XVe législature
Session ordinaire de 2021-2022

Première séance du jeudi 27 janvier 2022

Sommaire détaillé
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Première séance du jeudi 27 janvier 2022

Présidence de M. Marc Le Fur
vice-président

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à neuf heures.)

    1. Lois de financement de la sécurité sociale

    Nouvelle lecture

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, des propositions de loi organique (nos 4495, 4924) et ordinaire (nos 4496, 4925) relatives aux lois de financement de la sécurité sociale.

    Présentation commune

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles

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    Nous sommes réunis pour répondre aux enjeux de la gouvernance des finances sociales, en examinant en nouvelle lecture la proposition de loi organique et la proposition de loi ordinaire relatives aux lois de financement de la sécurité sociale (LFSS).
    Ces deux textes, présentés par le rapporteur général de la commission des affaires sociales Thomas Mesnier, vous proposent de franchir un pas supplémentaire dans l’appréhension progressive du champ, encore assez neuf, des finances sociales par le Parlement : il s’agit là d’une mission essentielle de votre assemblée.
    Les propositions qui vous sont soumises s’inscrivent aussi et surtout dans un contexte très spécifique pour les finances publiques en général et pour les finances sociales en particulier. Ces thèmes sont plus que jamais d’actualité puisque la trajectoire financière de la LFSS que vous avez votée en fin d’année dernière, il y a quelques jours seulement, fait apparaître un déficit de la sécurité sociale qui pourrait encore dépasser 20 milliards d’euros en 2022.
    Il ne faut pas avoir honte de ce déficit car il est le symptôme de l’effort inouï entrepris par la sécurité sociale pour tous nous protéger dans cette crise majeure, grâce à notre système de santé mais aussi au filet de sécurité qu’elle représente. Il est aussi la résultante du décrochage brutal de l’activité en 2020. Si la croissance repart très fortement, démontrant ainsi la pertinence de l’action du Gouvernement, elle ne suffira malheureusement pas pour effacer complètement les effets durables de la baisse d’activité en 2020.
    La sécurité sociale est certes une gigantesque machine assurantielle mais cette machine n’est pas composée de lignes comptables abstraites : elle est intimement liée à la vie des Français et aux épreuves collectives qu’ils traversent. En disant cela, nul n’ignore ou ne conteste le fait que nous devrons rétablir l’équilibre des comptes, parce que c’est aussi cela qui fait la force de la sécurité sociale, mais, convenez-en, il ne serait pas crédible, et ce serait même contre-productif, de faire une purge en sortie de crise.
    Il faut apporter une réponse durable à cette situation : à cette aune, une réforme d’ampleur des LFSS constitue une base de reconstruction d’une sécurité sociale mieux assise, plus solide et plus efficace.
    Pour ce faire, la proposition de loi organique initiée par Thomas Mesnier procède à une modification ambitieuse. Je ne reviendrai pas sur ce que vous avez voté en première lecture. Vous le savez, le texte dont vous avez déjà discuté comprend de multiples progrès en matière d’information du Parlement et de qualité des débats.
    Vous le savez également, le Sénat a introduit plusieurs dispositions contre l’avis du Gouvernement, lesquelles nous apparaissaient difficilement applicables ou contre-productives. Le texte que vous avez amendé en commission me semble plus équilibré et plus à même d’atteindre les objectifs initiaux d’amélioration du pilotage et du suivi des comptes sociaux.
    Par rapport au texte initial, la version qui vous est soumise ajoute notamment un dispositif d’avis en cas de dépassement des plafonds d’emprunt, une précision relative au format des données annexées ou l’introduction d’un rapport trimestriel au Parlement lorsque les conditions générales de l’équilibre financier sont remises en cause. Une annexe permettra également de mieux suivre les états comptables des établissements de santé, étant entendu que ces informations seront nécessairement fournies à un niveau suffisamment agrégé pour être exploitables.
    Enfin, le rapporteur vous proposera par voie d’amendement de renforcer encore l’information du Parlement lorsque les dotations aux agences devront être substantiellement augmentées en cours d’exercice, comme cela a pu être le cas pour Santé publique France (SPF).
    J’ai l’espoir que votre vote et les échanges constructifs entre les deux assemblées aboutiront à une version consensuelle du texte à même d’être adoptée rapidement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. Thomas Mesnier, rapporteur de la commission spéciale.

    M. Thomas Mesnier, rapporteur de la commission spéciale

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    Rares sont les moments, nous ne le savons que trop bien, où nous pouvons prendre le temps de la réflexion sur notre pratique parlementaire. Plus rares encore sont ceux où nous pouvons avoir la chance de modifier les conditions dans lesquelles nous examinons démocratiquement le budget social de la nation.
    André Fanton, le rapporteur de la première loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, adoptée en 1996, souhaitait « en finir avec le silence du Parlement ». Force est de constater qu’après une seconde réforme organique en 2005 et vingt-cinq ans de pratique, le Parlement s’exprime désormais chaque automne de façon approfondie sur les finances sociales.
    L’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) offre l’occasion de discuter démocratiquement de plus de 600 milliards d’euros de dépenses, l’effort de politique publique le plus massif de notre nation.
    Ses praticiens, que je vois réunis sur les différents bancs de l’hémicycle, connaissent sa valeur, la diversité des sujets qu’elle permet d’aborder, qu’il s’agisse de la santé de nos concitoyens, de leurs familles, de leur maintien en autonomie et, plus généralement, de la protection envers l’ensemble des risques sociaux.
    Ce texte unique, cette vigie sur les moyens que la nation affecte à notre sécurité sociale et sur la manière dont nous choisissons de les répartir, constitue un acquis démocratique indispensable. Je sais qu’il existe parfois la tentation de rapprocher les lois de financement et les lois de finances de l’État, notamment pour ce qui relève des discussions sur les recettes. Ce serait à mon sens une erreur funeste, pour au moins trois raisons.
    Tout d’abord, cela n’aurait pas de sens, compte tenu du maintien d’une partie rectificative de l’année en cours au sein des lois de financement, ce qui aboutirait à découper le texte en parties incohérentes. Ensuite, la lisibilité des débats n’en serait pas plus grande, puisque l’expérience montre que la grande majorité des mesures de recettes discutées au sein de la loi de financement ont un impact direct dans le seul champ de la sécurité sociale. Enfin, cela ne permettrait même pas de gagner du temps parlementaire, si c’est bien ce que les promoteurs de cette idée recherchent, puisque la loi de financement est régulièrement examinée dans son ensemble en un temps contraint, comme nous ne le savons que trop bien. À l’inverse, un débat commun aurait pour seul effet de repousser l’examen des recettes de la sécurité sociale en fin de débat, amoindrissant la qualité du contrôle démocratique que nous exerçons à leur endroit.
    La loi de financement est donc désormais bien inscrite à l’intersection des démocraties parlementaire et sociale. Mais si le Parlement n’est plus silencieux, dispose-t-il pour autant des moyens de se faire entendre ?
    Mon expérience de parlementaire, puis de rapporteur général depuis deux ans, m’a permis de m’attacher à cet exercice mais aussi d’en constater les limites. C’est tout le sens et l’ambition de la proposition de loi organique que j’ai déposée il y a plus de six mois sur le bureau de notre assemblée.
    Issu de nombreuses réflexions que partagent le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFIPS), la Cour des comptes ou encore nos homologues du Sénat, ce texte doit permettre au Parlement de disposer du temps, des informations et des moyens pour parler désormais d’une voix forte.
    S’agissant du temps, tout d’abord, la loi organique que je vous propose lèvera l’une des principales contraintes qui pèse, si ce n’est sur notre droit d’amendement, du moins sur sa mise en pratique : le projet de loi de financement sera déposé non plus le 15 octobre au plus tard comme actuellement mais le premier mardi d’octobre. Cette semaine gagnée sera au bénéfice de l’ensemble de l’Assemblée, je le crois sincèrement.
    La première partie des lois de financement, bien délaissée actuellement, il faut le dire, deviendra demain la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale. Examinée au mois de juin, elle constituera l’aboutissement de ce que notre majorité a introduit durant cette législature, à savoir le Printemps social de l’évaluation. Nul doute qu’outre l’examen des comptes clos, ce moment sera l’occasion de faire chaque année le bilan de l’application des lois de financement et nourrira les réflexions pour l’automne, dans le cadre d’un cercle budgétaire vertueux et complet.
    S’agissant des informations, ensuite, la loi de financement de l’année comme la loi d’approbation des comptes seront accompagnées de documents rénovés, modernisés et étendus.
    Des documents rénovés : les annexes comporteront des informations approfondies sur des sujets comme l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) ou les exonérations de cotisations et de contributions sociales, qui seront évaluées pour chacune d’entre elles tous les trois ans. C’est un prérequis essentiel pour améliorer la qualité de notre débat annuel sur les recettes.
    Des documents modernisés, ensuite : dans la lignée de la loi relative à la modernisation des finances publiques, nous avons prévu que les données issues des annexes puissent être fournies dans un format électronique ouvert et réutilisable, offrant à tous les parlementaires la possibilité d’évaluer par eux-mêmes les évolutions des finances sociales.
    Des documents étendus, enfin et surtout : de nouvelles annexes compléteront celles dont nous disposons déjà, afin de donner à notre assemblée toutes les informations relatives à l’évolution de la protection sociale. Nous serons ainsi informés de la situation financière des établissements de santé, de leur trajectoire d’endettement, mais aussi des comptes prévisionnels et exécutés des régimes de retraite complémentaire et d’assurance chômage.
    Certains amendements prévoient d’intégrer ces régimes dans le champ des lois de financement. En dépit de leurs nombreuses ressemblances avec les régimes de base de la sécurité sociale, il me semble prématuré de s’engager en ce sens, au vu des positions des partenaires sociaux. À défaut d’être muet, le Parlement reste borgne s’il ne dispose pas d’informations sur des pans de la protection sociale qui concernent des millions de nos concitoyens.
    S’agissant des moyens, je suis particulièrement fier que ce texte se traduise par un renforcement des liens entre démocratie parlementaire et démocratie sociale. Les avis des caisses de sécurité sociale ne seront en effet plus rendus au Gouvernement sur l’avant-projet de loi mais au Parlement sur le projet de loi déposé. Les caisses auront quinze jours pour nous faire connaître le contenu de leurs avis, qui contribueront à améliorer sensiblement la qualité de nos débats.
    Ce texte est aussi celui d’une démocratie adulte, qui a conscience que nous ne pouvons pas nous résigner à abandonner l’objectif d’équilibre des comptes sociaux, qui était au cœur de l’ambition des lois de financement au moment de leur création par le constituant en 1996.
    Au-delà de nos désaccords, je veux éviter deux écueils, deux positions contradictoires et aussi néfastes l’une que l’autre.
    La première est de considérer que la protection sociale serait un tonneau des Danaïdes, un puits sans fonds dans lequel il serait possible, sans nulle conséquence, d’entretenir des déficits immodérés sans examiner l’efficacité des dépenses à laquelle contribuent l’ensemble de nos concitoyens. Indépendamment de nos divergences, je crois que nul ne peut raisonnablement tenir un tel raisonnement sans menacer, à terme, l’existence même de la protection sociale.
    La seconde position, qui anime certains amendements, consisterait à l’inverse à prévoir un retour à l’équilibre aussi rapide que possible, sans tenir compte des efforts méritoires et parfaitement justifiés qu’ont fournis les finances sociales au cours de la crise sanitaire. Rétablir l’équilibre, oui ; au détriment de notre système de santé ou de la vigueur de notre économie, non.
    C’est pourquoi ce texte adopte une position médiane. Tout en continuant de piloter la sécurité sociale par les soldes, comme c’est sa raison d’être, le compteur des écarts en dépenses que nous avons adopté en première lecture est un gage supplémentaire de responsabilité et de crédibilité. Ce n’est pas une règle d’austérité : chaque gouvernement, chaque majorité sera libre de s’engager, en début de législature, sur la trajectoire de dépenses qu’elle souhaite. Mais le Parlement, donc les citoyens, pourront demander des comptes si la trajectoire n’est pas tenue, charge au gouvernement en place de fournir des justifications voire d’apporter des corrections.
    C’est dans ce même état d’esprit que j’ai proposé une règle de limitation de la durée des exonérations de cotisations et de contributions sociales, fixée à trois ans. Seules les lois de financement pourront créer des exonérations pérennes, ou pérenniser des exonérations récemment créées, sous réserve qu’elles aient fait la preuve de leur efficacité. Cette règle, qui s’applique aux parlementaires comme au Gouvernement, est une innovation juridique réelle. Il y va du rôle de vigie des lois de financement sur les finances sociales : c’est le moment où l’on peut déterminer avec précision et sincérité le niveau de recettes qu’on souhaite allouer à la protection sociale. Il n’existe aucune justification à ce que l’on examine l’efficacité des exonérations de cotisations sociales avec plus de magnanimité que celle des dépenses.
    Mes chers collègues, je le disais en préambule : rares sont les occasions de rénover l’architecture de la protection sociale. Une loi organique engage non seulement notre législature finissante mais aussi les législatures à venir, jusqu’à ce que l’ouvrage soit remis sur le métier. C’est pourquoi, en dépit des divergences politiques profondes qui ont causé l’échec de la commission mixte paritaire (CMP) avec le Sénat, j’ai proposé en commission d’avancer vers une position commune.
    C’est en ce sens que j’ai recommandé de reprendre les dispositions du Sénat relatives à la Cour des comptes et que j’ai aménagé la procédure d’avis des commissions des affaires sociales sur les décrets de relèvement des plafonds d’endettement de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), désormais nommée URSSAF Caisse nationale.
    C’est en ce sens que j’ai repris la proposition consistant à demander au Gouvernement, en cas de remise en cause des conditions générales de l’équilibre financier définies par la LFSS, de déposer immédiatement un rapport au Parlement pour en expliquer les raisons.
    C’est en ce sens, enfin, que je vous proposerai un amendement visant à améliorer l’information du Parlement si la dotation versée à un fonds ou à une agence dépasse inconsidérément le montant inscrit en annexe des lois de financement de la sécurité sociale de l’année.
    J’invite le Sénat – j’ai bon espoir, après mes derniers échanges avec M. le rapporteur du Sénat, Jean-Marie Vanlerenberghe, qu’il y consente – à adopter cette proposition de loi dans les mêmes termes que ceux dans lesquels nous allons l’approuver aujourd’hui. Le Parlement dans son ensemble aura ainsi défini les conditions dans lesquelles il souhaite, pour les années à venir, examiner et écrire l’avenir de la sécurité sociale.
    Chers collègues, je vous appelle à adopter ces propositions de loi organique et ordinaire relatives aux lois de financement de la sécurité sociale et à accomplir ainsi le vœu de Pierre Laroque de « développer notre démocratie politique en une vraie démocratie sociale ». (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Sophie Mette applaudit également.)

    Discussion générale commune

    M. le président

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani

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    En votant chaque année le budget de l’État et celui de la sécurité sociale, le Parlement accomplit sa mission originelle. L’examen de ces budgets constitue, en effet, un exercice démocratique fondamental.
    Le groupe Libertés et territoires déplore qu’un accord n’ait pu être trouvé avec le Sénat sur les textes que nous nous apprêtons à examiner en nouvelle lecture. Cet échec contraste avec l’accord trouvé pour les deux autres propositions de loi examinées par la commission spéciale, lesquelles portaient sur les conditions d’examen des lois de finances.
    Permettez-moi de revenir sur l’un des points de désaccord avec les sénateurs : l’extension, voulue par le Sénat, des lois de financement de la sécurité sociale au régime de l’assurance chômage. La question est sans doute pertinente, mais nous ne pouvons pas contrevenir si brusquement aux prérogatives des partenaires sociaux et au caractère paritaire de l’UNEDIC. Le paritarisme, qui fonde pourtant notre système de sécurité sociale, a connu plusieurs attaques depuis 2017. Ainsi, la récente réforme de l’assurance chômage s’est faite sans l’accord des partenaires sociaux et même en dépit de leur forte opposition. Nous regrettons que le respect du paritarisme ne prévale pas dans toutes les occasions.
    En première lecture, notre groupe a fait adopter des amendements plus consensuels concernant l’information fournie au Parlement sur le régime d’assurance chômage et sur les régimes complémentaires. Il s’agit, après tout, de régimes obligatoires qui concourent à notre protection sociale. Il était donc légitime de demander une meilleure information du Parlement à leur sujet. Cette information est cruciale, j’y insiste. Les propositions de loi permettront des améliorations à cet égard, grâce à la création d’un article liminaire dans le PLFSS ou encore au toilettage des annexes. Sur ce point, le Sénat a enrichi le dispositif en prévoyant l’obligation pour le Gouvernement de déposer un rapport auprès du Parlement en cas de remise en cause de l’équilibre financier de la sécurité sociale. Ces éléments paraissent secondaires, mais ils sont essentiels car l’information éclaire l’action.
    Reconnaissons-le, les pouvoirs du Parlement ont été grandement affaiblis au cours des dernières années – nous n’avons eu de cesse de le répéter. Combien de fois avons-nous déploré les conditions d’examen des projets de loi, en particulier pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale ? Les délais constitutionnels ne justifient pas tout. Nous avons eu à nous plaindre régulièrement du dépôt très tardif du texte, pourtant substantiel, ce qui nous a parfois obligés à auditionner les ministres sur la base de documents et d’informations dont nous ne disposions pas !
    Il convient de donner au Parlement les moyens d’effectuer son travail de contrôle. La proposition de loi permettra d’améliorer le contrôle et le suivi des mesures que nous votons annuellement grâce à la création d’une loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale. Gardons-nous d’en faire un exercice inutile, qui reviendrait à approuver de simples tableaux d’équilibre : l’examen du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale devra, au contraire, donner lieu à un véritable moment d’analyse et de débat.
    En avançant la date de dépôt du PLFSS, nous redonnons également au Parlement les moyens de remplir son rôle de législateur dans de meilleures conditions. Le contrôle sera d’autant plus pertinent que le recours aux LFSS rectificatives sera facilité. La crise sanitaire, qui a fait exploser les déficits des comptes sociaux et mentir les prévisions budgétaires, nous a rappelé l’utilité de tels outils.
    Monsieur le rapporteur, vous avez proposé, en commission spéciale, de reprendre certaines idées du Sénat, tel l’encadrement des décrets de relèvement des plafonds d’endettement de l’ACOSS. Nous sommes évidemment favorables à cette disposition. Nous regrettons, en revanche, que notre proposition d’instaurer un examen périodique et systématique des exonérations de cotisations sociales n’ait pas abouti. Ces exonérations, comme les dérogations régulières au principe de la compensation par l’État, affaiblissent la pérennité de notre système de protection sociale.
    Chers collègues, à elles seules, ces deux propositions de loi ne suffiront pas à redonner au Parlement les pouvoirs qui lui reviennent, mais elles y contribueront au moins un peu, du moins l’espérons-nous. Comme en première lecture, le groupe Libertés et territoires leur apportera donc son soutien.

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet

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    Depuis quarante ans, la gouvernance de la sécurité sociale a fortement évolué. Cette évolution s’est caractérisée par l’effacement progressif des représentants des travailleurs dans l’administration des caisses et par le renforcement du contrôle de l’État. La création de la contribution sociale généralisée (CSG), en 1991, a renforcé la fiscalisation des recettes et remis en cause la cotisation comme fondement du financement de la sécurité sociale. Les réformes de 1996, que ces textes viennent modifier, ont marqué une étape supplémentaire dans cette évolution avec la création des lois de financement de la sécurité sociale, soumises au vote du Parlement, et l’instauration de l’ONDAM, qui engendre une compression systématique des dépenses hospitalières, dont nous payons actuellement le prix. Ajoutons, enfin, la création d’une cinquième branche, dédiée à l’autonomie, en 2020, entièrement financée par l’impôt, à travers la CSG. Ces réformes successives, auxquelles les députés communistes se sont opposés, ont progressivement remis en cause l’autonomie de la sécurité sociale et renforcé la mainmise de l’État sur les comptes sociaux.
    Les deux textes que nous examinons aujourd’hui, qui concernent l’organisation des débats parlementaires sur les lois de financement de la sécurité sociale, ne reviennent pas sur ces évolutions : au mieux, ils se contentent d’aménagements techniques, au pire, ils renforcent les logiques que je viens de décrire – l’étatisation rampante de la sécurité sociale et le contrôle accru des dépenses publiques.
    Nous partageons toutefois un constat avec vous : le débat sur le budget de la sécurité sociale, qui a lieu chaque automne, n’est pas satisfaisant. Enfermé dans une procédure très stricte et des délais constitutionnels contraints, l’examen du texte fait peu de place aux initiatives parlementaires. Ainsi, on ne peut se satisfaire du dépôt tardif par le Gouvernement du PLFSS sur le bureau de l’Assemblée nationale, lequel laisse à peine trois jours pour étudier et amender le texte. Nous déplorons également les règles de recevabilité des amendements, qui sanctionnent les cavaliers sociaux et empêchent d’agir sur le niveau des dépenses sociales, lequel reste le domaine réservé du Gouvernement.
    Sur ces différents points, la proposition de loi organique prévoit quelques mesures de simplification positives, notamment l’avancement du calendrier de dépôt du PLFSS au premier mardi d’octobre, qui donnera une semaine supplémentaire aux députés pour prendre connaissance du projet de loi. De même, les avis des caisses de sécurité sociale sur le PLFSS seront directement transmis au Parlement et non plus au Gouvernement.
    Pour le reste, les dispositions contenues dans ce texte apparaissent dangereuses ou sans utilité réelle pour le débat public. Nous nous nous montrons circonspects quant à la création d’une loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale qui serait débattue chaque année au mois de juin. Calqué sur l’examen du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes, nous doutons de l’apport réel de ce débat d’évaluation pendant lequel les parlementaires se contenteront de voter des tableaux d’équilibre, sans possibilité d’amender le texte. Le Parlement ne peut se contenter d’être spectateur au prétexte que l’on fait mine de renforcer ses missions.
    Plus grave, à la suite d’un amendement adopté en première lecture, vous prévoyez d’élargir le champ des lois de financement de la sécurité sociale à l’information relative aux comptes des régimes de retraite complémentaire et aux comptes de l’assurance chômage. En intégrant, même partiellement, ces régimes dans le champ des LFSS, vous vous attaquez une fois de plus aux prérogatives des partenaires sociaux, quelques mois après avoir imposé une réforme de l’assurance chômage sur laquelle ils n’ont pas eu leur mot à dire.
    Enfin, nous sommes opposés aux dispositions relatives au renforcement du cadrage financier des dépenses sociales, qu’il s’agisse de l’alignement de la trajectoire budgétaire du PLFSS avec celle définie dans la loi de programmation des finances publiques ou de l’instauration d’un compteur des écarts entre les dépenses sociales prévisionnelles et les dépenses réellement engagées. Cette dernière mesure ne fera que renforcer la logique d’ajustement par la dépense du budget de la sécurité sociale, logique qui sert, depuis des années, à justifier des coupes dans les dépenses de santé et de retraite.
    Pour toutes ces raisons, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera contre les propositions de loi.

    M. le président

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    La parole est à Mme Stéphanie Rist.

