut d’être écoutés par les plus hautes instances, comme le Conseil de sécurité des Nations unies, et d’être respectés dans le monde entier.

M. Henri Emmanuelli. Ah oui ?

Mme Françoise Hostalier. Même s’il faut reconnaître que le risque zéro n’existe pas, à l’évidence, certains pays ou certaines zones sont plus dangereuses que d’autres.

M. Henri Emmanuelli. Ah bon ?

Mme Françoise Hostalier. C’est le cas de l’Afghanistan, où nos militaires ont déjà payé un lourd tribut, 75 hommes y ayant laissé leur vie, sans compter des centaines de blessés et, parfois, des familles en grande difficulté morale et matérielle.

Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu’il serait juste que la nation accorde le bénéfice de la campagne double à tous les militaires qui auront servi en Afghanistan ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants.

M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants. Je vous remercie, madame Hostalier, de l’hommage que vous avez rendu à tous nos combattants engagés sur des théâtres extérieurs, en particulier en Afghanistan, et cela après avoir consenti l’effort personnel de constater sur place les conditions de leur engagement.

Ces conditions, le Président de la République les connaît parfaitement, et c’est la raison pour laquelle, en sa qualité constitutionnelle de chef des armées, il a demandé au Gouvernement, en l’occurrence à son Premier ministre et à son ministre de la défense, de faire en sorte que les textes de loi soient modifiés ainsi qu’un texte réglementaire, le code des pensions civiles et militaires de retraite, qui ne prévoit la campagne double que pour les opérations qualifiées de guerre, ce qui n’est juridiquement pas le cas de l’engagement de nos forces dans le cadre de la coalition en Afghanistan. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

M. Albert Facon. C’est incroyable !

M. Jean-Paul Lecoq. Comment appelez-vous cela sinon une guerre ? Nos morts sont morts dans un contexte de guerre !

M. Gérard Longuet, ministre. Il fallait donc procéder en deux étapes. D’abord, un décret permettant de modifier le code des pensions civiles et militaires de retraite a été signé le 23 septembre dernier et doit encore être signé par Mme la ministre du budget. Sa parution est imminente. Ensuite, un second décret devra qualifier le théâtre afghan d’opération extérieure justifiant du fait de guerre.

Quand on sait que nos compatriotes soldats se préparent pendant six mois sans plus retourner, pratiquement, dans leurs familles, que pendant six mois ils ne bénéficient d’aucune permission et n’ont pour seule perspective que l’engagement au service de la sécurité des populations afghanes, cette campagne double paraît largement méritée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Situation économique et financière de la France

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pierre-Alain Muet. Ma question, ou plutôt ma réponse, s’adresse à Mme la ministre du budget. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Avant de vous occuper du projet des socialistes, madame Pécresse, vous devriez vous pencher sur votre bilan. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Quelles leçons pouvez-vous donner, vous qui avez, en dix ans, doublé la dette de la France ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Quelles leçons pouvez-vous donner, vous qui laissez aujourd’hui un déficit extérieur record de plus de 70 milliards d’euros quand il y avait 20 à 30 milliards d’euros d’excédent jusqu’en 2002 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Myard. L’introduction de l’euro a sa part de responsabilité, et vous étiez pour !

M. Pierre-Alain Muet. Quelles leçons pouvez-vous donner, vous qui avez mis notre pays en déficit excessif avant même la crise, et cela pendant sept années sur dix ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

En matière de fiscalité, vous avez inventé trente nouveaux impôts : vous avez taxé les clefs USB et les disques durs, vous avez taxé le droit d’ester en justice et celui de faire appel, vous auriez même taxé les poissons, les crustacés et les mollusques,…

M. Jacques Myard. Vous parlez de François Hollande ?

M. Pierre-Alain Muet. …si la Commission européenne vous avait laissés faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Aujourd’hui, en taxant les mutuelles, vous voulez réduire les déficits en empêchant les plus modestes de se soigner. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous prétendez construire un budget pour gagner la confiance des marchés. Il est vrai qu’il y a longtemps que nos concitoyens ne vous accordent plus la leur. Mais, aujourd’hui, vous n’avez ni la confiance des Français ni la confiance des marchés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. Patrick Lemasle. Porte-parole de l’UMP !

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, vous voulez faire la leçon au Gouvernement. (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Regardons la situation en face : où est le courage politique ? Chez ceux qui, comme nous, font la réforme des retraites pour sauvegarder notre protection sociale (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR),…

M. Henri Emmanuelli. Quand on en voit les résultats…

Mme Valérie Pécresse, ministre. …ou bien chez ceux qui, comme vous, veulent la détricoter au risque de faire perdre son triple A à la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Où est la sincérité budgétaire ? Chez ceux qui, pour tenir leurs engagements, dès le 24 août, en plein cœur de l’été, ont demandé 12 milliards d’euros d’efforts supplémentaires aux Français,…

M. Bernard Roman. À qui, aux riches ou aux pauvres ?

M. le président. Monsieur Roman, je vous en prie.

Mme Valérie Pécresse, ministre. …parce que la croissance n’était pas au rendez-vous, ou bien est-elle chez ceux qui, comme Lionel Jospin – je crois me souvenir que vous étiez son conseiller économique, monsieur Muet –, en septembre 2001, après le 11 septembre, ont refusé de revoir leurs prévisions budgétaires parce qu’ils avaient l’élection présidentielle en tête ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Où est l’avenir des Français : sur le chemin du désendettement, de la réduction des déficits, des économies et des réformes, ou bien dans la somme des promesses inconséquentes que vous alignez et qui vont ruiner la France ?

M. Jean-Louis Bianco. C’est vous qui avez ruiné la France !

Mme Valérie Pécresse, ministre. La sincérité et le courage, la préparation de l’avenir, tout cela est de notre côté, monsieur le député et non du vôtre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Fonds européen d’ajustement à la mondialisation

M. le président. La parole est à M. Alfred Trassy-Paillogues, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Alfred Trassy-Paillogues. Ma question s’adresse à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé, et je la pose aussi au nom de mon collègue Daniel Fidelin.

Il y a quelques jours, les eurodéputés socialistes, mêlant leurs voix à celles des eurosceptiques, ont bloqué, à la commission des budgets du Parlement européen, le versement d’une subvention de 24,5 millions d’euros que le Gouvernement français avait sollicité dans le cadre du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation, le FEM.

Cette aide était destinée à couvrir en partie le coût du dispositif de reclassement du personnel de Renault et de certaines de ses filiales, notamment pour ce qui est du plan de départs volontaires de 2009, appelé plan Renault volontariat, PRV.

M. Jean-Paul Lecoq. Renault a oublié ses salariés !

M. Alfred Trassy-Paillogues. Certains salariés de ce programme PRV, moins de 200, semble-t-il, peuvent être pénalisés par la réforme des retraites…

M. Daniel Paul. Eh oui !

M. Alfred Trassy-Paillogues. …et par rapport aux engagements signés avec leur employeur, mais les contacts que Daniel Fidelin et moi-même avons pris avec la direction de Renault montrent que cette dernière a déjà traité près d’une centaine de cas, et qu’elle poursuivra en tant que de besoin.

J’ajoute que les députés européens UMP, notamment Jean-Paul Gauzès et Dominique Riquet, sont en mesure d’obtenir, ce qui est exceptionnel, une nouvelle délibération de la commission des budgets pour mettre fin à ce mauvais coup porté à l’industrie automobile française.

Aussi, monsieur le ministre, j’aimerais avoir votre sentiment sur ces élus qui prétendent défendre l’industrie et les emplois qui y sont attachés, et qui, dans le même temps, par pur calcul politicien, privent cette même industrie et ses salariés de ressources financières indispensables. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Monsieur le député, l’attitude des eurodéputés socialistes dans ce dossier est un pur scandale.

Quand je pense qu’il y a quelques semaines, un député communiste me demandait comment nous allions accompagner les salariés de Renault, et que les députés socialistes disaient hier qu’il fallait les aider ! Dans le même temps, au niveau européen, ils votent contre ce plan ! Je crois, comme les Français, à la politique par la preuve. L’attitude des socialistes dans ce dossier a été, je le répète, un pur scandale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Ces 24,5 millions d’euros auraient pu profiter à 3 582 salariés. Ils ont été bloqués. Pourquoi ? Parce que, dans une manœuvre de politique politicienne, de procédure, ces députés socialistes ont mêlé leurs voix à celles des eurosceptiques. Mais en définitive, les victimes, dans ce dossier, c’est l’industrie française, c’est l’entreprise Renault, et ce sont ces 3 582 salariés.

Alors, on peut nous faire de grands discours pour nous dire qu’il faut aider l’industrie française et accompagner les salariés dans la difficulté, notamment dans le cadre de ce plan de départs volontaires, mais quand on fait le contraire à Bruxelles ou à Strasbourg, il faut répondre de ses actes !

Voilà pourquoi nous avons pu obtenir, et Jean Leonetti l’a rappelé, que ce dossier soit exceptionnellement réexaminé. Et là, on verra si, oui ou non, l’ensemble des eurodéputés prennent en compte l’intérêt général, l’intérêt national et l’intérêt de ces salariés.

Ce fonds est mis en place au niveau européen. Si la France en bénéficie, c’est qu’il y a un réel besoin. Alors, je le dis encore une fois, la politique par la preuve, c’est de faire en sorte que, partout où l’on exerce des responsabilités, on vienne en aide aux salariés. C’est ce que nous faisons, nous. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Situation économique et financière

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Christian Eckert. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, à l’ensemble du Gouvernement, et finalement à tous les députés de la majorité.

Mes chers collègues, le PS serait atteint de cécité. (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Regardez dans vos yeux les paillettes du Fouquet’s (Exclamations sur les mêmes bancs), du grand patronat, du monde de la banque et de la finance. On ne sait plus très bien si vous en êtes les défenseurs ou les marionnettes !

Mes chers collègues, nos yeux sont ouverts, et nos oreilles entendent. Elles entendent les Français, qui nous disent combien votre politique est injuste et rejetée.

Nous ne sommes pas là pour juger le projet de tel ou tel. Nous sommes là, et particulièrement cette semaine, pour regarder votre projet de budget, qui tient compte des budgets que vous avez tous votés, ici, depuis dix ans. Qu’y trouve-t-on ? Un budget du travail et de l’emploi en baisse de 12 %. Une taxe sur les mutuelles qui, après la ponction de l’année prochaine, aura pour effet de doubler la mise en prélevant 1,2 milliard sur les contrats d’assurance des mutuelles de santé.

Alors, vous tentez de faire diversion et vous inventez une « taxe sur les hauts revenus ». Les Français doivent savoir en quoi consiste cette « taxe sur les hauts revenus ». Un couple qui gagne 510 000 euros, quarante fois le SMIC, paiera – c’est la révolution fiscale – 300 euros ! Trois cents euros ! Adoptez nos amendements, mes chers collègues, et vous pourrez retrouver un morceau de la confiance des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, vous m’interrogez sur le budget que nous présentons. Ce budget est une étape clé sur le chemin du désendettement de la France. Vous le savez, le déficit était en 2010 à 7 % du PIB. Nous serons cette année à 5,7 %, l’année prochaine à 4,5 % et en 2013 à 3 %.

Ce budget demande des efforts aux Français. Mais ces efforts sont équitablement répartis.

M. Patrick Lemasle. Ce n’est pas vrai !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Parce que, de l’effort demandé par le plan anti-déficit présenté par le Premier ministre le 24 août dernier, 82 % sont supportés par les grands groupes, et non par les PME ; par les ménages aisés, et non par les plus modestes.

M. Christian Eckert. Mensonge !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Parce que les ménages aisés, monsieur Eckert, vous conviendrez avec moi qu’ils ont plus de patrimoine, plus d’immobilier et plus de revenus. Eh bien, ils seront taxés trois fois. Trois fois, parce que nous augmentons la fiscalité des revenus du patrimoine, parce que nous augmentons la fiscalité des plus-values immobilières, et parce que nous créons une contribution de solidarité exceptionnelle sur les très hauts revenus.

Alors, ne dites pas que ceux qui ont plus ne contribuent pas plus ! C’est un contresens. Vous devez dire la vérité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Statut des moniteurs de colonies de vacances

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, verra-t-on prochainement disparaître nos jolies colonies de vacances ?

À la suite d’un arrêt de la Cour européenne de justice, d’octobre 2010, le Conseil d’État a rendu le 10 octobre dernier une décision qui rend obligatoire, pour les animateurs, un temps de repos quotidien de onze heures par tranche de vingt-quatre heures.

Cette décision menace le fonctionnement des centres de vacances, qui reposent sur un modèle original et spécifique de grande confiance entre l’encadrement et les enfants, puisqu’ils vivent en cohabitation avec leurs animateurs plusieurs jours de suite.

Les colonies de vacances tiennent une place très importante dans notre société : sur le plan du lien social ; sur le plan économique, par les emplois saisonniers qu’elles fournissent ; et sur le plan de l’aménagement du territoire.

Chaque année elles regroupent 4,5 millions d’enfants, 36 000 directeurs et 500 000 animateurs occasionnels.

Afin de préserver l’esprit du contrat d’engagement éducatif proposé par Jean-François Lamour en 2006, j’ai présenté mercredi dernier un amendement de temporisation dans le cadre de la proposition de loi de notre collègue Jean-Luc Warsmann. Je remercie mes collègues, qui ont voté cet amendement à l’unanimité.

Mais, monsieur le ministre, vous savez qu’il faut aller plus loin pour pérenniser le fonctionnement traditionnel des centres de vacances. Seule une loi spécifique comme celle touchant au statut des pompiers volontaires le permettra. Que comptez-vous faire pour protéger à terme nos colonies de vacances ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur Pierre-Christophe Baguet, comme vous venez de le rappeler, l’avenir des colonies de vacances est aujourd’hui menacé par une décision du Conseil d’État du 10 octobre dernier qui fait application d’un arrêt de la Cour européenne de justice. Sans remettre en cause le fondement du contrat d’engagement éducatif, cette décision traite de la question du repos compensateur des moniteurs.

C’est extrêmement préoccupant, compte tenu de la place des colonies de vacances dans notre société. Vous avez rappelé le nombre d’enfants concernés par les colonies de vacances, ainsi que le maillage associatif qu’elles constituent sur l’ensemble du territoire.

Avec Mme Jeannette Bougrab, nous nous sommes saisis très tôt de ce sujet, puisque dès le 19 septembre dernier, nous avons installé un groupe de travail regroupant les principales organisations du secteur associatif ou des secteurs privé et public, sous l’autorité de l’ancien inspecteur général des affaires sociales André Nutte. Il a pour objectif de trouver un juste équilibre entre respect du droit du travail et spécificité de la fonction d’animateur de colonies de vacances.

L’une des premières conséquences de la mise en place de ce groupe de travail a été l’amendement que vous avez porté, monsieur le député, et je tiens à vous en remercier, ainsi que les parlementaires, sur tous ces bancs, qui ont voté cet amendement. Il va permettre de sécuriser les séjours pour les prochaines vacances c’est important pour les parents et pour les différentes organisations qui s’occupent des colonies.

Nous devons maintenant pérenniser le système et trouver un juste équilibre. Il faut sans doute tenir compte de certaines revendications en matière de droit du travail, mais il faut aussi tenir compte des spécificités et de ce maillage. Nous tenons aux colonies de vacances, nous devons trouver les moyens d’assurer leur pérennité, et le groupe de travail nous fera des propositions en ce sens d’ici la fin de l’année. Cette solution passera peut-être par la voie législative, mais dans tous les cas nous sauverons nos colonies de vacances. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Situation à Mayotte

M. le président. La parole est à M. Patrick Lebreton, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Patrick Lebreton. Madame la ministre de l’outre-mer, depuis maintenant trois semaines, nos compatriotes mahorais ont entamé un mouvement social d’une ampleur rarement atteinte pour dénoncer le phénomène de la vie chère.

La situation dégénère dramatiquement puisqu’un manifestant est mort ce matin, et un autre serait dans un état grave, comme l’avait malheureusement prédit le président Zaïdani dans le courrier resté sans réponse qu’il a adressé au Président de la République.

Je voudrais, au nom du groupe socialiste, m’associer à la douleur des familles et leur témoigner tout notre soutien dans l’épreuve qu’elles traversent.

C’est de la vie chère, de la vie très chère, et j’oserai même dire d’un véritable racket que sont victimes non seulement nos amis mahorais, mais aussi l’ensemble des habitants de l’outre-mer.

La grande distribution, les grands groupes, les intermédiaires en tout genre, cette oligarchie, par ses pratiques, met à terre les peuples d’outre-mer.

Madame la ministre, vous qui vous rendez fréquemment outre-mer, vous ne pouvez ignorer ce phénomène. Or les très maigres propositions que vous avez faites sont affligeantes et ont jeté de l’huile sur le feu !

Lorsqu’on sait que les frais bancaires outre-mer sont bien souvent cinq fois supérieurs à ceux pratiqués dans l’hexagone, lorsqu’on sait que les produits de première nécessité sont bien souvent deux fois plus chers qu’en métropole, lorsqu’on sait que les marges monstrueuses de la grande distribution étranglent la fragile production locale, lorsqu’on est censé savoir tout cela, madame la ministre, la seule réponse policière violente, la distribution de bons de cinq euros et les mesures en trompe-l’œil sont pour nous tous une réponse inacceptable.

La Guadeloupe il y a deux ans, aujourd’hui Mayotte, demain peut-être la Martinique, la Guyane ou la Réunion ? Vous ne pourrez pas vous défausser sur le projet socialiste, c’est de votre bilan et de votre responsabilité qu’il s’agit.

Madame la ministre, votre Gouvernement parle souvent de courage, aura-t-il le courage de résoudre les vraies souffrances des ultramarins ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Mesdames et messieurs les députés, nous avons effectivement appris ce matin, avec une vive émotion, le décès d’un homme de trente-neuf ans à Mayotte. Le procureur de la République a ouvert une enquête, et je souhaite que toute la lumière soit faite sur les circonstances de ce drame. Nos premières pensées et celles du Gouvernement vont à sa famille, à ses proches et à l’ensemble des Mahorais. Je viens de m’entretenir avec sa sœur, qui fait preuve d’une très grande dignité dans cette épreuve.

Monsieur le député, je me suis bien rendue à Mayotte vendredi dernier pour faciliter la poursuite du dialogue. J’ai avancé des propositions pour faire baisser les prix des produits de première nécessité, comme la mise en place d’une convention avec la CAF pour venir en aide aux familles les plus modestes ou la réglementation du prix du gaz.

Ces propositions ont été entendues, comme en atteste la signature du protocole par l’un des trois syndicats majoritaires, Force Ouvrière, et par une association de consommateurs. Malheureusement, des groupes isolés continuent de faire le choix de la violence, et nous savons pourquoi.

Plus que jamais, notre priorité est d’appeler au calme, et je vous invite, monsieur le député, à faire de même, sans polémique politicienne, dans l’intérêt de Mayotte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Annonces du Gouvernement concernant la TNT

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Gaultier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Jacques Gaultier. Ma question s’adresse à M. le ministre de la culture et de la communication, et porte sur l’avenir de la télévision numérique terrestre.

Dans un mois, la diffusion en analogique aura cessé, le 30 novembre 2011, comme le prévoit la loi du 5 mars 2007. Ce passage au tout numérique est globalement une réussite. C’est un succès populaire, en tout cas un progrès technologique. C’est plus de chaînes gratuites, plus de chaînes en haute définition, et aussi plus de télévision locale.

La loi du 5 mars 2007 prévoyait l’attribution de canaux compensatoires aux éditeurs historiques, disposition jugée non conforme au droit européen par la Commission européenne.

Monsieur le ministre, dans ce contexte, quelles seront les évolutions législatives ? Y aura-t-il un nouveau projet de loi ? Y aura-t-il abrogation de l’article incriminé, comme le préconise le président du CSA ? Quelles seront les évolutions technologiques en termes de normes de compression et de diffusion, qui offrent certes de nouvelles possibilités, plus de qualité, mais qu’aucun fabricant de téléviseurs actuel n’est capable de proposer, au moins à brève échéance ? Quelles évolutions pour les chaînes après l’appel à candidatures lancé par le CSA dans un contexte concurrentiel accru avec, d’une part, une érosion de l’audience pour les éditeurs historiques, et, d’autre part, un équilibre financier fragile pour les nouveaux entrants ainsi qu’un marché publicitaire stable, qui stagne car il suit peu ou prou la croissance économique – c’est dire s’il est peu dynamique. Quelle évolution pour le public, enfin, pour le téléspectateur ? Si la télévision ne doit pas cesser d’évoluer et d’innover, elle doit le faire dans la simplicité et la gratuité pour le téléspectateur, qui ne doit pas être contraint de changer d’équipement en permanence et doit être au cœur de nos préoccupations. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Gaultier, je vous remercie infiniment de m’avoir posé cette question, qui contient beaucoup d’éléments pour ma réponse.

Depuis son lancement, la télévision numérique terrestre est la télévision numérique pour tous, universelle et gratuite. C’est à la lumière de cette exigence que l’on peut saluer, comme vous l’avez fait, le succès du passage de tout le territoire à la TNT pour le 30 novembre.

Nous avons choisi de ne pas changer la norme de diffusion de la TNT dans l’immédiat, afin que les téléspectateurs comme les chaînes de télévision bénéficient d’un cadre clair et connu pour les années à venir.

Cela garantit surtout que l’ensemble des Français continueront de recevoir la TNT sans avoir à changer de téléviseur.

Mais l’avenir n’est pas figé. Il faut que nous puissions bénéficier des nouvelles technologies. En conséquence, le principe d’un changement de la norme est arrêté pour le futur. Cela permettra de mieux gérer les fréquences et d’apporter des services innovants en supplément. Compte tenu du coût que cela implique pour les téléspectateurs comme pour les chaînes, nous avons choisi de nous donner le temps nécessaire, afin de laisser le parc de télévisions se renouveler.

S’agissant des canaux compensatoires, dont la loi prévoit l’octroi à trois groupes historiques, il a été décidé de les abroger. Le Gouvernement déposera un projet de loi en ce sens dans les deux mois. Cette décision est indispensable, car il pèse sur ces canaux une procédure de Bruxelles pour non-conformité au droit communautaire, et de ce fait un risque financier considérable sur l’État et sur les chaînes. Que l’on s’obstine, que l’on joue la montre, ou que l’on ne fasse rien, le risque demeurerait.

En décidant d’abroger ce dispositif, nous permettons au CSA de lancer immédiatement un appel à candidatures. Tous les Français pourront ainsi avoir, dès l’automne 2012, six nouvelles chaînes de télévision en haute définition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Refonte des critères de zonage

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Dominique Orliac. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et concerne l’inquiétude du monde agricole devant les décisions de la Commission européenne de revoir les critères de classification en zones défavorisées intermédiaires, ce qui intéresse 30 % du territoire national.

Le versement des aides aux zones défavorisées contribue de façon importante à atténuer les risques liés aux handicaps naturels.

Dans mon département, le Lot, 250 exploitations en Bouriane, Quercy Blanc et Limagne, ne recevraient plus d’aides financières alors qu’elles sont confrontées à des handicaps naturels avérés.

Le Lot est un département rural, dont la principale source de développement et de dynamisme repose sur l’activité agricole de productions de qualité à taille humaine, qui ne doivent pas disparaître. Je cite la culture du tabac, qui a perdu 50 % d’aides depuis le 1er janvier 2010, alors que l’article 68 de la PAC, qui permet à un État de soutenir des activités en difficulté, ne serait activé que tardivement, mettant en péril cette filière indispensable en complément d’activité de nombreuses exploitations et qui représente 10 000 emplois.

Cette refonte du système de zonage serait une véritable catastrophe pour l’agriculture, qui connaît déjà une grave crise liée à la sécheresse, touchant particulièrement les éleveurs et les producteurs de fruits et légumes. L’avenir de notre patrimoine agricole est en jeu.

Comment inciter des jeunes exploitants à reprendre les activités de leurs aînés, qui leur semblent déjà synonyme de précarité, alors que la profession sera encore plus fragilisée ?

Le classement en zone de piémont, qui permet déjà une majoration des compensations de handicap pour les éleveurs doit être pérennisé par l’État français. Il y va de la survie de l’agriculture du Lot, qui possède le nombre le plus élevé de communes bénéficiant de ce classement.

Monsieur le ministre, allez-vous vous engager très clairement à faire entendre la voix de la France dans le concert européen pour défendre les intérêts de ses agriculteurs déjà fragilisés par la crise ? Allez-vous vous engager à préserver et à faire pérenniser, par l’État français et avec l’aval de la Commission européenne, la disposition franco-française en zone de piémont ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire. Madame Dominique Orliac, je m’engage personnellement, et tout le Gouvernement s’engage à maintenir les zones défavorisées simples, telles qu’elles existent actuellement, parce qu’il y va, vous l’avez dit, du maintien de l’agriculture dans un certain nombre de zones difficiles de France.

La Commission nous a fait parvenir des propositions de révision de ce zonage, qui aboutissent à faire sortir du zonage défavorisé simple un nombre très important de communes. J’ai répondu à la Commission que le gouvernement français refusait catégoriquement ces nouveaux critères de zone défavorisée simple.

Quel est l’enjeu ? Le premier enjeu est celui du maintien d’un certain nombre d’aides, dont beaucoup d’agriculteurs, de paysans, beaucoup d’exploitations ont impérativement besoin pour maintenir leur activité agricole. Je pense à l’indemnité compensatrice de handicap naturel, à la prime herbagère agro-environnementale, à toutes ces primes qui permettent de maintenir de l’activité agricole, des emplois dans un certain nombre de zones comme le Lot, mais aussi dans beaucoup d’autres départements.

Le deuxième enjeu, derrière ces zones défavorisées simples, c’est celui de la conception que nous avons de l’agriculture française et de l’agriculture européenne. Voulons-nous des exploitations agricoles concentrées exclusivement dans les zones de plaine, avec des produits standardisés, avec une activité industrielle, des tailles d’exploitation gigantesques, sans respect de ce que sont les produits agricoles français ? Ou voulons-nous ce que je défends depuis le premier jour où j’ai été ministre de l’agriculture : une diversité d’exploitations, une diversité de produits, la valorisation de cette diversité, la valorisation des paysages français ? C’est cette conception-là de l’agriculture que je défends et que je continuerai à défendre dans les mois qui viennent.

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

5

Projet de loi de finances pour 2012 (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012 (nos 3775, 3805).

Discussion générale (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.

La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, madame la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, mes chers collègues, l’heure est grave ! Depuis des années, le groupe Nouveau Centre n’a cessé d’attirer l’attention de l’opinion publique et des gouvernements successifs sur la dégradation continue de l’état des finances publiques, que la crise financière de 2008 a fait éclater. Au rythme actuel, la rupture est inévitable dans les deux à trois ans qui viennent, rupture qui peut être accélérée par celle d’autres pays de la zone euro, notamment l’Espagne et surtout l’Italie.

La situation de dépôt de bilan potentiel de la Grèce a rappelé aux responsables politiques européens que les États peuvent faire faillite. Les exemples d’États africains ou latino-américains, qui en avaient fait l’expérience dans les années soixante-dix, 80, voire 90, auraient dû rendre les Européens plus modestes et surtout plus responsables.

Sur le projet de loi de finances et, plus généralement, sur l’état des finances publiques françaises, le groupe Nouveau Centre voudrait faire plusieurs observations et propositions.

Le Gouvernement n’a pas suffisamment réajusté à la baisse les prévisions de croissance sur les années 2011 et 2012, il n’a pas encore assez réduit les dépenses budgétaires ni assez augmenté les prélèvements obligatoires, et il devrait aller plus loin quant à la réduction des dépenses et l’augmentation des recettes.

