Histoire et Patrimoine


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Révolution française

5 septembre 1798

Loi du 19 fructidor An VI instituant la conscription et le service militaire obligatoire

Le 19 fructidor An VI (5 septembre 1798), l'Assemblée des Cinq-Cents adopte une loi instituant la conscription et le service militaire obligatoire. L'article premier de la loi dispose que « Tout Français est soldat et se doit à la défense de la patrie ». Elle représente, malgré des réformes ultérieures, la base du recrutement des armées françaises pendant près de deux siècles.

 

Le Directoire s’engage dès ses débuts dans des guerres de conquêtes. Les volontaires pour « la patrie en danger » de 1792 et les réquisitionnaires de la « levée en masse » de 1793, alors âgés de 18 à 25 ans, demeurent gardés sous les drapeaux sans être remplacés par de nouvelles classes. Les défections sont nombreuses et l’armée manque d’effectifs pour la défense du pays.

 

La loi alors en vigueur du 23 août 1793 place les Français en état de réquisition permanente et ne limite pas la durée du service. Le Directoire n’entend pas l’appliquer car elle présente le caractère d’une loi d’exception, mais la remanier et établir un mode de recrutement permanent et régulier, limitant la durée du service pour permettre au Gouvernement de libérer les vieux soldats et de les remplacer par de nouveaux combattants.

 

Le général Jean-Baptiste Jourdan, député et rapporteur de la commission militaire au conseil des Cinq-Cents, présente le 12 janvier 1798 un rapport sur un nouveau mode de recrutement des armées, instituant la « conscription » comme universelle et obligatoire, comprise comme « l’inscription » sur des registres communaux ; l’appel au service effectif n’est pas universel et obligatoire. Tout Français âgé de 18 à 21 ans doit défendre la patrie en temps de paix et jusqu’à 24 ans en temps de guerre. Pendant cette période, il peut être astreint à un service personnel dans les troupes de la République. Une armée active, recrutée par engagements volontaires est envisagée, ainsi qu’une armée auxiliaire formée par la voie de la conscription, dans le but de compléter les effectifs si le nombre de volontaires s’avère insuffisant.

 

Dans son projet, Jourdan n’utilise pas le terme de « conscription », rejeté par le Comité militaire de la Constituante, le Comité de Salut Public puis l’Assemblée Législative jugeant son principe attentatoire à la liberté des citoyens. Il évoque alors les « défenseurs de la patrie » qu'il convient d'appeler « par fractions ». L'armée se forme par la voie du tirage au sort. Seuls les cadres existent en permanence.

 

Le 6 ventôse an VI (24 février 1798), le conseiller des Cinq-Cents, Pierre Delbrel, émet des réserves sur le projet et s'élève contre les propositions relatives à l'âge limite des conscrits, leur tirage au sort et l’armée auxiliaire. Il considère que chaque citoyen doit être assujetti au service personnel.

 

L'élaboration du futur texte de loi se poursuit durant plusieurs mois par des discussions entre les deux personnages principaux : Jourdan et Delbrel. Le 19 fructidor An VI (5 septembre 1798), la loi instituant la conscription et le service militaire obligatoire est adoptée.

 

Son article premier dispose que « Tout Français est soldat et se doit à la défense de la patrie ».

 

Cependant, tous les hommes ne sont pas obligés de servir. Les contraintes de la vie économique et sociale sont prises en compte par les législateurs en établissant que le mode de recrutement doit être tel qu’il n’enlève aux activités économiques que le nombre absolument nécessaire à la défense de la Patrie : « Tranquilles dans leurs foyers, les Français comptés dans la conscription militaire, ou, pour mieux dire, les défenseurs de la Patrie s’adonneront aux arts, au commerce et à l’agriculture qu’ils n’abandonneront que lorsque la Patrie réclamera leur service » (Arch. nat., C I 439, Procès-verbaux du Conseil des Cinq-Cents, séances des 1er et 4 thermidor an VI). La conscription doit faciliter si besoin une nouvelle levée en masse face à la menace d’une deuxième coalition européenne. En cas de péril national, tous les professionnels peuvent être rappelés.

 

Les conscrits sont répartis en cinq classes et, chaque année, une ou plusieurs classes sont appelées en fonction des besoins militaires. Pour départager les appelés de ceux qui ne le sont pas, l’âge sert de critère. Les moins âgés de la première classe, qui comprend les hommes de vingt ans, sont toujours les premiers appelés. S’ils ne fournissent pas un effectif suffisant, c’est la première classe toute entière qui est appelée et, si besoin, les plus jeunes de la seconde classe le sont à leur tour.

 

La loi Jourdan-Delbrel est silencieuse sur la fixation, en cas de guerre, de la durée du service ; elle s’en remet au Directoire qui « puisera alors dans sa sagesse, le moyen de concilier le salut de l’État et les besoins de la société ». Mais, de facto, la rotation des classes et la libération de la plus ancienne par une nouvelle qui arrive sous les drapeaux ne sont plus assurées. Si la loi permet au Gouvernement de se prévaloir d’une force d’un million d’hommes à opposer à ses ennemis potentiels, elle ne dit rien sur leur instruction ni sur l’organisation d’une réserve en temps de paix, hormis le fait que le nombre des appelés doit être faible et que sa fixation incombe aux assemblées. En outre, si le législateur entend en théorie conjuguer la conscription avec la liberté individuelle, il la souhaite également compatible avec l’égalité entre les citoyens : le remplacement volontaire d’un homme par un autre est proscrit car il repose sur l’inégalité de la fortune. Pour autant, l’enrôlement des hommes mariés n’est pas prévu, du moins ceux qui se sont mariés avant le 23 nivôse an VI. Seul le principe de l’égalité entre citoyens est affirmé mais son application n’est pas précisée.

 

La loi institutionnalise une antinomie entre le temps de la paix qui doit permettre aux législateurs de légiférer et le temps de la guerre devant être considéré comme exceptionnel. Tous les citoyens ne doivent pas passer sous les drapeaux, sauf en situation de crise. Jourdan rapporte que « Beaucoup seront destinés à servir mais vraisemblablement peu serviront réellement ».

 

La loi du 19 fructidor an VI (5 septembre 1798) est à la fois une loi fondatrice et charnière qui inspire les lois militaires ultérieures jusqu’à celle de 1872 (Ibid., C I 439, Procès-verbaux du Conseil des Cinq-Cents, séances des 1er et 4 thermidor an VI). Elle doit écarter deux extrêmes : « faire de la nation toute entière une caserne » et « faire de la force armée une caste particulière au sein de la nation, qui serait isolée de la société ». Le titre premier intitulé « Principes » affirme aux termes de son article III que, « sauf quand la Patrie est en danger, l’armée de terre se forme par enrôlement volontaire et par la voie de la conscription militaire. » (Bulletin des lois n° 223, an VI, 2e registre, n° 1995, Loi relative au mode de formation de l’armée.)

 

À peine la loi est-elle votée que la défaite navale de la flotte française à Aboukir, le 2 août 1798, faisant suite au débarquement en Égypte des troupes du général Bonaparte, incite le Directoire, dès le 23 septembre, à solliciter des Conseils une levée de 200 000 hommes. Dans chaque commune, la liste des appelés est dressée et affichée par l'administration municipale. Un jury composé d’un commissaire du Directoire, un officier de santé et cinq pères de familles dont les enfants sont déjà aux armées procède à l’examen physique des conscrits. Le jour fixé, ils se rassemblent sous la conduite d'un officier réformé qui les conduit au chef-lieu du département et les remet à l'administration centrale.

 

La loi rencontre à l’occasion de cette levée des difficultés d'application dues notamment au nombre considérable des conscrits réfractaires et de ceux déclarés inaptes pour raisons physiques. Les préfets font part au ministre de l'intérieur de leurs difficultés à pourvoir le contingent prévu de deux cent mille hommes. Avec la formation de la seconde coalition, le Directoire aura recours à trois levées successives en moins d’un an.

CRÉPIN, Annie. Chapitre III. L’instauration de la conscription In : Défendre la France : Les Français, la guerre et le service militaire, de la guerre de Sept Ans à Verdun. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2005

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