    Mme Stéphanie Rist

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    Après l’échec de la commission mixte paritaire, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner de nouveau les deux propositions de loi relatives aux lois de financement de la sécurité sociale. Ces textes contiennent de véritables avancées politiques, aussi bien pour les parlementaires que pour nos concitoyens.
    En premier lieu, ils offrent plus de pouvoirs au Parlement en renforçant sa capacité de contrôle et en améliorant l’examen annuel du budget de la sécurité sociale. Nous avons déjà avancé sur le sujet en instaurant, dès 2019, le Printemps social du l’évaluation, ce dont nous pouvons être fiers, mais cette proposition de loi organique va plus loin en créant une loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale. Celle-ci constitue une véritable innovation dans l’examen parlementaire des finances sociales : elle présentera les données relatives au dernier exercice clos et sera examinée chaque année au mois de juin. Je précise que nous souhaitons conserver l’article liminaire intégré dans la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale par les sénateurs.
    En second lieu, ces textes améliorent la lisibilité des comptes de la sécurité sociale, donc l’information et la compréhension des parlementaires et de nos concitoyens sur ces financements. Or le sujet revêt une importance toute particulière, notamment sur le plan politique, après la crise sanitaire. Une meilleure visibilité de la trajectoire financière des comptes de la sécurité sociale est primordiale : c’est tout l’objet des propositions de loi.
    Le Sénat a grandement enrichi ces textes, ce que je veux souligner, même si la CMP n’a pu s’accorder sur certains sujets. S’agissant du périmètre des lois de financement de la sécurité sociale, le groupe La République en marche considère que son extension à l’assurance chômage est précipitée. En revanche, nous sommes convaincus qu’il est nécessaire d’intégrer la dette hospitalière dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale, afin de tenir compte des dispositions adoptées dans les deux derniers PLFSS et d’assurer leur sécurité juridique.
    La proposition des sénateurs d’établir une règle d’or pour garantir l’équilibre financier à moyen terme des comptes de la sécurité sociale ne nous semble pas non plus pertinente. Nous avons donc décidé de voter en faveur de sa suppression en commission spéciale. Tout d’abord, l’application d’une telle règle n’est pas réaliste dans les conditions actuelles, mais celle-ci serait surtout beaucoup trop contraignante et empêcherait les projets de loi de financement de la sécurité sociale de relever les défis du moment, en particulier dans le cas d’une crise comme celle que nous venons de traverser.
    Reste que de nombreuses dispositions ajoutées par les sénateurs ont été débattues et maintenues dans les textes. C’est le cas de celle qui vise à renforcer le contrôle du Parlement sur la procédure de relèvement du plafond de découvert de l’ACOSS en cas d’urgence – régime que nous avons aménagé en commission spéciale – et de celle qui renforce l’information du Parlement en cours d’exécution des LFSS en cas de perturbation de l’équilibre financier.
    Ces deux propositions de loi sont le fruit d’un long travail de notre rapporteur Thomas Mesnier et constituent, dans leur version actuelle, des textes équilibrés et pragmatiques qu’il convient de conserver. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Pierre Door, qui suit ces questions depuis longtemps et qui les connaît bien ! (Sourires.)

    M. Jean-Pierre Door

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    Dans son rapport sur le bilan des lois de financement de la sécurité sociale, le HCFIPS a estimé nécessaire de renforcer la dimension stratégique de ces lois et de reconnaître, enfin, le rôle de la prévention dans le pilotage des dépenses sociales.
    La présente proposition de loi organique relative aux LFSS a pour objet d’en modifier le contenu en créant une loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale et en modifiant les annexes et le calendrier des PLFSS.
    Quant à la proposition de loi ordinaire, elle vise simplement, selon son auteur, à « tirer les conséquences des dispositions de la proposition de loi organique ».
    En première lecture, l’Assemblée nationale a apporté des modifications visant à concentrer le champ de l’article liminaire des lois de financement de la sécurité sociale de l’année sur le dernier exercice clos, sur l’exercice en cours et sur l’année à venir. Elle a précisé le champ d’application de l’extension des LFSS à la dette des établissements de santé et des établissements médico-sociaux. Elle a créé de nouvelles annexes en loi de financement de l’année, permettant d’éclairer le Parlement sur la situation des finances des régimes d’assurance chômage et de retraite complémentaire pour le dernier exercice clos, pour l’année en cours et pour l’année à venir.
    « Nous n’avons pas une vision globale du financement de la protection sociale. » Sur ce point, je suis d’accord avec Thomas Mesnier. Mais malheureusement, comme je l’avais noté en première lecture, les modifications proposées manquent d’ampleur, tant sur le plan de l’information que sur celui du pilotage des finances sociales. Il ne s’agit que d’adaptations techniques des lois de financement alors que la sécurité sociale connaît le pire déficit de son histoire, déficit dont l’essentiel repose sur la branche maladie.
    Bien qu’elle soit parvenue à certains consensus, la commission mixte paritaire a échoué. Il est regrettable qu’ait été rompu l’usage selon lequel la définition ou la révision du cadre organique des lois de finances et de financement de la sécurité sociale a toujours fait l’objet d’un accord entre les deux assemblées, comme ce fut le cas s’agissant de la loi organique de 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS).
    Notre rapporteur, M. Thomas Mesnier, a souhaité supprimer l’extension des lois de financement de la sécurité sociale au régime de l’assurance chômage, qu’il a jugée prématurée. Vous préférez, monsieur le rapporteur, vous contenter d’une information sur le régime de l’assurance chômage et sur celui des retraites complémentaires. Vous avez également souhaité revenir sur le vote de crédits limitatifs pour les fonds et agences dépendant de l’ONDAM, que vous estimez inopportun.
    Mais surtout, la CMP a achoppé sur la volonté de la majorité de rétablir les dispositions relatives à la dette des établissements de santé et des établissements médico-sociaux. Lors de l’examen des projets de loi organique et ordinaire relatifs à la dette sociale et à l’autonomie, nous avions souligné que la dette notamment immobilière des établissements hospitaliers ne relevait pas des assurances sociales ni de la dette sociale au sens de la CADES – caisse d’amortissement de la dette sociale. En effet, cette dernière n’a pas vocation à être un fonds de financement de l’investissement hospitalier. Or il est à craindre qu’une telle disposition, rétablie en commission spéciale, vise à sécuriser juridiquement de futures modifications du mécanisme de reprise de la dette hospitalière ; elle risquerait de faire jurisprudence. Je propose donc sa suppression.

    M. Thibault Bazin

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    Oui !

    M. Jean-Pierre Door

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    Enfin, la CMP a principalement échoué du fait du refus d’instaurer, à compter du PLFSS pour 2025, une règle d’or destinée à assurer l’équilibre des comptes sociaux à moyen terme. Nos collègues du Sénat avaient en effet adopté en première lecture un mécanisme de règle d’or prévoyant que les comptes sociaux devaient être équilibrés sur une période de cinq ans. Les régimes de base de sécurité sociale et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) ont connu en 2020 et en 2021 des déficits inédits, mais le HCFIPS estime que « réaffirmer l’objectif d’équilibre financier est cohérent avec la nature des dépenses de protection sociale : dans un système en répartition, il s’agit d’éviter des transferts de dette des générations actuelles vers les générations futures. »

    M. Thibault Bazin

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    Oui ! C’est important, ça !

    M. Jean-Pierre Door

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    C’est pourquoi je propose de rétablir cette disposition supprimée par la commission spéciale.
    Mes chers collègues, en conclusion, le groupe Les Républicains s’abstiendra sur cette proposition de loi organique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Brahim Hammouche.

    M. Brahim Hammouche

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    Voilà vingt-cinq ans que notre pays s’est doté, grâce à une révision constitutionnelle et à une loi organique, d’un processus législatif dédié au contrôle et au pilotage, par le Parlement, de l’ensemble des finances sociales. Les lois de financement de la sécurité sociale constituent depuis lors un rendez-vous incontournable au cours duquel députés et sénateurs se prononcent sur les recettes et les dépenses afférentes aux diverses branches de la sécurité sociale pour l’année à venir. Il s’agit d’un socle qu’il nous faut conserver, mais aussi consolider et moderniser. En effet, aujourd’hui plus que jamais, l’approche législative du financement de la protection sociale doit être la plus transparente et la plus exhaustive possible.
    Si l’exercice budgétaire relatif au financement de la sécurité sociale est désormais bien assimilé, il n’a pas connu de réforme depuis longtemps ; pourtant, l’écosystème des régimes obligatoires de la sécurité sociale est en constante évolution. Ces deux propositions de loi sont donc l’occasion d’adapter et d’ajuster le pilotage des LFSS. Après leur adoption en première lecture, ici même en juillet dernier puis au Sénat, où elles ont été profondément modifiées, nous nous retrouvons ce matin pour une nouvelle lecture du fait de l’échec de la commission mixte paritaire.
    Si nous le déplorons, ces deux textes n’en demeurent pas moins d’une importance particulière à deux points de vue : d’abord s’agissant du renforcement des pouvoirs de contrôle des deux assemblées, ensuite en ce qui concerne l’amélioration du pilotage et de la lisibilité des LFSS. Ils constituent une étape bienvenue vers l’objectif que nous nous sommes fixé, qui vise à accroître le rôle du Parlement en matière d’examen et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale. Les diverses mesures qu’ils comportent permettront aux parlementaires de bénéficier d’une vision plus claire et plus large des finances sociales, et de disposer de davantage de temps pour les analyser – et le manque de temps est bien l’une des principales difficultés auxquelles nous, députés, sommes confrontés chaque année. L’avancement de la date de dépôt du PLFSS sur le bureau de l’Assemblée est une excellente nouvelle, tant les délais pour prendre connaissance d’un texte aussi dense que complexe ont été contraints ces dernières années.
    La création d’une nouvelle catégorie de LFSS, à savoir la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale, parachève le travail entrepris depuis trois ans dans le cadre du Printemps social de l’évaluation. Elle sera l’occasion de tenir plus tôt dans l’année un débat sur les comptes clos de l’exercice précédent ; c’est bienvenu et c’est heureux.
    Nous nous félicitons également de plusieurs dispositions introduites par le Sénat, qui tirent les enseignements de la crise sanitaire en prévoyant la transmission d’un rapport circonstancié du Gouvernement aux commissions des affaires sociales des deux chambres en cas de dégradation exceptionnelle des comptes de la sécurité sociale. En effet, nous savons désormais qu’entre deux lois de financement de la sécurité sociale, des événements extérieurs peuvent considérablement affecter les prévisions de dépenses.

    M. Thibault Bazin

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    En cas de coup dur, ça peut dépasser !

    M. Brahim Hammouche

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    En outre, l’introduction d’annexes relatives à l’assurance chômage est une avancée intéressante ; elle offrira une vision annuelle élargie de ces questions essentielles, à la suite des réformes menées pendant cette législature.
    Le texte organique prévoit également plusieurs mesures relatives aux établissements de santé, et c’est sur ce point que le désaccord entre les deux chambres s’est cristallisé. L’extension du domaine facultatif des LFSS à la dette des établissements de santé et médico-sociaux, qui pourrait donc être transférée à la CADES, ainsi que la création d’une nouvelle annexe relative à la situation financière de ces établissements, peuvent interroger.
    Le Sénat, s’inspirant de l’avis du Conseil d’État, a estimé que ces dispositions ne relevaient pas des lois de financement de la sécurité sociale et couraient même le risque d’être inconstitutionnelles. Néanmoins, les dernières LFSS contenaient des mesures relatives aux dettes hospitalières, dispositions par ailleurs tout à fait nécessaires. Aussi souhaiterions-nous que le secrétaire d’État nous éclaire sur cette question, même si nous savons que, comme toute loi organique, le présent texte fera l’objet d’un contrôle automatique du Conseil constitutionnel.
    Enfin, nous aurions aimé que ces textes s’emparent de l’épineuse question de l’ONDAM et de ses sous-objectifs, sur lesquels les parlementaires n’ont actuellement aucune marge de manœuvre alors qu’ils constituent le principal levier d’orientation de la dépense.
    En conclusion, mes chers collègues, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés soutiendra l’adoption de ces deux textes ; ils contiennent des dispositions qui valorisent et qui renforcent le rôle du Parlement dans le processus d’approbation de l’état des finances sociales, et qui rendent ce processus plus transparent. (M. le rapporteur applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Rabault.

    Mme Valérie Rabault

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    Nous voici donc réunis pour l’examen en nouvelle lecture de deux propositions de loi relatives aux lois de financement de la sécurité sociale. S’il y a nouvelle lecture, c’est que nous n’avons pas pu parvenir à un accord, en CMP, avec nos collègues sénateurs, sur la première version du texte. Comme je vous l’ai indiqué en commission spéciale, monsieur le rapporteur, celui-ci vise à organiser la discussion budgétaire relative aux LFSS : il ne s’agit donc pas de fixer des objectifs mais simplement de déterminer un cadre de transparence et de lisibilité des données, dans lequel les représentants de chaque groupe politique pourront ensuite définir leurs propres objectifs.
    Je ne comprends pas que nous échouions à nous mettre d’accord sur la définition d’un tel cadre. Aboutir à un accord suppose un effort de la majorité : je rappelle que sur la loi organique relative aux lois de finances, nous y étions arrivés : un consensus s’est fait jour pour définir un cadre d’examen des lois de finances. Nous ne partageons pas les mêmes objectifs, mais le fait que nous ayons trouvé un accord sur le cadre nous permet d’examiner ces lois. Je regrette donc vivement qu’il n’ait pu en être de même s’agissant des LFSS, ce qui explique que nous soyons réunis ce matin. Et si nous n’y sommes pas parvenus, c’est parce que de nombreuses questions subsistent ; je fais d’ailleurs partie de ceux qui déplorent depuis longtemps le fait que la discussion budgétaire sur les lois de financement de la sécurité sociale ne s’adosse pas sur davantage de données, de précisions et d’objectifs.
    Je vais donc revenir sur plusieurs points, notamment sur les amendements déposés par le groupe Socialistes et apparentés pour enrichir les deux textes. D’abord, nous souhaiterions que le Parlement ait un vrai pouvoir sur l’ONDAM. Actuellement – il faut bien le reconnaître –, dans ce domaine, nous ne servons à rien. Lors de l’examen des lois de finances, nous votons une trajectoire financière et un objectif de déficit des finances publiques ; en la matière, nous avons donc – un tout petit peu – notre mot à dire. Pour ce qui est des lois de financement de la sécurité sociale, en revanche, nos amendements sont systématiquement retoqués et nous ne sommes finalement que spectateurs des définitions proposées par le Gouvernement.

    M. Thibault Bazin

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    Il y a là une forme d’insincérité, monsieur le rapporteur !

    Mme Valérie Rabault

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    Par ailleurs, l’ONDAM est une enveloppe complètement déconnectée des besoins de santé exprimés par nos territoires. Nous souhaiterions donc que l’ONDAM puisse intégrer des objectifs territoriaux.
    Dans une logique similaire, nous voudrions que le PLFSS soit accompagné d’un tableau de bord comportant les objectifs stratégiques majeurs des politiques sanitaires et sociales, la déclinaison de ces objectifs en actions réalisées par les branches et les organismes de la sécurité sociale, ainsi que la déclinaison de ces actions en moyens financiers. Cette proposition n’émane pas que de notre groupe : elle vise à répondre à l’une des préconisations formulées par le HCFIPS qui, dans son avis sur la proposition de loi, considère que « l’enjeu principal ne réside pas dans un cadrage budgétaire toujours plus affiné, mais de plus en plus déconnecté de la réalité. Il tient en la recherche continue et réelle d’une cohérence entre action publique et objectifs des finances publiques. » Pour construire ce tableau de bord, nous proposerons la création d’une conférence des finances sociales, qui réunira en amont de chaque PLFSS l’ensemble des acteurs de la sécurité sociale et qui remettra un rapport assorti d’objectifs précis.
    Nous proposerons ensuite de chiffrer les annexes au PLFSS, notamment les mesures proposées au Gouvernement, à l’aide de données dynamiques et non statiques – si nous nous contentons de regarder le passé pour effectuer les chiffrages, nous n’irons pas très loin. Bercy dispose pour ce faire du fameux logiciel Mésange – modèle économétrique de simulation et d’analyse générale de l’économie –, qui fonctionne très bien.
    Enfin, comme je l’avais indiqué en première lecture – j’ai toujours défendu cette position et je sais qu’elle n’est pas nécessairement majoritaire –, je regrette que l’examen des recettes globales ne fasse pas l’objet d’une fusion entre la commission des finances et celle des affaires sociales.
    Je sais que cela crée un peu de friture car chacun défend son périmètre et son pré carré. En première lecture, nous avions néanmoins envisagé un vrai débat global – plutôt que des discussions séparées vivant chacune leur vie –, afin d’avoir une vision d’ensemble des équilibres budgétaires à partir du montant total des recettes.
    C’est pourquoi nous proposons au Gouvernement de reprendre notre amendement déclaré irrecevable – je me demande bien pourquoi – visant à permettre une discussion commune des volets « recettes » du projet de loi de finances (PLF) et du PLFSS.
    L’enchevêtrement des dispositions relevant de l’État et des administrations de la sécurité sociale est tel que personne ne peut s’y retrouver. Si vous coupez un tuyau de TVA par-ci, un autre par-là, vous pouvez causer de grands dommages aux finances publiques sans même vous en rendre compte.
    Il est donc indispensable d’avoir une discussion globale sur les recettes pour atteindre les objectifs fixés en matière de lisibilité et de transparence et pour remplir le devoir que nous avons à l’égard de nos concitoyens : voter en ayant une vision claire de l’ensemble des finances publiques.
    C’est pourquoi le groupe Socialistes et apparentés ne votera pas en faveur de la version actuelle du texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Aina Kuric.

    Mme Aina Kuric

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    Nous examinons ce matin, en nouvelle lecture, les deux propositions de lois, organique et ordinaire, relatives aux lois de financement de la sécurité sociale.
    Au nom du groupe Agir ensemble, je tiens d’abord à remercier une nouvelle fois le rapporteur de nous inviter, à travers ces deux textes, à moderniser la procédure d’examen des LFSS et à renforcer le contrôle parlementaire sur le pilotage des finances sociales. L’occasion ne se présente pas si fréquemment, puisqu’il ne s’agit que de la deuxième révision du cadre organique des LFSS depuis leur création en 1996.
    L’échec du processus de conciliation en commission mixte paritaire témoigne de plusieurs divergences de vues majeures entre notre assemblée et le Sénat, notamment sur le périmètre des LFSS ou sur leur caractère évaluatif.
    Ces quelques points durs ne doivent toutefois pas éluder l’important travail mené par nos collègues sénateurs pour enrichir le fond du texte. La commission spéciale a d’ailleurs conservé plusieurs dispositions introduites par la chambre haute, comme celles qui vont dans le sens d’une meilleure information des parlementaires sur l’évolution des comptes sociaux, notamment en période de crise.
    La proposition de loi organique dont nous débattons aujourd’hui poursuit l’objectif de renforcer le rôle et la dimension stratégique des LFSS, alors que leurs conditions d’examen rendent difficiles une analyse en profondeur et une bonne évaluation des mesures qu’elles comportent. Ce constat, que nous éprouvons tous chaque année en période budgétaire, est d’ailleurs partagé par la Cour des comptes et le HCFIPS.
    À cette fin, la loi organique vise d’abord à améliorer l’information et le travail du Parlement sur les finances sociales. Pour ce faire, elle prévoit de consacrer davantage de temps à l’examen du PLFSS, en alignant son calendrier sur celui du projet de loi de finances, et d’alléger les nombreux documents qui lui sont annexés dans un souci de clarté auquel notre groupe souscrit pleinement.
    En outre, elle propose une véritable réorganisation du contenu des LFSS, avec la création de lois d’approbation des comptes de la sécurité sociale, examinées au printemps sur le modèle des lois de règlement du budget.
    Ce nouveau véhicule législatif aura vocation à devenir notre tableau de bord. Il nous permettra d’évaluer, en toute transparence, l’état des comptes sociaux et l’application des mesures déjà financées, avant d’envisager une correction pour les années suivantes. Cette mise en cohérence temporelle améliorera l’articulation et le pilotage des LFSS. Elle est donc bienvenue, et nous la soutiendrons avec vigueur.
    Dans la même logique, l’insertion d’un article liminaire dans les lois d’approbation rendra justement compte des prévisions de dépenses, de recettes et de solde des différentes administrations de sécurité sociale. Cette loi d’approbation s’inscrit dans le prolongement du Printemps social de l’évaluation.

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Absolument !

    Mme Aina Kuric

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    Ce temps fort, organisé depuis bientôt quatre ans au sein de notre assemblée, s’est imposé comme un rendez-vous annuel incontournable de l’évaluation des politiques sociales. Cependant, la pratique de cet exercice nous invite à en améliorer le fonctionnement afin que notre assemblée exerce pleinement et efficacement sa mission de contrôle de l’action publique.
    J’en viens au périmètre des LFSS, que le Sénat a proposé d’élargir au champ de l’assurance chômage. Si les similitudes avec les branches actuelles de la sécurité sociale sont nombreuses, notre groupe considère qu’il est encore prématuré d’envisager une telle extension. En revanche, nous nous réjouissons de l’ajout, à l’article 2, de nouvelles annexes visant à éclairer la représentation nationale sur la situation des finances des régimes d’assurance chômage et de retraite complémentaire.
    Le groupe Agir ensemble votera en faveur de ces deux propositions de loi. Les mesures prévues amélioreront la lisibilité des finances sociales pour les parlementaires bien sûr, mais aussi – et peut-être surtout – pour les partenaires sociaux et le grand public. Elles amélioreront également le pilotage des finances sociales, grâce à l’adoption d’une vision holistique et pluriannuelle, nécessaire à la bonne appréhension des comptes sociaux.
    Qu’elles traitent du budget de l’hôpital public, du remboursement des médicaments, des cotisations sociales ou des congés parentaux, les LFSS sont des lois éminemment importantes dont l’élaboration et le suivi bénéficieront de l’adoption de ces deux textes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Six.

    Mme Valérie Six

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    En préambule, je tiens à approuver l’objectif de ce texte : améliorer l’appropriation du budget de la sécurité sociale par les parlementaires grâce, notamment, à l’intégration de la loi de financement de la sécurité sociale rectificative et de la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale dans la loi organique relative aux LFSS.
    La refonte des annexes et l’obligation du dépôt des textes dans un certain délai sont de nature à améliorer la tenue de nos débats budgétaires, qui se tiennent chaque année dans des conditions difficiles.
    Toutefois, ces quelques mesures ne sauraient compenser l’interprétation particulièrement injuste et stricte de la recevabilité des amendements aux textes budgétaires – phénomène qui s’est nettement aggravé pendant cette législature. Cette réserve vaut d’autant plus que le travail des sénateurs a jeté une lumière crue sur le manque d’ambition de la version initiale du texte.
    Vous avez ainsi refusé d’étendre le champ des lois de financement de la sécurité sociale à l’assurance chômage. Il est pourtant incompréhensible que le Parlement n’ait aucune prise sur les décisions dans ce domaine, comme nous l’avons vu lors de la récente réforme de l’assurance chômage : celle-ci n’a nécessité qu’un décret, sans réel débat au Parlement. Or un tel débat aurait peut-être pu éviter les censures du Conseil d’État qui ont, en dehors de la période de la crise sanitaire, contraint le Gouvernement à revoir sa copie et à reporter l’entrée en vigueur de sa réforme.
    L’introduction de la règle d’or, que le groupe UDI et indépendants défend depuis plusieurs années tant au Sénat qu’à l’Assemblée, est la concrétisation dans notre cadre organique, du principe de bonne gestion des finances publiques. Vous n’en avez pas voulu non plus. La règle d’or, telle qu’introduite par le Sénat, aurait imposé une trajectoire des finances sociales atteignant l’équilibre avant le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. Une telle rigueur nous permettrait de dégager des marges de manœuvre pour les périodes de crise.
    Le rejet de cette mesure démontre l’absence de volonté politique de la majorité et du Gouvernement de gérer raisonnablement les finances publiques. Nous ne pouvons nous résigner à laisser aux générations futures le soin de régler nos factures.
    Quant au contrôle de l’action du Gouvernement par le Parlement, je rappelle qu’il s’agit d’une des prérogatives constitutionnelles de notre institution.

    Mme Valérie Rabault

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    Eh oui !

    Mme Valérie Six

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    Prenons l’article 3 ter qui intègre les commissions des affaires sociales des deux chambres dans la procédure permettant d’augmenter le plafond de découvert des organismes de la sécurité sociale. La majorité a profondément altéré cette disposition en ajoutant une exception en cas de « nécessité impérieuse d’intérêt national ». C’est tout à fait le type d’exception qui remplacera bien vite la règle.
    Enfin, notre groupe milite pour un grand acte de décentralisation, y compris en matière de santé – je vous le répète régulièrement. Il nous appartient de respecter strictement le principe de subsidiarité, qui attribue la compétence à l’échelon le plus pertinent.
    Nous sommes convaincus que les disparités territoriales des besoins en santé commandent de décentraliser la prise de décision à l’échelle des régions. L’État resterait le garant de l’égalité d’accès aux soins dans tous les territoires – mission qu’il n’arrive d’ailleurs pas toujours à accomplir –, et il reviendrait aux régions de décliner les politiques publiques de santé en fonction des spécificités de chacune d’entre elles.
    Pour conclure, nous regrettons que la majorité ne soit pas parvenue à un accord avec le Sénat. Sur un texte aussi fondamental que la loi organique relative aux LFSS, nous aurions pu nous réunir à force de compromis. Il nous faut constater que cela n’a pas été le cas, alors que nos collègues ayant travaillé sur la réforme de la loi organique relative aux lois de finances y sont parvenus.
    Le refus de renforcer le pouvoir de contrôle de l’action du Gouvernement par le Parlement et l’absence de volonté politique pour redresser les comptes sociaux emportent le vote défavorable de mon groupe sur ce texte.

