Histoire et Patrimoine


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Troisième République

1909-1914

Jean Jaurès et la paix

Né à Castres le 3 septembre 1859, Jean Jaurès est l’un des grands tribuns de l'histoire parlementaire. Normalien, professeur agrégé de philosophie, il est élu député du Tarn en 1885 – il a alors 26 ans – puis de nouveau en 1893, et de 1902 jusqu’à sa mort en 1914.

 

Républicain modéré, Jean Jaurès évolue vers le socialisme en soutenant la grève des mineurs de Carmaux en 1892. Il inscrit cette doctrine politique dans la continuité de la Révolution française et de l'idéal républicain, et devient une des personnalités dirigeantes du socialisme français dès 1893. Il s'efforce d'unifier les différentes tendances du mouvement ouvrier en fondant le journal L'Humanité en 1904 et en participant à la création de la SFIO – Section française de l’Internationale ouvrière (parti socialiste) l'année suivante.

 

Jean Jaurès déploie son action tant en France qu’à l’étranger et commence à accorder la priorité, dans le combat politique, au contexte international. La guerre russo-japonaise de 1904 et la première crise marocaine de 1905 accentuent le danger de guerre générale ;  il met à profit ces circonstances pour approfondir ses connaissances militaires.

 

Le 18 décembre 1909, à la tribune de la Chambre des députés, il interpelle ses collègues sur les risques de guerre « impérialiste » latente entre l’Allemagne et l’Angleterre et conclut son discours en affirmant : « Il n'appartient à personne de disposer de la France, et je dis que si nous voulons qu'entre l'Angleterre et l'Allemagne le conflit n'éclate pas, nous pouvons y aider pour notre part en avertissant bien haut tous les pays du monde que nous ne nous laisserons envelopper dans aucun conflit, dans aucune intrigue et que nous voulons rester libres de nos mouvements pour travailler à la paix du monde ». Entre 1903 et 1913, il interpelle les gouvernements plus d’une vingtaine de fois sur les tensions franco-allemandes liées aux crises marocaines.

 

Jean Jaurès réfléchit à l’action diplomatique avec la rédaction du tome XI de « l’Histoire socialiste » consacré à la guerre franco-allemande de 1870, publié en 1908. Il rédige ensuite un essai publié en librairie en 1911 sous le titre l’Armée nouvelle. L’introduction de son ouvrage dévoile sa pensée sur la probable guerre à venir sans verser dans un pacifisme intransigeant.

 

Au cours d’un débat à la Chambre des députés le 20 décembre 1911, il dénonce le péril d’une guerre européenne et tente de convaincre ses collègues de l’impériosité de la paix : « Messieurs, les forces de guerre qui sont dans le monde, je ne les méconnais pas ; mais il faut voir aussi, il faut reconnaître et saluer les forces de paix […]. La guerre même travaille à sa manière pour la paix par l'idée des horreurs que la guerre moderne déchaînerait ». Il poursuit, mettant en garde son auditoire : « Et qu’on n’imagine pas une guerre courte, se résolvant en quelques coups de foudre et quelques jaillissements d’éclairs […]. Ce seront des masses humaines qui fermenteront dans la maladie, dans la détresse, dans la douleur, sous les ravages des obus multipliés, de la fièvre s’emparant des malades. »

 

Il s’investit dans la IIe Internationale – organisation internationale du mouvement socialiste de 1889 à 1923 – et élabore une stratégie à la fois républicaine et socialiste en faveur de la paix. La crise d’Agadir de 1911 et le début des guerres balkaniques en octobre 1912 exacerbent l’inquiétude de la guerre générale et engagent l’Internationale à convoquer en urgence un congrès extraordinaire à Bâle les 24 et 25 novembre 1912 où Jaurès prononce un discours au cours duquel il cite le poète allemand Friedrich von Schiller :  « Vivos voco, mortuos plango, fulgura frango ! Vivos voco : J’appelle les vivants pour qu’ils se défendent contre le monstre qui apparait à l’horizon. Mortuos plango. Je pleure sur les morts innombrables couchés là-bas vers l’Orient et dont la puanteur arrive jusqu’à nous comme un remords. Fulgura frango. Je briserai les foudres de la guerre qui menacent dans les nuées. »

 

Lors d’une séance à la Chambre des députés le 17 juin 1913, Jean Jaurès oppose au projet du Gouvernement de Louis Barthou de prolonger la durée du service militaire à trois ans, une nouvelle organisation militaire de la France, principalement défensive. Il estime que le projet de loi « en accroissant la durée du service de caserne, rend plus difficiles à tous les points de vue, au point de vue financier, au point de vue militaire, au point de vue social, la grande organisation militaire que réclame le pays républicain, la préparation et l'éducation physique de la jeunesse, l'éducation, l'entraînement, l'encadrement des réserves et, par cela seul que ce projet ferme à l'institution militaire en mouvement les routes de l'avenir, il la refoule nécessairement, vers les formes du passé, vers le type suranné de l'armée de métier. »

 

Dans son dernier discours prononcé en France, dans la commune lyonnaise de Vaise, le 25 juillet 1914, alors qu’il est présent pour soutenir la candidature à la députation de Marius Moutet, il martèle ses propos, toujours alarmé par la montée des tensions internationales, sur les risques du danger à venir et déclare avec force que « jamais l’Europe n’a été dans une situation plus menaçante et plus tragique que celle où nous sommes à l'heure où j'ai la responsabilité de vous adresser la parole. »

 

Le 28 juillet 1914, l’Empire austro-hongrois déclare la guerre à la Serbie. Une réunion plénière du Bureau socialiste international est convoquée en urgence pour les 29 et 30 juillet à la Maison du peuple de Bruxelles. Elle tente d’influer contre la tentation de la mobilisation générale des pays alliés et d’éviter la guerre à tout prix. Le soir du 29 juillet, une réunion de militants se tient au Cirque royal de Bruxelles. Parmi les déclarations, celle de Jean Jaurès sur les conséquences funestes des traités d’alliance militaire entre États, connaît un immense succès : « Nous ne connaissons qu’un traité, le traité qui nous lie à la race humaine ! ».

 

Le 31 juillet 1914, Jean Jaurès est assassiné à Paris, au café du Croissant, par Raoul Villain, la veille de la mobilisation générale décrétée en France.

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