XVe législature
Session ordinaire de 2020-2021

Séance du jeudi 15 avril 2021

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (nos 3875, 3995).
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 2965 portant article additionnel après l’article 50.
La parole est à Mme Anne-Laurence Petel, pour soutenir l’amendement no 2965. Si vous le souhaitez, madame Petel, vous pouvez également défendre l’amendement suivant, no 2966.
L’amendement no 2965 tend à confier à l’INSEE la mission d’élaborer un indicateur du solde des emplois créés et détruits par hectare de terres artificialisées. Les données relatives à l’impact de l’artificialisation des sols représentent un enjeu majeur. L’impact sur notre vie économique, en particulier, apparaît pour l’heure mal documenté. Notre amendement pallierait ce problème.
Quant à l’amendement no 2966, il vise à instaurer des sessions de formation obligatoires pour les agents de l’État et surtout les élus locaux chargés de l’urbanisme et des politiques d’aménagement, afin de permettre une appropriation partagée des enjeux environnementaux autour de l’objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) et du principe « éviter, réduire, compenser » (ERC).
La parole est à M. Lionel Causse, rapporteur de la commission spéciale pour les chapitres III à V du titre IV, pour donner l’avis de la commission.
Avis défavorable aux deux amendements.
Pour ce qui est du premier, l’Observatoire national de l’artificialisation des sols travaille avec le centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), mais ce n’est pas pour autant qu’on a fait figurer cet organisme dans la loi. En cas de besoin, l’Observatoire peut très bien travailler avec l’INSEE ou d’autres organismes pour élargir les informations à apporter au Gouvernement ou aux élus locaux. Il n’est pas nécessaire d’alourdir la loi avec ce type de précisions.
Le deuxième amendement exprime une idée intéressante en soulignant la nécessité, pour les élus, de s’approprier ces enjeux. Dans le cadre de l’examen de la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, j’avais d’ailleurs déposé des amendements sur la formation des élus. Cependant, je ne pense pas que ce soit le sujet du chapitre. Peut-être que l’idée pourrait être reprise dans la loi dite 4D – différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification –, si son contenu s’y prête.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du logement, pour donner l’avis du Gouvernement.
(Les amendements nos 2965 et 2966 sont retirés.)
La parole est à M. Yves Hemedinger, pour soutenir l’amendement no 1538.
Je propose une solution originale pour lutter contre l’artificialisation des sols sans tomber dans la décroissance ni bloquer le pays. Il s’agit de créer un dispositif de compensation locale, sorte de marché de droits à artificialiser contre renaturation.
Nous avons déjà eu ce débat en commission, où j’avais émis des réserves quant à la création d’un marché de droits à artificialiser. On commence à travailler sur les enjeux de compensation et de renaturation ; nous avons par exemple voté les amendements de notre collègue Valérie Petit sur ce sujet. Approprions-nous déjà ces notions et avançons avant de créer un tel marché. Avis défavorable.
Avis défavorable également.
Le sujet n’est pas du tout mûr : la création d’un marché de droits à artificialiser nécessiterait de définir beaucoup de notions – le seuil de soumission à l’obligation, les unités de compensation et les équivalences, la manière de les monétiser –, ce qui paraît délicat à réaliser à un horizon aussi rapproché. On va avancer sur le sujet de la compensation, mais pas à une telle vitesse.
(L’amendement no 1538 n’est pas adopté.)
L’amendement no 310 de Mme Delphine Batho, portant suppression de l’article, est défendu.
(L’amendement no 310, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement no 3876.
Les débats en commission n’ont pas apporté de réponse satisfaisante aux questions suscitées par le rapport – introduit par un amendement de M. le rapporteur – qui va évaluer les modalités d’application des dispositions visant à réduire l’artificialisation des sols. Mon amendement vise à ramener la date de remise de ce rapport au Parlement de 2030 à 2025, celle qui figure actuellement à l’article 50
bis
faisant de « zéro artificialisation nette » un objectif trop lointain.
Ce rapport doit évaluer la première période décennale ; il est donc normal qu’il soit remis pour 2031. Avis défavorable.
J’espère que vous serez plus diserts en remettant un rapport intermédiaire. Des points d’étape sont nécessaires pour ne pas se retrouver, dans dix ans, avec un bilan qui montre que la trajectoire n’est pas la bonne.
(L’amendement no 3876 n’est pas adopté.)
L’amendement no 2049 de M. Lionel Causse, rapporteur, est rédactionnel.
(L’amendement no 2049, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
La parole est à Mme Annie Chapelier, pour soutenir l’amendement no 5641.
Il tend à préciser que le rapport que le Gouvernement remettra au Parlement en 2030, c’est-à-dire dans dix ans environ, sera consacré non seulement à l’artificialisation mais également à l’imperméabilisation des sols. Ces deux notions sont différentes mais complémentaires ; nos territoires étant fortement touchés par les inondations et les problèmes de ruissellement, la seconde d’entre elles me paraît devoir être mentionnée.
Vous souhaitez intégrer l’imperméabilisation – sujet que nous avons déjà évoqué tout à l’heure – au rapport prévu à l’horizon 2030. D’ici là, nous aurons certainement plus de données et d’outils d’évaluation. Les représentants du CEREMA nous ont expliqué en audition travailler avec le Centre national d’études spatiales (CNES) sur l’imagerie satellitaire, qui nous renseignera notamment sur l’imperméabilisation liée au réseau routier. Avis favorable.
Il est très probable que, dans dix ans, le CEREMA sera capable de fournir des données sur l’artificialisation des sols, qui incluront les cas d’imperméabilisation. Je pense que votre amendement est en réalité satisfait, mais vu ce qu’a dit M. le rapporteur, je formulerai un avis de sagesse.
(L’amendement no 5641 est adopté.)
L’amendement no 2048 de M. Lionel Causse, rapporteur, est rédactionnel.
(L’amendement no 2048, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 3311, faisant l’objet d’un sous-amendement no 7445.
Nous en avons déjà débattu en commission spéciale : la planification vertueuse qui limite l’artificialisation des sols suppose des moyens publics pour reconquérir les sols dégradés. Les organismes les mieux placés pour remplir cette mission sont les établissements publics fonciers (EPF) et les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER). Nous demandons que le rapport que vous avez prévu renseigne et documente cet enjeu, et incite à doter la puissance publique de moyens destinés à alimenter ces opérateurs.
La parole est à M. Lionel Causse, rapporteur, pour soutenir le sous-amendement no 7445 et donner l’avis de la commission sur l’amendement.
Je propose que soient aussi pris en compte les moyens alloués aux EPF et aux SAFER pour leur contribution à la lutte contre l’artificialisation des sols. Je serai favorable à l’amendement ainsi sous-amendé.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement et sur le sous-amendement ?
(Le sous-amendement no 7445 est adopté.)
(L’amendement no 3311, sous-amendé, est adopté.)
(L’article 50 bis, amendé, est adopté.)
L’amendement no 2862 de Mme Valérie Petit est défendu.
(L’amendement no 2862, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
(L’article 51 est adopté.)
La parole est à Mme Bénédicte Taurine, pour soutenir l’amendement no 6847 portant article additionnel après l’article 51.
Depuis la loi sur l’eau, la stabilisation des sols grâce au génie végétal est une obligation. Or les géofilets et les géotextiles ne sont soumis à aucune norme, ce qui est problématique pour l’environnement et nous laisse dans l’ignorance quant aux conditions sociales dans lesquelles ces produits sont fabriqués.
Des entreprises implantées en France sont capables de les produire à partir de fibres végétales naturelles et de laine, sans additifs chimiques. En commission spéciale, on m’a rétorqué que la date de 2023 était trop rapprochée, mais les entreprises affirment qu’elles pourraient couvrir les besoins nationaux à cet horizon, voire plus rapidement encore. Pourquoi continuerions-nous à importer des géofilets et géotextiles fabriqués dans des conditions environnementales et sociales inacceptables, alors qu’il est possible de les produire sur le territoire national, donc en développant de surcroît l’emploi ? C’est ce que nous proposons avec cet amendement.
Nous avons en effet examiné l’amendement en commission. Je maintiens que rien ne garantit que nous serons capables de produire suffisamment de produits en question d’ici au 1er janvier 2023. Vous dites avoir des échos favorables, or nous n’avons pas eu d’informations de la part de la filière. L’idée est intéressante, mais le délai très court, d’autant que l’amendement ne précise pas les modalités de mise en œuvre. Avis défavorable.
L’entreprise dont je parle a pourtant été reçue par plusieurs ministères. Si vous considérez que 2023 est une échéance trop rapprochée, il suffit de sous-amender l’amendement. Proposez donc une date à laquelle cette réforme serait envisageable !
Il ne suffit pas de venir dans un territoire et de dire aux entreprises qu’il faut produire, encore faut-il ensuite encourager à utiliser ces produits. On sait que la fibre de coco contient des additifs chimiques et que, dans des zones sinistrées de notre pays, on est capable de produire des géotextiles qui n’en contiennent pas. Vous dites toujours qu’il faut faire confiance aux entreprises, alors prouvez-le !
C’est une chose de soutenir et d’encourager une filière ; c’en est une autre de dire qu’à telle date, tel procédé de fabrication sera le seul autorisé dans une application. Nous ne sommes pas prêts à prendre cette décision car la filière n’est pas mûre, mais allons continuer à l’encourager.
(L’amendement no 6847 n’est pas adopté.)
Sur amendement no 5775, je suis saisi par le groupe La République en marche d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 3008, 3643 et 5157.
La parole est à Mme Sylvia Pinel, pour soutenir l’amendement no 3008.
Il est dans la droite ligne de ceux que j’ai défendus hier ; on peut donc considérer qu’il est défendu.
L’amendement no 3643 de M. François Pupponi est également défendu.
La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir l’amendement no 5157.