    M. le président

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    La discussion générale est close.

    Discussion des articles (proposition de loi organique)

    M. le président

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission spéciale, les articles de la proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

    Article 1er

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Six, pour soutenir l’amendement no 29.

    Mme Valérie Six

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    Il vise à restaurer la rédaction de l’article 1er telle qu’issue des travaux du Sénat, pour les raisons que je viens d’indiquer dans la discussion générale.
    Son premier objet est d’étendre le périmètre des LFSS à l’assurance chômage. Ainsi, seules les LFSS pourraient prévoir des réductions de leurs recettes non entièrement compensées. Des mesures d’une importance fondamentale ont ainsi totalement échappé au Parlement, à l’instar de la réforme de l’assurance chômage ou de l’instauration du chômage partiel. Une telle intégration ne remettrait pas en cause le pouvoir et le rôle des partenaires sociaux, en atteste l’exemple de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), pleinement intégrée aux LFSS.
    Deuxièmement, l’amendement tend à corriger les lacunes en matière de contrôle des dépenses d’assurance maladie. D’une part, le transfert au sein de la LFSS de charges assurées précédemment par le budget général et soumises à des crédits limitatifs, comme cela était le cas pour Santé publique France, a fait perdre au Parlement tout contrôle en cours de gestion sur des dépenses qui peuvent désormais être accrues de plusieurs milliards d’euros par simple arrêté ministériel. D’autre part, les dépenses des établissements de santé sont insuffisamment suivies et documentées, alors que la fragilité financière de ces établissements a conduit à une reprise de la dette hospitalière en cours. De telles mesures renforceraient le rôle du Parlement sans freiner la rapidité d’engagement des dépenses nécessaires pour faire face à la crise sanitaire.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Avis défavorable. Nous avons déjà débattu en première lecture et en commission spéciale de cet amendement qui tend à revenir à la rédaction de l’article adoptée au Sénat.
    Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, une telle rédaction soulève plusieurs questions.
    S’agissant de gouvernance et de financement, il est certes possible d’établir un parallèle entre l’assurance chômage et les retraites complémentaires d’une part, et les branches de la sécurité sociale d’autre part.
    Cependant, compte tenu des évolutions récentes – notamment en matière de gouvernance de l’assurance chômage – et des positions actuelles des partenaires sociaux avec lesquels j’ai beaucoup discuté, il me paraît prématuré de procéder à de nouvelles modifications comme la pleine intégration de ce domaine dans la LFSS.
    Je préfère m’en tenir aux dispositions adoptées en première lecture : une information complète du Parlement, qui représente une réelle avancée pour les parlementaires qui disposeront ainsi d’une bonne vision de l’ensemble du champ de la protection sociale.
    En outre, il ne me semble pas opportun d’introduire des crédits limitatifs dans un texte dont la philosophie repose sur des critères évaluatifs.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Même avis pour les mêmes raisons.

    (L’amendement no 29 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir les amendements nos 19, 18 et 17, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    Mme Valérie Rabault

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    Ces trois amendements traduisent les propos que j’ai tenus lors de la discussion générale.
    Le PLFSS n’est actuellement construit que sur une vision budgétaire, alors qu’il devrait refléter les moyens destinés à atteindre des objectifs fixés. L’amendement no 19 vise à ce que le PLFSS comporte une dimension pluriannuelle et définisse des objectifs sanitaires et sociaux, qui seraient ensuite déclinés en actions.
    L’amendement no 18 propose de déterminer l’ONDAM en fonction des besoins territoriaux de santé, après une concertation publique des acteurs du système de santé.
    Enfin, l’amendement no 17 tend à supprimer l’interdiction pour le Parlement de définir les sous-composantes de l’ONDAM, celle-ci revenant à une négation du rôle du Parlement.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    L’ONDAM est construit à partir d’objectifs de santé et de santé publique fixés par le Gouvernement en lien avec les caisses d’assurance maladie. Pour l’assurance maladie comme pour les autres branches, des objectifs sont déjà définis.
    Le PLFSS s’inscrit plus fortement dans une logique pluriannuelle que le PLF que vous connaissez très bien. Si les différents objectifs de l’ONDAM sont fixés pour l’année suivante, l’annexe B affiche des données sur quatre ans, ce qui donne la vision pluriannuelle que vous appelez de vos vœux.
    L’ONDAM comporte déjà plusieurs sous-objectifs fixés par le Gouvernement et susceptibles d’être modifiés sur initiative gouvernementale. S’agissant des enjeux territoriaux, on peut largement adapter les politiques de santé en fonction des situations régionales, notamment grâce aux enveloppes du fonds d’intervention régional (FIR) contrôlées par les agences régionales de santé (ARS). Il revient donc à celles-ci de développer des politiques et des actions régionales.
    L’avis sur ces trois amendements est défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Rabault.

    Mme Valérie Rabault

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    Cela me chagrine que vous évoquiez le FIR car celui-ci représente un montant epsilonesque du budget global de la sécurité sociale ; or nous demandons que les politiques de santé se traduisent par des actions qui prennent réellement en considération des objectifs territoriaux – j’insiste sur ce mot –, mais vous ne répondez pas sur ce point.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Pierre Door.

    M. Jean-Pierre Door

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    L’amendement no 17 de Mme Rabault, que M. le rapporteur a balayé un peu vite,…

    M. Thibault Bazin

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    Le sécateur !

    M. Jean-Pierre Door

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    …me semble très intéressant. Il faudra bien réfléchir à un moment – peut-être pendant les prochaines législatures – à l’instauration de ce qu’on appelle les ORDAM, à savoir les objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie.

    M. Thomas Mesnier,, rapporteur

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    Non !

    Mme Valérie Rabault

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    Voilà un très beau sigle !

    M. Jean-Pierre Door

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    En effet, l’articulation entre l’ONDAM et le FIR, qui est piloté par les agences régionales de santé, est assez complexe ; en outre, le montant total du FIR, qui s’élève à 7 ou 8 milliards d’euros, s’apparente à du saupoudrage dans les régions.

    Mme Valérie Rabault

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    Voilà !

    M. Jean-Pierre Door

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    L’ONDAM, lui, est décidé d’en haut, depuis le ministère. Par conséquent, il faudra arriver à négocier des ORDAM. Vous avez beau faire non de la tête, monsieur le rapporteur, les prochains gouvernements devront y réfléchir de beaucoup plus près.

    (Les amendements nos 19, 18 et 17, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Six, pour soutenir les amendements nos 25 et 26, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    Mme Valérie Six

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    Je me réjouis de ce que vient de dire M. Door car l’amendement no 25 prévoit justement l’instauration d’objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie.
    Je l’ai répété assez souvent, les régions sont le meilleur échelon pour mettre en œuvre la politique de santé car on n’a malheureusement pas la même santé selon que l’on vive dans les Hauts-de-France ou en Occitanie.
    Un tel acte de décentralisation permettrait de mieux prendre en considération les besoins territoriaux. On a d’ailleurs largement pu mesurer, à l’occasion de la crise sanitaire, l’investissement des collectivités territoriales et l’efficacité de leur action en matière de protection de la santé de chacun. L’amendement no 25 vise donc à relancer la réflexion relative à la mise en œuvre des ORDAM.
    Avec l’amendement no 26, nous demandons que les lois de financement de la sécurité sociale ne s’apparentent plus à des réformes annuelles du système de santé, comme c’est le cas actuellement.
    En effet, chaque année, à l’occasion de l’examen du PLFSS, nous nous rendons compte que de nombreux articles n’ont pas de rapport direct avec le financement de la sécurité sociale – en dehors du fait que les dispositions prévues occasionnent des dépenses supplémentaires pour la sécurité sociale.

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Eh oui !

    Mme Valérie Six

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    Depuis plusieurs années, notre groupe ne cesse de dénoncer cette dérive.
    Hier, lors de son audition par les commissions des finances et des affaires sociales, le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, a évoqué la possibilité que le financement de la sécurité sociale fasse l’objet d’une programmation pluriannuelle. Cela me semble nécessaire du point de vue de nos comptes sociaux. Il n’est pas normal de légiférer comme on le fait actuellement, car, outre le fait que tous nos amendements sont déclarés irrecevables, il s’avère impossible de déployer une politique de santé de long terme.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Il est défavorable.
    Nous avons débattu à plusieurs reprises de la question des ORDAM, y compris en commission spéciale. Je suis défavorable à leur mise en place à plus d’un titre. La première raison est que, si l’on définissait des objectifs régionaux, on compterait à l’arrivée autant d’objectifs que de régions, ce qui multiplierait d’autant le nombre de sous-objectifs et de conventions régionales – par exemple avec l’assurance maladie. L’ensemble du financement de la protection sociale, en tout cas en matière de santé deviendrait alors parfaitement illisible. Surtout, la politique de santé doit rester, à notre sens, nationale.
    Je note par ailleurs, pour répondre à M. Door et à Mme Rabault qui évoquaient cette idée, que, à ma connaissance, la mise en place de l’ORDAM ne figure pas parmi les propositions de Mme Pécresse…

    M. Thibault Bazin

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    Elle ne les présentera que demain ! Ce sera à Oyonnax !

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    …ni parmi celles de Mme Hidalgo. Cette dernière ne l’a pas mentionnée dans l’interview consacrée aux questions de santé parue récemment dans la presse et je ne crois pas avoir entendu Mme Pécresse évoquer cette idée – mais j’écouterai ses propositions à ce sujet avec attention, monsieur Bazin.

    M. Alain David

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    Vous êtes dans la caricature !

    Mme Valérie Rabault

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    C’est vous qui êtes aux responsabilités actuellement !

    M. le président

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    Chers collègues, chacun pourra s’exprimer mais, pour le moment, je vous demande d’écouter le rapporteur.

    Mme Marie-George Buffet

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    Les députés ont le droit de déposer des amendements, ils ne dépendent pas de leur parti !

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Nous sommes là pour débattre…

    M. Alain David

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    Nous, nous ne sommes pas là pour faire de la propagande !

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Moi non plus, monsieur le député ! Nous sommes là pour discuter des lois de financement de la sécurité sociale.

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    L’adoption de l’amendement no 26 de Mme Six limiterait très fortement la partie facultative de la LFSS ainsi que les dépenses, car le droit d’amendement serait contraint.
    Il est certes possible d’adopter certaines réformes en matière de santé dans le cadre de la LFSS – c’est d’ailleurs arrivé régulièrement pendant cette législature –, mais cela n’empêche pas de soumettre par ailleurs au Parlement de grands projets de loi sur la santé, comme ceux défendus par Mme Touraine en 2016 ou par Mme Buzyn en 2020, ni des propositions de loi, comme celle qu’a défendue Mme Rist l’an dernier ou celles qui sont à l’initiative des parlementaires, le groupe Socialistes et apparentés nous en ayant fourni l’exemple la semaine dernière.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Il est défavorable. Sur l’amendement no 26, il l’est pour les raisons exposées à l’instant par le rapporteur.
    J’en viens à l’amendement no 25, qui vise à fixer des objectifs régionaux. Madame Six, les disparités territoriales, que vous avez évoquées, ne sont pas seulement interrégionales ; elles sont aussi intrarégionales – et elles le sont à hauteur de 70 %. Le développement d’outils à la main des ARS serait plus à même de répondre au souci d’égalité que la construction d’objectifs régionaux, qui se révélerait inefficace.
    Par ailleurs, comme l’a dit le rapporteur, cela conduirait forcément à d’autres formes de régionalisation, par exemple celle des tarifs.

    Mme Valérie Six

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    Non !

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Si, madame la députée ! Dès lors, quelle serait l’acceptabilité sociale de tels dispositifs ?
    Pour toutes ces raisons, le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM), dans un avis récent sur la refonte de l’ONDAM, s’est prononcé, vous le savez, contre une telle approche régionale.
    Nous préférons une déconcentration des investissements, que nous avons engagée dans le cadre du Ségur de la santé, et une augmentation des modalités de fonctionnement du FIR, dont le montant s’élève tout de même actuellement à 7 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien pour du saupoudrage, monsieur Door.

    M. Jean-Pierre Door

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    C’est bien un saupoudrage, je le répète !

    M. le président

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    La parole est à M. Thibault Bazin.

    M. Thibault Bazin

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    Je constate que vous êtes impatients de connaître les programmes des candidats qui ont bien voulu se démasquer. Mais en évoquant la situation des autres, vous tentez de cacher le dérapage des comptes publics dont le Gouvernement et la majorité sont responsables. Ce dérapage est très inquiétant car les dettes d’aujourd’hui sont les impôts de demain.
    Le programme de la candidate Valérie Pécresse en matière de santé sera présenté vendredi à Oyonnax. Si cela vous intéresse – puisque vous aviez l’air inquiet –, vous y êtes le bienvenu. (Sourires.)
    Plus sérieusement, j’en viens aux amendements très intéressants de notre collègue Six. Comme me l’indiquent Alain Ramadier et Jean-Pierre Door, les propositions visant à mettre en place des ORDAM et à modifier la gouvernance des ARS en donnant davantage de poids à l’échelon territorial ne sont pas ubuesques et sont même préconisées par des économistes de la santé très sérieux.
    Monsieur le secrétaire d’État, le Ségur de la santé est opaque et illisible dans les territoires. Nous avons du mal à distinguer des procédures claires, si ce n’est des appels à projets pour lesquels nous ne savons pas quel candidat sera choisi ni comment.

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    C’est le principe d’un appel à projets !

    M. Thibault Bazin

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    Il y a un problème de gouvernance et de gestion des comptes publics dans les territoires.
    L’idée de mettre en place des ORDAM est d’autant plus intéressante qu’elle responsabiliserait les acteurs à l’échelle locale. Vous dites qu’elle conduirait forcément à régionaliser les tarifs : pas forcément ! On pourrait maintenir des tarifs nationaux tout en responsabilisant les acteurs locaux.
    Il manque à l’évidence un pilotage de nos comptes publics dans ce domaine. Mme la présidente Rabault l’a dit tout à l’heure : contrairement au budget général de l’État, nous n’avons aucune visibilité sur les déficits des comptes sociaux. Les situations étant différentes d’un territoire à l’autre, il faut pouvoir traiter ces questions à l’échelle locale. Tel est le sens de nos propositions.
    Il est dommage que, sur un sujet aussi important, vous balayiez l’ensemble de nos amendements, aucun d’entre eux n’ayant été adopté aujourd’hui.

    M. Jean-Pierre Door

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Rabault.

    Mme Valérie Rabault

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    J’aimerais répondre sur trois points à M. le rapporteur. Tout d’abord, nous n’allons pas chercher nos ordres auprès de nos candidats – contrairement à vous peut-être. Nous conservons notre liberté de formuler des propositions. Tel est bien le rôle d’un parlementaire ! (Mme Marie-George Buffet applaudit.)
    Deuxièmement, je constate que vous n’avez pas lu attentivement le programme de Mme Hidalgo puisqu’il reprend le contenu de l’amendement no 19.

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    C’est nouveau !

    Mme Valérie Rabault

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    Je vous invite donc à le lire plus sérieusement, ce qui vous évitera de dire que nos propositions et les siennes sont totalement déconnectées.
    Enfin, la présidente de la région Occitanie, où se trouve ma circonscription, vous a fait part, à plusieurs reprises, de son projet d’ouvrir des places de formation au métier d’infirmière ou de kinésithérapeute. Il serait financé par le conseil régional qui attend simplement votre autorisation. Or vous refusez de la donner.

    Mme Stéphanie Rist

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    Non !

    Mme Valérie Rabault

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    Si ! Pourtant, je le répète, c’est le conseil régional qui paie.
    À partir d’une évaluation des besoins dans le territoire, une collectivité locale propose de financer elle-même une formation, de construire les bâtiments et de prendre en charge l’ensemble des infrastructures. Vous opposez un refus à ce projet, sans donner le début d’une explication.
    Vous le voyez, le système actuel ne fonctionne pas très bien. Si nous pouvions définir des ORDAM, cela améliorerait notre réactivité. Car c’est bien un problème de réactivité qui s’est posé bien avant cette crise et qui s’est accentué avec elle.

    M. le président

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    Je vais donner pour cette fois la parole à plus de deux orateurs.

    M. Thibault Bazin

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    C’est important, monsieur le président !

    M. le président

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    J’en conviens.
    La parole est à M. Brahim Hammouche.

    M. Brahim Hammouche

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    S’agissant des ORDAM, si la territorialisation se justifie, les dotations populationnelles ont la préférence de la majorité car, en termes de financement comme de stratégie, le pilotage de la santé doit demeurer national et les objectifs nationaux, notamment pour répondre à toutes les inégalités qui, avant d’être territoriales, sont avant tout nationales. Il ne faut pas de confusion dans la répartition des compétences : les organismes chargés du diagnostic doivent aboutir à des solutions partagées permettant de coconstruire des solutions. Il faudrait que le Parlement ait davantage d’influence sur l’ONDAM, mais il est paradoxal de demander plus de pouvoir pour le Parlement et, en même temps, de botter en touche vers les régions, qui ne sont, de surcroît, pas complètement homogènes.

    M. le président

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    La parole est à M. Marc Delatte.

    M. Marc Delatte

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    À ce moment de notre débat, deux mots dominent : responsabilité et solidarité. Nous pouvons tous, pas uniquement la majorité présidentielle mais l’ensemble des députés, dire aux Français que nous sommes fidèles à l’ordonnance du 4 octobre 1945 qui a créé la sécurité sociale. Il est important de préserver ce modèle social ; malgré cette crise, cette tempête, qui a bousculé notre système, on continuera bien sûr à aider l’ensemble des soignants. Il n’est pas question de réduire les dépenses de santé alors que leur attente est si forte sur ce point.
    En outre, je tiens à rappeler, pour apporter un peu de chair à ce débat, que le reste à charge zéro pour des patients atteints de surdité, qui devaient auparavant débourser 850 euros – j’en ai connu –, constitue un vrai progrès : ils ont maintenant des audioprothèses de qualité, ce qui permet de briser la solitude et de renforcer le lien social. Voilà le message qu’il faut envoyer aux Français. On continuera, quoi qu’il advienne, à préserver notre système de protection sociale. (Mme Michèle Peyron applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Six, puis nous passerons aux votes.

    Mme Valérie Six

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    Je suis tout à fait d’accord avec notre collègue Marc Delatte quand il évoque la responsabilité et la solidarité, mais encore faudrait-il que l’espérance de vie soit la même d’une région à l’autre ; or ce n’est pas le cas. Je vois bien, dans les Hauts-de-France, qu’on meurt plus vite pour les mêmes maladies que dans d’autres régions ; ce ne sont pas les soignants, c’est la population qui a besoin de la qualité de vie lui permettant de vivre plus longtemps.

    (Les amendements nos 25 et 26, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements, nos 1 et 54, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l’amendement no 1.

    Mme Delphine Bagarry

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    Par cet amendement, je maintiens une position que nous avons toujours soutenue lors des précédents projets de loi de financement de la sécurité sociale : les dépenses de soutien à l’investissement dans les hôpitaux ne doivent pas financer les soins, en l’occurrence les prestations d’assurance maladie, et ne peuvent donc pas entrer dans le champ des dépenses couvertes par la sécurité sociale.
    Or la dette hospitalière a récemment été transférée à la CADES, ce qui a créé une instabilité juridique que cette proposition de loi vise à résorber. Même si le Conseil constitutionnel, comme vous l’avez rappelé en commission spéciale, monsieur le rapporteur, a considéré que cette disposition pouvait entrer dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale, l’amendement vise à en contester l’opportunité. Nous continuons à estimer, comme les partenaires sociaux et le HCFIPS, que les dotations de soutien à l’investissement pour les hôpitaux ne peuvent pas être considérées comme une dépense sociale de l’assurance maladie et ne doivent pas entrer dans le champ du risque maladie couvert par la solidarité nationale. Ces dotations doivent faire l’objet d’un autre débat que celui de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement no 54.

    M. Jean-Pierre Door

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    Il vise à supprimer la gestion de la dette immobilière hospitalière des lois de financement de la sécurité sociale. Comme vient de le dire notre collègue, le HCFIPS s’est interrogé à ce propos ; de même, le Conseil d’État a conclu que cet élément n’avait rien à faire dans les LFSS. Votre proposition de loi passe outre ces avis. Le Sénat a voulu sortir la dette immobilière du champ de la LFSS, mais vous avez refusé cette proposition, monsieur le rapporteur, ce qui a fortement contribué à l’échec de la commission mixte paritaire. Les syndicats, qui siègent dans les commissions paritaires de l’assurance maladie, sont également choqués qu’on introduise dans le budget de l’assurance maladie des dispositions qui lui sont totalement étrangères.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Comme en première lecture et en commission spéciale, l’avis est défavorable. Tout d’abord, je rappelle que le Conseil constitutionnel, saisi par des sénateurs, n’a pas censuré la LFSS pour 2022 et n’a trouvé aucun mot à redire à la reprise de la dette hospitalière.

    M. Jean-Pierre Door

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    Oui, mais le Conseil constitutionnel n’a pas toujours raison.

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    De plus, la disposition que je propose, qui ne contrevient en rien à l’esprit de la LFSS, assurera la sécurité juridique du dispositif.
    Si la trajectoire financière des établissements de santé et des établissements médico-sociaux, qui sont financés dans leur majeure partie par les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, n’a pas de lien avec la solidarité nationale, madame Bagarry, je ne sais pas ce qui peut en avoir !
    Monsieur Door, la CMP n’a pas seulement achoppé sur ce point,…

    M. Jean-Pierre Door

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    Surtout là-dessus !

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    …mais aussi sur la règle d’or et sur le financement des ARS. Je proposerai sur ce dernier point un amendement à l’article 2 allant dans le sens du Sénat pour que le Parlement soit mieux informé.
    Je conclurai en disant que je n’ai pas eu vent, de la part des syndicats, d’inquiétudes par rapport à cette disposition ; ils n’ont pas davantage eu de difficultés à admettre la reprise des 13 milliards d’euros de dette de l’hôpital.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Thibault Bazin.

    M. Thibault Bazin

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    L’amendement de mon collègue Jean-Pierre Door est cohérent avec ce que le groupe Les Républicains défend dans les lois de financement de la sécurité sociale : Mme la vice-présidente de la commission spéciale le sait bien, lors des dernières CMP, ce sujet est à chaque fois revenu sur la table. Le patrimoine immobilier des hôpitaux et les dettes qui y sont liées posent une vraie question : ils ne doivent pas figurer au budget de la sécurité sociale puisqu’il s’agit d’un patrimoine spécifique.
    Monsieur le secrétaire d’État, il est important de ne pas se voiler la face et de ne pas se cacher derrière l’effacement de la dette alors que la plupart des établissements font face à une problématique immobilière. En effet, la revalorisation attendue à la suite du Ségur de la santé devait provenir pour partie du regain de l’activité : or celle-ci a baissé considérablement dans de nombreux hôpitaux. Je ne parle pas des garanties de financement comme celle des accueils de jour, mais de la baisse d’activité : celle-ci est inquiétante et génère, d’après les responsables que nous avons auditionnés, une perte d’autofinancement ; ce qui a été gagné avec l’effacement de la dette est perdu à cause de cette contraction.
    Leur incapacité à mener des projets immobiliers, pourtant attendus pour améliorer les conditions de travail et de soins, devient problématique. La piste de l’immobilier que l’on vous demande d’étudier devrait être creusée de manière à redonner une bouffée d’air et à assurer la cohérence que le budget de la sécurité sociale ne peut fournir dans ce domaine.

    M. Jean-Pierre Door

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    Eh oui !

    M. le président

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    La parole est à Mme Delphine Bagarry, puis nous passerons aux votes.

