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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2011-2012

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 23 novembre 2011

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

1. Questions au Gouvernement

Lutte contre la pauvreté

Mme Jeanny Marc

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Évolution démocratique dans les pays arabes

M. Étienne Blanc

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes

Suppressions d'emplois

M. Marc Dolez

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

Drame de Chambon-sur-Lignon

M. Yvan Lachaud

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Énergie

M. François Brottes

M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique

Journée de lutte contre les violences faites aux femmes

M. Guy Geoffroy

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Fermeture de Fralib

M. André Chassaigne

M. Xavier Bertrand, ministre de l’emploi, du travail et de la santé

énergie nucléaire

M. Camille de Rocca Serra

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement

Politique fiscale

M. Christian Eckert

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

Insonorisation des logements riverains des aéroports

M. Didier Gonzales

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement

Rigueur et pouvoir d’achat

Mme Marie-Françoise Clergeau

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Cogénération industrielle

M. Jacques Lamblin

M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique

Vente des médicaments

Mme Catherine Lemorton

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Fermeture de l’usine Honeywell

M. Jean-Yves Cousin

M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique

Très haut débit

Mme Corinne Erhel

M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique

2. Indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles

Explications de vote

M. Alain Vidalies, M. Roland Muzeau, M. Michel Hunault, M. Jean-Charles Taugourdeau

Vote sur l’ensemble

3. Allongement des congés exceptionnels accordés aux salariés lors du décès d'un proche

Explications de vote

Mme Michèle Delaunay, M. Jean-Paul Lecoq, M. Philippe Folliot, M. Jean-Charles Taugourdeau

Vote sur l'ensemble

Présidence de M. Louis Giscard d'Estaing

4. Renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé

Discussion des articles

Article 1er

Mme Jacqueline Fraysse

M. Arnaud Robinet, rapporteur de la commission des affaires sociales

Amendements nos 12, 13

Mme Jacqueline Fraysse

M. Gérard Bapt

Article 1er bis A

Amendement no 14

Article 1er bis

Article 2

Mme Jacqueline Fraysse

Amendements nos 42, 28, 25, 29 rectifié

Article 3

Article 4

Amendements nos 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36

Article 4 bis A

Article 4 bis

Article 5

Amendement no 2

Mme Catherine Lemorton

Article 5 bis

Amendement no 15

Article 6

Amendements nos 16, 37, 26

Articles 7 et 8

Article 9 bis

Mme Jacqueline Fraysse

M. Arnaud Robinet, rapporteur

Mme Catherine Lemorton

M. Arnaud Robinet, rapporteur

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Nora Berra, secrétaire d'État

Mme Jacqueline Fraysse

Article 9 ter

Article 11

Amendement no 3

Articles 12 et 12 bis

Articles 14 à 14 quater

Article 15

Amendement no 4

Articles 16 et 17

Article 17 bis

Amendement no 17

Article 17 ter

Amendement no 18

Article 18

Amendements nos 38, 20, 22, 8, 7, 21

Article 19

M. Guy Lefrand

Mme Catherine Lemorton

M. Jean-Luc Préel

M. Dominique Le Mèner

Amendements nos 43, 10, 9

Article 19 bis

Article 20

Article 20 bis

Article 21

Article 22

Mme Catherine Lemorton

M. Arnaud Robinet, rapporteur

Mme Catherine Lemorton

Mme Nora Berra, secrétaire d’État

Article 23

Article 24

Amendement no 39

Article 26

Article 27

Amendement no 44

Article 28

Amendement no 45

Article 29

Amendement no 46

Article 30

Amendements nos 40, 41

Article 30 bis A

Amendement no 23

Article 30 bis

Amendement no 24

Article 30 ter

Articles 31 et 32

Article 34

Amendement no 11

Articles 35 à 37

Explications de vote

M. Jean-Luc Préel, Mme Jacqueline Fraysse, Mme Catherine Lemorton

Vote sur l’ensemble

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Lutte contre la pauvreté

M. le président. La parole est à Mme Jeanny Marc, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Jeanny Marc. Monsieur le Premier ministre, après le deuxième train de mesures de votre plan de rigueur, au préjudice social évident, votre Gouvernement a commis une nouvelle faute morale en conduisant au paroxysme de leur échec une décennie de politiques stigmatisantes de redistribution et de répartition.

Aux défis du futur que doit relever la France, vous proposez de répondre par des politiques publiques insupportables, injustes et rebattues, qui ont désormais stratifié cette République en quatre catégories : celle des très riches, celle des privilégiés fiscaux, celle des classes populaires et celle de l’outre-mer.

M. Franck Gilard. L’outre-mer, c’est la plus privilégiée !

Mme Jeanny Marc. Choisit-on d’être chômeur, jeune, malade, retraité, personne en situation de handicap ou originaire de l’outre-mer ? Devrait-on tout simplement se culpabiliser de faire partie de cette catégorie de Français qui est prétendument fraudeuse et vole les autres Français ?

Monsieur le Premier ministre, pourquoi deux poids, deux mesures avec, d’un côté, les évadés fiscaux, les bandes organisées de la finance qui ont précipité cette crise, qui ont bénéficié des deniers publics et qui, aujourd’hui, peuvent licencier impunément, et, de l’autre côté, d’autres Français qui ne peuvent se loger, trouver un emploi, se soigner, se déplacer librement ou s’instruire, alors que ce sont des droits fondamentaux ?

Comment croire en l’avenir de nos sociétés lorsque notre jeunesse est maintenue dans la précarité ? Comment interpréter votre éthique de la responsabilité des causes à l’origine de la violence alors que nous savons tous que la police et la justice manquent cruellement de moyens ?

En outre-mer, comment demander aux ménages des efforts supplémentaires alors que l’indice des prix a déjà dépassé celui de fin 2008, période qui a vu le début des grèves contre la vie chère ? Comment croire que l’outre-mer est encore une priorité pour la France alors que vous avez rendu les armes dans le combat pour notre dignité ?

Comment offrir des perspectives à nos PME alors que les leviers prévus pour leur croissance sont un peu plus supprimés chaque année ?

Monsieur le Premier ministre, l’heure n’est plus aux attentes. L’heure est au bilan. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Madame la députée, la lutte contre la pauvreté mobilise tous les efforts du Gouvernement.

Alors que nous traversons une crise sans précédent, le taux de pauvreté monétaire, seul indicateur que reconnaissent les associations de lutte contre la pauvreté, a été stabilisé.

L’effort de redistribution est massif. C’est ainsi que les plus modestes, ceux qui touchent un revenu moyen de 7 200 euros nets par an, voient, grâce à la redistribution, leurs revenus portés à 11 000 euros, soit 50 % de plus.

Tout au long des années que nous venons de traverser, qui ont été marquées par la crise, avec un recul du PIB de 2,7 % l’année dernière, nous avons veillé à ce que les plus démunis soient protégés. Ainsi, l’allocation adulte handicapé a été augmentée de 25 %, tout comme le minimum vieillesse. La création du RSA, revenu de solidarité active, a permis, quant à elle, d’injecter dans le système plus de 1,5 milliard d’euros à destination des plus démunis.

M. Michel Lefait. Tout va bien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le RSA activité s’ajoute au revenu socle, permettant à ceux des assistés qui acceptent de reprendre un emploi de voir leurs revenus majorés de plus de 170 euros.

Par ailleurs, nous avons revalorisé les pensions de réversion et les plus petites pensions, et nous avons mis en place un tarif social du gaz et de l’électricité.

Oui, la lutte contre la pauvreté nous mobilise. Nous en recueillons les fruits, que les derniers textes proposés par le Gouvernement ont voulu protéger. Nous ne considérons pas les plus modestes d’entre nous comme la variable de nos politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Évolution démocratique dans les pays arabes

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Étienne Blanc. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

Voici maintenant neuf mois que la France accompagne le mouvement démocratique qui s’est levé dans un grand nombre de pays arabes, reprenant la formule du général de Gaulle pour qui il existait un pacte multiséculaire entre la France et la liberté du monde.

Nous avons ainsi été aux avant-postes pour renverser le régime de Mouammar Kadhafi. Mais nous savons que le chemin vers la démocratie est ardu. C’est pourquoi il est d’autant plus important d’être vigilants, afin que les combats menés par les peuples ne leur soient pas confisqués.

Aujourd’hui, certains de ces peuples luttent encore ; j’en veux pour preuve les derniers événements en Syrie, où l’on estime entre trois mille cinq cents et quatre mille le nombre de Syriens morts pour la liberté.

Après la Tunisie, c’est l’Égypte qui s’apprête à voter lundi prochain pour élire sa représentation nationale. C’est une étape majeure dans le processus démocratique, et la population a tenu à le faire savoir en investissant à nouveau l’emblématique place Tahrir.

Une grande partie du monde arabo-musulman est à la croisée des chemins et a rendez-vous avec l’histoire. Aussi, monsieur le ministre d’État, pouvez-vous nous préciser de quelle façon la communauté internationale et tout particulièrement la diplomatie française vont accompagner ces peuples sur la voie de la liberté, en tout cas pour leur avenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le député Étienne Blanc, la dégradation de la situation en Égypte est gravement préoccupante. Le gouvernement français a exprimé son inquiétude ; il a condamné les violences et appelé au dialogue ainsi qu’à la poursuite du processus électoral.

Le président du conseil supérieur des forces armées a annoncé hier que ce processus allait se poursuivre, avec des élections législatives suivies d’élections présidentielles et de l’adoption d’une nouvelle constitution. Nous soutenons cette marche vers le transfert du pouvoir aux autorités civiles.

Mais permettez-moi d’élargir un peu le propos. Nous ne pouvons à la fois demander des élections, qui fondent la démocratie, et ne pas en accepter le résultat. Nous ne pouvons partir du principe que tout parti qui se réfère à la religion musulmane serait non fréquentable. C’est la raison pour laquelle notre diplomatie s’est fixé deux lignes de conduite : confiance et vigilance.

Confiance d’abord à ces régimes en transition, que nous essayons d’aider. J’ai présidé à Koweït, il y a quarante-huit heures, le partenariat de Deauville, qui avance et nous a permis de mettre au point des plans d’action pour les principaux pays.

Mais également vigilance, pour rappeler les lignes rouges que nous souhaitons voir respecter : c’est le sens du discours que nous tenons à la Tunisie, qui vient d’installer son assemblée constituante, au Maroc, qui va voter demain, à la Libye, qui constitue son Gouvernement.

Un mot enfin sur la Syrie, où la répression sauvage se poursuit. Nous travaillons désormais en étroite liaison avec la Ligue arabe et la Turquie. Je reçois cet après-midi même le président par intérim du Conseil national syrien, M. Burhan Ghalioun.

Je conclurai en disant qu’il y a aussi des raisons d’espérer. À Koweït, au moment du Forum pour l’avenir que je présidais avec les Koweïtiens, nous avons parlé avec de liberté d’expression, de liberté de religion et de liberté d’association, et tous les pays présents, y compris les pays arabes du Golfe, s’y sont associés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Suppressions d'emplois

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Monsieur le Premier ministre, la mise en garde de ce grand quotidien économique français est particulièrement éloquente : « Il ne faut pas prendre à la légère les récentes réductions d’emploi de PSA Peugeot Citroën, BNP Paribas ou la Société générale. Ce sont les premiers signes concrets du chaos de la zone euro. »

En effet, pour rassurer les marchés financiers et les agences de notation, ces trois grandes entreprises viennent d’annoncer la suppression de milliers d’emplois. Les banques font payer à leur salariés le prix de la folie spéculative d’un système devenu opaque et incontrôlable ; alors que ses bénéfices ont progressé de 18 % au premier semestre, PSA supprime plus de cinq mille postes en France.

Le secteur de l’automobile et des sous-traitants est en première ligne, comme en témoignent les graves menaces qui pèsent sur les emplois des 2 700 salariés de Sevelnord à Hordain, des 480 salariés de la Fonderie du Poitou Aluminium ou des 140 salariés de Préciturn à Thiers, dans le Puy-de-Dôme.

La multiplication des plans sociaux et l’accélération des restructurations laissent présager une nouvelle et forte dégradation de l’emploi, synonyme de drames humains et de désagrégation du tissu social. Rassurer les marchés, c’est supprimer des emplois. Il est grand temps d’affronter la finance pour défendre et reconquérir notre industrie qui a perdu 700 000 emplois en dix ans.

Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement est-il prêt à s’engager dans cette voie, ce qui supposerait notamment, comme le proposent les députés du Front de gauche, d’interdire les licenciements boursiers, de donner de nouveaux droits aux salariés et à leurs comités d’entreprise, de contrôler l’utilisation des aides publiques et de renforcer la présence de l’État dans le capital des entreprises stratégiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député Marc Dolez, permettez-moi de rappeler, concernant la situation de l’emploi en France, que le marché a créé 160 000 emplois nets depuis le début de l’année.

M. Albert Facon. Et combien en a-t-il supprimé ?

M. François Baroin, ministre. L’évolution de l’économie internationale, le ralentissement américain, les interrogations dans les pays émergents, l’instabilité de la zone euro amènent naturellement certaines entreprises, non pas à ajuster la voilure en procédant à des plans sociaux ,mais à réduire leurs investissements.

M. Pierre Gosnat. Mais pas les dividendes aux actionnaires !

M. François Baroin, ministre. Concernant PSA, les choses sont claires : son président Philippe Varin a pris des engagements vis-à-vis du chef de l’État la semaine dernière.

M. Christian Paul. On sait ce que ça vaut !

M. Jean-Paul Lecoq. Cela ne vaut rien et vous le savez !

M. François Baroin, ministre. Il n’y aura pas de suppressions d’emplois à PSA en France dans les semaines, les mois ou les années qui viennent, il n’y aura pas d’impact ni à Aulnay ni à Sevelnord. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Le même esprit nous animait hier lorsque nous avons reçu, avec Éric Besson, le patron d’Areva. Une fuite, immédiatement démentie par la direction, avait fait état de suppressions d’emploi ; il n’y aura pas de suppressions d’emploi à Areva en France.

De même, l’État a fixé une ligne très claire : là où il est actionnaire, là ou, directement ou indirectement, de près ou de loin, il a son mot à dire, l'emploi ne sera pas une variable d’ajustement, malgré la crise ou le ralentissement économique.

M. Philippe Plisson. C’est de l’économie administrée ! Où est le libéralisme ?

M. François Baroin, ministre. Enfin, la nécessité d’augmenter leurs fonds propres constitue pour les banques une pression supplémentaire. Elle procéderont à des plans de départs volontaires sur les activités qui touchent à l’international dans le domaine de l’investissement, mais nous serons attentifs à ce qu’il n’y ait pas d’impact sur les banques de détail, autrement dit, pour parler clairement, sur le territoire national. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Drame de Chambon-sur-Lignon

M. le président. La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Yvan Lachaud. Monsieur le garde des sceaux, je voudrais revenir sur le drame qui s’est déroulé à Chambon-sur-Lignon et qui a ému tous nos concitoyens.

Il repose le problème de la délinquance des mineurs, sujet sur lequel un certain nombre d’entre nous ont travaillé, moi-même ayant remis un rapport au Président de la République en juin dernier.

Nous avons décidé d’expérimenter deux dispositifs dans le ressort de trois cours d’appel, celles de Versailles, de Lyon et de Nîmes.

Tout d’abord, trois établissements de placement provisoire d’observation et d’orientation permettront au juge d’instruction de placer le jeune délinquant le soir même de la commission du délit. La délinquance des mineurs appelle en effet une réponse immédiate. Pendant dix jours, ce sera aux professionnels de trouver la meilleure solution.

Ensuite, des commissions formelles, regroupant justice, police, gendarmerie, éducation nationale, santé et protection judiciaire de la jeunesse seront placées auprès de ces cours d’appel afin de permettre des échanges d’information autour du vécu du jeune, que tout le monde, ainsi, connaîtra.

Notre groupe a déposé des amendements relatifs au dossier unique de personnalité pour que la police soit informée, elle aussi, du parcours du mineur.

Nous sommes là au cœur du débat que ce drame a soulevé : le partage d’informations et la nécessaire information des professionnels qui s’investissent pour réinsérer les jeunes délinquants.

Monsieur le garde des sceaux, vous avez présenté ce matin votre projet de loi de programmation en Conseil des ministres pour répondre non pas en réaction, mais en action, au problème de la délinquance des mineurs. Que comptez-vous faire sachant que, malheureusement, dans notre pays aujourd’hui, la famille a par trop souvent abandonné l’éducation des enfants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le député, comme vous l’avez dit, le drame de Chambon-sur-Lignon remet au cœur de l’actualité la question de la délinquance des mineurs. Vous avez vous-même beaucoup travaillé sur ce sujet, et remis un rapport qui débouchera sur un certain nombre d’expérimentations.

Le projet de loi de programmation, tel qu’il a été adopté ce matin en Conseil des ministres, sur une forte demande du Président de la République, nous conduira naturellement à programmer les moyens nécessaires pour exécuter les peines et pour répondre à la délinquance des mineurs en créant des places en centre éducatif fermé. Nous déposerons par ailleurs un amendement sur ce texte pour obliger la justice à informer, dans des cas comme celui qui nous préoccupe aujourd’hui, les autres grands services de l’État. Désormais, lorsqu’une personne sera remise en liberté sous condition, la justice devra informer de la situation l’éducation nationale, la police et la gendarmerie, la santé, les grands services publics, qui doivent être mis au courant.

Nos concitoyens n’ont pas compris, dans cette affaire, que l’information n’ait pas circulé, que la justice ait été à ce point isolée. Nous devons faire en sorte d’apporter d’autres réponses que la liberté sous condition à des criminels particulièrement pervers, qui ont reconnu leurs crimes. Le procureur aura le choix entre placer le jeune en centre éducatif fermé ou en établissement pour mineurs, ou requérir une peine de prison classique.

Dès la semaine prochaine, une circulaire de la Chancellerie sera prise pour que cette obligation entre en vigueur. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Énergie

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. François Brottes. Monsieur le Premier ministre, le Président de la République se déplace ce vendredi sur le site Areva du Tricastin, comme d’autres partent en pèlerinage pour se faire pardonner leurs péchés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC . - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Et dans le secteur de l’énergie, il a beaucoup à se faire pardonner. Souvenez-vous : c’est lui qui a bradé et privatisé Gaz de France. Ceux qui paient les factures de gaz ont compris leur douleur ! C’est lui qui a engagé le démantèlement de l’entreprise Areva en vendant sa filiale T&D. Ce sont aujourd’hui 500 millions qui manquent chaque année pour sécuriser les emplois. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

C’est lui encore qui a décapité Areva et qui a refusé de recapitaliser l’entreprise, la contraignant ainsi à lancer un plan social drastique, portant, quoi qu’on en dise, sur près de 8 000 emplois, et à faire, en conséquence, l’apologie de la sous-traitance. Je tiens à la disposition de M. Baroin une lettre de rappel à l’ordre du président d’Areva sur le problème de la rentabilité, en date du 13 avril dernier. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

C’est encore lui, le Président de la République, qui nous ment en laissant croire que le nucléaire serait la seule solution. Mais personne n’échappe à son bilan, mes chers collègues ! Et ne croyez pas que parler du nucléaire nous gêne ! Les Français l’ont bien compris, nous devons sortir de la dépendance du nucléaire et du pétrole. Il est temps de faire franchement la chasse aux gaspillages, en particulier dans les bâtiments. Il est temps d’investir massivement dans les énergies renouvelables. (Huées sur les bancs du groupe UMP.)

Le débat sur cette stratégie pour l’avenir d’une France qui conforte ses atouts industriels, ses emplois et ses compétences, qui sauvegarde le pouvoir d’achat, qui favorise la compétitivité des entreprises et qui préserve la planète, ce débat doit être mené sereinement avec les salariés de ces secteurs et l’ensemble des Français.

Votre majorité a tué dans l’œuf le développement du photovoltaïque. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Votre majorité a privatisé des pans entiers du secteur public de l’énergie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Votre majorité a augmenté de plus de 60 % les tarifs du gaz en cinq ans et de plus de 10 % ceux de l’électricité pour la seule dernière année.

Monsieur le Premier ministre, avec un tel bilan, vous n’avez aucune légitimité pour venir aujourd’hui nous donner des leçons ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique.

M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique. Monsieur Brottes, c’est dommage que vous forciez votre nature, vous qui connaissez plutôt bien les secteurs de l’électricité et de l’énergie, et que vous vous prêtiez ainsi à la caricature.

S’il fallait expier ses fautes en se rendant sur les sites, vous devriez aller à la Hague, à Marcoule, et sur les sites des vingt-quatre réacteurs que vous vous êtes engagés à fermer dans cet accord absurde que vous avez passé avec les Verts (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et que vous êtes au demeurant incapables d’expliquer aux Français. Si l’on écoute M. Hollande, M. Sapin, Mme Duflot ou Mme Joly, ils nous en donnent chacun une version différente.

Vous devriez, monsieur Brottes, réfléchir à ce communiqué que l’Union des industries utilisatrices d’énergie a présenté ce matin. Les trente-sept industriels les plus consommateurs d’électricité en France qui y sont regroupés disent très clairement que le mouvement que vous avez engagé détruirait immédiatement 150 000 emplois, 600 000 emplois directs à très court terme et que 2 millions en seraient fragilisés. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Deflesselles. C’est une honte !

M. Éric Besson, ministre. Pour le reste, votre accord conduirait à augmenter de 40 % les émissions de gaz à effet de serre. Et vous prétendez agir en faveur du développement durable ! Les tarifs de l’électricité augmenteront, pour tous les Français, de 30 à 40 % ! Concrètement, un ménage qui paie son électricité 1 600 euros par an verra sa facture augmenter de 480 euros dans l’année. C’est cela, l’accord que vous avez passé ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous allez détruire des centaines de milliers d’emplois, vous allez accroître notre dépendance énergétique et détériorer considérablement notre balance commerciale.

Alors, je vous en prie, pas de leçons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Journée de lutte contre les violences faites aux femmes

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Guy Geoffroy. Ma question s’adresse à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

Dans quarante-huit heure, nous serons le 25 novembre, journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. À l’approche de cette date, il me paraît indispensable de mesurer, dans cette enceinte, comment notre pays, comme tous les grands États, réagit face à cette cause majeure, en France comme dans le monde, tant le drame des violences subies par les femmes, en particulier au sein des couples, a atteint une ampleur et un degré totalement inacceptables.

L’actualité montre d’ailleurs que nous avons raison de nous en préoccuper.

Le Parlement n’est pas resté totalement inactif sur cette question : Nous sommes très fiers d’avoir voté en 2006 et en 2010 deux grandes lois dont on reconnaît unanimement qu’elles nous ont engagé sur le chemin de l’espérance et du progrès. Vous-même, comme le Premier ministre, comme Mme Morano en 2010, ne cessez de soutenir cet effort.

Malgré cela, les violences continuent et les chiffres restent accablants. Nous avons engagé il y a quelques semaines avec Danielle Bousquet, dont je salue l’action à mes côtés au service de l’Assemblée nationale, un travail d’évaluation de cette loi de juillet 2010 dont nous sommes très fiers.

À deux jours du 25 novembre, alors qu’on nous dit que celle loi est bonne et qu’il faut continuer à travailler dans cette direction, pouvez-vous nous faire part de la stratégie que le Gouvernement entend continuer à déployer pour mettre, enfin, un terme à ce fléau ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur Guy Geoffroy, je veux d’abord saluer l’action que vous menez avec Danielle Bousquet pour promouvoir le droit des femmes et lutter contre les violences dont elles sont victimes.

Tous les deux jours et demi, une femme meurt sous les coups de son compagnon. Chaque année, 650 000 femmes sont victimes d’agression sexuelle – ou plutôt déclarent l’être. Sachant que le taux de déclaration n’est que de 20 %, elles sont en fait trois millions de victimes.

Aussi faut-il mener une action résolue. C’est pourquoi le Premier ministre a décidé que les crédits affectés au plan d’action interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes augmenteraient de 30 %, ce qui est tout à fait considérable.

Nous menons une nouvelle campagne d’information, afin de populariser le numéro d’appel 3919 mis en place par ma collègue Nadine Morano en 2007. Il s’agit de libérer la parole des femmes, de leur dire d’oser parler de ce qui leur arrive, car on ne combat bien que ce qui est dit. Je veux à ce propos saluer les associations – la fédération nationale Solidarité femmes, le collectif féministe contre le viol, les centres d’information sur les droits des femmes – dont les permanents, formés, se mobilisent pour diffuser une véritable information. Leurs actions sont relayées sur le terrain, à l’exemple de votre collègue Paul Jeanneteau qui organise un grand débat dans sa circonscription.

Voilà à l’évidence un bon sujet qui à l’évidence transcende les clivages droite-gauche et qui peut tous nous rassembler. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Fermeture de Fralib

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Monsieur le Premier ministre, ma question concerne l’avenir de l’usine Fralib, à Gémenos, et a une dimension symbolique. Mon ami Michel Vaxès, député des Bouches-du-Rhône, très impliqué, m’a demandé de vous la poser comme coprésident du comité national de soutien.

Depuis le 28 septembre 2010, date de l’annonce par le groupe Unilever du projet de fermeture de leur usine et de la suppression des 182 emplois, les salariés de Fralib occupent leur entreprise. Ils vous ont écrit, ainsi qu’aux ministres concernés, François Baroin, Bruno Le Maire, Xavier Bertrand, Éric Besson. De nombreux députés ont relayé leur demande. Avec Michel Vaxès et au nom du comité de soutien, nous avons multiplié les interpellations.

Seul le ministre de l’agriculture et de l’alimentation a répondu, pour dire que ce dossier ne relevait pas de sa compétence, alors qu’Unilever est l’un des premiers groupes mondiaux de l’agroalimentaire.

Leur demande portée par de multiples voix est très claire : que le Gouvernement organise une table ronde nationale réunissant les ministres concernés, les collectivités territoriales, les représentants des salariés et le groupe Unilever, afin d’examiner la mise en œuvre de la solution alternative élaborée par les salariés : elle permet de maintenir la production et la commercialisation de thé et d’infusions et ainsi de sauvegarder, avec les emplois, la marque « Thé l’Éléphant », patrimoine régional et national depuis cent dix-neuf ans.

Le 17 novembre dernier, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a annulé le plan social présenté par Unilever. Il est donc urgent de traiter désormais des conditions du redémarrage de l’usine et de la pérennité de son activité. Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin prendre la décision d’organiser cette table ronde ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, du travail et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre de l’emploi, du travail et de la santé. Monsieur le député, ce n’est pas la première fois que le Gouvernement est interrogé sur ce sujet, et ce n’est pas la première fois qu’il y répond : Éric Besson l’a fait il y a quelques semaines.

Une réunion aura lieu vendredi à Bercy avec les représentants des ministères concernés et avec ceux de l’entreprise pour faire un point précis sur ce dossier.

Le 17 novembre, la justice a exprimé clairement sa position : Pour les mesures de reclassement, le compte n’y est pas. Une entreprise qui déciderait de fermer a des obligations sur le plan social et sur le plan économique.

M. Christian Paul et M. Jean-Paul Lecoq. Mais nous, on ne veut pas que cela ferme !

M. Xavier Bertrand, ministre. Sur le plan social, une entreprise comme Unilever, avec le nom qu’elle porte, l’importance qui est la sienne, doit remplir toutes ses obligations de reclassement. Des efforts significatifs doivent être faits…

M. Jean-Paul Lecoq. Nous vous parlons du maintien de l’usine !

M. Xavier Bertrand, ministre. …pour les 182 salariés concernés.

Pour ce qui est ensuite de l’économie et de la revitalisation, quand on s’appelle Unilever, on porte une responsabilité particulière. L’entreprise doit donc nous donner le détail de la façon dont elle envisage les choses pour qu’il y ait une nouvelle activité sur ce site. Quand des emplois sont supprimés, revitaliser signifie en créer d’autres à la place.