Tout d’abord, le Gouvernement a réduit, à juste titre, ses prévisions économiques associées à la loi de programmation des finances publiques, qui, je vous le rappelle, étaient de 2 % pour 2011 en volume et de 2,25 % pour 2012. Il les a ainsi réduites de 0,25 % pour 2011 et de 0,50 % pour 2012, ce qui ramène à 1,75 % la croissance en volume pour les deux années 2011 et 2012.

Lors du vote de la loi de programmation, le groupe Nouveau Centre avait suggéré au Gouvernement de ne retenir qu’un taux prudent de 1,50 % pour ces deux années, soit la moyenne des taux de croissance avant la crise. Aujourd’hui, le freinage de la croissance dans les pays de la zone euro, mais aussi en Amérique du nord et en Asie, entraîne une réduction continue des prévisions de croissance pour 2011 et surtout pour 2012.

Le consensus, qui était encore de 1,2 % il y a trois mois, est tombé à 0,9 % cette semaine. En effet, les trois composantes de la demande finale française ne sont pas particulièrement dynamiques.

La perte de compétitivité de la France, qui remonte à plus de dix ans maintenant, se traduit par des pertes de marchés qui continuent à peser sur la croissance française à hauteur de près de 0,5 %. Le Gouvernement avait espéré une réduction de ce poids à 0,1 % ou 0,2 %. Hélas ! tous les indicateurs le montrent, mois après mois, on continue à enregistrer une baisse de 0,5 % de croissance en raison de la perte de compétitivité internationale.

La consommation des ménages n’est pas dynamique. Les ménages sont inquiets. Ils augmentent leur taux d’épargne et leur consommation stagne. Quant à l’investissement productif, il se redresse lentement par rapport au niveau très bas atteint en 2010 mais l’incertitude sur le futur ralentit cette reprise.

J’en viens, dans un deuxième point, à la croissance de la dépense publique. Certes, madame la ministre, vous avez fait des efforts, mais ces efforts ont porté plus sur le budget de l’État que sur celui de la sécurité sociale. En effet, l’augmentation, à structure constante, de la dépense du budget de l’État s’élève à 1,5 %. Elle sera ramenée à 1,2 %, suite aux économies de 1 milliard d’euros proposées dans ce projet de loi. Quant au budget de la sécurité sociale, son augmentation s’élève à 3,4 % en valeur, soit à peu près la croissance du produit intérieur brut espérée. Comme nous le savons tous, nous ne parviendrons pas à 1,75 %. Par conséquent, lorsque nous observerons, au début de 2013, les résultats de 2012, nous constaterons que les dépenses en matière de protection sociale auront augmenté plus vite que la croissance en valeur du produit intérieur brut.

Madame la ministre, nous ne pourrons plus tenir. Nous sommes de ceux qui ont soutenu la réforme des retraites tout en disant qu’il faudra aller plus loin. Tout le monde le sait, disons-le honnêtement ! D’ailleurs, plus du tiers des électeurs de la gauche française ne croient pas aux promesses du parti socialiste. Ils ont raison : ils ont déjà été trompés trois fois, ce qui n’est pas mal ; ils refusent de l’être une quatrième fois.

J’en viens à ma troisième observation. Le redressement des déficits publics ne s’appuie pas assez sur des économies en matière de dépenses publiques et trop sur une augmentation des prélèvements obligatoires. En effet, la réduction de 5,7 % à 3,5 % du déficit public est réalisée par une hausse de 0,8 point des prélèvements obligatoires et par une baisse des dépenses de seulement 0,5 point. Ce n’est pas mal, cela nous change d’une tendance passée, me direz-vous. Mais les prélèvements obligatoires augmentent continûment sur les trois dernières années : 42,5 % en 2010, 43,7 % en 2011 et 44,5 % en 2012. Et si la croissance est moins forte que prévu, ce taux sera encore supérieur.

Le groupe Nouveau Centre a toujours demandé que l’effort soit réalisé pour deux tiers sur la dépense et pour un tiers sur la recette. Le Gouvernement ne gagne rien à dire qu’il a fait porter l’essentiel de l’effort sur la dépense alors qu’il est en réalité de 0,5 % sur les dépenses et de 1,2 % sur les recettes. L’objectif de réduction des déficits publics à 3 % en 2013 exigera donc un effort encore plus important en 2013 puisqu’il faudra les réduire de 1,5 %, contre 1,2 % cette année, et probablement de plus encore si la croissance est plus faible.

Mais l’objectif de 3 % en 2013 est-il raisonnable ? Non ! Quel est le taux de déficit supportable par notre pays ? Si l’on applique la thèse de la règle d’or chère aux centristes, c’est-à-dire pas de déficit de fonctionnement,…

M. Pierre-Alain Muet. La vraie règle d’or !

M. Charles de Courson. …il faudrait être à 1 %. On devrait être au strict équilibre pour la sécurité sociale et, pour le budget de l’État, ne s’endetter qu’à hauteur des investissements de ce dernier, qui sont tombés à 18 milliards. Pour leur part, les collectivités territoriales ne posent pas de problème : elles sont par définition, puisque la loi le leur impose, en équilibre de fonctionnement.

On peut aussi raisonner par rapport au vieux concept de taux stabilisant de la dette publique. Ce dernier dépend de plusieurs variables : le niveau de la dette – on est entre 86 % et 87 % – et surtout le taux de croissance en valeur par rapport au taux d’intérêt facial de la dette publique. Si l’on prend une dette faciale au taux moyen pondéré actuel, soit 3,7 %, et une croissance de 1,5 % en volume et autour de 2 % en prix, cela signifie qu’il faut être à zéro.

Ne croyons donc pas que l’on peut tenir à 3 %, il faut aller au moins à 1 %. Certes, on ne le fera pas en une année, mais tel est l’objectif que nous défendons, à temps et à contretemps.

Les Allemands ont réformé leur Constitution et ont établi un taux de 0,35 % du PIB à partir de 2016. Je rappelle à nos collègues socialistes que leurs amis socio-démocrates allemands ont voté cette réforme constitutionnelle, montrant ainsi qu’ils sont un parti de responsabilité.

Plusieurs députés du groupe Nouveau Centre. Tout à fait !

M. Charles de Courson. Pour leur part, vos collègues espagnols ont adopté, dans leur réforme constitutionnelle, un taux de 0,40 %, dont 0,25 % pour les régions et 0,15 % seulement pour l’État.

M. Henri Emmanuelli. Adressez-vous à vos collègues de l’UMP ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Charles de Courson. Si la majorité a, bien évidemment, voté en faveur de cette proposition du Gouvernement, le Parti populaire a fait preuve de responsabilité en appuyant le gouvernement socialiste.

On pourrait aussi rappeler, bien qu’il n’y ait pas de Constitution dans ce pays, la règle anglaise, qui est encore plus dure.

Inspirons-nous donc des exemples étrangers, qui montrent que, contrairement à ce que j’entends, un objectif d’au plus 1 % n’a rien d’excessif.

Quatrième point, la réduction de la croissance se traduira, en 2012, par des pertes de recettes pour la sécurité sociale et le budget de l’État de l’ordre de 10 milliards puisque l’on sera, en cumulant 2011 et 2012, au minimum un point en dessous de vos prévisions. Il faut compenser cette perte dès maintenant et ne pas attendre la catastrophe du printemps pour être obligé d’élaborer à toute vitesse un collectif destiné à réaliser 10 milliards d’économies supplémentaires.

M. Marc Goua. Juste avant les élections, ce serait terrible !

M. Charles de Courson. Nous, nous avons toujours été responsables.

M. Henri Emmanuelli. Et vous avez voté les déficits !

M. Charles de Courson. Nous avons d’ailleurs été les rares alliés des ministres des finances successifs, Éric Woerth peut en témoigner, comme vous-même, madame la ministre, et comme votre prédécesseur.

Ce que nous proposons pour atteindre les 10 milliards d’économies supplémentaires est très simple. Or en matière budgétaire, plus on est simple plus on est efficace, n’est-ce pas, Éric Woerth ?

M. Éric Woerth. C’est vrai !

M. Charles de Courson. Il ne faut pas être trop intelligent. (Rires.)

M. Jean-Claude Sandrier. On l’avait constaté !

M. Henri Emmanuelli. Vous ne risquez rien !

M. Charles de Courson. La première mesure que nous proposons est le coup de rabot de 7 % sur les dépenses fiscales. Ces dernières étant de 66 milliards, cela rapporterait 5 milliards. Et toutes les dépenses doivent être concernées. En effet, il faut arrêter de se demander, comme on le fait à l’occasion de cette loi de finances, pourquoi on s’est attaqué à telle ou telle niche, pourquoi on s’en est pris à l’outre-mer une année…

M. Henri Emmanuelli. Et aux mollusques !

M. Charles de Courson. …pourquoi on s’en est pris à la Corse une autre année, pourquoi on s’est attaqué aux « buveurs de bière » comme on disait autrefois.

M. Pierre-Alain Muet. Et aux crustacés !

M. Henri Emmanuelli. Même aux crustacés ?

M. Marc Goua. Surtout aux crustacés…

M. Charles de Courson. Aujourd’hui, tout le monde doit faire un effort.

La deuxième mesure, que nous préconisons depuis maintenant sept ans, consiste à réduire de 3 milliards les niches sociales, qui représentent aujourd’hui 42 milliards. Pour cela, il faut poursuivre ce que l’on a fait une première fois en abaissant de 1,7 % à 1,6 % le plafond des réductions Fillon : il ne s’est rien passé du tout mais on a économisé 1 milliard. Eh bien, il faut continuer, en passant de 1,6 % à 1,5 %.

Il convient aussi de réduire les exonérations de charges pour les grandes entreprises. Les grandes entreprises capitalistiques ont-elles besoin de cela ? Le groupe Total en a-t-il besoin ?

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Mais non !

M. Charles de Courson. Sans doute me direz-vous, madame la ministre, qu’en application de la convention du pétrole, il n’y a pas, chez Total, beaucoup de salaires en dessous de 1,6 SMIC, mais il y en a. Dans la grande distribution, la Cour des comptes a bien montré qu’il s’agit d’une trappe à bas salaires.

Il faut être simple et ne pas bricoler à coups de dix millions par-ci, dix millions par-là.

M. Jean-Claude Sandrier. Il ne faut pas être trop intelligent !

M. Charles de Courson. La troisième mesure que nous proposons consiste à négocier, comme l’ont fait les Allemands et les Britanniques, un accord avec la Suisse afin que les 3 milliards de revenus des 83 milliards des fonds placés dans ce pays par des résidents français – ce sont les chiffres du gouvernement helvétique lui-même – soient taxés au taux de 32,5 %. Les Allemands, dont le taux forfaitaire est de 26,25 %, l’ont obtenu, les Anglais aussi. Je suis persuadé, madame la ministre, que vous serez capable de l’obtenir à votre tour, et cela rapportera 1 milliard. Et que l’on ne nous dise pas que cela revient à renoncer à la lutte contre la fraude.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État. Si, quand même.

M. Charles de Courson. Pas du tout ! Cela signifie simplement qu’il n’y aura plus aucun intérêt à ne pas déclarer au fisc français les revenus des biens que l’on a en Suisse puisque le traitement sera le même. Le seul intérêt qui resterait serait de frauder l’ISF, mais au vu de la réforme qui porte les taux à 0,25 % et 0,50 %, l’écart sera considérablement réduit. Un tel accord Rubik franco-suisse serait donc bien un moyen de lutter contre la fraude. Alors allez-y, madame la ministre : n’écoutez pas tous ceux qui vous disent de ne pas le faire, et d’ailleurs de ne jamais rien faire, négociez et nous vous appuierons.

M. Henri Emmanuelli. Allez-y, institutionnalisez la fraude !

M. Charles de Courson. J’en viens à la quatrième mesure. Le ministre de la fonction publique l’a dit à plusieurs reprises, on a fait, pour réduire les effectifs publics, des efforts comme on n’en avait jamais fait,…

M. Thierry Benoit et M. Pascal Brindeau. C’est vrai !

M. Charles de Courson. …même si le gouvernement Juppé avait commencé pendant deux ans, mais en ne remplaçant pas un fonctionnaire sur trois et non un sur deux.

M. Henri Emmanuelli. Il n’a pas pu finir !

M. Charles de Courson. On a été courageux et cela procure 700 à 750 millions d’économies théoriques par an. Mais là où on n’a pas été courageux, c’est que l’on en a restitué officiellement 50 %…

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. 60 %.

M. Charles de Courson. …et même plus de 70 %. Ce n’est pas moi qui le dis mais l’ancien ministre de la fonction publique. En effet, on a continué à prendre des mesures catégorielles. Je vous en supplie, madame la ministre, on ne peut pas redresser les finances publiques si vous ne bloquez pas toutes les mesures catégorielles pour un an ou deux. Il faut aussi ramener de 50 % à 25 % le taux de retour sur les primes des fonctionnaires. Si on veut éviter les baisses drastiques que connaissent l’Espagne, la Grèce et le Portugal, soit l’équivalent de la politique Laval en 1932, pour ceux qui connaissent un peu l’histoire budgétaire française, il faut le faire aujourd’hui, sinon nous serons acculés.

M. Henri Emmanuelli. Laval !

M. Charles de Courson. Absolument. Mais je ne préconise pas une politique comme celle de M. Laval, dont on sait comment il a fini, mais c’est une autre histoire…

Dernier élément, tous ces efforts doivent être accompagnés de plus de justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.) Ainsi, nous avons toujours demandé, en accord avec les valeurs qui nous sont chères, des économies justes et des hausses d’impôts équitables. C’est dans cette optique que nous souhaitons non pas contredire, mais améliorer les propositions du Gouvernement. Le groupe Nouveau Centre a des propositions claires et précises, et je veux plus particulièrement parler de deux d’entre elles.

Alors que le Gouvernement nous propose, dans son projet de loi de finances, une contribution sur les hauts revenus au taux de 3 % sur les revenus au-delà de 500 000 euros pour une personne seule et 1 million pour un couple, nous, nous proposons une tranche marginale au taux de 45 % pour les revenus supérieurs à 150 000 euros. Le Gouvernement proposait une mesure exceptionnelle, valable jusqu’en 2013. Nous avons eu un dialogue constructif avec vous-même et avec le Premier ministre, et nous sommes arrivés à un compromis qui nous paraît équitable. On passerait ainsi de 3 % à 4 % au-delà de 500 000 euros ; on se calerait non pas sur le revenu fiscal, dont beaucoup de collègues de tous les bords ont montré qu’il n’était pas équitable, mais sur la notion de référence fiscale ; on retiendrait un seuil de 250 000 euros. De la sorte, cette mesure serait cohérente avec le taux et avec le seuil allemands. Enfin, elle s’inscrirait dans la durée, ne s’appliquant plus uniquement pour trois ans mais tant que l’on n’aura pas redressé nos finances publiques. C’est un accord équilibré et nous vous soutiendrons.

La dernière mesure, que je ne puis, hélas ! développer faute de temps, porte sur l’équité en matière d’impôt sur les sociétés. On a, en la matière, le même problème qu’avec l’impôt sur le revenu : pour caricaturer, quand vous êtes très riche, vous ne payez plus.

M. Pierre-Alain Muet. Et quand vous êtes très pauvre vous payez plus !

M. Charles de Courson. Le taux actuel est dégressif en fonction de la taille de l’entreprise. Nous proposons un concept, que je crois intéressant, qui consiste à fixer un taux minimum de 15 %, soit celui des PME, ce qui reviendrait à affirmer que les grandes entreprises ne peuvent pas payer moins que les PME. Cela rejoint ce que nous avions essayé de faire avec l’impôt sur le revenu.

Notre rapporteur général a commencé à bouger sur les reports en avant et en arrière, que l’on a plafonnés, mais il conviendrait également d’avancer sur la question des charges financières. Je sais que c’est délicat mais c’est indispensable, car cela n’a pas seulement une fonction fiscale mais aussi économique, celle de limiter l’endettement et le surendettement des groupes, qui se poursuit comme le montrent les statistiques.

Toutes ces mesures n’ont qu’un objectif : rapprocher la fiscalité du travail de celle des revenus du capital, rendre plus juste la fiscalité des entreprises. Elles impliquent une diminution des dépenses et une augmentation des recettes ; plus de justice fiscale et un effort équitablement partagé.

M. Jean-Claude Sandrier. La révolution est en marche !

M. Charles de Courson. C’est pour ces motifs, et en accord avec les valeurs que porte le groupe du Nouveau Centre, que je vous demande, mes chers collègues, de voter nos amendements et le budget ainsi amélioré. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. Nicolas Perruchot. Belle intervention : qualité et constance !

M. Henri Emmanuelli. Comme chez Laval…

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jérôme Chartier. Je suis ravi de vous retrouver, mes chers collègues, dans ce dernier débat budgétaire de la législature. C’est un débat qui nous divise mais qui nous rassemble aussi parfois, au moins sur le constat que jamais une telle discussion n’est intervenue dans un contexte aussi difficile que celui que nous connaissons aujourd’hui, si ce n’est peut-être, en fin d’année 2008, quand Éric Woerth, l’excellent ministre des comptes publics était aux responsabilités, un ministre dont Charles de Courson a eu raison de souligner l’intelligence, car il en fallait beaucoup pour résister aux effets de la crise. Chacun le sait, c’est la France qui s’est, de loin, le mieux sortie de la crise qu’elle a connue, comme nombre de pays occidentaux, en 2009 et 2010.

M. Jean-Claude Sandrier. On n’en est pas sorti, on est en plein dedans !

M. Jérôme Chartier. Alors que les perspectives de conjoncture ne sont guère rassurantes, il faut souligner l’énergie du Président de la République qui a pris les bonnes décisions. Souvenez-vous, chers collègues de l’opposition, des conseils que vous nous donniez à l’époque.

M. Jean-Claude Sandrier. Depuis quand est-on sorti de la crise ?

M. Jérôme Chartier. J’en citerai un seul. Alors que nous concevions le plan de sauvetage du secteur bancaire et que nous lancions le principe de garantie des établissements bancaires, que n’avons-nous entendu de la part des porte-parole de l’opposition : « Surtout ne donnez pas la garantie ! », « Faites des augmentations de capital ! », « Prenez des participations dans le capital ! ».

M. Pierre-Alain Muet. L’État se serait enrichi !

M. Henri Emmanuelli. Il aurait gagné 8 milliards !

M. Jérôme Chartier. Près de 10 milliards d’euros ont été consacrés à des garanties de « haut de bilan » et, en l’occurrence, à des quasi-fonds propres prêtés aux établissements bancaires. Cela nous a rapporté, chacun le sait, plus d’un milliard d’euros, avec les mécanismes de garantie de l’ensemble des prêts bancaires.

M. Henri Emmanuelli. Au lieu de 8 milliards !

M. Jérôme Chartier. Si, au lieu de 10 milliards d’euros de quasi-fonds propres, nous avions consenti des augmentations de capital à hauteur de 10 milliards d’euros, nous aurions, ce matin, par rapport aux cours des établissements bancaires, perdu 6,7 milliards d’euros. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Voilà ce qu’auraient été, une fois appliquées, les recommandations du parti socialiste ! Ce sont de bonnes idées, dont vous avez parfois quelque peine à vous souvenir. Eh bien, chers collègues de l’opposition, je suis là pour vous aider à retrouver la mémoire !

Certains présidents, dans d’autres pays, ont suivi votre stratégie. L’Allemagne, par exemple, a pris la décision d’entrer dans le capital de Commerzbank. Mais aujourd’hui, Commerzbank étant à 20 % de la valeur qu’elle connaissait au début de l’année 2009, l’Allemagne a perdu 2,8 milliards d’euros et se demande quand elle pourra en sortir.

M. Henri Emmanuelli. Pour nous, ce sera sortir de Dexia !

M. Jérôme Chartier. Elle a tenté de le faire il y a un an et demi, mais les conditions ne sont pas réunies et ne sont pas près de l’être.

Ce sont vos propositions, nous en sommes maintenant coutumiers. Elles n’engagent que celles et ceux qui les reçoivent, pas nous heureusement ! Si nous vous avions écoutés, nous serions en fâcheuse posture, bien plus que nous ne le sommes aujourd’hui. À ce jour, nous gardons la perspective de réduction des déficits, à 5,7 % du PIB pour 2011 et à 4,5 % pour 2012, et ce, comme l’a annoncé le Premier ministre il y a quelques jours, même si la croissance est moindre. Il est possible que l’objectif de 1,75 % ne soit pas atteint sur l’année 2012. Tout dépendra de la conjoncture mondiale qui, en ce moment, se dégrade, mais en même temps, rien n’est assuré. Il est donc important de conserver cet objectif de croissance.

Comme l’a dit le Premier ministre, cet objectif de croissance a permis l’établissement d’une épure budgétaire garantissant le même niveau de réduction de déficit avec une croissance à 1,5 %. C’est ce qui importe dans ce projet de budget : même si la croissance est moindre, nous garderons l’objectif de réduction des déficits à 4,5 % du PIB, sans changer en quoi que ce soit les dépenses, les dépenses fiscales ou les recettes à la hausse qu’aurait pu exiger une revue à la baisse notable de la croissance française pour 2012.

La bonne nouvelle, c’est la prudence avec laquelle le Gouvernement a choisi d’établir ce budget. Valérie Pécresse a sollicité tous les membres du Gouvernement, mobilisés pour réduire la dépense publique, pour faire en sorte que chacun de leurs budgets reste fidèle au principe d’un budget à l’euro constant. C’est une grande responsabilité que chacun a prise : faire autant, parfois mieux, avec moins de dépense publique. Ce défi, il fallait le relever et, en l’occurrence, le Gouvernement l’a fait. C’est pourquoi ce budget sincère, fiable et sécurisant, qui saura conduire le Gouvernement, la majorité et l’ensemble de notre pays tout au long de l’année 2012, permettra d’assumer les à-coups.

Le Gouvernement et sa majorité ont de l’expérience en la matière, car, ces dernières années, ils ont dû assumer avec responsabilité de nombreux à-coups. J’en veux pour preuve le communiqué de l’agence Moody’s, laquelle a annoncé hier que la France serait observée de près pendant les trois prochains mois pour voir si, oui ou non, notre pays serait capable de tenir le choc face à une dégradation brutale de la croissance mondiale. Moody’s reconnaît la qualité de la gestion française dans la réduction des déficits, dans la structuration de la croissance, et notamment dans le financement du développement technologique et de l’innovation, à travers une mesure que vous connaissez bien, mes chers collègues : le crédit d’impôt recherche. Depuis 2007, année au cours de laquelle cette disposition a été simplifiée, elle n’a cessé de monter en puissance pour atteindre, à ce jour, 18,175 milliards d’euros. Depuis 2007, plus de 18 milliards ont été investis dans la recherche et l’innovation grâce au crédit d’impôt recherche. Ce n’est pas un chiffre en l’air, mes chers collègues, mais un chiffre vérifiable, que vous pourriez valider.

Voilà les vrais chiffres du bilan de ce quinquennat, mais nous aurons l’occasion d’y revenir durant le débat. Ce bilan fait que le Gouvernement est en mesure de produire dès aujourd’hui une croissance structurée et de mobiliser la confiance des investisseurs dans notre pays, que ce soit pour leur implantation ou pour le financement de la dette.

M. Henri Emmanuelli. C’est faux !

M. Jérôme Chartier. Au fond, le message de l’agence Moody’s n’est pas une surveillance en vue de la dégradation de notre AAA ou de sa disparition ; c’est la confiance renouvelée dans le Gouvernement français pour poursuivre la réduction des déficits publics. Voilà, mes chers collègues, les bonnes nouvelles concernant cette phase d’observation qui commence.

Dans le même temps, notre responsabilité est de conserver le cap coûte que coûte, quelle que soit la situation de la croissance française, afin de garder notre AAA. Ce n’est ni une incantation ni un objectif en soi, c’est le moyen de conserver les meilleures conditions de refinancement de la dette française. Chaque année, nous devons emprunter sur les marchés environ 220 milliards d’euros. Je vous laisse imaginer le coût supplémentaire pour notre budget si, au lieu d’emprunter sur dix ans à environ 3 % comme nous le faisons aujourd’hui, il nous fallait emprunter à 4 %, 4,5 %, voire 5 %. Ce serait l’explosion du coût de la dette, donc l’explosion du service de la dette dans le budget, et donc moins d’argent investi dans les missions du Gouvernement, comme l’emploi, l’investissement structurant, l’aide à l’économie, la justice ou la police.

Mme Marie-Christine Dalloz. Et la solidarité !

M. Jérôme Chartier. Bref, cela concernerait toutes les missions régaliennes qui sont l’apanage de l’État français puisque nous sommes dans un État régalien, un État de droit, un État qui fonctionne. Tout cela mérite d’être souligné, car nous avons parfois tendance à l’oublier, nous avons beaucoup de chance de vivre en France et dans cette France.

Nous devons garder notre AAA pour conserver des conditions de financement parmi les meilleures du monde. Voilà le défi auquel nous sommes confrontés, voilà notre responsabilité ! Dans ce budget, tout est fait pour conserver notre notation, et nous allons poursuivre cette stratégie.

Le Premier ministre s’est exprimé sur le sujet en évoquant le cas où nous aurions à faire face à une dégradation vertigineuse de la croissance mondiale. Mais ce n’est pas le cas. L’objectif de croissance de notre principal voisin, l’Allemagne, est de 0,8 % pour l’an prochain. On connaît le système de croissance allemand : lorsqu’il est à la hausse, il est foncièrement à la hausse, mais dès que la croissance mondiale se tasse, il descend de façon très importante. Pour notre part, nous avons l’habitude d’amortir les chocs de croissance, à la hausse – c’est le point que nous devons perfectionner avant tout –, mais aussi à la baisse. C’est pourquoi notre perspective de croissance entre 1,5 % et 1,7 % pour 2012 tient parfaitement la route.

Après une année 2011 en berne par rapport aux prévisions, l’objectif de croissance pour les États-Unis d’Amérique est de 1,8 %. Cela signifie que les États-Unis sont, en termes de croissance, dans l’épure française. Là aussi, c’est un signe très significatif de la validation de notre objectif de croissance. La croissance mondiale ne tend donc pas à des réductions vertigineuses, comme certains voudraient le laisser croire ; elle sera un peu plus faible que prévue, mais elle se maintiendra. La croissance française en particulier, qui, je le répète, est structurée, solide, saine et diversifiée, présente toutes les caractéristiques qui permettront à notre pays de poursuivre sa démarche à moyen terme, voire à long terme. C’est tout ce que nous souhaitons.

Bien entendu, le groupe UMP votera ce projet de budget. Pendant les trois prochains jours, il en discutera âprement avec l’opposition – qui, naturellement, rivalisera de démagogie, mais nous en avons l’habitude ! –, tout en cherchant à améliorer le texte, avec le concours du rapporteur général et de tous nos collègues de l’UMP et du Nouveau Centre. Nous saurons l’améliorer afin qu’il soit un vrai budget pour la France, un budget efficace que tous les Français attendent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, la situation que nous allons rencontrer en 2012, ce sera probablement une croissance faible, plutôt plus proche de 1 % que des 1,75 % prévus dans ce budget, une explosion du chômage, une dette qui aura doublé en dix ans et un déficit extérieur qui se sera creusé de façon abyssale, alors qu’il y a dix ans, notre pays était en excédent.

Dans ce contexte, que nous propose le Gouvernement ? Un catalogue de mesures dont la seule logique est une austérité aveugle et massive.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il ne faut pas exagérer !