    Mme Delphine Bagarry

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    Je n’ai pas dit que la dette hospitalière ne devait pas être couverte par la solidarité nationale, mais qu’elle ne devait pas l’être par le risque maladie. On sait très bien que les hôpitaux peuvent avoir bénéficié pour leur immobilier de subventions provenant de la solidarité régionale, départementale ou autre. Il faut bien avoir conscience que le transfert de la dette immobilière à la CADES a conduit à priver la sécurité sociale, singulièrement les partenaires sociaux, de la capacité à financer des risques et des prestations, y compris la branche autonomie. C’est tout de même un changement très grave, qui risque de perdurer si cette loi organique autorise les transferts de dettes immobilières à la sécurité sociale.

    (Les amendements nos 1 et 54, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Je suis saisi de trois amendements de M. le rapporteur. Les amendements nos 36 et 37 sont rédactionnels ; l’amendement no 38 est de coordination. 

    (Les amendements nos 36, 37 et 38, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

    (L’article 1er, amendé, est adopté.)

    Article 2

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Six, pour soutenir l’amendement no 30.

    Mme Valérie Six

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    Le présent amendement vise à rétablir la rédaction de l’article 2 telle qu’issue des travaux du Sénat. Il complète les annexes au projet de loi de financement de la sécurité sociale et crée des projets d’efficience des politiques sociales chargés d’analyser les dépenses à venir de chaque branche et d’en fixer les objectifs d’efficience et de qualité. La principale mesure de cette rédaction est l’instauration d’une règle d’or destinée à garantir un équilibre financier de moyen terme des comptes de la sécurité sociale. Le Gouvernement serait ainsi astreint à une discipline budgétaire dans la tenue des comptes sociaux en dehors de toute période de crise. Cette rigueur permettrait de disposer de marges de manœuvre salutaires en temps de crise et nous prémunirait de la tentation de faire reposer les dépenses d’aujourd’hui sur les générations futures.

    (L’amendement no 30, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Six, pour soutenir l’amendement no 28.

    Mme Valérie Six

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    Il propose que soit annexé à chaque PLFSS un rapport retraçant, pour les quatre années à venir, les dépenses et les recettes des branches du régime général de la sécurité sociale. Le rapport actuel n’offre pas aux acteurs économiques de vision à moyen ou long terme d’une éventuelle trajectoire définie par l’État, et son manque de précision le rend peu exploitable. Les acteurs du système de santé ont besoin de visibilité et de stabilité des politiques et des dépenses de santé, d’autant que la crise sanitaire nous a démontré l’ampleur du travail qu’il reste à mener pour réformer notre système de santé.
    Ce nouveau rapport comporterait un volet consacré aux dépenses et aux recettes du secteur du médicament ; une réflexion devrait d’ailleurs être menée pour élargir le nombre de secteurs concernés.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Je réitère l’avis défavorable rendu en commission spéciale. D’abord, les informations que vous demandez sont déjà disponibles dans les annexes de chaque PLFSS ; ensuite, l’annexe B que vous proposez de modifier traite de grands ensembles et n’a pas vocation à intégrer des volets spécifiques comme celui du médicament.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Même avis pour les mêmes raisons.

    (L’amendement no 28 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 23.

    M. Alain David

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    Nous regrettons par le présent amendement que les éléments que vous nous fournissez ne permettent ni l’anticipation ni la prospective. En effet, les mesures proposées par le Gouvernement s’appuient sur des données statiques et non dynamiques. La documentation produite sur la base de ces données ne tient donc pas compte des effets macroéconomiques des nouvelles dispositions envisagées dans le PLF et dans le PLFSS. Or les augmentations d’impôt et les baisses de cotisations sociales ont une incidence réelle, qu’il faut anticiper.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Je n’ai probablement pas une connaissance aussi fine du PLF que la présidente Rabault, mais ce que vous proposez existe déjà pour le PLFSS. Je vous renvoie aux pages 31 et suivantes de l’annexe 4 du PLFSS pour 2022, qui présentent l’impact des mesures proposées dans le texte sur la trajectoire budgétaire de chaque branche ainsi que le tableau d’équilibre financier. Votre demande étant satisfaite, je vous propose de retirer l’amendement ; sinon, avis défavorable.

    M. le président

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    Même avis, monsieur le secrétaire d’État ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Oui, pour les mêmes raisons.

    (L’amendement no 23 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement no 49.

    M. Jean-Pierre Door

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    C’est le fameux amendement qui tend à instaurer la règle d’or dans le domaine des finances de la sécurité sociale. Ce dispositif imposerait que la somme des soldes consolidés des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et du FSV soit, sur une période de cinq ans, toujours positive ou nulle. Hier, le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, a dit qu’il n’était pas contre le principe, mais que la crise sanitaire créait des problèmes ; M. Olivier Dussopt a également évoqué ces difficultés. Cependant, l’amendement prévoit qu’en cas de crise majeure, la période pourrait s’allonger à dix ans. C’est logique si l’on intègre la dette du covid au budget de la sécurité sociale ; si on l’en avait sortie, le problème ne se poserait pas dans les mêmes termes.
    En Allemagne, cette règle d’or existe, malgré la crise sanitaire et son cortège de dépenses supplémentaires. Nous la réclamons depuis des années, sur les bancs de la droite et du centre. Vous êtes jeune, monsieur le rapporteur (M. le rapporteur sourit), mais j’ai le souvenir de Jean-Luc Préel, élu d’un département situé non loin du vôtre, qui l’évoquait déjà. Lorsque François Baroin était ministre du budget, l’idée d’une règle d’or à inscrire dans les PLFSS avait été mise sur la table. Hier, Olivier Véran a de nouveau rejeté cette proposition, mais avec une hésitation manifeste et des mots d’humour très sympathiques.

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Toujours sympathiques !

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Nous avons eu ce débat en première lecture ; nous avons de nouveau évoqué le sujet hier en commission avec les ministres Véran et Dussopt. En l’état, la disposition que vous proposez serait inapplicable, à moins d’augmenter considérablement les impôts et les cotisations sociales. Je vais suivre le conseil de M. Bazin et écouter attentivement vos propositions qui seront présentées vendredi ; si la règle d’or en fait partie, je serai curieux de voir de quelles augmentations d’impôt elle sera accompagnée.
    Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Rabault.

    Mme Valérie Rabault

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    Je n’ai pas eu le temps de répondre à M. le rapporteur au sujet de l’amendement no 23, mais l’annexe 4 montre les effets uniquement pour l’année suivante ; nous parlons pour notre part d’effets pluriannuels.

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    L’amendement parle également de l’année suivante !

    M. le président

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    La parole est à M. Thibault Bazin.

    M. Thibault Bazin

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    Je sens que le rapporteur veut lancer un débat ! (M. le rapporteur sourit.)
    Il vient un moment où il faut sortir du bois ! Si l’hôte du palais de l’Élysée veut être candidat à l’élection présidentielle, dites-lui d’arrêter d’utiliser l’argent public pour faire campagne ! (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)
    Vous véhiculez des mensonges en affirmant que nous serions obligés d’augmenter les taxes et les impôts. Contrairement à ce que vous avez fait depuis cinq ans, nous proposons, nous, des réformes de structure. Or ces réformes – je pense en particulier à la réforme des retraites – nous donneraient la possibilité de faire de véritables économies tout en maintenant un niveau convenable de pensions pour nos retraités, et sans augmenter les cotisations ni les impôts. Nous défendons un programme cohérent.
    Vous n’avez pas mené de réformes de fond, et cela a des conséquences sur le budget de la sécurité sociale. Le déficit de la branche retraites dépasse les 30 milliards d’euros – je parle sous le contrôle des collègues qui connaissent ces chiffres mieux que moi. C’est le seul quinquennat, depuis vingt ans, où l’on n’aura pas conduit une réforme des retraites. Même les socialistes en avaient fait une ; la droite, chaque fois qu’elle a été au pouvoir, en a fait une.

    Mme Cendra Motin

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    Vous nous avez beaucoup aidés !

    M. Thibault Bazin

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    Votre inaction explique la dégradation des comptes sociaux. Vous prétendez qu’il serait nécessaire d’augmenter les cotisations et les taxes ; mais les réformes de structure permettent justement d’éviter ces augmentations et de préserver le pouvoir d’achat des Français – une attente forte de nos concitoyens.

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Nous ne sommes ni l’un ni l’autre candidat,…

    Mme Stéphanie Rist

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    Cela viendra !

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    …mais je vous rappelle malgré tout qu’en 2019, nous atteignions l’équilibre des comptes, pour la première fois depuis très longtemps.

    M. Thibault Bazin

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    C’est vrai.

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Le trou de la sécurité sociale était en passe d’être complètement résorbé et la CADES devait s’éteindre en 2024. Il ne vous a pas échappé qu’une crise sanitaire est arrivée en cours de route,…

    M. Thibault Bazin

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    Je me rappelle surtout du 49.3 !

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    …bouleversant le calendrier des politiques publiques, notamment de la réforme des retraites qui était alors en débat dans l’hémicycle. Nous avons conduit plusieurs réformes ; nous souhaitons continuer, mais nous aurons d’autres occasions d’en débattre.
    Quoi qu’il en soit, notre système de protection sociale a tenu, tout comme notre pays grâce aux différentes mesures de soutien à notre économie. Le ministre délégué Dussopt annonçait hier des perspectives économiques meilleures que prévu, avec plusieurs milliards d’euros de recettes supplémentaires. Cela nous permet, malgré la crise sanitaire, de travailler avec un horizon positif. Mais avec 10 milliards d’euros de déficit, la règle d’or que vous proposez imposerait mécaniquement de trouver, d’ici à 2028, 10 milliards d’euros d’excédent, ce qui ne serait pas facile. C’est pourquoi j’évoque la nécessité de trouver de nouvelles recettes.

    M. Thibault Bazin

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    Nous allons travailler plus !

    M. Jean-Pierre Door

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    Ce n’est pas une bonne démonstration.

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Mais nous aurons d’autres occasions d’en discuter.

    (L’amendement no 49 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 15.

    M. Alain David

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    Nous souhaitons supprimer le compteur des écarts entre, d’une part, les dépenses de sécurité sociale indiquées dans la loi de programmation des finances publiques et, d’autre part, les dépenses prévues dans le PLFSS pour l’année suivante. En effet, ce compteur souffre de nombreux écueils.

    (L’amendement no 15, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l’amendement no 2.

    Mme Delphine Bagarry

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    Il va dans le même sens.
    Je voudrais revenir sur l’esprit de cette proposition de loi qui a pour ambition l’appropriation, par les parlementaires, les partenaires sociaux et les citoyens en général, des lois de financement de la sécurité sociale, une information plus claire et une approche pluriannuelle des comptes de la sécurité sociale. Si nous continuons à examiner annuellement les dépenses sur le court terme sans examiner leurs effets sur le long terme, comment pourrons-nous avoir une vision périphérique des décisions prises ? Comment pourrons-nous prendre de la hauteur de vue pour apprécier l’efficience des politiques publiques, leur cohérence et leur adéquation tant aux objectifs fixés qu’aux attentes des citoyens ?
    Bien sûr, les comptes de la sécurité sociale visent l’équilibre entre les recettes et les dépenses, mais il faut maintenir un pilotage par les soldes là où nous nous inquiétons de voir arriver un pilotage par la dépense. Le pilotage par les soldes assure la cohérence des objectifs et des ressources, ainsi que l’efficience des outils de gestion.
    Je propose que le rapport prévu à l’article 2 présente pour « les quatre années à venir les prévisions de solde des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement qui figurent dans cette même loi et s’assure de leur cohérence avec les politiques publiques portées par chacune des branches ».

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    L’annexe B comprend déjà les soldes de l’ensemble des régimes obligatoires de base pour les quatre années à venir. Votre amendement créerait un parfait doublon. Proposition de retrait ; à défaut, avis défavorable.

    (L’amendement no 2, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 10.

    M. Alain David

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    Il vise à enrichir le compteur de l’écart entre, d’une part, les recettes de la sécurité sociale indiquées dans la loi de programmation des finances publiques et, d’autre part, les recettes prévues dans le PLFSS.
    En l’état de la rédaction du texte, le compteur des écarts porte uniquement sur les dépenses des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement. Il n’inclut donc pas les recettes de ces régimes et de ces organismes. Cette présentation tronquée risque de développer une vision stigmatisante de la dépense de sécurité sociale, celle d’une dépense qui dériverait naturellement. Nous proposons d’enrichir le compteur des écarts d’une vision des recettes.

    (L’amendement no 10, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 16 et 52.
    La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 16.

    M. Alain David

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    Il vise à supprimer l’obligation pour le Gouvernement de présenter les mesures prévues pour réduire les éventuels écarts constatés. Le compteur des écarts des dépenses, tel que proposé par le texte, ne tient pas compte de la conjoncture économique. Il semble dès lors illogique d’obliger le Gouvernement à présenter des mesures visant à réduire ces écarts. Par exemple, si un tel compteur des écarts avait été créé avant la crise économique liée à l’épidémie de covid-19, il aurait affiché des écarts de plusieurs dizaines de milliards d’euros. Le Gouvernement aurait alors dû, dès le PLFSS pour 2021, donc en octobre 2020, présenter des mesures de réduction de ces écarts, par exemple des mesures d’austérité visant à réduire les dépenses. C’est une véritable aberration : ces mesures auraient alors ralenti la reprise économique et pénalisé les plus fragiles d’entre nous. On voit bien que cette obligation de prendre des mesures de réduction des écarts des dépenses est hors-sol, et doit donc être supprimée.

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement no 52.

    Mme Marie-George Buffet

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    L’article 2 prévoit que le PLFSS de l’année soit accompagné d’un rapport sur les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses pour les quatre années à venir, renforçant la logique pluriannuelle de ce budget. Ce rapport devra également présenter les écarts entre les prévisions et les dépenses réellement engagées ainsi que les mesures prévues par le Gouvernement pour mettre fin à ceux-ci. Cette disposition renforce la logique d’ajustement par la dépense du budget de la sécurité sociale, logique qui sert depuis des années à justifier des coupes dans les dépenses sociales. C’est pourquoi nous proposons de supprimer cette disposition.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Défavorable. Si le texte oblige bien le Gouvernement à expliquer l’écart constaté, dû par exemple, dans le cas que vous évoquez, à la crise sanitaire, il ne l’oblige en aucun cas à prendre des mesures pour réduire cet écart. Il s’agit d’éviter précisément l’écueil que vous pointez, à savoir le ralentissement de la reprise économique.

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    L’idée n’est pas de contraindre. Avec votre amendement, vous cassez un outil que vous prenez pour une politique. Le Gouvernement sera obligé d’expliquer les écarts entre les prévisions et les dépenses réellement engagées, et il pourra éventuellement présenter des mesures correctrices devant le Parlement ; il n’y sera en aucun cas obligé, afin d’éviter la logique d’ajustement que vous évoquez.

    (Les amendements identiques nos 16 et 52, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    L’amendement no 39 de M. le rapporteur est rédactionnel.

    (L’amendement no 39, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l’amendement no 3.

    Mme Delphine Bagarry

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    Il s’agit de reprendre une proposition du Sénat visant à créer un programme d’évaluation des politiques de sécurité sociale (PEPSS). C’est un outil d’évaluation qui permettrait de vérifier l’efficience des politiques publiques sur plusieurs années. L’approche ne serait pas uniquement comptable, elle serait fondée sur l’atteinte d’objectifs mesurée par des indicateurs de performance.
    On pourrait ainsi avoir deux annexes distinctes : à côté de l’état des lieux, une autre annexe aurait trait aux objectifs. Cette dernière pourrait faire l’objet d’un débat et d’un vote du Parlement sur la base des objectifs et des indicateurs y figurant. Cela permettrait aussi de sortir de l’approche annuelle à laquelle l’ONDAM nous contraint, en offrant une vision différente qui serait débattue dans le cadre du Printemps social de l’évaluation. Il me semble que c’est en parfaite cohérence avec l’esprit de la proposition de loi organique qui vise à améliorer la compréhension des politiques publiques. Surtout, cela renforcerait l’adéquation avec les besoins des citoyens en créant ainsi les conditions d’une vraie démocratie sociale.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    L’avis est défavorable, parce que votre proposition ferait doublon avec les rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale (REPSS).

    (L’amendement no 3, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l’amendement no 4.

    Mme Delphine Bagarry

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    Il vise à créer une annexe distincte concernant les dépenses liées aux prix réels des médicaments, dans le souci de renforcer l’information qui est due aux parlementaires et, de façon plus générale, aux citoyens. C’est là aussi une question de transparence ; nous devons être suffisamment éclairés.
    On sait que l’inflation des prix des médicaments peut menacer la soutenabilité du système de santé. La pandémie de covid-19 a été marquée – elle l’est encore – par une mobilisation importante de fonds publics en matière de recherche et de développement dans le domaine médical. Il me semble qu’œuvrer en faveur de la transparence du marché pharmaceutique est de plus en plus d’actualité. C’est un enjeu important afin de renforcer notre démocratie sanitaire, mais aussi pour garantir l’accès aux produits de santé pour toutes et tous.
    Les annexes dont nous disposons actuellement ne fournissent pas d’informations détaillées et exhaustives sur les coûts réels, donc les prix réels, des médicaments. Voilà pourquoi il est proposé de créer une annexe spécifique détaillée et transparente.
    J’ajouterai que l’amendement s’inscrit dans le prolongement de la résolution de l’Assemblée mondiale de la santé de mai 2019, et des recommandations du Conseil économique, social et environnemental (CESE) de janvier 2017 qui appelaient à une amélioration de la transparence du marché pharmaceutique par un renforcement du droit à l’information des citoyens. L’amendement a été élaboré avec Action santé mondiale qui est un collectif de juristes travaillant pour des organisations non gouvernementales dans le domaine de la santé.

    (L’amendement no 4, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement no 53.

    Mme Marie-George Buffet

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    L’annexe 5 du PLFSS, qui retrace les différentes mesures d’exonérations de cotisations sociales, reste très sommaire s’agissant de l’évaluation de ces dispositifs. Ce constat est appuyé par la Cour des comptes dans son rapport de 2019 sur l’application des LFSS. Elle y indique que « les évaluations de l’efficacité des niches sociales n’ont pas d’effet perceptible sur les choix publics. Elles portent sur un champ partiel et leur méthodologie est inégalement robuste. Lorsque des évaluations constatent l’inefficacité de certaines niches, celles-ci ne sont que rarement remises en cause. » C’est pourquoi la Cour préconise de mieux évaluer les niches sociales et de supprimer celles qui sont peu efficientes.
    Au vu des sommes en jeu, il est nécessaire que la représentation nationale ait une connaissance plus fine de l’usage de ces dispositifs par les entreprises. C’est pourquoi nous proposons de disposer d’une évaluation précise et détaillée de l’impact des mesures d’exonération sur les créations d’emploi et les dynamiques salariales au sein de l’annexe 5 du PLFSS.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Je partage entièrement votre intention. C’est tout l’objet du renforcement de l’évaluation des exonérations de cotisations sociales que je propose dans le cadre de la présente proposition de loi, en ayant conscience de la charge de travail supplémentaire que cette tâche représentera pour le ministère des solidarités et de la santé. Toutes les exonérations feront régulièrement l’objet d’une évaluation afin de déterminer si elles remplissent ou non l’objectif poursuivi au moment de leur vote par le Parlement.
    Toutefois, toutes les exonérations ne visent pas à la création d’emplois ou à l’augmentation des salaires. Les exonérations portant sur l’activité des médecins retraités exerçant en zone de montagne ou les exemptions d’assiette liées aux titres restaurant ou aux chèques repas ne pourraient rentrer dans les catégories que vous proposez. En revanche, je vous confirme bien que les exonérations qui visent spécifiquement la création d’emplois ou l’augmentation des salaires seront examinées par rapport à ces objectifs, sur la base d’une évaluation triennale. Je vous propose donc de retirer l’amendement car il est satisfait ; à défaut, l’avis sera défavorable.

    (L’amendement no 53, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 40 de M. le rapporteur est rédactionnel.

    (L’amendement no 40, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 11.

    M. Alain David

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    Nous souhaitons retirer du périmètre du PLFSS l’annexe portant sur les perspectives financières de l’assurance chômage laquelle, malgré le cadrage financier de l’État que vous avez instauré avec la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, est encore un régime paritaire géré par les partenaires sociaux. Il découle de ce paritarisme que lorsque le législateur examine le PLFSS, il n’a pas à se prononcer sur les perspectives financières de l’assurance chômage qui ne rentrent pas du tout dans le périmètre de la sécurité sociale. Nous voulons donc que cette annexe soit retirée.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    J’ai un peu de mal à comprendre votre intention. Cela me semble incohérent dans le sens où, dès lors que le champ de l’article liminaire des LFSS couvre l’ensemble des administrations de sécurité sociale, il est naturel que les parlementaires disposent des informations leur permettant de comprendre cet article liminaire – c’est d’ailleurs la même chose dans le PLF.
    De plus, vous estimez que du fait de la gestion du régime d’assurance chômage par les partenaires sociaux, le Parlement n’aurait pas à connaître ses perspectives financières. Or nous disposons déjà de ces perspectives pour l’ensemble des autres branches de l’assurance maladie, comme la branche AT-MP, qui sont elles aussi gérées de façon paritaire.
    Enfin, et surtout, compte tenu des débats que nous avons eus en première lecture, je m’étonne que vous ne souhaitiez pas que les parlementaires soient correctement informés des décisions prises par les partenaires sociaux et le Gouvernement, lesquelles engagent pourtant des millions de Français. Avis défavorable.

    (L’amendement no 11, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 12.

    M. Alain David

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    Il vise à retirer du périmètre du PLFSS l’annexe portant sur les perspectives financières des régimes de retraite complémentaire obligatoires, qui sont eux aussi gérés paritairement par les partenaires sociaux. Il découle de ce paritarisme que le législateur n’a pas à être saisi des perspectives financières de ces régimes lorsqu’il examine le PLFSS.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Pour les mêmes raisons que l’amendement précédent, l’avis est défavorable.

    (L’amendement no 12, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 41 de M. le rapporteur est un amendement de coordination.

    (L’amendement no 41, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    M. le président

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    Les amendements nos 42 et 43 de M. le rapporteur sont rédactionnels.

    (Les amendements nos 42 et 43, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

    M. le président

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    La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 13.

    M. Alain David

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    Il vise à retirer du périmètre du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année précédente l’annexe portant sur l’état des recettes, des dépenses et du solde du régime d’assurance chômage. En effet, malgré le cadrage financier de l’État instauré par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, l’assurance chômage est encore un régime paritaire géré par des partenaires sociaux. Que chacun s’occupe de ce dont il a la charge.

    (L’amendement no 13, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 14 de Mme Valérie Rabault est défendu.

    (L’amendement no 14, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement du Gouvernement no 55.

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    C’est un amendement rédactionnel qui vise à isoler les dispositions relatives à la mission d’assistance de la Cour des comptes au sein d’une section spécifique du chapitre Ier bis du titre Ier du livre Ier du code de la sécurité sociale.

    (L’amendement no 55, accepté par la commission, est adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 44 de M. le rapporteur est rédactionnel.

    (L’amendement no 44, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 56.

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Comme je l’indiquais dans la présentation du texte, cet amendement vise à informer les commissions des affaires sociales du Parlement lorsque les budgets des fonds et des agences financés par l’assurance maladie – comme Santé publique France ou l’Agence de la biomédecine (ABM) – font l’objet d’une augmentation en cours d’exercice de plus de 10 % par rapport à ce qui a été indiqué dans l’annexe à la LFSS votée. Cette information complétera le renforcement des annexes et permettra, je le crois, une adoption conforme du texte par nos amis sénateurs.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Il s’agit d’améliorer encore l’information du Parlement, à travers une proposition qui nous semble à la fois pertinente et équilibrée car elle permettra de concilier les mécanismes d’urgence qu’il faut préserver et qui ont démontré toute leur utilité dans la crise que nous avons traversée – M. le rapporteur a cité Santé publique France dont nous avons dû augmenter de plusieurs centaines de millions d’euros le budget en très peu de jours – avec la bonne information des assemblées parlementaires. L’avis du Gouvernement est donc favorable.

    (L’amendement no 56 est adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 45 rectifié de M. le rapporteur est un amendement de coordination.

