Histoire et Patrimoine
Frise chronologique
Troisième République
L’après-guerre : chambre bleu horizon, cartel des gauches, union nationale, « concentration républicaine »
Après l’armistice du 11 novembre 1918, Georges Clemenceau reste président du Conseil et Raymond Poincaré, président de la République. Les consultations électorales ayant été suspendues pendant la durée du conflit, les corps élus doivent être renouvelés avant l’échéance de l’élection présidentielle prévue pour janvier 1920. L’état de siège n’est levé que le 12 octobre 1919, par décret.
En novembre 1919, les élections législatives sont remportées majoritairement par le « Bloc national » – alliance électorale initiée par l’Alliance démocratique le 22 octobre 1919 pour une conjonction des centres des partis politiques, sous le mot d’ordre « Ni réaction, ni révolution ». La Chambre des députés dite « bleu horizon » reflète les nombreux anciens combattants élus souhaitant rester « unis comme au front » et rappelle la couleur de leur uniforme pendant la guerre.
Paul Deschanel, républicain progressiste, est réélu président de la Chambre des députés le 14 janvier 1920. Le 17, les deux assemblées réunies en « Assemblée nationale », l’élisent à la présidence de la République, contre son opposant Georges Clemenceau. Alexandre Millerand est désigné président du Conseil.
Le Gouvernement est confronté à de fortes revendications sociales au sortir d’une guerre qui a détruit une partie de son territoire et appauvri la population. Le coût de la reconstruction est évalué pour la France à 35 milliards de francs-or. Le choc démographique causé par la guerre impose la poursuite du travail des femmes et l’appel à une immigration importante.
La situation inflationniste de l’après-guerre liée au financement du conflit, à la reconstruction, aux montants des pensions de guerre et à une dette publique élevée, conduit à une forte baisse de la valeur du franc sur le marché des changes. L’Allemagne ne s’acquittant pas de toutes ses obligations mentionnées dans le traité de Versailles, la compensation financière attendue est incomplète.
Dès lors, le Gouvernement procède à une forte augmentation de l’impôt alors que la hausse des prix est déjà massive. Les mouvements sociaux se durcissent. La grève des cheminots de 29 jours, en mai 1920, mène environ 18 000 agents de la corporation à être révoqués, rayés des cadres ou licenciés, soit environ 12 % des agents grévistes.
Alexandre Millerand est élu président de la République en septembre 1920 après la démission de Paul Deschanel. Les gouvernements se succèdent. Celui dirigé par Georges Leygues, constitué en septembre, est renversé sur le projet de raccourcissement à dix-huit mois du service militaire. Il est remplacé par le ministère d’Aristide Briand le 16 janvier 1921.
Une Conférence est ouverte dans la ville de Cannes du 6 au 13 janvier 1922. Elle réunit les pays vainqueurs de la guerre sous l’égide des gouvernements français et britannique respectivement dirigés par Aristide Briand et David Lloyd George. Lorsque les députés apprennent leur objectif – l’allègement du montant des réparations et des dettes de guerre allemandes – ils renversent le Gouvernement de Briand le 12 janvier 1922 ; la conférence est interrompue sine die.
Le Gouvernement suivant comprend des modérés du centre, deux radicaux-socialistes et deux républicains-socialistes. Le président du Conseil, Raymond Poincaré, s’avère intransigeant envers l'Allemagne qui, depuis novembre 1922, n'assure plus les livraisons de charbon exigées par le traité de Versailles alors que la France doit rembourser les crédits de guerre accordés par le département du Trésor américain et les Britanniques, évalués par le chef du Gouvernement, au cours de son discours à la Chambre des députés, le 15 décembre 1922, à respectivement 13 milliards de "marks-or" et 10 milliards de "marks-or" . Le défaut de paiement de l'outre-Rhin conduit le Gouvernement, après débats avec les députés, à donner l'ordre aux troupes françaises d'occuper les centres de productions de charbon, d'acier et de fer du bassin de la Ruhr où elles pénètrent, le 11 janvier 1923, accompagnées de l'armée belge. Contraint d'accepter les accords du plan Dawes américain qui allège fortement la dette de guerre allemande due aux pays vainqueurs, le Gouvernement maintient, en réaction, les troupes françaises dans la Ruhr jusqu'en 1925.
En outre, une spéculation boursière attaque le franc. Une politique d'économies est décidée pour la contrer par le biais de décrets-lois pris à la suite de délégations législatives, dont la première est adoptée en mars 1924. Ces mesures de redressement – augmentation des impôts de 20 %, diminution des emplois de fonctionnaires – sont impopulaires.