M. Pierre-Alain Muet. Austérité aveugle du côté des dépenses, avec des coupes dans tous les budgets, et notamment une baisse de 12 % du budget de l’emploi ; autant de mesures qui ont un impact fortement dépressif sur l’activité économique.

Et que dire de la poursuite de la politique de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ? Déjà, en 2009, Philippe Seguin dénonçait le caractère absurde de cette politique, dont il disait à juste titre qu’elle était caractéristique d’un État incapable d’analyser ses besoins et de programmer ses effectifs. J’ai eu souvent l’occasion de dire, quand nous discutions de la RGPP, que celle-ci aurait pu être une politique intelligente. Bien sûr, il faut moderniser l’État, le rendre efficace. Mais coiffer toute cette politique par un dispositif absurde de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, c’est dénaturer complètement l’exercice. C’est ce qui s’est produit, avec les résultats que l’on connaît. Le dispositif devait rapporter 1 milliard par an ; en réalité, ce ne fut guère plus de 200 ou 300 millions. Cette politique a conduit à des situations difficiles dans certains secteurs de notre administration, pour un bénéfice extrêmement limité en termes budgétaires.

Pour ce qui est de l’austérité aveugle du côté des recettes, madame la ministre, vous aviez en main tous les éléments pour supprimer les niches fiscales injustes et inefficaces. Vous aviez le rapport de l’Inspection générale des finances et le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, sur lequel nous nous sommes beaucoup appuyés, de notre côté, pour rédiger les amendements que nous déposons depuis un an afin de supprimer nombre de niches de notre imposition. Vous aviez en main tous les éléments pour supprimer ces niches injustes et inefficaces sans provoquer d’effet dépressif sur l’activité économique. Quand vous supprimez un dispositif qui ne sert à rien, vous faites une économie nette sans effet dépressif.

Mais lorsque vous inventez de nouveaux impôts – dans ce domaine, vous avez une inventivité illimitée ! – qui pèsent sur les revenus et sur la consommation, vous exercez un effet dépressif sur l’activité. C’est le cas de la hausse de la CSG, de la taxe sur les mutuelles et de la taxe sur les produits sucrés, qui vont peser sur tous les Français.

Votre inventivité en matière fiscale, madame la ministre, le président de la commission des finances l’a relevée hier dans son intervention : vous avez inventé une trentaine d’impôts en taxant les clés USB, les disques durs, vous avez taxé le droit d’ester en justice et celui de faire appel. Vous avez même failli taxer les poissons, les crustacés et les mollusques si la Commission européenne ne vous avait pas arrêtée en chemin ! Aujourd’hui, en taxant les mutuelles, vous voulez réduire les déficits en empêchant les plus modestes de se soigner.

Cette politique, qui aggrave la situation de l’emploi, le pouvoir d’achat et la croissance pour tenter de réduire les déficits, est clairement une impasse. En cassant un peu plus la croissance, vous cassez les recettes. En cassant les recettes, vous aggravez les déficits. Par conséquent, vous courez continuellement après la réduction des déficits sans jamais atteindre votre but. C’est malheureusement le cercle vicieux des politiques d’austérité dans lequel l’ensemble des pays européens s’enfonce.

Mais le résultat, c’est ce qui se produit aujourd’hui : alors même que nous discutons du budget, le Premier ministre annonce qu’il y aura un nouveau plan de rigueur pour s’ajuster à une croissance plus faible. Ce plan ralentira encore un peu plus la croissance. On peut imaginer que, si on ne vous arrêtait pas, vous continueriez ainsi à accumuler des plans réduisant la croissance sans vraiment diminuer les déficits.

Dès l’année 2011, on note un dérapage des déficits, puisque le déficit budgétaire est supérieur de 3,9 milliards à celui voté en loi de finances initiale. « Nous resterons dans les clous de Maastricht », nous dites-vous. Sans doute ! Vous comptez, en effet, sur les collectivités locales et peut-être sur quelques recettes qui viendraient abonder les comptes de la protection sociale. Je trouve profondément choquant, madame la ministre, qu’un État, qui est seul responsable de la dérive de la dette et des déficits, se permette de ne pas indexer les dotations aux collectivités locales alors que ces dotations ont remplacé des impôts qui, eux, augmentaient au gré de l’inflation et de la croissance. Quand nous avons, pour notre part, remplacé des impôts par des dotations, nous les avons indexées sur l’inflation et sur la moitié de la croissance.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ce n’est pas sérieux !

M. Pierre-Alain Muet. Nous sommes dans une situation où un État cigale, ayant laissé dériver les déficits depuis neuf ans et commençant tout juste à les réduire, sert la vis aux collectivités locales qui sont obligées de s’ajuster puisqu’elles ne peuvent s’endetter que pour investir. D’une certaine façon, c’est le vice qui se finance sur le dos de la vertu, et la cigale qui impose aux fourmis que sont les collectivités locales des cures d’austérité qu’elles n’ont aucune raison de supporter parce qu’elles sont, quant à elles, correctement gérées.

Bien sûr, il faut réduire les déficits. Nous sommes, nous l’avons dit, favorables au respect du critère de 3 % en 2013 pour deux raisons. D’une part, il s’agit d’un engagement européen. D’autre part, lorsqu’on calcule le déficit public à atteindre pour arrêter l’explosion de la dette que connaît notre pays depuis des années – en 2012, elle sera à 86 % du PIB quand la croissance se situera probablement entre 1 % et 1,5 % – on obtient comme résultat, c’est un hasard, 3 %. Donc, oui, nous devons revenir rapidement à 3 % pour inverser l’explosion de la dette. Après quoi, nous pourrons continuer à réduire les déficits et mener une politique plus complète, plus astucieuse. Surtout, nous serons en mesure de mettre d’autres priorités en avant. Madame la ministre, on ne réduit jamais les déficits par une politique d’austérité, mais par une politique macroéconomique complète, adaptée à la situation conjoncturelle, une politique qui sache préserver l’emploi, la croissance et la hausse des revenus. Car faute d’emplois, de croissance et de revenus, les recettes fiscales ne seront pas au rendez-vous. Réduire les déficits suppose, en conséquence, d’être capable de maintenir la croissance. C’est ce que nous proposons.

Dans ce débat budgétaire, nous déclinerons nos propositions autour de trois piliers.

Le premier, c’est l’emploi. Alors que nous sommes dans la situation que l’on connaît, vous proposez de baisser le budget de l’emploi de 12 % pour l’année 2012. Nous suggérons, pour notre part, de mettre fin à cette arme de destruction massive de l’emploi qu’est la subvention aux heures supplémentaires.

J’ai souvent eu l’occasion de souligner que je ne comprenais pourquoi cette question des heures supplémentaires et de la réduction du temps de travail était toujours abordée dans notre pays de façon idéologique, alors qu’elle relève d’une politique conjoncturelle. Il est compréhensible de subventionner les heures supplémentaires dans un contexte de plein-emploi, comme dans les années 50 ou 60, même si c’était alors inutile puisqu’il allait de soi que pour accroître la production, il fallait davantage d’heures supplémentaires. Mais dans une situation de chômage massif, c’est une hérésie, une absurdité économique ! Cela n’a évidemment aucun effet sur la croissance, limitée par la demande, ni sur le revenu, car ce que vous croyez gagner sur ceux qui font des heures supplémentaires, vous le perdez sur ceux qui se retrouvent au chômage. Une étude intéressante de l’OFCE vient de le démontrer : dans une situation de sous-emploi, subventionner les heures supplémentaires n’a strictement aucun effet sur le revenu total, ce qui est gagné sur le revenu de ceux qui ont la chance d’avoir un emploi étant perdu sur ceux qui sont au chômage. Cette politique est donc totalement inefficace.

Il suffit de comparer les situations française et allemande dans cette période de crise pour comprendre la différence entre une politique intelligente, celle de l’Allemagne, et une politique absurde, celle conduite par le gouvernement français. Alors que vous avez dépensé 4,5 milliards tous les ans pour subventionner des heures supplémentaires, l’Allemagne a consacré, en 2009, 5 milliards au Kurzarbeit, le travail partiel massif, pour réduire le temps de travail, dont je rappelle qu’il est à 35,5 heures contre 38 heures en France. L’Allemagne a ainsi traversé une crise aussi massive que la nôtre tout en réduisant son chômage, qui était initialement identique au nôtre : 7,5 % à l’été 2008. Aujourd’hui, il est à 6 %, contre 10 % dans notre pays, tout simplement parce qu’elle a mené une politique intelligente. Quand l’économie mondiale a redémarré en 2010, même si cela n’a été que provisoire, la croissance de l’Allemagne a atteint 3 %. En effet, quand tous les salariés sont dans l’entreprise et non au chômage, l’économie peut redémarrer sans problème. Par conséquent, il faut supprimer ce dispositif absurde de subvention des heures supplémentaires et réserver 3 milliards sur ces 4,5 milliards à la création de 300 000 emplois d’avenir, comme nous le suggérons.

La deuxième réforme qui s’impose est celle de la justice fiscale. Que pèse la mesurette que vous allez prendre sur les hauts revenus au regard du cadeau fiscal de 1,8 à 1,9 milliard d’allégement de l’ISF que vous avez consenti à la veille de l’été ? Que pèsent ces 3 % ou 4 % de prélèvements supplémentaires quand la combinaison des niches fiscales et du prélèvement libératoire sur les revenus du capital aboutit à ce paradoxe que, dans notre pays, les dix plus hauts revenus sont imposés à moins de 20 % ? Mme Bettencourt pouvait effectivement signer en toute quiétude la pétition des riches pour être davantage imposée ! Son impôt passera peut-être de 15 % à 18 % ou 19 % de son revenu, mais il restera très loin de celui dont s’acquitte un cadre qui ne perçoit que le revenu de son travail, imposé en moyenne à 30 % !

En France, l’impôt sur le revenu est tellement mité que, plus on monte dans l’échelle des revenus, plus l’imposition diminue ! Cette situation est due aux niches qui intéressent, pour l’essentiel, les revenus de l’épargne. Elle est également due aux prélèvements libératoires, parce que les revenus du capital ne sont pas soumis au barème de l’impôt sur le revenu. Nous considérons donc qu’une réforme fondamentale de l’imposition sur les revenus est indispensable.

Nous devons commencer par supprimer presque toutes les niches et les prélèvements libératoires tels que celui sur les plus-values. Je me souviens de la discussion que nous avons eue sur ces bancs lors de l’examen d’un précédent collectif budgétaire : vous vous étiez longuement interrogés pour savoir s’il fallait les exonérer sur trente ans ou quinze ans, considérant toujours l’exemple d’un contribuable modeste assujetti au prélèvement de 19 % sur les plus-values. Quand les plus-values étaient soumises au barème, comme c’était le cas avant 2004, avant que vous n’inventiez ce prélèvement forfaitaire, leur imposition était juste. Les personnes au revenu imposant qui vendaient un appartement modeste étaient taxées en fonction du barème de l’impôt sur le revenu et les personnes modestes, donc non imposables, n’avaient rien à acquitter.

Ce débat qui a duré si longtemps prouve bien qu’il est juste que chacun paie en fonction du montant de son revenu quelle qu’en soit l’origine. Voilà la réforme fondamentale à conduire. Mes collègues du Nouveau Centre ont défendu des idées comparables sur ce point. Une fois nettoyées les niches fiscales, une fois alignée la fiscalité du capital sur celle du travail – ce que nous proposerons dans un amendement –, nous pourrons tout à fait porter le taux marginal à 45 % au-delà de 100 000 euros au lieu de cette taxe qui n’est qu’un prétexte pour faire oublier que vous avez quasiment supprimé l’ISF en juillet.

Enfin, il faut relancer durablement la croissance par une fiscalité qui favorise l’investissement plutôt que la distribution des dividendes. C’est pourquoi nous proposons d’abaisser l’impôt sur les sociétés pour les bénéfices réinvestis et de l’augmenter pour les bénéfices redistribués. Là encore, en matière d’impôt sur les sociétés, il faut supprimer toutes ces niches fiscales qui permettent aux plus grandes entreprises d’être très largement exonérées de l’impôt sur les sociétés, quand les petites supportent le taux facial de 33,3 %. Les PME paient à peu près 30 % de leur profit en impôt. Tous les rapports parlementaires et tous ceux du Conseil des prélèvements obligatoires mentionnent que, pour les entreprises de plus de 2 000 salariés, le taux effectif est de seulement 13 % et qu’il n’est que de 8 % pour celles du CAC 40. Et chacun sait que la plus grande entreprise de notre pays ne paie aucun impôt sur les sociétés en France ! Pour revenir à une justice fiscale, nous devons être économiquement efficaces.

Je dirai un mot de la situation européenne. Cette crise n’est pas une nouvelle crise, c’est la même qui revient, car, en dépit des grandes déclarations, rien n’a été résolu. L’Europe doit avancer dans une vraie régulation financière et dans une coordination des politiques économiques qui lui évite de s’enfoncer dans le cercle vicieux des politiques d’austérité. J’ai en tête la réforme courageuse que fit Roosevelt, après la crise, en 1933, assise sur trois grandes mesures : le New Deal – une protection sociale dans un pays qui n’en avait pas –, une forte imposition des revenus et, parallèlement, le Glass-Steagall Act, c’est-à-dire la séparation des activités de dépôt et des activités de spéculation des banques, partant de l’idée très simple que les banques ont une mission de service public, celle de gérer les dépôts et d’accorder des crédits, qui doit être préservée. J’observe qu’aujourd’hui, les États-Unis ont pris, même si c’est sous une forme différente, des mesures similaires en séparant les activités de dépôt des banques de leurs activités spéculatives, et que la Grande-Bretagne s’interroge. Il est temps que nous nous engagions dans cette voie. L’Europe a, comme notre pays, besoin de solidarité. Il est temps de réhabiliter le service public, parce que la solidarité est synonyme d’efficacité économique.

Pour conclure, je dirai un dernier mot sur le budget. Vous prétendez, madame la ministre, construire un budget pour gagner la confiance des marchés. Il est vrai qu’il y a longtemps que nos concitoyens ne vous accordent plus la leur. Mais, aujourd’hui, vous n’avez ni la confiance des Français ni celle des marchés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, des centaines de milliers de personnes ont défilé ce week-end dans le monde entier, dans 952 villes et à travers 82 pays, pour dire leur indignation et leur colère face à l’impunité dont bénéficient les banques et les marchés financiers, dénoncer la complaisance dont font preuve les responsables politiques à l’égard des responsables de la crise, dont le premier objectif est d’en faire payer aux peuples la facture au travers de programmes d’austérité.

Ce mouvement prend de l’ampleur au fil des mois et progresse en popularité, car une part croissante de la population s’aperçoit qu’elle a été flouée.

M. Marc Dolez. C’est vrai !

M. Jean-Claude Sandrier. Les chefs d’État s’étaient engagés, en 2008, à moraliser le capitalisme : non seulement rien n’a été véritablement entrepris pour réguler les marchés et éviter la survenue d’une nouvelle crise, mais surtout, vouloir moraliser le capitalisme est un leurre, une mission impossible, car on ne moralise pas un système dans lequel l’homme est un moyen et non une fin. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe GDR.)

La crise prend aujourd’hui la forme d’une spéculation sur les dettes souveraines des États, une crise qui n’aurait pu surgir si les pays européens s’étaient dotés d’outils adéquats pour mettre un terme à la spéculation et à cette libre circulation des capitaux inscrite dans le traité de Lisbonne ; une crise qui n’aurait pu prospérer sans la progression spectaculaire de l’endettement dans la dernière décennie.

Vous voulez nous faire croire que cette dette s’est accumulée car nous aurions vécu au-dessus de nos moyens. C’est ainsi, en tout cas, que vous tentez de justifier vos politiques de restriction budgétaire. La réalité est tout autre. L’endettement public tient, en effet, à deux facteurs essentiels.

Le premier est l’obligation faite, depuis trente ans, aux États d’emprunter sur les marchés financiers, et non aux banques centrales, à des taux parfois supérieurs à leur propre taux de croissance, une obligation confirmée par les traités de Maastricht et de Lisbonne, qui ont interdit aux États de se financer directement auprès de la Banque centrale européenne. L’obligation de se financer sur les marchés financiers a aggravé, dans des proportions aujourd’hui insoutenables, la charge de la dette publique. On mesure par là même les dégâts occasionnés par cette Europe du tout marché et du tout financier.

Le second facteur d’endettement a été, bien évidemment, la baisse considérable du montant des recettes fiscales, une baisse orchestrée politiquement à l’échelle européenne. La politique de coordination par la concurrence, qui fut le fil conducteur de la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne, a incité les gouvernements nationaux des États membres à privilégier la concurrence sur la coopération.

M. Michel Vaxès. Exactement !

M. Jean-Claude Sandrier. Nous payons aujourd’hui les conséquences de la course folle à la compétitivité fiscale et sociale encouragée par Bruxelles. De ces deux facteurs, de ces deux choix politiques, vous êtes entièrement responsables.

Le pacte de stabilité monétaire, qui avait été présenté comme indispensable à la cohésion de la zone euro, loin d’ouvrir une période de croissance soutenue, a bridé les investissements et les salaires, maintenu un chômage de masse, accru, dans des proportions inouïes, les inégalités au sein de la zone euro, tant entre pays – nous en avons aujourd’hui l’illustration – qu’entre citoyens, freiné la croissance de notre continent au bénéfice exclusif des détenteurs de capitaux.

Toute la politique conduite par votre majorité depuis dix ans a consisté à accompagner cette fuite en avant dans la promotion du moins-disant fiscal et social, un moins-disant qui visait en premier lieu le coût du travail, le montant des prestations sociales et des pensions de retraite, le périmètre de l’action publique, la qualité des services publics.

C’est également au nom de ce moins-disant fiscal, déguisé sous le vocable d’attractivité, que vous n’avez eu de cesse de réduire les impôts des grandes entreprises et des nantis, un transfert de charge des bases les plus mobiles vers les moins mobiles, poursuivi avec opiniâtreté, quitte à piétiner les principes de justice fiscale les plus élémentaires.

La logique de concurrence fiscale et sociale dans laquelle se sont engagés, depuis 2002, les gouvernements successifs a tendu à faire peu à peu de la France un petit paradis fiscal pour les grandes entreprises et les ménages les plus riches. Depuis 2002 et plus encore depuis 2007, la multiplication des mesures en faveur des entreprises et des titulaires des plus hauts revenus s’est traduite par plusieurs dizaines de milliards d’euros de nouvelles dépenses fiscales, demeurées, pour la plupart, sans effets tangibles sur la croissance et l’emploi.

Ces mesures ont consacré une dégressivité de l’impôt profondément choquante : l’impôt sur les sociétés est ainsi proche de 30 % pour les PME de moins de dix salariés, mais tombe à 20 % pour les entreprises de plus de 500 salariés, à 13 % pour les entreprises de plus de 2 000 salariés et, enfin, à 8 % pour les entreprises du CAC 40.

M. Marc Dolez. Scandaleux !

M. Jean-Claude Sandrier. Même constat concernant les ménages puisque le taux effectif d’imposition des plus hauts revenus est aujourd’hui fort éloigné du taux marginal de l’impôt sur le revenu, fixé actuellement à 41 %. Il est de 25 % pour les mille plus hauts revenus et tombe à moins de 17 % pour les dix plus hauts revenus.

Ces cadeaux fiscaux ont eu une incidence considérable sur le déficit et l’aggravation de la dette publique. Sans eux, la France aurait connu un excédent budgétaire dans les trois années qui ont précédé la crise, et les déficits auraient été probablement inférieurs à 3,5 % en 2009 au lieu de 7,5 %.

Le fait est que la dette publique aura doublé en dix ans de gouvernement de droite, passant de moins de 900 milliards d’euros en 2002 à plus de 1 800 milliards en 2012, et que cette aggravation est, pour l’essentiel, la conséquence du manque de recettes, combiné à la dégradation de l’emploi et à la faiblesse des rémunérations, qui ont elles-mêmes affaibli l’assiette des prélèvements sociaux.

Non, le problème aujourd’hui n’est pas celui de la dépense publique, c’est celui des recettes.

Le bilan de vos années de gouvernement est désastreux. Les chiffres en témoignent, qu’il s’agisse du chômage, dont le taux s’élève à 9,2 % et devrait encore progresser l’an prochain, ou de la croissance, qui n’atteindra pas le chiffre que vous escomptiez initialement de 2,25 %, ni même celui, révisé, de 1,75 % mais pourrait bien, selon certains instituts de conjoncture, ne s’établir finalement qu’aux environs de 1,2 %, voire 0,8 %. Plus douloureux et plus inquiétant encore est le chiffre de la pauvreté, puisque 8,2 millions de nos concitoyens, 13,5 % de la population, vivent désormais sous le seuil de pauvreté, un chiffre en augmentation de 680 000 depuis 2000, soit 9 %. Voilà votre bilan !

Dans le même temps, selon le palmarès des 500 plus grosses fortunes de France publiées par le magazine Challenges, la valeur du patrimoine des grandes fortunes a explosé en 2010 et 2011, et le magazine constate que, sur quinze ans, les fortunes ont crû six fois plus vite que la moyenne de l’économie du pays ou que les rémunérations les plus basses. Elles ont augmenté de 100 % en dix ans et de 340 % en trente ans ! Nous assistons à un véritable détournement de la richesse créée, que vous avez favorisé, défendu, au prétexte que cela était bon pour l’économie.

M. Marc Dolez. Tout à fait !

M. Jean-Claude Sandrier. On en voit le résultat aujourd’hui : les 500 plus grandes fortunes, qui, toutes, correspondent à un patrimoine de plus de 60 millions d’euros, sont parfois colossales, se montant à plusieurs milliards d’euros.

Alors que nos PME peinent à accéder au crédit, les entreprises du CAC 40 prospèrent pour le plus grand profit de leurs dirigeants et actionnaires. Le résultat cumulé des quarante sociétés de l’indice atteint 82,5 milliards d’euros, soit 85 % de plus que l’année passée. Selon le journal Les Échos d’hier, « les résultats des entreprises et leurs dividendes sont en progrès constant et en passe de renouer avec les sommets passés ». L’austérité, on le voit, n’est pas pour tout le monde !

L’argument selon lequel l’ampleur des déficits et de la dette publique, qui résultent avant tout de choix politiques, impose de nouvelles restrictions budgétaires n’est qu’un prétexte. Vous usez du pire des instruments, la peur, y compris le chantage sur l’avenir de leurs enfants, pour contraindre nos concitoyens à accepter l’inacceptable.

Une fois de plus, le choix a été fait dans ce budget de privilégier l’austérité sur la croissance, dans l’unique but de satisfaire aux exigences des agences de notation et des marchés financiers.

M. Marc Dolez. Scandaleux !

M. Jean-Claude Sandrier. Quelle déchéance que de voir des États soumis à de vulgaires agences privées,…

M. Marc Dolez. C’est vrai !

M. Jean-Claude Sandrier. …dirigées par des financiers souvent juges et parties dans ce monde nauséabond qui, selon une expression de Patrick Artus, « se gave de liquidités jusqu’à l’overdose ».

Au prétexte de réaliser des économies, vous allez supprimer l’an prochain 30 000 postes de fonctionnaires supplémentaires, portant à 150 000 le nombre de postes supprimés depuis quatre ans. Vous allez, ce qui n’est pas moins dangereux, comprimer un peu plus les dépenses de fonctionnement et d’intervention et réduire de quelque 200 millions d’euros les dotations aux collectivités locales, en dépit de l’étendue et de l’importance de leurs missions, cela après avoir gelé, c’est-à-dire baissé en valeur, leurs dotations depuis trois ans.

Ces mesures dangereuses mettent en péril les moyens d’action de l’État et des collectivités, leur rôle de garant de la cohésion sociale et de levier de l’activité économique. Vos mesures compromettent le retour de la croissance, car une baisse des dépenses publiques risque d’avoir pour conséquence, comme le soulignait le FMI en octobre dernier, une baisse correspondante de la richesse produite, et alors que l’OFCE alerte sur le fait que l’austérité dans toute l’Europe mène tout droit à la récession.

M. Michel Vaxès. Exactement !

M. Jean-Claude Sandrier. C’est ce à quoi nous sommes en train d’assister. Vous êtes en train de créer une situation gravissime.

Sur le plan des recettes, le nouveau coup de rabot sur les niches fiscales des entreprises et des particuliers à hauteur de 10 milliards d’euros représente un effort notoirement insuffisant. Surtout, les hauts revenus et les grandes entreprises ne contribueront, au final, que pour la moitié à peine. Le reste sera supporté par l’ensemble de nos concitoyens et plus lourdement encore par les foyers les plus modestes, notamment par la voie de l’augmentation de la taxe sur les mutuelles décidée en septembre. Cette mesure va renchérir le coût des mutuelles pour nos concitoyens à l’heure où, selon un récent sondage mené par Viavoice et publié mardi 12 octobre, un Français sur trois déclare avoir renoncé à certains soins ou bien les avoir remis à plus tard, en raison de leur coût.

Pour résoudre la crise, vous n’hésitez pas à vous attaquer à la santé de nos concitoyens. Là encore, les plus aisés s’en sortiront. Quelle injustice, quel mépris et, surtout, quelle fausse solution !

Les actionnaires et les rentiers restent les enfants gâtés de votre politique. La mesure de taxation des hauts revenus en est l’illustration puisqu’il ne s’agit, en réalité, que d’un artifice cosmétique. Cette taxe provisoire de deux ans de 400 millions d’euros ne peut, en effet, faire oublier que vous leur avez consenti, en juillet dernier, une baisse de 2 milliards d’euros de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Pour tenter de montrer que vous êtes impitoyable avec ces nantis, vous avez déclaré, madame la ministre, que vous les ponctionniez de 2 milliards d’euros au total, et vous aviez l’air de trouver la somme considérable. D’abord, ce n’est jamais que l’équivalent de la baisse d’impôt de solidarité sur la fortune de juillet…

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais non !

M. Jean-Claude Sandrier. …et, surtout, cela ne représente que 1,6 % des 120 milliards d’euros dont se sont enrichies les 500 plus grandes fortunes en dix ans.

M. Marc Dolez. Il fallait le dire !

M. Jean-Claude Sandrier. Vous n’arriverez décidément pas à convaincre que vous touchez à la fortune des plus riches de ce pays.

Sortir de la crise, c’est mettre un terme au formidable détournement d’argent opéré par les plus riches, arrêter la spéculation, arrêter les dividendes exorbitants acquis au détriment des salaires, du financement de la protection sociale et de l’économie. Est-il normal qu’en vingt ans, comme le souligne l’OCDE, les salaires aient augmenté de 81 % et les dividendes de 355 % ? Est-il normal que Michelin augmente ses salaires de 1,4 % et les dividendes de ses actionnaires de 30 % ? Est-il normal que ce soient les plus riches qui, proportionnellement, paient le moins d’impôts ?

M. Dominique Baert. Non !

M. Jean-Claude Sandrier. Oui, il faut une autre répartition des richesses et on doit rendre l’argent utile, c’est-à-dire le mobiliser pour relancer la croissance. Cela veut dire accorder la priorité à la relance de la demande intérieure, à la relance de l’investissement public comme privé et à une politique fiscale conjuguant justice et efficacité.

Il est possible de retrouver des marges de manœuvre en luttant plus efficacement contre l’évasion fiscale, qui représente un coût évalué entre 30 et 50 milliards d’euros annuels. Cela passe par une politique vigoureuse de lutte contre les paradis fiscaux et une politique volontariste d’harmonisation fiscale au sein de l’Union européenne.