M. Jean-Paul Lecoq. Si vous ne voulez pas du maintien de l’usine, pourquoi ne pas le dire franchement !

M. Xavier Bertrand, ministre. Sur le plan social et sur le plan économique, nous serons donc vigilants. D’ailleurs, même si dans l’hémicycle vous jouez l’affrontement, bien souvent, sur le terrain vous êtes à nos côtés pour trouver des solutions. En effet, la seule chose qui compte pour les salariés, c’est que nous travaillions ensemble pour les défendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

M. Jean-Paul Lecoq. Vous êtes à côté ! vous n’avez rien compris !

énergie nucléaire

M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Camille de Rocca Serra. Madame la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, le général de Gaulle a su consacrer l’indépendance énergétique de la France. Jusqu’à Nicolas Sarkozy, tous ses successeurs, sans exception, ont favorisé le développement de la filière nucléaire qui est aujourd’hui, sur le plan technologique, un fleuron de l’industrie française.

En mars 2010, lors de la Conférence internationale sur l’accès au nucléaire civil, Nicolas Sarkozy avait exprimé le souci qui devait être le nôtre en matière de transparence et de garantie de la sûreté nucléaire. En février 2011, le Conseil de politique nucléaire réuni sous l’autorité du Président de la République a su définir la stratégie industrielle et l’exigence de sûreté de la filière.

Le rapport de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, remis le 17 novembre dernier à l’Autorité de sûreté nucléaire est formel : aucun des cinquante-huit réacteurs ne mérite d’être fermé, et les normes de sûreté de ces installations peuvent être « légitimement considérées comme sûres ».

L’irresponsabilité de François Hollande, qui a négocié un accord surréaliste et purement électoraliste avec les Verts, a sacrifié l’avenir d’une filière aussi emblématique, et ce au mépris de 400 000 salariés, au mépris de l’indépendance énergétique de la France, au mépris de nos territoires et au mépris de la lutte contre le réchauffement climatique.

Mais démanteler la filière nucléaire, c’est aussi accepter une augmentation de 50 % du prix de l’électricité : les Français devront trancher.

Sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre, le Gouvernement et la majorité se sont engagés dans le débat du nucléaire en ayant constamment le souci de la transparence, contrairement à l’opacité cultivée par l’opposition, laquelle a décidé la mort de cette industrie.

Alors que le parti socialiste revient à l’économie du troc et du marchandage – vingt-quatre réacteurs égalent vingt-quatre circonscriptions –, pour la majorité, le nucléaire a un prix : celui de la sûreté.

Madame la ministre, (« Deux minutes ! » sur les bancs du groupe SRC) pouvez-vous dire, à cette étape de l’expertise de l’IRSN, devant la représentation nationale, quel est le calendrier…

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur Camille de Rocca Serra, vous avez raison : la sûreté nucléaire ne se négocie pas. Aucune idéologie, aucune considération électoraliste ne doit interférer avec elle. Il en est de même des considérations économiques : quand il faut faire des investissements, nous les faisons ; ils sont prescrits à l’exploitant sans discussion possible. Vous le savez bien, monsieur le député, puisqu’en tant que rapporteur spécial de la commission des finances, vous avez travaillé sur ce sujet.

Dégrader le débat, comme cela a été fait récemment lors des négociations entre les Verts et le parti socialiste, d’ailleurs dénoncées depuis par Eva Joly,…

M. Henri Emmanuelli. Quel niveau !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. …c’est occulter le véritable enjeu : l’amélioration de la sûreté des centrales qui fonctionnent aujourd’hui et qui, en tout état de cause, fonctionneront encore longtemps.

La sûreté nucléaire demande de prendre des décisions réfléchies assises sur des expertises. À la grande braderie du nucléaire organisée par la gauche, la sûreté risque de perdre beaucoup.

Après l’accident de Fukushima, le Gouvernement a adopté la démarche inverse, fondée sur le sérieux et la transparence. À l’époque le Premier ministre avait immédiatement demandé qu’un audit soit mené sur nos centrales. C’est en nous appuyant sur ses conclusions que nous prendrons les décisions nécessaires, y compris, le cas échéant, celle d’une fermeture si des risques majeurs ne pouvaient pas être maîtrisés. Il revient à l’Autorité de sûreté nucléaire de rendre ses conclusions, ce sera chose faite en janvier. D’ici là, il n’est pas responsable de décider arbitrairement, sans critère sérieux, fondé sur la sûreté, de la fermeture de centrales.

Pour sa part, le Gouvernement est décidé à poursuivre les investissements nécessaires pour la sûreté nucléaire. De la même façon, il continuera à investir dans les mesures d’efficacité énergétique et dans le développement des énergies renouvelables. Telle est la politique énergétique que nous proposons aux Français. Nous, nous ne la sous-traitons pas aux Verts. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Politique fiscale

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Christian Eckert. Monsieur le Premier ministre, les cadeaux fiscaux de l’été 2007 ont creusé la dette et le déficit.

Aujourd’hui, rattrapés par les marchés, vous faites déjà payer le prix fort aux plus modestes. La droite creuse la dette, les Français paient la note.

Taxes sur les mutuelles santé, impôts et jour de carence sur les indemnités journalières des malades, TVA relevée sur de nombreux produits et services payés par tous les Français, hausse généralisée de l’impôt sur le revenu en gelant le barème : ces seules mesures représentent au total environ 10 milliards d’euros de pouvoir d’achat en moins pour nos concitoyens.

Elles pénalisent la croissance et, en conséquence, elles diminuent les recettes fiscales et font exploser le chômage. Mais elles sont aussi insupportables pour les fins de mois de millions de Français qui n’ont profité d’aucun cadeau : ni du bouclier fiscal ni de l’allégement de l’ISF. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Cette austérité, déjà mise en œuvre aujourd’hui, est amplifiée dans le programme de l’UMP, qui propose encore plus d’injustices. Une nouvelle hausse de la TVA est programmée qui sera peut-être baptisée « sociale », ou « anti-délocalisation », pour faire joli. Elle fera surtout flamber les étiquettes des supermarchés, le prix des cantines et le coût des services dont tous ont besoin. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Vanneste. Nous pensons à l’emploi ! Votre programme à vous, c’est toujours plus de chômage !

M. Christian Eckert. Le programme de l’UMP, c’est travailler plus pour gagner moins !

Les socialistes et la gauche, proposent d’autres voies. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous voulons par exemple créer une tranche supplémentaire à 45 % de l’impôt sur le revenu pour les revenus supérieurs à 100 000 euros par part fiscale, et supprimer les niches fiscales dont les classes modestes et moyennes ne tirent aucun allégement de l’impôt.

M. Michel Herbillon. M. Eckert raconte n’importe quoi !

M. Christian Eckert. Monsieur le Premier ministre, nous ne vous demandons pas d’avouer vos erreurs, cela ne changerait rien. Nous vous demandons de les corriger par des mesures justes, comme celles que je viens d’évoquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur Eckert, je pourrais énumérer l’ensemble des mesures prises depuis 2007 en faveur du soutien des entreprises en difficulté, de la protection de l’emploi ou de l’accompagnement de la recherche et de l’innovation. Je pourrais longuement développer les avantages que constituent le crédit d’impôt recherche, Oséo, le fonds stratégique d’investissement, le rôle joué par la Caisse des dépôts et consignations ou par le Comité interministériel de restructuration industrielle. Je ne le ferai pas.

Vous interpellez le Gouvernement sur certaines des propositions du parti majoritaire. À mon tour, je voudrais vous poser une question,…

M. Jean Glavany. Depuis quand le Gouvernement interroge-t-il le Parlement ? Vous êtes un ministre par effraction ! Quelle pitrerie !

M. François Baroin, ministre. … en m’arrêtant sur l’une des mesures emblématiques de votre projet : la création de 60 000 emplois de fonctionnaires .Votre projet estime le coût de cette mesure à « quelques milliards ». Imaginons un fonctionnaire recruté à vingt-cinq ans, partant en retraite à soixante-cinq ans, dont l’espérance de vie serait de quatre-vingt un an : dans des conditions normales, le coût pour l’État de ce seul fonctionnaire équivaut à 1,85 million d’euros – et c’est normal, ce sont des prestations. Autrement dit, votre mesure ne coûtera pas 4 ou 5 milliards d’euros, comme le prétend le projet socialiste, mais 120 milliards. Car on ne calcule pas le coût d’un fonctionnaire pour la durée d’un mandat présidentiel mais pour toute la durée de la vie de l’agent en question – il doit être accompagné lorsqu’il a quitté le service public. Au final, ces 120 milliards représentent cinq points de PIB. Cela aussi, il faut que vous l’assumiez.

Vous dites également vouloir revenir à la retraite à soixante ans. Quel est le coût de cette mesure ? C’est 30 milliards.

120 milliards et 30 milliards : je vous laisse faire l’addition, et je vous laisse imaginer la sanction. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Insonorisation des logements riverains
des aéroports

M. le président. La parole est à M. Didier Gonzales, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Didier Gonzales. Madame la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, dans la seule région parisienne, 2,5 millions de riverains sont actuellement impactés par le trafic aérien, lequel doublera dans les vingt prochaines années, ainsi que le confirment tous les experts, qu’il s’agisse de l’OACI, d’Eurocontrol, de la Cour des Comptes ou de l’Union européenne. L’aéroport de Roissy étant sous tension et la plateforme d’Orly contrainte, car construite dans la ville, il est urgent d’anticiper cette hausse des mouvements aériens.

Or que dit le Grand Paris sur l’avenir aérien ? Rien !

Partant de ce constat, vous avez pris l’initiative de créer une commission stratégique sur l’avenir de l’aéroport d’Orly, et je vous en remercie. Sans doute est-ce le moment de nous inspirer de nos partenaires européens qui, à Oslo, Munich, Berlin ou Londres, ont réalisé, décident ou envisagent le transfert des aéroports les plus enclavés dans le tissu urbain.

En attendant une telle décision, qui assurerait, sur le long terme, la meilleure protection des riverains d’aéroports, il convient d’atténuer les nuisances qu’ils subissent quotidiennement. Nombreux sont ceux qui réclament une meilleure prise en charge des travaux d’isolation phonique, des délais de traitement raccourcis ou l’adaptation des critères d’éligibilité. Madame la ministre, pouvez-vous nous détailler le train de mesures que le Gouvernement envisage de mettre en œuvre pour améliorer le quotidien des millions de Français qui subissent les nuisances aéroportuaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur le député, nous avons pris, en effet, de nouvelles mesures contre le bruit ; car le bruit n’est pas seulement un problème de confort, c’est aussi un problème de santé qui touche de trop nombreux Franciliens.

Il s’agit tout d’abord de limiter le bruit à la source, en relevant les trajectoires des avions, en interdisant de vol les avions les plus bruyants, ou en créant de nouvelles trajectoires de nuit sur Roissy, afin de toucher le moins possible de Franciliens. Mais du bruit, il y en aura toujours. C’est pourquoi nous devons également améliorer les conditions d’insonorisation des logements riverains. À cette fin, nous avons pris des mesures très concrètes. Ainsi nous avons porté le taux de remboursement des travaux pour insonorisation des riverains des aéroports de 80 % à 100 % ; c’est une mesure immédiate Nous allons également inclure, après examen au cas par cas, de nouveaux quartiers dans le plan de gêne sonore afin que leurs habitants puissent bénéficier de l’insonorisation. Celle-ci sera couplée à une autre politique majeure du Grenelle : la protection thermique. On pourra ainsi financer son diagnostic acoustique et son diagnostic thermique de la même manière, par le biais de la taxe payée par les compagnies aériennes.

Enfin – et je suis particulièrement attachée à cette mesure –, je souhaite qu’un effort soit fait pour que le même fonds permette d’insonoriser les crèches et les écoles situées dans les zones 1 et 2 du plan de gêne sonore, car nous savons que le bruit diminue fortement les capacités d’apprentissage des enfants.

Il s’agit, vous le voyez, de mesures utiles et concrètes.

M. Pierre Gosnat. Mais il n’y a pas les sous !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Enfin, je tiens à saluer la participation de plusieurs d’entre vous à la commission stratégique sur l’avenir de l’aéroport d’Orly, dont on célèbre cette année le cinquantième anniversaire. Nous devons en effet réfléchir à l’avenir de ce grand aéroport, en cohérence avec le Grand Paris et nos objectifs en matière de développement durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Rigueur et pouvoir d’achat

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Mme Marie-Françoise Clergeau. Monsieur le Premier ministre, la gravité de la crise de la dette qui frappe la France et les pays de la zone euro mobilise toute notre attention ; la résorption des déficits est une obligation qui s’impose à tous. Pour autant, il n’est pas vrai qu’une seule politique soit possible pour y parvenir. Or les plans de rigueur successifs que vous mettez en œuvre se résument à une seule et même politique : faire payer les classes moyennes et populaires pour mieux épargner les riches.

Vous venez ainsi de tenter d’ajouter un jour de carence supplémentaire pour les arrêts maladie des salariés du privé et du public. Contraint de reculer partiellement, vous voulez maintenant vous en prendre au montant des indemnités journalières. Voilà 200 millions d’euros que vous voulez récupérer chaque année sur le dos des salariés, et même sur leur santé. C’est inacceptable !

Par ailleurs, vous vous attaquez aux familles en prélevant 2,5 milliards d’euros sur leur pouvoir d’achat d’ici à 2016, à travers le gel, pour ne pas dire la diminution, des allocations familiales. Là encore, c’est inacceptable !

Enfin, en accélérant la mise en œuvre du passage à 62 ans de l’âge de la retraite et à 67 ans de l’âge auquel on peut toucher une retraite sans décote, vous prélevez, d’ici à 2016, 4,4 milliards d’euros sur le dos des retraités qui, pour certains – notamment les femmes, dont les carrières sont souvent incomplètes – verront le montant de leur retraite diminuer.

M. Pascal Terrasse. Absolument !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Ces mesures sont d’autant plus inacceptables que, dans le même temps, vous allégez l’ISF de 2 milliards d’euros.

M. Pascal Terrasse. Eh oui !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Au final, votre stratégie anti-crise consiste à mener une politique anti-pouvoir d’achat des salariés, des familles et des retraités. Jusqu’où comptez-vous aller dans cette attaque en règle contre les revenus de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Madame la députée, au final, nous aurons compris qu’avec vous, il ne faut jamais faire la moindre réforme et que tout s’arrangera comme par magie. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) On a compris qu’à chaque fois que les socialistes ont été au pouvoir – en Espagne notamment –, on en voit le résultat – comme la sanction des électeurs. (Mêmes mouvements.)

M. Pascal Terrasse. Votre tour viendra aux prochaines élections !

M. Xavier Bertrand, ministre. On voit aussi qu’en Grèce également, un gouvernement socialiste n’a pas été en mesure d’inverser la tendance. (Mêmes mouvements.) Nos concitoyens savent pertinemment que ceux qui ne font pas les réformes conduisent leurs pays dans le mur. Voilà la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. Donnez-nous le Gouvernement et nous ferons les réformes !

M. Albert Facon. Dix ans !

M. Xavier Bertrand, ministre. Pendant toutes ces années passées dans l’opposition, vous avez eu un comportement irresponsable. Ainsi, lorsqu’il a fallu réformer les retraites, vous avez toujours été aux abonnés absents, que ce soit en 2003, lors du vote de la loi Fillon, ou en 2007, lorsque Éric Woerth a porté la réforme des régimes spéciaux. Jamais vous n’avez été présents, jamais n’avez eu le courage d’accompagner ces réformes, comme cela s’est vu dans certains pays. Et ça, cela se voit et cela se sait ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Quant au pouvoir d’achat, épargnez-nous vos grandes déclarations : les principaux ennemis du pouvoir d’achat, dans ce pays, ce sont les responsables socialistes des régions et des départements. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Zéro !

M. Xavier Bertrand, ministre. Partout où vous gérez, vous accumulez les dépenses et vous augmentez les impôts à due proportion. La seule région où les impôts n’augmentent pas, c’est celle que nous gérons : l’Alsace. Dans toutes les régions socialistes, ils ont flambé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous n’avez aucun scrupule à évoquer le pouvoir d’achat, mais il n’est pas interdit d’avoir un peu de décence, en politique. Protégeons le pouvoir d’achat des Français, évitons le retour des socialistes, voilà le message que l’on entend ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations prolongées sur les bancs du groupe SRC.)

Cogénération industrielle

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jacques Lamblin. Ma question s’adresse à M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique.

Monsieur le ministre, c’est en Meurthe-et-Moselle que se trouve la dernière mine de France encore en activité – une mine de sel. À proximité s’étalent deux usines imposantes qui, utilisant le sel comme matière première, produisent carbonate et bicarbonate de soude. C’est une activité de chimie lourde, dont dépendent des milliers d’emplois.

Dans cette industrie, le premier poste de dépense est celui de l’énergie : on s’y bat chaque jour pour quelques centimes sur le prix du kilowattheure. Aussi, avec moi, les ouvriers de cette filière, attentifs à leur avenir, ont-ils été scandalisés de voir les Verts et les socialistes jouer, il y a quelques jours, comme on joue au poker – pour ne pas dire au poker menteur –, l’avenir énergétique et industriel de notre pays. Comment le PS et les Verts ont-ils pu oser, dans un marchandage déplacé – centrales nucléaires contre sièges de député –,…

M. André Schneider. Quel scandale !

M. Jacques Lamblin.…envisager de massacrer la filière nucléaire, qui fait notre force et qui est le fruit de cinquante ans d’efforts ?

Mais je reviens à mon sujet. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Glavany. Ah, parce qu’il y a un sujet ?

M. Jacques Lamblin. Dans le souci d’améliorer leur performance énergétique, ces usines, comme 900 autres en France, ont opté, depuis de nombreuses années, pour la cogénération.

L’échéance prochaine des contrats de rachat obligatoire de l’électricité pourrait remettre en question la pérennité de la cogénération, si l’électricité ainsi produite ne trouvait pas à se revendre à un prix équilibré.

M. Pascal Terrasse. Subventionner, ça coûte cher !

M. Jacques Lamblin. Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire part de la position du Gouvernement quant à la préservation des capacités de production du parc de cogénération ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique.

M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique. Monsieur le député, vous avez raison d’évoquer la question essentielle de la sécurité électrique. Au moment où nous entrons dans l’hiver, notre responsabilité consiste d’abord à assurer la sécurité de nos approvisionnements. Pour garantir la sécurité électrique et, comme vous l’avez dit à l’instant, permettre à chaque Français et à chaque entreprise de disposer d’électricité tout l’hiver, nous avons besoin de notre outil nucléaire. Je l’ai dit, je n’y reviens pas.

Cependant, la sécurité électrique passe aussi par notre capacité à répondre aux pics de consommation. Notre objectif est clair : assurer la sécurité électrique à tout moment, à court et à long terme. Pour cela, j’ai annoncé lundi dernier deux mesures concrètes que nous prendrons au premier semestre de 2012. Il s’agit d’abord de créer les conditions d’un marché dit « de capacité opérationnelle » à l’horizon de l’hiver 2016-2017, aux termes desquelles les fournisseurs garantiront qu’ils disposent des outils suffisants pour fournir de l’électricité à leurs clients, y compris lors des pics de consommation. C’est l’application très exacte de la loi NOME votée par le Parlement.

Nous allons également anticiper nos besoins électriques pour tous les hivers jusqu’en 2016 et lancerons donc, à la mi-2012, un appel à projets visant à ce que les fournisseurs d’électricité modernisent leurs outils de production ou investissent dans de nouveaux moyens électriques.

Les entreprises que vous venez d’évoquer, qui pratiquent la cogénération, pourront ainsi valoriser leur capacité à produire de l’électricité en cas de besoin, à un prix intégrant le service rendu à notre sécurité électrique. Comme vous le voyez, nous nous battons pour le bien-être des Français, pour leur pouvoir d’achat et pour la compétitivité de nos entreprises. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Vente des médicaments

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Mme Catherine Lemorton. Avant de poser ma question à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé, je veux lui rappeler les chiffres suivants : 500 milliards d’euros de dettes en plus, c’est vous ! 75 milliards d’euros de cadeaux fiscaux, c’est vous ! Et 10 % de chômeurs en plus, c’est vous ! C’est pourquoi je vous demande de reprendre votre calme pour écouter ma question et être en mesure d’y répondre sans vous énerver. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le ministre, le 22 septembre dernier, lors du congrès des buralistes, votre collègue Bruno Le Maire a évoqué de nouvelles pistes de diversification pour les débitants de tabac. Parmi elles, une mesure a particulièrement retenu l’attention du groupe socialiste, radical et citoyen, tant elle nous a semblé en complète contradiction avec une politique de santé publique.

Il s’agit en effet de proposer la distribution de médicaments d’usage courant aux débitants de tabac. Monsieur le ministre, imaginez demain un client venant acheter son paquet de cigarettes et prenant, dans le même temps, un sirop contre la toux – une toux potentiellement causée par la consommation de tabac ! (« Incroyable ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le ministre, à l’heure où le scandale du Mediator met en avant les carences de notre système de pharmacovigilance, où le dossier pharmaceutique se développe dans notre pays et permet un suivi de la consommation de médicaments des patients, où un accord entre l’Agence du médicament et l’ordre des pharmaciens vient d’être signé pour informer encore plus rapidement les pharmacies des retraits et rappels de lots défectueux de médicaments…

M. Jean-Michel Ferrand. Et bla-bla-bla ! Et bla-bla-bla !

Mme Catherine Lemorton. ...nous sommes abasourdis par les propos de M. Le Maire. Le problème, c’est que M. Le Maire est le coordinateur du projet pour le futur candidat de l’UMP. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Doit-on y voir l’une des propositions phares du programme de santé publique que Nicolas Sarkozy défendra lors de la campagne de 2012 ?

Monsieur le ministre, qui doit-on croire ? Vous, ministre de la santé, qui défendez, la main sur le cœur, un renforcement de la sécurité sanitaire des médicaments, ou M. Le Maire, ministre de l’agriculture, qui, apparemment, ne sait pas ce qu’est un médicament ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) En tout état de cause, il y a cafouillage au sein de la majorité dans son programme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Christian Paul. Surtout, on reste calme, monsieur le ministre !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Madame la députée, je ne sais pas à quelle question je dois répondre : à la question sérieuse, ou aux deux autres, qui le sont beaucoup moins ? À celles qui cherchent à susciter la polémique, ou à celle appelant une réponse sérieuse ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Lemorton. Comme toujours, vous allez vous arranger pour ne répondre à rien !

M. Xavier Bertrand, ministre. Ne vous énervez pas, madame Lemorton. Le sujet ne mérite pas qu’on s’énerve.

Pour ce qui est de la vente de médicaments, vous ne serez pas surprise par ma réponse puisque – ce n’est pas un secret – vous étiez avec moi, à Bordeaux, il y a quelques semaines (« Ah bon ? » sur les bancs du groupe UMP), lors d’un congrès pharmaceutique important. Vous étiez même au premier rang, mais rassurez-vous, je ne dirai à personne que vous avez applaudi certains propos.

Mme Catherine Lemorton. Bien sûr !

M. Xavier Bertrand, ministre. Je vais répéter, en revanche, ce que j’ai dit devant vous lors de ce congrès : le médicament, qui n’est pas un produit comme les autres, a vocation à être vendu dans les officines pharmaceutiques. Je le répète : dans les officines pharmaceutiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Mais ce n’est pas une surprise pour vous.

Le médicament n’est pas un produit comme les autres, ce n’est pas un bonbon : sa vente doit s’accompagner de conseils délivrés dans l’officine, par le pharmacien et par personne d’autre. Voilà la réalité de notre politique.

Cela étant, madame Lemorton, si vous êtes, comme nous, attachée à l’avenir des officines pharmaceutiques, il faut aussi que vous votiez l’article 39 du PLFSS – et l’ensemble du PLFSS – qui va apporter les garanties nécessaires à la profession de pharmacien.

Mme Catherine Lemorton. Nous avons voté cet article.

M. Xavier Bertrand, ministre. Oui mais attendez, la politique – et c’est notamment vrai au sujet de la pharmacie –, cela ne consiste pas à trier les dispositions pour ne retenir que celles qui vous arrangent et sont susceptibles de vous rendre populaire. Il faut assumer l’ensemble d’une politique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Nous souhaitons, pour notre part, un véritable avenir pour l’officine, seul endroit où les médicaments doivent se vendre.

Enfin, dans les propos que vous avez tenus au début de votre question, vous avez oublié quelque chose. Dans les projets politiques, on verra qui fait le plus pour la santé des Français – nous – et qui tient les propos démagogiques : vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Fermeture de l’usine Honeywell

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Cousin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Yves Cousin. Ma question s’adresse à M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique. Elle porte sur les licenciements – j’évoquerai Schneider Electric – et les fermetures de sites – pour Honeywell – alors que les entreprises concernées dégagent des profits substantiels.

M. Roland Muzeau. Eh oui !

M. Jean-Yves Cousin. Honeywell est une multinationale américaine. Depuis plus de cinquante ans, à Condé-sur-Noireau dans le Calvados, on y fabrique des plaquettes de freins. Le nom de cette collectivité évoque d’ailleurs douloureusement le drame de l’amiante. Or le 19 octobre dernier, soudainement, Honeywell a annoncé la fermeture du site et sa délocalisation en Roumanie.

M. Roland Muzeau. C’est ça, le capitalisme !

M. Daniel Paul. Où est Baroin ?

M. Jean-Yves Cousin. Depuis, 323 salariés vivent dans l’angoisse et la révolte.

Il s’agit, monsieur le ministre, d’un licenciement boursier habillé en licenciement économique. Jugez en vous-même : depuis 2007, Honeywell n’investit plus sur le site de Condé-sur-Noireau. Depuis cette date, elle procède à des transferts de technologie. Depuis lors, ce sont les personnels de Condé qui sont amenés à former d’autres personnels. Dès février 2010, Honeywell retenait un terrain en Roumanie. Dès mars 2011, le PDG négociait une aide de l’État roumain.

M. Roland Muzeau et M. Pierre Gosnat. Cousin, à Moscou ! (Sourires.)

M. Jean-Yves Cousin. J’ajoute que Honeywell bénéficie du pôle d’excellence automobile Mov’eo et que les états généraux de l’industrie ont mis en place des procédures et des moyens pour éviter les délocalisations. Ces procédures n’ont jamais été respectées.

M. Jean-Paul Lecoq. C’est vrai !

M. Pierre Gosnat. Très bien !

M. Pascal Terrasse. On le dit depuis longtemps !

M. Daniel Paul. Debout, camarade !

M. Jean-Yves Cousin. Enfin, la tentative de concertation avec le maire et vice-président du conseil général, le président du conseil régional, le préfet et Honeywell a buté sur la mauvaise foi de l’entreprise.

Vous avez, monsieur le ministre, très fermement condamné cette attitude. Les personnels et les élus sont dans la révolte, car cette attitude est préméditée.

La vie sociale ne peut se concevoir qu’avec de la morale. Une entreprise doit certes gagner de l’argent, mais elle est avant tout une aventure humaine et entreprenariale, faite des savoirs des salariés de l’entreprise.

M. Jean-Paul Lecoq. Cela ne se voit pas !

M. Jean-Yves Cousin. Ce scandale pose plusieurs questions : la validité juridique des licenciements et la position de l’Union européenne au regard des aides de l’État roumain.

Monsieur le ministre, quelles initiatives comptez-vous prendre pour aider les salariés dans leur combat ? (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Daniel Paul. Aucune !

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique.

M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique. Monsieur le député, comme vous, j’ai été choqué.

M. Daniel Paul. Cela ne suffit pas !

M. Éric Besson, ministre. Comme vous avez bien voulu le rappeler, j’ai condamné instantanément la décision du fait du contexte dans lequel elle a été prise. J’ai également convoqué les dirigeants de l’entreprise pour avoir des explications.

M. Jean-Paul Lecoq. Il faudrait les mettre en garde à vue !

M. Roland Muzeau. Comme tous les patrons voyous !

M. Éric Besson, ministre. Je leur ai demandé de suspendre la mise en œuvre de ce plan.

Nous avons obtenu pour l’instant que Honeywell participe au groupe de travail, dont vous êtes d’ailleurs membre, visant à identifier les conditions d’un réinvestissement sur ce site.

Je viens d’interpeller le président mondial de Honeywell. Je veux que le groupe identifie, de façon loyale et transparente, les fabrications capables de succéder aux productions actuelles.

En tout état de cause, Honeywell devra contribuer au maintien d’une activité industrielle pour protéger les emplois des 323 salariés concernés et, comme vous me l’avez demandé, nous tiendrons très prochainement une table ronde sur la situation et sur les perspectives du site.

Votre question me permet, si vous m’y autorisez, d’élargir mon propos au secteur de l’automobile dans son ensemble. Dans quelques minutes, avec Xavier Bertrand, nous réunirons le comité stratégique de la filière. Nous allons redire à tous les acteurs que, face aux turbulences actuelles, nous voulons assurer le maintien des emplois industriels et préserver la situation des sous-traitants. Nous voulons que les constructeurs soient exemplaires, comme le Président de la République l’a demandé au président du groupe PSA.

Pour renforcer la présence de l’industrie automobile sur nos territoires, nous voulons franchir une nouvelle étape dans la mise en œuvre du pacte automobile conclu en 2009 pour soutenir la filière et renforcer sa compétitivité. Nous allons demander cet après-midi au comité de filière de nous faire très rapidement – en toute hypothèse, avant février 2012 – des propositions pour un pacte automobile de seconde génération qui prendra appui sur les outils de soutien existants et les renforcera. Vous le voyez, le Gouvernement a soutenu, soutient et soutiendra la filière automobile française et ses sous-traitants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Très haut débit

M. le président. La parole est à Mme Corinne Erhel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Corinne Erhel. Ma question s’adresse au ministre de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique.

Le bilan de votre gouvernement en matière numérique restera marqué par des textes très controversés comme les lois HADOPI et LOPPSI, pour ne citer qu’elles.

S’agissant de l’internet à très haut débit, votre action pour construire des réseaux en fibre optique de manière homogène et cohérente sur tout le territoire est tout autant contestée. Ce chantier est pourtant un levier d’investissement pour retrouver le chemin de la croissance et la création d’emplois non délocalisables. L’internet à très haut débit deviendra indispensable aux citoyens. Ces réseaux sont aussi une infrastructure stratégique pour soutenir le développement industriel et économique de nos territoires.

Pourtant, les règles complexes que vous ayez fixées pour ce déploiement vont créer un aménagement numérique à plusieurs vitesses, notamment entre territoires urbains et ruraux – mais pas seulement –, au détriment de l’égalité entre les citoyens.

Cela est bien sûr politiquement, socialement et économiquement inacceptable. Vous ne pouvez ignorer les inquiétudes fortes des collectivités locales, qui doivent faire face non seulement à une demande de plus en plus pressante des citoyens, mais également à des projets de déploiement extrêmement coûteux, faute d’initiative privée. Elles manquent aujourd’hui de visibilité et de moyens – aussi bien financiers qu’humains – et elles dénoncent un défaut de coordination.

L’effort de l’État, avec les 900 millions d’euros issus du grand emprunt, pèse peu au regard des 21 milliards – au minimum – nécessaires pour achever la couverture numérique totale du territoire.

Des actes forts et une vision stratégique sont attendus par les citoyens et les élus, mais aussi par les acteurs économiques. L’urgence est désormais de mettre fin aux incantations. Que faites-vous pour répondre à cet enjeu crucial ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique.

M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique. Madame la députée, je n’oserai pas faire comme Xavier Bertrand,…

M. Michel Issindou. Non, ce n’est pas la peine !

M. Jean-Paul Lecoq. Vous avez moins de talent !

M. Éric Besson, ministre. …en l’occurrence vous dire que, lorsque nous nous voyons dans d’autres cadres, vous êtes moins caricaturale et plus positive que dans l’hémicycle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Sur notre bilan en la matière, je veux vous dire que, avec le label « Haut débit pour tous », le Gouvernement a garanti l’accès de tous les Français à internet, quel que soit le lieu d’habitation, par l’ADSL ou le satellite. Vous connaissez les quatre offres qui ont été labellisées par le Gouvernement pour moins de 35 euros par mois.

M. Régis Juanico. Insuffisant !

M. Éric Besson, ministre. Vous savez aussi, et vous avez bien voulu le rappeler quand même, que, pour aller plus loin et améliorer la qualité des accès à internet, le Gouvernement a mobilisé 2 milliards d’euros au titre des investissements d’avenir. Ils seront investis dans le déploiement des réseaux d’accès à internet dans les zones les plus rurales de notre territoire.

Par ailleurs, nous avons pris acte, facilité et souhaité la conclusion d’accords entre les opérateurs. Cela a été le cas entre France Télécom-Orange et SFR, dans le cadre des règles favorisant la mutualisation des investissements issues de la loi de modernisation de l’économie et de la loi relative à la fracture numérique. L’accord qui signé la semaine dernière est un socle extrêmement important.

Pour les zones rurales, le Gouvernement a mis en place un premier guichet de subventions de 900 millions d’euros ouvert depuis le 21 juillet 2011. Nous nous fixons des objectifs très clairs : trois projets importants, c’est-à-dire interdépartementaux ou régionaux aidés avant la fin de l’année, et douze dans l’année qui vient.

Enfin, pour les zones les plus reculées de notre territoire, nous développons une offre compétitive de très haut débit par satellite. Vous savez que nous avons engagé 40 millions d’euros pour les investissements d’avenir. Nous voulons mobiliser l’ensemble des financements, publics et privés ; nous ne croyons pas au monopole public dont vous voulez le retour.

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble de la proposition de loi de MM. Alain Vidalies, Jean-Marc Ayrault et plusieurs de leurs collègues relative à l’amélioration de l’indemnisation des victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles (nos 3792, 3922).

Jeudi dernier, le Gouvernement a indiqué qu’en application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, il demandait à l’Assemblée nationale de se prononcer par un seul vote sur les articles et sur l’ensemble de la proposition de loi.

Explications de vote

M. le président. Au titre des explications de vote, la parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe SRC.

M. Alain Vidalies. Cette proposition de loi déposée par le groupe socialiste, radical et citoyen, vise à améliorer l’indemnisation des victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles.

Notre texte cherche, en premier lieu, à prendre en compte la décision du Conseil constitutionnel qui avait fait une réserve d’interprétation sur la limitation des préjudices pour les victimes de fautes inexcusables de l’employeur, c’est-à-dire pour une catégorie particulière d’accidents du travail dans lesquels une faute a été établie – même si cette notion a été largement étendue depuis 2005 à la suite d’un arrêt de la chambre plénière de la Cour de cassation. Cette réserve d’interprétation aboutissait, en fait, à permettre l’indemnisation d’un certain nombre de chefs de préjudice, dont le préjudice professionnel qui, à l’heure actuelle, n’est pas pris en considération.

Nous souhaitions donc tenir compte de cette décision et permettre également que la sécurité sociale qui, dans cette situation particulière, fait l’avance au bénéfice des victimes, ne soit pas pénalisée. En conséquence, nous demandions à ce que les employeurs aient une obligation d’assurance. Je rappelle que nous sommes là sur une question particulière qui tient à la faute inexcusable de l’employeur, mais qui méritait, suite à la décision du Conseil constitutionnel, cette proposition d’une indemnisation de l’ensemble des préjudices subis par les victimes.

Cette proposition concerne, en deuxième lieu, l’indemnisation de droit commun, c’est-à-dire le régime des accidents du travail et des maladies professionnelles qui trouve sa source dans une loi de 1898. Celle-ci est une grande loi et nous sommes attachés aux principes qui avaient été choisis à l’époque, qui sont particuliers, originaux : ils consistent à dire que c’est le seul cas dans lequel l’indemnisation ne suppose pas préalablement qu’une faute soit démontrée.

Par la suite, ces principes juridiques ont pu trouver application dans d’autres secteurs, notamment s’agissant de la situation des piétons dans les accidents de la circulation, suite à la loi Badinter de 1985.

Sur les accidents du travail, notre règle est la responsabilité objective. Mais la réparation est, d’une certaine façon, restée en panne, et bien des progrès restaient à accomplir sur ce qui se passe durant la période d’incapacité temporaire, sur la question de l’accompagnement des victimes et sur les modalités de réparation des petits préjudices. C’est ce que nous proposons dans ce dispositif.

Enfin, le troisième objectif de cette proposition de loi était de répondre à une question complexe : celle de l’indemnisation des maladies professionnelles d’origine psychique.

Il existe une contradiction très forte à constater, d’une part, tout le travail accompli sur la santé au travail, les maladies professionnelles, le stress au travail, sujets sur lesquelles il existe aujourd’hui une littérature et une expertise très présentes, que ce soit dans les médias, les travaux universitaires ou parlementaires, et d’autre part, l’absence de prise en compte concrète, sur le terrain, de la réparation ; C’est que les tableaux des maladies professionnelles n’ont pas été adaptés et ne prévoient pas de maladies psychiques ; et l’autre possibilité de faire retenir une maladie professionnelle suppose, dans la loi telle que tout le monde la comprend aujourd’hui, que le taux d’incapacité de 25 % ait été préalablement établi – ce qui empêche en réalité toute initiative de la part des malades dans cette situation. Notre texte avait donc pour objectif, quant aux maladies psychiques, de lever cette condition de recevabilité et de permettre de s’adresser directement à la commission régionale.

Cet objectif était partagé. En effet, nous avons constaté, en déposant cette proposition de loi, qu’une centaine de députés du groupe UMP avait déposé exactement le même texte sur pratiquement tous les sujets. Puisque notre texte était soutenu par le groupe GDR, par l’ensemble de notre groupe et par quelque cent députés UMP qui, ayant signé un texte semblable, avaient fait connaître cette signature, il existait donc, dans cette assemblée, une majorité de députés favorables à l’ensemble du dispositif.

Nous étions donc pleins d’espoir, mais l’UMP n’a pas été au rendez-vous. Quelle n’a pas été ma surprise de constater, en commission, qu’aucun membre de ce groupe ne s’est exprimé à l’appui du texte et que les signataires de la proposition de loi UMP allant dans le même sens ont discrètement – honteusement, diraient certains – quitté la réunion, tant et si bien que la discussion a débouché sur l’opposition de l’UMP. Ce que j’avais espéré possible, à savoir qu’une majorité se regroupe et incite le Gouvernement à prendre en compte ce consensus parlementaire, s’est révélé impossible.

Le groupe socialiste a été au rendez-vous de la demande très forte des organisations et associations qui défendent les accidentés du travail. Force est de constater, malheureusement, que ni l’UMP ni le Gouvernement n’y étaient. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour le groupe GDR.

M. Roland Muzeau. L’amélioration de la situation des personnes accidentées du travail ou victimes de maladies professionnelles est une exigence portée par les associations représentant les victimes du travail. La FNATH, notamment, en a fait sa priorité. Cette exigence était, a priori, partagée sur l’ensemble de ces bancs, bien au-delà des clivages politiques traditionnels.

Dès 2007, les députés communistes et du parti de gauche ont déposé une proposition de loi visant à améliorer la santé au travail des salariés et à prévenir les risques professionnels auxquels ils sont exposés. Récemment, sont intervenues deux propositions, l’une socialiste, l’autre UMP, chacune signée par plusieurs dizaines de députés, qui poursuivaient les mêmes objectifs : la réparation intégrale des préjudices dès lors que la faute inexcusable de l’employeur est reconnue ; en dehors de ce cas, le maintien de la totalité du salaire pendant les arrêts de travail ; la prise en charge complète d’une aide humaine ; une meilleure indemnisation lorsque le taux d’incapacité est inférieur à 10 % ; un mode de calcul de la rente plus juste et moins complexe ; une reconnaissance facilitée des maladies professionnelles.

Tout portait donc à espérer que ces propositions seraient effectivement discutées et adoptées. C’était compter sans ce qu’il faut bien appeler le manque de courage et d’ambition du Gouvernement, prétendant à coup de discours que la prévention et la réparation des risques professionnels sont prioritaires, mais agissant toujours en sens contraire dans les faits. C’était compter également sans le revirement de députés UMP, auteurs pourtant de propositions, qui ont, pour la plupart, préféré la fuite au débat.

Quelles doivent être aujourd’hui l’amertume et la déception des victimes du travail après le débat de la semaine dernière, si tant est qu’on puisse le qualifier ainsi, sur la proposition de loi de notre collègue Alain Vidalies !

Sur les huit articles qui composaient ce texte, deux seulement ont été jugés financièrement recevables. Tirant prétexte de l’absence de respect du dialogue social, exploitant les dangers de la dérive vers un système assurantiel que ferait courir la réparation intégrale à notre système de protection sociale, affirmant très explicitement qu’en raison du coût de telles mesures en période de crise, laquelle impose de prioriser les priorités, les victimes du travail devraient être sacrifiées une nouvelle fois, le Gouvernement et sa majorité ont rejeté un texte si juste pourtant.

La décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010, tranchant en faveur de la réparation intégrale de l’ensemble des préjudices subis par la victime en cas de faute inexcusable de l’employeur, qui représente une avancée devant être confortée législativement, a été tout simplement ignorée. Vous ne vous contentez pas de refuser d’améliorer l’existant en matière de réparation aux victimes d’accident du travail et de maladies professionnelles en rejetant le principe du maintien de la totalité du salaire pendant un arrêt consécutif à un AT-MP ou en promettant la reconnaissance des maladies psychiques d’origine professionnelles. Non, à travers d’autres initiatives que vous prenez ou soutenez, vous contribuez à détériorer le statut des victimes du travail et à dégrader leurs conditions d’indemnisation. La fiscalisation des indemnités journalières comme le changement de leur mode de calcul en sont des exemples flagrants et dramatiques.

À la différence de ce gouvernement et de nos collègues de la majorité, nous n’entendons pas manquer l’occasion qui nous est donnée d’adresser aux victimes du travail un signal fort de notre engagement en faveur de l’amélioration du montant de la réparation qui leur est dû. Voilà pourquoi nous réitérons aujourd’hui notre entier soutien à la proposition de loi d’Alain Vidalies. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. D’ores et déjà, je fais annoncer le scrutin dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Michel Hunault. Cette proposition de loi a été l’occasion, pour notre assemblée, d’examiner l’indemnisation des victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles. Je rappelle ici que le Nouveau Centre s’était déclaré, il y a quelques mois, contre l’imposition des indemnités journalières. Pour autant, il convient de remémorer aux auteurs de la proposition de loi que c’est cette majorité qui a voté la création de fonds d’indemnisation des victimes de maladies professionnelles, notamment celui dédié aux victimes de l’amiante.

Jeudi dernier, les différents orateurs ont indiqué que la loi fondatrice de 1898 sur l’indemnisation des victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles est organisée sur la base d’une responsabilité sans faute. Les élus du Nouveau Centre ont toujours souhaité que l’on améliore la réparation, qui est aujourd’hui forfaitaire, sous forme d’une rente ou d’un capital pour les petites incapacités. Cette rente est majorée en cas de faute inexcusable de l’employeur.

La jurisprudence de la Cour de cassation a étendu la responsabilité de l’employeur, tenu à une obligation de sécurité. Le Conseil constitutionnel a remis en cause la liste des préjudices, énumérés par l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, donnant lieu à une majoration de la rente. C’est sur cette base que nos collègues ont déposé cette proposition de loi.

Sur le fond, si l’on ne peut qu’être d’accord et partager la finalité de cette proposition d’améliorer l’indemnisation des victimes d’accidents du travail, cela n’exonère pas de saluer les améliorations de la réparation, notamment en cas de maladie professionnelle.

La sécurité au travail est une exigence partagée sur tous les bancs de cet hémicycle. Selon les élus du Nouveau Centre, les questions de réparation ne peuvent être dissociées de la problématique de la prévention. Nous disons oui à l’amélioration de l’indemnisation des victimes d’accidents du travail et des maladies professionnelles, mais nous ne pouvons être d’accord sur les modalités proposées par les auteurs de la proposition de loi.

Il convient tout d’abord de rappeler la responsabilité des partenaires sociaux. C’est d’ailleurs le sens de l’accord national interprofessionnel de mars 2007, qui a donné lieu à la convention d’objectifs et de gestion de la branche accidents du travail-maladies professionnelles pour la période 2009-2012, accord qui a été voté à l’unanimité. Tous les partenaires se sont prononcés pour une réparation forfaitaire.

Après avoir rappelé que nous sommes attentifs et d’accord sur l’objectif de cette proposition de loi, nous nous abstiendrons de la voter, pour deux raisons. La première, c’est que la proposition de loi ne garantit pas une meilleure indemnisation des victimes d’accidents du travail. La seconde, c’est que le Gouvernement s’est engagé à créer un groupe de travail en vue d’améliorer et de revaloriser la réparation aux victimes. Nous souhaitons que tous les groupes parlementaires y soient associés. En outre, nous ne pouvons dissocier nos réflexions de la généralisation de la prévention des accidents du travail.

Donc oui, sur la finalité de la proposition ; non, pour les modalités qu’elle propose de nous faire adopter. Madame la secrétaire d’État, nous serons attentifs à la suite donnée par le Gouvernement aux propositions d’associer tous les groupes à l’amélioration de la réparation des accidents du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour le groupe UMP.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Si nous ne pouvons que partager les objectifs du texte déposé par nos collègues socialistes en faveur de l’amélioration de l’indemnisation des victimes d’accidents du travail, les méthodes et les moyens d’y parvenir nous séparent.

Dans sa décision du 18 juin 2011, le Conseil constitutionnel a ouvert une brèche en estimant que la liste des préjudices ouvrant droit à réparation n’était pas limitative, ce qui pose la question de la réparation du préjudice en cas de faute inexcusable de l’employeur. Si cette question doit faire l’objet d’une réflexion, nous considérons que cette proposition de loi n’y répond pas de manière appropriée. Nous ne pouvons légiférer dans l’urgence et sans aucune visibilité sur un texte qui n’a pas fait l’objet de concertation. Les rencontres informelles ne sont pas la garantie d’une véritable association des syndicats.

Cette absence de concertation est d’autant moins compréhensible que la réparation des sinistres professionnels est précisément l’un des domaines de la sécurité sociale où les partenaires sociaux restent impliqués. Le Parlement ne montrerait pas l’exemple en les court-circuitant tout bonnement. Rappelons, d’ailleurs, que la réforme de la tarification sur la réparation et le contenu de la convention d’objectifs et de gestion de la branche accidents du travail-maladies professionnelles ont été définis dans l’accord interprofessionnel du 12 mars 2007, adopté à l’unanimité. Dans cet accord, qu’il est important de ne pas remettre en cause arbitrairement, les partenaires sociaux se sont, de surcroît, prononcés pour le maintien d’une réparation forfaitaire.

La convention d’objectifs et de gestion de la branche accidents du travail-maladies professionnelles lance précisément cette semaine un groupe de travail sur cette question. Toutes les parties prenantes sont associées à ces travaux. Cette mission, courte, devrait permettre d’aboutir prochainement à des propositions concrètes. Prenons donc le temps du débat démocratique.

Par ailleurs, il faut bien évoquer, malheureusement, les coûts engagés par la proposition de loi, qui sont loin d’être anodins. Sur les huit articles que comportait initialement le texte, nous ne voterons aujourd’hui que sur deux, les autres ayant été déclarés irrecevables.

Enfin, la proposition de loi pose la question de la conception que nous voulons préserver ou non en matière d’indemnisation des victimes. Le texte semble remettre en cause la frontière entre faute inexcusable et faute intentionnelle. Il y a là un changement radical dans l’indemnisation des accidentés du travail. Aujourd’hui, c’est la réparation forfaitaire par l’assurance maladie qui est prépondérante. Si l’on emprunte le chemin proposé par la proposition de loi, on risque de voir le transfert de cette réparation à l’assurantiel, donc d’abandonner un pan de la sécurité sociale et de moins bien indemniser les salariés.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UMP votera contre la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Roland Muzeau. Cela ne nous étonne pas !

Vote sur l’ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble de la proposition de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 419

Nombre de suffrages exprimés 404

Majorité absolue 203

(La proposition de loi n’est pas adoptée.)

3

Allongement des congés exceptionnels accordés aux salariés
lors du décès d'un proche

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble de la proposition de loi de Mme Michèle Delaunay, M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de leurs collègues tendant à allonger les congés exceptionnels accordés aux salariés lors du décès d’un enfant, d’un conjoint ou d’un parent proche (nos 3793, 3923).

Jeudi dernier, le Gouvernement a indiqué que, en application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, il demandait à l’Assemblée nationale de se prononcer par un seul vote sur les articles, à l’exclusion de l’amendement n° 5, et sur l’ensemble de la proposition de loi.

Explications de vote

M. le président. Au titre des explications de vote sur l’ensemble de la proposition de loi, la parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de la santé, mes chers collègues, notre proposition de loi vise à allonger les congés exceptionnels accordés aux salariés, lors du décès d’un proche.

La situation actuelle est totalement inacceptable. Je vous rappelle que quatre jours de congés exceptionnels sont accordés à un salarié qui se marie. En comparaison, les deux jours accordés pour la perte d’un enfant même mineur et pour la perte d’un conjoint sont bien insuffisants. Il en est de même pour l’unique jour accordé lors du décès d’un père ou d’une mère.

Cette hiérarchie des événements de la vie qui ne correspond d’ailleurs pas du tout à celle du stress ressenti, où la peine éprouvée pour la perte d’un enfant est de très loin supérieure, ne peut pas satisfaire le législateur.

Nous savons que des dispositions plus favorables sont accordées dans le cadre de certaines conventions collectives, qui octroient cinq, voire dix jours pour le décès d’un enfant. Bien souvent, reconnaissons-le, les salariés trouvent autour d’eux – de la part de leur employeur et de leurs collègues – une certaine compréhension. Mais dans certains cas, ils devront avoir recours au médecin, qui – quand il ne peut faire autrement et sans qu’il ait l’impression de frauder – accorde deux ou trois jours de congés maladie.

La situation actuelle est inégale et inégalitaire. Nous avons souhaité donner à chaque salarié un socle minimal équitable, et c’est pourquoi nous avons déposé cette proposition de loi. En commission, nous sommes parvenus à un accord sur le fait de porter à cinq jours le congé exceptionnel en cas de décès d’un enfant et à trois jours le congé en cas de perte d’un conjoint. Ceux qui étaient présents en commission peuvent en attester, la majorité gouvernementale a malheureusement voté contre le congé de trois jours en cas de perte d’un père ou d’une mère, mais cela résultait d’une incompréhension. M. le ministre Xavier Bertrand, après avoir constaté à la lecture de notre rapport que le MEDEF ne s’était pas exprimé sur cette disposition, a refusé de mettre à égalité la perte d’un conjoint et celle d’un père ou d’une mère. Nul parmi nous ne saurait pourtant établir une hiérarchie entre la douleur et les difficultés engendrées par l’un ou l’autre de ces deuils.

Notre objectif n’est pas d’apporter une consolation aux familles, cela ne relève pas du devoir du législateur et encore moins de son pouvoir, mais simplement de leur permettre de s’organiser autrement que dans un état de panique et d’inquiétude.

J’espère que le Sénat réfléchira à un amendement sur le sujet des congés exceptionnels accordés pour la perte d’un père ou d’une mère et que nous nous retrouverons pour voter la proposition de loi, comme va le faire le groupe socialiste. Ce texte constituera un progrès et nous ne pouvons que saluer une probable unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Pour le groupe GDR, La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, chacun connaît pour l'avoir vécue la douleur qui suit le décès d'un proche, douleur encore plus vive lorsqu'il s'agit d'un membre de sa famille.

Ces événements qui jalonnent la vie de toute famille, sont inégalement surmontés par chacune et chacun d’entre nous, en fonction des liens qui unissaient la personne décédée à ceux qui restent. Mais ils sont d'autant mieux supportés, si la personne peut engager sereinement son deuil.

Actuellement, l'article L. 3142-1 du code du travail prévoit des durées variables d'autorisation d'absence exceptionnelle sans perte de salaire en fonction du lien de parenté du ou de la salariée avec la personne défunte. Ces durées, qui ont le mérite d'exister, sont souvent très insuffisantes à maints égards, compte tenu des difficultés pour organiser des obsèques dignes et accomplir les formalités administratives. Les difficultés rencontrées sont d'autant plus grandes en cas d'éloignement du salarié et de la personne décédée, ou du lieu prévu pour les obsèques.

Si certaines conventions collectives et la pratique d'employeurs bienveillants et humains compensent les manques du dispositif législatif, il n'en reste pas moins que nombre de salariés sont parfois plongés dans la détresse d'un décès, amplifiée par un comportement peu respectueux de sa hiérarchie. Ceci n'est pas acceptable. Souvent dans une telle situation les salariés n'ont pour seule solution que de demander à leur médecin un arrêt maladie, pour pouvoir assister aux obsèques.

Par ailleurs cet article du code du travail comporte des injustices inacceptables. Je vais prendre quelques exemples. Comment comprendre qu'un salarié bénéficie de quatre jours de congés pour son mariage, alors que les partenaires qui se lient par un pacte civil de solidarité ne pourront pas même prendre une journée à ce titre ? Comment comprendre que la conclusion d'un PACS n'ouvre pas droit à congés, mais que le décès du partenaire du PACS ouvre droit à deux jours de congés?

Il y a là une injustice sociale qui se double d'une rupture d'égalité entre les salariés du privé et les agents de la fonction publique. Ces derniers bénéficient, en effet, depuis une circulaire du 7 mai 2001, d'un maximum de cinq jours ouvrables à l'occasion de la conclusion d'un PACS. C'est révélateur d’un système de hiérarchisation des valeurs, indigne de notre République, qui place la légitimité du PACS bien en dessous de celle du mariage, et qui se solde par une injustice inacceptable.

Le travail effectué en amont par Mme la rapporteure Michèle Delaunay s'appuie sur des comparaisons avec quelques-uns de nos partenaires européens. Sur la base de celles-ci, le texte initial portait des propositions d'allongement de congés tout à fait raisonnables, équilibrés, et dans la moyenne de ce qui se fait dans les législations comparables.

Nous regrettons par conséquent que la majorité ait, en commission, réduit le texte comme peau de chagrin, si je puis m'exprimer ainsi.

Il n'en reste pas moins que les deux dispositions du texte constituent des avancées non négligeables, humaines, dont l'adoption honorerait la représentation nationale. Le groupe GDR votera donc pour ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. Sur le vote de l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisi d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Pour le groupe Nouveau Centre, la parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi du groupe socialiste, visant à allonger la durée de congé exceptionnel, en cas de décès d’un proche est un texte de bon sens, auquel souscrit le groupe Nouveau Centre et apparentés.

Aujourd’hui, la durée légale du congé accordé en cas de décès d’un proche varie selon le lien de parenté avec la personne décédée. Elle ne peut excéder deux jours. Cependant, compte tenu des démarches à accomplir, il semble que ce délai s’avère trop court, et il faut tenir compte également de la détresse ressentie par la famille qui doit affronter la perte d’un proche.

Dans notre société, les familles sont souvent dispersées et leurs membres très éloignés, ce qui complique encore la situation, qu’il s’agisse de l’organisation des obsèques, des formalités administratives, de l’organisation du retour à l’école des frères et des sœurs. Les salariés sont parfois contraints d’utiliser leur quota de congés annuels. S’ils ne parviennent pas à s’entendre avec leur employeur, ils peuvent être conduits à solliciter un arrêt de travail de leur médecin. Celui-ci le leur propose parfois de lui-même. Mais de telles situations ne sont pas satisfaisantes. De plus, elles représentent un coût pour la sécurité sociale.

La perte d’un parent, d’un enfant en particulier, constitue pour les familles une terrible et sidérante épreuve. Face à celle-ci, nous croyons qu’il est important d’alléger les contraintes matérielles des familles, pour leur permettre de faire face aux conséquences de la disparition d’un être cher, autrement que dans la hâte et la panique.

Pour des raisons pratiques et humaines évidentes, la proposition d’allongement du congé exceptionnel en cas de décès est tout à fait satisfaisante. Le législateur se doit d’intervenir pour améliorer les droits légaux à congés applicables à l’ensemble des salariés et pour rééquilibrer les dispositifs congés prévus pour les événements malheureux de la vie.

La notion de dialogue social est importante. Il est essentiel que les partenaires sociaux soient associés aux évolutions du droit social. Nous ne doutons pas qu’ils l’aient été, du moins par les auteurs de la proposition de loi.

Nous avons tous à cœur de prendre des mesures d’humanité, qui peuvent améliorer le régime actuel des congés accordés lors du décès d’un proche. Pour toutes ces raisons, le groupe Nouveau Centre votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. Pour le groupe UMP, la parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais remercier Mme Delaunay d’avoir fait inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour de notre Assemblée. Ce texte reprend en effet les bases d’une proposition de loi que j’avais moi-même déposée au mois de juin. Elle prévoyait dix jours pour le décès d’un enfant à charge et cinq jours pour le décès d’un enfant majeur non à charge.

Ces suggestions pouvaient paraître bonnes, mais je me suis rendu compte depuis qu’il était très difficile d’établir une hiérarchie dans la détresse entre la perte d’un enfant à charge et celle d’un enfant majeur, non à charge. Un enfant est toujours un enfant.

Pour ces raisons, la commission a souhaité porter le délai de congés de deux à cinq jours. Il est clair qu’il faut agir et privilégier le dialogue social dans l’entreprise et donc interpeller les partenaires sociaux. Pour une naissance, un père bénéficie de deux semaines. Il a été admis que pour le décès d’un conjoint ou d’un partenaire d’un PACS, le congé était porté à trois jours.

Nous espérons que l’adoption à l’unanimité de la proposition de loi interpellera les instances européennes et démontrera ainsi que notre pays place le bien-être de l’homme au cœur de l’économie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 376

Nombre de suffrages exprimés 374

Majorité absolue 188

(La proposition de loi est adoptée.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures dix, sous la présidence de M. Louis Giscard d'Estaing.)

Présidence de M. Louis Giscard d'Estaing,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

Renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé

Nouvelle lecture d'un projet de loi (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi modifié par le Sénat relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (n°s 3881, 3964).

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Article 1er

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, inscrite sur l’article 1er.

Mme Jacqueline Fraysse. Je souhaite apporter quelques précisions concernant cet article afin d’écarter toute ambiguïté. Certes, et nous l’avons souligné, il comporte des avancées, mais nous considérons qu’elles sont très insuffisantes eu égard à la gravité de la situation actuelle et de ses conséquences. Vous nous reprochez souvent de ne formuler que des critiques, ce n’est pas vrai. Nous faisons également des propositions, mais, hélas, la plupart d’entre elles vous gênent, d’autant plus que nous avons pris au mot, vous qui vous faisiez les chantres de la transparence.

Vous avez, monsieur Robinet, estimé que l’on ne pouvait suivre les dispositions adoptées par le Sénat, qui prévoient que le président de la Haute autorité de santé, le directeur de l’Agence du médicament, le président de l’Institut national du cancer et le directeur général de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale n’aient eu, avant leur prise de fonction, aucun lien d’intérêt direct depuis trois ans avec l’industrie pharmaceutique. On parle bien de « liens d’intérêt », puisque vous ne cessez de marteler cette distinction entre « liens d’intérêt » et « conflits d’intérêt ».

M. Arnaud Robinet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Il y a en effet une distinction et heureusement !

Mme Jacqueline Fraysse. Je vous cite, monsieur le rapporteur. « Cette proposition est peut-être intellectuellement satisfaisante. Elle est en fait impraticable.. ».

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Oui.

Mme Jacqueline Fraysse. Est-ce à dire qu’il n’y aurait pas quatre personnes en France qui n’aient pas eu de liens d’intérêts depuis trois ans et qui ne puissent prendre la tête de ces organismes ? Ce n’est pas sérieux.

De même, vous êtes revenu sur la publicité des conclusions des groupes de travail de l’Agence du médicament et vous avez même refusé un simple rapport sur la possibilité de mettre en place un corps d’experts indépendants. Pour quelle raison ? Parce qu’il n’y aurait pas de chercheurs capables d’assurer les tâches dont s’acquittent leurs homologues du secteur privé employés par l’industrie ? On ne peut vous croire. Là encore, ce n’est pas sérieux.

D’ailleurs, je note que les personnes visées à l’alinéa 5 de l’article 1er devront remplir une déclaration d’intérêts. La charte de l'expertise sanitaire précise notamment les cas exceptionnels dans lesquels il peut être tenu compte des travaux réalisés par des experts présentant un conflit d'intérêts. Vous faites donc explicitement référence aux conflits d’intérêt. Il s’agit donc bien de conflits et nous ne sommes pas d’accord sur votre interprétation qui ouvre la porte à des détournements de règles pourtant indispensables.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Arnaud Robinet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Nous avons eu ce débat en commission. Mme Fraysse introduit de la suspicion partout. Je reste sur ma position : même si, bien sûr, des personnes n’ayant pas eu de liens d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique peuvent être tout à fait compétentes, nous ne pouvons pas nous priver d’experts, de personnes compétentes qui ont eu, à un moment ou à un autre, des liens d’intérêts avec cette industrie et qui connaissent parfaitement les situations et les dossiers. Il y va de la bonne marche des différentes agences, des différentes institutions de santé et de la sécurité sanitaire.

Il me semble, madame Fraysse, que vous avez tendance à faire une confusion entre liens d’intérêts et conflits d’intérêts.

Mme Jacqueline Fraysse. Non.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Les deux expressions ne sont pas synonymes.

Mme Jacqueline Fraysse. On connaît le sens des mots !

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Le projet de loi va dans le sens de la transparence des liens d’intérêts pour empêcher toute transformation du lien en conflit.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 12.

La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Cet amendement s’inscrit dans le droit-fil des propos de Mme Fraysse, mais concerne la publicité des séances de discussion au sein de l’Agence lorsqu’il s’agit de décider de l’avenir d’un médicament et de son autorisation de mise sur le marché ou de la révision éventuelle de la balance bénéfice-risque.

Tout, selon nous, doit être conservé : il doit y avoir enregistrement des débats et conservation des enregistrements.

Alors que le Sénat a encadré l’enregistrement de ces séances, vous êtes revenus en arrière sous prétexte qu’il pourrait y avoir une atteinte au caractère de confidentialité commerciale ou au secret médical. L’argument du secret médical ne peut être invoqué et ne tient pas. Jamais, au sein de l’Agence, on ne parlera d’un malade en particulier ou d’une cohorte de malades en les nommant.

Quant à la confidentialité commerciale, il faut bien voir, chers collègues, à quoi l’on s’expose à trop la protéger : en 2008, la Commission européenne a mené une enquête à la suite de laquelle un rapport très fourni a montré comment un laboratoire avait réussi à déposer trois cents brevets sur une même molécule, en faisant breveter chaque étape de fabrication.

La confidentialité commerciale en matière de médicament ne paraît donc pas à même d’assurer la transparence des débats. Elle risque seulement d’être utilisée comme prétexte pour ne pas mettre les comptes rendus à la disposition du public.

Je vous demande donc d’adopter cet amendement si vous voulez aller jusqu’au bout de la logique de transparence voulue par le Gouvernement.

M. Gérard Bapt. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Avis favorable. L’objectif poursuivi est bien d’assurer la transparence des débats, qui passe par la mise en ligne aussi bien des procès-verbaux que des enregistrements audiovisuels des séances.

Cet amendement garantit le respect de ces informations qui relèvent du secret médical. Il devrait rassurer Mme Fraysse car ce qui compte en fin de compte, c’est bien la transparence en matière de liens d’intérêts.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Je me félicite de l’avis favorable que Mme la ministre et M. le rapporteur viennent de donner à cet amendement. Il me paraît particulièrement important que la transparence des débats soit assurée, mais aussi que l’on dispose d’une mémoire des décisions prises.

Dans nos débats hier soir, nous avons eu l’occasion d’évoquer le Docteur Rey-Quinio, de l’AFSSAPS, qui, en 2001, a supprimé de la notice d’information du Mediator sa propriété amphétaminique. Dans le cadre de la mission d’information sur le Mediator, nous avons voulu rechercher quelle commission avait pris acte de l’accord de cette responsable et nous avons été dans l’incapacité de trouver un document formalisant cette décision lourde de conséquences.

De la même manière, nous n’avons trouvé aucune trace d’une quelconque conclusion de commission ou d’un quelconque document concernant la décision de l’AFSSAPS d’accorder une autorisation de mise sur le marché au Mediator pour l’indication de diabète, qui faisait suite à son autorisation pour le traitement des hypertriglycéridémies, finalement supprimée en 2007.

(L'amendement n° 12 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 13.

La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Je remercie M. le rapporteur et Mme la ministre d’avoir émis un avis favorable à l’amendement précédent. Nous avions à cœur de le voir adopté, vous le savez.

Voici une illustration de la coproduction législative chère à M. Coppé.

M. Jean-Pierre Door. Nous lui ferons part de votre soutien !

Mme Catherine Lemorton. L’amendement n° 13 vise à supprimer l’alinéa 26 instaurant une charte de l’expertise sanitaire.

Cette charte, comme toutes les chartes, n’est pas opposable, je l’ai souligné hier dans la discussion générale. La rédaction de l’alinéa ne permet absolument pas de savoir quel sera son contenu. En outre, comme elle sera approuvée par décret en Conseil d’État, elle échappera au nécessaire débat parlementaire.

Il aurait été opportun d’accepter un amendement relatif à la possibilité de faire appel à des experts indépendants. Mme Fraysse l’a souligné et nous l’avons soutenue dans sa démarche, persuadés que nous sommes que tels experts existent dans notre pays.

Madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, nous ne sommes pas des extrémistes de l’indépendance, ce que vous semblez ne pas comprendre. Nous savons bien la différence entre liens d’intérêts et conflits d’intérêts mais nous considérons qu’il faut instaurer des délais entre deux fonctions. Je ne veux pas donner à nouveau des noms et citer certains responsables d’autorités sanitaires. Mais tout de même, prenons le cas d’un professeur d’université praticien hospitalier – PUPH – d’un CHU dont le service spécialisé serait sollicité par un laboratoire pour mener des essais de médicaments. Que ce service soit rémunéré à ce titre n’a rien de choquant. En revanche, que ce spécialiste, qui doit souvent sa renommée au système hospitalier public, reçoive à titre personnel des sommes d’argent de ce laboratoire laisse perplexe.

Voilà pourquoi il nous paraît nécessaire de laisser passer un certain nombre d’années entre de telles fonctions d’expertise et la nomination au sein d’une autorité sanitaire. Le jugement d’un PUPH à propos d’un médicament issu d’un laboratoire qui l’aurait financé auparavant ne doit pas être soumis à influence et biaisé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Avis défavorable.

Aujourd’hui, madame Lemorton, rien n’interdit de faire appel à des experts indépendants.

Par ailleurs, nous avons repris en partie le texte du Sénat indiquant que l’expertise doit répondre aux principes d’impartialité et d’objectivité. Toutefois, vous le savez comme moi, on ne peut se contenter de proclamer des grands principes. Ce que nous voulons, c’est changer les cultures, modifier les pratiques et responsabiliser les agences, sans l’implication desquelles la réforme ne pourra se faire.

Les modalités prévues à l’alinéa 26 permettent d’éviter d’encombrer la loi de dispositions réglementaires et surtout de faire preuve de souplesse, en laissant les différentes instances se saisir du sujet.

Je souhaite donc le maintien de cet alinéa.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Défavorable.

L’article 1er a pour objet de conférer une valeur réglementaire à la charte de l’expertise sanitaire, élaborée en 2010 par divers acteurs du champ de la santé. Elle sera approuvée par décret en Conseil d’État et verra son contenu très nettement enrichi.

Une telle charte est particulièrement attendue par les divers opérateurs, car elle leur permettra d’obtenir des consignes sur les procédures de choix des experts ainsi que sur les modalités de gestion des liens d’intérêts et de règlement des éventuels conflits d’intérêts.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur le rapporteur, quand vous dites que vous avez repris le texte du Sénat. La comparaison fait apparaître de grandes différences et c’est plutôt d’un retour en arrière qu’il s’agit.

Il faut bien avoir à l’esprit les exemples de précédentes chartes.

La charte de la visite médicale, signée en 2005, n’a strictement rien changé aux pratiques existantes.

Quant à la charte sur la publicité alimentaire, nous voyons où elle a mené. Pour renforcer la lutte contre l’obésité, nous avions proposé des amendements visant à interdire les publicités pour certains produits dans les programmes pour enfants ; la charte les a réduits à néant et l’industrie agroalimentaire a pu imposer ses publicités, sur lesquelles les messages de santé publique ne sont pas visibles.

Globalement, ces chartes ne servent à rien !

(L'amendement n° 13 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous reconnaissons que cet article comporte des avancées. Toutefois, s’il est voté en l’état, nous ne pourrons affirmer en sortant de cet hémicycle que nous avons tout mis en œuvre, au niveau législatif, pour éviter les conflits d’intérêts pourtant si nocifs dans le domaine du médicament.

Le Sénat avait avancé dans cette voie de manière très responsable. Vous avez balayé pratiquement toutes les modifications qu’il a apportées, comme pour le PLFSS.

Le fait que la loi prévoie que des conflits d’intérêts puissent exister au sein du processus décisionnel est révélateur de la forfaiture dont vous avez fait preuve dans certains conflits en cours qu’il vous importe de ne surtout pas troubler, pour des raisons que je ne préfère même pas imaginer.

Enfin, monsieur le rapporteur, je veux vous préciser que nous ne sommes pas des décérébrés : nous savons faire la différence entre liens d’intérêts et conflits d’intérêts. Nous avons compris le problème, prenez-en bonne note. La seule chose, c’est que nous ne sommes pas d’accord sur la façon d’éradiquer les conflits d’intérêts.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, il est clair que cet article comporte des avancées, reste que nous éprouvons une certaine insatisfaction. Elle tient en partie au fait que nous ne disposerons pas d’une voie unique pour connaître l’ensemble des conventions passées par les laboratoires avec tel ou tel acteur de santé. Il faudra consulter les sites soit des laboratoires, soit des agences, ce qui rendra encore plus complexe la recherche de la transparence que vous appelez de vos vœux.

Au-delà des textes normatifs, il est bien évident que la notion de liens d’intérêts est très complexe. Il existe des liens d’intérêts directs, quand sont en cause des rémunérations personnelles, mais aussi des liens d’intérêts indirects, dans le cas d’aides aux travaux de recherche, de financements de voyage de formation d’étudiants, d’achats d’équipements. Il existe enfin des liens d’intérêts plus complexes encore, notamment ceux qui mettent en jeu des liens familiaux : il est très difficile de demander à un expert d’être responsable des engagements professionnels de l’ensemble des membres de sa famille.

La prévention des conflits d’intérêts relève finalement de l’éthique personnelle des responsables des agences ou des organismes qui auront à appliquer les règles édictées dans les textes.

(L'article 1er, amendé, est adopté.)

Article 1er bis A

M. le président. La commission a supprimé cet article. La parole est à Mme Catherine Lemorton pour défendre un amendement n° 14 tendant à le rétablir.

Mme Catherine Lemorton. Il vise en effet à rétablir l’article 1er bis A introduit par le Sénat, que la commission des affaires sociales de notre assemblée a supprimé.

Il nous paraît nécessaire en effet qu’un rapport soit présenté au Parlement sur la formation d’un corps d’experts indépendants. Il est bien beau d’affirmer sur un mode incantatoire qu’il ne peut exister d’experts indépendants et que si de tels experts existaient, ils seraient incompétents. Donnons-nous plutôt la chance d’évaluer les modalités de création d’un tel corps.

Je citais hier le cas des centres de pharmacovigilance où des professeurs de médecine forment nos futurs médecins, souvent en toute indépendance par rapport à l’industrie pharmaceutique. Je connais même l’un de ces professeurs qui interdit à ses étudiants d’utiliser des stylos ou des T-shirts portant des logos de laboratoires pharmaceutiques. Cela me paraît être une démarche éthique, de nature à respecter l’image du futur médecin.

Je vous donnerai simplement un exemple de l’influence que peuvent avoir ces laboratoires, même à distance. Vous le savez, la qualité du service médical rendu des produits anti-Alzheimer a été revue à la baisse : le SMR a été jugé « faible », à deux voix près – s’il avait été jugé « insuffisant », ces médicaments auraient été déremboursés.

Or celui qui est venu sauver la cause des quatre médicaments anti-Alzheimer prescrits dans notre pays est un professeur connu – peu importe où il exerce, et peu importe de qui il s’agit. Mais, en allant sur le site de la Haute autorité de santé, j’ai pu vérifier que ce professeur n’a pas réactualisé sa déclaration de liens d’intérêts depuis 2006. Et il faut voir cette déclaration ! On n’apprend même pas les sommes perçues. Je parle bien de liens d’intérêts, monsieur le rapporteur, pas de conflits.

En tout cas ce professeur est devenu l’hyperspécialiste des anti-Alzheimer. Je ne porte bien sûr aucun jugement là-dessus – mais c’est toujours la même personne qui intervient ; or il me semble qu’il doit exister d’autres spécialistes des anti-Alzheimer, qui n’auraient pas forcément de liens d’intérêt avec les quatre industries qui commercialisent les quatre médicaments anti-Alzheimer.

Voilà pourquoi il faut rétablir cet article 1er bis A.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Avis défavorable.

Madame Lemorton, il n’y a pas besoin de rapport pour créer un corps d’experts internes. C’est un choix stratégique qui revient au directeur de l’AFSSAPS, lequel l’a lui-même confirmé aujourd’hui au cours d’un débat auquel notre collègue Gérard Bapt et moi-même avons assisté. L’Agence aura les moyens de recruter ces experts internes : le PLFSS pour 2012 lui alloue plus de 40 millions d’euros supplémentaires, malgré la période de crise que nous traversons.

En revanche, s’il s’agit de réserver l’expertise à un corps de fonctionnaires, je ne suis pas d’accord. Je crois que nous avons aussi besoin d’experts externes et de leur connaissance de certains secteurs. Être un expert externe ne signifie pas nécessairement être inféodé à l’industrie ou avoir forcément des conflits d’intérêts.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Même avis. L’expertise interne est déjà, aujourd’hui, prévue par l’Agence : comme vient de le dire le rapporteur, un budget sera alloué dès 2012 au recrutement de vingt-cinq experts. Il est, je crois, opportun d’attendre la montée en charge de ce dispositif ; nous pourrons alors l’évaluer, grâce au rapport d’activité annuel de l’Agence.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Je voudrais aller dans le même sens que le rapporteur : construire un corps d’experts internes reviendrait à les enfermer dans un système coupé du monde de la recherche, coupé du monde hospitalier, coupé du monde des paillasses. Ils seraient isolés, alors que pour être compétents, des experts ont aussi besoin de sortir de leur laboratoire, de participer à des congrès et à des colloques, de publier, de rencontrer leurs pairs.

Je m’étonne donc que l’on veuille fabriquer un système irréaliste.

J’ai, moi aussi, essayé de me renseigner auprès des agences pour savoir comment cela se passe. J’ai pu constater que les traitements innovants, et vous le savez fort bien, comprennent un produit, un acte, un dispositif de soins. Il faut prendre en compte une chaîne qui inclut le médicament, le traitement, l’utilisation concrète sur le terrain.

De plus, les experts de la Haute autorité de santé et de l’AFSSAPS ne sont pas interchangeables : dans l’année passée, sur cinquante-huit experts, quatre seulement ont procédé à une évaluation sur le même produit. Vous élimineriez donc cinquante-quatre experts, parce que quatre seulement ont pu travailler en interne.

La commission d’AMM fait appel à des pharmacologues, à des méthodologistes pour réaliser l’étude critique ; la commission de transparence de la Haute autorité de santé sollicite avant tout des professionnels de terrain, notamment des cliniciens.

Vous ne pouvez pas, nous ne pourrons jamais fabriquer des experts internes, ou alors ils seront complètement coupés de la réalité.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Je veux rassurer M. Door : ce n’est pas de cela qu’il est question. Notre idée rejoint plutôt ce que nous a effectivement dit au cours d’un débat le directeur de l’AFSSAPS : il veut muscler les capacités internes d’expertise de l’Agence. Mais il est bien entendu qu’il n’est nullement exclu de faire appel à des experts externes, après avoir traité la question de la prévention des conflits d’intérêt, et en constituant éventuellement des groupes de travail ad hoc qui pourront rapporter devant une commission compétence. C’est cette commission qui prendrait ensuite une décision, hors de tout lien d’intérêt.

Je rappelle d’ailleurs, monsieur Door, que nous n’avions pas repris dans les propositions de la mission d’information la proposition de votre collègue Bernard Debré, qui voulait constituer un monde fermé, un corps d’experts, en fixant même leur rémunération.

M. Jean-Pierre Door. C’est pourtant ce que vous venez de proposer !

M. Gérard Bapt. Non. Ce qu’a proposé Mme Lemorton, c’est ce qui est en train d’être fait, et mis en avant, à la fois par le Gouvernement et par le directeur général de l’AFSSAPS.

Par ailleurs, il manque au dispositif du Gouvernement, me semble-t-il, un volet sur l’enseignement supérieur et la recherche. Il ne faut pas, bien entendu, que les experts internes, lorsqu’ils deviennent experts dans une agence, sortent tout juste de leur formation initiale ; ils doivent avoir eu une vie avant, disposer d’une expérience.

M. Jean-Pierre Door. Et une vie après, et même pendant !

M. Gérard Bapt. Le problème, c’est qu’il est difficile de trouver des experts qui acceptent, pendant un temps de leur vie professionnelle, de se consacrer à l’expertise : c’est une spécialité noble, mais négligée et mal considérée.

Lorsqu’un expert, un clinicien, un scientifique quel qu’il soit consacre à l’expertise quelques années de sa vie – trois ans, cinq ans, peut-être renouvelables une fois –, en dehors de tout lien d’intérêt, il faudrait que ce temps soit reconnu et valorisé dans sa carrière.

Voilà pourquoi ce volet portant sur l’enseignement supérieur et la recherche – je l’avais déjà souligné hier à la tribune, sur d’autres plans et avec d’autres exemples – me semble manquer dans votre projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Il s’agit effectivement d’un point important. On le sait, il est très difficile de faire la part des compétences et des liens d’intérêts des experts. On a besoin d’experts en recherche clinique, au moment du développement d’un produit ; Jean-Pierre Door l’a dit, l’Agence du médicament comme la commission de la transparence de la Haute autorité de santé ont besoin d’experts, puisque nous avons maintenu deux commissions qui seront appelées à se prononcer. Or dans certains domaines, les experts sont extrêmement spécialisés.

L’idéal serait peut-être de disposer d’experts internes ; mais ils ne pourraient pas être omniscients. Dans tous les cas, nous serons donc amenés à faire appel à des experts externes. Ce que l’on souhaite, c’est bien sûr que ces experts soient compétents – comme l’a écrit Laurent Degos, rien ne serait plus inepte que de faire appel à des experts incompétents – et aussi qu’ils n’aient pas de conflits d’intérêts lors de l’étude du produit. Je ne parle pas de liens, mais de conflits.

Disposer de quelques experts internes, à même de conseiller le directeur de l’agence, pourquoi pas ? Mais je ne suis pas sûr que s’engager dans la constitution d’un grand corps d’experts internes soit une bonne solution pour l’avenir du médicament dans notre pays.

(L’amendement n° 14 n’est pas adopté.)

M. le président. En conséquence l’article 1er bis A demeure supprimé.

Article 1er bis

M. le président. La commission a supprimé l’article 1er bis.

Article 2

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, inscrite sur l’article.

Mme Jacqueline Fraysse. Je voudrais regretter ici que cet article 2, qui traite de la publication des conventions relatives aux avantages consentis par les entreprises, ait été rétabli dans sa rédaction issue des travaux de notre assemblée, ce qui remet en cause les améliorations obtenues au Sénat, qui favorisaient la transparence sur les conventions conclues entre les industriels et les professionnels de santé.

Plusieurs points nous posent particulièrement problème dans cet article.

D’abord, l’obligation de publication pesant sur les entreprises qui produisent ou commercialisent des médicaments ne porte que sur l’existence de ces conventions, et non pas sur leur contenu, ce qui vide cette obligation d’une partie de son sens.

Par ailleurs, vous renvoyez à un décret le soin de fixer les conditions d’application de cet article, la nature des informations rendues publiques et les modalités de publication et d’actualisation de ces informations. Évidemment, nous regrettons que vous refusiez à la représentation nationale le droit de décider de ces points ; j’ajoute que notre confiance en vos promesses de transparence est singulièrement altérée.

Enfin, à l’article 3 mais renvoyant à cet article 2, un autre point pose problème : le défaut de publication de l’existence de ces conventions sera certes répréhensible pénalement ; mais, pour sanctionner, il faudra prouver que les entreprises produisant ou commercialisant des produits de santé ont sciemment omis de les rendre publiques. Il nous paraît pratiquement impossible d’apporter une telle preuve ; dès lors, nous nous demandons comment ces sanctions pourront être appliquées. On peut penser que ces entreprises coupables ne seront tout simplement pas sanctionnées.

Pour toutes ces raisons, nous ne pourrons pas voter cet article 2, et c’est bien dommage.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 42.

La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Il s’agit de réintroduire un excellent amendement, adopté par le Sénat en séance publique à l’initiative de Bruno Gilles, sénateur des Bouches-du-Rhône.

Cet amendement prévoit de recueillir l’avis préalable de la Commission nationale de l’informatique et des libertés sur le décret mentionné à l’alinéa 15, qui implique des questions de protection des données personnelles et de vie privée ; de plus, ce même décret devrait définir, pour des raisons évidentes de sécurité juridique, les catégories de personnes physiques ou morales concernées par la divulgation publique des informations les concernant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Cet amendement n’a pas été examiné en commission, mais à titre personnel, je donnerai un avis défavorable.

Il me semble logique que la CNIL soit consultée sur ce sujet, et Mme la ministre pourra sans doute s’y engager. Mais je considère qu’il n’est pas nécessaire d’inscrire cette précision dans la loi : l’amendement est même, me semble-t-il, déjà satisfait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Je demande le retrait de l’amendement. L’article 2 dresse déjà la liste des personnes physiques et morales concernées ; le décret ne pourra pas s’en écarter. La précision concernant la CNIL ne me paraît pas opportune, car toute disposition réglementaire concernant des fichiers contenant des données personnelles est déjà soumise à la CNIL.

À mon sens, l’amendement est donc déjà satisfait.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. J’avoue être très sensible à cet amendement. Tout ce qui peut permettre à la CNIL d’être saisie de données sensibles, et ce sera le cas, me paraît intéressant.

Je représente l’Assemblée nationale à la CNIL, et la précision apportée par cet amendement me paraît une bonne chose : je soutiendrai donc l’amendement de notre collègue.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Je ne voudrais pas intervenir dans un débat opposant la majorité à Mme la ministre. (Sourires.)

M. Philippe Gosselin. C’est un débat démocratique !

M. Dominique Tian. L’UMP n’est pas une caserne !

M. Gérard Bapt. Je souhaiterais, en revanche, que vous fassiez preuve de la même circonspection lorsqu’on met en place le dossier médical personnel, avec un hébergeur unique. Or on voit comment les meilleurs systèmes de défense des données sont aujourd’hui attaqués, du Pentagone à la liste des députés UMP. (Sourires.)

M. Dominique Tian. Ce n’est pas faux.

M. Gérard Bapt. Je souhaite donc qu’avant de mettre en place un dossier médical personnel sur un hébergeur unique, les mêmes préoccupations vous animent. Il faut faire preuve de prudence afin que ce dossier ne puisse pas être percé « par effraction », car il s’agit de données médicales.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. J’entends bien la préoccupation des députés de la majorité. Mais il est de la responsabilité de la CNIL de statuer sur la possibilité de publier des données.

Monsieur Gosselin, en tant que membre de la CNIL, vous savez que ce dispositif fonctionne bien. Je ne vois donc pas pourquoi on devrait l’inscrire dans la loi.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Je suis étonné de la position du Gouvernement car il s’agit là de préserver un certain nombre de libertés individuelles fondamentales. Le Sénat est une assemblée de sages. S’il a adopté cet amendement, c’est qu’il avait de bonnes raisons de le faire.

Nous proposons que la CNIL soit saisie car il s’agit de données extrêmement confidentielles. Cette protection supplémentaire ne pose aucun problème particulier, à moins de vouloir s’exonérer du contrôle de la CNIL que certains, à gauche, ne cessent de réclamer à tout bout de champ, y compris sur la future carte d’identité biométrique.

Cela fait dix ans que l’on essaie de mettre en place le DMP. Il est tellement protégé qu’il en est même masqué. Toutefois, il est absolument nécessaire.

Nous serions donc bien inspirés de suivre le Sénat.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Je veux rassurer M. Bapt : il n’y a pas de querelles au sein de la majorité, nous exprimons seulement différents points de vue.

La CNIL est connue pour être une autorité administrative indépendante toujours très sensible aux données du même nom. Ce n’est pas alourdir le dispositif que de prévoir sont intervention. L’objet de l’amendement n’est évidemment pas de bloquer quoi que ce soit, d’empêcher tout décret, mais de lui permettre d’assumer sa mission sur des données sensibles.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Comme moi, M. Tian est favorable à l’allégement des textes de loi. Or la loi de 1978 prévoit déjà ce qu’il propose. Il n’est donc pas nécessaire d’alourdir le présent texte.

(L'amendement n° 42 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 28.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Cet amendement vise à indiquer que les ordres seront associés à la publication des informations prévues par l’article 2. Il importe en effet de faire apparaître le rôle des ordres dans la publicité des liens d’intérêts relatifs aux professionnels de santé. L’ordre des médecins examine 80 000 conventions par an et s’est doté d’un outil informatique permettant de rendre opérationnelle la publication des liens d’intérêts dans de brefs délais.

Ce dispositif devrait faciliter l’accès de nos concitoyens à ces informations.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. M. le rapporteur nous présentera dans un instant un amendement n° 29 rectifié qui précise que toutes les conventions seront soumises pour avis au conseil départemental de l’ordre compétent ou, lorsque leur champ d’application est interdépartemental ou national, au conseil national de l’ordre compétent. Or à l’heure actuelle, c’est le conseil régional qui vise les conventions, avec des dispositions confidentielles. Je ne vois pas comment le conseil départemental qui ne les vise pas actuellement pourrait en être saisi.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. la disposition proposée permet d’améliorer l’action des différents ordres à différents échelons.

(L'amendement n° 28 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour soutenir l’amendement n° 25.

Mme Catherine Lemorton. Lorsque j’ai demandé, dans le cadre des questions d’actualité, des précisions sur la proposition de M. Bruno Le Maire visant à autoriser les buralistes à vendre des médicaments à usage courant, M. Bertrand a répondu qu’il n’en était pas question. Aussi, monsieur Gosselin, ne prétendez pas qu’il n’y a pas de clivages au sein de la majorité !

M. Étienne Blanc. Il y a les mêmes clivages entre les Verts et le parti socialiste à propos du nucléaire !

M. le président. Monsieur Blanc, seule Mme Lemorton a la parole.

Mme Catherine Lemorton. L’amendement n° 25 est extrêmement important.

Lors de la conférence de presse suite aux assises du médicament, le ministre a indiqué qu’il « s’attaquerait » à la formation initiale des futurs professionnels de santé susceptibles de prescrire des produits de santé. L’industrie a bien compris que plus on apprend à un bébé à parler tôt, mieux il parle, c’est-à-dire que plus elle s’intéresse tôt aux étudiants, plus elle les forme à la prescription dans le sens qu’elle veut.

Nous ne souhaitons donc pas exempter de publication les conventions passées entre des étudiants et les entreprises. Et pour en expliquer la raison, je veux ici relire les conventions signées entre Sanofi-Aventis en région Auvergne et les facultés de médecine et de pharmacie. On lit ce qui suit sur le site de l’entreprise : « Désireux de s’ouvrir sur le monde extérieur, Sanofi-Aventis est devenu en 2008 membre fondateur de la fondation de l’université d’Auvergne. Ce partenariat a permis : de créer une pharmacie pédagogique et expérimentale, pour former les étudiants en médecine générale – cinquième et sixième années – et les étudiants de la filière pharmacie d’officine – sixième année – sur la prévention, pour créer des binômes médecin-pharmacien sur différentes thématiques comme la prévention de l’iatrogénie médicamenteuse chez la personne âgée, l’outil de liaison, le trait d’union santé, etc. ; de mettre en place un colloque Pharmacien acteur de santé ; de proposer » – c’est la cerise sur ce beau gâteau – « un diplôme universitaire Médecin de l’industrie pharmaceutique pour mieux faire connaître l’industrie pharmaceutique aux internes en médecine et aux médecins diplômés. Cette filière accueillera ses premiers étudiants en septembre 2010. »

Monsieur le rapporteur, vous allez me répondre, comme vous l’avez fait en première lecture, que l’on va empêcher l’innovation. Mais cela n’a rien à voir. Je ne parle pas de la recherche après avoir obtenu le diplôme mais du parcours qui conduit au diplôme de base des sages-femmes, des médecins, des pharmaciens. Il est donc important de savoir ce qui se passe dans les universités et de déclarer ces conventions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Avis défavorable.

Cette discussion a déjà eu lieu en commission.

Madame Lemorton, je ne comprends pas l’exposé sommaire de votre amendement car l’article 2 prévoit explicitement que les avantages consentis par les entreprises aux étudiants mais aussi aux organisations qui les représentent, aux groupements ou encore aux instituts qui participent à leur formation devront faire l’objet d’une convention qui sera obligatoirement publiée. Cet amendement est donc sans objet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Avis défavorable.

Ce n’est pas parce que les étudiants sont approchés tôt par l’industrie pharmaceutique pour financer un certain nombre d’activités qu’ils échappent aux règles juridiques que vous avez votées dans le cadre de cette loi. Ils doivent publier les liens d’intérêts qu’ils peuvent avoir avec l’industrie pharmaceutique.

(L'amendement n° 25 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 29.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Cet amendement vise à étendre le contrôle ordinal à l’ensemble des conventions passées entre les membres des professions médicales ou les étudiants et les entreprises assurant des prestations, produisant ou commercialisant des produits pris en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement qui répond aux exigences de transparence et de sécurité sanitaire poursuivies par le texte.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Monsieur le rapporteur, je ne comprends pas comment vous allez obliger des étudiants à en référer à l’ordre professionnel puisqu’ils ne cotisent pas à l’ordre professionnel.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Ce sont les entreprises qui devront en informer l’ordre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Mme Lemorton sait bien que la loi Evin de 1993 engage les entreprises à déposer auprès des conseils de l’ordre – conseil de l’ordre des médecins, des pharmaciens, etc. – les conventions qui sont signées avec les professionnels de santé ou les étudiants. Je rappelle que le conseil de l’ordre des médecins reçoit 80 000 conventions par an. Le problème qui se pose ensuite est de les rendre transparentes et publiques. C’est ce que prévoit le texte.

(L'amendement n° 29 rectifié est adopté.)

(L'article 2, amendé, est adopté.)

Article 3

(L'article 3 est adopté.)

Article 4

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 30.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Favorable.

(L'amendement n° 30 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 31.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Favorable.

(L'amendement n° 31 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 32.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Amendement rédactionnel.

(L'amendement n° 32, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 33.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Amendement rédactionnel.

(L'amendement n° 33, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 34.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Amendement rédactionnel.

(L'amendement n° 34, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 35.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Fixer un niveau plancher de sanction à un million d’euros est excessif. Cet amendement vise donc à faire de cette somme le plafond des sanctions administratives pouvant être infligées par la nouvelle agence.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Favorable.

(L'amendement n° 35 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 36.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Favorable.

(L'amendement n° 36 est adopté.)

(L'article 4, amendé, est adopté.)

Article 4 bis A

M. le président. La commission a supprimé l’article 4 bis A.

Article 4 bis

(L'article 4 bis est adopté.)

Article 5

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir l’amendement n° 2.

M. Jean-Luc Préel. Le conseil d’administration de l’agence est composé de représentants de l’État, de parlementaires, de professionnels de santé, de représentants d’associations de patients, de personnalités qualifiées mais aussi de représentants des régimes obligatoires de base qui participent au remboursement des médicaments et sont donc intéressés par le médicament.

Toutefois, les assurances complémentaires ne sont pas prévues ; or elles participent elles aussi au remboursement de médicaments et d’autant plus que le pourcentage de remboursement de base a été diminué – passant de 60 à 35 %. Elles sont donc particulièrement intéressées par le médicament.

L’UNOCAM devient un réel partenaire dans le secteur de la santé. Il serait dès lors logique qu’elle participe au conseil d’administration.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. L’observation de M. Préel me paraît pertinente. Je me réjouis que le Gouvernement se soit enfin rendu compte de l’incongruité consistant à inclure dans le conseil d’administration de l’agence des membres de l’industrie pharmaceutique. Je me félicite de ce pas accompli.

En même temps, je regrette que vous n’ayez pas accepté que les associations n’ayant aucun lien avec ces industriels n’y figurent pas car l’on peut craindre que les autres associations ne deviennent une sorte de cheval de Troie des laboratoires pharmaceutiques.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Les dites associations apprécieront !

Mme Jacqueline Fraysse. La question de la transparence des débats nous préoccupe également. Les informations présentant un caractère de confidentialité industrielle ou commerciale ou relevant du secret médical existent mais elles ne pourront pas être rendues publiques, ce qui pose un problème. Or la formulation retenue, à la fois floue et très générale, peut donner lieu à diverses interprétations. Il eût été préférable de mentionner explicitement dans le texte quelles informations seraient rendues publiques.

On ne sait pas comment les commissions amenées à examiner les bénéfices et les risques liés à l’utilisation des médicaments apprécieront quelles informations n’auront aucun caractère de confidentialité industrielle ou commerciale, quelles informations ne relèveront pas du secret médical. Sans précision sur ce point, on peut imaginer que de nombreuses informations présenteront un caractère confidentiel. Nous sommes préoccupés car il est regrettable que, malgré l’indiscutable intérêt de cet article, le flou de sa rédaction ouvre la porte à des excès très dommageables.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Les associations apprécieront d’être traités de « cheval de Troie » et, comme on l’a déjà souligné en commission, si l’on excluait toutes les associations de patients financées par l’industrie pharmaceutique, on se priverait de la quasi-totalité sinon de l’ensemble des associations.

M. Guy Lefrand. Il s’agit en effet d’un manque de respect pour les associations !

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Je ne suis pas certain, monsieur Préel, que la place des organismes complémentaires soit au sein du conseil d’administration de la nouvelle agence. Celle-ci doit prendre des décisions en matière de sécurité sanitaire et non de remboursements – sujets bien différents même s’ils sont parfois liés. Je ne souhaite en tout cas aucun mélange des genres.

Je suis donc favorable à une meilleure association des complémentaires aux décisions de remboursement mais pas à leur participation au conseil d’administration de l’ANSM.

La commission a rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Je ne comprends pas pourquoi le régime de base se trouve représenté au sein du conseil d’administration. Il n’a pas à donner son avis sur le service mais sur le bénéfice-risque puisqu’il va participer au remboursement. L’UNOCAM est vraiment devenue un partenaire dans le cadre du régime de santé et, comme je l’ai dit tout à l’heure, elle participe d’autant plus que le pourcentage de remboursement de base diminue. Aussi, soit l’UNOCAM et l’UNCAM doivent faire toutes deux partie du conseil d’administration, soit aucune des deux ne doit y participer.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. J’ai déjà répondu sur ce point à M. Préel en commission. Si le régime de base, à travers l’UNCAM, est représenté dans le conseil d’administration, c’est pour la bonne raison qu’il fait partie du fameux groupement d’intérêt public, dont il sera bientôt question, grâce auquel on pourra avoir accès aux bases de données du système national d’informations inter-régimes de l’assurance maladie, le SNIIRAM.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Le rapporteur vient de mentionner le GIP qui va être créé. L’un des problèmes du système de santé est la non-transmission des données. Or on sait notamment que M. Babusiaux tente régulièrement, en vain, d’obtenir la transmission des données de santé auprès du SNIIRAM, les complémentaires n’y ayant pas accès non plus.

M. Gérard Bapt. Heureusement !

M. Jean-Luc Préel. Il serait donc logique, puisqu’il est question d’avoir accès au SNIIRAM, que l’UNOCAM et l’UNCAM soient associées.

(L’amendement n° 2 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. La réponse du rapporteur à Mme Fraysse n’est pas recevable. Les associations ont besoin d’un budget pour fonctionner. Si elles le pouvaient indépendamment des laboratoires, elles en seraient très satisfaites. Seulement, une épée de Damoclès est suspendue sur ces associations, dont le budget doit être reconduit chaque année. Or elles sont essentielles puisqu’elles s’adressent à des malades atteints de pathologies chroniques. Les malades, comme leur entourage, ont besoin d’échanger sur ces pathologies qui les mettent souvent en très grande difficulté. L’apparition du SIDA a d’ailleurs changé la donne en conduisant les malades à se réunir.

Si ces associations pouvaient fonctionner de manière indépendante, avec de l’argent public…

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Ben voyons !

Mme Catherine Lemorton. Eh oui, monsieur le rapporteur !

Les propos de Mme Fraysse ne sont pas complètement déplacés. Je vous rappelle qu’un laboratoire suisse a inventé la notion de proximologie, qui n’existe pas dans le dictionnaire, notion qui recouvre l’accompagnement du malade et de son entourage. Aussi, quand Mme Fraysse évoque un cheval de Troie, elle décrit une réalité. Un colloque a été organisé sur la proximologie sous le haut patronage du ministère.

J’y insiste : votre réponse à Mme Fraysse n’était pas recevable et si les associations pouvaient fonctionner de façon indépendante elles en seraient très heureuses et nous sommes les premiers à soutenir qu’elles doivent exister.

(L’article 5 est adopté.)

Article 5 bis

M. le président. À l’article 5 bis, la parole est à Mme Catherine Lemorton, pour soutenir l’amendement n° 15.

Mme Catherine Lemorton. Nous remercions le Gouvernement et la commission d’avoir accepté la création d’une base de données telle que nous la souhaitions.

La dernière phrase de l’exposé sommaire de l’amendement est fautive puisque la base de données en question est sous l’autorité de la nouvelle agence nationale de sécurité du médicament. La vie d’un médicament, en effet, commence au moment de son autorisation de mise sur le marché.

Cet amendement vise à supprimer, à la première phrase de l’alinéa 2, les mots : « sous l’égide du ministère de la santé, » ainsi que, par conséquent, les mots : « sur le site internet du ministère chargé de la santé ». Vous plaidez pour un retour du politique. Mais ce ne saurait être le cas ici : il ne s’agit que de la création d’une base de médicaments avec des RCP, il n’est pas question de maladies. Tout le monde disposerait de la même information au même moment. Cette base est alimentée de manière publique, exhaustive et objective par les autorités sanitaires. Il n’est donc pas question d’introduire de la politique dans ce dispositif – c’est un peu comme si vous vouliez placer les règles mathématiques fondamentales sous la tutelle du ministère de l’éducation et je ne vois pas bien l’intérêt, en l’occurrence, du rôle du ministère.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Défavorable. Nous n’avons cessé d’affirmer, après l’affaire du Mediator, que la responsabilité politique devait être rétablie. Il est question ici de la création d’une base de données qui pourrait être utilisée par l’ensemble des professionnels et de nos concitoyens sans que le ministère, selon vous, doive avoir un droit de regard.

Je vous rappelle que la Haute autorité de santé est une autorité publique indépendante, c’est-à-dire échappant à la tutelle du ministère. Dès lors, si nous souhaitons que le ministère puisse avoir un mot à dire sur l’usage de cette base de données, nous devons le préciser dans le texte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Défavorable. Je ne puis évidemment être d’accord avec vous, madame Lemorton. Le ministère chargé de la santé est chargé d’élaborer la politique relative aux produits de santé. Il est donc bien normal d’assurer cette mission de pilotage de la centralisation et de la diffusion des données issues de l’agence nationale de sécurité du médicament, de la Haute autorité de santé et des caisses d’assurance maladie.

Par ailleurs, il s’agit de donner une meilleure visibilité au grand public de cette base de donnée.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Vous engagez-vous à faire en sorte que l’on tombe automatiquement sur la base en question quand on tapera le nom d’un médicament sur internet, ou bien risquera-t-on de tomber sur des sites privés dont on ne sait pas du tout par qui ils sont alimentés ? Il n’y a aucune raison pour que nous ne parvenions pas à faire ce que font déjà les pays scandinaves. Il me paraît très important que vous vous engagiez publiquement en la matière.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. C’est précisément le but poursuivi par le Gouvernement. On peut en effet aujourd’hui avoir accès, quand on tape sur Google, à différentes plateformes internet qui proposent des données pas forcément validées. L’idée est bien de disposer d’un référencement le plus immédiat possible, qui permette au public d’accéder aux informations les plus rigoureuses, celles des autorités de santé, du ministère.

Mme Catherine Lemorton. Je vous remercie pour votre réponse, madame la secrétaire d’État.

(L’amendement n° 15 n’est pas adopté.)

(L’article 5 bis est adopté.)

Article 6

M. le président. À l’article 6, la parole est à Mme Catherine Lemorton, pour soutenir l’amendement n° 16.

Mme Catherine Lemorton. Il s’agit de redonner à l’autorité sanitaire compétente en matière de médicaments, le pouvoir de contrôler la sûreté des thérapeutiques commercialisées et d’éviter un nouveau scandale sanitaire comme celui du Mediator – but de ce texte.

Nous souhaitons par conséquent, à l’alinéa 3, substituer au mot : « peut », le mot : « doit ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Madame Lemorton, vous proposez de rendre obligatoire la réalisation d’études de sécurité et d’efficacité. Il est évident qu’au moindre doute sur le rapport bénéfice-risque du médicament, le directeur de l’agence fera réaliser ces études. Si vous en faites une obligation systématique, c’est le meilleur moyen de noyer les services de l’agence. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Défavorable. Substituer au mot « peut » le mot « doit » suggère qu’à chaque fois des études sont ordonnées par l’agence. Or les situations sont différentes : parfois des données complémentaires sont exigées en vue, justement, d’une meilleure connaissance des produits et de la tolérance de ces médicaments.

La question du bénéfice-risque reste centrale et, au vu de ce rapport-ci, l’agence a toute autorité pour diligenter les études les plus appropriées mais ce ne doit en aucun cas devenir une règle systématique.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Cet amendement me paraît d’autant plus important que je l’avais moi-même fait adopter en première lecture avant qu’il ne soit par la suite supprimé. Il me semble nécessaire qu’en cas de signalement d’effets indésirables, l’agence exige des études complémentaires.

Si on écrit « peut », cela signifie que l’agence peut ne pas demander les études. À partir de quand le fera-t-elle ? Nous avons bien vu ce qui s’est passé avec le Médiator : des études avaient été demandées qui n’ont jamais eu lieu. C’est un vrai problème.

L’emploi de tel ou tel verbe peut sembler anodin, en réalité cela change beaucoup de choses.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Mme la secrétaire d’État justifie l’emploi du « doit ».

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Non !

Mme Catherine Lemorton. Si, puisque vous me dites que, quand il y aura des problèmes, l’agence prendra ses responsabilités et demandera des études.

L’article est d’ailleurs très clair. L’agence peut exiger : « 1° Des études de sécurité post-autorisation dès que des signalements d’effets indésirables ont été constatés […] ;

« 2° Des études d’efficacité post-autorisation lorsque la compréhension de la maladie ou la méthodologie clinique fait apparaître que les évaluations d’efficacité antérieures pourraient devoir être revues de manière significative ;

« 3° Les études mentionnées aux 1° et 2° sont faites au plus près des conditions réelles de soins, c'est-à-dire en comparaison avec les traitements de référence disponibles lorsqu‘ils existent ;

« 4° Un suivi spécifique du risque, de ses complications et de la prise encharge médico-sociale, au travers d’un registre de patients atteints […] ».

Voilà les quatre cas où il faut faire des études.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Votre demande est donc satisfaite.

Mme Catherine Lemorton. Non.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Mais si.

Mme Catherine Lemorton. Comme M. Préel le disait, à quel niveau déclenchez-vous l’étude post-AMM ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Vous venez de donner la liste des situations pour lesquelles l’agence peut diligenter, ordonner des études. Bien évidemment, à chaque fois que ce sera opportun, l’agence a toute autorité pour mettre en place ces études, pour en savoir plus, pour réévaluer davantage le bénéfice risque. Mais ce ne peut pas être la règle car tous les produits ne nécessitent pas forcément une étude post-AMM. Cela pourrait d’ailleurs être tout à fait contre-productif : les industriels ne trouveraient plus d’utilité à faire les études en pré-AMM et attendraient justement l’ordonnance de l’agence pour conduire les études si celles-ci devenaient systématiques.

Mme Catherine Lemorton. Mais non, s’il n’y a pas d’étude, l’AMM ne peut pas être accordée.

(L'amendement n° 16 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 37.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Les études de surveillance d’un produit de santé doivent pouvoir être demandées en anticipation, avant que d’éventuels effets indésirables ne surviennent en pratique réelle de manière à réagir le plus rapidement possible le cas échéant. L’amendement n° 37 propose de revenir sur ce point sur la rédaction trop restrictive de l’article 6.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Avis favorable. L’amendement a pour objet de supprimer l’obligation de réaliser des études post-autorisation dès qu’il est constaté des signalements d’effets indésirables.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Vous amenez de l’eau à mon moulin : avec cet amendement – étant proposé par le rapporteur, je suppose qu’il va être adopté – il vaut encore mieux écrire « doit ».

(L'amendement n° 37 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 26.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement a pour objectif de créer un registre des victimes d’effet indésirable grave de manière à introduire un suivi spécifique épidémiologique du risque et des mesures prises de réduction de ces risques, d’évaluer les séquelles subies par les victimes et des traitements adaptés à leur réduction, d’apprécier les répercussions économiques et sociales de ces séquelles.

Je précise que cet amendement est issu d’une rencontre que nous avons eue avec une association de victimes d’accidents médicamenteux qui a attiré notre attention sur plusieurs points – nous avions d’ailleurs rédigé un autre amendement, qui, hélas ! n’a pas été retenu. Je crois qu’il faut entendre ces personnes qui formulent des propositions à la lueur de leur expérience. Nous avons considéré qu’il serait utile de retenir cette proposition de créer ce registre pour mieux connaître, mieux évaluer, mieux prévenir les risques et les effets indésirables graves liés à des médicaments.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Défavorable. Le registre des victimes est pratiquement créé à l’article 6. Mme Fraysse propose de créer un registre de suivi des patients pour « tout risque d’effet indésirable ». Or, par définition, la majorité des médicaments, pour ne pas dire tous, peuvent avoir un effet indésirable.

Mme Jacqueline Fraysse. L’amendement précise « pour tout risque d’effet indésirable grave ».

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Je prends toujours, quand je fais cours à la fac de médecine ou de pharma, l’exemple du paracétamol : à forte dose ou à dose toxique, ce produit a des effets indésirables graves. Vous pouvez suivre alors l’ensemble des patients prenant n’importe quel médicament. La rédaction de cet amendement est si large qu’il n’a pas de sens.

Le suivi est assuré par notre système de pharmacovigilance que nous améliorons, à l’article 7, et un registre de suivi des patients est créé quand un médicament a été retiré, c’est l’article 6.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Même avis que le rapporteur.

J’ajoute que, dans le cadre du plan de gestion des risques des médicaments, l’agence a déjà l’autorité pour demander la mise en place de tels registres.

(L'amendement n° 26 n'est pas adopté.)

(L'article 6, amendé, est adopté.)

Articles 7 et 8

M. le président. Les articles 7 et 8 ne faisant l’objet d’aucun amendement, je vais les mettre aux voix successivement.

(Les articles 7 et 8, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 9 bis

M. le président. Sur l’article 9 bis, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. L’article 9 bis conditionne l’inscription d’un nouveau médicament sur la liste des médicaments remboursés par l’assurance maladie à la réalisation d’essais cliniques contre des stratégies thérapeutiques. C’est une bonne nouvelle dans la mesure où, jusqu’à présent, les médicaments étaient comparés à de simples placebos.

Pour autant, cette formulation reste en deçà de celle proposée par le Sénat, qui conditionnait le remboursement des médicaments à des comparaisons avec des « comparateurs actifs présentant le meilleur niveau de service médical rendu, lorsqu’il en existe ». Pour être remboursé, un nouveau médicament devait être plus efficace que le plus efficace des médicaments existant pour la même pathologie.

J’aimerais que Mme la secrétaire d’État nous explique pourquoi les stratégies thérapeutiques ont été préférées alors que la formulation du Sénat était plus efficace, claire et précise. La stratégie thérapeutique permet de comparer un nouveau médicament avec d’autres, certes plus efficaces que les placebos mais pas forcément les plus efficaces à disposition. Je trouve dommage de reculer sur ce point. C’est, là aussi, une question de bon sens, me semble-t-il.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Votre argument, madame Fraysse, pose problème, notamment dans le cas où il n’existe pas d’alternative thérapeutique, comme pour les médicaments orphelins ou les médicaments innovants.

Mme Jacqueline Fraysse. J’ai dit « s’il en existe ».

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Il existe d’autres cas dans lesquels la réalisation d’études comparatives n’est pas légitimement possible. Par exemple, si un médicament innovant arrive sur le marché peu après le comparateur, une étude comparative ne peut matériellement être engagée alors même que son apport thérapeutique pourrait être positif.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Bien sûr, monsieur le rapporteur, vous prenez les exemples où ces études ne sont pas possibles.

Mais je voudrais revenir d’abord sur l’article 7, dont la rédaction m’inspire un commentaire un peu ironique. Je pense que les étudiants en droit se demanderont en effet, dans cinquante ou soixante ans, comment on a légiféré.

L’article 7 indique que l’autorisation sera suspendue, retirée ou modifiée premièrement, quand « le médicament est nocif ». Très sincèrement, j’ai envie de demander au directeur de l’agence du médicament comment on peut en arriver à un médicament nocif : le médicament a été mis sur le marché et puis on s’aperçoit qu’il est nocif, c’est tout ?

La deuxième raison de retrait de l’autorisation est également comique : « quand le médicament ne permet pas d’obtenir de résultats thérapeutiques ». Cela veut dire qu’on a présenté un dossier à l’agence du médicament, qui a pensé qu’il méritait une AMM parce qu’il avait une certaine efficacité, mais qu’on retire l’autorisation parce que le médicament n’obtient pas de résultats thérapeutiques ? Avouez que cela risque de faire rire d’autres pays et les générations à venir.

Sur l’article 9 bis, je voudrais juste demander une précision. Si on l’applique à la lettre, toute demande de mise sur le marché d’un générique devrait subir des essais contre comparateurs. Je veux que vous disiez publiquement que cet article ne s’appliquera pas aux médicaments génériques, parce que des laboratoires génériques s’inquiètent, et je m’en fais le relais. Si on applique l’article à la lettre, un médicament générique pourrait se voir reprocher, vu la politique du générique mise à mal, par quelqu’un d’un peu vicieux – il en existe – de ne pas avoir été comparé à des comparateurs. Je voudrais que Mme la secrétaire d’État ou M. le rapporteur s’exprime sur ce point.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Je rassure ma collègue : la réponse est non, les génériques ne sont pas concernés.

Concernant ses remarques sur l’article 7, je précise que cet article est une transposition de la directive européenne sur la pharmacovigilance.

Mme Catherine Lemorton. C’est une traduction mot à mot un peu ridicule, vous l’admettrez.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je ne suis pas du tout satisfaite de la réponse qui m’a été apportée : Mme la secrétaire d'État ne m’a pas répondu et M. le rapporteur prend les cas où la comparaison est impossible, notamment parce que le médicament le plus efficace n’existe pas. Je lui donne acte : à l’impossible nul n’est tenu. Mais je voulais parler des cas possibles, pas des cas impossibles évidemment. Je voudrais que le rapporteur essaie d’être plus utile dans le débat en répondant vraiment sur le fond. Sincèrement, je ne comprends pas pourquoi cette disposition proposée par le Sénat n’a pas été retenue.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Vous soulevez une question de sémantique : pourquoi avoir retenu les stratégies thérapeutiques plutôt que les médicaments de référence ? Tout simplement parce que les stratégies thérapeutiques peuvent être médicamenteuses, mais pas seulement. Il peut s’agir d’études relatives à des dispositifs médicaux, à des techniques innovantes, par exemple des actes chirurgicaux nouveaux qui permettent de comparer une ancienne technique par rapport à une nouvelle technique. Il est important par exemple d’évaluer le traitement de l’obésité par le biais chirurgical par rapport aux anciennes approches.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je vous remercie pour cette réponse intéressante, madame la secrétaire d’État. Je pense qu’on peut, pour les raisons que vous venez d’indiquer, retenir les stratégies thérapeutiques mais je crois qu’il eût été utile de préciser que, dans le cas des traitements médicamenteux, les comparaisons doivent se faire avec les médicaments les plus efficaces existant sur le marché pour éviter la multiplication de médicaments qui n’apportent rien de plus et qui coûtent très cher à la sécurité sociale.

(L'article 9 bis est adopté.)

Article 9 ter

(L'article 9 ter est adopté.)

Article 11

M. le président. Sur l’article 11, je suis saisi d'un amendement n° 3.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. L’article 11 concerne les prescriptions hors AMM, qui doivent être encadrées et contrôlées.

L’expérience des protocoles temporaires de traitement, des référentiels de bon usage et des protocoles nationaux de soins a mis en évidence le fait que la généralisation de protocoles nationaux était un processus complexe et long, tant en raison du processus d’élaboration des documents que de la multitude des pathologies et situations cliniques à couvrir.

En l’état, l’article 11 n’intègre pas ces situations d’exception et risque de rendre impossible, pour raison économique, l’accès à ces soins que le prescripteur, en l’absence d’alternative, juge indispensables au regard des données acquises de la science pour améliorer ou stabiliser l’état clinique du patient.

Cet amendement vise donc à maintenir, dans le cas de ces situations transitoires, cette dérogation exceptionnelle et strictement encadrée pour la prise en charge des produits traitant des pathologies graves et souvent rares.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Avis défavorable. Vous soulevez en réalité, monsieur Préel, la question de la prise en charge des médicaments prescrits hors AMM dans l’attente des recommandations temporaires de la nouvelle agence. C’est l’ancien système qui s’applique, c'est-à-dire un remboursement après avis de la HAS et de l’AFSSAPS. Il n’y a donc pas d’inquiétude à avoir : les patients seront pris en charge.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Avis Défavorable. Vous proposez de transposer à la ville les contrats de bon usage des médicaments ou de prestations, en vigueur à l’hôpital. Or, il s’agit d’un dispositif contractuel très encadré, qui fait l’objet d’une évaluation annuelle par l’agence régionale de santé et l’assurance maladie et peut donner lieu à des sanctions financières à l’encontre de l’établissement de santé ainsi qu’au remboursement de l’indu. Un tel encadrement n’est pas envisageable dans le cadre de la médecine de ville, car il serait beaucoup trop lourd à mettre en œuvre.

(L'amendement n° 3 n'est pas adopté.)

(L'article 11 est adopté.)

Articles 12 et 12 bis

(Les articles 12 et 12 bis, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Articles 14 à 14 quater

(Les articles 14, 14 bis, 14 ter et 14 quater, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 15

M. le président. Sur l’article 15, je suis saisi d'un amendement n° 4.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. L’article 15 concerne les autorisations temporaires d’utilisation. Il s’agit par cet amendement de garantir aux patients un accès aux traitements innovants dans les phases précoces de développement, alors que toutes les données nécessaires à l’obtention d’une demande d’ATU de cohorte ne sont pas encore disponibles.

Le dispositif national des autorisations temporaires d’utilisation permet de garantir pour les malades un accès précoce à l’innovation, une réponse au besoin thérapeutique, la qualité, la sécurité et l’équité d’accès.

S’il est nécessaire de faire évoluer le dispositif actuel, il convient cependant de conserver un accès précoce des patients à des innovations dans des pathologies graves sans alternative thérapeutique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Avis défavorable. Monsieur Préel, vous proposez qu’une ATU nominative soit possible lorsque l’entreprise ne dispose pas des données nécessaires au moment du dépôt de la demande. Cela équivaut à un retour pur et simple au système antérieur, et c’est permettre tous les abus. Ces ATU nominatives, qui durent quinze ans, sont un contournement de l’AMM, sans aucun suivi des patients et sans égalité d’accès aux traitements pour les malades ; tous les rapports sur le sujet l’ont souligné. L’article 15 ne se limitera pas à l’accès des patients aux médicaments. Il assurera notamment leur sécurité, et je suis absolument opposé à cet amendement !

M. Guy Lefrand. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Je demande le retrait de cet amendement, à défaut de quoi je lui opposerai un avis défavorable. En effet, la disposition qu’il propose est déjà satisfaite. Une ATU nominative peut être accordée en l’absence de dépôt d’une demande d’AMM ou d’une demande d’ATU de cohorte. C’est prévu par l’alinéa 10 de l’article 15, qui précise que le titulaire s’engage à déposer dans un délai déterminé une demande d’ATU de cohorte. Cela signifie qu’au moment de son engagement, le titulaire des droits d’exploitation ne dispose pas de données suffisantes pour déposer une demande d’ATU de cohorte ; c’est pour cela qu’il s’engage à déposer une demande mais ne le fait pas encore.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Je préfère de beaucoup l’explication de Mme la secrétaire d’État, qui m’explique que mon amendement est déjà satisfait, à celle quelque peu excessive du rapporteur. Ce n’est donc pas pour faire plaisir au rapporteur mais à Mme la secrétaire d’État que je retire mon amendement.

(L'amendement n° 4 est retiré.)

(L'article 15 est adopté.)

Articles 16 et 17

(Les articles 16 et 17, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 17 bis

M. le président. L’article 17 bis a été supprimé par la commission.

La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour défendre l’amendement n° 17.

Mme Catherine Lemorton. Cet amendement propose en effet de rétablir l’article 17 bis, supprimé par la commission des affaires sociales de notre assemblée. Il concerne la pharmacovigilance et le droit de subsidiarité des États.

Je rappelle que la santé est exclue du champ de la directive Bolkestein, qu’il ne s’agit pas d’un bien de consommation comme les autres.

Il s’agit donc de rétablir cet article dans la rédaction suivante : « Après le mot : “humain”, la fin de l’article 1386-12 du code civil est ainsi rédigée : “les produits issus de celui-ci ou par tout médicament à usage humain tel que mentionné à l’article L. 5121-1 du code de la santé publique”. »

Nous proposons avec cet amendement de rétablir en droit national le principe de responsabilité sans faute pour risque de développement des fabricants de médicaments. En effet, en transposant la directive 85/374/CEE sur la responsabilité du fait des produits défectueux – pour laquelle la France avait pris beaucoup de retard – le Gouvernement a fait le choix de transposer en droit interne un élément de la directive dont la transposition était laissée au libre choix des pays membres – d’où mon allusion au droit de subsidiarité –, l’exonération du risque pour développement. Or, en transposant cet élément, la France reconnaît qu’un producteur de produit défectueux, en l’occurrence un médicament, peut s’exonérer du régime de responsabilité sans faute, en avançant la notion de risque de développement. En clair, un fabricant de médicament peut s’exonérer du principe de responsabilité sans faute dès lors qu’il fait la démonstration que le risque qui a produit un dommage auprès d’un consommateur était non connu au moment du lancement du produit et que sa nocivité n’a été révélée que du « fait du développement ultérieur des connaissances scientifiques et techniques dans le temps », en d’autres termes dans la phase que l’on nomme la « vraie vie » du médicament, lorsque, après les tests cliniques, il est prescrit à des dizaines, voire à des centaines de milliers de personnes.

Nous souhaitons donc que l’Assemblée rétablisse l’article 17 bis, qui permet d’encadrer davantage la pharmacovigilance et d’éviter de dédouaner l’industrie de ses responsabilités.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Avis défavorable. Vous proposez une réforme du régime de responsabilité des laboratoires du fait des produits défectueux. Ce serait rompre l’équilibre auquel était parvenu le Parlement sur le sujet en 1998, de surcroît sans avoir consulté ni les associations de patients ni les entreprises concernées. Il me semble donc difficile d’adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Même avis que le rapporteur. Cet amendement qui concerne le régime de responsabilité lié au médicament est sans rapport, même indirect, avec le présent projet de loi.

Cela étant, il soulève une réelle question qui devra faire l’objet d’un débat plus approfondi, dans la mesure où le contexte juridique communautaire n’est plus le même aujourd’hui.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Madame la secrétaire d’État, je suis un peu sidérée par votre réponse. Que vous ne soyez pas d’accord avec cet article, c’est évidemment votre droit, mais que vous disiez qu’il est sans rapport avec le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui me paraît pour le moins curieux. Nous parlons précisément des effets secondaires et des scandales sanitaires liés à la prise de médicaments, et vous prétendez que cela n’entre pas dans le cadre de ce projet !

C’est un peu cynique de votre part – et j’inclus dans ce « vous », la majorité, le rapporteur et le Gouvernement, sans vouloir m’en prendre personnellement à vous, madame la secrétaire d’État, comme ce fut le cas en juillet, où nos débats ont dérapé.

Il me semble que Xavier Bertrand a affirmé qu’en cas de doute, celui-ci bénéficierait au patient. Nous sommes typiquement ici dans un cas où s’applique ce principe. Dès lors qu’un médicament est prescrit à un patient, quand celui-ci subit des dommages qui ne sont pas imputables au laboratoire, au sens où le laboratoire ne pouvait pas connaître ces risques lors de la prescription, il me semble qu’en appliquant le principe de la responsabilité sans faute du laboratoire on pourrait faciliter la vie des victimes, comme avec les actions de groupe, dont mon collègue Gérard Bapt vous parlera bien mieux que moi.

Je regrette donc encore une fois que vous refusiez de rétablir cet article 17 bis.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Il ne s’agit pas ici de la faute, qui doit bénéficier au patient, mais votre amendement pose la question du régime juridique de la responsabilité. Or c’est un sujet important qui mérite autre chose qu’un amendement dans le cadre d’un projet de loi sur le médicament. Il s’agit, je le rappelle, d’un régime juridique voté par le Parlement en 1998 et qui mérite un débat plus approfondi.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Tout à l’heure, un amendement a permis de plafonner à un million d’euros les sanctions infligées à un laboratoire en cas de faute, alors que le Gouvernement avait dans un premier temps défini cette somme comme un plancher. Plaie d’argent n’est pas mortelle… Mais, ici, il s’agit des victimes d’un aléa thérapeutique lié à un produit médicamenteux réputé sans défectuosité et qui crée un dommage qui n’était pas connu ou reconnu en phase préclinique. Nous sommes en plein dans le sujet ! Les risques de valvulopathie sous Isoméride ou sous Fenfluramine n’étaient pas connus au moment de l’autorisation de mise sur le marché ! Nous sommes en plein dans le sujet !

Autre exemple : l’AFSSAPS vient de restreindre considérablement les indications du Protelos, un antiostéoporotique des laboratoires Servier, qui m’attire d’ailleurs actuellement des ennuis judiciaires. Ce médicament est responsable d’un DRESS, syndrome qui n’était pas connu au moment de la mise sur le marché mais a causé plusieurs décès et provoqué chez certains patients de graves altérations de leur intégrité physique. Nous sommes donc en plein dans le sujet !

On parle d’aléa thérapeutique diffus lié à des médicaments, ce qui conforte la non-responsabilité du fabricant, et, pour peu que les effets indésirables soient inscrits dans le RCP, la victime se voit répondre devant les tribunaux que le laboratoire n’est pas responsable.

Dans cette affaire, tout tourne à l’avantage du fabricant et au détriment de la victime. On comprend dès lors l’exaspération des associations de victimes car si un fonds d’indemnisation a été créé pour les victimes du Mediator, toutes les autres restent désarmées, engagées dans des parcours du combattant inexpugnables dont elles ne sortent qu’au bout de sept ou huit ans si elles ont le courage, les moyens, la force physique de les mener jusqu’au bout.

Nous sommes en désaccord sur ce point important et c’est l’une des raisons pour lesquelles nous voterons contre ce texte même si nous lui reconnaissons quelques mérites.

Mme Catherine Lemorton. Bravo !

(L'amendement n° 17 n'est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 17 bis demeure supprimé.

Article 17 ter

M. le président. L’article 17 ter a été supprimé par la commission.

Je suis saisi d'un amendement n° 18.

La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Cet amendement vise à rétablir l’article 17 ter, pour les mêmes explications exposées précédemment et fondées sur le principe avancé par M. Bertrand lors des assises du médicament fin juin : « Le doute doit bénéficier aux patients. »

Cet article permet d’illustrer ce principe dans la reconnaissance de la causalité entre un médicament et un effet indésirable. Cette reconnaissance est parfois difficile à démontrer. Malgré la présence de faisceaux d’indices, il peut être délicat de prouver le lien de causalité entre le préjudice subi et un médicament ou un vaccin.

Je vais d’ailleurs vous donner un exemple de votre incohérence. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

J’y mets de la solennité par respect pour les victimes du vaccin contre l’hépatite B.

Vous nous dites, depuis quatorze ans que cette grande campagne de vaccination a été lancée par Philippe Douste-Blazy – 23 millions de personnes vaccinées en quatre ans, Mme Bachelot fut moins chanceuse avec la pandémie H1N1 –, que treize études n’ont pas établi le lien de causalité. Dont acte.

Mais que votons-nous l’année dernière ? L’indemnisation systématique de tout pompier qui aurait été vacciné contre l’hépatite B et aurait, depuis, développé une sclérose en plaque ou une maladie auto-immune touchant les muscles. Mes chers collègues, nous ne pouvons pas tenir deux discours : dire, d’un côté, à ceux qui sont obligés de se faire vacciner qu’ils seront indemnisés en cas d’effets secondaires et, de l’autre, aux citoyens lambda qui ont été sensibles aux campagnes de vaccination, qui ont répondu à l’appel du ministère de la santé d’aller se faire vacciner, qui ont subi le même préjudice sans causalité avérée, qu’ils n’ont pas droit à indemnisation.

C’est pour cette raison que je vous demande d’accepter mon amendement. Sinon, vous vous placeriez dans une situation paradoxale, mais ce ne serait pas la première fois.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Avis défavorable. Vous proposez de redéfinir la manifestation de l’effet indésirable accepté d’un produit de santé et d’assouplir les règles de preuve de la survenue d’un effet indésirable lié à un produit de santé.

Je ne vous cache pas que le sujet est très intéressant sur le fond, mais aucun critère précis n’est fixé pour juger de la présomption de causalité. Or, nous en aurions justement besoin. En l’état, cet amendement ne règle pas le problème et n’apporte rien de plus que la jurisprudence de la Cour de cassation, qui est très favorable aux patients. Elle admet en effet que, lorsque le lien de causalité n’est pas prouvé scientifiquement, il soit établi par simples présomptions pourvu qu’elles soient graves, précises et concordantes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Même avis que le rapporteur, qui a brillamment argumenté son opinion.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Monsieur le rapporteur, ou vous écoutez ce que l’on vous dit, ou vous n’écoutez pas ! C’était une demande du Médiateur de la République ! L’Assemblée y a répondu à l’unanimité, car il est normal qu’un pompier chez qui se déclare une sclérose en plaque, maladie grave, après avoir été contraint de se faire vacciner, soit indemnisé. Heureusement ! Mais un citoyen qui se retrouve, comme le pompier, dans un fauteuil roulant après s’être fait vacciner, voire pire, a lui aussi droit à l’indemnisation sans forcément avoir à prouver le lien de cause à effet.

Pourquoi avoir voté une telle disposition pour les pompiers et les infirmières et pas pour les autres ? Rappelons, ceci dit, que tout n’a pas toujours été simple pour les infirmières qui ont dû s’engager dans un véritable parcours du combattant avant que des études n’établissent scientifiquement le lien de causalité. Leurs demandes ont ensuite été rejetées pour des raisons liées à la méthodologie, bizarrement.

Voilà en tout cas la réalité, monsieur le rapporteur, je n’invente rien et je vous renvoie au Médiateur de la République.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Il est aujourd’hui extrêmement paradoxal que des victimes d’effets indésirables graves après une vaccination contre l’hépatite B soient, dès lors qu’elles appartiennent aux catégories professionnelles qui doivent se soumettre à cette vaccination, en particulier les secours et les professionnels de la santé, systématiquement indemnisées sans que soient vérifiés des critères objectifs puisque ce lien de causalité est a priori acquis et reconnu. Encore qu’il faille y regarder de plus près. Je pourrais vous citer le cas particulier d’une administrée de ma commune qui, assurant un remplacement dans un centre médical, a reçu les deux premières injections dans le cadre du CDD, mais la troisième après. La commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux – CRCI – ne lui a donc pas accordé le bénéfice de l’indemnisation.

Sur toutes les personnes, quelques centaines de milliers, vaccinées contre l’hépatite B, qui ont engagé des procédures juridiques, une seule a gagné après, bien entendu, appel et cassation. Une seule ! Je pourrais aussi citer le cas de celle, malheureusement décédée – le mari de la présidente d’une association de victimes –, pour qui le tribunal avait reconnu le lien de causalité sans pour autant lui accorder une indemnisation, au prétexte qu’il ne faisait pas partie des victimes qui devaient être indemnisées.

Autre cas tout aussi paradoxal : l’indemnisation est due lorsque l’effet indésirable suit une vaccination obligatoire mais pas dans le cas contraire, même si la vaccination répond à des appels de santé publique.

Quid, dès lors, des vaccins polyvalents qui mélangent des vaccins obligatoires et non obligatoires ? Eh bien, en cas d’effet indésirable, ni le laboratoire ni la CRCI ne reconnaissent le lien de causalité et le droit à indemnisation tombe ! Ces situations sont inadmissibles. Elles expliquent l’exaspération, justifiée, des victimes. Elles sont aussi à l’origine de nombreux drames humains car des victimes – j’en connais quelques-unes – vivent aujourd’hui grâce aux allocations pour adultes après avoir vu leur carrière brisée, notamment dans le secteur médical.

Qu’en est-il du lien de causalité ? La sclérose en plaque a-t-elle été provoquée par la vaccination ou sa survenue a-t-elle été accélérée par l’injection ? Peu importe : ce sont des victimes dont la vie est brisée et qui mériteraient une manifestation de solidarité. Tel était le sens de l’amendement de Mme Lemorton et auquel vous opposez des amendements factices pour gagner du temps.

(L'amendement n° 18 n'est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 17 ter demeure supprimé.

Article 18

M. le président. Sur l’article 18, je suis saisi d'un amendement n° 38.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. L’avant-dernier alinéa de l’alinéa 1 de l’article 18 dispose que la publicité pour un médicament est interdite lorsque ce médicament fait l’objet d’une réévaluation du rapport entre les bénéfices et les risques à la suite d’un signalement de pharmacovigilance et que les professionnels de santé sont informés par l’exploitant du médicament de la réévaluation conduite dans le cadre du présent alinéa.

Cet amendement tend à ce que, dans l’intérêt du public, cette information soit conforme à celle élaborée par l’agence chargée du médicament.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Avis favorable.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Puisque vous parlez de réévaluation, monsieur le rapporteur, que pensez-vous des campagnes de vaccination lancées alors que certains vaccins font partie, à juste titre, de la liste des médicaments suivis par l’agence du médicament ?

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Je voudrais intervenir plus largement sur l’article 18. Nous allons bientôt arriver à l’amendement que nous avons déposé sur le problème particulier des campagnes publicitaires des firmes sur le vaccin, par dérogation aux autres produits de santé.

Permettez-moi de dire un mot sur le problème de l’information sur le médicament à usage humain.

Pendant la mission d’information, avec M. Door et les autres membres de la mission, nous avons reçu des responsables, des éditeurs de presse sponsorisée, qui vivent pour une bonne part grâce à la publicité faite par ces firmes. Nous avons également reçu des syndicats ou des journalistes de cette presse, lesquels ont parfois subi les foudres d’un laboratoire qui n’appréciait pas la manière dont un article pouvait insister sur les effets indésirables d’un médicament.

La presse médicale sponsorisée présente les bénéfices d’un médicament. Si elle peut également donner des informations intéressantes sur des congrès, des colloques, des avancées scientifiques, elle n’est pas à même de divulguer une information objective sur un médicament, notamment sur sa balance bénéfices/risques.

Nous y sommes très sensibles : ce sont les agences officielles qui doivent délivrer une information certifiée aux professionnels de santé ou aux patients sur les bénéfices, les risques, les contre-indications ou les limitations de prescription d’un médicament ou d’un vaccin.

(L'amendement n° 38 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour défendre l’amendement n° 20.

Mme Catherine Lemorton. M. Bapt a exposé les motifs de cet amendement. Je vais illustrer sa nécessité par l’exemple de la campagne publicitaire pour la vaccination contre le cancer du col de l’utérus.

L’été dernier, dans des magazines grand public, en pleine page, une jolie jeune fille disait : « J’ai 14 ans, j’aime mon utérus, je me fais vacciner. » Où était le message de santé publique ? Peut-être dans les quelques lignes en petits caractères illisibles… Mais une jeune fille, sur la plage, ne les lira de toute façon pas. Pour ma part, je trouve cela extrêmement choquant et j’espère que cela vous fera réagir aussi.

Je ne dis pas pour autant qu’il ne faut pas vacciner contre le cancer du col de l’utérus. Mais dès qu’on laisse les industriels lancer eux-mêmes des campagnes de vaccination, voyez le message qu’ils envoient. Ce vaccin n’est pas contre le cancer de l’utérus, mais contre celui du col, et pour certains cancers seulement. Et cela ne dispense pas la jeune femme de faire des frottis à partir de 25 ans, donc de pratiquer la prévention primaire.

Bien sûr, le rapporteur fera valoir que désormais, les messages seront vérifiés. Peut-être l’été prochain ne verra-t-on plus une telle campagne. Je m’en félicite.

Mais par ailleurs, il y a des priorités. La rougeole fait 30 000 morts en Europe et l’épidémie gagne notre pays. Mme Pécresse enlève un million d’euros du « matelas » financier de l’INPES qui s’élève à 17 millions d’euros. Mais tout le monde dit bien que la prévention n’est pas suffisante dans notre pays, sur les addictions chez les jeunes, à l’école, dans le monde du travail. Je m’étonne donc qu’on considère que l’INPES a trop de crédits ; ce million d’euros, on aurait pu le lui laisser et l’État s’en serait servi pour lancer des campagnes de vaccination prioritaires.

C’est pour cela que nous vous demandons d’adopter l’amendement n° 20, véritable disposition de santé publique qui consiste à rendre à l’État le soin de lancer les campagnes de vaccination, comme c’est son devoir régalien.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Défavorable. Je partage, madame Lemorton, votre souci d’encadrer strictement les campagnes de vaccination. J’ai donc pris le parti de renforcer l’encadrement par les autorités compétentes de la publicité pour les vaccins dans les alinéas 3 et 6 que vous proposez de supprimer.

Après avis du haut conseil de la santé publique, je prendrai un arrêté qui fixera la liste des vaccins qui, parce qu’ils correspondent à des enjeux de santé publique, pourront faire l’objet d’une publicité. Un second arrêté précisera les caractéristiques de forme des recommandations définies par le haut conseil de santé publique que les entreprises du médicament devront désormais prendre en compte pour que ces recommandations soient plus lisibles par le public.

De plus, toutes les publicités sont contrôlées a priori par l’agence nationale de sécurité du médicament, et je sais que son directeur, Dominique Maraninchi, déploiera une vigilance accrue sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Nous n’allons pas vous convaincre, madame la secrétaire d’État, de supprimer la dérogation concernant les vaccins, c’est d’accord. Reste que dans son avis sur la stratégie thérapeutique dans la prévention du cancer du col de l’utérus, le HCSP oriente en premier lieu vers les frottis, et ajoute que la vaccination est possible chez les jeunes filles de moins de 14 ans avant tout rapport sexuel. L’information devra aussi porter sur les précautions à prendre chez les jeunes filles qui ont des antécédents allergiques ou des antécédents familiaux de maladies neurovégétatives ou de maladies auto-immunes. De même, si certaines manifestations surgissent après la première ou la deuxième injection, que l’on ne fasse pas la troisième – je connais un cas. C’est le médecin qu’il faut informer, car il sera un peu bousculé par la mère de famille qui croit agir pour protéger sa fille d’un cancer vingt ans plus tard. Mais elle ne connaît pas les précautions à prendre ni les effets indésirables, même s’ils sont rares.

On pourrait aussi placer le débat sur le plan économique : Ce vaccin a déjà coûté 400 millions d’euros en quelques années à l’assurance maladie alors même que le dépistage par frottis des dysplasies pouvant mener au cancer du col de l’utérus est encore balbutiant et qu’il faudrait le développer.

(L’amendement n° 20 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour défendre l’amendement n° 22.

Mme Catherine Lemorton. Cet amendement est très important au moment où on lutte contre les déficits publics, notamment dans le domaine social. On se lamente devant l’absence de progression des génériques, ce qui est un peu une spécificité française depuis le début. On en a souvent énoncé les causes – les détournements de génériques, les « me-too ». Je n’y reviens pas, mais depuis deux ou trois ans, les pharmaciens ont de plus en plus de mal à délivrer des génériques, tous leurs syndicats le disent.

Or voilà qu’un laboratoire – bizarrement, Servier – met en avant sa filiale pour les génériques, Biogaran. Il y a quelques années, ce laboratoire avait même financé l’émission C’est pas sorcier, qui s’adressait aux adolescents, pour faire la promotion du générique. Et un autre laboratoire s’y met à son tour. Leurs visiteurs médicaux passent chez les médecins, dont certains rédigent ensuite leurs ordonnances en précisant par exemple « amoxycilline Biogaran ». Les gens ont déjà du mal à accepter le générique. Si son médecin précise « Biogaran », je peux vous assurer d’expérience que le patient exigera cette marque. Le pharmacien qui a signé un contrat avec un autre laboratoire n’en a pas en stock : le patient refusera les autres génériques qu’il lui propose. Il faudrait empêcher les laboratoires de faire mettre le nom de fantaisie, en quelque sorte un nom de spécialité, sur l’ordonnance et en rester à la définition commune internationale du générique. Et je le répète, cette pratique est encore une bonne idée de M. Servier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Défavorable. Il est interdit de faire de la publicité auprès du grand public pour les médicaments remboursés par la sécurité sociale, à l’exception des médicaments pour le sevrage tabagique et des vaccins. Votre amendement précédent tendait à interdire la publicité pour les campagnes de vaccination. Cette fois, je ne vois pas très bien l’objectif que vous poursuivez.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Je vais donc vous l’expliquer clairement, en reprenant un cas concret. Certains médecins prescrivent du paracétamol Biogaran ou de l’amoxycilline Biogaran. Les patients disent alors à leur pharmacien : je veux du Biogaran et pas autre chose. On se plaint que le générique ne soit pas assez répandu dans notre pays. Mais comment expliquer que Biogaran, Teva ou Merck, c’est la même chose ? Allez dans les pharmacies, vous verrez combien il est difficile de substituer un générique à un autre dès lors que le nom du laboratoire est indiqué sur la prescription. Mais vous vous montrez obtus, vous ne voulez pas le comprendre, on le voit dans votre projet.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Mais non !

Mme Catherine Lemorton. Si, monsieur le rapporteur, c’est une réalité sur le terrain. Si on leur laisse la porte ouverte, les laboratoires vont faire de la publicité pour leurs génériques et vous verrez la difficulté qu’auront les pharmaciens pour génériquer. Ne vous étonnez pas ensuite si le taux de substitution par les génériques baisse d’année en année.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Mme Lemorton met le doigt sur un problème bien réel. Le pharmacien a le droit de substituer un générique à un médicament. Mais si le patient vient avec une ordonnance où figure un nom qui apparaît comme un succédané de la molécule princeps en quelque sorte, cela lui est difficile.

Mais je voudrais me placer de nouveau sur le plan de l’économie du médicament. Je vous disais que vous la négligiez en ce qui concerne la prévention du cancer du col de l’utérus. Alors qu’un renforce la HAS pour qu’elle fasse des études sur ce sujet, qu’on est à la recherche d’économies sur le médicament – à preuve les amendements introduits dans le dernier PLFSS – le fait que, trop souvent le prescripteur porte sur l’ordonnance la mention « n.s. », non substituable, coûte 250 millions d’euros. Une telle somme serait bien utile pour faire des économies ou engager d’autres actions. Souvent, ce sont les laboratoires qui font circuler des informations pour disqualifier les génériques et continuer à faire prescrire leur médicament princeps. La solution est simple : Interdisez d’utiliser la mention « n .s. ». Ou, quand des génériques ont été reconnus par l’agence du médicament comme équivalents à la molécule princeps, appliquez à celle-ci le tarif forfaitaire de responsabilité. De la sorte, on ne gaspillera pas 250 millions d’euros – on peut être dans l’opposition et vous proposer des économies, au vu de la diffusion insuffisante des génériques dans notre pays, notamment par rapport à l’Allemagne.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Madame Lemorton, vous nous dites que nous sommes obtus comme le projet que nous défendons. Mais vous-même, vous êtes confuse comme le projet que vous défendez. En effet, votre amendement a trait à la publicité, et vos développements à la prescription. J’ai du mal à comprendre leur objet. Personnellement, je n’ai jamais vu un médecin prescrire du paracétamol Biogaran. Et s’il prescrit le DCI avec un nom de spécialité, c’est ensuite de la responsabilité du pharmacien de dispenser le générique qu’il a à sa disposition.

Mme Catherine Lemorton. Elle est bonne, celle-là ! On va envoyer le compte-rendu aux pharmaciens, ils seront contents !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Pas plus que le rapporteur, je n’ai compris votre objectif. Dans votre amendement, vous parlez de campagne publicitaire auprès du public. Or sur le cas concret, comme vous dites, vous parlez de prescription où le nom du laboratoire est accolé à celui du médicament sur l’ordonnance, ce qui conduit le patient à demander spécifiquement le médicament de ce laboratoire.

J’avoue que je ne comprends pas votre raisonnement.

Je rappelle, d’une part, que les campagnes publicitaires dont nous parlons ne concernent pas le public : il n’y a pas de publicité pour les médicaments remboursés, je l’ai déjà dit. D’autre part, votre argument concernant les économies à réaliser ne tient pas : tous les génériques ont le même prix. Il n’y a donc aucun intérêt économique à en prescrire un plutôt qu’un autre.

(L'amendement n° 22 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel pour soutenir l’amendement n° 8.

M. Jean-Luc Préel. Cet amendement dispose que le « visa de publicité » est réputé acquis au terme d’un délai de deux mois à compter de la réception du dossier de demande d’autorisation préalable.

Le rapporteur me dira peut-être que cette précision est réglementaire, mais il me semble souhaitable de l’inscrire dans la loi afin d’éviter que ne se prolongent les périodes durant lesquelles l’administration ne fournit aucune réponse, ce qui lui arrive parfois.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Arnaud Robinet, rapporteur. M. Préel l’a dit lui-même : il s’agit d’une disposition qui est plutôt d’ordre réglementaire. La commission y est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Défavorable.

(L'amendement n° 8 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour défendre l’amendement n° 7.

M. Jean-Luc Préel. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 12 et 13 de l’article 18.

L’information des professionnels de santé, notamment sur des questions de sécurité sanitaire, doit pouvoir avoir lieu à tout moment, ce qui n’est pas compatible avec la fixation a priori d’un calendrier ou de périodes déterminées. Si un effet indésirable est constaté, il faut que l’information passe immédiatement sans qu’il soit besoin de se préoccuper d’un calendrier préétabli.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Ce calendrier est indispensable pour que l’Agence puisse organiser ses travaux. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Avis défavorable. Ce calendrier vise à préciser les modalités de dépôt des demandes de visa relatives aux publicités élaborées par les laboratoires à destination des professionnels de santé. Cette procédure permettra à l’Agence de gérer le flux des demandes. L’évaluation et le contrôle a priori de ces publicités s’effectueront ainsi dans les meilleures conditions et dans des délais raisonnables.

(L'amendement n° 7 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 21.

La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Il est défendu.

(L'amendement n° 21, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 18, amendé, est adopté.)

Article 19

M. le président. La parole est à M. Guy Lefrand, premier orateur inscrit sur l’article 19.

M. Guy Lefrand. Nous abordons l’un des derniers articles qui suscite un véritable débat dans ce projet de loi qui apporte beaucoup, tant aux professionnels qu’aux patients.

L’article 19 porte sur la visite médicale collective déjà pratiquée dans certains établissements. Les dispositions proposées par le Gouvernement dans la rédaction initiale du projet de loi nous semblaient être à la fois restrictives et contradictoires.

On répète souvent aujourd’hui qu’il y a probablement trop de médicaments en France. En tant que parlementaires, nous souhaitons limiter l’information sur les médicaments redondants ou inutiles. Nous voulons, en revanche, favoriser la prescription de médicaments innovants. C’est le principe même de l’opposition entre le petit risque et le grand risque. Mais, contrairement à ce que nous souhaitons, la rédaction initiale du projet de loi – qui va nous être soumise à nouveau sous la forme d’un amendement du Gouvernement – vise à favoriser le petit risque, et à empêcher la prise en charge du gros.

J’en profite pour rappeler, puisque nous légiférons à la suite de l’affaire du Médiator, que ce médicament n’a jamais été prescrit à l’hôpital et qu’aucune visite hospitalière n’a jamais favorisé sa prescription.

Il est important de favoriser l’accès à l’innovation. Or je crains qu’en acceptant l’amendement du Gouvernement nous ne favorisions la rente de situation de certaines Big pharma au détriment de laboratoires plus modestes mais porteurs d’innovations, auxquels nous fermerions des portes.

Il est également indispensable de respecter l’ensemble des acteurs de la chaîne du médicament. À trop stigmatiser la relation du visiteur médical et du médecin, nous finissons par stigmatiser tant les médecins – qui seraient incapables de résister à la pression – que les visiteurs médicaux, en l’espèce les visiteurs hospitaliers, qui font pourtant, au quotidien, la preuve de leur compétence et de l’utilité de leur travail.

M. Dominique Le Mèner. Très bien !

M. Guy Lefrand. Ils fournissent en effet des informations relatives aux modifications des autorisations de mise sur le marché ou aux spécificités des prescriptions et des administrations ; ils répondent aux questions que se posent les médecins prescripteurs, et ils participent au recueil des effets secondaires.

La version de l’article 19 qui nous est soumise a déjà été adoptée trois fois par les députés de la majorité : deux fois en commission, et une fois dans l’hémicycle.

M. Dominique Tian. C’est vrai !

M. Guy Lefrand. Dans le cadre de la coproduction législative, chère à Mme Lemorton et à d’autres, il faut que nous puissions discuter avec le Gouvernement, qui doit accepter de nous entendre. Nous défendons tous les projets de loi qu’il nous soumet : à un moment donné, il faut aussi qu’il écoute sa majorité. Nous ne sommes pas inféodés à l’industrie pharmaceutique ; nous n’avons pas de liens d’intérêts. Le Gouvernement ferait preuve de sagesse en retirant son amendement afin que nous n’ayons pas à le repousser. J’en appelle à sa sagesse. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Il faut répéter qu’il est hors de question de supprimer la visite médicale – contrairement à ce qui a été écrit dans un rapport. Aucun d’entre nous ne prendrait la responsabilité de provoquer des milliers de licenciements dans la période de crise financière, économique et sociale que nous traversons.

Il serait par ailleurs intellectuellement malhonnête de faire du visiteur médical le responsable de l’affaire du Médiator. Le visiteur médical est pris entre son éthique, sa déontologie, son désir de retrouver son cœur de métier – aux dires des syndicats que nous avons entendus –, et la pression qu’exercent sur eux les fluctuations du CAC 40 et la croissance à double chiffre exigée par les actionnaires de leurs entreprises. Cette pression à la performance s’exerce par zonage et par territoire. Ainsi, en médecine ambulatoire, leur direction leur demande de visiter plutôt les gros prescripteurs que les autres.

Finalement, la visite collective à l’hôpital a lieu quand elle est nécessaire. Dans certains hôpitaux, elle ne sera pas possible. À ce sujet, le ministre m’a répondu en première lecture qu’il suffirait que le visiteur médical prouve qu’il a pris un rendez-vous par téléphone. Ce système marche, mais il n’est pas transposable en médecine ambulatoire.

M. Guy Lefrand. C’est vrai !

Mme Catherine Lemorton. L’expérimentation n’a donc servi à rien puisqu’il est impossible de la transposer en médecine de ville.

Il existe manifestement un différend au sein de la majorité ; le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche se prononcera une fois qu’il aura assisté au débat.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. La question de la visite médicale permet de poser celle de la formation initiale et continue des professionnels de santé et des médecins. L’idéal serait qu’une formation continue obligatoire, évaluée et indépendante rende inutile la visite médicale.

Les visiteurs médicaux sont des professionnels formés qui ont, comme le rappelait Mme Catherine Lemorton, une déontologie et une éthique. Ils sont rémunérés par le laboratoire, en partie au pourcentage, ce qui n’est pas sans poser un problème. Ils sont chargés de vanter un produit. Dès lors, quoi de plus naturel que les visiteurs médicaux, surtout s’ils croient aux qualités de leur produit, veuillent persuader les médecins de le prescrire ? La charte de la visite médicale tente de régler le problème éthique. Il reste toutefois à l’appliquer et à contrôler cette application, ce qui n’est pas toujours fait aujourd’hui

L’article 19 ne concerne pas la visite en médecine ambulatoire mais uniquement la visite à l’hôpital. Il propose d’y instituer une visite collective. J’ai déjà dit, en commission et en séance, que je restais dubitatif sur la visite collective. L’idée intéressante a déjà été mise en pratique, mais sa généralisation sera sans doute délicate et un peu complexe. Qu’en sera-t-il dans les petits hôpitaux ? Qu’en sera-t-il pour les spécialités dont les professionnels ne sont pas nombreux – en ORL, en ophtalmologie ou en stomatologie ? On nous a répondu que les visites collectives pouvaient ne concerner que deux médecins : sans doute atteignons-nous là les limites de l’exercice.

À ce sujet, j’ai déposé un amendement n° 9 – je le présente dès maintenant et je serai bref quand il sera appelé – afin que l’information se fasse au niveau de la commission « médicament » de la commission médicale d’établissement. Si, dans certains établissements, cette commission n’existe pas, il serait bon de la créer. Son président serait chargé de recevoir les visiteurs et d’établir un compte rendu destiné à tous les praticiens de l’hôpital.

M. le président. La parole est à M. Dominique Le Mèner.

M. Dominique Le Mèner. Sur la forme, le fait que l’article 19 ait déjà été adopté deux fois en commission et une fois en séance publique dans la version qui nous est présentée me semble constituer pour le Gouvernement un indicateur suffisant quant à la volonté des parlementaires de la majorité de ne pas se rallier à la version gouvernementale.

Sur le fond, l’amendement du Gouvernement participe à la remise en cause du professionnalisme des visiteurs, qui sont considérés comme n’étant pas les bons intermédiaires. Cela est contraire à l’état d’esprit dans lequel se trouvent les députés de la majorité. En insistant lourdement pour faire voter cet amendement, les limites de ce que nous pourrions supporter en tant que parlementaires sont, en quelque sorte, dépassées. Nous tenions à le dire à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marisol Touraine. Tout va bien dans la majorité ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gérard Bapt. Je ne veux pas me mêler des débats internes qui divisent la majorité et le Gouvernement…

M. Guy Lefrand. Vous avez le droit de donner votre avis !

M. Gérard Bapt. Ayant eu une expérience à l’hôpital, j’estime, à titre personnel, que nos discussions concernent des médicaments innovants qui s’adressent à un très petit nombre de spécialistes pour des prescriptions exclusivement hospitalières. Dans ce cadre, si nous nous situons dans des centres de référence ou des centres d’expérimentation thérapeutique avec la délivrance d’autorisation temporaires d’utilisation, il me semble que la version de l’article 19 défendue par M. Lefrand n’est pas exorbitante. Elle ne transformera pas la visite médicale de ville, ni même la visite hospitalière, en instrument de promotion plutôt que d’information. Cela constituait notre principale préoccupation.

Madame la secrétaire d’État, sans vouloir troubler la sérénité du débat entre la majorité et le Gouvernement, il nous semble que l’argumentation de M. Guy Lefrand est parfaitement raisonnable.

M. le président. Sur l’article 19, je suis saisi d’un amendement n° 43.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Monsieur Lefrand, je vais bien présenter l’amendement du Gouvernement, en dépit de votre demande itérative qu’il soit retiré.

M. Dominique Le Mèner. Il n’est pas le seul !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. En effet, la rédaction de l’article 19 retenue par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale restreint notablement la portée de l’expérimentation relative à l’encadrement de la visite médicale au sein des établissements de santé, en excluant de son champ d’application tous les médicaments de la réserve hospitalière, qu’ils soient de prescription hospitalière initiale ou non.

L’article 19 a fait l’objet de nombreuses discussions et de nombreux amendements, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat, de la part de la droite et de la gauche. Encore une fois, il n’est en aucun cas question de stigmatiser la profession de visiteur médical.

M. Dominique Le Mèner. C’est pourtant le cas !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Non. Xavier Bertrand et moi sommes profondément convaincus que la visite médicale telle qu’elle existe aujourd’hui doit évoluer. Au reste, les professionnels du secteur eux-mêmes s’accordent sur cette nécessaire évolution.

Je souhaiterais donc revenir quelques instants avec précision sur cette expérimentation de la visite médicale collective à l’hôpital, afin de dissiper tout malentendu. Ce type de visites collectives existe déjà : elles se pratiquent en « staff » et représentent 30 à 40 % des visites médicales à l’hôpital,…

M. Guy Lefrand. Plutôt 20 % !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. …selon les retours dont nous disposons. L’expérimentation est donc bien réalisable.

On nous dit que, pour « améliorer la sécurité sanitaire », cette visite collective, dite en staff, doit être complétée par des visites individuelles. Or, lorsque l’on évoque l’amélioration de la sécurité sanitaire, on fait bien référence aux activités de suivi de la prescription du médicament, de ses effets indésirables potentiels ou de son bon usage, qui sont réalisées au quotidien par les délégués médicaux hospitaliers. Ces activités n’entrent pas donc pas dans le champ du démarchage et de la prospection, qui est le seul à être soumis à l’expérimentation de la visite médicale collective à l’hôpital. Bien entendu, les activités de suivi de l’utilisation des médicaments, qui sont de plus en plus demandées aux industriels par les autorités, notamment dans le cadre des plans de gestion de risque, par exemple, pourront continuer à s’effectuer dans un cadre individuel.

Nous souhaitons que, lorsqu’un délégué médical hospitalier vient présenter son portefeuille de médicaments, il le fasse devant plusieurs professionnels de santé. À ce sujet, je rappelle que la visite peut être dite « collective » dès lors que deux professionnels de santé sont présents. Je tiens également à souligner que les conditions dans lesquelles se déroulera la visite médicale à l’hôpital seront bien définies par convention par les établissements de santé.

Pour revenir au motif même de l’amendement gouvernemental, votre commission a rétabli l’exclusion des médicaments de réserve hospitalière, de prescription hospitalière et de prescription initiale hospitalière du champ d’application de cette expérimentation. Permettez-moi d’être à nouveau claire et précise. Ces médicaments complexes et coûteux constituent la très grande majorité des visites médicales effectuées à l’hôpital. Exclure ces produits – qui, je le rappelle, nécessitent généralement une prescription dans le cadre de réunions de concertation pluridisciplinaire – du champ d’application reviendrait donc à vider de tout son sens l’expérimentation de la visite médicale collective.

Pour toutes ces raisons, je vous propose de supprimer, à l’alinéa 1 de l’article 19, les mots : « à l’exception des médicaments réservés à l’usage hospitalier et à ceux à prescription hospitalière initiale ou non, ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Avant de donner l’avis de la commission, je voudrais souligner le manque de courage de nos collègues socialistes. Ceux-ci prétendent ne pas vouloir se mêler des débats internes à l’UMP, mais le débat existe également au sein du groupe SRC. À preuve, si M. Bapt semble plutôt favorable à l’amendement de M. Lefrand, Mme Lemorton, elle, ne s’est pas prononcée clairement sur le sujet ; quant aux sénateurs socialistes, ils sont opposés à cet amendement, puisqu’ils sont revenus au texte initial. Encore une fois, chers collègues socialistes, vous faites preuve d’un manque de courage sur des sujets qui méritent d’être débattus.

J’en viens maintenant à l’avis de la commission. Les membres de la commission des affaires sociales ont jugé que le texte issu de la première lecture à l’Assemblée nationale était équilibré et ils ont donc souhaité revenir à ce texte, qui permet en effet de garantir la sécurité sanitaire, en renforçant la transparence des liens d’intérêt et la pharmacovigilance et en créant une nouvelle agence du médicament. C’est ainsi que la commission a adopté l’amendement de Guy Lefrand, qui a été, de ce fait, intégré au texte que nous examinons.

Par souci de cohérence, je donne donc un avis défavorable à l’amendement n° 43 du Gouvernement.

M. Dominique Le Mèner. C’est clair !

M. le président. La parole est à M. Guy Lefrand.

M. Guy Lefrand. Je vous ai écoutée avec beaucoup d’intérêt, madame la secrétaire d’État, mais j’ai du mal à comprendre la distinction jésuitique que vous faites entre, d’une part, le moment où un médicament est présenté par un délégué et, d’autre part, le moment où celui-ci vérifie qu’il a été correctement prescrit et n’a pas posé de problèmes. Dans la vraie vie, ce n’est pas ainsi que les choses se passent. En fait, le délégué hospitalier présente à un médecin, dans le cadre d’une promotion ou d’une information, des médicaments qui n’ont pas encore été prescrits et, dans le même temps, il interroge le médecin sur ceux qu’il a déjà prescrits. Le dispositif que vous proposez est donc ingérable.

En outre, avant de rentrer dans le cadre de la convention, il va falloir demander au directeur de l’hôpital si l’on est déjà venu, si le praticien était convaincu et a prescrit les médicaments. C’est impossible !

Pour ces raisons, je demande, au nom du groupe UMP, le rejet de l’amendement n° 43 du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Monsieur Lefrand, je vois bien que vous jouez sur la prétendue opacité du dispositif. Mais les choses sont très claires. Bien entendu, une partie de l’activité des délégués hospitaliers consiste à faire la promotion de leurs produits ; c’est cette activité-là que nous voulons encadrer.

M. Guy Lefrand. Ils font les deux en même temps !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. L’autre partie de leur activité consiste à rencontrer le praticien afin de s’informer sur le bon usage du médicament et de s’assurer que les choses se passent bien avec la file active du médecin. Ces visites, qui n’ont pas de visée promotionnelle, peuvent continuer à s’exercer à titre individuel.

Je veux bien que vous cherchiez à ajouter une certaine confusion entre ces deux types d’activités.

M. Guy Lefrand. Pas du tout !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Mais, pour avoir travaillé près de vingt ans à l’hôpital, je sais comment se déroulent les visites médicales. De manière générale, la promotion de nouveaux produits – notamment au moment de la mise sur le marché, qui est importante pour un industriel qui développe un produit – se fait dans un cadre pluridisciplinaire, avec l’ensemble des médecins du service. Encore une fois, je puis vous le dire pour l’avoir moi-même vécu.

M. Guy Lefrand. Moi aussi !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. En revanche, lorsqu’il s’agit de suivre la vie du médicament en l’absence de nouvelles données scientifiques et de s’assurer de sa bonne utilisation, la visite individuelle reste de mise.

Il faut bien distinguer ces deux activités différentes.

(L’amendement n° 43 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 10.

La parole est à M. Guy Lefrand.

M. Guy Lefrand. Mme la secrétaire d’État me dira peut-être que je me trompe, mais j’ai cru comprendre que la visite collective s’appliquait à la fois aux médicaments et aux dispositifs médicaux. Là, je ne comprends plus du tout. Il va en effet falloir m’expliquer en quoi il est nécessaire qu’un praticien soit accompagné de deux ou trois de ses confrères lorsqu’on lui présente de nouveaux verres correcteurs, une nouvelle prothèse orthopédique ou auditive, voire un stéthoscope ou un stérilet. J’ai vérifié : ces articles entrent dans le champ des dispositifs médicaux.

Par cet amendement, nous proposons donc d’exclure les dispositifs médicaux du champ de la visite collective expérimentale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Robinet, rapporteur. J’entends bien ce que dit notre collègue Lefrand. Il est vrai qu’il faut parfois faire le distinguo entre les médicaments et les dispositifs médicaux, pour lesquels les visiteurs apportent surtout une aide technique au praticien hospitalier. Néanmoins, ainsi que je l’ai dit tout à l’heure, il convient de s’en tenir au texte issu de la première lecture à l’Assemblée nationale, qui était équilibré et suscitait un large consensus. J’émets donc un avis défavorable à l’amendement n° 10, mon cher collègue.

M. Guy Lefrand. Mais vous le regrettez !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Avis défavorable. Je ne peux pas imaginer que l’on exclue les dispositifs médicaux du champ de l’expérimentation. M. Lefrand a cité l’exemple d’une prothèse de hanche : dans un service de chirurgie orthopédique, l’équipe entière – anesthésiste, infirmiers, chirurgiens orthopédistes – est intéressée par une information sur ce type de produit. Dans ce domaine également – et pour ne citer que cet exemple –, la visite collective peut donc être expérimentée.

(L’amendement n° 10 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 9.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Il est défendu.

(L’amendement n° 9, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 19, amendé, est adopté.)

Article 19 bis

M. le président. L’article 19 bis a été supprimé par la commission.

Article 20

(L’article 20 est adopté.)

Article 20 bis

M. le président. L’article 20 bis a été supprimé par la commission.

Article 21

(L’article 21 est adopté.)

Article 22

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton, inscrite sur l’article 22.

Mme Catherine Lemorton. Alors que nous arrivons au terme de l’examen du texte, le groupe socialiste, radical et citoyen n’a toujours pas obtenu de réponse à la question qu’il a posée sur le bien-fondé du GIP dont il est question à l’article 22 et qui apparaît comme l’instrument d’une OPA de la CNAM sur les données de santé de nos concitoyens.

Je rappelle que l’une des missions que le législateur a confiées, par la loi du 13 août 2004, à l’Institut des données de santé – IDS – consiste à veiller à la mise à disposition de ses membres et, notamment, de la Haute autorité de santé, à des fins de gestion du risque maladie ou pour des préoccupations de santé publique, des données issues des systèmes d’information de ses membres.

La CNAM, qui gère par délégation du législateur le Système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie – le SNIIRAM – est membre de l’Institut des données de santé. Dès son installation en mars 2007, l’IDS a autorisé des accès et des extractions de données du SNIIRAM à des fins d’études et de recherches en santé publique. Elles couvrent la pharmaco-épidémiologie et la pharmaco-vigilance.

L’examen des accès et des extractions s’appuie sur une charte de déontologie, un comité d’experts présidé par M. Sicard, ancien président d’honneur du comité consultatif national d’éthique – un comité que la commission des affaires sociales auditionne régulièrement – et fait ensuite l’objet d’une autorisation de la part de la CNIL.

Les conclusions des Assises du médicament et des rapports de l’IGAS, de l’Assemblée nationale et du Sénat, suite à l’affaire du Mediator, ont mis en évidence la nécessité d’utiliser plus largement les données du SNIIRAM à des fins d’études et de recherches en santé publique dans l’intérêt des patients.

Les éléments développés ci-dessus conduisent à s’interroger sur l’opportunité, compte tenu du contexte budgétaire, de créer un nouveau GIP, alors que les missions qui lui seraient confiées sont déjà assurées par l’IDS. Ce dernier a mis en place une organisation garantissant la qualité scientifique, le respect de la protection des données personnelles et l’intérêt de santé publique.

Pour ce qui est de sa composition, le nouveau GIP est restreint à quatre acteurs, alors que l’IDS rassemble l’ensemble des acteurs de la santé, ce qui est un gage de transparence. J’en veux pour preuve la présence des associations de patients, notamment le collectif inter-associatif sur la santé – le CISS – que vous avez évoqué tout à l’heure, monsieur le rapporteur, au sujet d’un autre article.

Nous aimerions savoir à quoi va servir le GIP, pourquoi il est restreint, sous autorité de la CNAM, et pourquoi les patients en sont exclus – ce qui n’est pas le cas dans d’autres dispositifs, preuve, s’il en faut, que vous les associez ou les excluez en fonction des circonstances, à votre convenance. Bref, pouvez-vous nous dire pourquoi l’Institut des données de santé ne convient pas – ou ne convient plus ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. L’objet de l’article 22 est de structurer les compétences de deux agences sanitaires en matière de pharmaco-épidémiologie. Il s’agit également de permettre un accès aux données du SNIIRAM, sur des critères garantissant le bon usage de ces données. Celles-ci ne doivent pas servir à des fins commerciales, mais exclusivement à des impératifs de santé publique et, bien sûr, ne pas être susceptibles d’être utilisées pour nuire, notamment aux intérêts de l’assurance maladie.

Pour ce qui est de l’IDS, sa mission principale est de veiller à la qualité des données de santé et à l’échange des données entre ses membres, notamment entre l’assurance maladie obligatoire – l’AMO – et l’assurance maladie complémentaire – l’AMC. Le GIP et l’IDS ont donc deux finalités totalement différentes. Élargir la composition du GIP à d’autres acteurs que les seules agences sanitaires concernées risquerait de lui faire manquer ses deux objectifs car, dans un domaine où elles ont toutes à progresser, les agences sanitaires nuiraient à son efficacité de task force. Par ailleurs, on risque de réintroduire des conflits d’intérêts, alors que les membres du GIP sont les mieux placés pour juger de la pertinence de donner ou non l’accès au SNIIRAM, en fonction du cahier des charges de l’étude concernée. Telles sont les précisions que je souhaitais vous apporter, madame Lemorton.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Ce que nous ne comprenons pas, monsieur le rapporteur, c’est que l’Institut des données de santé a été mis en place sous le ministère de Xavier Bertrand, alors ministre de la santé. Ayant retrouvé cette fonction depuis novembre 2010, il ne semble plus satisfait de l’IDS et décide, sans la justifier, la création d’un GIP. Pourquoi laisser toutes les compétences à la CNAM, y compris celles relatives à la déontologie, jusqu’alors confiées à l’IDS ? Les raisons invoquées ne nous convainquent pas.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Je vais, à mon tour, tenter d’éclairer Mme Lemorton.

L’une des missions de l’IDS, consistant à veiller à la qualité des données de santé, est assurée par les membres de l’UNOCAM et l’INSERM, en relation avec les industriels. Quant au GIP, il a pour mission d’exploiter les données et d’autoriser l’accès au système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie lorsque la réalisation d’études de pharmaco-vigilance ou de pharmaco-épidémiologie le nécessite. Ce groupement est public et sanitaire à 100 %. Comme on le voit, les deux organismes ont des missions bien distinctes et font intervenir des acteurs différents. C’est pourquoi la création du GIP a toute sa pertinence dans ce projet de loi.

(L’article 22 est adopté.)

Article 23

(L’article 23 est adopté.)

Article 24

M. le président. Sur l’article 24, je suis saisi d’un amendement n° 39.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Coordination, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Favorable.

(L’amendement n° 39 est adopté.)

(L’article 24, amendé, est adopté.)

Article 26

(L’article 26 est adopté.)

Article 27

M. le président. Je suis saisi par le Gouvernement d’un amendement n° 44.

La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour le soutenir.

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Favorable.

(L’amendement n° 44 est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 27 est ainsi rédigé.

Article 28

M. le président. Je suis saisi par le Gouvernement d’un amendement n° 45.

La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour le soutenir.

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Favorable.

(L’amendement n° 45 est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 28 est ainsi rédigé.

Article 29

M. le président. Je suis saisi par le Gouvernement d’un amendement n° 46.

La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour le soutenir.

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Favorable.

(L’amendement n° 46 est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 29 est ainsi rédigé.

Article 30

M. le président. Sur l’article 30, je suis saisi par la commission d’un amendement rédactionnel, n° 40.

(L’amendement n° 40, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi par la commission d’un amendement rédactionnel, n° 41.

(L’amendement n° 41, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 30, amendé, est adopté.)

Article 30 bis A

M. le président. L’article 30 bis A a été supprimé par la commission.

Je suis saisi d’un amendement n° 23.

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. L’amendement n° 23 vise à introduire les actions de groupe en matière sanitaire. Je veux tout d’abord préciser que, dans notre esprit, ce dispositif n’est pas celui de la class action. Aux États-Unis, les cabinets d’avocats recherchent la moindre opportunité de gagner des affaires lucratives, permettant d’assurer le train de vie du cabinet en profitant de la défectuosité d’un produit, qu’il soit industriel ou médicamenteux.

Les actions de groupe, telles que nous les concevons, ne concernent que des actions menées par des associations représentatives de patients. À cet égard, des propositions importantes ont été faites par des associations aussi représentatives et reconnues que l’UFC-Que Choisir, la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés – la FNATH – et le Collectif inter-associatif sur la santé – le CISS.

L’actualité sanitaire nous montre à quel point ces actions seraient utiles. Dans l’affaire du Mediator, en dépit de la mise en place d’un dispositif visant à accélérer l’indemnisation des victimes, on sait que les expertises sont extraordinairement difficiles pour les victimes, confrontées à des avocats rompus à ce genre d’exercice et habiles à ralentir la procédure par toutes sortes de manœuvres. En février dernier, à Rennes, une patiente a été victime d’un arrêt cardiaque après avoir été soumise à une expertise judiciaire ayant duré quatre heures.

Au-delà de ce cas extrême, les victimes et leurs représentants s’accordent pour dire que les expertises sont toujours dures. Les laboratoires Servier s’emploient en effet à écarter, sous des motifs divers et souvent fallacieux, les experts choisis par les victimes pour les assister.

L’action de groupe aurait vocation à être mise en œuvre dans le cadre de tous les drames sanitaires, pas seulement du Mediator, dès lors que le dommage a concerné un nombre significatif de patients, qui sont autant de victimes. L’existence d’une telle procédure constituerait un moyen de dissuasion pour les firmes qui seraient tentées de prolonger la vie commerciale de leurs produits en ne tenant compte que de la rentabilité, en dépit des alarmes de pharmacovigilance. Comment ne pas penser qu’une telle dissuasion aurait été utile dans l’affaire du Mediator – et dans bien d’autres, sans doute.

Aux États-Unis, il est très rare que l’agence fédérale retire un produit. En effet, dès qu’un laboratoire fait l’objet d’une alerte de pharmacovigilance significative, il retire lui-même le produit concerné afin d’éviter qu’une class action, qui coûte généralement très cher, ne lui soit intentée. Ainsi, le laboratoire Wyeth-Ayerst a-t-il retiré le Redux – équivalent commercial de l’Isoméride – en 1997, alors que ce produit n’était sur le marché que depuis deux ans. Ayant dû régler des milliards de pénalités, Wyeth-Ayerst a ensuite été racheté par Pfizer.

En France, alors que l’Isoméride a été présent sur le marché beaucoup plus longtemps, il n’y a eu que trois condamnations, prononcées à l’issue de véritables parcours du combattant, ayant parfois duré sept ou huit ans, pour les victimes. C’est ce qui explique que la plupart des victimes abandonnent la procédure en cours de route, ayant perdu tout espoir d’obtenir l’indemnisation de leur préjudice.

C’est un souci de solidarité et de justice qui nous anime, madame la ministre. Nous espérons également, comme je l’ai expliqué, que la simple existence des actions de groupe incite les laboratoires à accorder une plus grande attention aux alertes de pharmacovigilance. Nous tenons donc beaucoup aux actions de groupe qui, je le rappelle, faisaient l’objet de la proposition 52 du rapport d’information sur le Mediator de notre collègue Jean-Pierre Door : « Envisager (…) l’octroi aux associations représentatives de patients de la possibilité de demander en justice réparation au nom de leurs mandants ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Défavorable.

Les contradictions dans les arguments invoqués par vous, monsieur Bapt, et vos collègues sénateurs, montrent que vous n’êtes pas mûrs sur le sujet. Ainsi, vous nous dites que votre proposition ne correspond pas aux class actions américaines, alors que le sénateur rapporteur arguait du fait que les avocats étaient favorables à l’introduction d’un tel dispositif – ce qui veut tout dire.

Par ailleurs, alors que vous vouliez tout à l’heure que soient exclues du conseil d’administration de l’agence les associations de patients financées par l’industrie pharmaceutique, notamment le CISS, vous citez maintenant ce même CISS comme exemple d’association susceptible de mener une action de groupe. Vous conviendrez qu’il y a là une certaine incohérence.

Il me semble peu opportun d’instaurer la mise en place des actions de groupe par le biais d’un amendement dans le cadre du projet de loi relatif au médicament.

Le ministère de la justice, les professionnels et les associations n’ont pas été consultés.

M. Gérard Bapt. Ce n’est pas vrai !

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Par ailleurs, je suis persuadé que ce texte comporte des imperfections rédactionnelles qui ne permettent pas de l’adopter en l’état.

En outre, l’action de groupe, que vous proposez, ne permettrait pas d’offrir une indemnisation personnalisée aux victimes à la hauteur des préjudices subis.

De surcroît, il n’est pas précisé s’il s’agit d’un système d’opt in ou d’opt out qui permet d’engager une action sans que les victimes soient consultées. C’est là un point très important.

Enfin, la mesure que vous proposez mériterait un texte plus général, incluant tous les domaines – y compris, bien sûr, celui de la santé. La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Défavorable. Comme l’a dit le rapporteur, l’introduction d’une action de groupe ne respecterait pas le principe fondamental de la réparation intégrale du préjudice corporel.

Vous avez parlé tout à l’heure du délai de la procédure. L’action groupée ne permettrait pas forcément de le raccourcir ; on le voit d’ailleurs aux États-Unis, où les procédures peuvent être extrêmement longues, avec des procès qui durent plus de deux ans et qui peuvent aller jusqu’à dix ans pour certaines actions de groupe, contre trois mois pour des médiations.

M. Gérard Bapt. Mais la médiation, ce n’est pas pareil ! Vous n’êtes pas sérieuse !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Vous refusez cette comparaison, mais c’est tout de même la réalité !

Enfin, la question de l’action de groupe dépasse le seul champ de la santé. Je rejoins l’avis du rapporteur quand il dit que la démarche collective mériterait un véritable débat, une concertation élargie, et pas seulement le vote d’amendement au cours de l’examen d’un projet de loi concernant la santé.

M. Guy Lefrand. La question est : quand aurons-nous cette occasion ?

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt. Je vous remercie d’être bref car, tout à l’heure, vous avez largement développé vos arguments.

M. Gérard Bapt. Je voudrais simplement rappeler à Mme la secrétaire d’État que le président Chirac avait dit son intention d’aller vers les actions de groupe.

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Ce n’est pas la question ici !

M. Gérard Bapt. Par ailleurs, cinquante députés de la majorité ont déposé une proposition de loi visant à mettre en place des actions de groupe. Mais sans doute ne sont-ils pas ici ce soir !

Mme Catherine Lemorton. Si, j’en vois un !

M. Gérard Bapt. En effet, l’un d’entre eux est là. J’espère qu’il dira son opinion : c’est bien le moins quand on signe des textes !

Les associations de patients ont été reçues par les différentes missions. Nous avons eu de nombreux débats avec des associations comme l’UFC-Que choisir, la FNATH ou le CIS. Il n’est donc pas sérieux de dire qu’il n’y a pas eu de concertation. Ces associations nous ont elles-mêmes présenté des projets d’amendements amplement travaillés. De même, vous ne pouvez pas nous dire que les procédures judiciaires individuelles vont plus vite que les actions de groupe.

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Je n’ai pas dit cela ! J’ai dit que cela pouvait être long.

M. Gérard Bapt. Je pense au cas de l’une des trois victimes ayant obtenu réparation dans l’affaire de l’isoméride. La personne en question est d’ailleurs décédée, malheureusement, avant la fin : c’est son époux qui, au bout de neuf ans, a obtenu une indemnisation de 160 000 euros. Il y a eu trois cas d’indemnisation pour l’isoméride, alors que des millions de personnes ont consommé ce produit pendant plus de dix ans !

Madame la secrétaire d’État, vous vous arc-boutez ; vous refusez ces actions de groupe en nous disant que ce n’est pas adapté au domaine sanitaire. Pourtant, si vous vouliez bien les mettre en place, des dispositifs permettraient que, une fois le lien de causalité établi par l’action de groupe –l’association estant en justice au nom de ses mandants, qui sont consentants, et non pas, comme nous le dit le rapporteur, dans l’ignorance de l’action menée –l’individualisation se fasse ensuite, de façon à fixer le niveau d’indemnisation en fonction du dommage causé à la victime.

Ce sont donc de mauvaises raisons. Vous allez désespérer, une fois de plus, les associations de victimes, qui ont été vraiment très patientes. Elles pensaient pourtant qu’avec ce texte, concernant l’affaire du Mediator – qui a d’ailleurs occasionné la mise en place d’un fonds d’indemnisation –, on allait aussi parler de l’indemnisation des personnes victimes des effets indésirables de ce médicament. Je déplore votre décision. Ce sujet sera l’un des thèmes du débat que nous mènerons en matière de santé publique à l’occasion de la prochaine élection présidentielle.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je veux moi aussi donner mon avis sur ce débat, qui est tout de même assez surréaliste, puisqu’il s’agit, dans un contexte de drames humains – il faut appeler les choses par leur nom –, d’aider les patients. Le ministre nous dit toujours : priorité aux droits des patients. C’en est là un exemple évident. Comme je l’ai déjà dit dans le débat, les actions de groupe sont d’abord dissuasives à l’égard des laboratoires.

Vous parlez de la longueur des procédures, que l’on peut, bien sûr, déplorer. Cependant, cela s’observe, hélas ! dans d’autres domaines. Par ailleurs, vous ne pouvez pas prouver que les procédures individuelles vont plus vite. Il va de soi qu’il faut essayer d’aller le plus vite possible, dans tous les cas. L’action de groupe serait un moteur pour défendre les patients rassemblés et les indemniser plus vite.

Vous nous dites qu’avec cet amendement nous les instaurerions seulement dans le domaine de la santé, alors qu’il faudrait le faire plus largement. Mais qu’attendez-vous ? D’ailleurs, là n’est pas le sujet. Commençons par le faire dans un domaine très douloureux et pour lequel la question est immédiatement posée. D’ailleurs, comme l’a rappelé très justement M. Bapt, et contrairement à ce que vous affirmez, le débat avec les associations a eu lieu.

Si nous insistons à ce point, c’est précisément parce qu’elles-mêmes, aux prises avec des difficultés insurmontables, nous en ont parlé depuis longtemps. À cet égard, je ne reviendrai pas sur ce qu’a dit Gérard Bapt à propos des rapports qui préconisent cette mesure.

Bref, vos arguments ne tiennent vraiment pas. C’est un sujet qui comptera pour la suite et qui participe de la déception que nous ressentons s’agissant de ce texte, pourtant annoncé comme important.

(L’amendement n° 23 n’est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 30 bis A demeure supprimé.

Article 30 bis

M. le président. La commission a supprimé l’article 30 bis.

La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour défendre l’amendement n° 24.

Mme Catherine Lemorton. Il s’agit de rétablir le nom que le Sénat avait proposé pour la commission de la transparence. En effet, le libellé actuel n’a pas grand sens. Nous aimerions que cette commission s’appelle la commission de l’intérêt thérapeutique. Vous allez me dire que cette modification est d’ordre cosmétique. Pas du tout ! Une « commission de la transparence », cela ne veut rien dire, contrairement à une « commission de l’intérêt thérapeutique ». En effet, dans le cas de certains médicaments, la commission de la transparence a statué, s’est exprimée et son avis n’a pas été suivi d’effet. J’en donnerai deux exemples. Le plus récent – pour l’instant, car je vous fais confiance, madame la secrétaire d’État, pour continuer dans cette voie ! – est celui des anti-Alzheimer. La commission, qui s’appelle encore « de la transparence »,…

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Et qui va continuer à s’appeler ainsi ! (Sourires.)

Mme Catherine Lemorton. …et qui évalue l’intérêt, le progrès thérapeutique que permet un produit, vient de dégrader l’amélioration du service médical rendu par les anti-Alzheimer. L’ASMR a été jugée « faible » à deux voix près. Il s’agissait de ne pas tomber à « insuffisant », ce qui aurait généré automatiquement le déremboursement.

Or, aujourd’hui, que se passe-t-il ? La commission dite de la transparence a fait son travail correctement. Les médicaments anti-Alzheimer ne sont prescrits, par définition, que pour les gens malheureusement atteints par la maladie d’Alzheimer. Or cette pathologie est remboursée à 100 % car elle est reconnue comme affection de longue durée. C’est là que nous intervenons : si le politique ne prend pas des mesures visant à faire baisser drastiquement les prix, l’industrie pharmaceutique peut dormir sur ses deux oreilles. Les médicaments seront toujours remboursés à 100 % et au même prix, quand bien même on aurait dégradé l’ASMR. J’attends donc de votre part une réponse claire et précise sur ce point.

Mais je prendrai un second exemple de situation dans laquelle vous vous êtes assis – comme très souvent, d’ailleurs – sur l’avis de la commission de la transparence. En octobre 2009, en pleine pandémie de H1N1, cette commission a déclaré que l’oseltamivir, autrement appelé Tamiflu, n’amenait aucune amélioration sur la co-morbidité et la co-mortalité dans le cas des grippes. Eh bien, Mme Bachelot, prédécesseur de M. Bertrand, a pris la décision d’en faire prescrire par les généralistes à toute personne qui éternuait dans la rue, quinze jours avant d’admettre que sa campagne de vaccination avait échoué.

M. le président. Merci de conclure, ma chère collègue.

Mme Catherine Lemorton. Franchement, vu l’avis rendu deux mois avant par la commission de la transparence, il eût été plus prudent de ne pas généraliser cette prescription. D’où l’intérêt de cet amendement, qui vise à bien définir ce qu’est une commission jugeant de l’intérêt thérapeutique d’un médicament.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Avis défavorable, mais je souhaite apporter un éclairage à Mme Lemorton s’agissant des médicaments anti-Alzheimer. Le service médical rendu a été considéré comme faible, conduisant à une baisse du remboursement. Or toute baisse du taux de remboursement entraîne une renégociation du prix par le Comité économique des produits de santé. Je peux vous dire que cette renégociation sera dès demain à l’ordre du jour pour le CPES.

(L’amendement n° 24 n’est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 30 bis demeure supprimé.

Article 30 ter

M. le président. La commission a supprimé l’article 30 ter.

Articles 31 et 32

(Les articles 31 et 32, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 34

M. le président. Sur l’article 34, je suis saisi d’un amendement n° 11.

La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. La presse s’est fait largement l’écho des problèmes d’approvisionnement que connaissent les officines pour certains médicaments. Les prix plus élevés de certains médicaments dans les pays voisins incitent en effet les intermédiaires à les revendre à l’étranger, au risque de ruptures d’approvisionnement sur le territoire national.

Cet article instaure donc une obligation de déclaration en cas d’exportation de médicaments et autorise la pratique, pour les médicaments destinés à l’exportation, de prix différents de ceux qui résultent de la réglementation des prix en France. Le présent amendement avait été soutenu par le sénateur Bruno Gilles. Il me semble intéressant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Robinet, rapporteur. L’article 34, que nous avons introduit en première lecture, vise à lutter contre les difficultés d’approvisionnement en évitant des abus sur les ventes de médicaments à l’étranger par les grossistes.

Pour cela, nous instaurons une obligation de déclaration des ventes pour les médicaments les plus sensibles – comme les anti-cancéreux, les anti-rétroviraux et les traitements contre l’asthme ou l’épilepsie –, qui sera précisée par un arrêté du ministre. Vous proposez de la supprimer, rendant inopérant le dispositif. En conséquence, je suis défavorable à cet amendement, qui n’a pas été examiné par la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Même avis que le rapporteur.

(L’amendement n° 11 n’est pas adopté.)

(L’article 34 est adopté.)

Articles 35 à 37

(Les articles 35 à 37, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Jean-Luc Préel. Il s’agit d’un projet de loi important, attendu, nécessaire et équilibré. Nécessaire parce qu’il convient de rendre confiance à nos concitoyens dans le médicament après le problème de la vaccination H1N1, de la publication d’une liste de médicaments sous surveillance, et surtout de l’affaire du Mediator.

Certes, comme l’indiquait l’IGAS, le laboratoire Servier a « roulé tout le monde dans la farine », mais on ne peut pas dire que l’agence du médicament puisse être dédouanée de ce drame. Il était donc nécessaire de reprendre l’ensemble de la chaîne du médicament pour aller vers une meilleure transparence.

Régler le problème des liens d’intérêt en les rendant publics ; ne pas siéger ni participer aux votes en tant qu’expert lorsque l’on a participé à la recherche et au développement d’un médicament ; rendre publics les comptes rendus des commissions avec les avis et les votes ; tout cela paraît effectivement nécessaire. Tout comme décider que les études se font non plus contre placebo mais versus un traitement de référence ; renforcer la pharmacovigilance, qui est la clé de la sécurité, en favorisant et en simplifiant les déclarations d’effet indésirable, car aujourd’hui – nous l’avons vu lors de la mission sur le Mediator –, de nombreux professionnels ne déclarent pas en raison de la complexité des formulaires à remplir ; renforcer les comités régionaux de pharmacovigilance en moyens humains et financiers, afin de leur permettre de remplir leur rôle ; et demander régulièrement de nouvelles études, notamment en cas d’apparition d’effets indésirables après la mise sur le marché.

Nous avons des doutes, que nous avons exprimés tout à l’heure, sur la visite collective à l’hôpital. Je ne suis pas sûr qu’elle puisse fonctionner correctement.

De même, nous pensons que l’on aurait pu simplifier l’organisation générale et ne pas maintenir l’agence du médicament et la commission de la transparence dépendant de la Haute autorité de santé. Nous avons d’ailleurs très intéressés par dernière publication de la HAS, qui demande un rapprochement entre l’agence du médicament et la Haute autorité de santé. Cela paraît tout à fait souhaitable.

Le groupe Nouveau Centre votera ce texte, car il est attendu, important et équilibré. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe GDR.

Mme Jacqueline Fraysse. C’est sous le signe du courage que l’UMP a lancé la campagne pour la réélection du Président de la République. Or le courage est précisément ce qui a manqué dans ce projet de loi.

Bien évidemment, ce texte a permis quelques avancées, que je ne rejette pas en bloc, mais, chaque fois, vous n’avez pu vous empêcher d’en atténuer la portée, comme si vous étiez constamment tiraillés entre l’intérêt des patients, objet de vos plus belles déclarations, et celui des industriels, qui semblent être l’objet réel de toutes vos attentions.

Il est assez symptomatique, à cet égard, que le LEEM, le syndicat des entreprises du médicament, n’ait finalement rien trouvé à redire sur votre texte, sinon quelques protestations de rigueur sur des points de détail sans lesquels la connivence aurait été trop flagrante. Ainsi, les laboratoires pharmaceutiques pourront continuer à placer leurs anciens salariés à des postes clés, puisque les conflits d’intérêts ne seront pas interdits – comme nous l’avions proposé – mais simplement encadrés. Et je parle bien de « conflits » d’intérêt.

De même, les conventions passées par les laboratoires seront rendues publiques… mais pas leur contenu ! On voit à quel point cela se vide de sens.

Vous dites, et ne cessez de répéter, que le doute profitera aux patients. Mais le débat que nous venons d’avoir sur les actions de groupe montre que si vous voulez aider les patients, vous ne voulez tout de même pas aller trop loin dans cette aide. Vous acceptez même des dispositions qui leur sont défavorables : puisqu’ils les réclament, c’est sans doute qu’ils pensent que c’est utile !

Au bout du compte, grosso modo, les choses vont pouvoir continuer comme avant car, sur le fond, le Gouvernement considère que l’on peut admettre une petite dose de conflit d’intérêts pourvu que l’on ne dépasse pas le tact et la mesure, par exemple. Il réduit donc l’ambition de ce texte et le courage affiché à seulement encadrer ces conflits.

Nous considérons au contraire qu’il ne faut pas transiger avec les conflits d’intérêt. On ne parle pas ici, je le rappelle, de produits inoffensifs, mais de produits actifs, portés par des stratégies industrielles et commerciales qui peuvent évidemment rapporter des milliards, et qui peuvent sauver des vies, fort heureusement, mais aussi causer des centaines de victimes – nous l’avons vu ! Il ne peut donc pas y avoir de demi-mesure.

Je conclurai en précisant d’ailleurs que ce projet de loi n’est pas encore adopté…

M. Guy Malherbe. Cela ne va pas tarder !

Mme Jacqueline Fraysse. …que déjà l’AFSSAPS en fournissait une preuve aussi éclatante que mal venue en promouvant une ancienne salariée de Servier qui, pendant des années, a assuré le suivi du Mediator au sein de l’Agence – probablement en toute connaissance de cause, et avec le succès que l’on connaît. Je parle du succès pour le laboratoire Servier, bien évidemment !

Cet exemple n’est malheureusement pas le vestige d’une époque révolue. Rien dans ce texte ne permet de s’opposer à cette nomination dont le ministre lui-même a accepté de dire qu’elle était incongrue. Vous en conviendrez, cela est, hélas, très révélateur des limites de la portée du texte sur lequel nous sommes amenés à nous prononcer.

Je l’ai dit, je le répète : nous avions beaucoup d’espoir, parce que nous avons cru les déclarations apparemment sincères du ministre. Nous sommes donc profondément déçus de devoir voter contre ce texte dans lequel nous avions mis tant d’espoirs.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. Alors, votez pour !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Catherine Lemorton. En première lecture, le groupe socialiste, radical et citoyen s’était abstenu. Des avancées étaient là, pas suffisantes, mais le Sénat venant de basculer à gauche, nous donnions une seconde chance à ce texte. Cette seconde chance a été au rendez-vous : le texte sorti du Sénat était garant qu’il n’y ait plus jamais un Mediator.

Vous en avez décidé autrement en faisant échouer la commission mixte paritaire. Puis, en commission des affaires sociales, vous êtes revenus au texte initial de l’Assemblée. Et là, il manque des choses.

Mais commençons par les points positifs.

Merci pour la base médicaments, pas tant parce que c’est un cadeau de Noël pour moi, mais surtout pour les patients et les professionnels de santé.

Merci pour les tests contre comparateurs, que nous demandions depuis trois ans sur les bancs de l’opposition.

Merci pour la révision quinquennale systématique de tous les médicaments…

M. Guy Malherbe. Que de mercis, n’en jetez plus !

Mme Catherine Lemorton. …même si le nouveau directeur de l’Agence nationale du médicament et des produits de santé risque de se retrouver confronté à une tâche immense.

S’agissant de l’article 32, sur lequel nous ne nous sommes pas arrêtés, merci pour la protection des lanceurs d’alerte que peuvent être les visiteurs médicaux, qui essaient de faire leur travail correctement. J’espère que cet article leur sera appliqué et qu’ils pourront lancer des alertes sans être arrêtés par la direction marketing de leur laboratoire, leur disant : « Trop d’effets secondaires ; pour l’instant, on ne remonte pas les alertes. », comme cela nous a été rapporté.

M. Jean-Luc Préel. Avec tant de mercis, vous allez finir par voter ce texte !

Mme Catherine Lemorton. Mais après, viennent les points négatifs.

Vous n’avez pas accepté les aléas thérapeutiques, longuement évoqués par notre collègue Bapt et par moi-même.

Vous n’avez pas accepté les actions de groupe, écartant la souffrance de ces personnes.

Vous ne donnez pas les moyens d’une formation initiale et continue des professionnels de santé éloignée de l’industrie pharmaceutique. Je m’en étais exprimée dès juin, à propos de la loi d’autonomie des universités.

Vous n’acceptez pas de voir si l’on est capable de créer des groupes d’experts indépendants. Quant à la caricature qu’en a fait M. Door, je préfère ne pas y revenir. Ceux qui nous regardent aujourd’hui à travers la TNT seront très contents de s’entendre traités par lui de rats de laboratoire qui ne sortent jamais de chez eux. C’était parfait !

Vous ne voulez pas non plus revenir sur les campagnes de vaccination. Pour vous, c’est de la santé publique que de confier aux industriels le lancement d’une campagne de vaccination. Vous serez satisfait d’apposer le tampon « Bon pour le service » dès lors que le message délivré sera le bon. Mais quand on voit que certaines campagnes de vaccination nécessitent trois injections à près de 400 euros, on comprend qu’un industriel sera plus intéressé à faire promotion de ce vaccin que de celui, bien moins cher, de la rougeole.

Pour toutes les dernières raisons que je viens d’évoquer, nous ne nous abstiendrons pas, nous voterons contre ce texte.

M. Guy Malherbe. Quelle déception !

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

5

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :

Projet de loi relatif à la rémunération pour copie privée.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt-cinq.)