Histoire et Patrimoine

À l'automne 1795, la Convention finissante se met en quête d'un bâtiment susceptible d'accueillir le Conseil des Cinq-Cents, assemblée qui doit lui succéder. Le choix se porte alors sur le palais Bourbon. Le bâtiment possède en effet plusieurs mérites. D’abord, il est situé à distance respectable du palais du Luxembourg, où demeureront les Directeurs, marquant ainsi une claire séparation entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif. Ensuite, l'ensemble que le palais forme avec l'hôtel de Lassay est bordé sur ses quatre côtés de larges avenues et peut donc être plus facilement protégé par la Garde nationale en cas de débordement insurrectionnel.

En même temps qu'elle fait le choix du palais Bourbon, la Convention désigne les architectes Gisors et Lecomte pour y édifier une salle des séances. Ces derniers accomplissent leur mission en un temps record : la première pierre est posée le 16 novembre 1797 pour une inauguration le 21 janvier 1798 (cette date symbolique, cinq ans après la mort du roi, est choisie à dessein).

Les gazettes sont unanimes à saluer, outre la performance technique, la réussite architecturale que constitue cette première salle des séances. Gisors et Lecomte ont conçu une disposition des bancs en hémicycle, à la manière d’un théâtre antique, adaptée à la tenue de débats. Dans un appareil à base de marbre blanc et de draperies vert sombre, les architectes ont fait ériger six statues de législateurs antiques – parmi lesquels Solon, Lycurgue, Caton, Brutus - qui impriment à l'ensemble une solennité et une sobriété jugées parfaitement adaptées à la mission des députés.

Revers de cette réussite esthétique et résultat de l'urgence dans laquelle l'édifice a été conçu, celui-ci s'avère anormalement fragile. Derrière les façades de marbre, apparaissent très vite fissures et infiltrations, problèmes d’aération, acoustique médiocre. De telles défectuosités imposeront de détruire la salle des séances et de la reconstruire sous la Restauration.

Par ailleurs, Gisors et Lecomte font relier l’hôtel de Lassay et le palais Bourbon par une galerie vitrée, elle aussi appelée à une courte existence.

À l'exception des statues des législateurs qui ont aujourd'hui trouvé refuge dans la salle des Quatre-Colonnes, un seul élément notable des constructions de 1798 a traversé le temps pour parvenir intact jusqu'à nos jours : l'ensemble constitué par la tribune de l’orateur et le bureau du Président Ce dernier exprime dans chaque détail l’idéal démocratique. Ses dimensions sont volontairement réduites (1,63 mètre de largeur et 94 centimètres de hauteur) afin de ne pas écraser la tribune de l’orateur. Surélevé pour assurer l’autorité du Président sur les débats, le bureau est cependant positionné de manière à ne pas dépasser la hauteur de la dernière rangée de gradins de l'hémicycle. Il s’agit de manifester que son occupant est “primus inter pares”, ordonnateur, organisateur, plus que véritable directeur de la représentation nationale.

Sous le bureau, la tribune de l’orateur apparaît elle aussi chargée de symboles républicains. Réalisée en marbre griotte et blanc, elle porte en son centre le célèbre bas-relief conçu par François-Frédéric Lemot figurant deux allégories : à gauche, L’Histoire écrit le mot République ; à droite, La Renommée embouchant sa trompette publie les grands événements de la Révolution. Entre ces figures, un piédestal orné d’une tête de Janus (symbolisant le respect du passé et la confiance dans l’avenir) porte un buste de la République, encadré d’enseignes surmontées du coq gaulois, symbole de la vigilance.