Plus fondamentalement, les différents rapports du Conseil des prélèvements obligatoires ont mis en exergue le montant proprement exubérant des niches fiscales dont l’utilité économique ou sociale reste à démontrer. Les 468 niches fiscales ont représenté l’an passé un coût annuel de quelque 74,8 milliards d’euros, en augmentation de 8,7 milliards d’euros depuis 2005. Des niches auxquelles il convient d’ajouter les nombreux dispositifs dérogatoires déclassés en 2006, dont le poids est, selon le Conseil des prélèvements obligatoires, plus de deux fois supérieur à celui des niches proprement dites, et s’élevait à 71,3 milliards d’euros en 2010, contre 19,5 milliards en 2005.

La hausse spectaculaire du coût de ce qui s’appelle, de manière poétique, les « modalités particulières de calcul de l’impôt » a eu essentiellement pour origine trois dispositifs qui bénéficient aux grandes entreprises : le régime des sociétés mères-filles – 35 milliards d’euros –, le régime d’intégration fiscale des groupes – 19,5 milliards – et la taxation au taux réduit des plus-values à long terme provenant de la cession de titres de participation, évaluée à 6 milliards d’euros par an.

Ce type de dispositif explique pourquoi le taux d’imposition réel des sociétés est si éloigné aujourd’hui du taux facial de 33,3 % et pourquoi subsistent d’aussi fortes inégalités fiscales entre grandes entreprises, d’un côté, PME et TPE, de l’autre. Nous sommes aussi pour une modulation à la hausse et à la baisse de l’impôt sur les sociétés en fonction de l’efficacité économique, sociale et environnementale de leurs stratégies de développement.

Au total, l’ensemble des cadeaux fiscaux, niches et MPCI, coûte à la France 146 milliards d’euros. C’est 7,6 % du produit intérieur brut, alors même que vous voulez ramener le déficit cette année à 5,7 % du PIB. Voilà pourquoi, sur ces 146 milliards, nous proposons de récupérer 50 milliards.

Parmi les autres niches dont bénéficient les entreprises figurent, bien sûr, les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires, qui plombent les comptes sociaux – 25 milliards ne servent pas à l’emploi, selon la Cour des comptes elle-même – ou les dispositifs introduits en lois de finances, tels que l’exonération des heures supplémentaires, la TVA dans la restauration – un taux de 12 % réduirait la dépense de 3 milliards à 1 milliard d’euros –, et le crédit d’impôt recherche, qui coûte 4 milliards et doit être, lui aussi, modulé.

Concernant l’imposition des particuliers, les dérives ont, là aussi, été nombreuses. L’impôt sur le revenu a ainsi connu plusieurs réformes depuis 2002, qui ont toutes contribué à en réduire le rendement et la progressivité. Comme l’a souligné la Cour des comptes à plusieurs reprises, les baisses des taux du barème intervenues entre 2002 et 2007 ont bénéficié très majoritairement aux 10 % des ménages les plus riches : 10 % des contribuables ont bénéficié de 79 % des réductions de la baisse de 5 % intervenue en 2002. Nous proposons, avec un taux marginal à 75 %, le retour à neuf tranches et l’élargissement de l’assiette, d’obtenir de l’impôt sur le revenu 17 milliards d’euros supplémentaires.

De même, taxer le capital comme le travail rapporterait 100 milliards d’euros. Taxer les transactions financières à l’échelle européenne à hauteur de 0,05 % permettrait de freiner la spéculation et de dégager 200 milliards d’euros. Il faut reprendre le pouvoir sur les marchés financiers et arrêter de s’agenouiller devant les agences de notation…

M. Marc Dolez. Très bien !

M. Jean-Claude Sandrier. …qui ne sont que les exécutants des marchés financiers.

M. Dominique Baert. Les exécuteurs !

M. Jean-Claude Sandrier. Il faut arrêter le détournement de richesses, afin de répartir celles-ci autrement, dans l’intérêt de nos concitoyens et du développement économique. Il faut relancer l’économie en s’appuyant sur la création d’un pôle financier public.

Tels sont les grands axes d’une sortie de crise et de la mise en œuvre d’un nouveau progrès économique et social dans notre pays. Tout le reste n’est que soumission à la loi d’intérêts privés qui, comme leur nom l’indique, n’ont pas grand-chose à voir avec l’intérêt général.

Voilà pourquoi les députés communistes, républicains, du Parti de gauche et verts voteront contre ce budget de régression économique et sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. Dominique Baert. Très bien !

M. le président. Nous en avons fini avec les porte-parole des groupes.

Nous poursuivons la discussion générale. La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas.

M. Jean-Pierre Nicolas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget 2012 fera date dans l’histoire de nos finances publiques :…

M. Dominique Baert. C’est sûr !

M. Jean-Pierre Nicolas. …le projet que vous soumettez au débat parlementaire, madame la ministre, est en effet celui des réalités, de la vérité, du courage et de la lucidité.

M. Jean-Claude Mathis. Très bien !

M. Marc Dolez. Nous n’avons pas lu le même budget !

M. Jean-Pierre Nicolas. La réalité, c’est que le problème de la moindre activité est mondial. La réalité, c’est aussi que ceux qui avancent l’utopie de la « démondialisation » oublient que nous ne représentons que 1 % de la population mondiale et à peine 2 % des pays émergents, qui pèsent déjà plus de 50 % dans le PIB mondial.

La réalité, c’est aussi que les réserves de change de la Chine, les plus importantes du monde, sont en augmentation ; dépassant désormais les 3 200 milliards, elles reflètent le déséquilibre des échanges extérieurs du pays.

En dépit de fondamentaux économiques solides, la France subit le contrecoup du ralentissement de la croissance mondiale, des incertitudes qui pèsent sur certains pays de la zone euro, ainsi que des turbulences qui agitent les marchés financiers. C’est dans ce contexte de fortes incertitudes sur l’environnement macroéconomique international que s’élabore ce projet de budget pour 2012.

La vérité, c’est que la maison France, comme beaucoup d’autres pays, a vécu à crédit pendant de nombreuses années. Le dernier budget voté en équilibre ne date-t-il pas de 1975 ?

La vérité, c’est que la virulence d’une crise mondiale sans précédent depuis la grande dépression de 1929 a considérablement creusé les déficits et augmenté la dette, même si notre plan de relance a été salué pour sa pertinence par le FMI. Mais qui, sur ces bancs, peut se satisfaire d’une dette aux alentours de 1 700 milliards, générant des remboursements qui constituent le deuxième budget de l’État ?

M. Jean-Claude Sandrier. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Nicolas. La vérité, c’est que la France emprunte chaque année 180 milliards d’euros.

La vérité, enfin, et peut-être surtout, c’est la nécessité de conserver notre note AAA, sinon nous creuserons encore notre dette, au risque de réduire davantage les dotations de l’État. La perte d’un point de base sur nos taux d’emprunt équivaut au budget de la culture.

Le courage, alors, c’est d’emprunter le chemin du désendettement.

M. Jean-Claude Sandrier. C’est d’aller chercher l’argent là où il est !

M. Jean-Pierre Nicolas. C’est difficile, pas forcément populaire, mais c’est responsable. C’est la voie que le Gouvernement a choisie, et je m’en félicite, dans le respect des engagements pris pour ramener les déficits publics à 4,5 % du PIB en 2012 et 1 % en 2015. Avec cette stratégie, notre pays amorcera son désendettement dès 2013.

M. Marc Dolez. Il va dans le mur, oui !

M. Jean-Pierre Nicolas. Ce budget 2012 est donc une étape essentielle sur le chemin du désendettement. Il constitue un tournant historique, avec une réduction de 15 % du déficit budgétaire de l’État, qui voit pour la première fois ses dépenses en baisse, hors dette et pensions.

Encore faut-il que ce budget soit un budget d’équilibre et d’équité et préserve notre pacte social et la croissance ; c’est ce que j’appelle la lucidité.

Cette lucidité consiste, bien sûr, à jouer sur les deux tableaux, dépenses et recettes. À titre d’exemple, je citerai l’effort inédit de maîtrise de la dépense de l’État rendu possible par la maîtrise des dépenses de personnel. C’est difficile, mais c’est responsable. C’est un élément central qui se traduit par une baisse de 200 millions d’euros de la dépense publique.

Dans le même esprit, les dépenses de fonctionnement et d’intervention des ministères sont soumises, pour la première fois depuis 1945, à un impératif d’économies de 10 % sur trois ans. Chacun doit gérer en fonction de ses recettes. Aussi, les concours financiers aux collectivités territoriales participent à l’effort de réduction de nos déficits publics : 200 millions, à comparer aux 230 milliards de recettes.

Le recours aux recettes supplémentaires doit être de bon sens, et la fiscalité ne peut que venir en complément de l’effort de maîtrise des dépenses et non s’y substituer. Ainsi, dans le cadre des 10 milliards de recettes supplémentaires pour 2012, il est logique de demander plus à ceux qui disposent de plus. C’est l’objet de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus que nombre de députés UMP souhaitent voir adopter, selon les modalités d’une contribution de 3 % pour tous les revenus dépassant 250 000 par personne dans un couple.

Les arbitrages, toujours délicats, sont ici cohérents avec la politique de croissance et de cohésion sociale. Les efforts de réduction sur les fameuses niches fiscales ne pèsent ni sur l’emploi ni sur la compétitivité tandis que l’allocation aux adultes handicapés et le minimum vieillesse sont revalorisés, concrétisant une augmentation de 25 % en cinq ans et une augmentation globale des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » de 423 millions d’euros.

Les anciens combattants, auxquels la nation doit gratitude et reconnaissance, verront leur retraite augmenter de quatre points. Ces 60 millions d’euros en année pleine, c’est le respect des engagements du Président de la République.

La mission économique, dont l’objectif est essentiel pour conforter notre socle économique, sans lequel il ne peut y avoir de politique sociale pérenne, sera dotée de crédits quasiment identiques à ceux de 2011 et supérieurs à ceux de 2010.

Les débats permettront d’ajuster certains crédits, mais j’ai plaisir à souligner que, malgré des contraintes fortes, ce projet de budget préserve l’essentiel, les engagements de l’État, la consolidation de notre pacte social et de notre économie au service de l’emploi, sans sacrifier les missions régaliennes de l’État. C’est un projet sous-tendu par la détermination, la responsabilité et la lucidité. Je veux vous en féliciter, madame la ministre. Vous avez tout mon soutien. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pendant quatre années, budget après budget, le groupe Nouveau Centre a assumé sans détour un discours de vérité sur la situation de nos finances publiques,…

M. Charles de Courson. Très bien !

M. Philippe Vigier. …sans jamais sacrifier l’exigence d’un effort juste et partagé.

Depuis 2007, nous disons au Gouvernement et à nos collègues de la majorité, comme à ceux de l’opposition, que la réduction de nos déficits publics n’est pas une question politicienne mais qu’elle engage la responsabilité de chacun de nous sur ces bancs. S’obstiner à nier cette réalité pour des raisons idéologiques, c’est se condamner à abandonner notre souveraineté budgétaire aux mains des marchés, c’est-à-dire à déposséder notre pays de son destin.

Il ne peut plus être question de se renvoyer la balle. Notre endettement est un puits sans fond dans lequel tous les gouvernements sans exception ont, depuis trente ans, creusé leur légitimité électorale. La France se doit de respecter l’engagement pris de revenir à un déficit inférieur au seuil de 3 % du PIB en 2012.

Alors que, sous nos yeux, la Grèce, l’Irlande, l’Espagne, le Portugal et même, plus récemment, l’Italie, l’Angleterre et les États-Unis sont frappés de plein fouet par la propagation de la crise de la dette souveraine, il nous appartient de tout mettre en œuvre pour assainir nos finances publiques. Des efforts ont certes déjà été réalisés depuis 2008, mais le défi reste devant nous, l’effort pour parvenir à renouer avec la croissance est immense.

Pour réduire nos déficits publics, nous ne disposons que de deux leviers, que chacun connaît : la baisse des dépenses et l’augmentation des recettes. Cette logique est d’autant plus implacable que, comme le disait François Baroin hier matin, la croissance prévue ne sera pas au rendez-vous, du moins au niveau que l’on attendait, en 2012.

Dans ce contexte de tension budgétaire et de souffrance sociale, le Nouveau Centre considère qu’il est plus que jamais indispensable de faire contribuer plus équitablement les Français à l’effort de redressement de nos finances publiques. Jamais les principes de justice fiscale et d’effort partagé qui nous sont chers et que nous défendons depuis le début de cette législature n’auront eu plus de sens.

Au groupe Nouveau Centre, nous ne sommes pas des adeptes du matraquage fiscal aveugle – nous ne disputons pas ce rôle à nos collègues socialistes –, mais la surveillance accrue dont la note AAA de la France va faire l’objet dans les trois mois à venir exige que nous adressions à nos partenaires économiques comme aux marchés des signaux sans ambiguïté.

Je vais donc être clair. Réduire les dépenses ne sera pas suffisant pour redresser nos finances publiques ; il faudra également augmenter nos recettes, ce qui signifie – il ne faut pas le cacher – augmenter les impôts. Cet effort fiscal, le groupe Nouveau Centre l’a toujours dit, doit peser en priorité sur les Français les plus aisés. Nous avons d’ailleurs longtemps plaidé en faveur d’une nouvelle tranche marginale d’impôt sur le revenu à 45 % à partir de 150 000 euros par part. Cette mesure répondait, chacun ici le sait, à une exigence de justice sociale, s’inscrivant dans une logique de convergence fiscale franco-allemande, et permettait de faire rentrer 400 millions d’euros dans les caisses de l’État.

Justice fiscale, convergence franco-allemande, recette pérenne, ces trois impératifs ont amené le Nouveau Centre à considérer que la taxe exceptionnelle sur les hauts revenus, telle qu’elle avait été initialement proposée, était insuffisante et inacceptable. Elle n’aurait, en effet, rapporté que 200 millions d’euros par an. L’effort demandé aux Français les plus aisés était manifestement insuffisant au regard des économies à réaliser puisque la contribution ne devait s’appliquer qu’à partir d’un million d’euros de revenus par an. Autre insuffisance : elle devait disparaître fin 2013, date à laquelle le déficit de la France devrait être ramené à moins de 3 % du PIB.

Devant ces insuffisances, et parce qu’un consensus était nécessaire et souhaitable, Charles de Courson l’a rappelé, nous avons opté, en accord avec le Gouvernement et le rapporteur général, pour la mise en place d’une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au taux de 3 % pour les revenus supérieurs à 250 000 euros et inférieurs ou égaux à 500 000 euros, et de 4 % pour ceux qui sont supérieurs à 500 000 euros, soit une tranche à 45 %. Cette contribution exceptionnelle sera assise sur le revenu fiscal de référence et non sur les seuls revenus imposés au titre de l’impôt sur le revenu. Elle s’appliquera donc sur les revenus du travail mais aussi et surtout sur les revenus du patrimoine, ce qui n’était pas prévu initialement dans la copie du Gouvernement. Chacun sait qu’à partir de 200 000 euros par an, les revenus proviennent essentiellement du patrimoine.

Pour que cette taxe ne soit pas un coup d’épée dans l’eau, il est également indispensable de la maintenir non pas jusqu’à l’obtention d’un déficit à moins de 3 % du PIB, mais jusqu’au moment où sera atteint l’équilibre des comptes et des administrations publiques.

M. Charles de Courson. Très bien !

M. Philippe Vigier. C’est donc un objectif plus ambitieux et pérenne, mais une exigence absolue, mes chers collègues : moins de déficits, ce sont plus de marges de manœuvre pour l’avenir. Dois-je rappeler que le premier poste de dépenses de l’État reste le paiement des intérêts de la dette ? Ce sera donc l’objet d’un amendement du groupe Nouveau Centre que de pérenniser cette taxe.

Avec ces nouveaux contours, la taxe sur les hauts revenus rapporterait non plus 200 millions d’euros mais entre 400 millions et 450 millions d’euros par an jusqu’à son extinction. Chacun voit que l’effort demandé est important et que cette taxation exceptionnelle n’est pas une mesure cosmétique, comme le prétendent nos collègues socialistes : elle revient à instaurer une tranche marginale d’impôt sur le revenu à 45 %. C’est, d’ailleurs, un objectif poursuivi par nos collègues de l’opposition, qui ont déposé des amendements en ce sens. Ils devraient pouvoir voter les nôtres et la mise en place de cette taxe exceptionnelle sur les hauts revenus avec enthousiasme. Je les vois déjà sourire…

J’insiste également sur la nécessité de poursuivre la lutte contre les niches fiscales que nous menons, Charles de Courson, Nicolas Perruchot et moi-même, avec l’ensemble du groupe Nouveau Centre, depuis 2007. Tous les parlementaires, qu’ils soient de la majorité d’aujourd’hui ou de celle d’hier, sont responsables de leur création. Nous proposerons un amendement pour renforcer le plafonnement général des niches fiscales, au nom de la justice fiscale et de l’efficacité économique. Je voudrais à ce propos dire un mot du programme du parti socialiste, que j’ai lu avec attention. (« Ah ! » sur divers bancs.)

M. Marc Goua. C’est bien !

M. Jean-Claude Sandrier. Vous devriez lire celui du front de gauche !

M. Charles de Courson. Non, il est encore pire !

M. Philippe Vigier. J’ai vu surtout, mes chers collègues socialistes, que vos propositions seraient financées par 50 milliards d’euros de recettes supplémentaires réalisées par la suppression de niches fiscales « sans efficacité économique et injustes socialement », selon les termes de la Première secrétaire qui vient de reprendre ses fonctions. Votre candidat désormais désigné a fait évidemment de ce programme sa feuille de route pour les mois à venir. Le chiffrage de vos propositions s’appuie sur un rapport de l’Inspection générale des finances de juin 2011, cité à plusieurs reprises par la Première secrétaire. Mais il aurait été utile de lire ce rapport de la première à la dernière page, c’est-à-dire jusqu’à la page 356.

M. Jean-Claude Mathis. C’est trop long pour eux ! (Sourires.)

M. Philippe Vigier. Le rapport évalue l’efficacité des niches fiscales sur une échelle de zéro à trois. Les niches jugées totalement inefficaces par l’IGF représentent un manque à gagner de 15 milliards d’euros seulement. Il manque donc 35 milliards ; on est loin des 50 milliards dont le parti socialiste a besoin pour financer son programme. Pour y parvenir, ont été ajoutées aux niches inefficaces ayant été notées zéro celles ayant obtenu un, c’est-à-dire les niches peu efficientes.

M. Marc Goua. Vous devriez parler du budget, monsieur Vigier !

M. Philippe Vigier. Voici donc les niches que vous allez, elles aussi, rayer de la carte : la prime pour l’emploi dont M. Muet nous dit à chaque réunion de la commission des finances qu’il faut la revaloriser, l’exonération de la taxe d’habitation pour les personnes modestes et handicapées, la demi-part supplémentaire pour les parents vivant seuls avec des enfants à charge, la réduction d’impôt pour les dons, l’abattement d’impôt sur le revenu en faveur des personnes âgées ou invalides. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gérard Bapt. Vous parlez du budget 2013 alors que nous examinons le budget 2012 !

M. Philippe Vigier. Je vous pose une question simple, mes chers collègues : vous engagez-vous devant les Français à supprimer ces niches, comme l’indique votre programme, ou nous promettez-vous 25 milliards de dépenses nouvelles non financées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

La crise sans précédent que nous traversons nous impose deux exigences : vérité et responsabilité.

M. Jean-Claude Sandrier. C’est loupé !

M. Philippe Vigier. C’est à ce prix seulement que nous pourrons conserver notre AAA et renouer avec une croissance saine. Il nous appartient de démontrer à nos concitoyens que lorsque l’essentiel est en jeu, les représentants du peuple savent gommer leurs différences pour se retrouver sur l’essentiel. C’est notre responsabilité, et c’est aussi la vôtre, mes chers collègues de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost.

Mme Arlette Grosskost. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici à un tournant de l’histoire budgétaire.

M. Charles de Courson. C’est vrai ! Elle a raison !

Mme Arlette Grosskost. Alors qu’en 2008, nous avons dû faire face à une crise financière sans précédent, de laquelle nous sommes sortis timidement, nous voici à présent plongés dans la tourmente des dettes souveraines. La défiance envers celles-ci, conséquence d’une économie par trop financiarisée, ainsi que l’annonce de perspectives négatives sur l’économie mondiale ont provoqué l’effondrement des marchés pendant l’été et ont remis à l’ordre du jour les craintes de chute dans la récession. Durant cet été dévastateur, des décisions remettaient en cause le jour même celles prises la veille, pour parer à l’évolution contradictoire des indicateurs de risques.

Dans un tel contexte troublé et troublant, il y a urgence non seulement à réagir mais à agir, car nous ne pouvons plus échapper à la réalité du quotidien, quand bien même d’aucuns promettent, encore et toujours, la féerie de l’imagination illusoire. L’agence Moody’s a jeté son dévolu sur une série d’incantations mensongères. La crise doit servir d’électrochoc pour nous faire comprendre que nous sommes dans l’obligation impérieuse de montrer patte blanche en apportant des réponses crédibles au scepticisme du marché, bref dans l’obligation de concilier efficacité et visibilité dans le seul but de maintenir notre compétitivité, source de croissance et d’emplois. Le budget 2012 est un des premiers outils pour ce faire, il traduit notre volonté de prendre des mesures d’économies, de réduire les dépenses à terme, tout en ménageant la croissance.

Il n’y a qu’une ambition qui vaille : ramener le déficit public à 4,5 % en 2012 pour amorcer le désendettement dès 2013. Cela se fera à la fois grâce aux économies adoptées et à une taxation plus juste et plus équitable. Le chemin est escarpé et l’effort doit être consenti par tous, y compris par les collectivités territoriales, quelles qu’elles soient. Celles-ci, à l’instar de l’État, ne pourront pas s’exonérer de revoir leur politique en matière de ressources humaines pour infléchir leur inflation de créations de postes. L’alibi du transfert de charges et de compétences ne saurait perdurer. Il en est de même de l’envol de la fiscalité locale, qui répond à l’accumulation des folies dépensières des exécutifs locaux.

L’indispensable tour de vis budgétaire ne doit évidemment pas être un frein à la sauvegarde de la croissance. L’un des acteurs essentiel est et restera le tissu de nos PME. Celles-ci doivent être impérativement reconnues et encouragées, non seulement dans leur pérennité mais aussi dans leur développement. Le Gouvernement a bien intégré cette problématique. En effet, les mesures du projet de loi de finances les affectent peu. Par ailleurs, nous ne pouvons que nous féliciter du maintien du crédit d’impôt recherche, du soutien à l’innovation et de l’ISF-PME, quand bien même cette dernière disposition aurait pu être amplifiée pour pallier le resserrement du crédit qui a tendance à s’amplifier. Il est impératif que nos PME puissent grandir, être plus fortes, face à une concurrence internationale toujours plus importante, qui plus est dans un maquis de fiscalités diverses. À cet égard, les premières mesures fiscales prises dans le cadre d’une convergence franco-allemande sont à saluer, mais le chemin est encore long, en matière fiscale comme en matière sociale, pour atteindre une ébauche d’harmonisation.

Des entreprises compétitives, voilà le début du cercle vertueux : elles créent des emplois, offrent de meilleurs salaires, contribuent à l’amélioration du pouvoir d’achat et permettent des rentrées fiscales accrues. Tels sont les principaux leviers pour doper notre croissance potentielle.

Dans ma circonscription, j’ai des contacts répétés avec les chefs d’entreprise. D’ailleurs, je viens d’organiser une réunion sur le projet de loi de finances afin de les faire participer à la réflexion. Il ressort essentiellement de ces rencontres que si, dans l’ensemble, ils sont d’accord avec ce texte, deux points attirent néanmoins leur attention. Premièrement, ils regrettent un manque d’efficacité et de cohérence dans les zones franches urbaines, car celles-ci conduisent à la désertification des centres-villes. Je rappelle que les ZFU représentent une dépense de 500 millions d’euros par an. Les entrepreneurs estiment que nous sommes plus face à un effet d’aubaine géographique qu’à des créations d’activité au sens brut du terme. Leur seconde observation concerne l’intervention d’OSÉO dans les PME : elle est mal comprise par les chefs d’entreprise, car la garantie d’OSÉO, payante même si non appelée, intervient après la purge des garanties personnelles accordées, celles-ci étant toujours requises par les organismes financiers.

En conclusion, le budget apparaît globalement responsable et équilibré. Nous pourrions, bien sûr, appeler de nos vœux une fiscalité encore plus revisitée pour la rendre plus simple et compréhensible. Je rappelle, par exemple, que l’impôt sur les sociétés est plus lourd pour les petites entreprises que pour les entreprises du CAC 40, qui jouent à fond l’optimisation.

Déjà, en 55 avant Jésus Christ, Cicéron disait :…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Quo usque tandem, Catilina,…

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. ...abutere patientia nostra ? Je termine toujours les citations du rapporteur général ! (Sourires.)

Mme Arlette Grosskost. …« Les finances publiques doivent être saines, le budget doit être équilibré, la dette publique doit être réduite. ». Il est temps de comprendre cette maxime et d’agir pour éviter à tout prix le scénario de l’enlisement pour la prochaine décennie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Raymond Durand. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bernard Carayon.

M. Bernard Carayon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances qui nous est soumis met l’accent sur la réduction des niches fiscales, corollaires d’impôts élevés, plutôt que sur la diminution des dépenses publiques : c’est son seul défaut. Mais ce projet de budget nous engage dans un combat contre les déficits publics d’autant plus légitime qu’il est partagé par l’ensemble des pays comme par l’ensemble des forces politiques raisonnables du monde occidental. À ce titre, les positions du parti socialiste français apparaissent vraiment aussi solitaires qu’anachroniques, quand elles ne relèvent pas du conte de fée.

Retrouver l’équilibre de nos comptes publics n’est pas se soumettre à une logique de marché mais à une logique de bon sens : il s’agit de ne pas vivre au-dessus de ses moyens. Cela dit, une partie de notre endettement était justifiée et le Gouvernement a eu parfaitement raison de vouloir contenir la crise de 2008 en préparant l’avenir à travers le grand emprunt de 35 milliards d’euros, en garantissant notre système bancaire et en facilitant l’investissement des collectivités locales par le remboursement anticipé de la TVA.

L’enjeu de la réduction des déficits publics, c’est aussi celui de notre souveraineté politique et sociale. L’exemple de la Grèce, tenue pieds et poings liés par le FMI et la Commission européenne, dégradée par les agences de notation, aurait dû faire mûrir les socialistes.

M. Gérard Bapt. Que de bons conseils recevons-nous ! Si on ne réussit pas avec ça !

M. Bernard Carayon. Ces agences privées ont, reconnaissons-le, un pouvoir exorbitant. Je souhaite que le Président de la République défende au G 20 l’idée d’un organe mondial de supervision publique garantissant l’éthique et la rationalité de leurs missions.

L’enjeu, c’est aussi la justice sociale : partout, le prix des déficits a été lourdement payé par les fonctionnaires, par les retraités et par les plus pauvres, premiers sacrifiés dans les coupes portées aux politiques de redistribution des revenus sociaux.

Certains, à gauche comme à l’extrême droite, tirent d’étranges leçons de la crise des dettes souveraines et de ses conséquences économiques et sociales : le protectionnisme serait la panacée. Or le protectionnisme, c’est la peur, et cette peur alimente autant la spéculation que la psychologie des consommateurs, des producteurs ou des investisseurs. Autant il faut protéger les entreprises affrontées à une concurrence déloyale, qu’elle soit sociale, environnementale ou financière, autant il est fou de croire à l’efficacité de lignes Maginot économiques nous isolant du monde entier, quand plus d’un travailleur français sur quatre travaille pour l’exportation.

