Histoire et Patrimoine


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Restauration

4 juin 1814

La Charte constitutionnelle

Après la campagne de France menée contre l’Empire, les troupes coalisées autrichiennes, prussiennes et russes, entrent en France dès janvier 1814 et occupent Paris en avril et mai. Le 3 avril 1814, le Sénat vote la déchéance de l’Empereur Napoléon 1er et de sa famille et publie, le 6 avril, une Constitution qui appelle au trône de France le comte de Provence « Louis-Stanislas-Xavier, frère du dernier roi, et après lui les autres membres de la Maison de Bourbon, dans l’ordre ancien ». Le 11 avril, l’Empereur signe le traité de Fontainebleau, en application duquel il abdique sans condition. Le 2 mai, le futur Louis XVIII, de retour d’Angleterre et à la veille d’entrer dans Paris, publie une déclaration, dite « de Saint-Ouen », dans laquelle il rejette le texte organique sénatorial au motif que sa rédaction ayant été précipitée, elle ne peut devenir dans sa forme actuelle la loi fondamentale de l’État, et annonce être « résolu d’adopter une Constitution libérale… sagement combinée ».

 

Le roi désigne une commission de rédaction de la nouvelle Constitution composée de commissaires royaux, de sénateurs et de membres du Corps législatif qui remet son projet au conseil privé du roi, qui l’approuve, le 26 mai. Louis XVIII tient à ce que son texte soit promulgué en présence des souverains des puissances alliées qui l’ont choisi comme successeur de l’empereur Napoléon 1er, et avec lesquels il vient de signer la paix de Paris, le 30 mai. Comme ils s’apprêtent à quitter le territoire, la séance royale de promulgation de la Charte fixée le 10, est avancée au 4 juin 1814. Devant les pairs de France et les députés du Royaume réunis au palais Bourbon, le roi concède et octroie « volontairement, et par le libre exercice de [son] autorité royale », une Charte constitutionnelle aux Français qui tend à donner satisfaction aux revendications des monarchistes et à entériner parallèlement un certain nombre d’acquis révolutionnaires.

 

La Charte « octroyée » par le monarque qui est de nouveau « par la grâce de dieu, Roi de France et de Navarre » fixe les limites de son pouvoir. Le choix du terme « octroi » provient d’un raisonnement juridique forgé dans le but de marquer l’antériorité de la souveraineté monarchique sur celle de la nation. L’un des rédacteurs de la Charte, le comte Jacques Claude Beugnot mentionne dans son rapport de commission que « [Ce] plan a le rare et très rare mérite d’absorber la Révolution dans la monarchie ; tout ce qu’on oppose à ce plan et qui tendrait à faire délibérer ou le Sénat ou le corps législatif ou les collèges électoraux tend au contraire à absorber la monarchie dans la Révolution. » Pour affirmer la continuité avec l’Ancien régime, la Charte est datée de la 19e année du règne de Louis XVIII qui débute ainsi fictivement en 1795, à la mort officielle du Dauphin, fils de Louis XVI : «Nous avons effacé de notre souvenir comme nous voudrions qu’on pût les effacer de l’histoire, tous les maux qui ont affligé la patrie durant notre absence. »

 

Sous le titre Droit public des Français, la Charte renoue avec la tradition des déclarations des droits. Dans le préambule, le roi s’engage auprès de la nation à être fidèle à la Charte et appelle à une réconciliation nationale : « Le vœu le plus cher à notre cœur, c'est que tous les Français vivent en frères, et que jamais aucun souvenir amer ne trouble la sécurité qui doit suivre l'acte solennel que nous leur accordons aujourd'hui. » La Charte ne remet pas en question l’ordre social issu de la Révolution ni l’organisation administrative mise en place par le Consulat et l’Empire. Elle perpétue les grands principes de liberté et d’égalité contenus dans la déclaration des droits du 26 août 1789 (égalité devant la loi, devant l’impôt et dans l’accès aux emplois). Elle confirme les libertés individuelles, la liberté religieuse et la liberté de la presse, ainsi que l’indépendance des tribunaux. Elle proclame l’inviolabilité des propriétés, y compris celles des biens nationaux, l’amnistie politique pour les actes antérieurs à 1814 et l’abolition de la conscription.