    (L’amendement no 45 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    (L’article 2, amendé, est adopté.)

    Article 3

    M. le président

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    La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 20.

    M. Alain David

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    Il vise à élaborer un tableau de bord comportant des objectifs stratégiques majeurs de politique sanitaire et sociale. Il est cohérent avec la demande d’insertion d’un véritable tableau de bord destiné à enrichir le PLFSS, que nous avions formulée à l’article 1er.

    M. le président

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    Sur l’ensemble de la proposition de loi organique, je suis saisi par le groupe La République en marche d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Vous demandez un rapport relatif aux enjeux des politiques sanitaires et sociales et à la réalisation des objectifs qu’elles poursuivent. Or il existe déjà les REPSS, qui se déclinent par branche et comparent, pour chacune d’elles, les réalisations aux objectifs fixés. Pour la branche famille, le rapport s’intéresse ainsi aux objectifs de la politique familiale que sont par exemple le soutien à la natalité, l’attention spécifique portée aux familles modestes et la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle, en particulier pour les femmes.
    Ensuite, vous souhaitez l’organisation d’une conférence des finances sociales réunissant les acteurs de la sécurité sociale, notamment les branches et organismes. Là encore, celle-ci existe déjà :  il s’agit de la commission des comptes de la sécurité sociale, à laquelle le Gouvernement présente traditionnellement le PLFSS fin septembre.
    Je profite de cette occasion pour souligner que les caisses enverront désormais leur avis aux parlementaires, et non plus au Gouvernement. Elles disposeront donc de quinze jours, au lieu de quelques-uns seulement, ce qui sera bénéfique à tous. Je vous propose donc de retirer votre amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Rabault.

    Mme Valérie Rabault

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    Je me permets d’insister, en citant un exemple concret. Lorsque la pénurie de médicaments a commencé à se faire sentir en France, j’ai écrit cinq fois à la ministre des solidarités et de la santé, entre novembre 2017 et fin 2018. Le sujet n’a été abordé que dans un PLFSS bien postérieur. J’ai dû attendre d’interroger le Premier ministre, lors de la séance de questions au Gouvernement du 19 juin 2019, pour voir évoluer la situation. Nous devrions au minimum organiser des alertes et disposer d’un tableau de bord permettant un suivi précis de tous les sujets relatifs à la santé.

    (L’amendement no 20 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 21.

    M. Alain David

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    Il vise à empêcher la discussion du PLFSS tant que ses annexes n’ont pas été déposées sur le bureau de l’Assemblée nationale.
    En effet, ces documents sont remis avec un retard qui croît chaque année. Ils sont pourtant précieux, en particulier l’annexe 7 relative à l’ONDAM. Ainsi, lors de l’examen du PLFSS pour 2022, le Parlement n’a disposé de la totalité des annexes que dix jours après le dépôt du texte, alors que son examen par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale avait déjà commencé.
    Cette pratique altère l’information du Parlement et donc son droit d’amendement. Il convient de la faire cesser, comme Mme Rabault l’a maintes fois répété.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Je comprends votre intention et je la partage. Il est en effet compliqué de discuter le projet de loi de financement sans disposer de toutes les informations disponibles, qui sont nécessaires pour éclairer le débat. Néanmoins, la majeure partie des informations, dont l’ensemble couvre plus de 800 pages, sont remises en temps et en heure.
    Votre amendement est toutefois satisfait, puisque la présente proposition de loi organique prévoit que les annexes seront remises au moment du dépôt du projet de loi de financement ou du projet de loi d’approbation des comptes, lequel est avancé, je le rappelle. L’adoption de votre amendement n’améliorerait pas l’efficacité du dispositif. Je vous propose donc de le retirer, à défaut de quoi l’avis sera défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Même avis, pour les mêmes raisons.

    (L’amendement no 21 n’est pas adopté.)

    (L’article 3 est adopté.)

    Article 3 bis

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Six, pour soutenir l’amendement no 31.

    Mme Valérie Six

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    Il vise à rétablir la rédaction de l’article 3 bis issue des travaux du Sénat. La capacité d’évaluation des politiques publiques du Parlement dépend largement des données dont il dispose.
    Il s’agit d’étendre la liste des demandes de renseignements administratifs et financiers que les commissions des affaires sociales des deux chambres peuvent formuler, en ajoutant l’évaluation « de l’impact financier de l’évolution d’une ou plusieurs dispositions législatives encadrant des prestations légalement servies ».

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Thomas Mesnier, rapporteur

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    Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Défavorable également. Premièrement, au regard de l’article 20 de la Constitution, ce dispositif pourrait susciter des difficultés juridiques, en particulier s’il faisait l’objet d’une interprétation large. Ensuite, le texte tend déjà à doter la commission des affaires sociales de moyens d’investigation importants. Ainsi, les rapporteurs peuvent obtenir des précisions sur les dispositions examinées, en envoyant des questionnaires aux services de l’État et aux caisses de la sécurité sociale ou en leur demandant de transmettre des documents.

    (L’amendement no 31 n’est pas adopté.)

    (L’article 3 bis est adopté.)

    Article 3 ter

    M. le président

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    L’amendement no 46 de M. le rapporteur est rédactionnel.

    (L’amendement no 46, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    (L’article 3 ter, amendé, est adopté.)

    Article 3 quater

    M. le président

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    L’amendement no 24 de Mme Valérie Rabault est défendu.

    (L’amendement no 24, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    (L’article 3 quater est adopté.)

    Article 3 quinquies

    M. le président

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    Les amendements nos 47 et 48 de M. le rapporteur sont des amendements de coordination.

    (Les amendements nos 47 et 48, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

    (L’article 3 quinquies, amendé, est adopté.)

    Article 3 sexies

    (L’article 3 sexies est adopté.)

    Article 4

    M. le président

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    L’amendement no 32 de Mme Valérie Six est défendu.

    (L’amendement no 32, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    (L’article 4 est adopté.)

    Vote sur l’ensemble

    M. le président

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    Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi organique.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        47
            Nombre de suffrages exprimés                44
            Majorité absolue                        23
                    Pour l’adoption                40
                    Contre                4

    (La proposition de loi organique est adoptée.)
    (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Discussion des articles (proposition de loi)

    M. le président

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

    Article 1er

    M. le président

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    L’amendement no 2 de M. le rapporteur est un amendement de coordination.

    (L’amendement no 2, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    (L’article 1er, amendé, est adopté.)

    Article 1er bis

    M. le président

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    Les amendements nos 3 et 4 de M. le rapporteur sont des amendements de coordination.

    (Les amendements nos 3 et 4, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

    (L’article 1er bis, amendé, est adopté.)

    Vote sur l’ensemble

    M. le président

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    Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

    (La proposition de loi est adoptée.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à onze heures quinze.)

    M. le président

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    La séance est reprise.

    2. Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains

    Discussion d’un projet de loi

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains (nos 4338, 4708).

    Présentation

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité.

    M. Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité

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    Je suis heureux et fier de présenter le projet de loi destiné à autoriser la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains. L’examen de ce texte est un signal fort de l’engagement de la France en faveur de la défense des droits de l’homme, qui guide aussi bien notre action nationale que notre action internationale, et surtout européenne. Le Président de la République l’a réaffirmé avec force devant le Parlement européen, en faisant de la préservation des droits de l’homme un enjeu clé de la présidence française de l’Union européenne.
    Comme vous le savez, le trafic d’organes est une pratique d’une extrême gravité. Cette pratique inhumaine bafoue des principes fondamentaux de notre droit comme de notre modèle démocratique : la dignité humaine et le principe de non-patrimonialité du corps humain. Or si nous la condamnons fermement et la combattons résolument, elle continue à prendre de l’ampleur dans le monde.
    L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 5 % à 10 % des greffes d’organes réalisées dans le monde résultent du trafic d’organes, soit près de 15 000 greffes par an. Les profits annuels tirés de cette activité illicite s’élèveraient à un montant estimé entre 600 millions et 1,2 milliard de dollars par an. Surtout, le trafic d’organes touche particulièrement les personnes vulnérables. C’est ce qu’a rappelé un rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) publié en 2020 : les personnes vulnérables, comme les migrants, sont les premières victimes de réseaux de criminalité organisée. Ces réseaux se déploient souvent sur plusieurs pays, et impliquent de multiples acteurs, d’où la nécessité d’une réponse internationale et coordonnée pour lutter contre ce type de trafics. C’est pourquoi la France a fait de la lutte contre le trafic d’organes l’une de ses priorités.
    Il nous faut aujourd’hui redoubler d’efforts. Dans cette perspective, l’adoption de ce projet de loi par votre assemblée constituerait donc une grande avancée, et permettrait de renforcer l’action internationale menée par la France dans ce domaine. Sur le plan international, notre pays a notamment pris un engagement fort, le 25 novembre 2019, alors qu’il présidait le comité des ministres du Conseil de l’Europe, en signant la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre le trafic d’organes humains, dite convention de Compostelle.
    La France a également présenté, avec les États-Unis, une résolution destinée à renforcer la lutte contre la traite des êtres humains – qui inclut le trafic d’organes – à l’occasion de la dixième conférence des États parties à la convention de Palerme. Sur le plan européen, la traite des êtres humains, qui intègre notamment la traite aux fins du prélèvement d’organes, constituait l’une des treize priorités identifiées par l’Office européen de police (EUROPOL) pour le cycle politique européen de lutte contre la criminalité organisée 2014-2017. Notre pays a œuvré pour que cette priorité soit maintenue dans le cycle 2018-2021.
    La convention que le Gouvernement vous demande de l’autoriser à ratifier est un nouvel outil pour faire progresser notre engagement dans la lutte contre le trafic d’organes.
    Premièrement, elle renforce le dispositif pénal dédié à la lutte internationale contre le trafic d’organes, en instaurant de nouvelles infractions couvrant un large spectre de situations. Elle impose ainsi aux États parties d’incriminer des comportements tels que le prélèvement d’organes sans consentement, ou en contrepartie d’un profit ou d’un avantage, mais aussi l’ensemble des actes en amont et en aval du prélèvement illicite.
    Deuxièmement, elle institue des mesures nécessaires de protection et de dédommagement en faveur des victimes du trafic d’organes. À ce titre, elle agit notamment en amont, en garantissant un accès équitable aux services de transplantation et en sensibilisant le public quant au caractère illégal et dangereux de ce trafic. En outre, la convention oblige les États parties à veiller à ce que les victimes aient accès aux informations pertinentes et soient aidées dans leur rétablissement, et en prévoyant leur indemnisation par les auteurs d’infractions. Ces mesures sont nouvelles : à ce jour, en France, il n’existe pas de dispositifs spécifiques de protection des victimes de trafic d’organes. Celles-ci ont accès aux prises en charge gratuites et holistiques offertes à l’ensemble des victimes d’infractions pénales, assurées par les associations d’aide aux victimes financées par le ministère de la justice.
    Troisièmement, la convention favorise la mise en place de coopérations internationales en matière pénale destinées à lutter spécifiquement contre le trafic d’organes, ce que la nature transnationale du phénomène rend profondément nécessaire. Cela doit permettre, à terme, l’interpellation des différents acteurs s’adonnant à ces trafics, tout en aidant à en appréhender les coauteurs ou les complices éventuels en sollicitant dans certains cas leur extradition et en facilitant le gel de leurs avoirs. Pour l’ensemble de ces raisons, je suis heureux et fier de vous présenter ce projet de loi : son adoption constituerait une avancée majeure pour la lutte contre le trafic d’organes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Ramlati Ali, rapporteure de la commission des affaires étrangères.

    Mme Ramlati Ali, rapporteure de la commission des affaires étrangères

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    Notre assemblée débat aujourd’hui du projet de loi autorisant la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains du 25 mars 2015, dite convention de Saint-Jacques-de-Compostelle, entrée en vigueur en mars 2018 et signée par la France en novembre 2019. Cette convention a pour principal objectif de contribuer à l’éradication du trafic d’organes humains, en prévenant et en combattant ce crime qui se joue des frontières. Elle prévoit l’incrimination d’une série d’actes et comporte un important volet consacré à la protection des victimes des trafics. Elle vise également à faciliter la coopération internationale pour lutter contre ce fléau mondial.
    Si l’ampleur et la portée exactes des trafics d’organes restent très difficiles à estimer, l’OMS estime que 5 % à 10 % des greffes d’organes réalisées dans le monde résultent de trafics, soit environ 15 000 greffes par an. Les estimations les plus hautes s’élevant à 4 millions de greffes par an, il est vraisemblable que la réalité se situe quelque part entre ces deux paliers. Dans la majorité des cas, les trafics d’organes concernent le rein. Toutes voies confondues, ils dégageraient entre 600 millions et 1,2 milliard de dollars de profits par an, ce qui en fait une activité particulièrement lucrative et par là même difficile à combattre. Par ailleurs, si le trafic d’organes peut résulter du trafic d’êtres humains, le lien n’est pas systématique.
    Les pays les plus touchés par les trafics d’organes sont ceux dans lesquels le système de transplantation repose essentiellement sur le prélèvement sur donneurs vivants ou dans lesquels le dispositif de prélèvement sur donneurs décédés n’est pas suffisamment élaboré. On peut citer l’Inde, le Pakistan, les Philippines, le Bangladesh, l’Égypte, le Mexique, le Cambodge ou le Sri Lanka. La présence d’importants flux migratoires peut aussi être un facteur déterminant, comme dans le cas de l’Égypte, de l’Irak ou de la Syrie. Selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, la majorité des personnes victimes des trafics d’organes seraient des migrants de sexe masculin, un nombre croissant de victimes étant originaires de pays marqués par des conflits, tels que la Syrie, l’Irak ou la Somalie.
    Vous l’aurez compris, les trafics d’organes sont un fléau d’autant plus répréhensible qu’ils s’attaquent aux plus vulnérables. De nombreux abus ont également été dénoncés en Chine ces dernières années : ils concernent des prélèvements illicites visant en particulier des minorités et des prisonniers politiques et impliquant les autorités et non des réseaux de type mafieux, comme cela est majoritairement le cas ailleurs dans le monde. En effet, les voies de redistribution d’organes illicitement prélevés suivent celles de la criminalité organisée transfrontalière, notamment celles de la traite des êtres humains.
    Depuis les années 1980, on constate aussi le développement d’un tourisme de transplantation, qui concerne généralement des ressortissants de pays développés se rendant dans un pays étranger pour acheter un organe et bénéficier d’une greffe. Ce phénomène a été condamné par l’OMS au début des années 2000, ainsi que dans la déclaration d’Istanbul de 2008. Cette dernière est l’un des éléments de l’arsenal juridique progressivement mis en place par la communauté internationale pour lutter contre les trafics d’organes.
    En effet, si la convention qui nous intéresse aujourd’hui est le tout premier instrument juridique international spécifiquement consacré aux trafics d’organes, elle vient parachever un édifice préexistant. On peut notamment citer la Convention des Nations unies de 2000 contre la criminalité transnationale organisée et son protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, ou encore la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine de 1997 et son protocole additionnel de 2007 relatif à la transplantation d’organes et de tissus d’origine humaine. En 2010, l’Assemblée générale de l’OMS a adopté des principes directeurs sur la transplantation de cellules, de tissus et d’organes humains, et souligné que les gouvernements sont responsables du développement de l’accès à la greffe dans des conditions éthiques satisfaisantes.
    La lutte contre le trafic d’organes est aussi un enjeu européen. Elle est abordée dans le cadre de la lutte contre la traite des êtres humains, tandis qu’une réglementation commune sur les transplantations d’organes a été élaborée. Une directive relative aux normes de qualité et de sécurité des organes a ainsi été adoptée en 2010. En 2015 a été lancée la plateforme Fœdus, qui permet de mettre en relation les États européens afin que les organes n’ayant pas trouvé de receveurs dans leur pays d’origine soient réorientés vers d’autres pays européens. Je tiens à mentionner l’existence de cette plateforme, qui rappelle que le développement des greffes et des transplantations constitue non seulement une remarquable prouesse scientifique et médicale, mais aussi un magnifique symbole de la solidarité humaine.

    Mme Ramlati Ali,, rapporteure

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    En France, un dispositif juridique et opérationnel a été élaboré il y a plusieurs années afin d’encadrer les dons, transplantations et greffes d’organes et par là même d’interdire et de sanctionner les trafics, qui contreviennent à plusieurs principes juridiques fondamentaux de notre droit, tels que la dignité humaine, la liberté individuelle ou la non-patrimonialité du corps humain. La loi du 29 juillet 1994, dite loi bioéthique, a consacré les principes fondamentaux du don d’organes : gratuité, anonymat et libre consentement du donneur.
    Il ressort de ce suivi que le nombre de personnes résidant en France et greffées à l’étranger est très faible. Il s’agit le plus souvent de personnes d’origine étrangère qui bénéficient dans leur pays d’origine d’une greffe réalisée à partir d’une personne leur étant apparentée, en conformité avec les lois du pays en question. Même si les besoins d’organes enregistrés en France restent supérieurs aux quantités disponibles, les ressortissants français sont très peu incités à recourir au tourisme de transplantation, tant les garanties apportées par notre système de santé sont élevées. Au niveau européen, le constat est le même : les enquêtes réalisées par le Conseil de l’Europe en attestent.
    Dans l’ensemble, le droit français est déjà conforme aux stipulations de la convention. Le code pénal punit de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende le fait de prélever un organe sur une personne vivante majeure sans que le consentement de celle-ci ait été recueilli dans les conditions prévues par le code de la santé publique, ainsi que le fait d’obtenir d’une personne l’un de ses organes contre un paiement ; il punit de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait de procéder à des prélèvements à des fins scientifiques sur une personne décédée sans avoir respecté le protocole prévu par le code de la santé publique.
    Comme le permet la convention et selon une procédure classique du droit international, la France a toutefois choisi d’émettre des réserves sur certains points. En première analyse, on pourrait redouter que cela n’affaiblisse la portée de la convention, mais ce risque me semble pouvoir être relativisé. Il s’agit en effet d’éviter une incompatibilité avec certaines dispositions fondamentales de notre droit pénal, à savoir le principe de la double incrimination et les règles de compétence des juridictions françaises pour les personnes ayant leur résidence habituelle en France mais ayant commis un crime à l’étranger. La France a déclaré que dans ces cas, elle n’exercerait sa compétence que de façon limitée concernant les crimes visés par la convention.
    Ces réserves, qui ne viendront en rien fragiliser le dispositif national très solide qui existe déjà dans notre pays pour lutter contre les trafics d’organes, seront en revanche de nature à favoriser l’adhésion d’un nombre important d’États à la convention de Saint-Jacques-de-Compostelle. Celle-ci, ouverte à la signature des États non membres du Conseil de l’Europe, est susceptible de constituer une force d’entraînement mondial, en dépit de l’absence parmi les États signataires ou susceptibles de l’être de ceux qui sont considérés comme des points névralgiques du trafic international d’êtres humains.
    J’ajoute que l’engagement de notre pays en matière de lutte contre les trafics d’organes passe aussi par la coopération judiciaire bilatérale en matière pénale, que la présente convention encourage, et par l’encadrement de nos partenariats scientifiques et universitaires, qui doivent se faire dans le respect des engagements internationaux souscrits par la France. L’Agence de la biomédecine travaille ainsi en collaboration avec le ministère des solidarités et de la santé et les postes diplomatiques pour favoriser le développement des prélèvements et transplantations d’organes éthiquement encadrés. Il s’agit d’un point sur lequel nous devons rester très vigilants.
    En conclusion, je vous invite à voter en faveur du projet de loi de ratification de cette convention, qui atteste de la capacité des États à unir leurs forces pour lutter contre un fléau mondial particulièrement répréhensible. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et GDR.)

    Discussion générale

    M. le président

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean François Mbaye.

    M. Jean François Mbaye

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    De tous les réseaux criminels qui sévissent de par le monde, il n’en est sans doute pas de plus abjects que ceux qui s’adonnent au trafic d’organes. Il n’est en effet pas de mots suffisamment forts pour décrire l’écœurement ressenti à l’idée qu’une personne puisse être privée de son sang et de sa chair pour satisfaire une cupidité inhumaine. Pourtant, vous l’avez rappelé, on considère que 5 à 10 % des greffes réalisées dans le monde résultent de ce fonds de commerce morbide, soit quelque 15 000 transplantations et autant d’organes prélevés au mépris de la dignité et de la vie des êtres humains.
    Derrière ce terrible constat, il y en a un autre tout aussi terrible : des femmes et des hommes poussés par le désespoir choisissent d’emprunter des voies criminelles pour bénéficier d’une greffe. Lorsque la maladie et la mort étendent leur empire, celui de la morale et de l’éthique recule souvent en proportion. La confluence de ces deux réalités constitue la spécificité qui fait du trafic d’organes humains une activité criminelle particulièrement atroce. Il ne consiste pas à satisfaire une addiction à des substances psychotropes, pas plus qu’il ne vise à assouvir des ambitions belliqueuses d’un seigneur de guerre en venant grossir son arsenal : non, chers collègues, il ne s’agit rien de moins que de monnayer ce que nous avons toutes et tous de plus précieux, la vie.
    Ainsi que je l’avais dit lors de l’examen du projet de loi de ratification en commission des affaires étrangères, la France n’a eu de cesse de renforcer un cadre juridique reposant sur des normes nationales et internationales pour lutter contre ce fléau. Elle est notamment partie à la convention d’Oviedo du 4 avril 1997, qui assure la protection de la dignité de chaque être humain et fait écho, comme vous l’avez rappelé, madame la rapporteure, aux articles 16 et suivants de notre code civil. Ce faisant, elle a fait le choix de graver ces valeurs humanistes tant dans le marbre des traités que dans celui de la loi. Consciente de l’importance de la coopération interétatique pour enrayer des trafics qui revêtent souvent une dimension internationale, la France est également partie à des traités de nature opérationnelle, à l’instar de la convention de Palerme de novembre 2000 contre la criminalité transnationale organisée.
    Aujourd’hui, chers collègues, nous nous apprêtons à ajouter une nouvelle pierre à l’édifice normatif. En autorisant la ratification de la convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains, nous parachèverons une gamme d’instruments dont la combinaison apparaît comme la seule réponse viable aux problèmes existants. Si nous devons bien sûr nous déclarer sans ambiguïté contre ces pratiques odieuses, il est en effet vain de croire que les initiatives individuelles permettront d’y mettre un terme dès lors qu’elles ont lieu en dehors de nos frontières.
    À l’image de nombreux défis auxquels nous devons faire face à l’échelle mondiale, la lutte contre ces crimes réclame une mobilisation globale et coordonnée, afin de neutraliser chacun des maillons de ces chaînes criminelles. Concrètement, cela implique bien évidemment de procéder à l’arrestation des trafiquants, mais également de réduire la demande en amont, en sensibilisant les potentiels receveurs d’organes aux risques qu’ils encourent en se soumettant à de telles transplantations. Pour ce faire, la coopération est indispensable partout où elle est possible. La ratification de la convention de Saint-Jacques-de-Compostelle qui nous est proposée permettra de bénéficier d’une base juridique solide et de renforcer les liens existants afin d’en créer de nouveaux.
    Convaincu que les postures ne sont jamais gage d’efficacité et que seule une approche pragmatique et résolue contribuera à lutter efficacement contre le trafic d’organes, le groupe La République en marche votera donc en faveur du projet de loi autorisant la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. Alain David.