Les protections doivent être sélectives et collectives avec nos partenaires européens. Elles doivent être inspirées par un patriotisme – et non par un nationalisme économique – nourri sans naïveté ni paranoïa d’un esprit de conquête et d’ouverture raisonnée au monde.

C’était d’ailleurs le sens de la politique industrielle engagée par un certain Nicolas Sarkozy, alors ministre des finances, lorsqu’il sauva Alstom de la faillite et accompagna la construction de Sanofi-Aventis, le troisième groupe pharmaceutique mondial.

C’est le sens de cette politique industrielle, engagée par Nicolas Sarkozy, devenu Président de la République, qui s’affranchit peu à peu des tabous et des dogmes communautaires.

Les outils sont nombreux : le FSI dont les participations de 3 milliards d’euros en deux ans ont permis de sauver ou de consolider plus de 100 000 emplois en France ; les interventions d’OSÉO au bénéfice des PME ; les pôles de compétitivité qui rassemblent nos meilleurs talents industriels, scientifiques et universitaires ; les états généraux de l’industrie qui ont mobilisé partout en France des milliers d’acteurs publics et privés, et dont les propositions constituent la trame des politiques de filières industrielles élaborées actuellement par la conférence nationale de l’industrie ; une politique publique d’intelligence économique destinée à protéger nos entreprises stratégiques et à peser sur l’élaboration des règles juridiques et des normes professionnelles conçues dans les instances internationales.

Le commissaire à l’investissement, René Ricol, chargé de la mise en œuvre du grand emprunt, le médiateur du crédit et le médiateur des relations interentreprises industrielles et de la sous-traitance confortent aussi notre politique industrielle qui doit maintenant trouver de nouveaux partenariats publics en Europe.

Mais on ne peut, madame la ministre, défendre notre industrie si l’on n’assainit pas d’abord nos comptes publics. C’est la voie courageuse tracée par ce projet de budget que nous serons nombreux à soutenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Madame la ministre, mes chers collègues, on trouve plusieurs novations en matière de recettes dans la loi de finances rectificative et le projet de loi de finances : la taxation cosmétique exceptionnelle et transitoire des hauts revenus ; une taxe sur les mutuelles – non cosmétique celle-là, puisqu’elle entraînera de 4 % à 5 % d’augmentation des cotisations des complémentaires maladie pour les assurés ; cette taxation enfin sur les boissons sucrées – une fiscalité orientée vers la santé publique.

Au départ, cette taxe avait été présentée comme devant ressortir du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Elle a été « ripée » vers la seconde partie du projet de loi de finances – pour des raisons purement techniques, j’imagine, mais néanmoins lourdes de sens et de conséquences.

En effet, les évaluations préalables des articles du projet de loi persistent à présenter cette taxation, fût-elle reportée sur des droits d’accise, comme une mesure de santé publique visant à orienter « les consommateurs vers des boissons constitutives d’une alimentation équilibrée et dégager des ressources pour l’assurance maladie. »

Il s’agit donc, jusque dans le projet de loi de finances, de dégager des ressources pour l’assurance maladie. Cette mesure s’inscrit, nous dites-vous, dans le cadre de la mobilisation du Gouvernement destinée à répondre à l’enjeu de santé publique : la promotion d’une alimentation équilibrée. Elle crée un avantage comparatif au profit de boissons indispensables à l’alimentation humaine et vient compléter des actions déjà entreprises dans le cadre de la troisième version du programme national « nutrition santé » qui avait été présenté en juillet 2011 en conseil des ministres.

Cependant, madame la ministre, il semble que votre majorité considère cette taxe comme autre chose qu’une mesure de santé publique : en élargissant son assiette pour doubler son rendement – avec très certainement l’intention louable : améliorer la compétitivité de notre industrie agroalimentaire –, elle la transforme de fait en une mesure économique.

Cette taxe crée un problème : alors qu’elle était limitée aux seules boissons sucrées, votre majorité en commission des finances a souhaité l’étendre aux boissons non sucrées contenant des édulcorants, c’est-à-dire des substituts qui ont le goût du sucre mais qui n’en sont pas. Ce qui n’est pas sans poser d’autres problèmes – je parle sous le contrôle de votre conseiller qui reste néanmoins attentif aux problèmes de santé publique : parmi ces édulcorants on trouve l’aspartame, mis sous surveillance par nos agences de sécurité alimentaire.

Comment ce débat va-t-il se dénouer ? Il viendra dans la suite de l’examen de votre projet de loi de finances, mais toujours est-il que cette taxe apparaît comme une recette de poche, comme autre chose qu’une mesure de santé publique, ce que je regrette.

Au départ, quand cette mesure avait été annoncée dans la presse, j’avais cru comprendre qu’il s’agissait de passer d’une TVA à taux réduit à une TVA à taux normal, ce qui en aurait fait une mesure réellement dissuasive, qui aurait conduit à une augmentation de près de 10 % du prix de la canette. Or il ne s’agit pas de cela : elle n’aura pratiquement pas d’incidence en termes de dissuasion – un centime par canette – et l’on ne saurait en attendre un report vers des boissons sans sucres ou étiquetées « zéro calorie », au demeurant plus chères.

Madame la ministre, je voudrais vous faire une proposition qui ne coûterait rien au budget et qui serait efficace en matière de santé publique, au moins pour une portion importante de la population française : les habitants d’outre-mer.

La semaine dernière, le groupe socialiste a présenté une proposition de loi interdisant toute différence de composition en sucre entre les produits laitiers et les boissons selon qu’ils sont vendus en métropole et outre-mer. Il faut savoir que les produits vendus outre-mer sont beaucoup plus riches en sucre alors qu’ils sont de même marque et de présentation identique, ce qui contribue à entretenir l’obésité dans les territoires ultramarins. La Guadeloupe compte 9 % d’enfants obèses – je ne parle pas de surpoids – qui deviendront donc, dans leur grande majorité, des adultes obèses. Pire encore : en Polynésie française, près de 18 % des enfants sont obèses.

Puisque votre intention affichée, madame la ministre, est de contribuer à lutter contre l’obésité, je vous propose une mesure gratuite pour le budget mais qui aurait une grande efficience dans ce domaine pour une fraction importante et valeureuse de notre population française.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. « La raison d’être du Gouvernement, c’est qu’il gouverne, c’est qu’il prend des responsabilités. C’est qu’il fait des choix clairs. C’est qu’il est cohérent. C’est qu’il obéit à l’intérêt national, et non à la dernière pression qu’il a subie, à la dernière mode qui court dans les journaux. C’est qu’il n’est pas du sable entre les doigts. »

Qui a bien pu faire cette déclaration dont vous admettrez qu’elle est totalement d’actualité ? Il s’agit d’un extrait d’une allocution du général de Gaulle. Dans le contexte économique mondial que nous connaissons, je n’ai pu résister à l’envie de vous citer ce grand visionnaire.

Après trente années de laxisme budgétaire, l’heure est venue de faire des économies. C’est une nécessaire obligation qui s’impose à nous. Il est urgent et impératif de désendetter notre pays pour respecter nos engagements. Si nous voulons ramener notre déficit à 3 % du PIB en 2013, ce budget pour 2012 doit se solder par un déficit qui ne peut dépasser 4,5 % du PIB. Nous devons garder ce cap pour garantir un niveau d’endettement acceptable pour l’avenir de notre pays.

La difficulté de ce budget pour 2012 réside dans le fait qu’il faut à la fois réduire nos dépenses tout en assurant des perspectives d’avenir. Ainsi, un effort soutenu dans la recherche et l’innovation permettra de créer les emplois de demain.

Nous constatons enfin, dans cette loi de finances, l’effet positif de la révision générale des politiques publiques. Pour la première fois depuis 1945, la masse salariale de l’État va baisser globalement de 200 millions d’euros. C’est un effort constant engagé dans la fonction publique d’État depuis 2008.

Se pose maintenant la question des opérateurs de l’État. À périmètre courant, le plafond d’emplois des opérateurs de l’État est supérieur de 7 528 équivalents temps plein au plafond retenu en 2011.

À titre d’exemple, le titre II du programme 220 « Statistiques et études économiques » et notamment les créations d’emplois liées à la construction du centre statistique de Metz soulève des interrogations. Sur les 215 emplois prévus fin 2011, une cinquantaine de salariés seulement vient d’intégrer le plan d’accompagnement des personnels volontaires, alors que ces agents bénéficient pourtant d’indemnités importantes. Qui plus est, les prévisions de cet opérateur avaient été mal estimées – c’est le moins que l’on puisse dire – et le taux de non-remplacement ne sera, de fait, que de 30 % alors que la règle nationale est de 50 %. C’est forcément dommage.

De même, il faut souligner que la hausse du coût des agents dans certaines directions est parfois inversement proportionnelle aux gains réalisés par la baisse des effectifs. Certaines rémunérations de hauts fonctionnaires de catégories A ou A+ connaissent chez les opérateurs de l’État des progressions de 4,3 %, voire de 5 % entre 2011 et 2012.

La vigilance s’impose face à ce genre de dérive, d’autant plus que les autres catégories – B et C notamment – subissent un gel du point d’indice et une stagnation de leur rémunération. La maîtrise des déficits impose donc de veiller à encadrer l’évolution de la masse salariale de l’État et de ses opérateurs.

Plus globalement et en conclusion, je salue les mesures d’équité actées dans ce projet de loi de finances, avec la mise à contribution des plus favorisés de nos concitoyens et le maintien essentiel de notre pacte social.

Si, comme je l’espère, ce budget pour 2012 permettra de soutenir l’activité et donc la croissance, alors nous aurons fait acte de responsabilité et de volonté en l’adoptant. C’est tout l’enjeu de la majorité actuelle. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Mathis.

M. Jean-Claude Mathis. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission, chers collègues, élaborer un budget est toujours un acte politique majeur, porteur de choix forts en matière de dépenses et de fiscalité. Cela est particulièrement vrai cette année.

Après plusieurs années de crise, la France se trouve confrontée à un ralentissement de l’activité économique mondiale. De plus, les tensions sur les dettes souveraines ne nous ont pas épargnés. Aussi, plus que jamais, le redressement des comptes publics et la réduction des déficits passeront par la maîtrise de la dépense.

Beaucoup sont d’accord sur le diagnostic ; peu le sont sur les solutions et les moyens d’y parvenir. Le plus difficile n’est pas de trouver des économies à réaliser au sein d’un État qui dépense trop, mais de faire accepter des coupes claires dans les finances de la nation, c’est-à-dire de respecter des principes de justice, d’équité et d’efficacité.

Pourtant, rien ne peut se faire de crédible sans une coupe dans les dépenses publiques, parce que c’est à ce niveau que se situent les marges de manœuvre dans un pays où la pression fiscale décourage déjà le travail et la création de richesse.

À l’occasion d’un sondage réalisé il y a quelques semaines, 85 % des personnes interrogées ont suggéré pour améliorer les comptes publics que l’on réduise les dépenses ; 12 % seulement préconisaient une augmentation des impôts. Les Français savent donc bien que le maintien de la confiance dans les comptes de l’État mérite quelques sacrifices.

Il reste que certaines dépenses sont, bien entendu, difficiles, voire impossibles à réduire. C’est le cas par exemple des intérêts de la dette : quelque 50 milliards d’euros, soit l’équivalent de l’impôt sur le revenu.

M. Dominique Baert. Eh oui ! La faute à qui ?

M. Jean-Claude Mathis. Il reste que certaines mesures engagées commencent à montrer leur efficacité, comme le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, qui permet de dégager d’ores et déjà 1 milliard d’euros par an. Si cette disposition était appliquée aux fonctionnaires territoriaux et au sein de la sécurité sociale, 1 milliard supplémentaire pourrait être économisé.

Certains préconisent des mesures de soutien à l’activité, c’est-à-dire la relance et la création d’emplois sur fonds publics. Voilà pour eux le remède universel. Malheureusement, le monde a changé. En France comme ailleurs, à force d’avoir distribué pendant des décennies l’argent qu’il n’avait pas, l’État est exsangue ; ses caisses sont vides…

M. Jean Launay. C’est vous qui les avez vidées !

M. Jean-Claude Mathis. …et sa capacité d’endettement étroitement contrôlée.

Voudrait-on utiliser les recettes du passé que l’on ne le pourrait pas. Ceux qui s’y sont risqués – par exemple les États-Unis cet été – en sont pour leurs frais.

Il faut reprendre le problème à l’endroit. Ce qui mine la croissance, aux États-Unis comme en Europe, c’est le poids extravagant de la dette.

M. Jean Launay. Vous l’avez doublée en dix ans !

M. Jean-Claude Mathis. Tous les plans du monde ne seront d’aucun secours tant que subsistera ce fardeau insupportable. La dette, la dette, la dette : voilà quelle devrait être l’obsession de tous ceux qui aspirent à diriger notre pays, car c’est ce combat et lui seul qui créera les conditions de la croissance. C’est un combat qu’il faut, bien entendu, mener progressivement et avec constance. C’est pourquoi le Gouvernement a choisi pour 2012 de baisser de 15 % en un an le déficit budgétaire de l’État. Le déficit public sera donc ramené à 4,5 % du PIB en 2012, contre 5,7 % en 2011.

Par conséquent, le projet de loi de finances pour 2012 s’articule autour de trois grandes priorités. La première est la maîtrise des dépenses.

La deuxième repose sur des recettes supplémentaires ciblées. Le Gouvernement entend ainsi concilier sa ferme volonté de ne pas conduire une politique d’augmentation générale des impôts ; l’effort demandé aux Français ne concernera que ceux qui profitent d’un patrimoine immobilier et de très hauts revenus. Ce souci d’équité se concrétise également par la réduction des niches fiscales et sociales : l’effort engagé en 2011 sera poursuivi, avec un coup de rabot de 10 % sur certaines réductions et crédits d’impôt.

La troisième priorité est de continuer à soutenir l’activité, tout en préservant la cohésion sociale. S’agissant des recettes, la réduction de niches ne pèsera ni sur l’emploi ni sur la compétitivité.

Enfin, le soutien aux missions régaliennes de l’État reste une priorité forte.

Pour atteindre ces objectifs, nous avons besoin de règles qui nous obligent collectivement à tenir nos engagements. C’est pourquoi inscrire la règle d’or dans notre Constitution, c’est protéger les générations futures du poids de la dette, renforcer notre crédibilité budgétaire et, en réalité, notre souveraineté. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. François Goulard. Très bien ! On ne regrette pas d’être venu !

M. le président. La parole est à M. Marc Goua.

M. Marc Goua. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, nous examinons ce soir la dernière loi de finances initiale du quinquennat.

Hier, le ministre des finances a fait appel abondamment au passé. Je vais également me prêter à ce jeu. Le candidat Nicolas Sarkozy se présentait en 2007 comme le Président de l’emploi et du pouvoir d’achat. Qu’en est-il aujourd’hui ?

M. Dominique Baert. On en est loin !

M. Marc Goua. Dans la fonction publique, 150 000 emplois supprimés. Cent cinquante mille autres détruits par la défiscalisation des heures supplémentaires, à croire les experts. Le taux de chômage atteignant quasiment 10 %. Une progression permanente du nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté : 8,2 millions en 2009 selon les calculs de l’INSEE, soit 13,5 % de la population.

Le candidat Nicolas Sarkozy indiquait qu’il irait chercher la croissance avec les dents. Qu’en est-il aujourd’hui ? Une croissance inférieure à celle de nos voisins, notamment l’Allemagne, et pratiquement nulle au troisième trimestre 2011.

Parallèlement, vous étranglez les collectivités locales et territoriales en bloquant leurs dotations, alors qu’elles réalisaient 73 % de l’investissement public. Ce pourcentage est d’ailleurs immédiatement descendu à 63 % : il faut dire qu’en deux ans, elles ont déjà perdu 4 % de leur pouvoir d’achat. Les effets n’ont du reste pas tardé à se faire sentir : vous économisez ainsi 500 millions d’euros sur le Fonds de compensation pour la TVA.

Par ailleurs, le reste à charge des conseils généraux sur les allocations individuelles de solidarité – allocation personnalisée d’autonomie, prestation de compensation du handicap et revenu de solidarité active – représente 9 milliards d’euros sur un coût total de 14 milliards. Or en 2012 le fonds départemental est reconduit pour 500 millions, ce qui est largement insuffisant. De plus, vous ne renouvelez pas la subvention exceptionnelle de 150 millions d’euros qui avait été affectée en 2011. À cela se surajoute la crise actuelle, qui entraîne des difficultés de financement auprès des établissements de crédit : taux élevés, marges importantes, raccourcissement des durées et quelquefois absence totale de propositions.

Nous vous proposons la réunion d’une conférence départementale des offres et demandes de prêts qui serait présidée par les préfets, avec la participation de la banque de France et des banques de la place car il y a urgence pour boucler le budget 2011.

Le candidat-président s’était engagé à faire baisser les prélèvements obligatoires de quatre points. Or ils seront en 2012 au niveau de 2007 ; ils seraient même, selon une prévision pour 2013, de 45 % du PIB. De surcroît, la répartition des charges est injuste car ce sont les plus démunis et les classes moyennes qui ont été mis à contribution, alors que les plus riches en ont été exonérés.

Le Premier ministre déclarait au début de ce quinquennat qu’il était à la tête d’un État en faillite. Qu’en est-il aujourd’hui ? La situation des comptes publics est dégradée, la crise ne faisant que renforcer une tendance négative que vous avez imprimée dès 2007. Vous évaluez pour la fin 2012 la dette publique à 87,4 % du PIB. Nous sommes tout près du seuil fatidique de 90 %, considéré comme la limite extrême au-delà de laquelle la dette devient incontrôlable. Cette situation avait d’ailleurs fait l’objet d’une remarque dans le rapport de la Cour des Comptes il y a deux ans – et celle-ci, malgré vos dénégations, vous tient pour responsables à 62 % de cette aggravation.

Ultime échec : la notation AAA de la France est aujourd’hui très sérieusement menacée.

M. François Goulard. C’est vrai !

M. Marc Goua. Au cours des trois prochains mois, Moody’s va surveiller et évaluer la perspective stable de la note française. C’est une première pour notre pays.

Je ne partage pas du tout l’optimisme de M. Lefebvre : si je reprends les termes exacts du communiqué, la crise économique et financière « a conduit à une détérioration » des ratios d’endettement de notre pays, « qui sont désormais parmi les plus faibles des pays notés AAA. » L’agence insiste également sur le déficit extérieur, qui atteint un record. On en a d’ailleurs vu les effets avant même la remarque de Moody’s : l’écart entre La France et l’Allemagne, s’agissant des taux à dix ans, est de 100 points de base.

M. François Goulard. Et même 114, pour être exact !

M. Marc Goua. Il est effectivement monté jusqu’à 114, mais il est redescendu à 100.

Vous nous présentez un PLF 2012 en vous appuyant sur une prévision de croissance de 1,75 %, tandis que l’Allemagne vient de rectifier ses prévisions et envisage une croissance entre 0,8 % et 1 %.

Le ministre des finances a concédé hier que ces prévisions étaient peut-être un peu optimistes et qu’elles seraient certainement abaissées à 1,5 %, ce qui paraît encore très exagéré.

Pas plus tard qu’hier, d’ailleurs, à cette tribune, le rapporteur général de la commission des finances l’a confirmé, car l’effet report sera probablement négatif. Notre croissance sera donc sans doute plus près de 1 % que de 1,75 %. La Deutsche Bank, qui vient d’indiquer ses prévisions pour la France, table sur un taux de 0,3 %

Vous faites donc fi des prévisions des experts, de l’évolution économique et notamment de la crise des dettes souveraines qui, hélas ! n’est pas encore résolue. Ce budget initial est donc insincère et devra être rectifié. Mais peut-être espériez-vous passer les échéances électorales ; rien n’est moins sûr. D’ailleurs, le rapporteur général parle d’un collectif budgétaire dès décembre prochain.

Malgré les turbulences, vous persévérez dans votre imprévoyance et dans votre incohérence. C’est ainsi qu’après avoir procédé à des dizaines de milliards d’allègements d’impôts en faveur des plus riches et creusé le déficit budgétaire, vous nous présentez un plan de rigueur de plus de 11 milliards d’euros reposant sur l’ensemble des Français.

Vous créez de nouvelles taxes et en alourdissez d’autres, avec pour cible l’ensemble de la population, notamment les classes moyennes et nos concitoyens les plus démunis. Cette nouvelle ponction sur le pouvoir d’achat va entraîner un ralentissement de la consommation préjudiciable à la croissance, dont elle est pourtant un des deux piliers.

La décision de porter de 3,5 % à 7 % la taxation sur les contrats responsables et solidaires va entraîner une hausse de 5 % sur les cotisations des mutuelles – 4,87 % exactement –, au détriment de la prévention et de la santé de l’ensemble de nos concitoyens. Nombre de foyers et nombre de jeunes ne souscrivent plus de complémentaires santé. Cette nouvelle hausse va encore accentuer le phénomène. Aujourd’hui, les mutuelles sont inaccessibles pour 4 millions de Français.

À l’inverse, vous faites preuve d’une imagination débordante pour créer de multiples taxes – sur le tabac, l’alcool, les sodas – qui pèseront toutes sur la consommation.

M. François Goulard. C’est fait pour ça !

M. Marc Goua. Pourtant, nous vous soumettons de nombreuses autres sources de financement qui permettraient de dégager des marges de manœuvre beaucoup plus importantes, sans pour autant avoir d’effets négatifs sur la croissance : suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires ; abrogation de la niche Copé ; rétablissement de l’ancien barème de l’ISF,…

M. Richard Mallié. Vous ne pouvez pas changer de disque ?

M. Marc Goua. …plafonnement global des niches fiscales à 10 000 euros ; création d’une nouvelle tranche du barème de l’impôt sur le revenu à 45 % ; suppression du prélèvement forfaitaire libératoire sur les placements.

La seule véritable nouveauté de ce PLF, en dehors des impôts sur la consommation, c’est votre taxe sur les hauts revenus. Proposée aux forceps, elle rapportera 410 millions. Qui plus est, mes collègues l’ont rappelé, elle n’aura d’effet qu’au-dessus de 250 000 euros par part.

Vous nous présentez donc un PLF à contresens, ce qui s’inscrit d’ailleurs dans la ligne de la politique conduite depuis 2007. Vous n’avez pas évolué,…

M. Richard Mallié. Vous non plus ! Avec vous, on est toujours au XIXe siècle !

M. le président. Allons ! Laissez conclure l’orateur !

M. Marc Goua. …vous n’avez pas entendu les critiques, ou si peu ; vous restez enfermés dans vos schémas, alors que la situation économique et financière exige un changement radical et un plan cohérent.

La situation actuelle nécessite une vision politique globale qui restaure et préserve les grands équilibres, mais qui favorise la croissance en facilitant les investissements productifs et la consommation, qui en sont les deux moteurs. Or votre projet de loi de finances 2012 ne présente pas ces caractéristiques indispensables à nos yeux.

Ce texte, comme tous ceux que nous avons eus à examiner depuis cinq ans, est marqué du sceau de l’injustice, de l’inefficacité et d’un manque évident de stratégie pour assurer l’avenir de notre pays et de nos concitoyens. Ce PLF n’est décidément pas à la hauteur des enjeux. Nous ne manquerons pas de le rappeler aux Français et nous vous proposerons évidemment de le modifier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Baert. Très bien ! La critique est pertinente !

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. François Goulard. M. le questeur va-t-il demander la diminution du budget de l’Assemblée ? (Sourires.)

M. Richard Mallié. Les temps changent et le monde évolue, mes chers collègues, mais les problèmes auxquels sont confrontés les hommes restent les mêmes.

M. François Goulard. Parole de sage !

M. Richard Mallié. Aujourd’hui comme hier, force est de constater que la situation financière de notre pays est difficile, et ce pour plusieurs raisons.

Pour y remédier, peu de solutions s’offrent à nous : soit augmenter les recettes, soit diminuer les dépenses, soit combiner les deux et trouver ainsi un plus juste équilibre. Le Gouvernement a choisi cette troisième voie et je m’en félicite.

En effet, il est important de trouver le bon dosage pour ne pas entraver l’activité économique de nos entreprises, tout en gardant à l’esprit que les réductions doivent être suffisantes pour pouvoir, chaque année, rembourser d’autant les dettes anciennes.

Le Gouvernement a fait un choix clair et courageux,…

M. Dominique Baert. Tu parles !

M. Richard Mallié. …celui d’agir sur la dépense plutôt que sur les prélèvements obligatoires, tout en protégeant les publics les plus fragiles.

Depuis 1974, aucun Gouvernement n’a voté ni exécuté un budget en équilibre. De l’avis même de la Cour des comptes, la moitié de notre déficit est l’héritage de trente années de laxisme budgétaire, et 40 % du déficit est lié à la crise de 2008,…

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Tu parles !

M. Richard Mallié. …qui a bouleversé nos finances publiques.

M. Michel Vergnier. Bien sûr !

M. Richard Mallié. Tous les gouvernements ont leur part de responsabilité dans cette situation.

M. Dominique Baert. Surtout le vôtre.

M. Richard Mallié. En particulier ceux qui ont bénéficié d’une forte croissance et qui n’en ont pas profité pour réduire les dépenses publiques…

M. Michel Vergnier. Qui a rééquilibré les comptes sociaux ? Et fait reculer le chômage ?

M. Richard Mallié. Je pense notamment aux années 1997-2002.

M. Michel Vergnier. Vous y étiez ?

M. Richard Mallié. Non, je n’y étais pas et c’est pour cela que vous avez fait des erreurs.

M. François Goulard. Des erreurs ou des horreurs ? (Sourires.)

M. Jean-François Mancel. Les deux !

M. Richard Mallié. Néanmoins, la majorité a fait le choix de ne pas trop augmenter les impôts tout en trouvant de nouvelles recettes, sans pour autant baisser les dépenses de solidarité ni renoncer à engager des réformes structurelles – ainsi la réforme des retraites.

Je tiens à souligner l’ampleur de la réduction des déficits prévue par ce projet de loi de finances. Il s’agit là d’un objectif intangible et non négociable, compte tenu de la situation de nos finances publiques.

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est du Cahuzac dans le texte. (Sourires.)

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Il est meilleur ! (Sourires.)

M. Richard Mallié. Les choses vont dans le bon sens. Par exemple, dans le cinquième rapport d’étape, il est constaté que grâce à la RGPP, les dépenses publiques ont été réduites de plus de 7 milliards d’euros sur la période 2009-2011.

La règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite a également permis de ne pas remplacer près de 100 000 postes entre 2009 et 2011, ce qui représente une économie de 2,7 milliards d’euros.

Cet effort se poursuivra avec l’adoption de nouvelles mesures, permettant d’atteindre un montant d’économies de 10 milliards d’euros sur la période 2011-2013.

Par ailleurs, la réforme des retraites a permis 5,5 milliards d’euros de dépenses en moins, et ce dès 2012.

Le respect de l’objectif national des dépenses de l’assurance maladie pendant trois ans consécutifs constitue une autre rupture majeure qui a permis 11 milliards d’économies pour l’assurance maladie depuis 2008. Entre 2010 et 2012, le déficit de l’assurance maladie sera divisé par deux, et cette réduction repose à 60 % sur notre maîtrise des dépenses.

Concernant le « rabot » permettant d’obtenir une baisse des dépenses de 1 milliard d’euros, la participation des opérateurs de l’État est indispensable. En effet, certains ont bénéficié de taxes affectées très dynamiques et n’ont, dans le même temps, fait aucun travail de rationalisation de leurs dépenses. Ainsi, dans l’immobilier, des progrès importants restent à réaliser pour optimiser les espaces loués ou acquis. L’exemple du bail de la HALDE au moment de sa création me revient à l’esprit.

