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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2011-2012

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 27 octobre 2011

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Louis Giscard d’Estaing

1. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 (suite)

Troisième partie (suite)

Article 14

Amendement no 421

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour les recettes et l’équilibre général

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État

Amendements nos 422, 263, 264

Article 15

Amendements nos 146, 475, 564, 283

Article 16

Mme Anny Poursinoff

Mme Catherine Quéré

M. Gérard Bapt

M. Daniel Garrigue

M. Guy Lefrand

Amendements nos 473 rectifié, 265, 689

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour l’assurance vieillesse

Mme Bérengère Poletti, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, pour le secteur médico-social

Amendements nos 266, 691, 12 rectifié, 692, 11, 267, 9 rectifié, 284 rectifié

Après l'article 16

Amendements nos 123, 147, 331, 333, 148

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour l’assurance maladie et les accidents du travail

Mme Valérie Pécresse, ministre

Rappel au règlement

M. Jean-Marie Le Guen

Après l’article 16 (suite)

Amendement no 369

Rappels au règlement

M. Jean-Marie Le Guen

Mme Valérie Pécresse, ministre

M. Roland Muzeau

Mme Valérie Pécresse, ministre

M. Jean Mallot

Mme Valérie Pécresse, ministre

Article 17

Amendements nos 87, 563, 655

Mme Nora Berra, secrétaire d’État chargée de la santé

Après l’article 17

Amendements nos 657, 324, 659, 149

Article 18

M. Jean-Luc Préel

M. Jean Mallot

M. Gérard Bapt

Amendements nos 328, 565, 330, 716

Présidence de Mme Laurence Dumont

Après l’article 18

Amendement no 272

Article 19

M. Jean-Luc Préel

M. Jean Mallot

Amendements nos 89, 90, 91, 92, 93, 94, 58, 95, 96, 97, 54, 55, 56, 150, 60, 57, 61

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Louis Giscard d’Estaing,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2012 (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 (nos 3790, 3869, 3865).

Troisième partie (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles de la troisième partie du projet de loi, s’arrêtant à l’article 14.

Article 14

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 421.

La parole est à M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour les recettes et l’équilibre général.

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour les recettes et l’équilibre général. Monsieur le président, madame la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, l’assiette de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés doit à l’évidence être clarifiée en ce qui concerne les entreprises d’assurance. C’est ce que nous avons fait par le passé, s’agissant du secteur bancaire. Je souhaiterais connaître l’avis du Gouvernement sur ce sujet.

Je présente cet amendement à titre personnel. La commission ne l’a pas examiné.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 421.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État. Monsieur le rapporteur, cet amendement me semble très pertinent dans son principe. Je crois que nous devons aussi harmoniser la C3S dans le secteur de l’assurance. Mais, malheureusement, nous ne disposons pas encore d’une étude d’impact nous permettant de savoir quel serait l’effet d’une telle harmonisation. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. Mais je prends l’engagement, en retour, de faire l’étude d’impact nécessaire et de revenir vers vous très vite, en 2012.

M. Michel Issindou. Le rapporteur s’en sort bien.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Cet amendement était un amendement d’appel. Je crois que nous avons procédé à peu près de la même manière avec le secteur bancaire. Les négociations que nous avons ouvertes avec celui-ci ont permis de clarifier l’assiette. Je souhaite qu’il en soit de même s’agissant du secteur de l’assurance. En tous les cas, si vous êtes en mesure, madame la ministre, de nous montrer les avancées que vous pouvez obtenir dans les prochains mois avec les représentants de ce secteur, je suis prêt, naturellement, à retirer cet amendement.

(L’amendement n° 421 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 422.

La parole est à M. Yves Bur, rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Cet amendement est similaire au précédent. Je le retire, pour les mêmes raisons.

(L’amendement n° 422 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 263.

La parole est à M. Yves Bur, rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Les entreprises de répartition pharmaceutique sont soumises à la contribution sociale à la charge des sociétés, sur le chiffre d’affaires réalisé au-delà de 150 euros.

Le présent amendement vise à mettre en cohérence les dispositions régissant le niveau de marge des grossistes-répartiteurs avec le dispositif de taxation de leur chiffre d’affaires. Depuis mars 2008, en effet, la marge des grossistes-répartiteurs a été plafonnée. La partie du prix qui dépasse 400 euros ne génère plus aucune marge de distribution. Au-delà de 400 euros, en effet, le taux de marge est de 0 %.

Voilà pourquoi je propose, par cet amendement, d’exclure du chiffre d’affaires taxable au titre de la C3S le produit des ventes réalisé sur la part du prix excédant 400 euros. Les grossistes-répartiteurs sont déjà mis à contribution dans le plan d’économies de l’assurance maladie qui vise à atteindre l’objectif d’une progression de l’ONDAM de 2,8 %. Je pense qu’il convient de prendre en considération leurs difficultés, sachant qu’ils ont des obligations de santé publique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cette proposition. Le problème, monsieur le rapporteur, c’est que cet amendement crée une niche au sein de la niche.

M. Jean Mallot. Une niche gigogne, en somme.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Cela ne nous paraît pas opportun, en particulier dans le contexte actuel de réduction des déficits publics, et s’agissant d’une catégorie de contribuables qui fait déjà l’objet d’une assiette spécifique, conforme à son activité.

Cela dit, le Gouvernement, qui a bien entendu votre préoccupation, monsieur le rapporteur, va élever le plafond de la marge des grossistes-répartiteurs. Il est actuellement de 400 euros. Il sera porté à 450 euros, dans le cadre du calcul de la construction de l’ONDAM.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Étant donné la réponse de Mme la ministre, et l’avancée qu’elle propose, je retire cet amendement.

M. Gérard Bapt. Vous vous amusez bien ?

(L’amendement n° 263 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 264.

La parole est à M. Yves Bur, rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Amendement de précision.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Favorable.

(L’amendement n° 264 est adopté.)

(L’article 14, amendé, est adopté.)

Article 15

M. le président. Nous en venons à l’examen de l’article 15.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 146 et 475.

La parole est M. Yves Bur, rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 146 de la commission.

M. Yves Bur, rapporteur. Il s’agit d’appliquer aux voitures « flexfuel » le même système d’abattement du taux d’émission de dioxyde de carbone que celui prévu pour le calcul du malus.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. L’avis du Gouvernement est…

M. Yves Bur, rapporteur. Hésitant !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …hésitant, en effet.

M. Jean Mallot. Une petite suspension de séance ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Non.

Vous le savez, la taxe sur les véhicules de sociétés est une taxe dont l’objectif est de concilier l’objectif de diminution des émissions de CO2 et la nécessité de maintenir un certain rendement budgétaire. La progressivité du barème fait en sorte qu’un véhicule dont les émissions sont moindres bénéficie d’une réduction du montant de la taxe due.

Mais je crois qu’il ne faut pas superposer trop d’objectifs sur un même dispositif. Le Gouvernement préfère, notamment en ce qui concerne les véhicules hybrides et les polycarburants, concentrer les incitations fiscales sur le dispositif qui a un impact direct sur le renouvellement et la modernisation du parc. Ce dispositif, vous le connaissez : c’est le bonus-malus. Nous ne voulons pas une niche supplémentaire. Avis défavorable, donc.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir l’amendement n° 475.

M. Jean-Luc Préel. Nous avions présenté cet amendement en commission. Celle-ci l’avait adopté. C’est la raison pour laquelle le rapporteur l’a repris à son compte. Ce qui est proposé ici avait été demandé par de nombreux collègues, et notamment par Stéphane Demilly, député de la Somme.

À l’heure où l’on souhaite promouvoir le développement des énergies renouvelables, en particulier dans les transports, cet amendement vise à promouvoir un type de véhicule dont le carburant correspond à des vertus environnementales reconnues, tant du point de vue des émissions nettes de CO2 que des émissions polluantes locales. C’est pourquoi il est proposé que ces véhicules bénéficient d’un abattement sur les taux d’émission de dioxyde de carbone.

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Je voulais également insister sur l’intérêt de voter cet amendement, qui contribue à faire en sorte que la parole de l’État soit respectée. Les constructeurs ont fait des efforts importants. Sur le plan financier, le coût de cette mesure sera très largement contrebalancé par la production de véhicules hybrides, que nous devons évidemment tous soutenir. En outre, cela correspond tout à fait aux engagements pris dans le Grenelle de l’environnement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je tiens à dire qu’il y a une différence entre les véhicules hybrides, dont vient de parler M. Pancher, et ceux qui sont équipés pour fonctionner au moyen du superéthanol, ce qui montre d’ailleurs la difficulté à laquelle on se heurte en voulant créer des « sous-sous-niches » à l’intérieur de « sous-sous-catégories ». En réalité, ces mesures risquent de ne pas concerner l’ensemble de ceux que l’on souhaite viser, chacun ayant sa niche. Je mets en garde les membres de l’Assemblée. Nous sommes dans une logique de simplification du droit fiscal. Je crois donc qu’il vaut mieux utiliser cet outil très puissant qu’est le bonus-malus, quitte à l’augmenter pour les véhicules hybrides, ce que nous sommes en train de faire. Car sur ce point, pour répondre à votre souci, monsieur Pancher, nous voulons effectivement tenir l’engagement de l’État vis-à-vis des constructeurs automobiles.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Nous avons bien compris que Mme la ministre n’était pas pour les niches bio. Je demande donc à mes collègues…

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je ne peux pas vous laisser dire cela, monsieur le rapporteur. J’en ai soutenu beaucoup, y compris le bonus-malus, qui a encore été recentré cette semaine. Mais il y a un moment où il faut s’arrêter. Il faut savoir s’arrêter, de temps en temps.

M. Yves Bur, rapporteur. C’est la raison pour laquelle, monsieur le président, je conseille à mes collègues de bien vouloir retirer cet amendement.

(L’amendement n° 146 est retiré.)

M. le président. Monsieur Préel, souhaitez-vous également retirer l’amendement n° 475 ?

M. Jean-Luc Préel. Tout d’abord, je rappelle que l’amendement n° 146 est un amendement de la commission. Je n’aime pas beaucoup que le rapporteur retire les amendements de la commission. Il n’est pas là pour ça.

D’autre part, l’amendement n° 475 avait été proposé par M. Demilly, dont je suis le porte-parole aujourd’hui. Je ne le retire pas, puisque mon collègue Demilly y tient particulièrement.

M. le président. La parole est à Mme Anny Poursinoff.

Mme Anny Poursinoff. Je signale seulement qu’il n’y a pas de « biocarburants ». Il y a des agro-carburants, lesquels ne sont pas obligatoirement biologiques et occupent des terres agricoles qui pourraient servir à l’alimentation. Et par là même occasion, cela fait monter le prix du blé.

M. Jean Mallot. Très juste !

Mme Anny Poursinoff. Ce n’est donc peut-être pas une bonne idée d’appeler ces agro-carburants des « biocarburants ».

(L’amendement n° 475 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 564.

La parole est à M. Patrice Calméjane.

M. Patrice Calméjane. Cet amendement propose de rédiger ainsi l’alinéa 6 de l’article 15 :

« II. – Les véhicules combinant l’énergie électrique et l’énergie thermique et émettant moins de 110 grammes de CO2 par kilomètre parcouru sont exonérés de la taxe prévue à l’article 1010. ».

Il prévoit également un gage afin de compenser la perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale.

À maintes reprises, les pouvoirs publics ont affirmé depuis 2007 leur volonté de voir se développer une nouvelle génération de véhicules électriques et hybrides, compte tenu de l’enjeu qu’ils représentent en termes d’indépendance énergétique et de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

À l’occasion de l’adoption, en février 2009, d’un plan pour le développement des véhicules électriques et hybrides, le Gouvernement a indiqué que le développement du véhicule propre en France pourrait réduire les émissions de CO2 d’environ 17,5 millions de tonnes dès 2020, soit une baisse des émissions de 3 % par rapport à 2007. Ce développement permettrait dans le même temps de réduire les importations de pétrole de la France d’environ quatre mégatonnes d’équivalent pétrole, soit un cinquième de la production des énergies renouvelables en 2008.

Parmi les véhicules décarbonés dont les pouvoirs publics souhaitent la diffusion, le véhicule hybride, c’est-à-dire le véhicule combinant une énergie électrique et une énergie thermique, offre en effet des perspectives très intéressantes en termes de performances écologiques comme en termes de mobilité, du fait de sa capacité à être un véhicule électrique en ville et un véhicule thermique sur des parcours longs.

Cependant, le rapport du Conseil d’analyse stratégique publié en juin 2011 consacré au véhicule électrique a rappelé que le véhicule hybride est plus coûteux que le véhicule thermique classique compte tenu de sa double motorisation. Il a également souligné la difficulté de créer dans l’immédiat un marché grand public pour ce véhicule. Il en résulte que dans un premier temps les flottes d’entreprise pourraient constituer un débouché intéressant d’après le constat du Conseil d’analyse stratégique.

À l’initiative du ministre en charge de l’industrie, le Gouvernement a récemment suscité l’adoption par les industriels et professionnels concernés d’une « charte en faveur du véhicule électrique et hybride » signée le mardi 6 septembre 2011. Elle contient un engagement n° 2 ainsi libellé : « Promouvoir les véhicules électriques et hybrides auprès des acquéreurs de flottes ».

Il apparaît en conséquence que la rédaction de l’article 15 du présent projet de loi est complètement contradictoire avec les impulsions successives données par les pouvoirs publics en faveur du véhicule hybride.

En effet, le bonus de 2 000 euros accordé par les pouvoirs publics en faveur des acquéreurs de véhicules hybrides ne bénéficie qu’aux seules personnes physiques et non aux entreprises. Par ailleurs, il ne concerne que les véhicules hybrides émettant moins de 110 grammes de CO2 par kilomètre parcouru.

La rédaction actuelle de l’article 15 du présent projet de loi aboutirait donc à supprimer l’aide publique qui, par le biais d’une exonération de taxe sur les véhicules des sociétés, existe aujourd’hui pour les flottes d’entreprises.

Afin de favoriser le développement du véhicule hybride dans les flottes d’entreprises, il convient donc de maintenir l’exonération existante de TVS pour ces véhicules.

Toutefois, et ceci à des fins de cohérence avec le dispositif de bonus prévu pour l’achat de véhicules hybrides par les particuliers, il est proposé de limiter le bénéfice de cette exonération aux seuls véhicules hybrides émettant moins de 110 grammes de CO2 par kilomètre parcouru.

Ainsi, le véhicule hybride, dont la diffusion ne dépasse pas aujourd’hui 0,4 % du marché français, sera effectivement soutenu dans son décollage par les pouvoirs publics.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Même avis, pour les raisons précédemment évoquées. Les intentions de M. Calméjane sont pures mais, malheureusement, il faut que nous arrêtions de créer des niches fiscales, et que nous concentrions nos efforts, comme nous l’avons fait hier s’agissant du crédit impôt recherche et des jeunes entreprises innovantes.

(L’amendement n° 564 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 283.

La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Cette modification du barème de la taxe sur les véhicules de société concerne des millions de véhicules en France. Des choix ont été faits par les entreprises, et il serait souhaitable qu’il n’y ait pas d’effet couperet au 1er octobre 2011, mais que l’on attende le 1er janvier 2012 afin que les flottes puissent être modifiées. C’est un délai raisonnable pour les entreprises, car le surcoût peut être important.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Avis défavorable, la perte serait de cent millions d’euros pour le budget de l’État.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Bien sûr madame la ministre, mais ce seraient aussi 100 millions d’euros de plus pour les entreprises !

(L’amendement n° 283 n’est pas adopté.)

(L’article 15 est adopté.)

Article 16

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits à l’article 16. La parole est à Mme Anny Poursinoff.

Mme Anny Poursinoff. Chers collègues, j’ai été étonnée, à la lecture de l’exposé des motifs de l’article 16, par la stigmatisation des jeunes, qui ne boiraient pas ce qu’il faut, comme il faut, au bon moment. C’est assez surprenant.

L’alcoolisme cause 37 000 décès par an, ce n’est pas rien, et le Gouvernement prétend faire de la santé publique par une mesure fiscale à visée financière. Au final, c’est de la mauvaise fiscalité et de la mauvaise prévention sanitaire.

Je souhaite profiter de cet article pour dire que l’on sent l’influence du ministère de l’agriculture sur la direction générale de l’alimentation. Il faudrait changer cette tutelle : l’alimentation doit être placée sous la tutelle du ministère de la santé et non plus sous la tutelle du ministère de l’agriculture, qui subit la pression des lobbies, comme nous allons le voir au long de l’examen de ce projet de loi.

M. Guy Lefrand. Comme s’il n’y avait pas de lien entre l’alimentation et l’agriculture !

Mme Anny Poursinoff. Je ne vous ai pas entendu, M. Lefrand ; vous aurez certainement l’occasion de me répondre ultérieurement.

Nous, écologistes, pensons que ces questions de santé publique ne peuvent pas être traitées par le levier fiscal. Il faut utiliser d’autres méthodes, en particulier le changement de tutelle.

Cette fiscalité est de toute façon mal pensée, car pour avoir une influence sur les comportements, il faut des augmentations fortes, d’au moins 10 %, et pas de petites augmentations au fil du temps. Cette taxe essaie de faire d’une pierre deux coups, mais fait mal les deux choses.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Quéré.

Mme Catherine Quéré. Je souhaite attirer votre attention sur les incohérences et les injustices de ce projet qui sont extrêmement préjudiciables pour ma région, et notamment pour les producteurs de cognac.

Toute la soirée d’hier, vous avez parlé de la compétitivité des petites entreprises, mais dites-vous bien que les petites exploitations sur mon territoire sont souvent des exploitations agricoles. Le plan antidéficit du Gouvernement concernant une nouvelle surtaxation des boissons alcoolisées manque totalement de lisibilité. Il avait été indiqué que les productions régionales ne seraient pas concernées par les hausses ; or il semblerait qu’il n’en soit rien.

Les taxes sur le cognac subiraient une hausse de 15 %, soit presque un euro par litre, ce qui est considérable pour un produit déjà surchargé de droits et de taxes indexées et augmentées chaque premier janvier. Pour mémoire, un litre de cognac vendu douze euros acquitte 80,2 % de droits et taxes, et la valeur du produit contenu dans la bouteille n’est que de 2,37 euros.

Je défends les producteurs de cognac, mais j’associe aussi à ma démarche mes collègues pour l’armagnac, et la chartreuse chère à François Brottes.

M. Guy Lefrand. Et le calva ?

M. André Schneider. Et la mirabelle !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Et la framboise !

Mme Catherine Quéré. Toute nouvelle augmentation des taxes sur ce produit est donc impensable. Toutes les augmentations touchent essentiellement les petits producteurs vendeurs directs en France, car le cognac est exporté à 97 %. Ce sont les petites exploitations qui vont être touchées.

Le marché du cognac peine à se développer en France malgré les efforts des producteurs. En effet, la concurrence est rude avec d’autres spiritueux aux coûts de production moins élevés. De plus, le niveau de fiscalité est tel, avec les différents droits, taxes et autre TVA, qu’il freine considérablement les ventes. Le Gouvernement s’abrite derrière une justification de santé publique alors qu’il cherche simplement des recettes.

Attention, car dans le domaine des productions viticoles régionales, la coupe est pleine, et toute nouvelle augmentation de droits et de taxes sur ces produits mettrait en péril l’économie viticole de ma région.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Yves Bur, rapporteur. De quoi va-t-il être question : de l’armagnac ou du madiran ?

M. Gérard Bapt. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, il s’agit une fois de plus d’une recette de poche, et pas d’une mesure de santé publique.

Vous savez bien que ce n’est pas avec ce genre de mesures que vous combattrez le fléau de l’alcoolisme dans notre pays.