    M. Alain David

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    La situation internationale est très préoccupante. Malheureusement, la différence notable entre les besoins de greffes et le nombre beaucoup plus faible d’organes disponibles contribue à alimenter le trafic international de manière structurelle. L’OMS estime qu’entre 5 et 15 % des greffes au niveau mondial résulterait du trafic international, soit près de 15 000 greffes. Pourtant, les estimations les plus hautes évoquent 4 millions de greffes par an. Celles-ci dégageraient entre 600 millions et 1,2 milliard de dollars de profits annuels.
    Plusieurs situations particulières donnent lieu à des trafics d’organes. Il s’agit des zones de conflit où le droit est inexistant, comme en Irak, en Syrie ou en Somalie. Il s’agit ensuite des pays de départ ou de transit de flux migratoires comme l’Égypte, ou encore des États où le système de transplantation relatif à des donneurs vivants ou décédés ne fait pas l’objet d’un dispositif de prélèvement suffisamment élaboré, comme l’Inde, le Sri Lanka, le Bangladesh, le Pakistan, le Mexique, les Philippines ou le Cambodge. Enfin, ces dernières années, de nombreuses critiques se sont élevées à l’encontre d’un pays, la Chine, qui serait à l’origine du plus grand nombre de trafics d’organes prélevés sans consentement sur les prisonniers politiques ou de conscience, notamment les Ouïghours, dont nous avons évoqué la situation la semaine dernière.
    Notons qu’il convient de différencier le trafic d’organes humains en tant que tel du trafic d’êtres humains ayant pour objet, en partie, le trafic d’organes. Ce dernier suit néanmoins les mêmes filières habituelles de la criminalité transfrontalière.
    Je remercie Mme la rapporteure pour son exposé éclairant sur un sujet toujours sensible. Il semble d’ailleurs que les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire aient amplifié le phénomène dans certains pays particulièrement touchés par la pauvreté. C’est apparemment le cas de certaines régions en Inde, où le don d’organes pour payer des dettes explose. Cela avait également été le cas au Népal après le tremblement de terre de 2015. Certains camps de réfugiés du sous-continent indien sont aussi touchés. Je suis par ailleurs inquiet de l’amplification du phénomène en Europe. Je vous sais gré des chiffres que vous nous avez donnés, madame la rapporteure.
    Aussi, il ne peut être que positif que ce chantier, ouvert en 2009 par le Conseil de l’Europe et les Nations unies, connaisse un aboutissement législatif. La convention de Saint-Jacques-de-Compostelle, signée il y a plus de six ans, est entrée en application il y a près de trois ans. Notre diplomatie a eu amplement le temps de formuler les réserves que vous avez évoquées.
    Sa valeur ajoutée n’est cependant pas contestable. Elle repose sur trois axes principaux, énumérés dans son article 1er qui prévoit l’incrimination d’une série d’actes, la protection des victimes, et tend à faciliter la coopération internationale pour lutter contre le trafic d’organes.
    Pour toutes ces raisons, avec mes collègues du groupe Socialistes et apparentés, nous voterons bien entendu en faveur du projet de loi autorisant la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LaREM, DEM et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Aina Kuric.

    Mme Aina Kuric

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    Le trafic à l’échelle internationale d’organes humains aux fins de transplantation constitue une atteinte à la dignité de la personne humaine, à la non-patrimonialité du corps humain et à la liberté individuelle. L’OMS estime que 5 à 10 % des greffes d’organes réalisées dans le monde résultent de cette pratique, et les profits illégaux dégagés par le commerce illicite d’organes seraient compris entre 600 millions de dollars et 1,2 milliard de dollars par an.
    En 2009, le Conseil de l’Europe et l’ONU ont publié une étude conjointe sur le trafic d’organes, de tissus et de cellules et la traite des êtres humains aux fins de prélèvement d’organes, qui recommandait l’élaboration d’un instrument juridique international afin d’établir une définition du trafic d’organes, de tissus et de cellules et d’énoncer des mesures pour prévenir ce trafic, le réprimer et protéger les victimes. En 2012, le comité des ministres a créé, au sein du Conseil de l’Europe, le comité d’experts sur le trafic d’organes, de tissus et de cellules humains et l’a chargé d’élaborer un projet de convention de droit pénal contre le trafic d’organes humains.
    La dignité de la personne humaine, la non-patrimonialité du corps humain et la liberté individuelle sont garanties par la loi française et les conventions internationales. La France, pays de la déclaration des droits de l’homme, se doit d’être à la hauteur.
    La convention qui nous est soumise résulte d’un long travail, ouvert par le rapport conjoint du Conseil de l’Europe et de l’ONU de 2009 que j’ai évoqué, poursuivi par le comité d’experts sur le trafic d’organes, de tissus et de cellules humains, et aboutissant à la signature de ce texte le 25 mars 2015 à Saint-Jacques-de-Compostelle.
    Cet accord entérine une définition claire et explicite du trafic d’organes et des infractions pénales afférentes ; il impose des sanctions adaptées pour punir ces dernières. En outre, il prévoit un certain nombre de dispositions procédurales visant à renforcer l’efficacité et l’effectivité des poursuites et à encourager la coopération internationale dans ce domaine. Doté d’une ambition globale, il vise à améliorer la sanction et la prévention du trafic, ainsi que la protection des victimes et des témoins.
    Cet accord international garantit le respect des principes inscrits dans la convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine, la convention d’Oviedo, ratifiée par la France en 2011.
    La convention signée à Saint-Jacques-de-Compostelle, déjà entrée en vigueur, n’emportera pas de conséquence normative importante pour la France, que sa législation place déjà à l’avant-garde de la lutte contre le trafic d’organes. Néanmoins, elle lui permettra de s’inscrire dans un environnement international favorable à la prévention de cette violation grave des droits humains et elle renforce nos engagements actuels.
    Dès lors, nous ne pouvons nous dispenser d’adopter ce projet de loi de ratification à une large majorité. Le groupe Agir ensemble soutiendra bien évidemment ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Six.

    Mme Valérie Six

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    Le trafic d’organes désigne de façon générale toute transaction d’organe opérée hors des systèmes nationaux de transplantation. Au sens de la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains, celui-ci est défini comme le prélèvement d’un organe sans consentement libre et éclairé du donneur en échange d’un profit ou d’un avantage comparable, ou l’utilisation d’organes prélevés illicitement, ou la sollicitation et le recrutement d’un donneur ou d’un receveur d’organes en vue d’un profit ou d’un avantage comparable pour la personne qui sollicite ou recrute ou pour une tierce personne.
    Signée à Saint-Jacques-de-Compostelle le 25 mars 2015 et entrée en vigueur le 1er mars 2018, la convention du Conseil de l’Europe a pour objectif de contribuer de manière significative à l’éradication du trafic d’organes humains. Elle prévient et combat ce crime, prévoit l’incrimination d’une série d’actes, assure la protection des victimes et facilite la coopération internationale pour lutter contre ce trafic.
    S’il ne s’agit pas du premier instrument de droit international abordant cette question, c’est le premier accord multilatéral portant spécifiquement sur la lutte contre le trafic d’organes. Élaborée dans le cadre du Conseil de l’Europe, la convention est ouverte à la signature des États qui ne sont pas membres de cette organisation.
    Le trafic d’organes humains est un phénomène d’une extrême gravité. La volonté de l’éradiquer fait l’objet d’un consensus très large parmi les quarante-sept États membres du Conseil de l’Europe et, bien au-delà, sur les autres continents.
    Si l’ampleur et la portée exactes des trafics d’organes sont difficiles à estimer, l’Organisation mondiale de la santé évalue entre 5 % et 10 % la part des greffes d’organes réalisées dans le monde résultant de trafics, soit environ 15 000 greffes par an. Les estimations les plus hautes évoquent 4 millions de greffes par an. Leur nombre réel se situe vraisemblablement entre ces deux chiffres. Dans la majorité des cas, les trafics concernent le rein. Toutes voies confondues, le trafic d’organes dégagerait entre 600 millions et 1,2 milliard de dollars de profits par an, ce qui en fait une activité particulièrement lucrative et par conséquent difficile à combattre.
    Les pays les plus touchés semblent être ceux dans lesquels le système de transplantation repose essentiellement sur le prélèvement des organes de donneurs vivants ou dans lesquels le dispositif de prélèvement des organes de donneurs décédés n’est pas suffisamment élaboré, comme l’Inde, le Pakistan, les Philippines, le Bangladesh, l’Égypte, le Mexique, le Cambodge ou encore le Sri Lanka.
    L’actualité a mis en lumière le sort des Ouïghours. Grâce aux travaux des experts et à celui de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG), nous savons qu’il est question de prélèvements forcés d’organes.

    M. Christian Hutin

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    Oui.

    Mme Valérie Six

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    La résolution votée le jeudi 20 janvier nous a permis d’aborder ce sujet dans l’hémicycle.
    La convention tend à combler un vide juridique international. L’adoption d’un tel texte par les 193 membres de l’Assemblée générale des Nations unies aurait été souhaitable, mais l’Europe a fait le premier pas et cette convention est de toute façon ouverte à la signature des États qui ne sont pas membres du Conseil de l’Europe ainsi qu’à l’Union européenne. On peut cependant regretter qu’à ce jour, seuls onze États aient ratifié la convention, quinze autres l’ayant signée mais pas encore ratifiée.
    Comme l’ont indiqué certains collègues en commission, la France a émis des réserves. Toutefois, celles-ci portent surtout sur des questions de compétences et d’articulation avec le droit existant.
    Le dispositif français de lutte contre les trafics d’organes est robuste. Cependant, la ratification de cette convention ainsi que d’autres mesures peuvent compléter utilement le dispositif d’encadrement des dons et transplantations d’organes, afin de réprimer efficacement tout commerce en la matière. Je pense notamment à la proposition de loi visant à garantir le respect éthique du don d’organes par nos partenaires non européens dont nous débattrons la semaine prochaine. Certes, le Gouvernement tiendra bientôt son engagement à ratifier la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains, mais nous estimons que ces deux initiatives sont complémentaires.
    Notre pays se doit d’être exemplaire et de ratifier solennellement cette convention, enclenchant un mouvement dont nous espérons qu’il sera suivi. L’un des atouts majeurs de ce premier accord international spécifiquement consacré à la lutte contre les trafics d’organes humains est d’envoyer un signal clair susceptible d’avoir une force d’entraînement mondiale, en dépit de l’absence d’engagement contraignant de la part des États identifiés comme les principaux points névralgiques du trafic international d’organes humains.
    Le groupe UDI et indépendants votera donc ce projet de loi.

    M. le président

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    La parole est à Mme Frédérique Dumas.

    Mme Frédérique Dumas

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    La France a signé en 2019 la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains, la convention de Compostelle, dont les grands principes fondamentaux ont été rappelés par toutes et tous. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette ratification ; mais ce que nous passons sous silence, c’est l’importance des réserves émises par la France lors de la signature de la convention. Je ne vous en donnerai qu’un exemple, qui est édifiant.
    La convention prévoit que chaque partie prenne les mesures nécessaires pour ne pas conditionner l’engagement des poursuites. Or pour éviter une incompatibilité avec une disposition de notre droit pénal qui interdit la double incrimination, la France a déclaré qu’elle n’exercerait sa compétence qu’à la condition que les faits soient également punis par la législation du pays où ils ont été commis, et que ceux-ci aient donné lieu soit à une plainte de la victime ou de ses ayants droit, soit à une dénonciation officielle de la part des autorités du pays en question.
    Vous avez été nombreux à venir écouter hier, en commission des affaires étrangères, les témoignages de chercheurs, d’avocats et d’une rescapée des camps dits de rééducation au cœur de la République populaire de Chine.

    M. Christian Hutin

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    Oui !

    Mme Frédérique Dumas

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    Personne ne peut aujourd’hui concevoir qu’un prisonnier de conscience ou un Ouïghour dont on aurait prélevé des organes sans son consentement porte plainte dans son pays ou que cet acte soit dénoncé par la Chine.
    Les quatre réserves émises par la France montrent clairement qu’elle ne souhaite pas prendre toutes ses responsabilités, alors que vingt États sur les vingt-six qui ont signé la convention n’ont émis aucune réserve et que d’autres pays se sont fait un devoir moral de modifier leur droit interne en amont. C’est notamment le cas de l’Espagne, qui est aussi un modèle en matière de lutte contre les violences faites aux femmes.
    Lors de l’examen de ce texte en commission, le 23 novembre 2021, vous avez souligné, madame la rapporteure, qu’un des atouts majeurs de ce premier accord international spécifiquement consacré à la lutte contre les trafics d’organes humains est d’envoyer un signal clair qui puisse avoir une force d’entraînement mondiale. Selon vous, les possibilités de réserves permettront à davantage d’États de la rejoindre ; vous avez aussi reconnu l’absence d’engagement contraignant de la part des États identifiés comme les principaux points névralgiques du trafic international d’organes humains.
    Plus de réserves et moins de contraintes devaient ainsi assurer plus de signatures, mais seuls vingt-six pays ont signé la convention sur 193 membres des Nations unies ! Est-ce l’objectif qu’il fallait afficher à quelques semaines de l’élection présidentielle ?
    La preuve la plus criante que les mots sont déconnectés des actes et les actes déconnectés du terrain, c’est la situation en République populaire de Chine.
    Les preuves s’accumulent depuis vingt ans. Le 31 janvier 2020, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a voté une résolution qui recommande notamment que les États parties fassent preuve « d’une grande prudence en ce qui concerne la coopération avec le China Organ Transplant Response System […] et la Croix-Rouge chinoise ».
    Le 14 juin 2021, des experts de l’ONU ont reconnu être très alarmés par les rapports crédibles, selon leurs termes, qu’ils ont reçus sur la pratique de prélèvements forcés d’organes en Chine sur des prisonniers issus de minorités ethniques, linguistiques et religieuses – Ouïghours, Kazakhs, Kirghizes, Tibétains et Falun Gong. Or depuis vingt ans, de nombreuses conventions de coopération scientifique et médicale ont été passées par des établissements de santé et de recherche français avec la Chine. Si ces conventions mentionnent le plus souvent explicitement l’obligation d’être en conformité avec les lois et les règlements français et internationaux, il n’existe aucun outil concret et effectif pour vérifier l’effectivité de cet engagement et aucune obligation de remise en cause de ces conventions en cas de refus de transparence de la Chine.
    J’ai donc déposé en septembre 2020 une proposition de loi, cosignée par près de soixante-dix députés, visant à garantir le respect de nos principes éthiques par nos partenaires extra-européens, qui oblige nos hôpitaux et nos centres de recherche à un devoir de vigilance effectif et concret.
    Lors de l’examen en commission de la ratification de la convention de Compostelle le 31 mars 2021, notre collègue Jean-François Mbaye a avoué, s’en disant désolé, qu’il avait contribué à « torpiller » ma proposition de loi lors de son examen, en appelant à la rejeter à travers des amendements de suppression cosignés par l’ensemble du groupe La République en marche, soit près de 300 députés, y compris celles et ceux qui avaient cosigné la proposition de loi.
    Hier, en commission des affaires étrangères, lors de la table ronde sur la situation des Ouïghours, vous vous êtes toutes et tous demandé : que faire pour faire cesser le pire, pour faire cesser des crimes contre l’humanité ? Il vous sera donné l’occasion d’agir, en conscience, le 4 février.
    Le groupe Libertés et territoires votera bien sûr en faveur de cette ratification. Cependant, nous ne pouvons plus dire que nous ne savons pas : il est plus que temps de passer à l’action. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et UDI-I, ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet

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    Choisir de faire don d’un de ses organes est un acte profondément altruiste et humaniste. Que l’on connaisse la personne qui en a besoin ou qu’on ne la connaisse pas, on lui permet ainsi de continuer à vivre ou de mieux vivre. Donner un organe est une décision extrêmement personnelle, un choix réfléchi et informé en faveur d’autrui.
    En France, nous pouvons nous en féliciter, ce geste est gratuit et anonyme, conformément à la notion même de don. L’article 16-6 du code civil dispose qu’« aucune rémunération ne peut être allouée à celui qui se prête à une expérimentation sur sa personne, au prélèvement d’éléments de son corps ou à la collecte de produits de celui-ci ». Dès lors que cet acte est soumis à une pression ou à un chantage, qu’il est exercé contre la volonté de la personne ou fait suite à un échange de biens ou d’argent, nous ne pouvons donc plus parler de don : il s’agit d’un prélèvement forcé.
    Dans notre pays, le don d’organes est soumis à un protocole strict et très encadré. Soit la personne défunte a fait connaître ses volontés, soit c’est à sa famille de décider. Dans tous les cas, le prélèvement ne peut être réalisé sans consentement éclairé.
    Malheureusement, il existe de nombreuses situations où l’éthique entourant le don n’est pas respectée. Ainsi, des organisations criminelles ont fait du prélèvement forcé un marché fructueux aux pratiques abominables : enlèvements d’enfants pour prélever des organes sur leur corps, versement d’argent pour acheter le silence des familles, prélèvement d’organes chez des personnes vivant dans la misère en contrepartie d’argent. Ces mafias recourent aux manœuvres les plus avilissantes et les plus barbares pour obtenir ce qu’elles veulent. Bien souvent, ces opérations se font dans des conditions sanitaires et d’hygiène dangereuses pour la victime.
    La faible disponibilité d’organes par rapport aux patients et patientes en attente rend ce marché noir malheureusement lucratif. Par ailleurs, de lourdes suspicions existent au sujet de pratiques de prélèvement d’organes forcé par certains États chez les membres de groupes opprimés : nous ne pouvons le tolérer. Aussi la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains qui nous est présentée aujourd’hui tente-t-elle d’imposer une législation plus uniforme pour encadrer le don d’organes à l’échelle internationale.
    Si nous saluons cette initiative nécessaire, nous tenons toutefois à vous faire part de quelques-unes de nos interrogations. En effet, cette convention a été signée en 2015 et est entrée en vigueur en 2018 ; la France ne l’a signée qu’en 2019 : pourquoi une telle attente sur un sujet aussi important, touchant à la dignité et à l’intégrité humaines ?
    Par ailleurs, la ratification de cette convention n’intervient qu’en 2022, à un mois et demi de la fin de la législature : pourquoi avons-nous eu besoin de deux années supplémentaires pour l’examiner en séance ?
    La convention établissant le prélèvement d’organes comme une circonstance aggravante, notre pays compte-t-il faire du prélèvement forcé d’organes une circonstance aggravante afin de respecter strictement cette convention ?
    Enfin, il est indiqué, dans l’exposé des motifs du projet de ratification, que la France a émis des réserves sur certains articles de la convention. J’ai bien pris connaissance de vos éclaircissements à ce propos en commission, madame la rapporteure ; toutefois, je me demande s’il ne faudrait pas aller au-delà de la ratification de cette convention, notamment envers les pays qui ne la respectent pas. Peut-être faudrait-il suspendre certaines coopérations, accords ou contrats et se donner les moyens de vérifier qu’il n’existe pas dans ces pays des pratiques incompatibles avec notre législation : il s’agit simplement de ne pas se rendre complice des actes que nous dénonçons.
    Nous avons besoin de transparence sur ces questions qui ont de plus en plus d’écho dans l’opinion publique. Les citoyennes et les citoyens se sont emparés de ce sujet, démontrant un intérêt grandissant pour une question qui touche aux droits humains et au respect de la dignité de chacun et chacune.
    Convaincu de la nécessité de renforcer l’éthique entourant le don d’organes pour protéger les éventuelles victimes d’une pratique terrible, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine espère que des éclaircissements seront apportés aux questions soulevées et votera en faveur de la ratification de cette convention. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Maud Gatel.

    Mme Maud Gatel

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    La Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains que nous examinons ce matin est le premier instrument juridique dédié, qui vient renforcer l’arsenal juridique permettant de garantir la protection des droits humains et la dignité des personnes.
    Si le trafic d’organes est un phénomène bien connu, il reste pourtant difficile à quantifier. L’OMS estime ainsi que 5 à 10 % des greffes réalisées dans le monde proviennent aujourd’hui de ce trafic, qui engendre annuellement des centaines de millions d’euros de profits illégaux.
    Il concerne avant tout les pays pauvres – l’Inde, le Pakistan, l’Égypte ou encore le Bangladesh et le Mexique – où les transplantations sont principalement effectuées à partir de prélèvements sur donneurs vivants. Il est également intimement lié aux flux migratoires, car les trafiquants se nourrissent de la pauvreté et s’attaquent aux personnes les plus vulnérables : selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, la majorité des victimes sont des personnes migrantes. La pandémie a en outre provoqué une recrudescence de ce phénomène en raison de l’appauvrissement des populations.
    Pour lutter contre le trafic illicite d’organes, divers moyens ont été mis en œuvre, tant au niveau national qu’international – je pense à la Convention des Nations unies sur la criminalité organisée de 2000, ou encore à la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine de 1997, lesquelles ne tiennent néanmoins pas compte des particularités liées au trafic d’organes.
    Compte tenu des lacunes juridiques existantes et de la nécessité, pour y remédier, de créer un instrument juridique international contraignant, un comité d’experts sur le trafic d’organes, de tissus et de cellules humains a donc été créé en 2012 au sein du Conseil de l’Europe. De ses travaux est née la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains, signée en 2015 à Saint-Jacques-de-Compostelle. Cette dernière renforce le cadre juridique international permettant de lutter contre le trafic d’organes afin de garantir une sécurisation globale du système de transplantation. À ce titre, elle consacre la pénalisation des actes illicites de trafic d’organes humains et prévoit des mesures de protection et de dédommagement des victimes, ainsi que des mesures de prévention destinées à garantir la transparence et un accès équitable au service de transplantation.
    La convention constitue le premier accord multilatéral portant spécifiquement sur la lutte contre le trafic d’organes. Ouverte à l’ensemble des pays qui le souhaitent, elle doit encourager la consolidation d’un mouvement international coordonné juridiquement et résolument engagé contre ce phénomène.
    En France, notre droit est déjà conforme aux dispositions de la convention. La lutte contre le trafic d’organes se traduit par la mise en place de politiques publiques de prévention pilotées notamment par l’Agence de la biomédecine, qui effectue des campagnes annuelles de sensibilisation.
    Au regard de l’importance de cette lutte, la France a saisi l’occasion de la présidence française du comité des ministres du Conseil de l’Europe pour signer la convention, le 25 novembre 2019 ; nous sommes aujourd’hui appelés à autoriser sa ratification, et nous y sommes évidemment favorables.
    Le travail doit néanmoins se poursuivre, cette convention n’ayant à ce jour été ratifiée que par onze États, alors que tous les pays du monde – au premier rang desquels, évidemment, la Chine – doivent être concernés.
    Alors que l’OMS estime que ce sont plus de 10 000 transplantations illicites qui sont opérées chaque année, les migrants et les enfants étant les principales victimes de ce trafic, il s’agit de protéger les personnes les plus vulnérables face à ces pratiques inhumaines. C’est pourquoi le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés votera en faveur de l’adoption de ce projet de loi, qui permet la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Pierre Door.

    M. Jean-Pierre Door

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    Les progrès considérables de la médecine, ces dernières décennies, ont permis un développement important des greffes d’organes. Après la première transplantation cardiaque en Europe, pratiquée par le professeur Cabrol en avril 1968, ces greffes sauvent et prolongent des vies tous les jours. On comprend dès lors aisément l’enjeu qu’elles peuvent représenter, en premier lieu pour les malades, pour leurs familles et pour le corps médical, mais aussi, bien sûr, pour des gens ou des organisations peu scrupuleux et criminels, qui y voient une source de revenus non négligeable.
    Selon l’Agence de la biomédecine, en 2019, 5 900 greffes – 3 643 greffes de rein, mais seulement 384 greffes de cœur – ont été réalisées en France, dont 533 à partir de donneurs vivants. Le nombre de malades en attente d’un organe est cependant près de quatre fois supérieur aux greffes réalisées, du fait d’une pénurie d’organes qui n’est pas propre à la France.
    Dans ce contexte tendu, on assiste à des prélèvements forcés et à divers trafics d’organes, tandis que se développe un tourisme de transplantation.

    M. Thibault Bazin

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    C’est très grave !

    M. Jean-Pierre Door

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    Cela a été souligné par notre rapporteure, que je remercie pour son rapport instructif : l’OMS évalue à 5 à 10 % la part des greffes réalisées dans le monde avec des organes issus du trafic, soit environ 15 000 greffes par an. D’autres chiffres faisant état de quantités plus massives circulent, mais il est difficile de les vérifier. Nous savons en revanche qu’une majorité de ces greffes concernent le rein et que les flux migratoires intenses que nous connaissons accélèrent l’essor de ce trafic. Toujours selon l’OMS, celui-ci rapporterait malheureusement près de 1,2 milliard de dollars.
    On le voit, cette question est particulièrement d’actualité. L’agenda de notre assemblée le démontre, puisqu’en moins de quinze jours, nous devons être saisis à deux reprises du sujet des greffes d’organes : aujourd’hui, au travers de cette convention que nous nous apprêtons à ratifier, mais aussi le 4 février prochain, lors de la journée du groupe Libertés et territoires, avec la proposition de loi de notre collègue Frédérique Dumas visant à garantir le respect éthique du don d’organes.
    Le groupe Les Républicains soutiendra ces deux textes, que nous jugeons en effet complémentaires, entre autres à cause de diverses réserves que notre pays a émises lors de la signature de cette convention de Compostelle. Ces réserves rendent en effet difficile la traduction devant la justice française des personnes impliquées dans le tourisme de transplantation et le trafic d’organes, alors que c’est pourtant un minimum pour lutter contre ce fléau. La convention est pourtant un premier pas, et le groupe Les Républicains, très attaché à l’exemplarité de la France en matière de bioéthique, votera bien entendu en faveur de sa ratification. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, LT, SOC et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Le 20 janvier, notre assemblée a adopté une résolution dénonçant le génocide des Ouïghours, un peuple persécuté, martyrisé, assassiné et dont sont même vendus les organes pour alimenter le business très florissant du trafic d’organes – bref, une horreur !