Madame la ministre, vous l’avez fort légitimement déclaré en commission des finances : « Le budget pour 2012 est une étape essentielle sur le chemin du désendettement. C’est le budget des engagements tenus. Avec une réduction de 15 % du déficit budgétaire de l’État, nous opérons un tournant historique. »

Les déficits ont atteint des niveaux élevés, en raison notamment de la crise. Si nous voulons assurer à notre pays une croissance pérenne, il est de notre devoir de les réduire de façon drastique et sur le moyen terme.

Atteindre de bons résultats sur une, voire deux années est encourageant. Atteindre de bons résultats sur la moitié d’une décennie est devenu plus que nécessaire : c’est vital pour notre pays.

M. Michel Vergnier. Il faut relancer la croissance en même temps !

M. Richard Mallié. Il est de notre devoir d’embrayer sur une cadence annuelle crédible de réduction des déficits. La maîtrise de nos dépenses publiques et la baisse des déficits sont une nécessité absolue.

Dans le contexte de crise de la zone euro, notre crédibilité vis-à-vis de nos partenaires européens est quotidiennement en jeu. C’est une question de responsabilité envers les générations futures et une question de vie ou de mort pour notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Diefenbacher.

M. Michel Diefenbacher. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je centrerai cette intervention sur une comparaison européenne…

M. Michel Vergnier. Cela ne sera pas à votre avantage !

M. Michel Diefenbacher. Cette comparaison ne portera pas sur les chiffres budgétaires, mais sur les pratiques politiques et plus particulièrement les rapports entre les majorités – qu’elles soient de gauche ou de droite – et les oppositions – qu’elles soient de gauche ou de droite.

Dans tous les pays d’Europe, toutes les formations politiques ont pris la juste mesure de la gravité de la crise financière et de ses conséquences dramatiques. Cette crise est mondiale. Ses conséquences ne sont pas seulement pour les États et les banques, mais pour toute l’économie, c’est-à-dire pour tous les peuples.

Une crise financière, c’est d’abord une crise de confiance. Et quand la confiance est compromise, les crédits se font rares. Moins de crédits, c’est moins d’investissement et moins d’activité. C’est donc une menace pour le pouvoir d’achat et pour l’emploi. La crise, ce n’est pas pour les autres ; personne ne peut s’en laver les mains. Nous en sommes tous convaincus, nous devrions donc tous être solidaires.

Dans tous les pays d’Europe, les formations politiques en ont tiré les conséquences. La première de ces conséquences, c’est que les querelles partisanes s’effacent devant l’intérêt du pays. Dans tous les pays d’Europe, oui, mais pas en France où le parti socialiste continue à jouer, si graves que puissent en être les conséquences, le choc frontal avec la majorité présidentielle.

Les exemples ne sont pas rares.

Premier exemple : la règle d’or, adoptée en Allemagne et en Espagne dans un remarquable consensus entre la droite et la gauche. En Allemagne, le Bundestag s’est prononcé le 29 mai 2009 par 418 voix contre 109 : cette majorité n’aurait jamais pu être atteinte sans un consensus fort entre la droite de la CDU-CSU et la gauche du SPD.

En Espagne, c’est à la quasi-unanimité que la Chambre des députés a voté le 2 septembre dernier la règle d’or, par 316 voix contre cinq. Parce que l’intérêt du pays l’exigeait, la droite espagnole n’a pas hésité à apporter son entier soutien à la gauche du Premier ministre socialiste Zapatero.

En France, nous savons ce qu’il en est. Rien ne saurait mieux rassurer nos prêteurs qu’un consensus entre les différentes formations politiques. Ce consensus est refusé par le parti socialiste. Et tant pis pour la France !

M. Dominique Baert. N’exagérons rien !

M. Michel Diefenbacher. La parole est libre, cher collègue.

M. Michel Vergnier. Justement.

M. Michel Diefenbacher. Deuxième exemple : le renforcement du Fonds européen de stabilité financière. Dans tous les pays de la zone euro, les partis socialistes ont voté pour. Plus exactement dans seize pays, mais pas en France.

M. Michel Vergnier. Si vous nous parliez un peu de vous ?

M. Michel Diefenbacher. Le parti socialiste mesure comme ailleurs le risque qui s’attacherait à une chute de la Grèce et appelle à la solidarité internationale.

M. Michel Vergnier. Si vous continuez ainsi, vous serez bientôt à 10 %.

M. Michel Diefenbacher. Mais quand il s’agit de se prononcer concrètement, sur les moyens de la solidarité, le parti socialiste vote contre. Peu importent les conséquences pour l’euro et pour l’Europe : l’essentiel pour lui est de s’opposer à Nicolas Sarkozy. Pas de consensus donc, et tant pis pour l’Europe !

Troisième exemple : Dexia. Tout le monde a pu mesurer, il y a trois ans, les conséquences en cascade de la chute d’une banque. Il est donc vital de sauver Dexia, au prix d’une profonde restructuration. Cette restructuration n’est pas un projet français : c’est un projet partagé entre la Belgique, le Luxembourg et la France. Mais peu importe. Et peu importe notamment que ce projet soit soutenu par le futur Premier ministre belge qui n’est autre que le président du parti socialiste de son pays.

M. Michel Vergnier. Oh là là !

M. Michel Diefenbacher. Ce projet, même ainsi partagé, porte l’empreinte de Nicolas Sarkozy. Pour nos collègues du parti socialiste, c’est suffisant pour qu’il faille le combattre. Pas de consensus donc. Et tant pis pour les emprunteurs, au premier rang desquels nos collectivités territoriales !

Mes chers collègues, la ligne de conduite du parti socialiste a un nom : c’est la politique du pire. Et c’est cette même attitude qui prévaut depuis l’ouverture du débat sur le budget 2012.

M. Michel Vergnier. Vous faites dans la nuance !

M. Michel Diefenbacher. La dette souveraine de la France est désormais sous surveillance. Que signifie cette surveillance ? Les socialistes répondent : la condamnation de la politique de Nicolas Sarkozy. Mes chers collègues, s’il s’agissait de porter un jugement sur la politique qui a été conduite jusqu’ici et si l’agence Moody’s estimait que cette politique était mauvaise, la notation de la France n’aurait pas été mise sous surveillance ; elle aurait été immédiatement déclassée.

Si l’agence Moody’s ne l’a pas fait, c’est certes parce qu’elle s’interroge sur les conséquences du ralentissement de la conjoncture sur nos comptes, mais c’est aussi parce qu’elle pense qu’il est trop tôt pour prendre une position définitive sur ce point. Les trois mois qui viennent seront donc décisifs. Et dans cette période si sensible, le premier rendez-vous, c’est le débat budgétaire que nous avons aujourd’hui. Les crises financières sont d’abord des crises de confiance. Dans ce contexte, rien ne serait plus important pour la France que de donner l’image d’une volonté partagée ou au moins convergente entre les différentes formations politiques. Tous les partis socialistes d’Europe l’ont compris. Seul le parti socialiste français s’y refuse.

À l’évidence, sur les bancs de la gauche, les leçons de l’histoire n’ont pas été suffisamment méditées. Depuis la Révolution de 1789, depuis qu’il existe une opinion publique, tous les exemples montrent que la politique du pire n’a jamais payé. Tous ceux qui par ambition, dépit, esprit de revanche ou haine de classe ont préféré jouer pour eux-mêmes plutôt que pour la France ont été à chaque fois condamnés par le peuple français. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Vergnier. M. le procureur Diefenbacher serait-il pour le rétablissement de la peine de mort ?

M. le président. Je vous en prie, monsieur Vergnier.

M. Michel Diefenbacher. L’approche d’une élection présidentielle exigerait plus de sang-froid, de hauteur de vue et plus de sens des responsabilités. Une fois de plus, le parti socialiste se trompe de combat. Les Français, eux, ne s’y tromperont pas. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Baert. Applaudissements nourris !

M. Michel Vergnier. Pour ce discours tout en nuances !

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys.

M. Alain Claeys. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, j’écoute attentivement ce débat depuis hier. Permettez-moi de vous rappeler que les socialistes ne dirigent pas encore notre pays !

M. Dominique Baert. Non, sinon cela irait mieux !

M. Alain Claeys. Depuis hier, madame la ministre, on a le sentiment que vous défendez une motion d’irrecevabilité de la politique d’un Gouvernement dont vous ne feriez pas partie.

M. Michel Vergnier. C’est un entraînement !

M. Alain Claeys. Vous êtes ici pour rendre des comptes, pour expliquer votre budget et rien d’autre. Et en tant que membres de l’opposition, il nous est encore permis de faire soit des critiques, soit des suggestions.

M. Dominique Baert. Et même les deux.

M. Michel Diefenbacher. C’est ce que j’ai fait, moi !

M. Alain Claeys. Lors de l’examen de la deuxième loi de finances rectificative, il y a quelques semaines, nous avons passé une journée à examiner les premières mesures proposées par le Gouvernement. J’en ai gardé un souvenir très particulier. Nous avons passé deux heures et demie le matin avec une multitude d’interventions pour savoir s’il fallait augmenter la TVA pour les parcs d’attraction ou plutôt prévoir une taxe sur les hôtels de luxe. En revanche, l’après-midi, lorsqu’il a fallu aborder la question du prélèvement de 1 milliard sur les mutuelles, cette mesure n’a fait l’objet d’aucune intervention – relisez le Journal officiel – de membres de la majorité, excepté le rapporteur général !

Comment accepter cela ? Vous voulez faire croire qu’il n’y aurait aujourd’hui qu’une seule politique possible et que tout le reste serait démagogie. Pardonnez-moi, mais s’il y a un déficit lié à la crise, il y a un déficit lié à votre politique ! Il faudra en parler concrètement ; ce sera l’objet du débat présidentiel. Reste que nous avons un problème évident de justice fiscale. Nos concitoyens sont tout à fait prêts à entendre la notion d’effort. Il suffit de faire des réunions, d’aller dans nos circonscriptions, pour se rendre compte que ce qu’ils ne supportent pas aujourd’hui, c’est l’injustice des mesures.

Que vous le vouliez ou non, entre le bouclier fiscal et la taxe sur les mutuelles, un grand nombre des mesures votées par cette majorité sont frappées d’injustice sociale.

M. Michel Vergnier. Et on ne parle pas de la TVA !

M. Alain Claeys. À partir de là, il faudra bien qu’un débat ait lieu. Il faudra également un débat sur les moyens de faire repartir la croissance.

Un dernier point pour terminer. Vous nous reprochez, madame la ministre, de ne pas faire de propositions. Je prendrai un seul exemple : la recherche. Nous sommes tous d’accord aujourd’hui pour reconnaître que la recherche exige un effort prioritaire. Je ne vous ferai pas de mauvais procès en soutenant que le Gouvernement n’a rien fait en la matière…

M. Richard Mallié. Ah, tout de même.

M. Alain Claeys. Nous avons trois outils : l’Agence nationale pour la recherche, les crédits récurrents pour les laboratoires et le crédit impôt-recherche. Quels que soient les gouvernements, on gardera cette enveloppe.

La question qui se pose – et c’est un vrai débat politique – est de décider comment répartir les sommes à travers ces trois outils. Voilà un sujet qui n’est pas médiocre quand on veut parler d’avenir et de croissance.

Mme Lagarde, lorsqu’elle était ministre, avait pris un engagement à propos du crédit impôt recherche. Le CIR avait fait l’objet d’un travail de la MEC, qui s’était conclu par neuf propositions que la commission des finances avait adoptées. Il y en avait notamment une, que le ministre de l’économie a rejetée, sur le calcul du crédit impôt recherche pour les holdings. Le Gouvernement avait pris l’engagement pris de présenter un rapport à ce sujet, ce qui m’avait amené à retirer l’amendement que j’avais déposé dans ce sens. Cette année, je tiens à vous indiquer que je représenterai cet amendement pour obtenir des précisions sur le crédit impôt recherche. C’est un bon outil, mais qui coûte à l’état près de 5 milliards d’euros. S’il s’avérait qu’il existe des stratégies d’optimisation fiscale dans tel ou tel domaine, il serait nécessaire d’en tirer certains enseignements : ce serait autant d’argent que l’on pourrait mettre ailleurs.

Dernier point, madame la ministre : la transparence sur les crédits extra-budgétaires. Nous avons le grand emprunt ; on est en train d’en faire une évaluation, mais j’aimerais que le Parlement soit totalement informé sur les transferts de crédits budgétaires vers des crédits extra-budgétaires en matière de recherche. Je souhaite qu’au cours du débat, vous puissiez nous apporter toutes les précisions nécessaires.

Madame la ministre, vous le voyez, on peut combattre une politique – nos concitoyens trancheront dans un sens ou un autre –, tout en faisant des suggestions ; c’est pour moi l’objet du débat budgétaire dans cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Vergnier. Un homme normal dans un débat normal !

M. le président. La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard. Comme le savent mes collègues de la commission des finances, je n’ai pas approuvé toutes les mesures budgétaires et fiscales proposées par le Gouvernement depuis 2007. J’ai souvent critiqué des orientations, en matière fiscale notamment, au cours des années qui viennent de s’écouler.

M. Dominique Baert. C’est vrai que vous l’avez fait savoir !

M. François Goulard. En revanche, madame la ministre, j’ai toujours apporté un soutien sans faille à l’action du Gouvernement quand il s’est agi de faire face à la crise depuis 2008. Je considère que le budget que vous nous présentez aujourd’hui s’inscrit dans cette réponse à la crise.

Notre marge de manœuvre est extraordinairement limitée. À entendre certains de nos débats, j’ai parfois le sentiment que pour beaucoup d’entre nous la crise reste une sorte d’épiphénomène qui remplit les gazettes mais qui reste éloignée de nos esprits. Avons-nous conscience que, du jour au lendemain, la crise de liquidités que nous avons connue en 2008 peut se reproduire, mais avec une ampleur infiniment plus grande dans la mesure où si, en 2008, les États avaient la possibilité d’intervenir auprès des banques, ils ne l’ont plus aujourd’hui, du moins pas dans les mêmes proportions ? Le débat que nous avons eu il y a deux jours à propos du sauvetage de Dexia a montré comme cette conscience était loin d’être unanimement partagée. Vous me permettrez de le regretter.

Pour le budget pour 2012, deux directions me paraissent absolument interdites.

La première serait d’alourdir fortement la fiscalité. Rappelons que la France est un pays extrêmement fiscalisé.

M. Hervé Mariton. Hélas !

M. François Goulard. Personne ne peut prétendre qu’un pays aussi fiscalisé que le nôtre permet à ses acteurs économiques de développer pleinement leur dynamisme. Il existe une corrélation, qui s’observe au plan mondial, entre une certaine modération fiscale et le dynamisme économique.

La deuxième direction interdite serait d’augmenter la dépense publique – il faut le répéter, surtout lorsqu’on lit certaines propositions. Pensons toujours à cet écart entre la France et l’Allemagne en ce qui concerne la part de PIB consacrée aux dépenses publiques : neuf points séparent nos deux pays, qui pèsent lourds dans nos compétitivités respectives.

J’approuve donc ce budget.

Mais il faut aussi parler de l’avenir, des échéances devant lesquelles nous sommes et de ce qui se passera au-delà. Vous avez mis en œuvre la RGPP : elle a des effets positifs, elle a aussi ses limites, chacun en est conscient. Je pense, pour ma part, que dans les prochains mois et les prochaines années, nous aurons le devoir impérieux de repenser l’ensemble de nos politiques publiques, non pas pour réduire les prestations que nous offrons à nos concitoyens à travers les différents services publics mais pour tenter d’être plus efficaces, ce qui suppose un effort énorme. Nous avons trop vécu dans le confort et dans l’habitude.

Je prendrai un exemple qui met en cause non pas l’État mais les collectivités locales – et c’est un élu qui vous parle, quelqu’un qui a été maire, président de conseil général, et qui a toujours tenu ce discours, en commission des finances notamment. Les collectivités locales avaient des gains considérables à opérer en termes d’efficacité de leurs dépenses. Et c’est surtout vrai pour les plus grandes des collectivités. Quand on pense que Paris, depuis deux mandats municipaux, a augmenté de 30 % le nombre de ses fonctionnaires sans que les prestations aient changé, sinon en mal, je me dis qu’il y a véritablement des efforts considérables à consentir…

M. Richard Mallié. En effet !

M. François Goulard. Et ce n’est pas là un propos partisan : cela se vérifie aussi dans des collectivités détenues par notre majorité.

Je crois aussi que l’État local doit être complètement repensé. La décentralisation a maintenant trente ans ; l’État local a vécu. On parle de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux, mais il est des administrations ou des services où aucun fonctionnaire ne devrait être remplacé : certains services extérieurs de l’État ont vocation, il faut le dire, à disparaître purement et simplement, car ils sont devenus totalement inutiles, il faut le dire. Or nous avons manqué de courage.

La redéfinition des politiques publiques, la recherche incessante de l’efficacité au service de nos concitoyens, c’est cela, le devoir impérieux qui s’impose à nous dans l’avenir. J’espère que l’approbation de ce budget sera la première étape de cette tâche d’importance, d’intérêt national. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Mancel.

M. Jean-François Mancel. Madame la ministre, j’approuverai votre budget parce qu’il est pertinent. Pour une double raison : il réduit le déficit et entame la réduction de la dette ; en même temps, il n’obère pas la croissance dont nous avons tant besoin.

Du reste, c’est ce que nos adversaires de l’opposition viennent le dire régulièrement à la tribune puisqu’ils nous reprochent, dans le même discours, d’être à la fois trop laxistes et trop austères… C’est donc bien que ce budget se situe là où il faut. J’ai d’ailleurs l’impression, chers collègues de l’opposition, que vous vivez dans un bocal : quasiment aucun d’entre vous ne tient compte de la crise alors que c’est aujourd’hui le problème majeur de notre pays et du monde.

Je voudrais tout de même rappeler une petite vérité historique. Qui a ouvert la brèche du déficit et de l’endettement ? François Mitterrand et les socialistes, en 1981 !

M. Michel Vergnier. Remontez à 1936, tant que vous y êtes !

M. Jean-François Mancel. Cela étant, je vous l’accorde, nous avons été parfois contaminés par la volonté de dépenser plus que l’on ne gagnait. Le poison des cohabitations a sans doute eu à cet égard un effet non négligeable.

Il ne faut toutefois pas oublier qu’entre 1995 et 1997, il y a eu un réel effort pour redresser la situation de nos finances publiques, effort totalement annihilé par la suite avec cette catastrophe qu’ont été les cinq années de l’ère Jospin où la plus belle des croissances économiques a été totalement gâchée par des créations d’emplois dans la fonction publique à tire-larigot et par les trente-cinq heures.

M. Alain Claeys. C’est faux !

M. Jean-François Mancel. Nous en avons d’ailleurs payé le prix à partir de 2002.

M. Michel Vergnier. Vous ne les avez pas supprimées !

M. Jean-François Mancel. Nous n’avons peut-être pas été suffisamment courageux pour le faire, mais rappelez-vous des conditions dans lesquelles s’est déroulée l’élection présidentielle de 2002.

Il est quand même malheureux et injuste de faire à Nicolas Sarkozy, à son gouvernement et à sa majorité le procès de ne pas avoir pris les mesures qu’il fallait à partir de 2007 : pour la première fois, notre majorité a engagé le processus de baisse des effectifs de la fonction publique avec le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et qu’elle a lancé, François Goulard l’a rappelé, la révision générale des politiques publiques,

M. Michel Vergnier. Un vrai succès !

M. Jean-François Mancel. Hélas, la crise est survenue en 2008, crise qui nous a conduits à augmenter le déficit, ce qui était indispensable pour protéger les Français. En la matière, je crois que nous n’avons pas si mal réussi.

Récemment, un médium que l’on ne peut soupçonner d’être inféodé à l’UMP soulignait dans un article que la France était moins mal lotie que ses voisins. Le mouvement des indignés a rassemblé 50 000 personnes à Lisbonne, 6 000 à Francfort, 5 000 à New York, mais pas plus d’un millier à Paris.

M. Michel Vergnier. Ça va venir !

M. Jean-François Mancel. L’explication est donnée par l’un des acteurs français de ce mouvement : ici, nous n’avons pas un pistolet sur la tempe comme les Grecs peuvent l’avoir avec leur crise ou les Espagnols avec leur marché immobilier. Un chercheur, Robi Morder, souligne encore que beaucoup de jeunes, notamment les diplômés, peuvent espérer entrer dans le monde du travail sans passer par la précarité.

C’est bien la démonstration que nous avons réussi dans notre rôle de protéger les Français, ce qui justifie évidemment l’effort que nous avons accompli et même l’aggravation des déficits.

J’en termine, monsieur le président, avec une réflexion qui va rejoindre celle de mon collègue Goulard sur la dépense. Il faut incontestablement que nous consentions de gros efforts en matière de dépenses publiques. La RGPP était une bonne solution, qui explique sans doute en partie que Mme Précresse puisse nous présenter un budget où la dépense publique baisse, pour la première fois depuis 1945,. Cela étant, il faut aller plus loin car la RGPP a des défauts : elle s’est attaquée à la surface sans aller au fond des choses. Un seul exemple, celui de l’éducation nationale : on enseigne aujourd’hui encore comme à l’époque de Charlemagne alors que tous les élèves ont un smartphone dans leur poche.

M. Michel Vergnier. Il est drôle !

M. Jean-François Mancel. Il y a là incontestablement des réformes en profondeur à accomplir.

La RGPP n’a pas non plus associé tous les acteurs. C’est l’ensemble des acteurs publics qu’ils auraient fallu associer et non pas uniquement la technostructure.

Il faut aussi faire comprendre à nos compatriotes – et ce n’est sans doute pas le plus facile – que c’est en dépensant mieux que l’on peut dépenser moins. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti.

Mme Aurélie Filippetti. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous commençons aujourd’hui le marathon budgétaire dans un contexte extrêmement inquiétant.

Si la majorité vante un budget « soigneusement dosé », dans son exercice favori d’autosatisfaction qui dénote a minima un grave aveuglement, le risque est réel de voir replonger notre pays dans la récession.

Les grandes lignes des mesures que nous allons examiner sont connues depuis le plan d’austérité annoncé par François Fillon le 24 août. Nous avons déjà eu à en débattre dans un collectif budgétaire en septembre.

Depuis, les recommandations de la directrice du FMI, Mme Lagarde, invitant les pays européens à « ajuster leurs programmes d’austérité compte tenu d’une situation modifiée et à envisager des mesures pour alimenter la croissance » n’ont toujours pas été entendues par le Gouvernement.

L’INSEE anticipe une croissance nulle au quatrième trimestre, ce qui ne permet pas d’envisager pour 2012 un scénario de croissance aussi optimiste que celui retenu par le Gouvernement. À mesure que la crise de la dette souveraine s’enlise et que les solutions politiques pour l’enrayer se font attendre, les économistes sont de plus en plus pessimistes et abaissent leurs perspectives de croissance pour la France en 2012 : 1,7 % en août, 1,2 % en septembre, 0,9 % en octobre.

D’après le dernier Consensus Forecasts, publication qui recense les prévisions d’une vingtaine de conjoncturistes, la croissance du PIB ne devrait donc pas dépasser, en moyenne, la barre de 1 % l’an prochain. Le ministre de l’économie et des finances a d’ailleurs fini par reconnaître que la prévision officielle de croissance de la France pour 2012 était « probablement trop élevée »… Doux euphémisme ! Ce budget est donc construit sur des prévisions irréalistes, et, conséquence directe, la note souveraine de la France jugée pour le moment « stable » a été placée lundi sous surveillance par l’agence Moody’s.

La rigueur menace la croissance ; la grogne sociale s’amplifie ; les égoïsmes nationaux s’expriment avec toujours plus de force au sein de l’Union européenne ; les acteurs financiers semblent toujours aussi fragiles. Les leçons de la crise n’ont de toute évidence pas été tirées.

Nous attendons toujours des réformes structurelles fortes, et l’impuissance chronique du couple franco-allemand pour en prendre l’initiative est manifeste. Ainsi, si la volonté de réguler la finance a été clairement exprimée, et de façon répétée, aucune proposition concrète ne s’est traduite dans les faits.

Or nous ne pouvons pas rester dans une situation qui nous condamnerait à être de nouveau pris de court lors de la prochaine crise, faute d’avoir préparé une réponse.

Pour sortir durablement l’Europe de la crise, résoudre la question de l’endettement public sans casser la croissance et relancer l’investissement privé, la volonté politique est essentielle, et elle fait pour le moment défaut. La réponse appropriée doit mêler mesures de court terme et de long terme. L’émission d’eurobonds, la séparation des activités spéculatives et des activités de dépôts et d’investissement, l’encadrement strict des marchés de produits dérivés et de la titrisation, l’interdiction des ventes à découvert à nu, la relance salariale, une réforme fiscale ou encore une véritable politique de soutien à l’investissement sont autant de propositions qui doivent pouvoir se concrétiser rapidement au niveau européen.

Les énormes déficits publics ajoutent en effet aux difficultés à venir qui menacent la croissance. Seule une perspective de long terme permet d’envisager des voies de sortie.

Quel est le discours de cette majorité face à ces défis à relever ? La réponse est un peu courte, et le débat budgétaire tronqué. Ce projet de loi de finance est un texte d’attente qui renvoie à plus tard les choix difficiles.

Agir sur les dépenses publiques ne peut constituer le seul horizon de politique économique.

Seule une croissance de l’économie peut atténuer la part relative d’une dette dont le volume ne va probablement évoluer que de manière lente et extrêmement progressive. La situation est d’autant plus grave que l’État doit faire face à une hausse du chômage, à une demande sociale toujours plus forte et à des coûts environnementaux toujours plus conséquents. La baisse des crédits de la mission « Travail et emploi » d’environ 10 % relève à cet égard d’un coupable aveuglement.

Vos annonces ne portent pas en elles une croissance de long terme, mais relèvent d’un colmatage masquant avec peine les choix politiques irresponsables de ces dernières années et renvoyant le poids de vos errements aux générations futures. Le Gouvernement se focalise trop sur le déficit financier sans se préoccuper de l’emploi, de la compétitivité et de la transition environnementale que nous devons opérer.

Nous allons à nouveau vous proposer au cours de ces débats des mesures qui permettront d’engager dès aujourd’hui le redressement des comptes publics, le tout sans risque excessif pour la croissance. Ce sont des mesures qui consistent à maîtriser les dépenses, mais également à revenir sur la politique fiscale des dix dernières années, plus nettement que le gouvernement actuel n’a commencé à le faire.

Tout semble dépendre de votre capacité à tirer les leçons de vos échecs passés et de vos choix hasardeux et, au lieu d’attaquer le candidat socialiste, à prendre vos responsabilités face à la situation de notre pays. Sinon, c’est dans les urnes que vous serez sanctionnés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Vandewalle.

M. Yves Vandewalle. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, le budget proposé par le Gouvernement est un budget sage, qui vise à consolider le crédit de la France sans casser la croissance. C’est pourquoi je le voterai.

Cela étant, je voudrais poser quelques jalons pour l’avenir car il me paraît important d’expliquer aux Français que nous ne sommes pas condamnés à l’austérité.

Le premier point, c’est l’ardente obligation – j’emploie cette expression à dessein – de restaurer la compétitivité de notre appareil productif, non seulement industriel mais aussi agricole, pour renouer avec la croissance.

M. Jean Launay. Jusque-là, nous sommes d’accord.

M. Yves Vandewalle. En effet, depuis plusieurs décennies, nous avons pallié les effets négatifs d’une croissance trop faible par le déficit budgétaire et l’endettement ; or ce système est à bout.

