Histoire et Patrimoine
Frise chronologique
Troisième République
Inondation du palais Bourbon - Crue de la Seine
Du 15 au 20 janvier 1910, l’Ile-de-France connaît de très fortes précipitations sur des sols déjà saturés d’eau en raison d’un automne 1909 très pluvieux. Le 20, les bateaux ne pouvant plus passer sous les ponts, la navigation sur la Seine est suspendue dans Paris.
Pendant la crue qui suit, les installations qui fournissent l’électricité sont noyées. Privé de cette source d’énergie, le métro est arrêté et les omnibus hippomobiles sont remis en service grâce aux 75 000 chevaux encore présents dans la capitale.
Le 21 janvier, l’usine de production d’air comprimé située dans le 13e arrondissement qui alimente les horloges publiques et les ascenseurs cesse de fonctionner. Les pneumatiques utilisés pour transmettre les comptes rendus de séance de la Chambre des députés au Journal officiel ne sont plus opérationnels.
Un second épisode pluvieux accompagné de neige se manifeste du 23 au 29 janvier, date à laquelle l’eau finit par cesser de monter.
Le 23, les caves du palais Bourbon sont inondées. Le 24, l’usine électrique située au sous-sol et qui fournit l’éclairage du palais doit être abandonnée après de nombreux efforts pour essayer d’y pomper l’eau. Les moyens d’accès au palais sont de plus en plus restreints ; le quai face au ministère des affaires étrangères, une partie de la rue de l’Université et de l’esplanade des Invalides sont sous les eaux.
Dans la Chambre des députés, tous les moyens d’éclairage possibles sont déployés : lampes à pétrole, bougies, lampes au benzol. L’odeur et la fumée irritent la gorge et les yeux. Une ancienne machine à vapeur est remise en fonctionnement pour maintenir la ventilation dans la salle des séances. Les appareils de chauffage – les calorifères – ne fonctionnent plus et le palais est envahi par le froid.
L’Assemblée continue toutefois de siéger malgré la confusion et l’animation qui règnent. Quelques députés demandent l’ajournement des séances mais d’autres considèrent qu’il affolerait la population.
À la demande du Gouvernement, la Chambre adopte en urgence un crédit de deux millions de francs destiné à secourir immédiatement les personnes sinistrées. Les députés de Paris et de la Seine sont convoqués pour prendre des mesures relatives aux inondations. Une proposition de loi est déposée tendant à ce que les salles et locaux municipaux soient, en cas de nécessité, mis à la disposition des sinistrés.
Le 26 janvier, il neige toute la matinée. L’après-midi, l’eau monte rue de Bourgogne par suite du refoulement des égouts. Le 27, les communications téléphoniques et télégraphiques entre les assemblées parlementaires sont interrompues. Un service de télégraphistes est alors organisé pour échanger au moyen de télégrammes.
Les employés logés au palais Bourbon sont évacués de leur chambre et campent sur des lits d’appoint dans les bureaux et les commissions. La Questure leur remet un seau de charbon par jour. Le secrétariat général de la Questure émet un « avis important » prévenant qu’« en raison des dangers de contaminations de l’eau pouvant résulter de la crue par la suite de l’envahissement des conduits du Palais-Bourbon par les eaux d’égout, les habitants du Palais sont instamment priés de ne faire usage que d’eau bouillie pour leur alimentation ». Le ravitaillement en nourriture est lent et difficile.
Le 28 janvier, les militaires du génie de Versailles sont appelés et planifient la construction d’une passerelle entre le Palais et la rue de Bourgogne. Le ministère de la marine fait appel aux marins de la flotte de Brest qui savent manier les canots Berthon (barques pliables à fond plat) remis par la Préfecture de la Seine, dont deux sont mis à disposition du secrétariat général de la Questure pour les besoins des services, au départ d’un escalier de la Cour d’honneur jusqu’à l’esplanade des Invalides, avec allers et retours toutes les quinze minutes. Une note de la Questure demande aux agents du Palais de veiller à ne laisser accéder aux pontons d’embarquements que les membres du Parlement munis de leur médaille ou de leur carte d’identité et les personnes disposant d’un laissez-passer. Deux autres barques sont utilisées rue de Constantine pour transporter les députés, le personnel, les ouvriers et les divers fournisseurs à destination de la Cour d’honneur.
Le 29 janvier, plus d’un mètre d’eau recouvre le palais et la Cour d’honneur ainsi que la place du Palais-Bourbon.
La crue va progressivement diminuer dans les jours suivants. Le 2 février, la place du Palais-Bourbon est dégagée. Les cours intérieures du palais sont à sec sauf la cour des écuries. Il est à nouveau possible de circuler dans la Cour d’honneur en début d’après-midi. Le 3 février, les eaux se sont retirées, sauf dans les caves. Les calorifères fonctionnent à nouveau. Le palais est nettoyé, remis en état, et les murs inondés sont désinfectés.
La Seine retourne définitivement dans son lit le 15 mars suivant.
L'un des sténographes de la Chambre des députés, Robert Capelle, contemporain de la crue, a illustré un compte rendu personnel des événements.