Aux élections législatives de mai 1924, le Bloc national est très nettement battu par le « Cartel des gauches » – coalition électorale regroupant les partis politiques opposés aux partis de droite. Aucun des chefs de file du Cartel n'accepte d'être nommé chef du Gouvernement par le président de la République Alexandre Millerand. Il lui est reproché un discours prononcé à Évreux, le 14 octobre 1923, demandant un renforcement significatif du pouvoir exécutif. Millerand est ainsi contraint à la démission par la « grève des ministres ». Il est remplacé par Gaston Doumergue, contre le candidat du Cartel, Paul Painlevé.
Édouard Herriot, président du parti radical depuis 1919, est nommé président du Conseil, le 15 juin 1924. Il forme un ministère de centre-gauche – comprenant 13 radicaux – qui reconnaît l'Union soviétique et fait voter l'abrogation des décrets-lois de mars.
Le nouveau Gouvernement ne parvient pas à mettre en œuvre la politique annoncée de laïcisation ; la Chambre des députés, contrairement au Sénat, adopte la suppression de l'ambassade de France auprès du Saint-Siège. Le Gouvernement échoue également à faire appliquer la loi sur la séparation des Églises et de l'État dans les départements d’Alsace et de Moselle annexés par l’Empire allemand au moment de son adoption en 1905.
Confronté à une crise de trésorerie, le Gouvernement propose un impôt forcé sur la fortune. Mis en minorité au Sénat le 10 avril 1925 – même s’il n’est pas constitutionnellement responsable devant la Haute-Assemblée – Édouard Herriot démissionne. Les gouvernements suivants de Paul Painlevé et d’Aristide Briand échouent dans le lancement d'un emprunt. En juillet 1926, la tentative de formation d'un deuxième Gouvernement Herriot échoue – le cabinet ne dure que deux jours. La déroute financière n’ayant pu être enrayée, les petits épargnants retirent leurs dépôts des caisses d'épargne, le franc chute et le gouverneur de la Banque de France menace le président du Conseil de cesser ses avances. Le Cartel des gauches affirme être victime du « mur d'argent » imposé par les milieux d’affaires.
Pour sauver le franc, le Gouvernement de Raymond Poincaré constitue, en juillet 1926, un cabinet d'Union nationale. Le cabinet est restreint à treize ministres dont six anciens présidents du Conseil et, parmi ces derniers, les cinq qui se sont succédé depuis 1920. La confiance revient progressivement et les capitaux font leur retour de l'étranger vers la France. Le chef du Gouvernement propose d'inscrire dans les textes constitutionnels la création d'une caisse autonome de gestion des bons du Trésor et d'amortissement de la dette publique, dotée de ressources propres, vers laquelle seraient dirigées les recettes provenant des taxes sur le tabac et les allumettes. La Chambre des députés et le Sénat réunis en Assemblée nationale pour procéder à la révision constitutionnelle, adoptent très majoritairement un article additionnel à la loi du 25 février 1875 sur l'organisation des pouvoirs publics. Des économies administratives sont également opérées – notamment la suppression de 106 sous-préfectures –, après que la Chambre a accordé au nouveau cabinet les pleins pouvoirs nécessaires au redressement financier qu'elle avait refusés aux gouvernements précédents.
L'échec du cartel est attesté par la victoire des modérés aux élections législatives d'avril 1928. Elles se déroulent au scrutin majoritaire uninominal à deux tours et marquent le succès personnel de Raymond Poincaré par l’appui de 400 députés sur les 607 élus. Dans un discours à la Chambre, il demande la participation de tous les Français pour soutenir les exportations qui représentent le quart de la production industrielle et impose la dévaluation contre la déflation. La loi monétaire du 25 juin 1928 vise à défendre la compétitivité économique. La fin du franc germinal est entérinée. L'unité monétaire est redéfinie : la valeur-or du franc est diminuée des quatre cinquièmes par rapport à 1914 et il est ainsi dévalué de 80 %.
La majorité se divise après les élections d’avril et, en novembre 1928, les ministres radicaux quittent le Gouvernement par une décision du congrès de leur parti. Le 11 janvier 1929, la confiance est accordée par la Chambre des députés au cinquième Gouvernement de Raymond Poincaré par une majorité de voix du centre et de la droite contre celles de presque tous les radicaux-socialistes. Les gouvernements suivants deviennent « de concentration républicaine » (centre et droite républicaine). Poincaré, malade, se retire en juillet 1929.