Histoire et Patrimoine
Frise chronologique
Quatrième République
Un régime instable
La vie politique française sous la IVe République est dominée par les guerres coloniales en Indochine puis en Algérie et est dépendante de son association au conflit entre les deux blocs Est-Ouest.
Dans ce contexte international et une situation économique interne difficile, en butte aux difficultés de la reconstruction et du ravitaillement, des divergences apparaissent au sein du Gouvernement et des partis politiques français qui caractérisent l’instabilité ministérielle du régime, à laquelle contribue le scrutin à la représentation proportionnelle. Les élections législatives de 1945 et 1946 portent au pouvoir trois partis – le Parti communiste français (PCF), le Mouvement républicain populaire ou « démocrates chrétiens » (MRP), la Section française de l’internationale ouvrière (SFIO) – et aboutissent à la formation d’un gouvernement tripartite.
Les communistes détiennent avec les apparentés 183 sièges sur 618 à l'Assemblée nationale issue des élections législatives de 1946 et occupent, en plus du poste de vice-président du Conseil et ministre d'État attribué à Maurice Thorez, quatre ministères : la défense nationale, la reconstruction, le travail et la sécurité sociale, la santé publique et la population.
Le Président de la République élu le 16 janvier 1947, Vincent Auriol, ancien ministre des finances du Gouvernement de Front populaire, désigne Paul Ramadier (socialiste SFIO), pour diriger un gouvernement dit « d'accord général » associant, outre les trois grands partis politiques – MRP, SFIO et PCF – les groupes parlementaires représentés à l'Assemblée nationale.
Le 7 avril 1947, le général de Gaulle annonce la création d'un nouveau parti politique, le Rassemblement du Peuple Français (RPF), au balcon de l'Hôtel de ville de Strasbourg, et déclare qu’« Il est temps que se forme et s'organise le Rassemblement du Peuple Français qui, dans le cadre des lois, va promouvoir et faire triompher, par-dessus les différences des opinions, le grand effort de salut commun et la réforme profonde de l'État. »
Le 1er mai 1947, Maurice Thorez déclare lors du Conseil des ministres qu'il se désolidarise de la politique des salaires et des prix mise en œuvre par le Gouvernement notamment au regard des pénuries et des rations alimentaires qui demeurent. À la suite de ce désaccord et d'une grève aux usines Renault soutenue par la CGT, Paul Ramadier demande un vote de confiance à l'Assemblée nationale, le 4 mai. Arguant du refus des députés communistes de voter la confiance, Paul Ramadier décrète leur renvoi, le 5 mai 1947, signifiant la fin du tripartisme. Quelques jours plus tard, le 12 mai, le président américain Harry S. Truman condamne devant le Congrès, la présence des ministres communistes dans les gouvernements européens, entérine la politique interventionniste américaine et annonce le début de la « guerre froide ».
Une nouvelle coalition politique – la « troisième force » – est fondée, regroupant la SFIO, l’Union démocratique et socialiste de la résistance (UDSR), le parti radical et le MRP, afin de soutenir le Gouvernement contre les communistes et le parti gaulliste auquel les élections municipales d’octobre 1947 apportent 40 % des suffrages exprimés. Il conquière ainsi 13 des plus grandes villes de France comme Bordeaux, Rennes, Strasbourg, Paris, Marseille et Lille, réunissant un grand nombre d'anciens résistants, quelques élus du MRP et de l'USDR et des représentants de partis acceptant la double appartenance.
Des revendications sociales, des grèves avec occupations d’usines évacuées par la force publique et des manifestations cimentent l’opposition du PCF et de la CGT contre le Gouvernement Ramadier qui démissionne le 19 novembre 1947. Le 24, Robert Schuman (MRP) lui succède à la tête d'un gouvernement déjà plusieurs fois remanié. Le ministre de l'intérieur socialiste Jules Moch est chargé de rétablir l'ordre. Vingt fédérations représentant près de trois millions de syndiqués forment alors un « comité central de grève ». L'Assemblée nationale adopte le 4 décembre, après six jours de débats particulièrement vifs, des mesures de « défense républicaine » dans un projet de loi visant à garantir la liberté du travail en augmentant les peines pénales à qui « aura amené ou maintenu, tenté d’amener ou de maintenir une cessation du travail et porté atteinte ou tenté de porter atteinte au libre exercice du travail ».
Plusieurs gouvernements se succèdent jusqu'aux élections législatives de 1951, présidés par André Marie (juillet-septembre 1948), Robert Schuman (deux jours en septembre 1948), Henri Queuille (septembre 1948 - octobre 1949), Georges Bidault (octobre 1949-juillet 1950), Henri Queuille pour la deuxième fois (en juillet 1950), René Pleven (juillet 1950-mars 1951), et Henri Queuille pour un troisième Gouvernement (mars-août 1951). Tous sont parfois très difficilement constitués, au terme de longues discussions réunissant des représentants du parti socialiste, du MRP, des radicaux et quelques représentants de la droite modérée.
La coalition de la « troisième force » adopte, le 7 mai 1951, la « loi des apparentements » qui combine la représentation proportionnelle avec la possibilité pour les différentes listes candidates de s’allier pour le décompte et la répartition des voix obtenues ; les listes qui recueillent la majorité absolue des suffrages exprimés obtiennent tous les sièges à pourvoir dans le département. Dès lors, cette loi permet aux listes « apparentées » de passer des accords entre elles avant les élections.
Les élections législatives du 17 juin 1951 se traduisent par une assemblée « hexagonale », selon la formule du président du Conseil Henri Queuille, partagée en six groupes politiques de force presque équivalente : les communistes (101 sièges), les socialistes (106 sièges), les radicaux et assimilés (99 sièges), le MRP (88 sièges), le RPF (117 sièges) et la droite modérée (99 sièges), avec quatre « côtés » constituant la majorité républicaine.
Une nouvelle période d’instabilité ministérielle chronique émerge. Entre juillet 1951 et mai 1958, une douzaine de gouvernements se succèdent.
Le gouvernement de Guy Mollet connaît une longévité exceptionnelle pour la IVe République ; il reste au pouvoir plus d’un an, du 1er février 1956 au 21 mai 1957. Il se démarque dans deux domaines majeurs : la décolonisation en Afrique subsaharienne (territoires d’outre-mer) avec la loi-cadre Defferre, et l’Europe avec la signature du Traité de Rome, le 25 mars 1957.