Le recyclage foncier, la densification et le renouvellement urbain sont la clé pour réduire la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers. En effet, le foncier en zone urbaine est relativement sous-utilisé, et les possibilités offertes par les documents d’urbanisme ne sont pas toujours pleinement exploitées. Il est par conséquent nécessaire que non seulement les règlements des plans locaux d’urbanisme (PLU) mais aussi ceux des zones d’aménagement concerté (ZAC) imposent désormais une densité minimale de construction dans certains secteurs. Cette obligation doit également être intégrée dans les cahiers des charges lors des cessions ou concessions d’usage de terrains à l’intérieur des ZAC.
On en arrive aux amendements relatifs à la densité de certains secteurs, enjeu auquel nous sommes tous sensibles. Néanmoins, comme je l’ai dit hier, mon amendement no 5775, qui arrive juste après, apportera une réponse suffisante en la matière. Je vous propose de retirer vos amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Nous sommes en effet dans le prolongement de la discussion que nous avons eue hier. Le code de l’urbanisme permet déjà d’imposer une densité minimale dans le règlement des PLU, et les amendements sont centrés sur les ZAC. Or l’article 51
bis
du projet de loi prévoit que pour toute action ou opération d’aménagement, on réalisera désormais une étude sur l’optimisation de la densité des constructions. Nous allons donc déjà un pas plus loin dans la direction que vous souhaitez. Avis défavorable au bénéfice de l’article 51
bis
et de l’amendement à venir du rapporteur.
(Les amendements identiques nos 3008, 3643 et 5157 ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Lionel Causse, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 5775, qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements nos 7427, 7428, 7426, 7380, 7383 et 7429.
Les sous-amendements nos 7380 et 7383 sont identiques.
Cet amendement vise à apporter des réponses aux enjeux de densification, surtout dans les secteurs dits tendus, en rejoignant aussi les opérations de revitalisation territoriale (ORT) et les grandes opérations d’urbanisme (GOU) qui permettent la réversibilité mais aussi la surélévation de certains bâtiments. Nous prévoyons bien sûr un cadre strict : ne pourront entrer dans ce cadre que des enjeux de gabarit, avec des aires de stationnement, uniquement dans un but de mixité sociale ou lorsqu’il s’agit de transformer des bureaux en logements.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir les sous-amendements nos 7427 et 7428, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Les obligations en matière de création d’aires de stationnement peuvent aller contre la qualité de vie souhaitée par nos concitoyens. C’est pourquoi le sous-amendement no 7427 tend à supprimer les alinéas 7 à 12.
Le sous-amendement no 7428 propose l’agrandissement des logements plutôt que la création de logements, si nous voulons éviter la création supplémentaire de stationnements.
La parole est à M. le rapporteur général de la commission spéciale, pour soutenir le sous-amendement no 7426.
Ce sous-amendement est issu du dialogue que nous avons eu avec les élus, en particulier l’Association des maires de France (AMF), et j’en profite pour saluer les collègues de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui assurent ce dialogue tout au long de l’année. Avec le rapporteur thématique, nous avons rassuré les maires sur le fait que l’amendement n’avait pas d’impact sur les documents d’urbanisme et qu’ils garderaient de toute façon la main sur la finalité, seule la méthode changeant.
Je propose un sous-amendement de clarification assurant que la hauteur est égale à celle de l’immeuble contigu, ce qui est important, et retirant la notion d’intégration harmonieuse, qui pouvait créer du stress chez les élus et ouvrir la voie à des contentieux.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir le sous-amendement no 7380.
Ce sous-amendement, très important, prévoit qu’en cas d’obligation de réalisation d’aires de stationnement pour véhicules motorisés, cela puisse être réduit à due proportion en contrepartie de la création d’une infrastructure ou de l’aménagement d’un espace permettant le stationnement de six vélos.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir le sous-amendement no 7383.
Pour l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), le code de l’urbanisme impose la construction de places de stationnement et une grande majorité des parcs de stationnement créés dans le cadre du code sont vides, tout simplement parce que quand on demande à des locataires de payer une place de stationnement 40 euros par mois ils ne le peuvent pas. Ces places ne sont donc pas utilisées. Il s’agit par conséquent de limiter la construction de places jamais utilisées.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir le sous-amendement no 7429.
Ce sous-amendement final vise à supprimer les mots vagues et imprécis, comme « harmonieusement », qui pourraient permettre toutes les dérogations.
Quel est l’avis de la commission sur ces sous-amendements ?
Les sous-amendements de M. Bazin, déposés tardivement, sont en partie satisfaits. Un amendement de M. Aubert visait à supprimer les stationnements. Nous répondons donc déjà à la demande d’un amendement que vous aviez déposé.
Sur le bâti, oui, on peut faire des agrandissements, y compris de balcons, par exemple : c’est le qualitatif, l’amélioration de l’existant, nous le prenons en compte.
Je partage le point de vue du rapporteur général. La précision qu’il propose vient d’une discussion que nous avons eue avec l’Association des maires de France. Il est important de répondre à leurs attentes et de les rassurer. Avis favorable, donc au sous-amendement no 7426.
Je suis également favorable aux sous-amendements identiques nos 7380 et 7383, relatifs aux places de vélo.
(M. Thibault Bazin applaudit.)
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement et sur les sous-amendements ?
L’amendement du rapporteur fait suite à une discussion approfondie que nous avons eue en commission spéciale, et que nous avons continuée, notamment avec l’AMF et avec tous les membres de la commission qui le souhaitaient. La disposition permet simplement de favoriser le principe d’une dérogation ponctuelle souple, que le maire pourra refuser sur avis motivé, dans des cas d’intérêt général : un peu plus de densité à côté des gares et des lieux de transport, plus de surélévation possible ainsi qu’un troisième cas. Cela répond assez bien, je pense, à la discussion précédente mais de façon plus souple, en laissant toujours aux maires la possibilité de déroger. Je suis donc très favorable à l’amendement du rapporteur.
Le sous-amendement no 7427 prévoit une règle stricte, à savoir une place de stationnement par logement, règle que modifie par ailleurs le sous-amendement no 7380, qui suggère que l’on peut créer plus de places de stationnement pour les vélos et moins pour les véhicules motorisés. J’y suis donc défavorable.
Le second sous-amendement de M. Bazin prévoit que ces règles de densité supplémentaire ne sont valables que pour l’agrandissement d’un logement ; or je pense qu’il est très bien de pouvoir le faire pour l’agrandissement d’un logement mais aussi pour la création de logements supplémentaires, qui est bien un objectif d’intérêt général.
Le sous-amendement du rapporteur général, de précision, a été concerté avec les associations d’élus. J’y suis très favorable.
Je suis également très favorable aux deux sous-amendements identiques de M. Bazin et de M. Pupponi sur le vélo. Quant au sous-amendement no 7429, il est satisfait par celui du rapporteur général.
Je m’interroge sur le sous-amendement du rapporteur général, qui permet la construction contiguë. Cela signifie que, dans des zones denses, tendues, on va devoir s’aligner sur l’existant et, si l’existant est de faible hauteur, on ratera l’objectif de densification.
L’amendement du rapporteur est extrêmement dense, et il a donné lieu à des sous-amendements qui permettent d’aller de l’avant – ce dont je remercie leurs auteurs –, dont certains approuvés par la ministre déléguée, mais la méthode est inquiétante. Il s’agit tout de même du code de l’urbanisme. Heureusement qu’il y a le Sénat derrière. C’était une remarque sur la construction, parfois un peu chaotique, de cette loi.
Nous allons nous abstenir sur cet amendement, tout d’abord parce que nous sommes un peu déçus que vous n’ayez pas vu toutes les possibilités offertes par les sous-amendements de notre collègue Bazin, ensuite parce que, monsieur le rapporteur, il y a une différence entre ne pas créer de places de stationnement pour un immeuble de bureaux, parce que c’est un immeuble, et penser que dans des centres-villes anciens, lorsqu’on veut installer des populations et qu’on a des ruelles ou des lieux plus difficiles d’accès, prévoir des places de stationnement n’est pas la première des priorités, surtout dans certaines communes où, comme dans ma circonscription, les parkings alentour sont gratuits. Cela vous explique le sens de certains amendements qui peuvent vous sembler contradictoires, mais qui sont en réalité complémentaires.
Selon l’amendement du rapporteur, on peut surélever par rapport à la construction contiguë, mais le sous-amendement du rapporteur général dit le contraire. Il y a donc une contradiction entre les deux. Si l’on ne peut pas surélever, on ne pourra pas densifier, comme l’a fait remarquer Mme Pinel, et l’on va donc à l’encontre de la volonté exprimée par l’amendement.
L’amendement du rapporteur n’avait pour but de modifier les règles applicables aux dérogations possibles pour la surélévation, la densité à proximité de gares et la transformation de bureaux en logements mais de changer la procédure par laquelle c’est possible, afin de rendre ces dérogations plus faciles sans que les maires aient besoin de motiver les dérogations positives une à une.
Le sous-amendement du rapporteur général vise à dire que, dans le cas particulier de la surélévation – donc pas dans le cas de la transformation de bureaux en logements ni de la construction à proximité de transports en commun –, plutôt que de permettre d’aller au-dessus de la ligne contiguë – et en prévoyant un développement harmonieux, ce qui est une rédaction qui peut effectivement laisser une forme d’ambiguïté –, il est plus simple d’en rester à la ligne de faîte contiguë. Si nécessaire, nous sommes prêts à retravailler sur ce point pour l’approfondir.
Quant à la méthode, monsieur Lambert, je ne peux pas vous laisser dire ce que vous avez dit : la discussion a été longue en commission et, ensuite, moi-même et mon cabinet avons échangé avec tous les élus, membres de la commission ou non, qui souhaitaient retravailler sur la base de cet amendement. Le rapporteur a déposé son amendement en temps et en heure, et le travail a été conduit sur tous les bancs.
Que vous ne soyez pas d’accord sur le fond est une chose, mais que vous prétendiez que le travail n’a pas été fait de façon concertée, ce n’est pas vrai.