En cette fin de mois d’octobre, nous avons à déplorer le passage à l’incinérateur de trente millions de vaccins contre la grippe H1N1. Le coût des vaccins ainsi détruits du fait de la gestion folle de la pandémie de grippe A par ce Gouvernement est l’équivalent de la recette de poche d’aujourd’hui.

Peut-être aurons-nous d’autres occasions de parler de santé publique et de recherche de l’efficience, mais, mesdames et messieurs de la majorité, ne niez pas qu’il s’agit de la recherche d’une recette de poche, et pas de santé publique.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Je croyais que M. Bapt allait nous proposer, plutôt que le vaccin, de nous soigner de la grippe avec un grog ou un armagnac ! (Sourires).

Mais ne plaisantons pas sur ce sujet, qui est grave. On ne peut pas m’accuser de complaisance à l’égard du Gouvernement, mais j’approuve cet article, parce que pour la première fois, on établit une distinction que j’ai toujours défendue entre les alcools et les vins.

Depuis trop longtemps, certains milieux professionnels ont répandu l’idée qu’au regard des règles communautaires, il n’était pas possible de distinguer les vins et les alcools. Or les problèmes sont extrêmement différents. Les alcools, par leur degré, présentent infiniment plus de risques pour la santé publique que les vins.

Depuis un certain nombre d’années, la profession viticole a beaucoup plus privilégié la qualité des produits et la recherche du plaisir de la dégustation que la vente massive et en quantité considérable. Il est donc important d’établir cette distinction, et je suis heureux qu’elle soit faite dans ce projet.

Je souhaiterais que cette distinction soit appliquée de façon beaucoup plus large dans d’autres domaines, et notamment s’agissant de la commercialisation du vin, qui est parfois enserrée dans des règles qui limitent la possibilité de promotion de produits sur lesquels on recherche plus la qualité que la quantité vendue.

M. le président. La parole est à M. Guy Lefrand.

M. Guy Lefrand. Monsieur le président, je n’avais pas prévu de prendre la parole sur cet article, mais je crois qu’il faut faire attention à ce que l’on dit. On ne peut pas prétendre qu’il y a moins d’alcool dans un verre de vin que dans un verre de calva ou de cognac, c’est totalement faux.

Je peux comprendre que l’on préfère taxer les alcools forts plutôt que la bière étrangère, après tout, les producteurs de cognac ou de calva peuvent payer.

Mais on n’a pas le droit d’avoir la malhonnêteté intellectuelle de dire qu’un verre de calva contient plus d’alcool qu’un verre de spiritueux, c’est faux. Chaque verre standard contient exactement la même quantité d’alcool. Aujourd’hui, nos jeunes se shootent à la bière, et de moins en moins aux alcools forts, qui sont devenus très chers.

Nous allons taxer les alcools forts et les boissons sans alcool, mais pas les boissons intermédiaires modérément alcoolisées. J’entends bien que cela fait partie de notre culture et de notre société, j’entends bien que le potentiel économique de la filière viticole est très important, mais de grâce n’ayons pas la malhonnêteté intellectuelle de dire que l’on fait de la santé publique en taxant les alcools forts et pas le vin : c’est totalement faux.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 473 rectifié.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Cet amendement n’a rien à voir avec le cognac, le vin ou la bière, il s’agit d’un amendement de clarification qui, au surplus, conforte l’assouplissement des contrôles exercés par les douanes sur la vente d’alcool pur par les pharmaciens.

L’article 302 D bis du code général des impôts prévoit les cas dans lesquels la vente d’alcool peut être exonérée de droits. Il en est ainsi de l’alcool utilisé à des fins médicales ou pharmaceutiques dans les pharmacies. Ceci est clair.

La notion d’utilisation d’alcool dans les pharmacies a été légitimement comprise par de nombreux pharmaciens comme incluant la vente d’alcool pur aux patients pour une utilisation médicale. Or, telle n’est pas l’interprétation faite par l’administration des douanes qui considère que la vente d’alcool pur aux patients entraîne paiement des droits d’accises. Avant l’application de l’ordonnance du 29 août 2001, les douanes avaient indiqué aux pharmaciens qu’ils pouvaient vendre de l’alcool pur aux professions médicales et paramédicales ainsi qu’aux particuliers à titre d’antiseptique et en dehors de toute prescription médicale, en exonération de droits.

L’administration des douanes a reconnu le 12 mai 2011 ce défaut de communication lors d’une réunion avec les représentants de la profession de pharmacien d’officine ; instruction a été donnée aux services locaux des douanes de modérer temporairement les contrôles des officines en matière de vente d’alcool pur.

Le rapporteur n’avait pas accepté l’amendement en commission, parce qu’il souhaitait l’expertiser. J’espère que c’est maintenant chose faite et qu’il pourra donner un avis probant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement.

M. Jean-Luc Préel. Faute d’expertise !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Préel, en matière d’expertise, évoquons d’abord celle des douanes.

La vente d’alcool pur peut effectivement se faire en pharmacie, mais ce doit être de l’alcool dénaturé. L’objectif de cet alcool pur n’est pas de permettre, avec des taux de TVA extrêmement faibles, qui sont ceux du médicament, d’obtenir de l’alcool pur pour en faire quantités d’autres choses.

Nous voulons de l’alcool pur dénaturé en pharmacie, ou de l’alcool vendu en pharmacie pour des buts médicamenteux, et non pour fabriquer de l’alcool dans des soirées étudiantes, cela étant l’abus le moins nocif pour l’économie française.

(L'amendement n° 473 rectifié n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 265.

La parole est à M. Yves Bur, rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, qui a été accepté par la commission.

(L'amendement n° 265, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 689.

La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Actuellement, sur certaines bouteilles d’alcool, je pense au pastis, spécialité locale que je connais bien, les taxes représentent plus de 80 %.

Est-il raisonnable d’augmenter encore ce taux ? Est-ce économiquement souhaitable, dans la mesure où l’on s’aperçoit – les chiffres sont édifiants – que beaucoup d’alcool sont achetés dans des pays étrangers, en Espagne, par exemple, où les taxes sont beaucoup plus faibles. Sur un plan strictement économique, le rendement fiscal estimé sera sans doute moindre. Cela risque, de plus, de poser des problèmes économiques aux producteurs, ce qui commence à apparaître. C’est ce que nous craignons tous.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je voudrais répondre globalement à tous les amendements sur cet article. Ils ont peu ou prou tous le même objet : faire baisser l’augmentation de la fiscalité proposée par le Gouvernement sur les alcools forts, que ce soit, monsieur Tian, pour le pastis, la Clairette, le Cerdon, les vins mousseux ou la liqueur et les crèmes de fruits ; et j’en oublie sans doute.

Le Gouvernement pense que les prix d’accès pour certaines boissons alcoolisés ne sont pas suffisamment discriminants, pour constituer un levier efficace dans une politique de prévention et de santé publique et de lutte contre l’alcoolisme. À coût de la vie égal, l’alcool – je ne parle pas du vin – est 10 % moins cher aujourd’hui en France qu’en 1960.

M. Philippe Vitel. L’eau est moins chère encore !

Mme Valérie Pécresse, ministre. La France, au niveau européen, se caractérise par des prix beaucoup moins élevés que dans les autres pays, à part l’Allemagne, l’Autriche et l’Espagne. En Irlande, ils sont 100 % plus élevés ; en Finlande 90 % ; au Royaume-Uni 65 % ; au Danemark : 40 % ; en Italie 25 %, etc.

Il faut voter cette augmentation de taxation, nous n’avons pas agi sur les alcools forts depuis très longtemps. Ces alcools forts sont à la source de l’alcoolisme des jeunes. Je vous rappelle que les liqueurs titrent entre 18 et 25 degrés ; les alcools les plus titrés, comme le whisky, la vodka ou le pastis sont concernés.

Pour ces raisons, je vous demande de voter cette augmentation de taxe, dont le produit est de 340 millions d’euros.

Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 689.

M. le président. La parole est à M. Yves Bur, rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Je voudrais porter un jugement sur l’ensemble de ces taxations.

En France, il existe un certain nombre de fléaux. Le tabagisme est le plus grave, nous y reviendrons plus tard. Il cause 65 000 morts. Un autre fléau est lié à la consommation excessive d’alcool, qui provoque 45 000 morts, il ne faut pas l’oublier.

Quand on considère l’augmentation sélective proposée par le Gouvernement sur les alcools forts, je comprends le message notamment par rapport à la consommation par les jeunes d’un certain nombre de produits industriels, la vodka notamment, et non de produits du terroir. Madame la ministre, votre raisonnement ne me semble pas très cohérent. Si nous avons une politique globale de santé, il faut solliciter l’ensemble de la production d’alcool d’où qu’il vienne. Il n’est pas cohérent d’exclure le vin, la bière, le rhum. Nous imaginons parfaitement les arrière-pensées de ces exclusions.

Comment lutter plus efficacement contre l’alcoolisation précoce de nos jeunes ? Elle passe en partie par une consommation excessive d’alcool industriel, de bière, peut-être de vin. Je pense que toute la politique de prévention doit être amplifiée.

Dans ce domaine, nous devrons engager une réflexion de fond, tant sur la lutte contre l’alcoolisme et ses ravages : 45 000 morts ; que la lutte contre le tabagisme : 60 000 morts. Je crois que ces politiques devraient relever davantage du ministère de la santé que de celui du budget. Il ne s’agit pas d’une politique budgétaire, mais d’une politique de santé. Je souhaite que le pilote de ces politiques de prévention redevienne le ministère de la santé.

Je comprends parfaitement, mes chers collègues, que vous défendiez les intérêts des différents produits du terroir, mais nous devons garder en mémoire cette préoccupation de santé publique. Je rappelle que les taxations ne mettent pas en danger les exportations de ces produits, puisque celles-ci ne sont pas soumises à ces droits de consommation français. Il faut donc relativiser l’impact pour l’ensemble des filières, notamment celle du cognac, évoquée par Mme Quéré.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Binetruy.

M. Jean-Marie Binetruy. Madame la ministre, j’ai cosigné un certain nombre d’amendements à l’article 16. Je ne reprendrai pas la parole pour les défendre, mais je voudrais donner un avis. Il ne me paraît pas très cohérent de segmenter les boissons alcoolisées : pour moi, l’alcool reste de l’alcool.

Je vois plus de jeunes s’enivrer avec de la bière qu’avec du marc de champagne ou du cognac.

Il est clair que les boissons titrant à plus de 18 degrés peuvent être également des produits du terroir, comme le vin ; je pense à la crème de cassis, au Floc de Gascogne, au Pomeau, au Macvin du Jura et à l’absinthe de Pontarlier. Mais je pense que si l’on taxe, ce doit être tout ou rien.

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. Je ne voulais pas intervenir, mais comme l’a indiqué madame la ministre, il s’agit d’une taxation sur les alcools forts, comme il existe celle sur le tabac. Ne relançons pas la discussion concernant le vin. Les jeunes n’ont pas de problèmes avec les vins de dégustation, mais avec les alcools forts : regardez les bouteilles d’alcool vides qui traînent !

Il faut mener une vraie politique contre les excès, y compris en matière de sécurité routière. Ne faisons pas l’amalgame avec nos vins de terroir, surtout quand on connaît les difficultés rencontrées par certaines entreprises pour survivre.

Il faut lutter contre les excès et éviter que les populations, notamment jeunes, ne se retrouvent dans une situation difficile. Mais, de grâce ! ne mettons pas cette taxation sur l’ensemble des produits. Ne mélangeons pas tout, sous prétexte, qu’il y a de l’alcool. Il y a des différences notables entre le vin et les alcools forts.

M. le président. La parole est à M. Patrice Verchère.

M. Patrice Verchère. Je comprends mes collègues, issus de régions productrices de calvados, de la chartreuse. Ma circonscription produit du vin, je pourrais donc être plutôt satisfait de ce débat. Mais je crois qu’il faudrait pour mettre tout le monde d’accord, taxer tout ce que l’on importe et qui ne fait pas partie de notre patrimoine local : la bière provenant de l’étranger, le whisky, la tequila, la vodka.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Quéré.

Mme Catherine Quéré. Monsieur Verchère, je suis tout à fait d’accord avec votre analyse.

Monsieur le rapporteur, vous avez indiqué que le cognac était un produit exporté, c’est exact pour 97 % de la production. Vous ne toucherez avec cette taxe que les petits producteurs, qui n’ont pas les moyens d’exporter en Chine, en Amérique, ou à Hong Kong, et c’est grave.

Madame la ministre, que l’on ne nous dise pas que cette taxation vise à répondre à des problèmes de santé publique puisque, lorsque vous avez fini votre intervention, vous avec fait remarquer que cela rapporterait 340 millions. Je ne crois pas que ces sommes iront vers des actions de lutte contre l’alcoolisme. Si vous m’autorisez cette image, je pense que vous prenez les petits producteurs pour des vaches à lait.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour l’assurance vieillesse.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour l’assurance vieillesse. J’ai entendu, lorsque M. Bur a demandé un débat sur la santé publique, quelqu’un dire que l’on n’en avait pas parlé. C’est faux ! Nous en avons encore parlé assez longuement en commission la semaine dernière. Depuis le premier PLFSS, nous souhaitons qu’il y ait un jour à l’Assemblée un débat sur la santé publique.

Nous comprenons parfaitement la nécessité des recettes, madame la ministre, mais il existe tout de même un problème de santé publique.

En ce qui concerne l’alcoolisme des jeunes, je tiens à rappeler qu’en 1997 j’ai commencé à rédiger un rapport sur l’éthylisme des jeunes le samedi soir. Ce sujet a été très consensuel puisque, après la dissolution de l’Assemblée, il a été repris à l’époque par Mme Hélène Mignon. Nous avions voté en commission des affaires sociales à l’unanimité sur ce problème de santé publique.

J’entends depuis deux jours des députés derrière nous dire : « Lors du prochain mandat, nous ferons ceci et cela ». Lors de la prochaine législature, nous nous attaquerons donc au problème de la santé publique.

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, pour le secteur médico-social.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, pour le secteur médico-social. Nous aurons tout à l’heure un débat sur le tabagisme. Nous examinons pour l’instant les problèmes liés à l’alcool. Je pense que la problématique liée à l’un comme à l’autre est double.

Elle porte sur le plan humain, avec les dégâts en termes de santé, de décès, d’accidents de la circulation, de violence dans les foyers. Il faut bien voir, en second lieu, les coûts engendrés par ces comportements. Si nous voulons avoir une politique de santé publique et de prévention, nous ne pourrons pas y parvenir si des moyens financiers ne sont pas dégagés. Les deux sont intimement liés. C’est la raison pour laquelle je pense qu’il faut soutenir l’initiative du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je veux lever toute ambiguïté, madame la députée, puisque vous m’avez reproché de rappeler que cette mesure rapportait 340 millions d’euros. Mais qui en bénéficie ? Le budget de la sécurité sociale, et donc l’assurance maladie.

M. Yves Bur, rapporteur. Exactement.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il s’agit d’une politique de santé publique.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Bien sûr.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Si c’était pour combler le déficit de l’État, vous pourriez me dire que c’est une mesure de rendement.

M. Gérard Bapt. C’est une taxe sociale, cela ne change rien.

Mme Valérie Pécresse, ministre. En l’occurrence, il s’agit d’une mesure en faveur de la santé des Français.

Mme Catherine Quéré. Pour boucher le trou de la sécu !

M. le président. La parole est à M. Guy Lefrand.

M. Guy Lefrand. Notre débat montre qu’il y a une réelle ambiguïté. On nous a présenté une mesure fiscale comme étant une mesure de santé publique, ce qu’elle n’est pas.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Si.

M. Guy Lefrand. Le problème s’est posé pour l’obésité, maintenant avec l’alcool, et peut-être tout à l’heure avec le tabac. Il ne faut pas mélanger l’argent de Bercy avec celui de l’avenue de Ségur, destiné à la santé.

Vos pseudo-arguments de santé publique n’en sont pas, sinon vous auriez taxé le rosé, la bière…

M. Dominique Tian. Bien sûr.

M. Guy Lefrand. …qui sont également consommés par les jeunes. Les jeunes se shootent davantage à la bière qu’au calva !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Non ! Au whisky, à la vodka !

M. Guy Lefrand. Vous ne pouvez donc recourir à cet argument. Comme pour l’obésité, en utilisant des arguments de santé publique, on aboutit à un débat surréaliste.

Mme Catherine Quéré. Absolument.

M. Guy Lefrand. Certes, nous avons besoin d’argent. Certes, vous avez fait le choix de taxer certains alcools plutôt que d’autres pour des raisons qui vous appartiennent et nous les respecterons, mais, de grâce, n’instrumentalisons pas la santé publique.

Mme Catherine Quéré et M. Dominique Tian. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Deux approches sont à prendre en considération. Premièrement, une approche bonus-malus. Des produits entraînent un certain nombre de conséquences et il est logique de les taxer pour compenser ces conséquences. Cette politique a ses limites et n’a du sens que dans la mesure où l’ensemble des produits sont taxés.

Deuxièmement, les problèmes de santé publique. Les mesures financières ne suffisent pas pour faire changer les comportements.

M. Serge Poignant. Tout à fait.

M. Philippe Armand Martin. C’est vrai.

M. Jean-Marie Le Guen. Même s’il faut des mesures financières, contrairement à ce que l’on pense, la santé publique dépend aussi des prises de position des pouvoirs publics.

S’agissant du binge drinking, cela ne relève pas seulement d’une question d’argent. Il se trouve que dans ma circonscription, nous agissons à ce sujet.

Par exemple, est-ce que les procureurs vont aller chercher les alcooliers qui organisent des fêtes dans les clubs d’étudiants ? Est-ce que nous tolérons cela en estimant que c’est parfaitement légitime ? Existe-t-il une réflexion au niveau des pouvoirs publics sur ce qui se passe dans des fêtes populaires, au demeurant extraordinairement sympathiques, comme les fêtes de Bayonne ou de Dax, par exemple ? Au-delà de débordements traditionnels et légitimes, tous les élus constatent des comportements alarmants chez les jeunes, qui viennent en masse pour une seule chose : non pas faire la fête, mais s’alcooliser.

Mme Catherine Quéré. Absolument.

M. Jean-Marie Le Guen. Ils se garent à cinq ou six kilomètres de la ville, sur un parking de supermarché, dans le seul but de s’exploser avec de l’alcool.

De tels phénomènes nécessitent une action globale. Je suis le premier à avoir défendu les taxes sur l’alcool. J’ai été le rapporteur de la loi Évin, je n’ai pas de problème avec ces questions.

M. Jean Mallot. Il a des états de service.

M. Jean-Marie Le Guen. Oui, j’ai des états de service.

Cela étant, l’alcoolisme est un sujet que l’on traite dans notre pays avec condescendance au lieu de le traiter sur le fond.

M. Yves Bur, rapporteur. C’est tabou !

M. Jean-Marie Le Guen. S’agissant de l’alcoolisme des jeunes – qui est une certaine forme d’alcoolisme, pas la seule – notre société n’a pas compris que les choses sont en train de dégénérer. Mme la ministre du budget est là ce matin, mais j’aurais souhaité que le ministre de la santé soit présent et prenne un engagement. J’aurais aimé également que Mme Bachelot ne considère pas comme secondaire le fait de rétablir la publicité pour les alcools sur internet.

M. Yves Bur, rapporteur. Non !

M. Jean-Marie Le Guen. Internet a tout de même un vague rapport avec la jeunesse !

Ces problèmes sont des problèmes majeurs qu’il faudra traiter, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il est vrai, madame la ministre – et nous ne pouvons pas vous le reprocher –, que vos services cherchent des prétextes divers pour taxer.

Mme Catherine Quéré. Mais alors, qu’ils le disent !