 

La Charte institue un système politique qui annonce le régime parlementaire d’une monarchie constitutionnelle, dans lequel le pouvoir législatif est exercé collectivement par le roi, la Chambre des Pairs (chambre haute) et la Chambre des députés (chambre basse). Le roi dépose des propositions de loi indifféremment sur le bureau de l'une ou l'autre assemblée – exceptée la loi de finances examinée d'abord par la Chambre basse. L’impôt ne peut être établi ni perçu qu’après avoir été voté par les deux chambres. Le roi seul a l’initiative des lois et il les promulgue. Les deux assemblées peuvent lui soumettre un texte voté en commun et le « supplier » d’en établir une proposition de loi. Tout amendement à une loi proposée par le roi doit être présenté puis consenti par le souverain et renvoyé aux commissions qui l’ont rédigé. Le roi s’adresse régulièrement aux chambres pour les informer de sa politique ; elles peuvent l’approuver ou non.

 

La Charte peut être révisée par le roi et par les chambres, ce qui l’éloigne d’une conception absolutiste de la monarchie. Elle n’établit pas de véritable séparation des pouvoirs. Le roi est le chef de l’exécutif : il déclare la guerre, commande les forces armées, négocie les traités de paix, d’alliance et de commerce, nomme les ministres ainsi qu’à tous les emplois civils et militaires. Il édicte les règlements et ordonnances nécessaires pour l’exécution des lois et la sûreté de l’État. Il peut révoquer ses ministres qui ne sont responsables que devant lui et qui ne peuvent être mis en cause par les chambres que sur le plan pénal.

 

La Chambre des Pairs est composée de membres nommés par le roi, soit à vie, soit héréditaires, âgés d’au moins 25 ans mais avec voix délibérative qu’à compter de 30 ans. Les membres de la famille royale et les princes du sang sont pairs par le droit de leur naissance. Les princes ont une voix délibérative dès l’âge de 25 ans mais ils ne peuvent siéger à la Chambre que sur ordre du roi, exprimé pour chaque session par un message, à peine de nullité de tout ce qui aurait été fait en leur présence. Le nombre des pairs n’est pas limité ce qui permet au roi de faire basculer la majorité si son autorité est remise en cause en nommant une « fournée de pairs ». Le préambule de la Charte fait de la pairie le trait d'union entre l'Ancien Régime et les idées nouvelles. Présidée par le Chancelier de France (ministre de la justice), la Chambre haute siège au palais du Luxembourg. Ses délibérations sont secrètes et ne font donc pas l’objet de publicité ce qui, ajouté à leur mode de désignation qui ne fait pas des pairs de France des représentants du peuple, ne favorise pas l’adhésion des Français à leur endroit.

 

La Chambre des députés siège au palais Bourbon. Elle est élue pour cinq ans avec renouvellement par cinquième chaque année, au suffrage censitaire réservé aux Français âgés de plus de 30 ans et payant au moins 300 francs de contribution directe. Les députés ne sont éligibles que s’ils sont âgés de plus de 40 ans et paient une contribution directe de 1 000 francs. Le président de la Chambre est nommé par le roi sur une liste de cinq membres qu’elle lui soumet. Ses séances sont publiques mais la demande de cinq députés suffit pour qu’elle siège en comité secret. Ses débats sont monotones et peu mouvementés, hormis lors des votes sur la presse en juillet 1814 ou sur les biens nationaux en septembre. Elle a la charge de porter l’accusation d’un ministre poursuivi mais il revient à la Chambre des Pairs de le juger. La Chambre des députés peut être dissoute par le roi.

 

Les deux Chambres sont convoquées en même temps par le roi. La session de l'une commence et finit en même temps que celle de l'autre. Toute séance de la Chambre des Pairs qui serait tenue lors d’une session différente que celle de la Chambre des députés, ou qui ne serait pas ordonnée par le roi, est illicite et nulle de plein droit.

 

 

 

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