(Les sous-amendements nos 7427 et 7428, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(Le sous-amendement no 7426 est adopté.)
(Les sous-amendements identiques nos 7380 et 7383 sont adoptés.)
(Le sous-amendement no 7429 n’est pas adopté.)
Je mets aux voix l’amendement no 5775, tel qu’il a été sous-amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 107
Nombre de suffrages exprimés 92
Majorité absolue 47
Pour l’adoption 83
Contre 9
(L’amendement no 5775, sous-amendé, est adopté.)
L’amendement no 1315 de Mme Nathalie Serre est défendu.
(L’amendement no 1315, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement no 1438.
Pour revenir sur nos débats précédents, si un amendement avait été déposé à la dernière minute par le Gouvernement, nous aurions tous eu dix minutes supplémentaires de temps législatif programmé. Vu l’amendement du rapporteur, nous en aurions eu bien besoin. Heureusement qu’il y a le Sénat, qui améliorera nos travaux, un peu précipités dans certains domaines.
Le présent amendement suit la recommandation de France Stratégie au sujet de l’artificialisation, à savoir augmenter les coefficients d’imposition des sols (COS).
Un rapport de France Stratégie recommande d’augmenter les COS ; c’est peut-être une erreur, mais cela mérite une autre réponse que « défavorable » !
L’erreur, c’est que France Stratégie ne recommande pas d’augmenter les COS ! C’est donc, je le répète, un avis défavorable.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
(L’amendement no 1438 n’est pas adopté.)
L’amendement no 2046 de M. Lionel Causse, rapporteur, est de coordination.
(L’amendement no 2046, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 51 bis, amendé, est adopté.)
Je suis saisi de deux amendements, nos 3153 rectifié et 5430, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 3153 rectifié de Mme Lise Magnier est défendu.
La parole est à Mme Sandra Marsaud, pour soutenir l’amendement no 5430.
Comme d’autres collègues, je tiens à l’idée d’associer tous les acteurs de l’aménagement du territoire à la lutte contre l’artificialisation des sols. Cet amendement, qui émane de l’Union nationale des aménageurs, l’UNAM, vise à relayer l’inquiétude des aménageurs, mais aussi, dans une optique plus positive, à inciter le Gouvernement à les accompagner dans la mutation de leur modèle économique.
L’amendement propose donc de renforcer la procédure de délivrance du permis d’aménager en la subordonnant à l’examen d’une étude bioclimatique, ce qui conduirait à la délivrance d’un « permis d’aménager bioclimatique », dans le prolongement de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, la loi CAP, laquelle, vous le savez, prévoit l’obligation du recours à un architecte ou à un paysagiste pour l’établissement du projet architectural et la délivrance du permis d’aménager.
Il s’agit bien entendu, par cet amendement, de valoriser des opérations plus vertueuses.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
J’approuve l’objectif d’améliorer la prise en compte des enjeux bioclimatiques par les aménageurs, mais je ne crois pas nécessaire d’inscrire cet objectif dans le projet de loi.
D’une part, la définition du permis d’aménager bioclimatique n’est pas encore précisément établie. La proposition formulée par cet amendement émane de l’UNAM, mais elle n’a pas été discutée avec l’ensemble des acteurs. Il paraît donc prématuré d’inscrire la délivrance d’un permis d’aménager bioclimatique dans le projet de loi.
D’autre part, le fait que le permis d’aménager bioclimatique ne soit pas prévu par le texte n’empêchera nullement les aménageurs de privilégier cette approche dans les projets qu’ils mèneront demain au sein des collectivités territoriales. Aussi, je vous invite à retirer ces amendements ; à défaut, mon avis sera défavorable.
(Les amendements nos 3153 rectifié et 5430 sont retirés.)
Sur l’amendement no 911, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Sur les amendements nos 5916, 2497, 146 et 5580, je suis saisi par le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin public.
Sur l’amendement no 5885, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Thierry Benoit.
L’article 52 fixe un principe général d’interdiction de création de nouvelles surfaces commerciales qui entraîneraient une artificialisation des sols. Lors de nos débats en commission spéciale, il m’a semblé que l’on faisait une confusion entre les surfaces commerciales de la grande distribution et les surfaces de stockage du secteur de la logistique et du commerce électronique. Ce sont pourtant deux types de surfaces tout à fait distincts. Les grands entrepôts, notamment ceux d’Amazon, appartiennent au secteur de la logistique et soulèvent des questions spécifiques. Les grandes surfaces commerciales, propres au commerce physique, sont très différentes.
S’agissant des surfaces commerciales, j’ai présidé, il y a deux ans, la commission d’enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs, dont le rapporteur était Grégory Besson-Moreau. Parmi les propositions formulées par cette commission d’enquête dans son rapport final et adoptées à l’unanimité par les membres de la commission figurait la proposition de créer un moratoire afin d’interdire strictement la création de nouvelles surfaces commerciales pendant plusieurs années. Cette proposition reprenait une proposition identique du Premier ministre de l’époque, Édouard Philippe.
J’ai déposé un amendement sur l’article 52 afin de prévoir, dans le projet de loi, un tel moratoire pour une durée de trois ans. Ce moratoire me paraît indispensable pour plusieurs raisons.
La première est que la puissance publique engage des politiques publiques en faveur de la reconquête du commerce dans les centres-villes. Je pense notamment aux programmes « action cœur de ville » et « petites villes de demain », qui constituent des outils précieux et qui se déploieront à moyen et long terme pour favoriser la reconquête du commerce de proximité.
La deuxième raison est que le secteur de la grande distribution traverse actuellement une période de mutation. Ses acteurs me disent qu’on doit les laisser s’organiser comme ils veulent précisément parce qu’ils sont dans une période fragile. Je leur réponds qu’ils pourront s’organiser sans s’agrandir, tout au moins pendant une période de trois ans. Une telle durée me paraît stratégique. En effet, depuis une quarantaine d’années, nous avons vu surgir de nombreuses zones d’activité dans les périphéries des villes françaises, et avec elles des parkings, du goudron et la bétonisation. Ces opérations sont tirées par les grandes surfaces, dont le développement a conduit à dépeupler les centres-villes et les chefs-lieux de canton.
Les surfaces commerciales engendrent de nombreux problèmes et contribuent à l’artificialisation des sols. J’appelle donc votre vigilance sur le sujet, madame la ministre déléguée, mais j’y reviendrai tout à l’heure lorsque je défendrai mon amendement.
Je soutiens sans réserve l’idée d’un moratoire sur l’interdiction de création de nouvelles surfaces commerciales qui empiéteraient sur les surfaces agricoles. Les terres agricoles sont très demandées car moins coûteuses que les terrains en friche sur lesquels il faut tout reconstruire. Observez les centres commerciaux autour de vous. Que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur des galeries marchandes, les friches sont faciles à trouver : des caravanes sont généralement garées à proximité, sur les parkings. Les surfaces disponibles pour établir des activités commerciales sont aisées à repérer ! Notre collègue Thierry Benoit l’a très bien expliqué il y a quelques instants.
Il est urgent d’empêcher le recours à de nouvelles terres agricoles et de créer des dispositifs favorisant la réutilisation et la restructuration des friches dans la perspective de nouvelles dynamiques commerciales.
Avec cet article 52, nous arrivons à un moment très politique de l’examen du projet de loi, madame la ministre déléguée, le chapitre III du titre IV relevant de votre responsabilité.
Le groupe Socialistes et apparentés soutient la démarche engagée par le Gouvernement en faveur de la lutte contre l’artificialisation des sols. Avec l’article 52, nous allons cependant mesurer quel crédit nous pouvons accorder aux intentions qu’il affiche. Si nous n’adoptons pas un moratoire pour interdire la construction de nouvelles surfaces commerciales, si nous ne prenons pas des mesures radicales pour stopper à la fois la construction des entrepôts des entreprises du commerce électronique et ceux des grandes surfaces, alors nous décrédibiliserons totalement notre discours sur la lutte contre l’artificialisation des sols et nous créerons un décalage entre les efforts demandés aux uns et les privilèges accordés aux autres.
(Mme Delphine Batho applaudit.)
L’amendement no 4917 de M. Benoit Simian, tendant à supprimer l’article 52, est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Au moment d’exprimer mon avis sur cet amendement de suppression – un avis évidemment défavorable –, permettez-moi quelques mots pour présenter l’article 52.
Je souscris à la remarque de M. Benoit selon laquelle les débats de la commission spéciale sur l’article ont porté sur deux sujets distincts, bien que des passerelles existent entre eux.
Le premier concerne l’existence de surfaces commerciales de périphérie et de surfaces commerciales de centre-ville. Les centres commerciaux sont des commerces physiques en concurrence directe avec les commerces physiques de proximité du centre-ville.
Le second sujet, que nous allons également aborder pendant l’examen de l’article, est beaucoup plus large et touche le commerce électronique et la logistique, qui ne répondent pas aux mêmes règles et aux mêmes enjeux en matière d’artificialisation des sols que le commerce physique.
Commençons par le commerce physique. Pour la première fois en France, nous légiférons pour arrêter l’artificialisation des sols liée à l’extension ou à la création de nouvelles surfaces commerciales.
Nous pouvons, je crois, considérer unanimement qu’il s’agit d’une avancée importante. Depuis des années, un grand nombre d’entre nous pensons que ce n’est pas raisonnable, possible et souhaitable de laisser toujours plus de centres commerciaux se créer et s’étendre en périphérie des villes. Jusqu’alors, nous ne nous étions pas dotés des outils juridiques nécessaires pour encadrer cette évolution. Tel est précisément le sens de l’article 52.
Le principe de cet article est le suivant : pas d’artificialisation des sols pour la construction de nouvelles surfaces commerciales physiques. Il prévoit, en outre, des dérogations et une interdiction absolue au-dessus de 10 000 mètres carrés. Vous demandez pourquoi des dérogations sont prévues au lieu d’une interdiction totale et absolue, tout du moins dans le cadre d’un moratoire.
La première raison est que le but du projet de loi est de créer la norme pour les années à venir. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas souhaité instaurer un moratoire pour les premières années et prévoir ensuite un autre dispositif. Nous voulons proposer un système stable, qui permettra d’assurer une place équitable aux surfaces commerciales de centre-ville et aux surfaces commerciales de périphérie. Voilà pourquoi nous ne nous sommes pas engagés dans un moratoire et pourquoi nous avons préféré choisir une solution pérenne.
Nous admettons, par ailleurs, le principe selon lequel il n’y a pas d’interdiction absolue au premier mètre carré et nous travaillons en gradation, avec une interdiction absolue au-dessus d’une surface totale de 10 000 mètres carrés en création ou en extension – un centre commercial de 9 000 mètres carrés qui souhaiterait s’étendre sur 1 500 mètres carrés supplémentaires n’y serait donc pas autorisé. Au-dessous de 10 000 mètres carrés, nous prévoyons un système de dérogation, lequel a été resserré en commission spéciale et le sera encore aujourd’hui à travers des amendements de M. le rapporteur. Nous souhaitons, en effet, nous assurer que la dérogation est bien l’exception et que l’interdiction de toute construction nouvelle ou de toute extension reste la règle.
Notre débat portera certainement ce soir sur ce sujet spécifique. Je crois personnellement important de prévoir des dérogations dans certains cas. Dans les quartiers de la politique de la ville, dans les zones de renouvellement urbain et dans les territoires dans lesquels des logements ont déjà été prévus, la construction de commerces de proximité est nécessaire dans le cadre d’opérations d’aménagement et de revitalisation territoriale. De telles dérogations seraient néanmoins extrêmement limitées.
Nous aurons l’occasion de revenir sur le commerce électronique et les entrepôts. Les questions qu’ils soulèvent sont cependant différentes et ne sont pas directement reliées à la question de l’artificialisation des sols. Un peu comme hier, le débat se porte sur le modèle du commerce électronique et de la logistique alors que les entrepôts ne sont responsables, au maximum, que de 1 % de l’artificialisation des sols dans notre territoire.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

Telles étaient les idées que je voulais partager avec vous en ouverture de ce débat sur l’article 52.
(L’amendement no 4917 n’est pas adopté.)
Sur l’amendement no 3057, je suis par le groupe UDI et indépendants d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 3973, 3057, 3551, 911, 3295, 6873, 3296, 3667, 908, 4083, 6608 et 6609, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 911, 3295 et 6873 sont identiques, de même que les amendements nos 3296 et 3667 et les amendements nos 4083 et 6608.
L’amendement no 3973 de M. Christophe Jerretie est défendu.
La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement no 3057.
Je veux féliciter et encourager une nouvelle fois Mme la ministre déléguée, qui a le mérite d’être précise et pédagogue !
Cet amendement vise le commerce physique et le secteur de la distribution – et non la logistique, le commerce électronique et les entrepôts, qui forment un secteur tout à fait différent –, c’est-à-dire le modèle d’urbanisme commercial tel que nous le connaissons depuis les années 1960 : de grands magasins et de vestes parkings situés en périphérie des villes, auxquels sont venus se coller des solderies et toujours le même restaurant de hamburgers – c’est partout pareil depuis soixante ans !
En 2021, nous avons suffisamment de recul pour pouvoir envisager différemment l’urbanisme commercial du point de vue de l’artificialisation des sols. Un moratoire strict de trois ans sur la construction de nouveaux mètres carrés de surfaces commerciales dès lors qu’elles engendrent une artificialisation des sols paraît raisonnable. Lorsqu’un dossier est déposé, il est discuté au niveau local, examiné en commission départementale d’aménagement commercial et, le cas échéant, en commission nationale d’aménagement commercial. La procédure peut durer entre dix-huit mois et deux ans, voire même plus. Un moratoire strict de trois ans est, de ce point de vue, très raisonnable.
Madame la ministre déléguée, l’article 52 prévoit de multiples dérogations.
Je répète ce que j’ai dit au début de la discussion sur l’article : le Gouvernement fait de bonnes propositions pour la reconquête et la revitalisation du commerce de centre-ville, en particulier les programmes « action cœur de ville », au niveau des villes moyennes, et « petites villes de demain », qui vise les petits chefs-lieux et les petites communes en milieu rural. Ces dispositions sont très importantes.
Je rappelle qu’un moratoire sur la grande distribution n’empêcherait pas le redéploiement de certaines surfaces situées en périphérie, qui pourraient être transférées en centre-ville. Les consommateurs veulent de la proximité ; ils souhaitent se détourner des hypermarchés au profit de magasins à taille plus humaine – disons-le. Pour répondre à leur attente, rien n’empêche les distributeurs de se réorganiser ;…
…malgré le moratoire, ils pourront tout à fait transférer une partie de leur surface commerciale de la périphérie vers le centre-ville ou le centre-bourg.
La mesure proposée se conjuguerait en outre à d’autres dynamiques : elle va dans le sens de ce que font les agriculteurs en matière d’alimentation, lorsqu’ils se mobilisent et s’emploient à faire de la vente directe. C’est pour cette raison que je défends avec conviction cette proposition formulée dans le rapport, voté à l’unanimité des groupes, de la commission d’enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution, dont le rapporteur était Grégory Besson-Moreau.
Les amendements no 3551 de Mme Delphine Batho et 911 de M. Thomas Rudigoz sont défendus.
La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l’amendement no 3295.
Il vise à soumettre clairement les entrepôts de e-commerce aux dispositions de l’article 52, tout en abaissant le seuil de surface à partir duquel des dérogations sont possibles de 10 000 à 3 000 mètres carrés.
La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour soutenir l’amendement no 6873.
Il vise de même à régler la situation particulière des entrepôts de e-commerce, qui sont considérés abusivement comme des entrepôts logistiques : ils ne sont soumis qu’aux autorisations prévues pour les ICPE – installations classées pour la protection de l’environnement – et pas du tout à des autorisations d’exploitation commerciale, comme le sont d’autres magasins et commerces physiques, ce qui créé une inégalité insupportable devant la loi.
De fait, s’agissant de ces implantations, le e-commerce échappe au code de commerce. Cette distorsion incroyable doit cesser ; elle met en péril le commerce physique et le commerce de proximité et permet en outre aux entrepôts concernés de bénéficier d’un statut flou, et ainsi d’échapper à toute contrainte.
Quant aux dispositifs que vous énumériez, madame la ministre déléguée, ils me font penser à un couteau sans lame auquel on aurait enlevé le manche. Le seuil de 10 000 mètres carrés permet à 80 % des projets d’échapper à toute réglementation ! Vous nous faites croire que vous légiférez et certes, on peut toujours légiférer pour ne rien dire et ne rien faire ; c’est bien, de façon absolument irréfutable, ce que propose explicitement l’article 52.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
L’amendement no 3296 de M. Dominique Potier est défendu.
La parole est à Mme Anne-France Brunet, pour soutenir l’amendement no 3667.
Il vise à durcir les conditions permettant de déroger au moratoire sur les exploitations commerciales en périphérie. Comme le rappelait notre collègue, le seuil de 10 000 mètres carrés au-dessous duquel l’exemption est possible est bien trop élevé : 80 % des projets sont se situent en deçà, et la taille moyenne des surfaces commerciales soumises à la commission départementale d’aménagement commercial – CDAC – était en 2019 de 2 000 mètres carrés. Il convient donc de le réduire significativement.
Par ailleurs, les critères permettant de déroger au moratoire restent flous ; chacun peut être contourné très facilement. Il serait donc souhaitable de les rendre cumulatifs.
L’amendement no 908 de M. Thomas Rudigoz est défendu.
Les amendements identiques nos 4083 de M. Marc Le Fur et 6608 de M. Jean-Charles Colas-Roy sont défendus.
L’amendement no 6609 de M. Jean-Charles Colas-Roy est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?
Je vais essayer de répondre à ces nombreux amendements en vous exposant à la fois l’état du droit commun existant, ce que nous avons fait en commission et ce que je souhaite vous proposer en séance.
Actuellement, lorsqu’un projet commercial est envisagé sur un territoire, il doit d’abord trouver une surface foncière sur laquelle s’implanter ; le terrain doit être constructible et répondre aux exigences liées à l’accueil d’une zone commerciale. Ces informations se trouvent dans le document d’aménagement commercial, qui est élaboré dans le cadre des SCOT – schémas de cohérence territoriale.
Il doit ensuite obtenir un permis de construire, bien souvent conditionné à une étude d’impact ; il faut donc déjà qu’il parvienne à passer l’étape des études environnementales. S’ensuit l’examen, en vue de la validation administrative et commerciale, par la fameuse CDAC, qui vérifie la conformité du projet avec les besoins du territoire et décide ou non de le valider. Si la CDAC donne un avis positif, un recours peut éventuellement être déposé auprès de la CNAC, la commission nationale d’aménagement commercial, qui aujourd’hui valide moins d’un projet sur deux. Enfin, si ce dernier cap est franchi, le projet peut voir le jour.
En commission, nous avons répondu à plusieurs attentes. D’une part, nous avons tenu compte de l’avis du Conseil d’État selon lequel « l’énoncé d’une interdiction générale, qui correspond à la volonté d’un moratoire sur les installations de commerces entraînant une artificialisation en périphérie urbaine, doit être accompagné de la possibilité de dérogations accordées au cas par cas ». C’est ce que nous avons fait en commission en allant plus loin que le texte initial : nous avons introduit quatre critères obligatoires et cumulatifs rendant possible l’obtention d’une dérogation.
Nous avons ainsi décidé qu’une dérogation peut être accordée à un projet s’il « s’insère en proximité avec le tissu urbain existant dans un secteur au type d’urbanisation adéquat », s’il « répond aux besoins du territoire » et s’il obéit à l’un des critères que nous avons établis, parmi lesquels l’insertion « dans le secteur d’intervention d’une opération de revitalisation de territoire ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville [(QPV)] », ou encore au sein d’un projet déjà identifié et démarré avant la promulgation de la loi – ce que l’on appelait auparavant les ZACOM, les zones d’aménagement commercial.
Nous avons donc durci le dispositif en définissant des critères que nous avons rendus cumulatifs et qui sont désormais précisés de manière explicite, alors que la version initiale ne comportait qu’un faisceau d’indices susceptible de laisser une certaine liberté d’appréciation lors de l’examen du projet. Ces critères permettent de déterminer clairement si l’autorisation d’exploitation commerciale peut être délivrée, d’autant que nous avons identifié les zones dans lesquelles la stratégie et la planification territoriales permettent d’accueillir de tels projets.
Je voudrais aussi rappeler d’où l’on vient en évoquant la Convention citoyenne pour le climat. J’aurai peut-être l’occasion de le répéter puisque de nombreux amendements en parlent, en faisant comme si elle avait demandé un moratoire à la fois sur le commerce, sur le e-commerce et sur la logistique. Voici la proposition formulée par la Convention citoyenne – je l’avais déjà citée en commission : « Pour les zones commerciales et zones artisanales, prendre une mesure au niveau national d’interdiction de nouvelle surface artificialisée, sauf dans les zones où la densité de surface commerciale et artisanale par habitant est très inférieure à la moyenne départementale. » Une telle proposition laisse beaucoup de possibilités pour ouvrir des commerces ; en effet, de nombreuses zones se situent en dessous de cette moyenne, qui augmente d’ailleurs mécaniquement à chaque nouvelle ouverture. Un tel système se mordrait la queue en permanence.
La réponse que nous avons apportée va donc beaucoup plus loin : nous interdisons purement et simplement les dérogations pour les surfaces de plus de 10 000 mètres carrés, et nous introduisons des critères très stricts pour les autres. Je vous proposerai même un peu plus tard d’aller encore plus loin, s’agissant à la fois des zones commerciales et de la logistique.
Comme je le dis depuis le début, je me suis attaché à deux priorités. D’abord, ce sont les enjeux liés à l’artificialisation des sols que je veux traiter – c’est bien le sujet du présent chapitre ; or le e-commerce ne représente que moins de 1 % de ce phénomène, et les zones commerciales à peine davantage. Mais j’entends ce que vous dites : il s’agit dans notre société d’une question sensible, politique ; il est impossible de ne pas l’aborder et de la laisser sans réponse.
J’ai donc souhaité apporter une réponse appuyée sur une stratégie de planification territoriale, elle-même élaborée en fonction des besoins spécifiques à chaque territoire. Je pense que dans certaines zones telles que les quartiers prioritaires de la ville, il est tout à fait légitime qu’une zone commerciale de 1 000, 2 000 ou 3 000 mètres carrés puisse venir s’installer. Nous devons aussi nous employer à revitaliser certains territoires, et le commerce peut y participer car il n’est pas seulement synonyme de difficultés : il peut être un acteur majeur permettant de redynamiser certaines villes ou certains quartiers dans lesquels l’activité commerciale est très faible et qui en ont besoin. N’oublions pas que le commerce emploie des gens qui sont bien souvent éloignés du monde du travail ; il leur permet de se réinsérer professionnellement et de faire évoluer leur carrière. Dans certaines zones bien identifiées, lorsque c’est cohérent et lorsque cela s’inscrit dans un projet de territoire tel que les ORT ou les QPV, il est donc important de laisser la possibilité à certains commerces de s’installer.
Les amendements en discussion ne vont pas dans le sens que ce que je propose ; j’émettrai donc un avis défavorable, mais je proposerai un peu plus tard dans la soirée d’autres amendements dont j’espère qu’il nous permettront d’aller encore un peu plus loin, s’agissant à la fois du commerce, du e-commerce et de la logistique.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Florence Lasserre applaudit également.)
En complément de ce qu’a dit M. le rapporteur à propos de cette série d’amendements en discussion commune, j’observe que nombre d’entre eux visent à réduire le seuil au-delà duquel une dérogation n’est plus possible, à savoir, pour le moment, 10 000 mètres carrés.
La solution proposée par le rapporteur, qui sera examinée bien plus tard parce qu’elle se trouve dans un autre article, consiste à fixer un nouveau seuil à partir duquel le projet devrait obligatoirement être examiné par la commission nationale d’aménagement commercial. Cela a fait l’objet de nombreux débats en commission et on nous a dit – c’est assez paradoxal – que, lorsque leur examen a lieu en CDAC, les élus locaux ont une certaine tendance à accepter un peu trop facilement les projets. Sans vouloir préjuger de leur position, il nous a en effet semblé que faire passer les projets devant la commission nationale à partir d’un seuil bien inférieur à 10 000 mètres carrés pouvait constituer une garantie supplémentaire. Nous en discuterons plus tard, mais je pense qu’une telle solution répond bien à tous les amendements tendant à réduire le seuil à 5 000 ou à 3 000 mètres carrés, et cette série en compte beaucoup.
Ensuite, je sais que bon nombre d’entre vous pensent que les critères permettant d’obtenir une dérogation, qui concernent tous les projets dont la surface est inférieure au seuil de 10 000 mètres carrés, sont trop larges. Je voudrais donc y revenir pour compléter les propos de M. le rapporteur. Ces critères, nous les avons fortement revus en commission et, à mon sens, ils ne sont pas larges du tout – M. le rapporteur le disait.
Les voici : soit l’insertion du projet « dans le secteur d’intervention d’une opération de revitalisation de territoire ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville » – un critère restrictif, donc ; soit son insertion « dans une opération d’aménagement au sein d’un espace déjà urbanisé » ; soit « la compensation par la transformation d’un sol artificialisé en sol non artificialisé » ; soit son insertion au sein d’une zone d’activité commerciale déjà définie dans un schéma entré en vigueur avant la promulgation de la loi. Il s’agit uniquement de zones d’aménagement prioritaires, dans lesquelles l’implantation d’activités commerciales a un sens. Et même dans ces cas-là, il faudra de toute façon prouver que la dérogation est justifiée. Je pense donc que nous avons trouvé un équilibre.
S’agissant des entrepôts, la question posée ne concerne pas vraiment l’artificialisation des sols ; elle a plutôt trait aux places respectives du e-commerce, du commerce et de la logistique. La réponse que nous apportons se situe dans les mesures fiscales envisagées ; je n’en citerai qu’une et nous y reviendrons un peu plus tard. À compter du 1er juillet prochain, les plateformes de commerce en ligne deviendront collectrices de TVA pour les biens vendus en France et provenant d’un pays tiers. Nous allons, là encore, rétablir l’équité entre les différentes formes de commerce, grâce à une mesure fiscale très précise et très concrète.
Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de tous ces amendements en discussion commune ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Voici la question que nous devons nous poser : a-t-on encore besoin d’alimenter la construction de surfaces commerciales ? Nous ne partons pas du principe que c’est nécessaire ; au contraire, nous pensons qu’il y a eu des dérives dans certains départements. Nous partons du principe que l’activité économique est actuellement très ralentie et que les dégâts de la crise sur les petits commerces, notamment dans les centres-villes, vont être terribles. Voilà pourquoi toutes les propositions tendant à demander un moratoire nous semblent aller dans le bon sens.
Deuxièmement, il semble que le commerce en ligne ait la même incidence sur le petit commerce que sur la grande distribution. Aussi, même si l’argument de Mme le ministre déléguée est exact, il doit être inclus dans une réflexion plus large parce que nous ne sommes pas en train de ne traiter que d’une question environnementale mais bel et bien d’une question d’équilibre économique.
Troisièmement, dès lors que le législateur fixe une règle, la clarté s’impose. Le problème d’une règle aux multiples exonérations, seuils, interprétations, renvois à la personne supposée prendre la décision, c’est qu’elle va alimenter une jurisprudence qui complexifiera l’action économique des acteurs. Or un moratoire a, ici, le mérite d’être clair.
Quatrièmement, entre 2019 et 2022, j’ai calculé que 1 kilomètre carré d’artificialisation des sols est déjà prévu pour les grands centres commerciaux.
Enfin, il apparaît que les exonérations prévues sont trop vagues. Si vous êtes à proximité d’un tissu urbain, si vous correspondez aux besoins d’un territoire, ce qui, je le répète, est vague, et que vous procédez à une compensation, eh bien, vous pouvez bénéficier de l’exonération. En réalité, il aurait fallu prévoir un dispositif de complémentarité avec les commerces existants, notamment en centre-ville. C’est pourquoi nous sommes favorables à ces amendements.
Je maintiens mon amendement. Un argument du rapporteur résonne particulièrement dans mon esprit. Imaginons que cet amendement ne soit pas adopté : je me vois revenir dans ma circonscription dans quelques heures et annoncer qu’un moratoire est impossible parce que le Conseil d’État dit que le législateur ne saurait le voter sans prévoir une perspective d’ouverture, sans prévoir des dérogations… C’est là l’illustration même de l’impuissance que je ressens dans cet hémicycle depuis si longtemps.
Nous entendons dire des choses sur les grandes surfaces, de la part des commerçants, d’élus, de la part de nos concitoyens qui sont aussi des consommateurs. Et nous allons devoir leur expliquer que le Conseil d’État ne nous en donne pas le droit ! Voilà qui en dit long sur le fonctionnement de nos institutions et sur le rôle du législateur.
Je préconise donc, j’y insiste, un moratoire de trois ans sur l’artificialisation des sols pour voir ce qui se passe. Je souhaite un rééquilibrage au profit du commerce de proximité en centre-bourg et en centre-ville. Enfin je prône la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs, de la même manière, d’ailleurs, que le Gouvernement et, de ce point de vue, je trouve très bien, je le répète, les plans « action cœur de ville » et « petites villes de demain ».
La crise sanitaire a bien révélé certaines modifications des comportements, et l’on constate que le consommateur est en quête de proximité.
Voilà, au total, qui plaide pour un moratoire de trois ans – j’insiste sur le fait que, par définition, il est temporaire.
Je répondrai au rapporteur qui nous dit qu’il ne saurait être question, à l’occasion de l’examen de cet article, que d’artificialisation des sols, tout le reste n’étant que discours et politique. Ne vous en déplaise, votre majesté le rapporteur
(Exclamations sur les bancs du groupe LaREM)
, ici je ne suis pas une garniture et mes collègues non plus. Nous sommes là pour faire de la politique, et quand on fait de la politique, monsieur le rapporteur
(Mêmes mouvements)
,
Monsieur Prudhomme, n’en rajoutez pas non plus… Nos collègues réagissent à votre écart vis-à-vis du rapporteur.
Si, vous vous êtes montré irrespectueux vis-à-vis de vos collègues !
Je vous propose de retrouver notre calme afin que M. Prudhomme poursuive son intervention et sans provocations.
Ici, monsieur le rapporteur, nous faisons de la politique.
Vous ne faites pas de la politique, vous faites de la polémique !
Nous tâchons d’organiser la vie en commun dans la société et elle ne se réduit pas à l’artificialisation des sols. Le commerce en ligne pose bien un problème d’organisation et les commerçants apprécieront que nous ne discutions que d’artificialisation des sols et que vous fassiez bien peu de cas de leur sort.
Ensuite, je n’ai pas eu de réponse à ma proposition de soumettre les entrepôts des commerces en ligne à autorisation commerciale. Seule Mme la ministre déléguée m’a répondu sur le plan fiscal avec la TVA. Mais c’est un leurre ! En effet, 95 % des vendeurs de ces plateformes sont à l’étranger et ainsi fraudent massivement, ce qui est avéré. Et quand on les poursuit, on se rend compte qu’ils sont à Taïwan ou à l’autre bout du monde ; ils mettent la clef sous la porte et créent une nouvelle plateforme dans la foulée. Donc votre dispositif est inopérant.
Oui, nous faisons de la politique, ne vous en déplaise, et nous tâchons de savoir comment réguler le commerce en ligne qui met à mal notre modèle commercial, notamment le commerce de proximité. Vous ne pouvez évacuer nos réflexions en voulant limiter la discussion à l’artificialisation des sols, tout le reste ayant vocation, selon vous, à être glissé sous le tapis.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Puisqu’il nous est demandé de retirer nos amendements, nous les maintenons. Ce texte global sur le climat ne peut en effet faire l’impasse sur la cohésion sociale, la cohésion économique et l’emploi. On sait que de nombreux emplois sont menacés par ce projet de loi. Il faut donc à tout prix tenir compte de l’inquiétude qu’il suscite auprès de la population.
(M. Dominique Potier applaudit.)
(L’amendement no 3973 n’est pas adopté.)
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 118
Nombre de suffrages exprimés 113
Majorité absolue 57
Pour l’adoption 35
Contre 78
(L’amendement no 3057 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 3551 n’est pas adopté.)
Je mets aux voix les amendements identiques nos 911, 3295 et 6873.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 113
Nombre de suffrages exprimés 103
Majorité absolue 52
Pour l’adoption 27
Contre 76
(Les amendements identiques nos 911, 3295 et 6873 ne sont pas adoptés.)
(Les amendements identiques nos 3296 et 3667 ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 908 n’est pas adopté.)
(Les amendements identiques nos 4083 et 6608 ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 6609 n’est pas adopté.)
Je suis saisi de vingt-quatre amendements, nos 2497, 5955, 457, 3289, 5158, 6874, 168, 1563, 604, 3312, 6003, 3055, 3287, 146, 1655, 2699, 3331, 3796, 3984, 7161, 5580, 6610, 4653 et 6173, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 457, 3289 et 5158 sont identiques, de même que les amendements nos 168 et 1563, les amendements nos 604, 3312 et 6003, les amendements nos 146, 1655, 2699, 3331, 3796, 3984 et 7161 et les amendements nos 5580 et 6610.
Les amendements nos 2497 de Mme Valérie Oppelt et 5955 de M. Benoit Potterie sont défendus.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir les amendements identiques nos 457 et 3289.
Avec Valérie Beauvais, nous proposons de soumettre les implantations de sites d’entrepôts de commerces en ligne à autorisation d’exploitation commerciale et de les soumettre ainsi à l’application de l’article 52 du projet de loi.
La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir l’amendement no 5158, identique aux deux précédents.
Les sites d’entrepôts de commerces en ligne concourent en effet de manière significative à la consommation foncière, ainsi que l’a souligné le Conseil économique, social et environnemental (CESE) dans son avis du 27 janvier sur le présent projet de loi. Aussi est-il proposé de soumettre ces implantations à autorisation d’exploitation commerciale et de faire entrer ces sites dans le champ d’application de l’article 52 du texte, ce qui conduirait à ne pas leur délivrer d’autorisation d’exploitation commerciale dès lors que leur implantation ou leur extension engendrerait une artificialisation des sols.
Le Gouvernement nous a expliqué en commission que le régime d’autorisation d’exploitation commerciale n’était pas le bon outil puisqu’il concerne en réalité des surfaces accueillant du public et sert à réguler la concurrence directe entre les commerces de centre-ville et les surfaces commerciales situées en périphérie. C’est une argutie juridique qui ne nous convainc pas du tout.
(MM. André Chassaigne et Gérard Leseul applaudissent.)
Les amendements nos 6874 de M. Loïc Prud’homme et 168 de Mme Delphine Batho sont défendus.
La parole est à M. Yves Hemedinger, pour soutenir l’amendement no 1563.
Je salue l’avancée que propose cet article, même si je le trouve parfois un peu timide. Je regrette surtout que les entrepôts de commerces en ligne échappent à la règle.
(Mme Delphine Batho applaudit.)
Le présent amendement, mais c’est aussi le cas de mes amendements suivants, obéit à une logique à la fois économique et écologique et vise à soumettre les entrepôts à régime d’autorisation commerciale lorsqu’ils mesurent plus de 1 000 mètres carrés et à instaurer un moratoire sur la délivrance des permis de construire pour les entrepôts de plus de 3 000 mètres carrés. C’est en effet l’un des grands oublis du texte.
Il s’agit de mettre un terme à la distorsion de concurrence, de défendre notre modèle économique, les commerces de proximité
(Mme Delphine Batho applaudit),
les centres-villes, les centres-bourgs, d’éviter de livrer la France aux GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft –, enfin de mieux maîtriser le foncier pour le réserver à des projets plus riches en emplois. Si l’on veut mener une politique de réindustrialisation, il faut en effet conserver du foncier et pas seulement créer des entrepôts avec des robots qui alimentent ensuite des véhicules, entrepôts en fin de compte très pauvres en emplois et qui, de plus, enlaidissent les entrées de villes.
(M. Alain Ramadier applaudit.)
Les amendements identiques nos 604 de M. Emmanuel Maquet, 3312 de M. Dominique Potier et 6003 de Mme Danièle Cazarian sont défendus, ainsi que les amendements nos 3055 de Mme Delphine Batho et 3287 de M. Thibault Bazin.
Je me contente de dire « défendu » en raison du temps législatif programmé.
Il y avait longtemps…
Les amendements identiques nos 146 de Mme Émilie Bonnivard, 1655 de M. Paul-André Colombani, 2699 de M. Vincent Rolland et 3331 de M. Dominique Potier sont eux aussi défendus.
Toujours dans cette dernière série d’amendements identiques, la parole est à M. Erwan Balanant, pour soutenir le no 3796.
Je l’ai déjà dit en commission : nous commettons une erreur historique en ne touchant pas au régime d’autorisation en vigueur. D’un côté, on lance des plans magnifiques pour tenter de revitaliser nos centres-villes et, de l’autre, on fait tout pour qu’ils dépérissent.
L’amendement no 3984 de M. Marc Le Fur est défendu.
La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement no 7161.
Nous souhaitons en effet que le commerce en ligne fasse l’objet d’une discussion au Parlement. Nous demandons que ce type de commerce fasse l’objet d’une autorisation spécifique. On ne peut pas faire comme si ce sujet n’avait rien à voir avec les zones commerciales. On sait bien que c’est un maillon essentiel, qu’il y a une activité économique derrière, dont on n’ignore pas qu’elle a une incidence. On sait bien aussi qu’on ne pourra contrôler l’essor de cette activité que par le biais de la logistique et de la maîtrise de l’implantation. Si on laisse faire, un jour on ne contrôlera plus rien. Nous assumons le fait que notre proposition n’est pas seulement de nature écologique et qu’elle ait un impact CO2.
Les amendements identiques nos 5580 de Mme Florence Lasserre et 6610 de M. Jean-Charles Colas-Roy sont défendus, de même que les amendements nos 4653 de M. Matthieu Orphelin et 6173 de Mme Aina Kuric.
Quel est l’avis de la commission sur cette longue série d’amendements ?
J’émets un avis défavorable sur l’ensemble d’entre eux. Je vais tout de même vous donner quelques éléments de réponse pour tâcher de vous éclairer sur ce que nous entendons vous proposer avec l’article 52. Nous en sommes à la logistique et au commerce en ligne.
La logistique représente 10 % du PIB et 1,8 million d’emplois. Quand on s’attaque à une filière économique aussi importante, il faut donc, me semble-t-il, faire preuve d’un peu de prudence et de recul.
Pour revenir rapidement sur vos propos, monsieur Benoit – puisque je n’ai pas voulu reprendre la parole tout à l’heure –, vous demandez un moratoire afin de laisser aux acteurs concernés le temps de définir une stratégie territoriale et de s’assurer que le commerce se développe aux bons endroits, dans les meilleures conditions et conformément aux attentes.
Mais c’est précisément ce que nous faisons à travers ces articles ! Pour quelle autre raison aurions-nous décidé de nous appuyer sur les documents d’aménagement artisanal, commercial et logistique (DAACL) et de prévoir des dérogations pour les projets insérés dans un QPV ou dans le secteur d’intervention d’une ORT ? C’est précisément à cette fin que nous avons réécrit l’article 52. Il n’y a aucune raison d’attendre trois ans pour apporter ces réponses : inscrivons-les dès à présent dans la loi, de façon définitive.
Beaucoup d’entre vous souhaitent que les projets d’installation d’entrepôts de e-commerce soient soumis à l’appréciation des CDAC. Nous sommes plusieurs ici à avoir été membres d’une de ces commissions. Pour l’avoir été dans deux départements différents, je peux vous assurer que l’évaluation d’un entrepôt de logistique ou de e-commerce n’entre nullement dans le cahier des charges des CDAC.
Elles ont vocation à étudier si les enseignes installées dans une galerie marchande ou une grande surface sont suffisamment variées pour ne pas bénéficier d’une situation de monopole à l’échelle du territoire, si des accès en transports collectifs et des pistes cyclables sont aménagés, ou encore si les enjeux environnementaux sont pris en considération – autant d’éléments qui ne concernent pas la logistique. Je ne crois donc pas que ces commissions constituent la bonne instance pour évaluer si les entrepôts logistiques correspondent bien aux besoins des territoires. C’est précisément pour cette raison que nous avons adopté, en commission spéciale, un amendement permettant de faire évoluer le DAAC en DAACL. L’article 52
bis
a été rédigé à cette fin. C’est désormais acquis : les SCOT devront définir la stratégie de développement de la logistique sur leur périmètre, identifier les terrains qui seront susceptibles d’accueillir des infrastructures de logistique,…
…et évaluer les attentes des territoires. La logistique, en effet, ne se limite pas au e-commerce : elle recouvre de nombreuses activités qui font vivre les petits artisans et les commerces de centre-ville, ne l’oublions pas !
Je répète qu’elle représente 10 % du PIB français et 1,8 million d’emplois. Soyons donc prudents quand nous prétendons légiférer dans ce domaine, et ne mélangeons pas tout.
Je vous proposerai, à la faveur de nos débats, d’adopter deux dispositions nouvelles. D’abord, parce que les projets d’installations d’entrepôts, quels qu’ils soient, sont effectivement soumis aux autorisations environnementales, je suggérerai d’en durcir les conditions d’obtention, en faisant évoluer la réglementation relative aux ICPE pour inclure dans les évaluations la notion d’utilisation économe des surfaces naturelles, agricoles et forestières, et en incluant l’artificialisation des sols à l’étude d’impact des projets. Un double contrôle sera ainsi assuré par les services de l’État – directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) et préfectures – pour garantir que les projets qui leur sont présentés respectent bien les exigences environnementales auxquelles nous sommes nous aussi attentifs, notamment en matière d’artificialisation des sols.
Une telle procédure me semble beaucoup plus stricte et contraignante qu’un passage devant une CDAC, dont vous savez que les taux de validation sont très élevés. Vous connaissez certainement de nombreux chefs d’entreprise dont les projets sont soumis à des évaluations environnementales. Vous savez donc comme moi qu’en règle générale, ils ne les prennent pas à la légère.
Ce n’est pas le problème ! Votre réponse n’est pas valable ! Nous parlions de l’e-commerce, pas de la logistique !
Le deuxième point que je vous proposerai de faire évoluer a trait au commerce. J’entends les interrogations relatives au seuil en deçà duquel des dérogations seront possibles. Parce qu’il faut bien définir un chiffre, nous avons retenu celui de 10 000 mètres carrés. J’ai expliqué en commission spéciale pourquoi ce seuil me paraissait pertinent : je ne souhaite pas qu’on en vienne à multiplier ce que je qualifie – peut-être vulgairement – de boîtes à chaussures.
Un colis à chaussures ! Une boîte à bottes !
Il me semble que, dans certains cas, un commerce plus grand, regroupant plusieurs enseignes, peut se révéler plus cohérent qu’une succession de bâtiments desservis chacun par une route et équipés de parkings non mutualisés – car c’est à cette situation que risque de conduire la fixation d’un seuil trop faible. Comme vous, je souhaite de tout cœur que nous trouvions, à l’avenir, des solutions pour requalifier les entrées de villes. Peut-être, alors, serons-nous très heureux d’avoir conservé un seuil de 10 000 mètres carrés, qui nous aura permis de développer des offres commerciales cohérentes et de faciliter ces requalifications le moment venu. C’est en tout cas le vœu que je forme et c’est la raison pour laquelle je défendrai ce seuil.
Néanmoins, pour garantir la cohérence des projets, outre le fait qu’ils seront examinés par la CDAC et éventuellement par la CNAC, il est prévu que toutes les demandes de dérogation pour des projets d’une surface de vente supérieure à 3 000 mètres carrés soient examinées par la CNAC – j’avais proposé, dans mon amendement no 5897, de retenir le seuil de 5 000 mètres carrés, mais j’émettrai un avis favorable au sous-amendement no 7446 qui le ramène à 3 000 mètres carrés. Ainsi, avant que le projet soit soumis à la CDAC, la CNAC pourra contrôler s’il s’intègre bien aux besoins du territoire. Cela me paraît important.
Voilà la politique que je m’efforce de défendre monsieur Prud’homme : elle consiste à être pragmatique, à répondre aux besoins, mais, dans le même temps, à ne pas tout freiner.
Les entrepôts, ce n’est pas seulement Amazon !
Nous ne sommes pas opposés à la libre entreprise et nous estimons que les Françaises et les Français ont le droit de choisir leur mode de consommation. Bien entendu, nous contrôlerons les acteurs économiques concernés pour faire en sorte que la concurrence ne soit pas déloyale,…
…que leurs activités respectives soient compatibles, et que tous puissent se développer en France.
Avis défavorable sur tous les amendements.
(Mmes Cendra Motin et Sandra Marsaud applaudissent.)
Je réagirai essentiellement sur les entrepôts et le e-commerce. Tous les amendements qui visent à soumettre à la CDAC les projets d’installation d’entrepôts logistiques ou de e-commerce soulèvent une question centrale à laquelle ils ne répondent absolument pas, à savoir : en quoi consiste la bonne régulation de ces entrepôts ?
D’abord, qu’est-ce qu’un entrepôt de e-commerce ? Est-ce un entrepôt contenant des produits stockés après la production et qui seront vendus en direct ? Un entrepôt utilisé par des magasins proposant une offre multicanal, c’est-à-dire pratiquant à la fois vente physique et vente en ligne ? Un entrepôt destiné aux magasins qui ne vendent qu’en ligne ?
Quand un commerce de centre-ville vend aussi en ligne, comment doit-il être considéré ? Il n’existe pas de définition de l’« entrepôt de e-commerce » !
La quasi-totalité des entrepôts sont mixtes. Il s’agit d’entrepôts de distribution et de logistique, dont une partie des produits seront vendus en e-commerce tandis que l’autre partie sera vendue aux magasins physiques ou à travers des enseignes qui, elles-mêmes, vendent par ces canaux. Durant la crise sanitaire, nous avons d’ailleurs tous encouragé de nombreuses enseignes à cumuler vente physique et vente dématérialisée, au gré des ouvertures et des fermetures qui leur étaient imposées.
Vous êtes nombreux à vouloir soumettre ces entrepôts à l’autorisation de la CDAC : les mêmes personnes qui jugent la CDAC parfaitement inopérante pour les surfaces commerciales estiment donc qu’elle serait parfaitement efficace pour les entrepôts de e-commerce !
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Mais quels critères appliquerait-elle pour juger de la pertinence d’un projet ? Quelle zone de chalandise devrait-elle prendre en considération ? La zone de chalandise d’un entrepôt installé en périphérie d’une ville moyenne s’étend-elle aux commerces situés dans le centre de cette même ville, à ceux de la ville voisine, à ceux des communes situées à vingt, trente ou cinquante kilomètres ? Sur quelle base la zone pertinente sera-t-elle définie ?
Enfin, appliquons un raisonnement par l’absurde et imaginons qu’on interdise toutes les implantations d’entrepôts de e-commerce en France. Les Français arrêteront-ils pour autant de commander en ligne ?
Cela changera-t-il quoi que ce soit aux pratiques fondamentales qui régissent leurs choix d’achats ? Et s’ils continuent de commander en ligne, d’où viendront leurs achats ? D’entrepôts plus éloignés ce qui signifiera davantage de camions sur les routes, plus de trafic et des émissions de CO2 plus fortes !
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Florence Lasserre applaudit également.)
L’enjeu est aussi celui de la logistique.
À toutes ces questions, vous refusez de répondre. Votre seule proposition consiste à imposer aux projets d’implantation d’entrepôts de e-commerce un passage devant la CDAC, mais cela ne fonctionnera pas. J’émets donc un avis défavorable sur tous ces amendements.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Bruno Millienne et Mme Florence Lasserre applaudissent également.)
Vous venez d’illustrer la difficulté à laquelle nous sommes confrontés : vous n’avez pas su, alors que vous êtes une des représentantes du nouveau monde, définir cette nouvelle forme de commerce. Vous l’avez démontré vous-même, en essayant de noyer le poisson :…
…elle n’est pas clairement définie. S’agit-il de commerce ou de logistique ?
Député d’une circonscription incluant le port du Havre, je sais exactement ce qu’est la logistique. Je connais l’utilité des entrepôts, dont j’espère qu’ils continueront de se développer sur l’axe HAROPA – Le Havre, Rouen, Paris –, le long de la Seine. Mais je sais aussi ce qu’est le e-commerce : il s’agit d’entrepôts dont l’objectif principal est de livrer des clients particuliers qui commandent par internet. Vous avez raison de les comparer aux commerces qui travaillent en
click and collect
, qu’il s’agisse du commerce de proximité qui est actuellement fermé ou de celui qui vend le repas que je suis allé chercher ce midi dans les rues de Paris : c’est exactement la même chose !
Mais ces acteurs ne sont pas définis de la même façon, parce qu’ils utilisent des entrepôts, avec la quantité de stocks et la surface qui y sont associés. Le e-commerce n’a pas été clairement défini en amont de l’élaboration de ce projet de loi. C’est là qu’est le problème.
C’est ce qui vous permet, quand nous estimons que ces entrepôts sont des commerces, qui doivent à ce titre être soumis à l’évaluation de leur zone de chalandise commerciale – peut-être à l’échelle d’un département, cette zone étant beaucoup plus étendue pour un entrepôt que pour un magasin physique, même pour un hypermarché installé à côté d’une agglomération –, de nous opposer que cette analyse n’est pas possible, parce que vous ne les considérez pas comme des commerces. Ainsi, tous les services de l’État qui préparent les dossiers pour le compte des CDAC et sont chargés d’évaluer les effets des projets sur le commerce local ne peuvent pas mener ce travail, parce que vous estimez que les entrepôts ne sont pas des commerces et que vous refusez le passage de ces projets devant les CDAC.
Il vous faut donc revoir votre copie. Pour l’heure, il serait juste, afin de vous obliger à le faire, d’adopter ces amendements. Nous en reparlerons ensuite en deuxième lecture, lorsque vous aurez défini exactement ce qu’est un entrepôt de e-commerce ou de logistique.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, FI et SOC.)
La parole est à Mme Delphine Batho, pour un rappel au règlement.
Sur le fondement de l’article 58, alinéa 2, je rappelle, notamment à Mme la ministre déléguée, que les dispositions prévues à l’alinéa 9 de l’article 49 privent la députée que je suis, auteure de la proposition de loi instaurant un moratoire sur l’implantation de nouveaux entrepôts du e-commerce, de temps de parole. Par conséquent, l’argument selon lequel nous refuserions de répondre à vos objections n’est pas recevable.
(Mmes Danièle Obono et Mathilde Panot applaudissent.)
Je n’ai ni le talent ni les connaissances de Mme Batho ou de M. Lecoq : je dois reconnaître une insuffisance dans mes connaissances en matière de droit territorial ou commercial. Cependant, je peux malgré tout émettre un avis et une analyse intéressants.
D’abord, beaucoup des amendements soumis à la discussion commune visent à soumettre les entrepôts de e-commerce à l’autorisation d’exploitation commerciale, dans un souci d’équité avec les autres commerces. Je souhaite vous entendre sur ce point.
Ensuite, les chiffres que vous avancez m’interpellent, madame la ministre déléguée, en particulier lorsque vous indiquez que les entrepôts ne représentent que 1 % de l’artificialisation des sols. Beaucoup des statistiques relatives aux superficies qui figurent dans le rapport de France Stratégie, sur lequel vous vous appuyez, datent de 2016. Or nul n’ignore que les constructions d’entrepôts se multiplient dans toutes les villes moyennes et grandes de France. Je souhaite connaître le rythme exact d’accélération des constructions d’entrepôts logistiques et disposer d’une projection de la proportion que pourrait atteindre, à très court terme – par exemple d’ici à cinq ans –, l’artificialisation des sols due aux entrepôts.
Je doute qu’ils représentent seulement 1 % de ce phénomène, contrairement à ce que vous avancez, car ce chiffre date déjà de quatre ou cinq ans et que l’implantation de ces entrepôts a depuis explosé, comme le confirme d’ailleurs le rapport. Cette tendance s’est probablement accentuée en cette année de crise sanitaire.
(Mme Delphine Batho applaudit.)
Mais même si c’était le cas, nous pouvons craindre que les surfaces occupées par ces entrepôts soient très rapidement bien plus étendues.
J’illustrerai mon propos en évoquant un exemple observé dans ma région : en l’espace de deux ans, trois surfaces commerciales ont été construites dans le bassin alésien. Dans un village remarquable situé près d’Alès, un entrepôt logistique de 36 000 mètres carrés a été construit au milieu de la garrigue pour le compte d’une entreprise de e-commerce – qui ne fait pas partie des GAFAM –, dénaturant le paysage. Je remercie d’ailleurs notre collègue siégeant sur les bancs de la droite d’avoir dénoncé l’enlaidissement de la France. Il faut savoir de quelle France nous voulons dans cinq ou dix ans : un paysage parsemé de cubes, ou un milieu garantissant une certaine qualité de vie, laquelle passe également par l’esthétique.
Enfin, en réponse à l’argument selon lequel les entrepôts qui ne seraient pas implantés en France le seraient à l’étranger, dans des pays voisins, je rappelle que les discussions qui nous animent se déroulent dans tous les parlements européens : la lutte contre l’installation des entreprises de e-commerce est européenne.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Les Pays-Bas ont ainsi instauré un moratoire, et d’autres pays sont en passe de faire de même. Nous ne sommes absolument pas originaux ni pionniers : nous suivons simplement un mouvement, celui d’une population européenne qui, aspirant à une meilleure qualité de vie, s’interroge sur le type de commerces qu’elle veut pour demain.
(Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR. – M. Dominique Potier applaudit également.)
Madame la ministre déléguée, à travers vos propos, vous venez, au fond, de défendre une vision du monde que nous ne partageons pas. C’est un peu comme quand Emmanuel Macron nous avait incités à utiliser les plateformes de livraison. Vous défendez Amazon plutôt que le réseau des petits commerces : c’est votre vision du monde, assumez-la !
Souvenons-nous du débat sur la mesure visant à interdire les vols lorsqu’il existe une solution alternative en train. Il était proposé de l’appliquer aux trajets ferroviaires d’une durée de quatre heures maximum mais vous avez décidé de baisser ce seuil pour le fixer à deux heures trente, si bien que seules trois lignes sont concernées par cette mesure. L’argument que vous avez alors invoqué, la mine effarée, pour justifier ce choix, était l’emploi, encore l’emploi, toujours l’emploi. Or, cette fois, à propos d’Amazon, je constate avec surprise que la question de l’emploi ne vous préoccupe plus du tout.
Un rapport rédigé par l’association des Amis de la terre montre que, pour un emploi créé par Amazon ou par une autre entreprise de e-commerce au sein de l’Union européenne, six emplois sont détruits. On sait par ailleurs, grâce aux chiffres de l’INSEE – vous pouvez difficilement les contester –, qu’entre 2009 et 2018, 81 000 emplois nets ont été détruits en France par le e-commerce. Cela ne vous fait-il pas réagir ?
Monsieur le rapporteur, vous dites que nous nous attaquons à un secteur important et que de nombreux emplois sont en jeu. Sans même parler du fait qu’Amazon et compagnie sont les champions de la maltraitance salariale, n’êtes-vous pas sensible au fait que la Confédération des commerçants de France, qui représente tout de même 1 million d’emplois en France, est favorable aux amendements que nous vous proposons ainsi qu’à un moratoire, et qu’elle s’oppose au discours que vous tenez actuellement ?
N’êtes-vous pas sensible au fait que les chambres des métiers et de l’artisanat sont également favorables à ce moratoire, tout comme les plus grandes métropoles – Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Poitiers ou Besançon – de même que l’Association des petites villes de France, mais aussi 78 % des Français ?
(Mme Danièle Obono applaudit.)
Je sais bien que vous avez exclu, dans le projet de loi, les entrepôts de e-commerce du moratoire sur les zones commerciales destiné à enrayer l’artificialisation des sols. Mais je vous rappelle que les membres de la convention citoyenne pour le climat avaient précisément demandé qu’ils y soient intégrés.
Vous avez ensuite souligné le risque de concurrence déloyale. Or, nous l’avons déjà dit, ces entrepôts ne sont pas soumis à une autorisation d’exploitation commerciale. C’est là que réside la concurrence déloyale. Nous avons évoqué la fraude massive à la TVA, soit 1,1 milliard d’euros volés aux caisses de l’État – cela vous laisse peut-être de marbre, pas moi. Je vous rappelle également que 57 % du chiffre d’affaires d’Amazon est caché dans des paradis fiscaux et que cette entreprise est l’un des pires émetteurs de CO2 en France. Alors ça suffit !
Déclarer un moratoire sur la construction d’entrepôts de e-commerce, c’est prôner une autre vision de la société, fondée notamment sur l’idée que l’artificialisation des terres n’est pas nécessaire. Vous dites que le e-commerce représente 1 % de l’artificialisation globale, mais alors que dix-huit centres Amazon ont vu le jour entre 2017 et 2020, on compte trente-cinq nouveaux projets d’implantation. Le pourcentage que vous évoquez augmentera donc de façon dramatique dans la mesure où un entrepôt de e-commerce nécessite trois fois plus de surface qu’un commerce traditionnel. Plus d’un million de mètres carrés seront ainsi artificialisés par les projets en cours. On va vers une très forte artificialisation.
Par conséquent, cessons de prétendre que le e-commerce ne représente pas grand-chose et qu’il s’agit d’un petit problème. La vérité, c’est que vous prônez une vision du monde, et que ce n’est pas la nôtre. Le monde que nous voulons, c’est un monde qui favorise l’emploi et les relations sociales et fait vivre des villes et des villages plutôt que des multinationales qui sont les championnes de la pollution et de la maltraitance salariale.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général.
Oui, nous faisons une différence entre les centres commerciaux et les entrepôts logistiques, pour la raison suivante. D’un côté, l’implantation des centres commerciaux en périphérie des villes correspond un peu à un jeu à somme négative ; elle ne procure aucun gain au niveau local puisque l’on vide un centre-ville et que l’on artificialise des sols.
De l’autre, les entrepôts de logistique sont aujourd’hui les bases du développement économique, ce sont souvent des projets départementaux ou régionaux. Cela n’a rien à voir. J’ajoute au passage que l’on ne peut pas distinguer un entrepôt de e-commerce d’un entrepôt logistique standard.
Le problème, c’est que vous avez une vision caricaturale de la réalité actuelle d’internet.
« Caricaturale » : venant de vous, le mot est mal choisi !