Histoire et Patrimoine
Frise chronologique
Cinquième République
La Constitution de 1958 et l'instauration de la Ve République
Le 3 juin, par 350 voix pour et 161 contre, l'Assemblée nationale adopte une loi organique qui, par dérogation à l'article 90 de la Constitution de 1946 organisant la révision constitutionnelle, autorise le Gouvernement à rédiger un projet de Constitution qui sera soumis au référendum. Cette loi organique pose plusieurs principes à cette révision : le suffrage universel est la seule source du pouvoir ; le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif doivent être séparés ; le Gouvernement doit être responsable devant le Parlement ; l'indépendance du pouvoir judiciaire doit être garantie de même que l'exercice des libertés publiques définies par le Préambule de la Constitution de 1946 et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; la Constitution doit permettre l'organisation des rapports de la République avec les peuples qui lui sont associés. Le projet de loi organique du Gouvernement doit recueillir l'avis d'un Comité consultatif. Arrêté en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, il doit être soumis à référendum.
La rédaction de l'avant-projet de Constitution est confiée à un groupe de travail dirigé par Michel Debré, garde des Sceaux, qui assume la fonction de rapporteur, et des membres du Conseil d'État. Elle est ensuite discutée devant le comité des ministres d'État présidé par le général de Gaulle. Quatre ministres ayant appartenu à des gouvernements de la IVe République – Guy Mollet, Pierre Pflimlin, Louis Jacquinot et Félix Houphouët-Boigny – délèguent chacun un collaborateur dans le groupe de travail. Les projets d'articles sont soumis à un comité interministériel, puis au Conseil des ministres.
L’esprit de la Constitution en cours d’élaboration émane de la pensée politique du général de Gaulle telle qu’elle a été présentée dans son discours de Bayeux le 16 juin 1946. L'État souverain doit être non seulement légitime mais aussi fort et respecté, non pour lui-même mais afin de garantir la liberté et l'égalité. Les élections législatives doivent exprimer une véritable volonté des électeurs. Il doit être mis fin au « régime des partis » – jugé comme un système de confusion des pouvoirs dans lequel l'expression de la volonté générale n'appartient plus à la majorité des électeurs mais à des partis politiques. À la tête de l'État, une autorité garante de l'indépendance nationale et de la séparation des pouvoirs doit être instaurée : le Président doit être la « clé de voûte » des institutions.
Les sources de la Constitution de 1958 proviennent également de la conception de l'organisation du travail parlementaire de Michel Debré, qu'il entend rationaliser. Le Gouvernement, « composé d'hommes qui ne seraient pas titulaires du mandat parlementaire », doit être responsable devant le Parlement et l'engagement de cette responsabilité doit être entouré de certaines conditions et être considéré comme un « acte grave ». Michel Debré souhaite des dispositions constitutionnelles précises afin d'éviter que des dispositions d'ordre interne ne puissent aller à l'encontre de la norme suprême.
Il est décidé que le Parlement doit comprendre deux assemblées et qu’il appartient au Gouvernement de préparer les textes et de diriger les débats. Le vote personnel des parlementaires doit être institutionnalisé et les commissions ne doivent pas représenter des groupes d'intérêts. L'initiative législative des assemblées est limitée par l'article 40 de la Constitution qui interdit aux parlementaires la création ou l'aggravation d'une charge publique, ou la diminution des ressources publiques. Cette restriction imposée au pouvoir législatif est l'un des éléments constitutifs du « parlementarisme rationalisé » des nouvelles institutions.
La nouvelle Constitution est approuvée par référendum le 28 septembre 1958 à une grande majorité, avec, en métropole, 17,7 millions de « oui » contre 4,6 millions de « non » et 4 millions d’abstentions. Une grande majorité est également obtenue dans les départements d'outre-mer, en Algérie et dans les territoires d'outre-mer. Au total, les votes favorables sont au nombre de 31 millions contre 6 millions de « non ». En Guinée cependant, le vote est négatif ; l'indépendance doit en résulter, conformément à la procédure précisée devant le Comité consultatif constitutionnel.
La Constitution, promulguée le 4 octobre 1958 et publiée au Journal officiel le lendemain, institue la Ve République. Le 6 octobre, lors de son scellement à la Chancellerie, Michel Debré, garde des Sceaux, ministre de la justice, déclare : « Le sceau de l'État est celui de la République. Il date de 1848, il a été repris par la IIIe et la IVe Républiques, la Ve le reprend donc [...] souhaitons longue durée et succès profond à ce texte dépositaire des principes et des institutions de la Nation ».
Les mesures transitoires qui doivent être prises pendant la période de mise en place des institutions relèvent de l’article 92. Elles doivent être approuvées en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, par ordonnances ayant force de loi. Pendant un délai de quatre mois, le Gouvernement est autorisé à fixer le régime électoral des assemblées prévues par la Constitution par ordonnances ayant force de loi et prises en la même forme. Pendant ledit délai et dans les conditions identiques, le Gouvernement peut également prendre en toutes matières les mesures qu'il juge nécessaires à la vie de la nation, à la protection des citoyens ou à la sauvegarde des libertés.
À la suite des élections législatives des 23 et 30 novembre 1958 tenues pour la première fois au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, l’Assemblée nationale ouvre la première législature de la Ve République le 9 décembre et élit son président, Jacques Chaban-Delmas.
Le 21 décembre 1958, Charles de Gaulle est élu président de la République à une très large majorité de 62 394 voix favorables pour 79 470 suffrages exprimés, par un collège électoral élargi – près de 80 000 grands électeurs au lieu des 1 000 parlementaires environ comptabilisés depuis 1875.
L’Assemblée nationale et le Sénat sont convoqués en session extraordinaire le 15 janvier 1959, avec pour ordre du jour principal « la lecture devant les assemblées d’une communication du Gouvernement sur son programme », le vote par l’Assemblée nationale pour l’approbation de ce programme et la fixation des conditions provisoires de fonctionnement des assemblées. Au début de la séance, un message du président de la République aux parlementaires est lu à l’Assemblée nationale par son président, Jacques Chaban-Delmas et au Sénat, par le président Gaston Monnerville.