M. Jean-Marie Le Guen. Cela étant, il faut savoir que ce n’est pas une réponse à la hauteur des problèmes qui nous sont posés.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. J’écoute avec attention notre débat et je constate qu’il nous ramène toujours au même point ; au vote, il y a plus de cinq ans, d’une loi de santé publique dont beaucoup – et moi le premier – considèrent que c’est une coquille vide qu’il faudra bien remplir un jour.

Mme Jacqueline Fraysse. Oui.

M. Philippe Vitel. Nous avions mis beaucoup d’espoir dans la loi HPST, qui n’a pas abordé le volet santé publique et prévention que nous attendions.

M. Jean Mallot. Eh oui.

M. Philippe Vitel. Je demande au Gouvernement que, le plus rapidement possible, nous revenions pour un débat de santé publique et une véritable politique de prévention dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Mallot. Depuis le temps qu’on le dit ! On l’attend toujours, cette loi de santé publique.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Je rejoins tout à fait Philippe Vitel.

Je vous rappelle, monsieur Le Guen, que Mme Bachelot n’a pas soutenu l’autorisation de publicité sur internet. Cela lui a été imposé.

M. Jean-Marie Le Guen. Par qui ?

M. Yves Bur, rapporteur. Nous avons été un certain nombre à nous y opposer, considérant que ce n’était pas la meilleure des choses à faire.

M. Jean-Marie Le Guen. Imposé par qui ?

M. Yves Bur, rapporteur. Par ceux qui, à gauche comme à droite, avaient des intérêts à défendre dans leurs territoires. Ne rouvrons pas le débat aujourd’hui, mais il est urgent, comme l’a dit Philippe Vitel, d’avoir un débat au fond. Cela ne peut se limiter à des questions de taxation. Une analyse profonde des comportements des jeunes, notamment, doit être conduite. Nous avions, en 2004, interdit les Premix, les alcopops.

M. Jean-Marie Le Guen. À votre initiative en effet, monsieur le rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Nous sommes passés à côté d’une catastrophe sanitaire parce que le marché de ces alcopops, estimé à un milliard de bouteilles environ en France, visait les plus jeunes et le public féminin. Nous ne devons pas nous arrêter en si bon chemin, et conduire ce débat au fond.

M. Philippe Vitel. Absolument.

M. Yves Bur, rapporteur. Les objectifs que nous nous sommes fixés pour le tabac et l’alcool doivent se concrétiser et s’accompagner d’une réelle volonté politique.

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. Yves Bur le sait bien : je ne peux pas laisser dire que Mme Bachelot se soit fait imposer quoi que ce soit.

M. Yves Bur, rapporteur. Si.

M. Serge Poignant. Il y a un parlement et une majorité. Je suis pour qu’on lutte contre les excès mais, s’agissant de la loi Évin, il y avait un vide juridique par rapport à internet. Nous devons aussi tenir compte de l’économie, de ce que les entreprises viticoles apportent à notre balance commerciale. Si nous sommes tous responsables – et Vin et société le fait très bien, avec un conseil de la modération et de la prévention –,…

M. Jean-Marie Le Guen. Les masques tombent !

M. Serge Poignant. …on peut parfaitement trouver un équilibre entre l’économie, la responsabilité des professionnels vis-à-vis de ceux qui sont dans l’excès de consommation, sans pour autant montrer du doigt le vin, pour ne parler que de cette boisson.

Internet est un moyen de faire connaître nos entreprises. Ne nous donnons pas les bâtons pour nous faire battre, alors que d’autres pays y recourent sans se poser de questions tout en poursuivant les mêmes objectifs en matière de santé publique. Ne mélangeons pas tout. Nous sommes parvenus à un équilibre et nous devons tous être responsables.

Mme Catherine Quéré. Très bien.

M. le président. La parole est à Mme Anny Poursinoff.

Mme Anny Poursinoff. Nous avons eu un début de débat de santé publique, comme en commission. Je me réjouis de voir qu’un fort consensus se dégage autour de ces questions. Le problème, c’est qu’il faut toujours attendre et remettre, ce qui est très agaçant.

Je pense qu’il y aura un consensus sur ma proposition de changement de tutelle, car cela concerne la santé et non l’agriculture. Ce serait un bon début pour avoir de vraies discussions qui ne soient pas des querelles de chapelles, chacun protégeant son petit territoire. Poursuivons, mais sans trop tarder.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline. Madame la ministre, nous sommes tous des élus responsables et nous comprenons aisément que la France a besoin d’un effort le plus partagé possible.

Il est aussi normal, madame Poursinoff, que chacun ait conscience des efforts des PME qui, au-delà de leur propre activité, défendent une forme de rayonnement de l’agriculture française.

Toutefois, il serait peut-être intéressant, madame la ministre, de regarder par quel autre moyen nous pouvons aussi soutenir cette économie régionale importante, je pense au secrétariat d’État aux PME ou à celui du commerce extérieur. Il serait sans doute intelligent de soutenir activement ces PME qui rencontrent parfois des difficultés, soit pour obtenir l’indication géographique, soit pour exporter ou pour consolider leur activité.

M. Jean-Marie Le Guen. Le débat porte sur la sécurité sociale !

Mme Nicole Ameline. Oui, mais lorsqu’on fait un effort, et ces entreprises devront en faire, elles peuvent aussi légitimement solliciter le soutien de l’État pour passer un cap difficile. Chaque entreprise en France mérite que nous soyons à ses côtés. Nous devrons réfléchir à la manière de les aider d’une autre façon.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. La publicité sur internet est l’illustration du problème auquel nous sommes confrontés depuis trop d’années. Je suis tout à fait soucieux des objectifs de santé publique et je partage presque les positions de notre collègue Yves Bur sur le tabac, bien que je sois élu d’une région productrice de tabac.

M. Yves Bur, rapporteur. C’est tout à votre honneur.

M. Daniel Garrigue. Il faut faire la différence entre des producteurs d’alcool, qui ont des budgets publicitaires considérables, qui agissent à l’échelle internationale – et que l’on traite comme des producteurs de vin –, et les viticulteurs, qui n’ont pas du tout les mêmes budgets, qui jouent sur des marchés extrêmement étroits et qui savent que leur condition de survie, c’est de viser la qualité et non la quantité. Un vignoble qui ne mise pas sur la qualité du produit est condamné à disparaître. Il ne s’agit donc ni des mêmes économies, ni des mêmes comportements sur les marchés.

Par rapport à la publicité sur internet, je souhaite que l’on fasse une distinction très nette entre les alcools d’une part et les vins d’autre part. Je regrette que cette distinction n’ait pas été faite plus tôt.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je vous remercie, monsieur le président, d’autoriser ce débat. Cela honore notre Parlement.

Chacun défend les intérêts de sa circonscription et se soucie de l’activité économique. Mais, à un moment ou à un autre, nous sommes tous comptables de l’intérêt général. Si nous voulons éviter que certains de nos compatriotes pensent que nous sommes manipulés par des lobbies, il faut aussi faire la part des choses.

Ceux d’entre vous qui, avec conviction – je ne parle pas de ceux qui peuvent le faire avec cynisme –, défendent la viticulture en l’assimilant aux intérêts généraux des alcooliers qui, eux, sont beaucoup plus présents sur internet que la petite coopérative, se trompent et trompent les Français.

Les gros alcooliers se cachent derrière une infanterie de gentils viticulteurs,…

M. Yves Bur, rapporteur. L’armée des petits vignerons.

M. Jean-Marie Le Guen. …à qui l’on fait croire ce que l’on veut. De ce point de vue, vous ne rendez pas service à vos territoires en ne montrant pas véritablement la réalité.

Troisièmement, comment expliquer par exemple que ce Gouvernement ait accepté le Red Bull ? Le Red Bull n’est pas une boisson alcoolique, mais c’est une boisson relativement dangereuse. Tout le monde sait qu’elle sert essentiellement, notamment auprès du public féminin, pour masquer des boissons dans lesquelles on ajoute de l’alcool fort.

M. Guy Lefrand. C’est vrai.

M. Jean-Marie Le Guen. Il n’y a pas de boîte de nuit, il n’y a pas de soirée où il n’y ait pas de Red Bull. Cette boisson a été longtemps interdite par les pouvoirs publics en France puis a été autorisée sous la pression de votre Gouvernement, non pas de vous, Mme Pécresse…

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ne dites pas n’importe quoi !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous allez me raconter des histoires en me disant que c’est l’Europe qui est en cause : c’est parfaitement faux !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ça suffit !

M. Jean-Marie Le Guen. C’est l’action bien organisée des lobbies qui fait qu’aujourd’hui il n’y a aucune action collective des pouvoirs publics pour éviter que ce vecteur de l’alcoolisme massif chez les jeunes soit véritablement combattu.

M. le président. Souhaitez-vous répondre, madame la ministre ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Oui, monsieur le président, car j’ai entendu trop de choses fausses.

Tout d’abord, je tiens à dire que ce n’est pas parce que c’est la ministre du budget qui défend le plan de santé publique du Gouvernement qu’elle ne le défend que pour des raisons budgétaires. Il y a une coordination gouvernementale : le Premier ministre a souhaité qu’un plan de santé publique soit mis en œuvre. Xavier Bertrand était hier au Sénat toute la nuit pour défendre le projet de loi sur le médicament, il arrivera très bientôt dans cet hémicycle. Sachez que nous sommes exactement sur la même ligne.

M. Jean-Marie Le Guen. C’est bien là le problème !

Mme Valérie Pécresse, ministre. S’agissant des alcools, nous empruntons le chemin, déblayé par la gauche comme par la droite, de la fiscalité comportementale. Nous pensons qu’une fiscalité plus élevée sur des produits plus dangereux est dissuasive pour la consommation. Nous en avons fait l’expérience pour le tabac mais aussi pour les premix, et si l’économie des premix a été tuée, c’est parce que le Parlement les a taxés.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Très fortement !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Très fortement, en effet.

S’agissant du Red Bull, je ne peux pas laisser M. Le Guen dire n’importe quoi. Mme Bachelot s’est battue comme une lionne pour ne pas interdire le Red Bull.

M. Jean-Marie Le Guen. Contre qui ? Contre Mme Lagarde ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le problème, c’est qu’il s’agit d’une réglementation européenne. Figurez-vous que les frontières de l’Union sont ouvertes.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n’est pas l’Europe qui est en cause !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je vous rappelle que le produit dont vous parlez est fabriqué en Autriche. Il n’y a pas d’intérêts français en jeu.

M. Jean-Marie Le Guen. C’est le lobby de la Formule 1 qui a imposé cette décision à votre gouvernement !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Le Guen, arrêtez donc de donner dans la théorie du complot et d’échafauder des scénarios de science-fiction.

La semaine dernière, un amendement visant à taxer les produits contenant de la taurine a été déposé par le questeur Richard Mallié. Je ne crois pas que vous soyez venu dans l’hémicycle pour le soutenir, monsieur Le Guen. (« Eh non ! » sur les bancs du groupe UMP.) Le Gouvernement aurait pourtant été prêt à lui donner un avis favorable s’il avait été défendu. Vous n’étiez pas là, alors, ne venez pas nous donner de leçons sur le Red Bull !

M. Jean-Marie Le Guen. Arrêtez avec votre démagogie antiparlementaire ! C’était à M. Mallié de le soutenir et à vous de le reprendre en son absence. Cessez avec vos faux-semblants ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Le Guen, Mme Touraine a hier émis le souhait que nous ne soyons pas trop virulents dans nos débats.

M. Jean-Marie Le Guen. Bravo ! Mais c’est vous qui avez commencé !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il ne suffit pas de crier très fort pour essayer de couvrir la voix d’une femme, ce n’est pas très élégant.

M. Jean-Marie Le Guen. C’est vous qui avez le micro !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Criez, criez, il en restera toujours quelque chose : c’est sans doute ce que vous croyez. Je ne suis pas de cet avis : je pense que le fond est plus important que la forme.

M. Jean Mallot. Pirouette, cacahouète !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je veux vous parler maintenant des étudiants. Je suis actuellement ministre du budget mais il se trouve que, pendant quatre ans, main dans la main avec Roselyne Bachelot, j’ai travaillé pour prévenir l’alcoolisme étudiant en tant que ministre de l’enseignement supérieur.

M. Jean-Marie Le Guen. Avec quelle efficacité !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Qu’avons-nous fait ? Nous avons interdit la pratique de l’open bar : aucun alcoolier n’a désormais le droit d’offrir gratuitement des bouteilles d’alcool dans les fêtes étudiantes.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous ne nous laisserons pas endormir par votre complaisance !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous avons généralisé l’année dernière la pratique des testings dans les soirées étudiantes pour vérifier qu’il n’y a pas de distribution gratuite d’alcool comme il y a des testings à l’entrée des boîtes de nuit pour s’assurer qu’il n’y a pas de discrimination. Nous avons également mis en place une charte du bon déroulement de la fête étudiante, maintenant obligatoire dans toutes les universités et dans toutes les écoles.

Alors, ne dites pas que nous n’avons rien fait pour lutter contre l’alcoolisme étudiant, monsieur Le Guen !

M. Jean-Pierre Dupont. Il ne vous écoute pas, madame la ministre, il lit !

Mme Valérie Pécresse, ministre. L’alcoolisme étudiant passe par la consommation d’alcools forts mêlés à toutes sortes d’autres produits. Ces alcools, je crois qu’il faut que vous les taxiez.

J’ajoute, puisque nous avons parlé du vin, que les productions locales, notamment viticoles, sont très souvent exonérés dans les autres pays d’Europe.

M. Serge Poignant. Absolument !

Mme Valérie Pécresse, ministre. L’Allemagne applique ainsi une exonération totale aux productions viticoles. Nous, nous nous taxons le vin à 3,55 %. Il faut comparer et aller dans la voie d’une fiscalité comportementale, qui est une fiscalité, je le dis à Guy Lefrand, de santé publique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Robert Lecou.

M. Robert Lecou. Alors que le débat devrait se dérouler calmement, nous voyons s’exprimer toutes sortes d’intégrismes, et c’est bien dommage. Certes, il y a un problème de comportement, monsieur Le Guen, mais votre comportement à vous n’est pas de ceux que l’on aime voir dans l’hémicycle. Il n’y a pas à s’énerver.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. C’est vrai, c’est une attitude lamentable.

M. Robert Lecou. Je peux vous parler du comportement des participants à la fête des vendanges à laquelle j’ai assisté récemment : les viticulteurs ont distribué des éthylotests à l’entrée de la manifestation qui a permis de mettre en valeur une culture, un patrimoine appartenant aux arts et traditions populaires de notre pays, dans un état d’esprit qui n’a rien à voir avec celui des ferias dont il est question. Ne confondons pas tout !

Je peux défendre la santé publique tout en défendant la modération de ceux qui considèrent que la viticulture fait partie de notre patrimoine et de notre culture. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Armand Martin.

M. Philippe Armand Martin. Je rejoins ce que vient de dire Mme la ministre. Il est vrai que, dans certains pays producteurs, il n’existe pratiquement pas de taxes, alors qu’en France celles-ci sont tout de même assez élevées.

J’estime qu’il faut aussi se pencher sur la question de l’éducation, que vous avez abordée, madame la ministre. Il faut absolument mener dans les collèges ou les lycées des initiatives d’éducation et de prévention contre les dangers des consommations excessives, comme l’a déjà fait la filière viticole. J’ai déjà formulé une demande en ce sens dans un rapport mais aucun gouvernement n’est allé dans cette voie. Il s’agit pourtant d’un dossier très important.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Biémouret.

Mme Gisèle Biémouret. Je voudrais dire à Mme la ministre que je trouve inadmissibles les arguments qu’elle a employés à propos de la fiscalité comportementale. Un grand plan de santé publique nécessite de se préoccuper des raisons profondes pour lesquelles des comportements à risques existent.

(L'amendement n° 689 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 266.

La parole est à M. Yves Bur, rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Favorable.

(L'amendement n° 266 est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements n°s 690 et 13 tombent.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 691.

La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Cet amendement est défendu.

(L'amendement n° 691, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 12 rectifié.

La parole est à M. Bernard Depierre.

M. Bernard Depierre. Il s’agit d’un amendement simple.

L’extension de la cotisation de sécurité sociale à 45 % aux crèmes et liqueurs de fruit titrant 18 degrés et plus signifie la mort à court terme de quelques-uns des 10 000 emplois qu’induit cette production sur tout le territoire français.

Je suis stupéfait qu’une telle décision puisse être prise après avoir entendu la nuit dernière M. le rapporteur et Mme la ministre mettre en avant la compétitivité des entreprises. Rappelons tout de même que ces produits sont l’une des sources majeures de nos exportations en Europe, aux États-Unis et en Asie.

Cette disposition apportera certes quelques recettes supplémentaires au budget de la sécurité sociale mais va détruire un réseau de PME extrêmement important dans notre pays alors que certains de ces produits sont en passe d’obtenir la reconnaissance d’une indication géographique.

Il s’agit d’une production ancestrale, qui fait partie de l’héritage de la gastronomie française. La volonté d’étendre la surtaxation de 25 degrés à 18 degrés va tuer définitivement cette production.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

Le dispositif que nous mettons en place concerne le seul territoire national. Les taxes prévues ne fragiliseront donc pas l’exportation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Avis défavorable également.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, je ne voudrais pas abuser de votre bienveillance, j’aimerais simplement répondre à Mme la ministre à propos de la taxe sur la taurine. Je n’étais peut-être pas présent, comme d’autres députés, lorsque l’amendement de M. Mallié a été appelé, mais je rappelle que le rapporteur et vous-même, madame la ministre, avez la possibilité de déposer un amendement analogue dans le PLFSS, où il trouverait parfaitement sa place.

Si votre attitude n’est pas un faux-semblant, je vous demande donc de reprendre cet amendement, de façon que nous puissions l’adopter, car une telle taxe me paraît aller dans le bon sens.

(L'amendement n° 12 rectifié n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 692.

La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Les hausses prévues dans le projet de loi représentent 16 % à 45 % d’augmentation du prix de vente, ce qui nous paraît considérable. Je propose donc que nous nous inspirions du modèle anglais en adoptant une taxe progressive, lissée dans le temps, à la manière de la tax escalator.

(L'amendement n° 692, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 11.

La parole est à M. Bernard Depierre.

M. Bernard Depierre. Cet amendement complète mon amendement précédent.

Il vise à garantir la préservation de la production de liqueurs et de crèmes de fruits, très importante dans beaucoup de régions de France. Il me semble que maintenir le niveau actuel de la cotisation avec une hausse de 10 % des accises, comme pour les spiritueux, serait une décision de sagesse.

(L'amendement n° 11, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Nous en arrivons à un amendement rédactionnel, n° 267, de M. le rapporteur Yves Bur.

(L'amendement n° 267, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 9 rectifié et 284 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline. Le débat précédent a, je crois, démontré, s’il en était besoin, que nous n’avons pas tous la même approche des comportements addictifs.

Je ne reviens pas sur le calvados, mais je voudrais, madame la ministre, vous suggérer l’idée d’un rapport qui serait rendu avant le mois de juin 2012, et qui porterait sur les moyens mis en œuvre pour lutter contre la consommation excessive de boissons alcoolisées et imaginer des adaptations qui pourraient conduire à une réforme plus générale de cette fiscalité.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Binetruy.

M. Jean-Marie Binetruy. Je précise quant à moi que j’ai retiré mon amendement, qui était identique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. Je l’ai dit en commission : il ne faut pas demander de rapports supplémentaires quand ce n’est pas tout à fait indispensable. Nous connaissons très bien ces problèmes de l’alcoolisme, de l’alcoolisme des jeunes : aujourd’hui, nous avons besoin d’actions plutôt que de rapports.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Même avis, et ce d’autant plus qu’un travail européen sur l’harmonisation de la fiscalité des alcools est en cours. Un état des lieux serait donc quelque peu prématuré : attendons les conclusions des travaux européens, dont j’informerai évidemment la représentation nationale.

