Histoire et Patrimoine
Frise chronologique
Révolution française
Nuit du 4 août : Abolition des privilèges
Après la prise de la Bastille du 14 juillet 1789, la crainte populaire d'une réaction nobiliaire provoque la peur dans les campagnes où la disette s’installe à la suite de mauvaises récoltes.
Dès le 20 juillet, des rumeurs sur un recrutement de brigands par l’aristocratie aux fins de s’en prendre aux récoltes se propagent dans la population urbaine et rurale et créent la panique. À Paris, l’avocat Camille Desmoulins dit redouter une « Saint-Barthélemy des patriotes » et appelle la foule amassée dans le jardin du Palais royal à se mobiliser contre la Cour. Des paysans s'arment, des milices villageoises se constituent. Mais faute de croiser des brigands, les populations des campagnes prennent pour cibles les seigneurs, pillent les châteaux et brûlent les archives, en particulier les terriers – registres qui fixent les droits et les propriétés seigneuriales.
Ces soulèvements inquiètent les députés siégeant à Versailles, divisés sur les solutions à apporter pour rétablir l'ordre dans le royaume et calmer les jacqueries qui menacent les intérêts de la bourgeoisie et de la noblesse. Le 4 août, l'Assemblée interrompt le débat sur la Constitution et la Déclaration des droits de l'homme et du Citoyen pour écouter une motion du député Guy-Jean-Baptiste Target venu défendre la sûreté publique, déclarant que les lois anciennes subsistent tant qu'elles ne sont pas abrogées ou modifiées, et que les impôts doivent continuer d'être perçus jusqu'à ce que l’Assemblée en décide autrement.
Les débats s’engagent et durant la nuit, l'Assemblée enthousiaste propose l’abolition du régime féodal avec comme principes généraux la suppression « de toutes distinctions honorifiques, supériorité et puissance » qui en sont issues, l’annulation de « la foi et de l’hommage » vassaliques, et l’abrogation de « tout autre service purement personnel ». Sont ainsi suggérées l’abolition des justices seigneuriales, des banalités, des jurandes et des maîtrises, ainsi que la cessation de la vénalité des charges et des privilèges des provinces et des villes. Le clergé propose la suppression de la dîme. Peu avant la fin de la séance, vers deux heures du matin, l'Assemblée décrète, par la voix du député Gérard de Lally-Tollendal, Louis XVI « restaurateur de la liberté française ».
Cependant, à ce moment d'euphorie succède le temps de la réflexion. Les députés décident finalement de n’abolir sans indemnité que les seuls droits féodaux pesant sur les personnes comme la corvée obligatoire, la dîme ecclésiastique et le droit de chasse. L'abolition de la vénalité des offices s'accompagne d'une indemnisation qui permet aux anciens titulaires de réinvestir l'argent dans l'achat de biens nationaux. D’autres droits réels – droits qui portent sur une chose et non sur une personne (du latin « res ») – pesant sur la terre sont quant à eux déclarés rachetables et à un taux onéreux.
Plusieurs décrets sont pris par l’Assemblée nationale entre le 4 et le 11 août. Pour qu’ils aient force de loi, ils doivent être promulgués par lettres patentes du roi – actes législatifs émis par le souverain – et envoyés par son ordre exprès aux tribunaux et aux corps administratifs pour être transcrits sur leurs registres. Ces lettres patentes sont publiées le 3 novembre 1789.
L’ensemble des droits féodaux n’est aboli, sans contrepartie ni exception, que par le décret de l’Assemblée nationale du 25 août 1792 qui détermine toutefois les conditions de rachats des droits féodaux considérés comme rachetables. L’abolition irrévocable des privilèges féodaux est signée par le décret de la Convention du 17 juillet 1793.