M. Michel Vergnier. Nous sommes aussi d’accord sur ce point !

M. Yves Vandewalle. La véritable réponse au déséquilibre des finances publiques, c’est de soutenir le développement de nos entreprises pour retrouver une croissance plus forte. Nous le faisons déjà en matière d’innovation avec le crédit impôt-recherche et le « grand emprunt » ; il reste à le faire pour la compétitivité-coût.

En effet, depuis plus de trente ans, nous subissons les effets d’un chômage de masse démoralisant et coûteux, et nous y répondons par des mesures sociales, quand il faudrait des mesures économiques pour dynamiser nos entreprises et leur permettre de s’adapter aux défis de la mondialisation. Dans les années 60, la France a brillamment relevé le défi européen ; dans les années 90, elle a en partie raté celui de la mondialisation.

La priorité, c’est d’améliorer « la compétitivité par l’allégement de la taxation du travail et des coûts de production des entreprises » comme l’a écrit au mois de mars dernier la Cour des comptes. Vous l’avez compris, madame la ministre, j’appelle une nouvelle fois de mes vœux une réforme systémique du financement de notre modèle social, par une fiscalisation des cotisations sociales pesant sur les entreprises et leurs salariés.

M. Pierre Méhaignerie. Très bien !

M. Yves Vandewalle. L’enjeu en vaut la peine : l’amélioration de la compétitivité-coût de nos entreprises permettra le développement des exportations et l’augmentation des revenus nets, ce qui soutiendra la consommation. Vous l’avez compris : je suis en désaccord avec l’intervention du président de la commission des finances, mais cela ne surprendra personne.

Le deuxième point, c’est la consolidation de notre système bancaire qui était déjà prévue par Bâle III.

Il faut le faire avec discernement : les avatars du Crédit lyonnais nous ont vaccinés contre les remèdes simplistes que certains proposent encore. Pour autant, les dérives de la financiarisation de l’économie exigent des mesures énergiques de régulation, internationales et nationales, qui doivent être encore renforcées, sans pour autant freiner l’accès au crédit.

Il ne faut pas perdre de vue que les ressources des banques françaises, comme celles des compagnies d’assurance, sont constituées pour l’essentiel par l’épargne des Français. La crise des dettes souveraines mérite donc une grande attention : on sait que, par exemple, le fonds euros de l’AFER, l’Association française d’épargne retraite, qui compte un très grand nombre d’adhérents, contient environ 30 % de dettes souveraines, dont – fort heureusement pour les déposants – une forte part de dettes française et allemande et une très faible part de dette grecque.

L’argent des établissements financiers, c’est d’abord celui des Français, et nous avons le devoir de veiller à protéger leur épargne. C’est pourquoi le retour à l’équilibre des finances publiques est une impérieuse nécessité. Sinon, comme dans le passé, c’est par l’érosion monétaire que l’on réduira le poids de la dette publique, au détriment de tous les épargnants, et notamment des retraités. Les États-Unis sont déjà en train de le faire avec des taux d’intérêts négatifs ; ils ont programmé pour les prochaines années une inflation forte. En Europe, ce serait prendre le risque d’opposer une Europe du nord, budgétairement vertueuse, à une Europe du sud laxiste.

Mon troisième point porte sur les équilibres générationnels. Le 4 octobre dernier, sur France 2, j’ai entendu une jeune fille de vingt-quatre ans déclarer : « nous, on n’a pas d’avenir et eux, ils – entendez les générations plus âgées – se gavent de pognon ». L’affirmation est simpliste et provocante, mais on aurait tort d’éluder la question qu’elle pose et d’ignorer les difficultés qu’éprouvent les jeunes à se faire une place dans notre société.

M. Michel Vergnier. Ça aussi, c’est vrai !

M. Yves Vandewalle. Il est vrai qu’une reprise de l’inflation favoriserait un rééquilibrage au profit des jeunes générations.

Enfin, le saupoudrage fiscal agace les Français et rend le système plus complexe au lieu de le simplifier. Hervé Mariton a fort bien développé ce point hier soir, et je n’y reviens pas.

Après ces considérations très politiques, je voudrais poser deux questions précises.

La première porte sur le financement de la modernisation des transports en commun en Île-de-France. Les montants de la redevance pour création de bureaux et de la taxe sur les bureaux ont été considérablement augmentés au moment du vote de la loi de finances rectificative pour 2010.

Or ces augmentations ont été décidées sans étude d’impact, et il est rapidement apparu qu’elles créaient de graves distorsions de concurrence entre les territoires, avec des effets pervers aisément prévisibles sur l’aménagement du territoire francilien. En outre, elles sont incompréhensibles, car il n’y a pas de lien direct avec l’amélioration de la desserte par les transports en commun. II convient donc de revenir à un mode de calcul simple, rationnel et évolutif pour garantir un aménagement équilibré du territoire francilien.

C’est pourquoi je propose de remplacer l’actuelle taxe sur les bureaux par une taxe additionnelle uniforme, assise sur les loyers et les charges afin d’éviter toute tentative d’évasion fiscale. Ce mode de calcul est objectif, rationnel et évolutif. Il a surtout le mérite de refléter fidèlement l’attractivité de chaque site en Île-de-France, à toutes les échelles, contrairement à un zonage administratif qui sera toujours imparfait.

Ma seconde question porte sur les États-Unis, qui ont engagé, pour reprendre l’expression utilisée ce matin par le président de l’Autorité des marchés financiers, une « guerre financière » contre l’Europe, car l’euro met à mal l’hégémonie du dollar et ses avantages pour les États-Unis. Peut-on y mettre un terme, et comment ?

M. Richard Mallié. Très bien !

M. le président. La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. Tous les orateurs rappellent que ce projet de loi de finances est le dernier du quinquennat, et qu’il n’ira pas à son terme. Entre nous, madame la ministre, c’est sa principale vertu : clore la parenthèse Sarkozy et ne pas aller jusqu’au terme de l’année 2012…

Au-delà de l’exercice comptable, un budget, c’est une somme de volontés et d’orientations. Or, en toute sincérité, nous avons bien du mal à apprécier la direction que vous entendez donner à nos finances publiques.

La dette représente 85 % du produit intérieur brut ; c’est un chiffre record. On aurait pu imaginer que vous auriez poursuivi, amplifié, le travail sur les niches fiscales : il n’en est rien. Vous avez, ce printemps, sacrifié des recettes fiscales pour alléger l’impôt sur la fortune – mesure dont nous avons, les uns et les autres, signalé l’injustice, mais surtout l’inefficacité économique.

Avec de grands mouvements oratoires, vous parlez de rigueur. Mais vous oubliez que nos difficultés viennent de la faiblesse de notre croissance, et des inexplicables cadeaux fiscaux consentis à quelques-uns et payés par la nation tout entière. Le résultat de cette faiblesse et de ces cadeaux inouïs, c’est la hausse vertigineuse des déficits publics enregistrés depuis cinq ans. Ils sont passés de 50,3 milliards d’euros en 2007 à 148 milliards en 2010. Du jamais vu !

En 2012, avec les mêmes maux – croissance trop faible et cadeaux fiscaux – vous espérez réduire ce déficit. Vous savez bien qu’il n’en sera rien.

Aujourd’hui, dans une sorte de posture politique, vous essayez de dramatiser la situation. C’est votre calcul électoral : c’est la crise, on ne change pas les équipes au pouvoir. Faut-il vous rappeler que cette crise, c’est d’abord la vôtre ?

Ce budget aurait pu se fixer un autre objectif : la relance. Pour cela, il aurait été nécessaire d’encourager la demande et l’investissement. Or vous avez choisi de financer vos économies par des prélèvements sur la consommation, par des ponctions sur le pouvoir d’achat des ménages. Rien dans ce budget pour soutenir les Français, alors que la consommation des ménages assure pour l’essentiel la progression de notre PIB. Rien non plus pour encourager un investissement productif dont notre pays, et notre industrie en particulier, ont besoin.

Seule la recherche sera préservée. Le budget de l’emploi, lui, baisse dramatiquement, alors que le chômage croît de façon continue ; de même pour la politique industrielle et le soutien aux entreprises. Le programme 134 « Développement des entreprises et de l’emploi » sacrifie ces secteurs : ses dotations auront fondu de 9 % en deux ans.

Rien sur la dette, rien sur la relance, rien non plus sur la justice fiscale. De ce point de vue, votre budget 2012 est la caricature de cinq années d’outrances fiscales.

Le prélèvement sur les hauts revenus que vous proposez ne fera pas oublier quatre années de bouclier fiscal. Le caractère exceptionnel, mais aussi homéopathique, de cette taxe ne risque pas de vous transformer, madame la ministre, en chevalier blanc de l’équité !

Vous refusez d’instaurer une tranche supplémentaire pour les revenus invraisemblables de certains foyers fiscaux ; vous ne touchez pas à l’avantage fiscal, comme l’a rappelé hier le président Cahuzac.

Vous n’abordez pas davantage l’insupportable injustice que vivent nos entreprises : les plus petites, les moins capitalisées demeurent pénalisées par rapport aux plus grandes.

Cinq années d’injustices fiscales qui s’achèvent sur un budget indigent : voilà, mes chers collègues, ce qu’inspire, dans ces trois domaines – la dette, la relance, la justice fiscale – ce projet de loi de finances pour 2012.

Je voudrais terminer mon propos sur la question de la péréquation. Nous avons entendu hier l’intervention de qualité de notre ami Balligand. Je suis pour ma part l’un des rares élus – dans mon département, même les élus UMP ne viennent pas au secours du Gouvernement – à considérer que la démarche de l’exécutif sur le maillage territorial est nécessaire, et que le volet consacré à l’intercommunalité dans la loi portant réforme des collectivités territoriales doit inspirer les responsables ; aujourd’hui, les responsables, c’est vous, demain, ce sera nous. (Sourires.)

On peut contester le calendrier, on peut contester le pouvoir donné au préfet, mais on ne peut pas contester l’objectif, qui me paraît juste.

La conséquence de cette réforme devrait, à mon sens, être d’établir de nouvelles relations financières entre les collectivités. Or la suppression de la taxe professionnelle hier, la mise en place d’une péréquation nouvelle aujourd’hui, la contestation hier et aujourd’hui du rapport que les entreprises entretiennent avec leurs territoires bouleversent le paysage fiscal de nos collectivités.

Ce n’est pas ainsi qu’il convient d’agir. Il est temps de procéder par ordre, d’engager le vaste mouvement de décentralisation que notre pays attend depuis les années 80, d’affirmer les missions de chacune de nos collectivités, de clarifier les rapports entre l’entreprise et son environnement local, puis d’organiser le financement de nos institutions de premier rang.

Vous, vous faites l’inverse : vous établissez, en créant des strates dont nous savons tous que l’amplitude ne permet pas une véritable justice, une péréquation entre les collectivités locales, alors que nous avions besoin d’une vraie justice, d’une vraie solidarité, mais en même temps de collectivités capables d’agir.

Ce qu’a dit hier Jean-Pierre Balligand est tout à fait exact : je suis à la tête d’une collectivité qui a une longue tradition industrielle et qui compte quatorze sites Seveso, et je peux vous assurer que la suppression de la taxe professionnelle n’a pas modifié nos rapports. Ainsi Total, qui a son siège dans ma commune, m’a demandé de l’aider à financer un projet – que vous aviez d’ailleurs soutenu, madame la ministre, lorsque vous étiez chargée de la recherche – alors que c’est la première capitalisation boursière. Mais comme nous n’avons pas de visibilité et comme, année après année, vous établissez de nouvelles contraintes pour les collectivités, y compris pour celles qui ont des missions d’organisation et d’animation économique sur le terrain, nous ne sommes pas en mesure de répondre aux attentes des industriels.

Dans un souci de préserver notre outil productif, d’assurer un véritable aménagement du territoire, de permettre la construction de pôles industriels compétitifs et attractifs, je souhaite que vous preniez le temps de réfléchir aux nouvelles conditions de solidarité qui doivent exister entre les collectivités…

M. Michel Vergnier. C’est trop tard !

M. David Habib. …et qui méritent mieux qu’un article jeté dans un document budgétaire qui n’a donné lieu ni à évaluation ni à concertation avec les associations d’élus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Proriol.

M. Jean Proriol. Madame la ministre, j’approuve les données de base de votre budget : diminuer nos dépenses, faire des économies, réduire nos dettes, réduire le déficit de la France. Le cap sur la réduction de nos déficits est le fondement de notre crédibilité budgétaire et la base de ce budget tout à fait sincère.

Pour la deuxième année consécutive, les niches fiscales vont diminuer de 11 milliards, contre 10 milliards en 2011. Il reste à donner encore un coup de rabot de 1 milliard – 800 millions pour l’État et 200 millions pour les collectivités locales.

Les collectivités locales voient leurs crédits presque maintenus, en dehors de quelques grignotages dispersés dans les différentes lignes. Il faut que nous trouvions les moyens de vous apporter notre concours.

Je note que la DGF des communes et intercommunalités est sanctuarisée, ce qui est une bonne chose.

Je note aussi avec satisfaction que, dans l’attente de la création de l’Agence de financement des collectivités locales, le Gouvernement, via la CDC, accorde 3 milliards pour financer les prêts aux collectivités jusqu’à la fin de l’année. C’est un dépannage apprécié, suite à la raréfaction de l’offre de crédits des banques. Cela rassurera le secteur du BTP, très dépendant des commandes des collectivités locales.

Le projet de budget prévoit la création du Fonds national de péréquation des recettes fiscales intercommunales et communales que vient de critiquer M. Habib. Je ne partage pas tout à fait sa critique. L’article 58 est un monument de quatre pages, tant le sujet est difficile.

L’utilisation des groupes démographiques communs aux ensembles communaux et intercommunaux n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre pose quelques problèmes, de même que la compensation des transferts de compétences aux régions et départements par attribution d’une part de TIPP aux articles 10, 11 et 12 du projet de budget. Nous attendons quelques explications au moment du vote de cet article.

Les marchés, nous le savons, fonctionnent à toute vitesse. Ils vont plus vite que notre vie politique et même que nos débats. Mais ne parlons pas des décisions européennes ; toutefois, nous notons avec satisfaction que le Président de la République a réussi à convaincre les vingt-sept pays à créer ce Fonds européen de stabilité financière qui nous aidera peut-être à passer la crise.

J’en viens maintenant au renouvellement des concessions hydrauliques qui sera désormais réalisé par une mise en concurrence. D’ici à 2012, 20 % de la puissance hydroélectrique française seront attribués par appel d’offres à différentes sociétés. La Commission européenne nous y oblige, allant jusqu’à supprimer d’ailleurs le droit de préférence dont bénéficiait le concessionnaire sortant. Parfois même, elle nous invite à anticiper l’échéance de certains contrats de concessions moyennant versement d’indemnités. Vous nous proposez la création du compte de commerce dédié, qui retrace en dépenses les indemnités dues aux concessionnaires sortants en fin de concession, et en recettes les droits d’entrée. Ce compte comptabilisera des frais administratifs d’expertise et de procédure, voire d’assistance aux pouvoirs adjudicateurs, dans les domaines juridique, financier et d’ingénierie technique.

Il faut souhaiter que ces nouvelles procédures ne retardent pas cette mise en concurrence, dont il est attendu une dynamisation de la production hydroélectrique qui représente près de 12 % de l’énergie renouvelable française. Nous sommes encore loin de l’objectif puisque nous devons atteindre 23 % d’énergies renouvelables en 2020. C’est dire que nous devons aller vite pour tenir les échéances que nous nous sommes fixées.

Le grand rendez-vous est fixé pour ramener notre déficit actuel de 5,7 % à 4,8 % du PIB en 2012. Pour ce faire, vous pouvez compter sur le soutien de l’UMP et de bien d’autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collèges, oui la France traverse une période de crise autant morale que financière qui jamais, dans les temps récents, n’a menacé de dissoudre la nation et l’État, c’est-à-dire le lien social, la cohésion nationale et la sécurité pour tous et pour toutes.

Deux crises majeures et deux écueils nous guettent ; nous en voyons déjà les effets qui commencent à peine à peser dans nos économies et nos budgets.

Le premier, c’est une crise démographique. Nous vivons dans un pays où, depuis quelques années, le budget des comptes sociaux est supérieur à celui de la nation, où les possibilités budgétaires de l’État se limitent à peu plus de 20 milliards d’euros d’investissements, dont la moitié pour les efforts de défense nationale et de sécurité.

Cette crise démographique ne fait que commencer. Le vieillissement de la population lié aux progrès de la science au cours du XXe siècle, qui a vu l’espérance de vie passer de quarante ans en 1900 à plus de quatre-vingts ans aujourd’hui, menace lourdement l’équilibre de nos économies. Si nous n’y prenons garde, à un moment l’entrée de nouveaux actifs sera inférieure à la sortie des seniors. Des mesures courageuses ont déjà été prises mais nous sommes lucides : nous savons bien qu’elles sont insuffisantes et que de nouvelles mesures, encore plus courageuses, seront nécessaires. Ces mesures courageuses auront la particularité pour les gouvernants du moment d’être contradictoires avec les intérêts électoraux à court terme : l’état d’esprit, les sondages, les opinions publiques évoluent beaucoup plus lentement que la réalité des faits économiques.

La deuxième crise majeure est plus sociale : elle concerne plus particulièrement les classes moyennes, ces classes laborieuses qui créent des entreprises constituées de salariées, d’artisans, de commerçants, de paysans, d’agriculteurs, qui sont la source de la cohésion nationale et qui ont vu leur pouvoir d’achat quasiment stagner, en tout cas moins augmenter que celui des classes supérieures. Si nous n’y prenons garde, le sentiment de déclassement, l’arrêt de l’ascenseur social et républicain créeront une dissolution lente encore plus terrible avec une prolétarisation et une paupérisation accentuées. Et certaines mesures fiscales proposées par la représentation nationale, en fusionnant l’impôt sur le revenu et la CSG, ne feraient qu’améliorer dans le pire cette situation terrible pour les classes moyennes.

Nous ne pouvons pas non plus, madame la ministre, rester insensibles aux nécessaires réformes de la gouvernance mondiale et européenne. Il faudra bien que la France fasse à nouveau fortement entendre sa voix pour réformer la Banque centrale européenne.

M. Jacques Myard. Bravo !

M. Nicolas Dhuicq. Il faudra bien que cette banque centrale ne s’occupe plus seulement de la monnaie, mais aussi de l’économie…

M. Jacques Myard. Bravo !

M. Nicolas Dhuicq. …car la plaque continentale européenne est ouverte aux quatre vents de la mondialisation et de la concurrence sauvage internationale. Cette plaque européenne, moins protectionniste que nos alliés et concurrents américains, tenus eux-mêmes par une Chine toute-puissante qui conquiert aujourd’hui dans la zone Pacifique toutes les matières premières – ce qui fait que le président des États-Unis se trouve peut-être beaucoup plus contraint que le nôtre pour le moment –, doit enfin s’organiser pour créer à ses frontières les conditions d’un patriotisme économique européen préservant les grands équilibres mondiaux aujourd’hui gravement menacés.

Permettez-moi, madame la ministre, d’évoquer une partie de notre budget essentielle à mes yeux : la défense nationale. Prenons garde aux coupes budgétaires, alors qu’un euro investi dans la défense rapporte bien plus.

M. Jacques Myard. Très juste !

M. Nicolas Dhuicq. Plus de 80 % des brevets sont déposés par l’industrie aéronautique, les technologies duales, militaires et civiles sont extrêmement proches, et de nombreux ingénieurs travaillent, déposent des brevets et créent des richesses pour notre patrie et notre pays. Or la France, avec le Royaume-Uni, se trouve être le dernier pays européen totalement autonome en matière de défense nationale. Prenons garde, madame la ministre, à ne pas procéder à des coupes supplémentaires : nous perdrions irrémédiablement des compétences que nous ne récupérerions jamais.

Le niveau de vie de nos compatriotes, et plus encore des enfants et des générations à venir, dépendra dans les années à venir du courage politique de la représentation nationale prête à sacrifier les intérêts à court terme pour préparer l’avenir, à réformer l’Europe, à permettre à la France de faire entendre à nouveau sa voix dans le concert des nations.

Madame la ministre, le gaulliste que je suis votera votre budget plus par raison que par passion. Nous devrons sans doute l’améliorer et le camarade qui me suivra dans quelques instants reparlera, j’en suis sûr, de la construction européenne.

Voilà pourquoi nous sommes extrêmement attentifs à votre projet de loi de finances initiale. Nous vous soutiendrons, tout en gardant un œil critique sur certaines réformes.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin.

Mme Annick Girardin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collèges, j’associe mes collègues radicaux de gauche et apparentés à cette intervention.

Nous entamons l’examen du budget, moment fort de la vie parlementaire, mais malheureusement, cette année encore, moment faible en termes d’ambition politique.

Oui, votre projet de budget manque cruellement d’ambition. En ces temps plus que tourmentés économiquement, et alors qu’une véritable réforme fiscale – certains parleront d’une révolution – est attendue, vous nous proposez un budget en demi-teinte, qui ne répond en rien aux difficultés actuelles et à la faible croissance qui nous menace, voire pire, à la récession.

Et pourtant, quelques annonces semblaient aller dans le bon sens, comme la taxe sur les hauts revenus, mais elles demeurent ou exceptionnelles ou mal ficelées. Ces mesures prouvent au moins une chose : vous ne croyez plus vous-mêmes aux idées que vous avez toujours défendues.

Vous souteniez l’idée d’une économie du ruissellement du haut vers le bas : plus on donne aux riches, plus les pauvres en profitent. Vous reconnaissez désormais que cette politique anti-redistributive, que l’on a testée un peu partout dans le monde depuis trente ans, ne mène à rien, qu’elle est l’une des raisons de la crise économique actuelle mais surtout qu’elle a provoqué une rupture dans notre système fiscal, et c’est sur ce point que je voudrais m’arrêter.

Notre politique fiscale marche à l’envers. Les radicaux de gauche, mais également tous les républicains progressistes depuis près d’un siècle, ont âprement défendu la progressivité de l’impôt. Cette idée n’allait pas de soi au début, la logique étant à la proportionnalité de l’impôt. Or on fait désormais tout le contraire, puisque nombre d’études démontrent que l’imposition devient de plus en plus dégressive.

La politique fiscale que vous menez depuis dix ans, à coup de niches fiscales et d’allégements pour les plus riches, en est la principale raison. Et, comble de l’histoire, après avoir allégé l’impôt sur la fortune de près de 2 milliards d’euros il y a moins de trois mois, vous prétendez inverser cette tendance en créant une contribution temporaire de quelques centaines de millions d’euros. C’est une escroquerie politique.

Mais surtout, quelle est la conséquence de cette dégressivité de l’impôt, hormis des rentrées fiscales en moins ? Elle entraîne une défiance des contribuables face à l’impôt. Et cette défiance est double : elle est à la fois verticale, envers l’État, qui est accusé de favoriser les plus riches et certains privilégiés, qu’il s’agisse de particuliers ou d’entreprises, mais aussi horizontale, entre les contribuables qui se soupçonnent les uns les autres de dissimuler au maximum leurs revenus, d’utiliser de performantes stratégies d’optimisation fiscale sous la bienveillance de l’État, et au final de ne pas s’acquitter des impôts qu’ils doivent.

Il est plus que nécessaire de sortir de cette logique de défiance pour en revenir à une logique de consentement à l’impôt. On a vu avec l’exemple grec ce qui peut arriver lorsqu’un peuple utilise tous les procédés possibles pour diminuer l’impôt qu’il doit.

Voilà pourquoi, avec mes collègues députés radicaux de gauche, nous défendrons plusieurs amendements visant à rendre notre système fiscal plus progressif. Nous proposerons, entre autres mesures, la création d’une tranche supérieure de l’impôt sur le revenu, un nouveau coup de rabot sur les niches fiscales – pas sur toutes, bien entendu, mais sur celles inefficaces et injustifiées –, ou encore le retour à l’ancien barème de l’ISF.

L’impôt sur les sociétés est également de plus en plus dégressif. Nous avons déposé à ce titre une proposition de résolution visant à la création d’une commission d’enquête sur les délocalisations fiscales. En effet, pour payer moins d’impôts et de salaires, les multinationales jouent sur la concurrence fiscale et les prix de transfert. Il est urgent de lutter plus pertinemment contre ces groupes qui profitent des lacunes des dispositifs fiscaux nationaux et de l’absence de gouvernance économique et fiscale européenne pour détourner les bénéfices réalisés en France et organiser leur fuite.

Alors que le Gouvernement, confronté à un déficit abyssal des comptes de l’État, a présenté un budget en apesanteur qui ne lui ramènera ni la confiance des marchés, ni celle des Français, il est sidérant de constater que la perte due aux délocalisations fiscales est estimée entre 50 et 70 milliards d’euros.

Je ne puis conclure cette intervention sans quelques mots sur l’outre-mer. L’attitude du Gouvernement, les mesures qui en résultent figurant dans la première partie du projet de loi de finances, sont jugées par de nombreux élus ultramarins comme proprement méprisantes, et je tiens à vous alerter quant aux dangers d’une telle conduite, notamment quant à leurs effets dépressifs sur l’activité.

Tout récemment, les entrepreneurs d’outre-mer ont exprimé leur inquiétude légitime quant à l’impact qu’aura sur les très petites entreprises des départements d’outre-mer, la suppression annoncée de l’abattement – d’un tiers seulement – sur leurs bénéfices. Quelle réponse leur a-t-on donné ? On leur a tout bonnement expliqué que, de toute façon, les très petites entreprises ne font pas de bénéfices… Mais de qui se moque-t-on ? Revenez dans la vraie vie ! Ces TPE forment une part essentielle du tissu économique en outre-mer, au moins autant qu’en métropole, et tout particulièrement en matière d’emploi. L’enjeu est donc de taille.

Et comme si cela ne suffisait pas, on découvre dans ce PLF que l’enveloppe destinée à l’incitation fiscale en faveur des investissements productifs réalisés en outre-mer – le dispositif dit « Girardin industriel » – diminue de 260 millions d’euros, et sans aucune explication !

M. Dominique Baert. En effet, pourquoi diminuer le Girardin ?

Mme Annick Girardin. Au total, ce projet de loi de finances réduit de 460 millions d’euros les seuls dispositifs de soutien à l’activité économique en outre-mer, soit un montant plus de deux fois supérieur à l’effort exceptionnel demandé aux plus riches, évalué encore pour l’instant à 200 millions d’euros.

S’il est légitime que tous les outre-mer participent à l’effort pour rétablir les comptes publics et réduire le déficit, il n’est pas admissible que cela se fasse de manière inéquitable.

Ce qui est certain, c’est que de telles politiques, induisant à la fois un climat de défiance, une insécurité fiscale et une impossibilité à se projeter, ne permettront effectivement pas aux petites entreprises des départements d’outre-mer de se développer, de faire des bénéfices et de créer de l’emploi.

Mes chers collègues, ce n’est malheureusement là qu’un exemple supplémentaire et particulièrement frappant des conséquences néfastes de cette politique de bricolage fiscal menée par cette majorité depuis dix ans maintenant, politique à laquelle il est très clairement grand temps de mettre un terme. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier. Si l’entêtement était une qualité, madame la ministre, vous mériteriez plusieurs César ce soir !

M. Dominique Baert. Quel poète !

M. Michel Vergnier. Les années se suivent et se ressemblent : vous reprenez les mêmes recettes, vous changez quelques ingrédients, une toute petite pincée de taxe sur ce que vous appelez les hauts revenus – encore ne s’agit-il vraiment que des très hauts revenus –, un peu moins de sucre dans les boissons et le tour est joué. Cela vous amène évidemment à affirmer que vous avez trouvé l’équilibre. Il n’en sera rien : les mauvaises recettes ne font pas de bons plats et je crains que le vôtre ne soit quelque peu indigeste !

Indigeste pour les salariés tout d’abord qui doivent ajouter un cran à la ceinture qu’ils se serrent un peu plus chaque jour et qui ont la très désagréable sensation qu’on les oublie. Vous aviez promis une prime de 1 000 euros dans de nombreuses entreprises, mais il n’en sera rien – il serait intéressant que nous fassions très rapidement le point sur cette promesse. Pire, la taxe supplémentaire que vous prélevez sur les mutuelles que vous contraignez, malgré vos affirmations, à augmenter leurs cotisations, puisque la taxe sera reconduite chaque année, aura des répercussions sur le pouvoir d’achat et bien entendu sur la santé puisque de plus en plus de gens, on le vérifie déjà, ne peuvent plus se faire soigner correctement.

Je ne peux m’empêcher de penser à mon lointain prédécesseur, lui aussi élu de la Creuse, Martin Nadaud, député ouvrier des années 1870 et 1880, auteur de la loi sur les accidents du travail, laquelle reconnaissait la responsabilité des employeurs, quand je constate que vous vous apprêtez à taxer les indemnités réparatrices – car il s’agit bien d’indemnités réparatrices. Cela me choque profondément.

Indigeste aussi pour les demandeurs d’emplois, toujours plus nombreux et qui ne comprennent pas votre entêtement à maintenir contre tous les avis d’experts les exonérations de cotisations sur les heures supplémentaires qui profitent certes à quelques-uns – ne le nions pas – mais qui en pénalisent tellement d’autres. Ce déficit de l’emploi, nous le regrettons comme vous ; mais vous n’agissez pas réellement en dehors des emplois aidés que vous avez pourtant critiqués à de nombreuses reprises quand nous les avions mis en place. Vous ne parvenez pas à réduire significativement le chômage, ce que nous regrettons.

Vous avez eu le temps – dix ans –, vous avez bénéficié de la stabilité politique avec des majorités importantes à l’Assemblée et au Sénat, mais vous n’avez pas pris, contrairement aux pays qui nous entourent, les mesures qui s’imposaient. Vous évoquiez les 35 heures ; si vous les jugiez aussi néfastes que cela, la loi peut changer la loi et il fallait donc le faire !

Indigeste également pour les collectivités territoriales. Vous voulez leur demander un nouvel effort. Pourquoi pas ? Mais, bien entendu, vous le faites sans prendre en compte les réelles capacités contributives de chacune.

La bonne idée de la péréquation – car c’est une bonne idée – ne semble en effet correspondre à aucune réalité de rééquilibrage. Cette mesure sera par conséquent totalement contre productive. Moins de moyens, ce sont moins d’investissements, et moins d’investissements, ce sont les entreprises locales qui vont pour l’essentiel en subir les conséquences. Avez-vous, par l’intermédiaire de vos collaborateurs, des contacts avec elles ? Rencontrons-nous les mêmes ?

Vous faites l’inverse de ce qu’il faudrait faire pour certaines collectivités. C’est simple, madame la ministre, aidez les collectivités à investir : les maires ont dans leurs cartons de nombreux projets, des projets intéressants. Ce serait bon pour les entreprises, bon pour l’emploi. Malheureusement, cela ne sera pas le cas.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Et le FCTVA ?

M. Michel Vergnier. Je vous propose de passer ensemble un contrat gagnant-gagnant…

M. Jacques Myard. On l’a déjà fait et on s’est fait avoir !

M. Michel Vergnier. …car il ne s’agit pas de donner de l’argent pour rien, plutôt que de donner un ticket perdant-perdant.

Votre menu est donc un peu fade, mais nous allons avoir le temps de l’améliorer ensemble. Nous allons vous proposer des amendements ; nous espérons qu’ils seront examinés avec un esprit d’ouverture et non avec un esprit partisan.

Ne vous obstinez pas dans une coupable surdité. Ne faites pas vôtre la citation « il n’est pire sourd que celui qui ne veut entendre ».

M. Dominique Baert. Ça…

M. Jacques Myard. Ne la faites pas vôtre non plus !

M. Michel Vergnier. À l’issue de la législature qui s’achève, on fera le bilan de votre action et de l’état de notre pays, et vous en serez comptables. On pourra dire que vous aurez au moins réussi à protéger les riches, à multiplier les niches…

M. Jean Mallot. Ah ça, ils ont pris soin d’une certaine biodiversité !

M. Michel Vergnier. …mais que, malheureusement, vous aurez été les acteurs des illusions perdues et des promesses non tenues : le candidat du pouvoir d’achat est devenu le Président anti-achat ; vous étiez censés éradiquer les paradis fiscaux, dresser les banquiers voyous… voyez comme ils tremblent !

M. Jean Mallot. Ils tremblent de rire, oui !

M. Michel Vergnier. Cela fait sourire tout le monde tant la ficelle était grosse, mais aujourd’hui les sourires se sont figés.

Oui, votre menu était indigeste mais, pour beaucoup, ce sera plutôt la diète. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Heinrich.

M. Michel Heinrich. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans la continuité de 2011, on nous propose un projet de loi de finances qui allie réduction des déficits et soutien à l’activité.

La réduction des déficits publics dans la zone euro est un impératif d’abord économique : l’endettement public est devenu insupportable et la crise a massivement aggravé la situation des finances publiques.

Ce projet de budget préserve l’emploi et la compétitivité de nos entreprises. Le crédit d’impôt recherche est ainsi maintenu ; ce dispositif est essentiel pour les entreprises et particulièrement les entreprises de taille moyenne.

Le texte se caractérise par la maîtrise des dépenses de l’État. Cet effort est sans précédent et cela grâce à l’action du Gouvernement. Ces économies proviennent d’un ensemble de réformes de fond. Pour la première fois, les dépenses de l’État, hors dettes et pensions, vont baisser en 2012.

M. Dominique Baert. On peut s’en féliciter !

M. Michel Heinrich. Grâce au non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux, avec la règle de partage du gain juste – 50 % pour la diminution du déficit et 50 % pour augmenter le pouvoir d’achat des fonctionnaires –, pour la première fois, la masse salariale baissera de 200 millions d’euros.

La révision générale des politiques publiques a permis la réduction sensible du train de vie de l’État. On l’a rappelé hier : 10 000 véhicules de fonction ont été supprimés, 300 000 mètres carrés de bureaux administratifs ont été restitués ou vendus, les factures informatiques et téléphoniques ont été divisées par deux.

La diminution de la dépense fiscale par la réduction des niches pratiquée avec discernement, puisque protégeant l’emploi, sera poursuivie.

Le texte met également les collectivités territoriales à contribution.

Le projet de budget continue à protéger les plus fragiles…

M. Jean Mallot. Vous ne manquez pas d’humour !

M. Michel Heinrich. …puisque le minimum vieillesse et le montant de l’allocation adulte handicapé auront progressé de 25 % au cours du quinquennat.

M. Jean Mallot. Vous aurez bien mérité de l’UMP ! Vous allez l’avoir, votre investiture !

M. Michel Heinrich. La réduction du déficit passe par une réduction de la dépense publique, mais ne peut se passer de l’augmentation des recettes. En taxant des comportements à risque, des efforts seront également demandés aux grandes entreprises plutôt qu’aux PME.

Les Français, en particulier les classes moyennes, sont prêts à comprendre qu’ils doivent fournir des efforts. Reste que pour qu’ils soient mieux acceptés, ils doivent encore être mieux partagés. C’est ce que je ressens au contact de mes concitoyens. C’est pourquoi j’ai signé et soutenu l’amendement visant à créer une nouvelle tranche marginale de 46 % au lieu de 41 % portant sur la fraction de revenus supérieurs à 150 000 euros par part.

M. Jean Mallot. Ça, c’est bien !

M. Michel Heinrich. J’ai certes intégré la taxation à 3 % des revenus supérieurs à 250 000 euros et à 4 % de ceux excédant 500 000 euros, mais cette disposition est vraiment perçue…

M. Jean Mallot. Comme cosmétique ! Autant leur demander des pièces jaunes !

M. Michel Heinrich. …comme insuffisante par nos concitoyens. L’acceptation de cette tranche nouvelle ne serait pas en contradiction avec votre engagement à ne pas céder à une augmentation générale des impôts : elle toucherait les plus aisés à un niveau tout à fait acceptable par les personnes concernées.

Votre projet a été réalisé avec un souci d’équité et je reste convaincu que l’intégration de cette tranche supplémentaire, outre, bien sûr, la recette supplémentaire qu’elle apporterait, faciliterait dans l’opinion publique l’acceptation des mesures courageuses que doit prendre le Gouvernement face à la crise.

M. Jean Proriol. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Yves Deniaud.

M. Yves Deniaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis trente-sept ans la France n’a pas connu de budget exécuté en équilibre.

M. Dominique Baert. Depuis cinq ans non plus !

M. Yves Deniaud. Depuis trente ans, elle n’en a pas connu voté en équilibre.

Il est loin, le temps du président Pompidou, où les lois de finances rectificatives servaient à répartir un excédent finançant des collèges neufs, quelques dizaines de kilomètres d’autoroute, voire une ou deux escadrilles de Mirage pour l’armée de l’air !

M. Dominique Baert. De nos jours, on utilise des Rafale !

M. Yves Deniaud. On n’y pense même plus tellement le déficit nous paraît naturel.

Nous n’avons connu aucun répit, contrairement à nos voisins anglais, espagnols ou irlandais qui, il y a quelques années, ont un moment bénéficié d’un excédent budgétaire.

En 2008 et 2009 nous avons pu avec promptitude et énergie sauver notre système bancaire sans frais et même avec intérêt, et surtout soutenir l’activité et limiter la décroissance en 2009 à 2,5 %, le plus faible niveau des grands pays frappés par la crise.

Aujourd’hui, la France, comme les autres pays, n’a plus le choix. Pendant trente-sept ans, nous avons cru que nous pourrions indéfiniment continuer de faire de l’investissement, mais surtout, hélas, du pouvoir d’achat, du social, du fonctionnement administratif, du « toujours plus » à crédit, sans nous soucier d’avoir pu au préalable produire les moyens financiers.

Tout cela, c’est fini ! Le message qui nous est transmis va bien plus profond que la simple alerte d’une agence de notation, et s’adresse d’ailleurs à tous les pays anciennement développés. Ce message dit que nous devons retrouver l’équilibre sans tarder et commencer à réduire le stock de dette. Faute de quoi, on ne nous prêtera que si peu et si cher que ce sera l’effondrement pur et simple de notre modèle social.

Les pays émergents captent maintenant la moitié des investissements internationaux. Sans doute dépasseront-ils cette proportion dès cette année 2011. Le jugement qui fonde la décision d’investir est le même qui fonde la décision de prêter. Nous savons donc ce qui nous attend.

Que doit-on faire ? Très exactement suivre la ligne de crête choisie depuis cinq ans : un vrai effort d’économie budgétaire à la fois sur les dépenses réelles et les dépenses fiscales – sans excès, car il faut préserver une croissance fragile –, accompagné d’une action de fond et d’envergure pour l’innovation et la recherche, qui sera payante pour notre développement futur.

L’actualité immédiate de la déclaration de Moody’s devrait nous remémorer ce par quoi une autre agence, avant l’été, expliquait notre triple A : notre démographie favorable, atout qu’au sein de l’OCDE nous ne partageons qu’avec l’Irlande, le Canada et les États-Unis ; notre énorme épargne privée, notamment les 1 400 milliards de l’assurance vie ; notre action publique enfin, en particulier la réforme des retraites et la politique budgétaire.

Ces explications sont de bon sens et doivent nous conforter dans nos choix. Elles nous indiquent, à rebours, ce qu’il ne faut pas faire : toucher à la politique familiale, apeurer l’épargne, revenir sur la réforme des retraites, augmenter les impôts, accroître de nouveau la dépense publique et recruter davantage de fonctionnaires. Bref, il ne faut pas adopter le programme socialiste…

M. Jacques Myard. Ça, on le sait !

M. Yves Deniaud. Cette loi de finances pour 2012, en revanche, évite ces écueils, s’inscrivant dans la continuité du sérieux, de la constance, de la volonté lucide des quatre qui l’ont précédée. Puisse-t-elle être exécutée aussi rigoureusement. Notre crédibilité, et notre sort, tout simplement, en dépendront

Revient, comme chaque année, le sempiternel débat sur l’hypothèse de croissance. J’ai assez ironisé sur les prévisionnistes, du surnom de Nostradartus donné à l’un des plus éminents à la citation de Pierre Dac : « On a inventé les économistes pour que les météorologues et les cartomanciennes se sentent moins seuls ». (Sourires.) Mais, plus sérieusement, regardons l’année 2011. Un premier trimestre à 0,9 %, bonne surprise suivie immédiatement d’une mauvaise : 0 % au deuxième ; peut-être 0,3 % au troisième ; et, soyons clairs, la bouteille à l’encre pour le quatrième. Et pour 2012…

Les prévisions de l’an dernier, fondées sur les éléments de l’économie réelle, auraient sûrement été dépassées sans les soubresauts liés à l’affolement financier de ces derniers mois.

Quand on regarde sereinement les résultats réels des entreprises, y compris et surtout des banques – il en sera publié bientôt –, et l’exposition de ces mêmes banques aux dettes des pays à risques, on peut difficilement admettre qu’à coup de fausses rumeurs et de high frequency trading, on ait effondré les cours, et les capitaux qu’ils représentent, dans des proportions infiniment supérieures aux risques encourus. Après tout, le PIB de la Grèce, ce n’est que 3 % de celui de l’Union. Après tout, de quel droit considérer un grand pays, l’Italie, comme étant un pays à risque ? Certes sa dette est de 120 % du PIB, mais l’Italie est en excédent primaire, ce qui va la faire baisser, alors que nous serons encore éloignés de l’excédent primaire de 32 milliards en 2012.

Si, comme nous l’espérons, le sommet européen puis le G20 donnent des résultats positifs, on peut observer un regain d’optimisme financier, cessant de freiner artificiellement l’économie réelle, permettant que l’effort de fond accompli en faveur de la recherche et de l’innovation, la disparition de la taxe professionnelle, l’utilisation à plein des sommes dégagées pour les dépenses d’avenir jouent pleinement. Alors l’estimation de croissance à 1,75 % – 1,50 % suffisant pour ne rien changer au budget – s’avérera fondée.

Mais compte tenu de la volatilité des marchés financiers, l’important, c’est l’engagement de respecter, quoi qu’il arrive, la réduction à 4,5 % du PIB de notre déficit en 2012 et les précautions nécessaires pour ajuster scrupuleusement les dépenses à ce chiffre. S’il vous plaît, les dépenses de fonctionnement seulement : l’abandon par l’État de l’investissement a déjà causé suffisamment de dégâts !

Et puis, l’angle de vision que m’offrent mes fonctions relatives à l’immobilier de l’État sur le fonctionnement d’ensemble de nos administrations et de nos opérateurs me permet d’affirmer haut et fort que le champ des économies est très loin d’avoir été entièrement exploré, que des comportements, des habitudes anciennes, voire séculaires, extrêmement coûteuses prévalent encore, y compris à des niveaux ministériels qui devraient être exemplaires.

M. Jean Mallot. Des noms !

M. Yves Deniaud. Je les donnerai.

Madame la ministre, je sais votre détermination sans faille, votre volonté exemplaire, même si elles sont toujours précédées d’un sourire. Pour cette raison, je ne doute pas un instant de votre réussite et de celle du Gouvernement.

M. Jean Mallot. C’est la méthode Coué !

M. Yves Deniaud. D’ailleurs, la France ne pourrait supporter notre échec. Donc, nous réussirons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Baert. Ça, c’est vraiment la méthode Coué !

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Madame la ministre, le Gouvernement et l’UMP prétendent vouloir réduire les déficits. Un récent rapport de l’IGF a noté les différentes niches sociales et fiscales existantes. Je voudrais m’arrêter sur l’une d’entre elles : ce système absolument unique au monde qu’ont inventé l’UMP et son gouvernement en 2007 : il s’agissait à l’époque de mettre en œuvre le fameux slogan de campagne de Nicolas Sarkozy, « travailler plus pour gagner plus ». Je veux parler, bien sûr, de l’article 1er de la loi TEPA : défiscalisation et exonération de cotisations patronales et salariales des heures supplémentaires.

Voilà une mesure qui coûte plus cher au budget de l’État qu’elle ne crée de richesses dans l’économie globale.

M. Christian Eckert. Quelle réussite !

M. Jean Mallot. Qui plus est, les 4,5 milliards en question, qui coûtent 0,23 % de PIB et ne créent, par le pouvoir d’achat distribué, que 0,15 % de PIB, sont financés par la dette. Vraiment, il fallait le faire !

Nous avons réalisé, pour le compte du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée, un rapport d’information co-rédigé par Jean-Pierre Gorges, député UMP, et moi-même. C’est vous dire le consensus. D’ailleurs, Jean-Pierre Gorges et moi-même sommes totalement d’accord sur le diagnostic qu’il convient de porter sur cette mesure. Il viendra vous en parler tranquillement, madame la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est déjà fait.

M. Jean Mallot. Ce rapport a largement été rédigé par lui. Nous divergeons sur la troisième préconisation, mais sur le diagnostic, nous sommes totalement d’accord.

Je précise qu’il ne s’agit pas de parler de la bonification de 25 % des heures supplémentaires. Cette majoration demeure, et c’est bien comme ça. Il s’agit de parler de l’avantage fiscal et social supplémentaire accordé par cette niche.

Cet avantage se décompose pour ainsi dire en quatre parties.

La première, c’est l’exonération de cotisations patronales. Elle coûte 700 millions d’euros, ce n’est pas rien.

La deuxième partie, c’est la non-prise en compte des heures supplémentaires dans le calcul des allégements généraux de cotisations sur les bas salaires, les fameux allégements Fillon. Son coût est de 600 millions d’euros. Le Gouvernement propose, dans le PLFSS pour 2012, de supprimer cet avantage. Très bien.

La troisième partie, c’est la défiscalisation elle-même de la rémunération correspondant aux heures supplémentaires, qui coûte à la puissance publique 1,4 milliard d’euros, excusez du peu.

Le quatrième morceau, si je puis dire, ce sont les exonérations de cotisations salariales, pour un coût de 2,3 milliards.

L’évaluation à laquelle nous avons procédé aboutit au constat suivant : l’objectif de « travailler plus » n’est pas atteint ; l’effet d’aubaine est maximum. Le système n’a pas créé plus d’heures supplémentaires. Qu’on en juge. En 2007 : 730 millions d’heures supplémentaires. En 2008 : 727 millions. En 2009, et c’est logique : 677 millions. En 2010 : 704 millions. On a là un socle de base, incompressible, entre 650 et 700 millions d’heures supplémentaires qui de toute façon ont bénéficié d’un effet d’aubaine, puisqu’elles allaient être faites en tout état de cause.

Le système a révélé des heures supplémentaires déjà effectuées par les salariés, notamment dans les entreprises où les 35 heures étaient censées s’appliquer mais dans lesquelles les salariés continuaient à travailler 39 heures sans que pour autant les heures supplémentaires réellement effectuées ne soient déclarées comme telles. Et c’est d’ailleurs un des paradoxes de votre mesure, mesdames et messieurs de la droite, que d’avoir cristallisé les 35 heures, en les rendant opportunes pour le patron et le salarié. Je rappelle simplement que les 35 heures n’empêchent pas de travailler plus, mais qu’elles fixent une borne à partir de laquelle l’heure supplémentaire est rémunérée comme telle, de façon majorée.

Je passe rapidement sur les effets négatifs sur l’emploi. L’effet d’éviction a été décrit à maintes reprises. Il est plus avantageux pour le patron de faire faire des heures supplémentaires que d’embaucher un intérimaire ou un salarié en contrat à durée déterminée. Tout cela a été largement expliqué.

Pour ce qui est du deuxième objectif, « gagner plus », il est certes rempli – forcément, puisque l’on distribue de l’argent public. Mais la question se pose de savoir si cette distribution d’argent public est efficace, et s’il n’y a pas d’autres manières, plus efficientes pour l’économie et pour l’emploi, d’utiliser cet argent. Jean-Pierre Gorges et moi-même avons formulé à cet égard des préconisations : sur les deux premières, que je vais présenter rapidement, nous sommes évidemment d’accord.

La première, c’est la remise en cause du mode de calcul du montant des allégements généraux de charges – ce qu’on appelle la formule Fillon. Sur ce point, le Gouvernement nous suit, et j’espère que sa majorité nous suivra également, dans le PLFSS.

Sur la deuxième en revanche, il ne semble pas que ce soit le cas : je veux parler de la remise en cause de l’exonération de cotisations patronales, qui n’a aucune justification économique d’aucune sorte, puisque l’on subventionne avec de l’argent public, dans l’entreprise, l’heure supplémentaire, c’est-à-dire celle qui lui rapporte déjà plus, celle qui « marge » le plus. Et comme le dit très justement mon collègue Gorges, c’est la première heure qu’il faut subventionner, et non l’heure supplémentaire. Nous avons préparé des amendements dans ce sens et j’espère que vous les voterez.

La troisième préconisation porte sur la défiscalisation, mesure très injuste, puisqu’on en bénéficie avec un différé d’un an. Ceux qui en bénéficient sont évidemment les foyers imposables, donc ceux qui ont déjà des revenus tendanciellement supérieurs à ceux des autres. Je préconise pour ma part – mais sur ce point, Jean-Pierre Gorges n’est pas de mon avis – la suppression de cette mesure, dont le coût est de 1,4 milliard, somme qui permettrait éventuellement de remplacer cette défiscalisation par une augmentation de la prime pour l’emploi, qui, elle, est beaucoup plus juste et soutient le pouvoir d’achat.

On peut également envisager de faire porter la défiscalisation uniquement sur la partie majorée de l’heure supplémentaire – les 25 % – ou de retenir une formule de plafonnement de l’avantage fiscal. On peut en discuter. C’est l’objet du débat.

La dernière préconisation porte sur les exonérations de cotisations salariales – coût : 2,3 milliards. Neuf millions de salariés en bénéficient, certes. Le montant médian de ce surcroît de revenu est d’environ 350 euros par an : je comprends que cela les intéresse. Mais nous considérons qu’une utilisation plus efficiente de cet argent public est possible, notamment en créant ce que nous appelons les emplois d’avenir, qui auront un effet d’entraînement sur l’économie. À l’inverse, je l’ai démontré tout à l’heure, la formule actuelle est très onéreuse pour les finances publiques et inefficace.

Je terminerai, monsieur le président, puisque vous m’y invitez, par un rapide plaidoyer pour les études d’impact préalables, indispensable, y compris pour l’avenir. Jean-Pierre Gorges et moi-même avons beaucoup travaillé sur ce sujet. Toutes les notes et toutes les études que nous avons retrouvées, qui datent de la période 2006-2007, c’est-à-dire avant la mise en œuvre de cette mesure, toutes dissuadaient le candidat Sarkozy de l’instaurer. L’effet d’aubaine massif était évident, il était décrit, il était prévisible, il était prévu. Mais il a été volontairement ignoré. C’est regrettable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Madame la ministre, qu’il me soit permis de saluer votre courage. Vous présentez un budget de rigueur, un budget difficile, car le cadre européen dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui ne nous laisse aucune marge de manœuvre. Je vais y revenir.

Votre budget fait passer le déficit de 95,5 milliards en 2011 à 81,8 milliards en 2012. L’effort est remarquable. Vous y parvenez grâce à la réduction des dépenses, notamment par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, et au moyen de recettes nouvelles, dont le moins que l’on puisse dire est qu’elles sont fort diverses et fort variées, notamment par la suppression des fameuses niches fiscales.

M. Jean Mallot. Vous n’en supprimez pas !

M. Jacques Myard. Que les choses soient claires : faire des économies est toujours un objectif lorsqu’il s’agit de deniers publics. C’est une nécessité incontournable lorsqu’il s’agit d’économies structurelles et de simplification, à service public constant et performant.

La simplification administrative doit être systématiquement recherchée. De surcroît, personne ne remettra en cause la réforme des retraites rendue nécessaire par l’allongement de la durée de la vie.

Cela étant, la politique que vous poursuivez à l’instar de ce qui se pratique partout en Europe est-elle capable de maîtriser et de réduire la dette publique, qui s’élève, en France, à 1 700 milliards d’euros ? Permettez-moi d’en douter fortement.

On ne réduira pas la dette des États européens par de simples réductions de dépenses et par l’augmentation fiscale. Car cette politique, qui répond à une vision monétariste des traités européens et de la BCE, sous l’œil inquisitorial des agences de notation, est en réalité obsolète et décalée par rapport à la situation présente. Au passage, je le rappelle, on ne règle pas par avance la conduite de l’économie dans des traités. L’économie, c’est d’abord la souplesse, l’ajustement permanent de tous les facteurs de production, des taux monétaires internes et externes, et des prix.

Cette politique de déflation, qui prévaut partout en Europe, est vouée à l’échec, car elle aboutit inéluctablement à la baisse de la croissance et à la montée des troubles sociaux, comme on le voit aujourd’hui venir en Grèce, au Portugal, en Italie.

Je reconnais que le Gouvernement a jusqu’à présent été avisé dans ses choix. Mais l’économie française sera directement affectée par l’économie de ses partenaires européens, dont la croissance est en chute libre.

Alors, que faire ? Il n’y a pas de solution dans le cadre de la politique monétaire actuelle de la BCE. Il faut impérativement faire baisser l’euro sur les marchés des devises : c’est de la responsabilité des chefs d’État et de gouvernement – je vous renvoie à l’article 109 du Traité. La cherté et la surévaluation de l’euro nous ont coûté entre 0,5 % et 1 % de croissance chaque année depuis sa création. Sans compter le million de chômeurs que M. Trichet a généré de 1993 à 2000 par sa politique du franc fort, lorsqu’il a cadenassé le franc au mark !

Il faut ensuite monétiser la dette par des avances directes à taux zéro aux États pour réinjecter des liquidités dans l’économie en investissant, et se soustraire aux diktats des marchés.

J’entends déjà les monétaristes ringards et dogmatiques hurler au scandale, dénonçant la planche à billets et agitant le chiffon de l’inflation et la violation des traités. Le rachat des OAT sur les marchés secondaires, depuis le 10 mai 2010, est déjà contraire aux traités, alors, de grâce, ne parlons pas de ces traités obsolètes. Tout traité ne vaut que pour autant que les éléments qui ont conduit à sa conclusion sont toujours pertinents : rebus sic stantibus.

Risques d’inflation ? Non, car notre appareil de production tourne bien en dessous de sa capacité. Réinjecter des liquidités par des commandes en investissements ferroviaires, équipements militaires, notamment satellitaires, recherche et développement donnerait un coup de fouet à notre économie. C’est ce que font les Américains avec le quantitative easing, par lequel la FED a réinjecté des centaines de milliards de dollars dans l’économie.

Réagissons, et si la BCE n’est pas d’accord, réquisitionnons-la tous ensemble, car elle doit être au service de l’économie, et non d’un dogme obsolète.

M. Jean Mallot. C’est Myard le rouge !

M. Jacques Myard. À défaut de la monétisation par des avances des banques centrales, la zone euro va s’enfoncer dans la récession et le choc systémique qui s’annonce balaiera l’euro, c’est une certitude.

M. Jean Mallot. Camarade Myard !

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, en application de l’article 95 du règlement de l’Assemblée nationale, le Gouvernement demande la réserve de l’article 2 et des amendements portant articles additionnels après l’article 2.

M. le président. La réserve est de droit.

6

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi de finances pour 2012.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)