Histoire et Patrimoine
Frise chronologique
Consulat et Premier Empire
La Constitution de l'an VIII : Le Consulat
Dès après le coup d’État des 18 et 19 brumaire 1799, deux commissions législatives sont mises en place pour rédiger une nouvelle Constitution. Bonaparte aspire à l’établissement d’institutions propres à dominer la souveraineté nationale et à affaiblir le pouvoir législatif. En outre, il ambitionne un exécutif destiné à lui donner un réel pouvoir et un équilibre juridique à même de remédier à l’instabilité chronique des institutions.
Malgré de multiples divergences entre ses rédacteurs, la Constitution est signée par les trois consuls – Napoléon Bonaparte, Roger Ducos et Emmanuel-Joseph Sieyès – le 22 frimaire an VIII (13 décembre 1799) et est adoptée le lendemain par les commissions législatives. Elle est la première loi fondamentale écrite à laquelle n’est pas associée une Déclaration des droits.
Contrairement aux constitutions révolutionnaires, celle-ci organise le régime du Consulat en consacrant la primauté de l’exécutif sur les assemblées. La Constitution précise que le Gouvernement est un organe collégial et nomme « Premier consul le citoyen Bonaparte, ex-consul provisoire ; second consul, le citoyen Cambacérès, ex-ministre de la Justice ; et troisième consul, le citoyen Lebrun, ex-membre de la commission du Conseil des Anciens ».
Le Premier consul détient la majorité des pouvoirs exécutif et législatif dès lors qu’il dispose de l’initiative et de la promulgation des lois. Il nomme et révoque à volonté les membres du Conseil d'État, les ministres, les ambassadeurs et autres agents extérieurs en chef, les officiers de l'armée de terre et de mer, les membres des administrations locales et les commissaires du gouvernement près les tribunaux. Il nomme tous les juges criminels et civils autres que les juges de paix et les juges de cassation, sans pouvoir les révoquer.
Le second et le troisième consul ont voix consultative dans les autres actes du Gouvernement. Ils signent le registre de ces actes et peuvent y consigner leurs opinions mais « après quoi, la décision du Premier consul suffit ».
La Constitution crée trois assemblées qui se partagent un pouvoir législatif morcelé. Elle donne également naissance au Conseil d’État, chargé de rédiger les projets de loi et les règlements, avant leur adoption par un Parlement tricaméral : le Tribunat délibère sur les projets de loi sans les voter, le Corps législatif vote les lois sans délibérer et le Sénat conservateur s’assure de la constitutionnalité des lois.
Le Conseil d’État est chargé de rédiger les projets de lois, les règlements d’administration publique et de résoudre les différends en matière administrative. La dualité des fonctions de cet organe, consultatives et contentieuses, perdure de nos jours dans le Conseil d’État français.
Le Tribunat, dont les cent membres, âgés d’au moins vingt-cinq ans, sont désignés par le Sénat et renouvelés par cinquième tous les ans, siège au Palais-Royal. Il est chargé de discuter les projets de lois présentés par l’exécutif et rédigés par le Conseil d’État. Il peut en proposer l'adoption ou le rejet mais ne peut empêcher leur présentation devant le Corps législatif. Après discussion, trois de ses membres sont chargés d’exposer et de défendre les « vœux » du Tribunat devant le Conseil législatif « sur les lois faites et à faire, sur les abus à corriger, sur les améliorations à entreprendre dans toutes les parties de l'administration publique, mais jamais sur les affaires civiles ou criminelles portées devant les tribunaux ». Les séances du Tribunat sont publiques. Bien qu’il n’ait prononcé que sept vœux défavorables sur quatre-vingt-quatorze en deux ans, les critiques émises par une minorité de tribuns opposés au régime parviendront à provoquer l’hostilité du Premier Consul. Installé officiellement le 11 nivôse an VIII (1er janvier 1800), le Tribunat se réunit pour la dernière fois le 18 septembre 1807 et est supprimé par un sénatus-consulte, le 19 août de la même année.
Le Corps législatif siège au palais Bourbon, comme le Conseil des Cinq-Cents avant lui. Il est composé de 300 membres âgés d’au moins trente ans, renouvelés chaque année par cinquième et également désignés par le Sénat. Il ne fait qu’adopter ou rejeter, par bulletin secret, sans aucune discussion, les projets de loi débattus devant lui par les orateurs du Tribunat ou du Gouvernement. La session du Corps législatif débute le 1er frimaire (22 novembre) de chaque année et ne dure que quatre mois. Le Gouvernement peut le convoquer en session extraordinaire. Les séances du Corps législatif sont publiques.
Le « Sénat Conservateur » de la Constitution siège au palais du Luxembourg et a pour mission de s'assurer de la constitutionnalité des lois. Fixé par la loi fondamentale à quatre-vingts membres, les soixante premiers sont désignés aussitôt. Les vingt derniers, proposés par le Premier consul, le Tribunat et le Corps législatif sont ajoutés, à raison de deux par an, au cours des dix années suivantes. Le Sénat examine les actes déférés à sa censure par le Tribunat ou le Gouvernement et peut se prononcer contre la promulgation d'un texte voté par le Corps Législatif. Il lui revient également de désigner les Consuls. Les séances du Sénat, conformément à la Constitution, ne sont pas publiques.
Le suffrage est universel et masculin. Il n’est pas direct mais à trois degrés. Le droit de vote est limité par le système des « listes de confiance ». Les citoyens n'élisent pas de représentants mais se bornent à présenter des listes de notabilités. Le Sénat conservateur choisit les membres du Tribunat et du Corps législatif sur une liste de confiance nationale établie à l’échelon du département. Ces deux assemblées sont d’autant plus liées par le Sénat qu’il détient le pouvoir de les dissoudre.
La Constitution est entrée en vigueur le 22 décembre 1799, avant même que les résultats du plébiscite correspondant ne soient rendus publics, le 7 février 1800. Le taux d’abstention s’élève à presque 70 % des électeurs. Elle est approuvée par un peu plus de trois millions de citoyens, seuls mille cinq cents environ ayant voté contre.