Je demande donc le retrait de l’amendement.

M. le président. Monsieur Tian, retirez-vous votre amendement ?

M. Dominique Tian. Oui.

(Les amendements nos 9 rectifié et 284 rectifié sont retirés.)

(L'article 16, amendé, est adopté.)

Après l'article 16

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 123 et 147, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Marie Rolland, pour soutenir l’amendement n° 123.

M. Jean-Marie Rolland. Dans une période où les finances publiques et sociales sont à la peine, je vous propose de créer une taxe exceptionnelle assise sur le produit brut des jeux. Due par les exploitants des jeux de casinos et des cercles de jeux, ainsi que par les exploitants de jeux en ligne, elle pourrait s’appeler « taxe de solidarité pour l’accompagnement des personnes âgées et des personnes handicapées », et son produit pourrait être confié à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

Cette taxe tiendrait compte des particularités des charges d’exploitation des casinos, des manifestations artistiques, des frais d’entretien des établissements qui sont annexés à ces casinos. Mais, dans la période difficile que nous traversons, le produit brut des jeux, c’est-à-dire la différence entre le total des mises des joueurs et les gains versés par les établissements, se monte à 2,344 milliards d’euros ; une taxe au taux de 1 % rapporterait donc tout de même 23 millions d’euros.

Ce débat mérite, je crois, d’être ouvert.

M. le président. La parole est à M. Marc Francina.

M. Marc Francina. J’interviens contre cet amendement.

En tant que président de l’Association nationale des maires des stations classées et des communes touristiques, je représente à peu près les 197 communes françaises qui ont un casino – tous bords confondus, je tiens à le signaler. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gérard Bapt. C’est M. Tiroir-Caisse !

M. Marc Francina. Je souhaite appeler l’attention de mes collègues sur le grave danger que ferait courir aux casinos l’instauration de cette nouvelle taxe. C’est un mythe, les casinos : il faut quand même expliquer aux gens ce qu’est le produit brut des jeux ! Les casinotiers doivent reverser 80 à 90 % des mises aux joueurs. Il ne reste que 20 % pour les casinotiers et les communes.

La taxe sur les casinos a été créée, je le rappelle, par la loi de 1905 ; une dérogation à l’interdiction des jeux à l’échelon national a été décidée afin de soutenir les petites stations classées, touristiques, thermales, balnéaires, qui ont seules le droit d’avoir un casino.

Je ne parlerai pas des vingt premiers casinos de France, mais plutôt des 177 autres. Les casinos connaissent de grandes difficultés économiques ; ils ont enregistré une baisse cumulée de leur chiffre d’affaires de 20 % durant les trois dernières années, à cause de la crise mais aussi de l’interdiction de fumer dans les salles. Au cours des années 2010 et 2011, sept casinos ont été placés en redressement judiciaire, et deux ont cessé complètement leur activité.

Cette crise bien réelle s’est traduite ces trois dernières années par une perte de 1 500 emplois directs sur les 18 000 de ce secteur, ainsi que par une diminution des prélèvements de l’État et des communes d’implantation.

Les perspectives pour l’exercice en cours sont très médiocres ; après une très relative embellie en début d’année, le dernier trimestre montre une nette dégradation. Malgré les investissements réalisés ces deux dernières années pour relancer l’activité, l’exercice qui s’achève au 31 octobre 2011 ne devrait donc montrer aucune amélioration par rapport aux précédents, ce qui est très préoccupant, en particulier pour les petites et moyennes entreprises, pour lesquelles une nouvelle régression est attendue.

Introduire une nouvelle taxation sur les casinos, si moraux qu’en soient les objectifs, risquerait d’aggraver la situation économique d’une activité déjà très touchée par la crise, et de rejaillir sur les politiques culturelles de nos stations classées : ces dernières sont en effet très dépendantes des versements des casinos, dont la diminution entraînerait inévitablement des annulations de festivals et animations, prévus longtemps à l’avance. Les hébergements seraient également touchés, puisqu’une telle disposition nuirait à la politique de rénovation des complexes intégrés – casinos, hôtels, salles de spectacles. Non seulement ceux-ci doivent répondre aux nouvelles normes d’accessibilité et de lutte contre l’incendie, mais ils doivent se hisser au niveau des standards du nouveau référentiel de classement des hôtels.

L’instauration de cette taxe constituerait donc un très mauvais signal adressé à l’ensemble du secteur touristique, au moment où l’on ne cesse de déplorer la rétrogradation de la destination France, en termes de recettes, au niveau mondial.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. M. le rapporteur Bur présente également, me semble-t-il, un amendement allant dans le même sens. Nous aurions pu le discuter en même temps.

Toujours est-il que le sujet arrive de façon quelque peu étrange. Je ne défends pour ma part ni les casinos, ni les jeux ; ma circonscription ne compte aucun casino et je ne suis présidente d’aucun casino. Les choses sont donc simples et claires.

En revanche, vous avez voté, il n’y a pas si longtemps, une loi sur l’introduction des jeux en ligne, et nous avions alors dénoncé les risques d’addiction que ces jeux entraînaient pour une partie de nos concitoyens. Aucune étude sanitaire n’avait été réalisée à ce moment-là pour apprécier l’impact potentiel de ces jeux.

Aujourd’hui, on nous propose une taxation alors même qu’on nous expliquait il y a quelques mois que tous ces jeux ne posaient aucun problème. Franchement, ce sujet mérite mieux qu’un amendement introduit à la va-vite : ces deux amendements donnent le sentiment que l’on fabrique un PLFSS avec des bouts de ficelle, en cousant une espèce de patchwork de taxes nées d’esprits plus imaginatifs les uns que les autres.

Il y a là, je crois, un enjeu réel, en particulier pour ce qui concerne les jeux en ligne. Examinons comment cela se présente, regardons qui joue et quelle est la meilleure manière de dissuader les comportements addictifs – car il y en a sans aucun doute ; mais je ne crois pas que l’introduction d’une taxe, comme cela, sans en connaître la portée, sans savoir qui elle touchera et quel est son lien avec la sécurité sociale, constitue une démarche très opportune.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Dans le prolongement du raisonnement de Marisol Touraine, je souligne que nous n’avons pas soutenu la loi du 12 mai 2010 qui ouvrait le marché des jeux et paris en ligne. M. Barnier, au nom de la Commission européenne, a d’ailleurs récemment souligné qu’il n’y avait aucune obligation d’ouvrir à la concurrence les jeux en ligne.

Depuis cette loi, en tout cas, les choses ne se sont pas améliorées. Les paris illégaux n’ont pas diminué ; le mouvement sportif dépense toujours autant d’argent pour protéger l’intégrité des compétitions, plus en tout cas qu’il ne reçoit de recettes supplémentaires ; l’augmentation de la publicité sur les jeux en ligne a produit un nombre plus grand de joueurs, et donc un nombre plus grand de joueurs posant problème. Notre pays compterait 600 000 joueurs « addicts ».

Quant à la taxe proposée par ces amendements, il me semble qu’elle devrait plutôt profiter à la lutte contre l’addiction au jeu, par exemple, surtout quand on constate que plus de 12 % de la population entre dix-huit et soixante-quinze ans joue régulièrement, et pour un montant moyen de 500 euros par an, ce qui est tout à fait important.

Enfin, cette éventuelle taxe serait assise sur le produit brut des jeux, et non sur les mises. Mme la ministre conviendra qu’il existe dans ce dispositif un risque d’évasion fiscale, puisqu’un certain nombre d’opérateurs sont installés hors de France.

M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je voudrais que l’on s’interroge sur ce type d’amendements. Chacun défend sa philosophie de la solidarité et je crois que ce PLFSS doit effectivement rechercher des solutions pour apporter au budget des contributions nouvelles.

Mais enfin, nous venons d’avoir un débat sur les ravages de l’alcool ; nous aurons tout à l’heure un débat sur les ravages du tabac. Et voilà que l’on nous propose une taxe, dite de solidarité, sur le produit des jeux.

Si par malheur nous l’adoptions, quel signal enverrions-nous ? « Pour accompagner les personnes âgées ou handicapées, nous encourageons les jeux. »

La solidarité mérite mieux que ce genre de bricolage – pardonnez-moi le terme. « Jouez, mesdames et messieurs, et grâce à vos mises nous allons pouvoir financer une partie de la solidarité » : ce serait un signe terrible !

Certes, on doit rechercher des financements ; certes, cette taxe pourrait peut-être servir à financer d’autres choses ; mais en ce qui concerne l’accompagnement des personnes âgées et des personnes handicapées, je suis personnellement très opposée à cette proposition qui me choque beaucoup.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, rapporteur.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Je n’ai pas non plus de casino dans ma circonscription, il n’y a donc aucun lien d’intérêt ; mais j’entends les observations de M. Francina, et je comprends bien que les casinos, et le secteur du tourisme en général, pourraient rencontrer des problèmes économiques si nous instaurions une telle taxe.

Nous avions déjà augmenté la CSG sur le secteur des jeux lors de la réforme de l’assurance maladie en 2004. On sait aussi que les taxes sur les jeux – versées au budget de l’État, et au fonds d’aide aux sportifs – sont déjà importantes.

Je ne pense donc pas qu’il faille voter cet amendement, qui n’a pas d’utilité dans le cadre de la santé publique – cette taxe, ce seraient des cacahouètes ! Pour défendre la santé publique, il vaudrait mieux réfléchir de façon beaucoup plus globale.

M. Roland Muzeau. Et l’imposition des indemnités journalières, ce n’étaient pas aussi  des cacahouètes?

M. le président. La parole est à M. Bernard Depierre.

M. Bernard Depierre. Je veux rappeler, au nom du sport, que la fiscalité sur les jeux en ligne en France est la plus importante d’Europe. C’est ce qui a conduit toutes les sociétés légales agréées par l’ARJEL à être confrontées aujourd’hui à de très grandes difficultés financières, le montant global des jeux en ligne sportifs atteignant moins de 700 millions d’euros en 2011,…

M. Michel Issindou. C’est bien assez !

M. Bernard Depierre. …contre 1,2 milliard l’an dernier. Cela a des répercussions sur les recettes fiscales de l’État et le budget du CNDS, qui concerne tous les clubs et communes françaises, et celles des fédérations et clubs sportifs sont mises à mal.

Bien sûr, cela fait plaisir à la centaine de sociétés illégales non agréées par l’ARJEL qui continuent à proposer en France des jeux, sans payer d’impôts, avec un retour aux joueurs très supérieur à celui que la France a accordé – 85 %.

Je considère donc que le dispositif proposé est mauvais, même s’il peut apporter un peu de solidarité.

Mme Nicole Ameline. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Nous sommes vraiment là dans une série de paradoxes.

D’une part, alors que l’on a favorisé le développement des jeux en ligne, donc des conduites addictives, on essaie aujourd’hui de bâtir une fiscalité là-dessus.

D’autre part, je vois un certain nombre de mes collègues monter au créneau alors que cet amendement prévoit, en tout et pour tout, un taux de 1 %. Voilà qui est quelque peu risible.

Cela dit, j’aimerais connaître la position exacte du rapporteur sur cette question.

M. le président. La parole est à M. Étienne Mourrut.

M. Étienne Mourrut. En tant que maire d’une commune touristique, je souhaite souligner l’importance que revêt un casino. D’abord, les emplois générés par les casinos sont des postes permanents, ce qui est important dans les petites communes touristiques où l’activité est saisonnière. Augmenter la taxation sur ces établissements ne serait donc pas un bon signe.

M. Roland Muzeau. Vous n’allez pas nous faire pleurer sur les casinos !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. L’amendement n° 123 n’a pas été examiné par la commission. À titre personnel, j’émets un avis défavorable. De même, les amendements nos 331 et 333 que nous allons examiner dans un instant n’ont pas été examinés par la commission.

Nous devons considérer l’amendement n° 147 comme un signal. À l’évidence, l’ensemble des acteurs sont sollicités pour contribuer à l’effort de solidarité, car nous traversons des temps difficiles.

Les producteurs d’alcools forts ayant été impactés par la taxe sur les alcools forts, il n’a pas paru anormal à M. Rolland de proposer que les casinos apportent leur contribution dans une période où il faut trouver les moyens de permettre à la solidarité de continuer à s’exercer.

Je ne me désole pas de voir que les jeux en ligne fonctionnent moins bien, car si les phénomènes d’addiction aux jeux sont encore insuffisamment étudiés, ils sont cependant bien réels. Peut-être devrons-nous considérer à l’avenir qu’il s’agit d’un problème de santé publique.

Mme Jacqueline Fraysse. C’est un problème qui va se développer !

M. Yves Bur, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 147 que la commission a adopté, je demande à M. Rolland de bien vouloir le retirer. Le problème est posé, un signal est donné. Mais je n’ai pas le sentiment que le débat soit totalement mûr.

Cela dit, je comprends qu’un certain nombre d’élus soient inquiets quant à la contribution des casinos aux recettes municipales.

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. De la même manière que vous n’avez pas voulu de la loi HADOPI, vous n’avez pas voulu de celle sur les jeux en ligne.

Mme Marisol Touraine. Ça ne marche pas !

M. Éric Woerth. Vous niez le fait internet.

Avec cette loi que le Gouvernement a fait adopter par la majorité, il s’agissait de prendre en compte le développement sauvage des jeux sur internet et de le réguler, de percevoir une fiscalité et de lutter de manière efficace contre l’addiction aux jeux. C’est le cas, et cette loi est un succès.

M. Jean Mallot. Sur quoi vous appuyez-vous pour affirmer cela ?

M. Éric Woerth. Regardez les rapports de l’ARJEL ! Le nombre d’opérateurs sauvages a fortement diminué.

M. Michel Issindou. Ce n’est pas vrai !

M. Éric Woerth. Les rentrées fiscales sont au rendez-vous et la façon de jouer en ligne est parfaitement régulée.

Sans doute des adaptations sont-elles à nécessaires, sur la base d’évaluations, et c’est normal quand on est dans un marché nouvellement régulé. Mais ne dites pas que c’est un échec. C’est au contraire un succès contre l’addiction et pour les joueurs.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. On sait très bien pourquoi vous avez fait voter cette loi. Il s’agissait en effet, de permettre à un certain nombre d’opérateurs de créer un nouveau type de commerce en ligne en profitant du fait que les jeunes vont plus spontanément sur internet que dans des lieux de jeux traditionnels.

Pour notre part, nous nous réjouissons plutôt que le succès escompté ne soit pas au rendez-vous. Nous n’étions pas favorables à cette loi, pour toute une série de raisons. Nous pensons que des risques d’addiction existent, et nous regrettons qu’à l’époque aucune étude n’ait été faite sur les conséquences négatives potentielles des jeux en ligne.

Il faudrait éviter qu’à l’occasion d’un débat sur la sécurité sociale on voie apparaître un certain nombre de sous-débats thématiques sectoriels.

Monsieur Bur, vous essayez de vous dédouaner en disant que l’on a déjà mis à contribution les producteurs d’alcools forts. Mais dès lors que les activités économiques sont mises à contribution sur le thème de la solidarité, pourquoi ne pas taxer encore plus largement et s’en prendre, par exemple aux paquets de biscuits puisque vous picorez déjà, de-ci, de-là, dans un certain nombre de secteurs ? Tout ces mesures ne font pas en tout cas une politique cohérente et ne ressemblent en rien à une politique de solidarité. Voilà pourquoi nous sommes défavorables à ces amendements.

Je le répète, nous n’avons aucune indulgence envers la pratique des jeux, dont nous pensons qu’elle doit être davantage encadrée et régulée, notamment en ce qui concerne les jeunes.

M. le président. La parole est à M. Guy Lefrand.

M. Guy Lefrand. Je précise qu’il n’y a pas non plus de casino dans ma circonscription.

Dans ce domaine comme dans d’autres, nous avons le double souci de la santé publique et de la fiscalité. Il existe une addiction aux jeux, comme il en existe une à l’alcool. Nous aurons à déterminer l’importance de l’une et de l’autre.

Je crois que M. Rolland souhaitait nous alerter sur ce sujet. Mais, à l’issue de ce débat, il apparaît que nous avons besoin d’une étude d’impact plus approfondie, à la fois sur la santé publique et l’addiction, et sur la fiscalité car nous avons bien entendu les difficultés économiques des uns et des autres.

Sous réserve d’une étude d’impact, peut-être M. Rolland pourrait-il retirer son amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je comprends le souhait des parlementaires de vouloir augmenter le soutien financier aux personnes âgées handicapées. Je rappelle que le Gouvernement a pris en considération ce souci puisque l’ONDAM médico-social augmentera cette année de 4,2 % alors que nous sommes dans un contexte de contrainte budgétaire très fort. Nous aurons à débattre ultérieurement de la question qui vous tient à cœur de la dépendance et du financement de la dépendance. Mais ne mélangeons pas les sujets dans le cadre de ce PLFSS.

J’en viens à la taxe sur les jeux. Comme vous le savez, je viens de rendre un rapport sur la clause de revoyure de la loi sur les jeux en ligne. J’y indique que je ne souhaite pas alléger la fiscalité sur ces jeux cette année, compte tenu de l’effort que nous demandons de faire à l’ensemble des Français et des entreprises, même si je sais que certaines sociétés de jeux en ligne rencontrent des difficultés économiques depuis l’entrée en vigueur de cette loi, car c’est un secteur concurrentiel nouveau qui n’est pas si facile.

Mais comme nous ne souhaitons pas non plus une évasion fiscale en la matière, j’ai confié à Jean-François Lamour le soin de se rendre à Malte, afin de vérifier que des opérateurs de jeux en ligne ne s’y installent pas pour échapper à une taxe qui pourrait évoluer en changeant d’assiette et être calculée sur le produit brut des jeux et non plus sur le total des mises des joueurs.

Doit-on augmenter la fiscalité sur les jeux ? Je n’y suis pas favorable car une enquête récente de l’INSERM sur l’addiction aux jeux montre qu’il y a, en France, deux fois moins de joueurs ayant des problèmes d’addiction aux jeux que les pays qui nous entourent. C’est une bonne nouvelle.

M. Jean Mallot. Ce n’est pas grâce à la loi de 2010 !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Cela prouve que les systèmes légaux que nous avons mis en place n’encouragent pas l’addiction aux jeux. Au contraire, ils la freinent.

Aujourd’hui, 1,3 % de la population adulte française a des comportements à risques vis-à-vis du jeu et seulement 0,4 % est considéré comme en addiction. C’est toujours trop, mais c’est deux fois moins que les pays qui nous entourent.

Pour cette raison, je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’augmenter la fiscalité sur les jeux.

J’ajoute que la situation économique des casinos, en particulier en province et dans les petites stations touristiques, n’est pas florissante. Aussi n’est-il pas souhaitable d’augmenter leur pression fiscale.

Je suis donc défavorable à ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Rolland.

M. Jean-Marie Rolland. En déposant cet amendement, mon intention n’était pas d’ouvrir un débat sur l’aménagement du territoire lié aux casinos ni un débat moral sur la nécessité ou non de jouer à des jeux d’argent. Je souhaiterais seulement trouver une recette supplémentaire de quelques dizaines de millions, ce qui n’est pas négligeable dans la période que nous traversons. Par ailleurs, il ne me semblait pas incompatible de faire un geste financier en direction de la CNSA par l’intermédiaire des joueurs, compulsifs ou non.

Toutefois, compte tenu de l’ensemble des arguments qui ont été avancés, je retire cet amendement.

M. Guy Lefrand. Très bien !

(Les amendements nos 123 et 147 sont retirés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 331 et 333, pouvant faire l’objet d’une présentation commune.

La parole est à M. Jacques Domergue.

M. Jacques Domergue. Je m’attarderai sur l’amendement n° 331 qui me paraît le mieux définir le dispositif que nous souhaitons in fine mettre en place.

Nous venons de le constater : dès que l’on touche à la fiscalité des jeux, on déstabilise des activités et met en danger des équilibres territoriaux. Aussi suis-je surpris que le rapporteur ait assimilé le présent amendement, que j’ai présenté avec 27 cosignataires, à ceux qui l’ont précédé car ils ne vont pas du tout dans le même sens. Ils visent en effet à augmenter la fiscalité des jeux alors que le vote de l’amendement n° 331 ne coûterait rien aux contribuables, ni d’ailleurs à l’État, mais apporterait néanmoins des recettes substantielles pour une cause éminemment noble : la lutte contre le cancer.

Plusieurs plans anti-cancer ont été élaborés et ont permis de donner une impulsion considérable à la lutte contre cette maladie qui touche presque toutes les familles en France : on compte 357 000 nouveaux cas par an – c’est considérable.

Plusieurs cris d’alarme ont été lancés pour signaler que la lutte contre le cancer était en panne. Je sais que le Président de la République souhaite d’ailleurs relancer le plan cancer.

M. Roland Muzeau. Il est vrai qu’il n’en a pas eu le temps depuis qu’il a été élu !

M. Jacques Domergue. On verra s’il le relancera avant la fin du quinquennat.

Vous avez pu constater que quelqu’un avait présenté sa candidature à l’élection présidentielle avec pour unique cheval de bataille la lutte contre le cancer. C’est dire l’importance de ce dossier et la nécessité absolue de trouver des moyens supplémentaires pour lutter contre cette maladie et augmenter les moyens dont dispose la recherche.

L’amendement n° 331 n’a pas du tout pour objet de taxer davantage le secteur des jeux. Il vise à taxer uniquement les gains à hauteur de 0,5 %, étant entendu que la Française des jeux réalise 44 milliards d’euros de chiffre d’affaires et redistribue 23 milliards d’euros aux gagnants. La somme prélevée serait par conséquent dérisoire par rapport à des gains qui peuvent aller jusqu’à plusieurs dizaines voire centaines de millions d’euros, alors que, pour les organismes, tel l’INCA, qui vont bénéficier de cette recette, il s’agit d’une aide considérable. Le Gouvernement doit donc saisir cette occasion de relancer la lutte contre le cancer.

Je souhaite en outre qu’il sous-amende l’amendement n° 331 pour exclure de son champ d’application les cercles de jeu et les casinos, afin d’éviter de mettre en difficulté les villes concernées par cette activité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements n°s 331 et 333 ?

M. Yves Bur, rapporteur. La commission ne les a pas examinés. Si, à titre personnel, je puis m’y montrer sensible, je m’en remettrai à la sagesse de l’Assemblée, tout en attendant avec intérêt l’avis du Gouvernement.

Reste que les gains des joueurs sont taxés d’une manière ou d’une autre, en amont ou en aval, en vertu de la fiscalité en vigueur. Faire le départ entre le gain final et la somme gagnée en amont n’a guère de sens.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces mêmes amendements ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Défavorable. Toute l’économie des jeux est fondée sur le taux de retour au joueur. Si le joueur juge ce taux insuffisant, il se tournera vers d’autres jeux mieux rémunérés.

Le moment ne paraît pas venu de taxer à nouveau les jeux, fût-ce au service d’une priorité telle que la lutte contre le cancer, du reste abondée par d’autres crédits : je pense notamment aux centaines de millions d’euros des investissements d’avenir consacrés à la recherche en ce domaine.

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Depuis ce matin, nous recherchons des bouts de recettes.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Pas du tout !

M. Michel Issindou. Je vous rends grâce, madame la ministre : en l’occurrence, vous n’êtes pas visée.

M. Guy Lefrand. Mieux vaut rechercher des recettes que des dépenses !

M. Michel Issindou. Néanmoins, il y a tout juste deux minutes, on voulait taxer les jeux pour améliorer la situation des personnes âgées, et il s’agit maintenant de taxer les gagnants pour financer la lutte contre le cancer. On ne joue pas ainsi avec la sécurité sociale qui, je le rappelle, est un système contributif fondé sur des cotisations salariales.

Nous sommes hier passés beaucoup plus vite sur des allégements de charges sociales ou de cotisations représentant des sommes bien plus considérables, alors que nos propositions me semblaient aller beaucoup plus clairement dans le sens d’un renflouement de la sécurité sociale.

De l’alcool aux jeux, j’estime que nous nous livrons ce matin à du bricolage : nous abordons l’agriculture régionale pour aussitôt évoquer la politique de santé, en passant par le budget de l’État et la sécurité sociale. Tous ces amendements, aussi louables soient-ils dans leurs objectifs, donnent une impression de décousu et ne correspondent en rien à la manière dont nous devrions renflouer nos caisses.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Ce débat, vu de l’extérieur, doit ressembler à une vaste mystification mettant en scène ce que serait la volonté de la majorité de résoudre les problèmes de la sécurité sociale. Vous ne prêtez pas attention aux effets collatéraux de nos débats. Ainsi quand M. Bur me répond que 150 millions d’euros, c’est peanuts

M. Yves Bur, rapporteur. Je n’ai pas dit cela !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. C’est moi qui l’ai dit, mais pas en anglais !

M. Roland Muzeau. Alors je rends à César-Door ce qui lui revient. (Sourires.)

Quand, l’année dernière, vous avez imposé les accidents du travail pour récupérer 180 millions d’euros, c’était peut-être peanuts mais vous les avez tout de même pris dans la poche des travailleurs, et sans hésiter.

Je comprends bien que vous ne voulez pas prendre de l’argent aux casinos et aux jeux ; reste que la solution du problème des recettes de la sécurité sociale passe par d’autres mesures que ces économies de bouts de chandelle même si l’on peut bien admettre qu’imposer les jeux ne constituerait pas un gros malheur.

Si vous voulez trouver des recettes rentables et exemplaires sur le plan pédagogique, tournez-vous du côté de la spéculation financière. Un spécialiste indiquait l’autre jour que toutes les nanosecondes des milliards d’euros circulaient sur les marchés financiers, générant des profits de spéculation gigantesques. Mais vous vous refusez à imposer cette spéculation qui détruit l’économie réelle, et donc les emplois si chers à M. Méhaignerie et à moi-même. Revenons à l’essentiel en s’orientant vers des mesures de ce type, dont le rendement serait très élevé. Frappons la spéculation financière et nous pourrons affecter les résultats de cette taxation à la lutte contre le cancer, aux soins de nos anciens, à la sécurité sociale en général. Là, au moins, nous serions efficaces !

M. le président. La parole est à M. Jacques Domergue.

M. Jacques Domergue. Je regrette l’attitude du Gouvernement qui ne saisit pas l’occasion de relancer une fois pour toutes le plan cancer.

M. Michel Issindou. Ce n’est pas l’objet de nos débats.

M. Jacques Domergue. Je propose un moyen de financement indirect qui ne mettrait pas en péril le secteur des jeux, par ailleurs très complexe et déjà très taxé, qui ne pénaliserait que les bénéficiaires et ne coûterait rien à l’État, rien au contribuable. Il y aurait seulement un petit manque à gagner pour les joueurs, si l’on songe qu’une personne a récemment gagné plus de 160 millions d’euros. Compte tenu de l’ampleur des gains, la taxation que je propose rapporterait plusieurs millions d’euros qui seraient reversés au bénéfice de cette cause éminemment noble.

On pourrait parler d’occasion ratée si l’Assemblée rejetait cet amendement.

(L’amendement n° 331 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 333 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Yves Bur, rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 148.

M. Yves Bur, rapporteur. Le ministre de la santé a participé, à New York, au sommet des Nations unies consacré aux maladies non transmissibles. Il y a déclaré que le moment était venu de hisser la lutte antitabac au rang des priorités sanitaires. Les maladies non transmissibles, dont le tabac est le facteur commun, mettent en péril notre système de santé et notre économie. Aussi la taxation des cigaretiers ne doit-elle pas être un tabou.

Depuis quelque temps, le Gouvernement a décidé d’augmenter chaque année le prix de vente du tabac de plus de 6 %, demandant aux cigaretiers de répercuter cette hausse. Ces derniers accroissent donc d’autant leur chiffre d’affaires et leurs profits. J’y reviendrai.

L’État – les finances sociales en particulier – tire avantage d’une telle augmentation en termes de recettes. Quant aux buralistes, ils bénéficient d’une marge supplémentaire. Voilà de quoi contenter tout le monde, à l’exception…

Mme Marisol Touraine. De la santé publique !

M. Yves Bur, rapporteur. …de la santé publique qui, si je puis m’exprimer ainsi, « trinque ».

Le moment est venu de mettre à contribution les industriels du tabac dans la lutte contre le tabagisme, lequel cause la mort de 60 000 personnes par an – autant de drames sociaux qui, avant d’aboutir à cette échéance fatale, représentent de considérables souffrances et ont, en outre, un fort impact en matière de dépenses de santé. Le coût des soins liés au tabagisme a été évalué à plus de 18 milliards d’euros par an. Les conséquences sociales de ce phénomène dépassent cette somme pour atteindre quelque 40 milliards d’euros.

Parallèlement, les cigaretiers augmentent leurs revenus et se voient dotés d’une sorte de rente permanente consentie par l’État. En moins de deux ans et demi, ils se sont vu offrir une augmentation de leurs prix de plus de 26 %. Aucun secteur industriel en France ne peut revendiquer une telle complaisance de la part de l’État. Je regrette, madame la ministre, que ce soit le ministère du budget, par le biais du service des douanes, qui pilote la politique du prix du tabac.

Je regrette en outre que vos services se révèlent assez hermétiques lorsqu’il s’agit de communiquer des chiffres sur les conséquences de ces hausses pour l’industrie du tabac. J’ai donc sollicité l’INSEE pour en savoir davantage. Selon les données de 2009, le chiffre d’affaires de l’industrie du tabac s’élevait à 1,625 milliard d’euros, soit une augmentation de 400 millions d’euros par rapport à 2008.

M. Jean Mallot. Bravo !

M. Yves Bur, rapporteur. Dans le même temps, l’excédent brut d’exploitation est passé de 316 à 387 millions d’euros. Mieux encore : le bénéfice de cette industrie en France est passé de 40 à 436 millions d’euros ! Ces données, j’y insiste, proviennent de l’INSEE.

À la lumière de la complaisance dont jouissent les fabricants de tabac, mon amendement vise à mettre cette industrie à contribution en faveur de la prévention du tabagisme. Car il s’agit d’une grande cause.

M. Roland Muzeau. En effet !

M. Yves Bur, rapporteur. Nous proposons par conséquent l’instauration d’une taxe sur le chiffre d’affaires et d’une taxe sur son augmentation. Ainsi, à chaque fois que le Gouvernement octroiera une augmentation des prix de 6 %, le financement de la politique de prévention s’en trouvera amélioré.

Il est temps, je le répète, que l’industrie du tabac soit mise à contribution puisque, jusqu’à présent, elle est pratiquement la seule à y échapper parmi les grandes industries dont l’activité a un impact sur la santé publique. Nous n’avons pas hésité, par exemple, à faire participer l’industrie des télécommunications, notamment auprès de l’ANSES, au financement d’études destinées à mesurer l’éventuel impact des radiations sur la santé. Nous n’avons pas hésité à mettre à contribution les industriels de l’agroalimentaire en taxant les sodas pour des raisons de santé publique et pour abaisser les charges sociales de certains secteurs agricoles.

Mme Marisol Touraine. Cela n’a aucun sens !

M. Yves Bur, rapporteur. Enfin, nous n’hésitons pas, depuis de longues années, à mettre toujours plus à contribution l’industrie pharmaceutique et à la solliciter également pour payer la formation des médecins. Il me paraît donc tout à fait normal et justifié, mes chers collègues, de taxer cette industrie de la mort, selon le principe « tueur-payeur » évoqué par Xavier Bertrand à New York.

M. Michel Issindou. Vous y allez fort !

M. Yves Bur, rapporteur. Celui qui est à l’origine de ces ravages doit aussi être mis à contribution. Ce combat n’est pas uniquement français, car il est maintenant relayé par les Nations unies. Je souhaite simplement donner un signal pour que l’industrie du tabac participe, enfin, à la lutte contre les ravages qu’elle occasionne.

M. Roland Muzeau et Mme Jacqueline Fraysse. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti, rapporteure.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. C’est à titre personnel que je m’exprime et non en tant que rapporteure pour le secteur médico-social. Je soutiens Yves Bur dans cette démarche parce que, tout comme l’alcool, le tabac est un fléau. Quand on entend les chiffres qu’il vient de citer, on se dit que la route est encore longue.

Cela étant, comme je l’ai souligné l’année dernière ici même, alors que nous abordions ce sujet en présence de François Baroin, il convient d’accorder toute l’attention qu’elle mérite à une problématique liée à la hausse des prix du tabac : celle des régions frontalières. Je pense, en effet, que nous atteignons les limites de l’exercice au niveau national. L’Europe doit vraiment s’emparer de ce sujet. Dans le département des Ardennes, en particulier, nous avons constaté, après les hausses successives, l’apparition de trafics en tout genre, y compris de produits illicites venant des pays asiatiques, qui s’organisent au sein des établissements scolaires ou dans la rue, avec les conséquences que l’on sait sur la santé, notamment des jeunes,. Or les chiffres cités ne tiennent pas compte des trafics qui dépassent les frontières européennes. Ces hausses deviennent alors contre-productives.

Parallèlement à ces problèmes de santé publique se posent des problèmes de sécurité. Nous devrons, par conséquent, consacrer des moyens supplémentaires dans nos collectivités à la lutte contre tous ces trafics et également mettre en place une politique européenne ambitieuse.

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Nous avons eu un trop long débat sur l’alcool et je m’associe à cet égard aux propos de M. Issindou. Je ne souhaite pas que nous discutions encore très longuement sur le tabac. Je partage totalement l’ambition, la passion et la conviction du rapporteur. J’aimerais toutefois connaître l’avis du Gouvernement, parce que d’autres éléments entrent en jeu et que l’on ne peut pas modifier la législation tous les six mois. Or il nous reste encore des articles très importants à examiner et nous risquons, au fil du temps, d’être de moins en moins nombreux pour en débattre. Je souhaite donc que le Gouvernement donne sa position et que nous passions ensuite au vote sur cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour l’assurance maladie et les accidents du travail ;

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Je m’exprimerai, à mon tour, à titre personnel. J’aimerais, en effet, faire mon mea culpa. Yves Bur a déjà présenté cet amendement l’année dernière et j’ai fait partie de ceux qui s’étaient prononcés contre. Or, à force de fréquenter le monde médical, j’ai pu me rendre compte que l’on avait atteint les 50 000 à 60 000 morts par an et que l’on enregistrait surtout une surconsommation chez les jeunes, et notamment les jeunes filles, dans les lycées. Nous sommes tous d’accord pour reconnaître qu’il est indispensable de tenir compte de ce grave problème. Si j’accepte, cette année, cette proposition, c’est parce que l’on taxe par ailleurs l’industrie du médicament. Il n’y a donc pas de raison d’en dispenser l’industrie du tabac, laquelle est effectivement responsable de dégâts considérables.

Voilà pourquoi je voterai cet amendement.

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Il est vrai que l’on aurait aimé connaître d’abord la position du Gouvernement, ce qui nous aurait permis de nous situer. Je rejoins, de ce point de vue, ce qu’a dit le président Méhaignerie.

Alors que ce n’était pas le cas s’agissant des jeux en ligne, nous sommes là au cœur des questions touchant à la santé publique. Je le dis d’emblée pour éviter toute ambiguïté : nous voterons cet amendement, comme nous l’avons annoncé en commission. Le tabagisme est en effet un véritable fléau de santé publique. Nous savons qu’il touche en particulier les jeunes : 20 % des jeunes femmes et 26 % des jeunes hommes fument aujourd’hui régulièrement et intensivement, ce qui ne peut qu’avoir des conséquences sur leur santé, donc sur la santé publique. Il est temps de mener des politiques résolues en la matière.

Cela ne doit pas, pour autant, nous exonérer d’une politique de santé publique au sens large. Tout ne se réglera pas au moyen d’une succession de taxes, même si, nous le savons, des hausses fortes et régulières du prix de l’alcool ou du tabac ont un impact sur la consommation, comme nous l’enseignent les études menées dans les pays étrangers. Nous verrons ce que sera l’impact de la campagne « choc » lancée au mois d’avril dernier et qui consiste à apposer sur les paquets de cigarettes des photos assez frappantes dénonçant les méfaits du tabac sur l’organisme. On sait néanmoins que l’influence d’une campagne de santé publique dépend beaucoup du contexte culturel dans lequel elle est réalisée. Donc, la même campagne menée en Angleterre, en France ou en Allemagne ne produira pas nécessairement un résultat identique. Nous en revenons toujours à la même chose : nous demandons que soit menée une politique de santé publique identifiée, qui s’inscrive dans une loi et qui marque des priorités.

C’est la raison pour laquelle nous n’étions pas d’accord tout à l’heure avec M. Domergue. Le cancer est, certes, une grande cause, mais ce n’est pas en créant de petites taxes que l’on réglera le problème. Le plan cancer doit être relancé, avec la même vigueur qu’il avait été engagé sous la présidence de Jacques Chirac, ce qui était une bonne chose. Ce plan n’a pas, aujourd’hui, une ampleur suffisante.

Nous attendons en tout cas que soit conduite une large politique de santé publique, comme nous le réclamons depuis le début de ce débat. Il serait tout de même temps que le Gouvernement nous fasse des propositions.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. J’ai entendu les propos de Pierre Méhaignerie. Mais nous débattons du projet de loi de financement de la sécurité sociale et plus particulièrement du volet « santé ». La lutte contre les addictions a donc sa place dans nos échanges. Nous souhaitons tous que se tienne un véritable débat sur la santé publique. Quand on sait que, chaque année, 50 000 morts sont dues à l’alcool et 60 000 au tabac, nous ne pouvons éluder cette vraie préoccupation. Quand on connaît, par ailleurs, toutes les mesures prises aujourd’hui pour lutter contre les accidents de la route, responsables de dix fois moins de morts, on ne peut qu’être déterminé à agir face aux conséquences de la consommation de tabac pour les familles et pour les dépenses de santé dues, entre autres, aux bronchites chroniques, aux cancers ORL et au cancer du poumon.

Je suis chargé de rédiger un rapport sur la prévention et l’éducation à la santé. Si nous voulons que la situation s’améliore, nous devons savoir ce qui se passe aujourd’hui. Nous sommes convaincus qu’il y a un manque de pilotage national, un manque de coordination et qu’il reste beaucoup à faire pour la prévention et l’éducation à la santé.

La forte augmentation des prix du tabac suscite une certaine amélioration, laquelle n’est malheureusement, en général, que provisoire. Nous savons en effet que les jeunes filles, notamment, fument beaucoup plus qu’avant et que les femmes rattrapent les hommes pour la fréquence des cancers du poumon, ce qui est préoccupant pour l’avenir. L’amendement proposé par Yves Bur me paraît essentiel puisqu’il nous permettra, pour une fois, de taxer l’industrie du tabac.

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. Jean-Luc Préel. Cette industrie s’en sort habituellement fort bien, parce qu’elle tire avantage de l’augmentation des prix. Taxer ainsi son chiffre d’affaires me semble fondamental. Et je rejoins volontiers Yves Bur quand il dit que le tueur doit participer au coût du tabagisme pour la santé publique.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Binetruy.

M. Jean-Marie Binetruy. Je tiens à saluer la ténacité d’Yves Bur dans sa lutte contre le tabagisme, mais je voudrais le convaincre que l’augmentation des taxes, mesure dont il est inexact d’affirmer qu’elle n’aura pas d’incidence sur le prix du tabac, n’est pas toujours la meilleure façon d’y parvenir et qu’elle a ses limites. Nous nous accordons tous, en revanche, pour reconnaître que l’interdiction de fumer dans les lieux publics, par exemple, est une excellente disposition.

Mme Marisol Touraine. Mais elle n’a pas d’impact sur le tabagisme actif !

M. Jean-Marie Binetruy. J’ai rendu, voici quelques semaines, un rapport sur le marché parallèle du tabac, rédigé à la suite d’une mission que j’ai conduite avec Jean-Louis Dumont et Thierry Lazaro. Depuis 2003, les ventes de tabac hors réseau sont passées de 3 à 20 %. Dans la même période, le prix du paquet est passé de 3,60 à 6,20 euros. Un paquet de tabac est taxé à 80 %, 10 % revenant au fabricant et 10 % au réseau. Si les buralistes vendent, certes, 30 % de cigarettes en moins – en 2000, 80 milliards de cigarettes étaient vendues contre 55 milliards aujourd’hui – la consommation diminue extrêmement peu. Il n’y a qu’à se rendre aux frontières belge, luxembourgeoise, allemande, espagnole ou en Andorre pour mesurer l’importance des achats transfrontaliers. Et je ne parlerai pas de la grande contrebande, de l’explosion des ventes sur internet et de la contrefaçon, laquelle est infiniment plus dangereuse pour la santé que les produits vendus dans le réseau des buralistes.

Notre pays a l’avantage de posséder un monopole de distribution – la société Altadis, ex-Seita, et le réseau des buralistes – qui constitue un moyen de contrôle efficace du marché du tabac. La taxation qui sera imposée portera essentiellement sur les Français…

M. Yves Bur, rapporteur. C’est faux !

M. Jean-Marie Binetruy. …les grands fabricants se trouvant bien évidemment à l’extérieur de nos frontières et notamment aux Pays-Bas. Ce sont donc principalement nos concitoyens qui en subiront les conséquences sans que l’on note d’effet sensible sur la consommation.

Je tiens à saluer l’action de Mme la ministre du budget, celle des douanes et de l’Office français de lutte contre les toxicomanies qui ont, cet été, travaillé efficacement sur le dossier du marché parallèle. Nous devons poursuivre dans cette voie. Compte tenu des écarts de prix entre pays européens, il convient maintenant de travailler à l’harmonisation européenne. Si nous agissons seuls, nous serons perdants sur trois points : la perte de 2,7 milliards de recettes fiscales, issues du marché parallèle, et non redistribués à la sécurité sociale ; le financement pour 1,2 milliard des contrats d’avenir ; enfin, aucune diminution des dépenses de sécurité sociale. Il est essentiel de se concerter pour augmenter régulièrement le prix du tabac. Nous ne devons plus agir isolément au coup par coup. Je vous demande, par conséquent, de ne pas voter cet amendement.

M. le président. Monsieur Binetruy, je suis obligé de constater que vous êtes intervenu pendant plus deux minutes. Je vous signale qu’il nous reste encore plus de 400 amendements à examiner. Je demande donc à chacun des intervenants d’être concis.

La parole est à Mme Anny Poursinoff.

Mme Anny Poursinoff. Je serai brève. Je me contenterai de dire à M. Bur qu’il vient de faire l’excellente démonstration de l’inefficacité d’une augmentation insuffisamment dissuasive, alors que, si elle était importante, la consommation diminuerait peut-être. Cela a été dit à maintes reprises, mais je l’affirme de nouveau : nous ne devons pas mélanger la fiscalité et la santé publique.

Je voterai cependant l’amendement de M. Bur, puisque nous ne devons pas priver la sécurité sociale de 50 millions d’euros, qui permettront de faire cette prévention que nous réclamons constamment.

M. le président. La parole est à Denis Jacquat, rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Comme je le soulignais tout à l’heure, ce débat renforce l’idée qu’il est indispensable de voter une grande loi de santé publique comportant, en particulier, un volet « tabac ». Les contrefaçons prennent de l’ampleur. Bérengère Poletti, députée des Ardennes, et moi-même, député de Moselle, à côté du Luxembourg, savons qu’il y a de la concurrence. Toutefois, le problème n’est pas la vente de cigarettes au Luxembourg, mais la contrefaçon.

De même, Bernard Accoyer, Philippe Vitel et moi-même, ORL de profession, savons que c’est l’abus qui est source de problèmes. Il convient, de ce point de vue, de mener une véritable politique de prévention. Quand j’exerçais, je n’interdisais pas aux gens de fumer, dans l’ensemble, mais je préconisais une grande modération. La politique de prévention n’est pas satisfaisante dans notre pays ; ce serait l’occasion de l’améliorer.

M. Daniel Garrigue. Monsieur le président, devrai-je faire un rappel au règlement pour avoir la parole ?

M. le président. Mais vous l’avez, monsieur Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Monsieur le président, je n’accepte pas une façon de présider qui consiste à donner la parole aux députés qui appartiennent à des groupes et à la refuser aux non-inscrits. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. C’est bien pourquoi je vous donne la parole, monsieur Garrigue !

M. Daniel Garrigue. Il a fallu que je vous menace d’un rappel au règlement pour que vous me la donniez ! Je trouve cela scandaleux. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Je ne crois pas avoir été avare en vous donnant la parole !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Tout à l’heure, il a même parlé deux fois sur le même amendement !

M. Daniel Garrigue. Je soutiens la position de notre collègue Bérengère Poletti : je voterai l’amendement d’Yves Bur, mais il faut vraiment mettre de l’ordre dans les trafics frontaliers.

Il conviendra également de régler un certain problème au sein de l’Union européenne. Quelques États, en particulier le Luxembourg, se font une spécialité de vivre de ressources collectées contre l’intérêt général.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Le Luxembourg n’a pas besoin du tabac !

M. Daniel Garrigue. C’est le secret bancaire,…

M. Denis Jacquat, rapporteur. Non !

M. Daniel Garrigue. …c’est le refus de la transparence en matière d’information, c’est la vente de produits nuisibles pour la santé publique.

M. Michel Issindou. Comme l’Andorre !

M. Daniel Garrigue. Les citoyens luxembourgeois seraient dans l’impossibilité de fumer ne serait-ce que le dixième de la quantité de tabac vendue dans ce pays !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Ce procès à charge contre le Luxembourg est inadmissible !

M. Daniel Garrigue. Pour des raisons diplomatiques, je n’utiliserai pas le terme d’État voyou, mais nous n’en sommes pas très loin !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Scandaleux !

M. le président. Il me semble, monsieur Garrigue, qu’il n’était pas nécessaire de lancer le débat sur d’autres plans.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement de M. Bur ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Avec tout le respect dû à l’Assemblée nationale, je vous demande, mesdames et messieurs les députés, de prendre conscience que nous ne sommes pas en train d’élaborer une grande loi de santé publique.

M. Jean-Marie Le Guen. C’est le moins qu’on puisse dire !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous votons le budget de la sécurité sociale pour 2012. Je sais que c’est peut-être pour certains d’entre vous la dernière occasion de s’exprimer sur des sujets de santé publique qui leur tiennent à cœur : le cancer, les personnes âgées, la lutte contre le tabac… Néanmoins, tous n’ont sans doute pas envie que nos débats se poursuivent samedi ou dimanche. Nous devons donc nous concentrer sur l’objectif qui nous réunit aujourd’hui, le financement de la sécurité sociale pour 2012, sans nous disperser.

M. Michel Issindou. Très bon rappel au règlement ! (Sourires.)

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous partageons le combat du rapporteur.

M. Roland Muzeau. Mais…

Mme Valérie Pécresse, ministre. Comme il l’a rappelé, Xavier Bertrand a lui-même défendu le principe de la responsabilité des industries du tabac dans les problématiques de santé publique. Nous avons également, cela a été souligné par Marisol Touraine, lancé une campagne de publicité « choc » pour mieux faire prendre conscience aux Français des ravages de la consommation de tabac. Nous avons adopté une politique de hausse des prix, qui ne satisfait pas le rapporteur parce qu’elle est menée par le ministère des finances et les douanes, mais qui est une politique constante, répétée chaque année. M. Bur souhaiterait une augmentation beaucoup plus importante mais il faut aussi que nous contenions le marché parallèle qui, comme l’a très bien rappelé Jean-Marie Binetruy, se développe fortement à chaque augmentation.

M. Roland Muzeau. Ce n’est pas le sujet de l’amendement !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je dresse d’abord un panorama, monsieur Muzeau ; permettez-moi de prendre de la hauteur !

M. Roland Muzeau. Si on pouvait siffler la fin de la récréation et parler du projet de loi de financement !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Soyez respectueux vis-à-vis de vos collègues !

Cette année, nous avons demandé aux industries du tabac un effort important de financement des buralistes à l’activité. Près de 270 millions d’euros leur seront donnés en rémunération par les fabricants de tabac. Nous voulons sortir d’une logique de subvention des buralistes par l’État pour entrer dans une logique où les buralistes, qui jouent un rôle important d’aménagement du territoire, dans nos quartiers, dans nos zones rurales,…

M. Bertrand Pancher. C’est vrai !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …puissent désormais vivre de leurs ventes et de leur chiffre d’affaires. Nous souhaitons également qu’ils étendent leurs activités : aux jeux, à des missions de service public, à d’autres produits commerciaux.

Nous sommes donc aujourd’hui devant une mutation du réseau des buralistes, à laquelle les fabricants de tabac contribuent financièrement de manière significative. Cela permet à l’État, monsieur Bur, de se désengager à hauteur de plus de 250 millions d’euros de ces subventions.

C’est pourquoi, bien que je comprenne vos intentions et partage votre souhait de voir fortement taxer les produits du tabac, je demande que cet amendement soit retiré. Il ne convient pas qu’il soit voté cette année où l’industrie du tabac a consenti un effort permettant à l’État de se désengager de ces subventions.

M. le président. La parole est à M. Yves Bur, rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Madame la ministre, quelle est la différence entre taxes comportementales et politiques de santé publique ? Il s’agit d’une mesure de santé publique ; nous allons abonder, par cette taxe, les moyens d’une prévention plus efficace.

L’industrie du tabac a vu ses profits augmenter de 400 millions entre 2008 et 2009. Je suis parfaitement conscient de la situation des buralistes. Élu d’un département frontalier, je connais bien la question. Je m’en suis d’ailleurs entretenu, pas plus tard que la semaine dernière, avec le président de la confédération des buralistes, qui m’a simplement demandé de ne pas mettre en danger le financement de la part des fabricants. Je rappelle que les 200 millions de contribution des fabricants de tabac sont mobilisés sur cinq ans ; il s’agit de porter de 6,5 à 6,9 % le taux de rémunération des buralistes à l’horizon de 2016.

Les problèmes d’achats transfrontaliers sont réels mais, en même temps, le marché français a augmenté de 2,2 % en volume entre août 2010 et août 2011. On ne peut donc pas dire non plus que tout passe par ces achats transfrontaliers.

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. Yves Bur, rapporteur. Enfin, chargé par Xavier Bertrand d’une mission sur la politique de prévention du tabagisme à l’horizon 2020-2025, je conviens évidemment, madame Poletti, qu’il faudra prendre contact avec la Commission, voir avec le commissaire à la santé, qui prépare une nouvelle directive sur le tabac, comment nous pouvons faire du tabac, en raison de ses dangers, un produit d’exception non identifiable aux autres produits du marché. Il faut à la fois des restrictions sur sa circulation et une politique de taxation au niveau européen.

Toutefois, cela ne doit pas nous dispenser de nos responsabilités ici même. Il est temps de mettre l’industrie du tabac en face de ses responsabilités, de la mettre à contribution, sur son chiffre d’affaires habituel et sur les augmentations : s’il y a augmentation, ce sera 25 millions de plus, s’il n’y en a pas, cette contribution supplémentaire ne sera pas requise.

Mme Jacqueline Fraysse. C’est raisonnable.

M. Yves Bur, rapporteur. La politique menée jusqu’à présent par le Gouvernement n’est pas satisfaisante. Augmenter le prix de 6 % par an garantit des recettes pour chacun, mais la santé publique est la victime de cette politique qui n’a aucun impact sur le nombre de fumeurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur le rapporteur, nous sommes dans un monde économique.

M. Roland Muzeau. Les lobbies ont travaillé !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Les industriels du tabac ont des marges, des chiffres d’affaires et font un certain profit. Ils ont accepté d’en reverser une partie aux buralistes pour conforter le réseau. Croyez-vous vraiment que, si nous augmentons de 50 millions cette taxe sur les tabacs, elle ne sera pas répercutée sur les prix de vente,…

M. Michel Issindou. Ça ressemble aux mutuelles !

M. Jean Mallot. Ponctionnez leurs réserves !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …et ce au-delà même des 50 millions, car les industriels anticiperont la décrue du marché liée à l’augmentation des prix ?

Mme Jacqueline Fraysse. À quoi servez-vous donc ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous risquons donc de faire payer votre taxe par les Français qui fument. Je rappelle que nous aurons augmenté le prix du tabac de 18 % en trois ans. C’est un peu comme la niche dans la niche. Je ne suis pas sûre, connaissant le fonctionnement de l’industrie du tabac, que cette taxe sera supportée par les industriels ; je crains qu’elle ne soit supportée in fine par les Français.

M. Jean-Marie Le Guen. À vot’ bon cœur, pour les industries du tabac !

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est pourquoi je maintiens mon avis défavorable.

(L’amendement n° 148 n’est pas adopté.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous débattons du projet de loi de financement de la sécurité sociale et nous parlons de taxes. Or j’ai lu dans les Échos de ce matin que le Gouvernement envisagerait de porter l’ONDAM à 2,5 %, alors que le projet le fixe à 2,8 %. Le Gouvernement, madame la ministre, envisage-t-il réellement un ONDAM à 2,5 % pour l’année 2012 ? Nous ne pouvons parler des taxes – vous venez, avec beaucoup de sensibilité, de nous faire pleurer sur l’industrie du tabac – sans être renseignés sur ce point.

M. le président. Ce n’était pas précisément un rappel au règlement, monsieur Le Guen.

Après l’article 16 (suite)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 369.

M. Yves Bur, rapporteur. Je le retire.

(L’amendement n° 369 est retiré.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour un nouveau rappel au règlement.

Plusieurs députés du groupe UMP. Le premier n’en était déjà pas un !

M. Jean-Marie Le Guen. Pardonnez-moi, monsieur le président, mais l’absence de réponse du Gouvernement à une demande d’information importante pour notre débat me laisse penser qu’il y anguille sous roche.

Je souhaite discuter avec mon groupe des conséquences que nous devons en tirer. Je vous demande donc une suspension de séance de cinq minutes. Il n’est pas possible que nous n’obtenions pas de réponse à cette question.

M. le président. Mme la ministre va vous répondre, monsieur Le Guen.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je répondrai à M. Le Guen pour qu’il retire sa demande de suspension de séance, car nous avons suffisamment perdu de temps ce matin.

Nous examinons un PLFSS qui est une étape décisive sur le chemin de la réduction des déficits publics. C’est ce PLFSS que nous vous demandons d’adopter, monsieur Le Guen, mais vous savez aussi que nous vivons une période de turbulences économiques et que nous attendons les résultats du sommet européen d’aujourd’hui et de la réunion du G20 de mercredi prochain, qui nous permettront de tirer des leçons sur la croissance de la France en 2012. Si des efforts supplémentaires doivent être demandés aux Français, nous les leur demanderons.

M. Roland Muzeau. Le ferez-vous sur l’ONDAM ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Si je le savais, je vous le dirais, monsieur Muzeau ! Nous attendons la clarification du contexte économique dans lequel notre pays se trouvera en 2012.

M. Roland Muzeau. L’ONDAM sera-t-il sanctuarisé ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je vous rappelle que, cette nuit même, un accord historique de sauvetage de la zone euro a été signé.

M. Roland Muzeau. Les spéculateurs ont raflé la mise !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Cet accord est de nature à renforcer l’économie française. Nous en tirerons toutes les conséquences dans les jours qui viennent et nous tiendrons immédiatement informée la représentation nationale des décisions qui auront été prises.

M. Guy Malherbe. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Madame la ministre, vous n’avez pas répondu à la question de M. Le Guen. Les professionnels de santé et les hôpitaux demandent un ONDAM à 3,1 % au minimum, et il est déjà réduit à 2,8 %.

M. Guy Malherbe. Et alors ?

M. Roland Muzeau. La rumeur, qui commence à s’amplifier, le situe désormais à 2,5 %, et vous venez implicitement de la confirmer.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Ce n’est pas vrai !

M. Roland Muzeau. Bien sûr que si ! C’est ce que la ministre a dit ! Attendez une semaine et vous verrez, monsieur Door !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Muzeau, je ne fais jamais rien implicitement. Arrêtez de prendre vos rumeurs pour des réalités ! Je vous dis que nous sommes dans une période d’incertitude et que nous tirerons dans les semaines qui viennent les conséquences des négociations en cours pour la situation économique de la France.

M. Roland Muzeau. Dites alors que ce sera ONDAM compris !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais je ne peux pas vous parler de décisions qui n’ont pas été prises, a fortiori d’hypothèses qui n’ont pas encore été évoquées.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Madame la ministre, vous nous dites que vous ne savez pas encore quelles conclusions tirer du sommet européen, de la conjoncture incertaine, etc. Mais nous avons déjà constaté que les prévisions de croissance pour 2012 ne sont pas celles inscrites dans le PLFSS. Elles sont largement inférieures : 0,9 % au lieu de 1,75 %. On a eu hier les chiffres du chômage : ils sont en augmentation importante par rapport à l’année dernière, notamment pour les seniors, ce qui met en péril votre loi sur les retraites. Je comprends donc qu’il y ait des conclusions à tirer de tout cela, y compris sur l’évolution de l’ONDAM après le sommet de cette nuit, mais je pose une question : quelle est désormais la nature de notre discussion sur ce PLFSS, de même que sur le projet de loi de finances, puisque vous dites ne pas savoir ce qui va se passer ? Allez-vous modifier la partie recettes du PLF adoptée ici même il y a quelques jours ? Allez-vous le faire au Sénat ? Ou bien devons-nous nous attendre à des lois de finances et de financement rectificatives ? Je me demande comment vous allez organiser tout cela pour que nos débats aient du sens.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Mallot, aujourd’hui, le Gouvernement demande à la représentation nationale d’adopter un PLFSS avec un déficit réduit de 15 milliards d’euros.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Et un ONDAM à 2,8 %, mon cher collègue !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Votons ce PLFSS qui est une étape décisive sur le chemin du désendettement. Si nous recevions de nouvelles informations qui s’avéreraient moins optimistes que les perspectives de croissance du Gouvernement et que nous devions réviser celles-ci…

M. Jean Mallot. Pour la croissance, on le sait déjà !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Mallot, vous, vous savez tout, mais nous, nous avons des doutes et c’est pourquoi nous avons besoin de plus d’informations, de plus d’indicateurs.

M. Jean Mallot. Non, vous n’avez aucun doute !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Arrêtez d’asséner de telles affirmations.

M. Roland Muzeau. Toucherez-vous ou non à l’ONDAM ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement va agir avec sang-froid et lucidité.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Très bien !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Mallot, je vous rappelle que le 24 août, en plein milieu de l’été, quand la croissance s’est avérée ne pas être au rendez-vous, nous avons décidé de changer nos perspectives de croissance, et le Premier ministre est allé demander 12 milliards d’efforts supplémentaires aux Français. Nous sommes sincères. Nous sommes responsables.