    M. Thibault Bazin

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    Quel scandale !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    En Inde, la crise sanitaire a notamment eu comme effet pervers de contraindre les plus pauvres à en arriver, pour survivre, à l’impensable : vendre un de leurs organes. 50 000 roupies indiennes, soit 566 euros, c’est la somme d’argent qu’a reçue un habitant d’un village situé dans le nord-est de l’Inde, pour avoir vendu son rein au marché noir. Les autorités locales ont finalement arrêté les courtiers macabres, qui promettaient entre 400 000 et 600 000 roupies aux plus nécessiteux pour les convaincre d’aller donner un organe dans une clinique privée.
    L’Afghanistan n’est pas en reste. À mesure que le pays sombre dans l’horreur, depuis le départ des États-Unis et la prise de Kaboul par les talibans, en août dernier, certains vendent reins ou enfants pour ne pas mourir de faim. Pourtant, depuis l’avènement de ces fous d’Allah, les tarifs et les conditions de vente ont changé : autrefois, un rein se négociait entre 3 500 et 4 000 dollars, aujourd’hui il en vaut 1 500 ; c’est la loi de l’offre et de la demande et, misère oblige, le nombre de vendeurs ne cesse d’augmenter.
    Loin d’être isolé, ce phénomène est planétaire. Chaque année, 5 à 10 % des transplantations mondiales seraient réalisées illégalement, ce qui représente entre 7 500 et 13 000 organes, pour un chiffre d’affaires annuel compris entre 840 millions et 1,7 milliard de dollars, selon l’ONG Global Financial Integrity.
    Ces chiffres sont d’autant plus glaçants qu’il faut les mettre en regard de l’immense espoir de nombreux malades, dont la vie ne tient qu’à un fil. En France, près de 24 000 personnes sont en attente d’une transplantation d’organe, avec un délai moyen d’attente de trois ans. C’est évidemment un délai trop long : dans l’intervalle, l’état de certains patients se dégrade tellement qu’ils ne peuvent plus recevoir de greffe, et à cause de ce délai, 500 à 600 patients meurent chaque année, faute d’avoir pu bénéficier de la greffe tant espérée.
    Face à la pénurie d’organes, la science nous ouvre des perspectives. Il y a deux semaines à peine, on apprenait qu’un patient américain venait de recevoir un cœur de porc génétiquement modifié. L’homme de 57 ans est le premier être humain dont la vie pourrait avoir été sauvée grâce à une xénotransplantation, la greffe d’un organe provenant d’un être vivant d’une autre espèce. Cet exploit soulève évidemment une myriade d’interrogations éthiques, loin d’être résolues, et il nous faudra rapidement poser les termes de ce nouveau débat.
    Aujourd’hui, il est proposé à notre assemblée de ratifier la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains, adoptée le 25 mars 2015, signée par la France à Strasbourg le 25 novembre 2019, dont le texte est annexé au présent projet de loi. Malgré certaines réserves émises par la France sur quelques articles de la convention, concernant le champ d’application de la tentative de commission de certaines infractions visées par la convention et le champ d’application territoriale de la loi pénale française lorsqu’une infraction est commise à l’étranger, cet accord international reste un petit progrès. De l’ordre du symbole, il faut bien l’avouer, puisqu’il est difficile de se satisfaire de l’obligation faite aux États signataires d’incriminer ou d’envisager l’incrimination de certains comportements tels que le prélèvement illicite d’organes humains, l’utilisation d’organes prélevés de manière illicite à des fins d’implantation ou à d’autres fins, ou encore la sollicitation ou le recrutement illicite d’un donneur ou d’un receveur d’organe.
    Mais, me direz-vous, c’est mieux que rien. J’espère que les amendements que j’ai déposés – pour plus d’efficacité – sur la proposition de loi visant à garantir le respect éthique du don d’organes par nos partenaires non européens, que nous examinerons la semaine prochaine, auront votre bienveillance. En effet, ne soyons pas dupes : malgré les avancées que représente la ratification de la convention du Conseil de l’Europe, celle-ci ne réglera pas tout. Le trafic d’organes est loin de se tarir, et puisque cette convention ne sera pas ratifiée par l’essentiel des pays mis en cause, les marchands de malheur ont hélas de beaux jours devant eux. Bref, beaucoup reste à faire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. – Mmes Nicole Dubré-Chirat et Sereine Mauborgne applaudissent également.)

    M. le président

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    La discussion générale est close.
    Sur l’article unique du projet de loi, je suis saisi par le groupe La République en marche d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Discussion des articles

    M. le président

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique du projet de loi.

    Article unique

    Explication de vote

    M. le président

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    La parole est à Mme Frédérique Dumas.

    Mme Frédérique Dumas (LT)

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    Le 20 janvier, le président du groupe La République en marche, Christophe Castaner, expliquait dans cet hémicycle qu’adopter la proposition de résolution reconnaissant le génocide perpétré contre le peuple ouïghour, c’était assumer de délivrer ici, au cœur de la République, un message politique. Il a toutefois ajouté qu’il s’agissait de le faire sans dénoncer globalement un État et sans le montrer du doigt, laissant tragiquement entendre qu’il ne s’agissait ni de faire cesser un génocide, ni d’en condamner les auteurs.
    Avant-hier, le président de l’Assemblée nationale s’est profondément déshonoré en retirant de l’ordre du jour, sur des bases infondées en droit, une proposition de résolution invitant le Gouvernement à se reposer sur le seul dispositif juridique pouvant contraindre un État à agir afin de prévenir des actes de génocide. Interrogé ce matin par un auditeur sur France Inter, M. Richard Ferrand a tout simplement menti et tenu des propos insultants et ridicules à mon égard. J’aurai l’occasion de lui répondre.
    Hier, nous avons reçu le courrier du Premier ministre, qui confirme indirectement que la France ne boycottera pas diplomatiquement l’ouverture des Jeux olympiques. Nous comprenons maintenant qu’il y aura un ministre français ce jour-là à Pékin. Aujourd’hui, à l’occasion de la ratification de la convention de Compostelle, dont nous avons vu les limites, M. le ministre délégué, la main sur le cœur, a fait une longue description de ce qui constitue un crime contre l’humanité. Nous arrivons ainsi à la fin d’une législature qui n’aura jamais pris la mesure de ce qui se joue à plus de 10 000 kilomètres de chez nous, au cœur de la République populaire de Chine, autrement que par des paroles. Le ministre des affaires étrangères a d’ailleurs boycotté diplomatiquement notre hémicycle le 20 janvier, et encore aujourd’hui.
    Il est encore temps d’ouvrir les yeux, de cesser le déni et l’indifférence, de prendre nos responsabilités et d’agir, monsieur le ministre délégué. Je vous invite donc à être présents le 4 février dans l’hémicycle et à voter la proposition de loi visant à garantir le respect éthique du don d’organes par nos partenaires non européens, laquelle introduira un devoir de vigilance effectif et concret dans notre droit. Il ne s’agit pas d’ingérence, il s’agit de notre propre souveraineté, celle de conclure ou non des conventions de coopération bilatérale avec d’autres pays et d’y renoncer lorsqu’elles mettent en jeu nos principes fondamentaux : le respect de la dignité et de l’intégrité de la personne humaine, notre modèle de droit et de démocratie.
    Notre groupe votera bien sûr en faveur de cette ratification. Mais sans actes concrets, nous savons que nous n’influerons jamais sur la réalité. Nous ne pouvons pas dire que nous ne savons pas ; nous risquons de nous rendre indirectement complices du pire. Je vous donne rendez-vous le 4 février dans l’hémicycle.

    Vote sur l’article unique

    M. le président

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    Je mets aux voix l’article unique du projet de loi.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        38
            Nombre de suffrages exprimés                38
            Majorité absolue                        20
                    Pour l’adoption                38
                    Contre                0

    (L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

    3. Avenant à la convention fiscale France-Argentine

    Discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République argentine du 4 avril 1979 en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (nos 4044, 4920).

    Présentation

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité.

    M. Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité

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    Le 6 décembre 2019, la France et l’Argentine ont signé un avenant à la convention du 4 avril 1979 en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, déjà modifiée par un avenant en date du 15 août 2001. Cette convention fixe les règles de répartition du droit d’imposer entre la France et l’Argentine. Elle a pour objet d’éliminer les doubles impositions pouvant résulter de l’application des législations fiscales nationales sur les différentes catégories de revenus qu’elle vise. La convention avait besoin d’être actualisée afin de prendre en compte certaines spécificités de la législation française et de permettre aux contribuables de bénéficier d’un plafond de retenue à la source inférieur à ceux actuellement prévus dans la convention.
    La conclusion de cet avenant s’inscrit dans le cadre d’une excellente relation bilatérale qui investit de nombreux domaines. Ainsi, le dialogue politique entre nos deux pays s’est considérablement développé ces dernières années, comme en témoignent les visites du président Alberto Fernández en France en février 2020 et en mai 2021, ainsi que les entretiens réguliers entre les ministres des affaires étrangères. Notre relation dans les enceintes multilatérales, où l’Argentine est notre alliée sur de nombreux sujets, est également dense, comme l’illustre notre coopération en matière de droits de l’homme et d’égalité femmes-hommes. Elle s’est notamment traduite en 2021 par un engagement commun au sein de la coalition sur les droits et la santé sexuels et reproductifs lancée à l’occasion du Forum Génération Égalité. Sur le plan économique et commercial, la présence française en Argentine est très diversifiée, avec 220 entreprises représentant près de 68 000 emplois ; elle bénéficie, en dépit des défis liés à la situation économique et financière actuelle, d’un potentiel important que l’avenant à la convention fiscale proposé à votre approbation permettra encore de développer.
    Je souhaite maintenant vous présenter les avancées permises par la conclusion de cet avenant. Tout d’abord, conformément à l’objectif visé par la France, cet avenant réduit les taux plafonds conventionnels de retenue à la source sur les intérêts, les dividendes, les redevances et les gains résultant de la cession d’actions. Cette réduction des taux plafonds conventionnels bénéficiera au Trésor public français, à la charge duquel le montant de l’impôt argentin à éliminer sera diminué. Compte tenu de l’asymétrie des flux d’investissements, qui se traduisent par une forte présence des entreprises françaises en Argentine, l’abaissement de ces taux joue mécaniquement en faveur de nos intérêts économiques. Il sera également favorable à nos entreprises.
    L’avenant intègre ensuite une clause de la nation la plus favorisée à portée large. Cette clause garantit à la France le bénéfice automatique des taux plus réduits que l’Argentine pourrait concéder à d’autres partenaires en matière de revenus passifs – intérêts, dividendes, redevances –, de gains en capital, de revenus de professions indépendantes ou d’établissements stables. Il permet également de lutter contre les schémas d’évasion fiscale lors de la cession d’immeubles au travers de fiducies ou de trusts. L’avenant précise par ailleurs le champ d’application des redevances taxables en Argentine en empêchant l’imposition en Argentine des services ordinaires rendus par les entreprises françaises sans recours à un établissement stable sur place.
    Il ajoute enfin une clause permettant l’exonération d’impôts dans l’état d’exercice de l’activité des salaires versés aux volontaires internationaux à l’étranger. Il s’agit là d’une clause souhaitée par la France et conforme à ce qu’elle négocie habituellement dans ses conventions.
    En échange de ces avancées, la France a accepté l’insertion d’une clause relative aux établissements stables, c’est-à-dire d’une base taxable, en l’absence de toute installation matérielle, dès lors qu’une entreprise rend des services dans un État pour une durée représentant plus de cent quatre-vingt-trois jours au cours d’une année. Celle-ci est présente dans la quasi-totalité des conventions signées par l’Argentine, ainsi que dans de nombreuses conventions fiscales conclues par la France.
    Pour conclure, je souhaite souligner l’avancée importante que constitue la mise à jour de la convention fiscale, qui permettra de faciliter et renforcer notre coopération économique et commerciale avec un partenaire de premier plan en Amérique latine. Telles sont les principales observations qu’appelle l’avenant à la convention entre la France et l’Argentine du 4 avril 1979 en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune qui fait l’objet du projet de loi proposé à votre approbation. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. Didier Quentin, suppléant M. Nicolas Forissier, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

    M. Didier Quentin, suppléant M. Nicolas Forissier, rapporteur de la commission des affaires étrangères

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    Permettez-moi d’excuser notre collègue Nicolas Forissier, rapporteur du projet de loi, qui est cas contact à la covid-19.
    La commission des affaires étrangères a adopté le 19 janvier le projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention fiscale entre la France et l’Argentine. Cet avenant a été signé à la fin de l’année 2019, après un seul tour de négociations. Il modifie la convention fiscale datant de 1979 entre nos deux pays, convention qui n’avait jusqu’à présent été modifiée qu’une seule fois, en 2001. C’est aujourd’hui à notre assemblée, siégeant en séance publique, d’autoriser l’approbation de cet accord.
    Il est l’occasion pour nous de rappeler et de réaffirmer les liens très anciens qui nous unissent à l’Argentine. N’oublions pas que l’Argentine a été une terre d’émigration pour de nombreux Français, au point que la ville de Buenos Aires a pu être appelée « le Paris de l’Amérique latine ». Entre 1880 et 1910, ce sont près de 250 000 Français qui ont émigré en Argentine. Souvenons-nous aussi qu’en 2014, l’Argentine a célébré avec beaucoup d’enthousiasme le cinquantième anniversaire de la visite du général de Gaulle. Autre exemple de notre proximité culturelle, plus de 700 accords universitaires lient nos deux pays, dont un accord de reconnaissance mutuelle des diplômes signé en 2015. Nos approches sont très convergentes sur le plan politique, que ce soit sur le multilatéralisme, la non-prolifération nucléaire, l’environnement ou encore la promotion des droits de l’homme et de l’égalité femmes-hommes. Les visites et entretiens bilatéraux aux niveaux ministériel et présidentiel se sont particulièrement intensifiés ces dernières années.
    Cette proximité culturelle et politique se double d’échanges étroits sur le plan économique. Environ 220 filiales françaises représentant 160 groupes différents sont implantées en Argentine, où elles emploient près de 68 000 salariés. La présence française est significative dans des secteurs tels que l’agroalimentaire, l’automobile, la production d’hydrocarbures, la distribution, le tourisme et l’hôtellerie, la santé, les cosmétiques ou bien les transports, avec des groupes comme Carrefour, Casino, Renault, Total, Orange, Danone ou encore L’Oréal. Cette présence ne se limite pas aux grands groupes : de nombreuses PME françaises sont implantées en Argentine, mais aussi de toutes petites entreprises et des entrepreneurs individuels qui voient un atout dans notre proximité culturelle et historique. L’Argentine est souvent perçue par eux comme une base ou un tremplin permettant de se projeter, dans un second temps, vers d’autres pays de l’Amérique latine. Les entreprises françaises lancent sur place des projets d’envergure : citons par exemple le projet de la société Eramet de production de carbonate de lithium dans la province de Salta, dont la phase 2, suspendue en février 2020, a redémarré en novembre 2021.

    M. Didier Quentin, rapporteur suppléant

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    L’implantation des entreprises argentines en France est en revanche plus modeste, puisque seules deux d’entre elles y ont à ce jour constitué des filiales. Certes, et c’est un sujet de préoccupation, les investissements français en Argentine, de même que les exportations de la France vers ce pays, connaissent une baisse marquée depuis plusieurs années. L’Argentine n’en demeure pas moins pour nous un partenaire économique très important. Notre solde commercial vis-à-vis d’elle constitue encore notre quatrième excédent en Amérique latine et notre trente-cinquième excédent dans le monde.
    Il importe donc que nous maintenions et développions ces liens politiques et économiques avec l’Argentine, d’autant plus que le pays se trouve confronté à des défis décisifs. Il a encore enregistré plus de 50 % d’inflation en 2021 et doit conclure un accord avec le FMI – Fonds monétaire international – pour refinancer et rééchelonner une dette de 44 milliards de dollars, à la suite d’un prêt contracté en 2018 par le précédent gouvernement. Pour éviter le défaut de paiement, cet accord doit être conclu avant le mois de mars 2022.
    Le pays doit par ailleurs faire face à une situation sanitaire délicate. La population, pourtant largement vaccinée, est confrontée à une nouvelle vague de contamination. La coalition gouvernementale au pouvoir a été fragilisée par sa défaite aux élections de mi-mandat du 14 novembre 2021, qui ont renouvelé la moitié des députés et un tiers des sénateurs. L’Argentine est donc un pays quelque peu fragilisé, aux côtés duquel, plus que jamais, la France doit se tenir.
    Compte tenu de nos liens économiques anciens et de la forte implantation des entreprises françaises en Argentine, c’est dès 1979 qu’une convention fiscale a été conclue entre nos deux pays. Cette convention est restée quasi inchangée pendant plus de quarante ans, si l’on excepte l’avenant, de portée limitée, du 15 août 2001. Elle est toujours en vigueur aujourd’hui. Elle méritait donc d’être modernisée. Nos législations respectives et nos structures économiques ont en effet évolué en quatre décennies ; des conventions fiscales ont aussi été conclues avec d’autres États, qui incluent parfois des avantages ou des clauses qui n’étaient pas prévus dans la convention de 1979. L’objet du présent avenant est donc de prendre en compte ces évolutions et d’adapter, lorsque c’est nécessaire, le texte de la convention.
    L’accord trouvé par les deux parties est équilibré. L’avenant prévoit d’abord une diminution significative par rapport aux chiffres de 1979 des plafonds des taux de retenue prélevés par l’État source sur les revenus passifs versés à un résident de l’autre État. Il s’agit de faire bénéficier la France de niveaux comparables à ceux déjà obtenus par les autres grands pays européens. La réduction de ces taux de retenue à la source sur les dividendes, les intérêts, les redevances et les gains en capital sera intéressante pour notre pays, dans la mesure où celui-ci est essentiellement État de résidence dans ses relations avec l’Argentine. L’abaissement de ces taux rendra en même temps l’Argentine plus attractive pour les entreprises françaises et les incitera à y investir davantage et à y créer de l’emploi.
    Pour ce qui est des redevances, l’avenant prévoit, à la demande de l’Argentine, un dispositif de taux différenciés suivant le type de redevance. La France a également négocié une clarification du champ des revenus compris dans ces redevances, en excluant les rémunérations de services qui ne font appel qu’à un savoir-faire usuel du prestataire. Une clause de la nation la plus favorisée a par ailleurs été insérée. À compter de la signature de l’avenant, La France bénéficiera automatiquement du traitement plus favorable que l’Argentine serait susceptible d’accorder à un autre État, en matière de revenus passifs et de gains en capital, mais aussi de revenus de professions indépendantes ou d’établissements stables.
    En contrepartie, la France a accepté la demande argentine d’un dispositif de reconnaissance de l’« établissement stable de services ». Un tel établissement sera reconnu, en l’absence de toute installation matérielle en Argentine, dès lors qu’une entreprise rendra des services pour une ou des périodes représentant plus de 183 jours au cours d’une année. Il y aura là une source de rentrées fiscales pour l’Argentine, dont l’impact devrait toutefois rester modéré pour les entreprises françaises.
    Autre point très important, une clause relative aux volontaires internationaux en entreprise (VIE) à l’étranger a été insérée dans l’avenant. Elle prévoit l’exonération d’impôt des VIE sur leurs salaires dans l’État d’exercice de leur activité. Cette clause est désormais systématiquement proposée par la France dans les conventions et les avenants fiscaux qu’elle négocie. Elle constitue un facteur d’attractivité supplémentaire pour ce dispositif auquel nous sommes nombreux à être très attachés.
    Le nombre de VIE en Argentine a été assez élevé ces dernières années. Après avoir presque atteint la soixantaine, il est malheureusement retombé à des niveaux très faibles, en raison surtout de la crise de la covid. Il devrait toutefois augmenter à nouveau dans les prochains mois, et le dispositif d’exonération prévu dans le présent avenant y contribuera.
    Au final, l’accord trouvé apparaît donc globalement équilibré et avantageux pour les deux parties, comme en témoigne l’aboutissement rapide des négociations qui l’ont préparé : les deux pays y seront gagnants. C’est pourquoi la commission des affaires étrangères s’est prononcée pour l’adoption du projet de loi autorisant son approbation. Naturellement, le groupe Les Républicains votera pour. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Discussion générale

    M. le président

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Christian Hutin.

    M. Christian Hutin

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    Je pensais que nous n’examinerions cette convention internationale qu’à partir de quinze heures. Vous m’excuserez donc de ne pas lire un texte rédigé, mais d’improviser mon intervention – j’ai quand même lu la convention, monsieur le ministre délégué.
    Nous examinons aujourd’hui plusieurs conventions internationales, notamment celles entre la France et l’Argentine, entre la France et l’île Maurice, et entre la France et le Qatar. Cela ressemble à un tour préliminaire de Coupe du monde !
    Si je choisis cette image, c’est parce que le football n’est pas entièrement en dehors du coup, en particulier s’agissant de la convention avec le Qatar, et parce que je reconnais la faiblesse de mes connaissances sur les relations entre l’Argentine et la France – cher Didier Quentin, vous êtes beaucoup plus fort que moi sur ce point.
    J’ai bien quelques idées sur celles-ci. Je pense à l’affaire des missiles Exocet, qui a montré, de manière malheureusement mortifère, l’efficacité de l’industrie française de l’armement. Nos relations avec l’Argentine ne sont marquées par aucune revendication territoriale d’un côté ou de l’autre – ce n’est pas le cas de celles avec l’île Maurice, dont nous parlerons cet après-midi.
    Ce week-end, ma petite-fille a proposé de m’aider à préparer mon intervention. Nous avons entré la recherche « relations France-Argentine » sur Wikipédia. Les vingt premières pages de résultats concernent des matchs de football ou de rugby entre les deux pays. Quant à la page « relations entre l’Argentine et la France », Wikipédia nous indique que presque toutes ses sections sont « vides ».
    Je vous remercie donc d’autant plus, monsieur le rapporteur, d’avoir précisé l’état de nos relations avec ce pays. En effet, elles sont disproportionnées. Alors que 250 entreprises françaises ont des filiales en Argentine, seules deux entreprises argentines ont des filiales en France. Nos accords commerciaux avec ce pays sont désuets, ridicules.
    Cette convention va dans le bon sens, dans la mesure où le Trésor public français a besoin d’argent ; il en bénéficiera. Par ailleurs, nous bénéficierons de la clause de la nation la plus favorisée, ce qui signifie, je crois, que nous serons dans une situation équivalente à celle des plus proches partenaires commerciaux de l’Argentine. C’est une excellente chose.
    Cette convention est bonne pour nos deux pays ; elle est essentielle, même. Même si, pour reprendre mon image footballistique, je ne dirai pas qu’elle était attendue comme Messi – ou le Messie – (Sourires), le groupe Socialistes et apparentés la votera. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)

    M. Didier Quentin, rapporteur suppléant

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    Très bien !

    M. Franck Riester, ministre délégué

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    Bravo !

    M. le président

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    La parole est à Mme Aina Kuric.