M. Michel Issindou. On verra bien !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Notre objectif intangible, c’est la réduction des déficits, et s’il faut changer nos perspectives de croissance au vu des résultats des sommets internationaux et au vu de la situation économique de la zone euro et du monde, nous le ferons et nous vous le dirons. Ne mettez pas la charrue avant les bœufs, ne demandez pas au Gouvernement de relater des décisions qu’il n’a pas prises en fonction d’hypothèses qui ne sont pas encore connues ; laissez-le clarifier les perspectives de la zone euro avant de vous répondre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Door, rapporteur, M. Guy Malherbe et M. Raymond Durand. Très bien !

M. Guy Lefrand. Ce n’est pas Nostradamus, c’est Nostramallot ! (Sourires.)

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je cède maintenant la place à ma collègue Nora Berra, qui va traiter des articles 17 et suivants.

Article 17

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 87, 563 et 655, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Yves Bur, rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 87.

M. Yves Bur, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel que j’ai déposé à titre personnel.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour défendre l’amendement n° 563.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à augmenter la participation des entreprises non conventionnées au Comité économique des produits de santé – le CEPS – qui exploitent des médicaments remboursables. Nous proposons de fixer au taux minimal de 0,1 % au lieu de 0,5 % le seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde. Nous considérons en effet que cette contribution, bien que tout à fait symbolique, serait légitime dès ce dépassement, car le chiffre d’affaires des entreprises concernées est en constante progression. Leur contribution doit donc être renforcée, d’autant plus qu’elles participent dans une large mesure, via leur politique commerciale – je pense aux fixations de prix –, à creuser le déficit de la branche maladie. Il ne faut pas oublier que la progression de leur chiffre d’affaires est largement dépendante du taux de remboursement par l’assurance maladie.

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou, pour défendre l’amendement n° 655.

M. Michel Issindou. Nous sommes moins ambitieux que nos collègues, mais nous proposons tout de même de ramener le taux K de 0,5 % à 0,4 %. Bien sûr, on sait que cela ne rapportera pas grand-chose en raison des conventions conclues : c’est une contribution quelque peu théorique. Elle a certes rapporté 50 millions l’an dernier, mais à comparer avec les efforts demandés à l’ensemble des assurés.

Nous revenons enfin au cœur du sujet : les laboratoires pharmaceutiques, la santé publique et la protection sociale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements n°s 563 et 655 ?

M. Yves Bur, rapporteur. Ces amendements reprennent des propositions dont nous discutons pratiquement chaque année. Je rappelle que le taux K est historiquement bas : jamais les années précédentes il n’a été de 0,5 %. Je rappelle aussi que la croissance du marché du médicament est quasiment nulle cette année, et je ne vois donc pas en quoi ces mesures se justifieraient. Je rappelle enfin que le taux K est une arme que nous mettons à la disposition du CEPS pour obtenir des laboratoires des accords de prix et de conventionnement ; pratiquement l’ensemble des laboratoires qui vendent en France signent des conventions avec le CEPS, ce qui les exclut de l’imposition au titre de la clause de sauvegarde. Le système est efficace. Le CEPS dispose d’une véritable arme de négociation. Nous lui donnons ainsi les moyens d’obtenir des industriels ce que nous décidons ici, sur proposition souvent du Gouvernement. C’est pourquoi la commission est défavorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d’État chargée de la santé. Le Gouvernement est, lui aussi, défavorable aux propositions de réduction du taux K, qu’il s’agisse de l’abaisser à 0,1 % ou à 0,4 %. Je souligne que la tendance est à la baisse puisqu’il était en 2010 à 1 %, en 2011 à 0,5 %. Nous prévoyons de le maintenir à ce niveau en 2012.

Je rappelle le double objectif poursuivi avec la fixation de ce taux : garantir l’assurance maladie contre une croissance trop importante des dépenses de médicaments ; faire contribuer l’industrie pharmaceutique aux économies nécessaires pour atteindre l’ONDAM. Je précise que ce n’est pas parce qu’une entreprise a passé une convention avec le CEPS qu’elle est exonérée de la contribution de sauvegarde. Le taux K est pertinent car il fait baisser les prix, soit d’une façon directe, par la fiscalité, lorsque le taux est atteint ou dépassé, soit d’une façon indirecte par la négociation.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Vous indiquez, monsieur le rapporteur, que le taux K n’a pas vocation à générer beaucoup de recettes et que c’est une arme de négociation pour le CEPS. Ce n’est pas faux, mais n’émoussez pas cette arme.

M. Yves Bur, rapporteur. Elle est toujours efficace !

M. Jean Mallot. Si vous voulez, monsieur le rapporteur, madame la secrétaire d’État, que le CEPS soit en mesure de négocier de bonnes conventions pour diminuer le prix des médicaments, notre amendement visant à réduire le taux K de 0,5 % à 0,4 % est un bon amendement.

(L’amendement n° 87 est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements n°s 563 et 655 tombent.

(L’article 17, amendé, est adopté.)

Après l’article 17

M. le président. Nous en venons à plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 17.

Les amendements nos 657, 324 et 659 peuvent être soumis à une discussion commune ; les deux derniers sont identiques.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour défendre l’amendement n° 657.

M. Jean Mallot. Cet amendement vise à élargir l’assiette de la contribution versée par les entreprises pharmaceutiques sur les dépenses de promotion des produits admis au remboursement. Nous devons tirer les leçons de l’affaire du Mediator notamment en ce qui concerne les dépenses de promotion des laboratoires, qui sont importantes et intégrées dans le prix de vente des médicaments. Leur financement est donc socialisé.

C’est pourquoi nous proposons de réintroduire dans l’assiette les charges afférentes aux véhicules mis à disposition, aux frais de repas et à la presse médicale. Cette dernière n’y figure pas actuellement alors qu’elle reçoit une avalanche de publicités à l’intention des prescripteurs, et on a vu les dégâts que cela pouvait causer. Nous proposons d’inclure également dans l’assiette les frais de congrès – nous en reparlerons.

Ainsi cette contribution aura-t-elle un vrai poids.

M. le président. La parole est à Mme Anny Poursinoff, pour défendre l’amendement n° 324.

Mme Anny Poursinoff. Nous souhaitons élargir l’assiette de la contribution des industries pharmaceutiques en y intégrant les dépenses liées à la promotion de leurs produits dans la presse médicale, jusqu’ici protégée par une exception peu justifiable. Les publicités portent pour la plupart sur les produits les plus récents et les plus coûteux, ce qui contribue à l’augmentation des dépenses de santé et nuit à l’information indépendante des médecins. De plus, l’incitation à la prescription de médicaments s’apparente à une incitation à la consommation et, à ce titre aussi, elle doit être plus fortement taxée. Les budgets publicitaires des laboratoires pharmaceutiques gagneraient à être réduits, ce qui leur permettrait de consacrer plus de moyens à la lutte contre des maladies négligées parce que jugées peu rentables et de contribuer à une formation des médecins véritablement indépendante.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine, pour défendre l’amendement n° 659.

Mme Marisol Touraine. Il procède du même esprit que les deux amendements précédents, je serai donc brève : il s’agit d’élargir le champ de cette contribution puisqu’on voit bien aujourd’hui que l’industrie pharmaceutique utilise de multiples supports de promotion et que la publicité dans la presse médicale peut faire des ravages. Celle-ci doit donc entrer dans l’assiette.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune ?

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable. Je propose à mes collègues de se reporter sur celui que je vais défendre, à savoir l’amendement n° 149, qui prévoit d’inclure dans l’assiette de la contribution sur les dépenses de promotion les dépenses de publicité dans la presse médicale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Mallot. Le rapporteur est d’accord avec nous, mais défavorable à notre amendement !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Avis défavorable. Quel est l’enjeu de ces amendements ? C’est la formation des médecins.

M. Jean Mallot et Mme Marisol Touraine. Non !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Si vous proposez de soumettre à de nouvelles taxations l’industrie des médicaments, c’est du moins pour que l’information destinée aux médecins soit beaucoup plus lisible et indépendante. Tel est clairement le défi que vous proposez de relever.

D’abord, il faut savoir que la visite médicale…

M. Jean Mallot. Ce n’est pas le sujet !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. …est déjà soumise à l’assiette de la taxe et c’est d’ailleurs ce qui régule les dépenses de promotion de santé.

Plus globalement, un effort substantiel est déjà demandé à l’industrie du médicament puisque le PLFSS pour 2012 la sollicite pour un montant total de 1,26 milliard d’euros, dont 670 millions d’euros de baisse de prix que le Comité économique des produits de santé est chargé d’obtenir dans le cadre de la construction de l’ONDAM pour 2012.

Ces montants doivent rester compatibles avec le développement d’une industrie à forts investissements. Il s’agit là d’un enjeu essentiel. Toute démarche a un début mais aussi une fin : des prélèvements d’un montant total de 1,26 milliard d’euros sont déjà assez substantiels, car il faut laisser à l’industrie pharmaceutique l’opportunité d’investir dans les produits de santé qui seront utiles à la prise en charge des patients à l’avenir.

Quant à la formation professionnelle des médecins, elle sera financée sur le chiffre d’affaires de l’industrie…

M. Jean Mallot. C’est l’objet de l’article 18 !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. …parce qu’il faut une source de financement qui soit pérenne et stable.

Or la recette que vous proposez paraît plutôt incertaine et instable en raison des fluctuations liées aux stratégies d’optimisation des entreprises.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Madame la secrétaire d’État, je ne comprends plus très bien quelle est la politique gouvernementale en la matière. On nous dit que la grande affaire de ce PLFSS est la mise à contribution, pour la première fois, de l’industrie pharmaceutique.

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. C’est ce que nous faisons !

Mme Marisol Touraine. À présent, on nous demande de faire attention à que les taux restent raisonnables. Qu’est-ce qu’un taux raisonnable ? Celui de l’année dernière n’est pas nécessairement celui de cette année.

Je ne comprends pas beaucoup mieux la position du rapporteur : il nous a expliqué qu’il était contre nos amendements mais pour leur contenu, et il nous invite à voter un amendement à peu près similaire qu’il va présenter ensuite. Si ce n’est pas une démarche partisane, je ne sais pas ce que c’est !

Nous cherchons à donner plus d’efficacité à une taxe qui existe en élargissant son assiette et en faisant en sorte que, notamment la publicité mais aussi toute une série d’activités auxquelles s’adonne l’industrie pharmaceutique – les congrès, etc. – entrent dans le champ de la taxation. C’est nécessaire si l’on veut que cette taxe soit efficace et qu’elle atteigne son objectif. Vraiment, je ne comprends pas ce refus.

M. le président. Je suis en effet saisi par M. le rapporteur d’un amendement n° 149, que nous allons joindre à la discussion.

La parole est à M. Yves Bur, rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Madame Touraine, votre amendement va beaucoup plus loin que le mien puisqu’il inclut les frais de repas, d’hébergement et de congrès. Il ne faut pas confondre taxation et transparence, un thème dont nous avons débattu lors de l’examen du projet de loi sur la sécurité du médicament.

L’amendement n° 149, adopté par la commission, s’inscrit dans la ligne de ce que nous avons voté dans ce projet de loi : il vise à inclure les publicités insérées dans la presse médicale dans l’assiette de la contribution sur les dépenses promotionnelles des produits de santé.

Lors de l’examen du projet sur le médicament, nous avons longuement débattu des dérives de la promotion, et nous avons encadré la publicité à destination du grand public ainsi que la visite médicale. Mais la presse médicale est aussi un relais puissant, notamment auprès des professionnels de santé. Chacun se souvient des publicités pour le Mediator.

M. Jean Mallot. Voilà !

M. Yves Bur, rapporteur. Il faut donc responsabiliser les laboratoires. Nos propositions visent à les inciter à consacrer notablement moins de moyens à la promotion et davantage à la recherche. Actuellement, les dépenses de promotion restent encore supérieures à celles consacrées à la recherche.

Cet amendement contribuera à atteindre ce but et il permettra de mieux protéger la santé des Français parce l’information des médecins sera plus objective.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Nous allons voter dans ce sens, monsieur le rapporteur.

Madame la secrétaire d’État, le ministre de la santé est au Sénat où, semble-t-il, un amendement a été adopté, qui interdit aux firmes pharmaceutiques de faire de la publicité à destination du grand public non seulement sur le médicament, mais aussi sur le vaccin.

À l’heure actuelle, on voit s’étaler dans tous les hebdomadaires féminins, au cinéma et à la télévision, des publicités vantant de manière mensongère la vaccination contre le cancer du col de l’utérus. Cette campagne doit coûter des sommes considérables : cela fait des mois que l’on voit ces pleines pages de publicité dans les magazines ou ces spots télévisés.

Parallèlement, et cela me choque, nous assistons à un retour de la rougeole dû à une insuffisance de vaccinations contre cette maladie dont les conséquences sanitaires peuvent être dramatiques. Or les laboratoires ne font aucune publicité pour ces vaccins. Ce sont les pouvoirs publics qui ont été obligés de financer une campagne en faveur de la vaccination contre la rougeole.

Pourquoi une telle différence ? Il suffit de regarder les prix : celui du vaccin contre la rougeole étant quinze fois moins élevé que celui du vaccin contre le papillomavirus, on comprend que le retour sur investissement n’est pas le même et que les firmes ne fassent pas d’effort pour promouvoir des campagnes de santé publique qui se justifieraient, ô combien, dans le cas de la rougeole.

M. Philippe Vitel. Quelle est la solution ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, rapporteur.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. À titre personnel, je vais donner un avis contraire à ceux de mon ami Yves Bur et de Gérard Bapt.

M. Michel Issindou. Mettez-vous d’accord à l’UMP !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Lors de l’enquête sur le Mediator, nous avons reçu en audition les différents acteurs de la presse médicale.

Il faut distinguer la presse généraliste de la presse spécialiste. La première donne beaucoup plus de formation aux professionnels ; la seconde est destinée à tous les médecins auxquels elle apporte des informations, des nouvelles, des comptes rendus de congrès et de colloques, et elle est également un moyen de communication entre les divers professionnels.

Nous avons appris qu’il y a une chute des recettes publicitaires de plus de 70 %. Les autres recettes proviennent des abonnés et ne représentent que 20 à 30 % de l’ensemble des budgets de cette presse.

On veut stigmatiser la presse médicale, l’accusant de tous les maux. C’est faux, car le corps médical est quand même apte, heureusement, à comprendre ce qu’il est en droit de prescrire.

Cette presse médicale est encadrée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ex-AFFSAPS, et des règles existent. Toute publicité mensongère est condamnée.

M. Gérard Bapt. Que fait-elle sur le vaccin ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. S’il y a une campagne que vous qualifiez de mensongère sur les vaccins, monsieur Bapt, c’est que l’ANSM l’a autorisée parce que vous n’avez peut-être pas raison à 100 % dans ce domaine. Attendons d’avoir des évaluations, et l’ANSM en effectue sur ces vaccins.

M. Jean Mallot. La publicité est en elle-même scandaleuse !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. La presse médicale a un code de déontologie et elle est encadrée par l’Agence.

Cela étant, adopter ces amendements reviendrait à tuer la presse médicale. Autant dire qu’elle doit disparaître. Voilà la question posée. Si vous voulez la voir disparaître, votez l’amendement. Pour ma part, je ne le ferai pas.

M. Michel Issindou. Quel désordre ! Mme la secrétaire d’État va vous mettre d’accord !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 149 ?

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Je maintiens ma position, monsieur Bur, et j’émets un avis défavorable pour les raisons précédemment évoquées.

Avant l’été, nous sommes sortis d’un long débat fastidieux suite à l’affaire du Mediator, et la question de la visite médicale y a tenu la place principale. Les nombreux échanges à ce sujet ont abouti à des propositions d’encadrement. Je rappelle que la visite médicale est déjà taxée.

Quant à la publicité, monsieur Bapt, vous savez qu’elle est parfaitement contrôlée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, comme M. Door vient de le rappeler. Je dirai même plus : s’il y a une information mensongère, tronquée par rapport à l’exactitude des données scientifiques, l’industrie pharmaceutique est soumise à des sanctions.

S’agissant de l’amendement de M. Bur, j’y reste défavorable parce que je considère que l’effort consenti par l’industrie pharmaceutique est substantiel : 1,26 milliard d’euros. Il n’est pas raisonnable d’aller plus loin, au risque de voir cette industrie se désintéresser des investissements qui profitent aux patients.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Madame la secrétaire d’État, je vous remettrai l’exemple type d’une publicité pour le vaccin contre le cancer du col de l’utérus, reprenant celle qui avait été condamnée par l’AFFSAPS dans un arrêté publié au journal officiel en février 2010. Ça repart de plus belle !

En revanche, je vous concède que le projet de loi sur le médicament en cours de discussion donne à la commission de la publicité de l’ANSM le pouvoir de juger a priori de la validité d’une campagne. Mais, depuis l’été, on assiste à un déferlement de cette publicité grand public qui vise à culpabiliser les mères de famille. Certaines d’entre elles se tournent vers le législateur, s’inquiétant des effets indésirables du vaccin mêmes s’ils sont rarissimes.

Je vous fournirai donc ce document en vous demandant d’intervenir auprès de l’ANSM afin qu’elle veille au respect de l’exactitude de l’information scientifique, comme ce fut le cas en 2010. C’est d’autant plus important que cette publicité, j’y insiste, vise le grand public.

(L’amendement n° 657 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 324 et 659 ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n° 149 est adopté.)

Article 18

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, inscrit sur l’article.

M. Jean-Luc Préel. L’article 18 concerne la contribution due par les laboratoires pharmaceutiques au titre de leur chiffre d’affaires. Nous savons tous que le médicament n’est pas un produit comme les autres : il a pour but de prévenir les maladies, de soigner et, si possible, de guérir. En outre, nous en avons tous conscience, après la désastreuse campagne de vaccination contre la grippe A/H1N1, après le scandale du Mediator, après la publication, sans explications, d’une liste de 117 médicaments sous surveillance, il faut rendre confiance à nos concitoyens dans le médicament. Il convient donc de prendre en compte le rapport bénéfices/risques. À cet égard, le projet de loi que nous avons adopté il y a quelques semaines, relatif à la sécurité du médicament, va dans le bon sens, même s’il faut encore faire preuve de pédagogie et de rigueur.

Il convient aussi de redonner confiance à l’industrie du médicament, car nous en avons besoin pour découvrir et développer les médicaments de demain, et même d’aujourd’hui, pour découvrir des vaccins contre de nombreuses maladies, dont le paludisme, de nouveaux antibiotiques – si nous n’en fabriquons pas aujourd’hui, nous aurons de réels problèmes demain – et des traitements contre les cancers, les maladies tropicales, les maladies orphelines, etc. Pour que les laboratoires pharmaceutiques, qui sont souvent des multinationales, investissent dans notre pays, la stabilité juridique est nécessaire ; le président Pierre Méhaignerie, qui ne souhaite pas que le droit applicable change en permanence, y est très attaché.

Cette année, Mme la secrétaire d’État l’a rappelé à l’instant, nous ponctionnons l’industrie du médicament à hauteur de 1,2 milliard d’euros, recette qui n’est pas négligeable, même s’il faut que nous fassions par ailleurs des économies. Certes, nous consommons sans doute trop de médicaments et nous devons encore progresser en matière de bonnes pratiques et de logiciels de prescription, mais, en 2010, le marché n’a progressé que de 0,5 %, comme l’a rappelé Yves Bur, alors que l’inflation était de 2 %. Cela mérite réflexion.

L’article 18 prévoit d’affecter une partie de cette contribution à la formation continue des médecins. Est-ce bien le rôle de l’industrie pharmaceutique que de la financer ? N’est-ce pas celui de l’État ?

Le développement professionnel continu, qui comprend la formation continue et l’évaluation en ville et en établissement, a connu bien des vicissitudes. Nous attendons la nouvelle version des décrets, mais ce DPC est fondamental pour les patients. Il doit être obligatoire, évalué et sans doute financé par l’État.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. L’article 18 a pour objet de porter de 1 % à 1,6 % le taux de la contribution due par les industries pharmaceutiques sur leur chiffre d’affaires. Son rendement devrait ainsi être de 400 millions d’euros en 2012, soit 150 millions d’euros de plus qu’actuellement. Comme l’a dit Jean-Luc Préel, il est prévu d’affecter ce produit supplémentaire à la formation médicale continue des médecins.

L’affaire du Mediator a mis en lumière ce que Martin Hirsch évoquait lors de son audition par la mission d’information présidée par Gérard Bapt : l’emprise de l’industrie pharmaceutique sur le système de santé en général. Je le dis sous le contrôle de Jean Bardet, qui a entendu comme moi les propos tenus par Martin Hirsch devant la mission d’information.

Cette emprise ancestrale, réelle, mais finalement vécue comme quelque chose de banal, quelque chose d’habituel, va très loin puisque l’industrie pharmaceutique finance la formation des médecins. Nous considérons donc qu’il est bon d’affecter à cette formation des ressources supplémentaires pour qu’elle puisse se développer et, surtout, se libérer de ses liens directs avec l’industrie pharmaceutique. Celle-ci a bien entendu son rôle à jouer dans l’économie, notamment en produisant des médicaments innovants pour la santé des patients, mais la formation des médecins doit être « laïque », si je puis dire.

Réconcilions-nous à cette occasion – je vise en particulier mes collègues de l’UMP – avec la notion d’impôt. Si l’industrie pharmaceutique se plaint d’une augmentation, pour financer la formation continue des médecins, de la contribution à laquelle elle est assujettie, c’est autant d’argent qu’elle n’aura pas à y consacrer directement, et qu’est-ce donc que l’impôt ? Il s’agit de prélever des ressources sur les ménages et les entreprises, grâce auxquelles on construit un budget, qui s’appelle le budget de l’État. Et l’État, garant de l’intérêt général, assure notamment la formation des médecins. Voilà comment cela se passe, même si cette contribution, en l’occurrence, emprunte le canal de la CNAM.

L’impôt garantit l’intérêt général. Dans une République comme la nôtre, l’industrie pharmaceutique - comme du reste un certain nombre de nos collègues de l’UMP - doit s’imprégner à nouveau de cette notion de base.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Ce sont des dispositions tout à fait nécessaires que celles de l’article 18. Nos médecins ne doivent pas être obligés d’en passer par les services des firmes pharmaceutiques pour assurer leur formation médicale continue et l’État doit s’investir.

Restera, s’agissant de l’emprise de l’industrie pharmaceutique à laquelle M. Mallot faisait allusion, le problème de la formation initiale. Il est bien évident qu’il manque au texte relatif à la pharmacovigilance, actuellement examiné en première lecture au Sénat après son adoption par l’Assemblée nationale, la prise en compte de la question de l’enseignement supérieur et de la formation initiale des médecins. Récemment, à Bordeaux et à Clermont-Ferrand, des universités ont envoyé à leurs étudiants des lettres imprimées sur leur propre papier à en-tête pour les inviter à s’adresser à tel ou tel laboratoire afin de préparer les épreuves classantes nationales ! Par ailleurs, il est bien évident que les firmes ne cesseront pas d’investir dans la formation initiale des médecins.

On pourrait formuler les mêmes observations à propos de la recherche. Des cadres du laboratoire Servier sont à la tête de commissions, et même à la tête du pôle de biocompétitivité Medicen. Cela prouve qu’il manque une dimension recherche à ce projet de loi sur la pharmacovigilance.

Cela dit, l’article 18 va dans le bon sens.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 328, 565, 330 et 716, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

La parole est à Mme Anny Poursinoff, pour soutenir l’amendement n° 328.

Mme Anny Poursinoff. Porter le taux de la contribution sur le chiffre d’affaires des entreprises pharmaceutiques de 1 % à 1,6 %, c’est un progrès, mais nous pensons qu’il faut réellement couper le cordon ombilical qui lie la formation des médecins – en fait, plutôt de l’information – à l’industrie pharmaceutique. Un taux de 3 % nous paraît donc nécessaire. Mme la secrétaire d’État nous a déjà opposé une fin de non-recevoir, en prétendant que tout va bien dans le meilleur des mondes.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Je n’ai jamais dit cela !

Mme Anny Poursinoff. Mais les propos tenus à l’instant par M. Mallot et M. Bapt montrent qu’il manque quand même des moyens pour que soit offerte aux médecins une formation complètement indépendante.

L’article 18 aurait pour objet de retirer à l’industrie pharmaceutique la charge de certaines dépenses de formation continue pour les confier à l’organisme gestionnaire du développement professionnel continu des médecins libéraux et à l’organisme paritaire collecteur agréé pour les médecins salariés. Ainsi la formation deviendrait-elle tout à fait objective, affranchie de l’information commerciale dispensée par l’industrie pharmaceutique.

Nous pensons qu’il n’y a aucune raison de rejeter notre proposition comme l’a fait Mme la secrétaire d’État.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 565.

Mme Jacqueline Fraysse. L’article 18 fixe le taux de la contribution due au titre de leur chiffre d’affaires par les entreprises pharmaceutiques exploitant un ou plusieurs médicaments donnant lieu à remboursement par l’assurance maladie.

Le Gouvernement propose de porter ce taux de 1 % à 1,6 %. Il nous explique que le produit de cette augmentation de 0,6 point sera affecté à la formation des médecins. De la part d’un gouvernement qui prétend trancher le lien qui existe entre la formation des médecins et l’industrie pharmaceutique, on pourrait tout de même espérer mieux, nonobstant l’utilisation des recettes dégagées à des fins utiles.

Notre proposition est tout autre. Il s’agirait de porter le taux de ce prélèvement à 3 % car nous considérons que le chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique lui permet d’apporter une contribution d’envergure. Vous avez dit, madame la secrétaire d’État, que le montant des taxes auxquelles elle est soumise s’élève à un peu plus d’un milliard d’euros, mais le chiffre d’affaires dégagé par l’exploitation des médicaments a été, en 2010, de plus de 50 milliards.

À un moment où le Gouvernement demande beaucoup d’efforts, y compris aux plus modestes, je pense qu’il est légitime que l’industrie pharmaceutique en prenne sa part, et je n’ai pas le sentiment que l’augmentation supplémentaire du taux de la contribution que nous proposons soit de nature à la mettre en difficulté.

M. le président. La parole est à Mme Anny Poursinoff, pour soutenir l’amendement n° 330.

Mme Anny Poursinoff. Il s’agit d’un amendement de repli. Si notre proposition de porter le taux de la contribution à 3 % n’était pas retenue, nous nous contenterions de 2 %.

M. le président. L’amendement n° 716 participe-t-il du même esprit, monsieur Issindou ?

M. Michel Issindou. Tout à fait, mais plus modestement. Il s’agit d’augmenter de 0,1 point le taux de la contribution sur le chiffre d’affaires, et donc le produit affecté au financement de la formation des médecins.

J’en profite pour signaler que le décret d’application de l’article 59 de la loi HPST, concernant la formation des médecins, n’est toujours pas publié. Il devra l’être avant la fin de l’année pour que les dispositions dudit article soient effectives. Mme la secrétaire d’État pourrait-elle nous indiquer pourquoi le décret n’est toujours pas publié ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable à l’ensemble de ces amendements.

Je ne puis vous laisser dire, madame Fraysse, que l’industrie du médicament réalise un chiffre d’affaires de 50 milliards d’euros en France. C’est faux : elle fait entre 30 et 32 milliards d’euros de chiffre d’affaires sur le territoire national.

Mme Jacqueline Fraysse. Pas en France : 50 milliards d’euros dans le monde !

M. Yves Bur, rapporteur. Dans le monde ? Le chiffre de 50 milliards d’euros est alors largement inférieur à la réalité. Avec un tel chiffre d’affaires au niveau mondial, l’industrie pharmaceutique serait une industrie pauvre !

Ces amendements visent donc à augmenter la contribution des laboratoires pharmaceutiques sur leur chiffre d’affaires, mais ceux-ci contribuent déjà largement au financement de la sécurité sociale, avec la contribution sur le chiffre d’affaires, celle sur les ventes en gros, celle sur les dépenses de promotion des médicaments, que nous venons d’étendre, et les taxes et autres droits versés à l’AFSSAPS. S’y ajoutent les baisses de prix prévues pour l’année 2012, à hauteur de 770 millions d’euros. Nous augmentons cette année la quasi-totalité de ces taxes, et le rendement de la contribution sur le chiffre d’affaires sera de l’ordre de 400 millions d’euros en 2012, soit 150 millions d’euros de plus que cette année, intégralement consacrés à la formation indépendante des médecins. Le produit des droits versés à l’AFSSAPS augmentera pour sa part de 40 millions d’euros, me semble-t-il.

Il faut donc savoir s’arrêter. Les industries pharmaceutiques ne sont pas une vache à lait ! C’est pourquoi je proposais tout à l’heure que l’on sollicite l’industrie du tabac, mais on fait montre à son égard d’un bien plus grand luxe de précautions.

M. Michel Issindou. Pas nous, monsieur le rapporteur !

M. Yves Bur, rapporteur. C’est vrai.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces quatre amendements.

Tout d’abord, je vous le rappelle, nous ne parlons plus du projet de loi sur le médicament. Ne nous trompons pas de débat !

Ensuite, je me retrouve comme au souk : si vous ne parvenez pas à porter le taux de la contribution à 3 %, eh bien, portons-le à 2 %, ou, à défaut, à 1,7 %, alors que le Gouvernement propose, pour sa part, un taux de 1,6 %. Soyons sérieux !

M. Jean Mallot. Tout de même, traiter l’Assemblée nationale de souk !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Pardonnez-moi, mais c’est vous qui êtes responsables de cette succession de taux. Je vous demande un peu de sérieux !

C’est la première fois, grâce aux débats qui ont eu lieu à propos de la sécurité du médicament, qu’il a été décidé de taxer l’industrie pharmaceutique, dans un objectif de transparence, pour financer la formation continue des professionnels de santé, et des médecins en particulier. C’est la première fois que nous envisageons cette affectation de taxe. Elle s’élève à 0,6 % du chiffre d’affaires et représente un effort déjà très important.

Par ailleurs, la formation médicale n’est pas qu’une question de moyens. Nous créons une taxation pour la financer mais, au-delà, se pose la question de l’organisation de la formation médicale continue, monsieur Mallot. Cette organisation est encore embryonnaire. Nous travaillons actuellement sur le DPC, le développement professionnel continu, qui est une révolution.

M. Jean Mallot. Cela fait déjà un certain nombre d’années !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Il faut donner le temps à cette organisation de se mettre en place avant d’aller plus loin.

Aujourd’hui 150 millions d’euros sont prévus grâce à cette taxation supplémentaire de 0,6 %. Mais il faut d’abord construire le DPC.

Monsieur Préel, monsieur Mallot, vous vous inquiétez de la date de publication du décret. Je vous signale qu’il a fait l’objet d’un long processus pour établir un équilibre avec les organisations professionnelles et aboutir au dispositif le plus pertinent possible. Le décret est soumis au Conseil d’État et sera publié très prochainement.

Enfin, monsieur Préel, le produit de cette nouvelle taxation sera attribué de façon équitable aux médecins libéraux et hospitaliers.

(Mme Laurence Dumont remplace M. Louis Giscard d’Estaing au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Laurence Dumont,
vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Madame la présidente, tout à l’heure, Mme la secrétaire d’État a comparé l’Assemblée nationale à un souk. Je ne ferai pas d’incident mais, tout de même, une borne a été franchie ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Charles de La Verpillière. M. Mallot a les oreilles sensibles !

M. Philippe Vitel. Pas vous, monsieur Mallot !

Mme la présidente. Seul M. Mallot a la parole.

M. Jean Mallot. Madame la secrétaire d’État, vous souhaitez avoir du temps pour régler un problème très ancien. Je vous rappelle que la MECSS, que j’ai eu l’honneur de coprésider, a produit en 2008, sous la plume de Mme Lemorton, un rapport sur le médicament qui faisait des propositions, notamment sur la formation médicale continue. Ces propositions sont restées lettre morte. Vous auriez pu vous en inspirer. Vous auriez ainsi gagné du temps au lieu de faire lanterner un projet de décret dans un parapheur.

Monsieur le rapporteur, vous avez déclaré que la hausse de la taxe de 1 % à 1,6 % était déjà importante et qu’il ne fallait pas augmenter la charge pour les entreprises pharmaceutiques. Or il ne s’agit pas d’une charge supplémentaire mais de la substitution d’une taxe à une charge qu’elles ont déjà. Les entreprises devront effectivement payer 150 millions d’euros supplémentaires qui iront à la formation des médecins. Mais aujourd’hui, elles y consacrent beaucoup plus de 150 millions d’euros, probablement trois fois plus. Par conséquent, si elles sont dispensées de cette charge coûteuse grâce à la taxe, elles s’en tireront très bien.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je regrette que M. Bur ait dû s’absenter quelques instants. Je voulais lui communiquer les sources des chiffres que j’ai cités. Il s’agit d’une note du LEEM, le syndicat des entreprises du médicament, sur l’évolution du chiffre d’affaires de cette industrie, qui précise : « Plus de 50 milliards d’euros de chiffre d’affaires des médicaments en 2010, dont 47 % à l’exportation. En 2010, le chiffre d’affaires des médicaments en ville s’est élevé à 21,5 milliards d’euros. »

Je suis prête à échanger avec M. Bur au sujet de ces sources. Compte tenu de l’importance du chiffre d’affaires de cette industrie, je regrette vivement que nous renoncions à la solliciter davantage dans le contexte actuel, qui est particulièrement difficile.

(Les amendements identiques nos 328 et 565 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements nos 330 et 716, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(L’article 18 est adopté.)

Après l’article 18

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 272.

M. Yves Bur, rapporteur. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Avis défavorable.

Les médicaments orphelins répondent à des critères définis au niveau communautaire.

Si les médicaments dérivés du sang répondent à ces critères, ils ont le statut de médicaments orphelins et bénéficient des exonérations existantes. S’ils ne répondent pas à ces critères, leur accorder un statut fiscal identique à celui des médicaments orphelins reviendrait à galvauder le statut du médicament orphelin.

Par ailleurs, il n’est pas opportun de créer une nouvelle niche fiscale spécifique aux médicaments dérivés du sang.

(L’amendement n° 272 n’est pas adopté.)

Article 19

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Préel, inscrit sur l’article.

M. Jean-Luc Préel. L’article 19 a trait au financement de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.

Après la campagne désastreuse de vaccination contre la grippe H1N1, après l’affaire du Mediator et la publication par le ministre Xavier Bertrand d’une liste de soixante-dix-sept médicaments sous surveillance sans aucune explication, nous avons tous conscience qu’il faut tenter de redonner confiance à nos concitoyens dans le médicament.

Le projet de loi sur la sécurité du médicament, que nous avons voté il y a quelques semaines, comporte des mesures intéressantes allant dans ce sens et tendant à plus de transparence et de rigueur.

L’Agence a changé de nom. Il reste deux commissions dont l’une dépend de la HAS. Je ne pense pas que ce soit indispensable, et ce d’autant moins que les autorisations de mise sur le marché dépendent de l’Agence européenne. Une seule commission aurait semblé raisonnable.

La réforme prévoyait une modification du financement de l’Agence. Actuellement, l’industrie du médicament finance l’Agence du médicament par les taxes et redevances. Source de suspicion, ces sommes représentent aujourd’hui 80 % du budget de l’Agence.

L’article 19 prévoit que les taxes et redevances négociées seront reversées à la CNAM, qui financera la formation continue des médecins et perdra une partie de ses financements, transférée à l’État, lequel versera une dotation à l’Agence. Le circuit est plus long et plus complexe. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Cela ne change rien sur le fond si la neutralité financière est respectée. Ce sont les taxes qui financeront la formation des médecins et l’Agence.

Espérons que les dotations de l’État seront à la hauteur des besoins de l’Agence et qu’elles seront réévaluées chaque année. En effet, nous avons modifié le fonctionnement et accru les missions de cette agence qui aura donc davantage besoin de financements.

Est-il logique que l’industrie finance la formation continue des professionnels de santé, même de manière indirecte ?

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. L’article 19 concerne le financement de l’AFSSAPS, future ANSM, Agence nationale de sécurité du médicament.

Cette agence ne sera plus financée par des taxes sur les industries du médicament. Elle sera directement financée par le budget général de l’État en recevant une subvention pour charge de service public. Certes, c’est une tuyauterie complexe qui passe par la CNAM, mais in fine le circuit aboutit.

Je note dans votre étude d’impact, madame la secrétaire d’État, la phrase suivante qui explique les raisons de ce détour : « Le mode de financement actuel de l’AFSSAPS est en effet de nature à induire un doute quant à l’indépendance de l’Agence vis-à-vis du secteur de l’industrie pharmaceutique et des dispositifs médicaux. »

Cette observation avait été formulée dans le rapport de Catherine Lemorton au nom de la MECSS en 2008. À l’époque, vous n’aviez tenu aucun compte de cette observation ni des propositions avancées à cet égard. Vous les aviez ignorées. Or vous-même utilisez des expressions qui vont au-delà ce que nous avions dit, puisque vous invoquez un doute sur l’indépendance de l’Agence vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique.

J’ajouterai deux observations sur les dispositions de l’article 19.

Premièrement, compte tenu de ce nouveau mode de financement par le budget de l’État, il faudra veiller à ce que l’Agence ait toujours suffisamment de moyens pour jouer son rôle. C’est ce que nous tenterons de faire lors de l’examen des lois de finances.

Ma deuxième observation fait le lien avec le projet de loi sur le médicament et la pharmaco-vigilance en discussion au Sénat actuellement – car il y a un lien, madame la secrétaire d’État, ne vous en déplaise.

Lorsque nous avons interrogé récemment les représentants des industriels du médicament, nous avons évoqué la nouvelle forme de financement de l’Agence. Nous avons également discuté d’une disposition qui figure dans la loi sur le médicament en discussion au Sénat et selon laquelle l’industrie du médicament ne serait plus représentée en tant que telle au conseil d’administration de l’Agence avec voix délibérante. L’industrie du médicament le regrette. Je m’attendais à ce que ses représentants nous disent que leur présence au sein du conseil d’administration de l’Agence serait justifiée parce qu’ils connaissent le secteur et qu’ils pourraient faire bénéficier les délibérants de leur savoir. Pas du tout ! Ils regrettent de ne plus siéger au conseil d’administration de l’Agence parce que c’était un moyen pour eux de vérifier la bonne utilisation de leurs taxes !

Bref, ils invoquent la raison même pour laquelle nous voulons qu’ils n’y soient plus.

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série de treize amendements de cohérence ou rédactionnels de M. Yves Bur, rapporteur.

(Les amendements nos 89 à 94, 58, 95 à 97 et 54 à 56, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 150.

La parole est à M. Yves Bur, rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Cet amendement vise à relever le plafond des droits liés à une demande de visa de publicité, qui s’élève aujourd’hui à 510 euros. Il est proposé de le fixer à 1 200 euros.

Il s’agit d’un amendement de cohérence avec le projet de loi sur le médicament et avec notre effort pour responsabiliser les entreprises en matière de publicité pour les médicaments et produits de santé.

Ces droits sont aujourd’hui ridiculement peu élevés. Ils n’ont pas été révisés depuis 2004, date à laquelle ils ont été revalorisés de 100 euros seulement, puisqu’ils s’élevaient en 2003 à 410 euros.

Je vous propose d’adopter cet amendement de cohérence.

(L’amendement n° 150, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements rédactionnels, nos 60, 57 et 61, de M. Yves Bur, rapporteur.

(Les amendements nos 60, 57 et 61, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 19, amendé, est adopté.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)