    Mme Aina Kuric

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    En effet, cher collègue, les relations entre la France et l’Argentine vont bien au-delà du transfert de Lionel Messi au Paris Saint-Germain ! Membre du G20 confronté à des défis délicats, l’Argentine est un partenaire majeur de la France en Amérique latine et son quatrième partenaire commercial dans la région. Des relations politiques, économiques et culturelles étroites unissent historiquement les deux pays. Cette proximité se manifeste par l’implantation de nombreuses entreprises françaises en Argentine, où elles se révèlent particulièrement dynamiques.
    L’Argentine, qui compte plus de 45 millions d’habitants, est la vingt-cinquième puissance économique mondiale et la troisième d’Amérique latine, après le Brésil et le Mexique. Elle est aujourd’hui confrontée à des défis économiques importants, compliqués encore par la pandémie de covid-19 et par la fragilisation politique du gouvernement en place.
    Ainsi, l’approbation du présent avenant fiscal apparaît utile à deux points de vue. Les relations fiscales entre la France et l’Argentine sont régies par une convention ancienne, datant du 4 avril 1979, entrée en vigueur en 1981 et modifiée par un avenant du 15 août 2001. Elle a pour objet d’organiser la répartition du droit d’imposer entre la France et l’Argentine en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt sur la fortune et d’éliminer les doubles impositions pouvant résulter de l’application des législations française et argentine.
    Tout d’abord, la convention fiscale de 1979 doit être modernisée pour l’aligner sur les standards figurant dans les accords de même nature conclus par l’Argentine avec d’autres pays et pour tenir compte des évolutions de la loi française.
    Ensuite, le présent avenant apparaît intéressant pour les deux parties. L’Argentine a conclu avec d’autres États des conventions de non-double imposition plus avantageuses que la convention franco-argentine de 1979. Ces conventions fixent en effet, pour les revenus passifs, des plafonds de retenue à la source inférieurs à ceux qui sont prévus dans celle-ci.
    La réduction des taux du plafond d’imposition à la source des dividendes, intérêts, redevances et gains en capital bénéficiera d’une part aux entreprises et aux acteurs économiques français, dont la position concurrentielle en Argentine sera renforcée, et d’autre part au Trésor public français. Le montant de l’impôt argentin à éliminer sera en effet diminué, augmentant en proportion les rentrées fiscales françaises.
    Par ailleurs, dans un contexte d’asymétrie des flux d’investissement – les entreprises françaises sont fortement présentes en Argentine, alors que les investissements argentins en France sont de moindre importance –, l’abaissement de ces taux joue en faveur des intérêts économiques de la France.
    L’Argentine bénéficiera de son côté d’un dispositif de reconnaissance de l’« établissement stable de services » pour certaines entreprises et de la taxation de l’activité concernée. Ainsi, la présente convention s’inscrit dans un contexte de renforcement de la coopération bilatérale et d’affirmation d’ambitions communes entre la France et l’Argentine. Dès lors, le groupe Agir ensemble votera en faveur de l’adoption de ce texte. (Mme Sophie Mette applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Six.

    Mme Valérie Six

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    L’avenant à la convention du 4 avril 1979 entre la France et l’Argentine résulte d’une demande de la France d’ajuster les plafonds des taux de retenue à la source des administrations fiscales afin de réduire le coût des investissements des entreprises françaises en Argentine par rapport à celui en vigueur dans les pays voisins d’Amérique latine.
    La France est très présente en Argentine, pays qui demeure pour elle un partenaire important. Notre solde commercial vis-à-vis d’elle constitue notre trente-cinquième excédent au niveau mondial et reste le quatrième en Amérique latine. Il est donc essentiel que nous améliorions les conditions de notre relation économique.
    Comme nous l’avons vu en commission, cette convention représente un véritable gain pour le Trésor public français, puisque le montant de l’impôt perçu à l’étranger va diminuer. Elle améliorera la balance commerciale de la France, qui est positive avec l’Argentine, avec un excédent de 225 millions d’euros en 2019 et de 1,88 milliard d’investissements directs à l’étranger.
    Si le bilan est positif avec ce pays, il est en revanche mauvais au niveau mondial. Pour l’année 2021, le montant du déficit commercial s’élève à plus de 77,6 milliards. La balance commerciale française affiche un déficit historique et pour le moins inquiétant. Le Gouvernement attribue principalement cette situation à la hausse du prix des hydrocarbures, alors qu’on peut davantage y voir l’effet de sa politique énergétique – pour le moins fluctuante.
    En réalité, la crise sanitaire et les hausses du coût des matières premières énergétiques ne sont que des facteurs parmi d’autres. Nous nous réjouissons toujours des bons chiffres, mais il faut aussi constater les mauvais : ce quinquennat a été néfaste pour les finances publiques ; il l’a également été pour notre balance commerciale. Ce sont des faits.
    Pire encore, la France a perdu peu à peu son statut de puissance agroalimentaire ; sa balance commerciale agricole et agroalimentaire a atteint en 2020 son plus faible solde depuis vingt ans. En 2019, il était pour la première fois négatif avec nos voisins européens. Là encore, les résultats sont mauvais.
    Je ferme cette parenthèse pour revenir sur l’avenant. Il a un intérêt réel, puisque les prélèvements à la source sur les dividendes, les intérêts, les redevances et les gains réalisés lors de cessions de capital vont diminuer. Cela favorisera par ailleurs le développement de grands projets industriels promus par les entreprises – Air Liquide par exemple –, qui auront aussi, je l’espère, des retombées dans notre territoire, notamment dans le domaine des énergies renouvelables et de la transition écologique.
    Nous nous réjouissons que l’accord trouvé par les deux parties soit équilibré. Finalement, la France prélèvera un peu plus et le Trésor français récupérera de l’argent. En outre, les entreprises françaises présentes en Argentine seront désormais sur un pied d’égalité avec les entreprises d’autres pays, notamment italiennes et allemandes, qui bénéficiaient de clauses plus avantageuses. Le groupe UDI et indépendants est donc favorable à ce projet de loi.

    M. le président

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani

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    Bien que sa portée paraisse limitée, le texte que nous nous apprêtons à voter aura des effets sur près de 250 entreprises françaises implantées en Argentine, totalisant 50 000 emplois. Lorsque l’on prend en considération ces enjeux, on peut comprendre à quel point cet avenant est attendu.
    Nos relations fiscales avec l’Argentine datent un peu. La première convention a été conclue en 1979 – cela fait plus de quarante ans – et le dernier avenant a été adopté il y a vingt ans. Une mise à jour était donc nécessaire pour pallier les failles de ces stipulations un peu obsolètes. Le groupe Libertés et territoires soutient pleinement la volonté de renforcer le partenariat économique qui lie les deux États. On sait qu’il s’agit d’une initiative diplomatique française : l’enjeu est bien évidemment plus important pour la France, la présence économique française en Argentine étant bien plus significative que la présence argentine en France.
    J’en viens au cœur des difficultés qui ont conduit à la conclusion de cet accord. Le principal problème dans les stipulations en vigueur tient aux plafonds des taux de retenue à la source, très élevés en matière de dividendes, d’intérêts, de redevances et de gains tirés de la cession d’actions. Ces taux pèsent directement sur les entreprises françaises. En commission, le rapporteur a très bien exposé la situation : ces niveaux s’expliquent avant tout par l’ancienneté de la convention. Entre-temps, l’Argentine a conclu des conventions plus avantageuses avec d’autres pays auxquels elle est historiquement liée – l’Allemagne et l’Italie en particulier. La charge fiscale qui en découle pèse lourdement sur les entreprises françaises par rapport aux concurrents européens. L’avenant soumis à notre approbation permettra de donner un coup de pouce non négligeable aux entreprises françaises implantées en territoire argentin. Cette réduction des retenues à la source devrait positivement rééquilibrer les positions concurrentielles.
    Notre groupe prend également acte de l’extension des modalités de retenue à la source applicables en matière de dividendes aux gains en capital. Il s’agit d’une avancée fiscale demandée par de nombreux négociateurs français. Par ailleurs, l’insertion d’une clause de la nation la plus favorisée permettra de garantir automatiquement le bénéfice du traitement le plus favorable que l’Argentine serait susceptible d’accorder à un de ses partenaires. C’est donc un gage sur la durée.
    Mes chers collègues, vous l’aurez compris, tout cela fait beaucoup d’éléments favorables, et nous sommes en droit d’adopter un regard positif sur ce dossier. Cependant, des incertitudes persistent sur les conséquences et l’aboutissement de cet accord. En commission, mon collègue Jean-Michel Clément a rappelé son inquiétude quant à la date d’entrée en vigueur de l’avenant. Nous devons être réalistes : les relations économiques entre les deux pays sont asymétriques et cette rénovation de la convention de 1979 bénéficiera essentiellement à la France. Autrement dit, l’Argentine ne gagne pas grand-chose à céder sur ce dossier. Il n’est donc pas étonnant de lire dans l’étude d’impact que le Gouvernement ignore toujours où en est la procédure interne de ratification côté argentin, alors même que l’avenant a été signé en 2019. Sans doute serait-il opportun d’obtenir quelques précisions. En commission, le rapporteur nous a également fait part de ses incertitudes à ce sujet. L’Argentine est en négociation avec le FMI et doit impérativement trouver un accord sur sa dette avant mars 2022. Dans cette période difficile pour les finances publiques, l’État argentin pourrait être récalcitrant à ratifier cet avenant, qui acte implicitement une baisse de ses recettes fiscales.
    Notre groupe aimerait également alerter le Gouvernement sur un dernier point. Monsieur le ministre délégué, des contreparties sont toujours inévitables dans de telles négociations ; c’est en quelque sorte le jeu de la diplomatie. Le Gouvernement a fait le choix de céder partiellement sur la taxation des établissements stables de services, demandée par l’Argentine. Si nous comprenons cette concession, il ne faut pas négliger le poids administratif, et dans une moindre mesure fiscal, de cette clause sur une partie – près de 12 % – des entreprises françaises installées en Argentine. Concrètement, il serait sans doute bon d’anticiper pour pouvoir les accompagner. En dehors de ces quelques demandes d’éclaircissements, le groupe Libertés et territoires votera le texte.

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet

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    Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine se réjouit que se tienne un débat autour de cet avenant à la convention fiscale entre la France et l’Argentine. Loin d’être un sujet purement technique, mû par la seule volonté de proscrire la double imposition et de moderniser l’accord de 1979, l’avenant relève d’une dimension politique importante, une politique que nous combattons.
    Notre raisonnement est clair. Si les rôles étaient inversés, si l’asymétrie de cet accord était en notre défaveur, comme il l’est pour l’Argentine, alors nous nous y opposerions. Ainsi, au nom de notre conception des relations bilatérales, de notre solidarité avec les peuples, nous nous opposons à un accord aussi défavorable à l’Argentine. Celle-ci est la victime de cette course au moins-disant, de cette chasse à tout impôt sur les redevances et sur les dividendes, qui entraînent l’assèchement de ses finances publiques et engendrent des conséquences néfastes pour son peuple.
    L’avenant permet une réduction des impôts des entreprises françaises en Argentine, dans une situation inégale entre les deux pays. Alors qu’il y a 220 filiales d’entreprises françaises en Argentine, seules deux entreprises de ce pays possèdent des filiales en France. L’article 2 prévoit que le taux de retenue à la source sur les dividendes passe de 15 % à 10 %. L’article 5 plafonne l’imposition applicable dans l’État source sur les gains réalisés lors de la cession du capital d’une société. Le taux maximum de retenue à la source est fixé à 10 % ou 15 % selon les cas. Oui, c’est un gain pour le Trésor public français et vous allez me dire que cela favorise l’investissement français en Argentine, c’est-à-dire des emplois dans le pays, et que c’est donc une excellente nouvelle pour l’Argentine.
    Mais comment se réjouir d’un accord qui est présenté comme nettement à l’avantage de la France lorsqu’on connaît l’étranglement financier que subit l’Argentine depuis des décennies ? La dette qui pèse tant aux Argentins, les plans incessants de restructuration, les menaces de cessation de paiement : qui en paie les conséquences sans en avoir la responsabilité ? Le peuple argentin, en particulier les retraités, qui déplorent la baisse de leur pension, l’inflation hors de contrôle et les services publics délabrés. Vont-ils se réjouir de savoir que quelques grosses entreprises françaises paieront moins d’impôts dans leur pays ?
    Alors que les gouvernements du monde entier essayent d’instaurer des taux d’imposition planchers pour lutter contre la concurrence fiscale, notamment à travers un impôt mondial sur les sociétés de 15 %, nous nous réjouissons d’un accord qui n’a pour objectif que de baisser ces impôts. L’article 7 de l’avenant prévoit que la France bénéficiera automatiquement du traitement le plus favorable que l’Argentine accorderait à un autre État : toujours cette course au moins-disant. Une seule concession a été faite à l’Argentine – et encore, bien maigre par rapport à sa demande initiale : en contrepartie de sa renonciation à une imposition plus large des services rendus dans le pays par les entreprises françaises, la France a accepté la taxation des établissements stables, mais uniquement de services, seulement sur les bénéfices nets et si l’activité dépasse cent quatre-vingt-trois jours par an.
    En 2019, le gouvernement argentin avec lequel l’accord a été signé était dirigé par Macri, président libéral aux ordres du FMI, amplement responsable de la situation économique actuelle et du nouvel étranglement par la dette contractée en 2018. Le pays va devoir négocier avec le FMI le report des échéances de remboursement des 44 milliards de dollars de prêt. Pendant ce temps-là, le taux de pauvreté est de 40 %, situation qui rappelle la crise majeure de 2001. Aider l’Argentine à sortir de ce cycle infernal de la dette et de l’inflation, voilà la priorité. Je ne crois pas que cet accord y participe.
    Chers collègues, n’acceptons pas pour les autres ce que nous refuserions pour notre pays. Envoyons un signal, un message : oui, il est possible d’entretenir des relations commerciales, d’investir dans les pays étrangers sans les étrangler financièrement. Stoppons cette course au moins-disant fiscal, car derrière ces chiffres, il y a des réalités concrètes de personnes étranglées par un système économique mondial qui ne répond pas à leurs intérêts. Les députés communistes et le groupe de la Gauche démocrate et républicaine voteront contre ce texte.

    M. le président

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    Sur l’article unique du projet de loi, je suis saisi par le groupe La République en marche d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Hervé Berville.

    M. Hervé Berville

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    C’est un texte d’apparence technique que nous examinons, mais il est au fond très politique, dans le bon sens du terme. Je tiens tout d’abord à remercier le rapporteur Forissier, ainsi que son excellent suppléant d’aujourd’hui. Son rapport éclaire la représentation nationale sur l’étendue et la profondeur des relations entre la France et l’Argentine, ainsi que sur les conséquences économiques très concrètes qu’entraînera l’application de cette nouvelle convention.
    Le projet de loi reflète et concrétise notre volonté d’approfondir, d’améliorer et de diversifier un partenariat clé pour notre pays et pour la relation entre nos deux continents. L’Argentine est en effet un partenaire historique de la France. Mais au-delà de l’histoire, le plus important est que nous partagions un même agenda global et que nos deux pays soient engagés dans les mêmes combats pour répondre aux grands défis contemporains.
    Le premier d’entre eux est celui du changement climatique. Si nous avons réussi la COP21 en 2015, c’est parce que l’Argentine a joué un rôle clé et a été un allié régional de poids ; sa voix a compté dans les négociations. L’Argentine n’a d’ailleurs pas hésité à renouveler et à réaffirmer ses engagements climatiques en décembre 2020. Nous voyons bien ici comment la diplomatie et la politique étrangère peuvent avoir un impact direct sur les préoccupations quotidiennes de nos concitoyens.
    Comme vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, nos deux pays parlent également d’une même voix s’agissant du combat essentiel pour l’égalité entre les femmes et les hommes, qui est l’une des grandes priorités de notre politique étrangère. Ce partenariat s’est notamment illustré lors du Forum Génération Égalité.
    La France a toujours été aux avant-postes des négociations et des discussions sur la question des pays endettés. Comme nous l’avons vu encore récemment, le Président de la République Emmanuel Macron a été à l’initiative d’une suspension du service de la dette dans le cadre du G20. L’Argentine et tous les pays se trouvant dans une situation similaire sont en phase avec ce que nous défendons depuis plusieurs mois.
    Le dialogue politique avec le gouvernement argentin, d’une grande densité et d’une grande qualité, s’est notamment matérialisé par la visite du président Emmanuel Macron à Buenos Aires en 2018 et par la visite en France du président Alberto Fernández en février 2020. Il trouve aujourd’hui une nouvelle déclinaison pour faire avancer concrètement ces priorités communes. Ce texte a une portée significative, puisqu’il contribue à renforcer considérablement la position des entreprises françaises sur ce marché émergent très dynamique. Il permettra de créer de l’emploi dans un marché qui en a besoin.
    La modernisation de cette convention ne concerne pas que les grands groupes et bénéficiera directement à nos très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME), notamment industrielles. Elles vont gagner en compétitivité grâce à la diminution de leur charge d’impôts et joueront désormais à armes égales avec leurs concurrentes européennes, notamment italiennes. C’est un atout précieux, car si la balance commerciale déficitaire de la France fait l’objet de critiques récurrentes et légitimes, et ce depuis plusieurs décennies – vous me l’accorderez –, il s’avère que la France affiche un excédent commercial solide – 225 millions d’euros – avec l’Argentine. Cette dernière est également un marché de choix pour les entreprises qui investissent, avec un stock d’investissements directs de 1,9 milliard d’euros, ce qui est loin d’être négligeable ; cela représente surtout de nombreux emplois pour le marché argentin et le partage de connaissances.
    Ce texte permet d’encourager et de favoriser l’implantation de nouveaux projets industriels, dont certains sont déjà en développement. Ces projets ont en retour des retombées directes pour l’activité de nos territoires partout en France – je pense par exemple au secteur des énergies renouvelables, et plus largement de la transition énergétique.
    Bien évidemment, ce texte – parce que nous avons en face de nous un État souverain – satisfait pleinement les intérêts de l’Argentine : grâce à ces dispositifs, elle va élargir au secteur des services le périmètre de son champ d’activités imposables et pourra désormais taxer les établissements stables de services. C’était une demande légitime, qui n’aura que peu d’impact au regard du nombre d’entreprises françaises concernées ; en cela, le texte est tout à fait équilibré.
    Il est par ailleurs important de souligner, pour les contribuables qui nous écoutent, que cet accord bénéficiera également à l’État français, car les rentrées fiscales du Trésor français augmenteront en proportion, le montant de l’impôt étranger à éliminer diminuant mécaniquement.
    On voit bien que ce texte s’inscrit dans la volonté de renouveler le partenariat. Je pense à la place faite au volontariat international en entreprise. J’ai pu en bénéficier au début de ma vie professionnelle, et je peux vous dire que cela encouragera les entreprises à recruter davantage et offrira de nouvelles opportunités très précieuses pour nos jeunes.
    Vous l’aurez compris, cet accord favorise la projection de l’ensemble des acteurs français dans un pays particulièrement dynamique. En clarifiant et en régissant précisément la question de la double imposition, il contribuera aussi à prévenir l’évasion fiscale, question qui doit être au cœur de notre partenariat économique et financier.
    C’est donc avec beaucoup de volontarisme que le groupe La République en marche votera en faveur de ce projet de loi qui assure plus d’équité, plus de compétitivité et plus d’attractivité pour nos entreprises et qui permettra à nos deux pays d’aller plus loin et plus fort dans la réponse aux grands défis contemporains. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sophie Mette.

    Mme Sophie Mette

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    Nous sommes réunis ce jour pour examiner le nouvel avenant à la convention adoptée en avril 1979 par notre gouvernement et celui de la République argentine afin d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale.
    Signée dans les années soixante-dix, cette convention est née de la volonté commune de nos deux pays d’harmoniser sur le plan fiscal leurs échanges, qui se voulaient alors de plus en plus importants. Seconde convention signée par la France avec un pays du Mercosur, son application n’a depuis lors posé aucune difficulté de mise en œuvre, se caractérisant même par des échanges d’informations fluides entre nos deux administrations. Elle a ainsi permis d’entretenir des relations fiscales pleinement satisfaisantes avec l’Argentine.
    Aujourd’hui, les échanges économiques entre nos deux pays se sont intensifiés puisque la France a atteint le rang de dixième fournisseur mondial de l’Argentine. Pour poursuivre cette dynamique de renforcement et d’approfondissement de nos relations, et afin de laisser la porte ouverte à de nouvelles opportunités, il devenait toutefois nécessaire que cette convention soit renégociée.
    Du fait de son ancienneté, la convention de 1979 comportait en effet des taux élevés de retenue à la source qui n’ont plus lieu d’être, alors même que l’Argentine a conclu depuis lors des conventions plus avantageuses avec d’autres États.
    La modernisation de cette convention, qui s’inscrit dans le cadre de l’intensification du dialogue politique entre nos deux gouvernements, permettra ainsi de défendre la compétitivité de nos entreprises à l’étranger ; elle jouera également un rôle dans le développement de notre diplomatie d’influence.
    Concrètement, ce nouvel avenant signé à l’initiative de la France le 6 décembre 2019 permettra notamment un abaissement des taux plafonds conventionnels. De fait, il conduira à la réduction des taux plafonds de retenue à la source en matière de dividendes, d’intérêts, de redevances et de gains en capital.
    Cette disposition devra ainsi bénéficier aux 250 entreprises françaises présentes en Argentine, dont une grande part sont des TPE et PME, puisqu’elle renforcera leur position concurrentielle grâce à une diminution de la charge de l’impôt.
    Elle profitera également au Trésor public français, puisque le montant de l’impôt argentin à éliminer sera diminué, donc les rentrées fiscales françaises accrues.
    Par ailleurs, cet avenant permettra une meilleure prise en compte des nouvelles spécificités de la législation française par l’introduction d’un mécanisme de taxation des sociétés d’investissement immobilier cotées, la reconnaissance d’un droit à taxer les revenus réputés distribués, la clarification des modalités d’imposition, avec notamment les trusts et fiducies, qui sont explicitement inclus, ou encore l’exonération d’impôt sur le revenu pour les volontaires internationaux.
    Enfin, cette modernisation de la convention nous sera profitable, puisqu’elle élargira la portée de la clause de la nation la plus favorisée en assurant à la France de bénéficier des taux les plus favorables octroyés par l’Argentine à ses partenaires en matière de revenus passifs, de gains en capital, de revenus des professions indépendantes ou d’établissements stables.
    L’Argentine bénéficiera également de nouveaux avantages, puisque l’avenant va permettre d’élargir le périmètre du champ d’activités imposables des services, en insérant une clause permettant la taxation des établissements stables de services.
    Le projet de loi qui nous est présenté, adopté sans modification par les sénateurs, entend donc permettre l’approbation dudit avenant. Considérant que le nouvel équilibre conventionnel garanti par cet avenant profitera globalement aux intérêts économiques français, le groupe du Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés ne peut qu’être favorable à son adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La discussion générale est close.

    Discussion des articles

    M. le président

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique du projet de loi.

    Article unique

    Vote sur l’article unique

    M. le président

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    Je mets aux voix l’article unique du projet de loi.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        27
            Nombre de suffrages exprimés                27
            Majorité absolue                        14
                    Pour l’adoption                26
                    Contre                1

    (L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Franck Riester, ministre délégué

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    Je remercie l’Assemblée pour ce vote ainsi que le rapporteur, qui a pris le relais de son collègue, pour le travail accompli.
    Je souhaite dire à Mme Buffet que cette convention présente différents avantages : elle permet de lutter contre l’évasion fiscale, de favoriser les VIE, ces jeunes qui partent pour deux ans à l’étranger, ce qui représente une expérience formidable pour eux, comme l’a très bien dit Didier Quentin. Il ne s’agit évidemment pas de spolier le contribuable argentin, mais de permettre aux entreprises françaises d’être compétitives par rapport à leurs concurrentes, notamment européennes, mais pas seulement, qui bénéficient à ce jour de conventions fiscales plus favorables. Il est bien légitime que nous offrions à nos entreprises, comme l’ont très bien expliqué M. Berville et Mme Mette, par exemple, la possibilité de bénéficier des meilleures conditions de compétitivité face à ces entreprises.
    Je précise que nous avons réussi à obtenir le même type de convention plus favorable de non-double imposition avec la Colombie, où je me suis rendu à la fin de l’année dernière. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    4. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
    Quatre projets de loi autorisant la ratification des conventions internationales suivantes :
    Accord France-Maurice en matière de défense ;
    Accord France-Qatar relatif au statut de leurs forces ;
    Convention de coopération judiciaire avec le Mécanisme international pour la Syrie ;
    Convention France-Espagne relative à la nationalité.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à treize heures dix.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra